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Full text of "Congrès des sociétés savantes de Provence, Marseille (31 juillet-2 août 1906). Comptes-rendus et mémoires"

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4S 
I  3  c 


CONGRÈS 


I>fiS 


Sociétés  Savantes  de  Provence 

1906 


CONGRÈS 


DES 


Sociétés  Savantes  de  Provence 


MARSEILLE 


(31    J-uillet  -  s     Août    1906). 


COMPTES-RENDUS   ET   MÉMOIRES 


AIX  .  EN  -  PROVENCE  ^ 

A.  Dragon,  Libraire, 
I,    Place    des    Prêcheurs,    1 


i9oy 


MARSEILLE 

P.    Ru  AT,    Libraire, 
54,  Rue  Paradis,  64 


1 J»  \^ 


DEUX  membres  de  la  Société  d'Études  Provençales^ 
un  dimanche  d'octobre  igoS,  s'entretenant  de  l'Ex- 
position Coloniale  de  Marseille,  qui  s'annonçait  comme 
la  manifestation  la  plus  éclatante  de  la  vitalité  de  notre 
grand  port  méditerranéen,  envisagèrent  les  avantages 
qu'il  y  aurait  à  réunir  à  Marseille,  à  cette  occasion,  un 
Congrès  des  Sociétés  savantes  de  Provence. 

Il  leur  parut,  tout  d'abord,  que  ce  Congrès  serait,  pour 
ainsi  dire,  la  synthèse  des  efforts  accomplis  par  tous  les 
groupements  qui  se  sont  donné  la  tâche  de  faire  mieux 
connaître,  sous  tous  ses  aspects,  ce  grand  et  beau  pays. 

Ils  y  virent,  en  outre,  une  occasion  de  cimenter 
l'union  qui  doit  régner  entre  des  groupes  concourant 
au  même  but,  et  d'inaugurer,  en  cette  circonstance  so- 
lennelle, une  série  de  congrès  provençaux  qui  pourraient, 
à  l'avenir,  se  renouveler  successivement  dans  chacune 
des  villes  de  la  région. 

I^urs  amis,  auxquels  ils  firent  part  de  cette  idée,  les 
encouragèrent  vivement  à  la  mettre  à  exécution.  Les 
secrétaires-correspondants  de  la  Société  d'Études  Proven- 
çaleSj  pressentis  sur  l'accueil  que  cette  idée  recevrait  dans 
leur  milieu,  répondirent,  tous,  par  un  avis  favorable. 


Le  Bureau  de  ce::e  S.\::e:é,  car.s  >à  rèuni-^n  du  di- 
n^anche  2?  r..^ver::rre  :•>  ô.  sa: s:  i'ur.e  rrop-.'^siiion  dans 
ce  ser.s.  décida,  à  *.*ur.jr.:rr.::e.  de  prer^dre  I*:ni:iaiive  de 
ceC^r.crès  e:  rreser.ta  ur.  rr:  e:  à  !'A>>crr.b:êe  cênérale 
du  u  decer.'.'rre  >u:\ar.:  »:u.,  '.'arpr:  u\ar.:  >àr.s  réserve, 
desicr.a,  sear.ce  :cr.ar.:e,  plusieurs  de  ses  membres  pour 
raire  partie  du  C.  m::e  d':r::::a::ve. 

r.  :i'y  axai:  p,is  de  :em.ps  à  perdre,  l'r.  pr.  jiramme, 
aus>.;*:  cabre,  'u:  pub"  c  dar.s  le  r.um.er  de  Janvier- 
•cvr.c:*  :,#  '"^  des  .4  •:•:.:  W.îV  .j  5c*c:e:é  a  Éludes  Proifen-' 
traies  e:.  ::ro  à  pa-:  à  m  !.e  c\cm.r!a.res.  "  :'u:  rerundu 
dar-ïs  :^u:c  'a  Tmcncc  c:  !c>  'Li::^:s  c  rcrnv  .:s;nes. 

K::  mOmc  :cmp>.  cc::e  dcc  d'un  •.2:ni:rcs  pr-j^ven^a! 
c:a::  soum:>c  à  V.  ;.  v^^n.;-  cs-R  ^\.  c  mmissa.rc  ue~era! 
de  !K\p/^s;::.  ::  «.\  !  -^  a!^.  .:  ■Ajuû;.m:e  de  \ia:-se:;!e.  à 
.  Acauc:v. :c  u  .\.\  ci  u  c„c  c.-cs  .lit^^îs  C.  rrs  sa'iar^ts  de 
!*•  •  *" r*    5...  ».. ..  V.  V.    „.  ,i.w,.*.w     . ;.  ,-. » L'^  'axcj^r. 


>\v;i\'t"  .i  t^ruÀrs  :*r\  î'f  :;.:.i.<.  .u      '■..,;.:.—  ,.  u"  \  \  c:  de 
lAcadc:':*  c    ùw    M.:r>c     c.  >c       -^\;      ^^  .::;.•';:'::    cr 


-  .-     >    -Te- 


\  lie  u  a  r  -^  :  c  *  .  c  n  u  '  v  '^  i:  c  r.  l  :\.  .  ^  ,: ..  -  - 
rciiniiv'  :c-"..c  .:  N^.v-'^L  ;;.  .:..  ^  .^;;  .;,  Vj,-::;.-":  l.  !e 
:oiid:  ^  '"tia:.  ce  r,-^*.:c  ucc  ^,:  .:\  -  .  .;;-  ,;  :  ^.:;;v  es 
SiV:cie>  uc  .î  P"\'\c'wC  c.  s".^"*  "v^  ">  j  -^-  -  X  ~iN 
LKic  Circirarc  io  :*\  :.;  *:  .:  u  - -,  ■  ^„-  ..^-^^  -  ^^ 
C'-i^n^rcs.  a  ucN.i::''.c"  Uw>  Ui.;.i^.:i>   .^.  ..      ..   \    ;\.  ■:  ;,    u^ 

lIvvTiîîc   d\^:i:a:'i:Na:..:':  c:    .:   >c    '.:   \     -/.>.:.    :a~: 

que  pv^NNible,  à  ut'ic  -yu::.  :':  uc  ,.  .  --  :;.  .:,.  ^;;;-  :  - 
axi'ir  lieu,  ie  -eud;  :-  va.,  .;,.  N.i^i  ,;,  \:._-.^  -  ^  j*;^ 
Marseille,  aîin  darrcur  .0  :\i>c>  vU     \  : \,,-.  *  >..: 


CCI  appel,  les  Societcs   rêpondireni  nombreuses,*  et' 
désif'nèreni»  chacune,   un  ou  plusieurs  délégués, 

A  la  réunion  du  17  mai,  à  laquelle  assisiaient  des  repré- 
sentants de  la  plupart  des  Sociétés  de  Marseille  et  des 
villes  voisines,  le  Comité  d'or^^anisation,  définitivement 
constitué,  élut  les  Membres  de  son  Bureau,  fixa  la  date  de 
rouveriure  du  Congrès  au  r'  août  et  sa  durée  à  deux  ou 
troîsjours, suivant  le  nombre  des  communications, décida 
qu'une  nouvelle  circulaire  serait  envovée  aux  intéressés 
pour  porter  celte  organisation  à  leur  connaissance,  et 
chargea  le  Bureau  de  régler  les  détails  qui  n*auraîent  pas 
été  prévus  par  TAssemblée. 

Entre  temps,  M.  le  Ministre  de  Tlnsiruclion  publique, 
des  Beaux-Arts  et  des  Cultes,  à  qui  notre  projet  avait  été 
soumis,  voulut  bien,  afin  de  manifester  la  sympathie 
que  lui  inspirait  cette  tentative  de  décentralisation,  délé» 
guer  M.  Bclin,  recteur  de  PAcadémie  d*Aix-Mârscille, 
pour  ly  représenter. 

De  son  côté,  le  Conseil  général  des  Bouches-du-Rhône 
témoignait  un  vif  désir  de  voir  réussir  notre  entreprise  et 
volait  une  subvention  de  5oo  francs  pour  faire  t^ce  aux 
frais  d'organisation  du  Congrès, 

S.  A.  S.  le  Prince  Albert  I*'  de  Monaco,  sollicité  de 
prendre  part  à  cette  manifestation  de  la  vie  intellectuelle 
en  F^rovence,  avait  désigné  pour  l'y  représenter  oHiciel- 
lement  M.  L.-H,  Labande,  archiviste  de  la  Principauté* 

Enlin^  MM.  L  Charles-Roux,  commissaire  général  de 
TExposition  Coloniale  ;  Foncin,  inspecteur  général  de 
rilisiruclion  publique;  Frédéric  Mistral,  incarnation 
vivante  du  génie  provençal  ;  R,  de  Saint-Arroman,  chef 


—  8  — 
du  bureau  des  Sociétés  savantes  au  Ministère  de  Tlns- 
iruclion  publique,   voulurent  bien    prendre  le  Congrès 
sous  leur  patronage  et  en  accepter  la  Présidence  d'hon- 
neur. 

Tout  ainsi  arrêté,  il  ne  restait  qu  a  passer  à  l'exécution. 
I  A's  Compagnies  de  chemins  de  ter  accordèrent  aux  Con- 
gressistes, p4:>ur  se  rendre  à  Marseille,  une.  remise  de 
Soo'o  sur  les  prix  de  leur  tarif  général  :  l'Administration 
de  TKxposition  Coloniale  mit  gratuitement  à  leur  dispo- 
Mii/;n  des  cartes  d'entrée  permanente  à  l'Exposition  pen- 
d;jnl  la  durée  du  Congrès. 

|j;jns  une  dernière  réunion  du  Bureau  et  du  Comité 
d'of  ^^'^nisalion  tenue  au  siège  de  l'Académie  de  Marseille, 
\t:  %<:ndrc<li  20  juillet,  il  ùit  décidé  que  le  Congrès  s'ou- 
vfir;Ht  le  fiiercredi  3i  juillet  et  se  clorait  le  jeudi  2  août. 
(,;i  v:;iric<;  d'ouverture  et  celle  de  clôture  devaient  avoir 
hi'ii  fl;iri'>  l'i  salle  des  têtes,  au  Grand  Palais  de  TExposi- 
hori,  «•!  l'-*>  séances  pour   la  lecture  el   la   discussion   des 
nM-iiMH»rs  dans  les  salles  et  amphiihéàires  de  la  Faculté 
di'^  ^iH-fiirs  mis  gracieusement  à  la  disposiii»Mi  du  Con- 
^^ii"^  |»iir  M.  Charve,  doyen  de  la  Faculté.  Les  présidents, 
VII  !•  |»ft''Shli'iMs  cl  secrétaires  furent  désignés  p«^ur  cha- 
I  iMir  d<*H  M't.H'Mis,  dont  le  nombre  fui  tixé  à  quatre  :  ar- 
I  hrn|i»fj;ir  ;   histoire  ;  langue   et    litiéraluro    pn»\onv;ales, 
InlkliUr,   liinnllfs,  heaux-aris  :  sciences  éc-uioniiques  el 
fïoiHih'S,   M  M'Mcrs  physiques  el  naturelles,  géographie. 

(  .l'prinlaiil,  l»*s  Miénioires  arrivaient  nombreux,  plus 
iiofiihiiMU  qu'on  «Mil  osé  Tespérer.  Ils  aileignireni.  a 
qiirl»|UfS  unilés  pH's.  le  chiffre  de    io<.). 

I  M    piof'riunnif  ilélinilil,  avec  lisie  des  coinnuinica- 


—  9  - 
rions,  fut  adressé,  en  date  du  25  juillet,  à  tous  ceux  qui 
avaient  donné  leur  adhésion. 

Enfin,  l'ouverture  du  Congrès  eut  lieu  au  jour  et  à 
l'heure  fixés  devant  une  assistance  où  l'on  remarquait  des 
érudits,  des  archéologues,  des  littérateurs,  amenés  à  Mar- 
seille autant  par  l'attrait  du  Congrès  que  par  celui  de 
l'Exposition. 

Les  séances,  à  la  Faculté  des  sciences,  furent  en  géné- 
ral bien  suivies  et  fort  animées.  Des  échanges  de  vues 
féconds  se  produisirent  et  des  relations  solides  se  nouè- 
rent entre  des  gens  qui,  pour  la  plupart,  se  connais- 
saient déjà  par  leurs  travaux,  mais  qui  étaient  heureux 
d'entrer  en  rapports  plus  intimes. 

Le  jour  de  la  clôture,  un  banquet  réunissait  au  restau- 
rant de  la  Plage  une  quarantaine  de  Congressistes.  Au 
dessert,  pendant  que  l'escadre  simulait  l'attaque  de  Mar- 
seille, de  nombreux  toasts  furent  portés. 

Quelques  heures  après,  tous  se  réunissaient  une  der- 
nière fois  dans  la  salle  des  fêtes  du  Grand  Palais  de 
l'Exposition  pour  entendre  et  applaudir  un  intéressant 
discours  de  M.  Arnaud  d'Agnel  sur  l'utilité  pour  la 
ville  intellectuelle  en  Provence  d'un  Congrès  périodique 
des  Sociétés  savantes  et  une  enlevante  allocution  de 
M.  J.  Charles-Roux  sur  la  décentralisation  et  la  poésie 
provençale. 

Puis  les  Congressistes  se  sont  dispersés,  emportant  le 
meilleur  souvenir  de  ces  assises  scientifiques,  où  n'a  cessé 
de  régner  la  plus  franche  cordialité,  et  ont  regagné  leurs 
domiciles  respectifs,  en  se  disant  non  pas  adieu,  mais  au 
revoir. 


—    lO  — 

Car,  dans  une  réunion  plénière,  tenue,  sous  la  prési- 
dence de  M.  Belin,  recteur  de  l'Académie,  président  du 
Bureau,  dans  le  grand  amphithéâtre  de  la  Faculté  des 
sciences,  à  Tissue  de  la  dernière  séance  pour  la  lecture  des 
mémoires,  tous  avaient  voté  pour  le  principe  de  la  pério- 
dicité des  Congrès  des  Sociétés  savantes  de  la  Provence, 

Ainsi  se  trouve  pleinement  réalisé  l'espoir  des  promo- 
teurs du  Q>ngrès,  puisqu'il  a  contribué  à  cimenter  l'union 
entre  tous  les  hommes  et  les  groupes  qui  s'intéressent 
au  passé  comme  au  présent  et  à  l'avenir  de  la  Provence, 
et  que  ce  Congrès  s'annonce  comme  le  premier  d'une 
série  qui  se  continuera,  choisissant  successivement  pour 
siège  chacune  des  villes  de  la  Provence. 

Le  Secrétaire  général, 

F.-N.    NiCOLLET, 
Professear  aa  lycée  Mignet. 


DOGUMEllTS  OFFICIELS 

PROGRAMME 

DU 

CONGRÈS  DES  SOCIÉTÉS  SAVANTES 

DE    PROVENCE    (i). 


Histoire. 


1.  Étudier  les  authentiques  de  reliques  conservées  dans  les 
trésors  de  diverses  églises  provençales. 

2.  Signaler  les  cartulaires.  les  obituaires,  les  pouillés  et  en 
général  les  documents  relatifs  à  Thistoire  de  la  Provence  con- 
servés soit  en  dehors  des  dépôts  publics,  soit  à  l'étranger,  no- 
tamment en  Espagne  et  en  Italie. 

3.  Rechercher  dans  les  textes  diplomatiques  antérieurs  au 
milieu  du  xiit*  siècle  les  surnoms  ou  sobriquets  qui  peuvent  ac- 
compagner les  noms  de  personnes. 

4.  Relever  dans  des  chartes  antérieures  au  xnr  siècle,  et  pour 
la  région  provençale,  les  noms  des  témoins  ;  les  classer  de  ma- 
nière à  fournir  les  indications  précises  pour  aider  à  lachrono- 


'  Il  est  bien  entendn  qae  par  le  terme  Propence,  re?enant  fréquemment 
aa  cours  de  ce  programme,  on  a  voalu  indiquer  tonte  la  région  de  langue 
provençale  (Comut-Venaissin,  comté  de  Nice,  principautés  d'Orange  et 
de  Monaco,  et  même  Gapençats}. 


t 


—    12   — 

logFC  des  documents  qui  ne  sont  pas  datés.  —  Établir  et  justi 
fier  la  chronologie  des  fonctionnaires  ou  dignitaires  civils  ou 
ecclésiastiques  dont  il   n'existe  pas    de   listes  suffisamment 
exactes. 

5.  Signaler  dans  les  archives  et  dans  les  bibliothèques  les 
pièces  manuscrites  ou  les  imprimés  rares  qui  contiennent  des 
textes  inédits  ou  peu  connus  de  chartes  de  communes  ou  de 
coutumes. 

6.  Étudier  l'administration  d'une  commune  sous  l'ancien  ré- 
gime, en  Provence,  à  l'aide  des  registres  des  délibérations  et 
des  comptes  communaux.  Définir  les  fonctions,  des  officiers 
municipaux  et  déterminer  le  mode  d'élection,  la  durée  des 
fonctions,  le  traitement  ou  les  privilèges  qui  y  étaient  atta- 
chés. 

7.  Établir,  à  l'aide  des  anciens  registres  de  comptes,  des  re- 
gistres cadastraux  et  autres  documents,  et  pour  une  période 
déterminée  antérieure  à  la  Révolution,  quelles  étaient  les  sour- 
ces de  revenus  d'une  commune  ou  d'une  communauté. 

8.  Signaler  pour  les  xni*  et  xiv*  siècles,  les  listes  de  vassaux 
ou  les  états  de  fiefs  mouvants  d'une  seigneurie  ou  d'une  église 
quelconque  ;  indiquer  le  parti  qu'on  en  peut  tirer  pour  l'his- 
toire féodale  et  pour  la  géographie  historique. 

9.  Registres  paroissiaux  antérieurs  à  l'établissement  des  re- 
gistres de  rétat-civil  ;  mesures  prises  pour  leur  conservation  ; 
services  qu'ils  peuvent  rendre  pour  l'histoire  des  familles  ou 
des  pays,  pour  les  statistiques  et  pour  les  autres  questions  éco- 
nomiques. 

10.  Chercher  dans  les  registres  de  délibérations  communales 
et  dans  les  comptes  communaux  les  mentions  relatives  à  l'ins- 
truction publique  :  subventions,  nominations,  listes  de  régents, 
matières  et  objet  de  l'enseignement,  méthodes  employées. 

11.  Donner  des  renseignements  sur  les  livres  liturgiques 
(bréviaires,  diurnaux,  missels,  antiphonaires,  manuels,  pro- 
cessionaux,  etc.)  imprimés  avant  le  xvn*  siècle,  à  l'usage  d'un 
diocèse,  d'une  église  ou  d'un  ordre  religieux. 


-  f3  - 

12.  Recueillir  les  renseignements  qui  peuvent  jeter  de  la  lu- 
mière sur  rétat  du  théâtre,  sur  la  production  dramatique  et 
sur  la  vie  des  comédiens  en  Provence. 

i3.  Étudier  l'intérêt  qu'ont,  au  point  de  vue  historique  et  au 
point  de  vuepratique,  lesarchivescommunales  et  hospitalières, 
ainsi  que  les  moyens  d'assurer  leur  conservation. 

14.  Exposer  l'histoire  d'une  administration  municipale  de 
canton  sous  le  régime  de  la  Constitution  de  l'an  111. 

i5.  La  grande  peur  dans  un  village  ou  une  région  de  la  Pro- 
vence. 

16.  Les  fédérations  eh  1789  et  1790. 

17.  Étudier,  dans  une  commune,  la  question  religieuse  de 
1789  à  1795.  Les  cultes  de  la  Raison  et  de  l'Être  suprême. 

j8.  Notices  et  documents  inédits  sur  les  représentants  du 
peuple  aux  assemblées  révolutionnaires. 

19.  Monographie  d'un  club,  d'une  société  populaire. 

20.  La  levée,  la  composition  et  l'organisation  d'un  bataillon 
de  volontaires. 

21.  Étudier  les  variations  de  l'esprit  public  dans  une  com- 
mune, de  la  Révolution  au  Consulat. 

22.  Dresser  la  biographie  et  étudier  sommairement  l'œuvre 
littéraire  d'un  écrivain  provençal  (troubadour,  troubaire  ou  fé- 
libre). 

23.  Signaler  les  textes  provençaux  inédits. 

24.  Étudier  les  artistes  pro^nçaux  (c'est-à-dire  originaires 
de  la  Provence  ou  étrangers  y  ayant  travaillé)  et  les  œuvres 
d'art,  d'après  les  documents  conservés  dans  lesarchives  publi- 
ques ou  particulières. 

Archéologie. 

25.  Faire,  pour  chaque  département,  un  relevé  des  sépultu- 
res préromaincs  en  les  divisant  en  deux  catégories  :  sépultures 
par  inhumation,  sépultures  par  incinération. 

26.  Étudier  les  divinités  indigètes  d'après  les  monuments 
figurés  et  les  monuments  épigraphiques. 


14  - 


27-  Faire  connaître  ce  que  les  textes  et  les  monuments  anti- 
ques de  loui  genre  peuvent  apprendre  sur  Tindusirie  et  le  com- 
merce dans  ia  Gaule  Narbonnaise  à  1  époque  romaine. 

28.  Signaler  les  documents  d'archives,  les  manuscrits  an- 
ciens 00  la  correspondance  des  antiquaires  des  derniers  siècles 
qui  peuvent  servir  à  établir  l'âge  ou  l'histoire  d'un  monument 
archéologique  déterminé. 

29.  Décrire  les  monumenisgrecs  qui  se  trouvent  dans  les  col- 
lections publiques  00  privées,  particulièrement  de  la  région  du 
Sud -Est  ;  en  préciser  la  provenance. 

30.  Rechercher  le  tracé  des  voies  romaines  en  Provence  ; 
étudier  leur  construction  ;  signaler  les  bornes  milliaires. 

3i.  Dresser,  pour  la  région  du  Sud-Est,  des  cartes  générales 
ou  partielles  des  monuments  et  des  vestiges  de  monuments 
gallo-romains  détruits  ou  conservés. 

32.  Rechercher  les  centres  de  fabrication  delà  céramique  an- 
tique en  Provence. 

33.  Dresser  la  nomenclature  des  chapelles  romanes  qui  exis- 
tent  en  Provence,  soit  dans  un  arrondissement  soit  dans  un  dé- 
partement. 

34-  Donner,  avec  plans,  dessins  et  photographies  à  lappui, 
la  description  des  édifices  de  la  période  romane  du  moyen  âge; 
critiquer  les  dates  qui  ont  été  proposées  pour  ces  édifices  et  vé- 
rifier leur  exactitude, 

35.  Signaler  les  monuments  antérieurs  au  xi*  siècle  ;  recher- 
cher en  particulier  les  inscriptions,  les  sculptures,  les  verres 
gravés,  les  objets  d'orfèvrerie  et  les  pierres  gravées. 

36.  Cataloguer  et  décrire  les  monnaies  mérovingiennes  pro- 
venant d  ateliers  provençaux  conservées  dansles  collections  pu- 
bliques ou  privées. 

37.  Signaler  les  documents  inédits  relatifs  au  monnayage  de 
René  d*An  jou,  des  archevêques  d*Arles  et  des  princes  d*Orange. 

38.  Décrire  les  sceaux  conservés  dansles  archives  publiques 
ou  privées  de  Provence  ;  accompagner  cette  description  de 
moulages  ou  au  moins  de  photographies. 


i 


^  i5  - 

39.  Faire  par  région,  f>ar  ville,  ou  par  édifice,  le  recueil  des 
pierres  tombales  et  inscriptions  diverses,  publiées  ou  non  ;  ac- 
compagner ce  recueil,  autant  que  possible,  destampages  ou  de 
dessins. 

40.  Étude  sur  un  point  du  droit  public  ou  privé  de  la  Pro- 
vence. 

41.  Signaler  les  usages  locaux  se  rattachant  originairement 
i  l'ancien  droit  proven^jal. 


Sciences  économiques  et  sociales* 

42.  Esquisser  rhisîoire  d  une  école  centrale,  d*un  lycée  ou 
'un  collège  communal. 

43.  L'enseignement  primaire  dans  une  commune  pendant 
une  période  déterminée  :  sous  l'ancien  régime»  pendant  la  Ré- 
volution, sous  le  premier  Empire,  etc. 

44*  Rechercher,  dans  la  région  du  Sud-Est,  et  pendant  une 
période  déterminée,  l'effort  delà  population  rurale  pour  acqué- 
rir la  terre. 

45.  Du  développement  et  du  fonctionnement  des  syndicats 
agricoles»  et  des  unions  de  syndicats  agricoles  en  Provence. 

46.  Étudier  Torigine  et  le  rôle  politique  et  social  des  confré- 
ries du  Saint-Esprit  en  '^rovence. 

47.  Exposer  les  délibérations  prises  par  rassemblée  générale 
des  communautés  de  Provence  relatives  à  l'abolition  de  la  nien* 
dicité. 

48*  Situation  économique  et  socialed'un  département  en  1848 
(On  en  trouvera  les  éléments  dans  VEnquête  industrielle  et 

ricole  prescrite  par  le  gouvernement  provisoire,  le  25 
nai  184S). 

49.  Les  sociétés  charitables, 

5a.  Faire  connaître  les  attributions  et  le  fonctionnement  de 
Vadmînistration  des  vigueries. 

5i,  Étude  du  folL-lore  provençal  (chansons,  usages,  tradi- 
tions, ustensiles,  etc) 


-  i6  - 

52.  Recherches  historiques  sur  le  commerce  de  Marseille. 
33.  Ktude  historique  sur  les  industries  particulières  à  la  Pro- 
vence et  au  Comtat  (papeterie,  verrerie,  faïencerie,  filature,  etc.). 

54.  Documents  sur  le  commerce  des  Italiens  et  des  Catalans 
en  Provence. 

55.  Relations  delà  Provence  avec  les  côtes barbaresques  ;  la 
traite  des  esclaves  maures  ou  nègres. 

Sciences. 

56.  Essai  d*une  tectonique  générale  des  Alpes,  d'après  les 
travaux  les  plus  récents. 

57.  Constitution  géologique  de  la  Méditerranée  entre  la 
France,  la  Corse  et  l'Algérie. 

58.  Description  des  Bryozoaires  miocènes  de  la  Provence. 

59.  De  l'avenir  des  gisements  de  lignite  et  de  bauxite  de  la 
Provence. 

60.  Les  arts  agronomiques  en  Provence. 

61 .  Ethnologie  et  géologie  des  colonies  françaises. 

62.  Minéraux  que  Ton  rencontreen  Provence.  Examen  spécial 
de  leurs  gisements.  Importance  industrielle. 

63.  Monographies  relatives  à  la  faune  et  à  la  flore  de  la 
Provence. 

(^4:  foude  géologique  et  biologique  des  cavernes  (état  aauel 
et  vestiges  préhistoriques). 
65.  Ktude  sur  les  sanatoria  en  Provence. 

Géographie. 

6(>.  Signaler  les  documents  géographiques  manuscrits  rela- 
tifs à  la  Provence  t. textes  et  canes '•  qui  peuvent  exister  dans  les 
bibliothèques  publiques  et  les  archives  départementales,  com- 
munales ou  particulières.  —  Inventorier  les  canes  locales  an- 
ciennes, manuscriies  ei  imprimées  :  canes  de  diocèses,  de 
provinces,  plans  de  villes,  etc. 


—    T7   — 

67*  Etudier  la  toponymie  d'une  commune  ou  d'une  région 
de  la  Provence  ;  rechercher  les  formes  originales  des  noms  de 
lieux  ei  les  comparera  leurs  orthographes  officielles  (cadastre, 
carie  d*état-major,  almanach  des  postes,  cachets  de  mairie,  etc.)- 
Compléter  la  nomenclature  des  noms  de  lieux  en  relevant  les 
noms  donnés  par  les  habitants  aux  divers  accidents  du  sol 
(montagnes,  cols,  vallées,  etc.)  et  qui  ne  figurent  pas  sur  les 
canes, 

68.  Déterminer  les  limites  et  dresser  des  cartes  des  ancien- 
nes circonscriptions  diocésaines,  féodales,  administratives,  etc., 
de  la  Provence  ;  faire  la  cane  particulièredes  possessions  d'une 
abbaye  ou  d'une  maison  seigneuriale  de  Provence  (sauf  pour 
la  maison  de  Baux,  déjà  étudiée  par  le  D'  Barthélémy). 

69.  Voies  ancienne^  à  travers  la  région  provençale  (roules 
commerciales  et  chemins  de  iranshumance). 

70.  Modifications  anciennes  et  actuelles  des  côtes  de  Pro- 
%-eoce. 

71.  Biographies  des  anciens  voyageurs  provençaux, 

J2.  Étude  sur  le  déboisement  et  le  reboisement  en  Provence. 

73.  Dans  quel  pays  vont  les  émigrants  d'une  commune  ou 
d'un  canton  ou  d'un  arrondissement  déterminés;^  A  quelles 
occupations  se  livrent-ils  de  préférence  ? 

74.  De  quel  pays  de  la  Provence  ou  des  régions  voisines  sont 
originaires  les  colons  ou  les  émigranis  d'un  centre  déterminé 
de  l'Algérie  ou  de  la  Tunisie  ?  (Donner  autant  que  possible  les 
noms  et  prénoms  avec  les  détails  d'état-civil  des  premiers  im- 
migrants». 

75.  Biographie  d'un  émigrant  s'étant  distingué  par  son  intel- 
ligence, ses  aptitudes,  etc.  ? 

76.  Immigration  corse,  italienne,  catalane  sur  les  côtes  de 
Provence  (Spécialement  pour  l'immigration  italienne  étudier 
rînflucnce  des  nouvelles  lois  internationales  sur  le  mouvement 
de  la  population  et  de  l'épargne). 


COPORfts.  —  2- 


—    E>S    — 


PREMIÈRE  CIRCLLAIRE 

Adressée  par  le  Comité  d'initiative  à  MM.  les  Présidents 
des  Sociétés  savantes  de  la  région  firoTençale  et  des 
régions  droonToisines. 


CONGRÈS  DES   SOCIÉTÉS  SAVANTES    DE   PRO\'ENCE 
A.  KtAR3iî:rr.T,Te 


Marseille,  le  5  mai  iqo6. 


MONSIEIB  LE  PpÉSIDENT, 


A  l'occasion  de  rELxoosition  Coloniale  de  Marseille,  mani- 
festation grandiose  de  la  vitalité  du  grand  pon  méditerranéen, 
la  Société  if  Études  Provençales  a  pensé  qu'un  Congrès  des 
Sociétés  Savantes  de  Provence  et  de  la  région  circonvoisine 
serait  l'affirmation,  la  synthèse  des  efforts  accomplis  par  tous 
les  groupements  qui  se  sont  donné  la  tâche  de  taire  mieux  con- 
naître, sous  tous  ses  aspects,  ce  grand  et  beau  pays. 

Cette  idée  d'un  Congrès  Provençal,  soumise  à  TAcadémie 
de  Marseille,  à  l'Académie  d'Aix  et  à  quelques  autres  Corps 
savants  de  la  région,  a  été  favorablement  accueillie  panout. 

Un  Comité  d'initiative,  composé  de  membres  de  la  Société 
d'Études  Provençales,  de  l'Académie  de  Marseille  et  de  l'Aca- 
démie d'Aix,  s'est  immédiatement  formé  en  vue  d'arrêter  les 
lignes  générales  du  projet  et  prier  toutes  les  Sociétés  soeurs  de 
vouloir  bien  donner  leur  adhésion. 

Une  réunion  aura  lieu  \q  jeudi  ij  mai  prochain, à  3  heures. 


—  19  — 

au  siège  de  i Académie  de  Marseille,  rue  Thiers,  40.  Le  Co- 
mité (Inorganisation  y  sera  formé  définitivement,  de  même 
qu'il  sera  procédé  à  Téleciion  du  Bureau  et  à  l'élaboration  d*un 
programme  définitif. 

Nous  avons  donc  Thonneur  de  vous  prier  instamment,  Mon- 
sieur le  Président,  de  vouloir  bien  inviter  votre  Société  à  don- 
ner, si  elle  ne  Ta  déjà  fait,  son  adhésion  au  Congrès  projeté  qui 
aurait  lieu  vers  le  1"  août  prochain.  11  nous  serait  également 
fort  agréable  de  la  voir,  si  faire  se  peut,  déléguer  un  de  ses  mem- 
bres pour  la  représenter  à  la  réunion  du  17  mai,  où  seront  ar- 
rêtées les  bases  de  l'organisation. 

Nous  osons  espérer  que  cette  idée  d*un  congrès  provençal  si 
bîenveillamment  accueillie  par  M.  Jules  Charles-Roux,  com- 
missaire général  de  rExposition  Coloniale,  le  sera  également  par 
votre  Société  qui  y  verra  l'occasion  de  cimenter  Tunionquidoii 
régner  entre  des  groupes  concourant  au  même  but,  et  d'inaugu- 
rer, en  cette  circonstance  solennelle,  une  série  de  congrès  pro- 
vençaux qui  pourront,  à  l'avenir,  se  renouveler  successivement 
dans  chacune  des  villes  de  la  région. 

Les  adhésions  et  toutes  communications  utiles  seront  reçues 
par  M.  Fournier,  secrétaire  du  Comité  d'initiative,  2,  rueSyl- 
vabelle,  à  la  Préfecture,  Marseille. 

Veuillez  agréer,  Monsieur  le  Président,  l'assurance  de  nos 
sentiments  les  plus  distingués  et  dévoués. 

Le  Comité  d'initiative ^ 


—   20   — 


DEUXIÈME  CIRCULAIRE 

Adressée  à  Messieurs  les  membres  des  Sociétés  saTantes  de 
la  Provence  et  des  régions  circonvoisines. 


CONGRÈS 

•"  .Marseille,  le  20  mai  1906. 

Sociétés  Sanites  ie  Pnveice 

A      MtABSCtLLC. 


Monsieur, 

Nous  avons  Thonneur  de  solliciter  votre  adhésion  au  CoTigré^ 
des  Sociétés  saluantes  de  Pro%*ence  qui  se  réunira  pour  la  pre- 
mière fois  à  Marseille  le  r'  août  prochain,  à  l'occasion  de 
TExposition  Coloniale  déjà  ouverte  dans  cette  ville. 

Le  Comité  d'organisation,  dont  vous  trouverez  ci-après  la 
composition,  adresse  un  pressant  appel  aux  membres  des 
Sociétés  savantes  de  la  région  provençale,  des  régions  circon- 
voisines  et  des  pays,  comme  la  Corse,  l'Algérie  et  la  Tunisie, 
qui  sont  en  rapports  constants  avec  Marseille,  métropole  colo- 
niale de  la  France.  11  adresse  le  même  appel  aux  membres  des 
Sociétés  Scientifiques  des  villes  d'Espagne  et  d'Italie  qui  n*ont 
cessé  d'entretenir  avec  la  grande  et  noble  ville  des  relations 
d'amitié,  —  d'une  amitié  remontant  à  une  haute  antiquité  ou, 
tout  au  moins,  au  moyen  âge.  alors  que  la  Provence,  Naples, 
la  Sicile  et  TAnjou  étaient  sous  le  môme  sceptre  politique. 

En  cette  terre  de  Provence  si  riche  de  souvenirs  historiques, 
au  passé  si  brillant  et  coloré,  nombreux  sont  les  groupes  sa- 
vants :  .\cadcmies.  Sociétés  Historiques,  Littéraires,  Scientifi- 
ques, Félibréennes,  etc  ,  ayant  le  même  but,  mais  s'ignorant 


—   21    — 

fois,  OU  se  connaîssani  à  peine,  faute  d'occasions  de  seréu- 
îfir,  de  mettre  en  commun  le  fruil  de  leurs  labeurs. 

Ua  paru  que  TExposition  Coloniale  de  Marseille,  demeurant 
par  plusieurs  côtés  une  manifestation  essentiellement  proven- 

ile,  était  une  occasion  unique  de  réunir  tous  les  groupes  pro- 
vençaux ou  amis  de  la  Provence,  et  affirmer  ainsi  magnifique- 
ment la  vitalité  de  notre  petite  patrie,  sous  ses  formes  si  variées, 
si  intéressantes*  si  dignes,  à  tous  égards,  d'èire  mises  en  pleine 
lumière. 

Un  Congrès  était  la  forme  la  plus  propre  à  atteindre  ce  but. 
L*<ambition  du  Comité  d'organisation  serait  pleinement  satîs- 
ïite  si  chaque  Société  se  trouvait  représentée  par  un  grand 
rnombre  de  membres  dont  la  présence  au  Congrès  et  la  partici- 
pation effective  par  des  communications  nombreuses  et  inté- 
ressantes sont  les  cléments  essentiels  de  succès. 

Telles  sont.  Monsieur,  les  raisons  qui  nous  font  insister  pour 
avoir  votre  adhésion,  celle  de  tous  les  savants  qui,  [Provençaux 
d  origine^  habitants  ou  amis  de  la  Provence,  s'intéressent  à  ce 
qui  touche  ce  grand  et  beau  pays  où  naquit  un  grand  mouve- 
tuent  décentralisateur  qui  a  gagné  les  autres  provinces. 

Le  Congrès  des  Sociétés  Savantes  de  Provence  sera  lui-même 
une  manifestation  décentralisatrice,  qui  pourra  ultérieurement 
se  poursuivre  dans  d*autres  villes  de  la  région,  et  dont  la  pleine 
réussite  est  assurée,  si  ces  S(xiéiés,  en  tant  qu^  groupes  cons- 
titués, et  leurs  membres  individuellement,  veulent  bien  asso* 
cier  leurs  efforts  aux  nôtres,  assurer  le  succès  du  Congrès  par 
rapport  de  leurs  connaissances- 

Nous  vous  demandons  donc  avec  instance  votre  adhésion  et 
votre  participation,  à  Taidc  d'une  étude  personnelle  sur  Tun  des 
m^cis  figurant  au  programme  déjà  distribué  aux  Sociétés 
Savantes,  ou  sur  toute  autre  question  à  votre  choix,  pourvu 
qu'elle  ail  un  caractère  provençal. 

Vous  trouverez  ci*aprè*s.  en  outre  de  la  composition  du  Co- 
mité d  organisation,  des  indications  pratiques  relatives  au  Con- 
gres qui  ne  donnera  lieu  à  aucune  œiimlion*  Non  seulement  la 


^-22   — 

participation  sera  absolument  gratuite,  mais  encore  les  adlié- 
rentsbénéficieront  de  l'entrée  gracieuse  à  TExposition  Coloniale 
pendant  toute  la  durée  du  Congrès.  Un  volume  des  mémoires 
présentés  au  cours  de  cette  manifestation  scientifique  sera  im- 
primé et  témoignera  de  la  science  etderactivîté  des  groupes  et 
des  savants  provençaux. 

Veuillez  agréer.  Monsieur,  l'assurance  de  notre  considération 
la  plus  distinguée. 

Le  Président  • 
F.  Belix, 

Be^.ear   4*   f  Ao«lemi«. 
tJtêom  4e  la  l>sw>a  4  ¥»■■««. 

Les  Vice-Présidents  : 
Ch.  ViNCENS,  D'  Ph.  Aude, 

Trt»*»rt<»r  4»  I  A<'44<imie   A*%   S<i#o-*«.  Lettre»  «e*»-!»  ••  f  k«f  é*  \»  ■ank»  E.  K 

et  Boanx-Arta  4«  Saneilie.  f>fllci«'  é*  la  Lr4.i«a  A'k  '«■t«T. 

Aaaea  Prrst4«al  et  I  A:a4«mie  à  \i\. 

Paul  Arbaud,  p.  Massox, 

rt**i^vt  <fc  U  SoeicU  4  CiWes  rreie^'l^^-  Prefcssecr  à  la  Facallr  4es  Letin», 

SecrrUiTi  sea^ral  4«  S  K&p*asiti<>a  CftlAai«l#. 

Le  Secrétaire  Général  :  Le  Secrétaire  Trésorier: 

F.-N.  NiCOLLET,  J.  FOURXIER, 

Pr'>fe«4««r   aa    Ljcée    Mii^aet.  Àrckivuie  Atfj«iat  4cs  lo«ckcs  4«-BMm. 


Nota.  —  La  participation  aa  Congrès  est  gratuite  ;  toat  membre  d'une 
Société  savante  de  Provence  on  des  régions  circoaroisines  peut  assister 
aux  séances,  y  présenter  des  mémoires  et  prendre  part  aux  discussions. 
Les  Dames  sont  admises.  Les  mémoires  devront  être  parvenus  au  secréta- 
riat du  Congres  (2,  rue  Sylva  bel  le,  Marseille),  au  plus  tard,  le  i3  juillet. 
I>e  sujet,  s'il  n'est  pas  pris  dans  le  programme  antérieurement  publié, 
devra  être  une  question  d'intérêt  provençal.  Vu  quart  d'heure  environ  sera 
accordé  pour  la  lecture  de  chaque  mémoire. 

Le  Congrès  s'ouvrira  le  i*"  août.  11  comprendra  deux  séances  générales, 
d'ouverture  d'heure  en  sera  indiquée  par  la  presse)  et  de  clôture,  qui  auront 
lieu  au  Palais  de  l'Exposition,  dans  la  salle  des  Congrès,  et  des  séances  de 
section,  qui  auront  lieu,  soit  à  la  Faculté  des  Sciences,  soit  au  Lycée.  La 
aurée  ne  pourra  être  fixée  définitivement  que  lorsque  l'on  connaîtra  le 
nombre  des  communications  qui  seront  faites.  Le  Congrès  comprendra 


—  23   - 

trois  sections  :  i«  flistoire,  archéologie  et  sciences  auxiliaires  ;  2«  Littéra- 
ture et  langue  provençales  et  Beaux-arts  ;  3»  Sciences.  Les  présidents  et 
secrétaires  de  chaque  section  seront  désignés  par  le  Bureau,  a  près  entente 
arec  le  Comité  d*organisation. 

Des  démarches  devant  être  faites  auprès  des  Compagnies  de  transport 
pour  obtenir  aux  Congressistes  un  tarif  de  faveur,  nous  vous  prions  de 
nous  faire  parvenir  le  plus  tôt  possible  le  bulletin  d'adhésion  ci-joint. 


—    34 


TROISIÈME  CIRCULAIRE 


Marseille^  le  25  juillet  igo6. 

MONSIKIR, 

Nous  avons  rhonncur  de  vous  envoyer  le  programme  défi- 
\\\\\\  du  Congrès  des  Sociétés  savantes  de  Proi^enccy  qui  se  lien- 
dru  du  3i  juillci  au  1  aoùi  à  Marseille. 

Nous  joii^nons  à  ce  proj^rammc  : 

V  i  H<  xwrtt"  %/Vitfiw  pennancnte  à  rExposiiion  coloniale 
jSMir  los  jx^r>onncs  qui  nv^us  on:  envoyé  leur  bulletin  d  adhé- 

^  /\<'  x\îr,V  .îV  >v\\^Y .:  dcmi-'arij^n  chemin  de  fer  sur  le 
^vs\NAU  de  U  V  VmiM^^nîc  P.-L.-M.»  pour  le^i  personnes  qui  nous 
cî\  xvv,  \<iî  ;,;  vionuîuio  on  icmr>s  vou:u. 

i  .<  vVîî>;\^^v.c  do  vho:r::^>  de  :cr  du  Sud  de  la  France  a 
Nx\^  \xN;\;  ,u\wdcr  Ausv  lo  Xv^^ce  à  dc:Tî:*îdn:"  en  faveur  des 
v",\\^  vvv  x;cN  \u\  :n\'.v,x'>  vie  Iji  Iec:rc  de  M,  ie  Dîncctcur  de 
x\\;c  v\^  ^"x\u  '  e  d,:  >  n:.:^  «^  /.  serji  dc-:v:«  lux  n^embres  du 
v'^'s;  vn  xXCv  ^  >>:n  ;"  x"^  .^  ur  '  jt  ;  Ji.,'tr.  ^  li  r^cor  s^eScctuera 
^'  A,,  ,v  "V  "x  V,..  >i  yv^vAt..:,. /.t  ^i  >c..,\  S JÙ j^c^ ^x: si^ra laisse 
, ••  •  %    «,  X  ii\;  1  >  .3k  H  ^,^x  ik  1  ,c  ,  .i.\  ,\  j:  1  r  ^v'v:'^rx:  Jr»  PntsiJeni 

V\   /   ••^^,*V^  ,r\.is  ,C.vïi     V' tv     V  .  \'t.^   "V  ,  ,^V  -Tfxi-t  ^ii:.*  0.»l- 


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—    2D    — 

M.  Belin,  Recteur  de  TAcadémie,  Représentant  de  M.  le  Mi- 
nistre de  Flnstruction  Publique,  Président  du  Congrès. 

Allocution  par  M.  le  Président. 

Allocution  par  M.  Labande,  délégué  officiel  de  S.  A.  S.  le 
Prince  de  Monaco. 

Lecture  de  1  étude  de  M.  Camille  JuUian,  professeur  au  Col- 
lège de  France,  sur  ¥^  Les  transformations  des  sociétés  barba- 
res  de  la  Provence  et  le  commerce  de  Marseille  grecque  ». 

Le  même  jour,  à  9  heures  du  soir,  dans  l'enceinte  de  l'Expo- 
sition, grande  fête  de  nuit  avec  illuminations,  fontaines  lumi- 
neuses, intéressantes  vues  des  colonies  reproduites  par  un  puis 
sant  cinématographe. 

Le  mercredi  1"  août,  à  9  h.  1/2  du  matin  et  à  2  h.  1/2  du 
soir,  et  le  jeudi  2  août,  à  9  h.  1/2  du  matin,  à  la  Faculté  des 
sciences  (allées  des  Capucines),  séances  des  sections  pour  la 
lecture  et  la  discussion  des  mémoires  suivant  l'ordre  indiqué 
ci-après. 

Le  jeudi  2  août,  à  midi,  banquet  des  Congressistes  dans  un 
restaurant  de  la  plage  du  Prado  (cotisation  :  10  tr  ). 

Les  personnes  qui  désirent  y  prendre  part  sont  priées  d'en- 
voyer leur  adhésion,  dès  maintenant,  à  M.  J.  Fournier,  secré- 
taire-trésorier, 2,  rue  Sylvabelle,  Marseille. 

Le  même  jour, à  5  heures  précises  du  soir,  séance  de  clôture, 
à  l'Exposition  (Coloniale,  dans  la  salle  des  fêtes  du  Grand  Palais 
Central. 

Discours  sur  l'utilité  pour  la  vie  intellectuelle  en  Provence 
d'un  Congrès  périodique  des  Sociétés  savantes,  par  M.  Arnaud 
d'Agnel,  délégué  de  la  Société  de  statistique  de  Marseille. 

Discours  par  M.  Jules  Charles-Roux,  président  d'honneur  du 
Congrès,  commissaire  général  de  l'Exposition  coloniale. 

La  tenue  pour  toutes  les  séances  et  pour  le  banquet  est  le 
costume  de  ville. 

La  direction  de  l'Exposition  Coloniale  a  bien  voulu  accorder 
aux  Congressistes  l'entrée  gratuite  à  TExposition  durant  les 
trois  journées  du  Congrès.  Ceux  qui  n'auraient  pas  reçu  leur 


-    26   — 

carte  sont  priés  de  la  réclamer  à  M.  Fournier,  à  Tadresse  indi- 
quée ci-dessus. 

Les  tramways  conduisant  au  Rond-point  du  Prado,  partent 
du  cours  Saint-Louis  toutes  les  5  minutes  et  portent  en  gros  ca- 
ractères l'indication  Exposition  coloniale  sur  banderole  verte. 

Les  Congressistes  qui  désireraient  des  renseignements  com- 
plémentaires sont  priés  de  les  demander'  dès  maintenant  par 
lettre  ou  dans  la  journée  du  mardi  3i  juillet  de  vive  voix,  à  M. 
Fournier,  à  l'adresse  indiquée  ci-dessus. 

Toutes  autres  dispositions  antérieurement  annoncées  sont 
annulées. 


DELEGUES  OFFICIELS 

BUREAU  ET  COMITÉ  D'ORGANISATION 


Représentant  de  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique. 
M.  F:  Belin,  recteur  de  l'Académie. 


Représentant  de  S.  A.  S.  le  Prince  de  Monaco 

M.  L.-H.  Labande,  archiviste  de  la  Principauté,  inspecteur 
divisionnaire  pour  toute  la  Provencedela  Société  française 
d'archéologie. 


PRÉSIDENTS  D'HONNEUR 

MM.  J.  Charles-Rolx,  commissaire  général  de  l'Exposition 
Coloniale. 

FoNCiN,  inspecteur  général  de  l'Instruction  publique. 

Frédéric  Mistral. 

R.  DE  Saint-Arroman,  chef  du  bureau  des  Sociétés  savan- 
tes au  Ministère  de  l'instruction  publique. 


-    28    - 

BUREAU 

Président  :  M  F.  BELiN.recieurde  TAcadémie. 
Vice-Présidents  :  MM.  Paul  Arbaud,  président  de  la  Société 

d'Études  provençales. 
D'  Philippe  Aude,  médecin  en  chef  de 
la  marine  E.  R.,  ancien  président 
de  l'Académie  d'Aix. 
Paul  Masson,  professeur  à  la  Faculté 
des  Lettres  d'Aix,  secrétaire  géné- 
ral de  l'Exposition  Coloniale. 
Charles  Vincens,  trésorier  de  l'Acadé- 
mie de  Marseille. 
Secrétaire  général  :  M.  F.-N.  Nicollet,  professeur  au  lycée 

Mignet. 
Secrétaire-trésorier  :  M  J.  Fournier,  archiviste  adjoint  des 
Bouches-du- Rhône. 


COMITÉ  D'ORGANISATIOK 

MM.  les  Membresdu Bureau  etles  Secrétaires-correspondants 
de  la  Société  d'Études  Provençales  qui  a  pris  l'initiative  du 
Congrès  : 

MM. 
Arnaid,  professeur  au  lycée  Mignet,  de  la  Société  d'histoire  de 

la  Révolution. 
.•\RNAri>  i>*A(jNKi-,  de  la  Société  de  statistique  de  Marseille. 
AsTiKH  (K.),  de  r.Xssociation  des  Sylviculteurs  de  Provence. 
BvHKTv  (0'),  de  r.Vcademia  Nissarda. 
BKHNAHn(l>\  do  la  Société  scientifique,  littéraire  et  des  beaux* 

arts  de  Cannes. 
Cau.i.kmkr,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  d'Aix,  de  la  Société 

d'iùudcs  provençales. 


~  29  - 

Cauvin,  de  la  Société  scientifique  ei  littéraire  des  Basses- 
Alpes. 

Clauzel  (P.),  de  TAcadémie  de  Nîmes. 

CuGNY  (Léon),  de  l'Alliance  scientifique  universelle. 

Delibes  (E  ),  de  la  Société  de  géographie  et  d'études  coloniales 
de  Marseille. 

Doublet  (G.),  de  la  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  des 
Alpes-Maritimes. 

Drageon,  de  l'Académie  du  Var. 

FouRNiER  (J.),  de  la  Société  de  géographie  et  d'études  colonia- 
les de  Marseille. 

Gantelmi  d'Ille  (Marquis  de),  de  l'Académie  d'Aix. 

Gérin-Ricard  (Comte  de),  de  la  Société  archéologique  de  Pro- 
vence. 

Granet,  de  la  Société  archéologique  de  Montpellier. 

GuÉRiN,  de  la  Société  d'horticulture  et  de  botanique  des 
Bouches-du-Rhône. 

GuiLLiBERT  Œaron  Hippolyte),  de  l'Académie  d'Aix. 

JoLEAUD,  de  l'Académie  de  Vaucluse. 

Labande,  de  l'Académie  de  Vaucluse. 

Lacaze-Duthiers,  de  la  Société  des  amis  du  Vieil-Arles. 

Lacoste,  de  l'Académie  du  Var. 

Laval  (D').  de  l'Académie  de  Vaucluse. 

LÉOTARDCJ.),  de  la  Société  degéographie  et  d'études  coloniales 
de  Marseille. 

LivoN  fDf),  de  l'Académie  de  Marseille. 

Masson  (P.),  de  la  Société  d'Études  provençales. 

Michel,  de  la  Société  d'Études  des  Hautes-Alpes. 

Mirety-Sans,  secrétaire  de  la  Real  Academia  de  Buenas  Letras 
de  Barcelona  (Espagne). 

Morel-Revoil,  de  la  Société  des  architectes  des  Bouches-du- 
Rhône. 

Parv.  de  l'Association  des  Sylviculteurs  de  Provence. 

Poupt  (E.),  de  la  Société  d'Études  de  Draguignan. 

Raimbault  (M.),  de  l'Escolo  de  la  Mar. 


-  3o  - 

Skhvian,  de  rAcadémie  de  Marseille. 
ViNc.KNs  (C2li.  ),  de  rAcadémie  de  Marseille 


SOCIÉTÉS 
ayant  adhéré  au  Congrès. 

Académie  des  Sciences,  As^riculture,  Ans  et  Belles-Lettres  d'Aix. 

Académie  des  Sciences,  Lettres  et  Beaux-Arts  de  Marseille. 

Académie  des  Sciences  et  l-eiires  de  Montpellier. 

Académie  de  Nîmes. 

Academia  Nissarda. 

Académie  du  Var. 

Académie  de  Vaucluse. 

Alliance  scieniilique  universelle  (^Association    internationale 

des  hommes  do  science>.  Comité  central  de  France. 
AsMvi.iiion  des  Sylviculteurs  do  Provence, 
lisv't^lodo  l.ar,  d\\i\. 
l'Volo  vie  l.orin,  do  dnnos. 
!•  scolo  do  la  Mar.  do  Marsoiiio. 
Ivolo  Misualonco,  dWrios. 
l'NColo  vie  la  rar;;o.  vio  roulv^ii. 
Koal  Academia  do  Inuo^as  l.oiras.  âo  Rarce-or.e, 
l<o»;«a  iicpuia.îvvio  vi;  siv^'i.î  ;\î:r:.i.  do  Turin, 
S*v<oi,^  ii4;uro  di  >:or.a  ;\v»r;a.  do  *.'ô:xs 
Svuîc  dos  \:*.vs  du  \ '.o-.l-.\r-o>, 
S*\  u'ïo  a:vîuVi.\<:c;;o  v:o  rr.^xci'.co. 
StVicio  a;vhoo'.v\CiC-o  c!c  N\.\::;v.   ;:: 
S.\  A-;o  ,;;\  :^.\\.v  c»;o.  >o  c:::  'c*:.  c:  i.zuM.ro  de  Beiier?. 
S»\  ■  %  i »•  v". v'^   \  :\  ^  iOx  ;*.  >  K*  v" ^  :x*  ..V  ■  V  <  v. .: -  rx .". ."  ;'  ^ . 
Nv  xo    ..  î  u.r.i>    :*  >;/    cv.vS.  >v  ^r:  \:..i>   ^:  iir.tràires  des 

N',- ^ ^  ^.  .:-.:    c/.x^::  .-.V-. ■/,:>:  c^o- ^:  IVirJiCTîan. 


-  3i  - 

Société  d'horticulture  et  de  botanique  des  Bouches-du  Rhône. 
Société  de  Géographie  et  d'Études  coloniales  de  Marseille. 
Société  des  lettres,  sciences  et  arts  des  Alpes-Maritimes. 
Société  ^ientifique,  littéraire  et  des  beaux-arts  de  Cannes. 
Société  scientifique  et  littéraire  des  Basses-Alpes.. 
Société  de  Statistique  de  Marseille. 


MEMBRES  DES  SOCIÉTÉS 
ayant  donné  leur  adhésion  personnelle. 

MM. 

Alezais  (Henri),  docteur  en  médecine,  professeur  suppléant  à 
rÉcole  de  médecine  et  de  pharmacie,  3.  rue  d*Arcole, 
Marseille. 

Arbald  (Paul),  président  de  la  Société  d'Études  provençales, 
2,  rue  du  Quatre-Septembre,  Aix-en-Provcnce. 

Arnaud  (François),  correspondant  du  Ministère,  ancien  no- 
taire, Barcelonnette  (B.A.). 

Arnaud  (G.),  de  la  Société  d'histoire  de  la  Révolution.  7,  rue 
Mignet,  Aix  en-Provence. 

Arnaud  d'Agnel,  de  la  Société  archéologique  de  Provence,  10, 
rue  Montaux,  Marseille. 

Artaud  (Adrien),  président  de  la  Société  des  sciences  écono- 
miques, rue  Tranier  prolongée,  Marseille. 

AsTiER  (Emile),  secrétaire  général  de  l'Association  des  sylvicul- 
teurs de  Provence,  Marseille. 

AsTiER  (Jean-Baptiste),  de  TEscolode  la  Mar,  46,  boulevard  du 
Jardin  zoologique,  Marseille. 

AuBERT  (Louis),  de  l'Escolo  Mistralenco,  5,  chemin  de  Grif- 

feuille,  Arles. 
Aude  (D'  Philippe),  ancien  président  de  TAcadémie  d'Aix,  i, 

rue  du  Lycée,  Aix-en-Provence. 
Aide  (Edouard),  de  l'Académie  d'Aix,  secrétaire-archiviste  de 


n 


-    32   — 

la  Société  d'Études  provençales,  con'servàteur  de  la  biblio- 
thèque Méjanes,  Aix-en-Provence. 

AuziviziER  (Clément),  secrélaire-correspondant  de  la  Société 
d'Études  provençales,  rue  des  Lanciers,  Brignoles, 

Baréty  (Alexandre),  président  de  TAcademia  Nissarda,  3i,  rue 
Cotia,  Nice. 

Barré  (Henri),  trésorier  de  la  Société  de  Géographie  et  d'études 
coloniales  de  Marseille,  membre  de  la  Société  de  statisti- 
que, bibliothécaire  de  la  ville. 

Belin  (F,),  de  l'Académie  d'Aix,  Recteur  de  l'Académie,  23, 
rue  Gaston-de-Saporta,  Aix-en-Provence. 

Bernard  (D""  G.),  vice-président  de  la  Société  scientifique,  litté- 
raire et  des  beaux-arts  de  Cannes,  2,  quai  Saint-Pierre. 

Bertrand  (Marie),  cabiscol  dç  l'Escolo  de  Lerin,  secrétaire- 
correspondant  de  la  Société  d'Études  provençales,  sous- 
bibliothécaire  archiviste  de  la  ville  de  Cannes. 

Bigot  (Paul-Henri),  membre  de  là  Société  scientifique  et  litté- 
raire des  Basses-Alpes,  secrétaire-correspondant  de  la 
Société  d'Études  provençales,  professeur  au  Collège  de 
Manosque,  29,  rue  du  Quatre-Septembre. 

Bouillon-Landais  (Louis-Paul-Marie),  correspondant  des  So- 
ciétés des  beaux-ans  des  départements,  à  Saint-Menet, 
près  Marseille.  * 

Bourges  (Chanoine),  de  l'Escolo  de  Lar,  aumônier  des  Hospi- 
ces, Aix-en-Provence. 

BouRRiLLY  (Joseph),  cabiscol  de  l'Escolo  Mistralenco,  20,  rue 
Molière,  Arles. 

BouRRiLLY  (L.),  de  l'Académie  du  Var,  inspecteur  primaire, 
Toulon. 

Bourrilly(V.-L.),  secrétaire-correspondant  de  la  Société  d'Étu- 
des provençales,  docteur  ès-lettres,  professeur  au  Lycée 
Toulon. 

Bout  de  Charlemont  (Marie-Hippolyte),  de  la  Société  des  gens 
de  lettres  et  de  la  Société  archéologique  de  Provence,  Au- 
bagne  (B.-du-R.). 


-  33  - 

Bresc  (Louis  SiGAUD  de),  de  l'Académie  d'Aix,  2,  rue  Sallier, 
Aix-en-Provence. 

Bruguier-Roure,  des  Académies  de  Nîmes  et  de  Vaucluse, 
inspecteur  de  la  Société  française  d'archéologie  à  Pont- 
Saint-Esprit  (Gard). 

Caillemer  (Robert),  professeur  agrégé  d^histoire  du  droit  à 
l'Université  d'Aix-Marseille,  actuellement  à  celle  de  Gre- 
noble. 

Caillol  de  Poncy,  président  do  la  Société  de  photographie, 
18,  Chemin  des  Chartreux,  Marseille. 

Camau  (Emile),  de  l'Académie  de  Marseille,  iio.  Cours  Lieu- 
taud. 

Camous  (Louis),  de  la  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  des 
Alpes-Maritimes,  médecin  des  hôpitaux,  2,  rue  de  l'Opéra, 
Nice. 

Carsignol  (Henry),  de  TAcadémie  du  Var,  curé,  publjciste  à 
la  Moure-Garde-Freinct  (Var). 

Castinel  (D'  Julien),  de  la  Société  d'Études  provençales,  67, 
rue  de  la  République,  Marseille. 

Caiîvin  (C),  de  la  Société  scientifique  et  littéraire  des  Basses- 
Alpes,  secrétaire-correspondant  de  la  Société  d'Études  pro- 
vençales, professeur  au  Lycée  Gassendi,  Digne  (B.-A.). 

Chailan  (Marccllin-Martin),  de  la  Société  des  Amis  du  Vieil- 
Arles  et  de  TAcadèmie  de  Nîmes,  curé  d'Albaron-cn- 
Camargue. 

Chaillan  (Marius),  de  l'Académie  d'Aix,  correspondant  du 
Ministère,  curé  de  Septèmes  (B.-du-R.). 

Chaperon  (Jules),  de  la  Société  d'Études  provençales,  curé 
de  la  Martre,  par  Comps  (Var). 

Charve  (Léon),  de  TAcadémie  de  Marseille,  doyen  de  la  Fa- 
culté des  sciences,  60,  cours  Pierre-Puget,  Marseille. 
Chevalier  (Joseph-Alexandre-Toussaint),  secrétaire  de  l'Escolo 

de  la  Mar,  10,  boulevard  de  la  Madeleine,  Marseille. 
Clerc  (Michel),  de  l'Académie  de  Marseille,  directeur  du  mu- 
sée archéologique.  Château  Borély,  Marseille. 

Congrès.        3 


-34- 

CoNSTANs  (^Lcopold-Eugcnc),  professeur  à  la  Faculté  des  leiires 

de  l'Université  d'Aix-Marscillc,  42,  cours  Gambeita,  Aix- 

en-Provencc. 
Cotte  (Charles),  de  la   Société  archéologique  de  Provence, 

notaire  à  Pcrtuis  (Vaucluse). 
CoTiE  (^Gaston-Albert),  docteur  en  médecine,  241,  Boulevard 

National,  Marseille. 
Cotte  i^Jules).  professeurà  TÉcole  de  médecine,  lyS,  Boulevard 

National.  Marseille. 
CiRtrr  i^Kug.),  avocat  à  la  Cour  d'Aix-en-Provence. 
Crêmieix  (^Adolphe),  professeur  au  Lycée  de  Marseille,  chargé 

du  cours  d*histoirc  do  la  Révolution  à  l'Université  d'Aix- 

Marseille.  41,  rue  Marengo,  Marseille. 
D.uPHiN  (^Louis-C.K  de  la  Société  d'Ktudes  provençales,  phar- 
macien naturaliste  à  Carcès  i^Var). 
Daihhin  (Honoré\  de  TEscolo  Mistralenco,  Arles. 
DwiN  I. Paul-Marie»,  de  la  Société  d'Ktudes  provençales,   10, 

place  des  Prêcheurs.  .-\ix-en-Provence. 
Dîv oppEi  .  Kinmanuel  .  directeur  de  THcolc  pratique  d'agricul- 
ture de  Vaiabre,  Luynes,  par  Gardanne  t  B.-du-R.). 
Dumas  Jacques  .  des  .Xcadêmies  du  Var  et  de  Vaucluse,  de  la 

Société  de  siatis:.  de  Marse: île,  S.  rue  Goudard.  Marseille. 
DFi.rtV:-:   Joscrh-Anioine-Laureni  ,  professeur  agrégé  de  droit 

pub.ic  à  n  n:versiiê  d'Aix-MarsejUe.  25,  rue  du  Quatre- 

Sor:e:r.brc.  A:x-^*n-Provence. 
Dt>~v\N:  VI    Abel  ,  de  îa  Scs::e:o  des  amis  du  Vieil-Arles,  cor- 

resrcnian:  du  Ministère,  rusieur  à  Mouriès  ^B.-du-Rh.). 
rV^:;y.;  :v    Krcicric  .  ce  '.\\cùdc:r.:e  du  Var,  avocat.  n6.  rue 

S\!va^i"..e,  Marse  !.l\  e:  Sc'/.:ès-Pon:  ;Varv, 
r^.^w.    y.  .  >ej-i:a:rc  cir.-.iu  Syndics:  acric  Basda  .CorseV 
1\    î. îT   v'e:rc^>  .  rrcsicir:  jc  "..i  S.v.cte  des  ietiT>es,  scien- 

kM>  i:  ,-.-:>  Ji>  A're>M,\r  :.:r.cs.  rr.fesseur  au  lycée,  villa 

M  :i:-  .:.  '...c-  S:  .  .,  N  jc. 
r^    w-    y,      j.      \vV.Cv-  :  .:.  V:.-c'.use.  professeur  adjoint 


-  35  - 

Falgairolle  (Prosper),  de  la  Société  d'Études  provençales, 
archiviste  de  la  ville,  Vauvert  (Gard). 

Fassin  (Emile),  de  la  Société  des  amis  du  Vieil-Arles,  conseil- 
ler à  la  Cour,  boulevard  du  roi  René,  Aix-en-Provence. 

FoLRNiER  (Joseph),  de  la  Société  de  géographie  et  d'études  co- 
loniales, archiviste  adjoint  des  Bouches-du-Rhône,  corres- 
pondant du  Ministère,  Marseille. 

Gaffabel  (Paul),  de  la  Société  d'Études  provençales,  profes- 
seur à  l'Université  d'Aix-Marseille,  295,  rue  Paradis,  Mar- 
seille. 

Gantelmi  d'Ille  (marquis  Charles  de)»  président  de  l'Académie 
d'Aix,  6,  cours  Mirabeau,  Aix-en-Provence. 

Gap  (Lucien),  de  l'Académie  de  Vaucluse,  instituteur  public  à 
Oppède  (Vaucluse). 

GÉBiN-RiCARD  (comte  Henri  de),  président  de  la  Société  de 
statistique  de  Marseille,  60,  rue  Grignan,  Marseille. 

Gebmanet  (Frédéric),  de  la  Société  d'Études  provençales,  pro- 
fesseur de  sténographie,  cours  Mirabeau,  Aix-en-Provence. 

GoBY  (Paul),  de  la  Société  des  Alpes-Maritimes,  secrétaire- 
correspondant  de  la  Société  d'Études  provençales,  5,  bou- 
levard Victor-Hugo,  Grasse. 

GuÉBHARD(Dr  Adrien),  ancien  président  de  la  Société  des  let- 
tres, sciences  et  arts  des  Alpes-Maritimes,  à  Saint-Vallier- 
de-Thiey  (Alpes-Maritimes). 

GuENDE  (Charles),  professeur  à  l'École  de  médecine,  2,  rue 
Montaux,  Marseille. 

Gcis  (Antonin),  de  la  Société  d'Études  provençales,  propriétaire 
à  Salon  (B.-du-Rh.). 

GuiLLiBERT  (baron  Hippolyte),  secrétaire  perpétuel  de  l'Aca- 
démie d'Aix,  10,  rueMazarine,  Aix-en-Provence. 

M"*  HoucHART  (Eugénie),  de  l'Académie  de  Vaucluse,  14,  rue 
d'Italie,  Aix-en-Provence. 

HoucHART  (Victor-Aurélien),  de  la  Société  d'Études  provença- 
les, propriétaire-viticulteur  au  Tholonet,  près  Aix-en- 
Provence. 


Innrnr  (D'  l.con).  professeur  k  l'I^colc  d^îîedccine.  2.  cours 

du  Chapitre,  Marseille. 
Jarbik  (G,  DE),  de  la  Société  d'faudes  provençales,  38,  rue  d'An- 

tîbes,  Cannes. 
J/^i'iiLHi  (Dominique),  de  l'Académie  du  Var,  avocat.  14,  rui 

Pcircsc,  l'oulon* 
JuLiJAN  (Camille-Louis),  professeur  au  Collège  de  France. 
Jt'LuiN  (l'onunc*Toussainl),  professeur  en  reiraiie,  ï6,  traverse 

Hrcssicr,  Aix-cn-Provence. 
L^iuNur.  fl-.-H.).  de  rAcadémic  de  Vaucluse,  archiviste  de  la 

Principauté,  Monaco. 
Labhoi  R  (Henri),  professeur  aj^rége  d'histoire  au  lycée  de  Tou- 
lon, 43,  rue  Nationale. 
Lacazk^Dutiukbh  (fttiennc),  vice-présîdeni  de  la  Société  des 

amis  du  Vieil-Arles,  1 1,  rue  Vauban,  Arles. 
LACOs^nc  (Charles- Krnesi),  des  Académies  dV\ix  el  du    Var. 

1 1  iis,  place  du  (^Juatre-Scpiembre.  Aix-en-Provence. 
Lahini:  (Charles),  de  la  Société  d'Etudes  provençales,  avocat. 

3tK  rue  Saini-Ferréol,  Marseille. 
L^VAi.  flV  Viciorin),  ancien  président  de  TAcadémie  de  Vau^ 

cluse,  iK»  n\Q  de  la  Croix,  Avignon. 
LkOTAHi»  (Jacques),  secrétaire  général  de  la  Société  de  géogi»^ 

phic  et  d'études  coloniales  de  Marseille. 
LiKi  TAii»  (.\ugusie).  président  de  la  Société  des  amis  du  Viril- 

a\rlcs,  4»  rue  de  la  Monnaie,  Arles. 
UvoN'  (D'  Ch,),  directeur  de  Jlnsiitui  antirabique  de  Marseille, 

correspondant  national  de  TAcadémie  de  médecine*  14, 

rue  Peirier,  Marseille, 
MALAissihiNfc:  tJ,  K,),  juge-suppléant  au  tribunal  de  Grasse.  »c- 

tucUcnient  juge  au  tribunal  de  Semur. 
Mantcykk  tGcorgcs  mu  de  la  Société  d'Études  des  Hat 

Alpes,  au  chiltcau  de  Manteyer,  par  la  Hoche-des-AraaiMb 

^  Hautes- Alpes  K 
Martin  iCharlesK  de  IBscolo  de  Lar,  n^octaoU  iS,  coufS4 

j\mct  Méiicrs,  Aix-en-Provcnce, 


-37- 

Masson  (Paul),  de  rAcadcmie  de   Marseille,   professeur  à  la 

Faculté  des  lettres,  2,  place  Leverrier,  Marseille. 
Maurel(J.).  de  la  Société  scientifique  et  littéraire  des  Basses- 
Alpes,  curé  de  Valernes  (Basses-Alpes). 
Meh  (Georges),  docteur  en  droit,  receveur  des  contributions 
aux  Mées  (Basses  Alpes). 

Michel  (Joseph),  secrétaire  de  la  Société  d'Études  des  Hautes- 
Alpes,  place  Saint-Arnoux,  Gap. 

Mille  (Marie-Jérôme),  vice-président  de  la  Conférence  du 
stage,  avocat,  rue  Cellony,  42,  Aix-jn-Provence. 

.Mirety-Sans  (Joaquin),  secrétaire  de  la  Real  Academia  de  Bue- 
nas  Letras  de  Barcelona,  Espagne. 

MoNNÉ(Jean),  directeur  du  Felibrige,  41,  rue  Thomas,  Mar- 
seille. 

MoNTRicHER  (de),  de  l'Académic  de  Marseille. 

Mol  LIN  (Paul),  de  la  Société  d 'Études' provençales,  6,  rue  des 
Minimes,  Marseille. 

MouTTET  (Ferdinand),  de  l'Académie  du  Var,  notaire  et  maire 
de  Signes,  Var. 

NicoLLET  (François-Napoléon),  de  la  Société  d'Études  des 
Ilautes-Alpes  et  de  la  Société  d'Études  provençales,  36, 
avenue  Victor-Hugo,  Aix-en-Provence. 

NicoLLET(Jean-Marie),  de  la  Société  d'Études  des  Hautes-Alpes, 
juge  de  paix  à  la  Bàtic-Neuve  (Hautes-Alpes). 

Pary,  de  l'Association  des  sylviculteurs  de  Provence,  Mar- 
seille. 

Pellissier  (Henri),  de  la  Société  astronomique  de  France, 
négociant,  4,  rue  du  Trésor,  Aix-cn-Provence. 

Perdrlx  (Louis-Léon),  professeur  de  chirhie  à  la  Faculté  des 
sciences,  6,  rue  des  Minimes,  Marseille. 

Pillard  (d'Arkaï),  ancien  élève  de  l'École  spéciale  des  langues 
orientales  et  de  l'École  libre  des  sciences  politiques,  publi- 
ciste,  Golfe-Juan  (Alpes-Maritimes). 

PoLPÉ  (Edmond),  de  la  Société  d'Études  de  Draguignan,  20, 
boulevard  de  l'Esplanade,  Draguignan. 


Imbert  (D'  Léon),  professeur  à  Fbxole  de  médecine,  2.  cours 

du  Chapitre,  Marseille. 
Jarrik  (G.  de),  de  la  Société  d' Éludes  provençales,  38,  fued'An- 

tibes,  Cannes. 
Jaubebt  (Dominique),  de  TAcadémie  du  Var,  avocat,  14,  rue" 

Peiresc,  Toulon, 
JuLUAN  (Camille-Louis),  professeur  au  Collège  de  France. 
JcuEN  (Fortuné-Toussaint),  professeur  en  retraite,  r6,  traverse 

Bressier*  Aix-en-Provence. 
Labanoe  (L*-H.),  de  TAcadémic  de  Vaucluse,  archiviste  de  la 

Principauté»  Monaco. 
Labroi:e  (Henri),  professeur  agrégé  d'histoire  au  lycée  de  Tou- 
lon, 43,  rue  Nationale, 
Lacaze-Duthiehs  (Etienne),  vice-président  de  la  Société  des 

amis  du  Vieil-Arles,  1 1,  rue  Vauban»  Arles. 
Lacoste  (Charles- Ernest),  des  Académies  d*Aix  et  du    Vafj 

u  f/is,  place  du  (^>uatre -Septembre,  Aix-en-Provence. 
Lati'ne  (Charles),  de  la  Société  d'Etudes  provençales,  avocat, 

39,  rue  Saint-Ferréol,  Marseille* 
Laval  (D^  Victorin),  ancien  président  de  l'Académie  de  Vau^ 

cluse,  18,  rue  de  la  Croix,  Avignon. 
LÉOTAHD  (Jacques),  secrétaire  général  de  la  Société  de  géogra^ 

phie  et  d'études  coloniales  de  Marseille. 
LiEUTAtîo  (Auguste),  président  de  la  Société  des  amis  du  Vieil- 
Arles,  4,  rue  de  la  Monnaie»  Arles. 
LivoN  (D'  Ch.),  directeur  de  l'instiiot  antirabique  de  Marseille, 
correspondant  national  de  TAcadémie  de  médecine,   14, 
rue  Peirier,  Marseille. 
Malal'ssène  (J,-E.),  juge-suppléani  au  tribunal  de  Grasse,  ac- 
tuellement juge  au  tribunal  de  Semur. 
Manteyer  (Georges  de),  de  la  Société  d*Ètudcs  des  Hautes- 
Alpes,  au  château  de  Manteyer,  par  la  Uoche-des-Arnauds 
(Hautcs*Alpes). 
Mabtin  (Charles»,  de  l'Escolo  de  Lar,  négociant»  j5,  cours  des 
Arts  et  Métiers,  Aix-en-Provence. 


-37- 

Masson  (Paul),  de  rAcadcmie  de   Marseille,   professeur  à  la 

Faculté  des  lettres,  2,  place  Leverrier,  Marseille. 
Maurel(J.)»  de  la  Société  scientifique  et  littéraire  des  Basses- 
Alpes,  curé  de  Valernes  (Basses- Alpes). 
Meh  (Georges),  docteur  en  droit,  receveur  des  contributions 
aux  Mées  (Basses  Alpes). 

Michel  (Joseph),  secrétaire  de  la  Société  d'Études  des  Hautes- 
Alpes,  place  Saint-Arnoux,  Gap. 

Mille  (Marie-Jérôme),  vice-président  de  la  Conférence  du 
stage,  avocat,  rue  Cellony,  42,  Aix-jn-Provence. 

.Mirety-Sans  (Joaquin),  secrétaire  de  la  Real  Academia  de  Bue- 
nas  Letras  de  Barcelona,  Espagne. 

MoNNÉ(Jean),  directeur  du  Felibrige,  41,  rue  Thomas,  Mar- 
seille. 

MoNTBicHER  (de),  de  l'Académie  de  Marseille. 

Mot  LIN  (Paul),  de  la  Société  d'Études  provençales,  6,  rue  des 
Minimes,  Marseille. 

MouTTET  (Ferdinand),  de  l'Académie  du  Var,  notaire  et  maire 
de  Signes,  Var. 

NicoLLET  (François-Napoléon),  de  la  Société  d'Études  des 
Hautes-Alpes  et  de  la  Société  d'Études  provençales,  36, 
avenue  Victor-Hugo,  Aix-en-Provence. 

NicoLLET(Jean-Marie),  de  la  Société  d'Études  des  Hautes-Alpes, 
juge  de  paix  à  la  Bàtie-Neuve  (Hautes-Alpes). 

Pary,  de  l'Association  des  sylviculteurs  de  Provence,  Mar- 
seille. 

Pellissier  (Henri),  de  la  Société  astronomique  de  France, 
négociant,  4,  rue  du  Trésor,  Aix-en-Provence. 

Perdrix  (Louis-Léon),  professeur  de  chirhie  à  la  Faculté  des 
sciences,  6,  rue  des  Minimes,  Marseille. 

Pillard  (d'Arkaï),  ancien  élève  de  l'École  spéciale  des  langues 
orientales  et  de  l'École  libre  des  sciences  politiques,  publi- 
ciste,  Golfe-Juan  (Alpes-Maritimes). 

PotPÉ  (Edmond),  de  la  Société  d'Études  de  Draguignan,  20, 
boulevard  de  l'Esplanade,  Draguignan. 


—  38  - 

pRANiSMNiKOKK  (Ivan),  de  la  Société  des  amis  du  Vieil-Arles, 
ariislc-pcintrc,  aux  Sainics-Maries(B.-du-Rh.). 

KAiMMAi:LT(Mauriccj,cabiscol  deTEscolo  delà  Mar,  sous-archi- 
vistc  des  Bouches-du-Rhône,  14,  rue  Montaux,  Marseille. 

Rampai.  (Auguste),  de  la  Société  de  géographie  et  d'études  colo- 
niales, avocat,  rueGrignan,  Marseille. 

Ranck-Boiîhrey  (Antoine-Joseph),  de  la  Société  des  lettres, 
sciences  et  arts  des  Alpes-Maritimes,  10,  avenue  de  la 
(îarc,  Nice. 

Rkhoi'i.kt  (capitaine),  de  l'Académie  de  Vaucluse,  à  Avignon. 

Ri:yi'ïN  (abbé),  de  l'Académie  de  Vaucluse,  14,  boulevard 
Victor-Ilugo,  Avignon. 

Rkynaui)  (Félix),  archiviste  en  chef  des  Bouches-du-Rhône. 

Rkynm'I)  I)K  Lyqies  (Gaston -Paul-Alexandre),  de  la  Société 
d'Iùudcs  de  Draguignan,  curé  du  Puget-sur-Argens  (Var). 

Rkynier  (Alfred),  botaniste,  avenue  de  Vauvenargues,  Aix-en- 
Provcnce. 

RirKHV  HK  MoNci.Ai^  (marquis  François  de),  de  TAcadémic  de 
Wiucluse,  au  château  d'Allemagne  (Basses-Alpes). 

Uivi^HK  i^JulcsX  do  IWcadcmic  du  Var,  architecte,  i5,  avenue 
Vauban.  Toulon. 

RiwvN  (Joseph),  de  la  Société  d'Ktudes  des  Hautes-Alpes,  cor- 
respondant du  .Ministi^re.  au  château  de  Picomial,  Les  Crot- 
tes, près  Fmbrun  ^llautes-.MfHîsV 

RovM  vtîirolamo\  R.  Ispcttore  degli  scavi  e  monumenti  délia 
proxmcia  di  Porto- .Maurizio.  \entimiglia. 

Svi  \»  v'*^'»"<>»^»>J\do  rAcadèmicdc  Vaucluse,  secrélaire-corres- 
|vnd.uu  do  la  Svvicto  d'Ktudcs  provençales.  Api  (Vau- 

siUNO>, 

N  H  V).'  V  \llvrî\  p^v^îc^^cur  a^^ro^e  à  la  Faculté  Je  droit  d'Aix, 

.uUicHcnu^r.  à  vcUc  vie  Hi-on. 
Sî    \Kî>  ^1  !^.;^',v^^laMc-Jv^^cph^  prcsiden;  honoraire  de  l'Aca- 

xîcnv.o  viu  \  a: .  io.  piaco  r;;i:o:.   Toulon, 
r?  .vn;  ^î    \    .  vio  i,i  Nvu:c  xi  1  Mies  rr.^vcn^MJes,  directeur  de 

i  vxolv  vo;r«nv.;na;v\  rrc:>  J>  -ou-R.  . 


-39- 

Valérian  (Isidore),  de  la  Société  d'Études  provençales,  archéo- 
logue, architecte,  35,  boulevard  de  la  République,  Salon 
(B.Hlu-Rh.). 

Valran  (Gaston),  secrétaire-général  de  la  Société  d'Études  pro- 
vençales, 56,  cours  Gambetta,  Aix-en-Provence. 

Vassfur,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences,  palais  Long- 
champ,  Marseille. 

Vayssière,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  l'Université 
d'Aix-Marseille. 

Verrier  (D'  Eugène),  délégué  sur  la  Côte-d  azur  de  l'Alliance 
scientifique  universelle,  8,  rue  Chabaud,  Cannes.         • 

Verrier  (Paul),  photographe  d'art,  même  adresse. 

Vesinne  (Henri  de),  de  la  Société  d'Études  des  Hautes-Alpes, 
ingénieur  des  arts  et  manufactures,  Gap. 

Vidal,  de  l'Académie  d'Aix^  rnajoral  du  Félibrige,  cabiscol 
honoraire  de  TEscolo  de  Lar,  'avenue  Victor-Hugo,  Aix- 
cn-Provence. 
Ville-d'Avray  (le  colonel  Henry  Thierry  de),  de  la  Société  des 
lettres,  sciences  et  ans  des  Alpes-Maritimes  et  de  celle  de 
Cannes,  bibliothécaire  et  conservateur  des  musées,  villa 
Casabianca,  Cannes. 
ViNCENs(Ch.),  trésorier  de  l'Académie  de  Marseille,  9,  rue  Ni- 
colas, Marseille. 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉflJlGES 


SÉANCE  D'OUVERTURE 

La  séance  d'ouverture  du  Congrès  eut  lieu  le  mardi 
3i  juillet,  à  cinq  heures  précises,  dans  la  salle  des  fêtes 
du  Grand  Palais  de  l'Exposition  Coloniale,  sous  la  prési- 
dence de  M.  F.  Belin,  recteur  de  FAcadémie,  délégué  du 
Ministre  de  l'Instruction  publiqueet  président  du  Bureau. 
A  ses  côtés,  avaient  pris  place  MM.  J.  Charles-Roux, 
commissaire  général  de  l'Exposition  ;  L.-H.  Labande, 
délégué  de  S.  A.  S.  le  Prince  de  Monaco  ;  F.-N.  Nicollet 
et  J.  Fournier,  secrétaires  du  Congrès. 

La  salle  avait  été  aménagée  avec  goût  pour  la  circons- 
tance par  les  ordres  de  M.  Morel,  le  distingué  adminis- 
trateur de  l'Exposition,  et  un  excellent  orchestre  prétait 
son  concours. 

M.  F.  Belin,  président,  proclama  l'ouverture  du  Con- 
grès, souhaita  la  bienvenue  aux  Congressistes  et  pro- 
nonça l'allocution  suivante  : 

ALLOCUTION  DE   M.   BELÎn 

Messieurs, 
Je  suis,  je  vous  l'avoue,  quelque  peu  embarrassé  pour  vous 
souhaiter.la  bienvenue.  Membre  de  la  Société  d'Études  proven- 
çales et  de  TAcadémie  des  arts,  sciences  et  belles-lettres  d'Aix, 


-  42  - 

j'ai  été,  à  ce  double  titre,  choisi  comme  président  du  Comité 
d'initiative,  qui  a  eu  l'heureuse  idée  (il  est  quelquefois  permis 
de  se  louer;  de  réunir,  en  un  congrès,  les  Sociétés  savantes  de 
l'ancien  Comté  de  Provence  et  terres  adjacentes,  comme  on 
disait  autrefois  ;  et.  d'autre  part,  M:  le  Ministre  de  Tlnstruction 
publique  et  des  Beaux-Arts,  applaudissant  à  notre  hardie  ten- 
tative de  décentralisation,  a  bien  voulu  me  charger  de  le  repré- 
senter auprès  de  vous.  J'ai  donc  deux  visages,  mais  je  n'en 
dois  aujourd'hui  montrer  qu'un;  et  c'est  le  confrère  qui  vous 
remercie  bien  sincèrement  de  nous  avoir  aidés  à  prouver  à 
tous,  Français  et  étrangers,  à  l'occasion  de  cette  grandiose 
Kxposition  Coloniale,  qui  illustre  une  fois  de  plus  la  ville  de 
Marseille  et  constitue  un  de  ses  titres  nouveaux  à  la  reconnais- 
sance nationale,  que  l'activité  intellectuelle,  féconde  et  créa- 
trice n'est  point  chose  nouvelle  en  Provence;  que  la  Provence 
a  eu.  à  toutes  les  époques  de  son  histoire,  le  culte  éclairé  de 
l'an  et  de  ses  manifestations  les  plus  diverses  ;  et  que  ceux  qui 
portent  aujourd'hui  son  nom  à  travers  le  monde,  artistes  ou 
pi'kètos,  savants  ou  érudits,  négociants  ou  navigateurs,  sont 
bien  les  tils  de  ceux  dont  vous  avez  retracé  les  gestes  ou  re- 
trouve Icsivuvres.  jusqu'à  vous  ensevelies  dans  l'oubli. 

I.ors  de  notre  dernière  réunion  à  la  Sorbonne,  il  n'y  a  pas 
quatre  mois,  un  ministre  éminent,  ancien  grand  maître  de 
riniversito,  saluait  en  nous  «.  la  substance  inaltérable  de  la 
jvpulation  ^,  ajoutant  que  nous  étions  *  la  bonne  humeur  et 
^  la  s^uuc  ;  le  travail  tranquille  et  souriant;  la  conscience  et 
^  riu^lMrtialitc;  la  jvnièvèrance  et  la  raison  >.  l/êloge  était 
maijnihquc;  comme  nous  sommes  modestes,  nous  ne  lavons 
accepté  qu'en  jMriie  ;  nous  nous  sommes,  seulement,  promis 
de  le  iusiiiier  chaque  année.  Vous  nave.:  pvis.  mes  chers  con- 
trvtcs»  \oulu  aucndrw  fvur  le  îaire,  la  rcyr.:."n  annuelle  de  nos 
Nvictcs  N.uanie>  A  cette  ejxxque  des  \ avances,  sî  imraiiem- 
nuMU  attenviues  i\ir  nos  îanv.lics.  îoui.  ix^urun:,  conspirait  à 
\ouN  retenir  loin  vie  ia  jurande  v/ilc  :  la  n-ionUiCnc  ."^u  îa  plaide; 
iu\x  Ivis  ombreux,  quoi  qu  on  en  ùt>c,  ou  la  ba>:;ie  >oiiiaire 


-43- 

et  éloignée,  si  chère  à  vos  pères  ;  mais  nous  avons  fait  appel  à 
votre  ardent  amour  pour  la  Provence,  à  votre  affection  pro- 
fonde, que  sans  cesse  fortifient  la  raison  et  Téiude,  pour  cette 
terre  privilégiée  où  le  ciel  est  plus  bleu,  lair  plus  limpide,  la 
lumière  plus  éclatante,  les  cœurs  plus  prompts  à  se  prendre,  et 
vous  êtes  de  tous  côtés  venus.  Vous  nous  apportez  à  Tenvi  le 
résultat  de  vos  patientes  recherches,  de  vos  investigations  mi- 
nutieuses, de  ces  travaux  si  intéressants  et  si  neufs,  qui  nous 
apprennent  à  mieux  connaître  la  petite  patrie  et  à  rendre  une 
justice  méritée  à  ceux  qui,  avant  nous,  Tont  servie,  illus- 
trée ou  défendue.  Qu'on  parcoure  la  liste  des  communications 
promises,  et  Ton  verra  que  rien  de  ce  qui  intéresse  la  Provence 
ne  vous  demeure  étranger  :  qu'il  s'agisse  de  l'époque  qui  a 
précédé  la  domination  romaine  ou  des  temps  agités  de  notre 
Révolution;  —  de  notre  administration  municipale  ou  de  la 
condition  de  nos  maîtres  d'école  avant  1789;  —  des  monu- 
ments chrétiens  primitifs  de  la  Provence  ou  des  joyaux  qui 
composaient  le  trésor  de  nos  vieilles  cathédrales;  —  du  Con- 
sulat de  la  mer  à  Marseille  au  xih*  siècle  ou  de  la  peste  de 
1720;  —  de  ceux  qui  ont  travaillé  à  la  brillante  renaissance 
de  la  langue  provençale  ou  de  ceux  qui,  à  leur  tour,  prouvent 
par  leurs  découvertes  que  la  science  est  toujours  la  grande 
bienfaitrice;  et,  dans  ces  essais,  que  je  ne  puis,  à  mon  grand 
regret,  énumérer  tous,  nulle  préoccupation  étrangère  ne  vient 
distraire  votre  sérénité  :  vous  ne  poursuivez  que  le  vrai. 

Mes  chers  confrères,  arrivé  presque  au  terme  d'une  carrière 
déjà  longue,  nul  honneur  ne  pouvait  autant  me  toucher  que 
celui  qui  m'est  échu  aujourd'hui.  J'éprouve  un  vrai  sentiment 
de  fierté  à  présider  une  assemblée  composée  de  savants  tels  que 
vous,  d'hommes  d'étude  ayant  ancré  au  cœur  le  culte  du  sol 
natal,  tout  entiers  à  la  tâche  qu'ils  se  sont  volontairement  im- 
posée pour  le  meilleur  renom  de  leur  province  ou  de  leur  cité, 
et  trouvant  dans  la  satisfaction  d'un  devoir  librement  accom- 
pli la  plus  haute  récompense  d'œuvres  qui  accroissent  sans 
cesse  le  patrimoine  intellectuel  de  la  patrie.  A  votre  façon,  et 


-  44  - 

ce  n'est  pas  la  moins  bonne,  vous  servez  la  France  avec  un 
désintéressement  qui  vous  honore,  eiqui,  toujours,  peut  servi  r 
d'exemple. 

Kn  terminant,  car  les  lon^s  discours  me  font  peur,  j'es- 
time qu'il  est  de  mon  devoir  de  vous  dire  que  j'ai  été  proton, 
dément  ému  de  l'accueil  que  vous  m'avez  réservé,  et  je  tiens 
à  vous  en  exprimer  publiquement  mes  plus  vifs  sentiments 
de  f^ratitude. 


M.  le  Président  donne  ensuite  la  parole  à  M.  Labande, 
délégué  de  S.  A.  S.  le  Prince  de  Monaco  : 

ALLOCUTION  DE  M.  LABANOE 

Mkssiki'bs, 

Son  Altesse  Sérénissimc  le  Prince  Albert  I"  de  Monaco,  sol- 
licité par  la  Société  d'Kiudesprovcn^^ales,  organisatrice  du  Con- 
grès, de  se  laire  représentera  ces  assises  scientifiques,  a  daigné 
me  Taire  l'honncurde  m'y  déléguer.  La  principauté  de  Monaco, 
depuis  la  plus  haute  antiquité,  tient  par  trop  de  liens  à  la  Pro- 
vence, sa  voisine,  pour  que  son  souverain,  arrière-peiit-fils  des 
marquis  des  lîaux.  seigneurs  de  Saint-Remy,  n'ait  saisi  avec 
empresscmoni  ccuc  occasion  de  témoigner  du  haut  intérêt 
qu'il  n'a  cessé  de  portera  vos  études  scienlitiques.  archéologi- 
ques et  historiques. 

Il  serait  oiseux  de  rappeler  ici  combien  Lui-même,  par  des 
liavauN  persiMincls  qui  Lui  ont  ouvert  les  portes  de  l'Institut 
do  France,  a  contribué  au  progrès  des  sciences  diverses  com- 
prises sous  le  lUMn  d'iKoani^grapiiie.  que  le  voisinage  de  la  Mé- 
viiiorranoc  rend  p.iniculièroinciu  utilcN  aux  Provonv^aux.  Lu  ces 
po\i;rès  ne  Icioni  viesiMinais  vjue  s'accentuer,  gràceà  la  magni- 
lique  fondation  vlo  rinslitui  océanographique,  à  laquelle  ont 
applaudi  lessaxaius  du  mvuuie  entier. 


non  plus  combien  les  recherches  si  ar- 
dues et  si  comphquées  sur  la  préhisioire  provençale  Lui  sont 
redevables  par  lexploration  méthodique  ei  raisonnée,  dirigée 
par  Lui,  des  grottes  déjà  fameuses  de  Baoussé- Rousse,  et 
par  la  création  du  Musée  anthropolofîiquc  de  Monaco,  La  con- 
naissance  des  premières  manifestations  de  l'homme  et  de  son 
activité  sur  notre  littoral  s'est  trouvée  par  là  enrichie  de  docu- 
ments de  la  plus  haute  importance,  qu*un  récent  Congrès  in- 
ternational, tenu  sous  les  auspices  du  Prince  AlUcri  l*^  a  per- 
mis de  vérilîer  et  d interpréter. 

L'hisioiredc  la  Provence  depuis  le  xi*  siècle  ne  doit-elle  pas 
encore  à  Sa  bienveillance  éclairée  quelques-uns  des  volumes  de 
la  collection  de  textes  imprimés  par  Son  ordre?  Jusqu'ici,  c est 
surtout  la  région  la  plus  orientale  de  la  Provence  qui  en  a  bé- 
néficié, mais  le  champ  de  cf*ite  collection  s  elar^'ira  de  plus  eo 
plus  cl  je  suis  heureux  de  pouvoir  annoncer  aux  membres  de 
ce  Congrès  que  la  Provence  tout  entière  y  trouvera  son  profit. 
Son  Altesse  Sérénissime  reconnaît  en  etTci  de  quelle  impor- 

ince  et  de  quel  intérêt  sont  les  études  d'histoire  et  d'archéolo- 
relatives  à  votre  admirable  pays,  et  si  Elle  tient  tant  à  hon- 
neur de  les  faciliter  autant  qu'il  est  en  Son  pouvoir,  c*cst  dans 
là  conviction  qu'elles  ont  une  haute  ponce  scientifique  et  phi- 
losDphique  Les  destmées  de  ta  Provence,  grâce  à  une  situation 
gcograptiique  privilégiée,  ont  été  telles  que,  depuis  les  temps 
plus  reculés,  elles  ont  été  associées  d'une  façon  intime  à  la 

larche  progressive  de  la  civilisation,  La  mission  qui  lui  in- 
comba dans  l'antiquité  classique,  grecque  et  romaine,  est  trop 
connue  de  vous  tous,  pour  que  j'aie  la  présomption  d*insister 
à  ce  sujet.  Quand,  plus  tard*  le  flot  des  barbares  envahisseurs 
menaça  de  tout  submerger,  ne  fut-elle  pas  une  des  dernières 
provinces  de  l'Empire  d'Occident  à  sauvegarder  le  patrimome 
inielleciuel  et  moral  de  Ihumanité  et  à  le  défendre  jalouse- 
ment ?  C'est  assurément  ce  qui  lui  valut  d'être  l'objet  d'âpres 
convoitises  et  de  se  trouver  mêlée  à  des  luttes  meurtrières  qui, 
cndéHniiive,  devaient  assurer  au  vainqueur  une  prcdaminancc 


mondiale.  Lorsque  la  tourmente  s'cloi4;na,  elle  reprit  bien  vite 
le  rang  dont  l'avaient  lait  déchoir  les  guerres  et  les  invasions, 
et  SCS  villes  principales  ne  lardèrent  pas  à  rivaliser  avec  les  ré- 
publiques les  plus  prospères  de  l'Italie.  Son  rôle  pour  le  rap- 
prochement des  peuples,  pour  l'extension  du  commerce,  pour 
la  diffusion  des  grandes  idées  de  jusiicc  et  de  liberté  dans  le 
monde  méditerranéen»  fut  vraiment  merveilleux  pendant  tout 
le  moyen  âge  et  les  temps  modernes  :  il  y  a  ici  des  érudits  qui 
pourraient  vous  Texpliqucr  bien  mieux  que  je  ne  saurais  le  faire 
ei  j'aurais  mauvaise  grâce  à  développer  ce  thème  devant  leur 
compétence  justement  appréciée. 

Il  semble  pourtant  que  Tattcntion  de  ces  mêmes  érudits  ne  se 
soit  pas  encore  portée  d*unc  façon  assez  complète  et  assez  sui- 
vie sur  la  part  prise  par  les  Provençaux  depuis  la  tîn  de  Képo- 
quc  romaine  dans  le  développement  de  Van.  Il  est  vrai  que  la 
question  est  extrêmement  complexe  et  qu'il  est  fort  difficile  de 
démôlcr  ce  que  la  Provence  dut  à  l'Italiep  au  nord  ou  au  cen- 
tre de  la  Krance,  et  i*icc  versa  ce  que  la  France  et  Tltalie  durent 
à  rintlucncc  provençale.  Ce  problème,  envisagé  sous  tous  les 
points  de  vue,  vaut  d*èire  discuté,  car  je  soupçonne  que  sa  so- 
lution sera  considérée  comme  capitale  pour  Thistoirede  Kart  en 
général.  Mais  on  ne  pourra  guère  l'essayer  que  lorsqu'on  aura 
en  main  une  quantité  suîHsanic  de  textes  bien  datés,  s'appli- 
quant  sans  contestation  à  des  monuments  ou  des  œuvres  cou 
serves  jusqu'à  nos  jours. 

Des  réunions  telles  que  celle-ci  ne  peuvent  que   favoris 
I  examen  approfondi  des  diverses  questions  qui  restent  ainsi  à 
élucider.  Kn  facilitant  l'échange  des  idées  et  en  resserram  les 
relations  entre  érudits  d'une  même  région,  elles  ont  Timmens 
avantuge  de  stimuler  des  études  qui  ne  sont  nulle  part  plus  at 
trayantes  qu  en  Provence. 

j  .-        '     jii  Congrès qai  s'ou\r"s;  auio^rj  nui  usi  une  preuve' 
de  l  .  i  il  présente  ;  il  fait  espérer  en  même  temps  que 

son  œuvre  sera  durat>le  et  permet  de  souhaiter  qu'il  soit  le  pce* 
ftikf  d'une  longue  série  d'autres  sembUMes. 


-  47  - 
A  ce  succès,  dont  nous  devons  savoir  gré  aux  organisateurs, 
nul  ne  sera  plus  heureux  d'applaudir  que  Son  Altesse  Sérénis- 
sime  le  Prince  de  Monaco  ;  nul  plus  que  Lui   n'appréciera, 
Messieurs,  le  mérite  et  la  valebr  de  vos  travaux. 


Enfin,  M.  Fournier  donna  lecture  d'une  savante  étude 
envoyée  par  M.  Camille  Jullian,  professeur  au  Collège  de 
France,  qui,  au  dernier  moment,  avait  clû  renoncer  à  se 
rendre  au  Congrès  : 

ÉTUDE  DE  M.   JULLIAN 

Les  Transformations  des  Sociétés   Barbares 

DE  LA  Provence 

ET  LE  Commerce  de  Marseille  Grecque. 

Marseille  vécut,  durant  quinze  générations,  à  la  frontière  du 
monde  barbare.  De  598,  date  de  sa  fondation,  jusqu'à  i25, 
date  de  l'arrivée  des  Romains,  elle  n'eut  en  Gaule,  comme  voi- 
sins, adversaires,  amis,  clients  ou  concurrents,  que  des  hom- 
mes du  pays,  des  sociétés  d'indigènes.  Pendant  ce  long  espace 
de  temps,  Tarrière-pays  de  la  ville  grecque  changea  souvent  de 
maîtres,  et  le  monde  barbare  qui  l'approchait  changea  de  carac- 
tère. Quand  les  Phocéens  apparurent,  la  Provence  appartenait 
aux  Ligures;  les  Celtes  les  ont  remplacés;  puis,  sont  venus  les 
Romains.  La  cité  de  Marseille  a  donc  eu  le  contact  des  trois 
grandes  civilisations  qui  se  sont  succédé  dans  l'histoire  ancienne 
de  rOccident  :  les  Ligures,  derniers  héritiers  des  temps  primi- 
tifs ;  les  Celtes,  les  conquérants  de  l'Europe  venus  des  plaines 
du  Nord  ;  les  Romains,  les  conquérants  des  terres  de  la  Mer 
Intérieure  venus  des  rivages  du  Midi.  — -  Cherchons  quelles 
transformations  se  sont  produites  en  Provence  sous  ces  ditfé 


-48- 

rents  régimes,  et  comment  Marseille  a  pu  s'accommoder  avec 
ses  voisins  successifs. 


* 

*  * 


Quand  Marseille  fut  fondée,  il  n'y  avait  en  Provence  que 
des  Ligures,  et  les  Grecs  appelèrent  le  pays  la  Liguric  ou  la 
Ligustique.  C'est,  du  reste,  à  partir  de  cette  fondation  que  ces 
noms  de  Ligures  et  de  Ligurie  furent  connus  des  Hellènes, 
qu'ils  prirent  place  dans  les  vers  de  leurs  poètes  ou  les  tables 
des  cartographes  de  Milet.  Les  voyageurs  grecs  qui,  au  sixième 
siècle  avant  notre  ère,  s'aventuraient  le  long  des  côtes  méditer- 
ranéennes, depuis  la  Tête  de  Chien  de  Monaco  jusqu'au  Cap 
Cerbère  des  Pyrénées,  n'entendirent  parler  que  des  Ligures,  au 
milieu  desquels  rayonnait  la  splendeur  juvénile  de  Marseille 
grandissante. 

Mais  il  faut  se  figurer  ces  Ligures  comme  des  populations 
sans  unité  et  sans  cohésion.  11  n'y  avait  entre  eux  d'autre  lien 
que  la  communauté  de  nom  et  de  langue.  Que  des  siècles  au- 
paravant aient  existé  des  empires  ligures  dans  la  vallée  du 
Rhône  ou  dans  les  monts  de  la  Provence,  cela  est  fort  possi- 
ble. Mais  il  n'en  reste  plus  trace  au  temps  de  l'ère  marseillaise'. 
Les  Ligures  du  sixième  siècle  avant  Jésus-Christ  sont  quelque 
chose  comme  «les  Romains»  ou  «  la  Romania  ^  des  temps 
de  Clovis  ou  de  Clotaire,  comme  «  les  Francs  »  des  temps  de 
Charles  le  Simple  ou  de  Louis  le  Gros,  le  vestige  et  le  vocable 
d'une  grande  civilisation  qui  disparaît. 

A  l'unité  primitive  du  monde  ligure  avait  succédé  un  état  de 
morcellement  infini.  Le  régime  politique  de  tous  ces  Barbares 
est  le  régime  de  la  tribu,  ou,  comme  disaient  les  Latins,  du 
pagus.  Lisez  chez  Tite-Live  la  description  des  sociétés  ligures 
de  l'Italie  apennine  à  l'époque  de  Paul-Emile  :  elles  sont 
rimage  des  sociétés  ligures  de  la  Provence  dans  les  siècles  qui 
ont  accompagné  et  suivi  la  fondation  de  Marseille.  C'est,  par- 
tout, la  vie  en  tribu,  c'est-à-dire  le  groupement  de  quelques 


taines  de  farniHes  et  de  quelques  milliers  dliommes,  asso- 
cies pour  la  vie  en  commun  dans  une  peiîie  vallée,  autour  d'un 
étang,  le  long  des  rivages  d*un  golfe,  au  centre  d'une  clairière 
|c  vaste  forêt.  El  à  la  tète  de  la  tribu  se  trouve  un  «t  petit  roi  », 
eguius,  disaient  les  Romains,  sorte  de  pairiarche,  a  la  fois 
fehcf  de  guerre,  juge  et  prêtre.  —  Cest  un  roitelet  de  cette  sorte, 
Nann.  qui  accueillit  les  Phocéens  et  leur  permit  de  fonder  Mar- 
eille. 

Nous  connaissons  le  nom  de  la  tribu  dont  Nann  était  le  roi 
et  sur  le  territoire  de  laquelle  Marseille  lut  bâtie  :  c*était  la 
iribu  des  Ségobrîges,  Segobtigii,-*  On  a  prétendu  que  ce  nom 
était  apocryphe,  qu'il  était  d'origine  celtique,  et  que  quelque 
chroniqueur  maladroit  Fauraii  inséré  dans  Thistoire  des  Ligu- 
res de  Provence.  Ce  reproche  ne  me  parait  pas  avoir  sa  raison 
Tètre.  Le  nom  de  Segobrigii  est  ligure,  sans  aucun  doute. 
^^ous  le  trouvez  en  Espagne,  dans  des  régions  où  les  Ligures 
ont  longtemps  vécu  :  et  si  les  Celtes  Toni  conservé,  cela  ne 
veut  point  dire  qu'ils  l'aient  apporté.  Regardez  les  vieilles  loca- 
lités ligures  du  Sud- Est  de  la  France,  et  vous  rencontrerez  sou- 
vent dans  leurs  noms  les  mêmes  thèmes  onomastiques  que 
dans  celui  des  Ségobriges  :  Briganiio,  Bnançon,  Segusiero, 
Sisieron,  et  bien  d'autres. 

Au  lieu  et  place  de  ce  nom  de  Ségobriges,  un  auteur  ancien 
donne  le  nom  de  Cornant  k  la  tribu  ligure  du  terroir  marseil- 
lais. Or,  il  se  trouve  que  le  tlls  du  roi  Nann,  et  par  suite  le 
beau*frère  du  fondateur  de  Marseille,  s'est  appelé  de  ce  même 
^Dom,  Comanus.  Coïncidence  qui  suggère  deux  hypothèses:  ou 
bien  Tauteur  en  question  aura  pris  ie  nom  du  roi  pour  celui  de 
sa  tribu;  ou  bien  la  tribu  des  Ségobriges  aura  reçu,  à  la  mort 
de  Nann»  le  nom  de  son  nouveau  roi  Comanus  ;  car  il  n'est 
pas  rare,  chez  les  peuples  barbares  de  lantiquilé  (comme  chez 
les  peuplades  africaines  de  maintenant),  de  voir  le  nom  d*un 
roi  passer  à  son  État  et  h  ses  sujets. 

L'étendue  du  domaine  des  Ségobriges  n'est  point  connue, 
mais  il  nVst  pas  difficile  de  le  retrouver  par  conjecture.  C*étaitt 


COtlOUtS .  '  4. 


a  n  en  point  douter»  le  bassin  de  rHuveaLine,  tout  au  moi 
depuis  lembouchure  jusque  vers  Auriol,  j'entends  et  la  plaine 
qu  arrose  Ja  rivière  et  les  rudes  montagnes  qui  encadrent  cette 
plaine.  Le  vallon  de  l'Huveaune  est.  en  effet,  la  seule  région 
découverte  que  Ion  trouve  aux  environs  de  Marseille.  Naturel* 
kment  arrosée,  de  culture  facile  ci  de  richesse  sulTisante.  il 
n'y  a  que  là  qu*une  tribu  un  peu  nombreuse  puisse  trouver  sa 
subsistance.  Puis,  la  rivière  de  ITluveaune  trace  le  sillon  le  plus 
long  et  le  plus  accessible  qu'on  puisse  voir  dans  Tarrière-pays 
de  Marseille;  elle  ouvre  une  route  très  commode  vers  Tintcrieur 
de  la  Provence  ;  elle  mène  jusqu'à  cette  voie  c\e  TArc  et  de 
l*Argensqui  est  Taxe  de  ta  Gaule  du  Sud-Est.  Enfin,  c'est  au 
beau  milieu  de  cette  vallée  de  rHuveaune,  à  Saint-Jean-dc- 
Garguier  ei  dans  la  Crau  d'Aubagnc,  qu'on  reconnaîtra,  à 
répoque  romaine,  les  plus  importants  vestiges  de  population 
indigène  qu'ait  livrés  l'arrondissement  de  Marseille.  Et  tout 
cela  fit  de  sa  vallée  la  terre  d'élection  et  d'une  société  barbare 
et  d'une  colonie  grecque. 

Toutes  les  petites  vallées  de  la  Provence  avaient  des  tribus 
semblables  :  et  l'Arc,  et  la  Touloubre,  et  les  rivages  de  Tétang 
de  Berreet  la  plaine  de  la  Camargue,  chacune  des  régions  na- 
turelles de  notre  contrée  possédait  sa  tribu  propre,  dont  les 
Anciens  nous  ont  transmis  le  nom.  Mais  aucun  nom  d'ensem- 
ble ne  s'étendait  sur  ces  différentes  sociétés.  Elles  n'étaient 
point  groupées  sous  de  mêmeschefs;  elles  n'avaient  point  d'ins- 
titutions communes. 

Un  tel  morcellement  était  fort  préjudiciable  aux  progrès 
économiques  de  Marseille  et  au  développement  de  son  com- 
merce* Autant  de  tribus,  autant,  sans  doute,  de  palabres  et  de 
péages.  A  chaque  étape  de  leurs  voyages  (et  l'étendue  de  ces 
tribus  correspondait  à  1  étape  d'une  journée  déroute),  le  mar- 
chand se  trouvait  en  face  de  chefs  nouveaux  et  de  conditions 
nouvelles. 

Aussi,  le  commerce  marseillais  ne  paraît  s'être  développé 
que  lentement  dans  les  deux  premiers  siècles  qui  ont  suivi  la 


-  5i  - 

fondation  et  qui  correspondent  aux  temps  ligures.  Les  plus 
anciennes  monnaies  ne  dépassent  pas  Auriol  ou  Cavaillon.  Jl 
n  est  pas  encore  question,  dans  les  textes,  de  la  route  de  la 
Durance.  Ce  n*est  que  par  le  Rhône  que  les  Grecs  remontèrent 
un  peu  haut  dans  Fintérieur.  Ils  ne  nous  ont  rien  appris  de  la 
France  centrale.  Ils  sont  restés  déjà  deux  à  trois  siècles  en  Pro- 
vence et  le  monde  hellénique  continue  à  ignorer  les  Alpes  et  la 
Garonne. 

Ajoutez  à  cela  que  les  tribus  ligures  des  environs  de  Mar- 
seille, sociétés  demeurées  sauvages  et  grossières,  donnaient  fort 
â  faire  à  leurs  voisins  grecs.  L'entente  des  jours  de  la  fondation 
n'avait  point  duré.  Les  Phocéens  avaient  été  assiégés.  Ils  vir 
vaient  toujours  sur  la  défensive.  L'arrière-pays  leur  était  d'or- 
dinaire interdit. 

Dans  les  deux  siècles  qui  suivirent  la  fondation  de  Marseille, 
les  sociétés  barbares  de  la  Gaule  se  transformèrent  à  la  suite 
d'un  événement  politique  considérable,  l'invasion,  la  victoire 
et  l'établissement  des  Celtes.  —  Partout  où  les  Celtes  pénétrè- 
rent, et  au  fur  et  à  mesjiire  de  leur  installation,  le  régime  de  la 
peuplade  ou  de  la  nation  se  substitua  ou  se  superposa  au  ré- 
gime de  la  tribu  :  pardessus  ces  groupes  restreints  cantonnés 
dans  un  petit  pays,  se  formèrent  de  vastes  États  embrassant 
des  régions  naturelles,  maîtres  de  larges  bassins,  de  longues 
routes,  de  carrefours  nombreux.  Au  lieu,  par  exemple,  de 
vingt  tribus  dispersées  entre  les  Cévennes  et  les  étangs,  on  eut, 
s'étendant  sur  le  Languedoc  tout  entier,  la  seule  nation  des 
Volques. 

Ce  fut  vers  Tan  400  que  les  Celtes  pénétrèrent  dans  la  région 
du  Rhône  maritime  et  que  leur  arrivée  y  fit  sentir  cette  consé- 
quence. A  la  suite  de  guerres  ou  d'alliances  entre  eux  et  les 
tribus  ligures  de  la  Provence,  il  se  constitua,  dans  le  voisinage^ 
de  Marseille,  la  grande  peuplade  des  Salyens. 


'On  appela  de  ce  nom  la  fédération  de  toutes  les  tribus  celles' 
ou  ligures  qui  habitaient  entre  la  nier,  le  Rhône,  les  Alpines. 
le  Lubéron  et  les  monts  des  Maures.  Trets,  sur  la  voie  de  TArc 
à  TArgens,  Toulon,  surk  rivage,  Arles,  Pertuis,  Orgon  étaient 
les  villes  extrêmes  de  l'État  des  Salyens.  11  correspondait  à  peu 
près  exactement  à  la  Provence  traditionnelle.  La  lignemédiane 
de  son  territoire  était  marquée  parla  grande  route  stratégique  et 
commerciale  de  TArc  et  de  TArgens.  Son  point  central,  son 
*  milieu  s*,  comme  disaient  les  Gaulois»  était  Aix  sur  cette 
route,  à  égale  distance  de  ses  quatre  lignes  frontières.  Et  de 
fait,  c'est  près  d 'Aix,  à  Eniremont.  que  les  Salyens  établirent 
leur  principale  forteresse.  —  Ce  qui  montre,  par  parenthèse, 
que,  dès  que  la  Provence  apparaît  dans  l'histoire  comme  indi- 
vidualité géographique  et  nationale,  Aix  se  présente  à  nous, 
en  même  temps,  comme  sa  capitale  naturelle. 

Au  surplus  Je  développement  d'Eniremont  ne  nuisit  pas  aux 
progrès  de  Marseille.  Tout  au  contraire.  La  naissance  de  la 
Provence,  la  grandeur  de  Marseille,  sont  des  faits  simultanés. 
Si  la  Provence  trouva,  avec  lancètre  d*Aix,  sa  capitale  inté- 
rieure, elle  prit,  avec  Marseille  la  Phocéenne,  sa  capitale  mari- 
time. 

De  ce  nouveau  régime,  en  effet,  date  la  puissance  économi- 
que de  Marseille,  tout  au  moins  sur  la  Gaule,  Au  lieu  d'avoir 
affaire  à  dix  tribus,  elle  n'eut  plus  à  négocier  qu'avec  une  na- 
tion. Celle  nation  détenait  les  voies  essentielles  du  commerce 
dans  le  Sud-Est  :  les  débouchés  de  la  Durance,  les  carrefours 
d'Arles,  la  route  d'Aix,  le  défilé  de  Lamanon.  Si  les  Marseil* 
lais  parvenaient  à  s'entendre  avec  elle,  la  sécurité  de  leurs 
marchands  était  assurée  jusqu  aux  départs  d'j\vignon  et  de 
Pcnuis  vers  les  chemins  de  l'intérieur.  Et,  de  plus,  si  l'alliance 
était  intime  entre  eux  et  les  Salyens,  la  puissante  nation  celti- 
que leur  servirait  de  garant,  d'appui  et  comme  de  fourrier 
dans  les  relations  avec  les  nations  ultérieures  du  Languedoc, 
du  Dauphiné  ou  de  l'Auvergne. 

C*est  ce  qui  arriva.  Car  les  Gaulois  Salyens  comprirent  qu'ils 


53 

larseiile  qu  a  la  molester 
présence  J  cMé  d'eux  d*urie  ville  riche  el  active  leur  valait  à 
meilleur  compte  les  marchandises  de  KOricnt,  le  corail  et  les 
poissons  des  mers  ligures.  Ce  voisinage  constituait  une  supé* 
rioriiê  et  un  prestige  pour  leur  peuplade.  Ils  se  gardèrent  bien 
de  lui  porter  ombrage. 

Salyens  et  Marseillais  s*unircnl.  Les  marchands  grecs  circu- 
laient librement  en  Provence.  Les  chefs  de  clans  gaulois  leur 
servaient  d*h6tcs  et  de  correspondants  et  étaient  sans  doute 
leurs  principaux  clients*  Des  cavaliers  celtes  se  mirent  à  la  solde 
des  négociants  de  Phocée.  Ce  que  les  Grecs  traduisirent  en 
répétant  partout  que  les  Gaulois  ciaîenl  devenus  philhcUènes, 
Cl  ils  racontèrent  l'histoire  de  ce  grand  chef  salyen  qui  était 
venu  offrir  un  collier  d'or  à  leur  déesse  de  TAcropolc. 

Ces  temps  gaulois  correspondent  à  la  prééminence  commer- 
ciale de  Marseille.  Appuyée  sur  de  tels  alliés,  elle  envoya  ses 
marchands  et  ses  monnaies  sur  toutes  les  routes  de  la  Gaule» 
et  elle  atteignit  entin«  par  les  voies  de  terre  et  de  (leuve*  les 
rivages  de  TOcéan,  lesmarchésde  l'ambre  et  de  réiain.  L'union 
de  Marseille  avec  la  Provence  amena  ses  victoires  marchandes 
sur  la  France  tout  entière. 


La  sécurité  matérielle  et  le  prestige  commercial  de  Marseille 
prirent  fin  vers  le  milieu  du  second  siècle  avant  notre  ère  :  et 
cela»  tout  à  la  fois  parce  qu  elle  se  brouilla  avec  la  Gaule  et 
parce  qu'elle  s'unit  trop  intimement  avec  le  peuple  Romain. 

Dans  les  temps  de  Scipîon  l'Africain  et  de  Paul-Émile,  le 
monde  gaulois  inaugurait  de  nouvelles  destinées.  La  plupart 
de  ces  grandes  peuplades  que  nous  avons  vues  naître,  se  grou- 
pèrent et  s'unirent  sous  la  direction  de  Tune  d'entre  elles,  celle 
des  Arvernes*  Un  empire  celtique  se  forma,  dont  les  limites  cor 
rcspondaicni  aux  frontières  naturelles  de  la  Gaule,  le  Rhin  ou 
les  Ardcnnes,  l'Océan,  les  Alpes,  les  Pyrénées  et  la  mer  Médi- 


-54 

icrranée.  Les  voisins  de  Marseille,  maintenant»  ce  ne  sont  plus 
les  membres  d'une  tribu,  les  citoyens  d*une  peuplade,  ce  soni 
les  sujets  d'un  Étatconsidcr^jblc. 

Il  semblait  que  le  nouvel  ordre  de  choses  dût  être  ravorabk 
aux  Marseillais  :  une  simple  entente  avec  les  Arverncs,  chefs  * 
de  ce  grand  Empire,  suffisait  pour  leur  ouvrir  la  Gaule  tout 
cniière.  Et  il  semble  que  Tentenie  s'est  faîte  d*abord  et  que 
pendant  quelque  temps  les  Marseillais  aient  vécu  en  bons 
termes  avec  leurs  puissants  voisins. 

Mais  le  désaccord  ne  tarda  pas  à  se  produire.  L'empire  Arverne 
et  la  ville  grecque  devaient  fatalement  entrer  en  concurrence. 
—  Cet  empire  avait,  lui  aussi,  ses  marchands  :  des  négociants 
gaulois  allaient  et  venaient,  d'une  frontière  à  Tautre  de  la  Gaule, 
à  la  recherche  des  bonnes  entreprises.  Les  Volquesdu  Langue* 
doc  s'étaient  placés  sous  la  dépendance  des  Arvernes  :  voila  donc 
ces  derniers  pourvois  d'un  bon  port  près  de  la  Méditerranée, 
celui  de  Narbonne,  de  tout  temps  jalouse  de  Marseille  et  sa 
ci^?ale  malheureuse* 

La  Gaule  des  Arvernes  et  les  Grecs  de  Marseille  se  trouvèrent  ' 
en  contlit  d'intérêts.  Les  Marseillais  se  plaignaient  d*étre  ira- 
cassés  par  les  Salyens,  leurs  fidèles  amis  d'autrefois.  Ils  appe- 
lèrent alors  les  Romains  à  leur  secours. 

Les  légions  arrivèrent  en  1 25  avant  notre  ère.  L'œuvre  des 
Romains»  qui  se  termina  sept  ans  après,  fut  double, —  D'abord, 
ils  maîtrisèrent  la  peuplade  des  Salyens,  ccst-à-dire  la  Pro- 
vence, et  pour  plus  de  sûreté,  ils  installèrent  un  fort  ei  une 
garnison  à  Atx,  qui  surveillaient  à  la  fois  la  grande  route  du 
pays  Cl  sa  forteresse  principale.  —  Puis  ils  battirent  les  Arver- 
nes en  deux  rencontres,  les  rejetèrent  au-delà  des  Cévenncs  et 
supprimèrent  leur  courte  prééminence,  La  Gaule  fut  rendue  à 
son  état  antérieur.  L'empire  celtique  disparut  :  il  n'y  eut  plus 
que  les  anciennes  grandes  peuplades. 

Marseille  se  retrouva  donc  comme  elle  était  avant  la  tonda- 
lion  du  grand  Hiat  celtique  et  elle  put  espérer  reconquérir  son , 
inrtueocc  et  accroître.scs  débouches. 


-  35  - 


4c    # 


En  réalité,  elle  avait  derrière  elle,  dans  larrière-pays,  des 
concurrents  tout  autrement  forts  et  dangereux  que  les  Gaulois 
de  l'empire  Arverne. 

Les  Romains  étaient  installés  à  Aix  :  soyons  sûrs  qu*il  ne 
s*y  trouvait  pas  seulement  des  soldats,  mais  encore  des  mar- 
chands italiens.  Et  de  fait,  nous  voyons,  quelques  années  plus 
tard,  les  trafiquants  de  la  péninsule  agioter  «t  s'enrichir  dans 
ces  régions  du  Languedoc  et  de  la  Provence,  sur  lesquelles 
Marseille  avait  exercé  un  monopole  de  fait. 

Au-delà  du  pays  salyen,  les  Romains  eurent  des  garnisons 
et  des  comptoirs  jusqu'à  Vienne  sur  la  route  du  Rhône,  jus- 
qu'à Toulouse  sur  la  route  de  la  Garonne  :  c'est-à-dire  que  les 
grandes  voies  d'accès  et  de  trafic  vers  l'intérieur  et  l'Océan  leur 
appartinrent  désormais.  C'est  à  eux  qu'il  fallut  payer  les  droits. 
Et,  ce  qui  fut  plus  dangereux,  c'est  que  les  négociants  italiens 
afiîuèrent  sur  ces  routes  et  allèrent  à  leur  tour  à  la  recherche 
des  marchés  du  Nord. 

Enfin,  le  peuple  Romain  bâtit  une  colonie  à  Narbonne.  La 
ville  grandit  rapidement.  Elle  devint  le  rendez-vous  du  monde 
italien  en  Transalpine.  Son  port  s'enrichit.'  Marseille  eut  cette 
fois,  ce  qu'elle  avait  pu  éviter  depuis  sa  fondation,  une  redou- 
table concurrente  sur  le  rivage  même  de  la  Gaule. 

Dès  lors,  la  décadence  du  port,  du  commerce  et  du  rôle  de 
Marseille  ne  fit  que  s'accentuer,  jusqu'au  jour  de  la  chute  défi- 
nitive, quand  César  assiégea,  prit  et  mutila  la  vieille  cité  grec- 
que. 


»% 


Ainsi,  la  vigueur  et  la  richesse  de  Marseille  grecque  ont  été 
contemporaines  de  l'existence  autonome  de  la  peuplade 
salyenne,  c'est-à-dire  de  la  Provence  gauloise.  Auparavant,  dans 


—  56  - 

son  arrière-pays  morcelé  entre  dix  tribus,  Teftort  de  Marseille 
s'usait  avant  d'être  arrivé  à  une  œuvre  utile.  Plus  tard,  quand 
ce  même  pays  fut  une  partie  d'un  grand  Empire,  celtique  ou 
romain,  cet  Empire  était  une  chose  trop  forte  et  trop  ambi- 
tieuse pour  ne  pas  contrecarrer  Marseille.  Celle-ci  eut  donc  sa 
pleine  puissance  et  toute  sa  liberté  lorsqu'elle  put  s*entendre 
avec  la  Provence  bien  constituée,  lorsqu'il  y  eut,  si  je  peux 
dire,  accord  et  équilibre  entre  ces  deux  êtres  que  ia  nature 
avait  créés  solidaires  l'un  de  lautre,  la  terre  de  Provence  et  le 
port  de  Marseille, 

M.  le  Président  annonce  que  la  première  séance  pour 
la  lecture  et  discussion  des  Mémoires  aura  lieu  le  lende- 
main matin,  à  9  heures  1/2  précises,  dans  les  salles  et 
amphithéâtres  de  la  Faculté  des  Sciences,  et  la  séance  est 
levée  à  6  heures  1/2. 


SÉANCES    DE    LECTURE 
.     et  Discussion  des  Mémoires. 


Vu  le  grand  nombre  de  communications,  il  ne  put 
être  accordé  que  dix  minutes  pour  la  lecture  de  chaque 
mémoire.  Les  auteurs  de  mémoires  dont  la  lecture  aurait 
dépassé  cette  limite  avaient  été  priés  d'en  préparer  un 
résumé. 

Pour  la  même  raison,  il  n'a  pas  été  possible  de  publier 
complètement  tous  les  mémoires.  Une  Commission  fut 
nommée  par  le  Comité  d'organisation,  dans  sa  réunion 
du  vendredi  23  novembre  1906,  pour  désigner  parmi  ces 
mémoires  ceux  qui  méritaient  plus  particulièrement 
d'être  publiés.  Cette  Commission,  composée  de  MM.  les 
Membres  du  Bureau  du  Congrès  et  de  MM.  Arnaud,  pro- 
fesseur au  lycée  Mignet.  Arnaud  d'Agnel,  Michel  Clerc, 
D'  Livon,  Paul  Moulin,  Raimbault,  Servian  et  Valran, 
après  s'être  partagé  les  mémoires  et  les  avoir  examinés 
individuellement,  s'est  réunie  à  Marseille,  au  siège  de 
l'Académie  (40,  rue  Adolphe-Thiers),  le  vendredi  8  mars 
1907,  pour  coordonner  tous  les  renseignements.  Elle  a 
désigné  ceux  des  mémoires  qui  devaient  être  publiés  en 
entier  ;  à  quelques-uns,  elle  a  retranché  certains  passages 
ne  présentant  pas  un  caractère  absolument  scientifique 
ou  inédit  ;  quant  aux  autres,  elle  a  décidé  d'en  faire  un 
résumé  de  vingt  à  trente  lignes.  Elle  a  été  d'avis  aussi  que 


—  58  — 

les  mémoires  déjà  piîblics  dans  des  périodiques  ou  autre- 
ment ne  seraient  pas  reproduits,  mais  simplement  résu- 
més avec  renvoi  à  la  publication. 

Dans  les  procès-verbaux  des  séances  figureront  seuls 
les  résumés  des  mémoires  qui  ne  sont  pas  publiés  dans 
ce  volume  ou  en  entier  ou  en  majeure  partie.  Pour  ceux- 
ci,  on  renverra  par  un  numéro  au  texte  même  du  mé- 
moire qui  sera  imprimé  après  les  procès- verbaux. 

On  a  conservé  le  groupement  des  mémoires  par  séan- 
ces, tel  qu'il  avait  été  donné  dans  le  programme  officiel 
du  25  juillet.  Mais,  dans  chaque  séance,  les  mémoires 
ont  été  disposés  par  lettre  alphabétique  des  noms  d'au- 
teurs. 

(Quatre  sections  siégeaient  simultanément  dans  des  sal- 
les différentes 

PRliMlKRE  SECTION 
Archéologie. 

Prcsùicfit  :  M.  Michel  Clerc,  professeur  d'histoire  de  Pro- 
vence à  rinivorsitô  dWix-Marseille.  membre  non-résidant  du 
l'.omiic  des  travaux  hisioriques.  directeur  du  Musée  archéolo- 
Jiiquo  do  Marseille. 

Vùx-pr\siJcnt  :  M.  Henri  de  iîkrin-Ricard,  correspondant 
du  Ministère  de  rinstruciion  publique,  président  de  la  Société 
vie  Statistique  de  Marseille  et  de  la  Société  archéologique  de 
Provence. 

>\vv,\::'v  :  M.  Asn  m  r»  ^A  .Nti ,  aumC»nier  du  lycée  deMar- 
>.  :;o.  v\vrc>:\v;.ian:  dis  Minis:ère  de  rinstniction  publique, 
ï^vir^ro  .:c  a  S.v.c;e  de  S:aî:^::oue.ie  Marseille  et  de  la  Société 

X\  'v;,::-v-,:,:-  ;;: .  M  Ch  Covt:  .  nxjre  à  Penuis,  mem- 
bre .:e  ".a  SsV.etcarc'tco.o^.qLie  de  Provence. 


59- 

Séance  du  mercredi  matin,  /•'  août. 

La  séance  est  ouverte  à  neuf  heures  et  demie,  sous  la 
présidence  de  M.  Clerc,  président  de  la  Section.  M.  Ar- 
naud d'Agnel  remplit  les  fonctions  de  secrétaire. 

Après  avoir  proclamé  l'ouverture  de  la  séance,  le  Pré- 
sident prononce  une  allocution  où  il  expose  tout  Tintérét 
que  présentent  les  études  archéologiques  dans  la  région 
provençale,  non  seulement  pour  les  périodes  chrétienne 
et  gallo-romaine,  mais  encore  pour  la  période celto-ligure. 
Il  rappelle  à  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'étude  de  nos 
origines  l'appel  qu'il  leur  adressait  il  y  a  deux  ans  ^;  il 
exprime  le  souhait  que  le  Congrès  qui  s'ouvre  soit  le 
point  de  départ  de  l'enquête  qu'il  conseillait  alors,  et  la 
conviction  que  les  travaux  de  ce  Congrès  marqueront  un 
pas  en  avant  dans  la  science  archéologique. 

1.  M.  Arnaud  d'Agnel,  secrétaire  de  la  Section,  fait 
une  communication  sur  :  Sault  et  l'ancienne  Acria; 
essai  d'identification. 

Après  avoir  brièvement  rappelé  les  diverses  hypothèses  pro- 
posées au  sujet  d'Aeria  et  les  avoir  tour  à  tour  combattues  en 
se  basant  sur  le  sens  même  du  texte  de  Strabon,  M.  Arnaud 
d'Agnel  propose,  simplement  comme  plus  probable,  Tidentifica- 
tion  avec  Sault,  dont  le  rôle  fut  si  considérable  au  moyen-âge 
et  dès  la  plus  haute  antiquité. 

L'auteur  appuie  son  hypothèse  sur  de  sérieux  arguments 
d'ordre  archéologique. 


^  L'Archéologie  ligure  (unt  enquête  à  faire) ^  publié  dansjes  knnale% 
de  la  Société  d'Études  provençales  (i"  année^  n'  i,  janvier-février  1904, 
p.  1^). 


2.  M*  Ch,  CoTTi^  secrélaire-adjoinl  de  la  Section,  lit 
un  mémoire  iniiiulé  :  La  Provence  avant  t  histoire,  — 
Voir  ci*après  Mémoikls,  n<*  I* 

Après  la  lecture  de  son  mémoire,  M*  Colle  émet  le  vœu 
que  «  les  archéologues  recherchent  si,  dans  le  néolithique 
praven(;al,  la  civilisation  à  industrie  fruste  de  la  majoriié 
des  abris  sous  roche  et  des  grottes  est  antérieure  à  la  civili- 
sation avancée  semblable  au  Carnacâen  de  Salnion  et  pré- 
sentant un  (ac\cs  tardtnoisien  ^. 


3.  M.  L.*C.  DvrniKN,  pharmacien  naiurahsie  a  Carcès" 
iVar),  membre  de  la  Société  d'Études  Provençales,  lit  un 
mémoire  contenant  la  Description  <iu  chaton  cCun  an- 
neau troui^é  à  Carcès  dans  un  tombeau  gallo  romain. 

Trouvé  au  quartier  des  Cadenîères,  dans  une  tombe  recou- 
\*crtc  .ivec  des  tuiles  dites  romaines,  cet  anneau  a  beaucoup  de 
n^sscmMance  avec  les  spécimens  d  anneaux  carolingiens  de  U 
BiNioihèque  naiion;ile.  Le  diamètre  intérieur  est  de  20  "/"  ;  sur 
k  chaion,  de  1 5  "^  de  long  sur  10  •/•  de  large,  sont  gravés  des 
lignes  où  Ion  croit  rtconnaîin:  trois  lettres  :  V  (ou  \J),  i  (ou  I  k 
R.  Le  J  ou  I  traverse  obliquemeoi  le  V  ou  U  et  forme  b  boucle 
supérieure  de  VR.  Sur  le  côté  antérieur  de  TU.  on  voit  trois  croix, 
doQi  Tune,  celle  du  milie^i,  a  un  croisillon,  et  les  deux  autres 
sont  en  forme  de  T.  Dans  la  partie  infêrvetinr  du  V.est  un  che- 
vron et.  comme  suspendu  au  bas  de  ce  V,  un  obfet  trop  vague* 
ment  marqua  pour  qu  on  put$^  en  déterminer  la  nature*  Cet 
anMtift  paraît  a%'oir  ser^  i  de  cachet  ou  signmm  Mcretum. 


6i  - 

Le  quartier  des  Cadcniêrcs  csi  à  peu  de  distance  de  Carcès, 
•îur  la  rive  opposée  de  TArgens.  A  800  mètres  environ  de  là,  au 
sortir  d'un  pont  sur  TArgens,  par  où  passait  l*ancienne  route  de 
Carcèsà  Cûtignac,  on  voit  les  ruines  d'une  chapelle  de  Saint- 
Antoine  qui  fut  donnée  aux  Oraioriens  du  Mont  Verdaille  par 
Jean  de  Pontevès,  comte  de  Carcès.  Dans  tout  ce  quartier,  on  a 
trouvé  un  grand  nombre  de  tombes  contenant  des  urnes  en 
icrrc  grise  et  rouge,  de  formes  diverses,  ainsi  que  d'autres  ob- 
jets en  poterie  et  même  en  fer.  On  y  a  recueilli  aussi  quelques 
monnaies  :  une  de  Nerva  en  argent,  une  d'Auguste,  une  de 
Claude  et  un  jeton  de  course  de  L.  Calpurnius  Pison,  beau- 
père  de  Jules  César.  Toutes  les  lombes  étaient  recouvertes  de 
tuiles  à  rebords  droits  avec  marques  digitales. 

4«  S\,  Paul  GoBV,  membre  de  la  Société  des  sciences, 
lettres  et  arts  des  Alpes-Maritimes,  correspondant  de 
l'Ecole  d  anthropologie  de  Paris,  présente  diverses  phoio- 
graphiesinédites  du  dolmen  de  Colle-Basse,àSaint-Cézaire 
(Alpes-Maritimes)  ;  une  photographie  du  sarcophage  des 
Valentins,â  Valderourei  Alpes-Maritimes i  ;  une  photogra- 
phie inédite  du  tombeau  du  Puits  du  Plan,  à  Sl-Cézaire; 
plusieurs  monr*aies  massaliotes  trouvées  dans  Tarron- 
dtssement  de  Grasse.  Chacun  de  ces  divers  objets  est 
accompagné  d*une  notice,  —  Voir  Mémoires,  n*  II. 

6,  M-  Georges  de  M anteyer,  ancien  m'embrede  l'École 
française  de  Rome,  membre  de  TAcadémie  de  Vaucluseet 
président  de  la  Société  d'Études  des  Hautes-Alpes,  n*avant 
pu  assistera  la  séance,  M.  Nicollet,  secrétaire  général  du 
Congrès,  donne  lecture  du  mémoire  qu'il  a  envoyé  sur 

XTtiaatÂfavT;,  — Voir  MÉMOIRES,   n"  III. 

En  appendice  à  ce  travail.  M,  de  Manteyerdon  ne  le  classe- 
ment de  i  io  monnaies  romaines*  Lors  d'une  visite  à  Fos, 
le  1Q  octobre  i8ij8,  elles  lui  furent  présentées  par  un  ouvrier 


talien  des  salines,  qui  disait  lesa\uir  recueillies 
environs  de  Fos.  De  ce  classement,  il  lire  cette  conclusion 
que  le  commerce,  par  la  voie  fluviale  de  Fos.  dut  cesser 
après  Tan  28  de  notre  ère  au  profit  de  la  voie  de  terre.  — 
Voir  cet  appendice  à  la  suite  de  son  Mémoire. 

M.  Clerc,  président  de  la  Section,  tout  en  reconnaissant 
le  mérite  et  la  valeur  du  classement  fait  par  M.  de  iMan- 
teyer,  en  conteste  la  conclusion*  En  effet,  il  ne  croit  pa,s, 
et  pour  des  raisons  toutes  spéciales»  que  ces  monnaies 
aient  été  recueillies  par  cet  ouvrier  à  Fos;  il  pense  que  la 
plupart  ont  été  apportées  par  lui  de  ritalte. 

6*  M-  F.-N.  NicoLLET,  professeur  au  lycée  Mignct,  tré- 
sorier de  la  Société  d'Études  Provençales  et  membre  de  la 
Société  d'Études  des  Hautes-Alpes,  lit  un  mémoire  sur 
La  Ligurie  et  les  Ligures^  d'après  Sirabon. 

La  Ligurie,  d'après  Sirabon,  s'étendait  à  lest  jusqu'à  la  Alacra, 
entre  Luna  et  Pise(V,  2,  5)  ATouesi,  i!  n'en  fixe  pas  expressé- 
ment les  limites,  mais  il  comprend  dans  la  Ligurie  la  plaine  de  la 
Crau  {IV,  1 , 7).  De  ta  Crau  et  la  Macra.  le  long  de  la  mer,  il  cite* 
comme  étant  de  race  lii^ure.  les  Salvens.  entre  le  Rhône.  Avi* 
gnon*  les  Alpes  et  la  Méditerranée  (IV.  6.  3)  ;  les  Oxybiens  et 
les  Dédales  qui,  nous  le  savons  par  d'autres  écrivains,  habi- 
taient la  région  dj:  Cannes  i^lV.  6.  2);  les  tntemelii  et  les  in- 
gauni,  auxquels  il  donne  pK>ur  capiules  Albintcmelium  (Vinti- 
mille)  et  Albingaunum  (IV.  6.  1).  Dans  rintcricur.  il  dit  qi 
les  Ligures  occupent  une  panie  de  l'Apennin  et  la  panie  d€ 
Alpes  qui  en  est  voisine  ;  dans  les  Alpes  mêmes,  plusieurs  peu- 
pbdes  celtes  sont  mêlées  avec  les  Ligures  (II.  3.  28).  Dans  la 
vallée  du  Pô,  la  Cispadane  était  peuplée  par  les  Celtes  dans  la 
plaine,  par  les  Ligua*s  dans  les  montagnes  (V,  1,4k  le  paj's. 
entouré  par  les  Alpes  et  TApennin  jusqu'à  Gènes  et  Sabata«  fa- 
dis  occupé  par  les  Boiî,  les  Ligures,  les  Sénons  et  les  Gésatcà,  ne 


-  63  — 

comprenait  plus  que  des  Ligures  et  des  colonies  romaines,  de- 
puis l'expulsion  des  Bôii  et  la  destruction  des  Sénons  et  des 
Gésates  (V,  i,  lo).  Dans  la  Transpadane,  les  Taurini  et  d  au- 
tres peuplades,  au  pied  des  Alpes,  étaient  de  race  ligure  (IV,  6, 
6)  ;  nous  savons  d'ailleurs,  par  Pline,  que  les  Insubres  (peut- 
être  les  mêmes  que  les  Symbrii  de  Strabon),  en  étaient  aussi 
(V,  I,  12).  Sur  les  sommets  et  les  deux  versants  des  Alpes,  les 
Caturiges  [qui  habitaient  le  pays  appelé  terre  de  Donnus  et  de 
Cotius  depuis  Suse  (Secusia),  jusqu'à  la  montagne  de  Séûse 
(Secutia),  près  de  ylrfF/nesJ,  étaient  aussi  des  Ligures  (IV,  6,  6). 

Les  Ligures  étaient  d'une  race  différente  des  Celtes,  mais 
ils  avaient  à  peu  près  le  même  genre  de  vie  (II,  5,  28).  Disper- 
sés dans  des  villages,  ils  se  livraient  à  l'agriculture  et  à  Télevage 
(V,  2,  1).  Leurs  moutons  fournissaient  une  laine  rude,  dont  la 
plupart  des  familles  d'Italie  se  faisaient  des  vêtements  (V,  7, 12); 
leurs  troupeaux  étaient  transhumants  et  paissaient  tantôt  sur 
le  littoral,  tantôt  sur  les  montagnes  (IV,  6,  2).  Il  y  avait  dans 
leur  pays  de  vastes  forêts  fournissant  de  très  beaux  arbres  pour 
la  construction  des  navires  et  des  essences  employées  pour  faire 
des  meubles.  Ils  vendaient  aux  marchés  voisins  (Gênes,  Mar- 
seille) leurs  bois,  leur  miel,  leurs  troupeaux  avec  leur  produit, 
et  en  rapportaient  de  l'huile  et  du  vin.  Ils  se  nourrissaient  sur-- 
tout  de  laitage  et  usaient  d'une  boisson  faite  avec  de  l'orge  (IV, 
6,  2).  Ils  avaient  comme  animaux  domestiques  des  chevaux  et 
une  espèce  de  mulets  appelés  ginni.  On  trouvait  en  grande 
quantité  chez  eux  l'ambre  jaune  ou  electrum  qui  était  aussi 
appelé  lingurium  (IV,  6,  2). 

Les  Ligures  étaient  belliqueux  et  furent,  par  là,  des  voisins 
dangereux  pour  les  Etrusques  (V,  2,  5)  et  des  adversaires  re- 
doutables pour  les  Romains,  auxquels  il  fallut  quatre-vingts  ans 
de  lutte  pour  obtenir  sur  le  littoral  un  passage  de  douze  stades, 
afin  de  se  rendre  en  Espagne  (IV,  6,  3).  Ils  se  livraient  volon- 
tiers au  brigandage  sur  terre  et  sur  mer;  rarement  bons  cava- 
liers, ils  étaient  de  bons  soldats  légers  et  constituaient  d'excel- 
lentes troupes  de  ligne  ;  ilsavaient  un  bouclierd'airain(IV,6.  2), 


"  ^4  - 

quK  d'après  Polybe(XXIX,  6.  i  ).  fui  adopté  par  les  Romains, 
Les  femmes  de  ces  rudes  laboureurs,  bergers,  guerriers  ëtaieni 
aussi  énergiques  et  dures  à  la  fatigue  qu  eux  (111.  4*  19). 

Tels  étaient,  au  temps  de  Polybe  (54  avant  à  24  après 
J,-Cj  les  Ligures,  dont  le  mélange  avec  des  peuplades  celtes 
depuis  quatre  ou  cinq  cents  ans  et  le  voisinage  des  Romains, 
établis  près  d'eux  ou  parmi  eux  depuis  plus  de  cent  ans* 
n'avaient  pas  altéré  la  puissante  originalité. 

A  propos  de  cette  communication,  M.  Pillard  (d'Arkaî^ 
fait  remarquer  Tintérêi  qu'il  y  aurait  à  rechercher,  selon 
la  méthode  dont  M.  Nicollet  vient  de  donner  1  exemple, 
tout  ce  que  les  monuments  anciens  nous  peuvent  appren- 
dre sur  les  Ligures.  M,  Nicollet  ajoute  qu*il  recueille 
des  notes  dans  ce  but,  mais  un  pareil  travail  demande 
beaucoup  de  temps  et  de  longues  recherches. 

?•  M.  Isidore  Vali^riax,  architecte  à  Salon,  membre 
de  la  Société  d'Études  Provençales,  donne  lecture  d'un 
mémoire  sur  Pisapis  de  la  table  de  Peutinger  et  son  véri- 
table emplacement. 

♦  Pisavîs  n'est  mentionné  ni  dans  les  Vases  apollinaîres.  ni 
dans  Vliinéraire  d  Anfotun,  mais  il  se  trouve  dans  la  Table  de 
Peutinger  qui  décrit  ainsi  l'itinéraire d*Aix  à  Arles  :  Aquis  ses- 
tis.  —  Pisayis  A'V7//.  —  Tericias  XW  —  Glano  A7/,  — 
Enxagina  VI IL  —  Arelato  VL 

Parmi  les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  Pisavis,  les  uns 
la  placent  à  Saint-Jean  de  Bernasse  lou  Brenas)»  d'autres  âux 
Rocassicrs,  d  autres  a  Pélissanne  ;  mais  aucun  de  ces  emplace- 
ments n'est  satisfaisant. 

Un  endroit  non  encore  explore  offre  au  contraire  des  traces 
évidentes  d'une  ville  antique.  C'est  le  quartier  des  Rcdoaières, 
k  trois  kilomètres  environ  à  Test  de  Salon,  sur  l'ancienne  route 
de  Pélissanne  à  Salon,  vers  la  limite  de  ces  deux  communes«à 
cent  dix  oièires  d'altitude,  par  3^ia'  de  longitude  orientale  1 


—  65  - 

43"48'  de  latitude  boréale.  Le  point  le  plus  rapproché  dans  la 
carte  de  TÉlat-Major,  situé  à  aoo  mètres  environ  à  l'ouest,  est 
appelé  Les  Deux-Sœurs. 

On  trouve,  en  cet  endroit,  de  nombreuses  ruines,  des  murs 
d'enceinte,  une  grande  source  aujourd'hui  tarie,  un  puits  de 
o">  70  d'ouverture  entièrement  comblé,  des  entailles  dans  le  ro- 
cher en  forme  de  cuvettes  coniques,  des  tombeaux,  une  multi- 
tude de  débris  de  vases  ornés,  des  éclats  de  basalte  travaillés 
ayant  servi  de  meules,  des  monnaies,  des  morceaux  de  bronze, 
des  fragments  d'enduit  portant  des  traces  de  peinture  à  fres- 
que, enfin  plusieurs  mosaïques  en  place,  dont  une  mesure 
i5  mètres  de  long  sur  5  de  large. 

Une  voie  centrale  traverse  cet  emplacement  du  midi  au 
nord  et  aboutit  à  Sainte-Croix  de  Salon  ;  dans  le  plan  cadastral 
de  Pélissànne,  ce  chemin  est  appelé  Chemin  des  Redortières 
ou  de  VaMe-Gond  (nom  de  la  vallée  située  au  midi  de  la  cha- 
pelle de  Sainte-Croix).  La  superficie  de  cette  enceinte  peut  être 
évaluée  à  quatre  mille  mètres  ;  elle  offre  tous  les  caractères  de 
l'emplacement  d'une  ville  importante  que  nous  croyons  être 
l'ancienne  Pisavis, 

8.  M.  le  docteur  Eugène  Verrier,  délégué  de  TAlliance 
scientifique  universelle,  directeur  du  Bulletin  météoro- 
logique comparé^  n'ayant  pu  assister  à  la  séance.  M.  Pil- 
lard (d'Arkaïj  donne  lecture  de  son  mémoire  sur  Les 
premiers  habitants  de  la  Provence  : 

D'après  Broca,  la  Gaule  celtique  était  habitée  par  des  hom- 
mes petits,  brachycéphales  et  bruns,  les  Celtes,  distincts  et  des 
Galls  et  des  Kymris,  D'autre  part,  Castaing  fait  venir  les  Ligu- 
res des  confins  de  VÈgypie  par  le  nord  de  l'Afrique,  l'Espagne 
et  le  sud  de  la  Gaule,  jusqu'aux  bords  du  Pô.  D'autres  auteurs 
font  suivre  aux  Ligures  et  aux  Ibères  le  littoral  du  Pont  Euxin, 
traverser  le  Bosphore  et,  par  la  vallée  du  Pô,  arriver  dans  la 
Provence,  d'où  les  Ibères  passent  ensuite  en  Espagne. 

CONGRiS   —  5. 


Dans  ces  migrations,  aucun  de  ces  peuples  n'a  conserve 
son  type  pur  et  intacL  Gastaîng  veut  qu  avant  l'arrivée  des  Ibè- 
res, TEspagne  ait  été  peuplée  par  des  Berbères  ei  des  Africains, 
avec  lesquels  ils  se  seraient  mêlés.  Mais  il  paraît  certain  que  les 
Ligures  et  les  Ibères  étaient  distincts  et  différents  ;  ceux-ci 
étaient  dolicocéphales  (indice  74,  4)  et  leptorhmiens  (44»  3). 
tandis  que  les  premiers,  d'après  une  série  de  crânes  trouves 
dans  des  fouilïes  près  de  Gênes,  auraient  été  brachycéphales 
(indice  86).  On  a  cependant  des  traces  d'un  type  mixte  entre 
une  race  primitive  (petite,  brachycéphale  et  brune)  et  une  race 
postérieure  (plus  grande,  dolichocéphale  et  blonde)  ;  ne  serait- 
ce  pas  le  typecelto-ligure  ? 

Pour  quelques  auteurs,  les  Ligures  et  les  Ibères  seraient 
autochtones  et  descendants  des  peuples  paléolithiques.  Quoi 
qu'il  en  soit*  le  D^  Lagncau.dans  son  Dictionnaire  encyclopé- 
dique de  médecine,  attribue  aux  Galls,  CeUes  et  Ligures  qui  ont 
habité  la  Provence,  des  caractères  physiques  différents,  et, 
d  après  le  baron  Larey,  la  taille  des  Ligures  aurait  été  de  i  mè- 
tre 64  à  1  mètre  66.  Kn  résumé»  les  premiers  habitants  de  la 
Provence  auraient  été  des  Ibëro-Ligures  et  des  Celto-Galls. 

L^ordre  du  jour  étant  épuisé,  la  séance  est  levée  à  onze 
heures  et  demie. 


Séance  du  mercredi  soir,  r*  août, 

La  séance  est  ouverte  à  deux  heures  et  demie*  M.  H.  de 
GÉRiN -Ricard»  vice-président  delà  Section,  occupe  le 
fauteuil  de  la  présidence  ;  M,  Ch*   Cottk  remplit  les 

fonctions  de  secrétaire. 


1.  M.  Bout  deCharlemont,  membre  de  la  Sociétédes 
gens  de  lettres  et  de  la  Société  Archéologique  de  Pro- 


—  *7  - 
vcnce,  présente  un  mémoire  sur  Tauroentum  et 
taille  des  Lègues^  dont  il  lii  un  résumé  : 


ya- 


La  plage  des  Lè^^ucs  se  déroule  à  rc.virémiic  unenialc  du 
golfe  de  La  Ciotai,  Sur  le  rocher  des  Baumelles  qui  termine  la 
plage  a  I*est,  quelques  pans  de  mur»  soubassements  de  colon- 
nes, tronçons  d  aqueduc,  marquent  la  place  où  s  élevait  la  ville 
gallo-grecque  de  Tauroentum  ;  deux  lignes  de  blocs  cubiques 
énormes  que  Ton  aperçoit  sous  les  eaux  par  un  temps  calme 
sont  vraisemblablement  les  restes  de  ses  quais  et  jetées. 

Au  vi«  siècle  avant  notre  ère,  des  Phocéens  fuyant  la  domi- 
nation de  Cyrus.  vinrent  atterrir  au  fond  du  golfe  des  Lèques. 
Après  une  lutte  avec  les  tribus  ligures  des  Commani  qui  occu- 
paient ces  parages»  ils  s'établirent  dans  le  pays,  élevèrent  sur 
un  monticule  une  citadelle,  autour  de  laquelle  se  bâtit  la  ville 
de  Tauroentum,  dont  la  population  s'accrut  rapidement  et  s'en- 
ricbit  par  la  pèche  et  le  commerce  maritime,  tout  comme  les 
habitants  de  Massalia. 

Lan  49  avant  notre  ère,  César  ayant  mis  le  siège  devant 
Marseille  restée  fidèle  au  parti  de  Pompée,  Nasidius.  lieutenant 
de  ce  dernier,  prit  position  dans  le  golfe  de  Lèques.  C'est  là 
que  les  Marseillais,  forçant  le  blocus  qui  les  entourait,  seraient 
%*cnus  le  rejoindre  et  auraient  livré  à  la  floue  de  César  un  com- 
bat dont  Lucaîn  a  fait  un  récit  intéressant  et  colore. 

Aucun  texte  ni  monument  parvenu  jusqu'à  nous  ne  dit  si 
les  habitants  de  Tauroentum  prirent  part  à  celte  bataille.  Mais 
il  esi  vraisemblable  qu'ils  soutinrent  dans  cette  lutte  les  efforts 
des  Marseillais,  auxquels  ils  étaient  liés  par  la  communauté 
d'origine  et  d'intérêts.  Ils  curent,  d  ailleurs,  le  même  sort  ; 
Bruius,  vainqueur,  s'empara  de  Tauroentum»  pendant  que 
Marseille  était  contrainte  d'ouvrir  ses  portes  à  Trébonius. 

2*  M.  Ch.  Cotte,  secrétaire-adjoint  de  la  Section, 
présente  un  Tableau  de  46  sépultures  prérùmaines  des 
BouchesdU'Rhône, 


Ce  sufei  a  été  traité  pour  plusieurs  régions  ;  il  y  as 
à  l'étudier  pour  la  Provence,  M.  Cotte  la  entrepris;  soii  seul, 
soit  en  collaboration  avec  M,  A.  Cotte  et  M.  Marin-Tabouret, 
il  a  fait  des  fouilles,  réuni  des  documents  nouveaux,  recueilli 
les  renseignements  bibliographiques  sur  la  question.  Le  tableau 
synoptique  qu'il  présente  est  la  première  ébauche  d'un  travail 
d'ensemble  qu'il  prépare.  Ce  tableau  contient  des  colonnes  où 
sont  dénombrés  les  brachycéphalcs*  les  mésaticéphales,  les 
dolichocéphales,  et  permet  de  se  rendre  compte,  d'un  coup 
d  œil,  que  ces  derniers  sont  en  majorité.  Les  crânes  brachycé- 
phales  ne  s'observent  guère  que  dans  des  sépultures  qui  pa- 
raissent dues  à  des  populations  venues  de  la  rive  droite  du 
Rhône,  durant  l'âge  des  métaux. 

Au  point  de  vue  industriel,  on  trouve  dans  ces  sépultures  des 
objets  qui  permettent  de  croire  à  des  relations  avec  le  Gard,  la 
Lozère,  rAveyron.  Ces  rapports  paraissent  avoir  été  particu- 
lièrement importants  à  Tépoquc  où  les  métaux  ont  été  connus. 
L  étude  du  mobilier  des  sépultures  permet  aussi  de  donner 
une  grande  valeur  au  nom  de  Carnacéen  appliqué  par  Salmon 
a  I  âge  qui  est  à  cheval  sur  le  néolithique  et  la  protohistoire. 

Mats  elle  prouvcaussi  que  la  division  en  sépultures  par  inhu- 
mation et  sépultures  par  incinération  est  purement  factice* 


8.  M.  L.-C.  Dauphin,  pharmacien  naturaliste  à  Car- 
ces,  membre  de  la  Société  d  laudes  Provençales,  fait  part 
du  résultai  de  ses  Recherches  archéologiques  dans  la 
grotte  de  Roquerousse  sur  la  commune  d'Q4rtigue$ 
(Var). 

Cette  grotte  est  située  à  deux  kilomètres  nord  de  la  halte 
d*Artigues,  sur  la  ligne  du  central  Var,  dans  la  propriéic  de 
M.  Joseph  Laih*  Kllc  s'ouvre  au  flanc  d*une  petite  colline 
appeicc  Roquerousse.  ou  Rigabe.  séparée  de  celle  de  Monima- 
jor  bien  connue  piir  son  oppiJutn.  A  côté  de  l'ouverture,  large 
de  3  mètres  5o.  se  trouve  une  cavité  qui  peut  donner  abri  k  une 


-69- 

personne  et  paraît  avoir  été  creusée  de  main  d'homme.  L'inté- 
rieur de  la  grotte  mesure  3o  mètres  de  long  sur  12  mètres  de 
large  et,  en  moyenne,  3  mètres  de  haut.  Un  passage  étroit 
donne  accès  dans  une  seconde  grotte,  large  d'environ  4  mètres 
sur  8  mètres  de  longueur.  Au  fond  de  cette  deuxième  grotte, 
un  passage  obstrué  par  des  concrétions  calcaires  mène  à  une 
troisième  grotte  encore  inexplorée. 

En  fouillant  le  sol  de  la  première  grotte,  M.  Dauphin  a 
trouvé,  à  40  centimètres  de  profondeur,  des  résidus  de  cuisine, 
cendres  et  petits  ossements  de  mammifères  calcinés  ;  puis,  à 
20  centimètres  plus  bas  environ,  des  ossements  qui,  débarras- 
sés des  concrétions  calcaires  qui  les  enveloppaient,  lui  ont  paru 
appartenir  à  Tours  des  cavernes. 

Description  sommaire  des  objets  trouvés  :  i*  fragment  de 
témur,  i35  "/"  de  long,  25"/"  de  large,  épaisseur  10  "/■  ;  — 
2*  partie  inférieure  du  même  os,  iio  "/"  de  long,  a5  "/"de 
large,  épaisseur  10  ■/";  —  3«  deux  fragments  de  maxillaire  in- 
férieur droit,  dans  Tun  restent  une  canine  et  une  molaire  ;  — 
4"  fragment  de  tibia,  70  ■/"  de  long,  3o  "/"  de  large,  épaisseur 
de  Tos  entier  i5  "/"  ;  —  5^  partie  de  fémur,  indéterminé, 
peut-être  de  Tours  des  cavernes.  gS  V"  de  long,  36  "/"  de  large 
à  la  tète,  épaisseur  de  Tos  à  la  partie  brisée  9  "/"  ;  —  6»  éclat 
de  calcaire  très  dur,  semblable  à  une  pointe  de  flèche,  25  »/" 
de  long,  17  ■/"  de  large  à  la  base;  —  7*  divers  fragments  de 
charbon. 

Dans  plusieurs  quartiers  de  la  commune  dVVrtigues,  on  a 
trouvé  des  tombes  recouvertes  de  tuiles  à  rebord  ;  sur  la  chaîne 
de  montagnes  qui  est  à  Test  de  Montmajor,  on  a  détruit,  pour 
l'empierrement  des  routes,  plusieurs  tumulus,  dans  les- 
quels furent  trouvés,  dit-on,  des  objets  en  cuivre  et  des  osse- 
ments. 

Après  la  lecture  de  ce  mémoire,  M.  Ch.  Cotte  demande 
la  parole  et  dit  que  le  résultat  de  cette  fouille  lui  parait 
plutôt  négatif,  car  les  couches  noires  simulant  des  foyers 


-  70  - 

peuvent  être  simplement  du  guano  de  chauvesouris,  le 
fragment  de  calcaire  présente  par  lauieur  ne  lui  semble 
avoir  aucun  caractère  inteniionnel,  entin  les  dents  d*ovi- 
nés  recueillies  par  M.  Dauphin  ont  pu  être  apportées  par 
des  loups.  M,  de  Gérin-Ricard  observe  que  les  pièces  du 
musée  Longchamp,  recueillies  parle  regretté  Marion»sofi| 
loin  d*être  probantes. 

4.  M.  H.  DK  Gkrin-Ricard,  vice-présidenl  de  la  Section, 
lit  une  étude  sur  les  Auteis-cippes  chrétiens  de  Provence, 
—  Voir  MÉMuïREs,  n'  IV. 


5.  M.  Ferdinand  Mouttet»  notaire  et  maire  de  Signes 
(Var),  membre  de  l'Académie  du  Var,  n'ayant  pu  assis- 
ter à  la  séance,  M.  le  baron  GutUibert,  secrétaire  perpé- 
tuel de  l'Académie  d'Aix,  fait  l'analyse  de  son  mémoire 
sur  Les  premiers  habitants  des  montagnes  des  Maures. 

La  chaîne  des  Maures  s  étend  dusud^uestau  nord-est,  entre 
Hyères  et  Fréjus:  elle  est  limitée  au  nord  par  la  dépression  ou 
court  la  voie  ferrée  de  Toulon  à  Nice,  au  sud  et  à  l'est  par  la 
mer»  à  l'ouest  par  le  cours  inférieur  du  Gapeau.  Au  vr  siècle 
avant  notre  ère.  cette  région  était  habitée  par  des  Ligures  ou 
Lygîcns,  dont  une  tribu,  les  Commani,  s  échelonnaient  sur  le 
littoral,  d'après  Piotémée,  depuis  Marseille  jusqu'à  TArgens» 

Quand  les  Phocéens  eurent  fondé  Marseille»  des  colonies  grec- 
ques s'établirent  dans  ces  parages» comme  le  prouve  un  monu- 
ment trouve  dans  une  cave  à  Gogolin  et  décrit  par Garcin. dans 
son  Dictionnaire  historique  et  tapographique  de  la  Provence 
(Draguîgnan,  tS35«  2  vol.V  Les  Romains  y  ont  laissé  de  nom- 
breuses et  imponantcs  traces  de  leur  domination  :  restes  d  a* 
qucduc  à  Gnmaud*  piscines,  tombeaux,  urnes  funéraires, 
monnaies  à  Gassîn  ;  nombreux  vestiges  de  constructions  à 
Saint*Ma\tme. 


^  7'  - 

Du  vtrr  au  x*  siècle ♦  les  Sarrasins  envahirent  la  région 
Cl  y  scjournèrent  longtemps  jusqu  a  ce  que,  chassés  de  leur 
repaire  du  Fraxinci,  ils  furent  contraints  de  se  réfugier  ail- 
leurs* 


6.  M.  PiLL\Pu  (d'Arkaï),  publiciste^  ancien  élève  de 
rÊcole  des  Sciences  politiques  et  de  TÈcole  des  Langues 
orientales  vi vantes  Jil  une  communication  sur Le5Co/onie^ 
préphocéennes  sur  le  littoral  marseittais. 

Poursuivant  une  étude  méthodique  des  origines  du  linoraK 
M.  Pillard  td'Arkaï)  rappelle  qu  après  les  trois  sources  de  TAn- 
ihropologie.  l'Archéologie  et  TÉrudiiion,  il  faut  compter  celle 
de  rÈiymologic  eide  la  Linguistique»  fournie  parles  noms  de 
lieux  et  de  peuples.  A  ce  point  de  vuespécial,  après  avoir  relevé, 
au  Congrès  de  Monaco  «avril  1906)»  ïe%  Synchronismes  ant/trcy- 
pohgique^  et  archéologiques  entre  les  enceintes  dites  ligu* 
rfijl  présente  une  série  de  Ressemblances  géographiques  et 
toponymiques  entre  tes  Colonies  Sémitiques  :  La  racine  IBR, 
le  suffixe  ligure  en  SC,  les  Béret ins  à  La  Penne,  les  Sol)  mes 
à  Sospcly  les  Massyliens  à  Marseille,  les  Phéniciens  à  Tou- 
lon, Cannes,  Antites,  Nice.  E^e.  Monaco,  etc.  La  conclusion 
de  ce  résumé  verbal  du  mémoire  in-extenso  (qui  sera  adressé 
ultérieurement  aux  membres  du  Congrès)  est  que  ses  diverses 
investigations,  menées  selon  la  classification  scientifique  mo- 
derne, s'accordent  à  confirmer  les  hypothèses  de  Bochard,  Do- 
nop.  Gésénius,  Movers.  KnobeU  Fiedslob,  Nilsson  et  tous  les 
philologues  non  limités  à  Técole  de  Bopp,  sur  le  rôledesSémi- 
tes  dans  la  civilisation  de  la  Méditerranée  occidentale. 

Après  cette  lecture»  il  s'engage  sur  ce  sujet  unediscus* 
sion  à  laquelle  prennent  part  MM.  Clerc»  Cotte  et  de 
Gérin*Ricard. 

M.  Pillard  répond  aux  observations  de  M.  Clerc  sur  les 


—  7«  — 
Ibères  et  aux  questions  de  M.  Colle  sur  le  trafic  de  Tam- 
bre.  Plusieurs  autres  membres  déclarent  que  les  points 
soulevés  demanderaient  de  nombreux  éclaircissements, 
mais  M.  le  Président  fait  observer  que  le  temps  manque, 
et  la  discussion  générale  sur  les  «  Colonisations  prépho- 
céennes »  est  renvoyée  aux  futurs  Congrès. 

7.  M.  DE  Ville  d'Avray,  bibliothécaire-archiviste  de 
Cannes,  secrétaire  de  la  Société  scientifique,  littéraire  et 
des  beaux-arts  de  Cannes,  n'ayant  pu  assister  à  la  séance, 
M.  Pillard  (d'Arkaï)  donne  lecture  de  son  mémoire  sur 
les  Passages  de  César  et  d'Antoine  che^  les  Oxy biens. 
—  Voir  MEMOIRES,  n*  V. 


Séance  du  jeudi  matin^  2  août. 

La  séance  est  ouverte  à  neuf  heures  et  demie,  sous  la 
présidence  de  M,  Clerc,  président.  M.  Arnaud  d'Agnel 
remplit  les  fonctions  Je  secrétaire. 

1.  M.  le  IV  L.  CvMors,  membre  de  la  Société  des  scien- 
ces, lettres  et  arts  des  Alpos-Marjtimes,  présente  un  Res- 
cri:  du  rjtv  Pau!  ///      3.^*5    oî  en  fait  ie  commentaire. 

l  0  Vrc^Ao  vies  Uosp-.ccs  ci\r.>  >ic  N:cc  rer.tcrmeni  la  copie 
Jv  civcui:  u  un  ^^SvT-.iviu  im:v  Pajl  ii'..  —  :S  Juillet  i53S.  — 
^  :•:  ^- ^  r^:  Ncirou>c  v:a:'i>  *v>  Vrv:- vcs  de  la  viiie  de  Nice. 
'^  : -:m:."»  .:jl  n,:.- .v  ^  v\>:o*io  ^c.c  .-."^c'^.c  i  cuesta  citta 
^  \  :a  rv'  ce.  :*-:,w;  -ï.^:  k^I^c^;  csi^:-  ^  c>:j  ciita  sono 
-'.. '..,\   "    v*::^^-    V- ".  NvS  v\"*.vj:-"  ;::  Sec    * 

:  ■  ■  •  ;      .^  ;\v>xv^nv  c^ncv.  v.>     ':\i«  ,>  r    r     ,,,  iîJ  perpe- 


-73  - 

minio  présidentes  fidellium  voiis  perque  Lcprosariiset  in  eis 
degeniibuspersonissubvenituracoraioriorum  etalliorum  loco- 
rum  ecclesiasticorum 

Datum  Roma  apud  S.  Marcum  sub  annulo  piscatoris 
die  XVIII  Juli  MDXXXVIII,  pontificat,  nostri  anno  quinto.  )> 

Ce  rescrii  accorde  aux  syndics  de  Nice  la  permission  de  réu- 
nir tous  les  hôpitaux  de  la  ville  en  un  seul  établissement  sous 
le  nom  d'  «  Hôpital  Saint-Eloi  »,  à  tous  les  établissements  ec- 
clésiastiques d'œuvres  pies  le  droit  de  recevoir  des  dons  et  des 
legs  pour  leur  entretien. 

S'occupant  des  choses  intérieures  de  la  cité  de  Nice,  ce  do- 
cument est  particulièrement  intéressant,  parce  que  Paul  III 
(Alexandre  Farnèze,  ancien  évêque  de  Vence),  pape  de  i534  à 
1549,  fi^  signer  une  trêve  de  10  ans  à  François  I"  qui  était  à 
Villeneuve-Loubet  et  à  Charles-Quint  qui  se  trouvait  à  Villa- 
tYanca. 

La  croix  de  marbre,  placée  à  Nice,  rue  de  F'rance,  et  classée 
comme  monument  historique,  rappelle  cette  trêve  de  Nice. 

2.  M.  Chailan,  curéd'Albaron-enCamargue,  membre 
delà  Société  des  Amis  du  Vieil-Arles,  lit  une  communi- 
cation sur  Les  livres  liturgiques  d'Arles  au  XVI*  siècle. 
Voir  MÉMOIRES,  n'^VI. 

3.  M"*  Eugénie  Houchart,  membre  de  l'Académie  de 
Vaucluse,  lit  une  communication  sur  L'ancien  château 
du  cardinal  Grimaldi  à  Puy-Ricard,  —  Voir  MÉMoiRes, 
n-  VII. 

4.  M.  Requin,  archiviste  du  diocèse  de  Vaucluse,  cor- 
respondant de  TAcadémie  des  Beaux-Arts,  membre  de 
l'Académie  de  Vaucluse,  donne  lecture  de  sa  communi- 
cation sur  des  Curiosités  notariales,  —  Voir  Mémoires, 
n-  VIII. 


-  74  — 

5.  M.  J.  Roman,  correspondant  du  Ministère  de  l'Ins- 
truction publique,  membre  de  l'Académie  delphinale  et  de 
la  Société  d'Études  des  Hautes-Alpes,  n'ayant  pu  assister 
à  la  séance,  M.  Nicollet,  secrétaire  général  du  Congrès, 
donne  lecture  de  sa  communication  sur  Les  sceaux  de  la 
famille  de  Savoie-Tende.  —  Voir  Mémoires,  n'^IX. 

La  séance  est  levée  à  onze  heures  et  M.  Clerc,  prési- 
dent de  la  Section,  après  avoir  déclaré  terminés  les  tra- 
vaux du  Congrès,  pour  cette  Section,  annonce  qu'une 
réunion  de  toutes  les  Sections  aura  lieu  dans  le  grand 
amphithéâtre  de  la  Faculté,  sous  la  présidence  de  M.  Be- 
lin,  recteur  de  l'Académie,  président  du  Congrès. 


-75'- 


DEUXIEME  SECTION 
Histoire. 

Président  :  M.  Paul  Masson,  professeur  d'histoire  et  de  géo- 
graphie économiquesà l'Université  d'Aix-Marseille,  correspon- 
dant du  Ministère  de  l'Instruction  publique,  membre  de  l'Aca- 
démie de  Marseille. 

Vice-Président  :  M.  Edmond  Poupé,  professeur  au  collège 
de  Draguignan,  correspondant  du  Ministère  de  l'Instruction 
publique,  membre  de  la  Société  d'Études  scientifiques  et  ar- 
chéologiques de  Draguignan,  secrétaire-correspondant  de  la 
Société  d'Études  Provençales. 

Secrétaire  :  M.  Marie  Bertrand,  sous-bibliothécaire  de  la 
ville  de  Cannes,  cabiscol  de  l'École  de  Lerin,secrétaire-corres- 
pK>ndant  de  la  Société  d'Études  Provençales. 

Secrétaire-adjoint  :  M.  Lucien  Gap,  instituteur  à  Oppède 
(Vaucluse),  membre  de  l'Académie  de  Vaucluse. 


Séarce  du  mercredi  matin,  /"  août. 

La  séance  est  ouverte  à  neuf  heures  et  demie,  sous  la 
présidence,  de  M.  Paul  Masson,  président  de  la  Section. 
M.  Bertrand  remplit  les  fonctions  de  secrétaire. 

Après  avoir  déclaré  la  séance  ouverte,  M.  Masson 
souhaite  la  bienvenue  à  tous  les  travailleurs  *qui  ont  ré- 
pondu à  l'appel  du  Comité  d'organisation  du  Congrès  et 
ont  apporté  des  mémoires  nombreux  et  variés.  Leurs  re- 
cherches patientes  et  obstinées  auront  pour  résultat  de 
préciser  l'histoire  de  la  Provence  et  d'en  dégager  les  en- 
seignements. La  vie  publique  et  politique  a  toujours  été 
très  intense  dans  cette  région  à  la  population  active  et 


-76- 

entreprenante.  Son  histoire  mérite  d'être  connue  non 
seulement  dans  ses  grandes  lignes,  mais  encore  dans  ses 
détails,  et,  si  le  Congrès  donne  une  nouvelle  impulsion 
aux  études  historiques,  il  aura  fait  œuvre  utile. 

1.  M.  Arnaud  d'Agnel,  correspondant  du  Ministère  de 
rinstruction  publique,  membre  de  la  Société  de  statisti- 
que de  Marseille,  lit  une  communication  sur  Les  Con- 
vulsionnaires  de  Pignans.  Cette  communication  a  été 
publiée  dans  les  Annales  du  Midi  (n**  74,  avril  1907). 

En  voici  le  résumé  : 

Pi4»nans,  village  du  Var,  qui  a  aujourd'hui  1.754  h.,  fut. 
au  xviir  siècle,  le  centre  principal  du  jansénisme  en  Provence. 
11  sV  passa  des  scènes  extraordinaires  de  fanatisme  religieux 
qui  suivirent  Tarrivêc  inattendue  de  gentilshommes,  disciples 
du  fameux  Vaillant,  alors  enfermé  à  la  Bastille. 

D'illustres  personnages,  tek  que  le  cardinal  de  Fleurj-  et 
Mi5'  do  Bclsuncc,  s'occupèrent  de  ces  faits  scandaleux.  L'évè- 
que  de  Marseille  demanda  et  obtint  T incarcération  des  princi- 
piiux  fauteurs  des  désordres;  ils  furent  enfermés  au  fort  Saint- 
Jean  et  à  la  citadelle  de  Saint-Nicolas.  Les  magistrats  de 
Pn^vencc  axaient  ordonné  de  faire  plusieurs  enquêtes  sur  cette 
curieuse  aifairc.  Ce  sont  les  résultats  très  circonstanciés  de  ces 
enquêtes  que  l'auteur  met  en  œuvre.  11  relève  une  foule  de  dé- 
t,uls  i\  piques.  Ces  traits  de  mœurs  font  revivre  un  état  d'àme 
>i  vlitfeaMU  du  nO>trc  qu'il  nous  semble  très  lointain.  On  cons- 
tate qu\ui  îond  de  la  province,  comme  à  Paris,  on  se  passion- 
nai pour  lc^  questions  trKvlo::iques  comme  actuellement  pour 
Icn  prv^biotvo  vie  ia  scic-.uc.  A  un  pvMnt  de  vue  général.  .M.  Ar- 
:uiuvi  si  \::u*.  \î::  "-c^i^rt  r  vies  r,i::s  qui!  analyse  l'extension  du 
\i!i>c*v>'!Tc  .;>k;;iC  vi,in>  ic  îv  ô:  J,c  la  France,  l'habileté  des 
*  ^\,i:ci.:>  vi,i  '!>  icu*  chv^x  vi  v\:xô.  cnis  prv^pres  à  séduire  l'ima- 
^  m:  ^^-'î  ?Vv-  vi.v^:^,iic  l  ,i,.:v,.-  :r^vv.rc  aussi,  pour  l'honneur 
uc  :*.vn:v  ^vMc  '^\ur;c  *orvn  c:\alc,  que  tous  ies  stratagèmes  ne 


—  77  — 

purent  avoir  raison  du  bon  sens  populaire.  Disons,  en  termi- 
nant, que  tout  contribua  à  rendre  célèbre  l'affaire  des  convul- 
sionnaires  de  Pignans,  tout,  jusqu'au  prédicateur  qui  fut  mandé 
tout  exprès  pour  les  combattre  sur  place,  le  fameux  Père  Bri- 
daine,  le  tribun  de  la  chaire  au  xviir  siècle.  » 

M.  Joseph  Fournier,  sollicité  par  le  président  de  don- 
ner son  opinion  sur  ce  mémoire,  dit  que  M.  Arnaud 
d'Agnel  a* tiré  des  Archives  des  Bouches-du-Rhône  tous 
les  documents  qui  lui  ont  servi  à  écrire  celte  étude  et 
qu'il  les  a  mis  en  œuvre  habilement.  Il  ajoute  que  ces 
Archives  contiennent  de  nombreux  et  int<^ressants  rensei- 
gnements sur  la  lutte  religieuse  à  cette  époque  et  sur  l'at- 
titude intransigeante  de  M«'de  Belsunce,  évêque  de  Mar 
seille,  envers  les  Jansénistes  qu'il  poursuivit  avec  la  plus 
grande  rigueur. 

2.  La  parole  est  ensuite  donnée  à  M.  Bertrand,  se- 
crétaire de  la  Section,  qui,  complétant  et  corrigeant  les 
imprimés,  d'après  des  documents  puisés  aux  Archives  du 
déparlement  des  Bouches-du-Rhône  et  à  celles  de  la  ville 
de  Cannes,  donne  un  clair  exposé  de  la  Prise  des  îles 
de  Lérins  par  les  Espagnols  en  i635,  —  Voir  Mémoi- 
res, n**  X. 

A  propos  de  cette  communication,  M.  P.  Masson  fait 
remarquer  que,  contrairement  à  la  situation  des  îles  de 
Lérins  qui  furent  pourvues  d'ouvrages  de  défense,  les  îles 
d'Hyères  et  du  littoral  marseillais  furent  négligées,  et 
que,  par  suite,  elles  furent  souvent  occupées  par  les  en- 
nemis de  la  France  et  de  la  Provence. 

Ace  moment,  M.  Masson  cède  la  présidence  à  M.  Be- 
lin,  recteur  de  l'Académie,  président  du  Congrès. 

3.  M.  Chaillan,  curé  de  Septèmes,  correspondant  du 


-  7»  - 

Ministère  de  rinsiruciion  publique,  membre  de  l'Acadé- 
niied*Aix,  a  la  parole  pour  donner  lecture  de  son  élude 
sur  Les  relations  de  Marseille  avec  Jérusalem  et  ta 
création  du  consulat  de  Jérusalem  au  XVII*  siècle.  Ce 
mémoire  a  éiè  publié  dans  Le  Sémaphore  de  Marseille 
in"*desi3,  r4,  i6  et  rjaoLli  (oo6;  7q' année,  n"*  24  n3<j 
24,041), 

En  voici  le  résume  : 

Dès  1624,  Lcmpereur  est  établi  à  Jérusalem  comme  consul  ; 
mais  la  jalousie  des  Vénitiens  contre  Marseille  intrigue  auprès 
du  pacha  de  Damas  qui  le  fait  emprisonner.  Délivré  au  bout 
de  cinq  jours,  il  rentre  à  Jérusalem,  mais  avec  défense  d'y  sé- 
journer plus  de  deux  mois.  Kn  1686,  Dortièrcs»  commissaire 
délégué  pour  visiter  les  Échelles,  demande  le  rétablissement 
du  Consulat  de  Jérusalem,  qui  est  décidé  au  Conseil  d'État 
tenu  à  Versailles  le  3ï  iuillet  1691.  La  Chambre  de  commerce 
de  Marseille  enregistre  cet  arrêt  le  6  septembre  suivant  et  ins- 
crit 3,600  livres  à  son  budget  pour  les  dépenses  du  consuL  Ces 
fonctions  sont  remplies  en  \(^  par  un  nommé  Lempereui 
(comme  Je  consul  de  1624^,  à  qui  Pontchartrain  écrit  de  Ver- 
sailles le  28  avril  et  demande  de  lui  «  rendre  compte  de  ce  qui 
1^  sera  passé  au  voyage  »  qu\\  aura  fait  à  Jérusalem. 

M.  Chaillan  donne  la  relation  de  ce  voyage, fait  en  tôgS.  qui 
%e  trouve  aux  Archives  de  la  Chambre  de  commerce  de  Mar- 
!>cille*  ainsi  que  les  lettres  écrites  par  Lempereur,  en  date  du 
2<^<4eptembre  rôg?  et  du  12  mai  1696,  pour  se  faire  payer  ses 
dépenses.  Les  Marseillais  ne  se  décîdèrem  à  payer  qu  après  une 
lettre  de  Pontchanraïn  du  7  mai  1697,  L  ctat  des  dépenses  en- 
voyé par  le  consul,  pour  son  second  voyage  à  Jérusalem  en 
J696,  s  élève  à  1.322  livres  33.  On  trou\^  que  céiaîi  cher  et  on 
le  fit  remarquera  Lcmpereur  qui  en  coavut  du  découragement. 

En  1699,  Lempereur  est  remplacé  par  Bremond  qui,  dès  son 
arrivée  à  Saîdi*  ixrit,  k  18  août,  une  lettre  où  il  eipose  les  dit- 


~   79  — 

ficultés  pccunîaires  et  autres  auxquelles  il  se  vaît  déjà  exposé. 
II  entra,  en  février  1700,  à  Jérusalem*  où,  ignorant  des  coutu* 
mes  et  des  mœurs,  il  ne  tarda  pas  à  voir  tout  le  monde  contr*! 
|ui«  Il  en  sortit  «t  le  2K  mai.  à  pied,  ayant  la  fièvre,  pourseren- 
Ire  à  Bethléem  #.  De  retour  à  Saïda,  il  raconte  ses  déboires 
dans»  une  lettre  à  la  Chambre  de  commerce  de  Marseille,  eu  en 
1702,  le  roi  lui  donne  le  consulat  de  Messine. 

En  «712,  le  provençal  de  Blacas,  vice-consul  de  Chio,  fut 
nommé  à  Jérusalem.  Celui-ci  se  trouva  exposé  aux  mêmes  dif- 
tictihés  pécuniaires  et,  le  20  octobre  1715*  il  réclame  un  impor- 
tani  arriéré  de  ses  appointements.  C'est  la  dernière  lettre  éma- 
nant des  consuls  de  Jérusalem  qui  se  trouve  aux  Archives  de 
la  Chambre  de  commerce  de  Marseille, 

M,  P.  Masson  indique  à  fauteur  de  cette  communica- 
tion qu'il  aurait  pu  peut-être  trouver  quelque  chose  à  ce 
sujet  dans  la  correspondance  de  Peyresc.  !1  fait  remar- 
quer que  la  date  de  1624  est  celle  de  remprisonnemenl 
de  Lempereur»  mais  non  celle  de  la  création  du  consulat 
qui  eut  lieu  vraisemblablement  en  1621  :  Il  ajoute  que 
rinfluence  du  P.  Joseph  en  1626  n'est  que  la  conséquence 
de  la  mission  de  1621* 

M.  Rampai  demande  si  les  émoluments  du  Consul 
étaient  payés  par  la  Chambre  de  commerce  de  Marseille.  Il 
ajoutequ'il  serait  possible  d  avoir  de  nombreux  renseigne- 
ments sur  ce  sujet  en  consultant  les  Archives  des  Minis- 
tères de  la  Marine  et  des  Affaires  étrangères.  Après  une 
discussion  sur  des  points  de  détail,  on  passe  à  la  suite  de 
Tordre  du  jour, 

4,  M-  Léopold  CoNSTANs,  professeur  de  littérature  à 
rUniversilé  d*Aix-Marseille,  majorai  du  Félibrige,  vice- 
président  de  la  Société  d'Études  Provençales,  n*ayant  pu 
assister  à  la  séance.  M,  F^.  .Masson  donne  lecture  de  sa 


-io  - 

communication  sur  /^  consulat  de  la  mer  à  Marseille 
au  X/fl"  siècle. 

Ce  mémoire  est  publié  dans  les  Mélanges  offeris  à 
M*  le  professeur  Chabaneau  (p,  6^5-^5)*  Le  lexie  corn- 
plet  du  manuscrit  de  M.  Arbaud  est  en  cours  de  public;!* 
tion  dans  les  Annales  du  Midt  iZ^  cl  4*  fasctcuîcs.  loi^y», 

Cclcxtc  provençal  semble  rcmonierau  xm*  siècle,  bien  que  la 
copie  qui  en  a  été  conservée  ne  soii  qucdela  fm  du  xiv*.  d'après 
Tavis  de  iM,  Paul  Meyer.  Ce  manuscrit  appartient  à  M.  Paul 
Arbaud.  bibliophile,  président  de  la  Société  d'Ktudes  Proven- 
çales; il  y  reste  un  feuillet  de  garde  contenant  le  livret  de  fa- 
mille dun  notable  marseillais  du  \vii«=  siècle,  Gaspard  Sercne, 
époux  de  Catherine  Napolone,  qui  y  a  noté  la  naissance  et  le 
décès  des  membres  de  sa  famille,  de  1587  à  i(x»5* 

Le  texte  contient  :  i»  la  traduction  provençale  des  chapitres 
de  la  première  paix  entre  Charles  d"Anjou  et  la  ville  de  Mar- 
seille révoltée  en  1287;  a*  celle  des  chapitres  de  la  deuxième 
paix  concédés  par  Charles  en  1262  et  qui  a^f^ravent  les  condi- 
tions précédentes  ;  3**  une  série  de  dispositions  empruntées  au 
livre  des  Statuts  et  privilèges  de  Marseille,  qui  constituent  ce 
qu  on  appelait  au  moyen  âge  Le  Consulat  de  la  mer,  véritable 
code  commercial  et  marilîme.  C  est  la  partie  la  plus  intéres- 
sante du  recueil,  comme  on  peut  en  juger  par  les  rubriques  : 

Ùels  consoh  esiablit^  foras  de  Masseilha  :  —  De  gitament  de 
mercadarias  en  mar  per  mal  iems  o  per  autra  causa:  — 
gardar  los  consen*ages  engagements  de  senir  sur  mer>:  — ^ 
Dels  mariniers:  —  IVaquo  me;eis  imème  sujet)  ;  —  De  aper 
Jerm  las  causas  accitadas  davantlos  consols  esiablit^  foras  de 
Masseilha:  —  Daqueh  que  moron  foras  de  Masseilha:  —  En 
quai  maniera  deu  esser  venduda  caut^a  mobla  obligada  per 
peinnora:  —  Depenhora  donada  en  las  naus  per  alcuna  pecu- 
nia  :  —  De  compainhia  e  decomandas:  —  De  naus  loguadasi 
nouti  :  —  IXaquchque  deslian  hx  ai*ers  dUxutmi:  —  Dels  ei 


criPom^^a^tSm  :  —  De  non  portar  aver  xobre  cuber  (a  :  — 
De  portar  garni\  {fins  en  naus:  —  Dels  mariniers:  —  D'aquo 
me^eis:  —  De  giet^  de  mercadarias  en  mar:  —  De  las  soriJ^ 
de  las  naus:  —  Despaait  de  xx.  Jorns  donados  als  merca- 
diers  liquah  seran  en  Masseiha  en  lo  tems  de  la  guerra. 

Le  copiste  ciaii  négligent,  mais  comprenait  ce  qu'il  écrivait 
1^  langue  est  iiiiércîiîianie  cl  contient  des  mots  non  encore 
rencontrés  ailleurs. 

6.  M,  Lucien  Gap,  secrétaire-adjoint  de  la  Section, 
donne  ensuite  lecture  de  son  étude  sur  Oppède  au  moyen 
âge e( ses  insiiluiions.  —  Voir  Mémoires,  n*  XI. 

Après  la  lecture  de  cette  communication,  dont  le  titre 
primitif  était  *  Le  pillage  d' Oppède  (  Vaucluse)  pendant  le 
schisme  d'Occident  {î3y8't44Q).  ^'  P-Masson  fait  remar- 
quer qu*il  y  est  autant  question  de  Bernard  de  La  Salle  que 
du  village  d*Ûppéde.  M.  le  D'  Lavâl  insiste  également  sur 
ce  point  et  propose  à  Tauteur  de  modifier  le  titre  de  son 
mémoire,  de  façon  à  le  mettre  mieux  en  harmonie  avec 
le  sujet  traité,  M.  Gap  accepte  de  faire  cette  modification. 


6*  M.  Malausskne,  juge  au  tribunal  de  Grasse,  n  ayant 
pu  assister  à  la  séance,  M.  Fournier,  archiviste  des  Bou- 
ches-du-Rhône,  analyse  sa  communication  sur  U Admi- 
nistration communale  de  Saint-Jeannei  (Alpes-Mariti» 
mes}  sous  f ancien  régime.  —  Voir  Mémoires,  n*  XII. 

M,  Fournier  fait  remarquer  que  cette  étude,  trèscom- 
(plète,  a  été  faite  d'après  les  Archives  communales  de 
SaintJeannet  et  n'est  d'ailleurs  qu'une  partie  d*une  his- 
toire complète  de  cette  localité  en  préparation. 

M.  le  D'  Laval  demande,  à  ce  propos,  s'il  existe,  dans 
les  Archives  communales,  des  traces  du  passage  du  titre 
âtsy^ndic  à  celui  de  consuL  M.  Fournier  répond  que  le 


titre  de  consul  fut,  en  quelque  sorte,  la  régularisation  du 
pouvoir  communal  par  Fautorité  royale. 

7,  M-  PoupÉ,  vice-président  delà  Section,  n'ayant  pu, 
pour  cause  de  maladie,  assister  à  la  séance,  M.  Fournier 
donne  un  résumé  de  son  élude  sur  L Administration 
communale  à  Rians  (Var)  sous  l  ancien  régime,  —  Voir 
MÉMOIRES,  n*"  XIII. 

L'ordre  du  jour  étant  épuisé,  la  séance  est  levée  à  midi 
moins  dix  minutes. 


Séance  du  mercredi  soir^  /*'  août* 

La  séance  est  ouverte  à  deux  heures  et  demie,  sous  la 
présidence  de  M.  le  D'  Victorin  Laval,  ancien  président  de 
l'Académie  de  Vaucluse,  M,  Bertrand  remplit  les  fonc- 
tions de  secrétaire. 

1.  M.  G.  Arnaud,  docteur  èsletires,  professeur  au 
lycée  Mignet,  membre  de  la  Société  d'histoire  de  la  Révo- 
lution française,  n  ayant  pu  se  rendre  à  la  séance,  la  pa- 
role est  donnée  à  M.  Nicollet,  secrétaire  général  du 
Congrès,  pour  lire  sa  communication  sur  Un  ouvrage 
anonyme  de  Durand  de  ^aillane.  —  Voir  Mémoires, 
n^XlV. 

Après  cette  lecture,  M.  le  D'  Laval  ajoute  que  Durand 
de  Maillane  fut  un  grand  calomnié  et  que,  sil  fut  un 
catholique  convaincu,  il  fut  aussi  un  adversaire  irréducti- 
ble des  abus  du  clergé  d'alors.  Il  exprime  le  désir  et 
Tespoir  de  voir  élever  une  statue  à  celui  qui  fut,  avant 
tout,  un  bon  provençal. 


-  83  - 

2.  M.  BARRé,  conservateur  de  la  Bibliothèque  munici- 
pale de  Marseille,  trésorier  de  la  Société  de  Géographie 
et  d*Études  coloniales  de  Marseille,  lit  une  communica- 
tion  sur  Im  municipalité  de  Cassis  sous  la  Constitution 
de  tan  IIL  —  Voir  Mémoires,  n*  XV. 

La  lecture  de  cette  étude  terminée*  M.  Laval  insiste 
sur  le  caractère  décentralisateur  de  cette  Constitution  de 
l'an  III»  succédant  au  régime  centralisateur  de  Tan  II  ; 
il  regrette  qu'elle  ait  eu  une  existence  si  éphémère  et 
souhaite  qu*on  y  revienne  en  Tadaptant  aux  exigences  de 
notre  époque. 

S.  M,  P*-H.  Bigot, professeur  au  collège  de  Manosque, 
niembre  de  la  Société  scientifique  et  littéraire  des  Basses 
Alpes,   a  la  parole  pour   lire  une  communication  sur 
La  grande  peur  et  l'organisation  de  la  garde  nationale 
à  iManosque  en  178g, —  Voir  Mémoires,  n'  XVI. 

4.  M.  L*-C.  Dauphin,  pharmacien  naturaliste  à  Car- 
ces,  membre  de  la  Société  d'Études  Provençales,  lit  une 
communication  sur  le  Club  révolutionnaire  de  Carcis. — 
Voir  MÉMOIRES,  no  XVII. 

B*  M,  DupRAT,  professeur  adjoint  au  lycée  d'Avignon, 
membre  de  l'Académie  de  Vaucluse,  n'ayant  pu  assister 
à  ta  séance,  M.  Nicollet,  secrétaire  général  du  Congrès, 
lit  son  travail  sur  La  grande  peur  à  Châteaurenard  et 
la  création  de  la  garde  nationale.  —  Voir  Mémoires, 
n^  XVIII. 

Après  cette  lecture,  M.  Laval  fait  remarquer  que»  par 
une  action  psychologique,  cette  peur,  dont  M.  Bigot 
a  parlé  aussi  dans  son  mémoire,  se  généralisa,  mais  fut 
de  courte  durée.  Il  insiste  sur  ce  fait  qu'à  Châteaurenard 


-  S4  - 

comme  à  Manosque,  elle  décide  les  populations  à  orga- 
niser la  garde  naiionale* 

6.  M.  Destandau,  pasteur  de  l'Église  réformée  à  Mou- 
riès  (Bouches  du  Rhône),  correspondant  du  Ministère  de 
rinstruction  publiAjue,  membre  de  la  Société  des  Amis  du 
Vieil  Arles  et  de  rAcadémie  de  Vaucluse,  lit  une  étude 
intitulée  :  Une  page  de  t  histoire  de  la  mile  des  Baux  en 
1790.  —  Voir  MÉMOIRES,  n*  XIX. 

M*  Laval  fait  remarquer  le  caractère  patriotique  de 
cette  communication  et  constate  que  les  sentiments  géné- 
reux fleurissent  depuis  longtemps  sur  ta  terre  des  Baux. 

7.  M.  Fassïn,  conseiller  à  la  Cour,  membre  de  TAca- 
demie  d'Aix,  président  d*hanneur  de  la  Société  des  Amis 
du  Vieil  Arles,  n  ayant  pu  se  rendre  à  la  séance»  M.  le 
baron  Guilliben, secrétaire  perpétuel  de  TAcadémied'Aix, 
fait  une  analyse  de  son  étude  mtitulée  :  Quelques  pages 
de  l  histoire  de  la  marine  artésienne  ;  Les  marins  d'Ar- 
les pendant  la  tourmente  révolutionnaire.  —  Voir  Mé- 
moires, n"  XX. 

8.  M.  Henri  Labroue»  professeur  agrégé  d^histoire  au 
lycée  de  Toulon,  membre  de  la  Société  d*Études  Proven-j 
cales,  n'ayant  pu  assister  à  la  séance,  le  secrétaire  de  lai 
Section  lit  un  sommaire  de  sa  communication  sur  Lei 
Club  jacobin  de  Toulon* 

Celte  étude  a  été  publiée  dans  les  Annales  de  la  Société 
d  Études  Provençales  (4*  année,  n'  1 ,  janvier-février  1907, 
p,  I  à  5j  k 

En  voici  te  résumé  : 

Ce  travail  a  été  composé  d*après  des  documcais  des  Archi- 
pes  municipales  de   Tow/uw  et  de  Nans  (Varu  des  tîrc/iii*e« 


^  8!) 

départementales  du  Var  et  des  archives  du  greffe  du  tribunal 
civil  de  Draguignan.  Le  rS  juin  1790,  le  Conseil  général  de 
la  commune  de  Toulon  accueille  la  demande  de  plusieurs  ci- 
toyens de  constituer  une  société  des  Vraix  amis  de  la  Consti- 
tution. Cette  société  tient  sa  première  séance  le  21  du  même 
mois  et  s'installe  dans  Téglisc  Saint-Jean.  L'élément  bourgeois 
y  domine,  mats  Télément  ouvrier  y  est  nombreux.  C'est  en  se 
mêlant  activement  à  la  politique  locale  et  générale  que  le  Club 
Saint-Jean  développe  ses  forces*  Le  Conseil  général  de  la  com- 
mune n'est  bientôt  composé  que  de  clubisies;  le  club  rival  de 
Saint-Pierre  et  tous  les  adversaires  du  club  Saint-Jean  sont  peu 
a  peu  ccaacs  ou  étouffés.  De  1791  à  1793,  affilié  aux  Jacobins  de 
Paris,  le  club  de  Toulon  exerce  une  grande  influence  non  seu- 
lemenidansla  ville,  mais  dans  tout  le  département  et  même  dans 
les  départements  voisins,  par  des  relations  fréquentes  avec  les 
Sociétés  similaires*  Il  prend  une  pan  très  active  à  la  résistance 
contre  rinvasion.  A  Fintérieur,  il  se  montre  partisan  de  Tor- 
dre, de  la  sécurité  des  personnes  et  des  biens.  Mais  une  réac- 
lion  bourgeoise  et  royaliste»  compliquée  d'intervention  étran- 
gère, anéantit  son  influence  après  1793  ;  des  clubisies  sont 
condamnés  à  mort  et  exécutés.  En  Tan  111,  des  manifestations 
démocratiques  sont  les  derniers  actes  publics  qu  on  peut  vrai- 
semblablement lui  attribuer  ;  une  Sotiété  littéraire  et» en  I79<), 
un  CVrc/e  cons///w/jt>;i«t'/ sont  ses  dernières  et  lointaines  sur- 
vivances* 


9.  M.  Victor  Teissicre,  instituteur  à  Treis  ^  liuuches- 
du-Rhônet,  membre  de  la  Sociâc  dÉiudes  Provençales, 
Ut  une  communication  sur  La  Société  populaire  de 
Trets,  —  Voir  Mémoires,  rr  XXII, 

M.  l^aval  observe  que  cette  élude  n  insiste  pas  assez 
sur  le  rôle  joué  par  Frets  dans  le  mouvement  fédéraliste 
de  [793  ;  cette  commune,  en  elTet,  fut  une  de  celles  qui 
ne  se  prononcèrent  pas  pour  les  Girondins  et  restèrent 


—  86  — 

jacobines  malgré  tout.  M.  Teissère  répond  qu'il  se  pro- 
pose de  faire  du  Mouvement  Jédéraliste  à  Trets  l'objet 
d'une  étude  spéciale  qu'il  présentera  à  un  autre  Con- 
grès *. 

La  lecture  des  communications  envoyées  étant  termi- 
née, M.  le  D"*  Laval  fait  remarquer  le  caractère  de  cette 
séance,  tout  entière  consacrée  à  des  études  sur  la  Révo- 
lution. «  De  tout  ce  que  vous  venez  d'entendre,  ajoute-t-il, 
se  dégage  un  enseignement;  nous  vivons  de  la  Révolu- 
tion; c'est  une  raison  majeure  pour  étudier  cette  période 
de  notre  histoire  sous  toutes  ses  faces,  afin  de  nous  inspi- 
rer de  tout  ce  qu'elle  eut  de  bon  et  d'éviter  ce  qu'elle  eut 
de  mauvais.  La  Révolution  française  a  établi  le  monde 
sur  des  bases  nouvelles  et,  si  le  travail  d'enfantement  fut 
pénible,  ce  n'est  pas  une  raison  pour  aimer  moins  la 
mère.  » 

M.  Laval  termine  en  remerciant  les  Congressistes  de 
leur  assiduité,  malgré  la  chaleur  intense,  et  lève  la 
séance  à  quatre  heures  et  demie. 


Séance  du  jeudi  matin,  2  août. 

La  séance  est  ouverte  à  10  heures,  sous  la  présidence 
de  M.  le  baron  (juillibert,  secrétaire  perpétuel  de  l'Aca- 
démie d'Aix,  vice-président  de  la  Société  d'Ktudes  Pro- 


*  Cette  étude  sur  Le  mouvement  fédéraliste  à  Trets  a  été  lue  au  Con- 
grès des  Sociétés  savantes  de  Pans  et  des  départements,  à  Montpellier, 
dans  la  séance  du  Tendredi  matin,  5  avril  1907. 


vençales,  puis  de  M  le  D*"  LavaK  ancien  président  de 
TAcadémie  de  Vaucîuse.  M*  Bertrand  remplit  les  lonc- 
lions  de  secrétaire. 

1.  M.  le  Df  ALCzArs,  professeur  à  Tlîlcole  de  Médecine 
de  Marseille,  donne  lecture  de  sa  communication  sur 
Le  blocus  de  Marseille  pendant  la  peste  de  1722.  — 
Voir  MÉMOIRES,  n**  XXIII* 

Après  cette  lecture,  M.  le  baron  Guillibert,  président, 
fait  remarquer  que  ce  sujet  est  familier  à  M.  le  D'  Ale- 
zais,  car  il  a  déjà  publié  des  travaux  historiques  très 
êrudits  sur  la  peste,  Une  discussion  s'engage  entre  plu- 
sieurs membres  sur  l'emploi  du  vinaigre  à  la  désinfec- 
tion de  la  correspondance  iors  de  la  peste  de  Marseille. 

8.  M\  P. -H.  Bigot,  membre  de  la  Société  scientifique 
Cl  littéraire  des  Basses-Alpes,  professeur  au  collège  de  Ma- 
nosque,  présente  la  Liste  des  desserrants  des  deux  pa- 
roisses de  Manosque. 

Ces  listes  sont  l'œuvre  d'Henri-Jean  Alivon  (1821-1837), 
qui  fut  organiste  des  deux  églises  de  Manosque  et  curé  de 
Momfuron,  Dressées  d'après  les  archives  paroissiales,  elles  ont 
été  continuées  jusqu'à  nos  jours  par  M.  Bigot.  Celle  de  la  pa- 
roisse de  Notre-Dame,  commence  en  1226.  par  Pierre  Borga- 
rcllî,  et  tiniten  1903,  par  Antoine-Prosper  Brun,  curé  actuel  ; 
elle  comprend  cinquante  six  desservants.  Pour  le  xiu'  siècle, 
clic  parait  être  à  peu  près  complète,  avec  ses  huit  desservants 
de  1226  à  1286  ;  pour  le  xi\'\  elle  en  donne  six,  de  i3oo  à 
1390  ;  pour  le  xv«,  seulement  quatre,  de  141 5  à  1463  ;  pour  le 
xvi«,  elle  nedonne  aucun  nom  jusqu*en  ï56i,  et  en  contient 
treize  de  i56i  à  1599;  pour  le  xvm%  elle  est  probablement  in- 
complète avec  neuf  noms  de  Hjoo  à  1698  ;  pour  le  wm*  et  le 
Xï\*,  elle  est  complète. 

Celle  de  la  paroisse  de  Saint-Sauveur  ne  commence  qucn 


ÉfiÉ 


14?^.  avec  Esprit  Fabry*  vicaire,  et  finit,  en  1890,  par  Paul 
l^ieule,  curé  actu'jl  ;  elle  comprend  vingt-sept  des&crvanls* 
Pour  le  xv«  siècle,  elle  ne  fournît  qu'un  nom  ;  pour  le  xvi«,  elle 
en  donne  sept,  de  1548  à  iStjS;  pDur  le  xvii«,  elle  en  fournil 
neuh  vicaires  ou  curés,  de  f6o5  à  16SS;  pour  le  \vm\  trois 
curés,  de  Ï720  à  la  Révolution  ;  pour  le  \ix",  la  liste  est  com- 
plète avec  six  curés,  de  i8o3  à  1890.  Cette  église,  pendant  la 
Révolution,  fut  convertie  en  temple  de  la  Raison.  ^ 

3.  M  DE  Bkesc,  membre  des  Académies  d'Aîx  et  du 
Var,  a  la  parole  ei  fait  V Historique  des  eaux  de  Fon- 
taine tÉvêque  (ancien  Sorpius).  —  Voir  Mémoires, 
nXXIV. 

M.  Ici)'"  LavaU  président,  fait  remarquer  la  ressem- 
blance de  celle  fontaine  avec  celle  de  Vaucluse  et  de- 
mande si  le  nom  ancien  ne  serait  pas  Sorgius,  M.  de 
Bresc  répond  que    tous   les  documents  portent  Sorpius, 

4*  M.  Paul  Gakkarel,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres 
de  rUniversité  d*Aix-Marseille,  n'ayant  pu  assister  à  la 
séance,  le  secrétaire  de  la  section  présente  sa  communi- 
cation sur  Les  complots  de  Marseille  et  de  Toulon 
(18 12  i8i3),  —  Ce  travail  sera  publié,  au  mois  d'oclo- 
bre  prochain,  dans  les  Annales  de  la  Société  d'Études 
Propençales. 


5  M»  Charles  Latune,  avocat,  membre  de  la  Société 
d'Études  Provençales,  donne  lecture  de  sa  communica- 
lion  sur  Une  interp^^ntion  royale  dans  une  ajjaire  de 
famille  sous  le  règne  de  Louis  XV.  —  Voir  Mémoires* 
n'XXV. 

M*  J.  Fournier  fait  remarquer  que  celte  étude  n'est 
qu'une  peiiie  partie  d'un  ouvrage  que  M.  Latunc  prépare 


-  89  ^ 

sur  Les  lettres  de  cachet  en  "Prouence^  sujel  des  plus  în- 
téressanls.  sur  lequel  on  trouve  de  très  nombreux  docu- 
ments aux  archives  des  Bouches-du-Hhône.  M.  le  baron 
Guilliberl,  président,  félicite  M.  Latune  d'avoir  entrepris 
ce  travail  et  donne  quelques  détails  sur  ce  sujet. 

6.  M.  J.  Mauukl,  membre  de  la  Société  scientifique 
ei  littéraire  des  Basses-Alpes,  curé  de  Valernes,  n'ajant 
pu  assistera  la  séance,  M.  J.  Fournîer  donne  connais- 
sance de  son  travail  sur  La  peste  à  AUauch  en  1720.  — 
Voir  MÉMOIRES,  n*  XXVI. 

M.  le  baron  Guillibert,  président,  félicite  l'auteur  de 
travail  qui  est  un  chercheur  avisé.  M.  Fournier  ajoute 
que  M  Maurel,  de  même  que  le  D'  Alezais»  a  puisé  ses 
documents  aux  archives  des  Bouches-du-Rhône 


7.  M.  le  D'  Verrier,  délégué  de  rAllianc:  scientifi- 
que universelle,  n  avant  pu  assister  à  la  séance.  M,  Ber- 
trand, secrétaire  de  la  section^  donne  lecture  de  son  mé- 
moire sur  Le  département  des  liasses  Alpes  au  moment 
du  coup  d'État. 

M»  le  D'  Verrier  résume  le  chapitre  que  Eu^;,  rènou  dans 
son  ouvra^'e  sur  La  province  en  décembre  i83j,  3i  consacré  au 
département  des  Basses-Alpes.  Il  y  ajoute quclquesdétails  inté- 
ressants et  inédits  sur  le  rôle  joué  par  l'insiituieur  Noël  Pascal. 
Originaire  d'Aubignoscjeunecncorc,  sorti  depuis  peu  de  rÉcole 
normale,  cet  ardent  défenseur  de  la  Constitution  présidait  le 
Comité  central  installe  à  Forcalquier  et  déploya  beaucoup 
d'énergie.  Après  la  journée  du  9  décembre  qui  ruina  les  espé- 
rances des  républicains  fédérés,  il  ne  se  soumit  pas.  Échap- 
pant aux  recherches  des  agents  du  coup  d'État,  il  se  réfugia  à 
Nice  qui  faisait  partie  des  États  Sardes.  Là^  il   se  lia  d  amitié 


-  90  - 

avec  le  comte  Orsini,  Tauteur  de  la  tentative  si  connue.  Quand 
sa  femme  mourut,  il  vint  secrètement  en  France  pour  cher- 
cher sa  fille  et  retourna  par  mer  à  Nice  sur  un  mauvais 
bateau  de  pêcheur.  Après  lamnistie,  il  rentra  définitivement 
en  France,  où  il  s'occupa  de  médecine.  Pendant  la  guerre 
franco-allemande,  il  fut  envoyé  à  Besançon  comme  secrétaire 
général  de  la  préfecture.  La  paix  conclue,  il  devint  un  colla- 
borateur de  Jules  Ferry  qui  lui  donna,  en  souvenir,  une  de 
ses  photographies  avec  ces  mots  :  «  En  souvenir  de  nos  bons 
combats  ».  Il  mourut  en  1889.  Sa  fille  que,  pendant  son  exil, 
il  était  venu  chercher  au  prix  de  graves»  dangers,  est  mariée  en 
secondes  noces  avec  le  D^  Verrier. 

La  séance  est  levée  à  1 1  heures  et  demie. 


—  91  — 


TROISIÈME  SECTION 

Langue  et  littérature  provençales  ;  Folklore  ; 
Familles  ;  Beaux-Arts. 

Président  :  M.  Maurice  Raimbault,  sous-archiviste  des  Bou- 
ches-du-Rh^ne,  cabiscol  de  rEscolo  de  la  Mar,  majorai  du 
Félibrigc. 

Vice-Président  :  M.  Servian,  membre  de  l'Académie  de 
Marseille. 

Secrétaire  :  M.  Paul  Moulin,  membre  de  la  Société  d'Etu- 
des provençales. 


Séance  du  mercredi  matin,  i*'  août. 

Lai  séance  est  ouverte  à  9  h.  1/2,  sous  la  présidence  de 
M.  Maurice  Raimbault,  président  de  la  section.  M.  Paul 
Moulin  remplit  les  fonctions  de  secrétaire. 

M.  le  Président  prononce  l'allocution  suivante  : 

Messies, 

Es  pèr  iéu  un  devé  mai  que  mai  agradiéu,  en  durbènt  la 
proumiero  sesiho  de  la  seicien  de  Lengo,  Literaturo  e  Bèis- 
Art,  de  souveta  la  bènvengudo  en  tout  aquélei  qu*an  bèn 
vougu  Taduerre  soun  councours,  emai  de  lei  gramacia  coura- 
lamen  au  noumdela  Prouvènço.  O,  nouéste  £'m/7éri  dàu  Sou- 
lèu  vous  duou  fouesso  recounoueissènço  à  vàutrei  tôutei,  Ar- 
tisto  o  Saberu,  Felibre  o  noun  Felibre,  qu'en  venènt  eici  si- 
gnala à  Tatencien,  e  bessai  même  à  Tamiracien  dôu  mounde. 


lei  manitcsiacicn  passado  de  noucsie  art,  lalcstisses  pèr" 
raveni  de  gcncracien  qu'au ran  tanibèn  radica  au  irefouns  Jou^ 
couer  lamour,  h  passien  dôu  Bèu. 

Es  qoe  pèr  bèn  a  ma  sa  palrio,  ^rando  o  pichoto,  la  fau  d'en* 
proumiében  counoueisse,  e  —  es  malurousd*avé  à  !ou  cousiaia 
—  soun  noumbrousaquélciqucs'imaginon  d'èsirc  de  Prouven- 
çau  d'elèi  perqué  fan  en  lengo  prouvençaio  de  vers  que,  pcr 
ridèio,  sarien  autant  bèn  rùssi  o  espagnôu.  De  tel,  la  majO 
pan  sabon  de  la  Prouvèn^^o  ni  soun  Isiôri,  nîsei  Lcgèndo,  oi 
soun  Flourege»  basto  !  parlon  de  soun  païs  sènso  n*avé  jamaî 
rèn  vist.  De  que  voulèsque  siguesoun  ispîracien  dins  de  coun- 
dicien  parjero?  Canton  lou  peu  brun  o  blound  d'uno  chaio 
d*Arlc  que  pourrie  èsire  autant  bèn  uno  «  miss  »  angleso  o  'no 
m,  mousmé  )>  japouneso  ;  escudcllon  de  ^  Soulèu  iremouni  sus 
l'Esterèu  ^  qu  auricn  pouscu  tant  bèn  pinta  dins  lei  Carpaio.  Ce 
que  H  manco,  es  ce  que  Mistral  a  agu  au  mâgi  pount,  Mistral 
qu*espèr  iéu  lou  pus  grand  pouèto  de  touiei  lei  lèms  perqué 
soulet  a  sachu  refaire  sa  lengo,  refaire  soun  ourtougràfi  e  refaire 
un  pople  à  même  de  lou  coumprcndre;  Mistral  vis  intra  dins 
soun  engèni,  pèruno  grando  part»saprefoundocounoueissènço 
de  tout  ce  que  pertoco  nouéste  lerradou.  Rapelas  vous  aqué- 
kl  delicious  poucmo  istourique  o  legendàri  deis  Isclo  d*or  ; 
remembras  vous  aqoéo  superbe  cam  de  Calendau  ounte  nous 
debano  lei  glôri  esvalido  dins  lei  nèblo  dôu  passai^  tato  que 
soun  pintado  sus  lei  laiènço  mousieircnco  dôu  comte  Severan. 

E  bèn,  Messies,  la  loco  d'aquest  Coungrès  es  de  remédia  à- 
n-aquelo  regrctablo  situacîen,  de  sauva  de  l'ôublit  lei  travat  de 
nouésiei  rèire,  de  marca  sei  suces,  de  plagneseis  auvàri,  c  de 
nous  mètre  ansîn  à  même  d*imita  ce  que  fèron  de  bouen  en 
eivitantceque  fèron  demarrit.  Auren  ansin  countribuïaumari- 
lenemen  e  même  à  lespandimen  d  aquelo  Patria  Provincit 
que,  escrafado  Ta  quatre  cèni  vint  an  en  tant  que  patrim6ni 
poulilique.  a  pamens»  en  unt  que  patrimôni  ariisii,  subrc* 
viscu  et  gyerro  cstrangicro,  ei  bourroulo  inieriouro,  eis  aieniai 
dei  gouvèr  autoucratique  e  centralisaire,  à  la  revouiro  deis  es- 


—  9^  -- 

colo  unifourmisio,  tasèntsubran,à  la  voues  d'un  poucio.  reflou  ri 
une  rav*o  que  cresicn  retoumbaJô  au  neani  despuei  de   siècle. 
Messies,  lou  Pouètoa  coumpli  soun  obro  ;  à  nàulri  d'enia- 
meua  la  nouesiro, 

1,  MJ  -B.  AsTiERjresorierde  TEscolode  la  Mar,  donne 
ensuite  lecture  d'une  élude  sur  Vicior  Gelu  intime^  d*a- 
près  des  documents  communiqués  par  la  familledu  poète. 
D'après  ces  documents,  Victor  (jelu  était  loin  de  mériter 
U  mauvaise  réputation  que  lui  ont  value  ses  œuvres  mal 
comprises  parle  grand  public  — Ce  mémoire  a  paru  dans 
les  ih4nnales  de  la  Société  d'Études  Provençales  { 4"  année» 
n*  3,  mai-juin  lyoy,  p.  13?  et  suiv-). 

2  MM.  Louis  AuBEHT  etJ.  Bouhrilly,  membres  deTEs- 
colo  Mistràlenco»  résument  les  traditions  et  les  supersti- 
tiens  de  notre  région  en  passant  en  revue  les  Objets  et 
riies  (alismaniqties dont  les  collections d u  Museon  Ariaten 
conservent  des  vestiges.  —  Voir  Mémoires,   n«>  XXVII. 

3.  M.  J*  Bourrilly;  cabiscol  de  TEscolo  Mistralenco, 
fait  connatire  les  origines  du  costume  arlésien  et  les 
modificatit»ns  qu*il  a  subies  et  subit  encore  sous  Tîn- 
tluence  des  conditions  de  la  vie  ambiante.  —  Voir  Mé- 
moires, n*>  XXVIII- 

M.  le  Président  fait  remarquer  qu*il  eût  été  intéressant 
de  présenter  quelques  photographies  qui  eussent  permis 
de  mieux  se  rendre  compte  de  ces  changements. 

M.  Bourrilly  reconnaît  la  justesse  de  celte  observation 
Cl  promet  d'adresser  des  épreuves  au  bureau  de  la  Sec 
lion . 

4.  M  Joseph  Chevalier,  secrétaire  de  TEscolo  de  la 
Mar,  lil  une  étude  sur  Les  /êtes  de  No^t  en  'Propence  et 


—  94  - 

notamment  sur  les  poésies  populaires  qui  leur  doivent 
leur  nom  et  auxquelles  Saboly  a  dû  sa  célébrité. 

5.  M.  Anton  in  GuÊs,  propriétaire  à  Salon,  membre  de 
la  Société  d'Études  provençales,  n'ayant  pu  assister  à  la 
séance,  M.  NicoHet,  secrétaire  général  du  Congrès, donne 
lecture  d'une  étude  sur  le  félibre  majorai  Antoine- Biaise 
Crousillat,  de  Salon.  —  Cette  élude  sera  publiée  ulté- 
rieurement dans  les  Annales  de  la  Société  d'Études 
Provençales, 


6.  M.  A,  Jalbeft,  de  TAcadémie  du  Var,  lit  un  mé- 
moire sur  Guillaume  de  Cabestaing  et  Marguerite  de 
Roussillon. 

M.  le  Président  relève  le  caractère  légendaire  de  ce  ré- 
cit, dont  Tauthenticité  ne  saurait  être  admise  en  présence 
d'un  texte  publié  dans  le  «Musée  des  archives  départe- 
mentales V  qui  prouve  que  Saurimonde  (et  non  Margue- 
rite), loin  de  se  suicider,  se  remaria  avec  Adhémar  de 
Rosset,  après  la  mort  de  Raymond  de  Castcll-Rossello 
qui  était  son  second  mari»  le  premier  s  appelant  Ermcn- 
gaud  de  Vernet. 

/VL  Jaubert  assure  que  le  Roussillon  dont  il  est  ques- 
tion est  non  celui  que  nous  connaissons  sur  les  fruntiè* 
res  d'Espagne  et  auquel  se  rapporte  la  charte  visée  par, 
M.  Raimbault,  mais  Je  village  du  même  nom  sis  dans  le 
voisinage  d*Apt* 

M,  le  Président  fait  observer  que  la  thèse  de  M.  Jau- 
bert est  détruite  par  la  charte  du  Musée  des  Archives. 

M.  Jaubert  répond  qu'il  a  surtout  voulu  faire  un  ta- 
bleau des  mœurs  de  Tépoquc  des  troubadours  d*après  les 
renseignements  donnés  par  Bouche. 


M.  l*abbé  A.  J.  Rance-Bourrei\  professeur  hono- 
raire de  l'ancienne  Faculté  de  théologie  d*Aix,  membre 
de  la  Société  des  Sciences,  Lettres  et  Arts  des  A!pes-Ma- 
rîtimes«  n*ayani  pu  assister  à  la  séance.  M,  le  Président 
de  la  section  présente  son  mémoire  sur  RosalindeRan- 
cher  au  lycée  de  Marseille. 


Joseph-RosalindeRancher,  le  poète  Niçois  auteur  de  la  ^Ve- 
matda,  est  né  à  Nice  le  20  juillet  1785  et  mort  dans  cette  ville, 
le  I  \  juillet  1843.  Ses  restes  reposentau  cimetière  du  Château, 
sous  une  modeste  pierre,  avec  une  inscription  italienne  de 
Don  Sappia, 

Ranchcr  était  fils  d*un  chirurgien  venu  de  Saim-Jeannei  se 
fixer  à  Nice,  vers  1770.  Le  père  do  chirurgien  possédait  à 
Saint-Jeannet  une  étude  de  notaire  qui  fut  vendue  à  un  de  ses 
parents,  M.  Euzière* 

Les  Rancher  sont  peut-étreoriginairesd* Avignon,  Rosalinde 
fit  ses  premières  études  à  Nice  et  vint  les  achever  au  lycée  de 
Marseille,  auquel  il  obtint  une  bourse,  en  Tan  Xll.  Il  fut  un  des 
i5o  élèves  nationaux  nommés  par  le  Premier  Consul,  lors  de 
rorganisation  du  lycée, 

Rosalinde  Rancher,  venu  à  Marseille  en  l'an  Xll,  y  fut  ac- 
compagné par  un  de  ses  jeunes  frères.  Il  avait  alors  170U  18  ans 
et  ne  dut  pas  rester  longtemps  au  lycée,  Y  oblint-il  les  succès 
que  lui  attribue  une  légende  reproduite  par  Tosalli  et  Sardou  ? 
Je  ne  le  crois  pas,  car  les  palmarès  du  lycée,  que  j*ai  pu  con- 
sulter, ne  mentionnent  aucun  Rancher  pour  la  distribution 
des  prix  à  la  iin  du  premier  trimestre  de  l'an  Xll  ;  et  à  la  dis- 
^Irîbution  qui  eut  lieu  à  la  fin  de  l'année  scolaire,  le  1*^  fructi- 
dor an  XIL  un  second  prix  de  vers  latin  est  attribué  à  François 
Rancher  de  Nice,  élève  de  la  3'  classe  de  latin,  qui  obtint  aussi 
un  3*  accessit  de  thème  et  le  premier  prix  de  ronde-bosse,  dans 
la  classe  de  dessin.  Ce  François  Rancher  est  le  frère  de  Rosa- 
linde, né  â  Nice  le  j  1  janvier  1789. 


—  <)b  - 

En  i8o3,  Rancheraîné,  de  Nice,  est  élève  de  2\  ci  un  autre 
Rancher  est  élève  de  6*  ;  Rancher  aîné  est  élève  de  la  classe  de 
dessin  et  lauire  Rancher  est  cité  parmi  les  élèves  de  gip^mnasti- 
que  qui  prirent  part  aux  exercices  publics  de  Tan  XIIl  (i8o>). 
Je  ne  connais  pas  le  palmarès  de  i8oG:  mais  en  1807,  il  n'v 
plus  de  Rancher. 

Les  Rancher  dont  j  ai  relevé  les  noms  ne  sont  pas  le 
poète»  dont  le  séjour  à  Marseille  fut  de  très  courte  durée  ci 
passa  inaperçu.  Sa  mère  était  veuve,  dénuée  de  fortune  et  avait 
hâte  de  lui  trouver  une  position.  Rosatinde  Rancher  entra  dans 
les  contributions  directes  et  fut  placé  dans  un  département  ita- 
lien, à  Arrczzû.  à  Klorence  et  enfin  a  Alassio.  En  1814,  il  re- 
vint à  Nice 

De  son  séjour  à  Marseille,  Rosalinde  Rancher  ne  conserva 
qu'un  vague  souvenir,  et  linstruciion  qu'il  y  reçut  fut  sans  îc 
fluence  appréciable  sjr  le  jeune  Niçois, 

La  séance  est  Ie\ée  à  1  j  h.  3o. 


Séance  du  mercredi  soir,  1"  août. 

Présidence  de  M,  Ferdinand  Servian,  de  TAcadémie 
de  Marseille.  M.  P,  Moulin  remplit  les  fonctions  de  se- 
crétaire. 

La  séance  est  ouverte  à  2  heures  3o. 

1.  M.  l'abbé  Arnaid  d'Agnel,  membre  de  la  Société 
archéologique  de  Provence,  lit  une  monographie  de 
l'industrie  de  La  Verrerie  en  Provence.  —  Voir  MÉ- 
MOIRES»  n*^  XXIX. 

2.  M»  Boujllon-Landais,  conservateur  honoraire  du 
àMusée  de  Marseille,  correspondant  des  Sociétés  des 
Beaux-Arts  des  départements,  n'ayant  pu   assister  à  la 


sdance,  M  L  Fournier,  archivisie-adjoini  des  Bouches- 
du  RhAne,  donne  lecture  de  sa  Monographie  de  tare  de 
triomphe  de  Marseille, 

Dans  une  séance  du  17  octobre  i823»  le  marquis  de  Mont- 
l^rand,  maire  de  Marseille,  invitait  le  Conseil  municipal  à 
«  délibérer  sur  la  proposition  d  ériger  à  la  Porte  d'Aix  un  arc 
«  de  triomphe  qui  fût  dédié  à  M*"  le  duc  d*Angûuléme  et  à  sa 
m.  brave  armée»  en  perpétuelle  mémoire  de  la  4,'uerrc entreprise 
«  pour  la  délivrance  du  roi  d'Espagne  »,  captif  de  trop  libéra- 
les Coriès* 

Adoptée  à  Funanimité  et  bien  vite  approuvée  par  le  préfet, 
comte  de  Villeneuve,  la  proposition  ne  tarda  pas  à  recevoir  la 
consécration  de  l'ordonnance  royale  qui  autorisait  une  aussi 
(laiteuse  dépense  et»  dans  les  premiers  mois  de  1824.  larchi- 
lectede  la  ville,  R.  Penchaud,  se  rendait  à  Paris  avec  celui  des 
projets  qui  avaient  réuni  le  plus  de  suffrages. 

Malgré  raciivtté  déployée  par  cet  homme  excellent,  ce  ne  fut 
(ju'à  la  fin  de  mars  rS25,  que  l'entrepreneur  Pierre  Blu, déclaré 
adjudicataire,  put  commencer  les  fondations.  Charles  X  succé- 
dait à  son  frère  et  le  duc  d*  Angouléme  était  devenu  le  Dauphin  ; 
il  parut  indique  de  hâter  les  travaux  et  de  fixer  au  jour  de  la 
fôtedu  roi  la  pose  solennelle  de  la  première  pierre;  mais,  le 
4  novembre,  une  pluie  battante  transformait  le  chantier  en  un 
lac  et  Ton  dut  remettre  la  cérémonie  au  surlendemain. 

Après  un  discours  du  maire  et  des  salves  de  ^  boites  v.  aux 
sons  de  la  musique  militaire,  une  grande  table  de  marbre  fut 
scellée,  enfermée  sous  la  pierre  inaugurale;  elle  dit  la  genèse 
de  ToEuvre  et  jurerait  un  peu  à  côté  des  lettres  d'or  du  fron- 
tispice. (A  la  République  Marseille  reconnaissanlej.  Les  vil- 
les, comme  les  hommes,  reprennent  quelquefois  ce  qu'elles 
ont  donné. 

Cependant  l  archiiecle  et  le  maire  se  heurtaient  a  maintes 
difficultés.  Les  devis  imposaient  la  pierre  de  Saint-Remy  et  les 
fournisseurs  élevaient  des  prétentions  si  hautes  que  la  Ville 


—    100  — 

Séance  du  Jeudi   matin,  2  août. 

Présidence  de  M.  Ch.  Vincens,  trésorier  de  TAcadémie 
de  Marseille.  M.  P*  Moulin  remplit  les  fonctions  de  secré- 
taire. 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  3o 

1.  M-  Edouard  Alde,  bibliothécaire  de  la  Méjanes, 
membre  de  TAcadémie  d'Aix,  lit  une  étude  sur  L'Éty- 
moiogie  du  nom  de  Mar  Sarnèio,  donné  à  la  Méditerra^^ 
nie  —  Voir  Mémoires»  n"  XXXV, 


2*  MJ'abbéP.-M.  Davin,  membre  de  la  Sociéiéd'Études 
Provençales»  lit  un  résumé  de  la  biographie  d'Ignace 
Cotolendi^  d&4ix  en  Provence,  évèque  missionnaire  de 
la  Chine  occidentale.  Ce  travail  a  été  publié  par  l'auteur 
en  une  brochure  in-octavo  de  48  pages  </g«dce  Cotolendi, 
rf'Aix-en-  Provence,  curé  de  Sainte-Madeleine  dans  cette 
vi'te^  épèque  missionnaire  en  C/ime,  163o  7  1602^  par 
Paul-Marie  Davin,  prêtre  du  diocèse  d'Aix  —  Aix,  impri- 
merie ei  librairie  Makaire  i  B.  Philip,  gérant),  2,  rue 
Thiers,  lyoG».  En  voici  le  résumé  : 

Ignace  Cotolcndi  naquit,  le  aî  mars  i63o,  à  Brignoles,  où 
son  père,  Jacques,  et  sa  mère.  Marguerite  de  Layon,  avaient 
lui  la  peste  de  1629.  Après  avoir  fait  ses  éludes  au  collège  Bout- 
tow  d'Aix,  dirigé  par  les  Jésuites,  îl  voulut  entrer  dans  cet  Or- 
dre, mais  la  faiblesse  de  sa  santé  y  mil  obstacle,  M  commença 
SCS  études  ibcologtqucs  à  la  Sorbonne,  puis  vint  les  terminer  à 
Aix  Ordonné  prêtre»  en  mars  i653,  il  est  nommé,  à  vingt-trois 
ans, curé  de  la  paroisse  de  la  Madeleine,  où  il  exerce  son  minis- 
tère durant  six  ans.  Comme  une  mission  s'organisait  pour  la 
Chine,  il  demande  à  y  être  admis  ;  non  seulement  il  est  agréé. 


mais  on  lui  donne  les  liircs  d'évèquc  ni  ptxrftVB^tt  Metello- 
polis»  de  vicaire  aposiolique  de  Nankin,  administrateur  de  la 
Chine  occidentale,  de  la  Tariarie  et  de  la  Corée.  Il  s'embarque 
à  Marseille,  le  3  septembre  t66t  .accompagné  d'un  autre  Aixois, 
Jcan-KraTiçois  de  Forus.  Au  cours  de  son  pénible  voya^je»  tan- 
tôt par  mer,  tantôt  par  terre,  il  mourut  à  Mazulipatam,  le 
16  août  1662,  dans  sa  trente-troisième  année.  Son  compagnon» 
de  Fonis,  mourut  au  mois  de  décembre  de  l  année  suivante. 

3  M.  le  baron  Guillibekt,  secrctairi.*  perpétuel  de 
rAcadcmic  d'Aix.  fait  une  communication  sur  Un  his* 
lorUn  d'Aix^ poète, 

11  s*agit  de  Tëcrivain  aixois.  Roux -Alphcran.  dans  lequel  it 
nous  révèle  un  poète,  dont  la  muse,  de  goût  classique»  n'avait 
pas  de  visées  particulièrement  hautes*  mais  une  inspiration 
agréable.  Ses  œuvres  sont  encore  appréciées  aujourd'hui  des 
privilégiés  qui  les  connaissent, 

4.  M.  F.-N*  NicoLLET.  secrétaire  général  du  Congrès, 
fait  part  de  ses  recherches  sur  L* Origine  et  Vétymologie 
du  nom  provençal  roca,  rocha  i roche)  —  Voir  Mémoi- 
res, n «  XXXVL 

M,  Kampal  fait  remarquer  que,  si  bruga  vient  de 
U^rruca^  le  mot  broc  qui  désigne  le  sommet  d'une  mon* 
lagnet/a  rfenMc broc,  en  Suisse»  pourrait  bien  vcnîrd'unc 
forme  pri m itiveî/errwco5 qui  serait  le  masculin  de  verrwca. 

5.  M.  Auguste  Rampal,  membre  de  la  Société  de  Géo 
graphie  et  d'Études  coloniales  de  Marseille,  donne  lec- 
ture de  ses  Notes  généalogiques  sur  laJamiUe  Pey^sson^ 
neL 

Complétant  les  indications  fournies  sur  cette  famille  par  Ar- 
leJcuil  et  Achard,au  moyen  de  renseignements  tirés  d'Archives 
départementales  et  communales»  il  indique  que  le  chef  en  est 


—    I02    — 

un  «  clerc  liono^s  ».  Henri  Peyssonnel,  marié  à  Lorgues  en 
i555  avec  la  fille  cl*un  notaire,  notaire  lui-m^me  en  cette  pe- 
tite ville. où  un  de  ses  fils,  Gaspard,  exerça  la  même  profession. 
On  trouve  des  Peyssonnel  à  Lorgues  durant  tout  le  xvir  siècle, 
alliés  aux  plus  noiables  familles  du  pays  et  revêtus  à  diverses 
reprises  du  chaperon  consulaire. 

L'n  autre  fils  d'Henri,  Baltha^ard.  se  fit  recevoir  docteur  en 
médecine  en  TUniversité  d*Avignon»  le  2  mars  1594,  exerça  à 
Brignoleset  sV  maria.  Il  fut  le  premier  de  quatre  générations 
de  médecins  qui.  après  lui.se  signalèrent  à  Marseille  :  son  fils 
Jean  fut,  de  i655  vers  1660.  médecin  du  consulat  de  France  à 
Alcp  ;  son  petit-fils,  Charles,  doyen  du  corps  médical  marseil- 
lais lors  de  la  peste  de  1720,  fut  une  des  plus  r^rettables  victi- 
mes de  la  conugion.  Son  arrière-petit-fils.  Jean-André,  se 
distingua  comme  naturaliste  et  a  attaché  son  nom  à  la  décou- 
verte de  la  nature  animale  du  corail  ;  il  mourut,  en  1759.  mé- 
decin botaniste  réal  à  la  Guadeloupe.  Un  frère  cadet  de  ce  sa- 
vant. Charles,  connu  comme  archéol(M»ue.  fut  consul  de  France 
à  Smymc.  de  174S  à  1737  ;  le  fils  aîné  de  Charles  suivit  paie- 
ment la  carrière  consulaire  :  retraité  comme  consul  général  de 

Smyrne.en  1770.  lie  avec  Dupont  de  Nemours,  Condorcet , 

il  eut  Sv^n  heure  de  notoriété  aux  approches  de  la  Révolution 
comme  publicisie  poliùque.  remarqué  pour  son  hostilité  à  l'al- 
liance autrichienne.  Ine  nllc  de  Charles,  mariée  à  un  Clai> 
rambauh.  a  fait  aussi  souche  de  consuls  îusqu'à  l'époque  con- 
temporaine. 

l  n  troisième  rUs  du  nv^u^re.  Henri,  ei  peut-être  l'ainé,  Jac- 
^^es.  vint  exercer  la  profession  à'avvxrai  à  Dra^ruignan  à  la  fin 
viu  \M'  s;cciv\ci  tui  imîic  fVïr  pre>qj:e:oaîe  sa  descendance,  où 
!  0:1  rcncvviirc  auN>;  des  nv;::a:rcs  .  :.  >e  miria  successivement 
a\c\:  trots  \eiî\e>  c:  cp.  c^::  vi.\  cr*'Jin:>  Le  p'.ùs  ieune  fils  du 
prc:ii;cr  i::.  .^M-:.  hcr.;;cr  vie  >v^n  v\-b  ne:,  dlli  setablir  a  Ai.x 
\cr>  .\*^  c:  >o  viiN:  n*:.:a  iMmi;  'es  n":o/.'cur!i  i  ia  harre  du  Pat- 
ientent l  e  '^'n  vie  oe;»:.-N^  .\:vVae>.  ej:  une  réputation  au 
nis^  ns  cjcaie  ,t  cc'ile  de  x^n  ivre  .  :'.  : u:  <\  ni:c  de  n>'r«  de  la  no- 


—  io3  — 

blesse  et  écrivit  un  petit  Traité  de  f  hérédité  des  fief  s  de  Pro- 
vence, qui  Ht  autorité  jusqu'à  la  chute  de  l'ancien  régime.  Le 
père  et  le  fils  connurent  les  différents  honneurs  auxquels  pou- 
vaient aspirer  des  avocats  :  syndicat  de  la  corporation,  assesso- 
rat,  rectorat  de  l'Université.  Après  eux,  d  autres  Peyssonnel 
curent  le  titre  d'avocat  en  la  Cour,  mais  n'arrivèrent  pas  à  la 
renommée. 

Deux  frères  de  l'auteur  du  Traité  de  l'hérédité  desfiejs  méri- 
tent une  mention  au  titre  militaire  :  François,  officier  de  mous- 
quetaires, devint  la  tige  des  seigneurs  de  Fuveau,  par  l'acquisi- 
tion qu'il  réalisa,  en  1676,  d'une  partie  de  ce  fief;  Sauveur, 
colonel  d'un  régiment  de  dragons  où  servirent  ultérieurement 
presque  tous  les  Peyssonnel  qui  portèrent  l'épée,  puis  maréchal 
de  camp,  mérita  de  Louis  XIV  l'épithète  A^  brave  Peyssonnel. 
L'un  et  l'autre  pouvaient  se  recommander  de  l'exemple  d'on- 
cles tant  paternels  que  maternels  :  Esprit  Peyssonnel,  frère 
consanguin  de  leur  père,  allié  aux  Pugct,  seigneurs  de  Roque- 
brune,  et  le  lieutenant  général  de  Raymondis.  —  La  famille  a 
aussi  compté  divers  ecclésiastiques,  mais  aucun  ne  fut  élevé  en 
dignité. 

il  semble  que  la  Révolution  ait  arrêté  la  croissance  de  cette 
famille,  qui  aurait  peut-être  pu,  comme  tant  d'autres,  s'élever 
jusqu'aux  sièges  de  nos  Cours  souveraines.  Il  est  probable  que 
l'extra néi té  du  premier  du  nom  empêche  de  le  voir  sortir  du 
tréfonds  populaire  et  de  suivre  l'ascension  de  ses  auteurs  par 
l'exercice  des  arts  manuels  et  du  négoce  jusqu'aux  professions 
libérales. 

Les  villes  de  la  Basse-Terre,  Marseille  (en  1868)  et  Aix  (en 
1894)  ont  chacune  donné  à  une  de  leurs  rues  le  nom  de  Peys- 
sonnel pour  honorer  le  naturaliste,  les  médecins  et  les  consuls 
du  Levant  et  les  assesseurs  d'Aix.  La  décision  de  l'édilité  aixoise 
a  suscité  des  critiques  ;  un  riverain  de  la  nouvelle  rue  Peysson- 
nel, désireux  de  conserver  le  souvenir  de  l'ancienne  appella- 
tion, a  maintenu  sur  la  porte  de  sa  demeure  le  nom  de  Saint- 
Claude. 


I04  — 

le  recteur  Bel  in  regrette  que  M.  Rampai  n'ait  pas 
mis  en  un  suffisant  relief  ses  dernières  réflexions  sur 
lascension  probable  du  bas  peuple  à  la  petite  noblesse 
de  la  famille  Pcyssonnel.  M*  de  Gantelmidlllc  indique 
à  Tauieur  qu'il  pourra  compléter  ses  renseignemenls  au- 
près de  la  famille  de  lemincni  avocat  Arnaud-Thérèse 
qui  se  rattachait  aux  PeyssonneL  M.  le  chanoine  Davin 
estime  que  la  rue  Saint-Claude  auraitdû  garder  son  nom 
primitif,  puisqu'elle  rappelait  le  souvenir  de  Messire 
Claude  Viany,  prieur  de  Saint  Jean  de  Malte,  curieuse 
figure  aixoisc  du  xvii*  siècle,  dont  le  souvenir  mérite 
d'être  conservé;  on  aurait  pu  trouver  un  autre  emplace- 
ment pour  honorer  les  Peyssnnnel  sans  tiuire  à  Viany. 
M.  Aude  c\<Sx  humorisliquement  la  discussion  en  re- 
marquant que  le  grand  nombre  des  notabilités  aixoises 
permettrait  d*élablir  entre  elles  un  roulement  pour  leur 
inscription  sur  les  plaques  d  email  des  voies  publiques. 

6.  M,  le  capitaine  Reboulet,  membre  de  TAcadémie 
de  Vaucluse,  n  ayant  pu  assister  à  la  séance.  M.  J.  Four- 
n«cr,  secrétaire-trésorier  du  Congrès,  signale  son  im- 
portant travail  sur  Ije  général  d  ^^tnselme  et  ses  maximes 
mUiiairts.  Cette  élude  est  trop  étendue  pour  pou%-oirêtre 
insérée  ici  ;  elle  de\Ta  faire  lobiet  d'une  publication  spi 
ciale 


7.  M  François  Vidal,  félibre  maioral,  membre  de 
TAcadémie  d'Aix^  fait  ta  biographie  du  Ténor  Richelme, 
—  Voir  MôtoiREs*  n*  AJuLVIL 

La  séance  est  levée  à  ontt  heures- 


io5 


QUATRIÈME  SECTION 

Sciences  économiques  et  sociales  ;  Sciences  physi- 
ques et  naturelles;  Géographie. 

Président  :  M.  le  docteur  Livon,  directeur  honoraire  de 
rÉcole  de  médecine  de  Marseille,  directeur  de  l'Institut  antira- 
bique, correspondant  national  de  TAcadémie  de  médecine, 
membre  de  l'Académie  de  Marseille. 

Vice-Président  :  M.  Gaston  Valran,  professeur  au  lycée  Mi- 
gnet,  correspondant  du  Ministère,  conseiller  du  commerce  exté- 
rieur, secrétaire  général  de  la  Société  d'Études  Provençales 

Secrétaire  :  M.  Etienne  Lacaze-Duthiers,  professeur  au  col- 
lège d'Arles,  vice-président  de  la  Société  des  Amis  du  Vieil 
Arles. 

Secrétaire-Adjoint:  M.  Fernand  Sauve,  bibliothécaire-archi- 
viste delà  ville  d'Apt,  membre  de  l'Académie  de  Vaucluse. 


Séance  du  mercredi  matin,  /"  août, 

La  séance  est  ouverte  à  neuf  heures  et  demie,  sous  la 
présidence  de  M.  le  docteur  Livon,  président  de  la  Sec- 
tion. 

En  ouvrant  la  séance,  M.  le  docteur  Livon  prononce 
une  allocution  toute  d'à-propos.  Après  s'être  félicité  du 
succès  qu'obtient  le  Congrès,  il  adresse  des  éloges  aux 
promoteurs,  aux  organisateurs  et  à  tous  les  érudits  et  sa- 
vants qui,  en  préparant  des  communications  nombreu- 
ses, ont  témoigné  de  l'intérêt  qu'ils  prennent  au  dévelop- 
pement des  connaissances  scientifiques.  Il  fait  ressortir 


^-  io6  - 

le  caractère  éminemment  utile  de  quelques  uneî»  des 
communications  annoncées  et  souhaite  que  ces  travaux 
atteignent  tous  te  but  que  se  sont  proposé  leurs  auteurs. 

!♦  M.  François  Arnaud,  ancien  notaire, correspondant 
du  Ministère,  membre  de  la  Société  scientifique  et  liiié- 
rairc  des  Basses-Alpes  et  de  la  Société  d'Études  des  Hau- 
tes-Alpes, n  ayant  pu  se  rendre  à  la  séance,  M.  J.  Four- 
nier,  archivisieadjoinl  des  Bouches-du-Rhône,  présente 
ses  travaux  sur  L! enseignement  secondaire  et  primaire 
à  Barcelonneite. 

Ces  questions  ayant  fait  déjà  l'objet  de  publications  de 
M.  Arnaud,  nous  ne  saurions  mieux  faire  que  d'y  ren- 
voyer —  Voir  notamment,  dans  le  Bulletin  de  la  So- 
ciété scientifique  et  littéraire  des  Basses-Alyes  U-  VI, 
1893-1894,  p,  1*10,  8g-ioo,  1 17-132,  ry3-2oi,  3o6-327, 
354-383,  438-460,  4y3-5o6),  ses  études  sur  L  instruction 
publique  à  Barcelonneite,  études  qui  ont  été,  en  outre, 
publiées  en  un  volume  petit  in  octavo  de  i38  pages* 
sous  le  titre  :  L'instruction  publique  à  Barcelonneite  ; 
Écoles,  École  Normale^  Collège  Snint-Maurice,  Extrait 
des  documents  et  notices  historiques  sur  la  vallée  de  Bar- 
celonnette,  par  F.  Arnaud,  notaire  à  Barcelon nette  iBas^; 
ses-Alpcsi  :  Digne,  imprimerie  Chaspoulet  V*Barbaroux,| 
20,  place  de  Tl^véché,  1894. 

Z*  M  L.  bouRRiLLV,  inspecteur  de  renseignement  prî- 
maire  à  Toulon,  président  honoraire  de  TAcadémie  du 
Var,  fait  une  communication  sur  La  condition  des  mai tp es 
d*icole  dans  la  région  de  Toulon  sous  rancien  régime. 
—  Voir  NUmoihës,  n"»  XXXVIII. 

8.  M.  Kobcrt  Cailurm^vR,  professeur  agrégé  d'histoire 


du  droit  à  l'Université  d'Aix  Marseille,  étant  retenu  à 
Paris  comme  examinateur»  M.  J.  Fournier,  secrétaire- 
trésorier  du  Congrès,  In  un  résumé  de  son  mcrnoire  sur 
Les  débuts  de  la  science  du  droit  en  T^rovence  :  lohan- 
nesBIancus,  Massiliensis, —  Voir  Memoire^s,  n** XXXIX. 

4.  MM*  Edouard  Jourdan,  professeur  de  droit  civil, 
et  Joseph  Delpech,  professeur  agrège  de  droit  public  à 
l'Université  d*Aix-MarseiIle,  font  déposer  sur  le  bureau 
du  Congrès  un  Tableau  du  personnel  de  la  Faculté  de 
droit  d'i^ix  depuis  le  décret  impérial  de  Braunau  en 
liaute-^uiriche{  \ 8  Vendémiaircan  XI V- looclobre  1 8o5 ). 
—  Les  déclarations  suivantes  sont  laites  en  leur  nom  : 


Plusieurs  Facultés  ont  le  privilège  d'avoir  d'cxcencnies  histoi- 
res spéciales  ;  ainsi,  des  registres  provenant  des  anciennes 
4c  Facultés  des  droits  w  qui  distribuèrent  à  ïlenncs  renseigne- 
ment juridique,  de  1736  à  [792,  M  KmileChénon.  jadis  agrégé 
à  la  Faculté  de  droit  de  Rennes  et  aciuellemciu  professeur 
d'histoire  du  droit  à  Tl  'niversité  de  Paris,  a  extrait  des  particu- 
larités et  des  épisodes  dont  l'intérêt  est  grand  au  double  point 
de  vue  de  l'hisioiredes  anciennes  Universités  et  de  l'histoire  lo- 
cale [Les  anciennes  Facultés  des  droits  de  Rennes  <  1735-1792), 
I  vol.  in-8%  200  p..  Rennes,  Cailliére,  1H90]  ;  Toulouse  envoya, 
comme  document»  à  la  Section  de  lenseignemeni  supérieur  de 
TF.xposilion  universelle  de  1900,  un  Aperçu  historique  sur  la 
Faculté  de  droitde  rUnipersité  de  Toulouse.  Maîtres  et  Esco- 
tiers,  de  l'an  1228  à  rgoo,  que  son  doyen  d'alors,  M.  Antontn 
Deloume.  présentait.^  bon  droit,  <<  comme  un  hommage  rendu 
à  l'antique  Faculté  dont  Thisloire  honore  hautement  la  cité 
toulousaine  *  |i  vol,  gr.  in-8\  171  p,.  Toulouse.  E.  Privât]; 
et,  plurrécemmeni,  un  Liyre  du  centenaire  delà  Faculté  de 
droitde  Grenoble  donnait  à  M.  le  doyen  Paul  Fournier  un  pieux 
prétexte  d  afiirmcr  sa  manière  érudite  dans  une  excellente  his- 


—  io8  — 


ioire  en  bref  de  *t  L  ancienne  Université  de  Grenoble  *  depuis 
la  bulle  obtenue  à  Avi^'non  Je  12  mai  1339, du  pape  Benoit  XII 
par  le  dauphin  Hunfibert  II,  et  à  son  collègue,  M.  Balleydier. 
rhonneur  de  montrer,  avec  une  psychologie  du  meilleur  aloi, 
comment  aussi,  depuis  le  printemps  de  Tannée  i8o<3,  où  clW 
ouvrît  ses  portes  à  la  première  génération  de  ses  élèves,  TÊcole 
de  droit  organisée  par  Napoléon  a  vécu  mêlée  à  la  vie  de  la 
nation  aussi  bien  qu'à  la  vie  de  sa  petite  patrie,  le  Dauphiné. 
[Pubhdans  les  Annales  de  i  Université  de  Grenoble,  t.  XVIIL 
aiin.  1906,  p.  318-420.  —  Adde  les  Documents  réuois  par 
M.Raoul  Busquct.  i^/^f^.p. 421-567].— Pour  Aix,  rimporiance 
justement  louée  des  publications  de  M.  le  recteur  Belin  1 V*  le 
Compte-rendu  de  notre  ami  Roben  Caillemcr,dans  les  Annales 
delà Socieiéd'Êiudes ProyençalesxlUànn,  1906, p.  io3etsuiv,), 
dciendait  à  MM.  Jourdan  et  Delpech  de  songer  même  à  un  ré- 
sumé pour  L  ancienne  Universiléde  Provence,  et  d'autres  rai- 
sons de  convenance  les  détournèrent,  pour  ie  siècle  dernier,  de 
laborieuses  recherches  et  de  difficiles  appréciations.  Toutefois, 
il  leur  a  paru  opportun,  nécessaire  même,  de  commémorer,  au 
moins  par  le  nom  et  la  sommaire  biographie  de  ses  ouvriers, 
l'œuvre  accomplie  depuis  le  temps  où  Napoléon,  à  mi-chemin 
entre  i  Im  cl  Vienne,  a  Braunau,  sur  la  frontière  de  la  Haute- 
Autriche  et  de  la  Bavière,  pey  avant  Austerlitz,  signait  le  décret 
d*or|^nisation  de  rÉcole  dV\ix  ci  en  nommait  les  professeurs, 
suppléants  et  secrétaire  (V.  sur  la  séance  d  ouverture,  qui  em 
lieu  le  i5  avril  i8o4>,  £,  Glasson,  Le  centenaire  des  Écoles  de 
droiit  1*  article,  dans  la  Re».  iniemal,  de  lenseignemeHi,  t,  L. 
ano.  1905,  p.  333-335].  Ainsi  mluitejeurtenutîve  ne  risquait 
de  passer  ni  pour  un  détournement  de  pouvoir,  ni  pour  un 
excès  de  compétence,  et  elle  pouvait  se  réclamer,  comme  d  une 
cause  utile,  du  souci  de  monirerque  la  Faculté  a,  dans  le  passc« 
de  longues  racines,  et.  pour  le  présent.garde  la  mémoire  dumoc 
d'Albert  Dumom  que  «  i'I  niven>ité  est  comme  le  pays  elle 
marche  )»  :  ou  ne  saurait  oublier,  en  oTet,  comment,  il  y  a  plus 
d'un  siècle,  en  l  an  XII.  alors  que,  pour  Torganisatînii  de  Ten- 


—  109  -— 

lemeni  supérieur,  dont  ie  cadre  avait  été  tracé  deux  ans  au- 
~t»iravaiit,  il  s*agissait  de  fixer  remplacement  des  nouvelles  éco- 
les appelées  à  former  dorénavant  le  personnel  des  principales 
carrières  fudiciaires;  Aix,  au  dire  de  M.  Balleydier  (o;?.  ciY.. 
p,  387), paraissait  auxvillcs rivales  «  l'adversaire  le  plus  redou- 
table. ..,  se  recommandait  de  vieilles  traditions  universitaires 
ei  parlementaires..,,  complaii  au  Conseil  d'État  des  amis  dé- 
voués et  influents,  notamment  les  Provençaux  Siméon  ci  Por» 
talis,  l'illustre  Portalis  qui.  après  avoir  joué  un  rùle  prépondé- 
rant dans  l'élaboration  de  la  nouvelle  législation,  ne  pouvait 
manquer  d'exercer  une  grande  influence  sur  Torganisation  de 
son  enseignement*;  et  il  y  a  lieu  de  constater  qu  alors  que,  dans 
tous  les  ordres  de  la  pensée,  le  champ  des  éludes  s'est  agrandi 
et  les  méthodes  renouvelées,  parce  que  c'est  «  presque  une  loi, 
une  condition  du  progrès,  chose  oscillatoire  »  (Jules  Lemaître, 
Disc,  aux  éitidiants,  Paris,  A.  Colin,  igoo,  p  107^  que  les 
idées  et  les  générations  s'opposent  entre  elles  en  se  succédant, 
le  nombre  des  chaires  et  des  enseignements  s*est  augmenté, 
dans  la  vieille  Faculté,  iusqu'à  être  de  douze  pour  les  unes  et  de 
vingt-deux  pour  les  autres.  —  MM.  Edouard  Jourdan  et  Joseph 
Dcipech  ont  le  propos  de  marquer  avant  de  longs  mois  ces  tra- 
ditions en  publiant  le  Tableau  du  personnel  de  la  Faculté  voué 
dans  Aix  à  renseignement  de  la  jurisprudence  depuis  sa  fon* 
dation,  en  Tannée  iSi>9.  jusqu^au  décret  de  Braunau  ;  ils  ont 
eu  le  dessein  dindiquer  la  vie  progressive  de  la  moderne 
Faculté  dans  le  Tttbleau  que  le  Congrès  a  accueilli  avec  intérêt 
ei  qua  offert  de  publier  la  Société  d*l!viudes  Provençales. 

Le  travail  de  MM.  Delpech  et  Jourdan  sera  prochaine- 
ment public  en  entier  dans  les  Annales  de  la  Soctélé 
d'Études  Provençales. 


5     M.    Lacaze-Dutïiikrs,    secrétaire  de    la   Section, 
n'ayant  pu  assister  à  la  séance,  M.  Nicollel,  secrétaire 


—    I  lO  — 

gênerai  du  Congrès,  présente  son  travail  sur  Uenseigne-^ 
ment  secondaire  à  Arles  du  XV"  au  XV/I'  siècle  (i4o5- 
I  636)  —  \'oir  MKMoiRts,  n'  XL. 

6.  M,  Rlvnaui*  de  Lyqltes,  curé  de  La  Verdière,  mem- 
bre de  la  Société  scieniifique  et  archéologique  de  Draguî- 
gnan.  fait  une  communication  sur  L Enseignement  pri- 
maire à  La  Verdière  avant  178g.  —  Voir  Mémoires, 
n^XLI. 

7.  M.  Reynaud  de  Lyques  fait  une  seconde  communî 
Câiion  sur  un  Voyage  de  Toulon  à  Paris  en  ijSi. 

Ceiravail  est  écrit  d'après  les  lettres  où  le  P.  La  Bcnhonyc(  il 
raconte  un  voyage  qu'il  lit,  de  Toulon  à  Paris,  en  17^1.  Ce 
voyage,  qui  ne  fut  d  ailleurs  marque  par  aucun  événement 
extraordinaire,  donne  lieu  toutefois  au  P.  La  Berihonyc  de  faire 
preuve  d*observaiion,  desprit  et  degaîié. 

8.  M.  Victor  Teissêre.  directeur  de  Técole  communale 
de  1>ets,  membre  de  la  Société  d'Études  Provençales, 
étant  empêché  par  son  service  d'assister  à  la  séance, 
M,  Nicollet,  secrétaire  général  du  Congrès,  présente  son 
mémoire  sur  Lenseignement  primaire  sous  la  ^T^estau- 
ration  à  7  rets  : 

Négligé  sous  l'Empire,  renseignement  primaire  n*est  pas  plus 
prospère  sous  la  Restauration.  L*însiiiuteur.  pour  exercer,  doit 
avoir  le  brevet  délivré  par  le  recteur  de  l'Académie  et  un  certiti- 
cit  de  bonne  cooduîte  émanant  do  curé  ou  du  maire,  L*école 


(I)  Sur  le  f*«  La  B«rtlioiiTr«  T<Mr  dans  les  Amnalts  de  ta  Sùciéié  d'Élu* 
dis  Prùi^nç^3tts  (Dcuuème  année,  n*  5.  scpt.-ocL  1905.  p.  lo^tiç:  iroi- 
%iémt  ftnnét.  n*  t,  fâiit.-fçvr.  i.jo6,  p.  al -3a, et  n'  2,  mârs-aTrU  1906»  p,«t- 
94U  fe  uavâil  publia  p4ir  M.  Vûbbé  O.  ReynAad  de  Lyques»  soqs  le  tare  : 
Vmpréiicattur  toulonn*tts  au  X^'^^^*  a^^le  /^  R.  P.  Hyacinthe  Thomas» 
4rÂfuim  Lé  Btrikony^ 


—  m  — 

était  sous  la  surveillance  d'un  Comité  cantonal.  Le  Comité  de 
Trets,  nommé  le  26  janvier  et  installé  le  1 1  février  1821,  com- 
prend le  curé,  le  juge  de  paix,  un  médecin,  un  notaire  et  six 
propriétaires.  Dans  sa  séance  du  i5  mai  1821,  il  approuve  Tétat 
nominatif  des  instituteurs  et  institutrices;  dans  celle  du  r5  jan- 
vier 1822,11  adopte  un  règlement  pour  écoles,  dont  M.  Teissère 
donne  le  texte  d  après  les  Archives  communales  de  Trets.  Sui- 
vent des  détails  sur  plusieurs  instituteurs  ou  institutrices  (Clap- 
pier,  veuve  Chappus,  Beaudrier,  Lieutaud,  Audibert,  Suzanne 
Meiftren,  etc.) 

La  séance  est  levée  à  1 1  heures  3o  minutes. 


Séance  du  mercredi  soir^  /•'  août. 

La  séance  est  ouverte  à  deux  heures  et  demie,  sous  la 
présidence  de  M.  A.  Crcmieux,  professeur  au  lycée  de 
Marseille,  chargé  d'un  cours  d'histoire  de  la  Révolution 
à  l'Université  d'Aix-Marseille. 

1.  M.  Crémieux  donne  lecture  de  son  mémoire  sur 
La  taxe  du  pain  à  Marseille  à  la  fin  du  XIII*  siècle.  — 
Voir  MÉMOIRES,  n'^XLII. 

2.  M.  Lacoste,  ingénieur  civil,  membre  des  Académies 
d'Aix  et  du  Var,  fait  une  communication  sur  Les  huiles 
de  Provence  et  les  huiles  de  Tunisie.  —  Voir  Mémoires, 
n-  XLIII. 

3.  M.  de  Montricher,  membre  de  l'Académie  de  Mar- 
seille, lit  un  mémoire  sur  V  Union  des  Syndicats  agrico- 
les des  Alpes  et  de  Provence  et  son  œuvre.  —  Voir  Mé- 
moires, n'XLIV. 


4.  M.  H.  PÉLissiER,  négociant  à  Aix,  membre  de  la 
Société  astronomique  de  France,  fait  une  communica- 
tion sur  Uoiipier,  l olive  et  f  huile  d^olive  en  Provenc  . 

L*oIivier  croît  dans  tous  les  départements  limitrophes  ou 
voisins  de  la  Méditerranée,  mais  sa  coliurc  est  surtout  intense 
dans  la  Provence  proprement  dite.  L'arbre,  d*un  vert  cendré, 
n'a  pas  un  aspect  qui  flatte  la  vue,  mais  son  fruil  donne  un 
produit  justement  apprécié  dans  iancîen  et  le  nouveau  monde* 
Dès  Tantiquité»  le  rameau  de  Tolivier  était  le  symbole  delà 
paix;  M,  Pélissier  exprime  le  souhait  qu'il  soit  adopté  comme 
emblème  par  toutes  les  Sociétés  qui  travaillent  à  la  pacification 
universelle, 

Jl  donne  ensuite  des  détails  techniques  sur  la  culture  et  la 
taille  de  lolivier,  sur  ses  maladies  et  les  remèdesqull  convient 
d*y  appliquer,  sur  la  récolte  et  la  préparation  de  l'olive  pour  la 
table,  enfin  sur  sa  trituration  et  sur  les  procédés  employés  pour 
en  extraire  Thuile* 

5.  M.  ScHArz,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  droff 
d'Aix,  étant  retenu  à  Paris  comme  examinateur  et  n*ay^ani 
pu  se  rendre  au  Congrès,  M  Georges  Mer»  licencié  en 
droit,  receveur  des  contributions  aux  Mées(  Basses-Alpes  >, 
donne  une  analysedes  recherches  qu'ils  ont  faites,  lui  et 
M  Eug  Curet,  avocat  à  la  Cour  d'Aix,  sous  la  direction 
de  leur  distingué  professeur,  et  qu'ils  ont  présentées  au 
Congrès  sous  le  titre  :  Études  monographiques  sur  la 
concentration  industrielle  dans  la  région  d%4ix  :  La 
chapellerie  et  la  cordonnerie,  — Voir  Mémoires,  n'XLV. 


6.  M.  Gaston  Valran,  vice-président  de  la  Section, 
n'ayant  pu.  pour  cause  de  maladie  d'un  de  ses  fils,  assis- 
ter aux  travaux  du  Congrès,  le  Président  de  la  séance  lit 


un  résumé  de  son  mémoire  sur  La  corporation  des  cor^ 
donniers  de  Marseille  en  178g.  —  Voir  Mémoires, 
n*  XLVI. 

7.  M.  Ch.  ViNCENS,  trésorier  de  l'Académie  de  Mar- 
seille, fait  une  communication  sur  La  coopération  et  les 
sociétés  coopératives  de  consommation  à  Marseille. 

La  séance  est  levée  à  5  heures  40  minutes. 


Séance  du  jeudi  matin^  2  août. 

La  séance  est  ouverte  à  neuf  heures  et  demie,  sous  la 
présidence  de  M.  le  docteur  Perdrix,  professeur  à  la  Fa- 
culté des  sciences  de  l'Université  d'Aix-Marseille,  mem-' 
bre  de  l'Académie  de  Marseille. 

1.  M.  Léon  Part,  membre  de  l'Association  des  sylvi- 
culteurs de  Provence,  présenie,  au  nom  du  Président  de 
cette  Association,  un  mémoire  sur  Le  déboisement  et  le 
reboisement  en  Provence.  Ce  mémoire  a  paru  dans  La 
Revue  forestière  de  V Association  des  Sylviculteurs  de 
Provence,  i'* année,  n"  i,  p.  i5. 

2.  M.  Caillol  de  Poncy,  président  de  la  Société  de 
photographie,  fait  une  communication  sur  La  photogra- 
phie documentaire  et  le  classement  des  documents. 

3.  M.  Jules  Cotte,  professeur  à  l'Ecole  de  médecine 
et  de  pharmacie  de  Marseille,  tait  une  communication 
sur  La  pêche  des  éponges  en  Provence.  —  Voir  Mé- 
moires, no  XLVII. 

CONGRÈS     ~  8 


4.  M.  Honore  Daupiiik,  d'Arles,  lit  une  Note  sur  un 
plan  d'Arles  en  1747,  —  Voir  Mémoires»  n"  XLVIII. 

5.  M,  Y--A.  HoucHART,  proprièiaire-viticulteurau  Tho- 
lonet  près  d'Aix,  membre  de  la  Société  d'Èiudes  Pro. 
vençales,  présente  un  mémoire  sur  Le  déboisement  et  le 
reboisement  en  Provence.  —  Cette  étude,  vu  son  étendue, 
fera  lobjet  d*une  publication  spéciale. 

6#  M.  J.-M.  NicoLLET,  juge  de  paix  à  La  Bâiie-Neuve 
(Hauies-Alpesj,  n*ayantpuserendreauCongrès-Son  frère, 
professeur  au  lycée  Mignet,  fait  un  exposé  des  faits  can- 
lenusdans  son  mémoire  sur  Les  émigrants  des  cantons 
de  [m  Bâtie-Neuve,  Gap  et  Talard  illautes-^lpes). 

De  tout  temps,  cette  région  a  fourni  beaucoup  d'émigranis. 
Il  y  a  de  ce  fait  trois  raisons  principales  :  le  pays  offre  peu  de 
ressources»  les  familles  y  sont  nombreuses,  la  population  est 
entreprenante  et  laborieuse.  Pendant  fort  longtemps,  ces  émi- 
grants se  dirigeaient  vers  les  grandes  villes  voisines.  Marseille 
principalement,  Aix,  Grenoble,  Lyon,  plus  rarement  vers 
Paris.  Au  wm^  siècle,  on  en  trouve  quelques-uns  qui  vont  en 
Italie  ou  en  Espagne.  Durant  le  xix»  siècle,  c'est  surtout  vers 
l'Amérique  du  Nord  qu*ilsse  portent. 

Mais  depuis  une  vingtaine  d*années»  un  courant  s'établit 
vers  les  colonies  françaises.  Quand  les  habitants  de  Chaudun 
(canton  de  Gap)  résolurent  de  vendre,  tous  à  la  fois,  leurs 
terres  à  TAdministraiion  forestière,  c'était  pour  aller  fonder 
ensemble  un  village  en  Algérie.  Les  habitants  de  Chàlillon-Ie- 
Dcsert  (canton  de  Veyne)  eurent  la  même  pensée.  Aucun  de 
ces  projets  ne  s'est  réalisé.  Mais  de  nombreux  émigrants  vont 
chaqueannée.soit  individuellement,  soit  en  famille,  s* établiren 
/Vlgérie  ou  en  Tunisie,  et  même  dans  des  colonies  plus  loin- 
taines, à  Madagascar,  au  Tonkin.  En  tgoS,  cinq  familles  de 


—  ii5  — 

Montgardin  (canton  de  La  Bàiie-Neuve)  sont  allées  s'éubliren 
Algérie:  une  de  Sigover  (canton  de  Talard)  y  est  allée  en  1904. 
Ceux  qui  y  vont  individuellement  reviennent  ordinairement 
se  marier  dans  le  pays. 

Ces  émigrants  vont,  en  général,  se  livrer  à  l'agriculture; 
quelques-uns  vont  ouvrir  des  cafés  ou  des  restaurants;  un 
assez  grand  nombre  de  ceux  qu'attirent  l'Algérie  et  la  Tuni- 
sie y  vont  comme  employés  de  chemin  de  fer,  parce  que  le 
Direaeur  d'une  des  Compagnies  est  de  Gap;  à  signaler  un  de 
Sigoyer  (Virgile  Paul)  qui  était  allé  à  Madagascar  pour  se 
livrer  à  la  capture  des  bœufs  sauvages  (il  y  est  mort  en  igoS). 

Ce  courant  de  Témigration  vers  nos  colonies  est  intéressant 
à  noter  et  mérite  d'être  encouragé;  car  nos  compatriotes  y 
trouvent  un  champ  aussi  vaste  pour  leur  activité  et  ils  y  ont 
l'avantage  d'être  soumis  à  la  loi  française,  de  pouvoir  parler 
la  langue  française,  de  contribuer  à  l'extension  et  à  la  prospé- 
rité de  la  France. 

7.  M.  le  docteur  Perdrix,  président  de  la  séance,  fait 
un  exposé  de  son  Nouveau  procédé  de  désinfection  ra- 
pide et  à  sec  des  objets  solides.  —  Voir  Mémoires,  n*  L. 

8.  M.  Alfred  Reynier,  botaniste,  n'ayant  pu  assister  à 
la  séance,  le  Président  de  séance  fait  part  de  sa  commu- 
nication sur  La  botanique  à  Aix  en-Provence  depuis  la 
seconde  moitié  du  XV I^  siècle.  —  Voir  Mémoires,  n°LI. 

9.  M.  Fernand  Sauve,  secrétaire-adjoint  de  la  Sec- 
lion,  n'ayant  pu  assister  à  la  séance,  M.  J.  Fournier,  ar- 
chiviste-adjoint des  Bouches-du-Rhône,  présente  son 
mémoire  sur  la  Topographie  et  toponymie  aptésiennes. 
Voir  MÉMOIRES,  n"*  LU. 

La  séance  est  levée  à  1 1  heures  35  minutes,  et  le  Pré- 
sident annonce  qu'une  réunion  générale  de  toutes  les  Sec  • 
tions  va  se  tenir  immédiatement  dans  le  grand  amphi 
théâtre. 


>.. 


SEANCE   GENERALE 


Le  jeudi,  2  août,  à  1 1  heures  45  minutes,  après  la 
clôiure  des  séances  de  toutes  les  sections,  les  congres- 
sistes se  sont  réunis  en  Assemblée  générale  dans  le  grand 
amphithéâtre  de  la  Faculté  des  sciences,  sous  la  prési- 
dence de  M.  F.  Belin,  recteur  de  l*Académie,  présidentdu 
bureau. 

Après  avoir  constaté  le  succès  du  Congrès,  M.  le  Prési- 
dent dit  que  plusieurs  congressistes,  précisément  en  rai- 
son de  ce  succès,  lui  ont  exprimé  le  désir  de  le  voir  se 
renouveler.  11  y  a  donc  lieu  d'étudier  cette  question, 
d'examiner  si  ce  Congrès  serait  anoueK  biennal  ou  trien- 
nal, de  désigner  une  Commission  chargée  d'en  prendre 
rinitiaiive,  quand  l'occasion  lui  paraîtra  favprable,  et  la 
ville  où  se  réunira  le  prochain  Congrès. 

ITne  discussion  s'engage  à  ce  sujet,  à  laquelle  prennent 
pan  plusieurs  congressistes.  Pour  conclure,  TAssemblée 
décide  qu'un  Congrès  triennal  paraît  suffisant  pour 
entretenir  des  rapports  amicaux  entre  toutes  les  sociétés 
de  la  région  sans  surcharger  leur  budget  ;  elle  désigne 
pour  faire  partie  de  la  Commission  permanente  les 
membres  du  Bureau  du  Congrès  actuel,  laissant  à  cette 
Commission  le  soin  de  désigner  Tépoque  où  il  sera  op- 
portun de  convoquer  un  nouveau  Congrès  et  le  lieu  où 
il  devra  se  réunir. 


La  séance  est  levée  à  midi  et  quart. 


SÉANCE   DE   CLOTURE 


La  séance  de  clôture  du  Congrès  eut  lieu  le  jeudi  2  août, 
à  cinq  heures  précises,  dans  la  salle  des  fêtes  du  grand 
Palais  de  l'Exposition  Coloniale,  sous  la  présidence  de 
M.  F.  Belin,  recteur  de  l'Académie,  délégué  du  Ministre 
de  l'Instruction  publique  et  président  du  Bureau,  ayant 
à  ses  côtés  MM.  J.  Charles-Roux,  commissaire  général 
de  TExposition;  L.-H.  Labande,  délégué  de  S.  A.  S.  le 
Prince  de  Monaco;  F.-N.  Nicollet  et  J.  Fournier,  secré- 
taires du  Congrès. 

La  salle  était  aménagée  avec  le  même  goût  que  pour  la 
séance  d'ouverture,  et  le  même  orchestre  prêtait  son  con- 
cours. 

Dès  que  la  séance  fut  ouverte,  M.  Léon  Cugny,  délégué 
de  l'Alliance  scientifique  universelle,  demanda  la  parole 
et.  au  nom  du  Comité  central  de  France,  donna  lecture 
d'un  mémoire,  où,  après  avoir  fait  connaître  le  but  et 
l'organisation  de  cette  association,  il  adressa,  en  sa  fa- 
veur, un  chaleureux  appel  à  tous  les  Congressistes. 

M.  le  Président  donne  ensuite  la  parole  à  M.  l'abbé 
Arnaud  d'Agnel,  correspondant  du  Ministère,  qui  pro" 
nonce  le  discours  suivant  sur  L'utilité  pour  la  vie  intel- 
lectuelle en  Provence  (V un  congrès  périodique  des  So- 
ciétés savantes. 


--  ii8  — 

DISCOURS  DE  M.  ARNAUD  D'AGNEL 

Lallocution  si  littéraire  de  M.  le  recteur  Belin,  notre  cher 
président,  les  mots  aimables  et  flatteurs  de  M.  Labande,  délé- 
gué de  Son  Altesse  le  Prince  de  Monaco,  les  toasts  chaleureux 
de  l'organisateur  de  l'Exposition  Coloniale,  du  vice-président 
du  Conseil  général  des  Bouches-du-Rhône,  de  M.  le  D'Heckel, 
commissaire  général  adjoint  de  TExposition,  tous  ces  témoi- 
gnages de  sympathie,  ces  éloquentes  félicitations  disent  haute- 
ment la  joie  qu'apporte  à  tous  un  événement  extraordinaire 
par  sa  nouveauté,  le  Congrès  des  Sociétés  savantes  du  Sud-Est. 

Des  horizons  les  plus  lointains  de  la  campagne  provençale 
accourent  des  moissonneurs.  Il  en  vient  des  rives  du  Rhône  et 
des  bords  de  TArgens,  du  flanc  de  TEsterel  et  des  plateaux  des 
Alpes.  Jeunes  et  vieux  apportent  sur  leurs  épaules  de  belles 
gerbes  d'or.  Amoureux  de  leur  culture,  ils  se  sont  dit  :  *  Afin 
de  jouir  davantage  du  fruit  de  nos  sueurs,  nous  mêlerons  tous 
nos  épis  sur  une  aire  commune  et  ensemble  nous  les  bat- 
trons pour  en  faire  jaillir  le  froment». 

Cotte  manifestation  de  la  Provence  intellectuelle  cause  une 
joie  d'autant  mieux  sentie  qu'elle  n'est  pas  sans  surprise.  Me 
p>ermcttez-vous  d'esquisser  la  psychologie  de  cet  étonnement, 
d'en  noter  les  principaux  motifs?  C'est  le  moyen,  n'est-ce  pas, 
de  préciser»  en  réclairant,  la  conscience  peut-être  trop  vague 
que  nous  avons  de  nos  énergies  latentes. 

.\grcablement  surpris,  mais  surpris  cependant,  nous  le  som- 
mes tous  à  dos  degrés  diversion  constatant  le  nombre  relative- 
ment considérable  des  sociétés  littéraires  et  scientifiques  du 
midi  de  la  l'rance. 

Ces  Socicics  ont  sans  doute  entre  elles  des  échanges  de  pu- 
blications, des  rapports  otliciels.  mais  ce  commerce  en  fait-il, 
sinon  des  sunirs  ou  des  amies,  au  moins  des  connaissances 
sérieuses?  Par  routine»  disons  le  très  bas.  par  amour-propre 
ègoisie,  chacun  de  ces  organismes  ne  s'intéresse  qu'à  sa  pro- 


—  iig  — 

pre  activité.  11  vit  individuellement  sa  vie  peiite  ou  grande, 
sans  nul  souci  de  celle  des  autres.  Ces  nobles  personnes  cor- 
respondent entre  elles  à  des  intervalles  réguliers  et  se  font  des 
présents,  mais  ce  sont  là  formules  sèches  et  cadeaux  de  pure 
convention. 

En  réalité,  on  se  salue  de  loin  et  Ton  s'écrit  de  temps  à 
autre,  quelquefois  depuis  dix  et  vingt  ans,  mais  en  dépit  de  ces 
relations  anciennes,  l'on  s'ignore,  sans  même  songer  à  se  con- 
naître. 

Par  coquetterie,  je  le  suppose,  les  corps  savants  de  la  région 
ne  se  sont  pas  comptés,  de  peur  de  se  trouver  en  nombre  trop 
infime.  Sous  l'impulsion  vigoureuse  donnée  à  toute  la  Pro- 
vence par  l'Exposition  Coloniale  de  Marseille,  cette  crainte 
illusoire  a  été  enfin  maîtrisée.  Le  dénombrement  vient  de  se 
faire.  Au  lieu  d'un  chiffre  ridicule,  ce  sont  soixante-quinze 
compagnies  de  toutes  espèces,  académies,  cercles  et  athénées, 
qui  semblent  sonir  du  sol,  comme  autant  de  fleurs,  jusque 
dans  les  régions  les  plus  reculées.  Des  villes  de  quelques  mil- 
liers d'âmes,  Forcalquier,  Digne,  Barcelonnette  et  Draguignan, 
possèdent  des  Sociétés  florissantes. 

Cette  multitude  dégroupements  distincts  est  de  nature  à  sor- 
tir les  plus  sceptiques  de  leur  apathique  ironie.  ^N'est-elle  pas 
une  preuve  palpable  de  la  vitalité  intellectuelle  de  la  Provence? 
Mais  n'est-clle  pas  en  même  temps  qu'un  gage  d'espérance,  un 
sujet  d'alarmes  ?  Il  y  a  un  péril  et  des  plus  graves,  dans  la  créa- 
lion  ininterrompue  d'associations  nouvelles.  Les  fondateurs 
d'oeuvres  de  ce  genre  devraient,  avant  toute  démarche,  se  de- 
mander, ou  plutôt  s'enquérir  auprès  de  personnes  compéten- 
tes, si  la  fin  qu'ils  prétendent  atteindre  n'est  pas  déjà  poursui- 
vie par  des  Sociétés  existantes?  Pourquoi  dresser,  au  détriment 
de  la  science,  autel  contre  autel  ?  Pourquoi  ne  point  essayer 
d'une  fédération  de  tous  les  corps  savants?  Tout  en  ne  rien  per- 
dant de  leur  individualité,  de  leur  physionomie  caractéristique, 
les  divers  groupes,  en  s'unissant  les  uns  aux  autres,  sans  se 
fondre  ensemble,  doubleraient  leurs  forces  et  assureraient  leur 


—    Î20    — 


avenir.  La  crainte  d'êirc  amoindris,  sinon  supplaniés  par  de 
nouveaux  venus,  n'aurait  plus  de  raison  d'éire. 

Il  convient  d'en  faire  I  aveu  :  la  difficulté  principale,  la  pierre 
d*achoppement  que  rencontre  ce  dessein  est  l'amour-propre  de 
plusieurs  compagnies  savantes. 

A  force  de  vivre  d'une  existence  égoïste  et  fermée,  elles 
éprouvent  une  sorte  de  répugnance  à  se  lier  fraternellement 
d'aiïcction  et  à  s'essayer  à  une  oeuvre  commune.  Cette  répu- 
gnance est  cependant  moins  invincible  qu  elle  paraissait  Kétre 
lors  de  la  perspective  offerte  par  la  Société  d*Etudes  Provença 
les,  d*une  république  fédérative  où  auraient  pris  place,  chacun 
à  sa'guise,  tous  les  beaux  esprits  de  Provence. 

Avec  quelle  tiédeur  furent  accueillies  ces  propositions  discrè- 
tes, ces  premières  ouvertures  ! 

Sans  doutCt  cette  réserve  était  de  bon  ton,  elle  s'imposait 
entre  gens  de  qualité  et  de  mérite  qu'une  rencontre  heureuse 
n'avait  pas  encore  rapprochés,.. 

Puis»  en  ne  prêtant  loreillc  qu'à  ses  travaux  personnels  ou 
à  ceux  des  collègues  de  sa  ville,  on  perdait  trop  de  vue  cette 
étude  générale  de  la  Provence,  à  laquelle  tous  les  Provcn^'aux 
doivent  s'intéresser  pratiquement. 

On  oubliait  que  la  monographied'un  village,  l'histoire  d'une 
cité,  la  dissection  d'une  plante  ou  dun  insecte  n'ont  de  prix 
qu  autant  qu*ellcs  contribuent  à  faire  connaître  ce  pays  mer- 
veilleux dont  nous  sommes  les  fils  de  naissance  ou  d'adoption, 
et  dont  nous  aspirons  tous  à  devenir  les  chantres.  En  étudiant 
les  poèmes  de  Mistral,  en  fouillant  les  oppida  gréco-ligures,  en 
arrachant  à  nos  archives  leurs  secrets,  c'est  pour  la  Provence 
que  l'on  travaille,  pour  la  Provence  que  l'on  se  passionne,  et, 
par  derrière  elle,  pour  la  patrie  dont  elle  est  l'image  réduite» 
mais  combien  tidèle  et  combien  gracieuse! 

Il  reste  encore  à  vous  signaler  deux  motifs  de  surprise.  Le 
premier  est  l'entente  cordiale  entre  les  Congressistes.  L'échange 
des  idées  s'est  fart  activement,  mais  sans  lièvre,  ni  délire.  Les 
discussions  se  sont  poursuivies  en  paroles  franches»  mais  lou- 


—     [21    — 


fCKirs  de  bon  aloi.  La  communauté  de  sentiments  a  suivi  d'ail- 
leurs celle  de  pensées.  Si  les  cerveaux  se  sont  frottes  les  uns 
contre  les  autres,  suivant  le  mot  réaliste  de  Montaigne,  les 
mains  se  sont  serrées  bien  fort  et  les  cœurs  se  sont  compris  à 
leur  manière.  Pour  s  occuper  de  métaux  ou  de  roches.  Tamitié 
entre  savants  n'en  demeure  pas  moins  tendre,  et  pour  parler 
verre  ou  Jaïcnce,  elle  n'en  est  pas  plus  fragile.  Tous  tes  cœurs 
om  vfbfc  du  même  enthousiasmeront  partagé  les  mêmes  espé- 
rances. 

Mats  avant  de  vous  parler  de  cet  espoir  et  des  moyens  de 
travailler  dès  maintenant  à  sa  réalisation,  je  dois  vous  dire 
notre  dernier  sujet  d'étonnement. 

Cest  la  solidité,  la  valeur  incontestable  de  la  plupan  des 
communications  admises  à  la  lecture. 

le  regrette  qu'il  ne  rentre  pas  dans  le  plan  de  ce  discours  de 
citer  des  noms  de  collègues,  le  titre  de  leurs  études  respectives. 
Ce  regret  s'adoucit  en  pensant  à  Timpossibilité  de  faire,  en 
toute  justice,  une  sélection  parmi  tant  d  œuvres  remarquables. 

ILcs  rapports  ne  sont  pas,  comme  certains  pourraient  le 
Dire,  des  badinages  littéraires  ou  des  redites  d'archéologie  cl 
titstotre.  En  ce  pays,  il  y  à  assez  de  savants  consciencieux»  de 
^^oxheurs  armés  de  patience  pour  continuer  d'interminables 
enquêtes  et  doués  par  surplus  du  sens  critique  nécessaire  pour 
oe  pas  exagérer  leurs  découvertes  ou  en  fausser  la  signification. 
Le  bureau  du  Congrès  a  été  agréablement  surpris  par  laf*^ 
fluence  des  messages  scientifiques  qui  lui  arrivaient  de  toute 
pan.  Quatre-vingt-huit  mémoires  parvinrent  ainsi,  apportant 
avec  eux  une  moisson  de  documents  inédits  et  d'observations 
originales*  Ce  butin,  nous  le  devons  à  un  coup  d  audace,  dont 
le  triomphe  légitime  seul  la  témérité. 

A  Tejcaminer  attentivement,  cette  manifestation  de  vie  dont 
flous  sommes  les  témoins  est  surprenante  de  spontanéité  et  de 
grandeur.  Les  membres  de  cette  laborieuse  assemblée  se  trou- 
vent réunis  ici  comme  par  enchantement.  Qu'ils  y  soient  ve- 
nus d*un  commun  accord,  pousses  par  une  mystérieuse  atti* 


^    Î22  


râfice»  je  puis  l'admettre,  mais  commeni  expliquer  qu'ils  y 
soient  venus  les  mains  pleines  de  trésors  insoup^^onncs? 

Nous  avons  le  droit.  Messieurs  et  chers  collègues,  de  nous 
réjouir  des  résultats  de  ce  Congrès,  d'en  concevoir  un  légitime 
orgueil.  Des  esprits  envieux  et  chagrins  auraient  mauvaise 
grâce  à  nous  le  contester.  D  ailleurs,  quand  la  réussite  est  écla- 
lanie,  satisfait  ou  mécontent»  tout  le  monde  s'incline. 

Mais  que  les  délices  de  l'heure  actuelle  ne  fassent  pas  oublier 
revenir  I  Faisons  face  à  la  réalité.  11  serait  criminel  de  taire  le 
devoir  qu'impose  cette  première  réunion  plénière  des  Sociétés 
savantes  du  Sud -Est.  Ce  réveil  intellectuel  de  la  Provence  ne 
doit  pas  être  un  fait  isolé,  mais  le  point  de  départ  de  Congrès 
périodiques.  Qu'on  ne  nous  accuse  pas  une  fois  de  plus  de  man- 
quer de  cette  qualité  sans  laquelle  toutes  les  autres  ne  sonl 
rien,  la  persévérance.  Cette  obligation,  aujourd'hui  tous  la 
reconnaissent  et  s'y  soumettent  de  grand  cœur.  Plus  tard,  en 
sera-t-il  de  même? 

Charmé  d'avoir  fait  connaissance  et  d'avoir  discuté  entre 
eux  d'intéressants  problèmes  en  des  causeries  intimes,  les 
Congressistes  n'ont  qu*un  désir:  se  revoir  bientôt  et  reprendre 
des  conversations  dont  la  matière  est  inépuisable.  Que  dts-jc\ 
au  lieu  de  se  séparer  ce  soir  ou  demain,  Ion  voudrait  pouvoir 
vivre  côte  à  côte  et  travailler  en  commun. 

Mais  quand  chacun  de  nous  aura  repris  ses  occupations 
familières,  ses  habitudes  favorites,  l'influence  du  milieu  ur- 
dcra*t-elle  à  paralyser  de  nouveau  notre  iniiiaiivc?  LesSociélcs 
proventy'ales  se  souviendront  longtemps  de  ces  fêtes  splcndîdcs 
de  Vintelligence  dont  Marseille  est  le  théâtre.  Leurs  membres 
en  reparleront  avec  une  certaine  mélancolie. 

Pourquoi  se  le  dissimuler?  Celte  belle  assemblée  d*hommcs 
d'études  ne  se  reformera  plus,  si  les  corps  savants  de  la  Pro- 
vence ne  s'entendent  pas«  dans  le  plus  bref  délai  possible, 
pour  fonder  un  comité  d'organisation  permanent,  en  vue  d'as- 
surer la  pérennité  d'un  Congrès  périodique,  auquel  ces  diverses 
compagnies  s'engageraient  à  prendre  part*  Un  tel  comité  csi 


—    123    ~ 

nécessaire  pour  rendre  viable  cette  institution.  A  ses  membres 
peu  nombreux,  choisis  parmi  les  plus  actifs,  incombera  le  soin 
de  préparera  l'avance  les  prochaines  assises  littéraires  et  scien- 
tifiques. 

Quelques-uns  seraient  partisans  d'un  Congrès  annuel.  Je 
redoute  que  leur  zèle  très  louable  ne  soit  incompris,  et  qu'en 
montrant  tant  d'exigences,  ils  ne  découragent  leurs  collègues. 
En  voulant  tout  gagner,  l'on  s'expose  à  tout  perdre.  C'est  pour 
ne  pas  tenir  compte  de  cet  adage  du  bon  sens  populaire  que 
tant  de  créations  intellectuelles  sont  des  œuvres  mort-nées. 
Une  Société  ne  dure  qu'à  la  condition  de  ménager  ses  forces 
et  ses  deniers.  Promettre  peu  et  donner  davantage,  telle  doit 
être  la  devise  des  groupements  scientifiques,  comme  des  asso- 
ciations financières  et  industrielles.  C'est  pour  avoir  voulu  ser- 
vir à  leurs  lecteurs  un  numéro  mensuel  que  les  directeurs 
successifs  de  plusieurs  Repues  de  Provence  ont  été  contraints 
d'arrêter  leur  publication. 

Nos  savants,  j'en  suis  sûr,  se  rangeront  à  l'avis  d'un  Congrès 
biennal,  peut-être  même  triennal.  Espacer  ainsi  ces  réunions 
dans  le  temps,  sera  leur  donner  plus  d'importance.  Rares,  elles 
seront  remarquées;  fréquentes,  elles  passeraient  inaperçues. 
Pufs  l'on  pourra  les  organiser  avec  plus  de  sollicitude  et  agir 
avec  moins  de  parcimonie.  Les  Sociétés,  c'est  une  considéra- 
tion capitale,  n'auront  pas  à  grever  leur  budget  plutôt  maigre 
d'une  charge  trop  lourde.  A  ce  propos,  la  dépense  pécuniaire 
est-elle  une  objection  contre  la  fixation  définitive  d'un  Con- 
grès périodique?  Oui,  si  cette  réunion  doit  se  tenir  annuelle- 
ment; non,  dans  la  seule  supposition  possible  d'assises  bien- 
nales. Les  frais,  dans  ce  cas,  seront  couverts,  en  partie,  par  les 
subventions  des  communes  et  des  Conseils  généraux,  secours 
que  ces  administrations  ne  peuvent  pas  refusera  une  institu- 
tion peu  coûteuse  et  dont  l'utilité  se  démontrera  d'elle-même. 

Il  est  invraisemblable  que  ces  subsides  soient  refusés  de 
parti-pris  à  des  érudits  consciencieux  et  désintéressés,  alors 
qu'ils  sont  distribués  si  libéralement  à  des  clubs  sportifs  de 


—    124  — 

'toute  espèce.  ïl  ne  sera  pas  dit  qu'en  Franœ^^^oyç^? 
lumière,  les  municipalités  s'intéressent  à  la  gymnastique  du 
corps  au  détriment  de  celle  de  l'esprit.  Nous  trouverons  dans 
nos  édiles  le  soutien  matériel;  d'ailleurs,  le  cas  échéant,  des 
quotités  modiques  pourraient  y  suppléer;  ce  moyen  serait,  il 
est  vrai,  le  dernier  à  employer,  la  ressource  suprême. 

Un  autre  élément  de  succès,  c'est  Tappui  moral  de  savants 
de  premier  ordre*  amis  éclairés  des  gens  et  des  choses  de  Pro- 
vence, fervents  admirateurs  de  son  passé. 

La  communication  de  M.  Camille  Jullian,  correspondant  de 
l'Institut,  professeur  au  Collège  de  France,  n*a  pas  été  simple- 
ment pour  nous  un  régal  intellectuel,  un  mets  exquis  et  déli- 
cat, mais  un  encouragement  sans  prix,  un  appel  à  mieux  faire. 

A  entendre  parler  du  passé  de  son  pays  avec  tant  d  élo- 
quence, on  s  en  éprend  davantage,  M'autorisez-vous,  moi  l'un 
des  moins  méritants,  à  lui  exprimer,  en  notre  nom  à  tous, 
avec  notre  tristesse  de  ne  pas  le  compter  parmi  nous,  Témo- 
tion  profonde  que  nous  avons  ressentie  à  la  lecture  de  ces 
pages  où  la  perfection  du  style,  unie  au  savoir  archéologique  le 
plus  étendu,  rappelle  Fauteur  émineni  de  Vercingétorix  et  de 
G  a  m  a  ? 

Les  avantages  du  Congrès  ne  consistent  pas  uniquement  en 
la  satisfaction  un  peu  platonique  éprouvée  par  des  gens  de 
goûts  semblables  à  se  trouver  réunis  ;  le  prolit  en  est  plus  pra 
tique.  C'est  une  meilleure  utilisation  de  tous  les  efforts. 

Se  tenir  au  courant  du  labeur  des  autres,  n  est-ce  point  éviter 
une  perte  de  temps  en  des  rechQrches  déjà  faites  ou  en  voie  de 
se  faire?  N'est-ce  pas  s  assigner  à  soi-même  une  tâche  vraiment 
personnelle  et  par  le  fait  utile  à  tous?... 

En  approfondissant  un  point  particulier  d'histoire  ou  de 
toute  autre  science,  Tauteur  apprend  fortuitement,  en  dehors  de 
Tobjet  immédiat  et  direct  de  son  étude,  une  foule  de  détails 
accessoires,  mais  intéressants  en  eux-mêmes.  Ce  sont  ces 
à-cùtés  de  la  question  dont  il  peut  faire  proliier  ses  collègues. 


—    f2>  — 


ICC.  ncn  de  plus  a  pic  a  le  procurer  que  ces  grandes 
réunions  iniellcciuclles  deiouic  une  province. 

Dans  un  remarquable  article  intitulé  :  VArchéoiogie  ligure, 
une  enquête  à/aire,  M.  Michel  Clerc  écrit  ces  lignes  si  juJi- 
cieuscîi  :  <t  Chez  nous,  je  veux  dire  en  France,  chacun  travaille 
de  son  côté,  sans  s'inquiéter  de  ce  que  fait  le  voisin  et  au  ris- 
que de  refaire  des  choses  déjà  faites,  ou  inutiles.  Notre  indivi- 
dualisme excessif  nous  empêche  de  constituer  ces  groupements 
d'où  sont  sorties  autrefois  des  œuvres  colossales,  comme  celles 
des  Bénédictins.  Et,  certes,  je  ne  rêve  pas  de  ressusciter  des 
temps  à  jamais  passés  et  des  mœurs  à  jamais  disparues.  Mais 
je  voudrais  qu'au  moins  nous  prissions  quelque  peu  modèle 
sur  ce  qui  se  fait  ailleurs  que  chez  nous,  par  exemple,  en  Alle- 
magne. Là,  chaque  professeur  d*hisloire  d'une  Université 
groupe  autour  de  lui  un  petit  noyau  d  étudiants  qui  consen- 
tent à  travailler  sous  sa  direction,  c'est-à-dire  à  étudier  les  qucs- 

^    lions  dont  il  leur  indique  Inutilité  étales  étudier  d'après  un 

^^^■j^  ni  forme. 

^^^^C'csi  ainsi  qu  a  pu  être  menée  à  bien,  entre  tant  d*aulrcs 
entreprises,  l'immense  reconstitution  de  ce  qu'on  appelle  le 
limes  allemand. 

•ç  Ce  qui  nous  manque,  cette  conclusion  est  a  méditer,  ce 
n'est  pas  précisément  le  nombre  des  travailleurs,  c'est  de  sa- 
voir organiser  notre  travail  î». 

Je  ne  crois  pas  que  les  vœux  émis  par  M.  Clerc  soient  jamais 
remplis.  On  en  admire  la  justesse  et  l*à-propos,  mais  on  s'en 
tient  là.  De  même  que  TAllemand  n'aura  jamais  le  génie  vul- 
garisateur du  Français,  celui-ci  en  revanche  lui  enviera  tou- 
jours son  esprit  d'or^ijanisalton  dans  les  vastes  entreprises 
scientifiques.  Cette  influence,  pourtant  si  naturelle,  d'un  pro- 
fesseur sur  ses  ex-disciples  ne  se  rencontrera  chez  nous  qu'à 
Tctai  d'exception,  elle  ne  saurait  être  érigée  en  principe. 

Une  vanité  aussi  sotte  que  ridicule  fait  que  l'on  répugne  à 
jouer  le  rôle  de  satellite,  fût-ce  dun  astre  de  première  gran- 
deur. 


^^6  — 


ix  Uuerateur  d'occasion,  ou  Tamaieur  de  sciciKt 
bien  recevoir  quelques  leçons,  mais  sans  les  solliciter  et  en  se 
plaçant  au  même  niveau  que  son  maître. 

11  le  peut  dans  un  Congrès,  L'aiteniion  complaisante  prêtée 
à  la  lecture  de  ses  travaux  personnels,  l'auiorise  à  écouter  les 
remarques  faites  à  leur  sujet,  lui  en  fait  même  un  devoir  de 
pure  politesse. 

Quelle  excellente  occasion  pour  des  savants  de  travailler, 
sans  en  avoir  l'air,  avec  mille  ménagements,  à  la  formation 
scieniifiquedes  rapporteurs.  A  propos  dedissertalions  verbeuses, 
de  thèses  â  priori,  de  conclusions  hâtives,  ils  rappelleront  les 
règles  de  la  critique  moderne.  Pourquoi  n'indiqueraicni-ils  pas 
dans  leurs  propres  communications,  comme  Ta  fait  M.  Michel 
Clerc  dans  larticlc  cité,  les  enquêtes  à  faire  et  les  méthodes  à 
suivre.  Personne  ne  pourrait  en  prendre  ombraije  puisqu'ils  ne 
feraient  qu'user  d*un  droit  commun  à  tous. 

Messieurs,  le  projet  que  je  vous  demande  de  faire  aboutir 
esi'il  réalisable?  Étourdis  parles  splendeurs  de  celte  fcic,  ne 
poursuivons-nous  pas  un  rêve  en  cherchant  â  la  renouveler 
dans  un  avenir  plus  ou  moins  prochain? 

Deux  entreprises  passaient  aussi*  avant  leur  mise  en  train, 
pour  de  séduisantes  chimères  :  l'une  n  a  qu'un  champ  d'action 
limité,  lauire  un  rayonnement  indéfini,  mais  toutes  deux  sont 
si  près  de  nous  et  d'un  intérêt  si  palpitant  que  je  ne  résiste  pas 
au  plaisir  de  les  donner  en  exemples.  Ce  sont  des  stimulants 
capables  de  rendre  les  timides  confiants,  et  les  courageux  héroï- 
ques. 

Quel  superbe  déti  jeté  aux  pusillanimes  que  le  développe» 
ment  de  la  Société  d'Études  Provençales!  Fondée  ofticîcUc- 
ment  en  janvier  igoS,  le  nombre  des  adhérents  n'était  alors 
que  de  70.  Mais  dans  un  rapport  lu  à  l'assemblée  générale  de 
cette  Société,  le  27  décembre  1904,  M.  Nicoliet  a  la  satisfaction 
de  constater  que  le  nombre  en  est  alors  de  171.  dont  9  mem- 
bres perpétuels,  i5o  membres  titulaires  et  12  bibliothèques 
abonnées.  En  un  an.  la  nouvelle  association  avait  reçu  plus  de 


—    127  — 

loo  adhésions,  elle  avait  presque  triplé  la  liste  de  ses  membres. 
Une  croissance  si  merveilleuse  pouvait  inspirer  quelque  soup- 
çon en  inclinant  à  croire  à  une  extension  factice,  à  des  recrues 
d'un  jour.  Non  seulement  les  Études  Provençales  n'ont  pas  eu 
à  regretter  de  défection,  mais  elles  se  sont  félicitées  de  recevoir 
plusieurs  érudits  de  marque.  Il  semble  qu*une  divinité  favo- 
rable recherche  dans  toute  la  Provence  les  personnalités  litté- 
raires et  scientifiques,  pour  les  lui  présenter  le  plus  gracieuse- 
ment du  monde.  J*en  ai  l'hallucination,  Minerve,  Apollon  et 
les  Muses  se  mettent  à  parcourir  notre  pays,  frappés  de  sa  res- 
semblance avec  la  Grèce.  Épris  d'un  passé  dont  ils  furent  les 
inspirateurs  et  les  dieux  tutélaires,  ils  veulent  le  faire  revivre 
sur  le  sol  de  l'antique  territoire  de  Massalia.  De  toutes  les  dé- 
couvertes de  leurs  cerveaux  féconds,  la  Société  d'Études  Pro- 
vençales est  l'une  des  meilleures. 

Un  second  exemple,  et  je  n'en  sais  pas  de  plus  saisissant, 
c'est  l'Exposition  Coloniale  elle-même,  l'occasion  inoubliable 
de  notre  première  rencontre  entre  savants  provençaux.  Malgré 
ses  proportions  colossales  et  son  aspect  merveilleux,  nous  nous 
sommes  si  bien  habitués  à  cette  exposition  par  la  ferveur  de 
notre  enthousiasme  et  par  la  conscience  qu'elle  est  marseil- 
laise à  tous  égards,  que  nous  en  venons  à  oublier  sa  création 
récente.  Ces  palais  si  grandioses,  ces  pavillons  indigènes  d'ar- 
chitecture et  d'ameublement  et  par  le  fait  si  pittoresques,  ces 
collections  complètes  et  méthodiques,  ces  mille  enchantements 
du  regard  ne  sont  pas  sortis  de  terre  d'eux-mêmes.  Avant  de 
reposer  sur  notre  sol,  ils  étaient  cachés  depuis  longtemps  der- 
rière le  front  d'un  homme  d'intelligence  et  d'énergie.  Ils  étaient 
là  aussi  beaux,  aussi  vivants  qu'aujourd'hui,  mais  beaux  et  vi- 
vants d'idées,  de  sentiments  et  d'images. 

Messieurs,  y  avez-vous  réfléchi,  n'est-ce  pas  un  prodige 
qu'il  se  soit  rencontré  quelqu'un  d'un  esprit  assez  puissant 
pour  concevoir  de  si  vastes  projets  et  d'un  vouloir  assez  persé- 
vérant pour  les  faire  passer,  en  dépit  de  toutes  les  oppositions, 
de  son  cerveau  dans  la  réalité  extérieure  ? 


Messieurs,  que  lont  d'audace  et  de  succès  nous  encourage  à 
poursuivre  sans  relâche  et  sans  défaillance  la  réalisation  d'en- 
treprises modestes,  mais  utiles  entre  toutes. 

Le  meilleur  stimulant  de  notre  labeur  intellectuel  est  le 
champ  d'études  oiïert  par  la  Provence.  Plus  on  le  cultive  et 
plus  ses  horizons  s'éloignent.  Son  immensité,  dont  nous  avons 
maintenant  conscience,  exige  des  travailleurs  actuels  un  redou- 
b!emcnt  d  enerfjie.  Elle  appelle  aussi  de  nouveaux  pionniers  de 
1  érudition  locale.  A  noire  tour,  mais  avec  une  vue  plus  claire 
et  plus  précise  qu  on  ne  lavait  jadis,  nous  constatons  les  négli- 
gences et  les  erreurs  de  nos  devanciers  en  histoire  et  en  archéo- 
logie. Le  sens  critique  nous  exagère  leurs  fautes  et  les  multiplie 
à  rinfrni.  L  œuvre  à  faire  nous  paraît  colossale,  c'est  à  la  fois 
la  recherche  de  Tinconou  ei  la  mise  en  question  de  résultats 
soi-disant  acquis. 

A  propos  de  révision  d*ouvrages.  M,  Victor  Jean,  vice-pré- 
sident du  Conseil  général  du  département,  dans  un  toast  très 
applaudi,  attirait  l'attention  de  tous  sur  la  Statistique  des 
Bouchea-dU'Rhône,  publiée  sous  la  Restauration.  Cet  avocat 
distingué  en  souhaitait  vivement  la  refonte, 

L*exécution  d'une  telle  entreprise  demande  sans  doute  un 
comité  d'édition  d'un  nombre  de  membres  nécessairement 
restreint,  mais  elle  exige  aussi  la  collaboration  anonyme  de 
tous  les  crudits  méridionaux.  C'est  grâce  aux  correclions  et 
aux  découvertes  faites  sur  place  et  par  des  habitants  de  Tco- 
droit  que  les  auteurs  de  la  nouvelle  Statistique  pourront 
faire  une  encyclopédie  du  savoir  provençal. 

On  lit  dans  un  registre  de  la  Cour  des  comptes  de  Provence 
le  récit  d'un  fait  tellement  extraordinaire  qu'il  parait  invrai- 
semblable. C'est  la  découverte  fortuite  à  Tourves  d'un  trésor 
de  monnaies  massalioties  (i).  L^événemeoi  eut  lieu  le  12  [uîa 
r366.  Le  narrateur  le  raconte  ainsi.  Vers  nçuf  heures  du  ma- 


(j)  H.  Ds  GlniN-iiiCâPLi  et  abbé  A^n^ud  0*Ac«m  Reime  numismâtiqm^^i_ 
i9o3p  p    164, 


I2t) 


tift,  des  entâfiTS  vinrent  en  jouant  réveiller  un  jeune  berger  qui 
faisait  paître  ses  brebis  au  bord  du  chemin  public  qui  se  trouve 
entre  le  viila^e  de  Tourves  et  le  château  de  Seysson.  Au  mo- 
ment  où  le  pâtre  se  retournait  pour  voir  qui  le  hélait,  les  en- 
tants aperçurent  tout  à  coup  des  pièces  d'argent  qui  sortaient 
du  sol  par  un  trou  d'abord  si  petit  qu'on  pouvait  à  peine  y  pas- 
ser les  doigts*  Ayant  bouché  le  trou  avec  leurs  mains,  les  mon- 
naies se  mirent  à  jaillir  un  peu  plus  loin  d*un  autre  trou,  telle 
l'eau  d'une  Tontaine,  et  en  si  grande  quantité  que  les  habitants 
du  village  en  emportèrent  dans  leurs  bourses,  leurs  poches  et 
jusque  dans  leurs  tabliers,  de  quoi  former  la  charge  de  vingt 
mules.  Sur  ces  entrefaites,  une  femme  survini,  qui  fendit  la 
ioule  en  criant  :  *  Ma  part  !  Ma  part  !  ^,  mais  au  moment  olj 
elle  se  disposait  à  prendre  son  lot  du  trésor,  celui-ci  disparut 
soudain. 

Messieurs,  des  richesses  autrement  précieuses,  puisqu'il  s'agit 
des  biens  de  la  science,  de  données  intéressant  tout  le  passé 
de  notre  chère  petite  patrie,  sont  enfouies  dans  le  sol  proven- 
HKal  ou  au  fond  de  nos  archives,  nous  les  conquerrons  et  nous 
^^Kfi  emporterons  chacun  de  quoi  remplir  plusieurs  volumes. 
^H  A  coup  sûr.  il  y  faudra  peiner  davantage  que  les  habitants  de 
^^frourves,  la  fortune  scientitique,  de  même  que  la  fortune  ma- 
^"térielle.  ne  saurait  venir  en  dormant;  mais  les  ouvriers  sont 
autour  de  nous,  ils  ont  toute  Thabileté,  toute  la  science,  toute 
la  persévérance  requises  pour  mènera  bien  une  œuvre  gran- 
diose que  nous  voudrions  être  la  conclusion  pratique  de  cet 
inoubliable  Congrès  et  la  récompense  de  ses  organisateurs. 


Après  que  M.  Tabbé  Arnaud  d'AgncI  a  terminé,  M.  Jules 
Charles-Roux,  commissaire  général  de  TExposiiion  Co- 
loniale^ président  d'honneur  du  Congrès,  prend  la  parole 
et  prononce  le  discours  suivant  : 


CONGHit    —  9 


DISCOURS    DE    M.    J.    CHARLES-ROUX 

MoNSItlUB  LE  ReCTELîR, 

Messieurs, 

Je  suis  aussi  heureux  que  flatLé  d'avoir  à  prendre  la  parole 
devant  celte  assemblée  d'érudits  ei  de  lettrés,  amoureuv  de 
notre  chère  Provence,  de  ses  usages,  de  sa  tangue,  de  sa  liité- 
raiure  et  de  ses  arts  ;  devant  i*é minent  Recteur  de  rUniversiié 
d'Aix-Marseilie,  Thonorable  M.  Belin,  qui,  depuis  de  longues 
années»  consacre  son  grand  savoir  et  son  inaltérable  dévoue- 
ment h  la  culture  îniellectuelle de  notre  région. 

Nous  vous  remercions  d'avoir  jugé  que  l'exposition  Colo- 
niale de  iMarscîllc,  demeurant  par  plusieurs  côtés  une  mani- 
festation provençale,  était  une  bonne  occasion  de  réunir  tous 
les  groupes  provençaux  ou  amis  de  la  Provence»  et  d'affirmer 
amsi  la  vitalité  de  notre  petite  patrie. 

En  %'ous  offrant  l'hospitalité  au  sein  même  de  notre  Exposi- 
tion, au  milieu  des  palais  de  nos  Colonies  d'Afrique,  d'Asie  et 
d'Amérique,  lidèles  interprétations  des  diverses  architectures 
de  ces  régions  lointaines,  au  milieu  de  leurs  indigènes»  de  leur 
faune,  de  leur  fiore  et  des  multiples  produits  de  leur  soi  nous 
espérons  que  vous  voudrez  bien  marquer  quelque  intérêt  aux 
résultats  des  trente  années  d  elîbrts  poursuivis  par  les  colo- 
niaux, malgré  vent  et  marée,  avec  autant  de  foi  que  d  énergie, 
de  persévérance,  de  méthode  et  d'esprit  de  suite;  nous  espé- 
rons que  vous  ferez  bon  marché  de  cette  légende,  —  propagée 
et  entretenue  avec  un  soin  jaloux  par  nos  concurrents,— 
«  que  les  Français  sont  dépourvus  du  génie  colonisateur  w. 

Vous  prouverez  ainsi  une  fois  de  plus  que  le  culte  de  la 
science,  des  belles-lettres  et  des  arts,  n'exclut  point  celui  des 
questions  économiques etque  les  bons  citoyens,  quels  que  soient 


—  i3i  — 

leurs  goûis  eî  leurs  professions  respectives,  savent  mutuelle- 
meni  se  tendre  la  main  pour  coHaborer  à  la  prospérité  et  à  ia 
grandeur  de  leur  pays, 

Permetiez-moi  de  vous  rappeler.  Messieurs,  qu'au  lende- 
main de  nos  désastres  de  1870.  quand  la  patrie  mutilée  sai- 
gnait de  toute  part,  c'est  la  politique  coloniale  qui  a  re- 
trempe les  cneri^ies,  relevé  les  courages,  rallumé  dans  les  âmes 
le  goùl  de  raciion  et  de  la  vie.  Si  elle  a  eu  ses  héros,  elle 
compte  aussi  ses  martyrs,  et  le  rapide  développement  de  notre 
Empire  d'Outremer,  avec  ses  5o  millions  d*habiianis,  — œu- 
vre de  nos  hardis  explorateurs  et  de  notre  vaillante  armée. 
guidés  par  des  chefs  éminenis,  —  constitue  le  principal  lîîrede 
gloire  de  la  troisième  république»  et,  pour  ainsi  dire,  noire  re- 
vanche morale. 

Si  Tœuvre  coloniale  est  âpre  et  rude.  Messieurs,  il  n'en 
existe  pas  de  plus  passionnante  ni  de  plus  belle. 

Coloniser,  c'est  se  mettre  en  contact  avec  des  races  et  des  ci- 
vilisations nouvelles;  c'est  se  mesurer  avec  la  complexité  des 
problèmes  que  soulève  la  diversité  infinie  de  la  nature  et  de 
la  vie;  «c'est  se  renouveler  en  créant  »,  suivant  Theureuse 
expression  de  M*  Leygues,  Ministre  des  Colonies;  c'est  accroî- 
tre le  capital  national  et  le  capital  universel,  en  allumant  sur 
tous  les  points  du  ^toble  de  nouveaux  foyers  d'espérance, d'ac- 
tivité et  de  force;  c'est  accomplir  l'œuvre  de  solidarité  humaine 
la  plus  haute,  car  la  colonisation  qui  n'aurait  pas  pour  but  et 
pour  résultat  d'élever  en  dignité  et  en  bien-être  les  peuples 
conquis  ou  pacifiquement  pénétrés,  serait  une  œuvre  j;rossière 
et  brutale»  indigne  d'une  grande  nation. 

Dans  cette  Exposition,  Messieurs,  notre  ambition  n'a  pas  été 
uniquement  de  mettre  en  relief  les  quelques  idées  que  je  viens 
de  résumer,  d  affirmer  la  puissance  industrielle,  commerciale 
et  maritime  de  notre  port  et  de  légitimer  notre  prétention  d'être 
U  met rofïole  coloniale  de  la  France.  Nous  nous  sommes  pro- 
posés en  même  temps  de  taire  œuvre  scientifique,  artistique^ 
a^f  icoie  et  dt centralisatrice. 


--    l32   - 

Œuvre  scientifique^  par  rExposition  rétrospective  de  Tindus* 
trie  des  corps  gras,  doai  Marseille  a  été  le  berceau  et  où  nous 
avons  mis  en  pratique  les  découvertes  des  Chevreul,  des  Ber- 
tliclot  et  des  Haller  ;  par  l'Exposition  internationale  d'Océa- 
nographie, science  nouvelle,  appelée  à  rendre  de  signalés  ser- 
vices à  nos  marins,  a  nos  pêcheurs,  dont  le  principal  initia- 
leur  a  été  S.  A,  S.  le  prince  de  Monaco,  et  dans  laquelle  les 
nations  étrangères,  —  il  faut  malheureusement  le  constater, — 
nous  ont  sini^ulièrement  devancés. 

Œuvre  artistique,  en  groupant  dans  le  palais  du  ministère 
des  Colonies  les  tableaux  de  nos  principaux  peintres  orienta- 
listes, anciens  et  modernes;  ^  en  organisant  une  Exposition 
rétrospective  d'Art  provençal,  ou  tableaux,  marbres,  meubles, 
Taïences,  verreries  et  bibelots  de  tous  genres  prouvent  élo- 
qucmmcnt  que  la  Provence  n'a  jamais  cessé  d'être  un  foyer 
artistique  bien  vivant. 

L'agriculture,  larboriculture  et  Fhorticulture  jouent  un  trop 
grand  rôle  dans  les  colonies  et  dans  la  métropole  pour  qu'il 
nous  fût  permis  de  les  négliger.  Nous  leur  avons  donc  attribué 
une  large  part.  Sous  Fhabilc  direction  de  mon  collègue,  le 
docteur  Heckel,  assisté  de  iM.  Claude  Brun  et  de  rintelligcntc 
pléiade  de  nos  horticulteurs  provençaux,  nous  avons  réuni 
dans  nos  jardins  et  dans  nos  serres  de  multiples  échantillons 
de  nos  plus  belles  plantes  tropicales.  Nous  avons  procédé  à  de 
nombreux  concours  de  légumes,  de  fruits  et  de  fleurs,  qui  ont 
obtenu  un  légitime  succès  et  nous  nous  sommes  fait  un  plaisir 
de  recevoir  les  Congressistes  de  l'Union  des  Syndicats  agricoles 
de  Provence  et  des  Alpes,  présidés  par  mon  émincni  confrère 
à  TAcadémicde  Marseille,  le  Marquis  de  Villeneuve-Trans. 

Aumoisde  Septembre,  avec  Taidede  la  Compagnie  P.-L.-M.. 
aura  lieu  un  concours  d'emballage  et  vous  n'ignorez 
ccriainemcni  pas.  Messieurs,  Timportancc  de  remballage 
au  point  de  vue  du  transport  des  primeurs  et  des  fruits,  non 
seulement  d'Algérie,  mais  des  colonies  des  Antilles  et  de  la  côte 
Occidentale  d^Afrique. 


^  i33  - 

fous  nous  efforçons,  en  un  mot,  de  mettre  en  pratique  la 
belle  et  \ieille  devise  :  Omne  tulii  ptinctum  qui  ffiiscuit  utile 
du  Ici, 

Entin.  dans  un  pavillon»  d'apparence  modeste  «  lou  mas  de 
santo  Esiello  »<  sous  l'égide  de  l'éioile  à  sept  rayons  du  fcli- 
brigc.  nos  meilleurs  maîtres  provençaux  ont  peint  des  diora- 
mas  de  nos  villes  les  plus  riches  en  souvenirs  historiques,  de 
nos  sites  les  plus  pittoresques  :  Aix,  Arles,  Avignon,  les  Marti- 
gues»  Marseille,  la  Sa  in  te- Baume  et  les  Baux.  Contre  les  murs  du 
^  Mas  »«  loui  auiourde  la  vieille  cheminée  eidu  ^  Cremasclc  i*. 
sont  suspendus  les  objets  familiers  à  nos  pères,  avec  Tindica- 
ijon  de  leurs  noms  en  provençal. 

Il  existait  une  lacune  dans  notre  programme  et  vous  avez 
bien  voulu  vous  charger  de  h  combler. 

Nous  avions  été  impuissants  à  rendre,  par  une  Exposition, 
le  pieux  hommage  que  nous  devons  à  la  littérature  provençale 
ci  vous  êtes  venus,  Messieurs,  vous,  les  représentants  autorisés 
de  nos  Sociétés  Savantes.  —  ces  vestales  qui  entretiennent  en 
province  le  culte  du  Vrai,  du  Beau  et  du  Bien,  —  vous  êtes 
venus  nous  apporter  le  Iruit  de  vos  travaux»  faire  entendre  la 
noie  qui  manquait  à  notre  symphonie  et  jeter  sur  notre  tenta- 
tive de  décentralisation  l'cclai  de  vos  paroles  éloquentes. 

Veuilles  être  assurés  de  toute  notre  gratitude. 

Ah!  Messieurs,  la  décentralisation,  dont  on  parle  toujours 
ms  jamais  la  réaliser  !  —  Quel  mirage  décevant  !  —  Et  pour- 
Fiant»  notre  tentative  ne  prouve-telle  pas  une  fois  de  plus  que 
la  province  dispose  de  ressources  lui  permettant  de  faire  œuvre 
mile  par  elle-même  et  que  Paris  n*est  pas  obligatoirement  le 
siège  de  toute  manifestation  sérieuse  et  instructive?  Personne 
nDoins  que  mot.  Messieurs,  nest  disposé  à  contester  à  Paris 
sûQ  titre  de  capitale,  et  personne  n'en  est  plus  tier;  maispour^ 
^quoi  convertir  Paris  en  une  sorte  de  Minotaure  ?  Pourquoi 
Ériger  en  principe  qu'on  ne  peut  rien  tenter  ni  rien  obtenir  en 
dehors  de  Paris  ?  Si  notre  capitale  cessait  d'être  un  objectif  in- 
dispensable pour  les  penseurs,  les  lettrés,  les  savants,  lesartU- 


ï,  on  v^jrrait  si  la  province  tarderait  à  jouer  un  rôle  prépon- 
dérant dans  le  mouvement  intellectuel  de  la  nation  ;  on  ver- 
rail  même  si  les  produits  de  toute  nature  ne  présenteraient  pas 
une  originalité  plus  marquée,  une  saveur  nouvelle.  Et,  si  je  me 
permets  d*être  aussi  affirmaiif,  c'est  que  je  me  borne  en  somme 
a  répéterce  qu'ont  dit,  avec  rautorité  s'atiachant  à  leurs  noms, 
des  hommes  tels  que  Tallcyrand,  Condorcct,  Royer-Collard, 
Guizot»  Victor  Cousin,  Duruy.  Renan»  Challemel-Lacour» 
Liard,  etc.  Notre  aimable  sous-secrétaire  d'État  aux  Beaux-Ans 
aciuel,  lui-même,  M.  Duiardin-Beaumetz,  parle,  de  temps  en 
temps,  de  la  décentralisation  avec  infiniment  d'éloquence, 
comme  s'il  y  croyait,  et  aux  applaudissements  répétés  de  ses 
auditeurs.  .-  Mais,  autant  en  emporte  le  vent.  *i  Ei  verba  et 
wcw,  prœtcreaque  nihîL  > 

Cependant,  malgré  la  pression,  fi ncitatîon  parisienne,  l'es- 
prit dcceniralîsatcur  ne  tend-il  pas  quand  même  à  se  dévelop* 
pcr  et  n'en  irouvc-i-on  pas  des  preuves  évidenies  sur  les  divers 
points  du  territoire? 

Pendant  que  Tàmc  j^recqucsc  réveille  et  s  apothéose  au  théâ- 
tre antique  d*Oranf^e,où  les  fèies  de  cette  année  nous  promci- 
icni  de  nouvelles  et  grandioses  émotions  ;  —  que  les  arènes 
de  Bcziers  prêtent  leur  vieux  cadre  de  sanfi  et  de  gloire  à  ta 
VcxialciSc  Spontini  ;  —  que  la  Joule  enthousiaste  de  Nîmes  se 
presse  sur  les  gradins  de  son  amphithéâtre,  comme  aui  fours 
lointains  du  peuple^roi,  Vàmc  celtique  surgit  du  vieux  sol, 
foule  y*ar  les  vierges  druidesscs  cl  par  les  blondes  fées  de  l'Ar- 
mor,  cl  semé  encore  de  dolmens  et  de  menhirs.  On  vient 
d'exécuter  il  Saint-Brieuc,  en  présence  des  bardes  de  Bretagne 
et  de  Galles,  ladmirablc  choeur  des  /k'wx  BretagneSt  de  Thiel- 
mans,  et  de  célébrer  les  curieuses  cérémonies  bardiqucs,  dans 
ce  pays  voué,  semble-t-il.  par  Chateaubriand  à  une  éternelle 
mélancolie,  dans  ce  pays  «  où  même  un  air  de  (été  ne  va  pé% 
joyeux  jusqu'au  bout  i». 

Si  nous  allons  vers  le  Nord»  nous  voyons  qu'à  Tourcoing  a_ 
heu  cti  ce  moment  une  Exposition  industnelle,  à  laquelle  d*ii 


i35 


îelUgents  organisateurs  ont  joint  une  f^xposition  ariisiique,dé- 
monirani  ainsi  qu'on  ne  voisine  pas  impunément  avec  les 
Flandres* 

Bordeaux  prépare  pour  Tan  prochain  une  Exposition  mari- 
lime,  sous  le  haut  patronage  du  vaillant  amiral  Gervais.  prési- 
dent de  laLiiîue  maritime  française. 

Enfin,  ce  que  iMislral  a  su  accomplir  à  Arles»  Maurice  Bar- 
res rêve  de  le  réaliser  à  Belfcrt.  en  réunissant  sur  ce  lambeau 
de  terre  française  les  souvenirs  toujours  vivants  dans  nos  cœurs 
d'Alsacc-Lorraine, 

Ces  tentatives  de  décentralisation,  ces  affirmations  de  la  Pro- 
vince, se  produisant  au  Midi  comme  au  Nord,  à  TOuest  et  à 
l'Est»  donnent  grandement  raison  au  mot  si  profond  de  Rc- 
iran,  qu'il  est  plus  opportun  que  jamais  de  méditer:  *t  Le  respect 
des  aïeux  est  la  grande  loi  des  vrais  hommes  de  progrès  ». 

n  ne  faut  donc  pas  perdre  courage,  Messieurs,  et,  en  atten- 
dant la  réalisation  d'une  réforme»  que  les  hommes  de  ma  gcné- 
raiian  ne  seront  certainement  pas  appelés  à  célébrer,  mais  qui 
est  peut-être  moins  éloignée  qu'on  ne  le  suppose,  continuons  un 
peu  notre  œuvre  de  Pénélope. Obéissante  un'seniiment  peut-être 
égoïste,  demandons-nous  «i  nous  sommes  si  fort  à  plaindre 
dan»  notre  recueillement,  notre  oubli  provincial  ;  s'il  n*cst  pas 
doux  d*avoir  le  temps  de  reporter  nos  regards  en  arrière  pour 
vivrcavcc  le  passé,  compulser  nos  vieilles  archives  et  rêver 
tout  à  notre  aise«  dans  une  aimosphèretranquille  cl  reposante  ; 
sous  les  voûtes  de  la  Méjancs,  les  arbres  séculaires  du  cours 
Mirabeau  ou  au  pied  de  la  fontaine  du  bon  Roi  René, — au  mu- 
sée Calvet,  sous  les  remparts  d*Avignon  et  le  palais  des  Papes. — 
au  Muscon  Arlaten  et  sous  Tantiquc  allée  des  Alyscamps,  — 
à  Montmajour,  aux  Baux,  à  la  Sainte-Baume  et  dans  la  basili- 
que de  Saint-Maximin,  — ou  dansune  des  calanques  de  notre 
golfe,  de  cette  Méditerranée,  dont  les  eaux,  rayées  parle  vais- 
seau d'Ulysse,  ont  baigné  les  pieds  de  toutes  les  idoles  de  la 
Grèce,  «  dont  les  sillons  mouvants  virent  flotter  les  trirèmes 
m  d*Haniilcar  et  les  nefs  pompeusement  ornées  d*Antoine  et 


-  i36  — 

«c  de  Cléopâtre,  qui  apporta  enfin  au  mon  Je  antique  la  dée 
<c  de  la  beauté,  cette  Apliroiite  que  le  Boticelli  de  Florence 
«  nous  montre  portée  par  les  vents  et  ignorante  d*un  charme 
«  qu'elle  ne  sait  pas  encore». 

Demandonsi-nous  si  ce  n*est  pas  aux  patients  travaux  de  nos 
modestes  savants  de  province  que  Ton  est  redevable  de  bien 
des  découvertes  sur  notre  histoire,  notre  littérature  et  nosarts  ? 
Je  pourrais  fournir  de  nombreuses  preuves  à  l'appui  de  cette 
vérité,  mais  je  me  bornerai  à  cticr  un  exemple  qui  me  paraît 
bien  s'approprier  à  la  circonstance  nous  réunissant  aujour- 
d'hui. 

En  i86r,  à  roccasion  du  concours  régional»  qui  se  tint  à 
Marseille,  un  groupe  de  provençaux  eut  llieureuse  pensée  d*en 
rehausser  1  éclat  par  une  exposition  des  Beaux-Ans. 

Celte  Exposition  mit  en  lomièrc,  après  une  longue  obscu- 
rité, les  ouvrages  des  peintres  nés  en  l^rovcnce»  ou  qui  en 
avaient  tait  leur  patrie  d'adoption,  et  le  distingue  maire  d  alors, 
rhonorablc  M.  Onjroy—  une  des  lumières  de  notre  barreau  — 
après  avoir  fait  observer,  dans  son  discours  d'inauguration, 
que  le  programmcdu  concours  régional  consistait  à  apprendre 
aux  knlles  la  science  des  champs  ci  aux  champs  les  artx  dex 
pilles,  fut  presque  proph!!le  en  ajoutant  les  paroles  suivantes  : 

#(  Sur  les  murs  qui  nous  entourent,  se  déroule  une  immense 
«  légende  :  elle  est  lormée  de  tous  ces  tableaux  qui,  hier  en- 
«^  core.  obscurément  iixés  au  mur  d'une  chapelle  ou  au  pan-.J 
«c  neau  d'un  salon  solitaire,  hiscoire  de  nos  pères,  font  de  nous  j 
M  en  ce  moment  comme  une  famille  de  pieux  hériiiers,  hcu- 

*  rcux  de  retrouver  et  de  contempler  avec  respect,  sur  ces  loi- 
m  les,  la  longue  série  des  portraits,  des  talents,  des  gloires  et 

*  des  inspirations  religieuses  de  nos  aïeux  provençaux.  Avant ^ 
4c  ce  jotJr,  c  étaient  certainement  de  belles  toiles,  mais,  apr 
^  cette  éclatante  exhibition  de  nos  trésors  artistiques,  c'est  uf 

«  tout,  c'est  un  corps  qui  renait.  c'est  une  **  école  ignorée 
^  qui^va  se  faire  une  place.  » 
Notre  école  provençale  était  si  bien  ignorée,  en  elTet,  que  les 


-  i37- 

\z\x\  primiiifs  d'Aix  et  d'Avij^non,  le  Buisson  ardent  ci  le 
Triomphe  de  la  Vierge,  par  exemple,  ti^^uraient  dans  le  caialo- 
gue.  sous  le  nom  illustre  de  Van  Dick. Certains  Icîi  attribuaient 
à  Memlin^^  ;  mais  c'est  à  partir  de  cette  époque  que  Ton  com  - 
mença  à  redemander  si  Ton  ne  commettait  pas  une  erreur  et 
une  injustice  grossières  en  attribuant  ces  chefs-d'oeuvre  à  Técole 
Flamande. 

Le  regretté  BlancarJ,  archiviste  en  chef  du  déparlement  des 
Bouches-du-Rhônc  et  ancien  secrétaire  perpétuel  de  I  Académie 
de  Marseille,  —  cet  esprit  si  cultivé»  si  chercheur  et  si  distin- 
gué, —  se  mit  à  la  besoj^ne  et  trouva  dans  nos  archives  la 
preuve  indiscutable  que  le  «  Buisson  ardent  tétait  l'œuvre  d'un 
peintre  provençal  appelé  Nicolas  Froment  et  lui  avait  été  com- 
mandé par  le  roi  René  pour  la  cathédrale  d'Aix. 

De  son  enté»  en  Avignon,  M.  l'abbé  Requin,  à  qui  nous  de- 
vons un  merveilleux  ouvraf^c  sur  les  faïences  de  Moustiers, 
complétant  si  heureusement  les  pubhcations  sur  nos  vieilles 
faïences  du  baron  Davillier  et  de  Jules  Jacquemart,  iM.  labbé 
Requin  découvrit  dans  les  minutes  du  notaire  Giraudy,  au  pro- 
tocole de  Jean  Morelli,  à  l'année  1453,  le  contrat  passé  enirc 
un  prêtre.  Jean  de  Monia^rnac»  et  le  peintre  En^uerrand  Cha- 
fonion  pour  la  confection  du  tableau  du  ^  Triomphe  de  la 
Vierge  )>.  Ainsi  fut  dévoilée  rcxistencc  des  ^  deux  écoles  d  Aix 
eid  Avignon  »ci  la  dernière  Exposition  des  Primiiijs,  au  pa- 
villon de  Marsan,  à  Paris,  a  déllniiivcment  consacré  les  trou 
vailles  de  nos  deux  éminents  concitoyens.  Il  me  semble  que  ce 
»om  là  pour  les  provinciaux  des  titres  de  gloirâ  qui  ne  Mmt  pas 
à  dcdai|^ner  et  qui  justilient  pleinement  les  pronostics  de  Maî- 
tre Onfroy.  Rien  de  surprenant  du  reste  qu'à  Aix,  qui  fut  le 
siège  d'une  Cour  éminemment  artistique  et  litlérairCt  qu'à  Avi- 
gnon* pendant  te  règne  des  papes.se  soient  constituées  des  éco* 
les  de  peinture,  des  réunions  d'artistes  qui.  dans  tous  lespavs, 
furent,  au  w*  et  au  xvi»  siècle»  les  accompagnateurs  ordinaires 
des  rois,  des  princes  et  des  grands* 

Uui>. Messieurs,  aimons  nos  vieilles  provinces  et  n*envions 


«  i3R  — 

pKlirs  peuples  jeunes  qui  n'ont  pnh  d'histoire,  dont  les  aïeux, 
les  aïeules  nom  pas  porté  le  voile  à  la  Déesse  dans  la  procès- 
^on  des  Panathénées,  dont  les  enfants  n'entendent  pas  en 
nourrice  \cs  vieux  mois  de  leur  père  mêlés  aux  complaintes  du 

temps  ndis ;  n*est-ccpas  en  l'endormant,  par  la  cadence  de 

%neui  airs  provençaux,  que  la  Mère  de  Mistral,  la  première, 
prononça  le  nom  de  «^  Mireio  >>?  Plaignons  donc  ceux  qui  ne 
connaissent  pas  la  nosial^nc  du  passé,  la  mélancolie  des  souve- 
nirs. 

Le  président  Roosevch  a  corroboré  tout  récemment  ce  que 
je  viens  de  soutenir  ci  a  fait  preuve  d*une  bien  grande  intelli- 
cencc  cl  d'une  profonde  philosophie  dans  une  lettre  qu'il  a 
adressée  à  Mistral  pour  le  remercier  d'une  médaille,  portant  un 
profil  d'Arlésienne,  et  d'un  exemplaire  de  Mi>e///t%  que  l'illus- 
tre fclibrc  lui  avait  envoyés  : 

«  A  vous  et  à  vos  collaborateurs  loui  succès!  — écrit  lePrésî- 
<^  dent  de  la  République  des  Élais-Unis.  —vous  enseignez  une 
•V  leçon  que  nul  plus  que  nous  n'a  besoin  d'apprendre»  nous 
^  les  gens  de  I  Ouest,  nation  ardente  ayant  soif  de  richesses  ; 
«(  une  leçon  qui»  après lacquisition  du  bien-être maiérîeU  rela- 
êL  livemcnl  considérable,  nous  apprend  que  les  choses  qui 
<t  comptent  réellement  \ïans  la  vie  sont  les  choses  de  l'esprit. 

m  Les  industries  et  les  chemins  de  fer  ont  leur  valeur  jusqu^à 
<t  un  certain  point  ;  maislecoura^cila  puissanced'enduranccp 
m  lamour de  nos  ép<_^uses  et  de  nos  enfants,  l'amour  du  foyer 
«  et  de  la  Patrie,  l'amour  des  (iancés  l'un  pour  l'autre,  Tamour 
«  et  Timitatipn  de  rhéroîsme  et  des  efforts  sublimes,  les  sim- 
4t  pies  venus  de  tous  les  jours  cl  les  %-eTtus  héroïques,  toutes 
«i  ces  vcrtus-U  sont  les  plus  hautes,  et,  si  clh:s  font  défaut,  au* 
«  cune  richesse  accumulée,  ducun  industrtalisnrke  imposant  et 
«  rcteniissAni,  aucune  liévretisc  activité»  sous  quelque  forme 
«  que  ce  soit*  ne  sera  proàuible,  ni  à  Tindiiridu,  ni  à  la  oai 
«  Je  ne  méconnais  aucune  de  ces  choses  du  m  Corps  et 
«  Nation  ».  seulemeni  ie  désiir  qu'elles  ne  nous  poftent  pas  à 
«  oublier  qu'à  côté  de  son  corps^  il  y  a  aussi  soci  ime.  » 


—  iSg  — 

Cette  lettre  n'est,  en  somme,  que  l'exposé  du  programme  de 
Mistral  dans  la  bouche  d*un  homme,  qui  rêve  pour  l'avenir  de 
son  pays,  — d'un  pays  neuf,  —  ce  que«Mistral  voudrait,  lui 
aussi,  conserver  pour  notre  vieille  France. 

De  plus,  si  on  étudie,  sans  parti-pris,  l'œuvre  de  Mistral  et 
la  morale  philosophique  qui  s'en  dégage,  on  reconnaîtra  qu'en 
exaltant  le  respect  des  idiomes  et  des  usages  locaux,  il  proteste 
contre  le  nivellement  général  qui  tend  à  nous  envahir  et,  qu^en 
s'appliquant  à  la  reconstitution  de  la  petite  Patrie,  loin  de  mé- 
riter le  titre  de  séparatiste,  il  travaille  à  la  grandeur  -de  la 
France. 

Mistral  a  été,  du  reste,  tout  récemment,  Tobjetde  l'hommage, 
peut-être  le  plus  flatteur  de  tous  ceux  qu'il  ait  reçus.  Voici  la 
copie  textuelle  de  la  dépêche  qui  lui  a  été  adressée  d'Algésiras  : 

«  D'Algésiras  à  Maillane,  France. 

«  A  Frédéric  Mistral, 
4c  Les  Représentants  de  la  Presse  mondiale,  réunis  en  une 
4<  cordiale  et  ensoleillée  fête  champêtre,  dans  les  bois  d'Almo- 
«  rauna,  résidence  des  ducs  de  Médina  Coeli,  sur  l'invitation 
«  de  M.  l'Alcade  d'Algésiras,  et  sous  la  présidence  du  duc  Aido- 
4<  movar  dcl  Rio,  président  de  la  Conférence  Internationale, 
«  ont  pensé  ne  pouvoir  mieux  terminer  celte  fèie  de  concorde 
«  qu'en  envoyant  l'hommage  de  leur  affection  reconnaissante 
«  au  grand  poète  de  la  race  latine,  objet  de  l'admiration  uni- 
«  verselle,  à  Mistral,'symbole  de  civilisation  pacificatrice. 
«  Au  nom  de  tous  les  journalistes  présents. 

«  Le  secrétaire  général 
«  de  l'Association  de  la  Presse  Espagnole  ». 

Voudriez-vous,  Messieurs,  permettre  à  un  homme  qui  s'est 
occupé  beaucoup  plus  de  questions  d'Économie  politique,  de 
finance-,  de  colonies  et  de  marine,  que  de  littérature,  mais  qui  a 
trouvé  toujours  un  grand  charme  dans  la  fréquentation  des  let- 
trés et  des  artistes,  et  qui  pousse  l'audace  jusqu'à  écrire  en  ce 


—  !40  — 

momeni  un  long  ouvrage  sur  la  Provence  littéraire  et  anisii- 
quect  les  ruines  de  la  vallée  du  Tihùne,  —  voudriez-vous  lui 
permettre  de  sortirdèîià  présent  de  son  domaine,  pour  vous  par- 
ler de  nos  deux  grands  poètes  provençaux,  Mistral  et  Aubanel? 

Quel  contraste  entre  ces  deux  princes  du  tclibrige  !  Alors  que 
la  devise  de  Mistral  :  m  Le  soleil  me  fait  chanter  ^,  exprime  l'aU 
lé/;rcî^sc  et  la  joie  de  vivre,  celle  d 'Aubanel  :  ^  Qui  chante,  son 
mal  enchante  >,  témoi^me  d'une  douleur  intérieure,  douleur 
profonde,  qu'il  s*cst  complu,  du  reste,  à  cultiver. 

Toula  souri  à  Tauieur  de  Affreilk,  la  nature  l'a  graiilié  de 
ses  dons,  et*  au  cours  de  son  existence  déjà  longue,  gloire,  hon- 
neur, fortune,  bonheur  conjugal,  satisfactions  de  tout  genre 
lui  sont  échues  en  partage.  Sa  renommée,  comme  on  vient  de 
le  voir,  ravonne  dans  le  monde  entier  et  brille  peut*être  d'un 
celai  plus  vif  encore  à  T Étranger  qu'en  France. 

Quand,  à  la  lin  d*un  banquet  où  Misiraïadonné  les  preuves 
manifestes  d'un  royal  appétit,  il  lève  la  coupo  santo,  en  enton- 
nant de  sa  voix  mélodieuse  et  vibrante  le  chant  des  félibres,  la 
noble  simplicité  de  son  geste  et  de  son  attitude,  la  sérénité  de 
son  regard,  l'expression  de  son  visage, sont  bien  celles  du  génie 
superbe,  satisfait  et  triomphant. 

Tout  en  ayant  une  grande  simplicité  de  poèic  laboureur. 
Mistral  n  en  est  pas  moins  justement  Her  de  Tantiquitc  de  sa 
race«  «  Mes  parents,  des  ménagers,  écrit-il  dans  ses  Mémoires, 

*  étaient  de  ces  familles  qui  vivent  sur  leurs  biens,  au  labeur 
^  de  la  terre,  d'une  génération  à  Tautre.  )*  ti  il  ajoute  :  *  mais. 
m  si,  parbleu,  nous  voulions  hausser  nos  fenêtres,  comme  le 
«  font  tant  d  autres,  sans  trop  d^outrecuidance»  nous  pour- 
«  rions  avancer  que  la  gcnte  mistralienne  descend  des  Mis* 
«  irai  dauphinois»  devenus  par  alliance  Seigneurs  de  Mondra- 
«  gon  ei  puis  de  Romanin.  Le  célèbre  pendantif,  qu'on  mon- 

*  ire  il  Valence,  est  le  tombeau  de  ces  Misiral  ;  et,  a  Saint- 
m  Rémy,  nid  de  ma  tamtllc  i^car  mon  père  en  sonait),  on  peut 
«  voir  encore  l'hôiei  des  Mistral  de  Romanin,  connu  sous  le: 
«  nom  de  «  Palais  de  U  Reine  Jeanne  ». 


—   141   — 

Le  blason  des  Mistral  nobles,  surmonté  d'une  couronne  de 
Comte,  porte  trois  IcuiMes  de  trèfle,  avec  la  devise:  Totti  ou 
n'en, 

Théodore  Au baneL  lui,  n'ëtaii  ni  noble  ni  beau*  Rongé  par 
un  amour  passionné  et  inassouvi»  son  cœur  a  toujours  saigné  ; 
cl  sa  «  miougrano-enbeduberto  ^  est  la  tidélc  représentation 
de  l*éiai  de  son  âme.  Ajoutons  qu'en  donnant  à  son  premier 
recueil  de  poèmes  le  titre  de  Miougrano  (Grenade),  Aubancl 
avait  encore  dans  les  yeux  le  souvenir  de  la  robe  grenat  que 
portail  Zani,  la  première  fois  qu'il  la  vit  au  chàieau  de  Fonise- 
gugne.  «  Dans  le  réveil  de  notre  belle  littérature  provençale, 
sécrie  Clovis  Hugues,  mon  ancien  collègue  à  la  Chambre,  que 
j'aime  bien  comme  littérateur  et  poète,  Frédéric  Mistral  aura 
été  la  tète,  Koumanille  aura  été  resprit.  mais  Aubancl  aura  été 
le  cœur  !  » 

Aubanel  a  étc,  en  erfet.  un  grand  poète  d'amour;  «^  tantôt  il 
«  supplie,  tantôt  il  ordonne,  il  pleure,  il  s  aigrit,  il  a  des  fris- 
«  sons  de  voluptép  il  s'emporte,  il  se  calme,  il  se  berce  et  s'en- 
«t  don  dans  rharmonie  languissante  des  phrases  murmurées  à 
«  voix  basse.  Le  poète  chante  pour  enchanter  son  mal,  mais  on 
*  sent  que  le  mal  a  puisé  sa  sève  dans  un  amour  riche  et  une 
«  douleur  profonde. 

«  Voilà  pourquoi  celte  œuvre  restera  immortelle,  c'est  que  le 
«  cœur  humain  n'est  ni  du  Nord,  ni  du  Midi, et  que  les  poètes 
<t  d'Amour  ont  la  vraie  Éternité  pour  eux,  parce  qu'ils  font 
«  baiire  à  jamais  le  cœur  humain  !  >* 

C'est  dans  ce  beau  langage  que  Charles  Fuster  célèbre  Au- 
banel comme  chantre  de  l'Amour,  mais  il  a  été  également  celui 
delà  Beauté.  Nul  poète  ne  lui  donna  une  plus  grande  place. 
ne  l'exalta  en  des  strophes  plus  vibrantes  :  *i  Malheur,  écrit-il  à 
«i  son  anii,  malheur  au  cœur  de  bronze  qui»  devant  la  Beauté, 
«  ne  plte  pas  le  genou  et  ne  lui  consacre  pas  son  âme  avectou* 
m  tes  ses  forces*  s* 

El,  dans  la  Vénus  d'Arles  :  «  Oh  !  sans  la  Beauté,  que  serait 
«  le  monde  ?  Que  tout  ce  qui  est  beau  brille,  que  tout  ce  qui  est 
«  laid  se  cache.  ^ 


-   142  - 

Le  jour  du  manage  de  Frédéric  Mistral,  il  chanta  en  son 
honneur  :  «  La  gloire  est  vaine,  il  n'y  a  que  l'Amour,  quand 
m,  tout  s'écroule,  qui  échappe  à  la  brume.  11  est  meilieur  d'être 
«  aimé  que  d'être  illustre.  L*Amour  est  un  laurier  qui  n*a  pas 
«t  son  pareil.,,,.  Ah!  bonheur  nuptial,  infini  désir  d  amour, 
#1  vous  buvez  en  baisers  toutes  les  joies  de  la  vie  ;  vous  tenez 
«  le  monde  enlacé  entre  deux  bras  frais  et  vous  portez  un  en- 
<(  tant  dans  votre  sein  frémissant,  » 

Il  est  vrai  de  dire  que  nos  filles  du  Midi  sont  bien  faites  pour 
inspirer  les  poètes,  même  ceux  qui  ne  le  sont  pas,  et  ce  n*esi 
point  d'aujourd'hui  qu'elles  ont  conquis  les  suffrages  des  juges 
les  plus  compétents.  Lorsque  Racine,  retiré  à  Lzès  chez  son 
oncle  le  chanomc, attendait  patiemment,  dans  des  dispositions 
fort  peu  ecclésiastiques,  le  bénérlce  qu'on  lui  faisait  espérer,  il 
ne  se  privait  pas  d'ouvrir  les  yeux  et  de  regarder  autour  de  lui. 
tl  ecri%*ait  À  son  ami  La  Fontaine,  un  amateur  qu*il  savait  inté- 
resser tout  particulièrementpar  ces  détails  :  «  Je  ne  me  saurais 
«  empêcher  de  vous  dire  un  mot  des  beautés  de  celte  province* 
«  On  m  en  avait  dit  beaucoup  de  bien  à  Paris,  mais,  sans  men- 
m  tir.  on  ne  nxen  avait  encore  rien  dît  auprès  de  ce  qui  en  est« 
«  et  pour  le  nombre  et  pour  1  excellence  ;  il  n'y  a  pas  une  villa- 
«  j^egise»  pas  une  savcticre  qui  ne  disputât  de  beauté  avec  les 
«  Fouilloux  et  les  Menncville.  Si  le  piysde  soi  avait  un  peu  de 
«  délicatesse,  ei  que  les  rochers  y  fussent  moins  fréquents,  on 
«^  le  prendrait  pour  un  ^Tai  pays  de  Cnhère.  Toutes  les  fcm- 
m  mes  y  !4>nt  éclatantes  et  s\  ajustent  d'une  ta^n  qui  leur  est 
«  la  plus  njturx'lle  du  moade.  Kt  pour  ce  qui  est  de  leur  per- 
«  sonne  :  •  Cofor  penit.  <Qrpm  siotidum  et  smcci  ykmmm.  » 

Cri  MesdemûiseK 

les  du  .  , ,.  ^ ..  ...    ......  ...  ., ...    «  honneur  de  La 

trioe  Mbft^  Anne  dWutriche,  et.  $>i^xante  ans  plus  tard.  Saint- 
Simon  parlait  enct^ce  de  la  rtniMninée  de  beauté  d'Ange  Bé* 
n^c  ^  ^*      -    r.i......    .,     V  Sc^d'AUuye. 

Rav  mo  des  envu^ons 

dTaè^.  Le  pi9èle«)ui  de\an  reali>ef .  dans  kun  ^iftocs  souve- 


-  143- 

raines,  Andromaque  et  Bérénice,  n'hésite  pas  à  comparer  les 
paysannes  et  les  ouvrières  de  la  basse  valléedii  Rhône  aux  beau- 
tés les  plus  en  vue  de  la  Cour;  remarquons  seulement  que  le 
portrait  qu'il  en  trace  s'appliquerait  mieux  encore  aux  rilles 
d'Arles,  de  Saint- Remy,  de  Maillane,  d'Avignon,  de  notre 
vieux  quartier  de  Saint-Jean,  —  filles  descendant  de  cette  Gyp- 
tis  qui  tendit  la  coupe  sacrée  où,  depuis  six  cents  ans,  les  pro- 
vençaux sont  venus  se  désaltérer. 

A  mon  humble  avis,  parmi  les  nombreux  écrivains  qui  ont 
apprécié  l'œuvre  d'AubancU  c'est  Alphonse  Daudet  qui  la  le 
mieux  comprise,  «t  Notre  beau  Rhûne  de  Provence  pleurera 
m  Aubanel  comme  les  fées  du  Rhin  ont  pleuré  Henri  Heine, 
M  dii-iK  en  parlant  de  son  œuvre  forte  et  passionnée,  rou^^e  de 
4k  sang  et  de  vie,  sur  laquelle  semblent  planer  ces  idéales  for- 
<t  mes  blanches  :  La  Vénus  d'Arles  Ad  Marbre  rayonnant  Qilc 
^  Christ  dÀPignon,  l'ivoire  sublime.  >> 

Alphonse  Daudet,  en  définissant,  en  une  seule  phrase, 
Textraordinaire  étal  d'àmed' Aubanel, amoureux  jusqu'à  ta  pas- 
sion, profondément  païen  et,  en  même  temps,  très  religieux..., 
a  mis  le  doigt  sur  la  plaie.  En  faisant  rayonner  sur  son  œuvre 
k  marbre  de  la  Vénus  d* Arles  ti  l'ivoire  du  Christd'Apîgnon, 
deux  des  plus  beaux  poèmes  du  maître,  Alphonse  Daudet  en  a 
justement  synthétisé  l'idée  dominante* 

La  «  Miuugrano enlre-duberio)*^  marque^du  reste,  une  phase 
importante  dans  l'histoire  de  la  littérature  provençale.  La  pas* 
sion  qui.  jusque-là,  avait  timidement  conquis  ses  droits  dans 
la  production  de  la  jeune  École»  poussa  son  premier  cri  de 
soutTrance.  car,  même  dans  Mireille,  il  ne  peut  être  question 
de  véritable  passion,  mais  uniquement  d'amour  chaste  et  juvé- 
nile. 

Cesi  de  lamour  d'Aubanel  pour  Zani,  pour  la  comtesse  de 
T...  «Tamigo  quai  jamais  visto  )»*  que  sont  sortis  la  Miou- 
grano  entre-duberto  et  les  Lt;(tre^  à  Mignon.  Il  y  a  dans  ces 
ouvrages  des  strophes  frissonnantes,  des  chants  amoureux  jus- 
qu'à   U  tempête*  «  Mon  amour  a  été  sans  espérance,   diiMl, 


—  144  — 

«ic*éiaii  un  mois  de  mai  sans  fin  pour  mon  cœur  tendre  qui 

*  n'aimaii  que  pour  aimer  et  pas  davantage.  »  El  quand  Zani  se 
faii  nonctic  et  qu'elle  part  pour  Constaniinople,  Aubanel  dé- 
gonfle ainsi  son  pauvre  cœur  :  «  Le  long  de  la  mer  etdesgran- 
<^  des  values,  j'ai  couru  comme  un  inconsolé  et,  par  son  nom. 
m.  tout  un  jour  je  l'ai  criée  !  >*  Il  appelle  la  mon  avec  des  cla- 
meurs de  dcircsse  ;  il  s'indigne  devoir  la  nature  sourircet  sur- 
vivre encore,  lorsqu'il  porte  au  cœur  un  deuil  si  profond  : 

«O  (leurs*  pourquoi  èies-vous  si  jolies?  pourquoi  murmu* 

*  rei-vous.  ô  sources?  Pourquoi  tant  de  feuilles  ?  la  branche 
«  ploie  sous  la  ramée;  ô  ncrge  d'hiver,  froide  et  bUnche,  ne 
«  pourrais-tu  sous  ion  linceul  tenir  la  terre  en  deuil  toujours  ! 

*  Pourquoi  chantez-vous  comme  des  orgues,  oiseaux, qui 
fi,  volex  dans  les  arbres?  Êieigficx-vous  toutes,  éioilcs;  pour- 
«  quoi  faites- vous  la  nuit  si  belle  ?  Ou  bien,  éteignci-vous.  mes 
«  \t%ÈX*  et  je  ne  verrai  plus  si  belle  nuit.  » 

Ce  que  le^  philosoplie:!^  appellent  1  amour  platonique  a  tou* 
jours  été  pour  les  po^es  une  source  de  beaux  \'ers;  le  malbeur 
ouTinopponunité  de  leur&ptsstons  donnait  àcene<i  uo  charme 
que  k  bonheur  ou  râssouvi^ement  eussent  fait  disparaître^ 
Cest  UDe  ^'éfiié,  recofiiiae  par  les  plus  grands  maitrcs  de  Tan, 
que  la  douleur,  plus  ptofeadémein  Intmaine  que  ta  |ûic  ins- 
pire Javanu^v 

Ut  (plus  itM,i|iilÉao«kiaiMrtilesyi»sbcaM^ 
El  Ttft  Mis  i\n«iora^  ^  mm  4t  pm%  taupHT 

m  MMt  Mwdciam»  qiae  Is  omt^ges  des  poètes 

qi^wm  Fmact  ;  pMUiOÉ  rAllwnft>i>  i 

SttèJeetbNonijpe  y<ssfcica)M>te  ite  ^hww  *k  iirovciKal. 
afaes^H  •*€•  eitsM  pas  <!««  ttoi«&?  Taai  et  a  bmm  q/mt  les 


-  145- 

mais  un  provcnçaliste  luxembourgeois,  M,  Nicolas  Welter,  a 
publié  des  études  très  documentées  sur  Roumanille,  Mistral  et 
Aubanel.etla  iraduciron  qu  en  ont  donnée  MM,  J.  Waldencr  ei 
F*  Chârpin  permet  de  juger  combien  ces  ouvrages  sont  cons- 
ciencieux ;  ce  n*est  un  secret  pour  personne  qu^une  traduction 
de  Mireilie  est  distribuée  dans  les  écoles  en  Allemagne,  et 
qu'il  Cil  est  de  même  en  Suède  et  en  Norvège.  L  attribution  du 
prix  Nobel  à  Mistral  offre,  du  reste,  la  meilleure  preuve  de  la 
apularité  dont  il  jouit  dans  ces  pays. 

*En  dehors  de  Mireille  qui  a  été  propagée  par  Gounod  (car 
la  musique  jouit  du  beau  privilège  de  se  répandre  en  un  ins- 
tant dans  une  salle  immense  rempliede  plusieurs  mïHiersd'au- 
dîteurs  qui,  d'un  coup,  se  trouvent  imprégnés  non  seulement 
des  sons  qu'ils  entendent,  mai^du  poème  qui  les  a  inspirés)  ; 
—  en  dehors  de  Mireille,  peu  de  gens  ont  lu  les  autres  ouvra- 
ges de  Mistral  et  moins  encore  ceux  d'AubaneUde  Roumanillc, 
dcTavan*  de  F'élix  Gras,  de  Gelu  ou  de  Bénédit  et  de  Charles 
Rieux.  Ce  genre  de  lectures  et  d*études  est  le  propre  d*un  tout 
petit  cénacle  et  il  est  de  bon  ion  d^appeler  «  le  Provençal  ^  un 
patois. 

Ce  n'était  pas  lavis  de  Villemain,  car,  dans  la  séance  publi- 
que de  TAcadémie  Française  du  ao  août  i832.  en  décernant  un 
des  prix  Monihvon  au  poète  Jasmin,  Thonorable  académicien, 
au  nom  de  l'Institut  national,  commence  par  remercier  M.  Ray- 
nouard,  érudit,  poète  et  législateur  citoyen,  d'avoir  rendu  à 
l'Europe  savante  une  bonne  part  de  l'ancien  esprit  français,  par 
la  restitution  de  cette  langue  romane  du  xiii«  siècle  dont  les 
monuments  s'étaient  comme  perdus,  sous  la  gloire  du  français 
de  Rouen  etde  Paris,  du  français  de  Corneille  et  de  Molière.  Il 
félicite  Jasmin  de  son  talent, qui  marque  de  l'empreinte  de  Tari 
et  du  feu  de  la  passion  les  formes  longtemps  dédaignées  du  lan- 
gage de  l'ancienne  Provence  et  en  fait  un  instrument  d  œuvres 
honnêtes  et  de  vertueuses  pensées  de  charité  fraternelle  et  de 
patriotisme  méridional  et  français. 
Mais*  Alphonse  Daudet,  Messieurs,  dans  les  Lettres  de  mon 


coftanfrf  —  iû. 


—  14^  -- 

Moulin, ^VQC  ce  siyle aussi  briUantquelc  soleil  qui  nous  éclaire» 
s*esi  char^'é  de  répondre  aux  détracteurs  de  notre  langue,  et  je 
termine  par  cette  citation  : 

4<  Tandis  que  Mistral  me  disait  ses  vers  dans  celte  belle  lan- 
^  gue  provençale  plus  qu'aux  trois  quarts  latine,  que  les  reines 
^  ont  parlée  autrefois  et  que,  maintenant,  nos  pâtres  seuls 
««  comprennent,  j*admirais  cet  homme  au  dedans  de  moi,  eî, 
«c  songeant  à  l'état  de  ruine  ou  il  a  trouvé  sa  langue  maternelle 
^  et  ce  qu'il  en  a  tait,  je  me  figurais  un  de  ces  vieux  palais  des 
4C  princes  des  Baux  comme  on  en  voit  dans  les  Alpilles  :  plus 
«  de  toit,  plus  de  balustres  aux  perrons,  plus  de  vitraux 
«  aux  fenêtres,  le  trèfle  des  ogives  cassé,  le  blason  des  portes 
<t  mangé  de  mousse,  des  poules  picorant  dans  la  cour  d'hon* 
«  neuf,  des  porcs  vautrés  sous  les  fines  colonnetles  des  galè- 
ne ries,  Tâne  broutant  dans  la  chapelle  ou  Fherbe  pousse,  des 
«  pigeons  venant  boire  au  grand  bénitier  remplid  eau  de  pluie, 
«  et,  enfin,  parmi  ces  décombres,  deux  ou  trois  familles  de 
4i  paysans  qui  se  sont  bâti  des  huttes  dans  les  lianes  du 
^  vieux  palais. 

4t  Puis,  voilà  qu'un  beau  jour  le  fils  d'un  de  ces  paysan !( 
«  s'éprend  de  ces  grandes  ruines  et  sindigne  de  les  voir  ainsi 
«t  profanées.  Vite,  vite,  il  chasse  le  bétail  hors  de  la  cour  d'hon- 
^  neur,  et  les  fées  lui  venant  en  aide,  à  lui  tout  seul,  il  recens- 
ée truît  le  grand  escalier,  remet  des  boiseries  au  mur.  des  vi- 
M  irauxaux  fenêtres,  relève  les  tours,  redore  la  salle  du  trône, 
^  met  sur  pied  le  vaste  palais  d  autre  temps,  où  logèrent  des 
f(  Papes  et  des  Impératrices, 

«  Ce  palais  restauré,  c'est  la  langue  provençale, 
«  Ce  fils  de  paysan,  c'est  Mistral...  » 


Après  ce  discours  étoquent  ei  fort  applaudi,  M.  le  Prc- 
sideni  adresse  aux  Congressistes  un  dernier  remercie- 
ment et  la  séance  est  levée  à  6  heures  40  minutes. 


GO^TE-HEjlDU  FI]!lA|lCIEt{ 


Le  compte-rendu  financier  du  Congrès  ne  pourra 
s'établir  d'une  façon  définitive  que  lorsque  toutes  les  ne- 
cettes  auront  été  faites  et  toutes  les  dépenses  payées. 

Il  sera  publié  alors  dans  les  Annales  de  la  Société 
d'Études  Provençales. 

Nous  ne  pouvons,  pour  le  moment,  que  donner  les  in- 
dications générales  suivantes  : 

Le  Conseil  général  des  Bouches-du-Rhône  avait  ac- 
cordé une  première  subvention  de  cinq  cents  francs  pour 
l'organisation  du  Congrès.  Les  dépenses  pour  cette  orga- 
nisation ne  s'étant  élevées  qu'à  SSy  fr.  o5,  il  reste  en  caisse, 
de  cette  subvention,  une  somme  de  142  fr.  gS. 

Le  même  Conseil  général  a  voté  une  deuxième  sub- 
vention de  mille  JrancSy  pour  l'impression  du  volume  des 
Comptes-rendus  et  Mémoires  du  Congrès. 

M.,  Paul  Arbaud,  président  de  la  Société  d'Études  Pro- 
pençaleSj  a  donné  trois  cents  francs  pour  le  môme  ob- 
jet. 

C'est  donc  une  somme  de  1.442  fr.  gS  qui  reste  dispo- 
nible pour  l'impression  du  volume  et  les  autres  frais. 

A  cette  somme,  viendra  s'ajouter  le  produit  des  sous- 
criptions qui  s'élèvent  déjà  à  deux  cents. 

Dès  maintenant,  il  est  certain  que  le  budget  du  Con- 
grès, grâce  à  la  générosité  du  Conseil  général  des  Bou- 


—  148  — 

ches-du  Rhône  et  de  M.  Arbaud,  se  soldera  par  un  excé- 
dent des  recettes  sur  les  dépenses. 

Le  Bureau  du  Congrès  et  le  Comité  d'organisation  ont 
l'intention  de  constituer  avec  cet  excédent  un  fonds  pour 
l'organisation  des  futurs  Congrès  des  Sociétés  savantes 
de  Provence. 

Marseille,  le  3o  mai  1907. 


MÉMOIRES 


—  i5i  — 


LA  PROVENCE  AVANT  L'HISTOIRE 

PAR 

M.  Gh.  COTTE,  avocat  à  Pertuis. 
Membre   Correspondant  de  r Académie  d'Aix. 


Dans  celte  élude,  Messieurs,  je  veux  examiner  rapidement 
moins  les  divers  aspects  présentés  par  la  Provence  avant  This- 
toire,  que  les  civilisations  qui  y  ont  laissé  leurs  vestiges,  en  pro- 
posant certaines  classifications  et  mes  vues  personnelles  sur  la 
question. 

J*climine  de  mon  travail  les  Alpes-Maritimes  qui  offrent  à 
M.  Goby  un  champ  d  études  dont  il  tire  le  meilleur  parti. 

Dans  des  études  antérieures,  j'ai  déjà  groupé  les  connaissan- 
ces acquises  sur  le  paléolithique  et  le  néolithique  de  notre 
contrée.  Je  puis  donc  élaguer  beaucoup  de  points  sur  lesquels 
la  controverse  me  paraît  éteinte. 

On  n'a  pas  encore  signalé  en  Provence  des  silex  paraissant 
taillés  intentionnellement  durant  Tépoquc  tertiaire. 

J'ai  rhonneur  de  vous  présenter  des  silex  que  je  récolte 
depuis  quelques  années  dans  le  canton  de  Pertuis,  silex 
recueillis  dans  les  couches  alternées  des  argiles  rouges  et  des 
poudingucs  de  Viens. 

Dans  les  argiles,  on  trouve  des  silex  assez  minces,  certains 


02    — 

même  me  paraissant  taillés  înlenlionnellemcnt.  Il  n  y  a  rien 
d'êtonnani  à  cela,  car  de  nombreuses  familles néoiit h iques  oni 
parcouru  le  pied  du  Luberon,  disséminant  des  fragments  de 
silex  travaillé,  des  haches  polies,  bien  qu'il  y  ait  très  peu  de 
stations  proprement  dites  '.  Les  silex  des  argiles  dont  je  parle 
peuvent  donc  être  parfois  des  silex  taillés  intentionnellement, 
mais  alors  ils  sont  récents. 

Je  me  suis  attaché  à  recueillir  dans  les  poudin^^'ues  un  cer- 
tain nombre  d'échantillons.  L'âge  tertiaire  de  ceux-ci,  extraits 
en  brisant  la  roche  au  mancau,  est  indiscutable.  Vous  observez 
que  parfois  on  y  trouve  des  formes  bien  curieuses  qui  font 
songer  au  travail  inteniionncL  Des  conchoïdes  de  percussion 
sont  assez  nombreux  ;  mais  vous  remarquez  surtout  les  ctoi- 
lures  multiples  bien  connues  des  paleihnologues;  seulement. 
ici»  les  étoîlures  ne  s  observent  guère  que  sur  les  arêtes.  Il  fau- 
drait admettre  que  VAnt/tropoptthccus  Pertusii  (pourquoi  ne 
pas  baptiser  ce  mécréant?)  ^donnait  la  forme  à  la  plupart  de 
SCS  outils  en  martelant  les  bords,  alors  que  son  collègue  de 
Thenay  utilisait  réclaiemeni  par  la  chaleur.  iS Anlhropopi- 
ihecus  Bourgcofsti  aurait  été  de  très  petite  stature,  à  en  juger 
par  lexiguiié  de  ses  instruments.  Près  de  Pertuis,  dans  le 
même  bloc  de  poudingue,  jai  recueilli  des  éoliihesdc  toutes 
tailles  ;  notre  aïeul  provençal  aurait  eu  des  statures  bien  varia- 
bles. Il  semble  bien  pluslogique  d'admettre  qu*il  s*agii  simple- 
ment de  silex  ^ballottés  par  les  eaux  en  même  temps  que 
les  cailloux  roulés  auxquels  ils  sont  mêlés. 


■  ie  signale  au  Congres  comme  menues  stations  inédites  :  !<"  quelques 
silei  et  fragments  de  potehe  réunis  près  du  sommet  de  la  barre  de  ro- 
chers qui  se  dresse  au  sud  du  hameau  de  Fonijoycuse,  en  un  point 
abnié  du  mistral  ;  2*  une  staljon  trouvée  par  M.  Enjoubert  et  moi,  dans 
la  commune  de  Pcrtuts.  sur  le  plateau  Je  Gargaselte»  k  l'extrémité  daqoel 
M.  Jean  CalUer  aurait  trouvé  deux:  haches  polies  q|  moi-même  d*iiuires 
objeu.  Je  me  propose  de  porter  mes  recherches  sur  ce  point. 


L'étude  du  quaternaire proveni^'al  a  été  taitc  au  point  de  vue 
géologique  par  des  auteurs  spéciaux.  Mon  incompétence  m  em- 
pêche d  analyser  leurs  travaux.  Du  reste,  il  sutFii  d  en  retenir 
que  h  Provence  na  pas  été  une  sorte  d'ilot  soustrait  aux  in* 
nuences  des  climats  qui  ont  réf»i  le  reste  de  l'Europe,  Les  dé- 
couvertes des  Bausse- Rousse  suffiraient  à  le  prouver.  Nous 
pouvons  donc  admettre  comme  principe  que  les  archéologues 
doivent  s'altachcrt  dans  l'étude  du  quaternaire,  à  Tobservation 
simultanée  de  la  faune  et  de  industrie.  Cest  ce  quils  ont 
lente  de  faire;  mais  sauf  en  ce  qui  concerne  les  Alpcs-Mariti- 
meSt  les  résultats  obtenus  sont  encore  bien  faibles. 

La  station  paléolithique  la  plus  ancienne  que  nous  connais- 
sions est  celle  de  Caromb,  où  des  silex  taillés  très  frustes  ont 
été  trouvés  dans  des  alluvions.  Malheureusement,  les  auteurs 
qui  ont  étudié  ce  gisement  ont  été  bien  peu  précis. 

je  passe  sur  letrange  gisement  de  Roquebrussanne  (frontal 
humain  sans  rien  de  caractéristique,  accompagnant  des  outils 
grossiers  et  une  dent  de  mammouth). 

Parmi  les  nombreuses  grottes  où  des  remaniements  ont  pu 
amener  des  confusions»  je  citerai  celle  dcRigabes'ouvrani  près 
du  sommet  du  coteau,  à  quelques  kilomètres  de  Rians,  et  à 
un  kilomètre  environ  au  nord  de  la  station  d'Artigues.  Cette 
grotteaété  fréquentée  par  la  faune  quaternaire;  mêlés  aux  dé- 
bris de  celle-ci,  on  a  découvert  jadis  quelques  éclats  de  silex 
Cl  une  défense  de  sanglier  présentant  des  stries.  On  peut  voir 
ces  pièces  au  Musée  Longchamp.  Marion  en  avait  conclu  à  la 
présence  de  rhomme  quaternaire.  Je  crois  que  Thomme  a  dû 
pénétrer,  en  effet,  jadis,  dans  cette  caverne,  mais  à  1  époque 
néolithique.  Un  frère  Mariste  y  aurait  fait  des  fouilles  dont 
fignore  les  résultats.  La  rumeur  publique  voudrait  que  celle 
grotte  ait  aussi  livré  des  ossements  humains. 

Les  fouilles  que  j'ai  exécutées  ont  montré  qu'il  y  a,  près  de 


i5j 


rentrée,  des  foyers  anciens  remaniés  jusqu'à  plus  d/un  m 
de  protondeur;  j'ii;nore,  du  reste,  la  date  de  ces  foyers. 

On  peili  également  faire  des  fouilles  dans  une  partie  pro- 
fonde de  la  caverne;  mais  il  est  certain  que  cette  partie  était 
trop  sombre  et  trop  humide  pour  être  habitée.  Les  objets  d'in- 
dustrie que  Ion  peut  y  recueillir  me  semblent  ne  pouvoir  s'v 
trouver  que  pour  y  avoirété  entraînés  fortuitement  ou  pour 
avoir  fait  partie  du  mobilier  d*une  sépulture. 

On  ne  peut  donc  tirer  aucune  conclusion  pour  ce  gisement, 
où  les  remaniements  sont  à  peu  prés  certains  dans  la  totalité 
des  surfaces  propices  aux  recherches. 

Le  moustérien  parait  représenté  en  Provence  par  trois  abris 
grottes  :  la  Baumo  dei  Peirar,  le  Baus  de  fAubesie^  et  U 
caverne  de  Chàieaudouble.  J'efface  intentionnellement  la 
grotte  de  la  Masque  et  la  station  du  Deftend  à  Sauli.  Pour 
cette  dernière,  je  suis  en  cela  d  accord  avec  M.  Moulin. 

Les  troiîi  abris  que  je  conserve  comme  devant  être  mousté- 
riens  laissent  subsister  un  doute  dans  resprii.  par  le  fait  que  la 
faune  est  en  partie  quaternaire  et  en  partie  actuelle.  Le  Baus 
de  rAubesie  a  même  fourni  des  charbons  daméianchier  indî* 
quant  un  climat  sec. 

Au  sujet  du  moustérien,  je  vous  présente  cette  pièce  trouvée 
dans  une  couche  argileuse  de  la  Bàumo  dnu  Luce,  L'absence 
de  faune  m'empêche  d'être  afHrmatif  sur  son  âge. 

Il  n*y  a  pas  de  solutréen  ni  de  magdalénient  du  moins  a 
mon  avi$,  dans  la  région  de  Provence  dont  je  m'occupe. 
Le  mas  d'a/îHen.  le  tourassien,  le  campignien  n  y  exis- 
tent pas,  ou  du  moms  ils  nV  existent  pas  a  leiai  de  gise- 
ments pouvant  être  comparés  aux  stations  synchroniques  du 
reste  de  la  France. 

Ict  j*abordc  la  classitication  du  néolithique.  Celle  que  je  pro- 
t30se  ne  présente  pas,  je  le  dis  immédiatementr  de  grandes  dit- 


id:>  — 


jncesavec  celles  qui  ont  la  faveur  de  nos  paleihaologuei» 
^provençaux  les  plus  érudils,  mais  si  la  quasi-paicrnité  ne  m'a- 
veugle pas»  celte  classification  me  semble  présenler  quelques 
avantages  sur  celles  qui  ont  été  données  avant  elle. 

D'une  manière  générale,  on  a  considéré  nos  stations  â  silex 
frustes  comme  les  plus  anciennes.  Seulement,  tandis  que 
M*  Fournicr  les  fait  remonter  au  quaternaire,  en  v  créant  des 
subdivisions,  je  les  attribue  plus  simplement  à  une  seule  divi- 
sion du  néolithique. 

La  civilisation  suivante,  si  j'ose  ainsi  dire,  a  des  outils  plus 
clcganis,  des  parures  plus  soignées,  des  haches  polies.  Elle  se 
soude,  sans  distinction  possible  pour  l'outillage,  à  I  âge  du 
bronze.  Salmon  Ta  appelé  le  carnacéen  ;  je  crois  que  nous 
devons  conserver  ce  nom  qui  a  désigné»  dans  Tesprit  de  lau- 
leur,  précisément  ce  que  je  viens  d'indiquer. 

Ainsi  que  je  viens  de  le  dire,  la  première  industrie  néolithi- 
que est  grossière  ;  on  n  y  observe  pas  ou  presque  pas  l'usage  de 
U  pierre  polie,  mais  la  poterie  qu'on  y  rencontre  dans  ta  plu- 
part des  gisements  de  ce  genre,  et  rensemble  de  la  faune 
accompagnant  cette  industrie  permettent  de  la  placer  après  le 
paléolithique.  D'autre  part,  les  caractères  du  mobilier  la  dirte- 
rencient  du  campignîen.  Détail  caractéristique  :  les  gisements 
où  on  la  trouve  sont  presque  uniquement  des  grottes  ou  des 
abris  sous  roche. 

Je  fais  observer  immédiatement  que  certains  abris  naturels 
recèlent  les  vestiges  d'une  civilisation  plus  avancée  ou  servant 
de  transition - 

Mais  le  carnacéen  est,  d'une  façon  générale,  une  époque  de 
campements  en  plein  air.  C'est  lui  qui  a  alimenté  tout  le  faux 
solutréen  de  Provence.  A  ses  haches  polies,  à  ses  amulettes,  à 
ses  parures  en  pierres  dures,  à  ses  belles  Hèches  amygda- 
loïde:s,  phyllomorphes  ou   pédonculées,  se   mêlent  quelques 


silex  qui  simulent  les  divers  types  chelléens,  moustériens, 
ma|;daleniens,  ce  qui  a  donné  naissance  à  bien  des  confusions. 
Sa  caractërisiique  habituelle  est  cependant  la  beauté  de  la  ma- 
jorité de  ses  instruments.  C'est  alors  que  (leurit  sur  notre  sol 
l'industrie  à  faciès  tardenoisien.  D'ailleurs,  j*ai  pu  constater 
que  les  mêmes  faits  se  reproduisent  partout.  Lisez  les  listes  de 
silex  découverts  dans  nos  possessions  du  nord  de  l'Afrique  et 
vous  verrez  nombre  de  |;isemcnls  où  les  auteurs  décrivent  mi- 
nutieusement la  présence  d'outils  chelléens,  de  solutréens,  de 
magdaléniens  cl  de  tardcnoisicns,  toujours  ou  presque  tou- 
jours mêlés.  C'est  à  regret  que  M,  le  D"  Raymond  a  classe 
dans  le  mésolithique  les  petits  silex  géométriques  des  stations 
en  plein  air  du  Gard. 

Ce  département,  si  riche  au  point  de  vue  préhistorique,  otîVe 
une  particularité  intéressante  par  comparaison  avec  la  Pro- 
vence, je  veux  parler  de  la  présence  dans  les  grottes  d'habitats 
néolithiques  à  industrie  très  avancée.  D'autre  part,  on  y  note  la 
fréquence  d*un  objet  dont  la  destination  nous  laisse  indécis,  les 
billes  en  pierre  polie.  Nous  retrouvons  en  Provence  ces  billes 
dans  lagroue  du  Caslellaras,  qui  a  malheureusement  été  sac- 
cagée, et  dans  la  nécropole  de  la  Bastidonne  de  Trets.  Peut- 
être  sagii-il  là  d'une  civilisation  assez  particulière,  appartenant 
à  quelques  tribus  qui  avaient  conservé  le  goût  des  habitations 
dans  les  abris  sous  roche»  alors  que,  déjà,  nos  populations  pro- 
ven<;ales  préféraient  en  général  l'usage  des  huttes. 

Je  dois  parler  ici  de  la  sensationnelle  communication  faite 
Tannée  dernière  par  MM,  Arnaud  d*Agnel  et  Capitan^ur  les 
relations  de  l'Egypte  avec  la  Provence  durant  le  néolithique 
égyptien.  Des  savants  éminents,  tels  que  MM.  Salomon 
Reinâch,  Maspéro,  de  Morgan,  avaient  reconnu  la  similitude 
des  silex  de  Kiou  avec  ceux  d'Egypte.  Je  me  permettrai  de  faire 
observer  que  les  auteurs  ont  commis  une  erreur  en  déclarant 


—  i57^ 
;les  types  de  silex  qu'ils   présentaient  n*avaient  jamais  été 

couverts  hors  de  TEgypie,  si  ce  n'est  au  sud  de  l'Algérie  ei 
delà  Tunisie.  Je  puis  rappeler  que  certaines  de  leurs  formes 
typiques  se  retrouvent»  à  1  état  sporadique  il  est  vrai,  dans 
notre  néolithique  provençal.  Le  couteau  à  bord  supérieur 
oblique  me  semble,  d'après  la  figure,  bien  analogue  au  iran- 
chet  que  iM.  Marin-Tabourei  et  moi  avons  trouve  à  Ensuès. 
Un  silex  de  Régalon  sert  de  transition  entre  ce  type  et  le  cou- 
teau à  soie  dont  un  échantillon  a  été  figuré  par  M.  Fournier 
sous  un  autre  nom*  Les  scies  ne  sont  pas  inconnues  chez 
nous.  Les  pointes  de  Hèche  à  barbelures  sans  pédoncule  sont 
représentées  à  la  grotte  funéraire  de  Reillanne,  si  bien  étudiée 
par  MMXIerc  et  Kallot,  et  à  la  grottedu  Castellaras^où  le  bord 
d'une  flèche  a  des  dentelures  caractéristiques. 

Deux  théories  peuvent  donc  être  soutenues  :  les  Kgyptiensde 
Riou  ont  eu  des  imitateurs  en  Provence,  ou  les  habitants  de 
cette  île  n'étaient  pas  des  Egyptiens.  Je  ne  me  prononce  pas 
pour  le  moment. 

En  ce  qui  concerne  I  âge  du  bronze,  nous  connaissons  peu 
de  choses*  Lecarnacéen.  se  prolongeant,  en  représente  la  pre- 
mière partie.  Pour  les  âges  suivants,  nous  n*avons  qu'à  suivre 
les  classiticaiions  usuelles,  afin  d'y  rattacher  les  trop  rares 
découvertes  opérées.  M.  de  Gérin- Ricard,  dans  sa  statistique  si 
précieuse,  a  indiqué  la  presque  totalité  des  trouvailles  ertectuées 
et  je  ne  veux  pas,  dans  cette  note»  revenir  sur  ce  qu'il  a  dit.  Je 
vais  simplement  prier  du  département  de  Vaucluse  qu1l  n  a 
is  étudié. 

Ce  département  a  fourni  quelques  haches  en  bronze;  un 
exemplaire,  à  bords  droits,  notamment»  a  été  découvert  à 
Saini-Martîn-de-la-Brasque;  bien  que  ses  bords  soient  légère- 
ment recourbés,  je  crois  qu^il  ne  faut  pas  la  classer  parmi  les 
haches  à  ailerons.  Si  nous  suivions  de  Mortillet,  nous  aurions, 


-  i58  — 

dans  cette  ptccc,  un  vestige  de  rindustrie  morj:;ienne.  Les  civi- 
Ksatkms  suivantes  de  Tàge  du  bronze  seraient  représentées  par 
La  hache  à  ailerons  de  Baumes-de- Venise  et  par  les  haches  à 
douilles  de  Ménerbes  et  de  Buoux. 

Cest  aussi  à  une  époque  relaiivemeni  récente  qu'il  faut  ratta- 
cher les  épées  ou  poignards  de  bronze  de  Vaison,  de  Lagnes 
(Musée  Cahet)  et  de  Jonquières,  les  deux  épées  en  bronze  de 
Baoux  (collection  Garcin  et  Lazard).  Certaines  de  ces  armes, 
comme  la  majorité  des  pointes  de  flèches  et  des  bracelets  en 
bronze,  sont  de  Tâgc  du  fer  ;  j  arrive  donc  ici  à  l'époque  histo- 
rique. 

Vous  me  pardonnerez  de  ne  pas  résister  au  plaisir  de  rappe- 
ler les  recherches  dans  nos  Alpes  Provençales  de  M,  Chantre 
cl  de  M.  Mûller  et  spécialement  celles  de  MM.  David-Martin 
et  Georges  de  Manteyer  dans  les  tumulus  hallstattiens  de 
Chabestan. 

Je  viens  de  retracer  sommairement  Tétat  actuel  de  nos  con- 
naissances sur  les  industries  successives  de  Tantique  Provence. 

Je  constate  le  peu  de  renseignements  possédés  sur  le  paléoli- 
tique. 

En  ce  qui  concerne  le  néolithique,  je  propose  une  distinction, 
qui  meparatl  utile,  entre  la  civih'sation  fnisiedes  habitats  dans 
les  grottes  et  le  camacéen  des  stations  en  plein  air,  une  place  à 
pan  étant  faite  pour  nos  tr^  rares  stations  à  billes  polies. 

Les  documents  sur  i*lge  de  bronze  sont  également  très  rares. 
Les  fouilles  des  oppidums  ivous  permettront  peut-être  uUé- 
rieure^ient  de  distinguer  ce  qui  peut  être  antérieure  Tâgr  du 
fer  dans  quelqu'un  de  nos  vieux  camps  provençaux. 


-  i59- 


II 


Présentation  le  liverses  pWoppliies  Uies  lu  lolmen 

de  Colle-Basse»  à  St-Cézairç 

par  Paul  60BT,  de  Grasse 

Correspondant  de  CEcole  d^ Anthropologie  de  Paris, 
htembre  de  la  Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  des  Alpes-Maritimes. 


En  présentant  ces  documents  photographiques,  notre  but  est 
de  montrer,  sous  ses  divers  aspects,  un  des  plus  beaux  dol- 
mens de  l'arrondissement  de  Grasse  :  le  dolmen  de  Collebasse. 
Les  archéologues  qui  n'ont  pu  assister  à  Texcursion  du 
Congrès  de  Monaco,  dans  les  montagnes  de  Grasse,  se  feront 
ainsi  une  idée  précise  du  genre  particulier  des  dolmens  de 
cette  partie  des  Alpes-Maritimes,  où,  jusqu'à  présent,  ces  sortes 
de  monuments  ont  été  signalés  en  plus  grand  nombre  qu'en 
aucun  autre  point  de  la  Provence  *. 

Le  dolmen  de  Collebasse  ou  du  bois  d'Amon  est  situé  à 
l'est  de  Saint-Cézaire,  entre  ce  village  et  Cabris,  à  une  altitude 
de  596  mètres.  Il  est  composé  d'une  cella  de  i  mètre  90  de 
longueur,  formée  de  5  dalles  :  une  grande  à  l'est,  une  au  nord, 
une  au  sud,  enfin  de  deux  à  l'ouest,  assez  distantes  l'une  de 
l'autre  pour  former  une  entrée  de  o"'40  à  o"8o  de  large.  Celle- 


'  Une  étude  complète  et  détaillée  de  tous  ces  monuments  est  préparée 
en  ce  moment  par  M.  Goby  ;  elle  paraîtra  prochainement. 


csi  prcccdec  d'un  couloir  ou  vestibule  de  2  nièircs  de  U 
limité  sur  ses  c6tcs  par  de  belles  dalles  levées,  presque  auss 
gnindcs  que  celles  de  la  cella;  le  tout  est  entouré  d'un  énorme 
{Sil^l  de  pierres,  formant  tumulus.  encaissant  la  cella  jus- 
qu'â(L\  rebords  ei  ayant  un  diamètre  total  de  18  m.  sur  1  m. 
à  1  m.  5o  de  hauteur  au  Sud. 

Kn  1S66.  Baur^ignai  avait  connu  Tcxistencede  ce  dolmen, 
liijiis  le  temps  dont  il  disposait  ne  lut  permit  pas  d'y  pratiquer 
de$  recherches  ;  ce  soin  fui  laissé  à  de  Maret  qui  fouilla  la 
sépulture,  le  3  mars  1876.  11  y  découvrit  un  certain  nombre 
de  dems  ei  d'ossements  humains  qui  furent  étudiés  par  le 
pcotesseur  Gervais;  ÎJ  y  trouva  encore  une  perle  en  bronze, 
une  pendeloque  en  os  et  une  incisive  de  porc.  Ayant  repris 
iK>us*m*me,en  ujoa*  quelques  fouilles,  nous  avons  également 
recueilli,  dans  le  tamisage  des  terres,  une  cinquantaine  de 
deius.  divers  ossements  en  fragments  et  quelques  morceaux 
de  poteries,  sans  ornements. 


PRÉSENTITtON    OE    OOCUiENTS    PHOTOGRAPHIQUES 
CONCERNINTLE  SARCOPHkGE  DES  VALEHTIMS  DE  VILDEROURE 


M.  Paul  Goby  présente  plusieurs  photographies  concernant 
un  sarcophage  romain,  situé  dans  les  montagnes  de  Grasse 
(à  t. o5o"  d'altitude  au  moins),  non  loin  du  hameau  des  Va- 
lentins  (commune  de  Valderuure,  Alpes-Maritimes),  au-des* 
sous  de  la  chapelle  Samt-Lcon. 

Ce  sarcophage»  délaissé,  comme  tant  d  autres  monuments  du 
même  genre,  et  tout  recouvert  de  broussailles,  est  couché  sur 
le  côté,  à  droite  d'un  petit  sentier  et  à  proximité  d'une  fontaine, 
où  il  avait  servi  jadis  d  abreuvoir. 


—  i6i  — 

Joe  inscription, fort  mal  conservée,  très  difficileàlire.  figure 
ir  une  des  faces  latérales  iTestampa^e  en  sera  pris  à  la  pre- 
lière  occasion).  La  pierre  où  il  a  été  taillé  appartient  au  cal- 
lire  jurassique  du  pays  *,  Il  sa^it  là  d'un  tombeau  à  inciné- 
liions;  on  peut  y  distinguer  encore,  à  rintérieur,  les  restes 
cinq  compartiments,  dont  les  cloisons  de  plusieurs  d  entre 
IX  ont  été  brisées.  Ce  tombeau  mesure  2  mètres  environ  de 
>ngueur  sur  0,60  centim,  de  large  et  0.60  centim,  de  hauteur. 
.Sénequier,  en  i885,ravajl  déjà  signalé,  dans  ses  Excursions 
\rchéolùgiqu€s  aux  emnrons  de  Grasse  (Annales  de  la  Société 
^es Lettres*  Sciences  et  Artsdes Alpes-Maritimes, Tome X); mais 
serait  bon  que  ce  monument  fût  inscrit  sur  la  carte  et  dans 
finventaire  des  Monuments  Romains  de  Provence.  Les  photo- 
^"aphies  qui  le  représentent  sont  inédites  ;  elles  permettront  de 
tonner  une  idée  plus  précise  de  ce  document,  qui  est  plein 
'iniérél  pour  le  pays  de  montagne  où  il  a  été  découvert. 
L'auteur  demande  que  Ton  fasse  également  figurer  sur  la 
arte  et  dans  Tinventaire  des  Monuments  Romains  de  Pro- 
Nnce,  un  autre  sarcophage  qui  se  trouve  dans  la  même  ré- 
[îon.  prèsd*Andon  au  ^Collet  de  la  Serre j^, propriété  Edouard 
'uneL  L'inscription  qui  est  ici  mieux  conservée  et  très  visible, 
été  relevée  autrefois  par  Revellat  et  Sénequier. 
Les  territoires  d'Andon»  de  Caille,  de  Valderoure.  de  Séra- 
lon  possèdent  encore  des  restes  de  voies  romaines  et  des  mil- 
lîaires,  et  au  cours  de  différentes  excursions  dans  le  pays, 
M.  Paul  Go  by  a  pu  recueillir,  sur  de  véritables  stations  jusque- 
inconnues,  des  fragments  de  doliums,  d  amphores,  de  gran- 
des legulae  rouges  et  jaunes,  des  fragments  de  moulins  à  bras 
(meta  et  catillusi  en  trach)ie  et  surtout  en  porphyre  rouge  de 


*  Pour  les  études  géologiques  de  ce  pays,  consulter  les    importants 
ivaui  et  la  carte  de  M.   le  D'  A.  Gaébhard  de  Satnt-Vallter-de-Tbief. 


oonQnàa.  —  II* 


-  i6a  — 

TEstérel.  Une  monographie  plus  détaillée  de  ces  trouvailles  et 
de  leurs  emplacements  sera  donnée  ultérieurement  par  Tauteur. 


TOMBEAU  DU   PUITS-DU-PLAN  k  SAINT-CÈZAIRE. 

M.  Goby  présente  également  plusieurs  photographies 
inédites  d'un  autre  tombeau  romain,  situé  non  loin  du  village 
de  Saint-Cézaire  (Castrum  Caesarii),  à  louest  de  Grasse,  tout 
près  d'un  énorme  puits,  au  quartier  dénommé  «  le  Puits-du- 
Plan  ».  (Voir  pi.,  fig.  2.) 

Ce  sarcophage  avait  abrité  les  restes  d'une  jeune  fille  de  dix- 
huit  ans,  du  nom  de  Sempronia,  grande  famille  de  Rome*. 

L'inscription  qui  est  gravée  sur  un  des  côtés  est  la  suivante: 


M  OCTAVI MOnOS 

IVGK  FORO  DVCERET  IPS...  D...  VIT 

VIXÏT  AN  XVIII  M  OCTAVIVS 

NVS  ET  IVLIA  SEMPRONIA   INFELICISSIMI. 

PARENTES   IN    DOLORIS   SOLA 

10   DVLCISSIMO   ET   SV 


Cette  inscription  figure  dans  l'ouvrage  de  Noyon  :  Statisti- 
que du  département  du  Van  18461»  page  870.  Dans  son  diction- 
naire de  Provence,  dès  i835,  Garcin  avait  déjà  signalé  ce 
monument. 

Le  tombeau  serait  à  la  même  place  depuis  plus  de  80  à 
100  ans,  servant  d'abreuvoir  aux  bestiaux  du  pays. 


I.  I^  famille  des  Gracques,  dont  plusieurs  membres  ioaèrent  k  Rome 
un  rôle  si  important  ei  si  fameux,  faisait  partie  de  la  gens  Sempronia, 
La  temme  de  0.  Junius  Brutus.  consul  en  77,  était  aussi  une  Sempromim. 


-"  i63  - 

Les  Romains  ont  laissa  à  Saini-Cézaîre  d'autres  traces  inté- 
I fessantes  de  leur  passage  ou  séjour  :  un  vieux  pont  près  de  la 
Stagne,  d*anciennes citernes (?)*  quelques  restes  de  villas  habi- 
[l<!cs,  croit-on,  par  des  officiers, 

U  est  vraiment  regrettable  que  des  monuments,  tels  que  le 
I  sarcophage  de  Valderoure,  celui  de  Saini-Cëzaire  et  tan  tdautres, 
ld*une  réelle  importance  par  icur  rareté  dans  ces  pays  de  mon- 
tagne, qui  intéressent  au  plus  haut  degré  Thistoire  bien  im- 
[prccisede  certains  centres,  soient  délaissés  à  ce  point  par  les 
[municipalités,  par  les  communes  qui  devraient  en  avoir  et  la 
[garde  et  le  soin.  Ces  monuments  se  dégradent  de  jour  en  jour 
Ict  sont  exposés  a  toutes  les  intempéries,  quand  ce  n'est  pas  au 
[vandalisme  inconscient  du  paysan»  du  berger  ou  du  premier 
passant. 

Il  est  désirable  que,  dans  toute  notre  Proi*ence,  une  pro- 
^tection  plus  efficace  soit  accordée  à  ces  vieux  restes  et  que  les 
Sociétés  archéologiques  des  départements  ou  le  Congrès  choi- 
fsissent  des  délégués  qui  seraient  chargés  (ils  auraient  ainsi  plus 
d'autorité)  de  faire  des  démarches  personnelles,  afin  d'arriver 
à  mettre  en  Heu  sûr,  dans  chaque  région,  les  antiques  monu- 
ments abandonnés.  Si  les  musées  des  grandes  villes  sont  trop 
éloignés, qu'on  utilise  au  moi ns« dans  les  villages,  quelque  salle 
de  mairie  ou  les  écoles. 

En  choisissant  les  écoles,  il  y  aurait  peut-être  même  profit 
pour  l'avenir  Quand  Tinsiituteur  aura  appris  aux  enfants 
rinlérèl  majeur  qui  se  rattache  aux  objets  archéologiques* 
ceux-ci,  tout  jeunes,  s'habitueront  à  les  respecter  et  il  est 
certain  que,  dans  la  suite,  ces  jeunes  gens  viendront  signaler 
d'eux-mêmes  ou  rapportera  l'école  (ne  serait-ce  que  dans  le 
but  de  faire  plaisir  à  leur  maître),  les  médailles  et  autres  objets 
Urouvés  dans  les  campagnes,  Par  ce  moyen,  bien  des  restes 
précieux  pourront  être  connus,  et  d'autres,  au  lieu  d'être  per- 


—  ib4  — 

dus  ou  détruits,  seront  conserves  pour  la  plus  grande  utilité  dëT 
études.  11  serait  à  souhaiter  qu'un  vœu,  pour  la  conservation 
et  la  mise  en  lieu  sûr  des  monuments  délaissés,  romains  et  au- 
tres, de  Provence,  iïit  formulé  à  l'occasion  de  ce  Congres*  Ce 
vœu  est  nécessaire  et  trop  important  pour  qu'il  soit  besoin 
d'insister  auprès  de  ceux  que  font  agir  les  mêmes  aspirations. 
C'est  par  une  action  commune,  avec  quelque  peine  person* 
nelle  (peu  agréable  parfois  K  qu'il  faut  savoir  à  l'occasion  s'im- 
poser, qu'on  arrivera,  un  peu  partout,  à  sauver  et  à  conserver 
une  foule  de  documents  doni  Fimportance  grandira  encore 
au  fur  et  à  mesure  d'autres  découvertes.  11  s'agit  de  rassembler 
pour  plus  tard  des  points  d*appui  positifs,  des  données  certai- 
nes, des  termes  de  comparaisons  utiles,  souvent  indispensables, 
pour  rhistoire  particulière  de  chaque  pays  et  pour  Thistoire 
'énérale  de  noire  vieille  Provence.  Si  on  le  désire  vraiment. 


n' 


qu'on  sache  en  prendre  tous  les  moyens! 


MONNAIES  ROMAINES  TROUVÉES  A  SAINTCËZAIRE  (ALP.-HIARITJ 

A  différentes  époques  déjà,  le  territoire  de  Saint-Céxaîre 
avait  fourni  un  certain  nombre  de  monnaies  romaines.  Les 
quartiers  de  la  Trcillère,  du  Puits-du-Plan,  de  Campcivière 
notamment,  avaient  donné,  au  cours  des  cultures  des  terres, 
avec  d'autres  objets  de  la  même  période,  des  grands  et  petiis 
bronzes  d*Auguste,  de  Tibère,  Caligula,  Claude»  Néron,  Titus, 
Domitien,  Trajan,  Héliogabale,  etc.  Ces  monnaies  sont  au- 
jourd'hui égarées  on  ne  sait  où.  Quelques-unes  ont  été  vendues 
aux  étrangers  de  passage  ;  d'autres  sont  dispersées  dans  quel- 
ques rares  collections. 

A  litre  de  documentation  locale,  nous  croyons  utile  d'ajouter 


—  i65  — 


aux  précédentes  trouvailles  la  liste  des  bronzes  suivants,  mis  à 
découvert,  il  y  a  7  à  8  ans,  pendant  le  défoncement  d*un  ter- 
rain, par  M.  Daver,  propriétaire  au  quartier  de  Mauvans,  dans 
une  station  gallo-romaine,  située  au-dessous  du  camp  retran- 
ché du  même  nom. 

Nous  adressons,  en  la  circonstance,  nos  plus  vifs  remercie- 
ments au  savant  membre  de  l'Institut,  M.  Ern.  Babelon,  qui  a 
bien  voulu  faire  la  détermination  précise  de  ces  monnaies  : 


r  Monnaie  usée 
2"  Moyen  Bronze 

4**  Moyen  Bronze 
5'  Grand  Bronze 


b         »        » 
7**  Moyen  Bronze 
8**  Grand  Bronze 


10"" 


Moyen  Bronze 
Grand  Bronze 


Auguste  ou  personnage  de  sa  famille. 
LuciLLE  (?),  femme  de  Lucius  Verus. 
:  Hadrien.  R/VIRTVTI  AVGVSTI. 
:  Marc-Aubêle. 
:  Marc-Aurèle,  TR.    P.    XXVI    (an    172 

après  J.-C.). 
;  Commode. 
;  Septime  Sévère. 

Alexandre  Sévère  P.  M.  TR.  P.  X.  COS. 
III    P.   P.    —  (Le  Soleil)  —   (An    23 1 
après  J.-C). 
Alexandre  Sévère  —  TR.  P.  XI  (An  232 

après  J.-C). 
Gordien  III  —  R/  le  Soleil. 
VoLusiEN,     fils    du    Tribunien    Gallus. 
(251-254  après  J.-C). 


-  i66  — 
MONNAIES    MASSALIOTES 

PROVENANT 

DE  L'ARRONDISSEMENr  DE  GRASSE. 


Dans  son  intéressant  travail  sur  les  sujets  d'études  à  traiter 
plus  spécialement  au  Congrès  colonial,  M.  Henri  Froidevaux  * 
a  fait  ressortir,  avec  beaucoup  de  justesse,  l'importance  qu'il  y 
aurait  à  dresser  un  inventaire  de  tous  les  documents  grecs  ou 
massaliotes,  recueillis  sur  notre  terre  de  Provence.  Il  est  de 
toute  nécessité,  pour  l'histoire  de  l'antique  Massalia,  de  savoir 
jusqu'à  quels  confins  a  pénétré  sa  civilisation,  quels  sont  les 
points,  dans  l'intérieur  de  nos  montagnes,  qui  ont  reçu  des 
objets  de  son  industrie  et  de  son  commerce,  quelle  est  la  na- 
ture de  ces  objets.  Il  y  a,  sur  ce  sujet,  encore  beaucoup  à  faire, 
beaucoup  à  trouver. 

Ccst  en  recueillant  petit  à  petit  les  moindres  documents 
qu'on  arrivera  à  former  un  faisceau  de  quelque  valeur.  La  plus 
modeste  trouvaille  peut  avoir  son  importance,  surtout  quand 
on  peut  en  désigner  exactement  la  provenance,  le  lieu  du  gise- 
ment. 

Je  n'ai  ni  l'intention,  ni  l'espace  pour  m'essayera  faire  ici  un 
relevé  général  des  objets  grecs  ou  massaliotes  recueillis  soit 
dans  les  Alpes-Maritimes,  soit  sur  toutes  nos  côtes  proven- 


*  Henri  Froidevaux.  —  Un  questionnaire  d'Histoire  Coloniale  Marseit» 
taise  et  Provençale  (Annales  de  la  Société  d'Études  Provençales.  AU. 
3*  année,  n»  ?,  mai-juin  1906,  p.  1  a3  à  137). 


—  lôy  — 

cales.  Je  veux  me  borner  seulement  à  signaler  quelques  trou- 
vailles faites  aux  environs  de  Grasse,  et  à  en  indiquer  la 
date. 

L'arrondissement  de  Grasse  a  fourni,  à  différentes  reprises, 
des  monnaies  massaliotes  et  grecques.  Le  musée  de  Cannes 
en  possède  quelques-unes,  qui,  croit-on,  proviennent  égale- 
ment du  pays  ;  mais  la  plupart  n*ont  pas  leur  étiquette 
d'origine. 

Voici  l'empreinte  d'une  monnaie  recueillie  à  Antibes  en 
1869;  elle  se  trouve  actuellement  dans  la  collection  de  feu  Ca- 
vallier,  à  Grasse.  M.  Er.  Babelon,  membre  de  l'Institut,  et 
M.  Gustave  Martin,  l'aimable  conservateur  du  cabinet  des 
Médailles  de  la  ville  de  Marseille,  ont  bien  voulu  l'examiner. 

Il  s'agit  d'un  bronze  Massaiiote: 

Tète  d*Apollon  à  gauche,  couronnée  de  laurier. 

R/  —  Taureau  cornupète  à  droite,  à  Texergue  MASSAAIHTÛN. 

En  1869  et  1873,  on  en  a  trouvé  également  à  Saint-Cézairc, 
près  Grasse  ;  avant  de  pouvoir  en  faire  paraître  les  repro- 
ductions photographiques,  j'en  soumets  dès  aujourd'hui  les 
empreintes  aux  membres  du  Congrès.  Ces  monnaies  sont 
en  argent  ;  plusieurs  appartiennent  à  la  Collection  feu  Caval- 
lier  ;   une  autre,  à  la  Collection  Jusbert,  de  Grasse. 

Trois  proviendraient  d'une  belle  trouvaille  qui  aurait  été 
faite,  en  1878,  à  Saint-Cézaire. 

Un  paysan,  en  bêchant  ses  terres,  aurait  mis  à  découvert  un 
ase,  qui  contenait  3oo  (?)  monnaies  en  argent,  massaliotes 
ou  grecques.  Je  n'ai  pu  savoir  ce  qu'étaient  devenues  les 
autres.  On  m'a  affirmé  qu'elles  avaient  été  vendues  à  un  bijou- 
tier inconnu.  Ce  qui  est  certain,  c'est  qu'au  milieu  de  ces  mon- 
naies, se  trouvait  également  un  fort  bel  anneau  en  bronze. 


«R6. 


«R6. 


«R6. 


—  i68  — 

aplati,  du  même  genre  que  certains  autres  recueillis  dans  la 
cachette  de  la  Combe,  à  Saint- Vallier-de-Thiey  *. 

L  anneau  est  actuellement  encore  entre  les  mains  de  M.  Jus- 
bert,  à  Grasse,  à  qui  il  fut  vendu,  avec  deux  drachmes,  quel- 
ques mois  après  la  découverte. 

M.  Gustave  Martin  a  eu  l'obligeance  défaire  la  détermina- 
tion exacte  de  ces  différentes  monnaies  ;  nous  Ken  remer- 
cions bien  cordialement. 

Dbachmb^  Massaliotes  : 

Tête  de  Diane  â  droite,  pendants  d*oreiIle. 

R/  —  MASilA  —  Lion  marchant  à  droite,  à  Texergue  IIIA  (r). 

(Cinquième  époque  —  2«  type  de  Diane.) 
Monnaie  trouvée  à  Saint'CéTiaire  [Alpes-Maritimes],  en  i8/3.   (Coll. 
Cavallier-Saisse  à  Grasse.) 


Tête  de  Diane  à  droite,  avec  l'arc  et  le  carquois,  pendants  d'oreille. 
R/  —  MASIA  —  Lion  marchant  à  droite,  dans  le  champ  A  (?). 

(Cinquième  époque  —  2*  type  de  Diane.) 
Monnaie  trouvée  à  Saint  Cé^aire  (Alpes-Maritimes),  en  iSyS,  (Coll. 
Cavallier-Saisse,  à  Grasse.) 


Buste  de  Diane  à  droite  avec  ses  attributs. 

R/  —  MASSA  —  Lion  à  droite,  à  Texergue  NAA. 

(Sixième  époque  —  3*  type  de  Diane.) 

Monnaie  trouvée  à  Saint -Césiaire  (Alpes-Maritimes),  en  i86g,   (Coll. 
Cavallier-Saisse,  à  Grasse.) 


*  Bronzes  et  Parures  en  argent,  à  Saint-Vallier  {Alp,'Marit),(tAAléTiaLU7i 
pour  l'hist.  prim.  et  nat.  de  Thomme.  Tome  IX,  6*  liv.  Juin  1878,  p.  291). 


I 


r 


IR6. 


ms. 


—  i6g  — 

Baste  de  Diane  à  droite  avec  ses  attributs. 

R/  —  MASSA  —  Lion  à  droite.  Dans  le  champ  A,  à  Icicrgne  IIER. 

Monnaie  trouvée  à  Saint  Cés^aire  (Alpes-SfarUimes),  en    /86g.  tColl. 
Cavailier-Saisse,  à  Grasse.) 


Buste  de  Diane  k  droite  avec  ses  attributs. 

R/  —  MASSA  —  Lion  à  droite.dans  le  champ  A,  à  l'exergue  TVA  (?). 

Monnaie  trouvée  à  Saint'Cé^aire  [Alpes- Maritimes),  en  tSjS,  (Coll. 
Josbert  à  Grasse.} 

Enfin,  dans  les  fouilles  que  nous  poursuivons  depuis  deux 
ans.  dans  lenceinte  du  Camp-du-Bois  au  Rourel,  il  nous  a  été 
donné  de  recueillir,  dans  une  grande  tranchée  de  33  mètres,  plu- 
sieurs monnaies.  L'une  d'elles  est  indéterminable.  La  deuxième, 
extraite  à  i  mètre  25  de  profondeur,  est  en  métal  cassant  et 
serait,  d'après  M.  Babelon,  une  grossière  imitation  barbare  de 
la  suivante.  M.  Déchelette  Ta  étudiée  également;  elle  lui  a 
paru  se  rapprocher,  comme  facture,  de  certaines  monnaies 
gauloises;  la  troisième  (mise  à  jour  à  o,8ocentim.  de  pro- 
fondeur des  fouilles)  est  un  beau  bronze  massaliote,  du  iii«  au 
1^  siècle,  tout  recouvert  d'une  belle  patine  (tète  d'Apollon  à 
droite,  taureau  cornupète  de  l'autre). 

Il  était  intéressant  d'attirer  l'attention  des  archéologues 
sur  ces  dernières  monnaies  recueillies  en  place  dans  un  des 
camps  les  plus  rapprochés  d'Antibes,  ancienne  colonie 
grecque. 

La  continuation  des  fouilles  nous  apportera,  sans  doute, 
d'autres  documents  et  nous  permettra  peut-être  d'avoir  déplus 
amples  renseignements  sur  les  relations  (commerce  ou  pil- 
lage) des  tribus  barbares  de  la  montagne  avec  les  Grecs  de 
la  côte. 


—  ryo  — 

Nous  devons  ajouter  que  lecamp  du  Rouret,  sans  parler  d'un 
grand  nombre  d'autres  objets  et  poteries  de  civilisations  difFé- 
rentes  qui  feront  Tobjet  d'une  étude  à  part^  nous  a  également 
fourni,  à  des  niveaux  divers,  une  série  de  poteries  à  couverte 
noire,  Campaniennes,  dont  un  fond  de  vase  porte  des  pal- 
mettes  en  creux>  semblables  à  celles  figurées  sur  certaines  po- 
teries découvertes  au  Baou-Roux,  par  M.  le  professeur  Vas- 
seur,  de  Marseille. 


j 


r 


-  171  — 


m 


NOTE  SUR 


5T0MAAIMNH 

par  M.  Georges  DE  MANT£T£R 

sAncitn  membre  de  r  École  française  de  Rome, 
Président  de  la  Société  d'Études  des  Hautes-Alpes, 
Membre  associé  régional  de  t Académie  d'Aix  ;  Membre  titulaire 
de  r  Académie  de  Vaucluse. 


Les  substantifs  grecs  XtfivYp  étang,  et  aTôos,  bouche,  ont 
formé  un  composé  de  genre  variable  qui  désigne  certains 
étangs.  Ce  composé  est  donné  par  Théocrite  sous  la  forme 
TroazÀt{i.vov  *  et  par  Strabon  sous  la  forme  (iTojiaAîji.vT,  *. 


*  Id.  IV.  23-95.  xai  jJiàv  kç   oto^iiaiulvov  âXaûveTX'.  1;  tc  tz  4>u^x(d, 

xal  icoTi  TÔv  Nr^aiftov,  oitx  xaXs  wxvTa  ^ûovTt, 
atyiirupoç  xat  xvûïa  xai  e'jcuôTjç  {jieAtTeta. 
Le    tradacteur   rend    èç  <rro^aÀi;jLvov  par  ad  paludis  ostium  (Poeue 
tmcolici.  Parisiis,  Didot.MDCCCLI,  p.  9). 

•  Ubr.  IV,  cap.  1,  $8. 

«>::csx£iTst  oà  tûv  êxSoXuîv  tou  'Poôavou  Xi^voOzXaTTa,  xaXouot 
oc  <rrottaXt[jLVT,v,  oçrpaxia  ô'  e/£i  itifiiroXXa  xai  aXXcoç  vjO'^eV  TaÛTT,v 
o*  Evioi  auvxaTTjpiOuLTjdav  toîç  dTÔaadî  tou  'Pooavou,  xal*u.aXt(jTa  01 
^T,axvT£;  eTCTaoTOfiov  auTÔv,  0'jt£  tout'  eu  XéyovTEç  ojt '  €X£tvo'  ogo; 
«vii  £«Tt  (LCTai'j  TO  Sieîpyov  iitô  tou  iroTauLOu  tt,v  Xiavr^v. 

Le  tradactear  rend  dTojJLaXijivTjV  par  lacum  prope  ostia  (Strabonis 
geographica.  Parisiis,  DiJot,  MDCCCLIII,  t.  I,  p.  i52). 

Ibid,,  Libr.  XIII,  cap.  i,  1  3i. 

MsTa  0£  TO  *PotTeiov  e<rrt  to  Siyfitov,  xaTC7i:a<;;j.£vT|  ::ôXi;,  xal  to 


Il  convieni  de  rechercher  remplacement  de  ces  cun^^s  et 
reconnaître  ce  que  leur  siiuaiion  peut  présenter  de  particulier. 
On  en  connaît  quatre  et  en  voici  l'indication. 

r  Quand  Strabon  décrit  du  nord-est  au  sud-ouest  la  côte 
de  l'Hellespont,  dans  ledéiroitdes  Dardanelles,  il  nomme  suc- 
cessivement les  villes  de  Dardanos,  Ophrynion^  Rhoïteion. 
celle-ci,  avec  son  littoral  bas  où  se  voit  Aianteion.  Après 
Hhoïieion,  Strabon  nomme  immédiatement  la  ville  détruite 
de  Sigeion  ;  puis,  il  revient  sur  ses  pas  pour  décrire  le  lieu  dit 
Stomalimne  et  aussi  les  bouches  du  Scamandrequi  occupe  la 
plaine  avec  le  Si  mois  entre  Rhotieton  et  Sigeion.  Ces  deux 
fleuves»  dit-il.  amenant  une  i;rande  quantité  de  limon,  le  ré- 
pandent sur  la  cc^ie»  y  forment  des  marais,  des  étangs  d'eau 
saumàtre  et  leur  embouchure  s  obstrue  •- 

Cest  évidemment  près  de  celte  embouchure  du  Scamandre 
Cl  du  Simoïs  que  doit  se  placer  l*étang  dit  Stomalimne  et  le 
lieu  qui  en  a  pu  porter  le  nom* 

2*  Plus  loin,  à  propos  de  la  Cane,  décrivant  I  île  de  Kos, 


WM\  Ikr^  TTOSOÎJm.  {Ibid,i  U  I,  p.  5og,) 
md.,  Libr.  XrV,  cip.  II.  |  19. 

iito  5î>«*iK  5k  TÔ  ^stxxvov  xal  xoijxtjV   xïAOutjLivT.v  ^t^^j/    ^ 
itUJ..  t.  1.  p,  ôôi.i 

Suinr  U  descnptÎQti  de  Strabon  sar  tx  ûrte  de  H.  Kiepert  ;  SpMiâ  I 
kênt  tom  Westtîchcii  Kleinxsicn.  Bcritn,  Qieinch  Rcimer,  î^,  b*  ir* 

V  joindre  Ix  cine  de  M.  A.  Bouché-Lectcnrq  qui  doanc  tx  dispositkM 
de  rxt»«ico  nv#|^  c«  retnit  iBoucixC'Lecicfcq,  ,tff«  pomr  ttrvtr  à  thiÈ* 
t^irt  fTfCfsr  éê  £.  C»rf^»«*  I^Aru,  i^l,  PI.  IV«  PUiiie  de  Troie). 


-  173- 

dans  le  groupe  des  Sporades,  Strabon  •  dit  que  cette  île  est 
terminée  au  sud  par  le  promontoire  Laketer,  actuellement  cap 
Krokilos,  et  qu'elle  présentera  l'ouest  le  Drekanon  *.  La  posi- 
tion du  Drekanon  est  établie  par  le  fait  qu'il  se  trouvait  à 
200  stades  de  navigation  au  sud  de  la  ville  de  Kos  et  à  35  au* 
nord  du  Laketer  :  en  raison  de  ces  chiffres  qui  ont,  au  moins, 
une  valeur  proportionnelle,  le  Drekanon,  éiani  beaucoup  plus 
rapproché  du  Laketer  que  de  la  ville,  ne  peut  guère  être  iden- 
tifié qu'avec  le  cap  actuel  Daphni,  sur  la  côte  occidentale  de 
l'île.  Or,  Strabon  rattache  au  Laketer  le  lieu  de  Halasarna 
et  au  Drekanon  le  lieu  de  Stomalimne  ;  il  en  résulte  que  Sto- 
malimne  peut  avoir  existé  au  moins  aussi  loin  du  Drekanon 
sur  la  côte  occidentale  que  Halasarna  du  Laketer  sur  la  côte 
méridionale. 

C'est  donc  très  justement  que  Kiepert  identifie  Stomalimne 
avec  le  seul  étang  marqué  dans  l'île  sur  le  bord  de  la  mer  et 
sans  communication  actuelle  apparente  avec  elle,  placé  entre 
l'embouchure  de  deux  cours  d'eau  et  en  face  de  l'île  Pséri- 
mon.  Dans  le  voisinage  de  cet  étang,  existait  donc  une  ville 
qui  en  avait  pris  le  nom. 

30  Théocrite  place  sa  quatrième  idylle  aux  portes  de  Co- 


'  Stkab.  libr.  XIV,  cap.  11.  |  19. 

H.  K.IEPERT,  Speciaikarte  vom  Wesilichen  Kleinasien,  n»'  xiii  et  x. 

*  L'index  de  rédition  de  Didot  (t.  II,  p.  794)  oublie  d'indiqaer  cette 
localité  :  mais  les  ëditears  da  Thésaurus,  d'après  ce  texte  de  Strabon,  en 
lent,  ce  qai  est  naturel,  un  promontoire  de  Kos,  comme  le  Laketer, 
iTbesaurus  grccc  lingux,  vol.  II,  col.  1676.  Parisiis  Didot  i833).  —  Cf. 
O.  Rayet,  Mémoire  sur  nie  de  Kos.  Paris.  Impr.  Nat.  1876.  (Extrait  des 
Arch.  des  missions,  3*  série,  t.  III.  in-8«  de  84  pp.  avec  une  carte  hors 
texte).  L'éung  n'y  est  pas  nommé.  Il  se  trouve  à  l'embouchure  de 
r  A).£'.;. 


—  174 

trône,  en  Calabre  *.  Le  berger  Cor}'don  fait  paître  une  génisse 
sur  les  bords  de  la  ri  vière  .4 /^aros  vers  les  ombrages  du  L^f^'iw- 
non,  landis  que  son  compagnon  Battus  pousse  un  taureau 
couleur  de  feu  du  Stomalimnon  au  mont  Fuscon,  puis  vers  le 
fleuve  Neaiîhosoù  viennent  les  plantes  odorantes. 

Il  est  facile  d'identifier  le  Neailhos  de  Théocrîte  avec  1^ 
Ncto  actuel  qui  se  jette  dans  la  mer  à  i5  kilomètres  environ 
au  norddeCoironc  Quanta  i*A i^aros, à  rembouchure duquel 
était  vraisemblablement,  selon  Strabon  ^,  le  pon  de  Coirone* 
c'est,  sans  aucun  doute,  TEsaro,  c'est-à-dire  la  rivière  qui 
arrive  à  la  mer  à  un  kilomètre  au  nord  du  promonioire  ou 
s'élève  Coirone  '♦. 

De  plus,  il  semble  bien  qu'il  faille  identifier  le  mont  Ftacon 
avec  le  monte  Visco  vaîello,  qui.  mesurant  98  mètres  de  hau- 
teur, se  trouve  à  environ  deux  kilomètres  au  sud-ouest  de 
Cotrone,  sur  la  rive  droite  même  de  TEsaro. 

Comme  le  monte  Visco,  Tétang  Stomalimnon  doit  donc  être 
placé,  non  pas  à  Tembouchure  du  Neto,  mais  à  celle  de  rEsaro. 
c'est-à-dire  à  proximité  de  Cotrone. 


'   Dans   ta  province  de    Catanzaro.  —  Voir    la  Carta    topografica  del 
Regno  i   lOOOOQ";  f»'  a38»  III  :  Cotrone.  et  IV  ;  StrongoH. 
Theocr..  Id*  IV,  vers  17-ig,  23-i5  (éd.  Didoi.  p.  9). 

*  Strab.^  hb.  VL  cap,  u  |  ta.  (Ed.  Didoi,  ù  L  p.  217). 

ïlpWTTi   5'sffTt  K&OTUJV    Vt   ixOtTCjV    K3ll    lïCVTr^XÛVTflt  ffTat5(otç   iit^   t«5 

Aû{xtv{au  xQtl  TcoT^tiôc  Ai^«ûoç  xotl  XtjJLT^v  x«l  àXXo;  t^ùi^^M  Néai^oç... 

•  Le  nom  de  VEsaro  paraît  manquer  sor  la  cane  au  11 00.000%  levée  en 
1870  par  l'élève^ngénieur  Manchegiani.  sous  la  direction  du  capitaine 
Carénai;  tnais  le  cours  de  la  rivière  7  est  très  visible  :  elle  se  termine,  I 
rerobouchurc,  par  une  sonc  de  renflement  en  forme  d'étang,  dont  la 
communication  avec  la  mer  est  interceptée  par  un  cordon  de  sable.  On 
SAit.  par  ailleors,  que  Cotrone  se  trouve  sur  le  flanc  septentrional  du 
mont  Corvaro.  i^  Tembouchure  de  l'Efaro  (Morosï,  Di\ionario  di  erw 
diKione  stùrka-eccteiiaUica,  vol.  xvrii,  p.  i^|. 


-  t75  - 

4«  Sirabon,  parlant  des  bouches  du  Rhône,  dit  qu'au-delà 
de  CCS  bouches  se  trouve  un  étang  salé  appelé  Stomalimne. 
Cet  ciany  contient  une  grande  quantité  d'huîtres  et,  surtout,  il 
abonde  en  poissons,  C  est  à  tort  que  certains  géographes 
lavaient  mis  au  nombre  des  bouches  du  fleuve  qui,  selon  eux, 
en  possédait  sept;  car  une  hauteur,  formant  obstacle,  sépare  le 
rteuve  de  l'étang  n 

Le  fait  précis,  que  Tétang  en  question  est  séparé  des  embou- 
chures par  une  élévation,  permet  d*idenlifier  avec  certitude  cet 
étang  et  cette  élévation.  Pour  celle<i,  il  s*agit  de  la  croupe, diri- 
gée Ju  nord  au  sud,  qui  se  termine  au  sud  par  une  colline  plus 
élevée  où  s*étage  le  village  actuel  de  Fos.  Cette  croupe  aboutit 
ainsi  à  proximité  de  la  mer  :  elle  s*élève  au-dessus  des  marais 
delà  Fous  qui  régnent  jusqu'au  Rhôneet  qu'elle  limiteà  Test; 
de  l'autre  côté,  elle  borde  et  surplombe  la  rive  occidentale  de 
rétangditder£>/ournaGi/  Ceiétangn'étaitjadisséparédela  mer 
que  par  tes  sables  de  la  plage.  Son  nom,  comme  Va  remarqué 
IKL  Desjardins,  rappelle  le  grec  Stomalimne  *;  mais  il  peut  ne 
pas  en  provenir  directement.  Kn  eflet,  le  terme  ttûjxi,  que  les 
Grecs  employaient  pour  désigner  l'embouchure  d*un  fleuve,  a 
passé  en  latin.  A  cet  égard,  les  éditeurs  de  Ducange  ne  citent 
qu*un  texte  de  Paul  Diacre  ou  de  son  continuateur  fort  insuf- 
fisant •*;  mais  l'iimérairc  de  Bordeaux  à  Jérusalem,  fait  en  333, 
indique  à  sept  lieues  de  Bordeaux  le  relai  \ad^  Siomaias  qui 
semble  le  prouver  *.  C'est  ainsi  que   ilToaa   [Ltavri     a    pu 


•  Sifâb.  Iib.  IV,  cap,  I,  I  8.  iEd.  Didoi»  i.  I,  p.  iSif, 

Carte  de   t«  Fr»nG«  dreiisëe  par  ordre  du   Ministre  de   Tin  teneur   au 
l 'too.ooo'.  Feuille  xxji-35. 

•  E,  DiSMa^JiNS,  Géographie  de  ia  Gaule  romaine,  l   I,  1876,  p.  2o5. 

•  Pâulè    Diaconi.  libr    XVHI  :  «...  ad  custodicndym  stoma    cremi.  » 
(Oucan^cOtossanum,  Pansiis.  Didot.  1846.  u  VI.  p.  38o.) 

•  B,  DtsjAauiNS^  Géographie  de  ta  GauU  romaine,  t,  IV,  1893,  p.  3h 


--  «76  - 

fèvenir,  en  latin,  [ad    Siomalum,  d'où  le  nom  actuel  Estou-^ 
maou, 

i\n  résumé,  les  quatre  sites  de  Siomalimne  connus  ofTrcnt 
des  caractères  communs.  Chacun  des  quatre  est,  à  proprement 
parler,  on  ctani^  salé  situé  à  la  fois  a  proximité  de  la  mer  et  de 
l'embouchure  d'un  cours  d'eau,  L*étang  ne  communique  pas 
nécessaire  m  eut  avec  le  cours  deau,  car  jamais  un  bras  du 
Rhône  n  a  dû  donner  dans  l'étang  de  TEsioumaou,  D autre 
part,  rétang  ne  débouche  pas  sur  la  mer  ;  il  en  est  séparé  par 
le  sable  de  la  pla^e. 

XTO|i.aXtuivY(  c'est  donc  le  lac  placé  près  l'embouchure  d'un 
fleuve,  çTÔLtatTo;  At;jivY|  ;  ce  n'est  pas  gToji-a  âijjlvttjç,  l'embouchure 
d'un  lac.  Si  le  traducteur  de  Théocriie  a  rendu  l'expression 
i;  <îtojjiaAiav&v  par  ad  paludis  ostium,  dans  Tédition  Didot. 
c'est  une  erreur;  il  convenait  d  écrire  ad  ostii  paludem. 

M.  V.  Bérard  a  vu,  dans  les  noms  du  Simoïs,  d'Astypalée,  de 
Cotrone  et  de  Monaco,  la  preuve  que  les  côtes  où  se  trouvent 
les  Stomalimne  ont  d*abord  été  occupées  par  les  Phéniciens  »  ; 
elles  ont.  ensuite,  été  colonisées  par  les  Grecs  et  ce  nom  d'étan,^ 
date  de  ces  derniers,  il  n'est  pas  surprenant,  par  conséquent» 
de  retrouver  sur  toutes  ces  rives  la  légende  d'Hercule  :  cette 
légende  groupe,  dans  l'itinéraire  du  héros,  les  localités  en 
question. 

En  effet,  d'après  Pindare  que  cite  Strabon  ^,  c'est  à  Kos  que 
les  vents  portèrent  le  vaisseau  d'Hercule  revenant  de  Troie. 

D'autre  part,  dans  l'épisode  des  troupeaux  de  Géryon» 
Hercule,  après  les  avoir  enlevés,  les  mena  d'Espagne  en  Grèce 


*  V.  BittkViù,  La  Xféditerranée  Phénicienne  (Annahi  de  Géographie , 

X.  IV,  p.  a;  1-286,  414-434  :  i.  V,  p.  «57-276). 

•  St«»b,  lib;  VII,  fragcn,  5;  (Dldoi,  t.  I,  p.  284). 


—  177  - 
en  traversant,  selon  Denys  d*Halicarnasse  *,  d'abord  le  Rhône 
et  la  Crau,  où  il  faillit  être  vaincu  par  les  Ligures,  puis  l'Italie 
et,  selon  Diodore  *,  remplacement  de  Cotrone. 

Fos,  19  octobre  1898.  —  Rome,  îo  mars  1899. 

Georges  de  Manteyer. 


Ar^r^KivoiOE 


On  sait  que  la  plage  de  Fos  a  été,  vers  les  bouches  du 
Rhône,  Tune  des  étapes  du  commerce  antique  :  le  nombre  très 
considérable  de  débris  d  amphores  que  la  mer  y  remue  sur  le 
rivage  laisse  entrevoir  quelle  fut  l'importance  du  trafic,  mais 
on  est  encore  peu  fixé  sur  l'époque  où  cette  station  commer- 
ciale fut  délaissée. 

En  compagnie  de  M.  David  Martin,  conservateur  du  Musée 
de  Gap,  le  19  octobre  1898,  l'occasion  fit  rencontrera  Fos  un 
ouvrier  italien  des  salines,  qui,  à  ses  moments  perdus,  recueil- 


*  DiOMYS.  Halic.  Rom.  Antiquit.,  lib.  I,  cap.  xu  (éd.  Didot,  p.  3o). 

*  DiOD.  Sic,  lib.  IV,  cap.  xxiv  (éd.  Didot,  t.  I,  p.  206). 

coNOHJES  —  12. 


-  .78  - 

lait  les  monnaies  éparses  sur  le  sol  '.  Il  en  avait  trouvé  de  quoi 
remplir  quatre  cartons  fixés  sous  verre  aux  murs  de  son  ap- 
partement. Malgré  la  difficulté  d'examiner  ainsi  ces  pièces,  dont 
une  seule  face  était  visible,  on  ne  pouvait  manquer  d'en  dres- 
ser rapidement  le  catalogue  :  c'est  ce  qui  fut  fait  et  en  voici  la 
liste. 


1  L.  Lucreiius  Trio,  monétaire,  vers  680  (74  av.  J.-C),  Babelon  t.  2, 

p.  i53,  I  Lxxxix,  n°  2. 

2  iM.    Lollius  Palicanus,  mon.  v.  709  (45),  avec  la  contremarque  :  C 

t.  2,  p.  148,  {  Lxxxvâi,  n"  2. 

3  M.  Antonius.imp.  et  triumvir,  v.  713(41),  t.  i,  p.  176,5  xi,  art.  2,  n«»  5i. 

4  Le  même,  à  fleur  de  coin, 

5  G.  Julius  Caesar  Octavianus,  v.  726  (28),  t.  2,  p.  64.  |  lxxxii,  art.  8. 

n»  154. 

6  Le  même  avec  la  Victoire  de  Samothrace,  ibidem. 

7  G.  Jalius  Caesar,  v.  696  (58),  t.  2,  p.  10,  S  Lxxxii,art.  7,  n»  9. 

8  Le  même. 

9  L.  Thorius  Balbus,  mon.,  v.  660  {94),  t.  a,  p,  488,  §  clxiv. 

10  Le  même. 

11  Publias    Glodius  Turrinus   M.    f.,  mon.,   v.   711  (43),  t.  i,  p.   35ô, 

%  xxxvi,  art.  8,  n«  i5. 

12  Le  même. 

i3    G.  Glaudius  Pulcher,  mon.,  v,  648  (106),  t.  i,  p.  345,  J  xxxvi,  art.  1. 
14    Le  même. 


*  Il  se  pourrait,  évidemment,  que  l'ouvrier  en  question,  au  lieu  de  trou- 
ver ces  monnaies  à  Fos.  les  ait  apportées  d'ailleurs  et  on  ne  peut  se  por- 
ter garant  de  ses  dires.  On  les  admet,  seulement,  jusqu'à  preuve  du 
contraire. 

M.  A.  Guebhard  a  décrit  ainsi  une  collection  de  120  deniers  romains 
s'étageant  de  l'an  139  à  l'an  i  avant  J.-C.  (Sur  un  trésor  de  deniers  ro- 
mains trouvé  en  1901  aux  environs  de  .Nice.  Nice,  Malvano,  1004,  extrait 
des  Annales  de  la  Soc.  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  des  AlpeS'Maritimes, 
t.  XIX). 


-  179  - 

i3    C.  Licinius   L.   f.    Macer,  mon.,    v.  672  (82),  i.  2,   p.   i33,  S  lxxxv, 
art.  4,  n"  16. 

16  Le  môme. 

17  Man.  FonieiusC.  f.,  mon.,  v.  ()66  (88),  sur  la  joue,  contremarque  /^.^ 

frappée,  t.  1,  p.  5o6,  s  lxviii,  art.  3,  n»  9.  \  ♦  \ 

iS    Le  même.  V' 

19  Marcius  Philippus,  mon.,  v.  694  (60),  contremarque,  à  droite,  faite 

au  ciseau  :  P,  t.  2,  p.  197,  §  xçviii,  an.  8,  n»  28 

20  Le  même. 

21  C.  Vibius  C.  f.  Pansa,  mon  ,v.  664  (90)  t.  a,  p.  540.5  clxxvii,  art.  1, 

n«  4  (?). 

22  Le  même. 

23  Cn.  Cornélius  Lentulus  P.  f.  Marcellinus,  mon.,  v.   670  (84);  qui- 

naire, t.  I,  p.  4i5,  S  xLiv,  art.  10,  n»  5i. 

24  Le  même. 

25  L.  Cassius  Longinus,  mon.,  v.  700  {54),  t.  i,  p.  332,§xxin,  art. 6,  n»  10. 

26  Le  même. 

27  *•.  Crepusius,  mon.,  v.  670  (84K  t.  i,  p.  441,  |  xlix,  n«  i. 

28  Le  même. 

29  M.  Fannius  C.  f.,  mon.,  v.  605(149),  ^'  '»  P*  49L  ^  lxiv,  art.  i.n»  1. 

30  Le  même. 

3i  Paullus  /Emilius  Lepidus,  mon., en  700  (54),  t.  i,  p.  123,  S  v,  art.  4. 

32  Le  même. 

33  M.  Fannius  C.  f.,  mon.,  v.  6o5  (149),  i   i.  p.  491.  %  lxiv,  art.  i . 

34  Le  même. 

35  L.  MemmiusL.f.  Galeria,questeur,  v.  672(82),t.  î,  p.2i6,Sci,art.2ei3. 

36  Le  même. 

37  C.Julius  Cœsar  Octavianus,  (42-38I,  beaUf  t.  2,  p.  53,  5  lxxxii,  art.  8. 

n*  116. 

38  Le  même. 

39  Publius  Clodius  Turrinus  M.  f.,  mon.,  71 1  (43),  t.  1,  p.  356,  %  xxxvi. 

art.  8,  n»  i5. 

40  Le  même. 

41  P.  Crepusius,  mon.,  v.  670  (84),  t.  i,  p.  441,  S  xlix,  n»  i. 

42  Le  même. 

43  C.  Julius  CasarOctavianus,  726(28},  i.  a,  p.  65,  §  lxxxii, art.  8,  n«i56. 

44  Le  même. 

45  Titus  Carisias,  mon.,  v.  706  (48),  t.  i,  p.  314,  %  xxxii,  art.  1 ,  n»  2. 

46  Le  même. 


—  i8o  — 

47  M.  /Emilius   Lepidus,  imp.   et  triumvir,  710-712  (44-42)  ;  quinaire. 

1. 1 ,  p.  1 3o,  g  V,  art.  6,  n»  29. 

48  Le  même. 

49.    C.  Julius  Caesar  Octavianus,  726  (28).  t.  2,  p    66,  |  lxxxii.  art.  8. 
n«  i58. 

3o    Le  même. 

5i    C.  Claudius  Pulcher,  mon.,  v.  648  (106)  ;  sur  la  joue,  la  conlremar- 

que  :  S,  t.  2,  p.  345,  $  XXXVI,  art.  1 ,  n»  i . 
52    Le  même. 

33    Cn.   Cornélius  Lentulus  P.  f.  Marcellinus,  mon.,  v.  670  (84)  :  qui- 
naire, t.  I,  p.  415,  %  xLiv,  art.  10,  no  5i. 

54  Le  môme. 

55  C.  Julius  Csesar  Octavianus,  726  (28),  t.  2, p.  67,  %  lxxxii,  art.  8,  n«  162. 

56  Le  même. 

57  M.  Plaetorius  Cestianus,  Edile  curule,  685  (69),  t.  2,  p.  3i2.  |  cxxv, 

art.  3,  n»  3 . 

58  Le  même. 

59  M.  Porcius  Calo,  mon  ,  v.  653  (101)  ;  quinaire,  t.  2.  p.  371,  |  cx-xxii, 

art.  4,  n«7. 

60  Le  môme  •  contremarque  :  J. 

61  C.  Julius  Caesar  Octavianus,  v.  723  (3 1  h  quinaire,  t.  2,  p.  57,  |  lxxxii, 

art.  8,  n»  i32. 

62  Le  môme. 

63  Q.  CaeciliusMetellus  Plus,  imperator,  v.  675  (79),  t.  i,  p.  275,  $  xxvi, 

art.  7.  9,  u-  43. 

64  Le  môme. 

65  L.  Rubrius  Dossenus,  v.  671  (83);  quinaire,  t.  2,  p.  408,  §  cxli,  0*4. 
66(?)L.    .-Kmilius  Buca    quatuorvir  mon.  en    710    < 44)  ;  quinaire ^  t.  i. 

p.  124.$  v.an.  5,  n»  iK  (?). 

67  C.  Julius  Caisar,  < 50-44),  t.  2,  p.  1 1,  5  lxxxii,  art.  7,  n*  10. 

68  Le  môme. 

69  C.  iMarcius  Censorinus,  mon.,  v.  670  (84),  t.  2,  p.  192.  J  xcviii,  art.  6, 

n"  19. 

70  Le  môme. 

71  M.  Porcius  Cato,  propréteur,  706-708  (48-46):  quinaire,  t.   2.  p.  376, 

I  cxxxii.  art.  6,  n"  1 1. 

72  Le  môme. 

73  C   Julius  Caesar,  v.  696  (58),  t.  2,  p.  10.  S  lxxxii.  art.  7.  n»  g, 

74  Le  môme. 


—  i8i  — 

75  Scx.  Pompeius  Fostulus,   mon.,    v.  625  (129),  t.  2,  p.  337,  |  cxxx, 

art.  I,  !!•  I. 

76  C.  Marius  C.  f.  Capito,  mon.,  v.  670  (84),  dentelé,  t.  2,  p.  2o3,  %  xcix, 

an.  2,  n«  9. 

77  C.  Nxvtus  Balbas,  mon.,  v.  680  (74),  dentelé,  t.    2,  p.  248,  $  cix, 

an.  2,  n»  6. 

78  C.  Cassius  Longinas,  imp.    712  (4a),  t.   1,  p.   336,  %  xxiii,  an.  7» 

n' 16  ou  18. 

79  Man.  Acilius  Glabrio,  mon.,  v.  700  (54),  1. 1 ,  p.  106,  %  m,  an.  3,  n»  8. 

80  Q.  Antonius  Balbus,  préteur,  672  (82),  dentelé,  t..  i,  p.   i58,  %  xi, 

art.  1-9,  n*  i. 

81  .M.  Plxtorius  Cestianus,  édile  curule,  685  {69),  contremarque  sur  la 

joue  :  C,  t.  2,  pp.  3i2-3i3,  §  cxxv, art.  3.  n«  4. 

82  Q.  Cassius  Longinus,  mon.,  v.  694(60),  t.  i ,  p.  33i,  §  xxiii.  art.  5,  n«  7. 

83  P.  Licinius  Crassus  Dives,  quest.,  v.  696  (58),  t.  2,  p.   i34,|lxxxv. 

an.  5,  n»  1 8. 

84  C.  Maianius   mon.,  v.  56o  (194),  t.  2,  p.  166,  %  xciv,  art.  i,  n«  i. 

85  C.  Mamilius  Limetanus,  mon.,  v.  670  (84),  dentelé    inédit  ?,  t.  2. 

p.  173,  J  xcvi,  art.  a,  n«  6  variété  inéd. 

86  Q.  Cassius  Longinus,  mon.,  v.  694  (60),  avec  la  contremarque  :  C, 

t.  I,  p.  33 1,  I  XXIII,  art.  5,  n»  7. 

87  M.  Âtilius  Saranus^  mon.,  v.  58o  (174)*  t.    i,  p.  229,$  xviii,  art.  2, 

n«  8  ou  9. 

88  M.  Antonius,  imp.  et  triumvir,  713  (41);  en  dessus,  la  contremar- 

que :  O,  t.  I,  p.  175.  §  XI,  art.  2,  n«  48  ou  49. 

89  P.  Furius  Crassipes,  éd.  curulc,  v.  671  (83),  t.  i,  p.  526,  %  lxxii,  art.  7, 

n»  19. 

90  Ti.  Veturius,  mon.,  v.  625(129),  t.  2,  p.  535,  i  clxxvi. 

91  C.  Norbanus.  mon.,  V.  670(84), t.  2,  p.  259,  %  cxiii.  art.  i,  n«»  i. 

9a    L.  Flaminius  Cilo,  mon.,   v.  660  (94)  [ou    mon.  en  710  (44)]»  t.  i, 
pp.  495-496,  %  Lxvi,  «n.  i,  n«  i  ou  art.  2,  n«  2. 

93  A.  Postumius  A.  f.  Sp.  n.  Albinus,  mon.,  v.  680  (74),  dentelé,  t.  2. 

p.  38 1,  S  cxxxiii,  art.  3,  n»  7. 

94  Titus  Carisius,  mon.,  v.  706(148);  avec  la  contremarque  :  S»  t.  i. 

p.314,  {  xxxii,  art.  I,  n»  i. 

95  Cn.   Cornélius  Lentulus  Marcellinus,  questeur   (74),   t.    1,  p.  417, 

%  xMv,  an.  10. 

96  Q.  Minncius  Thermus,  mon.,  v.  665  (90),  t.  2,  p.  235,  %  cv,  art.  5, 

n«  19. 

97  Man.  i€milius  Lepidus,  mon.,  v.  642  (112),  t.  i,  p.  118,  5  v,  art.  a, 

n*  7. 


-     l82    - 

oH    Cn.  Domitius  Ahenobarbus,  mon.,  v.  640  (1 14).  l.  1,  p.  4tx),  S  L%-n, 
art.  2,  n"  7  ou  S. 

99  T.  Cloulius,  mon.,v.  653 (101.) -.quinaire,  t.  i,p.  Stîo,  5  xxxvii,  an.  2. 

100  Cn.  Cornélius  Lenlulus  P.  f.  Marcellinus,  mon.,  v.   ôjo  iH^),  t.   1, 

p.  415,  5xi.iv,  an.  10,  n»  5o. 
loi     C.  Sulpicius  C  f..  mon.,  v.   660  (94),   dentelé,  t.  2,   p.  471,  %  clxi, 
an.  I ,  n"  I . 

102    Cn.  Cornélius  Blasio  Cn.  f.,  mon.,   v.  055(99),  avec  la  marque  X< 

indicative  de  la  valeur  de  XVI  as:  t.  i,  p.  396,  §  xliv,  an.  6,  n*  19 

ou  20. 
io3    P.  Vettius  Sabinus,  mon.,  v.  653  ( loi }  :  quinaire,  t.  2,  p.  53 1 ,  s  clxxv, 

art.  I ,  n*  I. 
104    C.  VibiusC.  f.  Pansa,  mon.,  v.  r)<")4(90)  ou  71 1(43}  :  contremarque  :  C 

t.  2,  pp.  538-54(),  ?î  cLxxvii,  art.  1  ou  an.  2,  n-  16  (?). 
io5    T.  Carisius.  mon.,  v.  706  «4X1,  t.   i.  p.  3i5,  §  xxxii.  an.  1.  n-  4. 
io6    A.  Plautius,  ed.curuleen  700(54),  t.  2,  p.  325,  ;&  CLxxvii.art.  3,  n*-  i3. 

107  M.    Antonius.    imp.  et  triumvir,   v.  711  143»  ;  quinaire,  avec  la  con- 

tremarque :  ^t.  I.  p.  173.5  XI.  an.  2,  n»  42. 

108  P,  Servilius  .M.  f.  Ruilus,  mon.,  v.  665  (S<)L  t.  2,  p.  45 1. 5  iLiii.  an  5. 

n"  14. 
lOi)    L.  Furius  Cn.  t.   Brocchus.  mon.,  v.  700  (53).  t.  1,  p.   5jS,  5   lxxii, 

art.  8,  n"  23. 
110    C.    .Mamilius   Limetanus,  mon.,   v.   670  (^4).   dentelé^  t.  2,  p.  173. 

5  xcvi,  art.  2.  n"  6. 

Ce  sont  en  tout  cent  dix  pièces  d'argent  de  coin  romain, 
dont  quaire-vintîi-ireize  deniers  et  di.x-sept  quinaires  «.  Parmi 
les  deniers,  il  y  en  a  sept  seulement  de  dentelés  -.  Neuf  deniers 
au  moins  ei  deux  quinaires  portent  une  contremarque  •*  ;  si  les 
deux  taces  des  pièces  avaient  été  visibles,  il  est  probable  que 
ce  nombre  devrait  être  auî^menté.  L'un  des  deniers  est  remar- 
quable par  sa  belle  conservation  *;  il  est  de  César.  In  autre  est 
à  ileur  de  coin  •'    c'e>i  le  denier  :rappé  en  41  av.  J.-C.  par  le 


4.   .^J  '-\  '    .  '  -•    • .".  '•'\7i.  72.  •>),  io3  et  107. 


=  \ 

.:5.  .4.  4-.  4-.  >>, 

^  N 

—     .    -  -  ,   N  .-^  .     ^  ,"»   ,        1  ,*  , 

\ 

.-.      •-.       vj.     >           -     .      > 

•  N 

.'- 

N 

t. 

-  i83  — 

questeur  M .  Barbatiusaux  effigies  de  Marc  Antoine  et  d'Octave. 
Au  reste,  la  répartition  des  cent  dix  pièces  par  ordre  chronolo- 
gique est  la  suivante  : 

194  av.J.-C.  n»  84  =1 

=  4 
=    2 

=  4 
=  4 
=    I 

=  4 
=    4 


=  2 

=  5 

=  2 

=  4 

=  3 

=  4 

=  5 

=  6 

=  3 

=  2 

=  2 

=  5 

=  2 

=  3 


«74 

n»  87 

149 

n-  29,  3o,  33,  34 

148 

n»  94 

.ag 

n»'  75.  90 

"M 

n«  98 

112 

n»  97 

106 

n"  i3,  14,  5i,  52 

101 

n'"  59,  60,  99,  io3 

99 

n»  102 

94 

n"  9,  10,  92  (?),  loi 

90 

n"  21,  22,  96,  104  (?) 

«9 

n»  108 

88 

n»*  17,  18 

84 

n"2  3,24,  27,  28,41,4a,  53 

83 

n"  65,  89 

82 

n-  i5.  16,  35.  36,  80 

79 

n-  63, 64 

74 

n'*  1.77*  93,  95 

69 

n-  57.  58,  81 

60 

n"  19,  20,  82,  86 

58 

n"  7,  8,  73.  74.  83 

54 

n~  25,  26,  3i,  32,  79,  106 

53 

n»  109 

48 

n-  45,  46,  io5 

48-46 

n-  71,  7a 

45 

n»  2 

30-44 

n**  67,  68 

44 

n»  66 

43 

n"  II,  12.  39,  40,  107 

44-42 

n-  47.  48 

42 

n»  78 

4' 

n*'  3,  4,  88 

-* 

quart  ; 

1 

3- 

qaan  ; 

7 

4' 

quart  : 

10 

1*" 

quart  : 

% 

2* 

quArt  : 

u3 

r 

quart 

3a 

—  184  — 

fi  «•'  61,  62 

^  n"'5,  6.  43,  44,  49.  5o,  55,  56 

Soit,  en  résumé,  de]  an  ni^à  l'an  2H  avant  J.C.  : 
II*  siècle  av.  ;..C  1*^  quart  :       « 


I"  siêck  av.  J.-C.  1 


L*annee84est  la  plus  fortement  représentée;  il  est  remar- 
quable qu'aucune  monnaie  ne  soit  postérieure  a  Tan  28- 

Le  ïU  janvier727  (27  av.  J.-CJ,  Octave  devint  Auguste  :  celte 
même  anntje,  il  se  rendit  à  Narbonnc.  y  tint  une  assemblée, 
constitua  la  province  impériale  prétorienne  en  la  séparant  de 
TEspagne  et  des  Gaules.  Il  prit  des  mesures  pour  organiser 
cette  province  Narbonnaise.  Dès  le  début  de  loccupation  ro- 
maine, la  voie  Aurélienne,  qui  venait  de  Rome  jusqu'à  la  ri- 
vière de  Gènes,  avait  été  poussée  jusqu'à  Arles  par  le  littoral  : 
en  jasav,  J.-C,  le  consul  G.  Domiiius  Ahenobarbus  avait  créé 
la  voic,quî  garde  son  nom, d'Arles  vers  TEspagne  par  Nîmes  et 
Narbonne.  Le  légal  de  César»  Ti.  Claudius  Nero  (sept.  46- 
mars 44),  ayant  fondé  lescolonies  d'Arles,  d*Orange etde  Vienne, 
et  cette  dernière  ayant  été  remplacée  par  celle  de  Lyon.  Tadmi* 
nislraiion  romaine  se  hâta  de  substituer  au  vieux  chemin,  qui 
remontait  la  rive  gauche  du  Rhône,  une  voie  régulière  d'Arles 
à  Lyon.  En  22  av.  J.-C.,  l'organisation  de  la  Narbonnaise  était 
considérée  comme  accomplie  et  Tempercur  la  remit  au  Sénat* 
Enlin,  quand  Marcus  Vipsanius  Agrippa  fut  légat  des  Trois 
Gaules  a  Lyon  (22-21  av.  J.-C.)»  il  doubla  cette  voie  de  la  rive 
gauche  f^r  une  voie  de  Lyon  à  Narbonne  sur  la  rive  droite^  en 


—  i85  — 

même  temps  qu'il  créait  les  voies  d'Aquitaine,  de  l'Océan  et  du 
Rhin  '. 

Ainsi  la  voie  romaine,  sur  la  rive  gauche  du  Rhône,  entre 
Arles  et  Lyon,  a  été  établie  après  la  création  des  colonies  de 
César  et  avant  la  remise  de  la  Province  par  Auguste  au  Sénat: 
si  elle  n'était  pas  achevée  en  27,  lors  de  la  création  de  la  Nar- 
bonnaise,  elle  Tétait  certainement  en  22.  Ces  dates  établies,  si 
les  deniers  en  question  proviennent  réellement  de  la  région,  il 
n'est  pas  surprenant  de  constater,  grâce  à  eux,  que  les  apports 
du  commerce  diminuent  à  Fos  après  Tan  28  :  la  voie  fluviale 
allait  être  abandonnée  plus  ou  moins  complètement,  et  plus 
ou  moins  vite,  au  profit  de  la  voie  de  terre. 


'  Florian  Vallliitik.  La  voie  <f  Agrippa  de  Lugdunum  au  rivage  Mas- 
saiiote,  Paris,  Champion,  1880  (Extrait  de  la  Revuedu  Dauphinéet  du  Vi 
parais,  n*  5).  —  André  Stiycrt,  Nouvelle  histoire  de  Lyon,  t.  I  ;  Lyon 
Bernoox  et  Gamin,  1893,  pp.  194-195. 

iM.  RoGEH  Valllntin  du  Cheylard  a  étudié  des  deniers  romains  prove 
nant  da  pays  des  Voconces  et  portant  les  contremarques  A,  AO,  C,  M 
V  (Roger  Vallentin.  Contremarques  sur  des  monnaies  d'argent  de  la 
république  romaine  trouvées  dans  le  territoire  des  Vocontii.  Valence 
Céas.  1888).  11  a  également  étudié  un  denier  de  Jules  César  contremarque 
du  signe  X.  (RcniEi  Vallehtiic,  Contremarque  sur  un  denier  de  Jules 
César.  Valence,  Céas,  1889:  Bull,  d'archéol.  de  la  Drôme). 

(>oa«  dt>oos  ces  caractères  épiisrapbiqaes  à  1  obligeance  de  MM.  Protat  frères.  Mâcoa.) 


^wv  v-vA/  v;uwwv.A^>^^  — 


-  i87 


IV 


Autels -cippes  chrétiens  de  Provence 

par  le  Gi«  de  6ÉRIN-RIGARD 

Président  de  la  Société  de  Statistique  et  de  ta  Société  Archéologique 

de  Provence^ 
Vice-président  de  la  section  d'Archéologie  du  Congrès. 


Des  monuments  laissés  en  Provence  par  le  christianisme 
primitif,  les  sarcophages  surtout,  ont  été  étudiés  par  de  savan- 
tes personnalités,  tellesque  Le  Blant,  Paillon,  Albanès,Rostan. 
Les  autels  sont  moins  connus  et  cependant  l'abbé  Pougnet, 
d'abord.  Barges,  MM.  Eysséric,  Gazan,  Mougins  de  Roque- 
fort, Chaillan  et  moi-même  en  avons  signalé  ensuite  quelques- 
uns.  Aussi  un  corpus  de  ces  intéressants  antiques  et  d'autres 
pièces  contemporaines  s'impose;  j'entreprendrai  peut-être  ce 
travail  qui  permettra  des  rapprochements  entre  ces  divers 
échantillons  de  sculpture  et  les  quelques  pièces  analogues  qui 
existent  en  dehors  de  la  région  provençale.  Enfin,  ces  dessins 
nous  conserveront  les  lignes  de  ces  monuments,  menacés, 
comme  tous,  de  disparaître  moins  par  suite  des  ravages  du 
temps  que  par  les  outrages  des  hommes. 

Aujourd'hui,  je  me  borneraià  donner  laliste  assez courteet  la 
bibliographie  de  ce  que  j'ai  appelé  les  autels-cippes  chrétiens  et 
j'en  signalerai  trois,  dont  deu.x  au  moins  sont  inédits. 


i88 


mfZ 


L'iniérêt  que  préscnteni  ces  échantillons  dart  religieux  t 
grand»  au  double  point  de  vue  historique  et  artistique. 

Voici  comment  Tabbé  Pougnet*  classe  les  autels  de  notre 
région,  en  commençant  par  les  types  les  plus  anciens  :  autels 
massifs,  autels  pédicules,  auiels-iables,  autels  à  retables. 

Dans  la  première  catégorie,  il  a  placé  les  autels  du  xir  siècle 
qu'il  appelle  primitifs  et  qui  comprennent  des  autels  en  forme 
de  dés.  les  uns  unis  comme  aux  abbayes  de  Sénanque  et  de 
Montmajour  ;  d'autres,  à  arcatures  et  à  statues  comme  ceux 
des  cathédrales  d'Arles,  d'Apt,  de  Vienne  et  d'Avignon.  11  ne 
fait  aucune  mention  spéciale  des  autels  procédant  du  cippe  an- 
tique, et  ne  parle  qu'incidemment,  sans  donner  d'exemple  ca- 
ractéristique, de  remploi,  comme  supports,  de  pierres  païen  nés. 

Ici,  au  contraire,  je  ne  m/occuperai  que  de  ce  dernier  genre 
et  Je  laisserai  de  côté  même  les  tables  d'autels  pédicules,  ires 
intéressantes  par  les  sculptures  de  leurs  frises  et  dont  Saint* 
Victor  de  Marseille,  Saint-Pierre  d'Auriol,  Saint-Germain  de 
Venel,  Saint-Pierre  de  BelcoJène,  Saint-Jean  de  Bernasse  ont 
fourni  de  remarquables  spécimens  ^. 

Lesautels  mérovingiens. comme  certains  de  l'époque  romane, 
au  lieu  d'être  adossés  au  mur  de  Tabside.  étaient  placés  isolé- 
ment au  milieu  du  choeur  et  Tofficiant  célébrait  ainsi  en  regard 
des  fidèles. 

Essai  d'Invkntairc  des  Autels-Cippes  Mérovingiens. 

Bouches-du-Rhône.  —  Rognes.  Marbre  de  om  90  de  hau-'^ 
leur,  au  cenrrc  monogramme  dtxussatum  aux  6  branches  pai- 


'  Plusieurs  deccsauids  sont  contemporains  des  autcis-ctppcs,  leur  or- 

neitientation  élanl  analogue  ;  certains  sont  peut-être  ménrje    plus  «nacns, 

•  Congrès  icitntifiqut  de  France  tenu  à  \ix  en  lëêû,  i.  Jl.p*  3^ï. 


tées,  bordées  et  perlées  avec  a  et  w  de  o,o5,  le  tout  entouré 
d*une couronne;  face  postérieure  unie,  sur  les  côtés,  une  croix 
en  relief  de  o,5o  de  haut  sur  0,48  de  large.  Sert  de  support  de 
croix  dans  l'ancien  cimetière  de  Rognes  ;  était  autrefois  au 
centre  du  maître-autel  de  Téglise  paroissiale.  Ce  monument  a 
été  décrit  d'une  façon  complète  par  M.  Fabbé  Constantin  en 
1890  *,  puis  décrit  à  nouveau  et  sa  face  principale  figurée  par 
M.  Chaillanen  igoS*.  (Voir  planche,  figure  8.) 

Roussel.  —  Pierre  de  0,76  de  haut  et  de  0,40  de  côté  ;  l'or- 
nementation a  disparu  sur  deux  faces,  par  suite  d'un  travail  de 
ravalement  ;  sur  la  face  principale,  monogramme  en  forme 
de  roue  à  8  branches  ou  rayons  avec  a  et  w  entouré  d'une 
couronne  ;  au-dessus,  deux  petites  arcatures  géminées  de 
0,16X0,12  à  plein  cintre  avec  pilastres  à  chapiteaux  ; 
sujets  effacés  à  l'intérieur.  Sur  un  des  côtés,  vase  avec  anses 
droites,  d'où  s'élance  une  palmette  et  un  cep  de  vigne  qui 
décrit  de  très  gracieux  enlacements.  Sur  le  sommet,  tom- 
beau à  reliques  ou  loculus  de  12  centimètres  de  côté  sur 
5  de  profondeur. 

Ce  monument,  découvert  vers  1842  à  Favaric,  où  se  trouvait 
la  célla  de  Saint-Pierre  et  de  Sainte-Marie  citée  dans  des  char- 
tes à  partir  de  Tan  io5o  ^  a  été  dessiné  et  étudié  par  M.  Saint- 
Marcel  Eysseric  qui  l'a  signalée  M.  Flouest  et  ce  dernier  en  a 
fait  l'objet  d'une  communication  à  la  Société  des  Antiquaires 
de  France  en  1882  S  puis, en  1908,  M.  Chaillan,  de  son  côté». 


'  Les  paroisses  du  diocèse  d'Aix,  p.  5i5. 

•  Note  sur  trois  monuments  mérovingiens^  etc.  Aix,  Pourcel,  p.  6  et  7. 

•  C'est  par  erreur  que  Fiouest  place  cet  ancien   prieuré  dans  les  Basses- 
Alpes. 

•  Séance  du  i5  mars  1882.  Bulletin^  note  et  dessin,  p.  186. 
'  Ut  supra,  p.  la  et  i3. 


M.  Arnaud  d'Agnel  et  moi*  du  nôtre,  reparlions  de  ce  curieux 
monument,  dont  j*avais  pris  un  dessin  sur  place  le  i6  juil- 
let 1901  (V.  planche,  fig.  3). 

Salon.  —  La  chapelle  Sainte-Croix  du  Salonet  renfermait 
un  autel  dont  il  sera  parle  plus  loin. 

Var.  —  Brignoles,  —  Autel  dit  pierre  de  San  Sumian,  dont 
il  sera  parlé  plus  loin. 

La  Celle.  —  Dans  l'antique  sanctuaire  de  la  Gayole,  où  a  été 
trouvé  le  plus  ancien  sarcophage  chrétien  que  Ton  connaisse, 
se  trouvait  un  cippequadrangulaire,  transporté  depuisau  sémi- 
naire deBrignoles.  Albanèsl'avaitsignalé  en  1886^  et  M.Chail- 
lan  en  a  donné  une  reproduction  avec  un  commentaire  en 
1903  *  ;  j'en  ai  pris  un  dessin  le  22  septembre  igoS  (Voir  plan- 
che, fig.  2). 

C'est  une  pierre  de  i  m.  20  de  hauteur  suro,5o  et  o,35  avec 
loculus  de  12X  loX  10  centimètres  au  sommet.  Une  seule  face 
est  sculptée  ei  présente  le  chrisme  à  6  branches  pattées  composé 
d'un  rho  (P)  à  haste  allongée  avec  boucle  très  réduite  et  d'un  X 
qui  porte  suspendu  à  ses  bras  supérieurs  A  et  w.  Au-dessus 
est  figuré  un  oiseau  qui  paraît  être  un  aigle.  Ce  sujet  rappelle 
beaucoup  un  des  bas-reliefs  mérovingiens  de  Téglise  de  Vence, 
dont  un  moulage  existe  au  musée  de  Cannes  et  qui  a  été  figuré 
par  M.  E;.  Blanc*  (V.  planche,  fig.  9). 


*  Concours  des  antiquités  de  la  France  1903  (Académie  des  Inscriptions 
et  belles-lettres).  Les  Antiquités  de  la  vallée  de  l'Arc,  Aix,  190C,  p.  173. 

*  Deux  inscriptions  métriques  du  V*  siècle  trouvées  à  la  Gayale.  Mar- 
seille. i886,  p.  3. 

»  Op.  cit.,  p.  21. 

*  La  Cathédrale  de  Vence.  Extrait  du   liulletin  monumental,  1877-78, 
p.  8,  18,  ly. 


-  igi  - 
Saint'Zacharie.  —  Dans  THôtel-de-Ville,  cippe  païen  prove- 
nant de  l'ancien  couvent  des  Bénédictines  (0,82  X  0,48  X  o,38), 
portant  sur  sa  face  principale  une  dédicace  à  Jupiter. 

lOVI 

Jovi  Optimo  maximo 
OMX 

A  une  époque  postérieure,  a  été  gravéeau  trait,  sur  lereversdu 
monument,  une  croix  latine  patlée  entre  deux  agneaux,  le  tout 
surmonté  d'une  draperie  à  deux  pentes  sortant  d'un  baldaquin 
à  festons.  Barges  *  a  été  le  premier  à  faire  connaître  cet  autel, 
auquel  M.  Camille  Jullian  a  aussi  consacré  un  savant  article  * 
(Voir  planche,  fig.  6). 

,      Autel  de  Sainte-Croix  de  Salon. 

A  cinq  kilomètres  à  Test  de  Salon  et  sur  un  des  points  cul- 
minants de  la  chaîne  de  collines  qui  sépare  le  territoire  d'Au- 
rons  du  Val  de  Cuech  existent  les  ruines  d'un  castellum 
antique,  appelé  le  Salonet.  Cet  oppidum,  de  10  hectares  de  su- 
perficie, est  défendu  par  des  escarpements,  sauf  du  côté  du 
nord,  où  une  double  ligne  de  remparts  barre  le  côté  faible  de 
la  position. 

Les  quelques  fouilles  que  j'ai  pu  y  pratiquer  m'ont  permis 
de  reconnaître  que  ce  point  avait  été  occupé  pendant  un  très 
long  espace  de  temps,  puisqu'on  y. rencontre  des  instruments 


*  Notice  sur  un  autel  antique  à  Saint-Zacharie.  Leroux,  Paris,  1875.  J*ai 
véri6é  le  dessin  publié  par  Barges  ;  il  est  exact,  à  ce  détail  près  que  la 
croix  est  pattée  et  les  agneaux  plus  grands  et  plus  rapprochés  des  bras 
de  la  croix,  qui  touche  par  son  sommet  aux  tentures.  M.  Victor  Fabre, 
de  Si-Zacharie,  a  eu  Tobligeance  de  m'envoyer  un  meilleur  croquis  du 
monument  que  celui  reproduit  ici  d'après  Barges,  mais  notre  cliché  était 
déjà  fait. 

Les  inscriptions  delà  vallée  de  VHuveaune.  Vienne.  i88b.  Bull,  épi- 
graphique  et  c.  L.  1.  XII. 


ig2  — 

en  silex  et  en  pierre  polie»  des  bijoux  de  Tépoque  du  bronze, 
des  monnaies  grecques»  marseillaises  en  argent  et  en  bronze, 
des  poteries  robenhausiennes,  grecques,  romaines  et  chrétien* 
nés  et  notamment  pour  cette  dernière  époque  delà  vaisselle  es- 
tampée à  palmettes  et  rouelles. 

Sur  le  point  le  plus  élevé  de  Voppidum,  subsistent  les  ruines 
de  la  chapelle  médiévale  de  Sainte-Croix  et  de  divers  bâtiments 
annexes  qui  servaient  à  loger  des  moines.  Ces  derniers,  au 
cours  de  certaines  périodes  troublées,  ne  se  trouvant  plus  stit- 
tisammenten  sûreté  dans  ces  locaux,  creusèrent  des  réduits 
dans  le  banc  de  molasse  taillé  à  pic  qui  supporte  la  chapelle  et 
à  mi-hauteur  de  celui-ci.  On  ne  pouvait  accéder  dans  ces  grot- 
tes artificielles  munies  d'une  porte  étroite  et  de  lucarnes  qu'au 
moyen  de  cordes  et  en  empruntant  unecorniche  delà  rochequi 
cesse  brusquement  à  quelques  mètres  du  réduit  par  une  entaille 
faite  à  dessein.  Une  planche  ou  un  madrier  faisant  office  de 
pont-levis  devait  permettre  aux  habitants  de  franchir  Tobstacle. 

Au  xvu'  siècle,  quelques  religieux,  suivant  la  règle  de  saint 
François,  construisirent,  à  200  m.  environ  au  sud  et  au-des- 
sous de  l'oppidum  et  de  la  chapelle  Sainte-Croix,  un  assez 
vaste  monastère  avec  église  :  c'est  le  couvent  de  Notre-Dame 
de  Cuech^très  belle  solitude,  d*où  la  vue  embrasse  toute  la  val- 
lée de  la  Touloubre,  peuplée  de  villages  et  de  hameaux. 

L'église  de  ce  couvent  est  précédée  d'une  cour,  au  milieu  de 
laquelle,  gisait  parmi  de  hautes  herbes,  le  monument  dont  la 
description  suit  et  qui  devait  être  jadis  dans  la  chapelle  Sainte- 
Croix  :  cest  probablement  au  xvn' siècle,  lorsde  la  construction 
du  monastère,  qu'il  aura  été  descendue  Notre-Dame  deCucch. 
Cetmtéressani  échantillon  dan  mériterait  une  meilleure  place; 
c'est  ce  que  ne  manquera  pas  de  faire  M,  le  comte  de  Florans, 
propriétaire  des  lieux,  à  qui  j  ai  signalé  et  Texistencedu  monu- 
ment et  son  état  d'abandon  complet. 


—  193 

Peser ipïion.  —  Dé  de  pierre  en  calcaire  tendre  ci  blanc 
{probablement  des  carrières  de  Fontvieille  ou  des  Baux)  avec 
soubassement  mouluré  et  saillant  i  hauteur  o.yS,  largeur  des 
côtes  o.5o),  les  quatre  faces  sculptées  en  bas-relief. 

Panneau  de  face  :  chrisme  composé  d'un  X  vergéinscritdans 
une  couronne  ou  guirlande  de  laurier,  appelée  aussi  ora/v'^nn  ; 
à  droite,  un  oméga  de  forme  assez  particulière;  Talpha,  qui  se 
trouvait  certainement  à  gauche,  a  disparu. 

Panneau  de  derrière  :  croix  latine  aux  bras  ornés  de  perles 
ovales  en  relief  K  au  pied  accosté  de  deux  vases  à  base  étroite  et 
à  col  évasé  d*où  sort  une  palmeitc.  De  ce  côté,  le  soubasse- 
ment présente  une  entaille  semi-circulaire  formant  pont  *, 

Panneaux  des  côtés  :  ils  sont  identiques*  A  leur  base»  trois 
palmettes  posées  en  éventail,  d  où  partent  deux  tiges  à  enrou- 
lements,dont  la  disposition  générale  a fi'ecte  la  formed'uncœur 
«dont  l'extrémité  de  chacune,  recourbée  à  Uniérieur,  se  ter- 
mine par  une  fleur  à  sept  pétales  assez  semblable  à  un  soleil 
(?  tournesol). 

Cette  pierre  ayant  été  réemployée  à  une  époque  indétermi- 
née pour  le  pied  droit  d'une  porte,  on  la  entaillée  dans  le  sens 
de  sa  hauteur  sur  le  panneau  de  droite.  Les  arêtes  du  plan 
supérieur  du  monument  ont  été  émoussées  probablement  à  ce 
moment  (V,  planche,  fig.  i  ). 

L'aniste  qui  a  scuipté  ces  bas-reliefs  a  opéré  par  évidement 
ou  atfouillemcnt  de  la  pierre  sans  modifier  le  plan  de  parement 
et  ce  procédé  est  caractéristique  de  Tépoque  fraoque.  Quant  au 


Un  marbre  du  musée  d'Arles  offre  aussi  une  croi^L  latine  gemmée. 
ttaXrà'-dire  ornée  de  pierres  précieuses  ovales,  rondes  et  tozangiformes, 

compagnée  d'oiseaux,  de  palmiers  et  du  chrisme  dans  une  guirlande. 
M,  de  Caumont  iArcftéotogie vies  écoles  primaires,  1868,  p*  i8Ô)  considé- 
rait cette  pièce  comme  appartenant  au  v*  siècle. 

*  tm  remarqué  des  entailles  de  cette  fort»e  à  la  base  de  plusieurs  an- 
tèis  païens. 

CÙHÛhK5  —    13. 


milieu  archéologique  où  se  irouvail  Tautel,  il    présenie  —  fc' 
lai  dit  déjà  —  de  nombreux  vestiges  de   celle  période  et  no- 
tammeni  des  poteries  de  basse  époque  estampée  à  palmeiies, 
rouelles,  soleils,  motifs  qui  se  retrouvent,  du  reste,  sur  l'autel 
deSainte^Croixn 

Al  TEL  DK  SaN-SuMIAN  A  BbIGNOLES. 

Le  22  septembre  igoS*  au  retour  d'une  visite  faite  aux  anti- 
ques conservés  au  séminaire  de  Brîgnoles  et  aussi  au  milliaire 
delà  Dîme,  un  obligeant  confrère.  M*  C.  Auzivizier,  me  pro- 
posa de  faire  décrire  un  petit  crochet  à  notre  promenade  pour 
voir  la  statue  de  San  Sumian  (que  Ton  traduit  en  fran^^ais 
par  Saint  Siméon).  Nous  y  fûmes  bientôt  et  grand  fut  mon 
étonnement  en  me  trouvant  en  présence,  non  d'une  statue» 
mais  d'un  autel  chrétien  représeniani  une  figure  humaine  en 
pied  sur  sa  face  principale. 

Le  monumeni  est  en  grès  ;  il  mesure  i"70  de  hauteur,  y 
compris  un  soubassement  de  35  centimètres  en  forme  de 
splière  irrégulière,  destiné  à  être  enfoncé  dans  le  sol  ;  largeur 
o,5o  centimètres  ;  épaisseur,  o,32.  Celte  pierre  est  encastrée 
debout  dans  la  partie  supérieure  du  mur  de  clôture  quï 
entoure  le  point  de  capiage  des  sources  alimentant  Brigno- 
les  *  ;  son  sommet  est  au  niveau  du  couronnement  du 
mur,  ce  qui  m'a  permis  de  constater  qu*il  était  n)uni  du 
classique  loculus  (de  loX  10X7  centimètres),  avec  rainure 
pour  remboîiemeni  d'une  dalle  de  couverture* 


*  Cr,  sar  ce  genre  de  poterie.  If.  ue  Gfetïft-RiCAtD,  Rapport  sur  une  mis- 
ëioH  archéologique  fn  Italie.  Nouvelles  archives  des  missions  scieoufi- 
ques,  t,  Xl|[,  1905, 1 m pr.  Nationale, 

•  Cette  scurc-*. qui  jaillit  par  deux  émissaires  disianis  de  10  m. «débite 
plus  de  I  m.  cube  par  minute;  ses  deux  brandies  se  rejoignent  et  for* 
maienl  jadis  une  jolie  nappe  d  eau  recouverte  depuis  1693  p^r  les  tri' 
vaux  de  captage. 


'y5 

La  face  principale  représente  un  personnage  en  pied*  vu  de 
:e,  de  97  cen;i mètres  de  haut  ;  le  corps  est  encadré  par  deux 
lasires  demi-ronds  ei  la  lète  semble  appuyée  sur  un  coussin 
orné  de  deux  X;  les  iraiis  de  la  lace  soni  effacés,   mais   on 
aperçoit  sur  les  côtés  de  la  téie  les  oreilles  fortement  accusées 
en  forme  d'anses»  les  mains  sont  jointes  à  la  hauieurdc  l'abdo- 
men ;  delà  taille  à  mi*cuisses,  le  personnage  est  vêtu  d'une 
courte  jupe  semblable  au  kilt  des  Ecossais,  c'est  le  sagum  :  les 
pieds  semblent  pourvus  de  chaussons  montants.  La  jupe  est 
percée  sur  le  bas  et  au   milieu  d'une  petite  cupule  circulaire 
polie  par  des  attouchements  fréquents  résultant  de  pratiques 
superslitteuses  '. 
L'ensemble  de  l^image  est  très  primitif  et  je  n  ai  jamais  rien 

|))ru  de  semblable  dans  les  manifestations  grotesques  si  variées 
de  Tan  roman.  Nous  devons  être  ici  en  présence  d'un  échan- 
lîllon  d  art  barbare  et  indigène,  dont  je  ne  connais  pas  d  autre 
exemple  (V.  planche,  fjg.  4). 
Dans  cette  figure,  faut-il  voir  la  représentation  d'un  person- 
nage couché  dans  son  tombeau,  comme  semblerait  l'indiquer 
à  première  vue  le  coussin  du  chevet,  la  position  des  mains  qui 
sont  jointes  et  les  pilastres  qui  dessinent  avec  le  socle  la  forme 
d*un  sarcophage  ?  Je  ne  le  pense  pas,  car  la  pierre  est  taillée 
pour  être  posée  verticalement  et  lattiiude  du  sujet  évoque 
ridée  d'un  être  vivant.  Cette  sculpture  représenie-i-elle  un  saint, 
saint  Siméon  ou  tout  autre?  Cette  hypothèse  paraît  contredite 
par  ce  fait  que  le  bas-relief  n'offre  aucune  trace  soii  du  nimbe* 
attribut  surnaturel  des  saints,  soit  d  accessoires  se  rapportant 
au  sacerdoce,  tels  que  calice,  bâton  pastoral,  etc. 

La  face  opposée  du  monument  est  entièrement  occupée  par 


*■  Là  cfoytnce  populaire  est  que  les  jeunes  gens  qai  embrassent  ce 
nombril  trotivenià  se  marier  ;  quant  aux  femmes  stériles,  elles  defien- 
neni  f<fcondes. 


—  iq6  — 

une  croix  ou  plus  exacicment  par  un  tau  à  enlacements  et  ca- 
bochons de  style  mérovini^ien,  le  loul  traité  avec  assez  d\iri 
pour  qu'on  puisse  se  demander  si  les  deux  faces  du  monument 
sont  l'œuvre  du  même  artiste.  L*impressïon  qui  se  dégage  de 
Texamen  de  ces  deux  bas-reliefs  est  qu*ils  ne  sont  pas  con- 
temporains et  peut-être  l'autel  de  Brîgnoles  a-t-iL  comme  celui 
de  Saint-Zacharie»  une  face  d'origine  païenne  et  l'autre  incon- 
testablement chrétienne.  Du  reste»  la  survivance  d'un  culte 
profane  est  évidente  ici  par  les  pratiques  idolâtres  dont  celte 
pierre  était  Tobjet  et  ce  cas  d'une  divinité  christianisée  par  U 
religion  nouvelle  ne  serait  point  un  exernple  isolé.  Ainsi  que 
Barges  l'avait  constaté*,  le  catholicisme  naissant  eut  beaucoup 
de  peine  à  déraciner  dans  les  populations  rurales  de  la  Pro* 
venceles  vieilles  croyances,  même  jusqu'à  une  époque  assez 
tardive,  puisqu'un  concile,  tenu  à  Arles  en  452,  dut  ordonner 
que  si  quelqu'un  allumait  des  flambeaux,  rendait  un  cuite  à 
des  arbres,  à  des  fontaines  ou  à  des  pierres  ou  bien  négligeait 
de  les  détruire,  il  serait  réputé  coupable  de  sacrilège. 
Quant  aux  deux  autres  côtés  de  la  pierre,  il  est  impossible  de 


*  ft  Nous  savons  par  l'histoire  que  la  reli^ioTi  chrétienne  eut  beaucoup 
de  peine  à  prendre  racine  et  â  se  propager  dans  les  contrées  occidenules 
de  l'empire  romain,  notamment  dans  le  midi  des  Gaules  et.  en  particulier. 
àanh  les  districts  éloignés  des  grandes  villes,  dans  les  montagnes  de  la 
Provence  et  dans  les  hameaui  habités  par  les  indigènes  mêlés  avec  des 
cotons  d'origine  étrangère  ;  dans  le  voisinage  de  la  cité  phocéenne  et  sons 
riniluencc  de  cette  cité  éminemment  superstitieuse  et  attachée  au  cnlte 
des  dieui  de  la  Orèce,  les  populations  se  montrèrent  longtemps  rebelles 
aan  lumières  de  TÉvangileet  obstinées  à  garder  leurs  antiques  croyances. 
Marseille, elle-même,  n'embrassa  que  fort  tard  les  bienfaits  de  la  nouvelle 
religion,  car  ce  n'est  que  vers  la  lin  du  iir  siècle  qu'elle  donna  des  mar- 
tyrs tk  l'Kgiisc  ;  la  liste  authentique  de  ses  évoques  se  commence  guère  qu'à 
partirde  ta  conversion  de  l'empereur  Constantin  au  début  du  iv*  siècle.  • 

L'étude  des  débris  archéologiques  des  premiers  siècles  confirme  eî  t'cbire 
ces  données* 


•—  ï97  — 

direslls  sont  sculptés,  parce  qu'ils  sont  masqués  par  la  maçon- 
nerie du  mur  qui  fait  corps  avec  eux. 

En  examinani  les  abords  de  ce  curieux  monument,  [acquis 
bientôt  la  conviction  qu'une  chapelleavaitdù  exister  là,  comme 
me  paraissaient  l  attester  divers  fragments  d'architecture  et  no- 
tamment une  portion  decuWc-lampcoudechapîteau,  placée  sur 
la  porte  d'une  habitation  et  représentant  un  fauve  tenant  dans 
sesgrîtfes  un  agneau.  Le  souvenir  de  ce  sanctuaire  disparu  est 
complètement  effacé  de  la  mémoire  des  habitants  de  Bri/^nnles, 
mais,  sur  mon  insistance,  JVL  Auzivizier  a  bien  voulu  faire 
quelques  recherches  et  par  les  notes  qu'il  m'envoya  à  quelque 
temps  de  là,  j  appris  qu'uhecglise.sous  le  titre  de  Samt-Siméon, 
située  à  côté  de  la  source  de  ce  nom,  avait  été  donnée  au 
xW  siècle  àTabbaye  de  Saint-Césaire  d'Arles,  que  le  4  septem- 
bre 1247,  l'abbesse  Rixende  conféra  ce  bénéfice  à  Amiel  Venc* 
rosi,  chanoine  d'Aix  ;  enfin»  il  est  encore  question  de  ce  prieuré 
de  San  Sumian  dans  des  titres  de  1^24  et  de  1489  *. 

Jusqu'à  ce  jour,  le  monument  de  Sumian,  dit  de  Saint- 
Simcon,  n'a  jamais  été  étudié  scientifiquement  au  point  de  vue 
archéologique  ni  seulement  ftguré,  mats  le  D''  E^ércnger-Fcraud  ^ 
en  a  donné  une  description  incomplète  et  s'est  attaché  à  recher- 
cher 1  ctymologie  de  Sumian  et  les  crédulités  populaires  atta- 
chées à  ce  personnage.  H  dit  très  juslemenl  qu'il  n'existe  pas  de 
saints  appclésSumian  ouSimian  ctqu'aucundcssainis  Siméon 
connus  n'est  spécial  à  la  Provence,  Simcon  aurait  été  proposé 
k  l'époque  chrétienne  pour  remplacer  l'ancienne  divinité  de  la 
source  Sumian,  Enfin,  il  pense,  en  se  servant  du  grec,  que  la 
signification  de  ce  nom  est  mêler  ou  polluer  ensemble  et  la 


*  Essai  historique  sur  la  ville  de  Hrignoies^  d'après  les  notes  de  M*  tm. 
Lebrun.  Marseille.  1897»  p.  73,  j^d,  246,  35;  ei  Archives  des  Houchesdu* 
Rhône,  fonds  de  Saint-Césalre  :  prieurés.  Vc  34,  36,  44  h  y>, 

*  Superstitions  et  surpit'dttces,  Paris,  Leroax^  (896»  t.  I,  p.  41^  et  455. 


M  CQimnpnrHiMWHT  îu  ^'  sificte,  "  £j  Temar^i-t  ;.r  c:rœ  en  z£.i- 
cnrt  dur^appele  eu Pn^venœ  picrri  fraiie.  it  :'  45  âf  hamsur. 
^  0*  5o  de  largror  fit  f'CTatfiftrcr.  £  sock  ei  k  cnumnneiiien: 
dis,  faisant  saillie  sur  ie  ODrps  âe  ï&atcl  cjj  esi  crac  aeLJte- 
■JcntscTffl  tace  pr:Tiz»p<kΣ  ::  l-oc  ctoa  xatine  en  reliisf  irOTTrîTE- 
o*ittwi$ic  mtiifiji  as  sb.  tiTEacbc  i^feriecre  1:3  ifiis^iicf  poir" 
fc$  nûiqûtt.  Le  smmnst  Zu  mers  iiTiDearr  pî'cseriîc  Lia  ^-arrc  iacif- 
i**camc  de  o"  14  iie  ciné..  CTest  la  première  ?:its  joe  ie  cassîaie 
1  eusQeiice  de  deux  luaùî  sssi  le  mèroe  a-m**! 

*  L'aoïei-cippc  de  Lsr::îï£  n"a  pas  eiîé  mcEt1a2.De  dams  jes 
iCEl  ^idsB  piibliâ  par  I  abbaye,  prr»babierDent  jissrzs.  q-'iil 
figfî  aloTB  as  tcliiem  ds  crmenere,  d-i  îi  fierra.c  de  ba&e  à  cne 
croii  de  boii  reccnrvfirîe  :ie  p'^ames  ^l:  *e  iisçiaîuiajerî  presque 
compW!tf?mciii.  Le  CariauLoire  as  SoJrtLl-H'JtïrjrBi  n^em  parie  pas 
aoD  pbs.  Une  pierre  serr  biibiC  se  trocTera-u  parait-Li,  à  Six- 


CcuBiDe  le  penirfLieai  ]U1M    ie  Pnss'.  FJoaes-i  et  R:»^a-k  de 

neanr,  nos  auiebr^i-ppes  ae  P^D^cDce  îiCctl,  pour  la  p!:iparu 

des  amdspaie&Bi.  a:iiq;uek  ie  Gi-.stiar:  issoe  est  ven  ui  «1  "»:»Ln.cr  sics 

srmboies  propres.  Le iaJî  est  injériiflr jt  pDiur  la  pierre  de  Sa-ni- 

Zadiarie  et  probable  pour  ceiije  dte  ae  Sa:nt-S;rr>tron  à  Brlpso- 

fes:  il  a  acfisi  éîê  coQStaié  à  R:xr>e  par  de  P  Dssi.  Dans  TempiC^i 

icœs  vjfini  TOODcrroents  par  les  proparar.eLirs  ieia  reiir»03  da 

ÇhnSL  i]  ne  fkm  pas  voir,  'yt  ûtt»:?,  s.e'j:t'-r>e!3i  lidc  Li.lii.at.-c«n 

praigae  de  jnaienaiEix  dt:;a  ia^iTiies,  rnais  simi^jt  ::ji  procède 

très  adrah  de  caoserver  à  des  p>erre>  de.a  -vtrrtrrées  je:ir  cl>eîî- 


—   20O   — 

tèle  de  dévots  en  évitant  de  lui  demander  trop  tôt  un  renonce- 
ment  compléta  ses  anciennes  croyances.  Ainsi  que  je  le  rappe- 
lais plus  haut,  les  premiers  missionnaires  de  nos  campagnes 
cureni  à  compter  avec  les  croyances  préexistantes  et  ce  n'esi 
qu'avec  de  grands  ménagements  et  en  évitant  toute  transition 
brusque,  capable  de  froisser  des  convictions  très  profondes, 
qu'ils  purent,  en  quelque  sorte,  infiltrer  petit  à  petit  les  précep- 
tes Cl  les  rites  de  la  foi  nouvelle. 

A  ce  moment,  on  donna  même  à  chaque  église  un  patron 
dont  le  nom  ou  l'image  rappelassent  la  divinité  jusque-là  ado- 
rée ' . 

Je  n  entends  pas  affirmer  ici  que  tous  les  autels-ctppcs  om 
été  fabriqués  avec  dei  monuments  païens;  on  a  dû  en  confcc* 
Itonner  tout  exprés  pour  les  besoins  nouveaux  ;  maïs  on  leur  a 
conservé  la  forme  générale  dcs^nr  romaines  et  cela  est  si  vrai 
que  la  survivance,  même  à  Tépoque  romane»  du  type  dont  il 
s*agit  est  affirmée  par  la  forme  de  lautel  qui  est  conserve  à  ren- 
trée de  la  crypte  de  Tarascon  -. 

Par  contre,  il  est  des  cas  où  lancien  ctppe  païen  a  été  utilisé,^ 
sans  modilîcaiion  aucune,  comme  support  d  autel  ou  de  béni- 
tier, comme  à  Api,  Amibes,  Orgon,  Gardanne,  Saint-Mitre 
et  dans  une  foule  d'autres  sanctuaires  provençaux*  La  présence 
de  ces  pierres  dans  un  si  grand  nombre  d*églises  est  une  nou- 
velle preuve  du  soin  que  mirent  les  premiers  pasteurs  à  s'assu* 
rcrla  possessionde  monuments  déjà  vénérés  pour  attirer  le  peu- 
ple dans  les  nouveaux  temples. 


*  Mars  fut  remplacé  par  saini  Marc  ou  par  dea  soldats  comme  saini  Mar* 
lin,  saïui  Victor  et  saint  Maurice:  Saturne,  par  saint  Saturnin  ;  Vénos,  p^r 
la  &ainte  Vierge,  le  culte  aérien  d'Apollon»  par  saint  ApolUoaire  oti  par 
saint  Michel  ou  un  autre  archange.  (Cf.   Les  Antiquités  de  fArc,  par  | 
H.  de  Gérin  et  Arnaud  d*Agnel,  chap.  iv,  paxum,) 

*  Cet  autel  à  arcaiurcs  et  à  colon  nettes  ornées  de  croii  et  inênaf;êes 
dans  te  bloc,  acte  attribué  aa  xiii*  siècle  par  l'abbé  PougocL 


-     20(     — 

esiiPiatîon,  —  La  forme  bizarre  denosautels-cippcs  eitcur 

Ihauieurtrès  inégale,  puisque  certains  nom  que  o*8o  eid  autres 

fattergnent  i""  70,001  faiid'abord  hésitera  les  considérer  corn  me 
des  autels;  on  s*esl  demandé  tour  à    tour  si  ces  monuments 

|H  claieni  pas  des  pieds  de  croix,  des  stèles  funéraires  ou  tout 
luire  chose  ;  il  n'en  est  rien  et  la  présence  seule,  constatée  sur 

Flous,  du  loculus  ou  tombeau  contcnanilesossemenis  des  mar- 
tyrs sur  lesquels  on  célébrait  les  mystères  sacrés  dans  l'Église 
primitive,  suffit  à  établir  leur  caractère  d'autels  ou  de  supports 
d*auiels  pédicules,  comme  le  fait  a  été  constaté  a  Antibes. 
Nous  savons,  d'ailleurs,  que  les  autels  tabellaires  ou  pédi- 

|culés  étaient  constitués  par  une  table  de  bois,  de  pierre  ou 
ie  marbre  soutenue  par  un  support  central.  A  cette  forme  pri- 

^mitivede  rauiel,  succéda  celle  du  tombeau  qui  prévalut  dans 
rEglised'Occidcnt^n  souvenirdes  sarcophages,  sur  lesquels  les 

[premiers  chrétiens  célébraient  FEucharistie  dans  les  catacom- 
bes. On  donnait  aux  autels  primitifs  la  forme  tabellaire  parce 
jue  Jcsus-Christ  était  à  table  lorsqu'il  institua  l'iiucharistic'. 

Quanta  la  hauteur  de  nos  autels-cippcs,  il  était  facile  desuré- 
Icvcr  les  plus  bas  par  Temploi  d'un  stylobate  et  de  ramener  les 
plus  hauts  à  un  niveau  convenable  en  les  enfonçant  dans  le  sol, 
comme  cela  a  certainement  eu  lieu  pour  les  deux  spécimens  de 

^Brignoles  et  de  la  Gayole  qui  se  terminent  dans  le  bas  par  une 

>rlion  à  peineébauchée  et  évidemment  destinée  à  être  cachée. 

îlnfin,  il  est  à  noter  que  les  autels  les  plus  bas  sont,  par  suite 

de  dégradations,  tous  privés  de  leur  corniche  de  couronnement, 

d  où  une  diminution  que  Ton  peut  évaluer  a  20  centimètres. 

Age,  —  Une  autre  question  fort  intéressante  se  pose  à  propos 
le  ces  monuments.  Que!  est  leur  âge  ? 
Pour  tous  ceux  qui  s'en  sont  occupés,  ils  datent  de  la  période 


•  Dtction^  Jet  Àniiquit .  chrét,,  par  J.vcqoïw  et  UciiHEn«j,  p,  42  ci  423 
frl  Diction,  de  théohgie^  par  l'abbé  BEiniiEiî,  au  moi  ;  auiel. 


—    202    — 

allant  du  v  au  vu*  siècle,  ei  voici  les  opinions  émises  sur  quatre 
d 'enlr'eux. 

L'autel  de  Rognes  serait,  suivant  M.  Rohauli  de  Ficurv  (in- 
Constantin,  op.  cit.,  p.  Si 3  note),  qui  le  rapproche  de  ceux 
d'Ispagnacetdc  Saîni-Zacharie,  du  v*  ou  du  vr  siècle  et.  sui* 
vani  le  P,  de  la  Croix  (in-Chaillan»  op,  cil,),  de  la  deuxième 
moitié  du  vi*  siècle. 

Celui  de  Favaric  poricraii,  pour  l'abbé  Constantin  et  M. 
KIouesl»  la  marque  du  vjp  siècle,  tandis  que  M,  Chaillan  pense 
que  sa  grande  roue  avec  at  et  <•►  indique  le  vi«. 

Quant  au  monument  de  la  Gayole.  ce  dernier  auteur  le  date 
de  la  fin  du  vt«  ou  même  du  vn*  siècle^  à  cause  de  la  présence 
du  P  et  des  caractères  A  et  <»i. 

Enfin*  fergès  voit  dans  lauiel  de  Saint*Zacharic  une  œu* 
vre  du  vi*  ou  du  vn*  siècle. 

La  question  pourrait  être  tranchée  d'une  fa^^on  beaucoupplus 
précise  si  nous  possédions  ce  que  j  appellerai  une  échelle  chro- 
nologique des  différentes  formes  du  chrisme  figurant  sur  des 
monuments  datés  d  une  façon  certaine  comme  les  monnaies  et 
les  inscriptions;  mais,  à  défaut  de  ce  guide  —  encore  attendu 
—  i'ai  réuni  quelques  indications  capables  d'éclairer  un  peu  le 
sujet  ;  les  voici  : 

Le  type  primordial  du  chrisme  est  composé  de  la  lettre cAi  X* 
.  T -.   coupée  en  deux  par  une  barre  verticale  qui  est  un  iota  L 

jÊ^  C'est  te  chi  vergé,  composé  des  initiales  du  nom  du 
-*  J^^  Christ  Ir^ffouç  Xsi^ôç  tel  qu'il  figure  sur  une  inscription 
lunéraîre  de  Tan  279  *. 

Sur  des  monnaies  de  Tarragone  allant  de  3 20  à  324,  l'iofa 

O       est  terminé  dans  le  haut  par  une  boucle  ronde.  C'est 

j^  rapparition  du  P  (rko)  qui,  avec  le  X  (chi),,  vont  for- 
-^1^     mer  les  éléments  du  nouveau  monogramme  qui  ne 


>  1*  Màoiaci,  BmU€iim  Jts  Âmtifmim^  tgol.p*  Itû, 


—    203    — 

sera  plus  composé  des  deux  initiales  du  nom  de  Jésus-Christ, 

mais  des  deux  premières  lettres  de  Xoi-îtôç.  Ce  sigle 

figure  sur  des  inscriptions  funéraires  de  l'an   298  à 

Tan  329*,  et  suivant  Le  Blant-  jusqu'en  493.  On 

voit  aussi  sur  les  beaux  cercueils  en  plomb  de  Saida  (Phéni- 

cie),  légués  par  le  baron  Lycklama  au  musée  de  Cannes  et  que 

de  Rossi  considérait  comme  du  iv'  siècle  et  peut-être  même  du 

Quant  à  l'addition  des  caractères  a  et  to  dans  les  branches  du 
chrisme,  elle  a  été  constatée  dès  Tan  377  et  se  maintient  encore 
en  547*.  Notre  région  a  fourni  des  repères  à  ces  indications  par 
un  autel  et  un  sarcophage  du  musée  Borely  attribués  au  iv"  siè- 
cle^  et  par  un  marbre  d'Arles  du  v«  ^  sur  lequel  figure  aussi  une 
couronne  ou  guirlande  de  laurier  et  non  d'épines. 

A  propos  de  ce  dernier  attribut  entourant  le  chrisme,  on  le 
rencontre  d'une  façon  assez  suivie  à  partir  du  iv  siècle  ^  sur  des 
monuments;  sur  les  monnaies,  il  se  prolonge  fort  tard,  puis- 
qu'on le  rencontre  encore  sous  Justinien  I«^  c'est-à-dire  en  plein 
VI*  siècle.  Les  bronzes  des  prédécesseurs  de  cet  empereur,  Jus- 
tinien leThrace  (518-27),  portent  dans  Vorarium  un  signe  pris 
pour  l'indice  monétaire  K  et  dans  lequel  je  crois  voir  la  repré- 
sentation d'un  demi-chrisme,  disposé  en  parti,  comme  on  dit 
en  héraldique*. 

Voilà  pour  le  chrisme  ;  mais,  ce  symbole  ne  constituant  pas 


*  J.  Mauricb,  Bulletin  des  Antiquaires,  1903.  p.  3 10. 
Inscriptions  chrétiennes^  préface,  p.  11. 
Bolletino,  1873. 

*  Le  Blant,  op,  cit, 

*  Le  Blant,  Catalog.  du  musée,  p.  66  et  67. 

*  Le  Blant,  Inscrip.  chrét,,  n»  5a 5. 

'  A  Marseille  et  à  Arles  sur  un  aotel  et  sur  un  couvercle  de  sarcophage. 

*  Des  monnaies  de  Théodose  II  (4o8-5o)  portent  le  chrisme  complet  dans 
une  guirlande.  Cf.  Sabatier,  Description  générale  des  monnaies by\an* 

ines.  Paris,  1^62^  passim . 


204  — 

JL  lui  seul  lout  le  mode  d'ornemcniation  de  nos  amels 
remarques  devraient  aussi  être  faites  sur  les  dates  extrêmes  de 
remploi  des  autres  motifs  décoratifs  qui  y  tigureni  (vase,  vigne. 
palmeltes,  aigle,  croix),  mais  c'est  encore  là  un  important  tra- 
vail qui  reste  â  faire  et  qui  exige  une  hauteur'de  vues  et  une  éru- 
dition que  seul  un  maître  de  rarchéolo^^ie  chrétienne  peut  réu- 
nir. 

Toutefois,  en  utilisant  les  données  relatées  plus  haut  sur 
révolution  de  la  forme  du  chrisme  et  aussi  quelques  observa- 
tions faites  par  de  très  compétents  archéologues  sur  les  autres 
sujets  décoratifs  de  nos  monuments,  je  crois  pouvoir  proposer 
le  classement  suivant  —  lout  provisoire  s'entend  —  de  nos 
autels-cippes.en  commençant  par  ceux  que  Je  crois  être  les  plus 
anciens  ; 

r  Autel  de  la  Gayolc  (chrisme  sans  orarium:  A  et  oi  suspen- 
dus par  des  chaînettes  comme  sur  Tinscription  funéraire  du 
bassin  de  carénage  de  Marseille  considérée  comme  du  iv*  siè- 
cle); 

29  Autels  de  San  Sumian  de  Brignoles  et  de  Sainte-Croix  de 
Salon  (croix  latines  gemmées  ou  perlées  considérées  par 
de  Rossi,  de  Caumont  et  Rohault  de  Fleury  comme  marquant 
le  v«  siècle)  ; 

3«  Autel  de  Rognes  ( chrisme  a  six  branches  comme  celui  de 
Salon,  mais  les  branches  sont  ici  perlées  ;  les  croix  latines  \aw* 
raies  étaient  peut-être  aussi  perlées,  v*  ou  vi*  siècle)  ; 

4«  Autels  de  Favaric  et  d'Amibes  (chrisme  a  huit  branches, 
VI r  siècle); 

5<»  Autel  de  Ttle  Saini^Honorat  de  Lérins. 

Quani  à  l'autel  de  Saint-Zachane,  je  n'ose  lui'assigner  une 
place  dans  cet  essai  de  classement,  parce  que  si,  d'une  pan.  son 
origine  païenne  indiscutable  et  soa  ornementattoa  très  primi- 
tive gravée  au  trait  et  non  sculptée  disposent  à  lui  faire  prendre 


kiig  en  tête  de  la  nomenclature  ci-dessus,  d'autre  part»  les 
jjeis  représeniés  (icniures  et  brebis)  ne  font  leur  apparition 
km  d'autres  monuments  qu'à  une  époque  assez  basse  cl  posté- 
rieure à  celle  où  Ton  a  constate  l'emploi  courant  de  poissons, 
de  colombes,  d'aigles,  de  vases,  de  vignes,  etc.  A  Tégard  de  ce 
monument»  nous  manquons  totalement  d*élément  local  de 
comparaison  et  cela  explique  pourquoi  Barges  s'est  tenu  dans 
un  juste  milieu  en  lattribuant  au  vi*  ou  au  vu*  siècle. 
Comme  on  le  voit,  la  série  des  autels-cippes  que  nous  con- 
lissons  est  peu  nombreuse  et  c'est  ce  qui  rend  encore  plus  in- 
Iressante  l'étude  de  ces  monuments  capables  de  fournirde  pré- 
cieuses indications  sur  Thistoire  religieuse  et  sur  les  étapes  de 
Tan  dans  notre  région  ;  mais  là  n'est  pas  tout  Tînlérêt  qu'ils  pré- 
sèment.  Si  la  nature  des  calcaires  employés  à  ces  ouvrages  pou- 
vait être  examinée  par  un  géologue,  peut-être  pourrait-on  sa- 
voir de  queiles  carrières  ils  sont  sortis  et,  par  suite,  si  ce  sont 
les  célèbres  ateliers  chrétiens  d*Arles.  voisins  de  beaux  gisements 
de  pierre  tendre,  ou  ceux  moins  réputés  d'Aix  qui  les  ont  façon- 
nes, ou  s'ils  ont  été  taillés  et  sculptés  surplace pardcs  lapidaires 
^mbulants  ou  par  des  artisans  de  l'endroit  ^ 
Celte  constatation  augmenterait  la  somme  si  réduite  de  nos 
>nnaissances  sur  cette  branche  de  riiistoire  industrielle  de  no- 
"trc  région  à  Tepoque  mérovingienne. 

Puisse  cette  modeste  étude  provoquer  le  secours  que  nous 
attendons  de  la  géologie  et  décider  aussi  des  confrères  à  rechcr* 
cher  et  à  faire  connaître  les  autres  exemplaires,  encore  ignorés. 
des  autcls-cippes  qu'un  pays  comme  le  nôtre  doit  forcément 
posséder. 


I*  I.'iutel  de  Fa  varie  et  celui  de  Salon  sont  en  grès  blanc  ïx  grain  très 
I,  semblable  à  cetui  des  carrières  d'Arles,  de  Fontvieille  oa  de«  Baux. 


-    207 


PASSAGES  DE  CESAR  ET  D'ANTOINE 
chez  les  Oxybiens 

par    M.    DE   VILLE  B'AVRAT, 

Bibliothécaire  archiviste  de  la  ville  de  Cannes. 


Après  avoir,  à  la  fin  du  chapitre  i''  de  notre  Histoire  de 
Cannes  *.  tenté  de  délimiter  les  territoires  occupés  par  les  anti- 
ques populations  des  rives  azurées,  nous  nous  sommes  repor- 
tés aux  auteurs  latins,  pour  essayer  d'y  découvrir  quelques 
indications  certaines  sur  un  passé,  d'autant  plus  difficile  à 
reconstituer  que  les  textes  sont  plus  rares.  Encore  faut-il  s'obs- 
tiner à  lire  entre  les  lignes,  lorsqu'on  a  eu  la  bonne  fortune  de 
rencontrer  enfin  quelque  chose  de  positif! 

Le  territoire  de  l'antique  Œgitna,  au  centre  duquel  se  trou- 
vait le  Castrum  Marsellinum  (Cannes)  à  l'époque  de  la  con- 
quête des  Gaules,  est  celui  qu'occupaient  les  Oxybiens  (d'An- 
libes  au  Cap-Roux  et  Agay).  A  l'tlst  de  cette  peuplade,  se 
trouvaient  les  Décéates,  s'étendant  du  Var  à  Antibes;  au  nord, 
les  Quariates  et  les  Adunicates.  dans,  les  hautes  vallées  du 


•  Histoire  de  Cannes^  t.  I",  chap.  ii,  p.  108  ;  manuscrit.—  Médaille  de 
vermeil  au  Concours  du  Prix  Thiers,  lyoj. 


-    208  — 

Loup  Cl  de  la  Lonnc  ;  enïin  les  Suelten\  occupani  touic  U 
partie  ouest  de  rKsicrel,  Repousses  de  la  cote,  depuis  Tan  i55 
avant  Jésus-C^hristJes  Ligures  s'élaieni  retirés  sur  les  sommes 
de^  montagnes.  Telle  est  la  situation  générale  au  moment  où 
paraît  César. 

Après  la  lecture  de  Plutarque  ei  des  Commentaires,  si  nous 
ne  pouvons  fournir  un  texte  précis  sur  le  passage  du  grand 
capitaine  dans  notre  réf^^ion»  nous  pouvons  au  moins  formuler 
des  hypothèses  très  vraisemblables.  Il  est  hors  de  doute  que 
notre  contrée  a  dû  souvent  voir  passer  les  troupes  romaines 
«  suif  saninis  »,  comme  écrit  César  *, 

Quand  César  écrit  #t  qu'il  retourne  en  Italie»,  c'est,  ne  l'ou- 
blions pas,  dans  la  Gaule  Cisalpine  qu'il  va.  Nous  allons  donc 
chercher  avant  tout  à  préciser  son  point  de  départ,  son  objectif 
et  le  trajet  de  son  retour  à  la  prise  des  quartiers  d'hiver.  Nous 
aurons  ainsi,  tant  a  Taller  qu*au  retour*  ses  points  de  passage 
logiques  se  rapprochant  le  plus  prèsde  la  vérité,  militairement, 
géographiquemcnt  et  topographiquement  parlant. 

Dans  ia  campagne  de  58  contre  les  Helvétiens»  César  partant 
de  Rome  et  allant  à  Genève  à  marches  forcées,  le  passage  par 
le  Mont-Cenis  et  la  vallée  de  TArc  s'impose.  Le  texte  ajoutant 
it  qu'il  ordonne  les  plus  nombreuses  levées  dans  toute  la  Pro* 
vince  )>,  il  est  fort  probable  que  les  habitants  de  notre  région 
durent  fournir  des  éléments  à  ces  levées  générales  et  hâtives. 
Laissant  bientôt  le  commandement  à  T.  Labicnus,  le  procon- 
sul rentre  en  Italie  lever  d*auires  légions.  A  son  retour,  les 
Centrons,  les  Graiocetes  et  les  Caturiges,  occupant  les  hau- 
teurs, essayent  d  arrêter  sa  marche.  Après  plusieurs  combats 
heureux,  il  «  arrive  en  sept  jours  sur  le  territoire  des  Voconccsï»', 


t  Ùe  belto  GûllicQ,  Itb.  H.  %vai. 
*  Commentaires,  Ub.  1*  x. 


Venant  d*Aqutlée,  dans  le  Frioul  Vénitien,  il  a  dû  remonter  le 
Pà,  passer  par  le  col  du  moni  Genèvre,  traverser  le  pays  des 
DiturigeSt  dont  la  capitale  était  Caturigomagus  (Chorges, 
Hautes-Alpes !,  passer  par  Briançon,  Embrun,  Gap»  et  atteindre 
le  icrriioire  des  Voconces  à  Ad  Fines  (comitiune  de  la  Roche- 
des-Arnauds.  Hauies-AlpcsL  A  la  fin  de  cette  campagne»  il 
prend  ses  quartiers  d*h[vcr  chez  les  Séquancs,  il  opère  donc 
vraisemblablement  son  retour  piir  le  Moni-Cenis.  Dorant  celte 
partie  de  la  conquête  de  la  Gaule»  il  ne  passe  donc  jamais  chez 
les  Oxybicns,  maïs  cette  peuplade  prend,  selon  toute  vraisem- 
blance» part  aux  levées  qui  se  font  dans  la  Province- 
Ce  n'est  pas  au  printemps,  comme  1  écrit  Aubenas  ',  mais 
«iu  début  de  I  été  que  commence  la  campagne  de  5y  ^.  Impo- 
sant au  pays  de  nouvelles  levées.  César  fit-il  encore  appel  à 
nos  vigoureuses  populations?  Il  ne  ledit  pas  dans  ses  Mémoires. 
Les  campagnes  des  années  suivantes  jusqu^cn  53  ne  nous  four- 
nissent aucune  indication  utile»  sauf  celle  de  5tj,  où  h  il  ordonne» 
m,  pendant  que  Ton  construit  des  vaisseaux  longs  sur  la  Loire» 
*  de  lever  des  rameurs  dans  la  Province,  de  réunir  des  mate- 
m  lots  et  des  pilotes.,,  s^  ^.  Cet  appel  fait  au  concours  de  nos 
^populations  maritimes  esta  noter.  La  lutte  avec  les  habitants 
des  côtes  de  BreiagnCt  les  Venetes  (Vannes)»  aura  forcément 
un  caractère  maritime  et  sedécidcra  par  un  combat  naval  ;  aussi 
César  a-t-il  recours  aux  marins  de  la  Province  dont  il  a  pu  déjà 
apprécier  la  valeur.  Avec  les  bateliers  du  Centre,  les  marins  de 
Forum  Julii  et  les  fils  des  Corsaires  d'Œgitna  semblent  tout 
indiqués  pour  fournir  un  excellent  contingent. 

En    5a,  ni  Forum  Julii  ni   Casirum   Marsellinum  n'étant 


*  AoiiiffAS»  Hist.  de  Fré/ut,  p*  3g. 

*  «  Qcsar, . .  iniu  ssiAte, . .  Q*  Pedium  istsit»*  Commentairti,  lib.  il,  ii. 
s  ibid.,  lib.  111.  IX, 


WOXGHtS^ 


—    21U    — 


menacés  par  Lucièret  lieytcnani  de  Vercingctonx,  César  qa 
pour  la  deuxième  lois»  pénètre  par  les  Hauies-Alpes  dans 
Province,  ne  visite  que  la  partie  sud  de  la  Narbonnaise  ei  ne 
traverse  pas  notre  région. 

En  5i,  le  proconsul  passe  l'hiver  à  Bibracte  (Aulun)  et 
réprime  les  derniers  soulèvements.  Puis,  la  paix  étant  assurée, 
il  visite  la  Gaule  méridionale,  se  montre  en  Aquitaine  et  reçoit 
les  otages  envoyés  par  le  pays.  II  part  ensuite  pour  Narbonne, 
avec  une  escorte  de  cavalerie.  Mais  il  ne  dit  pas  s'il  visite  notre 
région  Oxybiennc. 

L'année  suivante»  César,après  avoir  visité  toutes  les  contrées 
de  la  Gaule  Citérieure,  rejoignit  promptement  son  armée  à 
Némétocène  K  Dans  sa  hâte,  il  ne  dut  pas  passer  par  le  littoral, 
mais  par  le  chemin  le  plus  court,  c'est-à-dire  par  le  Monl- 
Cenis. 

Nous  n'avons  donc  pas  une  seule  fois  trouvé  le  nom  des      , 
Oxybiens,  ni  des  Décéates  dans  les  Commentaires,  ^H 

Pendant  la  guerre  civile,  après  la  chute  de  Marseille  :  «  it 
^  entra  dans  la  place,  et  y  ayant  laissé  en  garnison  deux  légions. 
m  renvoya  les  autres  en  Italie  et  revint  à  Rome  >►.  Plutarquc 
n'est  pas  plus  explicite^.  Mais  il  est  évident  que.  pour  aller  de 
Marseille  en  Italie,  les  légions  ont  dû  passer  par  la  route  du 
littoral,  et  que  César  a  suivi  le  môme  chemin,  avec  sa  rapidité 
si  fameuse,  à  moins  qu'il  ne  soit  allé  à  Rome  par  mer.  Nous 
pouvons  donc  enregistrer  avec  très  grande  probabilité  lepassa^ 
par  Tamique  Œgitna,  des  légions  victorieuses  de  Marseille. 

En  résumé,  César  a  traversé  notre  région  peut-être  en  Tan  5o^ 
en  venant  de  Narbonne,  et  très  probablement  en  49»  après  la 
prise  de  Marseille. 


*  Commïïntaires,  Ub.  VlII-L  ei  LU,  et  Aubehas,  p.  45. 
■  Vit  de  César,  %  xtn. 


—    211    — 


D.  Junius  Brutus,  après  l'assassinat  de  César,  vint  se  mettre 
à  la  tête  de  nos  contrées  et  de  la  Cisalpine.  La  Province  supé- 
rieure est  gardée  par  les  quatre  légions  de  Muratius  Plancus, 
tandis  que  Lépide  commande  le  reste  de  la  Province  romaine 
méridionale.  César-Octave  est  à  Rome,  où  le  grand  Cicéron, 
alors  âgé  de  64  ans,  Tentoure  de  son  amitié  et  le  couvre  du 
prestige  de  son  éloquence.  Antoine  est  en  Macédoine,  aussi 
loin  que  possible  de  Rome,  où  il  est  redouté.  C  est  assez  la  situa- 
tion de  Bonaparte  en  Egypte,  et  c'est  aussi  Tépoque  des 
grands  discours,  des  célèbres  Philippiques.  Marc-Antoine,  avec 
des  légions  revenues  de  Macédoine,  cherche  aussitôt  à  s'empa- 
rer de  ce  gouvernement  de  la  Cisalpine,  que  chacun  convoite 
déjà,  non  seulement  pour  sa  proximité  de  la  capitale,  mais  pour 
ses  beautés  particulières  et  pour  son  climat  privilégié.  Ces  lut- 
tes sont  du  domaine  de  l'histoire  et  nous  avons  seulement 
recherché  dans  les  lettres  de  Cicéron  ce  qui  se  rapporte  à  notre 
sujet.  II  faut  les  lire,  ces  lettres,  pour  comprendre  les  atermoie- 
ment de  ces  chefs,  la  fausseté  de  leurs  discours  et  les  forfan- 
teries de  Plancus  1  Celles  adressées  au  grand  orateur  nous  four- 
nissent ici  de  précieux  renseignements  *. 

Lépide  vient  de  recevoir  l'ordre  de  lever  son  camp  des  bords 
du  Rhône  et  de  marcher  en  toute  hâte  sur  les  Alpes-Maritimes. 
Plancus,  lui,  vient  de  Lyon  et  s'arrête  sur  l'Isère...  pour  attendre 
les  événements.  «  Si  Antoine  arrive,  dit-il,  sans  être  bien  accom- 
pagné, j'espère  lui  résister  facilement  et  faire  prendre  aux  affai- 
res une  tournure  dontvous  serez  satisfait,  quand  même  l'armée 
de  Lépide  se  disposerait  à  le  recevoir....  Soyez  sur  que  per- 


*  Lettres  familières  de  Cicéron,  coWeci'ion  Panckoucke,t.XXVJeiire8i5. 


—    212    — 

sonne  ne  remportera  sur  moî  pour  le  zèle,  le  courage  et  l'acti- 
vité ».  —  Antoine  cependant  pénétrait  en  Gaule  par  les  passa* 
ges  les  plus  méridionaux*  soutenant  ses  troupes  dans  les  Alpes 
par  son  énergie  toute  militaire  et  sa  bonne  humeur.  Ce  passage 
des  Alpes,  nullement  préparé,  fut  extrômemeni  pénible  pour 
ses  légions  qui  *<  durent  sou\'ent  se  nourrir  de  la  chair  de  leurs 
chevaux  ».  Maître  de  la  Via  Aurélia,  il  chemine  le  long  de  la 
mer  sans  rencontrer  d'obstacles  sur  sa  rouie,  puisque  ni 
Plancus,  ni  Lépide  ne  se  sont  avancés  jusqu'à  lui.  Tout  le 
territoire  étudié  dans  le  premier  chapitre  de  cette  histoire  est 
donc  traversé  par  les  légions  d'Antoine  qui  franchissent  Cas- 
trum  Marsellinum  avant  de  se  hasarder  dans  TEstéreL  Que  de 
fois*  dès  lors,  dans  notre  histoire  locale,  ne  verrons-nous  la 
même  roule  suivie!  ^ 

Fort  en  cavalerie  *,  Antoine  doit  choisir  de  préférence  la 
plaine  de  Laval  pour  faire  reposer  ses  forces  de  cavalerie.  Au 
milieu  de  mai  48»  nouvelle  lettre  de  Plancus  à  Cicéron.  auquel 
il  annonce  qu'Antoine  s'est  avancé  jusqu'aux  abords  de  Fréjus* 
et  il  écrit  le  12  mai  :  «  Cependant,  sur  Tavis  que  Lucius,  frère 
d'Antoine,  s'était  avancé  jusqu'à  Forum  Julii  avec  un  corps  dc 
cavalerie  cl  quelques  cohortes;  j'avais  fait  partir  la  veille  môiî 
frère  h  la  tête  de  quatre  mille  chevaux  pour  aller  à  sa  rencon* 
tre  »  ^.  I.épide  arrive  au  Luc  (Forum  Voconii),  et  la  fin  d'une 
lettre,  si  Ton  y  regarde  de  près,  va  nous  donner  exactemcni  le 
jour  du  passage  d'Antoine  àCasirum  iMarsellinum  :  *  Antoine 
est  arrivé  le  \b  mai  à  Forum  Julii.  avec  son  avant-garde  ;  Ven- 
tidius  n'en  est  éloigné  que  de  deux  journées  )►  *,  Si  l'avant- 


*  LtttfÊî  familières  de  Ckéron,  U  XXVI.  ïcitrc  816. 
■  Ibid  ,  I.ettre  816. 

*  «  Antonius  id.  maii  ad   Forum  JuJii  cum  prîmis  copiis  venît;  Vritti- 
dius  k>idtii  spatio  abest  ab  eo, . .  »  ibid»,  lettre  818. 


le  arrive  le  i3  mai  a  Fréjus  avec  Anioine,  tandis  que  le  gros 
esi  â  hauteur  de  Nice,  il  est  inconiesiable  que  le  célèbre  amant 
deClêopàtre  traverse  Vallauris,  Mougins,  Cannes  et  la  Napoulc 
le  14  mai  de  Tan  43  av,  J.-C.  (ou  le  î5  au  plus  tard).  —  *<  Ven- 
lîdîus  rejoint  Marc-Antoine  avec  ses  trois  légions  ;  leur  camp 
est  au-delà  du  mien  probablement,  au  bord  de  l'Argens]. 
Antof  ne,  avant  cette  ad  jonction,  n  avait  que  la  deuxième  légion 
avec  un  assez  grand  nombre  de  soldats  des  autres  légions, 

^muis  sans  armes.  Sa  cavalerie  est  considérable...  elle  ne  monte 
pas  à  moins  de  trente  centuries...  ^.  D*après  ce  texte,  nous 
pouvons  aflirmcr  que  c*est  la  deuxième  légion  romaine  qui 
traverse  avec  Marc*Antoînc  notre  région  Cannoise,  le  14  mai 
de  l'an  43  av.  J.-C.  Nous  savons,  de  plus,  dans  quel  triste  état 
se  trouvait  cette  petite  armée,  dont  la  force  la  plus  importante 
consistait  en  cavalerie.  Chaque  cohorieou  centurie  représentant 
100  cavaliers,  un  peu  plus  que  notre  moderne  escadron,  cela 
fait  donc  en  tout  un  corps  de  3. 000  sabres,  —  Réglementaire- 
ment» Tcffectir  de  la  légion  était  fixé  à  6.000,  Ce  chirlre  n'était 
jamais  atteint,  et  ne  représentait  que  5.ooo  combattants,  à  de 
rares  exceptions  près.  Cela  nous  donne  :  la  deuxième  légion 
(5.000  h.),  les  trois  légions  de  Ventidius  {tS.ooo  h.).  En  tout,  à 
son  premier  passage  à  Cannes  :  20.000  fantassins  et  3, 000  sa- 
bres. Une  lettre  d*Asinius  Poliion  à  Cicéron  porte  sa  cavalerie 
à  5*000  hommes.  Il  y  a  en  plus  «<  une  légion  de  P.  Bagienus  tl 
les  septième,  huitième  et  neuvième  légions  ^.  Au  maximum, 
quarante  mille  hommes;  mettons  35. 000  hommes  bien  armés. 
plus  des  habitants  enlevés  sur  son  chemin,  avec  ou  sans  armes, 
.  et  de  3  à  5. 000  cavaliers.  Telle  nous  parait  la  vérité.  La  lettre 
d'Asînius  Poliion  à  Cicéron  est  en  elTet  catégorique  :  u  S'il  perd 
l'espérance  du  côté  de  Lépide,  non  seulement  il  armera  le  peu- 
ple des  provinces»  mais  jusqu'aux  esclaves  y*  '.  Nous  avons 


•  Lettres  familières  de  Cicèron>  t.  XXVI,  icilrc  83 1, 


-   214  - 

ainsi  enregistré  le  jour  du  passage  des  troupes.  leur  composi- 
tion, leur  effectif,  les  numéros  de  leurs  unités,  et,  étant  don- 
née la  présence  de  celte  suite  de  fçens  non  armés,  pu  certiHcr 
que  nos  ancêtres  régionaux  furent  ainsi,  de  gré  ou  de  force. 
entraînés  à  la  suite  du  futur  triumvir. 

Appien  a  fait  nettement  connaître  les  ouvertures  et  les  rela- 
tions secrètes  entre  Octave  et  Antoine,  en  vue  d'une  entenlet 
et  cela,  dès  le  lendemain  du  combat  de  Modène,  Nous  n'en- 
trerons donc  pas  dans  le  récit  des  pourparlers  et  des  menées 
peu  loyales  des  généraux  de  Rome  aux  bords  de  la  rivière 
d'Argens.  Les  préliminaires  de  la  comédie  durent  huit  jours* 
et  le  2g  mai,  à  trois  heures  du  matin,  rentcnie  est  conclue, 
prélude  de  la  sanglante  tragédie  qui  va  sous  peu  se  dénouer  à 
Rome.  Le  lendemain,  Lépide  adresse  au  peuple  romain  son 
curieux  manifeste,  où  ses  proicstations  de  dévouement  à  il 
République  sont  d  autant  plus  prodiguées  que  moins  sincères. 
Une  fois  réunis,  les  deux  futurs  triumvirs  ont  une  force  consi- 
dérable, «  l'armée  de  Lcpide  étant  au  moins  égale  à  celle  d'An» 
toi  ne  •*  ^  Dès  lors»  celui-ci  se  trouve  à  la  téie  de  70,000  combat- 
tanis  environ  ;  il  va  falloir  compter  aVcc  celle  puissance.  Il  csi 
à  croire  que,  jusqu'au  mois  d  août,  le  temps  s'emploie  à  équi- 
per et  instruire  nos  compatriotes,  brutalement  arrachés  de  leurs 
Ibycrs,  à  unitier  l'armée,  à  préparer  le  drame  qui  va  se  jouer* 
Bouche,  Girardin,  Aubenas  font  quitter  Fréjus  vers  cette  épa* 
que  par  Antoine  et  Lépide,  ayant  tout  intérêt  à  se  rapprocher 
maintenant  de  l'Italie  :  ^  Or,  de  Fréjus  aux  Alpes-Maritimo», 
limite  du  gouvernement  daBrutusJeur  irréconciliable  ennemi,  ^ 
ils  ne  rencontraient  pour  faire  un  séjour  plus  ou  moins  long 
que  les  villes  grecques  d*Antibes  et  de  Nice^rcstées  neutres  dans 
ce  débat...  »  ^  En  dehors  de  ce  qui  touchait  alors  leur  intérd 


•  iàU,,  p.  84. 


—   2l5    - 

personnel,  c'est-à-dire  la  grosse  partie  engagée,  nous  ne  pen- 
sons pas  quMIs  se  soient  occupés  (comme  le  croit  Aubenas)  du 
port  ou  des  travaux  de  Fréjus.  Leur  objectif  était  à  Rome.  — 
A  la  fin  de  la  première  journée  de  marche,  la  plaine  de  Laval 
et  de  Mons  Œgitna  (Mougins)  nous  semble  tout  indiquée  pour 
avoir  vu  les  camps,au  moins  d'une  importante  fraction, de  ces 
70.000  hommes.  Nous  serions  même  tenté  de  les  répartir  ainsi  : 

^Première  journée  :  La  cavalerie  et  Tavant-garde,  aux  abords 
du  golfe  Juan  et  d'Antipolis  ;  les  Centuries,  dans  la  plaine  de 
Biot  ;  le  gros  de  la  colonne,  à  Castrum  Marsellinum  (Cannes) 
et  dans  la  plaine  qui  Tentoure,  au  nord  et  à  Touest. 

Deuxième  journée  :  La  cavalerie  et  le  gros,  à  Nicœa,  et  chez 
les  anciens  Vediantii  (rive  gauche  du  Var)  ;  les  dernières  frac- 
tions, probablement  vers  Deciatum  (Villeneuve-Loubet),  Cagnes 
et  Saint-Laurent-du-Var.  11  va  sans  dire  que  c'est  le  terrain 
seul  qui  nous  donne  ces  indications,  qui  ne  sont  nullement  des 
certitudes,  mais  semblent  cependant  s'imposer  pour  une  troupe 
en  marche,  ayant  pareil  effectif. 

Octave  n'a  pas  encore  vingt  ans,  lorsque,  le  20  août  ou  le 
10  septembre  (la  date  est  incertaine),  déjà  consul,  le  futur 
empereur  se  décide  à  appeler  à  Rome  les  deux  généraux  réunis 
à  Fréjus.  Il  est  donc  impossible,  cette  fois,  de  donner  une  date 
historiquement  certaine  pour  cette  traversée  de  l'ancien  terri- 
toire des  Oxybiens  et  des  Décéates,  comme  nous  venons  de  le 
faire  pour  la  première  traversée  de  nos  régions  du  pays  d'Azur. 
—  Peu  après,  le  triumvirat  est  conclu,  les  événements  vont 
se  précipiter,  et  jusqu'à  la  grande  bataille  de  la  Brague,  livrée 
auprès  de  Biot,  il  n'est  plus  question  de  nous. 


217   " 


VI 


LES  LIVRES  lilTlJllClQflES  D'JlHliES 

AU  XVI»  SIÈCLE 

par  M.  GHAILA.N.  curé  d'Albaron-en-Gamargue, 
Membre  de  la  Société  des  Amis  du  Vieil-Arles, 


Il  y  âdéjà  longtemps  qu  on  a  demandé  etqu*on  attend  tou- 
jours une  bibliographie  complète  des  livres  liturgiques  impri- 
més en  France;  c'est  que  ces  vieux  documents,  on  le  reconnaît 
aujourd'hui,  sont  précieux  à  plus  d'un  titre.  Outre  leur  intérêt 
spécial,  celui  de  livres  de  prières  usités  à  une  époque,  ils  peu- 
vent nous  fournir  encore  bien  des  détails  artistiques,  histori- 
ques et  archéologiques.  Aussi  quelques  chercheurs  ont  ils 
dirigé  leurs  investigations  vers  ce  genre  de  travaux.  La  liste  de 
leurs  productions  serait  déjà  longue  à  citer.  C'est  afin  d'ajouter 
une  petite  pierre  à  cet  édifice  que  nous  donnons  aujourd'hui 
ces  notes  sur  les  livres  liturgiques  d Arles,  nous  bornant, 
pour  le  moment,  à  la  période  du  xvi'  siècle,  c'est-à-dire  aux 
premiers  livres  imprimés.  Nous  devons  beaucoup  au  patient 
collectionneur  qu'était  l'abbé  Bonnemant  *.  Notre  principal  et 
presque  unique  soin  a  été  de  rechercher  dans  ses  manuscrits 
les  notes  qu'il  a  colligées  sur  ce  sujet. 


*  Bonnemant  (l*abbé  Laurent),  né  et  mort  à  Arles  (173 1-1802),  a  laisse' 
plus  de  100  manuscrits  relatifs  à  rhistoire  d'Arles.  Ils  sont  déposés,  au- 
jourd'hui, à  la  Bibliothèque  de  la  ville. 


■^  218  - - 


BRÉVIAIRE   DE    l50l. 


Le  premier  livre  à  mentionner  est  un  bréviaire.  Il  porte  la 
date  de  r5oj,  c  est  un  des  premiers  imprimés  de  la  région  ;  le 
bréviaire  d*Aix  n  avait  paru  que  deux  ans  plus  t6i,  en  1499; 
celui  de  Tabbaye  de  Saint-Victor  ne  vit  le  jour  qu'en  i5o8; 
celui  de  labbaye  de  Montmajour qu*en  i5i4;  celui  du  diocèse 
de  Marseille  qu'en  i526.  Mais  ce  qui  ic  distingue  surtout,  c'est 
qu*il  a  été  imprimé  à  Arlc^  même,  comme  nous  le  dirons  bien- 
toi  plus  en  détail»  Le  titre  de  ce  bréviaire  serait  d'après 
Brunel  '  :  Breviarium  secumium  consuetudinem  ecclesie  arela* 
tensis.  Nous  n'en  connaissons  que  deux  exemplaires  :  un 
premier  possédé  par  la  Bibliothèque  Nationale  %  un  second_ 
incomplet  déposé  à  la  Bibliothèque  Municipale  dWrU 
t  L*exemplaire  qui  appartient  à  la  Bibliothèque  Nationale  n*a 
pas  de  titre  et  il  commence  par  un  calendrier  en  huit  feuillets; 
ceux  du  texte  sont  chiHrcs  de  I  à  CCCCCLVIII  ;  le  verso  du 
dernier  n'a  qu'une  seule  colonne  ;  il  est  suivi  d'un  Teuillet 
non  chiffré  dont  le  recto  donne  la  suscripiion  [suivante],  im- 
primée en  rouge  : 

#  Explicit  breviariuz  s'd  usuz  sacralissimc  arelatcsîs  |  ec- 
clesic  accuratissime  correciù  ac  emendatum  in  cadô  |  arela- 
tensi  urbe  împensis  capiiuli  impressum  Anno  |  Domini  mille- 
simo  quingentesimo  primo  die  vero  de  |  cima  quinta  iulii  '.  » 

L'exemplaire  de  la  Bibliothèque  d'Arles  ne  commence 
qu'au  (blio  344  par  ces  mots  :  ^  Incipil  sanctorale  sanciorum 
sccundum  usum  sancie  arelaiensis  Ecclcsic.  ^  Il  ne  renferme 
que  le  sancloral.  La  partie  qui  manque,  c'est  à-dire  le  tempo* 


*  Bklnkt  :  Sfanutt  du  Libraire,  I.  ias8. 

*  Ancien  fonds  B,  n*  44?. 

*  BiiuwtT:  Op.  citât,,  I,  laaS, 


—  220   — 

la  pariie  qui  reste  :  Ex-Librîs  \  Laurentii  Bonnemant  presbi- 
'  teri  arelatcnsis  \  Die  5/  deccmbris  i'jj2.  C'est  un  petit 
in-i2Telié  en  basane  grise  et  portant  au  dos  :  Breviar.  areîa- 
tcns,  iJI, 

Probablement  il  avait  eu  pour  premier  possesseur  le  cha- 
noine Meyran»  car  on  lit  à  la  dernière  colonne  de  cet  exem- 
plaire, sur  l'espace  laisse  en  blanc,  d'une  écriture  manuscrite 
de  1  époque  :  canonicu&  Mayranus  *, 

Ce  bréviaire,  si  rare,  est  digne  dalteniion.  Il  est  à  deux 
colonnes  avec  des  rubriques  en  rouj'e:  il  n*est  folioté  qu*au 
recto  en  chiffres  romains.  Avec  ses  caractères  gothiques,  serres, 
mal  venus,  il  a  lapparence  d'un  manuscrit.  Des  abréviations 
multiples  en  rendent  la  lecture  dillicile,  sans  compter  que  de 
nombreuses  coquilles  le  déparent,  ce  qui  n'est  pas  particulier 
aux  livres  du  xvr  siècle,  (Fig.  i.) 

Ce  bréviaire  a  été  imprimé  à  Arles,  au  nombre  de  3oo  exem- 
plaires, par  Jean  de  la  Rivière,  imprimeur-libraire  d'Avignon, 
moyennant  5j3  florins  et  i3  gros  qui  furent  versés  entre  ses 
mains,  cinq  jours  après  rachèvcment  de  l'impression,  le 
20  juillet  i5oi,  Labbé  Bonnemant  a  relevé  dans  le  protocole 
des  années  1497-1506  du  nocairc  Pierre  Barbeni,  les  termes  du 
traité  qui  lut  passé  avec  le  chapitre  d'Arles  : 

«.  Anno  rSoj»  et  die  7  octobris,  nobilis  et  circumspccius  vir 
maf;ister  Johannes  de  Riperia  librorum  impressor  civitatii 
Avinionis*  promis  il  et  solemniicr  convenii  egregiîs  Dominis 
Ouillelmo  Parade,  Archidiacono,  Johanni  de  PomayroHs, 
sacriste,  Johanni  Monachi.  archiprcsbitcro,  Jacobo  Julianeti 
precentori,  Alitiano  Autrici  Thesaurario.  Pciro    Corenhc,  et 


'  IVophime  Mcyraii,  hls  de  Jacques  et  de  Doucette  Elstientie.  fut  clia^ 
noine  de  Sainl-Trophime  en  rSsi.  Il  mourut  le  17  juin  ibji,  Bakoii  iih 
RouiiK  :  Lts  Mejrran  et  leurs  aUiances,  p.  104* 


—  î2r  — 

Johanni  de  Turri*  canonicis.  ac  Glaudîo  Ymberii.  Anihonio 
Girardi,  et  Guillclmo  Bertrandi  presbiterîs  Bencliciatis  sancte 
Arelatensis  Ecclesie»  in  dicta  Ecclesia  captiulariier  congregatis, 
et  siipulaniibus,vice  ei  nomine  tocius  clerf  diocesîs  Arelatensis 
imprimere  irecenia  Brevîaria  ad  usum  dicie  Arelatensis  Ec- 
clesie  ciim  quibus  pactis  quorum  precipua  suni  :  i*»  quod 
dictus  magisier  Johatines  debeat  dicta  irecenia  breviaria  impri- 
mere in  presenti  civiiaie  Arelatis,  de  bono  papiro  et  cuni 
caracteribus  novis  :  iiem  quod  diciî  canonici  et  presbyteri 
debeani  eidcm  magisiro  de  Riperia  providere  de  una  domo  in 
presenti  civitaie  Arelatis.  donec  et  quousque  dicta  Breviaria 
fucrint  vcndiia,  Anno  j3ôi  cl  die  20  julii»  dictus  Magisier 
Johannes  de  Riperia  confessus  fuit  habuisse  a  venerabili  capi- 
tule sancie  Arelatensis  Ecclesiesolventedesuis  propriis  pccuniis 
in  pluribus  et  divcr&is  solmionibus,  videliceisummam  5ï3  llo- 
rcnorura  et  t3  ^rossorum  ;  de  qua  summa  conveneranl  drcie 
partes  pro  prccio  diciorum  Breviariorum  »  *. 

Il  est  question  de  ce  bréviaire  dans  un  acle  du  27  mai  tGoi 
portant  vérificaiion  par  rarchevôque  d'Arles.  Horace  Montano, 
des  reliques  de  saint  Lucien.  Il  y  est  dit  qu'on  lui  a  représenié 
un  bréviaire  de  cette  ville  imprimé  en  i5oi,  qui  fait  mention 
de  la  translation  des  reliques  de  saint  Lucien  d'Antroche  à 
Arles  *. 

Saxi  en  parle  également  dans  son  Ponajiaum  Arelaiense,  à 
Tannée  i3oj»  et  assure  que  rarclievéquc  de  cette  époque, 
Jean  X  Ferrier  «animum,..  applicuit.  ui  ex  breviario  expun- 
gcrcntur,  qua*  aui  vitio  lemporis,  aut  lorte  ignorantia  irrcpse- 


*  L'Abbé  L.  BoNKCiiANT  ;  Mémoires  pour  servir  à  i'hUtoire  de  CEgtîse 
d*Àrlts,,.  à  rariidcJean  IX  Ferrtcr»  p.  8, 

•  />.►  ,      rip.  cit^    à  Tariick  jcan  IV,  \\  4, 


—  ÎÎ22    — 

ram,  curavîtque  ut  Arelatc  prœlo  darctur  novo  îgtiur  pra;sule 
oova  orandi  forma,  nova  A  relate  n  si  s  Ecclesta  >►. 

Un  simple  examen  de  ce  bréviaire  nous  permet  de  noter  les 
diUférences  qui  le  distinguent  du  bréviaire  romain  :  c*est  à  peu 
de  chose  près  la  même  disposition  des  matières  :  psautier, 
temporal.  sanctoraL 

Dans  le  sanctoral  pourtant,  les  premières  leçons  ne  sont  pas 
empruntées  à  TEcriture  Sainte,  comme  de  nos  jours,  mais 
elles  se  tirent  de  la  vie  du  saint  dont  on  célèbre  la  fête.  Elles 
sont  ordinairement  courtes,  les  trois  dernières  sur  les  neuf  que 
comporte  1  ojîke  constituent  rhomélie  de  l'Evangile,  dont  les 
premières  paroles  seules  sont  citées.  Beaucoup  d'oraisons, 
même  de  nos  saints  provençaux,  sont  littéralement  semblables 
à  celles  du  bréviaire  actuel.  En  général,  nos  saints  arlésiens.  à 
leur  place,  suivant  la  date  de  leur  fête,  ont  un  otîice  propre 
avec  des  hymnes  particulières,  11  y  aurait,  croyons-nous,  une 
belle  anthologie  de  pièces  latines  relatives  à  la  Provence,  i 
extraire  de  ce  vieux  bréviaire.  Tout  nV  serait  pas  de  première 
valeur,  mais  nous  estimons,  nous,  que,  plus  tard,  en  voulant  trop  I 
épurer  ce  bréviaire,  on  en  a  détruit  bien  des  passages  inicres* 
sants  et  dignes  d*ctre  conservés.  On  le  reconnut  au  siècle  sui- 
vant, lorsque  fut  décidée  l'impression  des  offices  propres  au  dio- 
cèse d'Arles  (|6J2). 

Le  premier  saint  mentionné  au  sanctoral  est  saint  Saiumm 
(29  novembre;,  et  le  dernier,  saint  Sitîrcn  (27  novembre). 
Entre  ces  deux  dates  extrêmes*  voici  les  saints  qui  iniéresscni 
plus  particulièrement  Tancien  diocèse  d* Arles: 

Saint  Lazare,  suffragant  d'Arles,  évèque  et  martyr  (tuL  i5S 
V")  •-  —  Saint  Lucien  (foL  364  v"),  dont  réglise  Saint-Lucien 


*  La  dite  de  U  f£te  des  sâints  est  h  la  table  ;  elle  n'en  pas  répétt^e  dans 
le  corps  du  bréviaire,  voilà  pourquoi  nous  ne  là  donnons  pas  ici. 


—    225  — 

Cries  possédait  ks  reliques  ;  elles  sont  aujourd'hui  dans 
primatialedc  Saini-Trophime  K —  Saint  Julien  (foL  364%*), 
>ni  une  église  d*Arles  porte  encore  le  nom.  —  Saint  Hilairet 
évèque  d'Arles  (fd.  365  V).  —  Saint  Honorât,  évéque  d'Arles, 
titulaire  de  l'église  des  Aliscamps  (foL  366),  —  Saint  Antoine, 
dont  réglise  Saîni-Julten  poskède  encore  les  reliques 
(foK  373  v«)  —  Saint  Rieul  (Régulus).  évéque  d'Arles 
(fol.  41 3).  —  Sainte  Marie  Jacobc  (foL  422).  —  Sainte  Magde- 
icine  (fol.  453),  —  Sainte  Rustîcule,  abbesse  du  monastère  de 
Saini-Césaire»  dont  le  corps  est  possédé  par  la  prîmatîale  de 
Saint* Trophime  et  la  tète  par  Téglise  de  la  Major  (fol.  480)*, 
—  Saint  Bertulfe,  abbé»  dont  l'église  primaiiale  possède  les 
reliques  (foL  486)*  —  Saint  Genès  <foL  490).  —  Saint  Césaire 
(fol*  491  v^)*  — Le  bienheureux  Louis  Allemand  (fol.  Soy  v^) 
«  ...et  die  obitus gloriose  memorie  beati  Ludovici  Alamandi 
cardînalis  Areiatensis  fiât  officium  semiduplex  cum  primiseï 
secundîs  Vvsperis  et  oratio  dicitur  de  communi  episcopî  et 
confessons  1^.  Cesi  le  seul  des  saints  que  nous  mentionnons 
ici  qui  n*ait  pas  un  office  propre  :  Oraison,  hymnes,  leçons.  — 
La  translation  des  reliques  de  saint  TrophimecfoL  5i8).  La 
fête  proprement  dite  est  au  folio  iSy  du  temporal  qui  manque 
à  Texem plaire  de  la  bibliothèque  d'Arles.  —  Saint  Virgile 
(foL  525).  —  Sainte  Marie  Salomé  (fol.  532).  —  Une  dernière 
remarque  à  taire  à  propos  de  ces  saints*  c'est  que  saint  Lucien, 
saint  Julien  et  saint  Bertulfe  ne  sont  plus  aujourd  hui  au  pro- 
pre du  diocèse.  Pour  donner  une  plus  ample  idée  de  ce  bré- 
viaire, nous  citons  les  deu.\  dernières  des  neuf  leçons  consa- 
crées au  premier  de  ces  trois  saints  : 


*  f'ifchiprétix  Biii»Ait&:  Les  reliqucM  conunfées  dans  ia  basiiiquf  prU 
matiaU  d<  Saint-Trophime  d'ArUt^  p.  28,  Voir  plus  loin  t'opînion  de 
Bonneœant  sur  t*JutbcnUcité  de  ces  reJiques. 

*  Iklb.,  (ip.  twr,  pâSSim. 


4t  El  inier  ca-terâ  corpora  sancionim  corpus  Beaii  Luc  tan  i 
mariyris  quod  dedii  Godet roy  de  Bouillon]  pro  magno  jocali 
Karolo  magno*  qui  dum  veniret  contra  civiiatem  Arelatenscm 
et  eam  cepisseï,  tnuhas  ecclesias  seucapellas  construî  et  aedifi- 
cari  fecii  |  Jmer  quas  ecclesiam  in  lionorem  Beaii  Luciani 
œdificari  lecit,  ei  per  Turpinum  Rcmensem  Archiepiscopum, 
âliis  episcopis  in  sua  comitiva  exisientibus.  in  eadem  Ecclesia 
corpus  Beati  Luciani  honorifice  condi  fecit,  tempore  Domini 
Honorii  papse  anno  sui  poniiticatus  septimo.  s* 

On  aura  remarqué  les  deux  anachronismcs  que  renferme  ce 
passa^'c  :  Godefroy  de  Bouillon  que  l'on  fait  vivre  du  temps  de 
Charlemagneet  le  fameux  Turpin  que  l'on  fait  contemporain 
d'un  pape  du  nom  d^Honorius.  Bonnemant  ',  après a^oir  ché 
ce  passa^'e,  jette  un  point  d'interrogation  sur  raulheniîciïé  des 
reliques  de  saint  I-ucien,  Il  faut  avouer,  san^  parii-pris,  que  ce 
n'est  pas  sans  raison.  Heureusement,  ce  bréviaire  renferme 
d'autres  beautés  qui  le  rendent  plus  vénérable  à  nos  yeui  ci 
qui  nous  font  regretter  sa  rareté. 

Office  de  la  saînte  Vjebof.  de  i52i. 


Il  s'imprima»  à  Lyon,  en  iSai,  un  livre  d'heures  à  lusâge 
du  clergé  d^Arles  qui  n'est  pas  liturgique,  à  proprement  parler, 
en  ce  sens  qu1l  n'était  pas  destiné  à  la  prière  officielle  et  publi- 
que. Mais  il  est  assez  intéressant  pour  mériter  d'être  rocn* 
lionne.  C'est  un  in-i8  de  112  feuillets  foliotés  au  recto  en  chif- 
fres romains,  imprimé  sur  parchemin  en  beaux  caractères  go- 
thiques. L exemplaire  que  nous  avons  eu  entre,  les  mains, 
peut  être  l'unique  exemplaire  qui  reste,  est  relié  en  maroquin 
rouge,  avec  vignettes  dorées  sur  les  plats*  aux  angles  et  au  cen» 


L.  Bon  M  maint  :  Oj».  ciL,  h  l'ârtJde  Jean  IV. 


—   226   — 

sic,  Totum  ad  hn  \  gum  sine  requi  \  re  ',  Puis,  plus  bas»  à 
droite,  se  trouve  une  gravure  représentant  saint  Trophime,  ei. 
à  gauche,  une  autre  fif^urant  saint  Etienne,  (Fig.  2,)  Le  verso 
de  ce  premier  feuillet  porte  la  pièce  de  vers  suivante  avec  ce 
titre  :  Clerusad  laudem  Virginis  Marie  : 

Si  iieri  posset  quûd  arène  put  vis  et  unde 
Uodarum  gutte  rosa  gemme  lilia  Hamme 
Ethera  celicole  mx  grando  sexus  uterque 
Ventorym  pluvie  volucrum  pecudum  genus  omoe 
Silvarum  rami  frondes  avium  quoque  penne 
Gramina  ros  stelle  pisces  angues  et  ansie 
Et  lapides  montes  convalles  terra  dracones 
Ungue  cuncta  forent  minime  depromcre  posscnl 
Que  sit  vel  quanta  virgo  regina  Maria 
Que  tua  sit  pieias  nec  littcra  dabit  etas. 


Des  page^qui  suivent  non  foliotées  renferment  unalmanach 
pour  une  période  de  dix-neuf  ans,  commençant  à  iSao,  et 
contenant,  avec  les  fêtes  mobiles.  le  nombre  d'on  le  bisextum 
et  les  lettres  dominicales. 

Un  calendrier  vient  ensuite;  il  comprend  vingt-sept  pages 
non  numérotées.  Il  a  pour  titre  ;  Calendarium  sectindum  usum 
sancte  areialensis  ecclesie.  En  tête  du  mois,  indication  de  sa 
composition  ;  par  exemple  :  «  Januarius  habet  dies  XXXI» 
Luna  verù  XXX,  No\  habet  horas  XVI,  Dies  vcrù  Vlll  ?►.  Les 
<t  regulae  >^  que  Ton  trouve  dans  quelques  calendriers  à  celte 
époque  sont  à  la  Hn  de  chaque  mois,  par  exemple,  après  avril, 
on  lit  :  *  Invcnlo  aureo  numéro  post  pacha  compuia  XX  dtcs 
et  in  sequenti  doniinîca  fac  lerminum  Rogatinnum    * 


*  Pour  plus  de  «:ommo4iié,  nous  donnons  sans  abréviation  les  %kin§  el 
les  citations  des  hvres  liiurRiquesqui  suivent. 


-   227   - 

Les  féies  de  précepte,  ion  nombreuses,  y  sont  indiquées  par 
le  mot  coliturcn  rouge.  Tous  les  saints  particuliers  à  la  ville 
d'Arles  et  quelques  nouveaux  y  figurent,  avec  mention  parti- 
culière pour  ceux  dont  les  églises  d'Arles  possèdent  des  reli- 
ques :  V,  g»  au  H  février  :  ^  Sancti  Desîderii,  episcopi  vien- 
netisi  eu  jus  corpus  in  sancta  Arclaiensis  ecclesia  requicscil  )^. 
Voici  les  autres  saints  qui  ont  cette  indication  :  saint  Lucien 
au  8  janvier;  saint  Antoine,  au  17  janvier  ;  saint  Beriuire,  au 
19  août  ;  le  bienheureux  Louis  Allemand  *,  au  17  septembre. 
Au  17  janvier. on  lit  encore  cette  note  :  «  Anno  Domini  mille- 
simo  CCCCXCl  fuit  translalum  corpus  beaii  Anihonii  abbatis 
de  monasterio  montis  niaioris  ad  ccclesiam  parochiaiem  sancti 
Juliani  civitatis  arelatensis.  » 

Au  26  mars,  cette  remarque  en  wu^q  :  <«  Hic  mutantur  anni 
ab  incarnatione.  ^ 

Après  le  mois  de  mars,  se  trouve  la  curieuse  pièce  laiine  que 
jvoici.  qui  est  un  salut  à  la  fête  de  TAnnonciation  : 


Rubnca  de  annunciaiione.  Guillelmus  Durandus 

Salve  sancta  dies  que  vulnera  nosirâ  coherces 
Angélus  est  missus  :  est  passus  in  cruce  Christus. 
Est  Adam  factus  :  et  eodem  lempore  lapsus. 
Ob  meritum  décime  cadit  A  bel  fratris  ab  ense. 
Offert  Melchisedech  :  Isiac  supponitarris 
Est  decoliatus  Chrisii  Baptista  beatus. 
Est  Pcirus  crcclus  :  lacobus  sub  Herode  peremplus 
Corpora  sanctorum  cum  Christo  multa  resurgunt. 
Lâtro  per  Chnstum  tam  dulce  suscepii.  Amen. 


*  On  trouve  des  détails  sur  toutes  les  retiqoesde  ces  saints  dans  la  bro- 
chure déjà  incniionnéo  de  l*ttn:hipriïtre  Bernard  ;  Les  reliques  conseriféts 
dans  la  basilique  primatiale  de  taint  Irophime,  petit   t'ormat  de  44  p^ 
Avignon.  Seguin,  sans  date. 


Au  23  août,  est  signalée  la  mort,  en  i3o3.  du  bienheureux 
Restai ng  Caprée»  archevêque  d'Arles. 

Au  i6  décembre,  celte  meniion  :  «  Hic  incipiunt  dics 
crescere.  ^ 

Au  29  décembre,  la  fête  de  saint  Trophime  esl  ainsi  an- 
noncée :  <t  Sancti  Trophimi  Galliarum  aposioli  et  sancie 
ecclesie  arclaiensis  primi  fundatoris,  y^ 

Une  remarque  générale  à  faire  à  propos  du  contenu  de  ce 
livre  de  piété  est  qu'il  renferme  beaucoup  de  pièces  latines  en 
l'honneur  de  la  sainte  Vierge. 

Les  principales  pièces  de  ce  livre  sont  : 

D  abord  des  extraits  des  quatre  évangiles  : 

KoL  1  :  In  prîncipio  erat  verbunii  de  l'év.  saint  Jean. 

Fol,  I  :  Missusest,  de  Tév,  saini  Luc. 

Fol  n  :  Cum  natus  est,  dt*  l'év.  saint  Mathieu. 

Fol  !1  :  Recumbentibus  undecim,  de  l'év.  saint  Marc. 

Fol.  [Il  :  Messe  en  Ihonneur  de  la  sainte  Vierge. 

Fol  IV  :  Confiieor,  Ce  texte  du  Con(iieoresi  différent  de  ce- 
lui employé  de  nos  jours,  A  ce  titre,  nous  le  reproduisons  en 
entier  : 

Confucor  Deo  omoipotenti  béate  Marie  virgini  et  beato  Trophimo 
beato  Stephano  et  omnibus  sancus.  Et  ego  miser  peccator  pecciTi 
nimis  cogîiaodo  loquendo  operando  et  in  plunbus  aliis  viiiis  mets 
malis.  Mea  culpa,  mea  culpa»  mea  gravissimaculpa.  Ideo  precor  bea- 
ttssimam  vtrgiaem  Mariam,  beatumTrophimum^beatum  Stepbanum 
et  omnes  sancios  Dei  et  vos  fratres  ut  oretis  pro  me  peccaiore  ad 
Dominum  Deum  nostrum  ut  ipse  per  suam  sanctam  piissimtm 
mtsericordiam  misereat  mei.  Amen. 


Fol.  V  :  La  passion  selon  saint  Jean. 

FoL  XXXVII  :  Les  sept  psaumes  de  la  pénitence. 

Fol  LXXXVII  :  Le  stabat  Mater. 


—  23o  -^ 

beatae  Marie  Virginis  secundum  usum  arelatensis  ecclesie 
totum  ad  longum  cum  pluribus  et  devotissimis  orationibus  ac 
sufFragiis  plurimorum  sanctorum  et  sanctarum  Lugdini  im- 
pressum  per  Gilbertum  de  Viiliers.  Anno  Domini  miilesimo 
CCCCCXXI*,  die  xix  mensis  februarii. 

Les  derniers  feuillets  du  livre  contiennent  la  table  générale 
des  matières  avec  indication  des  folios  où  se  trouvent  les  priè- 
res. 

Enfin,  le  folio  CXII  se  termine  par  la  marque  de  Timpri- 
meur  :  Deux  amours  soutiennent  Técu  de  France  barré  et  sur- 
monté d'une  couronne  à.  pointes,  au-dessus  de  laquelle  émerge 
à  mi-corps  un  cerf  ailé.  Au  bas  de  lecu  pend  un  cartouche  ren- 
fermant le  double  chiffre  de  l'imprimeur  (le  V  englobant  le  G), 
surmonté  d'une  croix.  En  dessous  se  lisent  ces  mots,  en  lettres 
capitales,  Gilbert-de- Viiliers,  encadrés  dans  un  petit  rectangle, 
lequel  faitpartied'un  autre  rectangle  à  double  filet  renfermant  le 
tout.  (Fig.  3.) 

Cette  marque  avec  quelques  autres  vignettes,  disséminées  çà 
et  là  avant  certaines  initiales,  ne  sont  pas  les  moindres  curiosi- 
tés de  ce  volume  qui  doit  être  assez  rare.  Nous  ne  savons  à  qui 
a  appartenu  l'exemplaire  de  la  bibliothèque  d'Arles. 

Missel  de  i53o. 

Le  premier  Missel  imprimé,  pariiculier  au  diocèse  d'Arles, 
porte  la  date  de  i53o.  C'est  un  in-folio  de  218  -|-  86  feuillets  à 
caractères  gothiques  allongés.  Les  rubriques  et  les  initiales  des 
principales  fêtes  sont  en  rouge.  Il  a  pour  titre  :  Missale  secun- 
dum usum  et  consuetudinem  sancte  A  relatensis  Ecclesie,  hac- 
tenus  impressioni  non  mandatum,  hic  suum  exordium  in  lu- 
cem  emittit,  ad  laudem  Dei  omnipolentis,  Beatissimeque  Vir- 
ginis Marie,  et  Beatorum  Stephani  et  Trophimi  nostri,  ac 
denique  sanctorum  omnium.  Au   bas  de  ce  titre,  sont  deux 


I  vigTiftifs  gavées  sur  bois,)  uncit^pî^s^Vït^^  v^  t^  t  ^  vv» .'r  i^  i  -f^*^.- 

tre  sMîm  Trophime,  *  Je  remarqua'  awv  ^ViM^i^^»iv  î^>..  ,i>  .  ^w,< 
Bonncmant.  que    saini    Tn>phui'^c   cM    >vm^i<^i*    ;^j^»rx    ^^^^V 
Edenoc  dans  k  titie»  et  que  là  îÎ4^îTf  qui  k  tT}MV*voi^  ^t\  ^  U 
I  gaochede  celle  de  saint  Èiîcnnc*',  Cx  Mi*^çl  f^\  M\^ns^  a^c^ 

I  nuTc.  La  bibliothèque  dWrles  poNN^c  TcVcmpU^t*»  \U  I^MHi^i- 

mant.  comme  le  prouvent  ces  moiN  ii:rt{\  Jç  *4  tt^^ih  «»»n  I  nn»' 
des  gardes  :  «  £x  /iftrw  Laurcniù  Mmwrw<t«^/»>f  ^^'Z*-*  f  ^♦f' 
laiensis  die  3i  décembres  /77a.  »  1  ti  rtMfrr  t't>^mplrt»r»i  «m 
voyait  à  la  Major  d'Arles,  au  siècle  Jrfnirf,  i  lie/  le  •  ur^^  f  t^n- 
dion-;  nous  ignorons  ce  qu'il  ot  dc\t?ru4  II  rti;<n»|M«i  â  luff  ••♦ 
à  l'autre  de  ces  Missels  les  prcmicr^i  fcu»l|rf«  fcnfcrm^nf  l«i  fîfr». 
a  le  calendrier:  en  outre,  celui  de  U  hiblioiliri^MÇ  4  Arl'-^  «-«si 
dépourvu  des  feuillets  85  et  86. 

Bon nemant  Signale,  en  outre,  l  ^KtpmpUirr-  '■i'**  a^^i^trUnti* 
aii  xviir  siède.  à  l'ainé  de  Mono  ■  çt  '|'4«  '^p  fj/.romr  f/w..!.»  -t^ 
srtr  ar^erc-grand-oncie-  Loi*. s  ^c  M'.   -. 

Le  ""  ^mc  s  ^u  ""^  :îar  ;r.c  ***'".  "-  î''^  -V*/^?  t.'*'-.    -*i   r  -^  -vr*v>- 

z:.ZL  :2r*T..i  ;rr'   .  »   <s  ir.T.  "^':  î*^:-v  ^i^rr  ^  i/»-c  ^r  ^>i  /. ,.-,    u/.v  ►■. 
^   '•^ei    ^d^.i.  :^  1.  Tivr,:-*    -♦    '.  ,v  !>*  ^^.vy^c    -.»: /^  -u      '.  v-- 

tqsiernenr  e  Ti'trrrr  u*rv  «*rr.-*.tin  *t  V:^  .'-•..-.  «».•    .>    ^    ;->**. 


—   232    — 

ceuc  dernière  tèie  ju^qLlau  premier  dimanche  de  l'AvenlJc 
jour  auquel  tombe  ce  dimanclie  cl  le  nombre  des  jours  de 
FAvent. 

Le  calendrier  qui  suk  cette  table,  outre  le  nombre  d'or  dans 
une  première  colonne,  ci,  dans  une  seconde,  en  leiires  qui  ne 
dépassenl  jamais  le  G,  la  lettre  dominicale»  marque,  dans  une 
troisième,  les  calendes»  les  nones  ei  les  ides  selon  la  manière 
ancienne  de  compter  les  jours. 

On  trouve  aussi  dans  ce  calendrier  Tindication  des  signes  du 
zodiaque,  le  changement  des  saisons,  mais  on  les  avance  con- 
sidérablement :  ainsi  le  commencement  du  printemps  est  fuê 
au  7  février.  On  y  signale  les  [ours  réputes  malheureux  par  ces 
mois  :  4i  dies  cgcr  '  it.  Entête  de  chaque  mois,  est  une  sentence 
qui  sV  rapporte  :  V.  gr.  pour  janvier  :  «c  Prima  diez  mcnsîs  cl 
sepiima  truncat  ut  ensis  ?►  ;  pour  février  :  «  Quaria  subil  mor- 
tem,  prosternit  tertîa  sortem  >►.  Après  cette  indication  vient 
l'énoncé  du  mois  :  m*  en  hébreu.  2°  en  grec.  Les  «  régula*  ^.  si- 
gnalées plus  haut  pour  trouver  les  fêtes  mobiles,  ne  manquent 
pas  non  plus  ici  à  la  lin  des  mois. 

On  y  rencontre  aussi  la  mention  de  plusieurs  faits  hislori- 
ques.  A  la  tin  de  janvier,  on  lit  :  ^  Anna  Domini  MCCCCXC 
fuit  translalum  corpus  Bcati  Anthonii  abbalis  de  Monasterio 
iMontismajoris  ad  Ecclesiam  parochialem  sancti  Juliani  de 
y\ relate  ».  Au  23  avril  :  ««  Egressio  Noe  de  Archa  )*.  Au  22  août 
est  rappelé  1'  «  Ubitus  Beaii  Roslagni  Câpre.  Arelatensis  ecclc- 
siccpiscopi  qui  obiit  sub  anno  Domini  MGCCIII.  »  Une  date 
diirérenle  est  donnée  par  Saxi  dans  son  Pontificium  arelatense: 


«  Des  astronomes  décotivrirenl  très  anciennement  en  l'Egypte  des  con^ 
icllattons  qu'ils  prétendaient  être  nuisibles  aax  hommes:  pour  les  fjire 
connaître,  on  prit  l'habitude  de  metirc  dans  les  calendriers  païens  dcai 
mois  :  <  dics  eger  >.  \h  ne  furent  pas  effacés  dans  les  premiers  calendrier! 
à  l'usage  des  chrétien». 


-  ?33  - 


itus  bcaii  Roslagni  Capra?,  saricifie  hujus  Arelatensisecclc- 
î«  archicpiscopi,  decimo  LalenJas  augusii  i»  [23  juillet].  Au 
17  septembre  :  «  Beatus  Ludovicus  Alamandi  cardinaliîi  Arela- 
tensis  quiobiilsub  anno  MCCCCL^^Xest  le  seul  souvenir  qui 
soit  donné  au  bienheureux  Allemand.  Dans  ce  Missel,  il  na 
point  d  office,  pas  même  dccommcmoraison.  Dans  le  Bréviaire 
imprimé  en  1549,  il  en  sera  de  même.  Cet  ostracisme,  du  sans 
doute  à  ropposition  du  cardinal  d'Arles  au  Pape  lors  du  con- 
cile de  Bâie,  devait  durer  jusqu  en  1670.  En  celle  année»  l*Ar- 
chcvéquc  François  de  Grignan,  sur  les  instances  du  chapitrei 
^^t  composer  et  réciter  un  office  en  son  honneur  ». 
^B  Parmi  les  saints  mentionnés  dans  ce  calendrier^  citons  les 
r  suivants  plus  spécialement  vénérés  à  Arles  :  Saint  Lucien 
1     (8  janvier),  saint  Julien  (9  janvier),  saint  Honorât  (16  janvier), 

I     saint  Antoine  (17  janvier),  saint  Paul,  cvcque  de  Saint-Paul* 

11 

Trois-Châteaux  (!•'  février),  saint  Didier  (1 1  février),  saint  Q)uc- 
nin.évèque  de  Vaison  (i5  février),  saint  Paul,  évèque  de  Nar- 
bonne  (23  mars),  saint  Hilaire,  cvéque  d*Arles  (5  mai),  saint 
Baudile,  martyr  de  Nîmes  (20  mai),  sainte  Marie  Jacobé 
(aSmaî), sainte Magdeleine(22  juillet). sainte Rusticule((  laoùtl, 
saint  Roch  (  16  août),  saint  Bertuire(  19  août)»  saint  Genès.  mar- 
tyr d*Arles  (26  août),  saint  Ccsaire.  évèque  d*Arles  (28  août), 
saint  Gilles,  abbé  (1*'  septembre),  saint  Agricol,  évèque  d'Avi- 
l  gnon  (2  septembre),  saint  Kerréol,  martyr  à  Cavaillon  (18  sep- 
L  lembre),  saint  Denis,  second  évèque  d'Arles  (goctobre)^  sainte 
^piarieSalomé  (23  octobre),  saint  Brice  et  saint  Vêran  (14  no- 
vembre), saint  Ruf,  évèque  d'Avignon  (i5  novembre),  saint 
,  Siffren,  évèque  de  Carpentras  (27  novembre),  saint  Trophime 
(29  décembre)* 
A  propos  de  ce  calendrier,  voici  quelques  remarques  que  nous 


V  Guida  cftristiana  novtnima,  Arles,  n*  1928. 


—    250   — 

rere  nobis.  En   bas»  Jésus-Christ  donnant  les  clcts  à  samt 
Pierre. 

A  la  messe  de  Pâques,  au  folio  CXII,  ces  mêmes  ornements 
sont  répétés.  iFig.  4.) 

F^our  rordinairc  de  la  Messe,  voici  ce  que  ce  Missel  renferme 
de  plus  curieux.  Le  préirc  commençait  la  Messe  à  la  manière 
usitée  chez  les  Dominicains;  il  disait  Au/er  à  nobis.,,  et  Ora 
mus  ie,,,  au  bas  de  lautel. 

Le  Canon  est  le  même  que  celui  d*au|0urd'hui,  sauf  quelques 
légères  transpositions  ou  changements  de  mots  non  essentiels. 

A  la  tin  de  la  Messe,  rofriciani  donnait  la  bénédiction  au 
peuple  en  ces  termes  :  *t  Benedicat  %*os  omnipotens  et  miscri- 
cors  Dominus  f  Pater  et  Ki  f  lias  ei  Spiriius  f  sanctus  »«  ou 
bien  en  ceux-ci  :  •  In  unitatc  sancti  Spiritus  bene  f  dicat  vosPa- 
lcretFilius5*Xela  fait  Je  prêtre  rcciiaill'oraison:P/acea//i6i..., 
que  Ion  dit  à  présent  avant  la  bénédiction.  Au  dernier  Évan- 
gile» à  ces  mots  du  prêtre  :  Initium sancti Evangelii  secundum 
Joannem,  le  clerc  répondait  :  ^(jloriatibi  Domine  qui  natuscst 
de  Virgine,  succurat  nobis  hodic,  et  in  omni  tempore.  Amen.  1» 
L'Évangile  terminé»  le  célébrant  récitait  les  oraisons  suivantes  ; 
<*Per  Evangelia  dicta  deleaniur  nosira  delîcta.  Te  invocamu^. 
te  adoramus,  te  laudamus,  te  glorificamus*  ô  beata  Trîniias.  — 
^.  Sit  nomen  Domini  henedicium.  r.  Ex  hoc  nunc  et  usque  in 
spéculum.  Oremus.  Protector  in  te  sperantium,  Deus.  sine  quo 
nichil  est  validum,  nichil  sanctum,  multiplica  super  nos  mise- 
ricordiam  luam  ut  terectore,  te  duce  sic  transeamus  per  bona 
lemporalia,  ut  non  amittamusseterna,per  Christum..,^I*eprè- 
tre  donnait  ensuite  une  seconde  bénédiction  en  prononçant  ces 
paroles  :  ««  A  subitanea  et  improvisa  morte,  et  a  damnationc 
perpétua lî béret  nos  Pater  ei  FïUus  etSpiritus sanctus.  Amen,» 

Quant  aux  principales  fêtes,  voici  ce  quelles  avaient  de  par- 
ticulier :  Pendant  l'Aveni,  les  fériés  iv  et  vi  de  chaque  semaine 


-  237  — 
avaient  des  épîircs  ci  des  évangiles  propres,  A  la  messe  de  hi 
Vigile  de  Noël,  un  acolyte  en  surplis  récitait  iom^édijtetneni 
avantl'éphrelesquaire premiers versetsdii  LXIhchapiired'Isaïc» 
De  même,  à  toutes  les  messes  de  la  fèie,  une  leçon  du  même 
prophète  précédait  Tépître  ordinaire  prise  des  épUres  de  saint 
Paul  K  C'était  vraisemblablement  afin  démarquer  l'accomplis- 
sement de  CCS  prophéties  touchant  Jésus-Christ  cl  de  bien  mon- 
I  ircr  le  rapport  du  nouveau  Testament  avecTancien.  A  la  messe 
^■e  Minuit,  le  célébrani,  après  avoir  communié  sous  les  deux 
^^Bpiccs,  disait  tout  haut  ce  verset  :  «  Notum  fecil  Dùininus  sa- 
^^iiare  suum  »,  auquel  le  peuple  répondait  :  «  Anteconspectum 
i  gcntium  »•,  ei,  après  avoir  entonné  tout  de  suite  le  Di'ua  in  arf- 
^^mtorium,  on  chantait  les  Laudes.  Le  prêtre  terminait  la  céré- 
■  mon ie  par  Toraison  qui  était  suivie  du  Benedicamux,  chantée 
par  le  Diacre  qui  Tassistait. 

Pendant  le  Carême,  lorsqu'on  disait  la  messe  de  la  féfîe,  on 

servait  de  chasubles  de  couleur  noire  :  le  jour  des  CcndrcSp 

introduisait  les  pénitents  dans  I  e^lisCp  où  le  célébrant  leur 

isait  un  discours,  leur  distribuait  les  cendres  et  leschas^itdc 

église  ;  il  lavait  ensuite  les  autels  avec  de  Teau  bénite  pendant 

ue  le  chœur  chantait  une  antienne. 

Le  dimanche  des  Rameaux,  1  orticc  commençait  par  une 
on  tirée  du  LXllI'  chapitre  d'Isaïe,  après  laquelle  te  chœur 
antait  en  entier  le  verset  :  Christus/actUM  ent  pro  nobit  obe- 
diens:  ensuite,  le  diacre  disait  révangilc  :  Cum  appropinquaM" 
sei,  lequel  fini»  le  célébrant  bénissait  les  rameaux  par  des  arii* 
sons  qui  meiiteraient  d'être  reproduites.  Elles  sont  au  folio 
LVIL 

Vendredi-Saint  rfuîio  !  XXVI!  »  \e\  impropèrcs  ou  repfo- 


«  Ces  le^ûn  4a  pr^fhète  îui€  éuattÊt  tiréca  fom  la  ««•§  éë  Mànoit 
flo  dioiMire  IX%  poor  cdle  île  VAmi^m^  êm  d^t^.  L%t,  m  mÊm  pmt  cfllt 
4»  Joar^  4a  dM^.  Lit*. 


-  238  - 

chus  ciaiem  chantés  avant  ïadoration  de  la  Croix  et  et 
iniercalésdes  versets  grecs  :  Agioso  rAeoA-..,  Le  célébra  ni  s'éiani 
déchaussé  allait  prendre  la  croix  (non  encore  dévoilée),  et  en 
avançant  vers  Tautel  processionnellement  avec  ses  officiers,  il 
chantait  les  impropères,  disant d*abord  :  Popu/e  meus.,,  ;  deux 
chantres  ajoutaient  ;  Agios  o  Tkeos...,  le  choiur  répondait  p;ir 
Sancius  Deus,..  Le  célébrant  reprenait  le  second  verset  desim- 
propères,  et  les  chantres  et  le  chœur  répétaient,  les  premiers  : 
Agios  0  Theos...,  le  second,  Sanctus  Detis,,.,  ei  ainsi  de  suite. 
Lesîmpropères  terminés,  le  prêtre  découvrait  la  croix  comme 
on  le  fait  encore  aujourd'hui.  Le  reste  de  roffice  du  matin  était 
le  même  aussi,  avec  cette  difïérence  que  le  prêtre,  avant  de 
panir  pour  aller  prendre  le  Saini-Sacrcmeni  au  rcposoir  du 
Jeudi-Saint,  faisait  la  confession  au  pied  de  Tautel,  comme  aux 
messes  ordinaires. 

Le  Samedi-Saint  (folio  LXXXVH),  on  ne  disait  que  quatre 
prophélicsquiétaientsuivieschacuned'uncoraison.Onchaniâii 
ensuite  les  litanies.  Lorsqu'on  était  à  l'invocation  :  Sancie  Sic- 
phane,  on  allait  processionnellement  aux  fonts  baptismaux, en 
lesconiinuani.  et  quand  on  avait  dit  :  Omnes  sancti  et  sancte 
Dei\  oratepro  nobis^  on  s'arrêtait  ;  et  le  célébrant  chantait  :  Ut 
Jontem  istum  bene  f  dicere  digneris,  le  chœur  répondait:  Te 
Rogamus  audi  nos,  ce  qui  se  faisait  trois  fois.  Ensuite,  avait 
lieu  la  bénédiction  des  fonts  baptismaux;  lorsqu'elle  était  ache- 
vée, on  continuait  les  litanies»  beaucoup  plus  longues  que  cel- 
les que  Ton  chante  de  nos  jours. 

Pendant  la  quinzaine  de  Pâques,  on  ne  disait  l'office  d'au- 
cun saint,  mais  on  le  transférait  après  le  second  dimanche,  s*U 
s*cn  rencontrait  un  pendant  cette  période  réservée  exclusive. 
ment  au  mystère  de  la  Résurrection.  Cependant,  le  samedi 
après  Quâsimodo,  on  faisait  la  fête  et  on  disait  la  messe  en 
rhonneur  de  la  Compassion  de  la  sainte  Vierge. 


La  bénédiction  du  feu  nouveau  se  faisait  aussi  le  jour  de  la 

Puriticaiion,  comme  le  jour  du  Samedi-Saint*  maïs  avec  des 

I      oraisons  différentes,  trop  longues  pour  pouvoir  être  rapportées 

j      ici.  Après  les  avoir  dites,  le  célébrant  jetait  de  Teau  bénite  sur 

le  feu  en  disant  :  «  Benedîctio  Deî  Pairis  omntpoientis,  et  Filii 

et  Spiritus  sancti  desccndai  super  hune  ignem  et  mancat  scm- 

L_  per.  Amen  i».  Ensuite»  avait  lieu  la  bénédiction  des  cierges  au 

^moyen  d'oraisons  suivies  d'une  préface  qui  se  rapportait  au 

mystère  du  jour  et  qui  passe  pour  un  morceau  de  choix.  A  la 

fin»  le  prêtre  qui  officiait  jetait  de  l'eau  bénite  sur  les  cierges 

que  Ton  allumait  avec  le  feu  nouveau  pendant  que  le  précen- 

leur  ou  un  chantre  disait  par  trois  fois  :  ^  Vcnîte  et  accedite» 

aptate  lampades  vestras^  ecce  sponsus  venit,  exite  obvia  m  et  n^. 

Le  chœur  chantait  ensuite  :  ^  Lumen  ad  revelationem...  ^  et 

le  reste  de  la  cérémonie  s'achevait  comme  aujourd'hui. 

Le  Missel  qui  [nous  occupe  avait  des  préfaces  propres  pour 
les  fêtes  de  saint  Jean-Baptiste,  saint  Augustin,  saint  Jérôme, 
saint  Roch  et  saint  François  d'Assise.  A  la  messe  de  sainte 
Marie-Madeleine  et  à  celle  de  sainte  Marthe,  on  disait  la  pré- 
1     face  des  Apôtres. 

l  II  y  a  une  prose  particulière  à  la  fête  de  sainte  Barbe. 
IB  A  la  tin  du  Missel,  on  en  trouve  un  grand  nombre  pour  les 
F  messes  de  plusieurs  autres  saints^  mais  le  prêtre  n'était  pas  tenu 
de  les  dire.  Parmi  celles-ci^  citons  celle  de  saint  Trophime:. 
«  Ecce  pulchra  canorum  resonei  voce...  ^  au  folio  LXXllP*,  et 
1^  celle  de  sainte  Madeleine  commençant  et  Unissant  par  :  ^  Jesu 
^■[Cna  venie.  ...  )»  au  fol,  LXXIX,  lesquelles  ne  sont  pas  sans 
^^méritc  littéraire». 

*  L'dbbé  Faillon.  au  tome  II  de  ses  Monuments  inéiiits,  col.  5^3-594»  9 
reproduit  Iji  prose  en  l'honneur  de  satnie  Marthe  :  Ave,hfartHd  gloriota. 

it,  dit  il,  se  trouve  au  folio  CCV  du  Missel  d'Arles  de  i53o.  Nous  uc  \*y 
ifons  pas  vue 


240  — 

Le  lourde  la  Transtiguration*  on  bénissaii  les  raisins  ave 
une  oraison  particulière  que  Ion  réciiaii  aussi  à  roftice. 

Au  commun  des  saints  où  commence  une  nouvelle  folîota- 
tîon,  sont  plusieurs  messes  particulièresqu'il  convient  de  signa* 
1er: 

Au  fol.  XXX  est  une  messe  spéciale  contre  la  peste  rédigée 
par  ordre  du  pape  Clément  VI.  Tous  ceux'  qui  entendaient 
cette  messe  devaient  porter  en  mains  un  cierge  allumé  ci  se 
tenir  à  genoux  pendant  toute  la  messe  qui  devait  se  célébrer 
pendant  cinq  jours.  Le  texte  ancien  en  a  éic  publié  et  commenté 
par  J.  Viard.  iiibiuUhèqitc  de  l'École  des  Chattes,  LXL  334- 
338. 

Au  fol.  XL  sont  deux  messes  ;  Tune  en  l'honneur  des  cinq 
saints  privilégiés  -.saint  Denis,  saint  Georges,  saint  Christophe, 
saint  Biaise,  saint  Gilles,  et  Tauireen  l'honneur  des  cinq  saintes 
privilégiées  :  sainte  Marguerite*  sainte  Catherine,  sainte  Mar» 
ihe,  sainte  Christincet  sainte  Barbe. 

Au  foL  XLV  est  une  messe  pour  Tàme  dont  le  salut  est  dou- 
teux, et  voici  un  passage  de  la  collecte  qu'on  y  lisait  :  *t  et  si 
plenam  veniam  anima  ipsius  obtinere  non  poiest.  sahem  vcl 
inter  ipsa  lormenia  quse  forsitan  patitur,  refrigerium  de  abun- 
dantia  miserationum  tuarum  sentiat.  ^  Il  semble,  à  la  lecture 
de  ce  passage,  que  TEglise  d'Arles  était  dans  la  croyance  qu'une 
âme  condamnée  aux  peines  de  Tenfer  pouvait  y  être  soulagée 
par  les  prières  des  Bdèles,  sentiment  aujourd'hui  abandonné 
par  les  théologiens.  Au  fol.  LVII  est  une  messe  de  qualuorde- 
cim  sanctis  auxUiatoribus  :  saint  Georges,  saint  Biaise*  saint 
Erasme»  saint  Vite,  saint  Pantaléon,  saint  Christophe,  saiûl 
Dcnys,  saint  Cyriaque,  saint  Acace,  saint  Eustache,  saint  Gilles, 
sainte  Catherine,  sainte  Marguerite  et  sainte  Barbe. 

Puis,  au  fol.  LVIII  sont  les  messes  du  trentenairc  de  saint 
Grégoire,  fort  en  honneur  sous  l'ancien  régime,  mais  dont  les 


-  24r  — 

obligations  étaient  un  peu  dures  à  remplir  pour  le  célébrant- 
Qu'on  en  juge  :  «  Débet  sacerdos  qualibei  die.  qua  ipse  est 
celebraturus,  invocare  gratiam  sprritus  sancti*  etdeinde  dicere 
nocturnum  Hlius  dtei»  deinde  sepiem  psalmos  peniteniiales 
cum  prccibus  et  sequentibus  oratîonibus,  post  vero  quam  célé- 
bra veril  dicat  vigilias  morluorum,  et  hoc,  omnî  die,  cum 
magna  devoiione  et  suorum  peccaiorum  confessione.  Aliqui 
vcrô  dicunt  totum  psaherium  usque  ad  psalmum  :  Dixit  Do- 
minus,  et  jejunani  omnî  die.  » 

Les  oblii^'ations  pour  le  prêtre  chargé  de  dire  les  messes  gré- 
gortales.  au  nombre  de  treize  (fol.  LVIII  v)  n'étaient  pas  non 
plus  bénignes.  Ces  messes  se  célébraient  pour  les  personnes 
dans  Tadvcrsîté  ;  l'officiant  devait  jeûner  chaque  jour  ;  avant  de 
monter  à  lauteL  il  avait  à  réciter  les  sept  psaumes  de  la  Péni- 
tence avec  les  litanies  et  oraisons  suivantes,  à  genoux;  après  le 
Saint-Sacrifice»  il  disait  les  quatre  Evangiles  et,  en  récompense, 
il  recevait  une  gratification  abondante  en  cierges,  savoir  :deux 
pour  la  première  messe  qui  était  du  premier  dimanche  de 
l'Avent;  deux  autres  pour  la  seconde  qui  était  du  jourdeNoél  ; 
trois  autres  pour  la  troisième  qui  était  de  l'Epiphanie;  sept 
^autres  pour  la  quatrième  du  dimanche  delà  Septuagésime; 
Icux  autres  pour  la  cinquième  du  dimanche  des  Rameaux  ; 
quarante  autres  pour  la  sixième  de  la  Résurrection  ;  dix  autres 
pour  la  septième  de  l*Ascension;  dix  autres  pour  la  huitième 
de  la  Pentecôte;  trois  autres  pour  la  neuvième  de  la  Trinité: 
dix  autres  pour  la  dixième  de  la  Croix  ;  deux  autres  pour  la 
onzième  de  TAssomplion  ;  douze  autres  pour  la  douzième  des 
Apôtres  ;  neuf  autres  pour  la  treizième  des  saints  Anges. 

Un  des  trois  exemplaires  du  Missel  d*Arles  que  nous  avons 
signalés,  celui  de  Louis  de  Molin  portait  au  foL  LXIU  une  note 
manuscrite,  de  récriture  même  du  vicaire  générât  Elle  relate 
\sL  démarche  faite,  en  1614,  par  l'archevêque  d*Arles  pour conju- 


COHOKiS,   —    16. 


^-  242  — 

rer  les  sauterelles  qui  dévastaient  le  territoire.  11  est  bon  de  la"^ 
sauver  de  l'oubli  :  elle  a  un  intérêt  historique  et  liturgiquc. 
Nous  la  reproduisons  en  entier.  On  comprendra  facilement  ce 
laiin  :  «  Nota  quod  anno  Domini  1614  et  die  19  mai  Reveren- 
dissimus  in  Christo  Dominus  tlaspar  a  Laurentiis,  archiepis- 
copus  Arelatensis.  absoluta  indulgentia  quadraginta  liorarum 
quà  populum  Arelatenscm  ad  Deî  misericordtam  postulandam 
incitaverat^proccsscritprocessionaliiercum  loio  cleroei  populo 
Arelatcnsi  extra  civiialcm  in  campum  Elysium,  in  quo  est  dîvi 
Pétri  edicula,  juxta  quaiii  protata  scnicntia  malediciionis 
contra  locustas  fructus  terre  dévastantes,  salis  et  aquar  cxor- 
cîsmo  usus  est,  postea  addidit  hanc  orationem,  et  conjuratto- 
nem  in  hune  qui  sequilur  modum.  aspergens  aqua  benedicta 
in  modum  crucis, 

Tuere,  quesunius.  Domine  sancie  Pater,  locum  istum  per 
tui  nominis  invocaiionem,  et  hu  jus  aqua?  aspersionem  abomnî 
nequitia  volucrum,  vcrmium,  locustarum,  torarum,  marium, 
pessimorumque  animalium  ac  dœmonum;  tuaque  inetTabili 
potentia  nutrimenta  in  eis  sita  in  eis  illîbata  permaneant  et 
illœsat  qui  in  IVinitate  periecia  vivis  et  régnas  Deus. 

Conjuratîo  genibus  flexis  Jacia, 

Adjuro  vos  volucres»  vermes.  toras,  mures,  locusias»  pessî- 
maquc  animalia,  et  spiriiibus  immundos  per  Deum  f  verum. 
per  Deum  f  vivum,  per  Deum  f  sanctum,  qui  est  Trinitas 
sancu.  t  per  B.  Virginem  Mariam,  per  novem  ordines  Ange- 
torum.  per  sanctos  propheias,  per  dudoecim  nomina  Aposto- 
lorum»  per  sanctos  Martyres  et  Contessores,  per  sancus  Vlr- 


—  243  — 

gineset  viduas,  in  quorum  honore  et  virtute  vobis  pfaecipio  ut 
exeatis  et  recedatisab  hoc  territorio;  mansioque  vestra  sit  per- 
pétua in  terra  déserta* et  vasta  solitudine,  ubi  nullae  crealurae 
Dei  noceatis,  in  nomine  Patris,  et  Filii,  er  Spiritus  sancti, 
Amfin. 

Deindc  redeundo  caniatum  fuit  Te  Deum  laudamus  »  *. 

On  lit  au  bas  de  la  dernière  page  du  Missel  de  i53o  les  paro* 
les  suivantes  qui  nous  apprennent  quil  a  été  imprimé  à 
Lyon  :  4^  Missale  hoc.consuetudini  sancte  Arçlatensis  Ecclesie 
aptum  et  accomodum.  Deo  annuentc,  oplatam  sumpsit  perio- 
dum  in  famatissimo  Lugdunçnsi  Emporio,  sumptibus  et  im- 
pensis  venerabilium  Dominorum  ipsius  Ecclesie,  qui  delibera- 
tionc  unitormi  etconcordi  dccreverunt  novum  exemplar  hoc, 
ante  hac  tenebrosum  et  non  imprcssum,  cudere,  et  de  tenebris 
luminosum  acradiosum  emittere,adlaudem  Deioptimi,christi- 
fcreque  Virginis,  ac  divorum  Stephani  et  Trophimi,  necnon 
sanctorum  omnium.  Si  quid  lucidum  vel  décorum  in  prefato 
missali  cernatur,  sivecomperiatur;  illi  sit  gloria  cujus  perfecta 
sunt  opéra,  et  qui  opus  imperfectionis  non  novit.  Si  verô  quid- 
piam  erratum  fuerit  compertum  ^  venia  danda  erit  prime 
excusioni  ;  siquidem  in  nuUo  peccare,  potius  est  divinitatis 
quod  humanitatîs.  Homerus  quandoque  dormitare  dictus  est. 
Dionysius  vero  de  Harsy.  calcographus  probatissiraus,  impri- 
mebatanno  ab  orbe  redemptoMCCCCCXXX,  xiii  octobris. 

On  ne  s'attendait  guère  sans  doute  à  voir  le  souvenir  d'Ho- 
mère dans  cet  explicil,  qui,  par  ailleurs,  respire  un  en- 
thousiasme bien  naïf. 

Il  nous  reste  à  donner  quelques  détails  sur  l'impression  de 


*  L.  BoHNBMAHT,  Op.  Cit.  ,  art.  G.  du  Laurent,  p.  2. 

•  Le  Missel  ne  renferme  pas  seulement  des  fautes  d'impression,  mais 
aussi  plusieurs  solécismes. 


-  244- 
ce  livre.  Un  traité  fut  passé  le  i6  février  iSig,  entre  Pierre  Ray- 
mond, sacristain,  et  Dominique  Jaquet,  bénéficier,  de  Téglise 
d'Arles,  et  Jean  Osmond,  imprimeur  de  Lyon.  D'après  les  ter- 
mes de  cet  acte,  ce  dernier  devait  imprimer  trois  cents  missels 
à  l'usage  du  diocèse,  aux  frais  des  anniversaires  et  quatre 
cents  bréviaires  aux  frais  du  Chapitre.  Ces  livres  devaient  être 
semblables  au  Missel  imprimé  par  le  même,  en  i526>  pour 
lëglise  d'Aix  et  dont  un  exemplaire  fut  remis  au  Chapitre  aa 
cauielam.  Ils  devaient  être  terminés  dans  le  couranx  de  Tan- 
née, avant  la  fête  de  saint  Jean-Baptiste  et  portés  à  Arles  aux 
risques  et  périls  de  Jean  Osmond,  et  sur  les  trois  cents  exem- 
plaires, deux  cents  devaient  être  reliés  avant  la  fête  de  saint 
Michel.  Au  préalable,  il  lui  avait  été  remis  le  manuscrit  du 
Missel  d'Arles,  dûment  corrigé,  auquel  il  avait  à  se  conformer. 
11  devait  recevoir  pour  ses  peines  et  pour  chaque  missel  relié 
cinquante  gros  en  monnaie  de  Provence,  et  vingt-six  pour 
chacun  des  autres  missels  non  reliés.  Il  ne  lui  était  pas  permis 
d'en  imprimer  au-dessus  du  nombre  fixé  avec  le  Chapitre, 
sauf  six  sur  parchemin  pour  les  chanoines.  Il  devait  de  plus 
imprimer  quatre  cents  bréviaires,  sur  bon  papier,  d'après  le 
modèle  corrigé  qui  devait  lui  être  remis,  et  faire  ce  travail  au 
prix  de  deux  florins,  monnaie  de  Provence,  pour  chaque  bré- 
viaire relié.  On  ne  devait  payer  les  missels  qu'après  la  con- 
fection des  bréviaires,  et  on  se  réservait  deux  ans  pour  solder 
le  prix  de  ces  derniers,  savoir  :  la  moitié  Tan  d'après  la  livrai- 
son, et  le  reste  l'année  suivante.  On  lui  donnait  pareille- 
ment à  imprimer  les  livres  pour  les  baptêmes,  pour  les  proces- 
sions, ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  rituels.  Ce  travail 
devait  être  fait  au  plus  tôt^  sauf  à  débattre  avec  le  Chapitre 
le  nombre  et  le  prix  de  ces  divers  livres  d'offices.  Le  Missel 
prêté  comme  modèle  devait  être  rendu.  Cet  acte  fut  passé  dans 
la  maison  du  notaire  Guillaume  Mandoni,  en  présence  de  Bo- 


-  245- 

niface  Arbaud  et  de  Dorât  Calvi,  clercs.  Il   fut  approuvé  le 
lendemain  par  le  Chapitre  assemblé  *. 

Malgré  les  termes  de  ce  traité,  Hmpression  des  Missels  ne 
fut  achevée,  comme  on  Ta  vu  plus  haut,  qu  au  mois  d'octo- 
bre i53o  sur  les  presses  de  Denisde  Harsy  mais  par  les  soins  de 
Jean  Osmond,  libraire»  qui  fut  le  bailleur  de  fonds.  La  clause 
relative  aux  bréviaires  ne  fut  pas  exécutée.  Il  n  y  a  pas  de  bré- 
viaire d*Arles  imprimé  en  i33o.  Celui  dont  nous  allons  nous 
entretenir  porte  la  date  de  1549. 


BRCViAme  de  1^49 


^P  Ce  fut  Tarchevèque  Jean  de  Kerrier  qui  dota  pareillement 
son  Ef^Usedece  nouveau  bréviaire.  Il  se  trouveà  la  Mazarine, 
^^à  la  Méjanes,l*honorablc  famille  Marttn-Ragci,  d*Arles,cn  pos- 
^rsède  un  exemplaire  qui  doit  lui  venir  d'un  membre  de  la  fa- 
mille, Pierre  Véran,  Tannaltste  d'Arles  bien  connu.  La  biblio- 
thèque d*Arles  met  à  la  disposition  des  lecteurs  rexemplaire 
de  Tabbé  Bonnemani.  Il  portecomme  d'habitude  son  ex-libris. 
daic  celte  fois  du  12  janvier  1761,  alors  qu'il  n  était  que  sim- 
ple clerc.  G  est  un  in-8"  à  deux  colonnes,  à  caractères  bien  nets 
quoique  petits.  Les  rubriques  et  les  initiales  de  chaque  para- 
graphe  sont  en  rouge.  Plusieurs  lettres  sont  représentées  par 
des   vignettes  assez  ordinaires. 

Ce  livre  a  pour  titre  :  *«  Breviarium  recem  ad  usitm  A  rela- 
tent i  s  Ecdesiœ^  Ex  vetcri  ac  novo  Testamentis  :  Tum  ex  Ho- 
mitiis  et  Sermonibus  sanctorum  approbatorum  dociorum,  de 
nopoper  Rei'ercndissimumin  Christo  Patremac  dominum  Do- 


•  Cf.  Galiia  Chrnttann  novhiimat  Artes  (1901),  au  n"  3o62.  ou  cet 
acte  en  latin  a  été  reproduit  en  entier^  d'après  U  minute  originale  qtai  se 
troave  dans  le  «  Cariulaire  du  Chapitre  d'Arles  »  de  Tabbé  Bonncmaot, 

I,  p.  65-71- 


246  - 

minum  Joannem  Ferrenum.  dktœ  Arelatemis  Ecctesiœ  Ar- 
chiepiscopum  [wne  meritum  aùsolute  insiaitratum  est  ». 
Au-dessous  de  ces  mots  se  trouve  la  marque  du  libraire  Vas 
Cavallb,  représentani  un  vase  au  milieu  de  deuxchevaux  dres- 
sés sur  leurs  pieds»  avec  celte  devise  du  livredes  Proverbes: 
Vas  pretiosum  labîa  scientiœ.  La  page  se  termine  par  Tlndî- 
cation  habituelle  :  Venundaniur  Aquis»  in  Palatio  Regali  pcr 
Vas  Cavallis  Bibliopolam.M.D.XLIX.  (Fig.  5.} 

Au  feuillet  suivant  commence  laveriissement  en  latin  par 
lequel  l'Archevêque  rend  raison  des  motifs  qui  Font  pane  à 
donner  ce  nouveau  bréviaire  et  dont  voici  les  principaux.  La 
récitation  du  bréviaire  était  soumise  à  trop  de  règles  qui  échap- 
paient à  bien  des  inteltigcncest  beaucoup  de  passages  peu  con» 
formes  à  la  Sainte  Ecriture  ou  à  renseignement  des  saints 
Pères  s'étaient  aussi  glisses  dans  la  prière  publique  :  les  octa- 
ves si  multipliées  se  superposaient  Tune  4  lautre  ci  rendaient 
difficile  le  choix  de  Toflice  cl  jetaient  le  clergé  dans  bien  des 
embarras.  Larchevéque,  après  une  tournée  pastorale,  ayant 
Irouvé  un  de  ces  vieux  livres  d'heures  rédigé  suivant  les  an- 
ciens rites  arlésîens  s*cn  servit  très  utilement  pour  son  œuvre 
de  rélorme.  Les  antîennesjcs  versets  cl  les  répons  furenlcon^ 
serves  alin  de  ne  pas  remanier  entièrement  lancicn  bréviaire. 
Le  calendrier  fut  plus  explicite  au  sujet  de  Tindicalion  deToh 
lice.  Le  psautier  fut  réparti  entre  les  jours  de  la  semaine.  Le» 
k\ons,  réduites  à  irois,  furent  un  peu  plus  longues  et  lirccs  de 
la  Bible  ou  des  saints  Pères,  parmi  lesquels  figurent  saint  Je* 
rôroe,  saint  Augustin,  saint  Ambroise,  saint  Grégoircv  saint 
Chrysosl<*ime,  saint  Bernard.  Les  légendes  ou  vies  des  Saints 
furent  celles  du  bréviaire  romain. 

Sa,\i,  dans  son  Ponltficiitm  arelalenMCt  signale  ces  amélio- 
rations apportées  au  Bréviaire aricsien en  quelques  mots  expres- 
sifs :  *iBreviarium  mendis  et  crroribus  ut  alias  Pro-parens pur- 


5fcùîarium  rcccns 


AD  V  S  V  H  AREL  ATEN. 
fjs  licxtcPiapjEx  veter  i  ac  nouo  tcftamcn  tisTum 
€K  Horafliji  ôC  Scrmonibusraac"lv^rani  appro^ 
hatorum  doclorum  :  de  nouo  per  Rcuci  cudilsi' 
imtm  m  Chriftopatrcm  acdommum  Dominum 
loauntîT)  *-crTcrfri,di(flaf  Aretaren  licdcfjar  Ar^ 
cbiepîTcoptimbeneiTiencSabroIutc  inftauracu  cft* 

P^jsj  f tfw  InJtct  locat'um  tcrum  ormimi  qu^t 
In  todcrn  continetutit. 


V 


h 


j? 


V  E  N  V  N  D  A  N  T  \  n    A  CLV  I  S, 

ùi  Pahf io  Regali  pcr  Vjs  CâtàL  ' 
li>  BiGiiopoljiD. 

M,     D.     KLi:.. 


-  248  — 

^v'iX,  nova  m  que  in  I  or  m  a  m  anlea  intorme  rcdegit  »    arcli 
piscopusj, 

Le  calendrier  ne  mentionne  plus  le  *<dieseger»  ni  les  sen- 
tences et  les  règles  placées  au  commencemeni  du  Missel  de 
i53o.  mais  nu  bas  de  chaque  mois  on  rencontre  des  quatrains 
latins  rentermani  ««  des  régimes  de  santé,  si  l'on  peut  donner 
ce  nom,  dit  l'abbé  Bonnemant^  à  toutes  les  inepties  qu'on  y  a 
ramassées.  Tel  était  le  ridicule  goût  du  temps.  On  en  trouve 
de  semblables  dans  la  plupart  des  Bréviaires  ou  Missels  impri- 
mes  en  France  au  commencement  du  xvr  siècle.  Il  y  a  lieu  de 
croire  qu'on  ne  les  plaçoit  dans  ces  sortes  de  livres  d'église. 
qu*afin  de  fournir  aux  curés  de  la  campagne  les  moîens  de  se 
rendre  utiles  à  leurs  parroissiens  par  la  pratique  de  ces  conseils, 
soit  pour  prévenir  les  maladies*  soit  pour  les  guérir.  On  s^gil 
que  les  ecclésiastiques  se  mêloient  beaucoup  de  médecine  en 
ce  temps-là.  Au  surplus  les  refiles  qu'on  donne  dans  ces  qua- 
trains pour  la  conservation  de  la  santé  ne  sont  guère  dignes 
d'attention.  La  médecine  ne  souscriroit  certainement  pa*  à 
toutes  les  sentences   qu^ils  contiennent  sur  cette  matière  »  •. 

Les  autres  particulariléiî  sont  les  mêmes  que  celles  des  précé- 
dents calendriers  déjà  signalés.  Une  innovation  est  la  désigna* 
lion  du  folio  où  rolîice  est  placé.  Les  indications  astronomi- 
ques sont  également  fautives  et  sont  le  fait  d'un  homme  jhîu 
instruit  en  cosmographie. 

Le  calendrier  est  suivi  d'une  table  perpétuelle  des  lïtes  mo- 
biles, ensuite  vient  un  index  des  principales  matières  conte- 
nues dans  le  Bréviaire  avec  renvoi  aux  folios  où  elles  son! 
dans  rintérieur  du  livre.  Finalement  se  trouvent  sept  règles 
pour  apprendre  à  réciter  l'office  divin.  La  dernière  page  de 
toute  cette  partie  est  remplie  par  une  gravure  assez  mal  faite 


L.  BoNNiMAMT  :  0/7.   cit.,  art.  Jean  .\  Fcrrîer. 


—  249  - 

"fëpresenlani  Jesus-Chrîst  en  croix  entre  les  saintes  femmes, 
encadrée  elle-même  par  plusieurs  moiifsd^ornements. 

Au  fol.  I,  commence  la  disposition  du  tiréviaire  telle  qu'elle 
se  voit  encore  aujourd'hui,  du  moins  pour  les  parties  impor- 
tantes^  après  la  répétition  de  ce  titre  déjà  vu  :  «  Ad  honorem 
Domini  nosiri  Jesit  Chrisli,  ac  beatissimœ  virginis  Mariœ 
ejus  malris.  et  beatorum  Stephani  protomartyris.  ac  Tro- 
phhni hujus  sanctœ  Arelatensis  Ecclesîœ  primi fundatoris  et 
Episcopi  patronorum  ejusdem  Ecclesîœ  omniumque  sancto- 
rum  7^, 

On  remarque,  dans  ce  Bréviaire,  le Contiieor  spécial  àTE^Iise 
d*Arles,  avec  l'adjonction  des  mots  :  saint  Etienne  et  saint 
Trophime  '.  Les  octaves,  si  nombreuses  dans  le  Missel  de  i53o, 
disparaissent  pour  la  plupart.  On  a  conservé  celles  de  la  fête 
de  saint  Trophime  et  de  la  Visitation  de  la  sainte  Vierge,  mais 
on  a  supprimé  celle  de  la  Conception.  Les  légendes  sonicourlcs 
et  assez  exactes  d  après  le  témoignage  de  l'abbé  Bonnemant. 
mais  en  très  petit  nombre.  Pour  les  saints  de  TEglise  d'Arles, 
il  n*y  a  que  saint  Honorât  et  saint  H  i  la  ire  qui  en  aient.  C'était 
pousser  un  peu  lom  la  critique»  car»  après  tout,  on  ne  trouve- 
rait rien  à  dire  aux  actes  de  quelques-uns  de  nos  saints  de  Pro- 
vence, teisque  saint  Césaire,  saint  Genès  et  autres.  Le  jour  de 
TEpiphanic,  on  lisait,  après  Matines,  la  généalogie  de  Jésus- 
Christ  selon  saint  Luc,  Bonncmant  fait  aussi  cette  observation 
que  la  troisième  lei^on  de  la  Concepiion  de  la  sainte  Vierge  est 
composée  de  plusieurs  passages  des  saints  Pères  qui  ne  prou- 


'  Il  est  aiDsi  conçu  :  «  Confiteor  Deo  omnipotenii  Beatœ  Mariœ  sem^ 
^er  Vir^int,  beatts  Stephano  ei  Trophimo  e(  omnibus  Sanctis  et  tibi 
Pater  quia  peccat^i  nimis  cogitatione  uerbo  ci  opère  :  Sîen  cutpa,  mea 
eutpa,  mea  maxima  cuipa.  fdeo  precor  beatam  Sfariam  lemper  Virgi- 
nem,  beatox  Stephanum  <?/  f>ophimum  omnes  Sanctos  et  te  Patertorare 
pro  me  Dominum  nostrum. 


—  25o  — 

vent  pas  à  la  rigueur  ^  rimmaculcilé  »,  sauf  deux  qui,  à  la  vé- 
rité, sont  formels,  mais  ne  sont  pas  de  saint  Bernard  et  de  saint 
Augustin,  auxquels  on  les  attribue. 

L*abbé  termine  l'examen  de  ce  bréviaire  par  ces  mots  flat- 
teurs si  rares  sous  sa  plume  : 

«  Enfin,  après  un  mûr  examen  de  ce  Bréviaire,  on  ne  peut 
disconvenir  que  Jean  Ferrier  n*eut  de  la  religion,  du  goût,  de 
la  critique  ei  de  la  sagacité  »  *. 

Une  note  de  la  main  de  Bonnemant,  écrite  sur  l'exemplaire 
qui  lui  appartenait,  nous  fournit  quelques  détails  sur  Timpres- 
sion  de  ce  livre  :  4c  Lan  1547,  '^  ^5  juillet.  M»' d'Arles  et  le 
chanoine  Cazaphilète,  au  nom  et  comme  procureur  du  Cha- 
pitre, ont  contracte  avecques  Maistre  Vaschavalis,  libraire 
d'Ays,  et  lui  ont  donné  à  faire  imprimer  huict  cens  Brévieres. 
apert  par  M»  Anthoyne  Surian,  notaire  à  Saint-Chamas.  •Ar- 
chives du  chap.  d'Arles.  Délibérations  du  2  sept.  1642  jusques 
au  7  décembre  i55i,  fol.  241  v«>. 

Nous  savons  de  plus  que  ce  Bréviaire  a  été  imprimé  à  Lyon, 
en  1549,  par  Théobald  Pagan.  On  lit  au  verso  du  folio  543, 
le  dernier  du  livre,  ces  mots  en  gros  caractères  : 

Lugduni,  excudcbat 

Theobaldus  Paganus 

1549 

Le  chanoine  Marbot.  dans  une  note  de  la  page  179  de  sa 
¥.  Liturgie  Aixoisc  >►,  nous  apprend  que  ce  bréviaire  est  d'une 
composition  analogue  à  celui  du  cardinal  Quignonez.*!!  nous 
dit  aussi,  p.  214.  que  ce  même  personnage  avait  été  charge  en 
i32o  par  le  Pape  Clément  VU,  de  composer  un  nouveau  bré- 


I-.  Bonnemant  :  Op.  cit..  à  l'article  Jean  X  Ferrier. 


—  a5i  - 

viaire  qui  fut  publié  sous  sa   forme  définitive  en  i538,  et  qu*ii 
est  beaucoup  plus  bref  et  plus  littéraire  que  Tancien. 

Peut-être  serait-il  bon  d^ajouter  qu'il  existait  un  ouvrage 
édité  par  le  même  libraire,  sorti  des  mêmes  presses,  la  même 
année  1549  et  contenant  la  nianièrede  bien  réciter  l'office  di- 
vin. Malheureusement,  nous  ne  connaissons  ce  livre  que  par 
son  titre  imprimé  que  nous  rapportons  textuellement  :  4^  Pétri 
a  Burgo  Avenionensis  ad  venerabikis  canonicos  arelatenseis 
de  divino  cuttu  religiosé  tuendo,  sacrarumque  literarum  stu- 
dio colendo  epistola,  quœ  continet  etiam  summam  commenda- 
tionem  codicis  precum  horarium  recens  excussi  typis  Théo- 
baldi  Pagani  in  usum  diœceseos  Arelatensisqui  quidem  codex 
sua  commoditate  ad  omnia  munera  Ecclesiastica  aptissime 
obcunda  valet, 

DiURNAux  ET  Matines  DE  i554? 

Nous  hésitons  à  parler  de  ces  derniers  livres  liturgiques  :  il 
ne  paraît  pas  d'une  manière  certaine  qu'ils  aient  été  imprimés. 
On  n'en  trouve  nulle  trace  dans  l'histoire  ecclésiastique  d'Ar- 
les. L'abbé  Bon nemant,  si  attentif  à  recueillir  ce  qui  avait  le 
moindre  intérêt  pour  sa  ville  natale,  aurait  certainement  sauvé 
de  l'oubli  ces  livres  en  s'en  procurant  des  exemplaires  ,  ou 
tout  au  moins  en  nous  laissant  quelques  notes  manuscrites  à 
leur  sujet.  Il  a  simplement  inséré  dans  son  Cartulaire  du 
Chapitre  de  la  sainte  Eglise  d'Arles,  t.  I,  p.  535  *,  un  projet 
d'impression  de  ces  livres,  dont  voici  la  substance  :  Le4noyem- 
bre  i553,  Laurent  de  Brunet,  vicaire  général,  agissant  au  nom 
de  larchevêque,  et  les  autres  chanoines  de  Saint-Trophime  ; 


«  Cf.  :  Gaiiia  christiana  novissima,  Arles  (1901),  où  cet  acte  est  repro- 
duit en  entier,  au  n«  3o66. 


—  25a  — 

inioineAlbe.prévôt;GaspardAutric,  trésorier;  Antoine  tcar 
Antoine  de  Porcellet,  Pierre  Sanson,  Auriac  deBurgo,  François 
Vincenu  Honorât  Mandoûi,  François  de  Varadier,  Barthélémy 
Gilles,  Jean  icard,  assemblés  en  chapitre,  convinrent  avec  Jean 
Ravel»  conventuel  de  la  même  église,  de  ce  qui  suit  :  Jean  Ra- 
vel fut  autorisé  à  faire  imprimer  et  à  vendre,  en  quantité  suffi» 
santc,  des  Diurnaux  et  Matines,  selon  le  rite  de  TE^îlisc 
d'Arles,  composés  «t  de  bonnes  lettres  ^^  d'après  le  Diuraal  de 
Rome  imprimé  à  Lyon,  en  1547,  par  Vincent  Portanarîs.  It  ne 
pouvait  demander  plus  de  huit  sous  des  Diurnaux  reliés  et  trois 
sous  ei  demi  des  Matines.  L'imprimeur  était  également  obligé 
pour  le  même  prix  de  faire  relier  et  dorer  cent  Diurnaui  cl 
cent  Matines  pour  Tusage  du  Chapitre.  Il  ne  devait  commen- 
cer tout  ce  travail  qu'après  avoir  obtenu  la  signature  du  grand 
vicaire  et  du  Chapitre.  Cet  acte  fut  dressé,  à  Saint-Trophime,  par 
le  notaire  Antoine  Nicolay,  en  présence  dV\ntoine  Place,  prieur 
de  Saint-Laurent,  et  de  Trophemon  Bronet,  écuyer  d'Arles,  l'n 
premier  ajournement  empêcha  la  réalisation  de  ces  promesses 
et  tinalcmentt  le  23  juin  ï334,  Ravel  passait  sa  permission  a 
Masse  Bonhomme,  imprimeur  de  Lyon.  Un  second  délai  priva 
pour  toujours  les  prêtres  du  diocèse  de  ces  nouveaux  livres  li- 
turgiques, c*est  du  moins  notre  opinion, 

M  ne  faut  pas  trop  le  regretter.  Le  pape  Pie  V,  en  etFei.parsa 
constitution  Quod  a  nobis,  encore  en  vigueur,  ordonna  partout 
Tadoption  du  bréviaire  romain  que  le  Saint-Siège  venait  de 
refondre  selon  le  désir  du  Concile  de  Trente.  Le  diocèse 
d* Arles  se  soumit  assez  vite  à  cette  décision,  à  peine  vingt  an^ 
après  que  Tordre  en  fut  venu  de  Home.  Ainsi  l'atteste  une 
note  du  chanoine  Jean  Fcutrier  :  m  L'an  mil  cinq  cent  hun 
tante  huit  et  le  samedi  vingt  sixiesme  jour  de  novembre,  pre- 
mières vêpres  de  TAvent,  en  la  sainte  Eglise  d'Arles  fut  com 
mencé  Toffice  de  Rome,  a  Thonneur  de  Dieu,  la  Vierge  Marie. 


-  253  - 

saincts  et  sainctes  du  Paradis,  suivant  le  sainct  Concile  de 
Trente  et  l*ordonnance  sinodalle  de  M»'  le  Révérendissime 
Silve  de  Saincte  Croix,  archevesque  du  dit  Arles.  Dieu  nous 
fasse  la  grâce  de  si  bien  le  continuer  qu'à  la  fin  de  nos  jours 
nous  puissions  jouir  de  la  joye  céleste  »  *. 

Les  livres  liturgiques  d'Arles  avaient  vécu.  Peu  à  peu  la 
main  destructive  du  temps  et  Toubli  des  hommes  allaient  faire 
rares  ces  témoins  d'un  autre  âge,  au  point  de  les  rendre  pres- 
que introuvables.  Il  est  permis  de  le  déplorer.  C'est  un  peu  de 
l'ancienne  et  illustre  gloire  de  la  vieille  cité  épiscopale  qui  s'en 
est  allée  avec  eux.  Et  combien  serait-il  souhaitable,  avant  que 
ne  disparaissent  entièrement  ces  naïves  légendes  de  nos  saints 
de  Provence,  ces  attachantes  hymnes  et  proses  arlésiennes, 
qu'une  main  pieuse  les  recueillit  et  les  éditât  de  nouveau  dans 
l'intérêt  de  tous  ceux  que  ces  choses  passionnent  ! 

Abbé  M.  Chailan. 


'  L.  BoNNEMANT  :  Op,  cit.,  article  Silve  de  Sainte-Croix,  p.  6. 


-  255  — 


VII 

LE  VIEUX  CHATEAU  DE  GRIMALDI 
à  Puyricard 

Plans,  Actes  divers  et  Traditions  locales. 
Par  M"  Engteie  HODCHART,  membre  de  r\cadémie  de  Vaucluse. 


Passant  tous  les  étés  dans  une  propriété  maternelle  qui  fait 
partie  des  assises  fortifiées  de  l'ancien  «  podium  »  de  Puyri- 


i^W^ 


Raines  de   Grimaldi,  Tue  prise  du  sud. 

card,  où  se  trouve  le  château  de  Grimaldi,   j  ai   été  tentée 
d'étudier  ce  joli  coin  de  notre  Provence. 

Mes  recherches  m'ont  donné  une  ample  moisson  de  docu- 
ments inédits.  Laissant,  pour  le  moment,  de  côté  tout  ce  qui 
concerne  le  pays  de  Puyricard,  je  me  contenterai  de  résumer 


—  256  — 

ici,  en  quelques  pages  rapides,  les  nombreuses  pièces  que  j'ai 
glanées  sur  le  château  du  cardinal  : 

Projets  des  architectes,  dessins  des  voûtes,  des  escaliers,  des 
mosaïques  et  plan  complet  de  Grimaldi,  à  l'époque  où  le  pro- 
verbe original  qui  inspira  un  chant  connu  devait  avoir  cette 
forme  : 

<  Let  Paricarden 
Soun  viéa  coamou  d'aigo-ardènt  ! 

Juegon  ei  bocho, 
Soun  castèu  s'esbocho...  » 

Aujourd'hui,  Taxiome  a  dû  se  modifier  avec  la  chanson  : 

€  Lei  Paricarden . . . 
Jaegon  ei  boulo, 
Soan  castèu  s'esboulo. . .  » 

Car  le  vieux  castelasest  à  Tétat  de  ruine. 

Le  romain  lui  a  laissé  des  fragments  de  poteries;  les  xiii*  et 
xiv*  siècles,  leur  moyen-appareil  ;  et  le  xvir,  quelques  restes 
de  ses  splendeurs. 


Cette  ancienne  communauté  de  Perricard  ou  Puy-Ricard 
était  un  podium  élevé  et  fortifié  *  comprenant  autrefois  une 
forteresse,  le  château  des  seigneurs  du  lieu  (lequel  était  divisé 
en  deux  parties,  Tune  à  la  famille  des  Baux,  Tautre  aux  arche- 
vêques d*Aix,  co-seigneurs  de  Puy-Ricard)  et  quelques  maisons 


*  Ce  qui  explique  pourquoi  l'ancien  Ricardi  s'appelait  Puy,  le  village 
actuel  se  trouvant  dans  la  plaine.  Le  nom  de  Ricard  lai  vint  peut-être  de 
son  premier  seigneur. 


—  257  — 

^habitation.  Le  tout  était  entouré  de  remparts  et  de  bastions, 
îont  les  vestiges  existent  encore. 

Puyricard  fut  compris,  semble-tih  dans  la  concession  que 
tt  Raymond  Béranger  de  Provence  en    u3oaux  comtes  des 

iux  et  appartint  à  cette  importante  maison  pendant  plusieurs 
îècles. 

La  Statistique  des  Bouches-du-Rhùne  nous  apprend  qu'en 
[167  le  château  fut  habile  par  Bertrand,  et  en  1289  par 
laymond,  tous  deux  membres  de  la  famille  des  Baux* 

Au  XMi<  siècle.  Raymond  des  Baux  était  co-seigneur  de  Puy- 
ticard.  Il  demeurait  dans  rnncicn  château  qui  se  trouvait  sur 
la  hauteur. 

Depuis  la  mort  d'Klip  des  Baux  et  la  révolte  de  François. 
lue  d*Andrie,  la  moitié  de  la  seigneurie  revint  à  la  cour  de 
Provence*. 

Au  mv  siècle,  la  seigneurie  est  donc  partagée  en  deux  par- 
ties, dont  Tune  appartient  aux  Comtes  de  Provence  après  les 
seigneurs  des  Baux,  et  Tautre,  comme  auparavant,  aux  arche- 
équex  (fA  ix  *. 

Les  Archives  de  FArchevêché  nous  apprennent  que  le  roi 
René  donna  à  Vital  de  Cabanes,  juge  des  premiers  appels 
d'Aix,  le  château  de  Puyricard. 

Pierre  de  Cabanes  abandonna  à  TArchevêque  d'Aix,  alors 
>Ilivier  de  Pcnnard.  en  1477,  sa  moitié  de  la  seigneurie,  don- 
lëepar  F<ené,  en  échange  du  château  de  Gravt\^on  ^. 


•  Statistiqae  des  Bouches-du-Rhône. 

»  AlbabI-s,  Gatlia  Christiana,  p.  61.  Instrumenta.  Arnaud  de  Narcès, 
jtiu  archcT^que  d*Aii,  en  1337,  fit  son  lestameni  et  mourut  en   t3^8.  en 
>n  château  de  Puyricard,  où  il  s'était   retiré  pour  échapper  à  Ja  peste* 
Arnaud  H  qui  lui  succéda  et  siégea  dix  ans»  mourut  aussi  au  château 
l^e  Puyricard.  en  i358. 

*  L'acte  d'échange  est  contenu  dans  une  ancienne  charte  des  Archives 
dti  Chapitre  d'Ail .  «  Acte  passé  le  1  o  mars  1 477,  la  neuvième  année  du  pon- 


coHOKÂs  —  t  7 


—  258  — 

Les  archevêques  d'Aix,  jusque  là  co-scigneursde  Puyricard  *, 
deviennent  seigneurs  proprement  dits,  le  jour  de  cet  échange. 

En  !63o,  le  château  ancien  est  presque  tout  démoli. 

Le  sieur  Michaélis,  dont  la  propriété  se  trouvait  à  un  kilo- 
mètre de  là,  loue  ce  qui  reste  du  vieux  château  pour  y  enfer- 
mer ses  récoltes. 

Mais  en  i655,  la  venue  de  M«'  Grimaldi  à  TArchevôché 
d'Aix  fait  casser  le  contrat. 


*** 


Gérôme Grimaldi,  archevêque  d'Aix  de  i655  à  i685,  appar- 
tenait à  une  des  premières  familles  d'Italie  qui  possédait  de 
grands  domaines  sur  le  littoral  *. 

Le  blason  des  Grimaldi  était  :  «  losange  d'argent  et  de 
gueules  sans  nombre  ». 

Né  à  Gênes,  le  20  août  1597,  tils  de  Jean-Jacques  Grimaldi, 
baron  dcSaint-Féli,  au  royaume  de  Naples,  de  la  branche  des 
Grimaldi-Cavalleroni,  sénateur  de  Gênes,  et  de  Hieronima  de 
Mari,  ce  prélat  occupa  dans  Téglise  les  plus  brillantes  situa- 
tions •*. 

11  avait  été  nonce  extraordinaire  auprès  de  l'empereur,  gou- 


tificat  dudit  archcvesque,  sous  le  règne  de  René,  dans  une  audience  par- 
ticulièic  du  palais  royal,  en  présence  de  plusieurs  notabilités  de  la  Pro- 
vence. Ollivier  de  Pennard  donne  tout  son  domaine  de  Graveson  et 
compte  encore  5oo  llorins  (environ  11.000  fr.).  Le  sieur  de  Cabanes 
donne  à  l'Archevêque  son  fief  de  Puyricard,  sous  quelques  réserves.  » 

*  Kcclesia  Podio  Kicardo  (l'église  de  Puyricard)  payait  à  rarchevéché, 
dans  le  synode  tenu  à  Aix,  en  i23i,  la  redevance  de  11  s.  |iiii  d.  . 

Au  rôle  des  décimes  du  xiv'  siècle,  sa  taxe  était  de  lx  s.  (Arch.  dép.) 

'  Le  golfe  de  (irimaud,  près  Saint-Trope^y  porte  leur  nom. 

'  Alban^s,  (Jailia  Christiana,  diocèse  d'Aix,  p.  141,  143  et  ss. 


—  259  •"• 
verneurdc  Rome.  Urbain  VIII  le  nomma  évoque  de  Silésie  et 
nonce  apostolique  de  France.  En  1643,  il   le  comprit  dans  la 
promotion  de  juillet  et  le  fit  cardinal. 

M»"^  Grimaldi  sacra  Michel  Mazarin,  en  1645,  lequel  fut 
archevêque  d*Aix  durant  trois  années. 

A  la  mort  de  ce  prélat,  survenue  en  Cour  de  Rome,  en  1648, 
la  France  proposa  immédiatement  Gérôme  Grimaldi  pour  lui 
succéder.  Le  pape  Innocent  X,  désirant  conserver  seul  le  droit 
d'élire  les  évoques,  refusa  de  ratifier  l'élection  faite  par  le  roi  K 

Alexandre  VII  mit  grand  empressement  à  donner  ses  bulles 
au  cardinal  (3i  août  i655). 

En  fin  novembre.  Monseigneur  arriva  en  Provence,  et  son 
installation  eut  lieu  le  3  décembre  suivant.  Cet  épiscopat  mé- 
morable dura  trente  années. 

\l«r  Grirtialdi  aimait  les  pauvres  qu'il  visitait  souvent.  Ses 
aumônes  annuelles  montaient  à  3o,ooofr,  *. 

Jouissant  d'une  réelle  fortune  personnelle  et  d'un  revenu 
considérable,  le  cardinal  fit  construire  le  grand  séminaire 
d'Aix  et  conçut  le  projet,  dit-on,  de  rebâtir  la  cathédrale  de 
Saint-Sauveur^  sur  le  modèle  de  Saint-Pierre  de  Rome  ;  mais 
devant  les  difficultés^,  il  résolut  de  faire  élever  un  château  sei- 
gneurial, à  Puyricard,  où  se  trouvaient  quelques  ruines  de  l'an- 
cien. 

Situé  à  proximité  d'Aix,  sur  un  haut  plateau  qui,  par  la 
vallée  de  la  Durance,  reçoit  l'air  des  Alpes,  dans  une  position 


*  Le  cardinal  Grimaldi,  qaoiqae  muni  de  son  brevet  et  de  ses  titres, 
s'abstint  d*en  faire  usage,  par  devoir  de  conscience,  durant  sept  années, 
tant  que  vécut  Innocent  X. 

•  FiSQUET,  France  pontificale. 

'  Le  Chapitre  s'y  opposa,  pensant  n'avoir  jamais  les  moyens  d'entretenir 
un  tel  édifice. 


climaiérique  exceptionnelle,  Ptjyricard  ciaii  bien  ceqùëTHtito- 
rien  Pition  appelle  «t  un  ton  bon  lieu  »  '. 

I^imiiêc  au  nord  par  la  colline  de  Trévaresse  qui.  de  Vc- 
aelles,  fuit  en  pente  douce  jusqu'à  Rognes,  la  vue  s'étend  lar- 
gement vers  la  droite  où,  au-delà  de  la  plaine  d'Èguilles,  celle 
de  Velau\  se  fond  dans  la  mer.  A  gauche  cl  dans  le  loin- 
tain, estompée  de  vapeur  claire»  la  montagne  de  la  Victoire 
dresse  sa  silhouette  glorieuse.  Au  midi  enfin»  précisant  Thon- 
zon,  le  massif  sombre  d'Entremoni  se  détache  sur  la  chaîne 
bleue  de  r  Etoile...  ^ 

On  conr>prend  qu'en  homme  de  goùi,  le  cardinal  t'ùi  tcnic 
par  ce  beau  site,  d'autant  mieux  qu'il  était,  en  tant  qu'arche- 
vêque d*Aix,  seigneur  de  Puyricard. 


Lin  acte  passe  en  iféh,  entre  le  cardinal  et  les  maçons  Henri 
iMouret  et  Pierre  Mignet,  indique  la  place  qu'occupait  Tancien 
château  ':  Une  autre  pièce  du  3r  décembre  i665,  signée  par  le 
cardinal  et  le  sieur  Bcnoist,  parle  de  «i  l'ancien  village  démoli» 
qui  était  sur  cette  hauteur. 

Donc,  nous  constatons  que,  lorsque  M"'  Grimaldi  voulut 
faire  bâtira  Puyricard,  il  n'y  avait  plus  sur  le  podium  ni  vil- 
lage, ni  vieux  château. 

Il  ne  restait  de  la  forteresse  qu*une  seule  tour  élevée  au* 
dessus  des  remparts  ^  Elle  entrait  dans  la  ligne  de  fortilicjH' 
tions  qui  comprenait,  nous  le  savons  formellement,  la  tour  du 
Puy-Sainte-Réparade,  la  tour  de  Puyricard,  la  tour  d'Enire- 
mont,  la  tour  de  la  Keyrié,  prés  Aix. 


'  PjTîow.  Ui  Antiquités  découvertes  à  Puy- Ricard  tn  ïôSj, 

*  Nous  verrons  CCI  acte  plus  loin. 

>  Quelques-uns  la  désignent  sous  le  nom  de  Tour  de  Iji  Reine 
ietinne,  aunbution  trop  fréquente  el  employée  avec  plas  ou  rnoiai 
d*eiftciilgde  en  Provence  et  dans  le  Comtai, 


—    202  — 

Pition,  son  contemporain,  et  après  lui  M.  de  la  Tour 
Keyrié  *  disent  qu'en  1657  les  travaux  étaient  entamés. 

Nous  ne  saurions  préciser.  Mais,  ce  qui  est  certain,  c'est  que 
le  vrai  point  de  départ  de  la  construction  importante  est  i665. 

Cette  année-là.  Monseigneur  fait  venir  d'Italie,  ainsi  que 
nous  rapprennent  des t/oc«wcn/s  inéditsde  l'archevêché d'Aix, 
son  compatriote,  le  Génois,  Giovani  Batici  Constanzo,  archi- 
tecte. 

Celui-ci,  ajoutent  les  mêmes  actes,  s'inspirant  à  la  fois  du 
«  Palais  Mazarin  à  Monte-Cavallo,  du  Palais  Médicis  à 
Monte  Pincio  à  Rome  e  della  Casa  di  san  Pier  dWrrcna,  de 
Gênes  ^,  dessine  un  plan  complet  et  compose  de  nombreux 
projets  *. 

Voici  une  curieuse  note  indiquant  en  Génois  les  différentes 
parties  du  château. 

Cette  note  est  datée  de  i665,  à  primo  : 

1 .  Il  cortile  verso  levante, 

2.  La  terassa  verso  levante» 

3.  II  cortile  verso  mezzo  giorno. 

4.  La  terassa  verso  Ponente. 
5  II  cortile  verso  Ponente 

6.  Scala  indeto  cortile. 

7.  Sito  dove  si  tieno  le  carosse. 

8.  Il  cabineto  contigo  alla  torre. 

9.  Scala  per  descendcre  in  cucina;  la  mezaria. 


*  Excursions  aux  environs  dWix. 

C    Kscalier  tournant  à  colonnes  doubles, 
j    \    D    Kscalier  de  i5  degrés. 

E    Kscaliers  pour  monter  aux  tours. 

F    Fenêtre  cintrée. 


I 


—  263  — 

10.  Stansa  nel  centro  délia  torre. 

1 1 .  Caméra  verso  iramontana. 

12.  Il  saloto  délia  parte  di  tramontana. 

i3.   Sala  a  palmi  alla  cornice  (  volsono  délia  volia  a  palmi  12 
e  il  saloto  alto  de  palmi  20  alla  cornice. 
Il  volsono  d'jlla  volta  a  palmi  10). 
14.   Scala  macstra,  sopra  la  logia. 
i5.    Logia  innansi  la  sala. 

16.  La  caméra  verso  Ponentc. 

17.  Il  saloto  di  mczio  in  facia  il  cortile. 

18.  La   prima  stansa  verso  mezzo  ^Morno  (Le  fenestre  del 

piano  di   sale   sono   fati  in   palmi  6  di  luce  consuoi 
quadri  di  sopra.  Le  porte  sono  alte  dieci  palmi  e  large  5 
de  luce). 
De  vostro  illustrissimo,  reverendissimo...  servitore, 

Gio  B^'  CoNSTANZo,  arch. 
(Giovani  Batici,  en  dialecte  génois). 


Quand  les  plans  sont  arrctcs  p^ar  l'architecte,  Monsei^'neur 
passe  des  conventions  avec  ses  entrepreneurs. 

\'oici  un  acte,  relatant  le  prix  fait  de  certaines  parties  de  la 
construction  : 

«  L'an  mil  six  cens  soixante-cinq,  le  dis  septième  du  mois 
de  novembre  après  midi,  devant  notaire,  constitués  en  leur 
personne,  ont  comparu  Henri  Moiirct  et  Pierre  Migfiet, 
nnaîtres-maçons  de  Jouques,  se  sont  faits  forts  et  promettent  de 
le  satisfaire,  à  M*'  Grimaldi,  absent,  et  à  M.  Jean  Roquebrune^ 
son  intendant,  conseiller  à  la  Cour,  de  parfaire  bien  et  conve- 
nablement toutes  les  murailles  et  massonneries,  crottes   et 


voûtes  qui  seront  nécessaires  pour  la  construction  du  château 
de  Puyrtcard  que  Son  Kniinencc  tii  déjà  commencer  de  bàiir 
au  lieu  où  était  l'ancien  château  ^ 

«Comme aussi  emploieront  la  pierrede  iailte  qutsera  néces- 
saire pour  la  bâtisse  dudit  château  et  feront  le  chemin  à  la 
hauteur  qui  sera  nécessaire  par  dessus  le  toit  -\  le  tout  con\^- 
nablement  lait  et  assorti,  et  pour  ce»  moyennant  le  prix  de 
24  Hohla  canne  carrée  des  murailles  de  massonneriex  réduites 
à  deux  pans  d*épaîsseur,  à  la  réserve  des  voûtes  et  crottes  qui 
se  mesureront  suivant  les  épaisseurs  qui  se  trouveront  ^. 

«Touic  la  muraille  devra  éire  rcbouquéeavcc  du  bon  mor- 
tier, etc..  * 

Le  touriste  qui  passerait  à  Grimaldi  et  qui  comparerait  le 
prix  de  revient  de  ces  murailles  et  celui  des  maisons  en  carton- 
pâte  que  Ion  construit  de  nos  jours,  ne  pourrait  s*em pécher 
dédire  :  «  Heureux  temps,  où  Ion  obtenait  de  pareils  monu- 
uTcnis,  au  prix  de  34  sols  la  canne  carrée!,..  » 


Nous  trouvons  un  état  de  ce  que  coula  le  toisde  mélèze. 
venant  des  Alpes,  pour  le  château  du  cardinal  :  3J20  livres. 
Le  tout  débarquait  au  port  de  Pcyrolcs  et  était  transporté  sur 
des  chariots. 

Ln  autre  acte  indique  le  compte  total  du  bois  employé 


*  Ûorn:  les  travaux  sont  entames  dcjà.  On  les  reprend  sur  un  roeillear 
plan.  Monseigneur  change  d'cnircprencur, 

*  On  sait  que  tes   voilures  accédaient  à  iâ   hauteur  du   premier  et  Age. 
par  la  terrasse  du  midi. 

*  Les  murailles  de  pourtour  ayant  sept  pans  d*épatsscur«  devaient  coû 
ter,  d'aprts  ce  canage,  trois  fois  ei  demi  24  sols  la  canne  carrée. 


-   265  — 

cet  effet  par  le  sieur  Augustin  Raynaud,  charpentier,  soit 
3.563  livres  '. 

Les  plus  nombreuses  pièces  concernant  le  château  sont 
datées  de  i665. 

La  largeur  du  château  était  de  63  met.  5o.  La  profondeur, 
sans  compter  la  logia,  2y  met,  - 

Par  comparaison,  d'après  le  plan,  à  l'échelle  graduée,  nous 
obtenons  33  met.  de  la  base  à  la  terrasse  supérieure.  Les  tours 
atteignaient  plus  de  40  met.  ^ 

Il  a  été  question  de  80  tombereaux  ayant  transporté  la  pierre 
du  P uy 'Sainte- Réparadek  Puy-Ricard  ♦. 

Si  nous  en  croyons  la  légende,  un  autre  moyen  de  transport 
plus  ingénieux  aurait  été  employé.  Le  cardinal*  qui  aimait  les 
ouvriers  et  occupa  fort  longtemps  les  gens  de  la  localité  à 
cette  construction,  aurait  fait  établir  une  chaîne  d'hommes 
au-dessus  de  la  Trévaresse  et  dans  le  vallon,  sur  un  parcours 
de  plusieurs  kilomètres.  Les  hommes  se  passaient  rapidement, 
de  l'un  à  l'autre,  la  pierre  toute  taillée. 

Cette  chaîne  vivante, d'après  la  tradition,  aurait  été  placée  du 
Puy-Sainte-Réparadc  à  Puyricard,  ayant  à  sa  gauche  les  fermes 
de  la  Denise,  la  Sibérie,  au  loin  Ganai\  puh  A Iphéran  :  à 
droite,  Pontier^  et  plus  bas  Moussu Estiéni,  lou  Pastro  e  A//- 
quéli. 

Ce  qui  est  certain,  des  commandes  d'ailleurs  en  font  foi, 
c'est  que,  pour  la  Chapelle  Renaissance  attenante  au  château, 
la  pierre  de  Calissane  a  été  employée  ^. 


*  Documents  inédits  des  Archives  de  l'Archevêché. 

*  On  peut  mesurer  encore  la  partip  nord  de  I*édifice. 

*  .Nous  avons  un  plan  exact  de  l'édifice  dans  les  Pièces  justificatives. 
*■  PiTTON  et,  après  lui,  M.  de  Duranti  la  Calade  dans  les  Excursions 

aux  environs  d'Aix  que  M.  de  la  Tour  KtYRit  fit  paraître. 

*  Une  note  dC/iÔTO  relate  une  importante  commande  du  cardinal. 


—  266  — 


Cette  chapelle  qui  mesurait  25  met.  //2de  long  et  r8  mèt.dt 
large  en  comptant  les  deux  nefs,  était  presque  entièrement  bàtic 
en  pierre  de  Calissane  blanche  et  fine,  au  grain  demi-dur,  très 
propre  à  l'ornementation. 

Dans  le  chœur,  sont  encore  parfaitement  conservées  des 
colonnades  avec  leurs  chapiteaux  à  feuilles  d'acanthes,  grandes 
et  petites,  des  bucrancs  et  diverses  dentelures. 

11  y  avait  trois  nefs  :  celle  de  droite,  démolie  ou  obstruée*, 
et  celle  de  gauche  qui,  bien  qu'affectée  à  divers  usages  de 
grange  et  d'écurie,  est  mieux  conservée. 

A  l'extérieur,  quelques  pierres  de  Rognes,  jaunâtres,  in- 
crustées de  coquilles,  sont  mêlées  à  la  construction.  Maissouft 
l'action  de  lair,  elles  se  sont  effritées. 

En  1789,  la  chapelle  était  encore  en  très  bon  état.  Sur  k 
dôme  -,  se  trouvait  la  statue  de  la  Résurrection  du  Sauveur, 
laquelle,  donnée  au  Chapitre  d'Aix,  est  placée  actuellemeot 
dans  les  cloîtres  de  la  cathédrale  3.  Cette  statue  en  marbreest 
attribuée  à  Bernin. 

Nous  savons  que  Hcrnini,  invité  par  Louis  XIV,  qui  désirât 
le  consulter  au  sujet  de  la  restauration  du  Louvre,  vînt  ea 
France,  on  i(')55.  Peut-être  M*'  (jrimaldi  profîta-t-il  de'sott 
passage  en  Provence  pour  lui  commander  une  œuvire 
d'art  ?...  Peut-être  aussi,  ne  le  lit-il  que  plus  tard,  car  Bef- 
nini  ne  mourut  qu'en  16H0  (cinq  ans  avant  le  cardinal). 


'  Celle-ci  porte  une  inscription. 

*  Kai  RIS  ne  Saint-Vincent  (Manuscrits)  cité  dans  sa  notice  sar  Payri» 
card,  par  l'abbc  Roustan  et, après  lui,  par  M.  de  la  Touk  Kctrié. 

*  C'est  là  que  nous  avons  pu  la  photographier. 


r 


—  ;e67  — 


268 

Les  dates  peuvent  donc  coïncider.  Quant  à  ]a  facture,  dk 

rappelle  assez,  par  le  brio  de  rexécution  et  la  richesse  des  dra- 
peries, les  autres  œuvres  de  Bernini  :  soit  le  groupe  de  sainte 
Thérèse  avec  l'ange  à  Saînie-Marie-de-la-Victoire.  soit  la  sta- 
tue équestre  de  Louis  XIV,  dont  on  a  fait  un  Curtius^  près  de 
la  pièce  d'eau  des  Suisses,  à  Versailles,  soit  surtout  le  Longin. 
de  Saint-Pierre  de  Rome. 

Aujourd'hui,  le  dôme  de  la  chapelle  s^ouvre  tout  grand  sur 
le  ciel.  A  la  place  de  la  statue  de  Bernini, se  penche  un  poétique 
figuier,  Tarbre  fidèle  à  toutes  les  ruines,  en  Provence  comme 
en  Arcadie. 


En  me  me  temps  que  le  château  et  la  chapelle  s'clcvaicnt 
d'autres  constructions  sur  la  hauteur  : 

L'une  qui  (igure  sur  le  plan  sous  le  nom  de  pfiarmaae  et 
que  diverses  notes  désignent  comme  apoihicaireric,  était 
située  au  sud  de  la  chapelle. 

C'est  la  seule  partie  conservée  K  Le  cardinal  l'avait  fait  cons- 
truire dans  le  but  d'y  faire  distribuer  des  médicaments  gra- 
tuits à  Puyncard*  Par  testament  du  i"  septembre  16K4.  un  an 
avant  sa  mort,  rarchevéque  dota  cette  maison  de  li  nronn-jk 
de  Lignane*. 


»  Llle  csi  habitée iictucïlemciîi  par  la  famille  Piffard,  de  MarseUlc,  pco- 
priéiaîre  des  ruines. 

»  Lignanc  rapportait  soi&ante  charges  de  ble',  letquclles  étaient  pani- 
gécs  entre  les  pauvres  de  Puyricard  ei  du  Foy-Sainie-Réparade, 

In  ratMccin  cl  une  pharmacie  étaient  entretenus  en  faveur  des  indi- 
gente. La  viande  et  le  lin^^c  devaient  âtrc  fournis  par  le  Séminaire  {k  i{tti 
plus  tard  fut  donné  Lignane|. 

L'apothtcaire  du  cardinal  se  nommait  Pasiorcl. 


—  269  — 

Au  Nord*Kst  du  châieau  se  trouvait  la  Glacière,  Celle-ci 
subsiste  encore,  sous  l'aspect  un  peu  agrandi  d'une  de  ce^ 
cabanes  en  pierres  sèches  et  de  forme  sphénque  que  les  ber- 
gers consiruisaieni  dans  les  champs  pour  s'abriter  en  temps 
d'orage. 

Entre  la  Tour  déjà  citée,  de  construction  plus  ancienne  que 
tout  le  reste  et  la  F'harmacie'*  se  trouvait  la  Bergerie^  dont  les 
vestiges  se  confondent  avec  les  débris  de  l'ancien  rempart.  Le 
cavage  de  la  bergerie,  rélévaiion  des  crottes  et  vuittes  se  fait,  à 
partir  de  1666.  La  pierre  de  taille  y  est  employée.  Le  travail 
fait  à  cette  bergerie,  du  25  septembre  iOf>r»  jusqu'au  dernier 
jour  de  juin  ifiôy,  ne  s'élcve  pas  à  moins  de  i46(Jliï're}i  if)  sols  -. 
C'est  dire  que  le  cardinal  n'épargnait  rien  pour  que  tout  soit 
bien  conditionné. 

Dans  un  quadrilatère  situé  au  midi  du  château,  entre  la 
vieille  tour  et  la  bergerie»  existait  une  importante  Orangerie. 
L*Archevcquc  en  avait  fait  venir  les  plants  de  son  pays.  On  y 
accédait  par  un  portique. 

Au  centre  de  l'Orangerie,  se  trouvait  sur  son  socle,  d'où 
s'échappait  une  nappe  d  eau,  une  belle  statue,  grandeur  natu- 
relle, en  pierre  de  Calissane,  représentant  la  déesse  Pomone, 


Dispositions  testamenuires  du  cdrdinâJ  :  «  le  désire,  qu'en  la  maison 
qae  i*ai  (au  consiruire  dans  ce  but  à  PuyricArd,  un  chirurgien  apocht* 
caireou  un  habile  garçon  en  ce  métier  v  (assc  sa  demeure. 

«  Je  donne  Lignane  au  Séminaire,  à  condition  de  dire  une  tness«deai 
fois  la  semaine,  dans  l'église  que  j*ai  fait  rebâtir  à  Perricard.  * 

Le  mot  de  rebâtir  nous  indiquerait  que,  sur  cet  emplacement  de  la  cha- 
pdté  actuelle.  s*en  troDvait  une  autre  antérieurement.  Le  chiifre  1546  sur 
ane  vieiUc  pierre  qui  se  trouve  dans  ta  chapelle  latérale  de  droite  indi* 
qoeriii  peut-être  ta  date  de  la  première  construction, 

*  Voir  le  plan  de  l'époque  aui  Archives  départementales. 

*  Noies  des  frais  mentionnés  dans  les  Archives  de  l'Archevêché  d'Aix. 


—  270  — 

De  la  (iraperie  qu'elle  soulève  s'échappent  des  grappes  de  rai- 
sins K 

Il  est  dit  que  le  cardinal  fit  aussi  élever  à  Louis  XIV  une 
statue  destinée  à  être  placée  dans  le  château  avec  cette  ins- 
cription : 

LUDOVICOMAGNO 
ECCLESIA  AQUENSIS 


*  * 


Pendant  ce  temps,  l'importante  construction  se  poursuit. 

En  1671,  Jean  Jaubert,  maître-maçon,  expert  du  cardinal, 
est  chargé  du  canage  des  murailles.  Certaines  parties  étant  dé- 
fectueuses, on  les  abat.  Le  4  décembre  1673,  des  Italiens  de 
Gènes  viennent  carreler.  Dans  \e  prix-fait  pour  le  pavé  de  la 
galerie,  nous  lisons  :  «  Six  livres,  dix  sols  la  canne,  mais  avec 
la  frise,  cela  coûtera  davantage  à  votre  Eminence.  y^ 

Il  existe  un  plan  pour  faire  un  pavé  en  carrés  de  marbre 
«  di  ott'  angli,  come  la  logia  di  san  Pien  d*Arrena  *.  Ci-joint 
un  projet  pour  faire  un  lastricato  (pavimentum)  à  la  mode  de 
Venise  2. 

Le  9  décembre  1074,  canagc  delà  pierre  de  taille  employée  au 
bordât. 

En  1681,  nouveau  canage  des  murailles.  Honoré  Pourchier 
fournit  les  tuiles  de  la  toiture.  Deux  tours  carrées  dominent 
l'édifice  -K  Des    escaliers  à   l'italienne  conduisent  à   l'étage 


Klle  est  actuellement,  bien  conservée,  dans  le  jardin  da  Clos  des 
Sources,  h  Puyricard. 

*  Dessin  reproduit  dans  les  notes. 

3  11  restait  encore  une  bonne  partie  de  celle  de  l'Est,  en  iSSy.  f Manus- 
crits des  contemporains. J 


-  271  r- 

noble  (piano  nobile).  D'autres,  à  baluslres  et  à  colimaçon,  con- 
duisent aux  tours. 

Du  côté  du  midi  se  trouvent  quatre  grands  arceaux  et,  au 
centre,  trois  plus  petits,  reliés  par  d'élégantes  colonnades  sculp- 
tées sur  deux  étages.  Les  portes-fenêtres  qui  donnent  accès  sur 
les  terrasses  sont  placées  un  peu  en  recul.  Au  troisième  étage, 
une  rangée  de  douze  fenêtres,  très  régulièrement  disposées. 

Au  nord,  celles  du  milieu,  à  tous  les  étages,  sont  gémi- 
nées'. 

Le  cardinal-seigneur,  qui  a  un  goût  très  prononcé  pour  les 
œuvres  d'art,  veut  que  ce  château  ne  le  cède  en  rien,  par  sa 
magnificence,  aux  palais  romains.  11  fait  venir  des  artistes  ita- 
liens pour  Tornementer.  Le  mode  de  peinture  employé  par  eux 
est  quelque  peu  analogue  à  celui  des  fresquets  actuels. 
Nous  retrouvons,  dans  les  documents  précités  *,  de  curieux  dé- 
tails de  leur  procédé,  avec  le  compte  fait  des  peintures.  Le 
tout  est  écrit  en  génois.  Nous  avons  essayé  de^  les  traduire, 
en  les  résumant  :  «  Pour  blanchir  la  muraille,  la  dresser  avec 
une  règle;  \ajretasser  avec  une  planche  plate  et  propre,  de 
deux  palmes  de  long.  Passer  au  tamis  de  la  chaux  blanche, 
vive,  fort  détrempée  dans  de  l'eau  fraîche.  Cette  chaux  s*étend 
sur  la  muraille  avec  la  truelle,  bien  également  ^  Mêler  ensem- 
ble du  blancd'œuf  et  du  savon  détrempé.  Avec  un  grand  pin- 
ceau, asperger  de  ce  liquide  la  chaux  fraîche  encore  ;  vérifier 
s'il  n\  a  aucune  fissure.  Ce  travail  doit  être  fait  screpaturo 
(rapidement). 


*  La  légende  a  voulu  dire  que  cette  fastueuse  demeure  possédait  autant 
de  fenêtres  qu'il  y  a  de  jours  dans  l'année.  Sans  doute,  l'on  devait 
compter  toutes  celles  donnant  dans  les  cours  intérieures.  Même  avec 
cette  concession,  nous  sommes  loin  d'affirmer  l'exactitude  de  ce  chiffre. 

*  Archives  de  l'Archevêché  d'Aix. 
'  Ceci  est  une  sorte  de  stuccage. 


^  272  — 

Chaque  douze  palmes  au  cadre  carré,  il  faut  meure  demi- 
livre  de  savon  et  douze  blancs  d'œufs,  le  loui  bien  battu  et 
allonge   Là-dessus  se  font  les  fresques.  > 

11  est  regrettable  que  nous  n'ayons  pu  retrouver  les  détails 
de  ces  décorations;  les  scènes  représentées  eussent  ét^  inières- 
santés  *. 

Tandis  que  les  peintres  décorent  les  salles,  des  tapissiers 
posem  les  tentures  -.  Ceci  prouve  que  le  château  a  été,  au 
moins  pour  certaines  parties  de  l 'édifice,  terminé  '.  Près  de 
trente  ans.  Ion  travailla  à  la  construction  de  ce  chàieau,  pour 
lequel  le  cardinal  a  dépensé,  dit-on,  deux  millions. 

11  le  ïa  si  grand,  peut-eire  dans  le  but  d'y  tenir  les  conciles 
provinciaux,  dont  il  %'oulaii  rétablir  l'usage. 

En  i685,  la  monde  M*^'  de  Cirimaldi  arrêta  soudain  la  rcah* 
sâtion  de  ces  beaux  projets. 


Les  successeurs  du  cardinal  ne  jouirent  pas   de  cette  coos 
iruction  qui  fut  abandonnée  douze  ans,  à  la  suite  des  démê- 
lés relatifs  à  la  nomination  des  évoques,  entre  la  Cour  et  le 
Saint*Siège  Les  archevêques  de  la  Berchère  et  de  Cosnac,  dont 


*  Ll's  modernes  fresquets  ne  dessinent  par  avance  aucun  projet.  Ut  pei* 
gaeni  d'imagination,  à  priori. 

*  La  trace  des  clous  des  tapissiers  est  encore  rîsible  k  certaines  parties 
du  chiteaû. 

*  H  a,  du  reste,  été  habité  par  le  cardinal.  A  la  vente  des  meabtcsdi 
M*"  Gnmaldj,  faîte  en  1686,  est  reJalé  :  *  In  lit  de  damas  rouge,  prove- 
nant de  la  chambre  des  Empereurs,  au  château  de  Puyricnrd.  vendu  Jti 
procureur  général  de  Bruecent  treiie  tivres    » 


273 


de  la  ville  d'Aix, 


fut  administrateur 
roccupèreni  pas  '. 

M'^  de  Viniimiile,  archevêque  dAix,  de  170H  à  1729,  dans 
ri  m  possibilité  où  il  se  trouvait  d^eniretenir  d'aussi  vastes  cons- 
tructions, désirait  obtenir  de  Louis  XIV  l'auionsaiion  de  les 
ahaiire.  Dans  ce  but.  i!  lit  faire  par  Vallon,  architecte  d'Aix, 
un  plan  du  château  indiquant  la  partie  à  démolir  ». 

En  1709,  un  arrêt  du  Conseil  d'Etat  autorise  Tarchcvêque 
Vintimille  du  Luc  à  faire  démolir  la  partie  du  château  qui  est 
du  côté  du  couchant  comme  ^  trop  dispendieuse  à  entretenir 
et  menaçant  ruine.  »  La  même  année  ont  lieu  les  enchères  de 
la  démolition  ■*.  Toujours  en  1709.  arrêt  du  Parlement  ordon- 
nant que  les  experts  examineront  si  la  démolition  d'une  partie 
du  château  n*entraînera  pas  la  ruine  de  l'autre  partie,  —  Con- 
clusion des  experts,  disant  qu*il  y  a  menace  de  ruine  totale. 

Le  23  octobre  1709,  une  partie  du  château  fut  minée. 

En  lyit .  nouveau  rapport  de  Vallon,  architecte  de  TArchevè- 
que,  attestant  le  défaut  de  solidité  du  château  et  l'impossibilité 
de  le  rétablir. 

La  même  année  arrive  entin  un  arrêt  du  Conseil  d'Etat  au- 
jomant  la  démolition  complète,  sauf  la  chapelle,  lapothicai- 


*  En  1691.  sous  M*'  Bercbère,  se  <it  le  nivelage  du  puits  de  Font  Cuberte 
dont  les  eaux  étaient  à  treize  cannes  en  contre-bas  du  château.  Le.  pro- 
priété Alexis  eut  droit  reconnu  k  ïâ  xurverse. 

*  Ainsi  qu'il  est  indiqué  dans  le  plan,  la  partie  à  conserver  est  teintée 
en  rose,  celle  à  dénDolir  est  sombre.  Liasse  de  Vallon  :  *  Le  château  a  été 
entièrement  comtruit,  mais  il  n'est  pas  solide  à  cause  de  la  méchante 
qoaJtté  de  ia  bittsse  et  des  mauvais  terrains  qui  la  soutiennent.  »  Celle 
décUration,  à  notre  humble  avis,  semble  être  le  résultat  d'une  comptai* 
sauce  d'architecte.  La  vérité  est  que  rArchevèque.  surcharj^é  par  ses 
œuvres,  ne  voulait  pas  entretenir  un  monument  devenu  inotite. 

'  La  première  adjudication  de  la  démolition,  au  sieur  François  Aubertp 
qui  nie  cent  cinquante  livres. 


CONUMJ»  ~    10. 


—  ^74  — 
rerie  et  le  lieu  affecté  à  la  distribution  des  viandes  aux  pau- 
vres malades  (3o  août  171 1). 

Encore  la  même  année,  selon  des  papiers  de  famille»  les 
bombardiers  de  M«'  de  Vintimille  tirèrent  sur  le  château  plu- 
sieurs coups  de  canon. 

Enchères  de  la  démolition  *. 

L'Archevêque,  d'après  Tarrêt  précité,  peut  employer  les  de- 
niers de  cette  vente,  ainsi  que  les  pierres  provenant  de  la  dé- 
molition, soit  au  palais  archiépiscopal,  soit  à  ses  fermes  de 
Puyricard  *. 

Plusieurs  habitants  de  la  localité  se  servirent  aussi  de  cette 
pierre  de  taille  pour  construire  leurs  maisons  de  campagne. 

En  terminant,  disons  que  sous  la  Révolution,  tous  les' biens 
appartenant  à  l'Archevêché  furent  vendus,  comme  nous  l'ap- 
prennent les  actes  faits  en  la  maison  commune  d*Aix,  le 
28 février  ijgi  \ 


*  * 


Aujourd'hui,  ce  qui  reste  des  splendeurs  fastueuses  du  châ- 
teau ducardinal  présente  Taspecid'une  immense ruTne.  Le  nid 
de  l'orfraie  et  celui  de  la  colombe  y  vivent  dans  une  harmonie 
au  moins  apparente. 

fit,  sur  ces  murailles  dont  le  stuccage  ingénieux  des  Génois 


*  C'est  François  Aubert,  maître-maçon  d'Aix,  qui  est  de  nouveau  adja- 
dicataire  à  huit  cent  vingt-cinq  livres  qu'il  paie  à  l'Archevêque.  Il  accepte 
de  démolir,  à  condition  d'avoir  tuiles,  fenêtres,  portes  de  bois,  poutres, 
soliveaux  et  autres  matériaux. 

*  l'ne  partie  de  ces  pierres  alla  encore  au  Séminaire.  Une  antre  partie  a 
l'aile  de  l'Hôpital  Saint-Jacques,  dite  des  Convalescents. 

'  Là  se  trouvent  consignés  tous  les  prix  des  adjudications. 


277  — 


VIll 


CURIOSITÉS  NOTARIALES 

par  M.  l'Abbé  REQUIN,  archiviste  du  diocèse  d* Avignon, 
Correspondant  de    l'Institut,   membre   d'honneur    de    l'Académie   de 

Vaucluse, 


Par  les  mots  curiosités  notariales,  je  n'entends  pas  désigner 
tout  acte  notarié,  qui  présente  un  intérêt  au  point  de  vue  de 
rhistoire  publique  ou  privée;  à  ce  titre,  tous  les  actes  des  notai- 
res ou  à  peu  près  seraient  des  curiosités.  Tout  le  monde  sait 
aujourd'hui  que  les  minutiers  des  artciens  tabellions  sont  une 
mine  inépuisable  pour  l'histoire  de  l'art,  de  l'industrie,  du 
commerce,  de  l'agriculture,  de  l'économie  sociale,  des  familles, 
de  la  linguistique,  etc.,  plus  riche  peut-être,  à  certains  points 
de  vue,  que  n'importe  quelle  autre  dépôt  de  documents,  et 
surtout  plus  vaste  et  plus  varié. 

Je  veux  simplement  désigner  sous  cette  rubrique  les  docu- 
ments trouvés  chez  les  notaires,  qui  renferment  quelques  dé- 
tails piquants  sur  les  mœurs,  les  coutumes,  les  usages  de  nos 
ancêtres.  Même  en  les  restreignant  par  cette  définition,  je  n'en 
finirais  pas,  si  je  voulais  vous  signaler  tous  les  documents 
curieux  que  j'ai  recueillis  au  cours  de  mes  longues  recherches 
chez  les  notaires.  Mais  je  tâcherai  de  me  borner  et  de  ne  pas 
abuser  de  votre  bienveillante  attention. 


-  278- 

Curieux  certainement  est  cet  usage  consigné  dans  un  aac 
que  le  notaire  intitule  :  Denunciaiio  nopî  operis.  Un  fait  pour 
en  faire  comprendre  toute  l'économie.  Quand  les^  Bénédictins 
fondèrent  leur  collège  à  Avignon,  à  l'endroit  où  se  trouvent  ac- 
tucllemeni  Ihôteldes  Postes,  le  temple  prolestantet  lefardin  de 
Saint-Marîial,  ils  établirent  les  fondations  d'un  mur  tout  à  tait 
sur  les  bords  du  canal  de  la  Sorgue.  Or,  la  propriété  de  ce  canal 
avait  été  concédée  au  Chapitre  Métropolitain  d'Avignon  par  les 
comtes  de  Toulouse,  Inde  ira\  Les  chanoines  de  Notre-Dame 
des  Doms  viennent  en  délégation  solennelle  devant  1  ouvrage 
nouvellement  construit,  lancent  contre  celui-ci  trois  piera^s, 
font  faire  par^devant  notaire  un  procès-verbal  de  leur  démar- 
che et  intiment  par  la  aux  Bénédictins  la  défense  de  continuer 
le  travail  commencé.  C'est  cet  acte  que  le  notaire  appelle  :  De* 
nunL'iaih  not*i  operis.  Il  se  produit  chaque  fois  qu*un  parti- 
culier  construit  un  éditice  sur  un  terrain  en  litige  contre  les 
droits  vrais  ou  prétendus  d'un  propriétaire  voisin.  A  citer  aussi 
comme  autre  exemple  d'un  acte  de  ce  genre,  la  protestation  du 
Chapitre  de  Saint-Sauveur  par  le  lancement  de  trois  pierres 
contre  Otton  de  Villari.quiavait  fait  peindre  ses  armes  et  celles 
de  sa  femme,  la  comtesse  de  Villari.  sur  une  maison  du  Cha- 
pitre »• 

Les  testaments  renferment  quelquefois  des  clauses  intéressan* 
tes.  Le  futur  défunt  demande  assez  fréquemment  que  tous 
ceux  qui  viendront  assister  à  son  enterrement  fassent,  au  re- 
tour des  obsèques,  un  repas  splendide  dans  sa  propre  mai- 
son i.  Plus  chrétien  et  plus  charitable  est  le  testament  de  cctau- 


*  Rub.de  Pierre  Seneqtieni,  ixki,  r^iiS.  —  Voirausst  an  acte  Uu  mémt 
genre,  Rub.  de  Jean  Bornili,  1469.  f»  418.  Étude  Donnefort.  notatre  â  Xa* 

»Garlul.  d'Ant.  Agalhâcii,  1463,  f-  aH.  Arch,  départ-  de  Vaacluse»  Food* 
Poni,  H"  40.  D'après  cet  acte,  viogi  préires  doivent  célébrer  la  messe  pouf 
le  lesiaieur  le  jour  de  ion  décès  et  ensuite  faire  un  repàt  s^cundum  cou- 


—  279  — 
tre  qui  veut  qu'on  donne  un  peu  de  la  farine  qu'il  possède  dans 
sa  maison  et  d'un  tonneau  de  vin,  cuilibetpenienti,  à  quicon- 
que se  présentera  *.  Un  autre  fixe  lui-même  le  menu  du  repas 
que  feront  les  convives  le  jour  de  son  enterrement:  il  veut  qu'on 
leur  serve  une  épaule  de  mouton  et  si  son  enterrement  arrive 
un  jour  maigre,  il  ordonne  qu'on  remplace  l'épaule  de  mouton 
par  son  équivalent  en  maigre  '.  La  plupart  des  testateurs  de- 
mandent à  être  ensevelis  dans  l'habit  de  Tordre  qui  avait  leur 
préférence  et  dont  ils  étaient  tertiaires  :  Mineurs,  Dominicains, 
Carmes,  Augustins,  Observantins;  d'autres  veulent  être  enterrés 
entre  quatre  planches  clouées,  preuve  que  tout  le  monde  n'avait 
même  pas  ces  quatre  planches  ^i  quelques-uns  ont  peur  d'être 
ensevelis  vivants  et  prennent  toutes  sortes  de  précautions  pour 
éviter  pareil  accident,  qui  ne  doit  pas  être  d'une  gaieté  folle. 

Curieux  aussi  est  cet  acte  par  lequel  Michel  Matheron, 
secrétaire  et  ami  du  roi  René,  passe  avec  son  cordonnier  et 
par  lequel  celui-ci  s'engage  à  fournir  à  son  noble  client  et  à 
toute  sa  famille  des  sabattes  et  des  patins,  moyennant  la 
somme  de  lo  florins  par  an  *. 

Curieux  encore  est  l'engagement  pris  par  Guillaume  Raym- 
baud,  jurisconsulte,  qui  vivait  au  temps  du  roi  René.  Il  s'était 
obligé  à  faire  ce  que  les  hommes  de  loi  appellent  tout  le  néces- 
saire, pour  la  gestion  des  afl'aires  d'un  paysan,  moyennant  la 


suetudinerr,  patrum.  —  Rub.  de  Jean  Vitalis,  1422,  f«  10.  Étude  de  Ruelle, 
notaire  à  Aix.  — Placentine  de  Saint-Elpide.  fille  de  Jean,  notaire,  veut  être 
accompagnée  à  sa  demeure  dernière  par  douze  pauvres  que  son  héritier 
fera  dîner  le  jour  de  son  enterrement.  —  Rub.  d'Ant.  Borrilli,  i52  r,  f«  -jbj. 
Étude  Wartel,  not.  à  Aix. 

•  Rub.  de  Gabriel  Laurencii,  1469.  f»  iH.  Étude  Donnefort,  notaire  à  Aii. 

•  Rub.  d'Antoine  Nyelli,  1490- 1494,  f®  381.  Étude  Wartel. 

*  Cart.de  Jacques  Martini,  1425,  même  étude. 

*  Rub.  de  Jean  Dupuy,  1457  (22  décembre).  Étude  Donnefort. 


—    2S0    — 

lourniture  de  7  éminces  d'avoine,  que  son  client  devait  lui' 
donner  chaque  année*. 

Plus  curieux  encore  l'abonnement  à  un  tarif  déterminé  de 
toute  une  commune  à  un  barbier  qui  sobUge  à  raser  tous 
les  habitants  du  sexe  fort,  à  saigner,  à  arracher  les  dents  c!  à 
soigner  tout  le  monde  en  cas  d'accident  et  de  maladie,  les  bar- 
biiers  étant  alors  presque  tous  chirurgiens  et  quelque  peu  méde- 
cins». 

Il  est  bon  de  noter  aussi  la  coutume  du  prêt  du  blé,  que  j*ai 
vu  surtout  mise  en  pratique  a  Ai\  par  les  confréries  de  Saint- 
Sébastien  Cl  de  Notrc-Dame-des-Angcs.  Au  moment  des  se* 
mailles,  vers  la  fin  septembre  et  surtout  pendant  le  mois 
d'octobre,  ces  confréries  donnent  a  des  agriculteurs  pauvres  le 
grain  nécessaire  pour  ensemencer  leurs  terres  et  ceux-ci  s'en- 
gagent à  rendre  ce  qu'ils  ont  rci;u  après  la  récolle,  vers  la  Made- 
leine, n  ne  me  parait  pas,  d'après  les  clausesdu  contrat»  que  les 
confréries  aient  perçu  le  moindre  intérêt;  c'était  donc  un  prèi 
charitable.  Cette  gracieuseté  était^clle  réservée  aux  s^uls  mem- 
bres rie  l'association  ?  Je  l'ignore  \ 

L  n  acte,  d'une  touchante  moralité,  qu'on  voit  souvent  au 
moyen  âge  et  même  beaucoup  plus  tard,  est  celui  que  les  notai- 
res appellent  :  Raïunciatio querek ou  Réconciliation  Deuxpac 
ticuliers,  souvent  pour  une  cause  futile,  s'étaient  pris  de  qu«-" 
relie,  en  étaient  venus  aux  mains,  s'étaient  blessés  grièvement, 
quelquefois  même  la  mort  s'en  était  suivie.  D'où  des  divisions 


'  Rub  de  Jean  Bornlli,  1470,  f»  570.  ttude  Donoefort. 

*  Abonnement  de  tacommone  du  Puy-Sainte- Ré  parade.  Rab.  de  Pierrt 
PonhaudL  3o  mars  1460.  —  Id.  par  la  commune  de  Puvioubicr.  Rub,  dt 
J.  Dapuy.  147980,  r**  it2.  Étude  Donnefort,  nouireà  AU,  etc. 

*  Rub.  de  Dominique  Girard,  i534,  f-  29^  eisuiv.  Voir  aussi  Rub.  d'An' 
tome  Bornlli,  i5a2,  (•  184-194.  Étude  WariçU  Voir  aussi  ailleurs  pasxim. 


2Ï<Î    — 

!e^  riamcs  terribles*  Plus  tard  cependant,  le  temps  ayant  fait 
>n  œuvre  ordinaire  d  apaisement,  des  amis  conciliants  5*ctant 
Itcrposés,  les  deux  parties  adverses  finissent  par  s'entendre, 
viennent  se  pardonner  leurs  torts  mutuels  et  se  réconcilient 
par-devant  notaire*. 

Autre  fait  curieux,  maisd*un  tout  autre  genre.  Les  ^'ens  qui 
jie  payaient  pas  leurs  dettes  étaient  excommuniés.  Or  il  arri- 
lit  quelquefois  que  les  créanciers,  après  la  mort  de  leur  débi- 
teur» exigeaient  que  son  cadavre  lût  sorti)  de  la  terre  sainte  du 
cimetière  et  privédc  sépulture  chrétienne*.  Quel  remue-ménage 
dans  les  cimetières,  si  on  autorisait  pareille  mesure  de  nos 
jours! 

Un  document  qui  m'avait  étonné  et.  —  pourquoi  ne  le  dirais- 
je  pas,  —  profondément  scandalisé  la  première  fois  que  je 
le  rencontrai,  fut  la  vente  d'un  esclave.  Cet  acte  n'est  pas  rare 
chez  les  notaires  d'Avignon  et  à  toute  la  région  provençale. 
L'un  de  nos  doyens,  le  savant  archiviste  du  Var^  M.  Mireur,  a 
traité  cette  question  de  resclavagc  en  Provence,  avec  la  compé- 
tence qui  te  distingue  ;  inuiiled'insisier.  Notons  simplement  en 
passant:  l'que  la  dernière  vente  d'esclave  que  j'ai  rencontrée  est 
de  Tannée  1777^;  2  que  ces  esclaves  ne  sont  pas  chrétiens, 
mais  Maures,  Éthiopiens,  Nègres  ou  Turcs  (la  conversion  au 
catholicisme  libérait  les  esclaves  *)  et  3*  enfin  que  ces  esclaves 
étaient  devenus  tels  à  titre  de  représailles  contre  les  Turcs  des 
pays  barbaresques  qui  venaient  ravager  nos  cèles,  piller  nos 


^^  Min«  de  Pierre  SirpilloQ.  i56a  1564.  T*  6ï5.  Etude  de  BeauUea,  notaire 
à  Avignon 

/  Mm.  de  Pons  de  Petri,  1440*1491,  P,  f^'iitî.  167,  ao8  et  23f.  Éitide 
itic,  nouire  à  Avignon. 

[•  Mm,  de  Nicolâs-lean- Baptiste  Lescuyer  1777,  f"  135.  Étude  Gras. 

'*  CartuU  de  François  Morini,  ft*  i3  \  i4dcc,  1486).  (•  1169-  Étude  de  Beau- 
UeQt  oot.  à  Ayif^non. 


—    282    — 

bateaux  et  surtout  s'emparer  de  nos  marins  et  des  habitants  dc^ 
pays  du  littoral. 

Il  y  aurait  à  signaler  les  actes  rédigés  en  provençal,  surtout 
les  inventaires,  si  utiles  pour  l'étude  de  cette  lanijuc.  Chez  un 
seul  notaire  d'Aix,  je  n'ai  pas  noté  moins  de  325  actes  écrits  en 
langue  vulgaire,  comme  ils  disent,  Quil  me  suffise  de  noter  en 
passant  tout  un  ordre  d'actes  plutôt  scabreux,  où  les  détails  foi* 
sonnent  et  où  Ton  peut  étudier  de  près  les  mœurs,  un  peu  bru* 
taies,  du  moyen  âge.  Ce  sont  les  informations  canoniques,  les 
enquêtes,  les  interrogatoires,  les  déclarations. 

Avant  de  terminer,  je  voudrais  signaler  une  série  de  con- 
trats intéressants  :  c'est  celle  des  promesses  faites  par-dcvani 
notaires.  Pour  ne  pas  vous  prendre  trop  de  temps,  je  négligerai 
les  promesses  d  aller  en  pèlerinage  à  Rome,  à  Saint-Jacques  de 
Composiellc '.  etc.  Je  passerai  également  sous  silence  b  pro- 
messe faite  par  un  jeune  homme  de  très  bonne  famille  avi^ 
gnonnaise  d'amender  sa  conduite,  plutôt  libertine,  et  de  viiTt  i 
désormais  plusrégulicrcment'  ;  de  ne  plus  boire  de  vin  (1421)^, 
ou  encore  celle  que  firent  —  je  ne  sais  pour  quelle  cause  — 
les  maçons  d'Avignon,  en  1536,  de  porter  un  costume  unifonne 
le  jour  de  l'Assomption  *.  Je  m'en  tiendrai  simplement  à  dcux^ 
formes  de  promesses  plus  fréquentes  et  qui,  pour  éire  fréquco* 
ies,n*en  sont  pas  moins  fort  curieuses  :  Promissto  non  ludendi 
et  Promissh  sanandi  —  la  promesse  de  ne  plus  jouer  et  la  pro- , 
messe  de  guéri n 


•  Rub,  de  lacqucs  Holoni,  140»,  f*  14!,  Ktade  de  Ruelle.  —  Id.de  Ftàn- . 
gois    Borrilly.   >402,   f«  4^,  Ibid.  —  Id^  de  Philippe  Blaacardi,   t46o-M69» 
I»  io*>.  I 

•  Carttilaire  de  François  Mortni,  n*  ....  f*  i32.  ttude  de  Beaulseil«  oo-| 
laire  h  Avignon  *l  16  mars  i5n4). 

•  Rub*  d'Éticnnc  Chaulan*  1421,  f"  46»  Liude  Donnefort,  nouire  à  Ait. 
*iMtn  de  Vincent,  »335m536,  f*  4*0.  Élude  Vincenn.  notaire  a  Avignon. 


—  283  — 

Je  n*irai  pas  vous  faire  une  dissertation  sur  l'immoralité  du 
jeu  ni  sur  la  puissance  et  les  conséquences  désastreuses  de  cette 
passion.  Je  mécontenterai  de  constater  Tempire  énorme  qu'il 
exerce  sur  le  cœur  de  Thomme.  Et  si  Ton  peut  dire  :  Qui  a  bu, 
boira,  on  peut  aussi  ajouter  :  Qui  a  joué,  jouera.  Certains,  ce- 
pendant, doués  d*un  courage  exceptionnel  ou  bercés  de  douces 
illusions,  ont  essayé  de  se  soustraire  à  cet  empire  souverain,  et, 
pour  rendre  leur  promesse  plus  sûre,  Tont  fait  constater  par  le 
tabellion.  Les  jeux  qu'ils  s'interdisent  le  plus  habituellement 
sont  les  jeux  de  hasard,  les  dés  et  les  cartes,  quelquefois,  mais 
beaucoup  plus  rarement,  les  échecs  et  les  dames  *.  Tous  s'obli- 
^'ent,  en  cas  de  rechutes,  à  une  amende,  parfois  assez  considé- 
rable ,  quelques-uns  s'imposent  même  des  peines  très  graves, 
témoin  ce  Juif  de  Roquevaire  qui  s'interdisait  le  jeu  pendant 
dix  ans,  sous  peine  d'un  an  de  prison,  au  pain  et  à  l'eau. 
Ces  sanctions  si  dures  n'étaient  ordinairement  prises  que  par 
ceux  qui  avaient  l'habitude  de  jouer  de  l'argent,  à  Peyssu, 
comme  ils  disaient  par  opposition  aux  joueurs  moins  invétérés 
qui  se  contentaient  de  jouer  al  bagnats,  c'est-à-dire  de  jouer 
mouillé,  c'est-à-dire  de  jouer  les  consommations,  de  jouer  pour 
boire,  jeu  qui  ne  saurait  entraîner  ordinairement  de  grosses 
dépenses. 

A  ce  propos,  qu'il  me  soit  permis  de  signaler  une  erreur  de 
lecturedanslesS^a/M^^rfeSain/- V/c/or  de  iSSy, aujourd'hui  per- 
dus, —  erreur  qui  a  trompé  Ducange  lui-même  et  qui  a  ensuite 
trompéM.  Henry  d'Allemagne,  dans  son  beau  livre  sur  les  car- 
ies à  jouer*.  Voici  le  texte  des  Statuts,  d'après  Ducange  :  Quod 


*  Ces  promesses  sont  trop  nombreuses  pour  les  indiquer  toutes,  je  me 
contenterai  de  citer  :  Rub.  de  Jean  Allibert,  1430,  f«  9,  et  de  Jean  Gau- 
fridi.  1407,  fo  6i.  Étude  de  Ruelle,  notaire  à  Aix. 

»  Les  caries  à  jouer  du  XIV*  au  XX'  siècle.  Paris,  Hachette,  1906, 
tome  I,  p.  16. 


nuUapcrsonna  audeat  nec  présumât  luderc  ad  laxilios  ncC  ad\ 
paginas  nec   ad  essuchum^ce  que  rillostre  savant  traduit  :«  Il  j 
est  défendu  à  quiconque  de  jouer  aux  dés  (ad  taxillosj,  aux  car- 1 
les  (nec  ad  paginas),  ni  aux  échecs  (nec  ad  essuchumj,  Onj 
pourrait  peut-être  donner   aux   mots  pagine,   paginarum  le 
sens  de  cartes,  il  me  semble  avoir  vu  une  fois  ce  sens  attribué] 
par  un  notaire  au  mot  paginœ,  mais  il  est  impossible  de  Xrt^ 
duire  ad  eyssuckum  par  e'checs,  et  il  faut  rétablir  ainsi  le  vraij 
sens  de  ce  texte  :   «t  Quod   nulla  personna  présumât  ludercl 
ad  taxillos  nec  ad  bagnat  nec  ad  cyssuchum  >»,  c*est-à-dire  qu'ilj 
est  défendu  de  jouer  aux  dés  soit  sec,  soit  mouillé.  On  pourrait 
lire  peut-être  :  Quod  nulla  personna  présumât  iudere  adiaxitÀ 
los  nec  ad  paginas  ad  eyssuchufn,  c'est-à-dire  il  est  défendu 
quiconque  de  jouer  aux  dés  et  aux  cartes  à  Keyssu. 

M.  Camille  Jourdan  a  signalé  le  premier  le  sens  exact  de  ce 
deux  mots  (bagnat  et  eysuch),  dans  le  Ari//e/iix  de  l'Académie  du 
Var,  nouvelle  sérient.  VI,  p.  2K8,  et  M^Mireurradéiinitivemcn^ 
établi  dans  le  Bulletin  historique  el philologique  du  Cowiié  dt 
travaux  historiques  et  scientifiques  (j885)  —  voir  en  particulie 
les  p.  8  et  9  du  tirage  à  part.  Tous  les  documents  que  j*ai  irou^ 
vcs  ne  font  que  confirmer  leur  sentiment. 

Enfin,  j  aborde  la  question  des  promesses  de  guérir,  promit 
sio  sanandi* 

On  raconte  que  les  Chinois  ont  une  méthode  très  rationnel^ 
de  payer  leurs  médecins,  ils  leur  règlent  des  honoraires  tant  qu*i 
se  portent  bien  et  cessent  de  le  payer  quand  ils  sont  malades, 
n'en  est  malheureusement  pas  ainsi  dans  les  pays  d^Occidenij 
Toutefois,  nos  ancêtres,  pour  obvier  aux  inconvénients  de 
honoraires  trop  élevés,  avaient  soin  de  passer  avec  le  médecif 
le  chirurgien,  Tempirique  ou  le  rebouteur  qulls  appelaient  au* 
près  d'eux,  un  traité  en  bonne  et  due  forme,  par  lequel  II 
statuaient  sur  ie  prix  à  payer,  en  cas  de  guérison  et  seulemec 


-—  285  — 

en  cas  de  guérison  ;  pas  de  guérison,  pas  de  traitement».  Il 
faut  ajouter,  pour  être  complet,  que  dans  certains  cas  particu- 
lièrement graves,  ils  exonéraient  l'opérateur  de  toute  poursuite, 
même  si  la  mort  de  Topéré  s'ensuivait*. 

Les  maladies  et  les  opérations  indiquéesdansces  contrats  sont 
de  toutes  natures.  On  peut  observer  cependant  qu'il  s'agit  plus 
souvent  de  chirurgie  que  de  médecine.  Après  les  fractures  de 
toute  espèce,  viennent  les  polypes,  les  maladies  des  yeux,  la 
pierre,  une  certaine  variété  de  cancer  peu  dangereux  à  condi- 
tion qu'on  ne  le  touche  pas,  appelé  pour  cette  raison  Noii  me 
tangere,  qu'on  guérit  l'acilcment  aujourd'hui  avec  les  rayons 
Rœntgen  3.  Notons  enfin  qu'un  barbier  de  Forcalquier  promet 
au  maître  de  chapelle  de  Saint-Sauveur  de  guérir  les  enfants  de 
chœur  de  la  Métropole,  qui  étaient  atteints  de  la  rasquette 
(1488]*.  s 

Telles  sont  les  quelques  notes  curieuses  que  j'ai  cru  bon  de 
faire  connaître;  prises  en  détail,  elles  ne  présentent  pas  un 
grand  intérêt,  elles  amusent  quelquefois  et  c'est  tout;  prises 
dans  leur  ensemble,  elles  nous  font  mieux  connaître  la  vie,  les 
mœurs,  les  coutumes  de  nos  ancêtres.  Or,  tout  ce  qui  touche 
de  près  à  ceux  qui  nous  ont  précédés  dans  la  vie, a  son  charme 


'  Min.  de  Jean  Lorini,  1448-1449,  f«  87.  Arch.  départ,  de  Vaucluse, 
fonds  Pons,  n»  i38o.  —  Rub.  de  Bertrand  Borrilii,  1437,  f<>  210.  Étude  de 
Ruelle,  not.  à  Aix.  —  Id.  d'Antoine  Oiiveti,  1456,  f»  49,  ibid.  —  Rub.  de 
Barthélémy  Bernard,  1452-3,  f»2o3. —  Rub.  de  Jean  Lantelmi,  1442,  f«  97. 
Étude  Wartel,  nouire  à  Aix.  -—  Rub.  d*Honoré  Delamer,  1461,  f»  206, 
même  étude.  —  Rub.  de  Jean  Dieulofes,  1433,  à  la  date  du  i3  octob., 
même  étude.  —  Id.,  1421-22,  f®  76,  ibid.,  etc.,  etc.,  etc. 

*  Min.  de  Jean  Lorini.  1442-1443,  f»  82.  Arch.  dép.  de  Vaucluse,  fonds 
Pons.  n«  1376. 

>  Cartul.  d*Étienne  Chaulan,  1420,  f»  i5o,  et  Rub.  de  Paul  Rostagny. 
1421-1425,  {•  5o.  Étude  Donnefort,  not.  à  Aix. 

<  Rub.  de  Guill.  Fabri,  1488,  f»  44. 


—  286  — 

et  son  importance.  Même  dans  ses  menus  détails,  il  exerce  sur 
les  esprits  qui  aiment  à  réfléchir  comme  une  sorte  de  fascina- 
tion. 

H.  Requin, 
Correspondant  de  V Institut. 


-  287  — 


IX 


LES  SCEAUX  DE  LA  FAMILLE  DE  SAYOIE-TENDE 

par  M.  J.  ROMAN, 

Correspondant  du  Ministère  de  t Instruction  publique. 


Le  vendredi  6  avril  1906,  vers  trois  heures  et  demie,  je 
fiânais  à  l*étalage  des  marchands  d'antiquités  de  la  rue  de 
Seine,  en  allant  à  Tlnstitut,  lorsque  quelques  matrices  de  sceau 
renfermées  dans  une  vitrine  attirèrent*  mon  attention.  Plu- 
sieurs d'entre  elles  étaient  visiblement  fausses  et  surmoulées; 
sur  une  autre,  je  crus  déchiffrer  le  mot  de  Tende  qui  ne 
m*était  pas  inconnu.  J'entrai  dans  la  boutique  et  examinai 
Tobjei;  son  authenticité  n'était  pas  douteuse,  et  pour  une 
somme  très  modique,  je  devins  propriétaire  de  la  matrice  ori- 
ginale du  sceau  de  Claude  de  Savoie,,  comte  de  Tende,  gouver- 
neur et  grand  sénéchal  de  Provence. 

Ce  personnage  est  très  connu,  et  les  historiens  des  guerres 
de  religion  en  Provence,  depuis  Nostradamus  et  Louvet  jus- 
qu'au pasteur  Arnaud,  ont  discuté  le  rôle  considérable  qu'il  a 
joué  dans  les  troubles  civils  de  cette  époque.  Il  n'y  a  donc  pas 
lieu  d'y  revenir  et  de  raconter  une  fois  de  plus  les  événements 
auxquels  il  a  été  mêlé,  les  révoltes  de  Mouvanset  de  Flassans, 
les  sièges  de  Sisteron  et  la  lutte  déplorable  qui  surgit  entre  lui 
et  son  fils  Sommerivc,  chefs  de  deux  factions  opposées.  11  me 
suffira  de  donner  sur  la   famille  de  Savoie-Tende  quelques 


—  288  — 

détails  généalogiques  en  rapport  avec  les  sceaux  de  ses  mem- 
bres» et  je  décrirai,  chemin  taisant,  quelques-uns  de  ces  sceaux 
non  pas  tous,  car  ils  sont  fort  nombreux  et  la  plupan  n  of- 
frent entre  eux  que  de  légères  dirterences,  mais  ceux  seule- 
ment qui  sont  les  plus  intéressants  et  les  plus  variés. 

Le  père  de  Claude  de  Savoie,  comte  de  Tende,  était  René, 
bâtard  de  Savoie,  surnommé  le  Grand-Bâtard,  Il  était  lils  na- 
turel de  Philippe,  duc  de  Savoie,  et  d'une  noble  demoiselle.  Il 
épousa  Anne  de  Lascaris-Venti mille,  dernière  descendante  de 
la  branche  aînée  de  cette  très  illustre  et  très  puissante  maison '* 
Parce  mariage,  il  acquit  les  comtés  de  Tende»  de  Villars,  de 
Sommerive,  ce  qui  le  décida  à  venir  ^c  fixer  en  Provence*  lî 
ne  larda  pas  à  en  être  nommé  gouverneur  et  il  mourut  en  ïSîx 

René,  bâtard  de  Savoie,  ne  rougissait  pas  de  rillégiiimité  de 
sa  naissance,  son  sceau  de  ï5oH  en  est  une  preuve.  En  voici 
la  description: 


éS/ 


^-^. 


ml 


N-  1.  REYNE  BASTART  DE  SAVU    lE  .. 
Ecu  à  une  croix,  un  filet  en  barre  brochant  ;  timbré  d'un 


>  Lsscaris  poruit  :  de  gtitutes  à  imc  aigle  à  deux  léte*  cowoan/n,  «i_ 
p^labaitté,  rf'or.  Vemimille  poruit  '  4e  gueulei  an  chef  ^or. 


—  289  — 

heaume  de  face,  cime  d'une  tête  de  lion  dans  un  vol  et. sup- 
porté par  deux  lions. 

Sceau  rond  en  papier  plaqué  sur  cire,  de  46  mill.  *     . 

Ce  sceau  est  d'une  conception  purement  italienne  et  rappelle 
à  s*y  méprendre  ceux  des  ducs  de  Savoie. 

Après  son  mariage,  René  modifie  son  blason  en  écartelant  ses 
armoiries  avec  celles  de  sa  femme.  Voici  le  très  beau  sceau 
dont  il  faisait  usage  en  i5i5  comme  gouverneur  de  Provence: 


K*2. 


N-  2.  +  R.  B.D.  SAVOIE.  CDTE.  DE  V.  E.D.  T.  GOVV. 
DE  PROVVE. 

(René  bâtara  de  Savoie,  comte  de  Villars  et  de  Tende, 
gouverneur  de  Prouvence.) 

Ecu  écartelé,  aux  1  et  4  à  une  croix,  un  filet  ert  barre  bro- 
chant, aux  2  et  3  contre  écartelé,  aux  1  et  4  à  une  aigle  à  deux 
têtes  couronnées,  au  vol  abaissé,  qui  est  de  Lascaris,  aux 


*  Bibliothèque  nationale,  Mss.   Clairambaalt,  T.  i  34,  p.  1943.  Voyex  : 
DiHAY,  Inventaire  des  tceaux  de  Clairambault,  0*8480. 


coMORtf.  —  19. 


—  290  —    . 

2  et  3  à  un  chef,  qui  est  de  Ventimille;  timbré  d'une  corde- 
lière nouée  en  lac  d'amour,  accosté  de  deiix  rameaux. 

Sceau  rond  en  papier  plaqué,  de  36  mill.  *. 

Après  les  sceaux  du  mari,  il  n*est  pas  inutile  de  décrire  celui 
de  la  femme,  puisque  c*est  le  mélange  de  ses  propres  armoiries 
avec  celles  de  son  époux  qui  a  été  l'origine  de  celles  que  ses 
descendants  ont  adoptées.  En  1534,  Anne  de  Lascaris- Venti- 
mille, veuve  depuis  quelques  années,  faisait  usage  du  très  joli 
sceau  suivant: 


'N*3- 
^^  3.  ANNE.  CONTESSE.  DE.  TENDE. 

Ecu  parii,  au  i  aune  demi-croix  (pour  une  entière),  un 
demi  filet  en  barre  brochant,  au  2  coupé  (pour  écarielé),  en 
chef  à  une  aigle  à  deux  tètes  couronnées,  au  vol  abaissé,  en 
pointe  à  un  chef  ;  liiribré  d'une  couronne  à  dix  perles. 

Sceau  rond  sur  papier,  de  3i  mill.  ^. 

Claude  de  Savoie,  comte  de  Tende,  fils  des  précédents,  né 
le  17  mars  iSoy,  mort  à   Cadarache  le  6  avril  i566,  grand  sé- 


•  Bibl.  naiior.  Pièces  originales  du  cabinet  des   titres,  T.  2655.    do-s 
sier  589O0,  pièce  23. 

*  Bibl.  nation,  ibid.,  pièce  ^3. 


—    2()l    — 

néchal  et  gouverneur  de  Provence,  colonel  général  des  Suisses, 
etc.  n'accepta  pas  dans  leur  intégralité  les  armoiries  de  son 
père;  il  leur  fit  subir  une  modification,  légère  en  apparence, 
profonde  en  réalité,  dont  le  but  évident  était  de  faire  disparaî- 
tre le  témoignage  importun  d'une  origine  illégitime;  il  rem- 
plaça la  barre  de  bâtardise  par  une  bande,  brisure  quelconque, 
qu'on  ne  pouvait  pas  interpréter  d'une  façon  fâcheuse  pour  les 
origines  de  sa  maison. 

Voici,  par  exemple,  un  beau  sceau  du  comte  de  Tende, 
appliqué  à  une  quittance  de  1 536,  sur  lequel  les  armoiries  de 
son  père  ont  subi  l'altération  que  je  viens  de  signaler  : 


M*4 


N-  4.  CLAVDE  :  CONTE  :  DE  :  TENDE. 


Ecu  écanelé,  aux  1  et  4  à  une  croix,  un  filet  en  bande  bro- 
chant, aux  2  et  3  contre-écartelé,  aux  i  et  4  à  une  aigle  à  deux 
tètes  couronnées,  au  vol  abaissé,  aux  2  et  3  à  un  chef;  timbré 
d'une  couronne  de  onze  perles,  entouré  du  collier  de  Saint- 
Michel,  avec  médaille  pendante  sur  laquelle  on  voit  l'ar- 
change perçant  un  dragon  de  sa  lance. 


—  39^   — 

Sceau  rond  sur  papier  plaqué,  de  40  mîll.  '• 

Le  comie  de  Tende  était  à  la  lois,  comme  je  l'ai  dit»  gouver- 
neur et  grand  sénéchal  de  Provence  ;  pour  ces  deux  offices,  il 
avait  deux  sceaux  différents,  dont  sa  chancellerie  faisait  usage 
suivant  la  nature  de  Tacie  à  sceller. 

Voici  son  sceau  comme  gouverneur  : 


S 


^'^> 


w 


10 


N-5* 


N"  5.  +  SIGILL\M   +  GVBERNATORIS  +  PATRIE  + 
PROVINCIE. 


Ecu  semblable  au  précédent;  timbré  dune  couronne  sur 
laquelle  les  perles  sont  remplacées  par  onze  appendices  en 
forme  de  massue,  entouré  du  collier  de  Saint*Michel  avec  me- 
daille  pendante  sur  laquelle  figure  Tarchange  perçant  UJi 
dragon   de  sa  lance. 

Sceau  rond  sur  papier  plaqué,  de  38  milI.  '. 

La  couronne  et  le  collier  de  Saini-Michel  sont  rendus  par  un 
procédé  assez  sommaire. 


•Bibliothèque   naiionaUv   Pièces    originales,  T.   a655»    dosnîef  SâçTto» 


—  293  — 

Le  sceau  du  comte  de  Tende  comme  grand  sénéchal  est 
d'un  travail  très  supérieur;  c'est  précisément  celui  qui  donne 
lieu  à  cette  note  et  que  j'ai  pu  acquérir  dernièrement.  En  voici 
la  description  : 


N'6. 


N-  6.  +  CLAVDE.  DE.  TENDE.  GRANT.  SENESCHAL. 
DE.   PROVVENCE. 

Ecu  semblable  aux  deux  précédent^;  timbré  d'une  couronne 
ornée  de  seize  perles,  entouré  du  collier  de  Saint-Michel  avec 
médaille  pendante,  sur  laquelle  est  représenté  larchange  per- 
çant un  dragon  de  sa  lance. 

Matrice  de  sceau  rond,  en  bronze,  de  40  mill.  Au  revers,  un 
appendice  demi-circulaire  fait  saillie  ;  il  est  f)ercé  d'un  trou 
rond  et  est  destiné  a  être  encastré  dans  un  manche  en  bois, 
consolidé  à  Taide  d'une  goupille  transversale. 

Cette  matrice  de  sceau,  dont  la  gravure  est  assez  bonne, 
paraît  avoir  servi  fort  longtemps;  elle  porte  au  milieu  et  au 
bas  des  traces  d'usure  qui  n'empêchent  pas  cependant  de  dis- 
tinguer le  type  et  la  légende. 

Le  fils  du  comte  de  Tende,  Honorât  de  Savoie,  comte  de 
Sommerive,  ne  joua  pas  un  rôle  aussi  brillant  que  ses  deux 


—  294  — 
ascendants  immédiats.  Après  avoir  pris  les  armes  contre  son 
père,  dans  le  but  probable  de  le  supplanter  comme  gouver- 
neur de  Provence,  il  ne  lui  succéda  pourtant  qu'après  sa  mort 
et  il  mourut  lui-même  en  1572.  Il  n'exerça  donc  la  charge,  tant 
enviée,  de  gouverneur  que  pendant  six  ans  seulement  et  ne  At 
rien  de  remarquable  durant  ce  court  espace  de  temps. 

J'ai  également  trouvé  son  sceau,  mais  je  le  passerais  sous 
silence,  tant  il  est  insignifiant,  s'il  n'était  un  curieux  témoi- 
gnage d'une  troisième  évolution  du  blason  de  la  famille  de 
Savoie-Tende. 

René  se  qualifiait  lui-même  de  bâtard  et  portait  ostensible- 
ment des  armoiries  de  bâtard.  Claude  remplace  la  barre  de 
bâtardise  par  une  bande;  son  écusson  n'est  plus  celui  d'une 
branche  illégitime,  mais  d'une  branche  cadette.  Honorât  sup- 
prime toute  brisure  et  arbore  audacieusement  les  armes  pleines 
de  la  maison  de  Savoie  ;  le  sceau  suivant  en  est  la  preuve. 


N"  7.  Sans  légende. 

Ecu  écartelé,  aux  i  et  4  d'une  croix,  aux  2  et  3  contre-écar- 
telé,  aux  i  et  4  d'une  aigle  à  deux  tètes  couronnées  au  vol 
abaissé,  aux  2  cl  3  d'un  chef;  timbré  d'une  couronne  à  sept 
perles,  entoure  du  collier  de  Saint-Michel  avec  médaille  pen- 
dante, sur  laquelle  est  représenté  l'archange  perçant  un  dra- 
gon de  sa  lance. 


—  293  — 

Sceau  elliptique  sur  papier  plaqué,  de  25  mill. 

Appliqué  à  une  quittance  de  1564  '. 

Je  n'ai  garde  d'attribuer  aux  sceaux  précédents  plus  d'im- 
p>ortance  qu'ils  n'en  méritent.  Au  point  de  vue  de  Tart,  ils 
offrent  un  certain  cachet  d'élégance  et  de  finesse,  mais  n'ap- 
prochent pas  des  admirables  monuments  sigiilaires  que  le 
moyen-àge  nous  a  laissés.  Au  point  de  vue  de  la  composition 
et  de  la  gravure,  le  sceau  est  en  pleine  décadence  au  xvr  siècle. 
Ils  présentent,  au  contraire,  un  certain  intérêt  historique  puis- 
qu'ils émanent  de  cette  famille  de  Savoie-Tende  qui,  pendant 
plus  d'un  demi-siècle,  a  possédé,  en  Provence,  une  situation 
prépondérante. 

Je  crois,  au  surplus,  qu'ils  sont  inédits;  je  le  crois,  sans  en 
être  certain,  parce  que  je  ne  connais  pas  tout  ce  qui  a  été  im- 
primé sur  la  sigillographie  en  France  et  à  l'étranger.  Je  les  ai 
cherchés  vainement  dans  les  ouvrages  du  regretté  M.  Louis 
Blancard,  dans  ceux  de  Douët-d'Arq  et  de  Demay,  c'est-à-dire 
dans  les  principales  publications  consacrées  à  la  sigillographie 
française.  Je  ne  sais  s'ils  ont  été  publiés  ailleurs. 


*  Bibliothèque    nationale.    Pièces  orif;inales,  T.    2655,  dossier  58960, 
pièce  65 . 


iil 


-  297 


PRISE  DES  ILES  DE  LÉRINS  PAR  LES  ESPAGNOLS 

Par  M.  Marie  BERTRAND, 

Sous-Bibliothécaire- Archiviste  de  Cannes, 

Cabiscol  de  l'Ecole  de  Lérins, 

Secrétaire-correspondant  de  la  Société  d'Etudes  provençales. 


Après  les  historiens  de  Provence  ;  après  les  auteurs  qui  se 
sont  particulièrement  occupés  de  l'histoire  de  Cannes  et  de  sa 
région,  il  semblait  qu'il  n'y  avait  plus  rien  à  dire  sur  la  prise 
des  îles  de  Lérins  par  les  Espagnols  en  i635.  Or,  en  compul- 
sant les  inventaires  des  archives  du  département  des  Bouches- 
du-Rhône,  je  me  suis  aperçu  que  ces  archives  contenaient 
nombre  de  documents  encore  inédits  concernant  ce  fait  im- 
portant des  annales  de  la  Provence,  entr'autres  une  intéres- 
sante lettre  de  Louis  XHI  et  le  procès-verbal  de  l'Assemblée 
générale  des  (Communautés  de  Provence  tenue  à  Cannes  au 
mois  de  décembre  i635. 

La  prise  des  îles  de  Lérins  par  les  Espagnols  ne  doit  pas  être 
considérée  seulement  comme  le  premier  épisode  de  la  f)ériode 
française  de  la  guerre  de  Trente  ans  ;  elle  était  préparée  de 
longue  date  par  nos  er^nemisqui,  suivant  la  tactique  de  Charles- 
Quint,  voulaient  faire  une  diversion  dans  le  midi  de  la 
France  en  envahissant  la  Provence.  Pour  la  réussite  de  ce  plan, 


-      2Cj8    — 

il  leur  fallait  une  sérieuse  base  d'opérations  et  c'est  ainsi  qu'ils 
avaient  été  amenés  à  jeter  les  yeux  sur  les  îles  de  Lérins. 

Dès  son  arrivée  au  pouvoir  (1624),  le  cardinal  de  Richelieu, 
on  le  sait,  s'était  attaché  à  la  poursuite  de  trois  projets  :  Abat- 
tre l'orgueil  et  l'esprit  factieux  des  grands:  détruire  la  puis- 
sance politique  des  protestants  ;  abaisser  la  Maison  d'Autriche, 
cette  rivale  séculaire  de  la  France.  S'acharnant  à  la  solution 
du  deuxième  de  ces  projets,  il  avait  comme  adversaires  l'An- 
gleterre, qui  soutenait  ouvertement  les  protestants,  et  l'Espa- 
gne qui,  malgré  le  traité  de  1626,  nous  trahissait  et  favorisait 
tout  ce  qui  se  tramait  contre  le  puissant  ministre.  Dans  ces 
conditions,  la  Provence,  par  sa  proximité  delà  frontière  et  l'é- 
tendue de  ses  côtes,  était  surtout  exposée;  au  mois  de  septem- 
bre \C)2j,  le  gouverneur  d'Antibes  annonçait  que  vingt-un 
vaisseaux  anglais  étaient  mouillés  en  rade  de  Villefranche  et 
six  galères  de  Gènes  devant  Monaco  et  que  des  levées  de  gens 
de  guerre  se  faisaient  dans  le  comté  de  Nice,  d*où  urgence 
d'augmenter  la  garnison  de  la  place  forte  confiée  à  sa 
garde  '.  Cette  situation  nécessitait  dans  la  province  un  conti- 
nuel mouvement  de  troupes  -  et  l'adoption  de  mesures  pour 
mettre  le  pays  à  l'abri  d'une  invasion  pouvant  se  produire  à 
tout  instant. 

L'année  suivante  1. 1628).  l'Kspagne  jetait  le  masque  et  tra- 
vaillait ouvertement,  en  Italie,  à  déposséder  un   prince  fran- 


'  Archives  du  département  des  liouches-du-Rhône.  C  i5.  (Assemblée 
générale  des  communautés  tenue  à  ^iix,  le  11  septembre  1O2J). 

=  Je  trouve  dans  les  Archives  du  Département  des  HaucheS'du-Hhàne 
(C.  -'i3«  et  C  hi\)  que  du  2Ù  novembre  au  3i  décembre  i63i,  le  ré^i- 
meni  de  Vaillac  fait  séjour  à  (irasse,  Vallauris  ei  Cannes;  quatre  compa- 
fîriies  sont  à  (îrasse,  deux  à  Vallauris  et  quatre  à  Cannes.  La  province 
rembourse  a  la  première  communauté  i.23a'  10',  864"  à  la  deuxième 
et    à   la  troisième  i.;î8tV  h'. 


-  299  - 
çais,  le  duc  de  Nevers,  légitime  héritier  de  Mantoue  et  de 
Montferrat  et  Louis  XIlI  demandait  à  la  Provence  d'entretenir 
à  leur  passage,  en  janvier  1629,  deux  mille  hommes  qu*il  en- 
voyait au  secours  du  duc  de  Manioue  *.  L'horizon  s  assombris- 
sait de  plus  en  plus;  le  pays  était  accablé  par  les  subsides  à 
fournir  continuellement  pour  l'entretien  des  troupes  et  pour 
les  fortifications  des  villes  les  plus  exposées,  notamment  celles 
de  Saint-Tropez  et  d'Antibes,  où  de  nouvelles  troupes  étaient 
envoyées  *. 

C'est  au  milieu  de  difficultés  de  toutes  sortes  qu'arrivait  la 
disgrâce  du  duc  de  Guise,  gouverneur  de  Provence,  et  son 
remplacement,  en  octobre  i63i,  par  le  maréchal  de  Vitry,  le- 
quel s'occupait  activement  de  la  mise  en  état  de  défense  de  son 
gouvernement.  Au  printemps  de  l'année  suivante  (i632),  il 
était  informé  du  projet  des  ennemis  de  tenter  une  descente  sur 
la  côte  et  il  allait  visiter,  accompagné  du  comte  de  Boulbon, 
les  places  fortes  de  Toulon  et  d'Antibes  ^  Mais  le  pays  conti- 
nuait à  soufTrir  des  charges  qui  pesaient  lourdement  sur  lui; 
rien  d'étonnant  alors  que  le  général  des  galères,  probablement 
à  cause  des  mesures  prises,  ait  écrit  au  Roi  que  le  passage  des 
galères  espagnoles  ne  causait  pas  d'inquiétude  et  ne  devait  pas 
empêcher  ledépart  des  troupes  logées  en  Provence  *. 

Cependant,  Richelieu  ne  perdait  pas  de  vue  son  dessein 
d'abaisser  l'orgueil  de  l'Espagne  et,  en   i633,  il  ordonnait  au 


*  Archives  du  département  des  Houches-du  Rhône,  C  i5,  (Assemblée 
des  communautés^  tenue  à  Aix,  le  2  décembre  16281. 

'  Ibid.  C.  17,  (Assemblée  des  communautés,  tenue  à  Valensole,  le 
2 y  avril  i63o)y 

Ibid.  C.  19,  (Assemblée  des  communautés,  tenue  à  Aix,  le  26  août 
i63if. 

*  Ibid.,  C.  20. 

*  Ibid.,  C.  20 


—  3oo  — 

sieur  de  Bouc,  premier  président  de  la  Cour  des  Comptes  de" 
Provence,  de  ^  dresser  une  vetie  figurée  de  îoute  la  côte  ma- 
ritime afin  que  sur  cette  figure  il  peut  ordonner  les  fort ilica- 
iions  fiécessaires  pour  la  défense  du  pays  et  empêcher  la  des- 
cente des  ennemis  '.  »  Le  sieur  de  Bouc  visita  la  côte  de  Nice  à 
Arles,  lit  dresser  la  carte,  et  c'est  d  après  ce  document,  qu'ac- 
compagnait le  rapport  de  M.  de  Seguiran,  que  Richelieu  or- 
donnaild  élever  les  forti  H  calions  des  îles  Satnic-Margueritcei 
Saint*Hooorat  et  les  autres  ouvrages  et  redoutes  de  la  côte.  La 
situation  se  précisait  ;  le  cardinaL  en  1634,  avait  décidé  K 
renvoi  de  la  Reine  ainsi  que  la  rupture  ouverte  avec  KEspagnc 
et,  au  mois  de  juillet»  ie  maréchal  de  Vitry  demandait  à  la 
Provence  des  subsides  pour  faire  face  aux  frais  de  la  guerre  ^ 
Rappelé  peu  après  à  la  Cour  pour  justifier  sa  conduite,  le 
MaréchaK  qui  avait  été  remplacé  par  le  marquii  de  Saim- 
Chamond,  revenait  dans  son  gouvernement  en  janvier  i535ci 
ordonnait  aussitôt,  pour  garder  la  côte,  l'établissement  de 
postes  à  pied  entre  Toulon  et  Amibes  '  :  c'était  donc  sur  cetitf 
partie  du  littoral  qu'on  craignait  lattaque  des  ennemis. 

Tous  ces  renseignements,  bien  que  n'intéressant  pas  direc- 
tement la  prise  des  îles  de  Lérins»  ne  sont  pas  inutiles-  Ils 
prouvent  que,  dès  1627,  la  Provence  avait  tout  à  craindre  de  la 
part  des  Espagnols  et  que  ceux-ci  étaient  bien  décidés  à  rcii- 
vahîr  en  se  servant  des  îles  comme  base  d'opérations. 

C'est  leiOavril  1 635  que  Richelieu  déclarait  la  gue^reà^cmp^ 
reurFerdmand  M  et  auroi  d'Espagne  Philippe  IV,  parent  et  allié 
de  TEmpereur.  A  ce  moment,  la  situation  de  la  Provence  ét«ii 


*  BouLHi,  Chorographie  de  ta  Propence,  U  II,  p.  Hg5. 

*  .4rc^rVc«  iiu  diéparttintnt  des  Htmches-du-Rhùnt,  C,  11.  f  isxembfct 
fçénéraie  des  communautés,  ttnue  à  Apt,  te  4  juillet  f6S4i 

*  Ibtd,  Q,  22,  {AiscmbUx*  générale  des  Communautés  ten. 
2  3  janntr  i635). 


tre  brillante;  le  pays  était  épuisé  par  les  charges  quî 
pesaient  sur  lui  depuis  tant  d'années  et,  malgré  les  eftbris  faits» 
sesdélenses  n*étaieni  pas  achevées  et  en  état  de  résister  à  une 
attaque  sérieuse:  «c  La  province,  dit  Aubenas  *,  était  fort  dé- 
fraie de  troupes  régulières,  les  armées  de  la  France  se  trou- 
vant reportées  au-delà  des  frontières.  On  y  comptait  quatre  ou 
cinq  régiments,  au  plus,  préposés  à  la  garde  de  Marseille  et  de 
Toulon»  Force  était  de  recourir  à  la  Noblesse  dont  les  volon- 
taires s'empressaient  toujours  d'accourir,  et  aux  mtlîces  loca- 
les, non  moins  promptes  à  sarmer  pour  la  défense  com- 
mune *  s*. 

Le  cardinal  ne  voyait  pas  ou  ne  voulait  pas  voir  le  véritable 
état  de  la  Provence  et  de  la  France  et»  poussé  par  les  événe- 
ments, il  se  lançait  en  aveugle  dans  celte  guerre  :  «^  Richelieu, 
écrit  Michelet  \  dit  à  tonqu^il  avait  assez  d'argent»  de  troupes, 
des  places  en  bon  état.  Fontaine*Marcuil  et  d'autres  disent  le 
contraire,  et  Tévénement  ne  prouva  que  trop  bien  qu'ils 
avaient  raison.  II  ne  vit  pas,  ne  prévit  pas.  Ce  qu'il  aurait  pu 
voir,  c'était  son  isolement  réel,  combien  il  était  haï,  et  le  pro- 
fond bonheur  que  tout  le  monde  aurait  à  le  faire  échouer.  Et  il 
oe  prévit  pas  que  l'argent  manquerait  dès  la  seconde  année, 
que  la  France,  au  lieu  d'envahir,  serait  elle-même  envahie... 
Deux  fois  l'audace  en  choses  improbables  lui  avait  réussi.,. 
Donc  il  se  remit  à  la  chance,  dans  cette  guerre  contre  l'Espa- 
gne, guerre  contre  la  Reine,  guerre  contre  la  Cour,  contre  tous 


*  AtivCHÂf,  Reprise  des  ftts  de  Lérins  sur  les  EspagnolSfp,  6. 

*  Au  mois  de  juin  i6i\  l'eiTectif  des  iraupes  restant  en  Provence  se 
composait  des  compagnies  de  chevaulégers  de  MM.  de  Viiry,  de  Vaia- 
iroinc  cl  de  Cabris  ;  des  ré,i;imenis  d'infanterie  dti  marquis  de  Vitry  et  de 
MM'  de  .Montmeyan,  de  .Maillane  et  de  Courbon,  de  VajJlac,  de  ta  Tour 
et    de  Cornusson.  {Archivei    du   '^Département  des   Boucheâ-du-Rhâne, 

■  MiCBiLtT,  Histoire  de  France,  i.  XII,  p.  96  6197^ 


ses  ennemis.  ^  Cette  appréciation  est  fort  juste  ;  elle  nou^ptr- 
met  de  ne  pas  admirer  sans  reserves  le  génie  de  celui  qui  fut 
rinitiateur  de  cette  centralisation  à  outrance  dont  nous  souf* 
Irons  encore  aujourd'hui. 

La  gue.Te  dt'clarée,  les  hispagnols  ouvraient  aussitôt  îcs  ho!^ 
tilités  et,  dans  les  premiers  jours  de  mai,  le  comte  Badat.  de  la 
ville  de  Nice,  informait  M.  de  Saint-Marc  Chasieuil,  seigneur 
de  Chàteauneuf-lez-Grasse,  des  armements  faits  à  Naples  en 
vue  de  l'attaque  des  îles  de  Lérins.  De  ces  deux  îles,  1  une^ 
Saint-Honorat,  était  presque  sans  défense  :  l'autre,  Sainie* 
Marguerite,  défendue  par  une  garnison  insurtisante  enrermrc 
dans  le  Fort  Royal  construit  par  Richelieu  deux  ans  aupaia^ 
vant  K 


'  Malgré  les  ordres  donnés  par  Richelieu,  les  défenses  des  fies  dt] 
rins  ne  devaieni  pas  être  bien  i^érieuses  ;  en  i^33,  elles  ciaiefit 
nulfes  si  on  en  juge  par  le  rapport  de  M,  de  Sé^uiran  :  «  Le  aSfëirnerifiJÎ. 
étant  parti  du  Cannai,  serions  passé  a  Tile  Saint- Honorât,  où  ie 
R.  ï*.  Dom  d'Ubraye»  abbé  dudit  monastère,  nous  auroU  fait  >oir  toute  11 
place,  et  aurions  trouvé  dans  icelle  :  une  moyenne  «pièce  de  canont«  < 
bre  de  France,  de  huit  pitds  quatre  pouces  de  longueur.  a>ani  detti| 
mes.  qui  sont  les  armes  de  Tabbaye  .  trois  petits  vers  en  fonte»  avec  1 
doubles  boîtes;  trois  arquebuses  h  croc,  de  fonte;  une  bombarde  de^ 
et  un  pélard  ;  cent  cinquante  livres  de  grosse  poudre  et  cinquante  v 
menue;  cinquante  boulets  de  moyenne:  dix  mousquets  bien  moat* 
quatre  hallebardes  Je  tout  appartenant  au  monastère. 

«  Et.de  là,  serions  passé  à   l'iie  Sainte-Marguerite,  où,   en  latsaDl  II 
visite  de  la  forteresse,  aurions  trouvé  dans  te  donjon  dicelle  :  deux  fau* 
conneaui  (couleuvrinesi,  calibre   de  France,  de  vingt-cinq    pieds  de  Ion- 
gueur,  aux  armes  de  Claude  de  Guise,  abbé  de  Cluny  ;  deux  pier- 
fer;  sti  arquebuses  à  croc  ;  quinze  mousquets  bien  garnis  et   ni 
vingt  cinq  piques;  cinquante  livrei  de  grosse  poudre  ;  cinquante  booleii 
k  fauconneaux:  vingt  cinq    livres  de  balles  de  plomb    et  dix    livres  de 
mèche:  le  tout  appartenant  h  M.  de  Guise,  ainsi  que  nous  Ta  dit  le  «ifur 
Kiperi,  qui  commande  ladite  forteresse.  {Documents  inéJilx  de  f/ 
de  France   Correxpondance  de  Sf.  de  Sourdis.  archepéqutde  Hoi 


F' 


-  3o3  - 

Châsteuil,  aussitôt  cette  nouvelle  connue,  en  donnait  avis 
au  maréchalde  Vitn';  celui-ci  rendait  sur-le-champ  une  ordon- 
nance portant  que  les  villes  de  Grasse  et  de  Saint-Paul,  avec 
leurs  vigueries,  fourniraient  deux  hommes  par  feu,  s'il  était 
nécessaire,  pour  la  défense  des  côtes  et  plaçait  les  milices  sous 
le  commandement  des  sieurs  de  Mons  et  de  Chasteuil.  Aussi. 


aicbé  V  de  Baift^on  Us). 

dès  le  premier  moment,  six  cents  hommes  bien  armés,  divi- 
sés en  six  compagnies,  étaient  rassemblés  à  Cannes  *. 

Le  20  mai,  larmée  navale  d'Espagne  paraissait  en  vue  des 
côtes  de  Provence  ;  le  mauvais  temps  faisait  courir  les  galères 
jusqu^au  cap  Corse,  où  onze  de  ces  bâtiments  faisaient  nau- 


•  BoucBE,  Chorographie  de  la  Provence ,  t.  Il,  p.  899. 


Irage*  Le  3i  mai,  le  sieur  Emeric  Duscch,  capitaine  au  régî* 
menidc  Cornusson»  recevait  du  maréchal  de  Viirv*  Tordre  de 
garder  avec  sa  compagnie  le  château  de  Saini-Honoratei  il  as- 
sistait, le  3  août,  au  passage  devant  Tile  du  reste  de  la  floue 
ennemie  qui  voguait  jusqu'aux  îlesd*Hyères  *. 

Retardée  dans  ses  opérations,  ce  n'est  que  le  ï3  septembre 
que  1  armée  espagnole,  forte  de  vingt-deux  galères  et  d  un 
brigantin.  et  commandée  par  le  duc  de  Ferrandina,  ie  marquis 
de  Sainte-Croix  et  le  chevalier  de  Brancassio,  se  présentait 
devant  Tîle  Sainte-Marguerite.  Un  corps  d'infanterie  débar- 
quait aussitôt  et  attaquait  vigoureusement  le  Fort  Royal.  Con- 
vaincu de  la  faiblesse  de  la  place,  dont  il  avait  le  commande- 
ment, Jean  de  Bénévent,  sieur  de  Marignac,  capitaine  au  rc^i- 
ment  de  Cornusson.  capitulait  vingt-quaire  heures  après,  sans 
aiiendre  l'arrivée  des  secours  promis  par  de  Chasieuil.  seul 
commandant  des  milices  par  suite  de  la  mort  du  sieur  de 
Mon  s, 

Chasieuil,  au  courant  des  mouvements  de  la  flotte  espagnole, 
était  accouru  à  Cannes  et  sa  ^présence  avait  rendu  le  courage 
aux  habitants  qui  quittaient  la  ville  dans  la  crainte  de  !wn 
occupation  par  lesennemis*  Sur  ses  conseils,  on  rem  plissai!  de 
terre  des  bateaux  échoués  sur  le  rivage  et  on  en  formait  un  re- 
tranchement pour  la  mousqueterie  placée  au-devant  de  h 
ville  ;  un  autre  retranchement,  formé  avec  des  tonneaux  pleins 
de  sable,  était  construit  en  face  de  la  chapelle  de  Notre*Damc- 
du-Bord-dc-Mcr.  L*etTort  principal  de  la  résistance  se  portail  à 


*  RcJAtion  ât  li  pme  des  isles  de  Saiote-Margaerite  et  Saiot-Honorat 
deLérins  par  les  espagnols  et  de  la  reprise  par  les  Français,  tiret  d'mm 
/ournai  comervi  à  Lérim  et  fait  par  un  religieux  qui  était  atort  dam 
ce  monattire,  {Archipei  du  Départetnent  det  Bouchts^du-Rhùnt^  f*mJb 

Mcolajf,  carton  1J9  i 


-  3o5  -^ 

la  pointe  de  la  Croisette,  où  Richelieu,  deux  ans  avant. 
avait  fait  élever  le  fort  de  la  Croix  et  des  retranchements,  dé- 
fendus par  une  partie  de  la  garnison  d'Amibes  et  des  milices 
rassemblées  à  Cannes.  Dans  la  matinée  du  14  septembre, 
deux  cents  hommes  occupaient  la  ville  et  le  lendemain  leur 
nombre  était  porté  à  sept  cents  K 

Ces  précautions  étaient  bonnes  :  le  jour  même  de  la  reddi- 
tion du  Fort  Royal  (14  septembre)»  les  Espagnols  faisaient  une 
attaque  furieuse  contre  le  fort  de  la  Croix  et  s'avançaient 
contre  Cannes  ;  repoussés  sur  toute  la  ligne,  ils  se  retiraient  et, 
abandonnant  leur  projet»  ils  rassemblaient  toutes  leurs  forces 
pour  s'emparer  de  l'île  Saint- Honorât.  Le  sieur  d'Usech,  ne 
pouvant  songer  à  résister  à  des  forces  si  importantes,  capitulait 
le  lendemain  et  n'obtenait  pas  des  conditions  aussi  bonnes  que 
celles  accordées  à  la  garnison  de  Tile  Sainte-Marguerite, 

Dès  ce  moment,  i5  septembre,  les  troupes  réunies  pour  s'op- 
poser à  l'invasion  des  Espagnols  en  Provence  étaient  campées 
à  Cannes  et  aux  environs  ;  elles  se  cpmposatentf  outre  la  mi- 
lice provinciale,  des  régiments  de  Vitry  et  de  Courbon  à  douze 
compagnies  avec  état-major,  des  régiments  de  Montmeyan  et 
de  Maillane  à  dix  compagnies  avec  état-major,  et  de  deux 
compagnies  de  chevau-légers  du  chevalier  de  Vitry  '. 

Ce  même  jour»  les  Procureurs  du  Pays  envoyaient  d'Aix 
M.  de  Beaumont  en  poste  à  Cannes  pour  s*assurer  s'il  était 
vrai  que  les  Espagnols  se  fussent  emparés  des  îles  de  Lérins  '  ; 
c  est  probablement  sur  sa  réponse  affirmative  que  le  régiment 
de  Montgaillard  venait,  au  mois  d'octobre,  de  Tarascon, 
prendre  ses  quartiers  à  Cannes  *  et  que  le  2  novembre  les  Pro- 


*  Bopcar.  Chorographie  de  la  Provence,  \.  Il,  p.  900. 

•  Archivti  du  département  des  Bouches  du- Rhône,  C*  a3, 

^  md,.c.  614. 


—  3o6  ^ 

cureursdu  Pays  décidaient  de  se  rendre  dans  celte  ville  pour 
prendre  avec  le  gouverneur  des  mesures  relativemeni  à  i'ar- 
mée  qui  y  campait  *.  Pendant  ce  temps,  le  maréchal  de  \'itn 
ne  restait  pas  inactif;  il  ordonnait  aux  ^^^  poudriers  ^  de  v«idrc 
les  poudres  au  prix  ordinaire  et  dél'endait  à  tous  autres  de  U 
^Ksurmndre»,  Il  dressait  un  règlement  concernant  la  milice 
de  la  Province  et  pourvoyait  à  la  subsistance  des  troupes;  >1 
réquisitionnait  des  bois  <f.  pour  la  construciion  de  six  cenU 
gabions  »>  devant  servir  «  au  fort  de  la  Croix  t^;  il  appelait  de 
nombreuses  compagnies  à  la  garde  du  littoral  et  envoyait  des 
hommes  armés  à  Gagnes  avec  mission  d'empêcher  qu'on  fît 
passer  des  vivres  aux  ennemis  ^. 

Tous  ces  préparatifs  de  résistance  s'effectuaient  sajis  que  les 
troupes  fussent  inquiétées  par  les  ennemis  qui,  redoutant  Tar- 
rivée  d'une  escadre  française  en  armement  dans  les  ports  de 
l'Océan,  mettaient  le  temps  à  profit  pour  mettre  les  îles  en  étal 
de  défense  :  ^  Les  espagnols,  dit  Papon  S  résolus  de  s  y  main- 
tenir, tirèrent  un  plus  grand  avantage  delà  position  des  lieux; 
ils  creusèrent  des  fossés,  firent  des  retranchements,  élevèrent 
des  forts  et  apprirent  aux  Français,  par  leur  exemple,  que  le 
premier  talent  dans  l'art  de  la  guerre  est  de  se  précauiionncr 
contre  les  attaques  de  l'enoemi,  ^  C'est  dans  ces  conditions 
que  s'ouvrait  à  Cannes,  le  3o  novembre  lôSS,  l'Assemblée  gêné* 
raie  des  communautés  de  Provence  K 

Dès  l'ouverture  de  l'Assemblée,  se  manifestait  cet  esprit  de 
jalousie  qui  devait  infiuer  de  façon  si  fâcheuse  sur  la  marche 
des  événements;  Tévèque  de  Sisicron  et  l'assesseur  de  Julian 


•  Papon,  /ii$toire  dt  Propence,  l.  IV*  p,  477. 

*  Archive X  Ju  département  des  lioucHei-dU'Hhône,  C.  iS. 


—  loy  — 

se  disputaient  le  droit  de  répondre  au  gouverneur  et  cette  con. 
testation,  sî  peu  opportune  en  présence  des  ennemis  se  forti- 
^ant  tranquillement  dans  leur  coaquèlo  (una  foya  incognita^ 
comme  ils  l'appelaient),  éiail  tranchée  en  faveur  du  premier. 
Aussitôt  après,  les  députés  des  Communautés,  considérant  que 
le  pays  était  accablé  par  les  lourdes  charges  qui  pesaient  sur  lui 
depuis  si  longtemps  et  estimant  que  l'armée  régulière,  rassem- 
blée à  Cannes,  sufhsait  pour  s'opposer  aux  attaques  des  Espa- 
gnols, demandaient  le  licenciement  de  la  milice  provinciale. 
t^  question  n*étaît  pas  solutionnée  et,  en  attendant,  il  était  dé- 
cidé que,  nonobstant  les  règlements  municipaux  de  Tarascon 
Cl  de  Pertuis,  leurs  premiers  consuls  et  à  défaut  les  seconds 
assisteraient  aux  assemblées.  Puis  le  gouverneur,  revenant  à 
la  question  militaire,  demandait  à  la  province  d'entretenir  en- 
core pendant  deux  mois  Karmée  et  les  milices  ;  mais  le  pays 
ne  consentait  à  supporter  ces  frais  que  jusqu'au  i5  jan- 
vier i636  et  ne  maintenait  que  pour  ce  temps  l'imposition  de 
quatorze  sous  deux  deniers  par  Jeu  et  par  jour  levée  pour 
cette  destination.  Cette  délibération  était  suivie  peu  après  de 
Tordonnance  du  maréchal  de  Vitry  licenciant  la  milice. 

Telles  étaient  les  principales  décisions  d'ordre  général  prises 
par  les  députés  de  TAssemblée  générale  des  Communautés 
ayant  siégé  du  3o  novembre  i635  au  5  décembre  suivant. 

La  ville  de  Cannes  ayant  naturellement  subi  les  conséquen* 
ces  fâcheuses  de  la  situation,  TAssemblée  eut  à  s  occuper  de  la 
réparer  dans  ia  mesure  du  possible. 

Ledict  sieur  assesseur  a  représanté  que  la  Communauté 
de  ce  lieu  de  Cannes  prenante  requeste  à  iassamblée  pour  luy 
donner  cognoissence  des  grandes  et  excessives  pertes  quelle 
supporte  à  l occasion  de  la  descente  de  r armée  espagnolle  aux 
isles  deSainct-Honnoré  et  Saincte-Marguerite,  quia  obligé 
r  armée  du  rov  de  loger  et  camper  dans  ce  Heu  et  son  terroir. 


^^o8  - 

ie^  le  quin^iesme  de  septembre  dernier,  laquelle  armée  leur 
faict  de  sy  grands  ravages  et  dcgaslq,  que  le  pays  est  oblig 
d* y  avoir  esgard,  puisqu'elle  est  arrestée  en  ce  quartier  pou 
sa  conseritation.  N'y  ayant  pas  de  Vapparance  que  ce  pauvre 
lieu  perde  non  seulement  ses  fruits  et  a  fibres,  qui  est  le  seul 
moyen  de  sa  subsistance  et  négoce,  maya  encore  qu'il  wif 
dépérir  ses  maisons,  se  commettre  pieu  sieurs  larcins  et 
desordres,  estant  bien  Juste  que  le  pays  en  prenne  compassion 
et  que  tassamblee  y  délibère. 

Sur  quoy  l'assamblée  a  délibéré  que  Monseigneur  le  gou- 
verneur sera  très  humblement  supplié  que  par  son  aucthoritè 
tous  ces  désordres  et  ravages  cessent  comme  aussy  de  faire 
que  par  ses  intercessions  et  faveur  envers  le  roy,  cesle  pauj*re 
communauté  puisse  avoir  le  rembourcement  de  tant  de  des* 
penses  qu'elle  supporte  *. 

Ledict  sieur  assesseur  a  remonst ré  qu'ayant  Monseigneur 
le  gouverneur  expédié  ordonnance  portant  que  la  Commu- 
nauté de  Cannes  fournira  la  despense  d'un  patron  et  dix  ma- 
rinniers  pour  un  briganiin  qui  s'en  va  la  nuict  pour  prendre 
garde  au  dessain  des  ennemys.  Et  charge  ladicte  commumiuté 
de  Cannes  rfV«  supporter  la  despense  de^  le  huictiesmc  nou* 
vembre  dernier  pour  en  estre  rembourcé  par  ordre  du  pays. 
Messieurs  les  procureurs  dudict  pays  qui  se  treuvent  ici  n'y 
peuvent  pas  apporter  leur  consantemeni  par  beaucoup  de  rai- 
sons et  attendu  la  conséquance  que  ceste  ordonnance  portoit 
au  pays*  Mays  par  leur  attache  auroient  renvoyé  ceste  affaire 
à  la  prochaine  assamblée  pour  y  estre  délibéré.  C'est  ce  que 
ladicte  communauté  requter  à  présant. 

Sur  quoy  IWssamblée  a  délibéré  que  ladicte  communauté  de 
Cannes  représentera  le  contenu  de  sa  requeste  aux  prochains 


'  Voir  à  ce  sujet  \t%  Archivts communain  de  Cannes,  CC.  4S. 


3o9  — 

esiat^  pour  y  esfre  pc'  etilx  prouveu  en  procédant  aux  gêné- 
ralUs  esgaliiationn. 

L*hcureuse  réussite  du  hardi  coup  de  main  lenté  parles  Es- 
pagnols sur  les  îles  de  Lérins  avait  profondément  impres- 
sionné Richelieu  et  la  Cour;  au  début  d'une  guerre  mal  pré- 
parée, c  était  un  échec  qu*il  fallait  réparer  à  tout  prix.  Aussi 
une  activité  fébrile  régnait  partout  et,  dans  laitente  de  la  re- 
prise des  îles,  escomptée  pour  un  avenir  prochain,  toutes  les 
mesures  étaient  prises  dans  le  but  de  mettre  la  Provence  à 
l'abri  de  Tinvasion.  Des  investigations  dans  les  archives  com- 
munales de  nombre  de  cités  provençales,  notamment  celles 
que  leur  situation  près  de  la  côte  intéressait  plus  particulière- 
ment au  succès  de  nos  armes»  fourniraient,  à  ce  sujet,  de  très 
nombreux  documents  '.  Je  dois  me  borner  à  signaler  ceux 
fournis  par  Aubenas  *  et  à  citer  la  lettre  de  Louis  XI IK  du 
7  décembre  ifiSS,  prescrivant  des  armements  pour  chasser  les 
ennemis  des  îles  de  Lérins  et  donnant  ordre  de  décharger  les 
lieux  maritimes  des  impôts  ordinaires.  Voici  donc  cette  lettre 
qui,  je  le  crois,  n'a  pas  encore  été  publiée  '  : 

A  NOZ  TRES  CHZnS  ET  BIEN  AIMEZ  LES  PROCUREURS  SINDICS 
DE  NOSTHE  PAYS  I>E  pROVENCE* 

De  par  le  Roy,  comte  de  Provence, 

Très  chers  et  bien  aimez.  Nous  avons  esté  informez*  tant 


*  Les  Archipet  communales  de  Cannes*  dont  la  plus  grande  partie  a 
disparu»  po^sèdeut  le  compte  trésortire  de  t635-i656;  il  contient  des 
renseignements  curieux  sur  les  dépenses  faites  par  la  Communauté  en 
raison  de  li  prise  âe^  rtcs  par  les  Espagnols.  C'est  tout  ce  qui  reste  des 
documents  intéressant  cette  époque  si  importante  dans  Thistoire  de  U 
Gilé  iAf^chit^ei  communales  de  Cannes,  CC.  44). 

AuBiHÀS»  Reprise  des  Hes  de  Lérins  sur  les  Espagnols  irÔSS-rÔ  3^) 
p.  18  et  suir, 

*  Archives  du  département  des  Bouches-du- Rhône,  C,  986. 


par  le  s'  de  Vallavez,  député  de  nostre  pays  de  Provence. 
que  de  tous  ceux  qui  sont  particulièrement  chargez  de  nosirc 
service  par  delà»  avec  quelTe  affection  vous  avez  contribué  à 
tout  ce  qui  vous  a  esté  demandé  de  nostre  pan  dans  les  occa- 
sions présentes>de  quoy  nous  avons  bien  voullu  vous  tesmoi- 
gner  la  satisfaction  entière  que  nous  avons  et  vous  exhorter  de 
continuer  à  faire  tout  ce  que  nous  pouvons  attendre  de  vous 
dans  les  charges  que  vous  avez  pour  obliger  noz  subjecis  de 
nostre  dict  pays  à  concourir  avec  nous  à  toutes  les  choses  né- 
cessaires pour  s'opposer  aux  desseins  de  noz  ennemis  et  les 
chasser  des  isles  qu'ils  ont  envahies  par  la  lâcheté  de  ceux  qui 
les  gardoyent,  vous  asseurani  que  de  nostre  part  il  n'y  sert 
rien  obmis.  Et  parce  que  nous  avons  recognù  beaticoupde 
bonne  volionté  dans  les  communautés  des  lieux  voisins  delà 
mer  pour  fournir  ce  qui  leur  sera  possible  pour  rarmemeni  de 
mer  que  nous  avons  résolu  de  faire  faire,  nous  estimons  quM 
sera  juste  et  nécessaire  de  les  soulager  autant  qu'il  se  pourri 
des  autres  charges  du  pays,  attendu  les  fatigues  et  dcpcoscs 
qu'elles  se  trouvent  obligées  de  supporter  pour  esirc  toujours 
armées  et  en  estât  de  se  garantir  des  entreprises  des  ennemis. 
Nous  désirons  doncque  vous  y  ayez  tout  Te&gard  qui  se  dcbvm 
en  justice.  Et  nous  asseurants  qu'en  toutes  occurenccs  vous 
continuerez  de  nous  donner  preuve  de  vosire  affection  à  nostre 
service  nous  ne  vous  en  ferons  celle-cy  plus  expresse.  Donne 
àSaint-Germain*en-Laye,  le  vu»  jour  de  décembre  H335. 

«  Louis  *t  De  Vair  ^ 


Cependant,  malgré  tous  les  efforts,  la  situation  ne  s'amélio- 
rait pas  ;  les  Espagnols  continuaient  à  se  fortifier  dans  les  îles 
elle  î5  décembre,  le  marquis  de  Sainte-Croix  partait  pour 
l'Espagne,  laissant  le  commandement  à  Don  Carlos  Doria.  Le 


temps  passait,  rien  ne  pouvait  être  tenté  contre  les  ennemis  et 
le  1"  janvier  i636,  MM.  de  Baumettes  et  Bouche  étaient  dé- 
putés à  Cannes  auprès  du  maréchal  de  Vitry  et  de  Tévéque  de 
Nantes,  que  le  Roi  avait  envoyé  comme  chef  du  Conseil  de  la 
Marine,  pour  aviser  au  moyen  de  repousser  les  ennemis  *.  Ce 
n'était  pas  cette  démarche  qui  pouvait  faire  avancer  les  opéra- 
tions militaires  ;  l'expectative  continuait  et  il  fallait  entretenir 
les  troupes,  armer  des  galères  pour  la  défense  des  côtes.  Cette 
situation  épuisait  le  pays  de  plus  en  plus  et  TAssemblée  Géné- 
rale des  Communautés,  tenue  à  Fréjus,  le  7  février  i636,  était 
obligée  de  voter  1.200.000  livres  pour  faire  face  aux  frais  delà 
guerre  '. 

Il  n'y  avait  rien  à  faire  :  le  premier  acte  du  drame  était  joué  ; 
le  second  allait  commencer  avec  l'arrivée  de  l'escadre  fran- 
çaise qui,  allant  mouiller  au  golfe  Juan  et  ensuite  à  Villefran- 
che,  passait  en  vue  des  iles  le  10  août  i636.  Mais,  il  ne  devait 
pas  se  dénouer  de  sitôt;  la  jalousie  et  la  mésintelligence  entre 
les  chefs  français  se  mettant  de  la  partie,  ce  n'est  que  le 
14  mai  1637,  dix-neuf  mois  plus  tard,  que  le  drapeau  de  la 
France  flottait  de  nouveau  sur  les  îles  de  Lérins  reconquises. 


Archives  du  département  des  Bouches-du-Hhône,  C.  23. 
Ibid.,  C.  2  3. 


3i3  - 


XI 


OPPEDE   AU    MOYEN-AGE 

et  ses   Institutions 

par  Lncien  GAP,   instituteur  public  à  Oppcde. 

Membre  de  r Académie  de  Vaucluse  et  d'autres  Sociétés  sapantes. 


I    —   Sources. 

Imprimés.  —  Dictionnaire  historique,  biographique  et  bi- 
bliographique du  département  de  Vaucluse,  par  le  docteur 
Barjavel  (Carpentras,  1841-42,  2  vol.  gr.  in-8'). 

Istoria  dellà  citta  dAvignone  e  del  Comtado  Venesino,  par 
Sébastien  Fantoni-Castrucci  (Venise,  1878,  2  vol.  in-4<>). 

Mémoire  pour  le  Procureur  général  au  Parlement  de  Pro- 
vence servant  à  établir  la  souveraineté  du  Roi  sur  la  ville  d'Avi- 
gnon et  le  Comté  Venaissin  par  J.-P.  François  de  Ripert  de 
Monclarj  (1769,  2  vdl.  in-8<>). 

Correspondance  administrative  d* A  ijonse  de  Poitiers,  pu- 
bliée par  Auguste  Molinier  (Paris,  1894-1900,  2  vol.  in-40). 

Notes  historiques  concernant  les  Recteurs  du  cy-devant 
Cowi/e- Venaiwin,  par  Charles  Cottier  (Carpentras,  1806,  in-8" 
de  440  pages). 

Oppéde  et  ses  environs,  par  Antonin  Roussel  (Avignon,  1901 , 
gr.  in-80  de  74  pages). 


—  3i4  — 

Les  Gascons  en  Italie,  études  historiques,  par  Paul  Durrieu  : 
pages  107-171.  Bernardon  de  la  Salle  (Auch,  i885,  i  vol.  gr. 
in-8  de  111-279  P^g^s). 

Saint  Louis  et  Alphonse  de  Poitiers,  par  Edgard  Boutaric 
(Paris,  1870,  1  vol.  gr.  in-8»de  552  pages). 

La  France  et  ie  grand  Schisme  d'Occident,  par  Noël  Valois 
(Paris,  1 896-1 901,  4  vol.  gr.  in-8<>). 

Histoire  générale  du  Languedoc,  par  dom  Cl.  Vaissette  et 
dom  de  Vie,  édit.  Privas  (Toulouse,  1866-1905,  16  vol.  in-4®). 

Dictionnaire  géographique,  historique  et  politique  des  Gau- 
les et  delà  France,  par  Expilly  (Paris,  176370,6  vol.  in-folio). 

Manuscrits.  —  Histoire  ecclésiastique,  civile  et  politique 
d'Avignon  et  du  Comté-Venaissin,  par  Joseph  Fornéry  (Bibl. 
d'Avignon  et  de  Carpentras). 

Polyptyque  du  Venaissin  au  Livre  rouge  du  comte  de  Tou- 
louse (Bibl.  de  Carpentras).     . 

Repertorium  camerale  (Bibl.  de  Carpentras). 

Recueil  de  pièces  extraites  de  la  tour  du  Trésor  et  archipes 
de  Provence  (Bibl.  d'Avignon,  mst.  2807). 

Recueil  de  Massillian,  diocèse  de  Cavaillon  (Bibl.  d'Avi- 
gnon, mst.  2385). 

Recueil  d'Esprit  Requiem  (Bibl.  d'Avignon,  mst.  2879). 

Pièces  d'archives. — Archives  départementales  de  Vaucluse. 
série  B. 

Archives  communales  d'Oppède,  séries  AA  i,  2  ;  DD  2  ; 
FF  1  ;  GG  24,  28. 

Archives  hospitalières  d'Oppède. 

Archives  communales  de  Cavaillon,  série  DD. 

Archives  communales  dcChàieauneuf-Calccrnier,  série  AA. 


—  3i5  — 

II.  —  Oppèdedulir  au  XIV' siècle. 

Oppède,  commune  de  1.076  habitants,  canton  de  Bonnieux, 
arrondissement  d*Apt,  département  de  Vaucluse,  ayant  joué 
un  rôle  assez  marquant  au  moyen  âge,  nous  avons  jugé  utile 
de  faire  connaître,  dans  ce  Mémoire,  l'histoire  de  cette  localité 
pendant  cette  période. 

La  première  mention  que  nous  ayons  du  nom  d'Oppède  se 
trouve  dans  une  charte  du  Cartulaire  de  l'abbaye  de  Saint- 
Victor  de  Marseille  *  de  Tan  1044,  par  laquelle  Bertrand,  comte 
de  Forcalquier,  fait  une  donation  à  cette  abbaye.  Dans  cette 
charte,  Wanthelme  d'Oppède  paraît  comme  témoin.  Ce  Wan- 
thelme  devait  être  un  f)ersonnage  important,  puisqu'il  figure 
dans  cet  acte  avec  d'autres  personnes  de  distinction. 

Un  siècle  et  demi  plus  tard,  en  1182,  Imbert  d'Agoult  et 
Bérenger  Raimond  son  frère,  Guillaume  Bermond  et  Bertrand 
son  frère,  font  hommage  de  leurs  fiefs  à  Guillaume,  comte  de 
Forcalquier,  et  parmi  ces  fiefs  figure  celui  d'Oppède  qui  faisait 
alors  partie  du  comté  de  Forcalquier. 

Ce  fut  sans  doute  envertu  de  la  convention  conclue  en  1 195 
entre  les  comtes  de  Toulouse  et  de  Forcalquier  ^  qu'Oppède 
cessa  de  faire  partiedu  comte  de  Forcalquier  pour  être  du  mar- 
quisat de  Provence  appartenant  au  comte  de  Toulouse.  Nous 
savons  qu'en  1209  cette  localité,  munie  d'un  château-fort,  était 
un  des  domaines  directs  de  Raimond  VI  qui,  à  cette  date,  le 
céda  à  l'Eglise  romaine, avec  quelques  autres  châteaux,  en  ga- 
rantie de  sa  promesse  de  combattre  l'hérésie  albigeoise.  La 


*  Tome  II,  page  3.  Cette  charte  est  aussi  insérée  dans  le  tome  V  de 
VHittoire  générale  du  Languedoc,  édition  Privas. 

-  Mémoire  pour  le  Procureur  général,  etc.,  tome  \,  pièces  justificati" 
y  es,  page  i5. 


-  3i6  ^ 

Sfdê  du  château  d*Oppède  fut  alors  confiée  aux  moines  ^ 
Monimajour. 

On  sait  que»  par  le  traité  de  Paris  de  1229,  Raimond  VU,  fils 
de  Raimond  VK  dut  céder  au  Saint-Siège  le  marquisat  de  Pro 
venceou  plutôt  le  Coinié-Venaissin.  C'est, contraint  parlalbrceJ 
que  Raimond  VII  avait  fait  cette  cession,  c'est  parla  force  qu'il! 
résolut  de  se  remettre  en  possession  de  ce  qu'il  avait  cédé  à  laj 
Papauté.  Mais  avant,  et  pour  donner  une  apparence  de  légalité J 
à  lacté  qu'il  allait  commettre,  il  se  lit  délivrer  par  rempereurj 
dWllemagne  Frédéric  II  deux  bulles,  toutes  deux  de  i235  :  par 
runej'tmpereur  lui  donnait  l'investiture  du  marquisat  de  Pro* 
vence  cl,  par  Tautre»  il  commandait  au  seigneur  du  marquisat  j 
d'obéir  au  comte  de  Toulouse  leur  suzerain. 

C'est  alors  que  Barrai  des  Baux  et  Taurellus  de  Strata  entré* 
rent  en  campagne,  s  emparèrent  de  plusieurs  places  fortilîées, 
entreautres  decelled'Oppède  (dont  l'évéque  de  Ca  va  il  Ion  avait 
alors  la  garde),  sur  Téglise  de  laquelle  le  légat  du  Pape  jeta  Tin- 
terdit,  ce  qui  n  empêcha  pas  les  généraux  de  Raimond  VII  de  ; 
faire  rapidement  la  conquête  de  tout  le  marquisat. 

Que  se  passa-t*il  ensuite?  Quelques  historiens  prétendent, 
mais  sans  citer  aucune  pièce  diplomatique  à  Tappui^que  le  Pape 
rendit  le  marquisat  au  comte  de  Toulouse  en  1243  ;  d*auires 
pensent  que  le  Pape,  ne  pouvant  empêcher  efficacement  le 
Comte  de  récupérer  le  marquisat,  lerma  les  yeux,  en  attendant 
une  occasion  propice  de  s'en  rendre  déhniiîvement  le  maître 

lUimond  VU  jouissait  paisiblement  du  marquisat  de  Pro- 
vence, lorsque  le  2  des  ides  de  février  (12  février)  1245.  par  acte 
rev'u  par  Hugues  Krankenlenii,  notaire  public  à  L'isle  *»  il  âc- 


*  Qututaife  d/Oppède,  n^  H   Nous  appelons  ainsi  le  gros  registre  AA  ï 
des  archives  comrwunalesd'Oppède  que  Ton  forma  vers  1860  pir  I4  nëuiiioit  ^ 
de 6ç»  pièces,  dont  t>S  i^ur  parchemin,  ei  que  l'on  munil  d'une  solide  reiiurc 
Nous  désignerons  ce  registre  par  la  mention  CarL  J'Oppède. 


corda  aux  habitants  d'Oppède  Texemption  du  péage  ( 

de  Sabran  *.  Deux  ans  après,  il  confirma  aux  mêmes  habitants, 

le  vil  des  ides  d'octobre  (9  octobre)    1248,  l'acte  par  lequel  Ai- 

^geric  de  Clermont,  son  sénéchal  du  Vcnaissin,  leur  avait  ac- 

^Rdé»  le  6  des  ides  de  septembre  (8  septembre^   124G,  les  mé- 

^H^Kivilèges  et  affranchissements  que  te  comte  de  Toulouse 

HW^Hccordés  aux  habitants  de  L'Isle  en  1237.  Par  cet  acte,  les 

habitants  d'Oppède  étaient  déchargés  de  tout  payement  de   la 

leyde  non-seulement  dans  leur  village  et  territoire,  mais  encore 

l  dans  toutes  les  terres  de  la  domination  du  Comte,  et  de  tous 

péages,  guesies,  collectes  et  albergues.  Le  Comte  se  réservait 

seulement  les  chevauchées  et  la  juridiction  qu'il  avait  dans  ce 

village.  Mais  ces  privilèges  ne  furent  pas  admis  par  les  Oificiers 

de  la  Chambre  apostolique  du  Comté  Venaissin,  et  les  habi- 

^■its  d'Oppède  ne  purent  en  jouir  ^. 

^■Raimond  Vil  mourut  leij  septembre  1249,  laissant  ses  États 
à  sa  fille  Jeanne  qui  avait  épousé,  en  1237,  Altbnse  de  Poitiers» 
frère  de  saint  Louis.  Alfonse»  déjà  comte  de  Poitou,  devint  alors 
comte  de  Toulouse  et  marquis  de  Provence. 
^^^Devenu  possesseur  de  provinces  étendues,  Alfonsc  de  Poitiers 
pSf  faire  le  relevé  des  droits  et  possessions  qu'il  avait  dans  cha- 
cune des  provinces  soumises  à  sa  domination.  Le  polyptyque 
du  Venaissin  fut  fait  en  i253;  il  se  trouve  à  Paris  aux  Archi* 
ves  nationales  et  à  Carpeniras  à  la  Bibliothèque  communale. 
On  y  constate  qu'a  Oppède  le  Comte  possédait  la  juridiction,  le 
château,  le  four,  le  droit  de  moudre  son  blé  au  moulin  des 
Hermiiants  (moulin  des  Augustins  de  Sénanque),  en  payant 
une  poignée  de  blé  pour  chaque  charge,  et  de  nombreuses  pro- 

^^^  Cette  eiemption  fut  confirmée  aux  habiunts  d'Oppède  par  un  décret 

du  vice-JégAt  en  date  du  19  août  172^  (Arch  comm.  d'Oppède,  AA2,  folio  1). 

*  B»bL     d'Avîj^noi),  collect.    MassUliaiïi  mss-    :t385,  folio  ï36  :  Fornéry, 

toœe  l'\  mst.  ;r7To.  pages  33  7'32ë  de  la  même  bibliothèque. 


^riéiés  tenues  par  une  soixantaine  de  censetaires;  une  qui 
taine  de  personnes  y  possédaient  des  biens  francs  de  cens 
entre  autres  nobles  Raymond  de  Aurafrigida,  Gantelmc  Bot 
Guillaume  de  la  Roche,  Alfant  Bonitace,  Bertrand  deTr 
nés. 

Outre  les  censés  qu'ils  payaient  pour  les  maisons  qu^ils  > 
paient  et  les  terres  quils  cultivaient,    les  hommes  d'Opp 
devaient  encore  chaque  année  un  jour,  à  la  NoêLpour  couf 
le  bois  et  rapporter  à  la  maison  du  Comte;  ceux  qui  n  avai« 
pas  de  bèie  de  somme  n*étaient  tenus  qu  a  travailler  un  jour 
couper  le  bois.  Us  devaient,  en  outre,  une  journée  de  travail  i 
carême  pour  la  façon  des  vignes,  une  autre  journée  pour  ia  i 
colle  du  foin,  une  lutre  au  temps  de  la  moisson,  une  autre  i 
temps  des  vendanges,  une  autre  enfin  au  temps  des  semaille 
Les  chevaliers  et  les  fcudataires  du  Comte  étaient  seuls  excmi 
tés  de  ces  six  journées  de  travail.  Les  droits  et  possessions 
Comte  lui  rapportaient  annuellement  3o  livres  tournois  cl 
juridiction  20  livres  tournois,  au  total  5o  livres  tournois. 

A  la  morid*Alfonse(2i  août  1271),  suivie,  trois  jours  apr 
de  celle  de  son  épouse,  tous  les  États  du  Comte  de  Poitiers  ci  ( 
Toulouse  passèrent  à  Philippe  le  Hardi,   roi  de  France, 
neveu^  Le  Pape  réclama  alors  le  Comté-Venaissin,  mais  le  1 
de  France  Ht  la  sourde  oreille.  Enfin,  au  commencement 
J274,  le  Venaissin  fut  remis  au  pape  Grégoire  X  par  Phitipp 
le  Hardi,  et  les  habitants  d*Oppède,  réunis  au  nombre  de  ic 
dans  l*église  paroissiale  dédiée  à  Notre-Dame,  prêtèrent 
ment  de  fidélité  à  leur  nouveau  souverain  le  1 1  des  calendesd 


*  Parmi  ces  209  personnes  figurent  noble  Atfant  Boniface,  cticvihrr  j 
Rostaingdc  Saumanc»bayle  d'Oppède  ;  Bertrand  deTrésémines.  Kaimui 
de  Aurafrigida,  Raymond  de  la  Roque,  chevaJier;  Bertrand  de  Aumil 
chevalier;  Bertrand  Raymond,  damoiseau;  Jean  Iribolau,  -^i^fi» 
d'Oppède. 


-3.9- 

février  (22  janvier)  de  la  même  année.  Dans  la  même  séance, 
Rolland  de  Ménerbes,  Alfant  de  Ménerbes  et  Bertrand  de  Mé- 
nerbes  firent  aussi  hommage  et  prêtèrent  serment  de  fidélité 
pour  tout  ce  qu'ils  tenaient  et  possédaient  à  Oppède  *. 

Oppède  formait  alors  un  des  neuf  bailliages  du  Venaissin. 
Par  acte  du  5  des  ides  de  février  (9  février)  de  la  même  année 
(1274),  la  garde  du  château  fut  confiée  parle  Saint-Siège  à  deux 
chevaliers  de  Saint-Jean-de-Jérusalem,  frère  Augier  (ou  Eugène) 
avec  frère  Foulques  Rostaing  pour  compagnon  '. 

La  même  année,  le  jour  des  nones  d'avril  (5  avril),  noble 
Raymond  de  Maulsang,  vicaire-général  du  Comtat,  arbitre 
choisi  par  le  parlement  de  Ménerbes  et  celui  d'Oppèdé,  fit  une 
délimitation  entre  ces  deux  communes.  Les  seigneurs  et  d'autres 
habitants  de  Ménerbes,  ainsi  que  quelques  habitants  d'Oppède, 
furent  présents  à  cette  opération.  L'acte  fut  reçu  par  Hugues 
Frankenlenii,  notaire  à  L'Isle  3.  Cette  délimitation  fut  confir- 
mée le  23  mars  1763  *. 

Le  4  septembre  1281,  Raymond  Alquiérj',  chevalier,  et  Ber- 
trand Vitalis,  marchand,  procureurs  de  la  ville  de  Cavaillon,  et 
Alfant  Boniface,  chevalier,  et  Pons  Raymond,  procureur  de  la 
communauté  d'Oppède,  donnèrent  pouvoir  à  Raymond  Maul- 
sang,  chevalier,  Guillaume  Olive,  chevalier  de  Saint-Jean-de- 
Jérusalem,  et  Guillaume  Aicard  pour  terminer  les  différends 
entre  ces  deux  communautés  au  sujet  de  leurs  limites  dans  le 
Luberon  s. 

Huit  ans  après,  le  4  des  nones  de  décembre  (2  décembre) 


*  Mémoire  pour  le  Procureur  général^  etc.  tome  l,  pièces  justificatives ^ 
page  Lxxx. 

*  Ibid.,  page  cz. 

»  Cart.  d'Oppède,  n»  i,  et  DD  2. 

*  Arch.  communales  d*Oppède,  DD  2. 

'  Arch.  communales  de  Cavaillon,  DD  i  n»  3. 


320 


î 289,  le  parlement  général  d'Oppède,  réuni  au  poruil  Je] 
place  au  nombre  de  121  personnes,  sous  la  présidence  de  Guil- 
laume de  Héginal.  docteur  ès-lois»  juge  du  Comté  Venaissin, 
en  présence  de  noble  Gîraud  de  Ubra.  vlce-gérent  du  Comut, 
nomma  noble  Raymond  de  la  Roque»  chevalier,  et  Raymond 
Lîffred  d'Oppède»  syndics  ou  procureurs,  à  Teftet  de  traiter  avec 
^  I^évèque  de  Cavaillon  au  sujet  de  la  dîme,  I/acte  fut  reçu  par 
Guillaume  Rodulphe,  notaire  du  Venaissin  ^ 

Le  iG  février  i3o2,  Guy  de  Moniealcino»  sénéchal  du  Comté 
Venaissin,  assisté  de  deux  (et  non  douze)  notables  d'Oppëd^^l 
Raymond  de  la  Roque»  chevalier,  et  Guigues  Garnier,  fît  un 
règlement  pour  Tusage  de  la  montagne  d^Oppède,  ensuite  du 
partage  tait  en  12S1  de  la  montagne  du  Luberon,  dont  ces  deux 
communes  avaient  jusqu'à  ce  jour  joui  par  indivis.  Voîci  en 
substance  ce  que  porte  ce  règlement  :  défense  de  faire  des  dé* 
frichcmcnts  ou  rompues  dans  h  montagne  d'Oppède;  ceux  qui 
en  feront  n  auront  pas  le  droit  d'en  défendre  Tentrée  au  béuil 
et  il  ne  leur  sera  dû  aucune  indemnité  si  leurs  récoltes  soDt 
mangées.  Défense  d  y  couper  du  bois  et  d'y  faire  du  charbon 
dans  le  but  de  les  vendre,  donner  ou  échanger  hors  du  lieu* 
Défense  d'y  faire  des  cendres  appelées  clavelades  et  d*y  cueil- 
lir des  écorces.  Tout  habitant  pourra  construire  une  ramadc 
(abri  fait  avec  des  branches  et  des  feuilles)  pour  son  troupeau 
et  en  jouir  pendant  trois  ans  complets  sans  que  personne  puisse 
rempêcher.  Les  pasteurs  de  la  montagne  pourront  couper  des 
arbres  pour  leur  usage  et  pour  leurs  chevreaux  et  agneaux  quî^ 
à  cause  de  leur  faiblesse,  ne  peuvent  suivre  le  troupeau.  Tout 
habitant  d'Oppède  pourra»  pour  son  usage  ou  pour  décoration 
de  son  habitation,  couper  du  bois  etcueillir  des  rameaux.  Toute 
contravention  aux  dispositions  qui  précèdent  sera  punie  d'une 


•  Cart.  d'Oppède,  n»  a. 


521    — 

amende  de  20  sols  au  profil  de  la  cour  que  le  Pape  tient  à  Op- 
pède.  Le  parlcmeni  qui  nomma  les  deux  syndics  fut  composé 
de  143  personnes,  non  compris  les  deux  syndics.  L'acte  fut 
reçu  par  le  notaire  Raymond  Riperi  *. 

Par  sentence  du  3  décembre  r3i4,  Pierre  Raynardi,  juriscon- 
sulte» procureur  et  avocat  de  la  cour  du  Venaissin,  commissaire 
délégué  par  noble  Bertrand  Augier,  juge  majeur  du  Çomtat, 
reconnut  le  terme  posé  au  lieu  appelé  la  Fourcbe-du-Puy- 
Méjean  comme  séparam,  sur  le  Luberon»  les  territoires  d"Op- 
pède  et  de  Maubec.  L  acte  passé  à  Pernes,  dans  la  maison  du 
Juge,  tut  reçu  par  Guillaume  Faraudi,  notaire  du  Venais- 
sin *.  D'autres  actes  judiciaires  eurent  lieu  les  r\  4.  S,  9  et 
î5  avril  i3i5  sur  le  même  sujet*. 

Par  jugement  du  2  mai  1324,  Bertrand  Nocendi.  vice-juge 
majeur  du  Comtat(en  absence  d'Etienne  de  Videlhac,jui;c  ma- 
jeur et  vice-recteur),  tenant  ses  assises  à  Oppède.  prononça  l'ac- 
quittement de  Raymond  BoUèguc,  Alexandre  Catalan  et  Ber- 
trand de  Trésémines,  poursuivis  pour  avoir  chassé  sur  le  terri- 
toire d'Oppède  avec  des  chiens,  des  furets  et  des  filets  et  avoir 
pris  deux  lapins,  contravention  que  les  statuts  du  lieu  punis- 
saient d'une  amende  de  cent  sols.  Cet  acquittement  fut  pro- 
noncé sur  ce  que  le  lieu  où  le  délit  avait  été  commis  était  limi- 
trophe du  territoire  de  Ménerbes  où  la  chasse  au  lapin  était 
permise.  Le  vice-juge  majeur  fut  assisté  dans  ce  jugement  par 
Arnaud  de  Trians,  seigneur  de  Talard,  Chàteauneuf  et  Mont- 
miral,  maréchal  de  N.  S.  P  le  Pape  et  procureur  et  avocat  de 
la  cour  du  Venaissin,  Pierre  Raynardi»  jurisconsulte,  viguîer 
de  la  cour  papale  de  Bonnîeux»  et  noble  Raymond  de  Suxiis, 
damoiseau,  bayle  eichàtelainde  la  cour  papale  d'Oppède.  L'acte 


*  Cirt*  d'Oppède,  n*>  3. 

•  Ibid.,  D»  4- 

Arch.  commtinaled  d*Oppède,  FF  1,  foL  3i  440, 


coMOfita  21 


^=^3o  — 

tant  quesiîon  de  nos  jours,  était  appliqué  à  Oppèdc  plus  de 
cinq  siècles  avant  nous. 

Bernard  de  la  Salle  étant  mort  vers  le  28  mai  iSgi,  comme 
nous  Tavons  vu,  le  Saint-Siège  reprît  possession  d'Oppêde  qui 
ne  devait  plus  être  inféodé  jusqu'en  i5oi. 

Peu  de  temps  après  la  mon  de  Bernard  de  la  Salle,  le  vil- 
lage d'Oppède  fut  pris  par  les  troupes  du  vicomte  Raymond  de 
Turenne.  On  sait  que  ce  personnage,  qui  avait  à  se  plaindre 
du  Pape,  iui  fit  une  guerre  implacable  et  sema  ruines  sur 
ruines  dans  le  Comtat-Venaissin.  Voici  comment  M.  No^l 
Valois ',  citant  une  bulle  pontificale  du  1 5  décembre  rSgS, 
parle  des  actes  de  ce  vicomte  : 

«  Fréquemment,  le  sang  coulait,  comme  à  la  prise  de  Vai- 
son  qui  fut  l'iruvre  de  Raymond  lui-même.  Visan,  Pierre- 
latte,  Robion,  Ménerbes,  autres  châteaux  du  Comial.  dont  les 
gens  de  Raymond  tentèrent  de  s'emparer»  ne  lui  échappèrent 
que  grâce  à  la  vigilance  de  leurs  gardiens.  Les  châteaux  d*Of>- 
pëdc  et  de  Beaumes  tombèrent  en  son  pouvoir  :  tous  les  habi« 
lanis.  hommes  et  femmes,  furent  emmenés  prisonniers.  De 
nombreuses  habitations  devinrent  k  proie  des  flammes  », 

Raymond  ne  (it  aucun  cas  de  la  bulle  d'excommunication 
lancée  contre  lui  et  continua  ses  méfaits.  Nous  savons  que  ses 
troupes  s'emparèrent  encore,  entre  autres,  de  Lafare,  dans  le 
Comiat,  et  de  Villars,  près  d'Apt. 

Y  a-i-il  exagération»  concernant  Oppêde,  dans  la  bulle  pon- 
tificale, ou  bien  les  gens  de  Raymond  attaquèrent-ils  de  nou- 
veau ce  village?  Quoique  en  soit,  voici  ce  que  nousapprend 
un  document  du  21  mai  1397. 

Raymond  Arnaud ♦  Jacques  uarnier,  Guillaume  Florent  et 
d'autres  ayant  été  arrêtés  à  Oppèdc  et  conduits  en  otage  à 
Roquemartine,  par  Jean  des  Moulins,  dit   Gratuse»  un  dt$ 


La  France  et  te  grand  Schisme  d* Occident,  i,  U,  p.  33^* 


323  - 

-MicheL  L'acte  fut  passé  à  Oppède 
«in  platea  de  ulmos^parle  notaire  Guillaume  Riperi  ^ 

Le  II  avril  iSSg*  le  parlement  généraLd'Oppède,  réuni  *<  in 
platea  diai  castri  sublus  ulmum  ^  en  présence  de  Guillaume 
de  Viainesio,  bayle,  et  de  Marc  de  Calma,  clavaire,  édicta  de 
nouveaux  Uatuls  de  police  complémentaires  des  précédents  et 
dont  voici  la  substance  :  on  ne  chassera  pas  aux  lapins  sur  le 
territoire  de  la  commune  pendant  un  an  à  partir  de  la  Saint- 
André*  Personne  ne  pourra,  pendant  ce  temps,  tenir  à  Oppède 
desiurets,  des  chiens  braques  (entrants),  des  belettes,  etc.  Per- 
sonne ne  pourra,  pendant  le  même  temps,  chasser  les  lièvres 
aux  filets*  Ceux  qui  voudront  chasser  les  lièvres  sans  filets 
pourront  le  faire  depuis  le  col  de  la  Langue-de-l'âne  jusqu^au 
col  du  Deffens,  mais  personne  ne  pourra  les  chasser  dans  la 
plaine,  après  la  Saint-Michel.  A  partir  de  la  même  époque,  il 
sera  défendu  de  tendre  des  lacs  dans  les  clapiers  ou  dans  les 
vignes  ou  sur  le  passage  du  gibier.  Défense  de  mener  paître 
ou  de  vautrer  les  porcs  dans  les  boiies  de  la  Riaille.  On  fera  ce 
qui  a  été  ordonné  par  l'Eglise.  —  A  ce  parlement  assistèrent 
entre  autres  GeofTroi  de  la  Roque,  Guillaume  de  Ginhac,  Gan* 
tel  me  Bolin,  damoiseau,  Raylaud  UtTred,  Pierre  de  Flano  et 
Rostaing  de  Sabran,  seigneur  de  la  Tour  de  Sabran.  L'acte 
fut  reçu  par  Pierre  Canochi,  notaire  de  L*lsle,  et  eut  pour 
témoins  Jacques  Giraud,  vicaire  de  l'église  d 'Oppède,  Ray- 
mond Bollègue,  du  Thor,  et  plusieurs  autres*  Dans  cet  acte  se 
trouve  inséré  tout  au  long  celui  du  2  des  ides  de  février  1245. 
dont  nous  avons  déjà  parlé  -. 

Le  2  juillet  1 340,  le  parlement  d*Oppède  accorda  à  Guillaume 
Corrégati  la  permission  de  couper  du  bois  à  la  montagne  et 
dans  tes  autres  possessions  communales  pour  les  besoins  de 


*  Cart,  d'Oppèdc,  n»  7. 

•  Ibid.,  n-8. 


^  324  — 

la  tuilerie  que  le  d:t  Corrégaii  se  proposait  d  établir  près  de 
Saini-Jean,  au  terriioire  d'Oppède,  sous  robUgation  de  fournir, 
moyennani  5  sols»  5oo  bonnes  tuiles  à  la  commune  par  four- 
née. Cet  acte  fui  reçu  par  le  notaire  Jean  Edïn  '. 

En  1359,  une  procédure  fui  dirigée  contre  les  habitants 
d^Oppède  par  Jean  du  Grès  et  Astruc  et  Philili  Caussin.  frères, 
juifs  ei  rciiiiersdes  revenus  tîscaux  de  la  Chambre  apostolique, 
dans  la  Valmasque,  à  leffei  de  les  faire  condamner  à  acquitter 
les  droits  de  corvée,  tenue  et  gerbaj^e»  pendant  les  douze  der- 
nières années.  Les  habitants  d  Oppède  se  disaient  francs  de  ces 
droits  et  produisirent  à  l'appui  de  leur  prétention  un  acte 
du  9  février  de  Tan  de  T Incarnation  i336,  reçu  par  Ber- 
trand Guillaume,  notaire  à  Oppède.  Le  juge  majeur,  Laugier 
du  VaL  concluait  en  faveiir  des  fermiers;  mais  le  recteur, 
Guillaume  de'Rossilhac,  considérant  que  ceux-ci  n'avaient 
nullement  prouvé  leur  droit,  décida  que  les  habitants  seraient 
maintenus  dans  la  franchise  par  eux  prétendue  jusqu'à  ce  que 
des  preuves  plus  concluantes  eussent  été  produites  devant  la 
cour  majeure.  L'acte  fui  passé  à  Carpeniras,  le  7  scptcm* 
bre  i35g,  par  Elzéar  Bramebaiaille.  secrétaire  de  la  cour  ma- 
jeure, en  présence  de  Laugier  du  Val.  Guillaume  Mille,  juge 
des  causes  majeures  du  Comlat,  Etienne  Paucum  et  Jacques 
Ludi»  de  Pernes  *, 

Le  ^9  décembre  de  l'année  suivante  (  i36oh  par  acte  re*|^u  à 
Oppède  sur  la  place  publique,  par  Bertrand  fjuiilaumc,  notaire 
de  cette  localité,  frère  Jean-Ferdinand  de  Mérédia,  de  l'ordre 
de  Saint-Jean  de  Jérusalem*  châtelain  d'Emposte,  en  Espagne, 
et  capitaine  général  du  Comié-Venaissin  pourTEglise  romaine, 
accorda,  à  la  communauté  d'Oppède,  une  charte  de  privilèges 
portant  entre  autres  :  défense  aux  étrangers  de  venir  garder 


Canul.  d'Oppède,  n»g» 
Ibid.,  n*  10. 


—   52^  — 


leurs  bestiaux  dans  le  territoire  d*Oppède  ;  ordre  de  murer  le 
nati  de  Valette  et  de  tncttre  derrière  six  hommes  de  garde 
temps  de  guerre;  permission  aux  habitants  d'Oppède  de 
!haï>S€r  toutes  sortes  de  gibier  dans  leurs  propriétés  ainsi  que 
Bans  les  domaines  du  Pape,  et  défense  aux  étrangers  d  y  venir 
hasser  sans  la  permission  de  la  cour  ;  injonction  aux  gens 
'Église  et  aux  nobles  de  contribuer,  loui  comme  les  autres  hâ- 
tants d'Oppède.  à  la  garde  du  lieu  ;  pouvoir  aux  hommes 
'Oppède  de  garder  les  clefs  des  portes  dti  lieu. Cet acte*qui  est 
inséré  tout  au  long  dans  un  autre  acte  du    r5  août  i33i  *,  eut 
ur  témoin  Bertrand  Bodaud,  damoiseau  de  Ménerbes,  frère 
uillaume  de  Lauris^  chevalier  de  Saint-Jean  de  Jérusalem, 
récepteur  de  Roussilion,  Raimond  Eutrope,  de  Roussillon, 
'îerreGuison  de  Robion,  et  Jean  Botin. 
Le  ïS  août  i3G4Ja  communauté,  réunie  en  parlement  géné- 
K  sous  la  présidence  de  noble  Alfant  DaureL  châtelain  du 
u.  transigea  avec  Gaucelin  Botin,  Bertrand  Barbe  et  con- 
sorts, au  sujet  du  curage  du  fossé  dans  lequel  passait  Teau  de 
\n  grande  fontaine  des  prairies.  Il  fut  convenu  :  i"  Que  tou- 

R;s  les  fois  qu'il  serait  nécessaire  d^opérer  le  curage  de  ce  fossé, 
^  déblais  seraient  jetés  sur  les  fonds  riverains,  mais  de  ma- 
îère  à  leur  causer  le  moindre  dommage  possible  ;  2"  Que  ce 
curage  ne  pourrait  être  fait  depuis  le  premier  jour  de  Carême 
jusqu  a  la  fétc  de  la  Nativité  de  Saint-Jean-Baptiste;  3*  Que  les 
riverains  ne  pourraient  mettre  obstacle  à  l'écoulement  des 
eaux  en  faisant  dans  ce  fossé  des  barrages  en  pierres;  4^  Qu'ils 
pourraient  les  détourner  pour  larrosage  de  leurs  prairies  ; 
5*  Que  tout  propriétaire  pourrait  faire  abattre  les  barrages 
u\  lui  seraient  nuisibles,  lori^qu'il  voudrait  prendre  de  l'eau 


•  Cart,  ii*Opptât,  n*  53  2*  feaiïle,  et  FF  t,  foL  40-43. 


^—  326  ^ 

pour  ses  besoins  ou  pour  larrosage  de  ses  tonds.  L  ; 
reçu  par  Bertrand  Guillaume,  notaire  à  Qppède  ^ 

Le  21  mars  1370.  uoe  enquête  fut  faite  par  Pons  Jean,  furis- 
consuhe,  juge  et  vîguier  de  Llsle»  assisté  de  Bertrand  Guil- 
laume, vice-chàtelaïn  d'Oppède,  ensuite  de  rincarcéraiîon  à 
Oppède  de  Guillaume  Martin,  de  iMaubec,  habitant  de  Lagnes. 
et  Isnard  Garnier*  de  Saint-Christophe,  bergers  qui  avaient 
mené  paître  les  brebis  du  Chapitre  de  Saini-Didier  d'Avignon 
sur  le  territoire  d'Oppèdc.  11  résulte  de  cette  enquête  que  le 
Chapitre  de  Saint-Didier,  comme  seigneur  de  Maubec,  ne  pos- 
sédait aucun  pâturage  à  Oppède  et  qu'il  n'avait  pas  le  droit 
d'y  envoyer  paître  ses  bestiaux.  Défense  fut  faite,  en  conscf- 
quence,  à  ce  Chapitre^  de  faire,  à  l'avenir,  pâturer  ses  besiiâUTC 
dans  le  territoire  d'Oppède*  Cet  acte  fut  reçu  par  le  notaire 
Pierre  Pranconi  *. 

Le  28  août  j374»  Pons  Barthélémy  ci  noble  Benrand  Barbe, 
dit  Michoni,  donnèrent  quittance  du  prix  des  terrains  qu'ils 
avaient  vendus  à  la  communauté  au  quartier  de  Frigolel  pour 
rélargissementdu  chemin  public*  L'acte  fut  reçu  par  Bertrand 
Guillaume,  notaire  à  Oppède  ^. 

III  —  Troubles  du  Schisme  d'Occident  et  XV'  siàcle. 

Le  village  d'Oppède  fut  mêlé  aux  troubles  qui  marquent  li 
Hn  du  xn-*  siècle  et  le  commencement  du  xv*  dans  le  Comui. 

Il  fut  donné  en  fief  au  célèbre  routier.  Bernard  de  ta  Salie, 
natif  non  d'Agnani,  comme  le  dit  Barjavel  \  mais  bien  dti 


*  Câft.  dOppMf.  H*  H, 

*  Ibid.,  n*  Il  ;  et  FF.  r^  fol,  44*50, 

*  Ibid-,  n*  i3. 

*  DUii^mnaire,  t.  11,  p.  390,  art,  Sâlle  ( Bernard  d«  la). 


—  327  — 

diocèse  d'Agen,  comme  l'a  prouvé  M.  Paul  Durrieu,  d'après 
un  document  des  archives  du  Vatican. 

A  quelle  époque?  Nous  n'en  savons  rien,  mais  probablement 
à  la  fin  de  iSyS,  ou  au  commencement  de  iSyg*.  Cette  inféo- 
dation  n'a  été  connue  ni  par  M.  Paul  Durrieu,  ni  par  M.  Noël 
Valois  ;  seul,  M.  Labande  en  a  eu  connaissance  et  a  préparé 
sur  Bernard  de  la  Salle  un  travail  important  qu'il  a  présenté  à 
l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  et  qui  paraîtra 
probablement  bientôt,  il  faut  l'espérer,  dans  les  Mémoires  de 
ce  corps  savant. 

Bernard  de  la  Salle,  absorbé  par  la  guerre  contre  les  ennemis 
de  Clément  Vil,  ne  pouvait  s'occuper  lui-même  de  ses  nom- 
breuses seigneuries.  Par  acte  passé  à  Fondi,  le  1 1  février  iSjg, 
par  Pierre  Gailhard,  notaire  d'Aix,  il  nomma  pour  son  vicaire 
et  procureur  général  Guillaume  de  Cornac,  archidiacre  d'Aix, 
auquel  il  donna  pleins  pouvoirs  pour  le  représenter  dans  ses 
diverses  seigneuries  et  faire  tout  ce  qu'un  seigneur  peut  faire. 
Cet  acte  très  intéressant  est  inséré  tout  au  long  dans  un  autre 
acte  du  9  mars  i383,  dont  nous  parlerons  bientôt. 

Nous  ne  raconterons  pas  par  le  menu  la  vie  de  Bernard  de 
la  Salle  depuis  sa  prise  de  possession  de  la  seigneurie  d'Op- 
pède,  jusqu'à  sa  mort  dans  les  Alpes  dauphinoises,  avant  le 
28  mai  1391,  lors  de  la  défaite  de  sa  troupe  de  5oo  lances  par 
Jean  III,  comte  d'Armagnac  ;  cela  nous  entraînerait  trop  loin. 
Il  nous  suffira  de  dire  que  ce  capitaine  gascon  avait  de  nou- 
veau changé  de  conduite  et  emmenait  sa  troupe  au  service  de 
Jean  Galéas  Visconti,  duc  de  Milan,  lorsqu'il  périt.  Nous  ren- 
verrons donc  ceux  qui  voudraient  connaître  les  actions  de 
Bernard  de  la  Salle,  étrangères  à  Oppède,  aux  ouvrages  de 
MM.  Paul  Durrieu  et  Noël  Valois,  auxquels  nous  avons  fait 


M.  Lat>ande  pense  qae  cette  inféodation  eat  lieu  en  i38). 


-  32b  - 

de  nombreux  emprunts,  nous  bornant  à  faire  connaître  ici 
les  documents  relatifs  à  Oppède  dans  lesquels  il  paraît  comme 
seigneur. 

Le  27  février  i383,  par  acte  reçu  par  Hugues  Barbier,  notaire 
de  Ménerbcs,  le  Parlement  général  d 'Oppède  réuni  *  in  aula 
Marquetî  de  Flanc  ^  par  devant  Mathieu  d'Abelhard,  chàte* 
lain  et  bayle  d'Oppède  pour  haut  et  puissant  seigneur  mcssirc 
Bernard  de  la  Salle,  seigneur  du  dit  lieu,  nomma  pour  procu- 
reurs Marquet  de  Flano,  Bertrand  de  Valréas.  Pierre  Plumcl. 
Pierre  Guillaume  et  Jacques  Garnîer»  Isnard  de  Florencit. 
Raymond  Uffrcd,  Rostaing  Framaud,  Jean  Etienne,  Jacques 
Catalan,  Vassol  et  Etienne  Chabaud  pour  poursuivre»  devant 
toutes  cours  laïques  et  ecclésiastiques,  une  décision  sur  la  con- 
testation qui  s'était  élevée  entre  la  commune  et  les  nobles  qui  v 
résidaient  au  sujet  du  refus  que  faisaient  ceux-ci  de  concou* 
rira  la  garde  du  lieu  '.  Dans  cet  acte  se  trouvent  les  pouvoirs 
de  capitaine,  châtelain,  bayle  et  clavaire  d'Oppède  donnes  à 
Avignon  le  14  décembre  i382,  par  Guillaume  de  Cornac, 
vicaire  et  procureur  i^'énéral  de  Bernard  de  la  Salle»  à  Mathieu 
d^Abelhard.  Furent  témoins  de  l'acte,  Antoine  Monîcr»  de 
Robion  ;  Pierre  Reynaud,  savetier,  de  iMaubec;  Jean  Audoyn, 
de  Sisleron  ;  Raimond  Ray  nier,  de  Courthezon  :  cl  Jean 
Andras,  de  Robion* 

Par  acte  du  9  mars  i3S3,  reçu  par  Hugues  Barbier,  notaire 
de  Ménerbes  et  passé  à  Oppède  «  m  curtc  fortalicii  prefati 
magnitki  domini  Bernardi  de  La  Salla  i^,  (juillaumc  de  Cor- 
nac, lieutenant  et  procureur  général  de  Bernard  de  la  Salle, 
seigneur  d'Oppède»  assisté  par  Bertrand  de  Falgairal,  chàic 
lain  de  Ponl-de-Sorgues,  rendu  une  sentence  par  laquelle 
condamnait  les  nobles,   domiciliés  à  Oppède,  à  concourir, 


Ciri.  d'Oppède,  n*  i5. 


noi 

: 


—  329  — 

comme  les  anciens  ei  les  autres  habitants»  à  la  garde  des  por- 
tes, murs  et  brèches  du  dit  Oppède.  Les  témoins  de  lacté 
furent  noble  Mathieu  d*Abeihard,  châtelain  et  bayle  dOppède, 
noble  Alfant  Daurel,  Aicard  Guigon.  Pierre  Nogayrol  et  plu- 
urs  autres  habitants  du  lieu.  Au  bas  de  cet  acte,  se  trouvent 
scrés  in-extenso,  comme  nous  lavons  dit*  les  pouvoirs  con- 
rés  à  Guillaume  de  Cornac  par  Bernard  de  la  Salle  \ 
D'après  Barjavel  %  Bernard  de  la  Salle  accompagna  la  reine 
Marie  de  Blois  a  Apt  en  i386  ;  il  est  probable  qu'il  dut  pro- 
litcr  de  ce  voyage  pour  venir  à  Oppède  se  montrer  à  ses  vas- 
saux et  connaître  celte  localité. 

Par  délibération  du  2i  janvier  tîgo,  le  Parlement  gênerai 
Oppède,  réuni  dans  le  ravelin  de  Sainte-Cécilet  vendit  le 
quarantain  de  tous  les  grains  et  fruits  à  récolter  et  des  gains  à 
liser  pendant  un  an  dans  le  lieu  d'Oppède,  à  Henri  Agar, 
stier,  habitant  d'Avignon,  moyennant  140  florins  d'or  de 
sols  pièce  dont  5o  payables  à  la  fête  de  la  Chandeleur,  43  le 
premier  jour  de  Carême  et  45  le  jour  de  Pâques.  Il  est  à  remar- 
ier que  cet  acte  reçu  par  Hugues  Barbier,  notaire  de  Méner- 
s.  qui  est  le  premier  de  ce  genre  se  trouvant  dans  le  Cartu- 
ired'Oppède,  soumet  au  quarantain  les  gains  et  salaires  réali- 
par  les  cabaretiers,  les  hôteliers,  les  logeurs,  les  charretiers, 
vendeurs  de  volaille  et  de  gibier,  les  fabricants,  les  tailleurs, 
les  cordonniers,  les  possesseurs  de  censés  et  services»  de  lods 
et  trezains,  etc. Furent  seuls  exemptés  du  quarantain  le  seigneur 
d 'Oppède,  le  vicaire  perpétuel  du  lieu*  et  Guy  de  Pestel.  cosei- 
gncur  de  Maubec,  pour  ce  qu'il  possédait  à  Oppède  \  Cette 
décision  nous  prouve  que  Timpôt  sur  le  revenu,  dont  il  est 


♦  Cart-  d'Oppkdt.  n*  16. 

■  Dictionnaire  cité,  i,  II,  p.  390»  an.  Salle  iBcrntrd  de  U\, 

*  C«rt.  d*Op(>ède,  n*  17. 


-  33o 

tant  question  de  nos  jours,  éiaii  appliqué  à  Oppède  plus  de 
cinq  siècles  avant  nous. 

Bernard  de  la  Salle  étant  mort  vers  le  28  niai  \3g\,  comme 
nous  l'avons  vu,  le  Saint-Siège  reprit  possession  d'Oppèdcqui 
ne  devait  plus  être  inféodé  jusqu*en  i5o[. 

Peu  de  temps  après  la  mort  de  Bernard  de  la  Salle,  le  vil- 
lage d'Oppède  fut  pris  par  ies  troupes  du  vicomte  Raymond  de 
Turenne.  On  sait  que  ce  personnage,  qui  avait  à  se  plaindre 
du  Pape,  lui  fit  une  guerre  implacable  et  sema  ruines  sur 
ruines  dans  le  Comtat-Venaissin.  Voici  comment  M.  Noél 
Valois  S  citant  une  bulle  pontificale  du  1 3  décembre  i393> 
parle  des  actes  de  ce  vicomte  : 

<  Fréquemment,  le  sang  coulait,  comme  à  la  prise  de  Vai» 
son  qui  fut  Tœuvre  de  Raymond  lui-même.  Visan,  Pierre- 
latte,  Robion,  Ménerbes,  autres  châteaux  du  Comtat.  dont  les 
gens  de  Raymond  tentèrent  de  s*emparer,  ne  lui  échappèrent 
que  grâce  à  la  vigilance  de  leurs  gardiens.  Les  châteaux  d'Op- 
pède et  de  Beaumes  tombèrent  en  son  pouvoir  :  tous  les  habi- 
tants, hommes  et  femmes*  furent  emmenés  prisonniers.  De 
nombreuses  habitations  devinrent  la  proie  des  flammes  y^^ 

Raymond  ne  fit  aucun  cas  de  la  bulle  d  excommunication 
lancée  contre  lui  et  continua  ses  méfaits.  Nous  savons  que  ses 
troupes  s*emparèrent  encore,  entre  autres,  de  Lafare.  dans  le 
Comtat,  et  de  Villars»  près  d'Apt. 

Y  a-t-il  exagération,  concernant  Oppède,  dans  la  bulle  pon* 
lificale,  ou  bien  les  gens  de  Raymond  attaquèrent-ils  de  nou- 
veau  ce  village  ?  Quoiqu'il  en  soit,  voici  ce  que  nous  apprend 
un  document  du  31  mai  1397. 

Raymond  ,\rnaud,  Jacques  uarnier,  Guillaume  Florent  et 
d'autres  ayant  été  arrêtés  à  Oppède  et  conduits  en  ougc  à 
Roquemartine,   par  Jean   des   Moulins,  dit   Gratust,  un  dc^ 


*  La  France  tt  le  grand  Schisme  d' Occident,  i.  If,  p,  JSg. 


-  33i   - 

lieutenants  de  Raymond  de  Turenne.  une  convention  fut 
faite  à  Cavaillon, par-devant  Véran  de  Brieude,  notaire  de  celte 
ville,  entre  la  commune  d'Oppède  et  Philippe  Robert.  Jean 
des  Moulins,  dit  Gratusc,  et  André-Noë  Montrond,  qui  fai- 
saient partie  des  bandes  de  Raymond,  au  sujet  de  la  marque 
que  Gratuse  prétendait  avoir  contre  Oppède  et  ses  habitants. 
Des  difficultés  s^élevèrent  ensuite  sur  la  question  du  paiement 
des  i3o  florins  auxquels  avait  été  évaluée  Tindemoité  due  aux 
prisonniers.  Ceux-ci,  de  leur  côté,  se  refusaient  au  payement 
de  leur  cote-part  dans  le  vinglain  ou  les  vingiains,  dont  la 
commune  avait  voté  l'impôt-  Rostaing  de  CarnioL  procureur 
de  la  commune,  et  Aniomc  Vairéas,  procureur  des  prison- 
niers, de  la  volonté  et  consentement  de  noble  Alfani  Daurel, 
EIzéar  Arnoux,  Hugues  de  Tresémines,  Pierre  Plumel,  Gar- 
nier  Garnier,  Guillaume  Florent  et  EIzéar  Fabre,  prirent  pour 
arbitre  de  ce  diiïérend  Thomas  de  la  Merlie,  archidiacre  de 
Rodez  (et  non  de  Rouen),  trésorier  du  Comiat-Venaissin. 
Celui-ci  décida  que  la  commune  fournirait  iio  florins  de 
rindemnité  due  aux  prisonniers  et  que  Gratuse  et  ses  compa- 
gnons seraient  tenus  d'acquitter  les  20  autres  ;  mais  que, 
moyennant  ce  payement,  les  prisonniers  acquitteraient,  comme 
les  autres  habitants,  leur  part  des  vingtains  imposés.  Cet  acte 
fut  passé  h  Robion  «  in  aula  forialicii  dicti  loci  *  en  présence 
de  Fornier  Daniel,  vicaire  du  dit  lieu,  noble  Alfant  Daurel  et 
Jean  Andras,  du  dit  lieu,  par  Simon  Sal.  clerc  du  diocèse 
de  Saint-Flour.  notaire  public,  habitant  à  Robion  K 

Par  acte  du  lendemain  (22  mai  iSgy),  passé  à  Robion  *f  in 
fortalicîi  dicti  domini  *  par  Jacques  Gilles,  notaire  à  Joucas, 
en  présence  de  maître  Simon  Sal,  notaire,  Raymond  Terrât  et 
Guillaume  Bertrand,  de  Robion,  Thomas  de  la  Meriie,  archi- 


Ctrt.  d  Oppède,  a'  i8. 


'332  - 

diacre  de  Rodez,  souscrivit,  au  profit  d 
ptîde,  représeniée  par  Jean  des  iMoulins»  dit  Gratuse,  Etienne 
Chabaud  et  Restai ng  de  Carniol,  une  quittance  :  r  de  aoo  flo- 
rins ;  2«  de  5oo  florins  ;  3*  de  22  florins  ;  4°  de  1 5  florins  ci 
enfin  de  i3o  florins,  exposés  à  la  poursuite  du  recouvrement 
des  précédentes  sommes  *. 

Cette  afl'aire  était  à  peine  réglée  qu'une  autre  surgissait- 
Réforciat  d'AgouIt,  chevalier  de  Rhodes,  seigneur  de  Vergons» 
nommé  en  1398,  par  Benoît  XIII,  capitaine  général  du  Corn- 
tat,  se  saisit  des  Taillades  la  même  année,  ce  qui  est  rapporte, 
dit  Fornéry  -,  dans  la  sauvegarde  que  le  roi  de  France  accorJâ 
au  Comtat  le  3o  décembre  1398. 

Maître  de  cette  localité,  Réforciat  d'Agoult  la  fortifia  et  en 
fit  son  quartier  général  De  la»  il  faisait  des  courses  pour  sur» 
prendre  tes  localités  voisines  et  rançonner  leurs  habitants,  oc 
négligeant  aucun  moyen  de  remplir  ses  coffres  pour  faire  sab» 
sister  ses  troupes,  Oppède  eut  à  souffrir  de  ce  voisinage,  ainsi 
qu*cn  fait  foi  un  acte  du  21  novembre  1399  dont  voici  la  subs- 
tance ; 

Un  poste  de  gens  de  guerre,  commandé  par  noble  Perrinct 
du  Four,  capitaine  de  la  Rogue  d'Anihéron,  connétable  des 
troupes  des  Taillades,  enleva  dans  une  de  ses  courses  Jacques 
l  ffred  d'Oppède  et  l'emmena  prisonnier  aux  Taillades. 

Celui-ci,voyantqu  on  torturait  les  prisonniers,  trouva  moyen, 
une  nuit,  de  s*évâder  du  plus  haut  point  du  château  où  il  était 
détenu.  Il  n*avait.  disait-il  dans  sa  requête,  pas  encore  convenu 
de  sa  rançon  avec  celui  qui  lavait  capturé,  ei  n'avait  pas  pris 
par  serment  rengagement  de  ne  pas  s'enfuir. 

En  apprenant  cela.  Perrinet  du  Four  écrivit  aux  capitaines 
et  syndics  d'Oppède,  une  lettre  qu'il  adressa  à  Praoçoîs  de 


•  Mst>  n*  54  j  de  la  HibL  de  Carpeniroi,  pa^o  4i5. 


-  333  - 

Conzié,  archevêque  de  Narbonne  et  camérier  du  Pape,  pour 
réclamer  3o  écus  d*or  pour  la  rançon  du  fugitif,  menaçant  de 
prendre  marque  contre  Oppède  et  de  se  payer  au  quadruple. 
L  ffred  écrivit  de  son  côté  pour  demander  protection,  protes- 
tant contre  l'illégalité  de  sa  capture  et  contre  ses  concitoyens 
qui  menaçaient  de  le  livrer  à  Perrinet  s*il  ne  payait  pas.  Le 
camérier  commit  cette  affaire  à  Thomas  de  la  Merlie,  trésorier 
duComtat-Venaissin,qui  reconnut  injuste  la  capture  d'Uffred, 
mais  qui,  pour  éviter  des  malheurs,  décida  qu'il  serait  payé  à 
du  Four  i5  écus  par  Uffred  et  i5  par  la  commune,  en  réservant 
à  celle<i  son  recours  contre  Uffred  pour  être  remboursée.  L'acte 
fut  passé  à  Robion,  dans  le  ravelin  du  portail,  par  Simon  Sal, 
notaire  de  ce  village,  en  présence  de  noble  Jean  Botin,  Ber- 
trand Raffard  et  Guillaume  Reynardi  du  dit  lieu.  Dans  cet  acte, 
est  insérée  la  lettre  de  Perrinet  du  Four,  qui  est  en  français  et 
dont  voici  la  teneur  : 

«  Chier  e  grant  ami,  je  me  recommande  a  vos  et  veullies  sa- 
voir que  je  me  donne  grant  mervelhe  de  ce  que  vous  ne  maves 
fait  paier  les  xxx  scus  de  quoy  tant  de  foys  vos  ay  script  et  saves 
que  je  en  ay  fait  coure  devant  aupeda  et  ay  fait  randre  la  prise, 
excepté  un  cheval  que  je  garde  touiours  pour  cuider  que  vos 
maportassies  mon  argent  et  je  vous  euse  randu  le  cheval  et 
seray  bon  coursie  que  si  il  my  convient  coure  autrefois,  et  je 
neuse  pas  tant  attendu  ce  ne  fut  pour  ce  que  meser  le  senescal 
raen  avoit  scrit  quil  me  seroit  paier  pour  quoy  je  vos  prie  et 
requier  que  dedans  quatre  jours  vous  me  ayes  envoyé  mon  ar- 
gent ouïe  bayliesau  bourc  de  la  melee  et  vous  en  feres  quite 
ou  autrement  je  vous  promet  que  je  feray  en  manière  que  le 
denier  vous  coûtera  quatre  et  de  cy  en  avant  me  ternes  pour 
excuse,  ce  vous  ne  me  fêtes  reson  encontinent,  diou  soit  garde 
de  vous.  Scrit  au  Puy-Sainte-Réparade,  le  xxii"  jour  de  setem- 
bre,  de  par  Perrinet  du  Four  »*. 


*  Cait.  d'Oppëde,  n*  20. 


-  334  - 

Pour  ne  pas  être  foulés  davantage  par  les  troupes  des  Tail- 
lades, les  gens  d'Oppède  firent  probablement  cause  commune 
avec  elles.  Ceci  ressort  de  deux  documents  qui  nous  appren- 
nent que  les  Oppédois  avaient  fait  des  courses  sur  le  territoire 
de  Lauris. 

Le  premier  de  ces  documents  est  un  traité  du  lo  mars  1400, 
entre  noble  Jean  de  Cucuron,  représentant  le  seigneur  et  la  dame 
de  Lauris,  et  noble  Gaucelin  Botin,  représentant  la  commune 
d'Oppède,  au  sujet  des  dommages  causés  aux  gens  et  à  la  com- 
mune de  Lauris  par  ceux  d'Oppède,  pendant  et  depuis  la 
guerre  des  Taillades.  Il  est  convenu,  par  ce  traité,  que  la  com- 
mune d'Oppède  comptera  à  celle  de  Lauris,  avant  Pâques, 
55  florins  d*or  et  qu'elle  fera  transporter  à  ses  frais  dans  celle- 
ci  sept  tonneaux  de  bon  vin.  Les  gens  d'Oppède  rendront  éga- 
lement à  ceux  de  Lauris  tous  les  bestiaux  qui  leur  ont  été  pris, 
ceux  qu'ils  détiennent  encore  et  tous  ceux  ainsi  pris  qui 
seront  trouvés  vivants,  en  quelque  lieu  que  ce  soit.  L'acte  fut 
passé  à  Bonnieux  par  Jacques  Ruffî,  notaire  de  cette  localité, 
en  présence  de  noble  Imbert  Geoffroy  et  Gilibert,  habitants  de 
Bonnieux  '. 

Le  second  de  cesdocumentscomplète  le  premier,  dans  lequel 
il  est  question  du  dédommagement  des  habitants  de  Lauris; 
c'est  une  sentence  rendue  le  9  avril  de  la  même  année  1400, 
par  Réginal  Pétri,  docteur  ès-lois,  juge  de  L'Isle,  délégué  à  cet 
effet  par  le  Recteur  du  Comtat,  contre  la  commune  d'Oppède, 
dont  les  habitants  avaient  fait  des  courses  sur  le  territoire  de 
Lauris  (et  non  Lagnes,  comme  le  dit  par  erreur  Y  Inventaire), 
en  faveur  du  seigneur  de  Lauris  qui  avait  obtenu  à  ce  sujet 
une  marque  contre  Oppède.  Par  cette  sentence,  le  Juge  décida  : 
!•  qu'Oppède  serait  tenu  de  payer  45  écus  d'or  au  seigneur  de 


'  Cart.  d'Oppède,  n«  22. 


-  335  - 

Lauris  ;  2^*  qu^Alfant  Garnier.  Guillaume  Florent,  Pierre  Plu- 
mel  et  leurs  adhérents  qui  avaient  fait  dans  ces  derniers  temps 
des  courses  sur  le  territoire  de  Lauris,  à  l'occasion  de  la  guerre 
qui  se  faisait  entre  la  place  des  Taillades  et  le  Comtat-Venais- 
sin,  payeraient  le  restant  de  la  marque  du  dit  seigneur,  se 
montant  cinq  florins  ;  3*  que  les  gens  de  Lauris,  qui,  par  Tirf- 
termédiairedes  susnommés,  avaient  recouvré  les  bestiaux  que 
ceux  des  Taillades  leur  avaient  pris,  leur  en  rembourseraient 
la  valeur,  afin  de  les  aider  à  acquitter  la  somme  mise  à  leur 
charge  ;  4°  si  la  commune  d'Oppède  était  obligée,  pour  se  con- 
former à  cette  sentence,  d'imposer  une  taille*  elle  serait  répar- 
tie sur  tous  en  proportion  des  biens  possédés  par  chacun 
Lacté  fut  passé  par  Jean  Bonicosii, notaire, nous  ne  savonsoù, 
la  fin  de  la  pièce  manquante 

Reforciat  d'Agoult,  maître  des  Taillades,  faisait  la  guerre, 
disait-il,  pour  recouvrer  les  sommes  que  lui  devait  le  Saint- 
Siège.  Il  ne  laissait  passer  aucune  occasion  de  rançonner  les 
localités  voisines.  Un  valet  de  sa  maison  ayant  été  tué  par  des 
gens  de  Chàteauneuf-du-Pape,  cette  commune,  pour  s'éviter 
des  malheurs,  transigea  avec  Reforciat  et  consentit  à  lui  don- 
ner en  compensation  200  livres  de  20  sols  pièce,  somme  qui  lui 
fut,  en  effet,  versée  le  i3  juillet  iSgg*. 

Il  ne  se  faisait  pasfaute  non  plus  de  donner  asile,  dans  la  for- 
teresse des  Taillades,  aux  ennemis  du  pape  de  Rome.  Ainsi, 
Antoine  de  Luna,  qui  abandonnait  la  Rectorie,  vint  s'y  réfu- 
gier en  quittant  Carpentras,  en  novembre  iSgS  '. 

Comme  on  le  voit,  la  place  des  Taillades  incommodait  fort 
les  localités  voisines,  et  cette  situation  ne  pouvait  durer,  d'au- 


*  Cart.  d'Oppède,  n«  23. 

*  Archives  commanales  de  Cbâteanneaf-Calcemier  00  du  Pape,  AA  i. 

*  Charles  Cottixi,  oaTrage  cité,  p.  io3. 


336 


tant  plus  que  Reforcrat  d'Agoult  ne  se  ravitaillait  que  < 
ment. 

Déjà,  il  y  avait  eu  des  pourparlers  entre  Reforciai  et  Be- 
noît XIII  ;  enfin,  une  semence  arbitrale  du  23  mai  1399,  ratifiée 
le  26  par  les  deux  frères  d*Agoult  et  le  27  par  le  Pape,  fixa  à 
6*000  florins  Tindemnitéqui  serait  allouée  à  Reiorciat  d'Agoulî 
ei  qui  serait  payée,  savoir  :  5. 000  florins  par  Benoît  XIIJ  cl 
i.ooo  florins  par  le  Comtat»  la  ville  d'Avignon  ci  le  Sacré- 
Collège,  moyennant  quoi  la  reddition  de  toutes  ses  places  cl 
l'évacuation  de  ses  soldats  étrangers  auraient  lieu  dans  quinte 
jours.  Benoît  s*exécuta  sans  retard,  le  Comtat,  la  ville  d*Avi* 
gnon  et  le  Sacré-Collège  s'exécutèrent  sans  doute  aussi,  de  sorte 
que  le  village  d'Oppède,  par  le  départ  de  Forciat,  départ  qm 
n*eui  toutefois  pas  lieu  avant  le  i3  juillet,  se  trouva  débarrassé 
des  inconvénients  résultant  de  son  voisinage  des  Taillades*. 

La  iranquillitc  et  la  sécurité  étaient  revenues  à  Oppcde.mais 
ce  ne  fut  malheureusement  pas  pour  de  longues  années.  Avant 
de  retracer  Toccupation  d'Oppède  par  Rodrigue  de  Luna,  oous 
allons  faire  connaître  trois  autres  documents. 

Le  4  août  1402,  une  enquête  fui  faite  sur  le  droit  qu  avaient 
les  habitants  d'OppèdCt  et  notamment  Jean  de  FUux,  Gull* 
laume  Isnard,  Alfant  Garnier,  Guillaume  Botin  et  consorts,  de 
faire  rouir  leurs  chanvres  dans  toute  la  longueur  du  fosse  dcî 
Croies»  droit  contesté  par  d  il!  erents  particuliers  qui  prétendaiem 
que  ce  fossé  devait  être  réservé  pour  labreuvage  des  bœufs  et 
vaches* 

Par  sa  sentence  du  8  août  1402  {et  non  8  mars  1403),  Rcgi- 
nal  Pétri,  juge  de  L'ïsie,  décida  que  la  commune  serait  m^itit 
tenue  dans  la  possession  de  ce  fossé  et  dans  le  droit  d\  UÎR 
rouir  le  chanvre.  Le  1 1  du  même  mois»  noble  Alfant  Daureli 


*  Noël  Valois;  ouvrage  cité,  t.  111,  pages  217-318. 


-337- 

vice-bayle  de  ta  cour  d*Oppède,  donna  connaissance  aux  inté- 
ressés de  la  décision  du  Juge,  L'acte  fut  passé  à  Oppède,  sur  la 
place  publique,  par  Jacques  Gilles,  notaire  de  Joucas  V 

Le  20  juin  1404,  Aimon  Dalhc,  vice-recteur  du  Comtat,  ren- 
dit une  semence  arbitrale  sur  une  contestation  survenue  entre 
la  commune  dXlppède  et  l'abbc  de  la  Chaise-Dieu,  comme  sei- 
gneur de  la  Tour  de  Sabran,  lequel»  contrairement  aux  statuts 
d'Oppède,  y  avait  envoyé  paître  des  bestiaux  dont  les  habitants 
s*éiaient  emparés  et  qu*ils  n'avaient  voulu  rendre,  malgré  l*or» 
drc  que  le  recteur,  Antoine  de  Luna,  leur  en  avait  donné  par  sa 
lettre  du  28  mai  1404,  Il  fut  décidé  que  Jean  de  Gardelle,  bayle 
d*Oppède.  ferait  rendre  les  cinq  moutons,  lanesse  et  l'ànon 
saisis  par  Rosiaing  de  CarnioL  ancien  bayle,  et  ses  justiciables 
àGuigue  Marssatî,  prieur  de  Saint-Palais  (Sancti  Paladii),  dio- 
cèse de  Bourges,  procureur  de  la  Chaise-Dieu  pour  le  domaine 
de  la  bastide  de  Sa  bran,  et  que  celui-ci  paierait  les  frais  et  s'abs- 
tiendrait à  Tavenir  d'envoyer  paître  sur  le  territoire  d'Oppède 
des  brebis  ou  autres  animaux.  L'acte  fut  passé  à  Carpentras 
«  tn  piano  rectoriatus»,  par  Jean  Aulanherî, clerc  du  diocèse  de 
Viviers,  notaire  à  Carpentras,  en  présence  de  Jean  Barihélcmi, 
aussi  nouirc  à  Carpentras,  Guillaume  de  Prunis,  de  Mor- 
motron,  et  noble  Antoine  Burgondion,  de  L'IsIe,  châtelain 
d'Oppède  et  procureur  de  Rosiaing  de  Carniol  ^ 

Le  7  février  1408,  par  devant  Etienne  Chabaud,  vice-bayle 
de  la  cour  dOppède,  Rosiaing  de  Carniol  et  Pierre  et  Guil- 
laume Ayceline  se  désistèrent  de  l'instance  qu'ils  avaient  intro- 
duite contre  la  commune  d'Oppède  pour  la  possession  d'un 
hermas  servant  de  pâturage  et  de  passage  pour  te  bétail  qu'on 
allait  abreuver  à  la  fontaine  de  Codolozan  et  confrontant  le 


*  Cart,  dOppedtf»  n»34. 


coNaifei  ^  22 


338 

fossé  et  le  chemin  de  Saint-Anioine  et  le  chemin  qui,  de  Caiail- 
Ion,  Kobion  cl  Maubec,  s  en  va  à  Ménerbes.  L  acte  fuipds> 
la  place  publique  d'Oppède  par  Jacques  Gilles,  notaire  de  j^^ 
cas,  en  préîience  de  Rostaing  Chaberi,  de  Faucon,  diocèse  de 
Cîap,  Arnaud  Petit,  de  Sainte-Jallc,  môme  diocèse»  et  BcrinuiJ 
Catalan  •. 

IV.  —  Occupation  d'Oppède  par  Rodrigue  de  Lmuu 


fl  y  avait  à  peine  dix  ans  que,  Reforciat  d'Agouk  ayant  éva- 
cué les  Taillades  Ja  tranquillité  était  revenue  à  Oppède,  quand 
de  nouveaux  malheurs  fondirent  sur  ce  village, 

u  Lorsque  le  pape  Benoît  XIII  éioit  parti  pour  Savone,  il 
avoil  ordonnée  Rodrigue  de  Luna,  son  neveu,  de  s'assurer  de 
la  ville  d'Avignon,  en  fortifiant  le  Palais  et  les  autres  postes  pn>- 
pres  à  lui  conserver  la  ville.  Il  lui  avoit  associé  un  cxcellcni 
homme  de  guerre»  Bernard  de  Sos,  vicomte  d'Evoii.  Les  com- 
mandants ayant  encore  introduit  à  Avignon  de  nouveaux  ren- 
forts catalans,  ils  furent  en  état  d'occuper  te  Palais  avec  ia 
deux  autres  forts  qui  éloient  sur  la  roche  des  Domsja  tour  qui 
est  à  la  léte  du  poni,  le  petit  Palais  ei  l'église  cathédrale  ^ 

«  Rodrigue  de  Luna,  en  introduisant  une  forte  garnison  dam 
le  palais  d'Avignon,  s  etoit  saisi  en  même  temps  du  château 
d*Oppède(  1409)»  qui  étoit  alors  regardé  comme  une  des  plus 
fortes  places  de  la  province,  il  y  avoit  laissé  une  fonc  garnie  :i 
de  Catalans,  disent  les  actes  de  ce  temps-là*  Son  dessein  cuj. 
avec  ces  troupes,  de  faire  contribuer  tout  le  Comtai  et*  parleur 
moyen,  tavoriser  le  passage  de  nouvelles  troupeiqu'il  aiteadoît 
de  Catalogne. 


Cart  d'Oppède,  a*  a6. 

Fo»»ii»t«  msL  547  de  là  Bibt.  de  Ccr^entfms.  | 


-  339- 

«  Pour  mettre  à  couvert  le  Comtat-Venaissîn  des  courses  de 
ceue  garnison,  Jean  de  Poitiers,  Recteur  du  ComXat,  en  vertu 
des  ordres  qu*il  avoit  reçus  du  cardinal  légat,  disposa  toute 
chose  pour  bloquer  Oppède,  et  pour  disputer  le  passage  aux 
nouvelles  troupes  que  les  ennemis  attendoient,  il  fit  des  levées 
de  soldats  aux  dépens  du  pays  et  forma  bientôt  un  corps  con- 
sidérable, tant  d'infanterie  que  de  cavalerie,  qui  fut  posté  si 
avantageusement  que  Tennemi  n'osa  pas  l'attaquer  ni  pénétrer 
dans  le  Comtat  comme  il  faisoit  auparavant.  Ses  soins  s'éten- 
dirent aussi  sur  les  autres  places  exposées;  par  son  ordre  du 
i3  oaobre  1410,  il  commit  à  noble  François  du  Barroux  la 
garde  du  Barroux,  Saint-Jean  et  Saint-Pierre  de  Vassols,  le 
cloître  de  Modéne,  delà  bourgade  du  Barroux,  de  l'hospice  du 
Groseau,  de  Serres  et  de  Travaillan. 

«  Les  châteaux  de  la  judicature  de  Valréas  furent  confiés  à« 
la  garde  de  Jacques  Gay,  Pierre  Delphini  et  d'Albert  Abellari  : 
c'étoient  les  châteaux  de  Boson,  d'Asta  (?),  de  Pierrelatte,  de  Ri- 
cherenches,  de  Bolboton,  de  Boisset,de  Sainte-Cécile,  de  Saint- 
Pantaléon  et  de  Saint-Roman  de  Malegarde. 

«  Et  celles  de  la  judicature  de  L'IsIe,  où  sont  nommées  Ca- 
brières,  Vaucluse,  la  Bastie  (bastide  ou  Tour  de  Salsan),  et  Mé- 
nerbes,  furent  confiées  à  la  garde  de  noble  Antoine  Burgondion 
et  de  Raimondon  de  Paceas.  Cet  ordre  est  adressé  à  Astoaudus 
Astoaudi,  conseigneur  de  Mazan,  qui  y  est  qualifié  de  «  no- 
bilis  et  potens  vir  »  et  de  «  domicellus  »  *. 

Les  sages  précautions  prises  par  Jean  de  Poitiers  ne  furent 
pas  inutiles  ;  la  garnison  d'Oppède  continua  bien  à  faire  quel- 
ques courses,  mais  elle  ne  put  recevoir  des  secours. 

«  Je  ne  parle  pas,  dit  M.  Noël  Valois*,  d'une  petite  troupe 


FoKiitiiY,  mst.  647  de  la  Bibl.  de  Carpentras,  pages  S^g-bSo. 
'  Oavrage  cité,  t.  IV,  page  166. 


—  340  — 

de  vingt  à  vingt-cinq  cavaliers,  conduite  par  les  seigneurs 
Etienne  de  Bacin  ei  Guichard  de  la  Tour  qui  s'en  vint  de  Sa'. 
voie,  au  mois  d  avril  1411.  pour  tâcher  de  porter  secours  aui 
Espagnols  de  la  garnison  d'Oppède.  Ils  furent  laits  prisonniers 
à  Caromb(Vaucluse),  par  Eudes  de  Villars,  et  emnffenésàCar- 
pentras,  d'où  ils  ne  s'évadèrent  qu'au  bout  de  quatorze  mois, 
dans  la  nuit  du  10  juin  1412  >». 

Cependant,  les  frontières  du  Comiai  n  ctaieni  point  tran- 
quilles. «  Du  côté  du  Dauphiné,on  craignoit  toujours  uneînva* 
sion  des  troupes  du  capitaine  d*l£niremonts  et  autres  associés. 
|1  falloit  entretenir  à  grands  frais  des  garnisons  dans  tous  les 
châteaux  et  autres  places  sur  la  frontière;  mais  les  principaux 
officiers  des  troupes  du  Comtat  ayant  représenté  au  vicaire  du 
Pape  que  les  troupes  qu'on  avoit  mises  dans  quelques-uns  de 
ces  lieux  n'y  étoient  point  en  sûreté,  comme  à  Richerenchcs,  a 
Saini-Panialéon  et  à  Bolboion,  on  démolit  ces  lieux  après  en 
avoir  retire  les  garnisons,  donc  on  renforça  celles  des  autres 
places  ;  du  côté  de  la  Provence  on  démolit  Cabrièrcs  ei  la  gar- 
nison se  mit  à  renforcer  les  autres  postes  et  surtout  les  bordsdu 
Rhône  pour  en  défendre  le  passage  aux  troupes  des  capitaines 
Sallemonc  et  d'Eniremonis,  et  comme,  malgré  le  blocus  d'Op- 
pède^  la  garnison  ne  laissait  pas  que  de  faire  des  counies,  le 
gouverneur  (du  Palais?),  au  commencement  de  141  payant 
proposé  une  trêve,  elle  fut  acceptée  pour  le  repos  des  lieux  cir- 
convoisins  »  '. 

Pendant  cette ircve,  le  roi  de  France  intervint  ei  il  y  eut  des 
conférences  de  part  et  d'autre,  en  vue  de  la  conclusion  d*ui> 
traité,  «c  Entin,  ce  fut  par  l'entremise  de  Pierre  d*Acigné,  séné- 
chal de  Provence,  et  de  Philippe  de  Poitiers  qui  avoit  amené 
du  secours  afx  Avignon  nais,  que  le  traité  fut  conclu  le  3ô  scp- 


FonnÉHT,  fflst.  1770  d 'Avignon,  pugcs  697-^. 


^34'  - 
3rede  lan  141  u  enire  François  de  Conzie.  archevêque  de 
Jarbonne,  camérier  du  pape  Jean  XXI  11  et  son  vicaire  général 
CCI  Étal;  Jean  de  Poiiiers,  évèque  el  comte  de  Valence  et  ck 
^îe,  recteur  du  Comiat-V^enaissin,  et  Constantin  de  Pergula,  se- 
rélaire  du  Pape,  Du  côié  des  assiégés,  parurent  Bernard  de 
Ds,  vicomte  d*Kvoli,  et  Rodrigue  de  Luna,  Par  le  premier  ar- 
de»  il  fut  stipulé  que  les  assiégés  pourroient  envoyer  trois  per- 
sonnes» avec  chacune  un  valet,  pour  aller  en  Catalogne  infor- 
mer Benoît  XIII  de  I*état  du  Palais  et  du  château  d'Oppèie  et 
pour  demander  du  secours.  11  fut  accorde  que  si  dans  cinquante 
jours,  il  n'arrivait  aux  assiégés  un  secours  suffisant  pour  faire 
lever  le  siège,  ils  seroient  tenus  de  rendre  le  Palais  avec  tous 
les  autres  postes  aussi  bien  que  le  château  d'Oppède,  et  de  vui- 
der  entièrement  cet  État,  leur  étant  permis  d'emporter  armes  et 
bagages. 
<t  Plus  que  durant  ces  cinquante  jours,  il  y  auroit  trêve  entre 
assiégés  et  les  Avignonnais  et  entre  la  garnison  d'Oppède 
et  les  gens  du  Comtat.  durant  laquelle  il  seroit  fourni  en 
payant  aux  ennemis  des  vivres  et  médicaments  tous  les  deux 
jours  1^*. 
Tels  sont  le?  principaux  articles  de  ce  traité  que  Ton  peut 
lir  dans  Fanioni^i.  I,  page  298,  et  dont  plusieurs  éuient  rela- 
fs  à  Oppède. 

i  Ce  traité  fut  fidèlement  exécuté  de  part  et  d  autre.  La  garni- 
>n  d'Oppède,  n'ayant  pu  être  secourue,  se  décida  à  capituler. 
|Lc  2a  novembre  141 1,  les  gens  de  Benoît  XIII  évacuèrent  le 
Palais  des  Papes  et  le  château  d'Oppède;  les  uns  retournèrent 
dans  leur  pays  avec  un  sauf-conduit  du  Roi  ;  les  autres  s'en- 
gagèrent au  ser\icc  du  duc  Louis  d'Anjou  *. 


'  FoR^isf,  mst.  2770  d'Avignon,  page  6^9. 
*  \oét  Valois,  ouvrage  cité.  t.  IV,  pige  170.  Dans  la  note  4  de  la  même 
page»  cet  auteur  dit  :  «  J  ai  relevé  plusieurs  paiements  faits  par  Benoît  XIII  1 


—  342  — 

En  évacuant  Oppède,  les  gens  d  armes  de  Benoît  XIII  dévas- 
tèrent et  ruinèrent  le  château,  qui  fut  ensuite  remis  en  él^i  par 
les  soins  de  Guillaume  de  Baux  et  de  Jean  de  Cadard.  comme 
on  le  verra  plus  loin. 

Après  la  reddition  d*Oppède  par  Rodrigue  de  1-una  et  ses 
Catalans,  Thistoire  de  cette  localité  perdant  beaucoup  de  son 
intérêt,  nous  allons  raconter  brièvement  les  faits  qui  s'y  som 
passés  jusqu  a  Textinciion  du  Schisme  d'Occident  (1449 k  ou 
pluièi  jusqu'à  Tinféodation  aux  Meynier,  en  i5ok 

De  ï4(2  à  1436,  la  commune  d'Oppède  soutint  un  proccî» 
contre  les  coseigneurs  de  Maubec  qui  prétendaient  avoir  le 
droit  de  faire  paître  sut  son  territoire  leurs  bêtes  bovines  et  ovi- 
nes. Le  procès,  engagé  en  1412  devant  la  cour  d'Oppède,  fut 
perdu  par  les  coseigneurs  de  Maubec*  Guy  de  Pesiello»  cheva- 
lier, seigneur  de  Baransac,  l'un  d'eux,  se  pourvut  en  appel 
devant  la  cour  de' la  rectorie  du  Comtat-Venaissin,  en  1414 
La  procédure»  suspendue  en  t4i6,  fut  reprise  en  1418,  puh  en 
1433  et  enfin  en  1436.  Les  intérêts  de  la  commune  furent 
d  abord  confiés  à  Pons  Chapelli  et  plus  tard  à  Pierre  V'alni. 
ceux  des  co-seigneurs  de  Maubec  à  Jean  Mostérii  et,  plus  tard, 
à  Bertrand  Boiini.  Etienne  et  Jean  de  Bompuy,  père  et  tiJs,  de 
Maubec,  ayant  succédé  aux  droits  de  Guy  de  Pestello.  poursuî* 
virent  Taffaire  en  dernier  lieu.  Jean  de  Chalmeti,  procureur 
fiscal  du  Comiat-Venaissin,  défendait  les  intérêts  de  la  Cham* 
bre  apo«ïtolique  et  déposa  des  conclusions  favorables  aux  inté- 
rêts delà  commune.  Il  produisit  à  leur  appui  :  i"  une  sentence 
arbitrale  des  r\  4,  H,  9  et  1 5  avril  i3i5.  de  laquelle  il  ressorult 
que  la  commune  d'Oppède  était  en  possession  du  droit  de  ban 


dtirant  les  mois  suivante,  tux  défenseurs  d^Oppède  ou  du  cblteAûde»  ^ê* 
pcs<Arch.  du  VâJ  rcg.  Aven.  lAU»  foi.  387  r»,  ago  v».  3o8  v»,  3igr«,  J»f, 
3a  I  r*.  3^  v).  Je  signalerai  pariicaiièrement  un  don  gracîetu  de  4«ooo  Ao* 
rins  d*or  qu'il  t]t,  le  4  mars  141  a,  au  vicomte  d'Evoli  (IbUL,  (ùU  88  ^|  t« 


—  343  — 

et  que  quelques-uns  des  coseigneurs  de  Maubec  avaient  seule- 
ment droit  d'envoyer  paître  leurs  bêtes  à  laine  sur  le  territoire 
d'Oppède  ;  2'  la  charte  du  châtelain  d'Emposte,  du  29  décem- 
bre i36o;  3-renquête  du  21  mars  1370,  de  laquelle  il  ressortait 
que  la  commune  avait  obtenu  une  sentence  favorable  contre  le 
chapitre  Saint-Didier  d'Avignon, alors  coseigneurdeMaubec,  et 
dont  les  droits  avaient  été  transmis  successivement  a  Pestello 
et  à  Bompuy.  Le  commencement  du  registre  *  manquant,  on 
ne  peut  savoir  quelle  solution  définitive  eut  cette  affaire.  Tou- 
tefois, comme  les  documents  produits  par  le  procureur  fiscal 
éuient  favorables  à  la  commune  d'Oppède,  il  est  très  probable 
qu'elle  obtint  gain  de  cause^. 

Le  2  février  1420,  le  parlement  général  des  chefs  de  famille 
d'Oppède,  réuni  sous  la  porte  du  lieu,  sous  la  présidence  de 
Siffrein  Uffred,  vice-bayle,  donna  procuration  à  Jacques  Uf- 
fred  et  Pierre  Chabaud,  pour  souscrire,  moyennant  742  florins 
d'or,  la  vente  passée  par  la  commune  à  Jacquemin  Tullia, 
marchand  d'Avignon,  de  la  dîme  des  blés,  raisins  etautres  pro- 
duits du  territoire  d'Oppède,  à  percevoir  pendant  six  années. 
Cette  aliénation  eut  lieu  pour  acquitter  la  cotisation  imposée  à 
la  commune  dans  la  répartition  des  dettes  du  pays,  savoir  : 
3oo  florins  d'or  à  (iuillaume  Barthélémy,  marchand  d'Avignon, 
et  242  florins  8  gros  à  divers.  L'acte  fut  passé  par  Jean  Scartti, 
notaire  à  Bonnieux^. 

Le  5  juin  1420,  Jacques  Uffred  et  Pierre  Chabaud  souscrivi- 
rent, au  nom  de  la  commune,  une  obligation  de  6  salmées 
d'avoine,  au  profit  de  Pierre  Alphant,  licencié  aux  droits,  de 


*  ArchÎTes  commanale?  d'Oppède,  FF  1,  petit  in-folio  de  i58  feuillets, 
dont  plusieurs  en  blanc. 

*Nous  aTons  analysé  ci-devant  les  pièces  des  29  décembre  i36o  et  21  mars 
1370. 

»  Cart.  d'Oppède,  n*  27. 


-344- 

L*Islc.  Laoïe  fui  passe  à  L'Isle  par  Jean  Préposiu.  fiouuc  ac 
cette  ville  \ 

Le  3[  mars  1433,  le  parlement  général  d*Oppède,  réuni  par 
devant  Jean  Vallerii,  capitaine  et  bayle  d'Oppède,  donna  pro- 
curation à  Siiïrein  UlTred  et  a  Monei  PlumeL  d'Oppède.  pour 
gérer  et  défendre  les  i  nie  rets  de  la  commune.  L  acte  fui  passé 
sous  le  portail  d'Oppède  et  reçu  par  Antoine  Milo,  notaire  de 
cette  localité*. 

Le  Hî  juin  1431:1,  le  parlement  général»  réuni  sous  le  grand 
portail  d'Oppède  par  devant  le  bayle  Jean  des  Moulins,  donna 
procuration  à  Monei  Catalan  et  à  Antoine  Trésémines  pourre* 
présenter  la  commune  dans  toutes  les  affaires  qu*ellc  avait  et 
celles  qu'elle  pouvait  avoir.  L  acte  fut  reçu  par  Antoine  Milo, 
en  présence  de  Jean  Valléry.  vicaire  perpétuel  d'Oppède,  ei 
Raymond  Liienne'. 

Le  14  septembre  1439,  le  parlement  général»  réuni  par  un 
mandement  de  noble  Jean  de  Cadard,  seigneur  de  Beau vezci. 
châtelain  d'Oppède,  donna  procuration  générale  à  Jean  Etienne 
et  à  Jean  Morlnas.  dit  Médicis.  L'acte  fut  passé  dans  le  château 
d'Oppède  par  Antoine  Milo,  notaire  de  village,  en  présence  de 
Mathieu  de  Villebrame,  châtelain  d'Oppède,  et  de  Nicolas  Jou* 
ben*. 

Le  ati  octobre  1444*  Antoine  Trésémines  et  Elzé^ir  tci*iud. 
agissant  comme  syndics  et  procureurs  d'Oppède,  vendirent  a 
Pélegrin  de  Bunellis»  marchand  et  citoyen  de  Carpeniras, 
26  quintaux  de  laine  bonne  et  marchande»  pour  le  prix  de 
32  florins,  payé  comptant.  L'acte  fut  passé  à  Carpeniras  par 
Pierre  Valendi,  notaire  de  cette  ville  \ 


«  CifL  d*Oppède,  n'  aS. 

•  Ibid.,  Il*  3o. 

•  Ibid.»  n*  3i. 

•  Jbid.,  n*  5a. 

•  Ibid  .n*  33. 


^345  - 

Le  i()  mai  1433,  Jean  Bouier  de  Maubcc  vendit  à  la  com- 
mune d'Oppède,  pour  le  prix  de  4  florins  d'or,  une  cave  et  un 
cellier  contigus,  situés  sous  les  mursd'Oppède,  joignant  le  logis 
de  Monet  Pomard  et  au-dessus  du  grenier  d'Etienne  Grivolat 
et  de  la  chambre  de  la  CKariié.  Lacté  fut  pissé  sur  la  place 
publique  d*Oppèdc  par  Barthélemi  Raymond,  notaire  de  Ro- 
bion,  en  présence  de  Matliicu  de  Villebramc,  capitaine  d'Op- 
pèdc,  et  Guillaume  Gilles,  Jean  de  Flaux  et  Jacques  Athenoux, 
du  même  lieu.  Le  28  janvier  de  Tannée  suivante,  la  commune 
fui  investie  de  cette  cave  et  de  ce  cellier  par  la  Chambre  apos^ 
loliqueV 

Par  acte  passé  à  Oppède  sur  la  place  publique  par  le  même 
notaire,  en  présence  de  plusieurs  témoins,  enir'autres  jc  noble 
Geoffroy  Botin,  le  10  décembre  1439»  la  commune  d*Oppèdc. 
représentée  par  ses  syndics  Jean  Morinai,  dit  Médicis,  et  Juil- 
lan  Gilles,  fit  un  échange  de  maison  de  l'hôpital  d'Oppèdc  avec 
Hugues  de  Trésémines-. 

Le  lî  décembre  1473,  il  fut  passé  une  transaction  entre  Jac- 
ques Perrin,  clerc  du  diocèse  de  Eïourges.  vicaire  perpétuel  de 
l'cglisc  paroissiale  d'Oppède  dédiée  à  la  bienheureuse  Vierge 
Marie,  et  la  commune  d*Oppède  représentée  par  Ekéar  Cuni- 
culij  un  des  syndics.  Gaspard  de  Carniol  et  Guillaume  Ager, 
sur  la  dimc  de  tous  les  fruits  du  territoire  et  la  part  que  devait 
prendre  le  vicaire  perpétuel  à  Tentretienet  réparation  des  orne- 
ments de  régUse.  L'acte  fut  passé  à  Oppède,  dans  Téglise  même, 
derrière  le  grand  autel,  par  Mathurin  Peyron,  notaire  d*Oppède, 
en  présence  de  Michel  Chambon,  Pierre  Bonoceti  et  Simon  de 
Brina,  prêtres  habitant  le  lieu  d'Oppède^. 


*  Cart.  d'Oppède,  n*  34. 

>  Papiers  de  la  Charité,  parchemin  non  numéroté. 

'  ArchiTes  communaJes  d'Oppède,  GG  24, 


Le  II  mars  1476,  la  commune  transigea  avec  Pascal  Garnier 
des  Taillades  au  sujet  des  bornes  qui  devaient  séparer  les  hcr- 
mas  communaux  d'avec  les  terres  et  vignes  du  dit  Garnier  du 
côté  de  la  combe  de  Caveirane  et  de  la  fontaine  des  Fermiers. 
L'acte  fut  passé  à  Oppède.  sur  le  terrain  contesté,  par  Maiht 
rin  Peyron,  noiaire  à  Oppède,  en  présence  de  Jean  Redonicr 
bachelier  aux  lois,  juge  de  la  cour  majeure  de  Llsle,  Jean  Co$^ 
tin  et  Jean  Parent*, 

Le  24  mai  1483,  la  commune  constitua  au  profit  de  noble" 
Thomas  Busoffi,  bourgeois  d'Avignon,  une  pension  de  10  Ho* 
rins  pour  son  capital  de  100  florins.  Cet  acte  fut  reçu  par  Boni* 
face  de  Blengeriis,  notaire  à  Avignon.  Le  capital  fut  remboursé 
le  28  mai  i486  % 


V. 


Les  institutions. 


administration  municipale  —  D'après  les  comptes  consc 
vés  à  Paris  aux  Archives  nationales  •*  et  reproduits  dans  THis 
loire  générale  de  Languedoc  *,  Oppède  formait  au  milieu  du 
xm*  siècle  un  des  bailliagesduComtat-Venaissin,  bailliage  qui. 
de  1357  à  ia38,  produisit  au  comte  Alfonse  70  livres  tournoK. 

A  la  même  époque.  Oppède  avait  aussi  un  châtelain  cl  nous 
trouvons  en  mai  1269  Tordre  donné  par  Alfonse  de  Poitiers 
à  son  châtelain  d'Oppède  d'aller  faire  ferrer  ses  chevaux  à  Avk 
gnon  ou  à  Tarascon  5. 

Sous  le  gouvernement  du  Saint-Siège,  le  lieutenant  ^ics  j^d^x 


>  Can.  d*Op|>«de.  n«  16. 

•  Ibid  .  n»  37- 

*  I.  357.  n*  6t,  comptes  de  l*.innée  nSj. 

•  Edition  Priviu  lomt  \U\,  p. 

*  Correspond,  adininist.  d'AtfORse  de  Poitiers,  pitbliée  pu  Au^-  MiM> 
winm.  H'  174I. 


-347- 

chef  de  toute  Tadministration  d'Oppède,  porta  le  titre  de  capi- 
taine châtelain  et  bayle  ^ 

Mais  ce  fonctionnaire  pouvait  nommer  lui-même  un  châte* 
lain  pour  la  garde  du  château  et  un  bayle  pour  présider  l'admi- 
nistration municipale  et  rendre  la  justice  ;  il  gardait  pour  lui 
le  contrôle  de  toute  l'administration  et  rendait  la  justice  quand 
il  ne  se  nommait  point  de  bayle  ou  qu'il  s'agissait  de  causes 
importantes.  Représentant  du  Pape,  il  était  charge  de  la  con- 
servation et  de  la  défense  des  droits  et  de$  intérêts  du  Saint- 
Siège  et  assurait,  en  outre,  le  maintien  de  Tordre  et  de  la  sécurité 
dans  la  commune. 

Lorsque  quelque  intérêt  communal  était  en  jeu,  le  bayle 
donnait  Tordre  au  sergent  de  la  cour,  qui  était  pn  même  temps 
crieur  public,  de  convoquer  le  parlement  des  habitants  du  lieu. 
Il  était,  nous  Tavons  vu,  lieutenant  du  capitaine-châtelain  et 
pouvait  nommer  lui-même  un  lieutenant  ou  vice-bayle  pour 
le  remplacer  en  cas  d'empêchement. 

Faute  de  documents  plus  anciens,  ce  n'est  qu'en  1274,  lors 
de  la  délimitation  entre  Ménerbeset  Oppède,  que  nous  voyons 
le  parlement  de  cette  dernière  localité  apparaître  pour  la  pre- 
mière fois. 

Le  parlement  générai  qui  devait  se  composer,  comme  plus 
tard,  de  tous  les  chefs  de  famille,  n'avait  pas  de  lieu  fixe  pour 
ses  réunions  :  il  s'assemblait  tantôt  sous  la  grande  porte  du 
lieu,  tantôt  sous  l'orme,  tantôt  dans  le  château,  tantôt  ailleurs. 
il  décidait  lui-même  sur  les  questions  qui  lui  étaient  soumises 
et  nommait,  s'il  y  avait  lieu,  des  syndics,  acteurs  ou  procu- 
reurs. Pour  que  les  décisions  prises  par  le  parlement  fussent 
valables,  il  fallait  que  les  réunions  se  composassent  au  moins 
des  deux  tiers  de  ceux  qui  avaient  le  droit  d'y  assister. 


*  Ce  fonctionnaire  recevait  de  la  Chambre  apostolique  un  salaire  annuel 
de  100  flor,  dont  80  pour  lai  et  ao  pour  ses  lieutenants. 


^  348  — 

Lorsqyll  y  avait  à  faire  une  transaction  ou  un  compromis, 
à  opérer  une  délimitation  de  territoire  ou  un  bornage  de  itf- 
rains,  à  intenter  ou  à  détendre  un  procès,  à  soutenir  enfio  ane 
cause  quelconque  où  l'intérêt  de  la  commune  était  en  jeu,  le 
parlement  général  élisait  deux  et  quelquefois  plusieurs  syndics, 
acteurs  ou  procureurs. 

^^Les  syndics,  acteurs  ou  procureurs,  ainsi  nommés  pour  une 
cause  quelconque,  étaient  investis  de  tous  les  pouvoirs  néccs- 
saires  pour  mener  à  bien  cette  cause,  et  ces  pouvoirs  finissaient 
avec  la  cause  elle-même,  c'est-à-dire  que,  la  cause  hnicv  îctifs 
fonaions  cessaient. 

Plus  tard,  les  attributions  des  syndics  devinrent  plus  stable* 
et  s*élendirent  à  tout  ce  qui  intéressait  la  commune,  et.  vers  le 
milieu  du  xv*  siècle»  leurs  fonctions  devinrent  annuelles.  Ce 
furent  alors  les  syndics*  au  nombre  de  deux,  qui  faisaient  con- 
voquer le  parlement  général  lorsqu'il  y  avait  Heu  de  le  réunir 

Parfois  aussi  les  syndics  ou  procureurs  s'adjoignaient  d'au- 
tres personnes  pouvant  les  aider  dans  leur  tâche.  Les  personnes 
ainsi  choisies  par  les  syndics  ou  procureurs  prenaient  le  litre  de 
conseillers.  C'est  ainsi  que,  dans  Tactedu  4  des  nones  de  décem- 
bre 1289.  nobles  Raymond  Rainoardi  et  Alfant  Boniface,  che- 
valiers, Pierre  Raimbaud  et  Pierre  Raimond  m  bonos  viros  • 
figurent  comme  conseillers  choisis  par  les  deux  syndics  ou  pro- 
cureurs. 

Nous  n'avons  pas  trouvé  trace  de  trésorier  municipal  pcn* 
danî  lepoque  dont  nous  nous  occupons;  cependant, il devati y 
en  avoir  un  pour  percevoir  les  recettes  et  payer  les  dépenses. 
Or,  comme  dans  ces  temps  reculés  les  pouvoirs  n'étaient  pâs 
encore  nettement  séparés,  le  clavaire  ou  trésorier  de  la  cour 
papale  d'abord,  les  syndics  ensuite  durent  remplir  celle  fonc- 
tion. 


—  349  - 

Nous  avons  fait  connaître  quelques  procureurs  au  cours  de 
notre  récit.  Voici  leà  noms  de  quelques  autres  : 

i3i4.  Bertrand  de  Ginhac  et  Guillaume  Uffred. 

i356.  Pierre  Framaud,  Michel  Capus  et  Jacques  Dassol. 

1 356.  Bertrand  Garnier,  Guillaume  Garnier,  Antoine  Hugues 

et  Pierre  Framaud. 
1359.  Pierre  Chabaud,  Pons  Plumel  et  Hugues  Aldebert. 
i36o.  Guillaume  de  Ginhac  et  Raymond  Uffred. 
1374.  Guillaume  Garnier,  Hugues  Raymond  et  Hugues  de 

Trésémines. 
1399.  Rostaing  deCarniol  et  Etienne  Chabaud. 

Administration  judiciaire.  —  Nous  avons  vu  que  le  capi- 
taine châtelain  et  baylc,  lieutenant  des  Papes,  était  le  chef  de 
l'administration  du  pays  et  spécialement  de  la  justice.  Il  était 
assisté  dans  ses  fonctions  judiciaires  par  un  clavaire,  un  subs- 
titut fiscal  et  un  sergent  ordinaire.  Lorsque,  au  lieu  de  rendre 
la  justice  lui-même,  il  la  faisait  rendre  par  le  bayle,  celui-ci 
était  assisté  des  mêmes  fonctionnaires.  Cet  état  de  choses  dura 
jusqu'à  rinféodation  à  Accurse  de  Maynier,  en  i5oi. 

Quant  au  clavaire  ou  trésorier,  il  percevait  les  amendes  infli- 
gées par  la  cour  et  avait  la  garde  des  clefs  du  coffre  où  l'on 
enfermait  leur  produit.  Nous  n'en  connaissons  qu'un  seul,  Marc 
de  Calma,  qui  paraît  dans  l'acte  de  i339. 

Voici  la  liste  de  quelques  capitaines  : 

1420.  Guillaume  de  Baux. 
1425.  Jean  de  Cadard. 
1433.  Jean  Vallerii. 
1436.  Jean  de  Cadard. 
1453.   Mathieu  de  Villebrame. 
1460.  Pierre  de  Cadard. 
1479.  Louis  de  Vassadel. 


-  35o  — 

Voici  les  noms  de  quelques  bayles  ; 
1274.  Raimond  de  Saumanc. 
i3o2.  Alfanl  RadeL 
1397.  SiiTrein  Uffred. 

1404,  Rostaing  de  CaroioL 
1404,  Jean  de  Gardelle. 
1435,  Jean  des  Moulins. 

Voici  les  noms  de  quelques  vice-bayles  : 
1403.  Noble  Allant  Dorel. 
1408.  Etienne  Chabaud. 
1420,  Sîffrein  Ulîred. 

Les  causes  jugées  par  la  cour  papale  d^Oppède  pouvaient 
être  portées  en  appel  devant  la  cour  majeure  de  l'Isle,  decelle<i 
au  vice-légat  à  Avignon,  et  du  vice-légat  à  Rome. 

Administration  militaire.  —  Le  châtelain  avait  la  garde  du 
château  et  devait  veillera  sa  sûreté  et  à  sa  défense.  C'était  lui  qui 
commandait  la  garnison  entretenue  dans  le  château  même  €t 
les  postes  placés  aux  portes  du  village,  postes  dont  celui  du 
portail  de  Valette,  d  après  la  charte  de  Jean-Ferdinand  de  Héré- 
dia.  châtelain  d*Emposte»  devait  être  de  six  hommes.  Le  châ- 
telain était  donc  ce  que  Ton  appellera  plus  tard  un  gouverneur 
militaire. 

Nous  avons  vu  que,  dès  1269,  il  y  avait  un  châtelain  à  Oppède 
Au  début  de  la  domination  pontificale,  il  y  en  eut  un  auss»» 
mais  nous  ne  voyons  pas  que  le  château  fût  gardé  par  des 
hommes  d  armes  ;  probablement,  comme  te  conjectua*  For- 
néry,  les  habiunts  du  pays  en  faisaient  la  garde  à  tour  de  n5le. 

Nous  voyons  que,  plus  tard,  en  i36o,  en  vertu  de  la  charte 
du  châtelain  d'Emposte,  le  portail  de  Valette  doit  être  muré, 
gardé  à  l'intérieur  par  six  hommes  en  temps  de  guerre,  et  que 
lous  les  hommes  d'Oppède,  unt  roturiers  que  nobles  et  gens 


^  35i  - 

d'église,  doivent  contribuera  la  garde  du  lieu.  Nous  avons  vu 
aussi  que  les  nobles  d'Oppède  qui  avaient  voulu  s'affranchir 
de  cette  obligation,  furent  condamnés,  en  vertu  du  jugement 
du  9  mars  i383  rendu  par  Guillaume  de  Cornac,  vicaire  géné- 
ral de  Bernard  de  la  Salle,  à  concourir,  comme  les  autres  habi- 
tants, à  la  garde  des  portes,  brèches  et  murs  d'Oppède. 

Le  château  d'Oppède  existait  déjà  en  1209,  mais  nous  ne 
savons,  faute  de  documents,  à  quelle  époque  il  avait  été  cons- 
truit. Lorsque  Rodrigue  de  Luna  s'en  empara  en  1409,  il  dut 
sans  doute  augmenter  ses  défenses.  En  évacuant  le  château,  en 
141 1,  Rodrigue  de  Luna  et  ses  Catalans  le  dévastèrent.  Guil- 
laume de  Baux,  nommé  capitaine  châtelain  par  Martin  V  en 
1420,  dépensa,  pour  y  faire  les  premières  réparations,  874  flo- 
rins d'or  (environ  10.800  francs)  qui  lui  furent  remboursés  par 
son  successeur.  Jean  de  Cadard,  nommé  en  1425.  Celui-ci  con- 
tinua les  réparations  et  y  dépensa  encore  2.800  florins  (environ 
35.000  francs).  Ces  dépenses  furent  constatées  par  un  procès- 
verbal  d'expertise,  dressé,  le  26  novembre  1460, à  la  demande  de 
Pierre  de  Cadard,  seigneur  du  Thor,  fils  et  héritier  de  feu  Jean 
de  Cadard,  et  les  sommes  dépensées  furent  remboursées  par 
le  Saint-Siège  au  dit  Pierre  de  Cadard  *. 

Pendant  l'occupation  d'Oppède  par  les  Catalans,  il  y  eut  une 
forte  garnison  au  château.  A  partir  de  cette  époque  et  jusqu'à  la 
Révolution,  il  y  eut  toujours  un  gouverneur  et  une  garnison, 
comme  nous  le  prouvent  plusieurs  documents  des  archives 
communales. 

Voici  les  noms  de  quelques  châtelains  pendant  l'époque  qui 
nous  occupe  : 

1274.  Jean  Tribolati. 


*  Bibl.  d'Avignon,  mst  3879,  folio  65.  Ce  folio  est  composé  de  quatre 
feuilles  de  parchemin  cousues  bout  à  bout. 


-  352  - 

Frère  Augier  (ou  Eugène)  avec  frère  Foulques  Ros" 
compagnon. 

.  Berirand  de  Barras. 
.  Noble  Raymond  de  Suxiis* 
.  Guillaume  Deltenaris. 
,  AUant  Boiin.  damoiseau. 

Noble  Alfani  Daurel. 

Noble  Maihieu  d'Abelliard. 

Antoine  Burgondion. 

Rodrigue  de  Luna. 

Mathieu  de  Villebrame. 

noms  de  deux  vice<hâielains  : 
i328.  Arnaud  de  Saint-Privai. 
J370.   Bertrand  Guillaume. 

Administration  religieuse.  —  Pendant  la  période  dont  nous 
nous  occupons,  Oppcdc  était,  au  point  de  vue  religieux,  une 
paroisse  du  diocèse  de  CavaiMon.  Cette  paroisse,  dont  IVglisc 
devait  être,  plus  tard,  au  milieu  du  xvr*  siècle,  érigée  en  collé- 
giale, était  alors  un  prieuré  administré  par  un  vicaire  perpétuel 
ou  prieur  «  priore  seu  vicarii  »,  lisons-nous  dans  le  document 
de  1289,  Ce  prieur  ou  curé,  vu  Timportance  de  la  paroisse. 
devait  avoir  un  ou  deux  vicaires  amovibles  ou  secondaires. 

L'église  paroissiale,  sous  le  titrede  Notre-Dame,  eitistait  dé|à 
en  1235,  mais  nous  ne  savons  ni  quand  ni  par  qui  elle  avait  été 
édifiée,  Massillian  ',  Fornéry  '  et  Lapilly  ^  ne  donnant  pas  la 


'  BibJ.  d'Avignon,  rast  ï3H5,  foUo  «36. 

"  BtbL  de  Carpentras,  msts  n"  549-550, 

*  Diçtionnairf  géographique,  historique  et  politique  des  Gaules  et  ée  U 
France,  article  Oppède  ;  —  Manuscrit  du  même  aateur  sur  Avignon  et  \e 
Comtât-VenAi5sin«  à  la  Bibl»  d'Avigoon. 


'date  de  sa  construction.  Au  commencement  du  xvr  siècle,  plus 
exactement  en  i5n,  celte  église  est  Jésignée  sous  le  nom  de 
Notre-Dame  de  Dolidon  ♦^  béate  Marie  de  Dolidonis  »,  Nous 
avouons  ne  savoir  nullement  d'où  vient  ce  nom  de  Dolidon  ma- 
ladroitement transformé  en  d'Alydon* 

Cette  église  fut  restaurée  en  1547.  De  nouvelles  réparations 
furent  faites  en  ï8i5,  et  en  1869»  elte  fut  mise  en  l'état  où  elle 
se  trouve  aujourd'hui. 

Voici  la  liste  des  prieurs  dont  nous  avons  pu  trouver  les 

noms  pour  la  période  antérieure  à  i5oî  : 

1274,  Pierre  Raymond. 

i33q.  Jacques  Giraud. 

1390.  Pierre  Sîger. 

1436,  Jean  Vallery. 

1473.  Jacques  Perrin* 

Outre  réglisc  paroissiale,  ii  y  avait  de  nombreuses  chapelles 
rurales  dans  le  territoire.  Le  polyptyque  du  Venaissin  au  livre 
rouge  du  comte  de  Toulouse»  dressé  en  i253,  fait  mention, 
article  Oppède,  de  celles  de  Sainte-Cécile,  Saint-Sébastien^ 
Saint-iMartin,  Saint-Cassien,  Saint-Anton  in  et  Saint-Jean. 
Celte  dernière  est  signalée  dans  un  acte  du  2  juillet  1340  *  et 
celle  de  Sainte-Cécile  figure  dans  des  actes  des  i*r avril  i3i5p 
26  avril  1348,28  janvier  et  3  novembre  1390,  Celle  de  Saint- 
Laurent  appartenait  jadis  au  prieur  de  Saint-Étiennede  Méner- 
bes  et  6gure  dans  deux  actes,  Tun  du  28  août  1487  et  l'autre 
du  t3  octobre  i5oo* 

A  ces  sept  chapelles,  il  faut  ajouter  celle  de  Saint-Joseph  (à 
côté  de  la  mairie,  reconstruite  et  agrandie  en  1757)»  celle  de 
r Hôpital  et  celle  des  Pénitents  blancs.  De  ces  dix  chapelles,  il 


•  Càti.  d:Oppède.  n'  9. 


COKÛHàl  ^3 


-  354  — 

ne  subsiste  plus,  aujourd'hui,  que  celles  de  Saîni-Anionin»  de" 
Saint-Laureni,  de  l*Hôpital  et  des  Pénîtenis  blancs  <. 

Dans  la  période  dont  nous  retraçons  rhistoire,  il  y  avait  deux 
cimetières  à  Oppède,  celui  de  l'église  paroissiale  et  ccloî  de  la 
chapelle  de  Sainte-Cccile.  En  effet,  dans  le  testament  de  Rav- 
monde,  épouse  de  Marc  de  Calvia»  notaire  à  Oppède»  du 
22  mai  1347,  on  lit  :  «  El  eligo  in  sepulturam  corpori  meo  in 
ecclesie  béate  Marie  de  Oppîda  in  tumulo  scu  monimentum 
suum  meorum  >.  Dans  celui  de  Jean  Barbier,  du  26  avril  1348, 
on  lit  :  ^  El  eligo  sepulturam  corpori  meo  in  cimenterie  ecclesie 
sancteCecilîe  dicti  loci  in  tumulo  sive  scpulturis  domini  patris 
mei  )*. 

Institutions  charitables.  —  L'Hôpital  existait  dtfjà  au  milieu 
du  xm'  siècle  ;  il  en  est  plusieurs  lois  question  dans  le  Livre 
rouge,  article  Oppède.  En  suite  d'un  échange  conclu  le  to  dé- 
cembre J45q  entre  la  commune  et  Hugues  de  Trésémincs. 
rHôpital  d'Oppède  fut  changé  de  place.  Enfin,  en  [776.  il  fui 
encore  déplacé  et  installé  dans  11  m  meuble  qu'il  occupe  encore 
aujourd'hui. 

Quant  à  l'oeuvre  de  la  Charité,  elle  n  est  guère  moins  an- 
cienne que  rhôpital,  ainsi  que  le  prouve  un  vieil  inventaire  de 
ses  archives.  Cet  inventaire,  dressé  en  1778,  signale  aH  docu- 
ments sur  parchemin,  auxquels  il  faut  en  ajouter  2  qui,  pour  un 
motif  quelconque,  ne  furent  pas  inventoriés.  De  ces  3o  docu- 
ments» dont  le  plus  ancien  était  de  1329,  i3  seulement  estis- 
leiit  encore  aujourd'hui  et  vont  du  22  mai  1347  au  aHaoûtiSSS; 
ce  sont  les  numéros  2,  3»  ii,  ï3»  14.  i5,  i6«  24,^5,  a6,  28  ci 
ceujt  des  10  décembre  1459  et  17  septembre  1548, 

La  Charité,  qui  était   alors  pour  les    pauvre:!^   ce  qu'est 


La  confrérie  des  Pénitents  blancs  est  al>olie  depuis  plus  de  Soattt. 


-  355  - 

aujourd'hui  pour  eux  le  bureau  de  bienfaisance,  possédait  déjà 
des  propriétés  assez  considérables  en  1329,  et,  à  partir  de  cette 
date,  elle  reçut  de  nombreux  legs,  tant  jusqu'à  la  fin  du  xiv*  siè- 
cle que  dans  le  courant  du  xV  et  des  suivants.  Elle  était  admi- 
nistrée par  un  bayle  et  2  ou  3  recteurs,  dont  les  fonctions 
étaient  annuelles. 

Furent  recteurs  de  la  Charité  : 

1387.  Hugues   de  Trésémines,  Jean   Etienne  et    Monet 

Vassol. 
1390.  Noble  Alfant  Daurel  et  Pierre  Plumel. 

Fut  bayle  : 

1399.  Guillaume  Uffred. 

Autres  institutions  :  Institutions  financières.  —  Les  seu- 
les ressources  de  la  commune  étaient  ses  forêts  et  ses  pâtura- 
ges. Lorsqu'elles  étaient  insuffisantes,  ce  qui  arrivait  souvent, 
on  établissait  le  souquet  (impôt  sur  le  vin),  la  rêve  (impôt  sur 
la  viande)  et  le  capage  sur  les  bestiaux.  Lorsque  les  dépenses  à 
faire  étaient  trop  considérables  pour  que  ces  ressources  pussent 
suffire,  on  votait  l'imposition,  soit  d  un  quarantin,  soit  d'un 
vingiain,  soit  d'un  dizain.  Cest  ainsi  qu'il  fut  voté  la  levée 
d'un  quarantain  en  1390.  d'un  vingtain  en  1397,  d'un  autre 
vingtain  en  1399  et  d'un  dizain  en  1420. 

Le  notariat.  —  Le  notariat  existait  à  Oppède  aux  xiv«  et 
xV  siècle.  Voici  la  liste  des  notaires  d'Oppède  dont  nous  avons 
trouvé  les  noms  pendant  la  période  dont  nous  nous  occupons: 
1347.  Marc  de  Calvia. 
i356.  Bertrand  Guillaume. 

1413.  Jacques  Gilles,  clerc  de  Joucas  (diocèse  d'Apt). 
1433.  Antoine  Milo,  clerc  de  Pontvellin  (diocèse  de  Vé- 
létri). 


-  356  - 

1473.  Mathurin  Peyron, 
1499,  Léonard  Peyron, 

Inatitutions  scolaires.  —  (I  y  avait  des  écoles  dans  diverses 
communes  du  Comtat,  dès  le  milieu  du  xiv*  siècle.  Les  délibé- 
rations et  les  compies  d'Oppède  ne  remontant  pas  à  Tépo^iic 
du  ^rand  Schisme  d'Occident,  nous  ne  saunons  dire,  faute  de 
documentas!  les  écoles  que  nous  voyons  fonctionner  en  i5So 
dans  cette  localité  existaient  pendant  la  période  dont  nous  oou^ 
sommes  occupés. 

Institutions  joyeuses.  —  Dans  chaque  localité  du  Comtat, 
il  y  avait,  avant  la  Révolution,  les  chefs  des  plaisirs  qui  diri- 
geaient les  danses  et  autres  divertissements  de  la  jeunesse  lort 
des  fèies  publiques  Les  chefs  des  plaisirs  portaient  des  noms 
divers  variant  avec  les  localités  ;  abbés  de  la  jeunesse*  abb^ 
de  Malgouvert,  abbés  de  Bongouvert,  abbés  de  la  Basoche, 
princes  d'atîiour.  rois  des  bouviers,  roi  des  vignerons,  rois 
des  arbalétriers,  rois  des  arquebusiers-  Nous  ne  saurions  dire 
non  plus,  faute  de  documents  plus  anciens,  si  la  compagnie 
des  arbalétriers  et  celle  des  arquebusiers*  que  nous  %*oyon$ 
fonctionner  à  Oppède  en  i54*jet  même  en  r536.  cïistaicn! 
pendant  la  période  dont  nous  venons  de  retracer  rhistoîre. 

VI    —  Appendice. 

Toponymie.  —  Le  polypiique  du  Venaissin,  dressé  en  ia53. 
renferme,  article  Oppède,  de  nombreux  noms  de  lieux-dits. 
dont  beaucoup  portent  encore  les  mêmes  désignations  dans  le 
cadastre  actuel.  Nous  citons  tous  ces  quartiers  en  mcitani 
entre  parenihcsc,  à  côté  des  noms  anciens»  les  noms  donnés 
par  le  cadastre  actuel  : 


Marquier»  Acha,  Gaviac,  Furnis.  Putheum  novum»  Crucem, 
reiro  Castèllum,  Thorale  rfourail»,  Causalonem  (le  Caulon), 
Gencirac  ((jeneiras),  Combrès  (Combrès),  Praia,  Briquna 
(Brécugne),  AIrico,  Sainie-Cécilie  (Saime  Cécile),  Foniainil- 
las  (Fontanille),  TombarcI  (  Tombereau),  Casanova  m  (Case- 
neuve),  Foniem  Hu^onis,  Codalei  (Coudourei),  Fontem  coo- 
pcrtum  (Font  couverte).  Poaracam,  Tailhadas,  Boisson  redon, 
Agasium,  valle  Berme,  Saussum,  Périssol  (Pérussol),  Barail 
(Barraih,  Caniaperdnx(Canteperdrix)»Conquas(les  Conques), 
Malperius  (Malperiuis),  Condamina  (la  Condamine),  Jaubert» 
S-"*  Cassianum  (Saint-Cassien)»  Garrigam  (la  Garrigue)*  Fon- 
iem Corium,  Ripam  fraciam  (Ribefache),  S'""  Martinum 
i Saint-Martin),  Auream  Vacam,  Pérîer  de  Casauc.  S*""  Sébas* 
lianum  (Saint-Sébastien),  Rascassac,  Chabergam»  valle  de 
Fors,  Corrososa  (Courroussoudeu  Podio  rotundo  (Pierredon), 
Fontem  pratum,  Fontem  de  Auriolo»  Vaicarolus,  Rigaui 
(Rïgouau)»  S"**  Antoninum  (Saint-Antonin)»Carnave  (Carna- 
vci)t  Podio  Guererio,  Boisseriam  (les  Bouîsserettcs),  Ghaberta, 
01ivarium«  S^""*  Johannem  (Saint-Jean). 

Les  anciennes  familles  —  Plus  de  i5o  familles  différentes 
habitèrent  Oppùde  pendani  les  xnr,  xiV  et  xv  siècles.  Les 
principales  de  ces  familles  étaient  celles  de  :  de  Boniface.de 
Boiin.  d*Aurafrigida,  de  Flaux,  de  Guigon,  de  Bompuy,  d'Au- 
neU  de  la  Roque,  Framaud»  Valréas,  Plumel,  Catalan,  Silves- 
tre.  Gavaudan,  Garnier,  Pélissier,  Gauiier,  Joubert,  Corregaii, 
Morinaii,  Hugon,  Guillaume.  Trésémines.  Ftorencii»  Bonnet, 

De  toutes  ces  nombreuses  et  anciennes  familles,  seules  celles 
de  :  Pélissier,  Silvestre,  Garnîer,  Molinas.  Deflaux,  [Bonnet, 
Bompuy,  Gévaudan  résident  encore  dans  la  commune* 

Toutes  les  autres  familles  habitant  aujourd'hui  Oppède  sont 
relativement   nouvelles»  ei   les  plus]  anciennes  d^cnirc  elles, 


--  358  - 

comme  les  Bruneau  et  les  Piquet»  ne  remontent  pas  au  dcli 
du  commencement  du  xvr  siècle. 

Biographie.  —  Outre  Wanthelme  dOppcde,  dont  nou 
avons  déjà  parlé,  nous  devons  citer  encore»  comme  ayant  \éci 
pendant  l'époque  dont  nous  nous  occupons  : 

Pierre  Garin  qui  fut  témoin,  à  Cavaillon.  avec  d'autres  per- 
sonnages  de  marque,  à  l*acte  du  3  juin  1263,  par  lequel   Ri^fi 
mond  Boslygon,  juge  du  Venaîssin.  tît  une  délimitation  eni 
Cavaillon  et  L'Isle  L 

Raymond  d*Oppède  qui  fut  évéque  de  Sisleron.  de  i3ioi 
r326. 

Bertrand  Guillaume,  notaire  à  Oppède.  qui  passa  les  acïc 
de  i356,  i36o,  i3(J4  et  1374  et  fut  vice-châtelain  d*Oppcdc  efl 
iSyo.  Par  son  testament  du  7  juin  1387,  il  fonda  une  chapct 
leniedans  Féglise  d'Oppèdc. 

Noble  Alfant  Daurel  qui   fut  capitaine  d'Oppède  en  i36 
vice-bayle  en   1403  et  fit  donation  d'une  chambre  et  d'uni 
vigne  à  la  Charité  d'Oppède,  par  acte  du  17  novembre  1Î98. 
11  appartenait  à  la  famille  d'Aurel  qui  existe  encore  aujour- 
d'hui. 

PopulatioD.  —  £n  1269,  lors  de  la  levée  d*un  fouage  dans  I 
Venaissin,  Oppède  fut  taxé  38o  livres  pour   168  feux  *. 
comptant  en  moyenne  4  personnes  et  demie  par  feu,  la  pop 
lation  de  cette  localité  aurait  été  alors  de  756  personnes;  envi-j 
ron.  En  1274.  lors  de  la  désemparaiton  du  Comiat  en  faveu 
du  Saint-Siège,  209  personnes  prêtèrent   serment  de  tidcliié, 
En  comptant  deux  fois  et  demie  autant  de  femmes  ei  d'enfanU 


*  Archives  communatea  de  CavâUlon,  DD  i    n*  i 

'  Boî;taiiiCj  Saint  LquIm  et  Alfon$e  de  Poiiiers,  pige  3i  1 


—  359  — 

que  d'hommes,  la  population  d'Oppède  aurait  été  alors  d'envi- 
ron 73 1  habitants.  Vers  la  fin  du  xiii*  siècle,  Oppède  devait 
donc  avoir  de  7  à  800  âmes. 

En  terminant  ce  Mémoire,  nous  nous  faisons  un  plaisir  et  un 
devoir  de  remercier  publiquement  M.  Bruneau,  maire  d 'Op- 
pède, et  M.  Piquet,  secrétaire  de  la  Mairie,  qui  nous  ont  faci- 
lité notre  tache  :  le  premier,  en  nous  permettant  de  puiser  dans 
les  archives  de  la  Mairie  les  matériaux  de  notre  travail  ;  le 
second,  en  nous  aidant  à  identifier  les  noms  de  lieux. 

Lucien  Gap. 


-  36i  - 


XII 


L'Administration  d'une  commune  de  Provence 

sous  L'ANCIEN  RÉGIME 


SAINT-JEANNET  (AIpes-MariUmes) 


Par  M.  Joseph-Etienne  MALAnsSÉN£, 

Juge  au   Tribunal  civil  de  Semur, 


La  commune  de  Saint-Jeannet  (Alpes-Maritimes),  que  nous 
avons  prise  pour  base  de  cette  étude,  dut  obtenir  les  franchises 
municipales  vers  la  fin  du  xiv*  siècle,  probablement  de  la  Reine 
Jeanne  qui  octroya  beaucoup  de  privilèges  aux  communes 
avoisinantes.  Nos  recherches  dans  les  archives  locales  n'ont  pu 
aboutir  à  la  découverte  de  la  date  précise  de  cette  création,  pas 
plus  que  nous  procurer  des  renseignements  détaillés  sur  la 
situation  administrative  de  la  période  antérieure  au  règlement 
de  i63i.  Les  quelques  documents  retrouvés  nous  ont  toutefois 
permis  d'établir  qu  a  Torigine  le  Corps  municipal  de  Saint- 
Jeannet  se  composait  de  deux  Syndics  (scindici)  chefs  de  la 
communauté,  d'un  Clavaire  (clavarius)  remplissant  les  fonc- 
tions de  trésorier,  de  quatre  Estimadous,de  trois  Regardadous, 
detroisAuditours  des  comptes  trésoraires,  de  deux  Lumeiniers 
ou  Recteurs  des  *  luminaires  »  de  Téglise.  Ces  officiers,  avec 
l'adjonction  des  «  plus  apparans  ^  du  lieu,  formaient  le  Con- 


—  362  — 

seil  ordinaire.  Le  Conseil  général,  en  outre  des  officie iv  susiic 
mes,  comprenait  «  tous  chefs  de  famille  *. 

Jusqu'en  i63o.  les  réunions  se  tinrent  en  plein  air,  à  la<i  pk 
cette  du  Saint-Esprit  »,  patecq  rocailleux,  sttud  jadis  au  non 
du  petit  jardin  contigu  à  l'ancienne  église  paroissiale,  aujouf 
d'hui  espèce  de  parvis  donnant  accès  au  cimetière, 

A  celte  date»  la  communauté,  désireuse  de  plus  de  conforta^ 
bie  et  de  posséder  un  local  qui  lui  permit  de  braver  tes  intem- 
péries, lit  lacquisition  d'un  immeuble  qu'elle atfecta au  senic 
d*HôieUde-ville.  celui-là  ménieoù  les  édiles  modernes  lienncfl 
leurs  doctes  assemblées.  Dès  lors,  le  Conseil  déserta  la  plac 
du  Saint-Esprit  pour  se  réunir  dorénavant  dans  la  m  maison 
commune  ^.  -^^c  Congrégé  à  son  de  cloche  et  à  cry  public  »,  T 
s'assemblait  sous  la  présidence  du  sieur  ^  bayle  )•  qui  chaflg 
au  début  du  xvn^  siècle  son  appellation  provençale  en  ccH 
#t  lieutenant  de  juges». 

Dans  la  seconde  moitié  du  xvr  siècle,  les  syndics  prirent  I 
nom  de^tconsuls  ^  (consouk),  expression  formelle  de  plu$d*ifi 
dépendance.  Le  clavaire  fut  appelé  le  trésorier;  les  estimadous«1 
les    regardadous,   les  audilours  devinrent  respectivement  tel 
estimateurs,  les  regardateurs  et  les  auditeurs.  Mais  si  lesdési^ 
gnatîons  se  modifiaient,  les  anciens  errements  subsistaient. 

Premier  règlement  municipal,  7  décembre  1631. 


Ce  fut  le  7  décembre  i63i  que  les  pratiques  de  V  ^  accou 
tumée  1*  firent  place  à  un  règlement  municipal,  dressé 
M*  Pugnaire,  avocat  à  Grasse*  Cet  acte,  homologue  par 
Parlement,  après  adoption  par  le  Conseil,  constitua,  désormais 
la  charte  locale 

En  vertu  de  ce  règlement,  le  Conseil  prenait,  suivant  Icscif 
constances,  le  nom  de  Conseil  ordinaire  ou  dû  Conseil  génir 


—  363  - 

Le  Conseil  ordinaire  était  composé  de  deux  consuls,  du  tréso- 
rier,  des  auditeurs  des  comptes,  des  regardateurs  et  des  estima- 
teurs, formant  le  nombre  de  douze,  auxquels  était  adjoint  le 
greffier  qui  n'avait  pas  voix  délibérative.  Le  Conseil  ordinaire 
«  peut  delliberer,  disait  le  règlement,  sur  les  affaires  ordinaires 
et  accoustumées  sans  y  appeler  aucuns  autres  et  pour  les  extraor- 
dinaires n'excédant  pas  dix  livres  ».  Le  Copseil  général  com- 
prenait les  membres  du  Conseil  ordinaire  de  Tannée  courante, 
ceux  de  Tannée  précédente  et.  en  outre,  *  vingt  des  plus  appa- 
rans  intéressés  »  choisis  par  le  Conseil  ordinaire  en  exercice. 
Ainsi  composé,  il  pouvait  compter  quarante-quatre  membres, 
mais  le  règlement  lui  permettait  de  délibérer  valablement  avec 
un  minimum  de  vingt-quatre.  C'est  cette  assemblée  qui  déci- 
dait sur  toutes  les  affaires  importantes,  telles  que  :  impositions, 
emprunts,  litiges,  etc.,  et  qui  procédait  annuellement  à  Télcc- 
tion  des  officiers  municipaux,  dénommée  à  Tépoque  *  la  créa- 
tion du  nouvel  Estai  ^, 

Règlement  du  16  juillet  1671. 

Ce  règlement  de  i63i  fut  en  usage  jusqu'en  1671,  bien  que 
déjà,  en  1647,1e  conseil  eût  manifesté  le  besoin  de  le  modifiera 
raison  des  grosses  difficultés  d'application  résultant  «  de  la  peti* 
tesse  du  lieu  et  des  grandes  alliances  et  parantages  qui  sont 
entre  les  familles  ^. 

Le  nouveau  projet  ne  fut  homologué  que  le  16  juillet  1671. 
Il  instituait  les  conseillers  titulaires  et  suppléants  et  supprimait 
un  auditeur.  11  demeura  en  vigueur  jusqu'à  la  Révolution  sans 
subir  d'autres  modifications  que  celles  apportées  par  la  création 
et  la  vente  des  offices  municipaux. 

Création  du  Nouvel  État. 

L'élection  du  Corps  municipal,  appelée  la  création  du  Nou- 


—  364  ^ 

vel  Etat,  avait  lieu  le  26  décembre  dé  chaque  année,  I.e  Con&eil 
général,  «c  après  avoir  ouy  la  Saincie-Messe  ».  se  réunissait  h  la 
Maison  commune  <c  de  Tauthoriié  et  présence  du  lieutenant  de 
juge  et  à  la  requestedes  sieurs  consuls  ».  Ces  officiers,  jusqu'en 
i63i,  proposèrent  leurs  successeurs  et  les  autres  membres  du 
Conseil  à  rassemblée  générale  qui  les  agréait  par  voie  d'accla- 
mation, le  plus  souvent  sans  !a  moindre  observation.  Mais 
dans  la  suite,  les  consuls  présentèrent  trois  candidats  pour 
chaque  emploi  et  1  élection  se  tît  <c  à  pluralité  de  voi:ç  5^,  c'est» 
à-dire  à  la  majoritc  relative  et  au  moyen  de  ^  ballottes  ?♦. 

Après  l'élection  du  Corps-municipaU  venait  celle  des  «  Syn- 
dics des  forains  possédants  bien  en  La  Gaude,  résidants  à 
Saint-Jean  net,  pour  assister  aux  comptes  et  delliberations  du 
Conseil  dudit  La  Gaude  ^* 

ï^  Consuls,  —  Les  consuls,  appelés  respectivement  le  pre- 
mier et  le  second  consul,  étaient  les  plus  hauts  rr^agîstrals  de 
la  communauté.  Leurs  fonctions  équivalaient,  à  Fépoque,  i 
celles  de  nos  maires  ei  adjoints  actuels.  Us  convoquaient  le 
Conseil  aux  assemblées,  représentaient  la  communauté  en 
toutes  les  occasions  et  prenaient  ran^ç  dans  les  cérémonies  civi- 
les et  religieuses  après  les  officiers  seigneuriaux.  Leur  choix 
devait  s*effectuer  parmi  «  les  plus  apparans  1»,  possesseurs  d'au 
moins  10  florins  cadastraux  au  lieu  ou  son  terroir.  Les  consuls 
sortants  ne  pouvaient  plus  être  nom  mes  à  une  charge  inférieure, 
ni  être  réélus  consuls  que  trois  ans  après  leur  adminisiraiion 

Lors  de  la  constitution  des  communes  dans  la  société  féodale, 
on  donna,  d'une  façon  assez  générale*  le  nom  de  Maire oa 
Mayeur  fmajor)  à  celui  des  membres  du  Corps  municipal  qui 
le  présidait.  Mais  à  Saini-Jeannei.  cette  innovation  n  intervint 
qu'en  lySj.  Le  second  consul  garda  son  tiire  originel.  Dès 
tors»  les  deux  consuls  furent  désignés  sous  le  nom  colleaif  de 
Maire-consuh. 


Cest  aussi  sur  le  tard  que  les  chets  de  U  tnanîcipalite  Saine- 
Jeannoîse  furent  revécus  d'iasignes.  Le  -i  iaavier  1780*  le  sei- 
gneur pnitîa  de  Leur  présence  dans  son  château  de  Tourrettes. 
où  ils  étaient  venus  lui  apporter  leurs  souhaits  de  nouvel  an. 
pour  leur  Eure  part  «  qu'il  désirait  que  la  communauté  se  dé^ 
terminât  à  donner  des  chaperons  aux  sieurs  cî>nsuls.  tint  pour 
en  rendre  la  qualité  plus  apparente  que  pour  prévenir.en  temps 
de  guerre,  des  însaltes  et  des  mauvais  traitemens,  êunt  d  ail- 
leurs notoire  que  le  lieu  deSaint>Jeannet  est  aussi  considérable 
que  plusieurs  de  ceux  qui  en  ont  déjà  décoré  leurs  consuls.  >►  Le 
Conseil  accepta  la  proposition  *i  avec  reconnaissance  »  et  sVm- 
pressa  de  voter  la  somme  de  200  livres  pour  Tachât  de  deux 
chaperons  en  velours  aux  couleurs  du  seigneur  marquis. 

2'*  Trésorier.  —  Bien  que  le  règlement  fût  muet  sur  le  choix 
du  trésorier,  cet  ofticier  n  en  était  pas  moins  élu  de  la  même 
manière  que  ses  coliques.  Comme  son  nom  Tindique,  il  était 
chargé  de  faire  «  l'exaction  de  la  tailhe  et  autres  impositions  *, 
En  1647,  ses  honoraires  consistaient  en  quatre  deniers  et  demi 
par  florin  cadastral  pour  le  droit  de  collecte  des  impositions 
communales,  et  neuf  deniers  par  florin  pour  l'imposition  par- 
ticulière des  forains  possédant  biens  en  La  Gaude.  Faisons 
remarquer,  en  passant,  que  les  habitants  de  Saint-Jeannet  dé- 
tinrent presque  de  tout  temps  les  deux  tiers  du  terroir  de  La 
Gaude.  L'imposition  particulière  ayant  été  supprimée  en  1666, 
le  droit  de  collecte  fut  successivement  élevé  à  cinq  deniers,  en 
i683,  et  à  six  deniers,  en  1710.  Mais  déjà,  à  cette  époque,  les  tré- 
soriers élus  annuellement,  quelquefois  illettrés,  abandonnaient 
leurs  fonctions  à  des  «  exacteurs  >►  qui,  moyennant  leurs  émo- 
luments, se  chargeaient  de  la  besogne  sous  l'entière  responsa- 
bilité du  Trésorier  nominal.  Cet  état  Je  choses  persista  jus- 
qu'en 1713,  date  à  laquelle,  devant  le  refus  catégorique  du  tré- 
sorier élu  d'accepter  l'emploi,  on  se  décida  à  mettre  l'exaction 


366 

de  la  taille  aux  enchères  au  rabais.  Dès  lors,  la  charge  de  tré- 
sorier eut  un  caractère  purement  honorifique.  Elle  fui  suppn- 
mce  d'une  façon  définitive  quelques  années  après  en  tant 
qu'inuuîé.  Ce  rôle  échut  à  l'avenir  à  l'exacteur  adjudicataire. 

3*  Auditeurs  des  comptes.  —  Ces  officiers  avaient  mission 
de  contrôler  la  comptabilité  communale.  Ils  étaient  tenus» 
moyennant  une  légère  rétribution,  d'assister  à  la  reddition  des 
comptes  du  Trésorier  ou  Exaaeur,  après  en  avoir  fait  eux- 
mêmes  l'apuration,  le  tout  en  présence  et  avec  Tassisiance  dc< 
consuls  ;  à  la  suite  de  quoi,  ils  signaient  ^  la  sentence  de  clô- 
ture )*  qui  fixait  le  reliquat.  Au  nombre  de  trois  sous  le  régime 
du  règlement  de  i63i,  ils  furent  réduits  à  deux  par  celui  du 
i6  juillet  1671»  qui,  en  revanche,  prescrivit  d*éîire  chaque  an- 
née au  mois  de  mai  un  <<  adjoint  ^,  homme  compétent  pour  la 
vérification  des  comptes,  chargé  d'assister  les  auditeurs  dans 
Texercice  de  leurs  fonctions. 

4'  Regardatcurs.  —  Les  Regardateurs  étaient  chargés  de  la 
police  et  particulièrement  de  la  surveillance  de  la  panateric  ou 
boulangerie  et  de  la  boucherie.  Ils  vérifiaient  et  «  légalisaient 
les  poids  et  mesures  des  débitants  et  des  particuliers.  Ils  te* 
naient  la  main  à  ce  que  les  adjudicataires  communaux  obser- 
vassent leurs  engagements  de  toute  nature  et,  au  cas  de  contra- 
vention, en  dressaient  procès- ver  bal. 

5*  Estimateurs.  —  Les  Estimateurs  constituaient  les  experts 
agricoles  de  l'ancien  régime.  Ils  devaient  évaluer  les  domma- 
ges causés  aux  propriétés  par  les  bestiaux  ou  autrement  et  dé- 
noncés par  les  #t  campiers  >>  et  «  gardes-terres  1* .  Ils  vaquaient 
aussi  à  l'estimation  et  au  partage  des  biens  particuliers,  soit  à 
l'ammble*  soit  par  autorité  de  justice. 

6*  Conseillers  —  Les  Conseillers  ne  furent  institués  qu'en 


—  367- 

vertu  du  règlement  de  1671.  Ils  étaient  au  nombre  de  six  et 
choisis  parmi  les  «  plus  apparans  et  inihéressés  )►.  Leur  rôle  se 
bornait  à  assister  aux  assemblées  pour  y  <  porter  leurs  opi- 
nions delliberatives  ».  Ils  prenaient  rang  immédiatement  après 
les  auditeurs.  En  cas  d'absence,  ils  étaient  remplacés  par  des 
conseillers  suppléants  élus  au  nombre  de  huit. 

Vente  des  offices  municipaux. 

Un  édit  de  Louis  XIV  d'août  1692  et  un  arrêt  du  Conseil  du 
7  octobre  suivant  érigèrent  «en  titre  d'office  un  maire  et  des 
assesseurs  dans  chacune  ville  et  communauté  du  Royaume,  y 
ayant  hôtel  ou  maison  commune  )►,  avec  réserve  pour  le  Roi  de 
la  faculté  de  nommer  lui-même  aux  emplois  qui  ne  seraient 
pas  acquis  en  échange  de  deniers  sonnants.  L'édit  bursal  pré- 
cité maintint  en  exercice,  à  la  tête  de  la  municipalité  de  Saint- 
Jeannet,  les  consuls  del'année  courante,  jusqu'à  ce  que  la  Com- 
munauté, ne  voulant  point  d'administrateurs  imposés,  et  dési- 
reuse de  maintenir  ses  anciens  privilèges,  fut  à  même  d'acheter 
l'office  de  Premier  consul,  au  prix  de  cinq  cent  cinquante  li- 
vres, soit  jusqu'en  lôgS. 

Le  Conseil  n'avait  guère  hésité  à  voter  cette  dépense,  ne 
pouvant  soupçonner  qu'il  fût  appelé  à  la  répéter.  Mais  hélas! 
CCS  offices  devaient  être,  avant  1757,  supprimés,  rétablis  et  ra- 
chetés à  quatre  reprises,  toujours  dans  le  même  but  fiscal  de 
faire  face  aux  embarras  continuels  du  Trésor  royal . 

Par  son  arrêt  d'août  1722,  Louis  XV  rétablit  la  création  et  la 
vénalité  des  offices  supprimés  en  1715.  Saint-Jeannet  fut  taxé 
pour  sa  part  dans  ces  rachats  a  la  somme  de  huit  mille  deux 
cent  cinquante  livres,  y  compris  les  deux  sols  pour  livre.  La 
commune  put  se  libérer  par  la  production  des  titres  d'ac- 
quisition des  divers  offices   créés  depuis  1686,  au  moyen  de 


368 


ceriificats  de   liquidation  délivrés  par  rinieadant.  Ce 
entraîna  une  dépense  de  mille  huit  cent  six  livres. 

Après  avoir  de  nouveau  anéanti^  dès  1724,  les  offices  mu- 
nicipaux, Louis  XV  les  ressuscita  une  troisième  fois  par  son 
édit  de  novembre  lyîî.  Une  lettre  du  12  novembre  de  lao- 
née  suivante»  signée  :  comte  de  Muy,  commandant  en  Pro- 
vence» prévint  les  consuls  que  #t  Tinteniion  du  Roy  est  qu*il  ne 
soit  procédé  à  aucune  élection  d*offîciers  municipaux»  jusqua 
ce  que  les  offices  que  Sa  Majesté  a  créés  par  son  édit  de  1733 
soient  remplis  j»  et,  à  cet  effet,  enjoignit  de  surseoir  à  la  nou- 
velle élection.  Subséquemmeni,  les  consuls  de  1734  lurent 
maintenus  par  commission  royale  jusqua  la  tin  de  1737. épo- 
que a  laquelle  un  arrêt  du  Conseil  d'Etat  ordonna  qu*à  partir 
du  i"  janvier  1738,  Inexécution  de  Téditdu  Roi  de  1733»  por- 
tant rétablissement  des  ottkes  municipaux,  demeurerait  sus- 
pendu tant  qu'il  n'en  serait  pas  autrement  décidé  par  Sa  Ma- 
jesté. Cet  arrêt  permit,  en  conséquence,  aux  communautés  do 
villes  du  Royaume  de  procéder,  suivant  les  anciens  règlement 
à  l'élection  desofticiers  municipaux. dont  les  charges  n'avaient 
pas  été  levées. 

L'édit  précité  fut  remis  en  vigueur  en  1742.  Le  Roi  nomms 
de  son  plein  gré  et  pour  une  durée  illimitée  les  consuls  et  le 
greffier  qui  furent  solennellement  installés  par  le  subdéléguéde 
rintendant. 

Durant  la  période  de  1742  à  1757,18  création  du  Nouvel  Fiai 
se  borna  à  l'élection  des  auditeurs»  regardateurs  et  estimateurs, 
celle  des  conseillers  ayant  été  interdite,  et  les  consuls  comme 
le  greffier  exerçant  leurs  fonctions  en  venu  de  commissions 
royales  et  pour  4t  tant  qu'il  plaira  à  Sa  Majesté  j». 

L^arrét  du  Grand  Conseil  du  21  mars  1757  mit  fin  â  cette 
situation  irrégulière,  en  fusionnant  les  offices  municipaux  avec 
le  Corps  de  la  Province,  moyennant  la  sommedc  1.79845911- 


vres,  que  les  procureurs  du  pays  s'empresscreni  Je  verser  au 
sieur  Leclercq,  chargé  de  la  sxnte  desd ils  offices.  Dans  la  repar- 
ution de  la  somme  globale,  noire  commune  fui  taxée  à  85oti- 
vres. 

Le  26 décembre  ïySy,  la  convocation  au  Conseil  gênerai  pour 
la  création  du  Nouvel  Éiai  eut  lieu  h  cri  public  ei  par  ^  billets 
delà  pan  de  M.  le  Maires.  L  élection  s'elieciua  sou»;  la  prési- 
dence du  Maire-premier  consul  sortant,  en  conformité  de  1  ar- 
rêt du  2ï  marsqui  avait  ordonné  Texclusion  des  officiers  royaux 
définitivement  etdesofficiersseigneuriaux provisoirement.  Mais 
rassemblée  de  la  Province  ayant  décidé»  l'année  suivante,  de 
maintenir  les  prérogatives  des  officiers  seigneuriaux,  le  lieute- 
nant de  juge  reprit  son  droit  à  la  présidence  de  toutes  les  as- 
semblées. De  1757  à  1790,  aucun  changement  n'intervint  dans 
lorganisaiion  municipale  de  Saini^Jcannet. 

Prestation  de  serment  du  Corps  municipal. 

Le  Nouvel  État,  avons-nous  dit  plus  haut,  était  organisé»  élu 
le  26  décembre.  Son  entrée  en  fonctions  sopérait  le  i"*^  janvier 
suivant.  Mais  avant  de  procéder  a  tout  acte  d'administratipn, 
il  devait  se  soumettre  à  la  prestation  de  serment.  Au  début  de 
la  première  séance,  le  premier-consul  sortant,  *«  suivant  les  or- 
donnances de  Sa  Majesté,  arrests  et  reglemansde  la  Cour  ».re* 
quérait  le  lieutenant  de  juge  de  recevoir  le  serment  des  nou* 
veaux  élus  *  pour  procurer  Tadvantage  de  cette  communauté. 
éviter  leur  domage,  et  user  bien  et  duemant  chacun  en  leur 
fonction  )•,  Faisantdroit  à  la  réquisition  susdite,  le  Lieutenant 
de  Juge  donhait  ^  sermant  à  toute  Tassamblée  de  bien  et  due- 
mant chacun  user  à  la  fonction  de  leur  charge,  soit  pour  le 
ser%'ice  du  Roy,  interests  de  cette  Communauté  et  du  public  ». 

coftonâi  24 


Namination  et  attributians  des  employés  municipaux 

Cette  solennelle  opération  exécutée,  le  Corps  municjpai  uro- 
cédait  à  la  nomination  des  employés  municipaux  :  greffier.  — 
valet  de  ville,  —  enterreors  des  morts,  —  sages-femmes,  — 
conducteur  de  l'horloge,  —  ainsi  qu'à  la  nomination  desrcclcunî 
du  <t  Corpus  Doniini  )>.  et  des  autres  confréries  de  réglise 
paroissiale  et  de  Thôpital, 

r  Greffier.  —  Le  greffier  éiaii  ordinairement  un  notaire  du 
lieu.  Ainsi,  en  1634.  M'  Antoine  Artaud,  notaire,  fut  nommé 
aux  gages  ordinaires  de  12  livres  payés  par  la  communauic 
et  4 livres  10  solsjversés  par  les  forains  possédant  bien  en  La 
Gaude.  Le  greffier  de  l'année  164g  reçut  six  écus,  «  à  !a  charge 
de  faire  tout  ce  qui  est  accoustumé,  qui  est  de  prandre  tous  I» 
actes  consernant  à  la  communauté  et  les  mettre  par  abrégé 
dans  l'ordonnance  de  ladicte  communauté,  prandre  les  delli- 
bcrations,  adcister  à  lacuillettc  du  servisse,  reditiondes  comp- 
tes du  tresaurier,  lever  et  mettre  du  cadastre  terrier  et  donner 
exiraicis  de  tous  les  actes  et  autres  cenilïcatsqui  conserncnî  a 
ladictc  communauté,  tout  ce  que  le  cas  requiert  », 

Lorsque  les  postulants  étaient  nombreux,  le  Conseil  mettait 
la  fonction  aux  enchères  au  rabais,  ce  qui  écartait  toute  pania- 
lité.  De  cette  façon  fut  accordée  la  charge,  le  i*'  janvier  1704.4 
Jacques  Ranchier,  aux  honoraires  de  5  livres  «  avec  les  amouK 
lumens  du  greffe  de  récritoirc  et  obligation  d'assister  a  la  col» 
lecic  du  service  du  bled  et  des  figues,  et  de  faire  les  rolles  des 
personnes  et  bestes  que  cette  communauté  est  obligée  aux  (ot* 
tificaiionsd'Antibes,  moyennant  Icsdits  gages  j».     . 

A  la  suite  de  Tarrét  du  Conseil  d'Eiat  du  3o  avril  1709,  met- 
tant en  vente  les  offices  de  «t  secrétaires-greffiers  des  hostels  de 
ville  et  maisons  communes  »  créés  héréditaires  par  cdit  du 


-  371  - 

mois  de  mars  précédent,  J.-B.  Martin,  sieur  de  la  Vallette, 
acquit  l'oftice  de  Saint-Jeannet,  mais  en  171 1,  la  communauté 
dut  racheter  celui-ci  pour  la  somme  de  jb  livres  10  sols. 

L'arrèt  de  vérification  des  dettes  de  la  communauté  du 
2  avril  1718  fixa  définitivement  les  honoraires  du  greffier  à 
12  livres. 

Après  ledit  de  novembre  1733  et  pendant  toute  la  période  de 
1742  à  1757,1e  greffier  fut  nommé  comme  les  consuls  par 
commission  royale.  Dans  la  suite,  on  Télut  après  les  auditeurs 
des  comptes. 

Un  édit  royal  de  janvier  1704  avait  inventé  l'office  de  <c  con- 
seiller-contrôleur des  greffes  de  hostels  de  ville  et  maisons 
communes,  des  grefl'es  de  Tescritoirc  et  des  commissaires  aux 
reveûes  et  logemans  des  gens  de  guerre  »,  M*  J  -B.  Laugier, 
notaire,  acquit  Tofficede  Saint-Jeannet  par  commission  royale 
du  14  mai  1704,  après  que  la  communauté  en  eut  fait  la  fi- 
nance. Cet  emploi  fut  d'une  durée  éphémère,  comme  la  plupart 
des  autres  sinécures  honorifiques  créées,  à  l'époque,  dans  un 
but  essentiellement  mercantile. 

2®  Valet  de  ville.  —  Le  valet  de  ville,  dénommé  aussi  «  ser- 
gent de  ville  »  ou  <c  valet  consulaire  »  était  le  fidèle  serviteur 
des  consuls  pour  les  affaires  communales.  Chargé  de  faire  les 
publications  municipales  et  particulières  «à  cry  public  par  tous 
les  lieux  et  carrefours  du  lieu  )f,  il  était  l'auxiliaire  indispensa- 
ble dans  les  adjudications  si  nombreuses  avant  la  Révolution. 

Jusqu'en  1715,  le  valet  de  ville  fut  l'un  des  quatre  enterreurs 
de  morts  ;  mais  à  cette  date,  on  le  déchargea  de  ce  cumul  qu'on 
ne  trouvait  plus  compatible  avec  sa  dignité. 

Son  salaire  a  subi  de  grandes  fluctuations.  Ainsi,  nous 
voyons,  en  i636,  Jaume  Martel,  confirmé  dans  ses  fonctions, 
aux  gages  de  5  livres  8  sols;  —  en   1660,  Sauvadour  Bregon, 


liommé  aux  appointements  de  9  florins.  L  arréi  de  véritlcâtton 
de  171K  établit  le  taux  de  y  livres. 

Le  Corps  municipal  de  I  année  1780,  faisant  preuve  de  gé* 
nérosité,  offrit  au  valet  de  ville,  Jean  Clary,  huit  pans  d  étoffe 
en  sus  dé  ses  modestes  gages.  Ce  serviteur  modèle  «  attendu 
son  âge  et  ses  Infirmités  »  résigna  son  emploi  en  novem- 
bre 1790.  Le  18  du  même  mois,  le  Conseil  accepta  pour  ïion 
successeur,  François  Rodrigues»  fils,  aux  conditions  suivantes: 
<«  il  fera  la  fonction  de  valet  de  ville  de  cette  commune,  il  pu- 
bliera dans  tous  les  lieux  accoustuméset  notamment  au  quar- 
tier de  la  Lave  et  celui  du  Verger  pour  une  durée  de  trois 
années,  aux  gages  de  12  livres  par  an  en  deux  payements  et 
non  par  avance;  il  sera  habillé,  lequel  habillement  consistcn 
en  un  chapeau,  habit,  veste  et  culottes,  une  fois  seulement 
pendant  le  susdit  temps,  et  venant  à  discontinuer  ses  fonctions 
dans  l'intervalle,  soil  pour  raisons  de  maladie  qu  autrement,  îi 
devra  remboursera  la  commune  le  prorata  du  montant  duJit 
habillement.  »» 


3^*  Enterreurs  de  morts.—  Au  nombre  dequatre  jusque  vers 
1740,  les  enterreurs  de  morts  recevaient,  en  iG33,  un  salaire 
annuel  de  5  livres  8  sols  chacun.  Réduits  à  deux  par  la  suiie. 
ils  touchaient,  en  rfiSy,  7  livres  16  sols.  Le  24  janvier  1660.  le 
Conseil  nomma  les  enterreurs  ^  pour  servir  la  Miséricorde  et 
enterrer  les  cors  mors  ^,  aux  gages  de  8  (lorins.  Ceux-ci  furent 
fixés  à  32  livres  par  Tarrêide  vérification.  En  1780,  L-B-Clant 
à  feu  Louis  et  Joseph  Tourdon  furent  accordés  aux  gages  or* 
dînaires,  plus  «  trois  cannes  d  étoffe,  non  compris  d'autres 
considérations  que  les  sieurs  administrateurs  auront  égard, 
sous  la  condition  expresse  que  la  communauté  sera  obligée 
de  faire  faire  une  bicrre  neuve  servant  à  y  porter  les  cadavre» 
dedans  >*  Cette  bière,  dénommée  dans  la  langue  du   pays 


-373- 

«  atloïc  ».  servait  spécialement  au  transport  des  cadavres  des 
indigents  l'on  nombreux  à  celte  époque.  Leurs  restes,  comme 
des  carcasses  d'animaux,  étaient  jetés  dans  la  fosse,  tout  au 
plus  entourés  d'un  vulgaire  linceuL 

4<*  Sages-fenimcs.  —  Jusqu'à  la  Révolution,  la  commune 
de  Saînt-Jeannet  subventionna  deux  sa^es-femmes.  Leurs 
honoraires  étaient  plus  que  modestes*  Pour  preuve»  il  nous 
suffira  de  dire  qu'en  i635  ^  Catharinette  Ranchière  et  Jeanne 
Malamaire  furent  contirmées  sages -femmes  aux  gages  de 
3  livres chascune  >^.  En  i665.  Louisette  Audiberte  et  Jeannette 
Roustagne  reçurent  6  livres.  En  17H0.  le  Conseil  accorda 
pour*  matrones  »  Jeanne-Marie  Audibert,  veuve  Metlîret,  et 
Claire  Colmars,  aux  honoraires  de  12  livres  chacune.  Si  ces 
bonnes  4t  commères  ^  d'antan  ne  possédaient  pomt  un  talent 
obstéirical  développé,  en  revanche,  applîquaient-elles  fort  à 
propos  les  secours  de  la  religion  dans  les  cas  désespérés.  Té- 
moin cet  acte  de  baptême  :  L*an  1^99  cl  le  29*^  décembre  a  esté 
ondoyé  Trastour.  lils  de  Jean  et  de  Marie  Trastoore»  dans 
rextrèmc  nécessité  et  dans  sa  maison,  par  Antoneltone  Euzière, 
sage-femme,  sçavoîr  sur  les  fesses  n*esiant  pas  encore  sorti  du 
ventre  de  la  mère,  pourtant  encore  vivant.  Signe  :  J*  Fabry, 
vicaire.  » 

5^  Huissier-audiencicr  d'hôtcl-de-villc.  —  La  commune  de 
Saint-Jean  net,  conjointement  avec  celle  de  La  (iaude,  acquit. 
en  1694,  lofTicc  d'huissier-audiencier  d'hôtel-de-ville,  Vn  sieur 
Pierre  Fouqucs»  maître-tailleur  d'habit,  en  fui  pourvu  moyen- 
nant le  payement  au  trésorier  des  intérêts  du  prix  d'acquisi- 
tion. Point  du  tout  satisfait  de  son  emploi  pour  juste  cause,  — 
les  trésoriers  ne  lui  avaient  fait  dresser  aucun  exploit,  ~  il 
résigna  ses  tbnctions  en  1703.  L*abandon  de  cet  office  obtenu 
par  le  versement  a  1  Intendance  de  la  somme  de   ïoo  livres 


-374- 

n'empêcha  pas  l'intendant  de  réclamer  «un  augroeni  de 
Htiânce  >^  au  cours  de  1704  et  de  faire  même  gager  les  Consuls 
de  La  Gaude  pour  le  même  objet.  Le  Conseil  de  1706  proic&ta» 
mais  tinalemcni  il  consentit,  non  sans  regret,  à  payer  U 
taxe. 

Comme  le  transport  des  huissiers  étrangers  occasion  naît  aux 
habitants  des  frais  considérables,  la  municipalité  nomma,  le 
29  juillet  1708,  à  la  fonciioni  le  sieur  Paul  Roustan.  sur  son 
olFre  de  payer  annuellement  à  la  communauté  la  somme  de 
Il  livres  12  sols  et  de  signilier  gratuitement  les  exploits  de 
cette  dernière.  Cet  employé  ne  tarda  pas  à  délaisser  à  son  louf 
la  charge  qui  s'éteignit  avec  son  titulaire* 

&  Conducteur  de  l'horloge.  —  Cet  emploi  était  conHé  d'Of- 
dinaire  à  un  artisan  :  menuisier,  maréchal-ferrant.  Le  salaire 
du  conducteur  fut  toujours  de  12  livres. 

7*  Recteurs  des  confréries,  —  Le  Conseil  désignait  aussi 
tous  les  ans  les  recteurs  de  la  confrérie  ou  luminaire  du*  Cor 
pus  Domini  ^,  et  à  mesure  des  vacances  produites  par  décès 
ou  démission,  les  recteurs  des  autres  luminaires  de  l'église  pa- 
roissiale, ainsi  que  ceux  de  Thôpital  et  du  moni-dc*piété*  Ix> 
Consuls  élaicnt  «  juspatrons  »  de  la  chapelle  Sainle*Barbc.  Ix 
Conseil  choisissait  le  prêtre  qui  devait  la  desservir.  CcluhCt 
touchait  de  ce  chef  la  censé  annuelle  de  3  livres. 


8**  Procureur  et  agent  de  la  communauté  près  le  Parie* 
ment.  —  La  communauté  ayant  une  multitude  de  procès  i 
soutenir,  le  Conseil  de  Sainl-Jcannet  décida,  le  7  janvier  16Î7. 
de  nommer  un  procureur  au  siège  de  Grasse,  aux  gages  Je 
4CSCUS  par  an  Le  26  juillet  171  «•  le  sieur  Joseph-Noël  Roux, 
de  la  ville  d'Aix,  fut  choisi  pour  agent  chargé  des  atTaires  de  b 
communauté  au  greffe  de  la  Province,  à  celui  de  l'Intendance 


-  375- 

et  autres  bureaux,  aux  honoraires  de  25  livres  par  an.  La 
charge  fut  retirée  eniySoau  sieur  Isnard,  fils,  avocat,  ♦'attendu 
que  la  communauté  n*a  aucune  affaire  en  procès  ». 

g^  Campiers  et  régents  des  écoles.  —  Le  choix  des  cam- 
piers  ou  gardes-terres  était  déterminé  par  des  enchères  qui 
avaient  lieu  au  printemps.  Quant  au  régent  des  écoles,  il  était 
agréé  dans  le  courant  du  mois  de  septembre. 

Poids  et  Mesures. 

Après  la  nomination  aux  emplois  municipaux,  les  Regarda- 
teurs  vieux  remettaient  aux  Regardateurs  modernes  les  poids  et 
mesures  de  la  communauté  dont  ils  étaient  dépositaires  et  qui 
servaient  à  leurs  vérifications  et  inspections.  C'est  ainsi  que  le 
6  janvier  1676,  les  regardateurs  passèrent  aux  modernes  : 
4c  un  grosescandail|;  trois  petites  ballances  ;  une  livre  et  demy 
livre  de  cuivre  ;  deux  mesures  d'estain  pour  l'huille,  avec  une 
cassette;  une  peinte  pour  mesurer  le  vin,  d'estain  ;  un  panai  ; 
une  cminc  ponchude,  pour  mesurer  Tavoine;  un  moutural; 
deux  marcs,  pour  marquer  les  mesures  ;  une  dcmy-canne  de 
fer  ;  une  couppe  pour  mesurer  le  vin  ». 

Police  des  Séances. 

Le  lieutenant  de  Juge  éuit  chargé  de  maintenir  l'ordre  et  la 
bienséance  pendant  les  délibérations  du  Conseil.  Nous  citerons 
deux  cas  originaux  de  pénalités  infligées  sur-le-champ  aux 
perturbateurs  intervenus  en  Tannée  i665. 

S  janvier  i665.—  *  Attendu  l'irreveranccd^Anihoine  Barrière, 
esunt   venu  au  Conseil,  aiant  esté  appelle  par  le  valet  de 


vtlle,  et  faict  plainte  de  ce  que  nous  l'avions  condamne  k^h 
3  sois  envers  les  rcgardateurs  pour  lui  avoir  change  risteoce 
du  vin  et  taict  des  mesures  que  cela  estoii  de  la  cognoissance 
du  Conseil  et  non  pas  de  Nous,  sans  avoir  tiré  le  chapeau  ny 
s'être  mis  en  devoir.  Nous»  Lieutenant  deJu^e,  lavons  con- 
damne en  3  livres  d  amende,  envers  le  Procureur  juriJtciicrn- 
nel,  attendu  son  irreveranccî*. 

7  juin  lûûb.  —  «  Kt  de  ce  que  Pierre  Euzière,  dit  Louidol,  est 
entré  dans  le  Conseil  en  collère  et  en  jurant  Dieu»  auroit  pris 
un  pot  csiain  que  Jully  Euzière»  valet  de  ville  qyy  estoit  assis 
dans  le  Conseil  lui  avait  gagé  pour  n^esire  venu  au  Conseil, 
que  après  ladicie  gagerie,  et  le  lui  vouloir  octer  par  force,  à 
cause  de  quoi  avons  condamné  iceluy  Euzière  en  6  livr^ 
d  amende  envers  le  Procureur  juridictiQnnel  qui  seront  crtï- 
plovées,  Si^avoir  :  i  livre  lo  sols  à  la  Luminaire  du  m.  Corpus 
Domini  )*♦  i  livre  lo  sols  à  la  Luminaire  de  iNosire-Damc  du 
Rosaire,  et  les  3  livres  restantes  à  la  disposition  du  Procureur 
juridictionnel,  avec  inhibition  et  dellance  audict  Euzicre  de 
jurer  Dieu  à  l'avenir  dans  le  Conseil  ny  autres  parts,  ny  huiter 
de  semblables  violances  à  peine  de  5o  livres  ^* 


L*ancien  Conseil  clôtura  ses  séances,  le  29  novembre  J789, 
sous  la  présidence  du  Lieutenant  de  juge,  Claude  Laugier,  ci  à 
la  requête  des  sieurs  Louis  Bérangcr,  maire,  et  Jacques  Allouch. 
consuL 

Comme  on  vient  de  le  voir,  l'administration  municipale 
de  Saint-Jcannet  à  travers  l'espace  de  quatre  siècles,  n'avait 
subi  que  quelques  modifications  de  détail  qui  ne  lui  avaient 
ôlé  aucun  des  caractères  de  son  origine.  Sans  nullement  pçn*' 
ser  à  méconnaître  les  grands  principes  et  les  réels  bienfaits  de 
la  Révolution,  il  y  a  lieu  de  constater  que  ladoption  par  TAs- 
semblée  Nationale  Constituante  du  svstème  de  ceniralisatioiî 


—  377  — 

et  d'uniformité  dans  toute  1  étendue  du  territoire  français, 
anéantit  Tautonomie  communale  en  faisant  disparaître  les 
statuts  particuliers,  privilèges  et  franchises  qui,  sous  l'ancien 
régime,  donnaient  à  nos  communes  provençales  une  certaine 
indépendance,  dernier  reflet  du  municipe  romain. 

J.  Malaussène. 


Saint-Jean  net,  le  28  juin  1906. 


—  379  — 

Xlll 

L'ADMINISTRATION  COMMUNALE 

SOUS  L'ANCIEN    RÉGIME 
à  RIANS  (Var), 

par  M.  Edmond  POUPÉi  professeur  au  collège  de  Draguignan. 

Correspondant  du  Ministère  de  ^Instruction  publique. 

Membre  de  la  Société  d'études  scientifiques  et  archéologiques 
de  Draguignan. 


L'établissement  à  Rians  *  d'un  Conseil  communal  perma- 
nent remonte  très  probablement  au  xiv«  siècle,  peut-être  même 


*  Var.  arrondissement  de  Brignoles,  chef-liea  de  canton.  Sous  Tancien 
régime.  Rians  dépendait  delà  vigucrie  d'Aix,  était  <  chef  de  vallée»  avec 
Artigues  et  Amirat.  Ce  dernier  village  ayant  été  détruit  pendant  les  guer 
res  civiles  du  commencement  du  xv*  siècle,  ses  habitants  vinrent  habiter 
Hians  qui  était  aussi  l'une  des  communautés  de  Provence  ayant  droit 
de  députer  aux  États  de  la  province.  Elle  fut  chef-lieu  de  snbdélégation 
depuis  rétablissement  de  ces  circonscriptions  jusqu'en  1761,  puis  ratta- 
chée à  celle  de  Pourrières  de  1761  à  1766,  puis  à  celle  de  Trets.  Affona- 
gement  :  12  feux,  de  1471  à  i663:  16  feux  1/2,  de  i663  à  1698  ;  18  feux,  de 
169X3  1731  :  18  feux  3/4,  de  1731  à  la  Révolution.  —  Population  :  3.29» 
habitants  (1670);  2.777  h.  (1733)  :  2.098  h.  (1776);  8.204  !*•  («79o)  •  '-^n  h. 
(içioi).  —  Armoiries  :  D'or  à  un  lion  de  sable  surmonté  d'un  lambel  à 
trois  pendants  de  gueules.  Ce  sont  les  armes  des  Fabri  qui  furent  sei- 
gneurs de  Rians.  La  commune  les  adopta  en  i63i.  Auparavant,  elle  usait 
des  armes  des  d'Agoult,  précédents  seigneurs  :  d'or  à  un  loup  ravissant 
d'azur  armé.  lampassé  et  vilaine  de  gueules.  —  En  i63o,  le  Conseil  com- 
munal voulut  faire  usage  d'armoiries  particulières,  où  auraient  figuré 
«  deux  tours  et  à  l'entour  Rians  avec  un  cordon  ». 


—  38o  — 

Kcactemuni  a  lannéc  iSyo*.  Auparavant  ainsi  que  dans  ot 
nombreuses  !ocalités  du  Provence,  les  allaires  municipales 
étaient  réglées  par  le  «  parlameni  »,  c'est-à-dire  par  l'Asscmblcc 
générale  de  tous  les  chefs  de  maison,  se  réunissant  seulcmetu 
en  cas  de  nécessité  et  déléguant  à  des  syndics  temporaires  le 
soin  de  poursuivre  les  affaires  qui  leur  avaient  été  conliées. 
Comme  parmi  les  rares  documents  antérieurs  au  xvr  sicclc 
qui  ont  été  conservés,  aucun  n  a  trait  à  [organisation  munici- 
pakt  comme  la  collection  des  délibérations  du  Conseil  ne 
commence  qu'en  i36o,  c'est  donc  seulement  à  partir  de  cette 
date  que  l'on  peut  suivre  avec  certitude  Tadministraiion  com* 
munale  de  Rians  dans  son  développement  et  son  évolution. 

Le  I*'  janvier  i56o,  l'Assemblée  générale  des  chefs  de  fa- 
mille se  réunit  sous  la  présidence  du  juge  seigneurial.  Elle 
avait  été  convoquée  à  son  de  trompe  et  par  cent  coups  de  la 
grosse  cloche  de  Téglise.  Il  fut  d'abord  procédé  à  l'élection  de  , 
trois  Consuls^dont  le  premier  devait  remplir  aussi  les  fonctioil^H 
de  trésorier  ei  le  second  celles  de  <c  scripteur  n,  c'est-à*dirc  de 
greffier.  Ensuite  furent  élus  treize  conseillers  «  nouveaux  î*.  t 
compris  les  trois  Consuls  sortants  qui,  réunis  aux  treize  (joa- 
scillers  •«  vieux  x>,  formèrent  le  Conseil  ordinaire  de  la  commu- 
nauté. La  séance  se  termina  par  la  nomination  de  trois  «trac* 
leurs  de  paix  »  en  même  temps  recteurs  deHiôpilaL  de  quatre 
estimateurs  et  d'un  «t  laillicr  ».  Le  procès-verbal  ne  donne  au- 
cun détail  sur  la  manière  dont  s'effectuèrent  les  opérations. 

A  partir  de  1364,  quatorze  conseillers  nouveaux  furent  nom- 
niés  annuellement  en  comprenant  toujours  les  consuls  sor- 
tants % 


*  Dans  Ia  séance  du  Conseil  communal  du  24  avnl  i583.  il  eit  quettion 
de  l'extraction  d'mi  acte  du  14  janvleri379  chez  Durand  Robaud.  noiaàl 
à  Valensolle*.  ponani  concession  de  «  libcrics  »  par  les  seif^neurs  en  1 
veut  de  la  communautés 

*  Séance  du  Conseil  du  1"  janvier  1564. 


il  ressort  de  la  délibération  que  le  Conseil  ordinaire 
dressa  une  liste  de  candidats  cjui  fut  soumise  à  la  ratilicaiion 
de  rAssemblée  générale  *. 

En  1567,  chaque  Consul  proposa  deux  candidats  pour  lui 
succéder  et  le  choix  de  l'assemblée  dût  se  porter  sur  Tun  d'eux'. 

Tels  sont  les  seuls  renseignements  que  fournissent  les  docu- 
ments sur  le  renouvctlemeni  de  la  municipalité  dans  la 
seconde  moitié  du  xvi«  siècle.  Les  élccitons  curent  lieu  réguliè- 
remcni,  chaque  année,  le  r'  janvier,  mais  en  suivant  une  tra- 
dition plutôt  qu'un  règlement  écrit  \ 

Cet  état  de  choses  dura  jusqu'en  161G,  Au  mois  de  décembre 
de  Tannée  précédente,  certains  particuliers  de  Rians  avaient 
présenté  une  requête  au  Parlement  d'Aix  en  nomination  de 
commissaire  pour  élaborer  un  règlement  communal  et  obvier 
ainsi  aux  «  malversations  n  qui  se  commettaient  «  en  la  créa- 
tion du  nouveau  estât  et  administration  des  afayresde  la  maison 
conimanc}^.  iMalgré  l'opposition  du  Conseil  municipal,  le  Parle- 
ment avait  fait  droit  à  cette  demande  *,  et  le  9  janvier  1616»  le 
conseiller  du  Périer  arriva  à  Rians  pour  présider  au  renouvel- 
lement de  la  municipalité  cl  faire  ratifier  par  rassemblée  géné- 
rale des  chefs  de  famille  un  projet  de  règlement  qu'il  appar- 
iait *•  Le  lendemain,  dimanche  9  janvier,  après  avoir  assisté 
à  une  messe  du  Saint-Esprit,  le  conseiller-commissaire  se  rendit 
dans  la  maison  commune,  où  rassemblée  générale  avait  été 
convoquée.  Avant  de  donner  lecture  des  articles  du  règlement 
proposé,  il  lit  remarquer  que  ce  que  Ton  demandait  n'était  pas 


*  Séance  du  Conseil  du  1"  janvier  i566. 

*  Séance  du  1"  janvier  1567. 

'  Awant  ir^iD,  il  n  y  avait  «  aulcung  ordre  ny  règlement  ».  dit  Julien  du 
Périer  dans  sob  procès-verbal  du  7  }anvieri6i6. 

*  Cf.  séances  du  Conjeil  du  14  décembre  161  5.  3.  (2  janvier  j6i6. 

*  U  deacendtt  à  Tauber^  de  la  Masse, 


-   382  ^ 

une  «nouveautlê  ains  une  poursuyie  ires  juste  et  raisonablt 
pour  meure  un^»  ordre  et  une  police  dans  la  maison  comunc... 
pour  imiter  en  cella  non  ceulement  les  bonnes  et  grosses  villes 
voyre  les  plus  moindres  vilages  ï»  de  la  province. 

Il  fut  décidé  que  le  Conseil  général  ne  comprendrait  plus 
désormais  que  soixante  membres  «*  des  plus  aparenix,  plus 
gens  de  bien  et  plus  aliévres  î»,  et  que  ces  membres  ieraient 
choix  annuellement  de  vingi^quatre  d'entre  eux,  y  compris  les 
trois  consuls  sortants  pour  constituer  le  conseil  ordinaire  ou 
*t  particulier  )♦. 

Le  rèf^lemeni  ne  spécifie  pas  de  quelle  manière  seraient 
choisis  les  soixante  membres  du  Conseil  gcnéraL  11  est  proba- 
ble que  les  consuls  en  exercice  dressèrent  la  liste  des  soisaoït 
citoyens  les  plus  «  allivrés  *,  et  constituèrent  ainsi  ce  conseil 
qui.  dans  la  suite,  se  renouvela  par  cooptation. 

Quant  à  l'élection  consulaire,  clic  devait  s'effectuer  de  la 
manière  suivante  :  Les  consuls  sortants  dresseraient  une  liste 
de  neuf  personnes,  avec  l'assistance  des  six  ^  plus  anciens  con- 
seillers*, trois  du  premier  rang,  trois  du  second,  trois  du  troi- 
sième* Le  premier  consul  désignerait  au  Conseil  général  le* 
trois  candidats  du  premier  rang  proposés  pour  lui  succéder. 
Trois  boîtes,  portant  chacune  le  nom  de  Tun  d'eux,  seraiem 
alors  disposées  sur  le  bureau  *.  Les  conseillers  viendra;  ::■* 
déposer  successivement  dans  chacune  d'elles  un  ^  fayoU  L  :-i 
en  cas  d'acceptation,  noir  en  cas  de  rejet.  Le  candidat  qui  nhJ' 
nirait  le  plus  grand  nombre  de  haricots  blancs  serait  élu,  Lx 
même  opération  se  répéterait  pour  chacun  des  deux  derniers 
consuls  et  des  quatre  estimateurs. 

Ce  règlcmeni  fut  appliqué  pour  la  première  fois,  le  i"  fin* 


L^  projet  de  règlemeni  ne  prévoyait  que  t'usage  d*un  chi^iiu. 


-  383  — 

vier  1617.  L'assemblée  procâda  aux  nominations  prescrites  et 
de  plus  fit  choix  d'un  greffier. 

Il  ne  semble  pas  que  ce  règlement  ait  contenté  tout  le 
monde.  A  deux  reprises,  en  1621  et  en  1622,  le  Parlement  d'Aix 
dut  déléguer  Tun  de  ses  membres  pour  présider  à  l'élection  des 
consuls  par  le  Conseil  général  *.  Le  nombre  des  membres  de 
ce  dernier  fut  réduit  à  trente,  par  arrêt  du  i*'  marsr  de  cette 
seconde  année. 

A  part  cette  légère  modification,  le  règlement  de  1616  resta 
en  vigueur  jusqu'en  i655. 

Le  3o  octobre  de  celte  année,  l'assemblée  générale  des 
habitants  se  réunit  sous  la  présidence  de  Louis  d'Anielmy, 
conseiller  au  Parlement  d'Aix,  commissaire-député  *,  pour 
élaborer  et  voter  un  règlement  nouveau.  Homologué  par  arrêt 
du  1 1  décembre,  ce  règlement,  dans  ses  lignes  générales,  sub- 
sista jusqu'en  1789.  Modifié  à  plusieurs  reprises  au  cours  du 
xvir  et  du  xviii*  siècle,  il  fut  complètement  et  pour  la  dernière 
fois  remanié  en  1772  ^. 

Le  règlement  de  i655  ne  fit,  d'ailleurs,  que  rendre  plus  expli- 
cite le  règlement  de  1616,  qui  avait  éubli  un  Conseil  général 
composé  de  membres  inamovibles. 

D'après  le  règlement  de  i655,  ce  Conseil  comprit  soixante- 
trois  membres,  y  compris  les  consuls.  Leur  nombre  fut  porté 
à  soixante-douze  par  le  règlement  du  6  janvier  i656  ^,  réduit  à 
56  en  1668  ',  puis  définitivement  à  cinquante  en  i685  ^. 


'  Présidence  de  Jean  Vend  du  i**  janvier  1621  ;  de  Faiamède  de  Suffren, 
seigneur  d'Aubes,  du  6  mars  1622. 

*  Par  arrêt  du  Parlement  du  ai  octobre  i655. 

'  Autorisé  par  arrêt  du  Parlement  du  11   février. 

*  Klaboré  par  de  Poarcieux,  conseiller  au  Parlement. 

*  Par  arrêt  d'expédient  du  1"  mars. 

«  Par  délibération  du  conseil  du  18  lévrier  homologué  par  jrrêt  du  Par- 
lement du  a5  mars. 


-  384  - 

Ce  Conseil  général  complétaitje  nombre  de  ses  membres 
par  coopiation.  le  dernier  dimanche  de  chaque  année. 

Le  règlemeni  de  i655,  comme  celui  de  1616,  prévoyait  l'eu- 
blisscment  d*un  Conseil  «  particulier  y¥. 

Pour  le  constituer,  après  Télcaion  des  consuls»  on  ui^il 
au  son  dix-sept  membres  du  Conseil  général  qui^  ajoutés  au* 
trois  consuls  sortants  et  aux  trois  consuls  nouveaux»  tormaiem 
un  total  de  vingt-trois  personnes.  La  présence  de  dix-huit  de 
ces  conseillers  suirisait  pour  rendre  les  délibérations  valables* 
Les  membres  sortants  n'étaient  pas  rééligibles. 

Ce  Conseil  *t  particulier  >>  n  avait  pas  qualité  pour  résoudre 
les  questions  de  grande  importance,  comme  la  poursuite  dci$ 
procès,  le  vote  d'emprunts  dépassant  3oo  livres  ou  d'imposi- 
tions extraordinaires.  Dans  ces  cas.  la  réunion  du  Conseil 
général  était  nécessaire.  La  présence  de  trente  conseillers  cuit 
exigée  pour  la  validité  des  délibérations. 

Conseil  particulier  et  Conseil  général  administrèrent  de  con- 
cert la  commune  jusqu'en  i658.  A  cette  date,  le  Parlcmc 
d'Aix,  par  arrêt  du  r'*  mars,  décida  que  vingt-six  conseille 
suffiraient  pour  délibérer  sur  toutes  les  affaires  de  la  commu- 
nauté et  supprima  le  Conseil  particulier. 

Ce  nombre  de  vingt-six  délibérants  fut,  à  son  tour,  réduit 
vingt  en  1714  '  et  à  quatorze  en  1756  '. 

Aux  réunions  du  Conseil,  avait  droit  d*assisier,  au  moins 
depuis  1616,  le  syndic  des  forains  ou  son  substitut.  Si  icsvfi* 
die  siégeait  en  personne,  il  opinait  après  les  consuls;  son  subs* 
tituine  pouvait  le  taire  qu'après  les  consuls  et  les  trois  premiers 
conseillers  ^ 


1  Par  délibération  du  C'>nseil  du  17  juin^homotoguée  pir  arréi  à%  i 
lemeni  du  10  juillet. 

*  Par  délibération  du  Conseil  du  24  août  1755,  homologuée  par  arréida 
Parlement  du  it  février  I7^6. 

*  D'après  le  règlemeot  de  j6i6.  le  svndic  ne  ponvait  opiner  qu'âpre  let 


—  385  — 

L'élection  des  consuls  et  des  autres  officiers  municipaux 
continua  à  s'effectuer  le  i"  janvier  *.  De  i655  à  1789,  elle  eu 
lieu  de  la  manière  suivante  : 

Après  l'audition  d'une  messe  du  Saint-Esprit,  les  membres 
du   Conseil  général  se  rendaient  dans  la  maison  commune, 
accompagnés  du  juge  seigneurial  et  de  son  lieutenant.  Les 
portes  restaient  ouvertes  de  dix  heures  à  midi.  Elles  étaient 
alors  fermées.  D'après  le  règlement  de  i655,  la  présence  de 
trente  conseillers  était  nécessaire  ;  à  partir  de  1772,  celle  de 
vingt-cinq  conseillers  suffit.  Après  la  prestation  des  serments 
accoutumés,  les  noms  des  assistants  étaient  inscrits  sur  des 
billets  séparés,  roulés  et  introduits  à  l'intérieur  d'une  petite 
boule  creuse,  spéciale  à  cet  usage.  Chaque  boule  était  mise 
successivement  dans  le  «  vase  du  sort  ^,  en  présence  du  con- 
seiller dont  le  nom  venait  d'être  inscrit.  Cette  opération  préli- 
minaire terminée,  les  boules  étaient  extraites  du  vase,  comptées, 
puis  y  étaient  remises.  Un  enfant  de  sept  ans  au  plus,  «casuel- 
lement  rencontré  »,  était  introduit,  et,  le  bras  nu  ou  avec  une 
«  cuillère  »  spéciale,  tirait  .sept  boules  pour  nommer  les  «  sur- 
veillants approbateurs  ».  Ceux-ci  prenaient  place  autour  d'une 
table  séparée  de  deux  «  cannes  »  du  bureau.  Si,  dans  la  suite, 
l'un  d'eux  venait  à  être  nommé  consul,  il  était  de  suite  rem- 
placé par  un  nouveau  tirage  au  sort. 

Après  la  désignation  des  sept  «approbateurs  »,  l'enfant  tirait 
trois  nouvelles  boules  qui  désignaient  les  «<  nominateurs  ». 


consuls  et  les  trois  premiers  conseillers.  En  i685.  les  forains  émirent  la 
prétention  d'assister  tous  aux  séances  du  Conseil  et  non  seulement  leur 
syndic.  Cf.  Séance  du  Conseil  du  3o  décembre. 

*  In  arrêt  du  Parlement,  du  2  janvier  ijSi,  avait  prescrit  que  les  élec- 
tions communales  auraient  lieu  en  décembre  pour  que  tous  les  Conseils 
fussent  installés  le  i"  janvier.  Le  Conseil  communal  de  Rians  resta  fidèle 
à  l'ancienne  coutume.  Cf.  Séance  du  Conseil  du  3o  décembre  1731. 

COMORàf  26 


—  386  — 

dominateurs  et  approbateurs  ne  pouvaient  entre  eiLX  être  beaux- 
pères,  beaux-fils,  beaux-frères. 

Le  premier  nominaieur  désignait  ensuite  un  candidat  aux 
fonctions  de  premier  consuL  Les  ^  approbateurs  ^  jetaient  une 
4c  balotte  y^  dans  Tun  des  deux  va^es  placés  devant  eux.  suivant 
qu'ils  approuvaient  ou  désapprouvaient  la  proposition.  En  cas 
de  rejet,  le  ^  nominaicur  *  faisait  une  nouvelle  proposition* 
Si  son  choix  était  ratifié,  le  second  et  le  troisième  «t  nomina» 
ieurî#  désignaient  successivement  un  autre  candidat  aux  mêmes 
fonctions,  soumis  également  à  la  ratirtcation  des  «  approba- 
teurs s#. 

Les  noms  des  trois  candidats  approuvés  étaient  inscrits  sur 
trois  billets*  introduits  dans  trois  boules,  jetés  dans  le  vase  et 
le  même  enfant  lirait  au  sort  le  premier  consul  définitir 

Les  mômes  opérations  se  répétaient  pour  le  second  et  le  troi- 
sième consul.  !-es  trois  consuls  étaient  installés  séance  tenante 
et  prêtaient  serment.  Après  l'élection  des  consuls,  le  Conseil 
procédait  à  celle  du  greffier,  des  auditeurs  des  comptes,  des 
deux  «  allîvralcurs  »,  des  «  peseurs  s^,  d'un  estimateur  qui 
exerçait  concurremment  avec  les  consuls  sortant  de  charge.  Je 
six  «  arbitres  >*,  des  recteurs  de  l'hôpital.  Quant  au  trésorier,  A 
n'était  plus  fonctionnaire  municipal.  Ce  poste  était  délivré  aux 
enchères  au  particulier  qui  faisait  à  la  communauté  les  propo- 
sitions les  plus  avantageuses. 

Le  règlement  de  J772  resta  en  vigueur  jusqu'à  la  RévoJi 
tîon.  A  plusieurs  reprises,  en  1778,   17H3»   1784,   1785.  il  fut 
question  de  le  modifier,  mais  sans  succès  •. 

Les  consuls  élus  le  1"  janvier  1789  restcreni  ci»  iS 

jusqu'à  rétablissement  des  nouvelles  municipalités  • 


*  SéAHCea  du  Conseil  des  ag  novembre,  8  décembre  177H:  al  man  rfQ\ 

j6  décembre   17M4;  iK  décembre  1785;  19  raari  1786. 


-  387   - 

par  l'Assemblée  constituante.  Ce  fut  le  14  février  1790  que  les 
citoyens  actifs  de  Rians  se  réunirent  pour  procéder  aux  élec- 
tions. La  nouvelle  municipalité  fut  installée  le  7  mars  *.  L'an- 
cienne organisation  communale  avait  vécu. 


Séances  du  Conseil  des  a  février,  7  mars  1 790. 


—  389  — 


XIV 


DN  OOTRAGE  ANONYME  DE  DURAND  DE  MAILIANE 

Par  M.  O.  ARNAUD, 

Docteur  ès-lettres^  Professeur  au  lycée  Mignet,  Membre  de  la  Société 
(t Histoire  de  la  Répolution  française. 


Un  heureux  hasard  m*a  fait  trouver  une  brochure  anonyme 
de  60  pages  qui  est,  incontestablement,  de  Durand  de  Maillane 
et  que  je  recommande  à  l'attention  de  ses  futurs  biographes. 
Elle  est  intitulée  :  «  Epître  ou  tableau  mis  en  rimes  des  causes 
et  effets  de  la  Révolution,  dans  ses  rapports  avec  l'Assemblée 
Constituante,  avec  des  notes,  en  germinal  de  l'an  X,  par  un 
constituant,  député  des  communes  »  *.  Je  crois  que  ce  petit 
ouvrage  du  représentant  de  la  sénéchaussée  d^Arles  est  abso- 
lument inconnu  :  en  effet,  il  n'est  mentionné  ni  dans  les  ency- 
clopédies (Didot,  Michaud,  Dictionnaire  des  parlementaires, 
Dictionnaires  de  la  Révolution.  eic.\  ni  dans  la  notice  placée 
en  tète  de  V Histoire  de  la  Convention,  ni  dans  larticle  de 
Mathiez  ^  ni  dans  le  Dictionnaire  des  anonymes  de  Barbier. 

Cet  opuscule  contient  5o  pages  de  vers  de  huit  syllabes  sur 
l'œuvre  de  l'Assemblée  constituante,  3  pages  d'introduction  et 


*  Mon  exemplaire,  déchire'  à  la  1"  page,  ne  contient  pas  le  nom  de  rtm- 
primeur.  Cet  ouvrage  n*est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale. 
«  La  Révolution  française,  l.  XXXIX. 


—  Sgo  — 

40  pages  de  notes.  Les  vers  sont  plats  et  pauvrement  rimes  *  ; 
mais  Tintroduction  et  les  notes  ne  sont  pas  sans  intérêt;  ce 
sont  comme  des  Fragments  de  mémoires  écrits  par  un  témoin 
oculaire  peu  après  les  événements;  elles  nous  donnent  aussi 
quelques  éclaircissements  sur  la  question  de  Tauthenticité  de 
V Histoire  de  la  Convention. 

Je  dois  d'abord  prouver  que  cet  ouvrage  est  bien  de  Du- 
rand de  Maillane.  J'ai  été  mis  sur  la  voie  par  cette  mention 
manuscrite  qu  on  lit  à  la  dernière  page  de  mon  exemplaire  : 
«  par  Durand-Maillane,  député  de  la  Constituante  ».  Ce  n'est 
certes  pas  là  une  preuve  suffisante.  Voici  qui  est  plus  convain- 
cant. 

L'auteur  connaît  particulièrement  la  situation  de  la  Provence 
à  la  veille  de  la  Révolution  (p.  62),  il  a  été  le  condisciple  de 
Pascalis  (p.  63),  sa  circonscription  électorale  touchait  au  Com- 
tat  Venaissin  (p.  84),  il  a  fait  partie  du  comité  ecclésiastique  de 
l'Assemblée  nationale  (p.  52),  il  a  «  coopéré  )►  à  la  constitution 
civile  du  clergé  (p.  53),  il  a  proposé  de  soustraire  le  mariage  à 
l'autorité  ecclésiastique  (p.  79  et  80),  il  a  été  «  conventionnel 
du  côté  droit  »,  après  avoir  été  «  constituant  du  côté  gauche  » 
(p.  77).  Kniin,  ce  qui  est  caractéristique  encore,  on  trouve  à 
toutes  les  pages  le  savant  canoniste,  l'ennemi  acharné  des  Jaco- 
bins, le  catholique  convaincu  et  le  mauvais  écrivain  au  stvlc 
embarrassé  et  incorrect. 

Introduction;  -.  —  <^  Le  principal  objet  de  cette  esquisse. 
touchant  les  actes  de  la  première  Assemblée  Constituante,  est 


•  M.  Maihiez  a  public  des  fraf^mcnts  d'un  autre  ouvrage  en  vers  de  huit 
syllabes  de  Durand  de  Maillane,  intitule'  I.a  prose  rimée  Ce  petit  poème 
était  aussi  accompagné  de  notes,  aujourd'hui  perdues,  {fbid.,  p.  3i5|. 

'  Los  titres  entre  crochets  ne  sont  pas  de  Durand  de  Maillane  ;  les 
points  indiquent  les  coupures. 


-  39.   - 

de  bien  fixer  Topinion  sur  les  principes  et  sur  les  vraies  causes 
de  la  Révolution,  attestées  par  dt(sic)  faits  dont  on  rend  compte 
comme  témoin  oculaire 

«  Il  ne  s  agit  proprement  ici  que  du  grand  |procès  entre  les 
ci-devant  ordres  de  l'État  ;  ce  sont  les  voies  extraordinaires, 
mais  justes  dans  leur  principe,  qui  ont  conduit  comme  d'elles- 
mêmes  le  Tiers-État  à  la  plus  complète  victoire  sur  les  deux 
autres  ordres  beaucoup  trop  privilégiés. 

«  Je  n'ai  point  à  prévenir  ici  le  jugement  de  mes  lecteurs  ; 
mais  je  leur  observe  q.ue  rien  peut-être  n'était  plus  nécessaire 
que  cette  instruction,  pour  la  défense  non  seulement  de  tout  le 
ci-devant  Tiers-État,  mais  encore  des  députés  des  communes 
dans  l'Assemblée  Constituante,  sur  qui  l'on  entend  tous  les 
jours  les  mécontents  faire  tomber  les  excès  ou  les  malheursde 
la  Révolution. 

«  Ces  excès  et  ces  malheurs  sont  comme  étrangers  à  l'Assem- 
blée Constituante,  et  ils  ne  détruisent  pas  d'ailleurs  les  princi- 
pes fondamentaux  sur  lesquels  elle  éleva  son  édifice  ;  ils  sont 
tels,  ces  principes,  que  rien  ne  saurait  prescrire  contre  eux. 
S'ils  sont  nouveaux  dans  leur  usage,  ils  sont  de  toute  ancien- 
neté par  leur  nature  et  leur  justice  ;  ce  que  j'ai  cru  nécessaire 
d'établir  et  de  prouver  dans  les  notes,  où  l'on  trouvera  aussi 
des  faits  et  des  éclaircissements  utiles  au  public. 

«  Je  serais  dans  le  cas  de  tracer  un  pareil  tableau  des  actes 
de  la  Convention  dont  j'ai  été  membre,  comme  de  la  première 
Assemblée  nationale;  mais  je  n'en  ai  ni  le  goût  ni  le  courage, 
sans  cependant  y  renoncer,  d'autant  moins  que  ce  sera  pour  la 
postérité  la  partie  la  plus  piquante  dans  l'histoire  de  notre 
Révolution »  *. 


*  Cf.  Histoire  de  la  Convention  nationale  ou  Mémoires  de  Durand 
de  Maillane  (Paris,  Baudoin.  1825).  Notice  biographique,  p.  x  et  xi  : 
«  Ici  se  termine  la  carrière  politique  de  Durand  de  Maillane  (21  fév.  1798), 


390  — 

40  pages ''de  notes.  Les  vers  sont  plats  et  pauvrement 
mais  l'iîitroduciion  cl  les  noies  ne  sont  pas  sans  inlérét;  ce 
soni  comme  des  Iragmcnisde  mémoires  écrits  par  un  témoin 
oculaire  peu  après  les  événements;  elles  nous  donnent  aussi 
quelques  éclaircissements  sur  la  question  de  l'authenticité  de 
V Histoire  de  ta  Convention. 

Je  dois  d*abord  prouver  que  cet  ouvrage  est  bien  de  Iju 
rand  de  Maillane.  J'ai  clé  mis  sur  la  voie  par  cette  mention 
manuscrite  quon  lit  à  la  dernière  page  de  mon  exemplaire  : 
«  par  Durand-Maillane,  député  de  la  Constiluanic  ».  Ce  n'est 
certes  pas  là  une  preuve  su  fi]  santé.  Voici  qui  est  plus  convain- 
cant. 

L*auieur  connaît  particulièrement  la  situation  de  la  Provence 
h  la  veille  de  la  Révolution  (p.  62)»  il  a  été  le  condisciple  de 
Pascalis  (p*  63).  sa  circonscription  électorale  touchait  au  Corn* 
lai  Vcnaissin  (p.  84)»  il  a  fait  partie  du  comité  ecclésiastique  de 
l'Assemblée  nationale  (p.  32)»  il  a  <n  coopéré  )^  à  la  constitution 
civile  du  clergé  (p*  53),  il  a  proposé  de  soustraire  le  mariage  a 
Tautorité  ecclésiastique  (p.  79  et  80),  il  a  été  «  conventionnel 
du  côte  droit  ».  après  avoir  été  *t  constituant  du  côte  gauche  ^ 
(p.  77).  Enfin,  ce  qui  est  caractéristique  encore,  on  trouve  h 
toutes  les  pages  le  savant  canontstc,  l'ennemi  acharne  des  Jaco- 
bins, le  catholique  convaincu  et  le  mauvais  écrivain  au  slylc 
embarrassé  et  incorrect. 


Introduction)  ^  —  «i  Le  principal  objet  de  cette  esquisse, 
louchant  les  actes  de  la  première  Assemblée  Constituante.  e$t 


*  M.  Mal  h  ici  a  public  des  frigtncnts  d'un  autre  ouirrage  en  vcj»  .jc  nmt 
sfllabw  de  Durand  de  MajHane.  intitulé  La  prose  rimét  Ce  petit  pocmt 
était  aussi  accompagne  de  notes,  aujourd'hui  perdues,  [tbid,,  p.  ltb\^ 

*  Les  utres  entre  crochets  ne  sont  pas  de  Durand  de  MaïUane  •  Its 
points  indiquent  les  coupures. 


-39.   - 

de  bien  fixer  Topinion  sur  les  principes  et  sur  les  vraies  causes 
de  la  Révolution,  attestées  par  dt(sic)  faits  dont  on  rend  compte 
comme  témoin  oculaire 

«  Il  ne  s'agit  proprement  ici  que  du  grand  |procès  entre  les 
ci-devant  ordres  de  TÉtat  ;  ce  sont  les  voies  extraordinaires, 
mais  justes  dans  leur  principe,  qui  ont  conduit  comme  d'elles- 
mêmes  le  Tiers-État  à  la  plus  complète  victoire  sur  les  deux 
autres  ordres  beaucoup  trop  privilégiés. 

«  Je  n'ai  point  à  prévenir  ici  le  jugement  de  mes  lecteurs  ; 
mais  je  leur  observe  que  rien  peut-être  n'était  plus  nécessaire 
que  cette  instruction,  pour  la  défense  non  seulement  de  tout  le 
ci-devant  Tiers-Etat,  mais  encore  des  députés  des  communes 
dans  l'Assemblée  Constituante,  sur  qui  Ton  entend  tous  les 
jours  les  mécontents  faire  tomber  les  excès  ou  les  malheursde 
la  Révolution. 

«  Ces  excès  et  ces  malheurs  sont  comme  étrangers  à  l'Assem- 
blée Constituante,  et  ils  ne  détruisent  pas  d'ailleurs  les  princi- 
pes fondamentaux  sur  lesquels  elle  éleva  son  édifice  ;  ils  sont 
tels,  ces  principes,  que  rien  ne  saurait  prescrire  contre  eux. 
S'ils  sont  nouveaux  dans  leur  usage,  ils  sont  de  toute  ancien- 
neté par  leur  nature  et  leur  justice  ;  ce  que  j'ai  cru  nécessaire 
d'établir  et  de  prouver  dans  les  notes,  où  l'on  trouvera  aussi 
des  faits  et  des  éclaircissements  utiles  au  public. 

«  Je  serais  dans  le  cas  de  tracer  un  pareil  tableau  des  actes 
de  la  Convention  dont  j'ai  été  membre,  comme  de  la  première 
Assemblée  nationale;  mais  je  n'en  ai  ni  le  goût  ni  le  courage, 
sans  cependant  y  renoncer,  d'autant  moins  que  ce  sera  pour  la 
postérité  la  partie  la  plus  piquante  dans  l'histoire  de  notre 
Révolution »  <. 


*  Cf.  Histoire  de  la  Convention  nationale  ou  Mémoires  de  Durand 
de  Maillane  (Paris,  Baudoin,  1825} .  Notice  biographique,  p.  x  et  xi  : 
«  Ici  se  termine  la  carrière  politique  de  Durand  de  Maillane  (21  fév.  179H), 


—  390  — 

4o  pages  de  noies>  Les  vers  soin  plats  et  pauvrement  rir 
mais  rintroducùon  cL  tes  notes  ne  sont  pas  sans  inlérèl;  ce 
soni  comme  des  Iragmenisde  mémoires  écrits  par  un  témoin 
oculaire  peu  après  les  événements  ;  elles  nous  donnent  aussi 
quelques  éclaircissements  sur  la  question  de  rauthcnikiié  de 
Vilisloire  de  la  Convention, 

Je  dois  d  abord  prouver  que  cet  ouvrage  est  bien  de  Du 
rand  de  Maillane*  J'ai  été  mis  sur  la  voie  par  cette  mention 
manuscrite  qu'on  Ht  à  la  dernière  page  de  mon  exempUin*  ; 
4i  par  Durand-Maillane,  député  de  la  Constituante  *,  Ce  n'est 
certes  pas  lu  une  preuve  sulTisante.  Voici  qui  est  plus  convain- 
cant. 

L'auteur  connaît  particulièrement  la  situation  de  la  Provence 
à  la  veille  de  la  Révolution  (p.  62),  il  a  été  le  condisciple  de 
Pascalis  (p,  63).  sa  circonscription  électorale  touchait  au  Corn* 
tal  Venaissin  (p.  84),  il  a  tait  partie  du  comité  ecclésiastique  de 
TAssemblée  nationale  ip.  52).  il  a  «  coopéré  i»  à  la  constitution 
civile  du  clergé  (p.  53)*  il  a  proposé  de  soustraire  le  mariage  à 
l'autorité  ecclésiastique  (p.  79  cl  80),  il  a  été  ^  conventionnel 
du  côté  droit  *,  après  avoir  été  «<  constituant  du  côté  gauche  » 
tp,  77).  En  lin,  ce  qui  est  caractéristique  encore,  on  trouve  à 
toutes  les  pa^cs  le  savant  canonistc,  lennemi  acharné  des  Jaco- 
bins, le  catholique  convaincu  cl  le  mauvais  écrivain  au  styk 
embarrassé  et  incorrect. 

Introduction  I  '-  —  *t  Le  principal  objet  de  cette  esquisse, 
touchant  les  actes  de  la  première  Assemblée  Constituante,  osx 


*  M.  Mftihies  a  (fuhlié  des  frA^mcnts  à*%yn  auire  ouvrage  en  vers  de  tifi 
syllabe»  de  Durand  de  Maillanc»  intitulé  La  prast  rimét  Ce  pciii( 
était  aussi  accompagne  de  notes,  aujourd'hui  perdues,  {fbid.,  p*  3i3). 

'  Les   titres  entre  crochets  ne  sont   pas  de  liurand  de   MaïUaae  • 
points  indiquent  les  coupures* 


-  39.   - 

de  bien  fixer  Topinion  sur  les  principes  et  sur  les  vraies  causes 
de  la  Révolution,  attestées  par  deC^ic^  faits  dont  on  rend  compte 
comme  témoin  oculaire 

4i  II  ne  s'agit  proprement  ici  que  du  grand  |procès  entre  les 
ci-devant  ordres  de  l'État  ;  ce  sont  les  voies  extraordinaires, 
mais  justes  dans  leur  principe,  qui  ont  conduit  comme  d'elles- 
mêmes  le  Tiers-État  à  la  plus  complète  victoire  sur  les  deux 
autres  ordres  beaucoup  trop  privilégiés. 

«  Je  n'ai  point  à  prévenir  ici  le  jugement  de  mes  lecteurs; 
mais  je  leur  observe  q.ue  rien  peut-être  n'était  plus  nécessaire 
que  cette  instruction,  pour  la  défense  non  seulement  de  tout  le 
ci-devant  Tiers-État,  mais  encore  des  députés  des  communes 
dans  l'Assemblée  Constituante,  sur  qui  l'on  entend  tous  les 
jours  les  mécontents  faire  tomber  les  excès  ou  les  malheUrsde 
la  Révolution. 

«  Ces  excès  et  ces  malheurs  sont  comme  étrangers  à  l'Assem- 
blée Constituante,  et  ils  ne  détruisent  pas  d'ailleurs  les  princi- 
pes fondamentaux  sur  lesquels  elle  éleva  son  édifice  ;  ils  sont 
tels,  ces  principes,  que  rien  ne  saurait  prescrire  contre  eux. 
S'ils  sont  nouveaux  dans  leur  usage,  ils  sont  de  toute  ancien- 
neté par  leur  nature  et  leur  justice  ;  ce  que  j'ai  cru  nécessaire 
d'établir  et  de  prouver  dans  les  notes,  où  l'on  trouvera  aussi 
des  faits  et  des  éclaircissements  utiles  au  public. 

^  Je  serais  dans  le  cas  de  tracer  un  pareil  tableau  des  actes 
de  la  Convention  dont  j'ai  été  membre,  comme  de  la  première 
Assemblée  nationale;  mais  je  n'en  ai  ni  le  goût  ni  le  courage, 
sans  cependant  y  renoncer,  d'autant  moins  que  ce  sera  pour  la 
postérité  la  partie  la  plus  piquante  dans  l'histoire  de  notre 
Révolution ^^. 


*  Cf.  Histoire  de  la  Convention  nationale  ou  Mémoires  de  Durand 
de  Maillane  (Paris,  Baudoin,  i825).  Notice  biographique,  p.  x  et  xi  : 
«  Ici  se  termine  la  carrière  politique  de  Durand  de  Maillane  (21  fév.  1798), 


—  390  — 

40  pages  de  noies.  Les  vers  sont  plats  et  pauvrement  rir 
mais  riniroduciion  ul  les  noies  ne  sont  pas  sans  iniérèt  ;  ce 
sont  comme  des  tragments  de  mémoires  écrits  par  un  témoin 
oculaire  peu  après  les  événements;  elles  nous  donnent  aussi 
quelques  éclaircissements  sur  la  question  de  l'authenticiic  de 
V Histoire  de  la  Convention, 

Je  dois  d'abord  prouver  que  cet  ouvrage  est  bien  de  Du- 
rand de  Maillane,  J'ai  été  mis  sur  la  voie  par  celle  mention 
manuscrite  qu'on  lit  à  la  dernière  page  de  mon  exemplaire  : 
«  par  Durand-Maillane,  députe  de  la  Constiluanic  ^,  Ce  n'est 
certes  pas  là  une  preuve  sunisantc.  Voici  qui  est  plus  convain- 
cant* 

L  auteur  connaît  particulièrement  la  situation  de  la  Provence 
à  la  veille  de  la  F^évolulion  (p.  62),  il  a  été  le  condisciple  de 
Pascalis  (p.  63).  sa  circonscription  électorale  touchait  au  Corn- 
Ut  Venaissîn  (p.  84),  il  a  lait  partie  du  comité  ecclésiastique  de 
TAssemblée  nationale  (p.  52),  il  a  *c  coopéré  »  à  la  constitution 
civile  du  clergé  (p.  53),  il  a  proposé  de  soustraire  le  mariage  a 
rauiorilé  ecclésiastique  (p.  79  et  80),  tl  a  été  *  conventionnel 
du  côté  droit  î*,  après  avoir  été  <«  constituant  du  côté  i^auchc  » 
(p,  77),  Enfin,  ce  qui  est  caractéristique  encore,  on  trouve  à 
toutes  les  pages  le  savant  canonisle»  Tennemi  acharné  des  Jaco- 
bins, le  catholique  convaincu  et  le  mauvais  écrivain  au  style 
embarrassé  ci  incorrect. 


Introduction    ^  —  ^^  Le  principal  objet  de  cette  e.Nquissc. 
louchant  les  actes  de  la  première  Assemblée  Constituante,  «i 


♦  M,  Maihie«  a  publié  de*  fm^mcnts  d'un  «uirc  ouvrage  t,i  vct*  ,lv  tunt  ' 
lyllabcs  d«  l>urand  de  M  ail  Jane,  mtiiutc  Im  prost  rimée  Ce  peut  poçinc 
était  aussi  accompagnt!  de  notes,  aujourd'hui  pcrdtics.  {tbid.,  p.  $tby* 

*  Les  titres  entre  crochets  ne  sont   pas  de   [Jurand  de   Mailtane  ;  les 
points  indiquent  les  coupures. 


-39.  - 

de  bien  fixer  Topinion  sur  les  principes  et  sur  les  vraies  causes 
de  la  Révolution,  attestées  par  deC^ic;  faits  dont  on  rend  compte 
comme  témoin  oculaire 

^  Il  ne  s*agit  proprement  ici  que  du  grand  |procès  entre  les 
ci-devant  ordres  de  l'État  ;  ce  sont  les  voies  extraordinaires, 
mais  justes  dans  leur  principe,  qui  ont  conduit  comme  d'elles- 
mêmes  le  Tiers-État  à  la  plus  complète  victoire  sur  les  deux 
autres  ordres  beaucoup  trop  privilégiés. 

«  Je  n'ai  point  à  prévenir  ici  le  jugement  de  mes  lecteurs  ; 
mais  je  leur  observe  q,ue  rien  peut-être  n'était  plus  nécessaire 
que  cette  instruction,  pour  la  défense  non  seulement  de  tout  le 
ci-devant  Tiers-État,  mais  encore  des  députés  des  communes 
dans  l'Assemblée  Constituante,  sur  qui  Ton  entend  tous  les 
jours  les  mécontents  faire  tomber  les  excès  ou  les  malheursde 
la  Révolution. 

«  Ces  excès  et  ces  malheurs  sont  comme  étrangers  à  TAssem- 
blce  Constituante,  et  ils  ne  détruisent  pas  d'ailleurs  les  princi- 
pes fondamentaux  sur  lesquels  elle  éleva  son  édifice  ;  ils  sont 
tels,  ces  principes,  que  rien  ne  saurait  prescrire  contre  eux. 
S'ils  sont  nouveaux  dans  leur  usage,  ils  sont  de  toute  ancien- 
neté par  leur  nature  et  leur  justice  ;  ce  que  j'ai  cru  nécessaire 
d'établir  et  de  prouver  dans  les  notes,  où  l'on  trouvera  aussi 
des  faits  et  des  éclaircissements  utiles  au  public. 

^  Je  serais  dans  le  cas  de  tracer  un  pareil  tableau  des  actes 
de  la  Convention  dont  j'ai  été  membre,  comme  de  la  première 
Assemblée  nationale;  mais  je  n'en  ai  ni  le  goût  ni  le  courage, 
sans  cependant  y  renoncer,  d'autant  moins  que  ce  sera  pour  la 
postérité  la  partie  la  plus  piquante  dans  l'histoire  de  notre 
Révolution )>  ^ 


*  Cf.  Histoire  de  la  Convention  nationale  ou  Mémoires  de  Durand 
de  Maillane  (Paris,  Baudoin,  1825).  Notice  biographique,  p.  x  et  xi  : 
«  Ici  se  termine  la  carrière  politique  de  Durand  de  Maillane  (21  fév.  1798), 


—  Sgo  — 

40  pages  de  notes.  Les  vers  sont  plats  et  pauvrement  rimî 
mais  l'introduction  et  les  notes  ne  sont  pas  sans  intérêt;  ce 
sont  comme  des  fragments  de  mémoires  écrits  par  un  témoin 
oculaire  peu  après  les  événements;  elles  nous  donnent  aussi 
quelques  éclaircissements  sur  la  question  de  rauihentîcité  de 
V Histoire  de  la  Convention. 

Je  dois  d'abord  prouver  que  cet  ouvrage  est  bien  de  Du- 
rand de  Maillane.  J"ai  été  mis  sur  la  voie  par  cette  mention 
manuscrite  qu'on  lit  à  la  dernière  page  de  mon  exemplaire  : 
#t  par  Durand-Maillane,  député  de  la  Constituante  )>,  Ce  n*cvt 
certes  pas  là  une  preuve  suHi santé.  Voici  qui  est  plus  convaia* 
cant. 

L*auleur  connaît  particulièrement  la  situation  de  la  Provence 
à  la  veille  de  la  Révolution  (p.  62),  il  a  été  le  condisciple  de 
Pascalis  (p.  63),  sa  circonscription  électorale  touchait  au  Com- 
tat  Venaissin  (p.  84).  il  a  l'ail  partie  du  comité  ecclésiastique  de 
l'Assemblée  nationale  (p.  52),  il  a  #«  coopéré  »  à  la  constiturion 
civile  du  clergé  (p.  53).  il  a  proposé  de  soustraire  le  mariage  à 
l'autorité  ecclésiastique  (p,  7g  et  80),  il  a  été  m,  convcniionnci 
du  côté  droit  y^,  après  avoir  été  «  constituant  du  côté  gauche  » 
(p.  77).  Enfin  «  ce  qui  est  caractéristique  encore,  on  trouve  à 
toutes  les  pages  le  savant  canoniste,  lennemi  acharné  des  Jaco* 
bins,  le  catholique  convaincu  et  le  mauvais  écrivain  au  siyk 
embarrassé  et  incorrect. 

Introduction  -.  —  ^  Le  principal  objet  de  cette  c^quJS&e. 
touchant  les  actes  de  la  première  Assemblée  Constituante,  est 


*  M.  Mathiez  a  publié  des  fragments  d'un  autre  ouvrage  en  vers  dç  huit 
sfllabea  de  Durand  de  Mailfanc,  mtiiuté  La  prost  rimée  Ce  petit  poème 
était  au»si  accompagné  de  noies,  aujourd'hui  perdues,  {ïhid.,  p,  5i5K 

*  Les  litres  entre  crochets  ne  sont  pas  de  Durand  de  MitUUne  \  let 
poinif  «odiquent  tes  coupures. 


-  39.   - 

de  bien  fixer  l'opinion  sur  les  principes  et  sur  les  vraies  causes 
de  la  Révolution,  aiiestées  par  d^(sic)  faits  dont  on  rend  compte 
comme  témoin  oculaire 

*  Il  ne  s'agit  proprement  ici  que  du  grand  (procès  entre  les 
ci-devant  ordres  de  l'État  ;  ce  sont  les  voies  extraordinaires, 
mais  justes  dans  leur  principe,  qui  ont  conduit  comme  d'elles- 
mêmes  le  Tiers-État  à  la  plus  complète  victoire  sur  les  deux 
autres  ordres  beaucoup  trop  privilégiés. 

«  Je  n'ai  point  à  prévenir  ici  le  jugement  de  mes  lecteurs  ; 
mais  je  leur  observe  que  rien  peut-être  n  était  plus  nécessaire 
que  cette  instruction,  pour  la  défense  non  seulement  de  tout  le 
ci-devant  Tiers-État,  mais  encore  des  députés  des  communes 
dans  TAssemblée  Constituante,  sur  qui  Ton  entend  tous  les 
jours  les  mécontents  faire  tomber  les  excès  ou  les  malheurs  de 
la  Révolution. 

«  Ces  excès  et  ces  malheurs  sont  comme  étrangers  à  T Assem- 
blée Constituante,  et  ils  ne  détruisent  pas  d'ailleurs  les  princi- 
pes fondamentaux  sur  lesquels  elle  éleva  son  édifice  ;  ils  sont 
tels,  ces  principes,  que  rien  ne  saurait  prescrire  contre  eux. 
S'ils  sont  nouveaux  dans  leur  usage,  ils  sont  de  toute  ancien- 
neté par  leur  nature  et  leur  justice  ;  ce  que  j'ai  cru  nécessaire 
d'établir  et  de  prouver  dans  les  notes,  où  l'on  trouvera  aussi 
des  faits  et  des  éclaircissements  utiles  au  public. 

«  Je  serais  dans  le  cas  de  tracer  un  pareil  tableau  des  actes 
de  la  Convention  dont  j'ai  été  membre,  comme  de  la  première 
Assemblée  nationale;  mais  je  n'en  ai  ni  le  goût  ni  le  courage, 
sans  cependant  y  renoncer,  d'autant  moins  que  ce  sera  pour  la 
postérité  la  partie  la  plus  piquante  dans  l'histoire  de  notre 
Révolution »  *. 


*  Cf.  Histoire  de  la  Convention  nationale  ou  Mémoires  de  Durand 
de  Maillane  (Paris,  Baudoin,  1825).  Notice  biographique,  p.  x  et  xi  : 
«  Ici  se  tennioè  la  carrière  politique  de  Durand  de  Maillane  (21  fév.  179BI, 


^^^2    — 

Procession  des  États  Généraux  .  —  «  C'e&i  un  faii 
remarquable  et  qui  fut  trcb  bien  remarque  qu  a  la  procession 
de  l'ouverture  des  Etais  Généraux,  le  5  mai  17H9,  le  peuple  qui 
bordait  la  haie»  qui  remplissait  les  fenêtres^  qui  était  sur  les 
toits,  tout  le  lorif;  des  rues,  à  partir  de  Téglise  Notre-Dame  pour 
aller  à  Téglise  de  Saint-Louis»  ne  lit  qu'applaudir,  battre  des 
mains  aux  éclats,  tant  qu'il  vit  les  députés  du  Tiers-Éiai  dcHlcr 
deux  à  deux  devant  les  députés  de  la  noblesse;  des  que  ceux-ci 
paraissaient,  grand  silence. 

^  Ce  sentiment  du  peuple  à  cette  époque  ne  lut  puim  mantei 
vré>  il  ne  pouvait  l'être,  car  les  spectateurs  étaient  innombr 
blés,  leur  vœu  ne  pouvait  donc  qu'être  naturel»  étant  ainsi 
spontané  et  unanime.  C'est  vraiment  un  sujet  de  profonde 
méditation.  Au  premier  instant  des  États  Généraux,  la  nation 
se  montre,  pour  ainsi  dire,  telle  qu'elle  n'a  cessé  d'être  dans 
tout  le  cours  de  la  Révolution 

«  Dans  la  disposition  où  étaient  les  esprits  à  la  même  épo- 
que, ils  s*oftensèrcnt  d  abord  de  nos  costumes,  du  faste  insu^ 
tant  qu'on  mit  dans  celui  des  nobles;  ensuite,  parce  que  ces 
nobles  ne  voulurent  pas  se  réunir  a  nous,  ils  s'en  irritcrtni. 
s*en  aigrirent  de  manière  à  intéresser  à  notre  in|ure  ou  à  notre 
vengeance  tout  ce  qui  tenait  au  Tiers-État,  jusqu'aux  gardes 
françaises,  d'ailleurs  mal  disposées,  depuis  la  mort  de  M.  de  Bi* 
ron,  contre  leur  nouveau  commandant,  ce  qui  est  encore  une 
de  CCS  circonstances  inopinées  qui  ont  comme  décidé  la  Révo* 


qui  fat,  dès  ce  moment, rendu  h  ses  travaux  de  lunscontulte,  a  i^es  detoirf 
de  mAgistral.  Il  commença,  des  lors,  à  rassembler  aussi  les  maicKaot  de 
^cs  Mémoirat  sur  ta  Contient  ion  nationale...  »  On  sait  que  M.  Aolard 
iU  Rét^olutioH  française,  n'du  14  fév.  igoo)  n  contesté  l*aiithentiai^de 
CCS  Mémoires.  Ce  passage  prouva  que  Crivelli.  qui  «  les  a  revus  ci  mis  m 
ordre  ».  a  réellement  travaille'  sui  des  noUs  de  Durand  de  Mâillaoe.  Vmi 
aussi  MjiTiiie2.  L  c,  p.  H4  et  suiv. 


4k 


-  393  - 

lution  ou  ses  succès  ;  car  l'indisciplme  de  cette  première  troupe 
fut  imitée  par  les  artilleurs  qui  refusèrent  le  service  contre  les 
députés,  aux  critiques  journées  des  i3  et  14  juillet;  bientôt 
l'armée  fut  contaminée  par  ces  exemples,  et  tout  ce  qui  d'ail- 
leurs n'était  pas  noble,  ne  Ht  aussitôt  qu'une  voix,  qu'un  cri  pour 
la  liberté...  Dès  ce  moment,  le  Tiers-État  fut  vainqueur,  parce 
qu'il  n'est  pas  de  force  comme  celle  du  peuple  quand  il  s'ac- 
corde pour  l'employer  ». 

Séance  royale  du  23  juin  1789J.  —  «  Par  la  disposition 
des  esprits  parmi  les  députés  des  communes  que  je  voyais,  par 
l'intérêt  personnel  que  j'avais  à  la  chose,  j'ai  toujours  pensé 
que  si,  dans  la  séance  royale  du  23  juin  1789,  on  eut  entendu, 
à  la  lecture  qui  se  Ht  de  la  déclaration  du  roi,  un  article  qui 
admettait  tous  les  sujets  du  roi,  indistinctement,  à  tous  les  em- 
plois civils  et  militaires,  selon  leurs  vertus  et  leurs  talents,  les 
représentants  du  Tiers-État  n'auraient  pas  été  bien  loin  de  se 
rendre. 

«  Mais  parce  que  cet  article  n'y  fut  pas,  ils  se  seraient  laissé 
tuer  dans  la  salle  plutôt  que  de  retourner  vivre  dans  leurs  pro- 
vinces, eux  et  leurs  représentés,  dans  le  même  avilissement. 

«  M.  de  Brézé  vint  donc  vainement  nous  en  donner  l'ordre 
de  la  part  du  roi.  Mirabeau  qui,  pour  s'accréditer,  pour  se 
faire  acheter...,  prenait  toujours  la  parole  dans  les  causes  ma- 
jeures, se  hâta  de  la  prendre  ici  pour  exprimer  un  vœu  qu'il 
voyait  écrit  sur  tous  les  fronts,  qu'il  entendait  même  de  tous 
les  coins...  » 

[Mirabeau  .  —  «  Un  seul  député  de  l'Assemblée  Constituante 
a  été  convaincu,  après  sa  mort,  du  trafic  non  pas  seulement 
de  ses  talents  ou  de  sa  parole,  ce  qui  est  toujours  un  grand 
tort,  mais  de  la  liberté  même  de  la  nation. 

«  Ce  député  est  Mirabeau  qui,  lorsque  le  peuple  l'idolâtrait 


—  394  ^ 

pour  son  patriotisme,  lui,  le  vendait,  et  ses  droits  et  saTn>ertt, 
par  des  marchés  avec  la  cour  dont  on  découvrit  la  preuve  dans 
larmoire  de  fer. 

«  J  ai  entendu  la  première  lecture  des  pièces,  où  Ton  vo)*!!! 
un  débat,  tant  sur  le  prix  de  la  trahison,  que  sur  la  forme  de 
son  paiement  *. 

«  Qui  n'aime  pas  la  Révolution  est  pardonnable  de  ne  pas 
la  servir  ;  mats  se  faire  honneur  de  la  servir,  en  la  trahissant, 
c'est  un  crime  qui  n'a  pas  de  nom.  Mirabeau  n'en  a  été  puni 
que  dans  sa  cendre  que  la  Convention  ordonna  de  faire  exhu- 
mer du  Panthéon  pour  la  jeter  au  vent. 

<t  J'observerai  ici  que  cet  orateur,  dont  on  ne  pouvait  s'cm- 
pécher  d'admirer  les  talents,  était  si  décrié  par  sa  moralilc 
que  le  côté  gauche  de  TAssemblée  était  sans  cesse  en  garde  con- 
tre lui  ;  il  est  arrivé  plusieurs  fois  que  ce  ccMé  la  ramené  à dc^ 
principes  dont  Mirabeau  s*écartaiu  sans  doute  à  mauvais  des- 
sein. L'événement  nous  autorise  maintenant  à  le  croin;  i». 

iLa  fuite  du  roi.  Révision  de  la  Constitution,  La  Hépublt- 
que  ,  —  «  Quand  on  revisa  la  première  Constitution  qui  se  iii, 
non  comme  on  l'aurait  désiré,  mais  comme  les  circonstances 
et  les  préjugés,  que  Ton  avait  alors  beaucoup  à  ménager,  per- 
mirent de  la  faire,  plusieurs  parlaient  de  République,  et 
Louis  XVI  semblait  y  inviter  à  l'époque  de  sa  fuite,  par  k 
Mémoire  qu'on  lut  de  sa  part  à  la  barre  de  l'Assemblcc,  et  oà 
Il  déclarait  nettement  son  aversion  pour  tout  ce  que  nous  tai- 
sions de  contraire  a  son  autorité  et  a  ses  droits,  qu'il  entendait^ 
disait-il,  conserver  tels  qu'il  les  avait  reçus  de  ses  pères. 


•  Cf,  ffist.  dt  ia  ^Coupent.  :  «  On  y  d<*couvril  (dans  l'armoire  de  fer»  des 
pièces  dont  on  »c  sertit  contre  lui  iLouis  \\{\  dans  son  lugement  ;  d*ao- 
tre«  qui  décelèrent  le  fâuz  pttrioiisme  de  députes  qui,  lorsqu'ils  œaii* 
u«ient  k  p\us  de  it\e  pour  U  liberté  de  li  nition.  travailiatent  pour  de 
Tor  à  son  esclavage  »,  p  5ir 


-  395  — 

4c  Mais  le  fruit  n'était  pas  mûr,  c'est-à-dire  qu'alors  les  Fran- 
çais, en  général,  n'étant  pas  préparés  à  la  forme  républicaine, 
n'auraient  pu  sitôt  l'adopter,  ^itôt  oublier  et  monarque  et  mo- 
narchie. On  aurait  ainsi  manque  son  coup  pour  le  précipi- 
ter... )> 

Influence  pernicieuse  de  Montesquieu  .  ~  «  L'esprit  des 
lois  parut  vers  l'an  1748.  Dès  cette  époque,  les  Parlements  qui, 
jusque-là,  avaient  solennellement  avoué,  et  plus  d'une  fois,  ne 
tenir  absolument  leur  état  et  leur  pouvoir  que  du  roi,  s'eslimè- 
rcnt  bientôt  les  représentants  du  peuple  et  lesorganes  nécessaires 
auprès  du  législateur,  dont  ils  arrêtaient  les  lois  comme  à  leur 
grc,  par  le  moyen  de  leur  enregistrement,  tandis  que,  d'autre 
part,  le  roi  qui  n'était  entouré  que  de  nobles,  pour  qui,  dit 
Montesquieu,  cest  une  infamie  de  partager  le  commandement 
avec  un  roturier,  n'a.  depuis,  cessé  de  faire  tout  pour  eux,  au 
détriment,  je  dirai  même,  à  l'anéantissement  de  tout  le  peuple. 

«  La  première  de  ces  lois,  dont  les  autres  n'ont  été  que  la  con- 
séquence, sont  (sic)  celles  qui,  après  avoir  réglé  la  noblesse 
militaire,  établirent  successivement  des  écoles,  des  collèges, 
des  chapitres  pour  tous  les  nobles,  en  les  dotant  largement  de 
gros  bénéfices,  tous  composés  du  bien  des  pauvres.. 

«  Dans  ces  chapitres,  les  nobles  chanoines,  pour  n'être  pas 
confondus  avec  des  curés  et  des  vicaires  dans  l'uniformité  de 
leur  robe  noire,  portaient  des  croix  avec  des  rubans  de  cou- 
leur. Les  choses  en  étaient  venues  au  point  que  le  mérite  le 
plus  distingué,  la  science  la  plus  étendue,  la  plus  profonde, 
n'étaient  pour  aucun  roturier  un  titre  pour  obtenir  le  plus  petit 
bénéfice  consistorial,  que  dis-je?  la  plus  petite  pension  sur  ces 
bénéfices  possédés  en  commcnde.  J'aurais,  à  ce  sujet,  des 
épisodes  à  faire  en  preuve  qui,  tout  à  la  fois,  amuseraient  et 
scandaliseraient  le  lecteur;  mais  Dieu  y  a  pourvu,  et  désormais 
tous  les  ministres  de  son  Église,  indistinctement,  débarrassés 


de  leurs  anciennes  ei  dangereuses  possessions,  n'auront  plus  à 
se  faire  honneur  que  de  leur  mérite  et  de  leurs  vertus... 

«  Enrîn,  ce  qui  avail  mis  le  comble  à  1  injustice  impolittque 
du  Gouvernement  envers  le  ci-devant  Tiers-Étal,  c'est  la  loi 
par  laquelle  on  exigeait  des  preuves  de  noblesse  pour  être 
olficierdans  les  troupes  du  roi,  sur  terre  comme  sur  mer 

*c  C'était  ià  tout  ce  qui  restait  au  Tiers-Etat  de  TancKiii^t 
Constitution»  échappé  au  rava^'e  des  ticfs,  *t  La  Constitution 
du  Gouvernement  français,  disait  MatbareK  est  si  ciscellente 
qu'elle  n*a  jamais  exclu  ni  n*exclura  jamais  les  citoyens  nés 
dans  le  plus  bas  étage  des  dignités  les  plus  relevées  -»,  Voili 
donc  la  dernière  porte  qu'on  avail  fermée  aux  ci-devant  rotu- 
riers pour  leur  ouvrir,  dans  le  service  militaire,  celle  d'un  inju- 
rieux médaillon,  ou  d'un  grade  sous  le  nom  plus  injurieux 
encore  d'o/ficiers  de  Jorlune  /... 

*i  Tout  cela,  je  le  répète*  est  Teflet  insensible»  indirect»  mai> 
réel  des  principes  établis  par  Montesquieu  dans  son  Esphl 
des  lois  en  faveur  de  la  noblesse,  au  préjudice  du  Tiens- 
État,.,  î>  *. 


*  Il  dît  plus  loin  :  «  L'auteur  de  tEspru  û^i  U>ts>.  panisau  ue^  umit 
seigneunauji.  comme  des  prérogatives  de  la  noblesse  ..  ».  Il  v  turtit 
encore  à  ^{Unerdart*^  ce  petii  livre.  Durand  de  Maitlane  du  p^r  exemplt 
«  Plusieurs  cahier»  d'assemblées  batlliagereSt  dont  la  mtenne  était  da 
nombre*  avaient  chargé  les  députes  de  demander  la  vente  dca  biens  immeu- 
bles du  clergé  ^*  Les  cahiers  du  tiers  de  ta  sénéchaussée  d*AHcs  éum 
perdus,  CCS  lignc!E  ont  une  importance  documentaire.  D'après  Tautetir  de 
la  notice  biographique  placée  en  téie  de  Vifixioirc  de  la  CQn^rnihn^ 
Durand  de  Maillane  aurait  été,  avec  M.  Scrvan.  son  compatriote,  an  des 
principaux  rédacteurs  du  cahier  de  la  sénéchaussée  d^^rlea  {p.  v).  —  On 
trouve,  p-  r>ij  et  70*  une  autre  allusion  aux  cahiers. 


—  397  — 


XV 


LA  HUNIGIPALITË  CANTONALE  DE  CASSIS 

Sous  la  Constitution  de  l'an  III, 

par  M.  H.  BARRÉ. 

Bibliothécaire  de  la  pille  et  de  la  Société  de  Géographie  de  Marseille. 


Nous  ne  ferons  pas  ici  l'éloge  de  la  Constitution  de  Tan  III. 

Bien  que  ce  fût  un  instrument  trop  délicat  pour  un  peuple  à 
peine  émancipé  du  joug  delà  Monarchie  absolue  et  de  la  Ter- 
reur, et  encore  plongé  dans  les  ténèbres  de  l'ignorance,  elle  a 
trouvé  trop  d'illustres  apologistes  pour  que  nous  osions,  après 
eux,  apporter  à  ses  auteurs  le  modeste  tribut  de  notre  admira- 
tion. Nous  demandons,  au  contraire,  en  exposant  la  section 
relative  à  l'organisation  municipale  des  petits  centres,  à  for- 
muler quelques  réserves  le  cas  échéant. 

Le  département  des  Bouches-du-Rhône  comptait,  quand  fut 
promulguée  cette  Constitution,  cinquante-cinq  cantons.  Parmi 
ceux  dont  les  chefs-lieux  avaient  moins  de  cinq  mille  âmes, 
les  procès-verbaux  des  municipalités  n'ont  été  conservés 
v^ue  pour  la  circonscription  de  Cassis  :  notre  choix  ne  nous  a 
cionc  pas  fait  perdre  de  temps.  Avant  de  donner  un  bref  ré- 
sumé des  travaux  de  la  minuscule  assemblée,  nous  tenons  à 
remercier  vivement  M.  Fournier,  l'aimable  et  savant  archiviste 
auquel   nous  devons  et    l'indication    et    la    communication 


*_  396  - 

de  leurs  anciennes  el  dangereuses  possessions,  n'auront  plus  1 
se  faire  honneur  que  de  leur  mérite  ei  de  leurs  venus... 

^  Enîiii.  ce  qui  avait  mis  le  comble  à  Tinjustice  impoUlk|ye 
du  Gouvcrnemeni  envers  le  ci-devanl  Ticrs-Ètai,  c  est  la  loi 
par  laquelle  on  exigeait  des  preuves  de  noblesse  pour  être 
officier  dans  îes  troupes  du  roi,  sur  terre  comme  sur  mer. 

<t  C'était  là  tout  ce  qui  restait  au  Ticrs-Éiat  de  ranciconc 
Constitution,  échappé  au  ravage  des  ticfs.  «  La  Consiiiaiion 
du  Gouvernement  français,  disait  MaîhareL  est  si  excellente 
qu'elle  n  a  jamais  exclu  ni  n'exclura  jamais  les  citoyens  nés 
dans  le  plus  bas  étage  des  dignités  les  plus  relevées  ».  Voilà 
donc  la  dernière  porte  qu'on  avait  fermée  aux  ci-devani  roiu- 
riers  pour  leur  ouvrir,  dans  le  service  militaire,  celle  d'un  inju- 
rieux médaillon,  ou  d'un  grade  sous  le  nom  plus  injuricui 
encore  d'officiers  de  fortune  /.,. 

<t  Tout  cela,  je  le  répète,  est  TelTei  insensible,  indirect,  mais 
réel  des  principes  établis  par  Montesquieu  dans  son  Esprii 
des  lois  en  faveur  de  la  noblesse*  au  préjudice  du  Tictv 
Èlat...  »  '. 


*  H  dii  pttis  lotii  .  «  L'Auteur  de  VExprit  dei  Lois,  pArusan  des  ilfi 
stigncuriaui.  comme  des  prérogatives  de  la  noblesse  ..  ».  W  y  «unit 
encore  à  fîUner  dans  ce  petit  tivre.  Durjind  de  MailUne  dit  par  exempte  . 
«  Plusieurs  cahiers  d'assemblées  bailtiagcres,  dont  la  mienne  était  du 
nombre*  avaient  charge  les  députés  de  demander  la  vente  des  biens  imonea* 
blés  du  clergé  ».  Les  cahiers  du  tiers  de  la  sénéchaussée  d*Afie&  <îtant 
perdus.  CCS  lignes  ont  une  importance  documentaire^  D'après  rauieiU'  4i 
la  notice  biographique  placée  en  létc  de  VHistoire  df  i^  Conrcntiùm, 
Durand  de  MailJane  aurait  été,  avec  M.  Servan*  son  compatriote*  on  ild 
priocipaui  rédacteurs  du  cahier  de  ta  sénéchaus^e  d'Arles  [p.  ▼!.  ->'  O» 
trouve,  p.  6n  et  70.  une  autre  allusion  aux  cahiers, 


—  397 


XV 


LA  HUNIGIPALITË  CANTONALE  DE  CASSIS 

V 

Sous  la  Constitution  de  l'an  III, 

par  M.  H.  BARRÉ. 

Bibliothécaire  de  la  pille  et  de  la  Société  de  Géographie  de  Marseille. 


Nous  ne  ferons  pas  ici  l'éloge  de  la  Constitution  de  l'an  III. 

Bien  que  ce  fût  un  instrument  trop  délicat  pour  un  peuple  à 
peine  émancipé  du  joug  delà  Monarchie  absolue  et  de  la  Ter- 
reur, et  encore  plongé  dans  les  ténèbres  de  l'ignorance,  elle  a 
trouvé  trop  d'illustres  apologistes  pour  que  nous  osions,  après 
eux,  apporter  à  ses  auteurs  le  modeste  tribut  de  notre  admira- 
tion. Nous  demandons,  au  contraire,  en  exposant  la  section 
relative  à  l'organisation  municipale  des  petits  centres,  à  for- 
muler quelques  réserves  le  cas  échéant. 

Le  département  des  Bouches-du-Rhône  comptait,  quand  fut 
promulguée  cette  Constitution,  cinquante-cinq  cantons.  Parmi 
ceux  dont  les  chefs-lieux  avaient  moins  de  cinq  mille  âmes, 
les  procès-verbaux  des  municipalités  n'ont  été  conservés 
v]Lic  pour  la  circonscription  de  Cassis  :  notre  choix  ne  nous  a 
Jonc  pas  fait  perdre  de  temps.  Avant  de  donner  un  bref  ré- 
sumé des  travaux  de  la  minuscule  assemblée,  nous  tenons  à 
remercier  vivement  M.  Fournier,  l'aimable  et  savant  archiviste 
auquel   nous  devons   et    l'indication    et    la    communication 


—  3qo  — 

40  pages  de  noies,  Les  vers  sont  plats  et  pauvrement  rimes  *  ; 
mais  riniroductioii  et  les  notes  ne  sont  pas  sans  intérêl;  ce 
sont  comme  des  fragments  de  mémoires  écrits  par  un  tcmotn 
oculaire  peu  après  les  événements;  elles  nous  donnent  aussi 
quelques  éclaircissements  sur  la  question  de  lauthcnticitc  de 
Vllisioire  de  la  Convention, 

Je  dois  d'abord  prouver  que  cet  ouvrage  est  bien  de  Du- 
rand de  Maillane*  J  ai  clé  mis  sur  la  voie  par  cette  mention 
manuscrite  qu'on  lit  à  la  dernière  pat"e  de  mon  exemplaire  : 
«  par  Durand-Maillane,  député  de  la  Constituante  s».  Ce  n'est 
ceries  pas  là  une  preuve  sutTisanie.  Voici  qui  est  plus  convain* 
cant* 

L'auteur  connaît  particulièrement  la  situation  de  la  Provence 
à  la  veille  de  la  Révolution  (p,  O2),  il  a  été  le  condisciple  de 
Pascalis  (p.  63)»  sa  circonscription  électorale  touchait  au  Corn* 
lat  Venaissin  (p.  84),  il  a  lait  partie  dti  comité  ecclésiastique  de 
TAssembléc  nationale  1  p.  52),  il  a  ^  coopéré  *  à  la  constitution 
civile  du  clergé  (p.  53),  il  a  proposé  de  soustraire  le  mariaf;e  à 
l'autorité  ecclésiastique  (p.  79  et  80),  il  a  été  *  conveniioanel 
du  côte  droit  ^,  après  avoir  été  «t  constituant  du  côté  gauche  » 
(p.  77).  EnTm,  ce  qui  est  caractéristique  encore,  on  irou^*^  à 
toutes  les  pages  le  savant  canonistc.  rcnnemî  acharné  des  Jaco- 
bins, le  catholique  convaincu  et  le  mauvais  écrivain  au  styl 
embarrassé  et  incorrect, 

lotroductioii I  '.  —  ^  Lq  principal  objet  de  cette  c^^quissc? 
touchant  les  actes  de  la  première  Assemblée  Constituante,  e>i 


'  M.  iM«thie2  a  publié  àni  rmgrïicnlïi  d*un  «utre  ouvrage  en  vers  de  hiiM 
syiUbes  lic  Durand  de  Maillanc,  iniiiulé  La  prose  rimée  Ce  petit  poàmt 
éïajt  aussi  accompagne  de  notes,  aujourd*hui  perdues.  {Ibid.,  p.  liSj, 

'  Les  mrcs  cnire  crocbcts  ne  sont  pas  de  Durand  de  Madlanc  ;  Ici 

points  indiquent  les  coupures. 


-  391   - 

de  bien  fixer  Topinion  sur  les  principes  et  sur  les  vraies  causes 
de  la  Révolution,  attestées  par  d^(sic)  faits  dont  on  rend  compte 
comme  témoin  oculaire 

*  Il  ne  s'agit  proprement  ici  que  du  grand  (procès  entre  les 
ci-devant  ordres  de  l'État;  ce  sont  les  voies  extraordinaires, 
mais  justes  dans  leur  principe,  qui  ont  conduit  comme  d'elles- 
mêmes  le  Tiers-État  à  la  plus  complète  victoire  sur  les  deux 
autres  ordres  beaucoup  trop  privilégiés. 

«  Je  n'ai  point  à  prévenir  ici  le  jugement  de  mes  lecteurs; 
mais  je  leur  observe  que  rien  peut-être  n'était  plus  nécessaire 
que  cette  instruction,  pour  la  défense  non  seulement  de  tout  le 
ci-devant  Tiers-État,  mais  encore  des  députés  des  communes 
dans  l'Assemblée  Constituante,  sur  qui  l'on  entend  tous  les 
jours  les  mécontents  faire  tomber  les  excès  ou  les  malheurs  de 
la  Révolution. 

«  Ces  excès  et  ces  malheurs  sont  comme  étrangers  à  l'Assem- 
blée Constituante,  et  ils  ne  détruisent  pas  d'ailleurs  les  princi- 
pes fondamentaux  sur  lesquels  elle  éleva  son  édifice  ;  ils  sont 
tels,  ces  principes,  que  rien  ne  saurait  prescrire  contre  eux. 
S'ils  sont  nouveaux  dans  leur  usage,  ils  sont  de  toute  ancien- 
neté par  leur  nature  et  leur  justice  ;  ce  que  j'ai  cru  nécessaire 
d'établir  et  de  prouver  dans  les  notes,  où  l'on  trouvera  aussi 
des  faits  et  des  éclaircissements  utiles  au  public. 

«  Je  serais  dans  le  cas  de  tracer  un  pareil  tableau  des  actes 
de  la  Convention  dont  j'ai  été  membre,  comme  de  la  première 
Assemblée  nationale;  mais  je  n'en  ai  ni  le  goût  ni  le  courage, 
sans  cependant  y  renoncer,  d'autant  moins  que  ce  sera  pour  la 
postérité  la  partie  la  plus  piquante  dans  l'histoire  de  notre 
Révolution »  *. 


*  Cf.  Histoire  de  la  Convention  nationale  ou  Mémoires  de  Durand 
de  Mailiane  (Paris,  Baudoin,  iSzS).  Notice  biographique,  p.  x  et  xi  : 
«  Ici  se  termine  la  carrière  politique  de  Durand  de  Mailiane  (21  fév.  ly^h 


—  4Û4  - 

tion  sur  la  soriie  des  vins  pour  permeure  de  faire  face  aux  pre- 
mières exigences.  Il  n'y  a  pas  irace  de  la  réponse  des  adminis- 
trateurs supérieurs. 

Pour  la  première  fois  en  l'an  VII,  la  conscription  ayant 
succédé  à  la  réquisitionne  Directoire  demande  quatorze  jeu* 
nés  soldats  au  canton.  L'Assemblée  répartit  ainsi  ce  total  en- 
tre les  communes  :  Cassis»  cinq;  Ceyreste,  quatre  ;  La  Penne, 
quatre;  Roquefort,  un.  Le  8  prairial,  elle  avisa  les  hommes 
désignés  parle  sort  pour  passer  de  la  deuxième  et  de  la  troi- 
sième classe  dans  la  première,  c'est-à-dire  dans  l'armée  active. 
d'avoir  à  se  présenter  dans  les  vingt-quatre  heures  devant  elle, 
afin  de  recevoir  leur  ordre  de  route  pour  le  chef-lieu  du  dépar* 
temeni.  La  suite  du  procès-verbal  nous  apprend,  dans  le  lan- 
gage fleuri  de  l'époque,  que  les  conscrits  «  restèrent  sourds  à 
la  voix  de  la  Patrie  *,  11  fallut  mettre  des  garnisaircs  pendant 
trois  jours  chez  les  réfractaircs,  ci  ceux  qui  ne  se  rendirent  pas 
à  l'appel  à  l'expiration  de  ce  délai  furent  signalés  au  général 
commandant  la  huitième  division  militaire  pour  être  jugés 
par  contumace.  C'était  pourtant  au  moment  où  les  Austro- 
Russes  avaient  reconquis  litalie  et  menaçaient  Masséna,  en 
Suisse, tandis  que  les  Anglais  et  leurs  auxiliaires  envahissaient 
la  Hollande, 

Le  M.»  brumaire  an  V'III,  l'Assemblée  vota  le  dernier  budl 
cantonal  :  il  s'élevait  à  2,750  livres  dont  voici  le  détail 

Juge  de  paix  et  gretlier^  traitement.  i.ooo 

Secrétaire  en  chef 60a 

Quatre  commis  communaux  à  ia5  I      ,     ,        5oo 

Frais  de  bureau  3oo 

Frais  de  poste  ,  loo 

Félcs  publiques  100 

Garde  Nationale  sédentaire  ,     .     .  i5q 


Questions  diverses.  —  Impôts  généraux.  —  L*«r* 


—  4o5  — 

ticle  (QO  de  la  Constitution  chargeait  les  adnainistrateurs  can- 
tonaux de  la  répartition  des  contributions  directes  et  de  la 
surveillance  des  deniers  levés  sur  leur  territoire  :  à  cet  effet, 
ils  nommaient  un  receveur  cantonal,  représentant  nos  percep- 
teurs actuels,  et  des  receveurs  municipaux.  Ce  n'était  pas  au 
choix,  ni  à  la  suite  d'un  examen,  mais  par  voie  d'adjudication, 
comme  cela  se  pratique  encore  pour  l'octroi  dans  beaucoup 
de  petits  centres.  En  l'an  VII,  seule  donnée  fournie,  le  quan- 
tum fut  d'un  sol  par  livre,  après  deux  épreuves  sans  résultats. 

En  l'an  V,  l'Administration  départementale  demanda  au 
canton,  à  titre  de  contribution  foncière,  17.029  l.en  principal, 
plus  i5  centimes  additionnels,  soit  au  total  ig.SSS  I.;  la  con- 
tribution personhelle,  mobilière  et  somptuaire,  comme  on 
disait  alors,  y  compris  25  centimes  additionnels,  ne  se  montait 
qu'à  5.849 1.,  soit  en  tout  25.482  1.  ou  7  I.  par  tête  en  moyenne. 
L'impôt  sur  les  portes  et  fenêtres  n'existait  pas  encore. 

La  répartition  s'effectua  comme  suit  : 


Taxe  foncière 

Taxe  persoaDellc 
et  mobilière 

TOTAL 

Cassis 

5.882  I.  7  S. 

2.934  I.   16  S. 

8.807  1.    3  S 

Roquefort . . 

4.647 

811         14 

5.458        14 

L*  Penne.. 

5.454 

1.208        10 

6.662        10 

Ceyresie 

3.600 

904       l3 

4.504       i3 

Les  administrateurs  s'étaient  adjoint  un  habitant  dans  cha- 
que commune  comme  auxiliaire  et  contrôleur. 

Les  registres  ne  donnent  pas  de  détails  pour  l'an  VI,  proba- 
blement n'y  eut-il  aucune  modification. 

L'année  suivante,  bien  que  les  centimes  se  fussent  élevés 
de  i5  à  171  /2.  le  total  de  la  foncière  ne  dépassait  pas  16.920  L 
Roquefort  subit  une  légère  augmentation  et  les  autres  commu 
nés  bénéficièrent  d'un  dégrèvement,  très  fort  à  La  Penne. 


—  4^^  ^ 
r/l^taxc  personnelle,  mobilière  et  somptuaire  avait  été  encore 
plu!^  réduite,  elle  nelail  que  de  3*401  I.  Cassis  prit  2«035Lii 
son  compte. 

Celte  année*Ui  apparut  le  luncisie  impôt  sur  les  portes  et  fe- 
nêtres. Nous  ne  savons  quelle  l'ut  la  somme  demandée  au 
canton;  mais  on  voit,  le  16  nivôse,  le  Conseil  nommer  quatre 
conimissaircs  pour  Cassis  et  deux  pour  chacune  des  autres 
communes,  d  relfctde  préparer  rétablissement  de  la  taxe. 

Le  20  messidor,  le  Conseil  vota  une  réquisition  de  trois 
cents  quintaux,  poids  de  marc,  de  paille  pour  Tarmêe  d'Italie, 
sous  réserve  d'une  indemnité  (ixéc  par  rAdministratioo  du 
département.  Sur  cent  trente-quatre  contribuables  nominati- 
vement désif^més,  le  plus  fort  imposé  dut  fournir  vint^  quin- 
taux ;  puis  viennent  des  quote-pans  de  seize,  quatorze,  douxe 
Cl  dix  ;  la  très  grande  majorité  ne  devant  que  de  un  à  quairt 
quintaux.  Il  fallut  livrer  cent  quintaux  de  blé,  par  fractic 
variant  de  six  quintaux,  pour  le  plus  imposé,  à  1  4,  pour  le 
j^rand  nombre  des  détenteurs  de  grains.  Le  tout  fut  versé 
magasin  communal  de  chaque  localité,  reconnu  par  Ta 
municipal  cl  dirigé  sur  Marseille  par  voie  de  terre. 

I,e  M  tructidor.  une  circulaire  rappela  les  receveun^  à 
devoir  ;  il  parait  que  la  plus  grande  partie  des  impôts  des  1 
exercices  précédents  n  étaient  pas  rentrés,  sans  préjud&cc*  b» 
entendu,  du  courant. 

A  la  veille  de  disparaître,  dans  la  séance  du  14  prair 
an  Vlll.le  Conseil  établit  le  déficit  détiniiif  s'élevant  à 
près  à  la  valeur  d'un  budget  annuel  ou  *i.5i3  h  :  tl  y  avaïLai 
chitrre^  ronds,  J.ftja  I*  de  dettes  à  payer  sur  les  e\cruce».  d» 
ans  V,  VI,  VU  ci  VIII  ci  1.379  '*  non  encore  versées  parlo 
percepteurs  sur  les  deux  derniers  seulement. 

On  peut  encore  rattacher  a  cette  section  divers  act&  Màmi 
nistraiifs  qui  a^ntraient  à  1  époque  dans  les  aliribottoft»  «ia 


—  407  — 
municipalités  cantonales.  C'est  ainsi  que  nous  voyons  celle 
de  Cassis  mettre  les  madragues  en  adjudication,  procéder  à  la 
levée  des  chevaux  pour  larmée,  nommer  les  titulaires  deà  dé- 
pôts de  poudres  et  salpêtres  et  recevoir  les  demandes  en  dé- 
•^rèvcmcnt  d'impôt. 

Questions  diverses,  justice,  police,  etc.  —  Nous 
relèverons  et  réunirons  sous  cette  rubrique  des  actes  divers 
dont  les  uns  se  présentent  trop  fréquemment  pour  qu'on 
puisse  les  spécifier  à  leur  date,  et  les  autres,  au  contraire,  vu 
leur  importance  ou  leur  rareté,  méritent  d'être énumérés  dans 
l'ordre  chronologique. 

L'Administration  cantonale  recevait  les  pétitions  relatives  à 
la  radiation  de  la  liste  des  émigrés,  délivrait  des  certificats  de 
résidence,  faisait  interner  les  aliénés  et  prenaient  des  mesures 
pour  empêcher  l'élévation  exagérée  du  prix  des  grains.  Ce 
sont  là  les  faits  les  plus  importants  parmi  ceux  de  la  première 
catégorie. 

Pin  abordant  l'étude  des  actes  de  la  seconde,  nous  voyons,  en 
l'an  IV,  l'Assemblée  cantonale  intervenir  auprès  du  Directoire 
départemental  pour  le  prier  de  remédier  au  désordre  qui  résul- 
tait de  la  démission  du  juge  de  paix  et  de  ses  assesseurs. 

L'année  d'après,  elle  intente  un  procès  au  canton  de  La 
Ciotat,  par  devant  le  Tribunal  civil  du  département,  au  sujet 
des  droits  de  compascuiié,  parcours  et  vaine  pâture  que  les 
vieux  usages  avaient  maintenus  aux  gens  de  Cassis  dans  les 
4<  terres  gastes  »  de  la  grande  commune  voisine.  Elle  eut  gain 
de  cause  et  les  frais  ne  s'élevèrent  qu'à  176  1.,  dont  60 1.,  pour 
deux  plaidoyers.  Peu  après,  elle  procéda  à  la  nomination  d'un 
capitaine  des  ports. 

Les  adversaires  du  nouveau  régime  avaient  arraché  et  fait 
disparaître  pendant  la  nuit  l'arbre  de  la  liberté  planté  en  1793  ; 


4o8  — 

rAssemblêe  qui  leur  était  alors.  î>inon  acquise,  du  moins  fort 
peu  hostile,  décida  d'en  rétablir  un  autre,  quand  elle  dispose- 
rail  des  tonds  nécessaires  à  ce  sujet.  Elle  ne  se  composait  pas, 
du  reste,  de  contre-révolutionnaires  bien  redoutables,  puisque 
le  29  ventôse,  le  général  Merle  l'avisait  de  la  levée  de  leiat  de 
sièfîe  dans  le  canton,  La  lettre  coniieni  cette  phrase  bien  carac- 
téristique :  «  Désormais  le  doux  régime  constitutionnel  poU- 
«  cera  les  habitants  de  Cassis  qui  s'en  sont  rendus  dii^nes  par 
«  leur  entière  soumission  aux  lois  de  la  République. 

La  Municipalité  comrrfande  désormais  aux  troupes  réglées- 
Le  H  ihermidor.  elle  ordonne  au  lieutenant  Fellcn,  chef  du  dé- 
tachement de  Cassis,  de  fournir  tous  les  canonniers  disponi- 
bles pour  tenir  garnison  chez  les  contribuables  qui  n  ont  pa$ 
réglé  le  solde  des  exercices  antérieurs  à  Tan  IV.  Il  en  est  de 
même  le  29  du  mois  pour  le  commandant  de  la  place  d'Auba- 
gne  :  il  s'agit  spécialement  des  contribuables  de  La  Penne  qui 
n*ont  pas  versé  leur  quote-part  pour  lyqî  et  1794. 

Le  17  fructidor»  elle  organise  la  Garde  Nationale  sédeniatre 
du  canton ♦  sur  le  pied  d'un  bataillon  de  dix  compagnies. 
Cassis  devait  fournir  une  compagnie  de  grenadiers,  une  de 
chasseurs,  trois  de  fusiliers;  La  Penne,  deux  compagnies  de  (u* 
sîlicrs  ;  Cej  reste  et  Roquefort,  une  compagnie  et  demie  cha- 
cune. L*élcction  des  ollkiers  fut  fixée  au  22  dudît  mois. 

Aucun  document  n'indique  TelTectif  des  compagnies,  miiis" 
il  devait  cire  bien  faible,  car  en  admettant  celui  des  unités 
de  l  ancien  régime,  soit  quarante  à  cinquante  hommes,  on 
arrive  à  un  chiffre  de  quatre  cent  cinquante  hommes  co 
moyenne,  peu  compatible  avec  une  population  totale  de  trois 
mille  six  cent  trente-huit  habitants. 

Nous  sommes  en  Tan  VI,  Le  i5  brumaire,  ladjoint  Mathe* 
ron  qui  n'est  pas  encore  révoqué  et  remplacé  par  Allemand, 
fait,  à  la  place  de  son  maire,  les  perquisitions  ordonnées  par  la 


-4og  - 

loi  du  19  fructidor  chez  les  citoyens  m  non  radiés  de  la  liste  des 
émigrés  >.  Il  est  escorté  par  des  canonniers  réquisiîionnés, 
mais  on  comprend  aisément  que  cette  visite  se  termine  par  un 
procès-verbal  de  carence. 

Le  2  pluviôse  (21  janvier,  v,  s.),  la  nouvelle  municipalité, 
gouvernementale  cette  fois,  célèbre  lanniversaire  ^  de  la  juste 
punition  du  dernier  Roi  des  Français  »*  Fonctionnaires,  offi- 
ciers et  soldats  jurent  «  Haine  a  la  Royauté  et  à  rAnarchic, 
tidélité  à  la  Constitution  de  Tan  lll  »,  On  relève  trente-deux 
signatures,  y  compris  les  caporaujÉ»  canonniers;  parmi  les 
principaux  personnages,  en  dehors  des  administrateurs,  se 
trouvent  le  capitaine  commandant  la  garnison,  le  lieutenant 
de  port,  lé  receveur  et  le  lieutenant  des  douanes,  le  directeur 
des  postes,  un  officier  ministéneK  etc. 
f  Le  4  pluviôse,  le  Conseil  dresse  procès-verbal  de  la  déclara- 

I  tion  d*un  cultivateur  dVVubagnc  dénonçant  comme  déserteurs 
I  et  assassins  les  deux  frères  Caya  {sic)  et  les  dcu\  frères  Barry. 
I  Dans  le  reste  de  lexercicet  nous  les  voyons  nommer  un 
!  Conservateur  de  la  Santé,  puis  procéder,  sur  Tordre  du  Direc- 
I  loire  départemental,  aux  visites  domiciliaires  exigées  par  la  loi 
^du  18  messidor. 

^H  !^  4  brumaire  an  VII,  on  désigne,  pour  examiner  les  cons- 
^Hrits.  cinq  pèresde  famille  ayant  des  enfants  sous  les  drapeaux  : 
^its  sont  assistés  du  Commissaire  directorial  et  dun  officier  de 
.      2»anté.  n'ayant  tous  les  deux  que  voix  consultative. 

Le  2  pluviôse,  nouvelle  célébration  de  lanniversairc  de  la 
mort  de  Louis  XVÎ.  Le  procès-verbal  comporte  cette  fois  qua- 
rante-une signatures. 
Quelques  jours  après,  passe  une  colonne  mobile  de  cent 
ngt-cinq  hommes  pour  capturer  les  «  brigands  »»,  Les  exi- 
nces  du  commandant,  surtout  en  matière  de  confiscation  des 
armes  à  feu»  amènent  une  protestation  du  Conseil  qui  fait  va- 


loir  que  le  canton  compte  cent  cinquante  de  ses  entants  d  t  aP 
mée  d'Egypte»  Ce  serait  une  proportion  vraiment  extraordi- 
naire, si  elle  est  exacte. 

Cela  n'empêcha  pas  l*espriide  révolte  de  gagner  du  terrain  : 
bandits  ci  insoumis  devinrent  si  redoutables,  surtout  aux 
acquéreurs  de  biens  nationaux,  qu*il  fallut  rétablir  l'état 
de  siêi^c  le  19  prairiaL  Une  seconde  colonne  mobile  par 
courut  le  canton  sous  la  direction  duxhef  de  bataillon  Miguel  : 
elle  comptait  trente  fantassins,  autant  de  dragons  et  de  hus* 
sards  et  trois  f^'endarnics. 

Peut-être  agit-elle  avec  trop  de  zèle,  car  le  20  fructidor,  le 
Conseil  charge  l'agent  de  Roquefort,  sur  la  demande  d'un  habi- 
tant de  cette  commune,  daller  demander  aux  administrateurs 
d^Aubagne  la  mise  en  liberté  dé  deux  inculpés  de  brigandago^M 
sur  le  compte  desquels  on  n'avait  jamais  reçu  de  plain(e.        ^^ 

Dans  la  nuit  du  26  au  27  fructidor,  sur  Tordre  du  directoire 
départementaU  les  visites  domiciliaires  recommencèrent:  les 
agents  municipaux,  escortés  par  la  Garde  nationalect,  au  be^^otn, 
par  les  troupes  réglées,  devaient  arrêter  les  prêtres  réfracta  ires, 
les  émigrés»  les  embauchcurs,  égorgeurs  et  brigands.  La  circu- 
laire indiquait  qu'elles  pourraient  être  renouvelées  dans  le 
courant  de  la  quinzaine,  mais  rien  ne  dit  dans  les  procès-ver- 
baux que  le  t^it  se  soit  produit. 

Le  22  brumaire  an  VIII,  les  administrateurs  se  déclarèrent 
en  permanence,  à  l'exemple  et  sur  l'invitation  du  directoire 
départemental»  pour  faire  rentrer  rarrîéré  des  contributions  des 
ans  V,  VI  et  VIL  vu  la  détresse  de  Tarmée  d'Italie* 

Knfin,  le  iS  frimaire,  les  administrateurs  prêtèrent  à  la  Con 
titution  de  Tan  VI IL  qui  allait  les  supprimer»  le  serment  exigé 
par  la  loi  du  23  brumaire.  La  formule  était,  au  début*  ainsi 
rédigée  :  «Je  jure  d*étrc  tidèlc  à  la  République  une  etjinJîvisible* 
fondée  sur  la  liberté,  légalité  et  le  système  représentaiiL  î^  Elle 


—  4H  - 
tut  bientôt  modifiée  radicalement,  mais  cela  sort  de  notre 
cadre.  Tous  les  fonctionnaires,  civils  et  militaires,  salariés  ou 
non,  ainsi  que  les  officiers  ministériels,  durent  se  joindre  aux 
membres  du  Conseil  et  Ion  relève  sur  le  procès-verbal  plus  de 
cinquante  signatures. 

Ici  s'arrête  notre  tâche.  Nous  le  répétons,  l'organisation  mu- 
nicipale d  alors  était  bien  avancée  pour  nos  arrière-grands- 
pères,  mais  ils  n'en  eurent  que  plus  de  mérite  à  s'acquitter  de 
leur  lourde  tâche  au  milieu  des  horreurs  de  la  guerre  civile  et 
de  la  lutte  contre  les  deux  premières  coalitions.  Adressons 
donc  un  souvenir  ému  à  ces  braves  gens  qui,  sans  aucune 
rétribution,  consacrèrent  à  la  chose  publique  un  temps  d'au- 
tant plus  précieux  que  leur  vie  était  bien  dure  à  gagner  à  une 
époque  de  troubles  sans  cesse  renouvelés. 


-4«3  - 

XVI 


La  Granie  Fenr  et  l'orgÉsatioo  le  la  Garle  Natiooale 

à    MCanosq-ue  en  iTSg, 

Par  M.  P.. H.  BIGOT, 

Professeur  au  Coiièf^e,  Membre  de  la  Société  scientifique  et  littéraire 
des  Basses-Alpes» 
Secrétaire<orrespondant  de  la  Société  d'Études  provençales,    • 
Officier  d'Académie, 


I.  ~  Les  Brigands  et  la  Grande  Peur. 

Le  3i  juillet  1789,  à  la  séance  du  Conseil  des  72,  les  Maires- 
Consuls  annoncèrent  qu'ils  avaient  reçu,  par  un  exprès  arrivé  à 
six  heures  du  matin,  une  lettre  des  Consuls  de  Beaumont.  Par 
cette  lettre,  ceux-ci  leur  donnaient  avis  «  qu'une  troupe  de 
brigands  avait  dévasté  le  lieu  de  Cadenet  et  menacé  d'en  faire 
autant  aux  lieux  des  environs  »,  et  ils  demandaient  des  ren- 
forts pour  le  secours  commun. 

Environ  une  heure  après,  ils  avaient  reçu  des  Consuls  de 
Sisteron,  par  un  exprès  que  ceux-ci  avaient  dépêché  à  M.  le 
Comte  de  Caraman,  une  lettre  par  laquelle  ils  les  informaient 
qu'ils  avaient  eux-mêmes  reçu  des  Consuls  de  Serres  un  avis 
que  la  ville  de  Romans  en  Dauphiné  avait  été  mise  à  feu  et  à 
sang  par  une  troupe  de  brigands. 

Depuis  le  27  juillet,  en  effet,  le  Dauphiné  était  en  ébullition. 
Les  nouvelles  les  plus  contradictoires  circulaient  dans  la  popu- 
lation et  l'énervaient.  On  savait  que,  successivement,  la  Bresse 
et  le  Bugey  s'étaient  émus.  On  craignait  que  ces  masses  souIe- 


414  - 

vees  ne  s  étendissent  au-dehors  de 
porter  le  désordre  et  la  désolation  dans  le  Dauphinc.  Aussi. 
pour  parer  à  un  semblable  péril,  *  les  paysans  s'arment,  se 
groupent,  se  concertent  ^  *.  Ceue  émotion  s'apaise  assez  vite 
dans  le  Graisivaudan  ci  le  Valeniinois,  mais  elle  continue  à  se 
propager  dans  les  parties  basses  du  nord  de  la  province,  entre 
Bourgoin  et  la  Tour-du-Pin.  Là.  les  paysans,  dérangés  de  leurs 
travaux  par  lappel  des  privilégiés  et  furieux  de  voir  s'écouler 
en  pure  perte  un  temps  précieux  pour  eux*  écoutent  complat* 
samment  les  insinuations  des  meneurs  qui  se  mêlent  h  eu\  ci 
crient /i  la  trahison.  Ils  se  précipitent  vers  les  châteaux»  en 
brïllcnl  quelques-uns  et  anéantissent  quelques  livres  terriers. 
La  milice  bourgeoise  çl  la  maréchaussée  de  Lyon  dispersent 
assez  vite  ers  bandes  désordonnées. 

Mais  la  nouvelle  de  ces  désordres  était  déjà  parvenue  en 
Hrovence.  Successivement,  Gap,  BcllatTaire,  Turricrs,  Sisteron 
étaient  informées  que  5  à  6.000  brigands  ravageaient  le  Dau- 
phiné  et  mettaient  tout  à  feu  et  à  sang  sur  leur  passage.  Elle 
parvint  à  Seyne  le  même  jour  qu*à  Manosque,  Devant  rim- 
minencedu  danger,  ces  deux  villes  prirent  les  mêmes  mesures  : 
^  Il  faut  s'armer  en  diligence,  envoyer  le  plus  d'hommes  pos- 
sible sur  les  bords  de  la  Durance  pour  tâcher  de  s*oppascr  lu 
passage  de  ces  bandits.  Expédiez  vite  des  armes,  des  munitions* 
des  secours  ».  Telles  furent  les  dispositions  que  prit  le  Con- 
seil général  de  Seyne  ^.  Ne  comptant  que  sur  elle-même.  Ma- 
nosque  prit  aussitôt  les  mesures  nécessaires.  Ses  Conseils  per- 
pétuel et  annuel,  après  la  lecture  des  lettres  des  consuls  de 
bcaumont  et  de  Sisteron.  décidèrent  *t  de  former  une  troupe 
bourgeoise  pour  la  défense  de  la  ville*  et  pour  se  porter  pîirtout 


*  C  Cauvin»  La  Grande  Peur^  page  8. 

*  Arch    munie*  de  Seyne   rég.  des  déUbér.,  4-  câhier,  n-  a^. 
géoéfAl  du  9  août  1789. 


—  4^5  — 

où  besoin  sera)>.  Dans  cette  intention,  les  consuls  sont  chargés 
de  faire  publier,  par  toute  la  ville, à  toutes  les  personnes  en  étal 
de  porter  les  armes,  de  se  rendre  au  lieu  qui  leur  sera  indiqué 
avec  leurs  armes  pour  y  prendre  les  ordres  nécessaires; 

Le  Conseil  nomme  ensuite  M.  de  Brunet,  lieutenant-colonel 
d'infanterie,  chevalier  de  Saint-Louis,  pour  commander  la 
troupe  bourgeoise  du  consentement  de  M.  de  Sauteiron,  ancien 
maire  et  premier  consul,  à  qui  le  droit  en  appartenait  en  qua- 
lité de  capitaine  du  guet.  Puis,  pour  commander  les  différen- 
tes compagnies  qui  seront  formées,  en  qualité  de  capitaines,  le 
Conseil  a  nommé  <c  ledit  sieur  de  Sauteiron,  ancien  officier 
d'infanterie,  capitaine  du  guet  pour  la  présente  année;  M.  le 
chevalier  de  Villemus,  chevalier  de  Saint-Louis  ;  M.  de  Champ- 
clos,  ancien  lieutenant  des  vaisseaux,  chevalier  de  Saint-Louis  ; 
M.  de  Loth,  chevalier  de  Saint-Louis,  ancien  capitaine  d'infan- 
terie; M.  de  Raffin,  ancien  officier  de  cavalerie;  M.  de  Gas- 
saud,  ancien  officier  d'infanterie  ;  M.  le  chevalier  d'Audiffret, 
ancien  officier  de  cavalerie  ;  M.  le  chevalier  de  Gassaud,  ancien 
officier  d'infanterie;  M.  de  Gassaud,  fils,  pour  aide-major  ^. 

MM.  les  Maires-Consuls  et  lesdits  officiers  étaient  chargés 
de  composer  la  troupe  ei  d'en  nommer  les  officiers  et  les  sous- 
officiers. 

Enfin,  le  Conseil  chargeait  le  Maire  d'écrire  au  comte  de 
Caraman,  commandant  en  Provence,  pour  l'informer  de  ladite 
délibération  et  lui  demander  son  autorisation. 

Ces  mesures  de  prudence  furent  régularisées  par  une  lettre 
imprimée  des  commissaires  des  communes  de  Provence  et  datée 
d'Aix,  3i  juillet  1789.  Par  celle-ci,  ils  les  informaient  que  les 
brigands  répandus  dans  le  Dauphiné  et  le  Comtat-Venaissin 
étaient  peu  nombreux.  Mais  il  était  prudent  de  hâter  Tarme- 
mcnt  des  compagnies  bourgeoises.  Pour  cela,  il  suffisait  d'en- 
rôler les  citoyens  et  d'en  nommer  les  officiers,  sans  qu'ils  quit- 


4i6  — 


tent  les  travaux  de  la  campagne.  Jls  les  avertissaient  en  même 
temps  que,  sur  les  demandes  dediflérentes  communautés  ainsi 
que  sur  les  ordres  des  commandants  des  troupes,  il  allait  être 
formé  à  Aix  un  dépôt  d*armes  et  de  munitions  pour  les  com- 
munautés qui  en  manquaient. 

Le  Conseil  chargea  les  Consuls  décrire  au  comte  de  Cara- 
man  pour  lui  demander  six  cents  fusils  avec  leurs  baïonnettes, 
quatre  quintaux  de  poudre  et  des  balles  en  proportion,  il  les 
chargea  également  de  répondre  aux  commissaires  des  commu- 
nes pour  les  prier  de  les  aider  à  obtenir  ces  munitions  ^ 

Et,  le  19  août  suivant,  le  Conseil  décidait  de  demandera 
M.  le  comte  de  Caraman  «  d'accorder  a  la  communauté  un 
détachement  de  deux  compagnies  d'infanterie  pour  demeurer 
en  cette  ville,  tant  qu'elle  pourra  avoir  quelque  crainte  des 
entreprises  des  brigands,  à  condition  que  le  séjour  de  ceiie 
troupe  ne  sera  point  à  la  charge  de  la  communauté  »  ■. 

II.  —  La  troupe  bourgeoise  et  le  Conseil  permaBeot. 

Le  3i  juillet  1789,  le  Conseil  des  60  conseillers  perpétuels 
et  des  12  prud'hommes  avait  désigné  le  Corps  des  officiers 
de  la  troupe  bourgeoise.  Mais  celle-ci  ne  fonctionna  point  avec 
Tordre  et  l'exactitude  désirable.  C'est  ce  que  le  Maire  Consul 
déclare  à  la  séance  du  19  août  : 

«  Sur  les  bruits  qui  s'étaient  répandus  dans  la  province  des 
dévastations  faites  par  des  troupes  de  brigands,  le  Conseil  avait 
nommé  des  officiers  pour  former  ci  commander  une  troupe 
bourgeoise  pour  la  défense  de  la  ville  en  cas  de  besoin  ;  la  for- 
mation de  cette  troupe  s'est  ressentie  de  la  précipitation  avec 


*  Arch.  comm.  de  Man.  Ba.  23,  n«  18a,  Délib.  do  Conseil  extraordinaire , 
1**  août  1789,  pp.  249-51. 

*  Ibid.,  Séance  du  19  août,  p.  263. 


f 


« 


—  4«7  — 
laquelle  elle  tut  faite  ;  depuis  lors,  le  service  de  la  garde  bour- 
geoise n'a  pu  se  faire  avec  Tordre  et  l'exactitude  convenable  ; 
en  conséquence,  il  serait  nécessaire  que  le  Conseil  prît  des 
moyens  pour  remédier  à  cet  inconvénient  et  pojir  établir  une 
règle  pour  sa  formation  et  le  service  de  troupe  bourgeoise. 

«  Sur  quoi,  le  Conseil,  reconnaissant  l'importance  d'établir 
une  règle  pour  la  formation  de  la  troupe  bourgeoise,  a  unani- 
mement délibéré  d'établir  un  Comité  composé  de  vingt-quatre 
personnes  prises  dans  tous  les  états  des  citoyens  de  cette  ville, 
lequel  sera  chargé  et  autorisé  de  dresser,  conjointement  avec 
MM.  les  Maires-Consuls  et  M.  de  Brunet  qui  a  été  nommé 
ci-devant  commandant  de  la  troupe  bourgeoise,  un  règlement 
pour  la  formation,  le  service,  la  police  et  la  discipline  de  la 
troupe  bourgeoise,  lequel  Comité  sera  également  chargé  et  auto- 
risé de  faire  exécuter  ledit  règlement,  lorsqu'il  aura  été  ap- 
prouvé et  autorisé  par  le  Conseil  et  de  décider  des  contesta- 
tions qui  pourraient  s'élever  sur  ladite  exécution.  Il  a  été 
décidé  encore  que  ledit  Conseil  sera  amovible,  de  façon  que 
la  moitié  sera  remplacée  tous  les  quinze  jours  et,  au  premier 
remplacement,  les  douze  qui  devront  sortir  seront  pris,  moitié 
dans  chaque  état  et  tirés  au  sort,  et,  aux  remplacements  subsé- 
quents, les  plus  anciens  sortiront  et  seront  remplacés  par  douze 
nouveaux  également  pris  dans  tous  les  états  ^. 

Suivent  les  noms  des  vingt-quatre  membres  du  Comité  aux- 
quels «  le  Conseil  a  donné  tous  les  pouvoirs  nécessaires  pour 
l'exécution  de  la  présente  délibération  (du  19  août  1789),  il  a 
été  encore  délibéré  que  sur  ledit  nombre  de  vingt-quatre  mem- 
bres du  Comité,  il  sera  pris  journellement  et  à  tour  de  rôle, 
quatre  membres  également  pris  dans  tous  les  états  pour  assister 
MM.  les  Maires-Consuls  dans  les  affaires  relatives  au  service 
de  la  troupe  bourgeoise  ^  ^ 


»  Séance  du  Cons.  raunicip.,  19  août  1789,  pp.  263  et  suiv. 

CONûRKà  —  27 


-  4ȕ^   - 

Trois  jours  après,  les  membres  du  Conseil  permanent  déela 
raient  avoir  travaillé  a  la  formation  des  huit  compagnies  de  U 
milice  bourgeoise  et  à  un  règlement  pour  Tordre»  la  police  ci 
la  discipline  de  ladite  milice.  Atin  de  parvenir  à  la  formation 
de  ces  compagnies,  ils  ont  dressé  l'état  de  ïous  les  citoyens 
propriétaires  et  domiciliés  de  cette  ville  et  de  tous  les  corps 
d'états  indistinctement.  Ils  ont  fait  la  division  de  tous  les 
citoyens  en  huit  compagnies  qui  peuvent  être  composées  Je 
Sf>  hommes,  y  compris  les  ofiiciers.  Ils  ont  compris  dans  chji- 
que  compagnie  un  nombre  égal  de  tous  les  états  de  la  ville 
pour  marcher  tous  ensemble,  et  sans  distinction.  Ils  remeiient 
sur  le  bureau  le  règlement  qu'ils  ont  dressé  pour  la  formation 
et  la  disciplme  de  la  troupe,  ainsi  que  les  huit  états  ou  r6le.s  de 
tous  ceux  qui  composent  lesdites  compagnies,  afin  que  le  Con- 
seil veuille  bien  examiner  le  tout  et  approuver  ou  blâmer  or 
qui  a  été  fait.  Dans  le  cas  ou  il  sera  approuvé»  le  Conseil  vou- 
dra bien  délibérer  et  consigner  ledit  règlement  dans  le  regisin: 
de  ses  délibérations  pour  pouvoir  y  recourir  au  besoin  et  en 
ordonner  lexécution  dans  tous  ses  articles,  sauf  de  corriger, 
modifier  et  reformer  tout  ce  que  le  Conseil  trouvera  d'inutile 
ou  de  superflu. 

En  agissant  ainsi,  la  communauté  opérait  elle-même  U 
Révolution  communale  qui  se  fit  ailleurs  par  la  violence.  Car 
le  Conseil  permanent  amovible  de  vingt-quatre  membres,  cuk 
dans  la  séance  du  u»  août  1789.  reçut  des  Consuls  ci  de  1^ 
semblée  municipale  des  pouvoirs  assez  étendus  qui  ne  se  limi- 
laicnt  point  à  la  milice  bourgeoise.  En  effet,  le  ConseîK  âpre* 
avoir  vérifié  Tétat  des  Compagnies  et  après  avoir  entendu  la 
lecture  du  règlement,  de  fixer  la  peine  des  contrevenants*  de 
corriger  les  abus»  et  de  prononcer  les  pemes  et  amendes  qijî 
seraient  infligées  par  eux.  et,  ce  qui  peut  nous  paraître  pi 
grave.  *  de  connaître  tout  ce  qui  peut  intéresser  le  bien,  l'ordre 


—  4»9  — 
et  la  tranquillité  publique,  de  vérifier  les  passeports  et  papiers 
des  personnes  étrangères  qui  pourront  arriver  ou  partir  de 
cette  ville,  de  les  faire  arrêter  et  emprisonner,  si  besoin  est,  et  de 
prononcer  sur  leur  détention  et  leur  élargissement  et  générale- 
ment de  faire  tout  ce  que  le  cas  exigera  pour  la  sûreté  et  la  tran- 
quillité des  citoyens  de  cette  ville;  de  correspondre  avec  les 
communautés  voisines  et  autres  de  la  province,  à  raison  de 
troubles  qui  peuvent  survenir,  et  agir  de  concert  avec  le  com- 
mandant de  la  milice  bourgeoise  pour  toilt  ce  qui  intéresse  le 
bon  ordre  de  la  ville,  et  la  garde  à  établir,  soit  le  jour,  soit  la 
nuit,  pour  la  sûreté  des  citoyens,  et  a  délibéré  enfin  que  le  sus- 
dit règlement  sera  enregistré  dans  le  présent  cahier  des  délibé- 
rations  à  la  suite  de  la  présente  et  que  connaissance  en  sera 
donnée  à  la  troupe  qui  doit  être  formée  et  qu'il  sera  même 
publié  par  la  ville  ». 


REGLEMENT  fait  par  le  Comité  des  vingt-quatre  personnes 
pour  raison  de  ia  formation  d'une  troupe  bourgeoise,  ser- 
vice, police  et  discipline  d'icelle  en  vertu  de  la  délibéra- 
tion de  la  communauté  de  Manosque  du  ig  août  ijSy. 

Article  i".  —  Il  sera  formé  huit  compagnies  de  milice 
bourgeoise,  composées  indistinctement  des  personnes  de  tous 
les  états  et  citoyens  propriétaires  connus  et  domiciliés  de  la 
ville. 

Art.  2.  —  Chaque  compagnie  sera  composée  de  86  hommes, 
y  compris  un  capitaine  en  premier,  un  capitaine  en  second,  un 
lieutenant  en  premier,  un  lieutenant  en  second,  deux  sous- 
lieutenants,  quatre  sergents  et  huit  caporaux. 

Art.  3.  —  Ladite  troupe  sera  encore  formée  d'un  comman- 
dant général,  d'un  major,  aide-major,  un  porte-drapeau,  qui 


—   422    — 

ceux  désignes  en  l'article  dixième  ci-dessus,  en  en  prenant  un 
nombre  égal  dans  chaque  compagnie. 

Art.  i5.  —  Tous  les  officiers,  après  leur  élection,  seront  tenus 
de  prêter  serment  en  présence  de  MM.  les  Maires-Consuls, 
relativement,  et  sur  les  objets  mentionnés  dans  1  arrêté  de 
l'Assemblée  nationale  du  lo  août  courant,  et  les  fusiliers  prê- 
teront également  serment  en  conformité  dudit  arrêté. 

Tel  fut  le  règlement  qui  présida  à  Torganisation  des  huit 
compagnies  de  la  troupe  bourgeoise  et  chacune  à  son  tour  prêta 
serment  selon  le  cérémonial  prescrit. 

III.  —  Le  Serment. 

Nous  allons  indiquer  cet  usage,  ainsi  que  la  composition  des 
susdites  huit  compagnies,  d'après  le  procès-verbal  conserve 
aux  archives  : 

«  L'an  mil  sept  cent  quatre-vingt-neuf  et  le  23  août,  dans 
la  salle  de  l'Hôtel-de-Ville  de  Manosque,  en  présence  de 
MM.  les  Maires-Consuls  soussignés, 

«  MM.  de  Loth',  chevalier  de  Saint-Louis,  et  Joseph  Rochon. 
capitaines  en  premier  et  en  second  ; 

«  Brémond  et  Richard,  notaire;,  lieutenants  ; 

^  Tassy  et  Honoré  Arnoux,  sous-lieutenants  ; 

«  Jacques  Rogon,  Jacques  Pausin.  Jean-François  Topin  et 
Jean  Baptiste  Alic,  sergents  ; 

«  Jean  Turin,  Joseph  Rey,  Jean  Baile,  Louis  Avril,  capo- 
raux ; 


'  Baliliazar-Augustin  de  Loih.  fils  de  Pompée  de  l.oih  et  d*Kiisabeih 
Hesson,  capitaine  au  régimenl  d'Auvergne,  chevalier  de  Saint-Louis,  fat 
mand  à  Marie-Gabriclle-Félicité-Donodéi,  de  l'Isle-sur-Sorgue,  mourut  en 

18^)3  ou  i«04. 


—   421    — 

seront  commandes  relativement  à  ce  qui  concerne  le  bien  du 
service,  sans  pouvoir  s'en  dispenser  sous  quelque  prétexte  que 
ce  puisse  être,  excepté  pour  cause  légitime  dûment  justifiée, 
à  peine  de  désobéissance,  d'amende  ou  autres  peines,  suivant 
l'article  6  ci-dessus. 

Art.  io.  —  Nul  des  dits  fusilers,  excepté  ceux  au-dessus  de 
cinquantéans,  ne  pourra  se  dispenser  de  la  garde  pour  le  jour 
et  la  nuit,  quand  besoin  sera,  et  toutes  les  fois  qu'il  sera  com- 
mandé, sous  les  mêmes  peines,  en  observant  pourtant  pour  les 
officiers  que  chacun  doit  commander  à  son  tour,  pour  raison 
de  ce,  il  sera  permis  néanmoins  à  ceux  desdits  fusiliers  qui 
voudront  se  dispenser  de  la  garde,  de  se  faire  remplacer  par 
tout  autre  de  la  troupe. 

Abt.  II.  —  Tout  fusillier,  depuis  Tàge  de  18  ans  jusqu'à 
40,  sera  tenu  de  s'assembler  au  lieu  qui  lui  sera  indiqué,  et 
toutes  les  fois  que  le  cas  exigera,  pour  s'exercer  au  maniement 
des  armes  et  aux  évolutions  nécessaires  au  bien  du  service  et 
de  la  troupe  pour,  en  cas  de  nécessité,  en  faire  usage  pour  la 
défense  du  pays,  sous  les  mêmes  peines. 

Abt.  12.  —  Chaque  compagnie  ne  sera  distinguée  que  par 
Vin  ruban  uniforme  qu'on  mettra  à  la  boutonnière  de  Thabitou 
de  la  veste  et  chaque  fusilier,  en  cas  d'appel,  sera  obligé  de  se 
ranger  dans  sa  compagnie  sans  pouvoir  changer  ni  intervertir 
Tordre. 

Aht.  i3.  —  Nul  officier  ni  fusilier  ne  pourra  quitter  son 
poste  pendant  tout  le  temps  qu'il  sera  de  garde  et  sous  les 
armes,  à  peine  d'amende  ou  autre  peine  suivant  l'art.  0  ci- 
dessus. 

Apt.  14.  —  Dans  le  cas  où  l'on  serait  obligé  d'envoyer  des 
détachements  de  la  troupe  aux  villes  et  lieux  circon  voisins  pour 
leur  prêter  secours,  lesdits  détachements  seront  pris  dans  le 
nombre  de  ceux  exercés  au  maniement  des  armes  et  parmi 


-  4=4  — 

A  la  suite  de  ce  vote,  on  dm  procéder  au  remplacement  de 
ces  Dflkiers  à  la  léte  de  leur  compagnie.  C'est  ce  qu'on  fil  le 
^  septembre. 

IV.  —  La  discipline.  L'organisation, 

Telle  tut  la  composition  de  la  troupe  bourgeoise  qui  devait 
veiller  J  la  sécurité  de  la  ville,  ainsi  qu'elle  en  avait  prèle  icr* 
ment  à  rv\ssemblce  municipale. 

Aux  main  s  des  consuls»  prèle  rem  également  serment  les  mem- 
bres du  Conseil  permanent  de  24  août  1789).  Us  s*enga^caicnt 
«  à  vaquer  aux  lo  action  s  qui  leur  étaient  con  liées  suivant  le 
dû  de  leur  conscience»  et  à  se  conformer  à  ce  qui  est  porté  pjr 
les  délibérations  du  Conseil  des  19  et  22  du  courant  »- 

Le  capitaine  de  Loth  étant  venu  déclarer  au  Conseil  pcr* 
mancnt  que  deux  de  ses  liommes%  Pierre  Crest,  revendeur,  et 
Paul  Constant,  serrurier,  ne  s'étaient  pas  rendus  à  rinviiation 
qui  leur  avait  clé  laite  de  monter  la  garde  la  nuit  précédente, 
le  Conseil  Ht  appeler  les  refraciaireset  les  condamna  chacun  a 
une  amende  de  \  ingt  sous  «<  applicable  aux  soldats  qui  corn* 
posent  la  troupe  qui  a  monté  la  garde,  la  nuit  dernière  »- 

L'Assemblée  profita  de  loccasion  pour  (ixer  le  taux  de" 
l'amende  ordonnée  par  les  articles  six  et  dix  du  réglemcm, 
Elle  arrêta  qu  a  l'avenir  les  amendes  seraient  lîxécs  à  trois 
livres  pour  les  ofticiers,  à  vin^'t  quatre  sols  pour  le*  sergents  et 
vingt  sols  pour  les  caporaux  et  soldats.  Au  cas  où  ces  dernier» 
refuseraient  de  payer  l'amende  qu'ils  auraient  encourue,  ils 
seraient  piis  au  corps  de  garde  ou  en  prison  pendant  vingt* 
quatre  heures. 

^La  troupe  bourgeoise  n  était  pas  moins  sévère  que  le  Con- 
seil permanent,  puisque  le  sous  lieutenant  de  la  premicrccor 
pagnie,  le  sieur  Arnoux,  officier  de  garde  pendant  cette  mi 


nuu  (du  23  au  24  aoiii  17H9)»  vient  déclarer  «  qu'en  iaisjni  la 
patrouille  avecquelques  tusiïicrsde  sa  garde,  il  a  trouvé  dani. 
une  vieille  masure  apparienani  à  Joseph  Dopicds,  dii  Rescas, 
près  le  ruisseau  de  Saini-Mariin,  u\v2  troupe  de  gens  qui 
jouaient  aux  cartes,  ledit  sieur  Arnoux  est  entré,  a  saisi  les 
cartes  et  a  fait  prendre  par  les  fusiliers  un  lapis  et  une  chan- 
delle de  suif.  Ils  ont  reconnu  le  sieur  Nevièrc,  teinturier,  cl 
Louis  Donadie  et  n  ont  pu  reconnaître  les  autres  qui  se  sont 
évadés  cl  qui  pouvaient  être  au  nombre  de  vint^t  à  vin^t-cinq  ». 
Ledit  sieur  Arnoux  remit  sur  le  bureau  le  tapis  et  les  cartes. 

n  L'Assemblée,  en  approuvant  le  zèle  de  la  troupe  bourgeoise, 
a  de  nouveau  invite  MM*  les  officiers  de  continuer  leurs  soins 
pour  découvrir  les  joueurs,  afin  d'entretenir  le  bon  ordre  et 
prévenir  les  inconvénients  qui  résultent  de  ces  sortes  d'assem- 
blées ^. 

Enfin,  pour  se  conformer  à  la  délibération  du  19  août,  le 
Conseil  permanent  de  Manosque^dans  sa  séance  du  3  septem- 
bre 1789,  décida  de  procéder  au  tirage  au  sort  des  douze  mem- 
bres sortants.  Le  procès-verbal  de  cette  séaiKc  indique  com- 
ment on  procéda  :  «  Il  a  été  tait  des  billets  dans  lesquels  ont 
été  écrits  les  noms  de  tous  les  membres  dudil  bureau,  lesquels 
billets  ayant  été  mis  dans  une  boîte,  il  a  été  arrêté  et  déterminé 
que  desdits  billets  il  en  sera  tiré  douze  par  un  enfant,  lesquels 
cesseront  d  être  dudit  Conseil  permanent  et  qu'il  sera  nommé 
ensuite  dou^e  nouveaux  membres,  lesquels  composeront  ledit 
Conseil  permanent  conjointement  avec  les  personnes  dont  les 
noms  resteront  dans  la  boîte. 

*  Tout  de  suite,  il  a  été  tiré  douze  billets  dans  lesquels  se 
sont  trouvés  les  noms  de  MM.  de  Gassaud  ;  Lcth,  notaire; 
Jaume;  Sauveur  Mile  ;  de  Loth  ;  Barthélémy  Girard,  ciergier; 
Joseph  Honde  ;  d^Audiffret  de  Beauchamp;  Pourcin,  chirur- 
gien, Dupied  et  Jean-Bapti:>te  Alic. 


L25 


H  Ddns  les  bilJcls  qui  soni  restés  dans  la  btMU\  4I 
les  noms  de  MM.  Rochon;  Hosonier;  Robert;  Pierre  Girard  ; 
Giraudon;  Duteil  ;  Dray;  Magnan.  boulanger: Claude  Ma^nan; 
Bouteille,  médecin  ;  Chabricr;  Chabran  ei  François  Rey,  les- 
quels composeront  le  Conseil  permanent  conjointement  avec 
les  douze  personnes  qui  seront  incessamment  nommées  «^'^mi^ 
remplacer  ceux  qui  sont  sortis. 

«  Tout  de  suite,  le  Conseil  pcrnianeni  a  nnmmc:  MM.de 
Champclos.  Richard,  aine,  Augustin  Pierisnard,  boulangtr, 
Joseph  Rey,  père;  Félix  Bouteille;  Serraire  ;  Jacques  Chai 
dony,  tailleur;  Joseph  Alic  ;  le  chevalier  d'AuditlVei;  Honnc 
Paul»  négociant;  Nicolas  Olivier,  tailleur,  et  Mathieu  Agnel  ». 

L'Assemblée  décida  également  de  procédera  ce  renouvelle- 
ment le  t5  et  le  dernier  de  chaque  mois  pour  entrer  en  exer- 
cice te  lendemain.  Ceiie  décision  aurait  son  etFet  à  panir  < 
i5  septembre. 

Le  7  septembre,  on  procéda  par  voie  du  tirage  au  son  au 
classement  des  huit  compagnies.  On  inscrivit  sur  huit  biUcL"^ 
les  noms  des  capitaines,  on  les  pia*,'a  dans  un  chapeau,  on  Ht 
tirer  au  sort  par  un  peiii  enfant  et  on  obtint  l'ordre  suivant  : 
i*  Chevalier  Dupin  ;  2"  M.  de  Railîn  ;  3*  M.  de  Gas&aud,  aîné  ; 
4°  M.  de  Sauieiron  ;  5**  M,  le  chevalier  de  Gassaud  ;  6"  M.  de 
Champclos  ;  7*»  M.  Rochon;  K*  M.  le  chevalier  d'Audiffa^t 
C'est  dans  cet  ordre  que  marchèrent  dusornuis  les  cnmn.*- 
gnics. 

Le  lendemain*  K  septembre»  le  maire  ht  procédera  U  prc^ 
talion  du  serment  de  la  troupe  bourgeoise  et  en  dressa  le  pfé- 
senl  procès  verbal  : 

m  Sav^oir  faisons,  nous,  Jean-Joseph  Issautier.  avocat  en 
Parlement,  Joseph  Nïcolay,  bourgeois  et  Jean -Louis  Lauiicr. 
marchand-drapier,  maires-consuls  de  Manosquc,  lieutenants- 
généraux  de  police,  qu'en  exécution  de  dîHércnls  arrêtés  de 


~  427  — 

rAssemblée  Nationale,  ayant  été  formée  en  celle  ville  une 
Milice  Bourgeoise  divisée  en  huit  compai^nies  et  tous  les  offi- 
ciers en  ayant  été  nommés  par  leurs  compagnies  respectives; 
en  conformité  du  règlement  dressé  et  rédigé  par  le  Comité  ou 
Conseil  permanent,  approuvé  par  le  Conseil  municipal,  le 
19  du  mois  d  août  dernier  et  enregistré  dans  le  registre  des 
délibérations,  nous  indiquâmes  l'Assemblée  de  la  troupe  pour 
ce  jourd'hui,  8  septembre  1789,  à  deux  heures  après-midi,  sur 
la  partie  des  Lices  de  la  ville  appelée  la  Plaine,  près  la  porte 
de  la  Saunerie,  pour  faire  prêter  serment  à  ladite  Milice  et 
assister  ensuite  au  Te  Deum  qui  devait  être  chanté,  suivant  le 
décret  de  TAssemblée  nationale  du  4  août,  ce  qui  fut  annoncé. 
la  veille  et  le  jour,  au  son  du  tambour,  de  la  trompette  et  à  cri 
public;  ensuite  de  quoi,  la  troupe  ayant  été  assemblée  audit 
endroit  et  rangée  par  compagnies  ayant  en  tête  leurs  officiers, 
un  détachement  de  six  hommes  par  compagnie,  faisant  en- 
semble quarante-huit  hommes,  commandés  par  un  capitaine, 
un  capitaine  en  second,  un  lieutenant  et  un  sous-lieutenant, 
s'est  mis  en  marche  vers  THôtel-de-Ville  pour  venir  prendre  le 
drapeau. 

«  Le  détachement  étant  arrivé  àM'Hôtel-de-Ville,  nous  lui 
avons  remis  le  drapeau,  nous  nous  sommes  mis  à  la  tête  du 
détachement,  revêtus  de  nos  chaperons  et  nous  nous  sommes 
rendus  ensemble  aux  dites  Lices,  où  la  troupe  était  assemblée. 

«  Etant  arrivés  audit  lieu,  nous  avons  fait  faire  lecture  à  la 
troupe  de  la  formule  du  serment  insérée  dans  le  décret  de 
l'Assemblée  Nationale  du  dix  août  et  nous  lui  avons  fait 
connaître  l'esprit  et  l'objet  dudit  serment.  Après  quoi,  tous 
les  officiers,  sergents,  caporaux  et  fusiliers  ont  prêté  serment, 
la  main  levée  en  notre  présence  et  à  celle  d'un  grand  nombre 
d'autres  personnes  de  bien  et  fidèlement  servir  pour  le  main- 
tien de  la  paix,  pour  la  défense  des  citoyens  et  contre  les  pertur- 


—  4^8  — 

bateurs  du  repos  pubtic;  les  boîtes  de  la  ville  ont  été  tirées  au 
même  instant.  ,         ;.,  .n' 

«  Après  celte  cérémonie,  nous  nous  e>ommes  mis  à  la  tête 
de  la  troupe  rangée  par  compagnies  qui  ont  marché  suivant 
l'ordre  et  le  rang  qui  leur  avait  été  assigné  par  le  sort,  la 
veille,  et  nous  nous  sommes  rendus  à  la  paroisse  Notre- 
Dame  de  Romigier,  où,  après  avoir  prononcé  un  discours  ana- 
logue à  la  cérémonie,  M.  le  Curé  *  a  fait  la  bénédiction  du 
drapeau  et  il  a  été  ensuite  chanté  un  Te  Deum  en  musique, 
après  lequel  on  a  donné  la  bénédiction  du  Saint^Sacrement. 

4<  La  cérémonie  faite,  nous  nous  somnies  rendus  à  THôtel- 
de-Ville,  dans  le  même  ordre  de  marche  et  MM.  les  offi- 
ciers du  détachement  y  ayant  déposé  le  dra]!>eau,  nous 
avons  congédié  la  troupe  et  nous  avons  du  tout  dressé  notre 
présent  procès-verbal  à  Manosque,  dans  la  salle  de  THôtel- 
de-Ville,  ledit  jour  8  septembre  1789.  ^ 

La  grande  peur  avait  doté  Manosque  d'une  Milice  bour 
geoise  et  d  un  Conseil  amovible  permanent  qui  constituait  un 
pouvoir  essentiellement  révolutionnaire. 

P.-n.  Bigot. 


»  M.  Lambert. 


XVII 

LE  CLUB  RÉVOLUTIONNAIRE 

r>e    OAFlOtCS    (Var-) 

Par  M.  L.-G.  DAUPHIN. 

Pharmacien    naturaliste   à    Carcès,  Membre  de   la    Société   d'Études 
provençales.  Officier  d'Académie. 


La  Société  qui  devait  plus  tard  prendre  le  titre  de  Club  révo- 
lutionnaire de  Carcès  fut,  à  ce  qu'il  semble,  lente  à  se  consti- 
tuer et  n'eut  jamais  une  grande  influence  sur  la  marche  des 
affaires  du  pays. 

Dès  le  3i  janvier  1791,  une  démarche  est  faite  auprès  des 
officiers  municipaux  de  Carcès  assemblés  à  THôtel-de-Ville 
par  Joseph  Aubert,  Gassier,  fils  du  juge,  Joseph  Roumey, 
Jacques  Foussenq,  Victor  Perrin,  Pierre  Foussenq,  Pierre 
Arbaud,  Jean-François-Grégoire  Ambard,  Antoine  Rouvier, 
M'  en  chirurgie*.  Ils  exposent  qu'une  société  patriotique  vient 
de  se  créer  dans  cette  ville  sous  le  nom  d'Ami*  du  peuple  et 
des  Lois,  avertissent  les  officiers  municipaux  qu'ils  doivent 
tenir  séance  dans  la  maison  de  M.  Gaisicr,  spécialement  le  jour 


*  Archives  communales  de  Carcès  :  Registre  des  délibérations,  tygo- 
/7.9J,  2*  cahier,  p.  66. 


L'he  Cl  autres  qu'ils  pourront  vé^lm 
ils  reclament  la  protection  et  la  sauvegarde  de  la  municipaliit 
et  lui  offrent  de  concourir  de  tous  leurs  pouvoirs  dans  tous  les 
aaes  de  patriotisme.  Us  signent  avec  les  officiers  tnumcipaui 
sur  te  registre  des  délibérations. 

Nous  relevons  parmi  ces  noms  ceux  de  deux  des  pnncipau.v 
notables»  MM,  Gassier,  lils  du  Juji^e,  et  Jean-François-Orcgoia* 
Ambard. ainsi  que  celui  d'Antoine  Rouvier,  M'en  chirurgie. 
Ceci  montre,  et  les  faits  le  conTirmeront  dans  la  suite,  qu'ii 
Carcès  les  Corps  éius  et  les  notables  du  pays  furent  les  pre- 
miers à  adopter  les  idées  nouvelles.  Cela  ressort  aussi  de  ce 
fait  que  les  nieilleures  familles  du  pays,  telles  que  les  Lambot. 
les  Perrin,  les  Ambard.  les  Fourncrv.  etc.,  souscrivirent  spon* 
tanémcnt  diverses  somiTies,  à  la  séance  du  Conseil  municipal 
du  1 1  novembre  ijijo,  où  le  Procureur  de  la  Commune,  Honore 
Ambard,  prêtre»  desservant  la  commune  de  Vins,  lit,  avec  une 
chaleur  toute  patriotique,  Télogedcs  lois  votées  par  rAssemblcc 
nationale  pour  labolition  des  privilèges*  j 

Il  faut  croire  que  ce  premier  essai  de  Soctélé  patnutiqui  ' 
a'eut  pas  une  longue  durée,  puisque  nous  trouvons  encore,  en 
date  du  4  août  1792  ^  une  nouvelle  démarche  faite  auprès  du 
maire  et  des  officiers  municipaux  par  Jean-François  Mireur* 
Guillaume  Baraion,  Antoine  Rouvier,  M'en  chirurgie,  et  Honoré 
Ambard,  «<  déclarant  qu'ils  sont  bien  aises  de  remplir  les  devoirs 
m.  que  la  Constitution  et  les  lois  réglementaires  imposent  au\ 
«ï  citoyens  qui  s*assemblent  et  se  réunissent  en  société  pnthch 
«  tique.  A  cet  effet,  ils  préviennent  MM,  le  maire  cl  ofKcicni 
<t  municipaux  qu'ils  en  ont  formé  une  sous  le  nom  des 
«t  Je  la  Liberté  et  la  Léf(iilitL\  qu'ils    s'^sseinhltTont 


*  Arch.  com.  de  Carcès  ^  Registre  des  détibérationu  ij^Q-ij^S^f 
Cihifr.  p*  6. 


r 


c  à  un  heure  après  rfiidy  chez  le  sieur 

1  -  prient  les  subits  maire  et  officiers  muni- 

.     r  bien  leur  accorder  la  cy-devant  Chapele 

rlancs  pour  servir  à  leurs  séances,  en  se  char- 

.  cruretien  et  ont  signé  ». 

..::.anJe  est  accordée  à  Tunanimité. 

:.)is  est  réellement  fondée  cette  Société  qui  devait  tenir  H  j 

.:u  un  certain  temps  ses  réunions  dans  la  chapelle  des 

ijnis  blancs.  Le  quartier  où  était  située  cette  chapelle  a 

.:c  jusqu'à  nos  jours  le  nom  de  «  quartier  de  l'Assemblée  >. 

Lci  5oae7e/?a/rio/i^we  ne  s'occupait  pastoujours,  à  son  début, 

oj  questions  (>olitiques,  elle  défendait  aussi  les  intérêts  géné- 

Mux  de  la  commune.  Nous  en  voyons  un  exemple  dans  la  déli- 

Dcration  du  Conseil  municipal  en  date  du  26  octobre  1792  *. 

Les  citoyens  Fourner\'  et  Gazan,  en  qualité  de  députés  de  la 

Société  patriotique,  demandent  au  Conseil  municipal  la  nomi-  «X 

nation  d'un  garde-champêtre  supplémentaire,  afin  de  garantir  ^f 

les  récoltes  contre  le  sans-géne  des  bergers,  qui  ne  respectent  .^> 

plus  les  propriétés.  :  / 

Mais  quand  les  plus  mauvais  jours  de  la  Révolution  arrivé-  ||^ 

rent,  la  Société  patriotique  prit  le  nom  de  Ciub  révolution-  )\ 

naire.  L'arrivée  à  la  tête  de  la  municipalité  pour  Tannée  1793 

de  Jean-Joseph  Lambot,  juge  de  ce  lieu  de  Carcès,  sous  la  féo-  i] 

daiité,  n'est  pas  du  goût  des  patriotes,  aussi  est-il  question 
d'abandonner  la  chapelle  des  pénitents  blancs  qu'ils  tiennent      ** 
de  la  bienveillance  de  la  municipalité.  Ils  décident  de  s'établir 

au  quartier  de  Sous-Ville,  au  premier  étage  de  la  Presse  Publi-  • 

que,  appartenant  au  citoyen  Joseph   Sauve.  Celte  salle,   fort  » 

grande  et  bien  éclairée  par  de  larges  ouvertures,  simplement  •  / 

blanchie  à  la  chaux,  devint  le  lieu  de  toutes  les  grandes  réu- 


•  Arch  -fom.  de  Carcès  :  Reg.  des  délib.,  ijgo-i';g3,  4*  cahier,  p.  46. 


-  432  - 

nions  publiques  pendant  la  tourmente  "révoluiionnaire.  Sur  le 
mur  du  fond,  on  lit  encore  actuellement  le  Décalogue  républi- 
cain suivant  : 


Commandements  révolutionnaires  de  la  Montagne. 


Au  peuple  seul  tu  jureras 
D'obéir  religieusement. 

Les  Lois  qu'il  sanctionnera, 
Observe-les  fidèlement. 

A  tout  roi  tu  déclareras 
Haine  et  guerre  éternellement. 

Ta  liberté  maintiendras 
Jusqu'à  ton  dernier  moment. 

L'Égalité  tu  chériras 

En  la  pratiquant  constamment. 

Egoïste  point  ne  seras, 
De  fait  ni  volontairement. 

Les  places  ne  brigueras 

Pour  les  remplir  indignement. 

La  raison  seule  écouteras 
Pour  te  guider  dorénavant. 

Le  dix  août  sanctifieras, 
Pour  l'aimer  éternellement. 

En  républicain  tu  vivras, 
Afin  de  mourir  dignement. 

Jusqu'à  la  paix  tu  agiras 
Révolutionnairement. 

Tous  les  suspects  tu  fermeras, 
Sans  le  moindre  ménagement. 


—  433  — 

Tout  émigré  qui  rentrera, 
Raccourcis-le  moi  promptement. 

Les  prêtres  tu  déporteras, 
Loin  de  ton  sol  incessamment. 

Dans  les  clubs  tu  ne  recevras 
Aucun  moine,  ni  feuillant. 

L'acquéreur  tu  poursuivras 
E:  le  fripon  pareillement. 

Nulle  foi  tu  n'ajouteras 

Au  serment  d'aucun  ci-devant. 

Chaque  jour  au  club  te  rendras, 
Pour  t'instruire  solidement. 

Homme  libre?  un  des  belles  causes  tu  défends 
Si  tu  observe  ces  commandemens. 


Plusieurs  patriotes  des  environs  vinrent  visiter  les  membres 
du  Club  révolutionnaire  et  le  conventionnel  Barras  y  donna 
des  conférences  à  deux  reprises  différentes.  Lors  du  passage  de 
la  phalange  marseillaise,  des  fêtes  furent  organisées  par  les 
membres  du  Club.  Excités  par  les  discours  des  orateurs  mar- 
seillais qui  trouvaient  que  les  patriotes  Carçois  n'avaient  pas 
d'énergie,  ils  sortirent  en  foule  du  Club  et  se  rendirent  à  !a  mai- 
son de  Jean-Joseph  Lambot,  ancien  maire  et  ancien  juge  de  ce 
lieu,  avec  des  haches  pour  enfoncer  la  porte  et  se  saisir  de  ce 
citoyen.  Lambot,  averti,  eut  le  temps  de  s'enfuir  et  se  réfu- 
gia au  Bessillon,  où  un  ancien  serviteur  de  la  famille,  dit  Tite 
le  bouilleur,  lui  portait  des  vivres. 

Les  vengeances  des  sans-culottes  s'arrêtent  à  désigner  au 
Tribunal  du  Salut  public  deux  citoyens,  Jean  Lambot  et  Victor 
Perrin,  qui,  emprisonnés  à  Toulon,  furent  bientôt  relaxés. 

Tels  sont  les  renseignements  que  nous  avons  pu  recueillir 

CONGRÈS  —  28 


—  4h  — 

dans  les  archives  communales  sur  le  Club  révolutionnaire  dt 
Carcès.  Il  est  très  regrettable  que  le  registre  des  délibérations  de 
cette  Société  n'ait  pas  été  conservé,  car  on  y  aurait  trouvé  des 
renseignements  bien  plus  détaillés  et  plus  complets  sur  son 
organisation  et  son  fonctionnement. 

L.-C.  Dauphin. 


Carcès,  le  20  juillet  1906. 


-435- 


XVIII 

La  Grande  Peur  et  la  création  de  la  Garde  Nationale 

A   CHATEAURENARD-DE-PROVENCE 
(30  juillet  1789), 

par  M.  Eugène  DUPRAT, 

Professeur  adjoint  au  lycée  d'Avignon^  Membre  de  l'Académie 
de  Vaucluse. 


Les  événements  qui  eurent  lieu  à  Paris,  à  la  suite  du  renvoi 
de  Necker,  aboutirent,  le  i3  juillet  1789,  à  une  révolution 
municipale  età  l'institution  d*unegardenationale.  Après  la  prise 
de  la  Bastille,  les  villes  de  province  suivirent  l'exemple  de  la 
capitale.  Mais  ce  fut  surtout  dans  les  campagnes  et  les  commu- 
nautés rurales  que  les  troubles  de  Juillet  eurent  le  plus  de  re- 
tentissement. Une  terreur  soudaine,  mystérieuse,  inexplicable, 
et  dont  le  souvenir  a  persisté  longtemps,  se  répandit  à  travers 
la  France,  pendant  la  dernière  semaine  de  ce  mois.  Partout,  on 
annonça  l'arrivée  de  bandits  qui  s'attaquaient  aux  personnes 
et  aux  propriétés.  Villageois  et  paysans  s'armèrent  pour  repous- 
ser ces  brigands,  qui,  le  plus  souvent,  demeurèrent  invisibles. 
Seules,  quelques  bandes  de  vagabonds,  vite  dispersés,  apparur 
rent  ça  et  là.  Les, communautés  effrayées  n'en  restèrent  pas 
moins  sur  la  défensive.  La  plupart  se  donnèrent  unemilicepour 
combattre  et  une  municipalité  pour  administrer.  Puis,  énervées 


-  43"  - 

parratieote  prolonf^'écdela  solution  quedevaieni  leur  apporter 
les  États  Généraux,  elles  tournèrent  leurs  armes  contre  rennemi^ 
séculaire,  la  féodalité.  Dans  beaucoup  de  villages,  on  brûla  le 
titres,  les  châteaux  seigneuriaux,  on  dévasta  les  propriétés  des 
nobles.  Ce  fut  une  révolution  paysanne  d'une  sponiancité  cl 
d'une  Ibrcc  telle  que  rAssembIcc  Nationale,  dans  la  nuit  du 
4  août,  dut  consacrer  la  destruction  d'un  régime  que  la  Grande 
Peur  venait  d'ébranler  si  violemment. 
-"  f-;n  Provence  '  et  surtout  sur  les  bords  de  la   Durancc '.la" 
frayeur  fut  des  plus  intenses.  Ce  sont  les  événements  auîtquels 
elle  donna  lieu  à  Chàtcaurenard-de-Provcnce  que  nous  nous 
proposons  de  faire  connaître  ^. 

Dans  la  nuit  du  mercredi  29  au  jeudi  3o  juillet,  à  trois  heures 
du  matin,  Marc-Antoine  Bernard,  maître  en  chirurgie,  maire 
et  premier  consul  de  Chàteaurenard,  était  avisé  par  une  lettre 
de  la  marquise  Varadier  de  Saint-AndioK  que  des  brigands 
ravageaient  Orange  et  se  préparaient  à  envahir  la  Provence  par 
les  bacs  de  la  Durance.  Le  marquis  de  Valori  *,  beau^frère  de 


*  Il  est  curieux  de  constater  que.  malgré  l'abondance  de  documents 
dans  tes  Archives  dé  parte  mental  es  et  communales,  U  Grande  Peur  et 
ses  conséquences  aient  complètement  échappé  â  M.  Viguîer,  auteur  des 
Débuts  de  ta  Hévùlution  en  Provence.  ParisMarseiliCt  1895,  io-8% 

*  Une  lettre  des  Commissaires  des  Communes  aui  dépotés  aux  États 
Généraux  i$ic)t  en  date  du  3t  juillet  17H9,  parte  de  villages  entiers  qo 
s*en fuyaient,! A rc/nVi-jf  départe rm^ntaU s  dt^s  Bouchts-du-Rhùnc  :  C.  1I8 
<■•  207.1 

*  Les  renseignements  qui  suivent  sont  extraiu  surtoot  de  U  délibéra* 
lion  du  Conseil  de  ta  communauté  du  3o  iuillet  1789  {Archiv€s  Je  ChJh 
itaur<nard,  BB.  37;  Conseits  detjHt  à  tjHy,  Registre  non  folioté. 1 

*  l.ouis-Marc-Anioine  de  Valori,  marquis  d'Esiitty  et  de  Lécé.  raeitre 
de  camp  du  régiment  de  Bourbon  et  chevalier  de  fOrdre  de  Saint-Louis, 
avait  épouséi  en  1781,  Joséphine-Henrietic  de  Thomassio,  fille  atnéede 
Joseph^f^Jtienne  de  Thomassin  et  sœur  afnée  de  Joseph*Auguste  de  Tbo- 
misain,  marquis  de  Saint  Paul  et  baron  de  Châteanrenard . 


—  437  — 

Joseph  de  Thomassin,  marquis  de  Sainl-Paul  et  baron  de 
Château  renard*  recevait  un  avis  pareil  de  Gaimard,  juge  de 
Noves,  par  lettre  #t  écrite  le  mercredi,  à  onze  heures  do  soir  *. 
Aussitôt,  le  maire  til  sonner  le  tocsin  et  battre  le  tambour  par 
les  rues  du  village.  M  y  eut*  parmi  les  habitants  réveillés  en 
sursaut,  un  moment  de  trouble  et  de  confusion.  Tout  le 
monde  s'arma,  cependant,  et  chacun  *^  comme  il  le  put  i*  *.  On 
leva,  au  milieu  du  #(  tumulte >>-,  une  troupe  d'environ  deux 
cents  volontaires»  sous  le  commandement  de  Florenl-Agricol 
Rippcrt,  conseiller,  notaire  royaU  ancien  soldat  et  sergent  d'in- 
fanterie ^,  Puis,  ces  volontaires  furent  envoyés  sur  les  bords  de 
la  Durance  pour  défendre  les  approches  du  bac  dp  Chàteaure- 
nard  *. 

L*expédîiion  partie,  les  Consuls,  assistés  de  Denis  Vicary. 
lieutenant  de  juge  de  iabaronnieet  du  marquis  de  Valori,  se 
hâtèrent  de  prévenir  les  communautés  voisines  *.  Us  avertirent. 


'  Le  nombre  de  ceux  qui  s'ariTicrent  de  faî^ils  dut  être  peu  considcra- 
We:  les  Consuls  avouent,  en  effet,  dans  une  lettre  aux  Coramissair*fs  des 
Communes  qu'il  *  ne  se  trouve  point  d'armes  pour  armer  la  milice  » 
parce  que  «  dans  ce  pays  le  seigneur  a  toujours  ctë  fort  jatoui  de  la 
chasse  ».  {ArchtPes  des  Boucfn^i'du-fihône,  C.  «.073,  liasse  8».  Lettre  deâ 
€<fnsuls  de  Chàltaun'nard  du  5  aotU  tj&th]  —  De  mt^mc  à  Graveson,  les 
habitants  s'armèrent  de  *  bâtons,  de  fourches  ci  de  quelques  fusils  en 
mauvais  état».  \Àrchit^es  de  (Sraifeion.bU.  14.  Conseil  du  So  juiUet  lySf),^ 

*  A?€a  du  maire  au  Conseil  du  ]3aoOt.  [Archives  de  Châtcaurenard* 

*  Kenseîgnemcnts  fournis  sur  ce  Ripperl  p*ir  une  leiire  du  marquis  de 
Valori  du  19  ianvier  17^0  aux  Commissaires  des  Communes,  \  Archives  des 
Bouches  du-Hftône.  C    i3S2.  TH;,) 

*  l'n  arrêt  du  Fartement  de  Grenoble  du  a3  août  1681  avait  établi  ce 
bac  «  depuis  le  terme  faisant  séparation  du  terrain  de  ChÂieaurenard 
d'avec  celui  de  l'isle  de  Barban,  jusques  en  droiture  du  mas  de  Vinay  du 
Tapai  lion  »-  {Archives  de  Ckdt.  FF.  8,  liasse.  | 

*  Les  termes  employés  dans  la  dvlibéraiion  du  3o  juillei  donnent  à 
penser  que  les  consuls  de  Graveson  forent  avertis  par  ccua  de  Château- 


-  438  - 

notamment,  les  Consuls  de  Tarascon,  chefs  de  vigucrie.  le 
Gommandanl  des  iroupes  royales  stationnées  dans  celle  ville  et 
le  conne  de  Caraman,  gouverneur  de  Provence.  Le  maire  de 
Malllane  reçut  leur  avis  le  jeudi  de  grand  matin  *  et  cela  dé- 
montre  avec  quelle  rapidité  se  propageaient  les  faux  bruits  ', 
La  lettre  aux  Consuls  et  au  commandant  des  troupes  de  Taras- 
con  lut  portée,  sans  doute,  par  le  domestique  que  le  marquis 
de  Valori  envoya  dans  cette  ville  pour  acheter  de  la  poudre*. 
Cependant,  les  volontaires  ayant  atteint  la  Durancc,  Hrcnl 
halte  près  du  bac.  Ceux  de  Flognonas  et  de  Graveson  vinrent 
les  y  rejoindre  *.  Comme  on  manquait  d'informations  précises, 
on  décida  d^envoyer  des  éclaireurs  auprès  des  consuls  d'Avi- 
gnon. Les  renseignements  fournis  par  les  Avignonnais  oc  con* 


renard,  bien  qaUl  ne  soit  pas  resit!  trace  de  cet  ans  et  que  U  choie  ne 
soit  pas  dite  ex  pressé  ment.  {Archives  de  Graveson,  BB,  14.  Conuil  dit 

*  Archives  de  SfûiUane,  BB,  12»  Conseils  :  Conseil  du  g  aodt  178») 

■  A  Xovc5,  k  Barbeniane^  a  Graveson.  h  Maillane,  la  raêinc  paniqae  &e 
produisit.  A  Nove;».  les  volontaires  occupèrent  les  bonis  de  la  Daranie. 
^Archives  de  Xovesfnon  classées)  :  Extraits  de  ta  détibératiùn  du  Contett 
de  ta  communnutê  du  td  août  i'^8*j.\  -^  k  Birbcntane,  les  habilanls  k 
portèrent  en  armes  sur  tes  rives  de  la  Durancc  et  do  Hh6ne.  \Artkt¥€% 
de  tiarbentane:  Conseils  i  j^j'tjHQ  /tJonseil  du  a  août.)  A  Gnivcson«itf 
vinrent  en  armes  sur  les  bords  de  la  Dtir^acc.  {Archive t  de  Orûpem*» 
fiB.  14,  conseil  du  3o  juîHet  (7^9-* 

'  Les  administrateur^^  tarasconais  tirent  saisir  la  poudre  que  ce  domev 
tique  siHait  procurée  pour  ••  saiislalre  les  habitants  qui  en  manquaient»* 
\Lettre  des  consuls  de  i\irascon  à  ietix  de  (Ihàtêaurenûrd  du  i"  ûoUt 
1789,  Arch.  de  Chat,  D*  (H,  correspondant  reçue  t7^Q'f7a4'J  Hcurcu. 
sèment,  Jcan-Picrnc  Robin,  deuxième  consul,  fournit^  ce  jour-là»  k  ses 
concitoyenSt  pour  it  liirres  q  sols  et  J  deniers  de  poudre  qui»  le  css 
échéant»  eût  permis  aux  Châtcaurcnardais  de  se  défendre»  (Comptes  Ai 
Jean  iJuprat,  trésorier  en  t  jS*}.  Arch.  de  Chat.,  GC  4.  Comptes  trétù- 
ratres  lyH^.f 

*  Cela  parait  résulter  des  termes  de  la  délibération  du  Conseil  de 
Graveson  da  2  août  ^Archives  de  Graveson  id,  qui  supra). 


—  439  — 
cordaient  pas  absolument  avec  ceux  de  la  marquise  de  Saint- 
Andiol.  D  après  eux,  trois  ou  quatre  mille  bandits  tenaient  la 
campagne  du  côté  du  Gard  et  un  régiment  d^Irlandais  déserteurs 
parcouraient  le  pays,  mettant  les  habitants  à  contribution.  Ces 
nouvelles,  peu  rassurantes,  laissaient  cependant  espérer  qu  au- 
cun danger  immédiat  ne  menaçait  Châteaurenârd.  D'autre 
part,  les  consuls  d'Avignon,  tout  en  conseillant  à  leurs  voisins 
de  rester  sur  la  défensive,  s  étaient  engagés  à  les  avertir  à  la 
première  alerte.  Il  devenait,  dès  lors,  inutile  de  rester  en  ob- 
servation sur  les  bords  delaDurance.  Les  volontaires  retournè- 
rent dans  leurs  communautés  après  avoir  laissé  une  garde  pour 
veillersur  le  bac*.  Ceux  de  Châteaurenârd  durent  être  de  retour 
assez  tôt,  puisque  leur  chef  Rippert  et  les  principaux  d'entre  eux 
assistèrent  à  une  assemblée  tenue  à  THôtel-de-ville,  à  deux 
heures  de  l'après-midi.  En  effet,  l'émotion  ne  s'était  pas  calmée. 
Un  conseil  extraordinaire,  présidé  par  Vicary,  lieutenant  du 
juge,  se  réunit  pour  organiser  la  défense.  Outre  les  cléments  qui 
composaient  ordinairement  le  Conseil  de  la  Communauté, 
c'est-à-dire  les  deux  Consuls,  les  dix  conseillers  et  les  «  hauts 
allivrés  »,  on  y  invita  le  marquis  de  Valori,  le  curé  Mercier  et 
d'autres  notables.  Le  maire  Bernard  rendit  compte  des  mesures 
prises  et  proposa  d'établir  une  «milice  bourgeoise»,  afin  de 
«  rassurer  les  habitants,  de  veiller  au  maintien  du  bon  ordre  et 
à  la  défense  de  leurs  foyers  et  de  leurs  compagnes  ».  L'assem- 


'  La  chose  est  certaine  en  ce  qui  concerne  les  volontaires  de  Grave- 
son.  Le  Conseil  Tota  le  2  août  le  paiement  «  de  trente  journées  em- 
ployées pour  monter  la  garde  au  bac  de  Châteaurenârd  au  sujet  des  bri- 
gands, à  raison  de  vingt  sols  chaque  »  plus  quatre  barrauds  de  vin.  (Ar- 
chives de  Graveson,  BB.  14.  Conseil  du  2  âot2/.)  —  A  Châteaurenârd.  il  est 
seulement  question  «  du  pain  et  du  vin  qui  fut  porté  au  bateau  pour  le 
déjeuner  des  soldats  armés  qui  s'y  rendirent  pour  garder  le  passage  de 
la  rivière.  »  (Conseil  du  3o  juillet.) 


440  — 

blëe.  approuvant  la  conduite  du  maire,  décida  de 
champ  uneiiardc  lormce  des «<  principaux  habiunis,  au  nombre 
de  deux  cents».  M  Jaurès,  dans  son  Histoire  sociaiisle.  a  î*ou- 
ligné  le  caractère  bourgeois  des  milices  issues  de  la  Grande 
Peur'  L*observaiion  est  certainement  juste  pour  les  villes. 
Dans  les  Communautés,  au  contraire,  il  semble  bien  que. 
même  qualifiées  de  <*  bourgeoises  )*,  ces  compagnies  —  avant 
l*instituuon  des  citoyem  actifs  —  aient  groupé  des  éléments 
appartenant  à  toutes  les  conditions  sociales  *.  Les  Bourgeois,  il 
est  vrai,  s'emparèrent  des  grades,  mais  à  Châteaurenard  ei  ail- 
leurs, les  nécessités  du  service  tirent  entrer  dans  ces  corps*  loyv 
les  habitants  du  village  cl  de  la  campagne  »►  sous  une  seule 
condition  d  âge  ^,  En  parlant  des  «t  principaux  habitants  i>,  le 
Conseil  n*cn tendait  pas  dire  les  plus  riches,  mats  les  plus  popu* 
laircs.  La  preuve  en  est  que/parmi  lessous-ofticiers,  se  trouvent 
des  travailleurs  et  des  gens  qui  ne  possèJeni  rien.  D'ailleurs, 
plus  que  la  richesse,  les  antécédents  militaires  furent  pris  en 
considération.  La  liste  des  grades  en  fait  foi  *, 

L*idée  Je  créer  une  garde  armée  dans  la  Communauti 
appartient-elle  aux  Consuls  de  Châteaurenard  ou  leur  lut-elli 
suggérée  ?  En  d'autres  termes,  la  milice  fut-elle  à  Châteaure- 
nard  une  imtitution  spontanée  (^comme  on  disait  alon»)  pro- 
voquée par  la  (îrande  Peur  et  due  à  initiative  des  Consuls  ou 
bien  ceux-ci  ne  iircntils  quobéir  à  des  ordres  supérieurs?  Li 


*  iAtHts,  Hisittirt  xuciaitite,  ijiig-i^yt,  p.  374  et  îiS. 

'  La  circulaire  adressée  le  5  «loûi  auA  Communiiutds  par  kji  Cooimisut- 
rc!»  Jes  Communes  de  Provence,  dit  seulement  que  les  K***«^**botif>;coiic> 
ne  «  seront  composées  que  des  citoyens  les  plus  sa^*es  et  tes  plus  prudenu  ». 
{\fchivex  dcx  H.JuHH,Al-  i383.  I'  ïôg-a;©.) 

^  A  Ctmtedurenâfd,  de  iH  à  !)5  AmtConstUdu  9  aoùl);  k  MAitUoe»4t 
iH  a  60  ans  ^Ctinseit  du  t6  aoûtf. 

*  Ainsi  les  deui  chefs,  le  maior,  Coni)  fc  Vétéran,  AndrérifiYàlide,  Ber- 
trand  le  Grcnadïcr,  etc. 


^ 


—  441  -- 

correspondance  des  Commissaires  des  Communautés  de  Pro* 
vcnce  permet  de  résoudre  celle  queslion  qui  ninieresse  pas 
seulement  Chàleaurenard,  mais  vise  la  (ormation  de  presque 
toutes  les  milices  de  Provence. 

Le  25  juillet  Ï7H9,  les  Commissaires  adressèrent  aux  villes  et 
Communautés  du  Comté  une  lettre  circulaire  recommandant 
la  levée  d'une  force  armée  ^  ^<  Il  serait  prudent,  disaient-ils, 
m  que  les  Communautés  qui  avaient  armé  une  «  garde  natio- 
«  nalcï*  '  la  continuassent  jusques  après  la  séparation  de  TAs- 
m  semblée  nationale...  et  que,  dans  les  Communautés  qui 
*  n'avaient  point  levé  de  Compagnies  et  qui  peuvent  en  mettre 
m.  sur  pied,  on  en  format,  si  on  le  croyait  nécessaire,  ^  U  sem- 
blerait résulter  de  cette  lettre  imprimée  que  l'initiative  émana 
des  Commissaires  des  Communes»  si  nous  n  étions  instruits, 
par  les  Commissaires  eux-mêmes,  que  leur  circulaire  du  25  fut 
imprimée  sur  ^  Vinvilaiiondes  Députés  de  Provence  aux  Étais 
Généraux^  ».  Ces  deux  documents  permettent  donc  d établir 
facilement  la  genèse  de  la  majorité  des  milices  provençales. 
Les  Députes  de  Provence  avaient  assisté  à  la  formation  de 
la  garde  parisienne.  Krappés  des  avantages  quelle  pouvait 
procurer,  ils  invitèrent  les  Commissaires,  avec  lesquels  ils  en- 
tretenaient des   relations  presque  journalières  *,  à  provoquer 


•  Hecutii  iics  Circulaires  ècriies  par  ta  Commission  Jts  Commitsai' 
r€S  de  Provence,  composée  de  Baux,  Phiiibert  et  Jugtar,  Circulaire  du 
j!i  imWeuii rchipes  du  B^-d^-Hh.,  C  i383,  f*  867-369.) 

•  De  ce  nombre  était  Marseitte,  qui  avait  ea  sa  garde  avant  Paris.  iVoir 
Viiiuicn  :  Les  Débuts  de  la  Révolution  en  Provence,  ch.  v,  p,  104  et  ss.| 
Evidemment  pour  le^  villes  ei  les  Communautés  qui  avaient  une  garde 
jivanl  le  aS  jutUet.  la  question  ne  se  pose  pas. 

•  Ltttrts  des  Commissaires  de  ^Provence  aux  bépulés  aux  Etals  Géné- 
raux  Lettre  du  28  juitlei  171*9.  iArcHives  des  *B  -du  Hh.,  C.  i3^.  f»  20JJ 

•  A  ce  momeni«  ceuit  Bouche  qui  était  leur  correspondant  cl  les  tenait 
au  courant  de  ce  qui  se  passait  à  Paris.  (Voir  VitiuiEt  :  Les  Débuts  de  ta 
Héyolution,  elc,  chap.  ir,  p.  34.) 


p  — 

Misse  me  ni  de  gardes  pareilles  dans  les  villes  (ju^."mrnunau' 
tés  de  leur  ressort.  Les  Commissaires  rcpondircni  assez  molk- 
ment  à  leurs  désirs  parleur  circulaire  du  25.  Mais  brusquement 
survint  la  Grande  Peur,  montrant  la  nécessité  d*êtrc  armty 
Dès  lors»  les  Commissaires  se  lîrent  plus  précisants  et  lancè- 
rent leurs  lettres  imprimées  du  3i  juillet  et  du  3  août  *.  Que 
h  rem  les  Communautés  ?  En  général,  elles  adoptèrent  les  pro- 
position s  des  Com  mi  ssa  ires,  mais,  sauf  de  rares  cxccptians.  ne 
les  devancèrent  pas  '.  Malgré  la  panique  de  la  fin  juillet,  beaa* 
coup  attendirent,  pour  créer  leur  milice,  non  seulcmeni  les  cir- 
culaires du  25  et  du  3i  juillet,  mais  encore  celledu  5  août*.  DW 
très  même  n'y  songèrent  qu*en  septembre  *,  après  rapparition 
du  Règlement  général  pour  la  Jormalion  et  la  discipline  da 
milices  nationales,  édicté  le  25  août  par  les  Commissaires  des 
Communes,  En  rc^le  f^énérale,  les  Compagnies  provençales 
ne  lurent  donc  pas  l'œuvre  spon lance  des  Communautés.  Là 
Grande  Peur  ne  les  lit  pas  naître,  elle  hâta  seulement  leur 
établissenKînt.  Mais  il  y  eut  des  exceptions  •''i  et  Chàteaufenard 


*  Hecueii  des  Circulaires^  etc.  {Archives  des  'H.-duHh  ,  <;,  iJs 
Cl  270.) 

*  A  Ail,  où  5it^^âîcnt  tes  Commissaires  des  Communes^  U  garde  iflt 
c  discutée  »  dans  le  Conseil  du  28  (uitlet.  (Lettre  de%  CommiMsatres*  .  4tf 
Oèputés,,.  du  7Kf /uitlet.  {Archives  dea  B,^du-Hh,,  C,  i3Ho»  f*  104J 

'  A  Noves,  Et  miHce  ne  fut  consuiuéc  que  dans  le  Conseil  du  9  jiodt  .* 
à  Qibanneii,  dAos  ceiui  du  4  Jioûc  ;  à'Maillanet  11  proposition  en  fui  (aile 
jiu  Conseil  du  9  août  et  renvoyée  k  cetuï  du  16. 

*  Fc)  est  le  cas  de  Rognonas  qui  ne  s'occupa  de  sa  garde  que  le  tj  ftp» 
x^mbTt*  {-'îrchivei  de  Hognonas  {non  classces)*  Cahier  des  rtgùtrtf  if» 
délibéraiionê  de  la  Communauté  de  Hognonat  de  lyHS  ûu  17  êtpttm 
bre  tjS^lk  Tartscon.  on  auenditaussj  le  mois  de  septembre.  (Ârckif& 
de  Tarascon,  Conaeilê  tj85  fjgo  BU,  5a*  Conseils  de  septembre  t^^-^ 

*  Montdraf^on.  où  U  garde  fut  crece  le  29  juillet ,  est  une  de  cet  exc^ 
tions,  car  U  n*est  guère  possible  que  la  Circulaire  du  25  juillet  y  foi  tm 
vée  k  sg.  Barbcniane  semble  avoir  imité  Châtcaurenard.  L'nt  iroop< 
d'habitants  fut  dressée  le  3o  et  fit  des  patrouilles  les  jours  suiTtnu^  mus 


F 


—  443  — 

paraît  en  être  une.  Les  Consuls  semblent  avoir  prévenu  les 
vœiiî  des  Commissaires  en  organisant  leur  milice  avant  même 
davoir  connu  la  circulaire  du  25  juillet. 

En  effet,  le  procès-verbal  de  la  délibération  du  Conseil,  tenu 
le  3o  du  même  mois,  ne  fait  aucune  allusion  à  son  contenu.  C'est 
q\ït,  vraisemblablemcni,  les  Consuls  ne  Tavaient  pas  encore 
reçue.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  ces  sortes  de  missives  étaient 
adressées  d'Aix  aux  chefs-lieu.x  de  la  vigueric.  Ceux-ci  les  fai- 
saient parvenir au.^ Communautés  de  leur  ressort.  Or,  il  est  diffi- 
cile d  admettre,  étant  données  les  difficultés  de  communication 
a  les  habitudes  administratives  de  cette  époque,  que  la  circu- 
laire du  25  juillet  soit  parvenue  en  quatre  jours  seulement 
é'Wx  à  Chàteaurenard  en  passant  par  Tarascon  '.  Elle  n'avait 
dailleurs  aucun  caractère  d'urgence  :  son  utilité  n'apparut 
bien  démontrée  ci  expresse  recommandation  de /aire  dili- 
gence pour  son  envoi  *  ne  fut  faite  qu'après  les  événements 
du  3o  juillet.  Alors,  les  vigueries  précipitent  leurs  expéditions. 
Aiosi,  à  Cabannes,  on  reçut,  en  même  temps,  dans  la  journée 
du  5  août,  trois  lettres  imprimées  :  une  du  6  juillet,  celles  du 
25  et  du  3i  juillet^.  A  Chàteaurenard*,  ces  deux  dernières  parais- 


cc  n'est  qae  te  3  août  qu'on  créa  la  garde.  {Archives  de  Barbent ane  (non 
dasseeih  Main  des  Conseih  178g  :  Conseil  du  2  août.)  A  Graveson,  la 
milrce  fut  crece  le  3o  dans  un  Conseil  tenu  à  4  h.  du  soir.  {Archiires  de 
Grâifcion,  BB.  14.  Conseil  du  3o  iaîllet.) 

'  En  admciuntquG  les  Commissaires  aient  fait  effectuer  les  en  vois  sitôt 
apr^  l'impression > 

'  ■  Vous  aurc^  la  bonté.  Jit  la  Circulaire  du  3i  juillet,  de  faire  parve* 
mrsanâ  délai  aux  Communautés  de  votre  viguerie,  un  exemplaire  ou  une 
copie  de  cette  lettre  et  les  exemplaires  de  celle  du  a5  juillet  que  nous 
Toas  avons  adressés.  *\A  rchives  des  B.-du-Rh.  Recueil,  etc. C.  1 383,  f'  169.) 

*  Archives  de  Cabannes  Inon  classe'es).  Cahier  des  délibérations  com- 
mencé te  3f  juin  lyS^  et  finissant  le  1"  septembre  suivant.  Conseil  du 
4  août. 

*  pies  ne  durent  pas  être  envoyées  de  Tarascon  avec  la  lettre  que  les 


444  — 

seni  être  arrivées  ensemble  ei  dans  les  premiers  joi 
Leur  réception  à  ce  moment  explique  la  lettre  que  le  main: 
Bernard  écrivit  le  5  août  -  aux  Commissaires  pour  leur  demie- 
der  des  armes  et  à  laquelle  ceux-ci  répondirent  par  Ten^'of  de 
leur  troisième  circulaire  datée,  elle  aussi»  du  5  aoûu  EnHo.  ^ 
toutes  ces  présomptions  s'ajoute  un  argument  qui  nous  partit 
décis(*\  La  délibération  au  sujet  de  la  milice  fut  prise  le  36 en 
attendant  «t  l'ordre  des  supérieurs  >►.  On  comprend  niieu!i,  dè$ 
lors,  les  moditications  qu'on  lui  tit  subir  le  9  elle  tS  aoâc 
pour  I  eiablir  conformément  aux  instructions  re^^'ucs,  N'csl-ii 
donc  pas  légitime  de  dire  que»  a  Chàteaurenard,  rinsticution 
des  Compagnies  bourgeoises  fut  due  à  Tinitiativc  de  ses  admî* 
nistraieurs  ?  Poussés  par  les  événements  de  la  Grande  Pcur« 
sans  doute  aussi  par  l'exemple  de  Marseille,  ils  prirent  sur  ein 
et  sans  attendre  ni  ordres,  qi  conseils,  de  se  donner  un  corps 
de  troupe  qui  n'était,  à  vrai  dire,  qu'une  force  de  police  muni- 
cipale. 

LWssemblce,  après  avoir  voté  la  formation  de  la  milice^  s» 
mit  incontinent  à  l'organiser  ;  elle  y  apporta  quelque  inexpé- 
rience. Elle  décida  qu'elle  serait  subordonnée  au  «  Conseil 
municipal  ^  qui  seul  réglerait  le  service.  Les  Consuls  et  les 
Conseillers  n'entendaîeni  pus  abandonner  une  parcelle  et 
leur  autorité.  Les  grades  furent  conliés  à  réleciion.  NoUc 
Denis  de  Villèle  et  noble  Pierre  Deleutre  \  tous  deux  anaeos 


Consuls  Je  ceue  ville  adressèrent  le  i"  Août  à  ceux,  de  Châtcaufcfliftt 
car  U  n*v  est  fait  mention  d'aucun  envoi  de  ce  genre. 

'  A  Novc5,  les  circulaires,  dont  les  Consuls  annoncent  la  nîception  12 
Conseil  du  it)août,  paraissent  être  celles  duli  juillet  et  du  5âo«' 

'  l/onginal  de  cette  lettre  se  trouve  aui  Archiyei  dei  fi.tiu-Hh-.  •-  -  >-. 
liasse  81-  Elle  porte  en  marge  :  ♦  répondu  par  l'envoi  de  U  circnlauc  An 
5  aoât  i»« 

*  Pierre  Deleutre.  ancien  capitaine  d'infanterie,  chevalier  de  t*ordrefOfil 
et  militaire  de  Saint-Louis. 


445 


Sfficiers  et  «  hauisallivrési»  lurent  nommés  ^t  chefs  de  corpî 
ce  qui  iiiirotiulsait  une  t'àcheuse  dualité  dans  le  commande* 
ment*  Florent-Agricol  Rippert  qui,  le  matin,  avait  conduit 
rexpédition  des  volontaires,  fut  choisi  comme  mafor  11  y  eut 
huit  lieutenants  :  Guillaume-Baudilc  Rousset,  maître  en 
chirurgie  ;  Dominique  Rollande,  maître  en  chirurgie;  Frans,^ots 
Gîraud,  propriétaire  ;  Jean-Claude  Robert,  propriétaire  <t  haut 
jillivrc  »  ;  Honoré-Joseph  Mercurin,  bourgeois  ;  François 
Bruno  Croze,  notaire  royal  ;  François-Xavier  Darbaud,  pro- 
priétaire, et  Joseph  Delorme.  négociant  «  haut  allivré  ^.  Huit 
sous-lieutenants  :  Loyaud  Jils  *  ;  Maxime  Deleuze,  marchand  ; 
Jean-Denis  Bonioux,  négociant;  Louis*Alexis  Deschamps,  pro- 
priétaire «  haut  allivré  i»;  Claude  Marseille,  marchand  ;  Charles 
Autard,  chirurgien  ;  RoHande»  fils  de  Dominique,  et  François 
Chaix,  marchand  ;  puis,  deux  porte-enseignes:  Auguste  Man- 
tonei  et  Michel- Honoré  Crozc;  quatre  officiers  majors  :  Joseph 
Michel;  Nicolas  Gay,  ménager  ;  Michel-Florent  Gontier  et  Jo- 
seph Chaix,  hls  de  Joseph.  Les  huit  sergents  turent  :  François 
Blanchin,  cordonnier  ;  Pierre  Aubert,  charron  ;  Antoine  Ber- 
trand, dit  le  Grenadier  ;  Jean-Pierre  Fournier,  maître  maçon  ; 
Véran  Ramasse;  Jacques  Conil,  dit  le  Vétéran  ;  Bon,  tils  aîné» 
et  Robert^  lils  aîné.  —  Valérian  Ourscière,  travailleur  ;  le  cha- 
pelier du  faubourg  ^:  Paul  Bouscarle;  André,  dit  Tin  valide,  de 
Graveson;  François  Mistral;  Antoine  Gaillard,  cordonnier; 
Pierre  Escombard  et  Roux,  fils,  serrurier,  furent  nommés  capo- 
mux.  Enfin,  Joseph  Abeille,  maçon*  fut  pris  comme  tambour 


*  Sans  Jaute,  Ctiades-Antoine  Loyaud,  maflre  eo  chirurgie. 

*  C'est  peut-être  Amy  Ateiis.  chapelier*  ou,  plus  probablemem  encore, 
Jean  Girard*  aussi  chapelier,  qui  assista  comme  soldat  à  une  réunion  de 
la  garde  nationale  tenue  le  3  février  1790,  (Arckitfts  de  Châitaurtnard , 
C&mseili  ijga-iy^i^  série  D,  n»  1  tiit.  Main  courante  des  délibératiani 
commencée  U  1  féprier  tjyo,  Jiniisant  le  ^u  du  dii./ 


—  44^'  — 

tfii{or.  Pour  les  soldatStrAssemblée,  pensant  qu'ils  vîendraiem 
s'enrôler  en  grand  nombre,  confia  le  soin  de  les  choisir  iun 
Comité  présidé  par  Vicary  et  comprenant  les  deux  Coniiuls, 
les  deux  chefs  de  corps  et  deux  lieutenants  '.  Elle  ne  Hxa  pi4 
expressément  un  terme  à  rengagement  des  volontaires,  mais, 
du  compte-rendu  obscur  de  la  délibération,  il  semble  résulter 
que  les  soldats,  comme  les  officiers,  pouvaient  se  retirer  après 
trois  mois  de  service.  En  vérité,  ce  service  n'était  pas  cocnpli^ 
que  et  nous  savons  par  la  lettre  du  maire  du  5  août  qu'il  con* 
sisiaiten  inspections,  le  dimanche  et  joursde  rète,eien  patrouil* 
les  la  nuit.  La  salle  basse  de  rhôtel-de-ville,  qui  servait  ordi» 
nairement  aux  écoles,  fut  affectée  au  corps  de  ^arde'ettui 
réunions  des  officiers  et  des  soldats.  Aucun  insigne,  auciii) 
uniforme  ne  fut  adopté,  L'Assemblée  décida  seulement  de  faire 
confectionner  un  drapeau  «  léger  s»,  aux  frais  de  la  CommU' 
nauté,  qui  devait  fournir  aussi  la  poudre  et  les  balles.  Mais  si 
Ton  songea  aux  munitions,  on  oublia  les  armes,  bienqaeh 
Communauté  n*en  possédât  que  quelques-unes  en  mauvais 
état.  Ce  ne  fut  que  le  5  août  que  les  Consuls,  interprétant  mil 
la  circulaire  du  3i  qu'ils  venaient  de  recevoir,  dematidèf0it 
aux  Commissaires  des  Communes  de  leur  faire  parvenir  du 
dépôt  d'Aix  environ  200  fusils.  Ils  souscrivaient  d'avanccitotti 
les  arrangements  faits  pour  en  remboursera  valeur. 

Restait  à  régler  la  question  de  discipline.  rAsscmbléc  ne 
s'embarrassa  pas  d'un  code  minutieux  et  rigoureux.  EUeédida 
tout  d*abord  la  prison  pour  les  soldats  désobéissants^  puis  die 


•  (Jesdeux  lieutenanu  étaient  Roussel  ei  Robcn  oncle  fsîa- 

*  L'Assemblée  décidn  d'y  faire  placer  un  fauteuil  pour  l'ofHcier  Je  fll^ 
ei  un  lit  de  camp  poitr  les  sotdiU  11  ftii  payé,  le  i3  janvier  iTgo.è  IniMt. 
tourneur,  it)  livres  S  sols  5  deniers  pour  13  chattes  et  un  liyieail  dr»lia^ 
ë  te  co/ps  de  garde.  ^Archives  de  C/iâUayrenard,  CC  ^xCumpItitréim- 
rairt*:  Cc^mptes  de  Jean  Ùuprût,  irésorier  fn  i7^$j 


—  447  — 
oublia  cette  pénalité  et  y  substitua  une  amende  de  6  livres  pour 
les  soldats  et  12  livres  pour  les  officiers  qui  refuseraient  de 
faire  leur  service.  Le  produit  de  ces  amendes  devait  être  consa- 
cré à  des  achats  de  munitions. 

Dans  le  but  d'obtenir  les  autorisations  nécessaires,  l'Assem- 
blée vota  l'envoi  d'un  extrait  de  la  délibération  au  comte  de 
Caraman  et  clôtura  ensuite  la  séance  par  la  prestation  du  ser- 
ment des  officiers  présents  qui  jurèrent  d'être  «  fidèles  au  roi, 
à  la  nation  et' à  la  patrie  y^. 

La  .Communauté  de  Chàteaurenard  pouvait  désormais  se 
défendre,  elle  avait  sa  milice.  Aux  yeux  des  habitants,  ce  fut 
suffisant.  Ils  ne  songèrent  pas  à  restreindre  les  pouvoirs  de 
leur  Conseil  par  la  création  d'un  Comité  de  surveillance  comme 
le  firent  la  plupart  des  villes.  Ils  ne  cherchèrent  pas  non  plus 
à  se  soustraire  à  l'autorité  supérieure,  subdélégué  ou  inten- 
dant. 

Si  le  Conseil  du  3o  juillet  fut  composé  au  dehors  des  règles 
habituelles,  cela  tient  seulement  à  la  gravité  des  événements, 
à  la  nécessité  pour  le  Conseil  incompétent  de  prendre  l'avis 
d'anciens  militaires  et  à  la  procédure  suivie  pour  la  nomination 
des  officiers.  Mais  l'administration  communale  ne  se  laissa 
pas  absorber  ni  contrôler  par  une  Commission  quelconque 
comme  à  Tarascon  *  et  dans  d'autres  Communautés  de  Pro- 
vence *. 


*  A  Tarascon,  il  n'y  a  pas  trace  dans  les  délibérations  du  Conseil  des 
événements  de  la  Grande  Peur.  xMais,  par  contre,  ^n  Conseil  du  3  août,  on 
forma  uo  Comité  permanent  «  pour  aider  les  Consuls  dans  tous  les  objets 
d'administration  dont  ils  sont  chargés,  entendre  les  différentes  plaintes 
des  habitants  ».  {Archives  de  Tarascon,  BB.  52  1785-1790.  Conseil  du 
3  août.) 

*  Lettre  des  Commissaires  des  Communes  au  comte  de  Caraman  du 
9  septembre  1789  pour  protester  contre  les  Comités  permanents  établis 
par  certaines  Communauté».  {Archives  des  B.-du-Rh.,  C.  i38i,f»  53.) 


-44»  - 

Les  «£  iriinquilles  habitams  >*  *  lic  Chûteaurenard,  pleins  de 
soumission  envers  l'auiûriié,  monirèreni  un  égal  respect  pour 
la  propriété.  Ils  ne  se  portèrent  ni  à  des  violences  contre  les 
personnes,  ni  à  des  attentats  contre  les  biens*.  Les  Consuls. 
dans  leur  lettre  du  5  août,  mentionnent  #t  la  commotion  que 
le  bon  ordre  et  la  iranquillité  ont  reçue  ^,  mais  c'est  la  une 
façon  d'exprimer  la  frayeur  de  leurs  administrés.  Personne  ne 
se  plaignait  de  troubles,  pas  plus  dans  la  séance  du  3o  juillet 
que  dans  celles  des  9  et  i5  août.  Plus  tard,  le  marquis  de 
Valori.  agissant  comme  représentant  de  son  beau-frcrc^Tho- 
massin  de  Saint-Paul,  sif^nalera  *  aux  Commissaires  des 
Communes  les  vexations  des  Consuls,  les  arbres  abattus. 
48,000  livres  d  arrérages  de  droits  seigneuriaux  non  payés; 
mais  CCS  faits  sont  bien  postérieurs  aux  événements  du  3o  fuit 
let.  Ils  datent  des  derniers  mois  de  l'année  1789.  La  dérérence 
quon  témoigna  ce  jour-là  au  marquis  en  l'invitant  â  assister 
au  Conseil  ne  prouve-t-elle  pas  qu  a  ce  moment  ses  conci- 
toyens entretenaient  avec  sa  famille  des  rapports  cordiaux  ^ 

En  résumé  donc,  une  courte  panique,  une  expédition  sans 
résultat  et  la  création  d*une  garde  bourgeoise,  telles  furent  1 
Châteaurenard  les  conséquences  de  la  Grande  Peur. 

L*émoiion  des  habitants  ne  fut  peut-être  pas  sans  excuse. 
Par  leur  situation  sur  les  frontières  du  Comtat,  dont  11 
rumeur  publique  faisait  le  quartier  général  des  brii^ands  *•  ib 


'  A  MaîUane,  s'tl  faut  en  croire  une  lettre  du  marquis  de  Mlt&o.  eoiK 
mandant  en  second  la  Provence,  il  y  aurait  en  des  troubles  et  des  <  envc» 
prises,  notamment  sur  les  propriétés  de  M.  de  Maillane  ».  Le$  Cottliis 
ment  le  fait  ;  (Archtpes  de  Maillane,  Conteils  BB.  12  :  Conseil  dit  i6êCÛh) 

*  LeUrts  des  19  et  st  janvier  1790,  {Archiyes  des  B^du-Hh,,  C.  t^H, 
f-*  87  Cl  88  I 

*  Ibid. 

*  Lettre  des  Commissaires  des  Communes  aux  Députés  au&  États  Céné' 
raui  du  Si  (uillei.  \Archiyex  det  B.-du-Hh.,  C.i38o»  f*  ao/.  Voir  aussHttfr 
Circulaire  du  3i  juillet.» 


—  449  — 
devaient  être  plus  que  tout  autres  accessibles  à  la  crainte.  Sans 
doute,  il  n'y  eut  ni  bandits  savoyards,  ni  irlandais  déserteurs  ; 
mais,  n'était-ce  pas  suffisant  que  des  vagabonds  fussent  en  nom- 
bre dans  la  contrée  pour  avoir  tout  à  craindre  de  leurs  entrepri- 
ses? Or,  cette  action  des  miséreux  est  indéniable,  puisqu'àMail- 
iane  et  à  Barbentane  \  ils  furent  l'objet  des  préoccupations  du 
Conseil.  La  fertilité  du  terroir  de  Châteaurenard  et  laisance 
des  habitants  devaient  les  attirer.  Enfin,  dans  un  pays  où  les 
produits  agricoles  constituaient  la  principale  richesse  et  où 
la  propriété  morcelée  n'était  pas  exclusivement  concentrée 
comme  ailleurs  entre  les  mains  de  quelques  familles  nobles, 
les  menaces  —  si  vagues  fussent-elles  —  d'attentat  contre  les 
biens  et  les  récoltes  ne  pouvaient  laisser  personne  indifférent. 
La  condition  desChâteaurenardais  les  portait  donc  naturelle- 
ment au  respect  de  la  propriété  et  à  des  mesures  de  conserva- 
tion, de  protection  et  de  défense  auxquelles  la  création  d'une 
garde  nationale  donna  complètement  satisfaction. 

Eugène  Di prat. 


*  A  Maillane  (Conseil  du  9  août).  A  rapprocher  de  la  lettre  de  M.  de 
Miran  signalant  des  troubles  (page  460,  note  i).  A  Barbentane  {Conseil  du 
2aoûtK 


CONiiRBS  —  29 


-  45.    - 

XIX 


l)|ÏE  PME  D'HISTOIRE  DES  BAUX 

en    1790 

par  .M.  DESTANDAU,  paslcur  de  TEglisc  réformée,  à  Mouriès, 

Correspondant  du  Ministère  de  l'Instruction  publique^ 

Membre  de  la  Société  des  Amis  du  Vieil  A*'les, 


Qu'il  nous  soit  permis,  avant  d'aller  plus  avant,  d'exposer 
la  situation  historique  du  pays,  au  moyen  de  quelques  détails 
préliminaires. 

Pierre  Enavant  et  Charles-Joseph  Manson  sont  de  retour 
de  Paris,  où  ils  ont  représenté  la  municipalité  des  Baux  auprès 
de  l'Assemblée  Nationale,  dans  ses  revendications  contre  le 
prince  de  Monaco. 

Les  habitants  du  marquisat  des  Baux  sont  malheureux, 
profondément  troublés  et  divisés. 

Un  vent  violent,  d'une  durée  de  treize  mois  consécutifs,  ayant 
rendu  les  semailles  impossibles,  occasionne  une  grande 
disette.  Il  faut  remonter  aux  sombres  années  de  1709  et  1710 
pour  se  trouver  en  présence  d'une  semblable  calamité. 

L'hiver  de  1789  a  tué  presque  tous  les  oliviers  et  cette  source 
féconde  de  revenus  est  tarie  pour  plus  de  vingt  ans. 

L'ancienne  église  de  Mouriès  étant  tombée  de  vétusté,  les 
marguilliers  de  celte  paroisse  en  ont  fait  construire  une  nou- 
velle, inaugurée  et  livrée  au  culte  en  1782.  On  avait  compté 
pour  payer  l'édifice  en  question  sur  l'apport  de  récoltes  abon- 


liantes,  mais  Tin  verse  s'étani  produil,  la  misère  publique 
particulière  en  ont  été  aggravées. 

On  continue  à  payer  les  dîmes  au  clergé  et  les  redevances 
féodales  de«toate  nature  â  (a  maison  étrangère  de  Monaco,  doot 
les  princes  sont  marquis  des  Baux  depuis  ccni  cinquante  aii^ 
de  par  la  volonté  de  Louis  XML  Et  le  procureur  fondé  du 
prince  qui  est  aussi  marguiîlier  de  la  paroisse,  c'est  le  sieur 
Manson»  notaire,  résident  à  iMouriès.  L'exercice  de  ses  fooc» 
lions  impitoyables  le  met  journellemcni  en  contact  avec 
quelques  maïheureux,  ce  qui  contribue  a  rendre  plus  odieux  et 
insupportable  à  tous  le  pouvoir  despotique  et  suranné  qu'il 
représente* 

Commandant  de  la  Garde  Nationale»  Jean -Baptiste- Benoît 
Le  Blanc,  sieur  de  Servanes,  adversaire  de  Manson,  est  élu 
maire  le  i5  novembre  1790»  par  TAssemblée  électorale  réuaic 
dans  réglise  Sainte-Croix  de  Maussane,  Il  a  obtenu  iqq  suf- 
frages sur  194  votes  exprimés,  malgré  la  violente  opposition 
qui  lui  est  faite  par  le  parti  du  sieur  de  Bournissac,  grand  pré- 
vôt de  Provence,  dont  les  complices  répandent  les  bruits  les 
plus  alarmants  dans  le  but  d'intimider  le  peuple  et  d'étouffer  en 
lui  le  goût  de  la  libené  encore  à  son  aurore. 

Ce  premier  maire,  véritablement  républicain,  entre  dansli 
mêlée  des  événements  successifs  qui  se  produiseniavec  toute  ii 
fougue  de  son  caractère  méridional.  Désormais,  il  fait  siennes  Ic^ 
souffrances  de  tous  les  opprimes  et  consacre  à  la  défense  de 
leurs  droits  et  de  leurs  personnes»  dans  un  langage  cntlamoié 
et  énergique,  toutes  les  ressources  et  les  forces  vitales  d'ua 
cœur  compatissant  et  patriote. 

Ceci  exposé,  le  procès^verbal  dont  il  sera  donné  plus  loin  ait 
long  extrait,  rapporte  que  la  municipalité  et  les  habitanttî  des 
quatre  paroisses  des  Baux  firent  à  leurs  députés  un  accueil  des 
plus  sympathiques  et  des  plus  enthousiastes. 


-453- 

Après  les  vêpres,  les  sieurs  maire  et  conseillers  qui  avaieni 
été  convoqués^  dans  la  vieille  chapelle  de  Maussanc,  pour 
prendre  les  dernières  dispositions  au  sujet  de  cette  fêle  civi* 
que,  se  diri|^cnt  vers  réf^lise  Sainte-Croix,  chacun  ceint  de  son 
écharpe^di^ipeau  et  tambour  en  tête,  avec  la  Garde  Nationale,  au 
son  des  cloches  émues,  lancées  a  toute  volée  et  au  bruit  des 
boîtes  d  artillerie.  Pendant  ce  temps,  les  deux  députés,  partant 
de  Lescampadour»  vont»  eux  aussi,  a  l'église,  accu  m  palmes 
d'un  détachement  de  la  même  garde.  Maire  et  conseillers  les 
attendent  sur  le  pas  de  la  porte  ouverte  à  deux  battants  et,  où 
arrives*  ils  sont  conduits  à  travers  les  rangs  d'une  foule  com- 
pacte, aux  sièges  d'honneur  qui  leur  sont  destinés  au-devant 
du  maître-autel,  Puis,  chacun  sV'tant  assis  et  l'allégresse  des 
speaaieurs  apaisée,  le  sieur  iManson  de  Saint  Roman,  sur 
l'invhation  du  maire,  prend  la  parole  et  s'exprime  ainsi,  d  après 
le  procès-verbal  de  celle  remarquable  journée  : 

«  Messieurs,  Vos  députés  extraordinaires  auprès  de  Tau- 
4(  guste  Assemblée  nationale,  arrivés  cntin  au  terme  de  Thono- 
m  rable  mission  dont  vous  avez  bien  voulu  les  charger,  vien- 
«  neni  vous  rendre  un  compte  hdêlc.  Des  circonstances  impré- 
«t  vues  ont  contrarié  jusqu'à  ce  moment  le  vif  empressement 
M  qu'ils  avaieni  de  s'acquitter  d'un  devoir  aussi  agréable  pour 
«  eux  qu'il  est  cher  et  précieux  à  leurs  cœurs.  Les  délais»  longs 
m  cl  imprévus  qua  éprouvés  raffairedes  Baux  ont  pu  vous  sur- 
«^  prendre,  La  plupart  des  honorables  membres  de  TAssemblée 
<t  iNalionale  ont  trouvé  eux-mêmes  plus  qu'extraordinaire  le 
«  retardement  du  rapport  de  celte  affaire  qui  était  depuis  deux 
m  mois  à  Tondre  du  four. 

4t  Ce  n  a  pas  été  toujours  la  surcharge  Jcs  a  flaires  pendantes 
«  au  Comité  des  rapports,  ni  la  fatalité  des  circonstances  qui 
«  onl  relardé  la  mission  du  décret  de  l'Assemblée  Nationale,  ce 
«  sont  plutôt  les  moyens  cachés/ les  ruses  toujours  aaivcs  et 


—  454  — 
constantes.  Toutes  les  astuces  imaginables  oni  éië  mises  ar 

*  œuvre  pourcloi^ncr  le  jugeinent  de  celle  aiïairc.  Nous  nous 
^  luisons  un  devoir  de  vous  instruire  que  les  ennemis  de  notre 
*t  députaùon  ont  trouvé  dans  la  personne  d'un  représentant  ik 
m  la  naiion  un  partisan  zélc  cl  un  aveugle  défenseur.  Ce  pcr- 
«  sonnagc  a  joue  un  rôle  odieux  dans  cette  affaire.  Votre 
<s  saf;esse  et  votre  prudence  prendront  sa  conduite  cnconvidc* 
«  ration  et  vous  jugerez  avec  équité  s'il  ne  doit  pas  jouer  un 
«<  rôle  plus  pénible  et  plus  dangereux  que  le  premier,  devant  le 
«  tribunal  auquel  la  procédure  pré votale  a  été  renvoyée. 

^  iSos  cnneniis  ont  aiiecté  de  dire  et  de  publier  que  latliin: 
«  des  Baux  ne  serait  jamais  rapportée.  Leurs  vues  étaient  Je 
<  consterner  et  d  alarmer  tous  nos  bons  citoyens.  Mais,  maigre 
«  tous  ces  bruits  inquiétants,  nous  avons  toujours  compté  sur  la 
^  justice  du  Comité  des  rapports  et  sur  celle  de  laugustc 
«  Assemblée  Nationale*  jNous  avons  supporté,  j'ose   le  diru. 

*  des  dégoûts  multiples  ;  mais  nous  détendions  d'hon- 
«  nètcs  gens,  des  innocents  malheureux  et  désastreusemcnt 
4i  maltraités,  et  celte  considération  na  ceisé  de  ranimer  notre 


*ï  Vos  députés  extraordinaires  ont  partagé  avec  la  plus  vire 
«  sensibilité  les  maux,  les  horribles  vexations,  les  étonnantes 
«  indignités  que  la  plupart  de  nos  concitoyens  ont  éprouvcy 
*  Ils  ont  donné  des  justes  tribuis  d'éloge  et  d  admiration  à  U 
«  conduite  ferme  et  modérée  du  digne  ci  «élé  pasteur  qui  «  û 
«t  bien  jusiitié  votre  choix  et  votre  confiance  comme  il  a  iii>* 
«  lilié  dans  tous  les  temps  le  choix  qui  Ta  établi  pasteur  dit 
m  peuple*. 

«  La  joie  de  vos  députés  a  été  vive  lorsqulls  ont  appris  ^ 
^  formation  de  la  nouvelle  municipalité  et  que  le  peuple  du 


*  Protiiblcinent  le  Mt'ur  Vtncuat,  caré. 


-433- 

«  Baux,  ce  peuple  si  sage,  si  honnête,  que  ses  ennemis  ne  ces- 
«  saient  de  provoquer  en  le  mallraiiant,  n'a  pas  laissé  de  don- 
«  ner  des  marques  d'estime  et  de  confiance  à  ceux  d'entre  eux 
«  qui  avaient  souftert  pour  la  bonne  cause  en  les  nommant 
«  aux  places  d'officiers  municipaux.  Nous  avons  appris,  avec 
«  une  égale  douleur,  les  excès  et  les  violences  commises  dans 

*  les  assemblées  primaires.  Les  plus  grands  dangers  ont  me- 
«  nacé  notre  patrie  par  d'indignes  manœuvres.  Votre  sagesse 
«  et  votre  prudence. très  chers  et  honnêtes  concitoyens,  vous 
«  ont,  elles  seules,  sauve  la  vie  dans  ces  journées  périlleuses. 
«  V'os  ennemis,  après  avoir  obtenu  les  décrets  les  plus  iniques 
«  contre  plusieurs  de  vos  honorables  concitoyens  dans  la  vue 
«  de  les  écraser  sous  le  glaive  pré  votai,  n'ont  pas  borné  là  leur 
K  malice.  Ils  ont  fait  toutes  les  tentatives  imaginables  pour 
«  occasionner  par  leur*?  mauvais  traitements  une  insurrection 
^  populaire,  afin  de  pouvoir  justifier  l'iniquité  de  la  procédure 
«  prévôtalc.  Pour  se  donner  un  maire  et  des  ofliciers  munici- 
«  paux  de  leur  choix,  ils  ont  jeté  le  trouble  dans  les  lamil- 
«  les:  ils  ont  calomnié  les  partisans  du  bien  public;  ils  ont 
«  répandu  partout  une  vaine  terreur.  Mais  ces  coupables  et 
4<  extravagantes  manœuvres  ont  échoué  devant  votre  probité. 
«  Votre  sagesse,  votre  modération,  votre  patience  courageuse 
«  ont  triomphé  de  tout,  et  vos  lâches  persécuteurs,  chargés  de 
«  la  malédiction  publique,  n'ont  eu  en  partage  que  la  rage  et  la 
<<  honte  du  désespoir.  Vous  connaissez  tous.  Messieurs,  la 
^  délibération  étudiée  et  odieuse,  en  date  du  3o  janvier,  prise 
*.  par  un  Conseil  renforcé  de  quelques  citoyens  antipatriotes. 
«  Kllc  respire  une  joie  barbare,  elle  est  fondée  sur  une  foule 
4<  de  motions  et  d'arrêtés  qui  annoncent  le  despotisme  et  la 
4(.  vengeance.  On  y  voit  cette  cohorte  des  décrets  prévôtaux 
4^  contre  les  meilleurs  citoyens.  Cette  pièce  n'a  pas  peu  servi 

*  au  succès  de  notre  dépuiation.  Après  tant  de  souffrances  et 


456 

lâmités,  il  était  trop  juste  qu'un  Décret  favorable  raoi- 
•<  mât  vos  cœurs  Octris  par  Hiifortunc  et  par  l'injuslicc  et  y 
^  répandit  la  joie  et  une  douce  consolation  ;  voilà  une  prc- 
<^  mière  victoire.  11  en  reste  une  seconde  à  remplir»  laquellt;, 
^  malfîrc  lassurancedu  succès»  demande  votre  vigilance  ci  vo% 
«  soins,  11  sa*^it  de  confondre  d'infâmes  calomniateurs,  de  vtb 
#«  dénonciateurs,  des  cœurs  haineux,  vindicatifs»  profanateurs 
«  de  la  vériics  lâchement  conspirateurs  contre  votre  repjs, 
*j  votre  honneur,  vos  biens-  Celle  seconde  victoire  vous  inic- 
«  ressc  en  quelque  sorte  plus  personnellement.  Vos  enncmi-v 

*  n'ont  pas  cherché  seulement  à  plaire  au  parti  de  ransio- 
#(  cralie.  C'était  le  moindre  de  leurs  soucis.  Ils  ont  agi,  les  uns 

*  par  les  vuesd'unc  petite  ambition  d'un  intérêt  personnel  ;  l» 
«  autres  pour  satisfaire  leur  malice,  leur  rage  forcenée.  D'après 
<«  leur  plan  de  conjuration  et  le  calcul  qu'ils  avaient  fait  a  leur 
♦t  ^Tc  des  événements,  un  arrêt  prcvùtal  devait  déshonorer  et 
•<  perdre  le  digne  et  honorable  citoyen  que  vos  suffrages  vicn» 
4<  nent  d'élever  à  la  place  de  maire.  Ses  compagnons  d'im 
«  fortune  doivent  être  séquestrés,  persécutés»  privés  de  tout 
«  honneur  et  leur  réputation  llétrte»  leurs  biens  dilapida. 
«  les  vains  projets  de  contre-révolution  dont  on  émit 
«  menacé,  lorsque  vos  prisonniers  étaient  détenue  dans  le* 
«  forts  de  Marseille,  ont  fortilié  les  criminelles  espéranccî» 
m  de  vos  ennemis.  Ils  comptaient  de  consommer  leur  cxccra* 
é  ble  projet,  mais  heureusement  leur  foie  barbare  n'a  pys  évi 
^  durable  et  a  fait  place  aux  inquiétudes  et  aux  remords  dan* 
«  des  âmes  qui  n'en  paraissaient  pas  susceptibles,  La  lu^lice 
m  vous  tend  aujourd'hui  les  bras,  et  va  vous  venger  cgaicmcitl 
*t  des  maux  quon  vous  a  faits  et  de  ceux  qu'on  voulait  vouî^ 
«  faire* 

«  Nous  ne  devons  pas  passer  sous  silence  que  TAssent- 
m  blée  Nationales  fait  publiquement  lapologic  de  la  conduite 


-  45?  ~ 

sage  et  honnête  qua  tenue  coii^iammeni  le  peuple  des  Baux. 
Celte  apologie  l^it  la  fiétrissure  de  vos  ennemis,  autorise  les 
conseils  i;ënéraux  ei  particuliers  tenus  dans  l'intervalle  du 
26  décembre  dernier  jusqu'au  24  janvier  dernier,  lesquels 
étaient  injustement  traités  d'attroupements  séditieux.  Elle  a 
fait  réloge  des  sages  et  utiles  délibérations  qui  y  ont  été 
prises. 

4  II  nous  reste  à  remplir  un  devoir  de  reconnaissance  de 
concert  avec  vous.  Le  décret  sur  ralFaire  des  Baux,  si  long- 
temps attendu,  si  vainement  sollicité,  a  été  prononcé  sous  la 
présidence  de  iM.  Barnave.  C  est  sans  doute  au  patriotisme 
distingué,  à  la  justice,  à  la  justice  héroïque  de  ce  jeune  de- 
tenseur  de  la  libené  française  et  de  la  constitution  nouvelle 
que  toute  la  France  admire  avec  nous  et  que  protège  le 
meilleur  des  Rois  que  nous  sommes  redevables  de  ce  bien- 
Idit  dont  nos  ennemis  voulaient  nous  priver  et  dont  leurs 
succès  évidents  à  cet  égard  vous  ont  si  longtemps  affligés,  et 
ont  paru  étonnants  à  votre  justice.  Vos  députés  extraordi- 
naires vous  invitent  à  témoigner  vos  sentiments  de  recon- 
naissance à  ce  digne  représentant  de  la  nation  française. 
M,  Durand,  de  Maillane,  dont  vous  connaissez  tous  les 
bons  offices  quil  a  rendus  constamment  dans  cette  affaire. 
QK^ritc  à  juste  titre  vos  remerciements  les  plus  afTectucux; 
nous  nous  sommes  toujours  félicités  d'avoir  pour  rapporteur 
de  notre  affaire.  M.  Prieur,  citoyen  distingué  par  son  pa- 
triotisme, par  son  caractère  de  justice  et  d'humanité.  Vos 
député:»  extraordinaires  vous  invitent  avec  instance  à  lui 
témoigner  de  la  manière  la  plus  eïpressive  votre  reconnais- 
sance pour  les  peines  extraordinaires  qu'il  a  prises  et  les  mo- 
ments précieux  qu'il  a  dérobés  à  la  multitude  des  affaires  et 
ausommcilpour  les  consacrer  au  rapport  de  cette  affaire,  dans 
lequel   il  a   mis  tout  le  zèle,  toute  l'affection  qu'on  peut 


^—  458  — 

mettre  dans  une  affaire  peri,oniiclle  ;  jMessieurs  Pnpulus  cf 
«*  la  Poule,  auvqueb  leur  probité,  leurs  talents,  leur  patno- 
c  tisme  ont  acquis  l'estime  de  la  nation»  se  sont  montres  hau. 
*t  icmcnt  vos  défenseurs.  Ils  méritent  de  votre  part  des  têmoi- 
^  fioaf^es  distinf;iiés  de  ^^ratilude.  Nous  avons  Thonncur  de 
#«  vous  proposer  d  écrire  encore  incessamment  aux  muniopa- 
*«  lités  de  Valence,  Montélimar  et  Vienne  qui  ont  le  même  intérêt 
^  que  nous  relativement  aux  biens  dont  le  prince  de  Monaco 

*  jouit  en  France.  Elles  ont  la  mùmc  préieniron  que  nous.  If 
«(  même  droit  à  exercer,  la  même  disposition  à  réclamer  contre 
M  ce  prmce  êtran^'er  ;  de  leur  proposer  à  se  joindre  à  elles  et 
«t  de  supporter  les  frais  que  cette  opération  pourra  occasionner 
«t  au  prorata  des  revenus  féodaux  qui  se  perçoivent  dans  cha- 
4c  cunede  sesdivcrses  municipalités.  Plusieurs  députée,  cntr'au- 
¥.  très  ceuxde  Montélîmar.  poursuivront  vivement  le  iu|;cnicni 
*t  de  celte  afTaire  au  Comité  des  domaines.  Elle  intéresse  la 
«t  nation  et,  en  particulier,  un  grand  nombre  de  municipalités 
«  comme  celle  des  Baux.  L'harmonie,  l'union,  la  concorde 
«  qui  rê^mcnl  aujourd'hui  parmi  tous  les  bons  citoyens  du 
^  pays  des  Baux  ont  été  fondées  sur  les  principes  sacres  de  U 
«  raison,  delà  justice*  C'est  le  plus  sur  garant,  laî^surance  la 
«  plus  parfaite  qu  ellei  régneront  toujours  parmi  nous  et  c'est 
*t  ce  qui  fera  toujours  la  joie  des  bons  citoyens  et  la  douleur 
•(  de  vos  lâches  ennemis.  Le  désir  le  plus  ardent  qu'il  nou:> 
M  reste  a  vous  témoigner,  c'est  de  continuera  être  tnujouri 
«<  utiles  à  la  patrie  et  de  coopérer  au  bien  public,  c  est  le  scn- 
«  liment  qui  règne  dans  nos  c«eurs»  cotTmie  le  vœu  d'être  du 
•t  nombre  de  vos   citoyens.  Nous   vous  prions  d'en  accepte 

*  les  sincères  hommages  ». 
«  De  vifs  applaudissements  réitérés  dans  toute  rassemblée 

ont  succédé  à  ce  rapport  de  M.  de  Saint- Roman.  Lorsqu'il» 
ont  discontinué»  M.  Enavani,  portant  la  parole,  a  dit 


-  4^9  — 
«  Messieurs,  Il  est  doux  et  consolant  pour  nous  de  nous 
«  retrouver,  après  dix  mois  d'absence,  au  milieu  de  nos  frères 
«  et  entourés  d'amis  que  nous  portons  dans  notre  cœur.  Jus- 
«  tement  sensibles  aux  témoignages  éclatants  de  votre  con- 
«  tiance,  au  choix  honorable  que  vous  avez  fait  de  nous,  pour 
«  défendre  auprès  de  l'Assemblée  Nationale  la  cause  de  nos 
•c  concitoyens  apôtres  et  martyrs  de  la  Constitution.  Je  n  ajou- 
«  terai  rien  au  compte  que  M.  de  Saint-Roman  vient  de  vous 
«  rendre  de  notre  mission.  Mais  permettez-moi.  Messieurs,  de 
«  vous  offrir  ici  un  hommage  public  de  nos  sentiments.  Les 
«  souffrances,  les  humiliations,  les  indignes  traitements  que 
«  des  ennemis  vous  ont  fait  éprouver,  nous  ont  rendus,  pour 
«  ainsi  dire,  présents  à  vos  assemblées.  Nous  avons  partagé 
«  vos  peines  et  votre  juste  indignation.  Nous  avons  admire 
«  votre  invincible  et  miraculeuse  patience.  Nous  n'avons  eu 
«  de  consolations  que  dans  l'espoir  de  vous  être  utile.  Si  le 
«  succès  de  nos  soins  n'a  pas  répondu  aussitôt  à  nos  vues,  c'est 
«  uniquement  la  fatalité  des  circonstances  qui  Ta  retardé.  Il  a 
«  fallu  de  la  patience,  de  la  douceur,  de  la  modération,  de  la 
«  fermeté,  pour  surmonter  enfin  les  obstacles  qu'on  nous  op- 
«  posait  de  toute  pan.  Vous  nous  avez  donné  un  exemple  ad- 
«  mirable  de  toutes  ces  vertus  parmi  les  calomnies  et  les  excès 

<  où  l'on  s'est  porté  contre  vous  dans  vos  assemblées.  Vos  cn- 

<  nemis,  tout  abattus  qu'ils  sont,  n'écouteront  pas  peut-être  si 
^  tôt  la  raison  qui  les  condamne,  mais  il  suffit  pour  les  vain- 
«  cre  de  l'entière  réunion  de  vos  âmes,  de  vos  volontés  et  du 
«  concert  de  vos  efforts.  C'est  le  dernier  vœu  qu'il  me  reste  à 

<  former  pour  le  bonheur  public.  Agréez,  Messieurs,  que  je 
«  vous  offre  celui  que  je  fais  pour  moi  :  c'est  de  vivre  et  de 
«  mourir  citoyen  actif  de  la  municipalité  des  Baux,  fidèle  à 
«  votre  exemple,  à  la  Constitution  dont  la  France  attend  son 
«  bonheur  ». 


«  Le  discours  tini.  de  nouveaux  applaudissements  rciîercsj 
se  som  (m  entendre  pour  la  seconde  fois  de  louies  les  parliez  j 
de  la  salle.  Lorsqu'ils  ont  discontinué,  M.  Jean-Bapiiste*Benoft  | 
Le  BUnCp  Maire,  a  repondu  au^  deux  députés  en  ces  termo 


«  Messieurs, 

«  Quel  bonheur  pour  moy  d*ètre  aujourd'hui  lorganc  de  inci 
concitoyens!  Si  la  place  à  laquelle  ils  ont  daigne  m'élevcr  et 
m'honoranide  leurconhance  me  Ikite  inlîniment,c'«^ieficc  ' 
jour  surtout,  où  je  suis  chargé  de  vous  assurer  de  leurrccon- 
fiAissance  et  de  ce  que  fe  vous  dots  moi-même.  Dès»  Tinsuint 
où  vous  apprites  et  nos  malheurs  et  l'Injustice  de  nos  înOines 
persécuteurs,  vous  volâtes  au  de%*ani  de  c^e  cofnmuoeqtii 
vient  se  jeter  dans  vos  bras  pour  vous  prier  de  prendre  b 
défense  de  l'innocence  opprimée  et  d  aller  porter  ses  josiei 
fécLamatîons  devant  les  augustes  représentants  de  U  oatioiu 
Nulle  considérttton  particulière  ne  fut  capable  de  vtmi  êni- 
ter.  Vous  sacrifiâtes  vos  propres  affiaires  ;  vous  voos  amdé^ 
tes  â  ce  que  vous  aviez  de  plus  cber.  Rien  ne  vous  fttfoi  ta- 
possible,  et  vous  n'envisageâtes  que  nos  m^heurs  cl  hf^m 
de  voler  au  secours  de  vos  concitoyens.  Dans  ce  iocçsqoori 
Pans  que  vous  a  occaskinné  unt:  affaire  dool  h  poniwiii 
vous  donnait  sans  cesse  l'espérance  duoe  cipédftioo  poâf 
et  fizste  et  qui  tout  a  coup  s'évatioatssail  convie  l 'ombre  de 
Oés  faoiô<nes  qui  scmblem  sabaisser  et  disptf<ître  decutf 
une  în^gination  %i%Tment  frxppée.  \oi»  crcnkg  tosfOOB 
umchct  au  v^mt  de  vos  travaui  et  âc^  pâae»  ^|oe  fi9t 
sîtiiaiioii  ei  la  sensibilité  de  votre  oocor  %omi^  ùàimi  epm' 
i«r.  cène  douce  tdée  se  perdait  tooti  OMipwCKaaevposf^ 
lAU  plus  que  râxnenuine  d  les  rcgrr:^ 

»  dottier  un  mssum  que  u  vi«r  «sia^or  «» 


—  4^*   — 

malheurs,  des  cruautés  eTcercées  contre  nous,  n*ajuuidi  inti 
nîmeni  aux  peines  que  doit  vous  donner  une  affiire  aussi 
majeure  et  dont  la  discussion  renfermerait  de  si  grands  inié- 
rèis  ? 

«  Nous  gémissions  dans  les  cachots,  vous  étiez  notre  unique 
espérance.  C'était  à  vous  seuls  à  qui  iniérieurcmeni  nous 
adressions  nos  vœux,  C'était  vers  vous  que  nous  élevions 
nos  mains  appesanties  par  les  fers  de  ta  servitude,  mais 
dans  nos  situations  les  plus  douloureuses,  rien  n'a  jamais 
pu  abattre  la  fermeté  de  notre  âme  soutenue  par  les  princi- 
pes ci  la  cause  que  nous  défendions, 

•t  Votre  constance  à  ne  pas  désespérer  du  salut  de  vos  con- 
citoyens faussement  accusés,  à  poursuivre  la  vengeance  d'un 
peuple  cruellement  outragé  nous  donnait  chaque  jour  de 
nouvelles  forces  pour  supporter  nos  malheurs.  Et,  en  eitet, 
comment  aurions-nous  pu  désespérer  de  voir  triompher  un 
jour  une  cause  aussi  juste,  défendue  par  deux  concitoyens 
également  recommandables  par  les  qualités  du  cœur  et  par 
cette  générosité  rare  qui  est  le  caractère  des  grandes  âmes? 
*  Vous  n  avez  rien  oublié.  Messieurs,  vous  avez  porté  vos 
soins  sur  tous  les  objets  qui  pouvaient  donner  de  la  recom- 
mandation à  une  affaire  qui  devait  manifester,  aux  yeux  de 
toute  la  France,  Tinnocence  des  accusés  et  la  perfidie  des 
accusateurs.  Vous  avez  su  jeter  les  yeux,  pour  en  faire  le  rap- 
port, sur  un  membre  distingué  de  Taugustc  Assemblée  Natio- 
nale (Monsieur  Prieur),  dont  les  qualités  de  cœur  vous  assu- 
rassent autant  dti  succès  que  vous  en  étiez  vivement  persua- 
dés par  la  justice  môme  de  ta  cause. 

«  Que  de  difficultés  n'avez-vous  pas  eu  à  combattre!  Que  de 
lenteurs  inséparables  lorsqu'on  est  à  une  distance  éloignée 
pour  vous  procurer  les  pièces  essentielles  qui  constataient  les 
outrages,  les  atrocités,  les  fureurs  effrénées  de  ces  infâmes 


—  4^2  — 

*  suppôts  du  plus  cruel  despotisme  vis-à-vis  d'un  grand  peuple. 
«  pièces  qui  étaient  la  preuve  authentique  de  la  violation  de 
«  toutes  les  lois  qui  ont,  en  effet,  excité  l'indignation  de  cène 
«  auguste  assemblée  et  provoqué  la  juste  vengeance  qui  nous 

*  était  due.  Excuserai-je  les  lenteurs  apparentes  de  la  munici- 
«  palité  à  la  tête  de  laquelle  j'ai  Thonneur  d'être  aujourd'hui? 
«  Je  les  excuserai  sans  doute,  je  rendrai  même  hommage  au 

*  courage  de  ces  citoyens  actifs  que  rien  n'a  pu  abattre  pen- 

*  dant  les  longues  séances  de  ces  assemblées  élémentaires  que 
«  la  mort  môme,  continuellement  portée  devant  leurs  yeux 
«  dans  ce  sanctuaire  qui  devait  être  l'asile  respectée  de  Ta  loi  et 
«  où  à  chaque  instant  elle  était  violée  et  outragée,  de  ces  ci- 
«  toyens  que  la  mort,  dis-je,  et  l'appareil  menaçant  des  armes 
«  n'ont  pu  abattre  ni  décourager.  Vous  cesserez  d'être  surpris, 
«  Messieurs,  si  après  de  si  rudes  coups  la  municipalité  a  resté 

*  quelque  temps  immobile,  suspendue  entre  la  crainte  et  la 
«  terreur  que  lui  avaient  inspirées  de  pareilles  atrocités. 

«  C'était  donc  en  vous  seuls,  Messieurs,  que  la  municipalité 
«  et  nous  mettions  toutes  nos  espérances.  Elles  n'ont  point  été 
«  trompées.  Porteur  du  décret  le  plus  consolant  et  le  plus  juste, 
«  le  moment  n'est  pas  éloigné  où  le  glaive,  trop  longtemps  sus- 
«  pendu  sur  la  tête  de  nos  persécuteurs,  est  prêt  à  frapper  les 
«  coupables. 

«  Recevez  donc,  Messieurs,  les  témoignages  de  reconnais- 
«  sancc  qui  vous  sont  dus  à  si  juste  titre.  Vous  voyez  tous  les 
«  regards  de  vos  concitoyens  réunis  dans  cette  auguste  assem- 

*  blée  fixés  sur  vous.  Vous  lisez  aisément  dans  le  fond  de  leurs 
«  coeurs  les  sentiments  qui  les  animent.  Us  n'oublieront  jamais 

*  ce  qu'ils  vous  doivent.  Vos  peines,  vos  soins  seront  sans 
«  cesse  présents  à  leurs  esprits  et  leur  reconnaissance  étemeik, 
«  en  rappelant  à  leurs  enfants  la  grandeur  de  vos  bienfaits, 
«  sera  un  monument  plus  durable  que  ces  statues  et  ces  bron- 


•  ^s^^i  ^  .isîe  et  ;  irr^*:: 

•  I*;  -TiUr.anes  cr.  i.w^ 
miTtw   ^JL  tz  3nnai>.\.i.-t  -     - 
ii-i«**='  s-r  .e  burent.*  ...*    - 
'.âiii!:.    Jfe   .f  Maire,    r.     . 
jiL'-rar..  ts  a  prt..'.\'    . 
liïïr  !=>  ^,:àire  ver    u 

«    Lm-1  ID-'  :      - 

«  Lj»r   .•!      **-'  t. 
«   Mai     j*-    • 


*  '-'M,  Enavan*  •:'    : .  -  - 
rui-,  i-£s  et  de  '.  .1.  -,  . 

^^2^  partie,  .i  - 
«  lieux  ait JN*;:.    t 

«  *^*"triUN  dou^-r      .- 

*  zt  ^eiirs  ï'jver     -•: 

*  ^^  par  Âuir-  j.    ... 

«  ^Ltr*  Je  ûrrii.  •-    -  .     _  -. 

«  Le  ijcccs  qii  ..- •.•'     ,.  . 

p  ^JJT  eux .   Lfi  c  ^ :.-._.. . 
«  ^litres  foconua.-.a 


*  MM.  Enavani  et  Saint- Roman. dépulés  extraordinatrei  de 
«  celte  commune  auprès  de  l'Assemblée  Nationale,  ont  mis  pour 
*«  obtenir  le  décret  du  vingt-six  octobre  derniers;  sensibles  au* 
4(  peines  et  soins  qu'ils  se  sont  donnés,  aux  fatigues  qu'ils  ont 
^  souffertes  et  aux  privations  auxquelles  ils  se  sont  assujettis, 
«  non  contents  de  la  couronne  civique  que  vous  venez  de  Jcur 
<t  décerner,  vous  leur  volez  de  sincères  remerciements  :  vous 
«  leur  donnez  Tassurance  la  plus  positive  de  l'estime  ei  de 
4t  ramiiié  de  tous  les  ciioycns  patriotes  de  celte  commune; 
^  vous  acceptez  avec  transport  leur  déclaration  de  vouloir  être 

*  citoyens  actifs  dlcelle  et  de  n'exercer  le  droit  de  citoyen 
«  dans  aucun  autre  endroit.  ^ 

«i  Le  Conseil,  délibérant  sur  la  réquisition  ci-dessus  du  pro- 
cureur de  la  Commune,  la  unanimement  adoptée  et  a  concédé 
acte  à  MM.  Enavant  et  Saini-Floman  de  la  déclaration  par  eux 
laite  de  vouloir  être  citoyens  actifs  de  cette  commune  et  àt 
n'exercer  le  droit  de  citoyen  daq^  aucun  autre  endroit,  a  ap- 
plaudi et  partagé  les  remerciements  sincères  que  M,  le  Maire, 
au  nom  du  Conseil,  a  votés  à  ces  deux  députés  sur  la  manière 
distinguée  dont  ils  se  sont  acquittés  de  leur  mission  qui  leur  a,  à 
si  juste  titre,  mérité  le  laurier  qui  vient  de  leur  être  décerné  et 
lésa  priés  de  vouloir  bien  revêtir  le  présent  procès-verbal  de 
leur  signature  ;  à  quoi  ils  ont  satisfait,  après  avoir  remercié  le 
Conseil  et  toute  la  commune  des  honneurs  qu'ils  viennent  de 
recevoir  et  qu'ils  ne  peuvent  attribuer  qu'à  leur  zèle, 

«  (Signé)  :      Makson  Saint-Roman  Enavaxt, 

«  Ce  fait,  rheure  tarde  ne  permettant  pas  de  continuer  les 
délibérations,  tous  les  membres  du  Conseil  ont  été  accomp»- 
gner  MM.  les  députés  jusqu'à  la  maison  de  campagne  itilt 
Lescampadou.  où  ils  étaient  logés,  au  milieu  de  toute  la  Gardt 
Nationale  qui  était  précédée  comme  auparavant  de  la  musique 


—  465  — 

et  au  milieu  encore  des  acclamations  du  peuple.  Aprèsquoi,  les 
membres  du  Conseil  ayant  été  reconduits  à  l'église  paroissiale 
Sainte-Croix,  ils  ont  signé  le  présent  procès-verbal  avec  le  se- 
crétaire de  la  municipalité. 

(Signé)  :  Jean-Baptiste  Benoit  le  Blanc,  maire; 

Derres,  officier  municipal  ; 

B.  Bartagnon.  officier  municipal; 

B.  MoiîACDEL,  officier  municipal  ; 

A.  Pai  LET,  officier  municipal  ;  ^ 

Jean  Clapiers,  officier  municipal  ; 

Gilles,  officier  municipal. 

Blanc, 
p'  de  la  commune. 

G.  Flechon,  notable  ; 

Pierre  Verpian,  notable; 

André  Giraid;  Calixte  Dirand  nau. 

André   Bonnet,    notable;  J.  Laigier  ; 

Jean     Honorât  ;    Jean    Griffe  ;  Jean 

Vachier;  Joseph  Pai  let;  Nicolas  Min- 

GEAun;  I.  IcARD  ;  Isoard,  secrétaire. 
Dans  la  réunion  préparatoire  à  cette  fête  civique,  le  Conseil 
général  des  paroisses  des  Baux  avait  décidé  que  les  détails  de 
la  cérémonie  et  les  discours  prononcés  seraient  insérés  au  pro- 
cès-verbal pour  en  perpétuer  le  souvenir.  C'est  pour  répondre 
à  ce  pieux  désir  et  mieux  faire  connaître  ces  héros  patriotes  que 
la  relation  complète  des  événements  de  ce  jour  a  été  donnée  ici. 

Encore  quelques  mots  qui  serviront  d'épilogue. 

Charles  Joseph  Manson  deSaint-Roman,  maire  de  Maussane 
en  1793,  est  assassiné  dans  sa  maison  de  Lescampadour  dans 
I  a  nuit  du  samedi  au  dimanche,  2  et  3  mars. 

Pierre  Enavant  fut  enfermé  pendant  7  à  8  mois  dans  le  châ- 
teau de  Tarascon.  11  finit  ses  jours  à  Aix  vers  1814. 

coMaucÀ  —  30 


—  4'>^»  — 

Jean-Bapiisic-Benoii  l.c  Blanc  de  I  î'veaune,  sieur  de  Sen'i- 
nés.  est  emprisonnéau  tort  Saint-Jean  à  Marseille,  où  il  êcrhTï 
un  très  rcmarquabk  plaidoyer  prodomo  sua.  qui  a  été  public. 
Il  mourut  à  Paris  le  29  juin  i822»rue  Miromesnil,  n*  %^  vîvajil 
obscurtimeni  d'une  pension  \  iai^êrc  que  lui  servait  son  genJfê, 
Antoine-Fleury  RévoiL  maitrc  des  postes  à  Aix,  I>îv  Jours  au- 
paravant, sa  pelile-tîllc.  qui  a\ait  épouse  Pierre  Hcvoil,  peintre 
et  fondateur  de  recule  de  Lyon,  donnait  le  juur,  dans  la  ville 
d'AixJi  Henri  KévoiK architecte  bien  connu,  correspondant  dt 
l'Institut,  conitnandeur  de  la  Légion  d'honneur»  qui  a  dote  le 
midi  de  la  France,  et,  en  particulier»  la  ville  de  Marseille,  des 
munificences  de  son  génie  par  ses  travaux  à  la  Cathédrale  et  à 
Notre-Dame  de  la  Garde. 

Cet  artiste  éminent  s'est  éteint  le  jeudi,  i3  décembre  !*)<•:,  au 
château  de  Servanes,  ayant  survécu  de  quelques  années  ;i  ion 
lils  Georges,  l'intrépide  explorateur  au  pays  des  Somalis  et  oon* 
sul  à  Bahîa.  Son  autre  (ils.  Paul,  commandeur  de  la  Légion 
d'honneur,  tour  à  tour  résident  à  Tunis,  Ministre  au  Maroc, 
(jouvcrneur  général  de  l'Algérie  et  représentant  de  la  Franct 
aux  célèbres  conférences  d'Algésiras.  est  actuellement  ambas- 
sadeur à  Fierne,  Quant  à  M.  Morel-Révoil»  son  gsndrt*  archi- 
tecte fort  distingué,  domicilie  à  Marseille,  il  a  contribué  A  ren- 
dre possibles  ces  fêtes  littéraires  en  faisant  partie  du  Comité 
organisateur  de  cette  belle  exposition  Coloniale, 

Destaniui:. 


—  467  — 
XX 

Quelques  pages  de  l'histoire  de  la  Marine  Arlésienue 

Les  Marins  d'Arles  pendant  la  tourmente  révolutionnaire 

Par  M.  FA8SIN»  conseiller  à  la  Cour,  membre  de  TAcadémie  d'Aix, 

Président  d'honneur  de  la  Société  des  Amis  du  Vieil-Arles. 


I 

Au  début  de  la  Révolution. la  marine  arlésienne  vivait  dans 
une  situation  relativement  florissante.  Elle  ne  se  ressentait 
que  laiblement  du  malaise  général  ;  elle  ne  tarda  point  à  bé- 
néficier des  nouvelles  dispositions  législatives  édictées  pour 
favoriser  l'industrie  nationale  :  l'abolition  des  maîtrises  et  des 
jurandes,  la  suppression  des  douanes  intérieures,  l'abaissement 
des  barrières  qui  arrêtaient  les  transits  internationaux  donnè- 
rent de  l'impulsion  au  trafic  et  aux  industries  maritimes.  En 
vérité,  les  troubles  révolutionnaires  vinrent  bientôt  compri- 
mer cet  élan  commercial  ;  la  guerre  maritime,  en  amenant 
le  blocus  de  nos  ports  de  mer,  ruina  la  marine  française  ; 
mais  souvent,  dédaignés  de  l'ennemi  à  cause  de  leur  faible 
tonnage  et  de  la  minimité  de  leur  équipage  réduit  à  3  ou  4 
hommes,  nos  petits  navires  d'Arles  échappaient  assez  facile- 
mentauxcroisières  anglaises  et  continuaientleur  cabotagesans 
grand  danger  et  avec  profit,  vu  l'élévation  des  noiis.  Il  semble 
même  que,  malgré  les  réquisitions  et  les  levées  de  marins, 
l'état  de  guerre  ait,  sous  certains  rapports,  développé  ce  tra- 
fic. En  eff*et,  par  sa  situation  géographique  et  ses  facilités  com- 


4*38  — 

Ttierciales,  la  ville  d\\rlcs  élail  naiurellemcni  desij^ncc  pc 
servir^d'enirepôt  aux  immenses  approvisionnements  néccssai* 
res  aux  armées  du  Midi.  Depuis  lon^nemps  la  prévoyance  du 
grand  ministre  Colben  lui  avait  assigné  ce  rôle. 

Par  sa  magnifique  voie  rtuvialc,  Arles  recevait  en  dëpùi. 
dans  ses  vastes  ma^^asins  du  Parc  du  Ho\\  les  bois  de  la  ma- 
rine et  de  lartillerie,  les  munitions  de  guerre  et  de  bouche* 
les  objets  d  armcmcni  ci  dequipcmeni,  les  fourrages,  les 
f^îrains  cl  même  les  chevaux,  dont  le  rassemblement,  or^nîsé 
par  le  représentant  Goupilleau  ',se  irouvail  facilité  par  Tabon- 
dance  des  pâturages.  Tous  ces  approvisionnements  ctaicni 
charges,  avec  une  fiévreuse  activité  commandée  par  les  cir- 
constances, sur  les  <e  barques  d'Arles  s^,  et  dirigés  sur  Mar- 
seille* Pori-La-Moniagne [Toulon  ou  d'autres  ports  de  la  càxt 
méditerranéen  ne,  suivant  les  mouvements  des  armées  et  le* 
besoins  du  service.  Ce  trafic  donnait  à  la  marine  arlésiennc  ci 
a  notre  modeste  port  d'Arles  une  impulsion,  une  aniniatiaiit 
un  souffle  de  vie  bruyant  dans  lequel  s*étcignaient  en  quelqttt 
sorte  le  grondement  du  minotaure  révolutionnaire  et,  par  mo* 
mcnts,  les  cris  de  la  laim,  les  plaintes  des  opprimés  cl  les  san- 
glots des  victimes... 

Ccst  un  coin  de  ce  tableau  qui  se  déroule  sous  nos  veut,  h 
la  lecture  de  quelques  manuscrits  inédits  tombés  en  notre  po$* 
session  t  manuscrits  contemporains  des  événements  qu'ils  rela- 
tent et  émanant  de  témoins  oculaires  et  mdme,  pour  Tun  d'en- 
tre eu.v,  d\jn  pcrsonna|4C officiel.  Nous  sommes  en  mesure  d*€it 
garantir  la  parfaite  authenticité* 

L*un  de  ces  manuscrits  a  pour  titre  :  Cahier  paur  i  estima- 


•Voirie  Carnet  de  Rou(c  du  Com*ent\onntl  Philippe  (HarUs-Ainit 
GoupiiUtiu,  publié  d*apnès  le  matiuscrît  înëJii  par  MM  Miçhtl  JùiàPtti 
Giraud'Mangm,  Nîooei,  Debroas,  igoS,  ÎO'8. 


—  469  — 

tion  des  bâtiments  chargés  pour  les  armées  du  Midy.  Il  dé- 
bute par  le  protocole  suivant  : 

<  Nous  Dominique  Bontoux  et  Jean  Avignon,  capitaines  de 
bâtiments  de  mer,  Jean  Bion  et  Antoine  Magnan,  construc- 
teurs de  bâtiments,  experts  commis,  nommés  d'office  par  or- 
donnance du  Tribunal  de  commerce  rendue  le  17  avril  1793, 
à  .  nous  signifiée  le  dit  jour,  pour  procéder  à  Testimation  des 
bâtiments  et  agrès  et  apparaux  des  capitaines  marins  du  port 
de  cette  ville  d'Arles,  destinés  aux  transports  des  vivres  et  four- 
rages pour  l'armée  du  Midy,  et  chargés  par  le  citoyen  Destec- 
que,  fournisseur  des  vivres  nationaux, après  avoir  prêté  le  ser- 
ment en  pareil  cas  requis  pardevant  les  juges  du  Tribunal  de 
commerce,  nous  nous  serions  réunis  pour  procéder  conformé- 
ment à  la  susdite  ordonnance  aux  faits  de  notre  commission, 
et  nous  serions  transportés  à  bord  de  rallègeT-A c/iownaire, 
commandé  par  le  capitaine  Biaise  Bonafoux,  où  étant  nous 
aurions  procédé  ainsi  qu'il  suit,  pour  lui  servir  aller  et  revenir 
de  son  voyage.  En  foi  de  quoi  nous  avons  fait  le  présent  rap- 
port pour  lui  servir  et  valoir  ce  que  de  raison  ». 

Suit  une  estimation  détaillée  de  tous  les  navires  expertisés 
par  cette  Commission. 

Les  rapports  d'expertise  sont  au  nombre  de  io5  ;  ils  concer- 
nent 81  navires  d'Arles  ;  les  autres  bâtiments  qui  en  font  l'ob- 
jet appartiennent  à  des  localités  voisines,  iSaint-Chamas, 
Bcrre,  Martigues.  Marseille,  La  Ciotat'  ;  quatre  ou  cinq  seu- 
lement viennent  de  ports  éloignés.  La  flotte  arlésienne  est  re- 
présentée par  r)5  allèges,  i5  tartanes  et  1  autre  bâtiment  non 
spécifié  ;  il  ne  faut  pas  croire  qu'elle  soit  là  tout  entière  ; 
d'autres  documents  en  notre  pouvoir,  notamment  le  manuscrit 
de  Pierre  Giol,  dont  il  sera  parlé  ci-après,  attestent  l'existence 
d'autres  navires  momentanément  absents.  On  sait  d'ailleurs 
qu'à  partir  de  1792,  la  flotte  attachée  au  port  d'Arles  est  allée 


-  470  ~ 
sans  cesse  en  décroissant,  et  cependant,  le  6  floréal  an  XII. 
elle  comptait  encore  92  bâtiments,  suivant  une  déclaration  of- 
licielle  délivrée  à  cette  date  par  le  sous-commissaire  de  marine 
Roubin. 

Si  l'on  observe  qu'à  la  môme  époque,  600  matelots  d'Arles 
servaient  sur  les  vaisseaux  de  l'État,  que  plusieurs  centaines 
d'autres  assuraient  le  recrutement  des  équipages  pour  les  ba- 
teaux de  charge  et  de  transports  et  la  navigation  fluviale,  on 
peut  apprécier  l'importance  de  la  marine  arlésienne  aux  mo- 
ments les  plus  agités  de  la  tourmente  révolutionnaire. 

11  est  vrai  que  le  tonnage  de  ces  navires  était  généralement 
très  faible  ;  il  n'excédait  guère,  en  moyenne,  1 15  tonneaux  ; 
j'en  trouve  quelques-uns  cependant  qui  atteignent  160  ton- 
neaux et  même  166. 

Parmi  les  capitaines  ou  patrons  qui  commandent  ces  «  bar- 
ques d'Arles  >►,  plusieurs  sont  brevetés  pour  la  navigation  au 
grand  cabotage  et  au  long  cours  ;  la  plupart  portent  des  noms 
honorablement  connus  dans  la  marine  locale  depuis  plusieurs 
siècles  ;  il  en  est  qui  vont  jouer  ou  jouent  déjà  un  rôle  impor- 
tant dans  les  événements  politiques  de  la  région.  Quelques- 
uns  ont  servi  sur  les  escadres  dans  les  combats  pour  l'indé- 
pendance américaine  ;  nous  pouvons  citer,  parmi  ces  der- 
niers. Jean  Reynaud,  Honoré  Pignard.  Honoré  Aubert,  Am- 
broisc  Kcynaud.  Pierre  (jiol. 

Si  nous  voyons  plus  tard  la  désertion  sévir,  comme  une 
sorte  d  épidémie  morale,  parmi  les  matelots  d'Arles  attachés 
au  service  de  l'Ktai.  c'est  à  des  influences  politiques  cl  à  la  dé- 
sorganisation générale  plutôt  qu'à  un  mauvais  esprit  qu'il  fau- 
dra en  attribuer  les  causes. 

In  lait  curieux  à  noter,  comme  indice  de  l'esprit  public  à 
cette  époque,  c'est  que.  dans  cette  fameuse  année  1793,  de  si 
tragique  mémoire.  4S  barques  d'Arles,  sur  les  81  mentionnées 


—  471  — 
plus  haut,  portent  encore  des  noms  empruntés  au  calendrier 
catholique  :  la  Vierge,  sous  ses  multiples  dénominations,  et  la 
plupart  des  saints  particulièrement  vénérés  dans  les  églises 
d'Arles  ont  fourni  leurs  vocables  à  ces  navires.  Ces  vocables  se 
maintiennent  en  plein  règne  de  la  Terreur,  après  l'abolition 
du  culte  ;  c'est  seulement  en  Horéalan  II  (avril-mai  1794)  que 
nous  voyons  apparaître  quelques  changements  de  noms. 

L'allège  5a/w/-.4gr/co/ devient  alors,  par  une  substitution 
lacile.  V Agricole  :  la  Sainte-Anne  va  s'appeler  désormais 
VA  mie  tout  court  ;  le  Sainl-Honoré.  abdiquant  un  titre  qui 
n'est  plus  de  mise,  et  considérant  sans  doute  qu'il  serait  exces- 
sif", après  avoir  ainsi  mutilé  son  nom,  de  se  dire  VHonorc, 
abrite  son  changement  sous  un  double  vocable  :  Jacques-et- 
Honoré.  La  Vierge  de  Cadero.  changeant  à  la  fois  et  de  nom 
et  de  capitaine,  est  devenue  tout  uniment  le  Cadero,  et  navi- 
gue désormais  sous  cette  dénomination  élégante...  Passons. 

On  a  dit  quesouventun  nom  bien  choisi  fait  valoir  les  choses  ; 
les  rapports  d'expertise  que  nous  parcourons  en  ce  moment 
pourraient  le  faire  croire.  En  effet,  ce  Cadero, qu  on  n'estimait, 
peu  de  temps  auparavant,  que  5.526  livres,  en  vaut  mainte- 
nant 7.522  ;  VAnne  est  évaluée  1 1 .996  livres  au  lieu  des  8.848 
seulement  qu'elle  avait  peine  à  atteindre  avant  sa  laïcisation  ; 
le  J acques-et'Honoré  passe  de  8.507  'i^'res  10  sols  à  1 1 .694  li- 
vres et  Y  Agricole,  plus  heureux  encore,  saule  de  8.418  livres 
à  12.945...  et  ainsi  de  suite. 

On  pourrait  croire  aussi  que  la  personnalité  du  capitaine 
n'était  pas  étrangère  aux  éléments  d'appréciation  ;  certains  pa- 
piers de  l'époque,  qui  ont  passé  sous  nos  yeux,  mais  dont 
Icxamen  et  la  discussion  nous  entraîneraient  trop  loin,  auto- 
riseraient peut-être  certains  soupçons.  Mais  nous  restons  inac- 
cessibles à  de  pareilles  suppositions,  car  nous  ne  saurions  ou- 
blier que  c'était  le  moment  où  la  vertu  était  «mise  à  l'ordre  du 
jour  »,  sous  le  régime  de  l'incorruptibilité. 


—  472  — 

Il  est  probable,  quoique  les  rapports  d  esiime  ne  \t  dis«ïnt 
poîm,  que  les  évaluations  étaieiu  laites  en  valeurs  d'assignats, 
ei  que  la  dépréciation  toujours  croissante  du  papier-monnaie 
amunaii  par  contrc-coup  une  hausse  relative  dans  Tapprécia- 
tion  des  navirciJ.  Il  n'en  reste  pas  moins,  cependant  ,  que  la 
u  saule  >*  d'un  prix  à  l'autre .  entre  deux  expertist^s,  peut  sem- 
bler un  peu  forte  et  un  peu  brusque. 

Le  cadre  nécessairement  restreint  que  nous  a\ons  dû  noo5 
tracer  nousobli^^ea  limiter  là  lexamen  de  ce  premier  manus 
crit. 


II 


Le  second  des  manuscrits  qtie  j  ai  sous  les  yeux  au  momefif 
où  j'écris  est  une  sorte  de  livre  de  raison  a  l'usa'^e  de  I  arma- 
teur d\inc  barque  d'Arles  dénommée  IM iimTWc-Co/omAe,  Il 
débute  par  un  chapitre  ainsi  conçu  :  Etat  des  dépenses  faites 
pour  construire  l*ailL\i^e appelée  l'aimitble  (jylombc,  du  part  de 
to2  tx  3o,  t)4,  anx  tons  ses  agrès  et  appitraux,  const'-iiitc  i 
Arles  par  Hianc  fils  aine,  commencée  le  /*'  fuin  ijtjj  et  lan- 
cée à  Veau  te  t8  novembre  même  année  ou  le  28  brumairt 
an  Vh  Hépnblicain.  commandée  par  André  Fapatier^  capi" 
taine,  d'Arles, 

On  y  voit  que  le  corps  du  bâtiment  a  coulé  r>.2oo  livres,  que 
la  dépense  totale  s'est  élevée  à  jS.iji  livres  14  sols  6  deniers 
y  compris  <(  le  moruani  d'un  dîner  payé  au  charpentier  etou* 
vriers.  suivant  l'usage»*,  soit  33  livres  10  s.  .  et  la  rctribii- 
lion  de  200  livres  «  pour  les  peines  et  soins  du  capitaine  ». 

La  propriété  du  navire  est  divisée  en  24  parts  ou  fucirâ/x.cc 
qui  met  la  valeur  d'un  quel  rat  à  54K  livres  i6:^ls4  dcaicf^. 
Huit  parts  sont  attribuées  au  citoyen  Mathieu  Lomiès:  lô 


_  4/3  

citoyens  A.  Guiadon.  P.  Servcl,  J.  David  i:i  F.  Capdeville  ont 
chacun  une  pan  ;  les  douze  queirais  restants  appartienneni  au 
capilame.  Mais  à  partir  du  tV  vo\uif;e.  commence  le  jii  thermi- 
dor an  VL  un  changement  survient  dans  la  répartition  de  la 
propriété  ;  Londès  cède  deux  qucirots  au  capitaine.  Nouvelles 
mutalions  en  I  an  X:  le  citoyen  Abraham  Alphandéryacquiert 
les  six  paris  que  possède  encore  Mathieu  Londês  et  Tes  revend 
immédialemcnl  à  la  dame  Peyras.qui  les  rétrocède  à  son  tour 
Tannée  suivante,  a  Jacob  Alphandéry,  frère  d'Abraham.  Puis 
nous  voyons,  au  cours  des  années  suivantes,  surgir  de  notr- 
\eau\  actionnaires,  parmi  lesquels  réapparaît  Abraham  Al- 
phandéry;  lasignaturc  «David  père  eUilsî* remplace,  sur  noire 
manuscrit,  la  signature  «  Joseph  David  î^  :  Louis  Servel  prend 
la  place  de  P.  Servel;  la  dame  Capdeville,  née  Tnbnuîon. 
succède ù  un  Capdeville  jeune,  et  linalcmeni  le  capitaine  Ka- 
vatier  acquiert  par  fractions  l'entière  propriété  du  bâtiment. 

Nous  avons  vu  que  lequeîrat  a  été  évalué,  au  début,  54H  li- 
vres ify  sols  ;  c'est  à  ce  prix  que  Mathieu  Londès,  le  j  6  thermi- 
dor an  Vf.  vend  deux  queirais  au  capitaine.  V Aimable- 
Colombe  a  fait  Cinq  vovages  à  ce  moment-la  ;  sept  moiset  demi 
se  sont  écoulés  depuis  ic  début  de  son  premier  voyage  ;  le  hé- 
ncHcc  net  réalisé  par  les  actionnaires,  durant  cette  période,  a 
été  de  84  livres  22  sols  8  deniers  â  la  part  ;  à  la  fin  du  neu- 
\ième  voyage,  14  jours  avant  l'expiration  d'une  année  com- 
plète de  navigation,  les  co-partageants  ont  louché  r24liv.  asols 
2  denierspar  queiral,  et  le  voyage  encours  va  leur  donner»  peu 
de  jours  après,  un  nouveau  revenani-bon  de  12  livres  :  beaux 
résultats,  en  vérilét  qui  font  le  plus  grand  honneur  au  navire 
et  au  capitaine  ! 

La  seconde  année  de  navigation  se  règle  par  un  bénéfice  net 
de  i3i  livres  18  sols  3  deniers  pour  chaque  queirat  ;  il  n'y  a  eu 
cependant  que  six  voyages,  et  Ton  a  dû  faire  quelques  répara* 
lions  au  navire  et  augmenter  ou  améliorer  le  malérich 


^^  —  474  — 
cours  de  sa  troisième  année,  le  bàtimentn'a  effectué  qttt 
quatre  voyaf;es  ;  mais  le  rësuhai  f^lobal  ncn  a  pas  tnoinhétc 
irèi*  fructueux  ;  il  se  chiffre  par  un  produit  net  de  235  francs 
7  sous  2  deniers.  Le  calcul  se  tati  désormais  en  francs  el  fuin 
en  livres:  le  franc  vaut  une  livre  trois  deniers,  soit  20  sous 
el  un  quart  de  sou. 

L'avant-dernier  voyai;e  a  été  particulièrement  heureux  :  un 
fort  charf;ement  de  «  bleds  et  farines  »  pour  Marstîille  a  donn^ 
lieu  a  un  nolis  de  <_r.  J25  fr.  10  s,  ;  il  faut  évidemmcni  ramener 
ce  chitfrc  à  une  niciindre  valeur,  en  tenant  compte  de  la  dépré» 
ciatîon  des  assignats,  qui  sont  alors  la  monnaie  courante  ; 
mais  il  faut  remarquer  en  même  temps  que  le  fret  alTcrcm 
au  précédent  voyage  n'excédait  guère  5. 000  Irancs,  celui 
d*aupara\ant  2.800  francs,  et  que,  par  la  suite,  alors  que  les 
assignats  se  déprécient  de  plus  en  plus,  les  frets  voni  égi^ 
lement  en  diminuant  brusquement  dans  des  proportions 
énormes,  comme  on  le  verra  ci-après.  Si,  d  autre  pan.  loti 
considère  que.  pour  ce  voyage  exceptionnel,  on  a,  exccpiion» 
nellement  aussi,  assure  le  navire  moyennant  une  pnmc  dc 
277  fr,  10  s.  (  pour  un  trajet  d'Arles  à  Marseille  seulement,  c*c$t 
un  peu  cher),  on  est  amené  à  penser  que  les  risques  de  la 
guerre  ou  ceux  de  la  navigation  (vu  le  mauvais  ctat  des  cra- 
bouchures  du  F^hône)  avaient  dû  inHuer  considérablement Mtr 
Télé  va  lion  du  nolis. 

La  quatrième  année  d  existence  de  VAimablc-Cohmbcc^ 
peu  laborieuse  cl  surtout  peu  productive.  Quatre  voyage»^ dont 
un  aux  embouchures  du  Rhône  seulement,  avec  un  produit 
total  de  46  fr.  r3  sols  4  deniers  pour  chaque  part  ou  24^  de  b 
propriété,  tel  est  le  bilan  de  cette  année.  Mais  à  ce  mnmeiît, 
le  navire  a  donné  déjà  un  bénéfice  net  supérieur  à  ce  qu'il  a 
coûté. 

Les  deux  années  suivantes (1802  et  iKo3;  donnent  le*  r^ul* 
tats  ci-après  ; 


—  475  —  • 

iRo2  =  6  voyages»  gS  fr.  4  sous  1 1  deniers  par  queirat. 

iSo3  =^  3  voyages,  dont  l'un,  par  suite  d  avaries,  n'a  donné 
au  navire  que  des  pertes.  Le  résultat  final  se  chiffre  cependant 
par  un  bénéfice  de  33  fr.  6  sols  10  deniers  à  chaque  part  de 
propriété  :  soit  un  peu  plus  du  60/0  du  capital  engagé. 

Nous  nous  arrêterons  à  cette  date  ;  aller  au-delà  serait  sor- 
tir du  cadre  que  nous  nous  sommes  imposé. 

Je  n'ai  noté,  jusqu'ici,  que  le  revenu  de  la  propriété  ;  voici 
maintenant  le  gain  de  l'équipage  dansles  32  voyages  effectués  : 

La  première  année,  chaque  part  entière  de  matelot  a  été 
de 876  livres  10  s. 

La  seconde  année 1.028  livres  12  s. 

La  troisième  année 1.768  fr.  9  s. 

malheureusement,  pour  les   parties   prenantes,  en  assignats 
dépréciés. 

La  quatrième  année  —  375  fr.  10  sous  seulement. 

La  cinquième  année  (1802)  =  699  fr.  4  sous. 

La    sixième  année  (i8o3J  =  410  fr.  3  sous. 

Si  nous  comparons  maintenant  la  rémunération  du  travail 
avec  celle  du  capital,  nous  voyons  que  tout  .piatelot  naviguant 
à  part  entière  a  touché, en  moyenne,  un  salaire  égal  au  produit 
de  huit  queirats,  soit  au  tiers  du  revenu  global  du  navire.  Nous 
laissons  à  des  observateurs  plus  compétents  que  nous  ne  pou- 
vons l'être  le  soin  d'apprécier  ces  résultats. 


III 

Le  volumineux  document  que  nous  venons  de  parcourir  et 
d'analyser  n'embrasse  que  les  dernières  années  de  la  période 
révolutionnaire.  Un  «  Ltpre  de  compte  de  dépanccs  et  projfits 
de  l'allège  Saint  Jean,,.comancées  (sic)  le  20  septembre  1772  » 


va  nous  fournir  des  renseif^nenicnis  analoguessur  les  premiers 
temps  de  la  Révolution. 

Notre  livre  débute  parle  compte  de   la  construction  ei  d^ 
dépenses  de  premier  établissement  : 
Le   maître  charpentier  a  reçu,     .     . 
On  a  dépensé  pour  trois repasdonnésaux 

maîtres,    selon  Tusaf^e 3o  lîv      iK 

Ona  donné  à  M.  le  prieurquhi  béni  lal- 

lège  un  honoraire    de.  3  liv,     ^ 
On  a  payé  pour  la  déclaration  a  1  ami- 
rauté      ,     ,             (}  \i\\     n 

El  â  divers  fournisseurs  ...     1.292  liv.  11  s.  5  dénient. 

D'autre  part»  on  a  acheté,  au  prix  de  1.282  liv,  i5s.,  Ie5»a^rè$ 
cl  apparaux  d'un  vieux  bâtiment  appelé  N^oire-Dame  de  Bon- 
Voyage,  ce  qui  porte  le  revient  de  Tallège  Saint-Jean  au  prix 
total  de  6.524  '^^'*  4  ^-  **  ^•'  ^^  ^^  queirat  à  271  liv*  17  sols, 

Le  navire  entreprend  son  premier  voyage,  avec  un  charge- 
ment de  blé  et  léf^umcs  pour  Toulon,  le  i5  octobre  1772.  Ce 
voyage  rapporte  à  la  propriété  3  liv.  12  s.  par  queirat  et  47liv. 
18  sols  à  chaque  matelot  naviguant  à  part  entière. 

L'année  1773  voit  s'accomplir  six  voyages  qui  donnent  un 
prorit  de  3o  liv.  9  sols  K  deniers  par  queirat  ;  chaque  matelot  a 
touché  234  livres. 

En  1774.  le  Saint'-Jcan  n'etîeciuc  que*  trois  voyages;  te 
néike  est  de  18  livres  1  sol  4  deniers  par  queirat,  et  de  184  liv. 
5  sols  pour  chaque  matelot. 

De  1775  a  tjHH  inclus,  nous  comptons  70  voydRcs,  soil  eo 
moyenne  5  voyages  par  an.  Pour  toute  cette périfxle.  lesactkia- 
naires  du  navire  n'ont  louché  net,  par  queirat.  que  38J  li^- 
7  sols  1 1  deniers  ;  la  part  entière  d'un  matelot  a  été  Je  4.41011%% 
il  sols  H  deniers,  de  sorte  qu*un  matelot  a  gagné,  à  lui  3iruL 
presque  autant  que  la  moitié  des  actionnaires!  ;  en  d'autres  t^" 


-  477  - 
mes,  deux  pans  de  matelot  ont  équivalu,  très  approximative- 
ment, à  l'entier  rendement  net  de  la  propriété  du  bâtiment. 

Nous  arrivons  à  la  Révolution.  L'année  1789  paraît  s'ouvrir 
sous  de  meilleurs  auspices  :  les  six  voyages  effectués  au  cours 
de  cette  année  mémorable  donnent  aux  actionnaires  un  profit 
total  de  28  liv.  19  sols  4  deniers  par  queirat,  et  à  chaque  mate- 
lot un  salaire  de  3 10  liv.  6  sols  6  deniers. 

1790.  —  3  voyages  seulement  =  20  liv.  16  sols  i5  deniers  au 
queirat.  210  liv.  4  deniers  à  la  part  de  matelot. 

1791.  —  2  voyages  seulement,  dans  les  quatre  premiers  mois 
de  l'année  =  17 liv.  5  sols  4  deniers  par  queirat,  171  liv.  10  sols 
9  deniers  à  la  part  de  matelot,  tels  sont  les  profits  de  ces  deux 
derniers  voyages,  terminés  le  14  avril,  après  quoi  le  navire  est 
désarmé,  inventorié,  expertisé  et  vendu  ;  les  quittances  qui  clô- 
turent le  manuscrit  constatent  que  chaque  actionnaire  a  reçu 
102  liv.  4  sols  8  deniers  par  queirat  «  pour  son  contingent  sur  la 
vieille  barque  ». 

Nous  avons  vu  que  cette  allège  avait  coûté  6.524  liv.  4  sols  6 
deniers,  ce  qui  mettait  le  queirat  à  271  liv.  17  sols.  Au  cours  de 
sa  navigation,  qui  a  duré  18  ans  et  6  mois,  lequcirai  a  produit 
504  1.  12  sols  10  deniers;  après  le  désarmementeià  la  ventcdu 
navire,  il  a  reçu  encore,  comme  remboursement  intégral  de  sa 
valeur,  102  liv.  4  sols  8  deniers.  Le  capital  de  271  liv.  17 sols  a 
donc  été  amorti  et  a  donné  comme  rendement  net  335  I.  6  de- 
niers,c'est-à-dire,  annuellement,  prcsdu  77«ducapital  engagé. 

C'est  le  14  avril  1791  que  «  la  vieille  barque  »,  le  Saint-Jean, 
a  accompli  son  dernier  voyage  ;  c'est  le  18  novembre  1797  que 
l'allège  V Aimable  Colombe,  dont  il  a  été  parlé  ci-devant,  a  été 
mise  à  l'eau  ;  nos  documents  précités  sont  muets  sur  la  période 
de  l'époque  révolutionnaire  qui  s'est  écoulée  entre  ces  deux  da- 
tes ;  c'est  une  lacune  regrettable  que  ne  comble  point  le  pre- 
mier manuscrit  analysé  par  nous,  et  ce  n'est  point  la  seule. 


-478- 

malheureusement,  que  Ton  ait  à  relever  dans  la  présente  notice. 
Je  ne  puis  me  dissimuler  ce  qu'il  y  a  d'incomplet  dans  mon 
travail,  en  dehors  même  de  ce  vide  que  je  viens  de  signaler.  Je 
donne  ce  que  je  peux  ;  j'ai  annoncé  «  quelques  pages  »  et  non 
une  histoire.  Je  n'ignore  point  qu'une  statistique,  pour  donner 
des  résultats  sérieux,  exige  le  concours  de  multiples  éléments 
de  comparaison  ;  mon  rapport  se  réduit  en  réalité  à  un  élément 
unique;  cependant,  même  réduit  à  ce  rûle  modeste,  il  n'est  pas 
dénué  d'intérêt  ;  du  moins,  il  m'a  paru  tel  et  un  conseil  auto- 
risé m'a  confirmé  dans  cette  opinion. 


IV 


Un  quatrième  manuscrit,  rédigé,  à  la  vérité,  dans  un  autre 
but  et  à  un  autre  point  de  vue,  va  nous  fournir  des  détails  cu- 
rieux sur  les  vicissitudes  de  la  marine  arlésiennc  aux  moments 
les  plus  agités  de  la  tourmente  révolutionnaire.  Cesi  le  «Jour- 
nal  des  événements  que  le  capitaine  Pierre  Giot.  de  la  Com- 
mune d'Arles,  a  essuyés  dans  la  Révolution  ».  Il  est  en  forme 
de  récit. 

Au  moment  où  s'ouvre  la  narration  —  c'est  le  26  mars  1792 
—  l'armée  marseillaise, conduite  par  Rebecqui  et  Bcrtin, arrive 
à  Arles  pour  y  comprimer  <;  la  rébellion  chiffonistc  ».  Giot  est 
noté  parmi  les  rebelles,  il  va.  l'un  des  premiers,êtrc  victime  de 
l'impiioyable  répression  : 

^  Lundi,  2()  marsiyq'i,  sur  les  dix  heures  du  matin  ».  nous 
dit-il,  — «  une  troupe  de  brigands  qui  étaient  embarqués  .sur  les 
six  allèges  venues  de  Marseille...  et  autres  de  cette  ville  d'.\rlcs. 
siioi  être  venus  à  bord  de  ma  tartane,  la  Marie-Françoise- 
aniarrce  à  'IVinquctailIc  vis-à-vis  la  maison  de  M.  Daity.  ont 


—  479  — 
commencé  à  piller,  dévaster,  jeter  à  la  mer  (sic),  touslesagrès, 
apparaux,  ustensiles  et  généralement  tout  ce  qui  se  trouvait 
dans  la  dite  tartane  et  puis  Tont  faite  couler  au  fond...  » 

Suit  le  détail  des  perles  :  «  Éiat  de  ce  qui  m'a  été  volé  à 
cette  époque...  »,  etc.. 

1-c  total  se  chiffre  par  17.148  liv.  Nous  croyons  queGiota 
noté  ses  pertes  un  peu  haut;  mais  il  n'est  peut-être  pas  sans 
excuses.  Grâce  à  d  autres  ressources  et  au  crédit  dont  il  jouit,  il 
parvient  à  se  procurer  un  autre  navire,  *  construit  a  neuf  ici  à 
Trinquetaille  »,  dit-il,  et  dans  le  courant  de  décembre  1792,  il 
reprend  sa  navigation,  on  pourrait  dire  son  odyssée,  avec  un 
chargement  pour  Martigues.  A  peine  arrivé  aux  embouchures 
du  Rhône,  il  rencontre  une  flottille  de  cinq  bateaux  d'Arles, 
dont  les  équipages  comprennent  ses  plus  mortels  ennemis.  Il 
manœuvre  pour  les  éviter,  mais  en  voulant  serrer  la  côte,  il 
échoue  sur  une  plage.  Il  a  été  reconnu  ;  au  lieu  de  secours,  il 
reçoit  des  injures  et  des  coups  de  feu.  qui,  heureusement,  n'at- 
teignent personne. 

—  «  Nous  entendîmes  ronfler  les  balles,  dit-il  ;  je  vous  laisse 
à  penser  si  nous  étions  à  notre  aise;  cependant,  nous  continuâ- 
mes toujours  à  travailler  pour  se  désachouer  (sic).  Heureuse- 
ment, avec  l'aide  de  Dieu,  nous  parvînmes  à  sauter  cette  barre... 
Nous  forçâmes  de  voiles;  sur  les  trois  heures  de  l'après-midi, 
nous  arrivâmes  au  Martigues  'avec  le  matelot  Honoré  Gar- 
cia ,  comme  deux  fantômes,  d'avoir  échappé  de  ces  maudits 
scélérats...  » 

A  Martigues, où  il  séjourne  faute  d'affrètement,  il  a  vcntd'un 
complot  formé  contre  lui  au  café  Frégier  par  des  matelots  jaco- 
bins formant  les  équipages  d'un  convoi  d'allègesqui  va  mettre 
à  la  voile  Renonçant  au  projet  qu'il  avait  formé  de  se  joindre 
à  ce  convoi,  il  remet  son  départ  au  lendemain,  rencontre  en 
mer  une  bourrasque  épouvantable,  est  contraint  d'abandonner 


480  — 

son  navire  qui  s  entr'ouvre  et  s'engloutit,  perd  une  partie  de  9es 
hardcs  et  toute  la  cargaison,  gagne  la  cùte  à  grand'pcine  avec 
son  unique  uiatelot  (le  lidèle  [lonorc  Garcin i, trouve  un  rcfu|{c 
dans  une  cabane  déserte  au  bùrd  deFëtangdu  Gloria,  eiypass^ 
deux  jours  sans  pain,  transi  de  faim,  d  émotion  et  de  troid. 
C'était  en  lévrier  1793. 

11  suppute  sa  pcrie.cn  donne  le  détail  ;  calculée  en  numcraifV 
les  assignats  subissant  a  ce  nioment-lii  une  dépréciation  <k 
moiliéi.  elle  s  élève  a  10.926  liv.  m  sols.  Elle  est  énorme  pour 
lui  ;  mais  elle  n*abat  point  son  courage  :  il  faut  vivre,  il  a 
temme  et  entants;  il  est  actif,  industrieux,  et  bien  que  signala 
partout  pour  son  indvisme,  partout  dénoncé,  en  quclquesorte 
proscrit,  il  lui  reste  des  amis,  quelque  crédit»  et  il  trouve  en- 
core à  s'employer. 

Passons-lui  la  parole  : 

*  Le  vendredi,  12  juillet  1793.  ù  dix  heures  du  nnatin,  moi 
et  mon  frère  avons  parti  d^Arles  avec  une  beue,  jsorted  embar- 
cation ,  chargée  des  agrès  pour  un  bateau  que  je  faisob  ccins^ 
truirc  pour  maître  Calaman,  au  Martigues.  Ce  même  jour, 
nous  sommes  venus  au  Chapon.  Le  lendemain,  ^mcdi  i3t 
nous  sommes  venus  à  la  Tour-Vicillc  pour  venir  prcmlrt  b 
mâture  du  pinquc  catalan  naufragé.  Le  jeudi,  18,  dans  la  ma- 
tinée* avons  parti  du  Chapon  pour  venir  au  Martigues.Surlo 
huit  heures,  avons  été  par  le  travers  de  la  Tour  de  Saiiii- 
Louis.  On  nous  a  crié  d  aller  à  terre  ;  nous  avons  obéi  lout  <k 
suite. 

«  Sitôt  être  à  terre,  une  troupe  de  brigands  nous  ont  fait  k  fî* 
site».,  et  m'ont  conduit  à  bord  du  commandant  des  cinq  ^ 
les  qui  étoieni  venues  a  Arles  pour  canonner  la  ville  d^ 
temps  des  Sections,.,  Il  cotnmença  à  m*inierroger  en  me  di- 
sanl  si   je   n'étois  pas  un  des  coquins  de  chiffonnier!^  qui 


Nom  qu'on  donnait  aui  royalistes  ei  aui  coAtre-révolutiOfifiàÉreJ' 


—  4»»  — 
avoicni  tiré  le  canon  à  ses  confrères.  Je  lui  reponds  que  non, 
que  je  n'avois  jamais  porté  les  armes  envers  personne,  et  que, 
si  j'avois  eu  l'audace  d'avoir  fait  quelque  mal  à  quelqu'un,  je 
ne  serois  pas  si  imprudent  de  venir  passer  en  plein  jour  ici. 

*  Comme  j'ctois  presque  licencie,  malheureusement  pour 
moi  il  vient  le  vieux  scélérat  de  François  M""  et  autres  bri- 
«^'ands.  pour  dire  à  Pascal  :  «  Commandant,  nous  en  tenons 
un  bon,  de  ces  coquins,  il  ne  faut  pas  qu'il  nous  échappe  ^. 
Tout  de  suite  on  me  mit  en  arrestation. 

«  Je  vous  laisse  à  penser  quelle  fut  ma  situation  de  me  voir 
entouré  de  quatre-vingts  des  plus  scélérats  d'Arles.  L'un  disoit 
qu'il  m'avoit  vu  au  canon  ;  chacun  disoit  la  sienne.  Voyant 
que  jaurois  bien  de  la  peine  à  me  pouvoirsauver,je  commen- 
çoi  pour  lors  par  dire  à  ces  scélérats  que  puisqu'on  m'incul- 
poit  d'avoir  été  au  canon  et  qu'on  m'accusoit  d'être  coupable, 
du  moins  je  les  priois  de  vouloir  bien  laisser  partir  mon 
frère.  M.  de  Servane  me  répond  que  dans  le  moment  il  alloit 
être  licencié,  mais  que,  pour  moi,  si  je  voulois  avoir  mon  élar- 
gissement, d'écrire  à  mes  coquins  à  Arles  pour  faire  sortir  leurs 
prisonniers.  Je  lui  réponds  que  je  n'avois  aucun  pouvoir  dans 
Arles  et  qu'il  falloit  être  chef  de  parti  pour  obtenir  une  pareille 
demande. 

«  Au  même  instant,  on  dit  à  mon  frère  de  partir  avec  la  bette 
et  qu'on  alloit  écrire  à  Arles  pour  prendre  des  renseigiK- 
ments  de  ma  conduite,  et  que  si  je  n'avois  jamais  porté  les 
armes  contre  ses  collègues,  je  serois  regardé  comme  frère. 

«  Pour  lors,  M.  de  Servane  me  dit  qu'il  répondoit  de  moi 
corps  pour  corps. 

4c  Sur  le  midi.  Cadet  Pascal  vient  m'offrir  d'aller  dîner  avec 
lui  et  son  beau-frère  Inginat;  j'accepte  l'offre.  Heureusement 
pour  moi  que  le  temps  étoit  calme  ;  il  faisoit  extrêmement 
chaud.  Tous  ces  brigands  sortent  de  manger,  le  gros  soleil  les 

CONHRÈS  —  31 


4^2    - 

endormuii   Je  profita  de  cCtic  occai^ion  pour  me  s^iirt 

cet  miervalle  que   tous  ëioient  endormis,  jusque  le  gardica 

qu'on  m  avoit  mis, 

«  rétais  pour  lors  dans  la  cabane  de  patron  Girard,  qui  fâî- 
soit  fonction  d'intendant  de  sanié»  avec  Cadet  Pascal  ci  sao 
beau-frère  Inginai  ;  c'est  ce  qui  rit  que  mon  gardien,  rr^e  voyam 
avec  eux,  se  pcnsoit  quils  ne  me  laisseroieni  pas  échapper. 
Comme  nous  étions  pour  nous  mettre  à  table  pour  dtner,  ù* 
dct  Pascal  éioil  par  derrière  la  cabane.  Je  fais  semblant  d*allcr 
verser  de  IVau.  Je  vois  Cadet  Pascal,  il  me  dii:«  Allons  man- 
ger la  soupe  ».  —  Je  lui  dis  que  je  n  avois  pas  trop  faim,  que 
le  meilleur  dîner  seroit  de  me  sauver,  puisque  je  voyotjt  que 
tout  le  monde  dormoit.  Pour  lors,  il  me  dit  de  partir  tout  de 
suite. 

4k  Je  pars  bien  lentement,  crainte  que  quciqu*un  s'en  aper- 
çût. Sitôt  être  un  peu  éloigné,  je  double  le  chemin.  Me  voyant 
a  peu  près  à  demi-lieue  de  distance,  je  me  mis  à  courir  ;  ^tr»- 
versa  le  Galéjon  à  la  nage;  je  me  misa  courir  derechef  jusqu*! 
Kos.  Sur  les  quatre  heures  du  soir,  j  arriva  au  Martigucs, ayant 
trouvé  mon  frère  qui  prenoii  Pentréc...  » 

A  Martigues,  Giot  est  dans  une  perpétuelleagiiaiîon;  mille 
craintes  l'assiègent.  Des  avertissements  terri tiants, parfois  cnx^ 
nés.  prématurés  tout  au  moins,  viennent  traverser  toute 
démarches,  C^est  Tarmée  de  Cartcaux  qui  approche,  les    ; 
broges  arrivent  à  Saint-Chamas,  ctc,  L  armée  dépanemcntale 
a  subi   un  grave  échec  près  de  Lambcsc,  elle  se  débande... 
Mais  Marseille  tiendra   bon.  on  peut  s*y  croire  en  sûreté... 
—   Vite,   Giot   prend  un  chargement  de  bois  d'olîvter  p^k 
celte  destination  et  s'empresse  de  faire  voile  pour  Mars^Ji^ 

Ici  encore,  il  va  être  intéressant  de  reniendre  lui-même  ra- 
conter les  péripéties  de  ce  voyage  : 

*  Le  vendredi  aS  aoust,  dans  la  matinct.  |c  ucLmuiu  i  nmn 


-  483  - 

bois  et  je  vins  placer  mon  bateau  à  la  palissade  du  juge  du  Pa- 
lais. Sur  les  deux  heures  après-midi,  je  me  suis  affrété 
pour  aller  à  Cette,  pour  porter  M.  Grellin  et  sa  famille  avec  le 
fils  de  M.  Rey,  négociant  de  Montpellier. 

*  Du  moment  que  je  travaillois  à  faire  mes  expéditions,  j'en- 
tends ronfler  les  canons  des  Sections  de  Saint-jaume  et  ceux 
des  Dominicains.  Sur  le  port,  grande  fusillade  du  côté  des 
(îrands  Augustins.  Tous  les  petits  bâtiments  qui  étoient  par 
ce  parage  s'étoient  tous  tirés  au  large.  Dans  ce  moment,  me 
trouvant  sur  le  quai,  ne  voyant  plus  mon  bateau,  je  ne  savois 
plus  où  passer,  attendu  que  de  toutes  parts  on  crioit  :  «Qui 
vive  ?  »—  Mon  frère  s  aperçut  que  j'étoislàtout  près  lafontdes 
Augustins  ;  au  môme  instant,  il  m'envoyoit  la  chaloupe  pour 
me  prendre. 

*  Toujours  les  balles  ronfloient  de  chaque  côté  ;  heureuse- 
ment, je  viens  à  bord  de  mon  bateau. 

«  Toute  cette  journée  et  la  nuit,  les  canons  et  les  fusils  ont 
tiré. 

*  Le  samedi  24  dudit,  toute  la  journée, on  a  tiré  des  bombes 
à  la  Section  des  Dominicains. — J  ai  oublié  que  le  vendredi,  du 
moment  de  la  canonnade,  la  chaîne  du  port  a  été  fermée,  sans 
laisser  sortir  aucun  bâtiment  ni  bateau  ;  le  samedi,  on  a  laissé 
tous  les  bâtiments  étrangers  qui  ont  voulu  sortir,  sans  autres. 

«  Dimanche  25  aoust  1798,  sur  les  dix  heures  du  matin,  Car- 
teaux  est  entré  avec  son  armée  dans  Marseille.  II  a  fallu  se 
cacher  pendant  quelques  jours, crainte  de  voir  de  nos  scélérats 
d'Arles. 

«  Au  bout  d'une  dizaine  de  jours,  voyant  qu'il  nV  avoit  nul 
espoir  de  pouvoir  sortir  du  port  avec  le  bateau,  la  chaîne  étant 
toujours  fermée,  je  suis  venu  au  Martigues  pour  me  mettre  en 
silreté. 

«  Après  avoir  resté  huit  jours  au  Martigues,  on  me  dit  que 


4«4 


la  chaîne  ctoit  ouverte; 


;ïens  à  Marseille.  AyanTirouvé  qttê 
la  chaîne  éioit  toujours  fermée, qu  on  ne  laissoii  pas  sonirscu- 
IciTTcnt  les  bateaux  ramiers  ni  aucun  bateau  pêcheur^  crainte 
qu'on  portât  du  monde  à  bord  de  la  frégate  anglaise  qui,  de- 
puis vingt<înq  jours,  se  tenoit  aux  approches  de  Marseille,  le 
lundi  23  septembre  1793,  après  plusieurs  pétitions  que  noas 
avions  présentées  au  représentant  Duras  et  à  son  secrétaire  Al» 
bitte,  tous  les  bateaux  ramiers  et  autres  petits  obtinrent  la  per- 
mission de  sortir  du  port. 

«c  Ce  m^me  jour,  je  fus  content.  Sur  le  soir,  je  ;*urtis  dehors 
de  la  chaîne,  de  même  que  les  autres  bateaux.  Ce  même  jour, 
il  est  arrivé  plusieurs  chaloupes  d  Wrles  chargées  de  bic.  En  ar- 
rivant  à  la  consigne,  crient  de  toutes  ses  forces  que  Dieu  était 
patriote,  et  plusieurs  cris  de  Ça  ira  . 

<t  Dans  cet  intervalle,  je  iravaillois  à  me  toucr  pui,i  Miiin 
hors  de  la  chaîne.  Une  des  chaloupes  d*Arles  chargées  de  blé 
vient  s*cngager  avec  son  gouvernail;  elle  avoit  pris  la  mailleuc 
qui  me  servoit  i  me  toucr.  Je  n'osois  pas  lui  crier  de  faire  $Jit- 
ter  son  gouvernail,  crainte  d'être  reconnu;  je  n'osoî^ïkfxis  seule* 
meni  paroîire  ;  je  m'aperçus  que  c'étoit  Nicolas  Gîraud  dit  U 
Sabre:  pour  lors,  je  lui  crie  doucement,  de  peur  d'être  entendu 
des  autres  chaloupes,  de  faire  sauter  la  maille  qui  éloît  pri$c  i 
son  gouvernail.  11  me  répond  :  «.  O  louij,  mon  ami,  je  vais  la 
faire  sauter)*. — Je  fus  très  content  de  sa  réponse;  si  malhc''--  ' 
sèment  il  se  trouve  une  autre  chaloupe  qui  fût  engagée,  i 
perdu,  attendu  qui  auroit  crié  «  au  coquin  de  chiffonnier  !  » 
il  neo  falloil  pasdavantagc  pour  être  guillotiné, 

«  Sitôt  être  dehors  de  la  chaîne,  il  étoit  presque  iiuu  ;  je  me 
mis  à  bord  des  autres  bateau \,  attendu  que  le  vent  étoii  h  U 
partie  de  TOuest  petit  frais.  Je  pria  les  patrons  des  bateaux  de 
ne  me  pas  crier  par  mon  nom, attendu  qu'ils  me  crioienc  a  xoux 
moment,de  ce  qu'ilsétoicntcontentsd'ètredehorsdelacbaine. 


-  4^5  — 

«Comme  je  leur  avoisdressé  toutes  les  pétitions,  ils  me  regar- 
doient   comme^  un  dieu. 

«Il  est  un  de  cespatronsqui  me  demanda  par  quelle  raison  je 
ne  voulois  pas  qu'on  me  criât  pour  mon  nom  ;  je  lui  réponds 
qu'à  tout  moment  il  nous  passoit  des  chaloupes  d'Arles  tout 
près  du  bord  et  que,  malheureusement  pour  moi,  s'ils  enten- 
doient  me  nommer  par  mon  nom,ilspourroient  crier  la  force 
armée  pour  me  faire  mettre  en  arrestation,  attendu  que  je 
néiois  pas  bienvenu  d'eux.  Pour  lors,  ce  patron  me  répond 
qu'il  étoit  bien  fâché  de  m'avoir  crié,  de  même  que  ses  collè- 
t;ues.  que  j'avois  bien  fait  de  les  prévenir,  et  que  je  pouvoisêtre 
tranquille,  que  si  malheureusement  quelqu'un  s'asardoit  de  me 
faire  la  moindre  injure,  «  nous  sommes  une  trentaine  tout 
dans  k  cas  de  les  esterminer».  Moi  je  fus  très  content  et  nous 
soupàmes  tous  ensemble.  » 

«  Le  mardi  24  septembre  1793,  à  minuit,  s'étani  mis  un  peu 
de  vent  au  Nord-Est,  je  partis  tout  de  suite...  » 

Le  surlendemain  26  septembre,  Gioi  se  trouve  à  Martigues  ; 
on  lui  propose  de  transporter  à  Toulon  quelques  émigranis  : 
«  M.  l'avocat  Caudière,  dit-il,  me  iît  aller  à  sa  maison  ;  il  me 
tii  part  de  ses  intentions,  me  disant  qu'il  seroil  bien  aise  d'al- 
ler à  Toulon  avec  moi  ;  qu'il  s'embarqueroit  aussi  plusieurs 
de  ses  amis  dont  je  connaissois  la  majeure  partie,  savoir 
M.  l'avocat  Bourd in,  Antoine  le  Poulit  »...  il  donne  le  nom  de 
sept  d'entre  eux  .  «  Nous  fîmes  notre  plan  qui  fut  d'acheter 
('»o  poid  (sic)  de  bois  de  pin  que  Sibille, cafetier,  avoiten  maga- 
sin, et  laisser  à  la  cale  du  bateau  une  large  masqué  pour  pou- 
voir mettre  les  provisions  et  les  passagers.  Je  lis  part  de  cette 
expédition  à  mon  frère,  il  consent  tout  de  même.  Je  fus  tout  de 
suite  trouver  Sibille  pour  traiter  du  prix  du  bois  dont  nous 
fumes  d'accord,  je  lui  donne  les  arrhes  et  le  lendemain  matin 
nous  travaillâmes  à  aller  placer  le  bateau  tout  près  [de]  son 


mdf^asin.  Ce  même  jour.  M,  lavocal  me  dît  qu*il  avoii  ur 
d  avis  de  même  que  ses  collègues.  Je  lut  réponds  qu'il  h. 
réllcchir  plus  lùL  que  c*ëloil  me  compromellrc,  après  toutes 
les  démarches  que  j*avois  faît.  d*avoîr  acheté  du  bois  à  un  pa* 
iriote.  cela  pourrait  bienlc  Taire  soupçonner.  Il  me  repond  que 
jusquesâ  présent  tout  lui  paraissoit  iratiquillc  dans  la  ville,  et 
que  même  il  n  eloit  pas  mal  venu  du  peuple. .,»*  etc. 

Gioi  renonce  donc  a  cette  expédition  et  se  rend  à  Saini<Ih4- 
mas,  où  lattcnd  un  chargement  de  bois  pour  Marseille.  C'est 
là  qu'il  apprend,  le  3  octobre,  que  deux  de  ses  collègues,  le 
patron  Pit'rre  Rassia  etle  patron  Favaticr,  tous  deux  arlc^iciis 
comme  lui,  se  sont  ^  perdus  dans  le  f(olie  de  Marseille  i^. 

11  revienià  Martigues,  «  sans  savoir,  dit-il,  ce  qui  s'y  prcpa* 
roit  »  : 

«  Le  lundi  7  octobre  ijtjS.  dans  la  matinée,  nous  nous  dv 
semblons  une  vingtaine  d'amis  pour  aller  dîner  aux  Capudns, 
à  Perrière*  Sur  les  10  heures  du  matin»  la  ville  u  été  cernée  de 
toutes  parts  par  f^oo  brigands  ramassés.  J'ai  travaillé  &  mesau* 
ver,  de  même  que  tous  les  autres.  Je  suis  venu  a  Ponicl  a  U 
bastide  de  Jean-Pierre  Fouque.  A  chaque  instant,  je  voyois  pas- 
ser de  pauvres  fuyards  qui  cherchoieiil  quelque  gîte.  Sur  les 
4  heures  du  soir,  je  me  suis  venu  promener  au  château  de 
M.Guion.ayani  trouvé  son  épouse  tout  éptorée craignant  p"  ' 
son  lils  \gnel.  Nous  causâmes  ensemble.,,  elle  mollrit  d 
souper  au  château  et  coucher  ;  son  mari  avec  son  tîk  scuni 
laissé  surprendre  au  Martigues,  attcndoieni  la  nuit  pour  se  tr* 
tirer  au  château.  Je  remercie  M'""  Agnel  des  honnèiclcsqu  '' 
me  laisoil  sans  me  connaître;  je  lui  dis  que  puisqu  cliw 
mavoii  oftert  un  lit  je  Tacceptois  avec  plaisir*  et  que  Jean- 
Pierre  m'altendoit  pour  souper...  Je  vins  chez  Jean-Pierre; 
nous  soupàmcs  ;  dans  le  temps  que  je  soupais.  M*"*  m'ctn 
vojroit  son   domestique  pour  me  dire   qu'il  y  avoii  plusieurs 


-487- 

patrouilles  dans  le  quartier  de  Saini-Pierre  [et  que]  crainte  de 
se  compromettre,  elle  ne  pouvoit  pas  me  recevoir...  qu'elle  en 
ctoit  bien  fâchée.  Je  lui  réponds  [que]  je  la  remercie  bien,  que 
son  ami  Jean-Pierre  avoit  des  lits  pour  me  faire  coucher.  Le 
domestique  s  en  va  au  château,  la  dame  le  fit  retourner  tout 
de  suite  et  lui  dit  de  me  dire  qu'elle  m  attendoit,  que  je  pour- 
rois  entrer  par  la  petite  porte.  Sitôt  avoir  soupe,  je  viens  au 
château  pour  m'aller  coucher;  j'entends  des  bruits  des  chiens 
et  des  chevaux  ;  c'étoit  son  mari  avec  son  fils  qui  se  retiroient 
au  château  ;  moi,  croyant  que  c'étoit  une  patrouille,  l'épou- 
vante me  prit,  je  vins  me  mettre  au  bord  de  la  mer,  dont  je 
passa  (sic)  une  mauvaise  nuit...  » 

A  la  pointe  du  jour,  rôdant  autour  du  château,  Giot  aperçut 
M.  Guion,  s'en  fit  reconnaître  et  recueillit  de  sa  bouche  quel- 
ques détails  sur  les  événements  de  la  veille  ;  très  impressionne 
par  l'arrestation  de  quelques  amis,  il  passe  une  partie  du  jour, 
avec  A^nel,  «  dans  un  souterrain,  crainte  de  quelque  pa- 
trouille »  ;  puis,  à  la  nuit,  «  du  moment  que  tout  étoit  au  club, 
qui  crioit,  chantoit  »,  il  rentre  dans  la  ville.  Mais  la.  de  nou- 
velles tribulations  l'attendent,  il  a  peine  â  trouver  un  gîte  hos- 
pitalier ;  il  parvient  cependant,  à  force  de  sollicitations,  à  at- 
tendrir une  bonne  femme,  la  dame  Detlaud,  qui  consent  à 
lui  donner  un  abri  ;  le  lendemain,  dans  la  soirée,  il  vient  cou- 
cher chez  un  ami.  Callamand.  dont  il  prend  confié  avant  le 
jour  pour  se  rendre  à  Port  d^»  Bouc  ou  à  Fos. 

Ce  trajet  ne  se  fait  point  sans  nouveaux  incidents  ni 
de  nouvelles  aventures  :  transes  continuelles,  journée  pas- 
sée à  l'abri  d'un  rocher,  rencontre  d'un  fugitif  comme  lui, 
avec  lequel,  par  mutuelle  défiance,  il  joue  en  quelque  sorte 
à  cache-cache  ;  dîner  dans  une  auberge  à  Fos,  en  compa- 
gnie de  onze  volontaires  nationaux  qui  soumettent  son 
royalisme   à   une   rude  épreuve  [^  à  tout   moment    on  me 


prc*»ciUoii  a  boire  à  la.sanic  des  suns-culotlcs;  je  taiso)^ 
je  pouvois  pour  les  dispenser  a  me  faire  boire.  cepend;ini 
je  soupa  (sicj  bien  ou  maK,.  »*)  — ,..  puis,  rencontre  d'un  bon 
gendarme  à  chevaK  qui,  devinant  à  ses  allures  que  Giot  n  esf 
pas  un  vaj^abond,  mais  un  mallieuieux  luf^ilif*  s  attache  à  le 
rassurer  en  ati'ectant  de  ne  pas  le  voir  ;  enlîn,  en  longeant  te 
bord  de  la  mer,  découverte  d*une  embarcation  montée  par  des 
amis  qui.  surpris  ci  elFrayés,  cherchent  d'abord  à  gagner  le 
large,  puis  ramenés  par  ses  appels  réitérés,  s'empressent  de 
venir  le  prendre  a  leur  bord»  au  momentoû  paraissait,  en  com- 
pagnie du  gendarme,  un  attroupement  dune  soixantaine  de 
personnes  que  notre  héros  n'hésite  point  à  reconnaître  immé- 
diatement pour  des  brigands.  Jugez  de  son  soulagement  et  de 
ses  actions  de  grâces  ! 

Mais  Giot  ne  siiit  où  aller  :  partout  il  se  croit  menacé  danv 
sa  libeçié  et  même  dans  sa  vie.  Au  milieu  de  ses  perplexités,  il 
l'art  réflexion  que  le  parti  le  moins  dangereux  pour  lui  isi  en* 
core  de  revenir  à  Mariigucs,  chez  son  ami  Casiellan  ;  c  est  à 
quoi  il  se  décide.  Arrivé,  sur  le  soir,  en  vue  de  Terrièrc,  l'ap- 
proche d'une  bande  joyeuse  et  chantante  le  glace  d  crtPnoi  ;  il 
se  dissimule  dans  un  coin.  11  passe  la  nuit  dans  la  même 
chambre  que  le  bon  gendarme,  qui  le  reconnaît  et  lui  témui' 
gne  sa  sympathie  et  le  plaisir  qu1l  a  éprouvé  en  le  voyam 
échapper  à  ses  ennemis.  Lu  gendarmerie  révolutionnaire*  *î 
Ton  en  juge  par  celle  de  notire  région,  valait  mieux  que  le 
renom  qu  on  lui  a  fait. 

Nous  ne  suivrons  point  ce  malltcureux  (liui  dan^  son  cvpi/i' 
circonstancié  de  ses  pérégrinations  si  inquiètes  et  si  tourmcfi 
tces,  pérégrinations  dont  chaque  pas  est  marque  par  des  ind- 
denis  de  toute  nature,  parfois  romanesques,  presque  toujour» 
dramatiques-  In  volume  y  sunirait  à  peine  et  notre  cadre  est 
restreint.  Nous  devons  nous  borner  à  un   simple  aperçu  ;  Ll, 


-  489  - 

narration  y  perdra  sans  doute  quelque  intérêt,  avec  le  charme 
et  l'intensité  d'impression  des  choses  vues  et  vécues,  quand  le 
narrateur  en  a  été  lui-même  Tacteur  ou  le  témoin  ;  mais  nous 
nous  ctForcerons  de  racheter  cette  perte  par  un  coloris  moins 
violent  et  plus  exact,  une  peinture  plus  sincère  desévénements, 
déf^'a^ée  des  grossissements,  des  exagérations  et  des  passions 
inhérentes  à  ces  sortes  d'autobiographies. 

Franchissons  quelques  jours  passés  à  Martigues  ou  aux  en- 
virons dans  des  transes  continuelles.  Giot  a  tormé  le  projet 
de  se  rendre  à  Toulon,  puis  il  hésite  entre  Toulon,  Mahon  et 
les  cotes  d'Espagne.  Cependant,  et  à  tout  événement,  «  bien 
aise,  dit-il.  de  profiler  du  maximums,  i!  se  ravitaille  ample- 
ment. Sur  ces  entrefaites,  on  lui  propose  de  transporter  à  Tou- 
lon, clandestinement,  deux  émigrants  qui  paieront  bien  ;  Giot 
accepte,  attend  durant  quelques  jours  le  moment  propice,  puis, 
fatigué  des  hésitations  et  des  lenteurs  de  ces  futurs  passagers, 
se  sentant  surveillé,  dénoncé  peut-être,  il  met  à  la  voile  brus- 
quement et  se  sauve,  non  sans  courir  de  nouveaux  dangers 
auxquels  il  échappe  par  stratagème. 

Il  erre,  à  l'aventure  et  sans  but,  le  long  du  littoral,  et  arrive 
devant  le  grau  d'Aigues-Mortes.  où  il  se  décide  à  aborder  et  où 
de  nouveaux  sujets  d'inquiétude  l'attendent.  Il  endort,  par 
quelques  menus  dons,  la  surveillance  soupçonneuse  des  gar- 
diens de  la  redoute,  parvient  même,  en  les  régalant,  à  se  faire 
proclamer  bon  patriote;  mais,  tremblant  alors  pour  ses  provi- 
sions mises  en  danger  par  le  robuste  appétit  de  ces  amis  d'oc- 
casion, il  se  hâte  de  déguerpir,  vient  à  la  tour  de  Constance, 
où  il  rencontre  un  collègue,  Pierre  Naud,  qui  lui  procure  un 
chargement.  Le  sous-chef  des  classes,  M.  Vaudricourt,  à  qui  il 
n'hésite  point  à  confier  le  secret  de  sa  véritable  situation,  lui 
témoigne  de  l'intérêt,  s'attache  à  le  rassurer  et  consent  à  viser 
son  rôle;  mais,  le  lendemain,  un  embargo  général  empêche  le 
départ  du  navire. 


490 


met  a  profit  ce  temps  d'arrùi  pour  venir  voir  sa  remiW 
cri  Ci  marguc.  au  mas  de  Bord,  puis  revient  à  Aif^ucs-Mortcs, 
où  il  trouve  des  com patinions  d'in fortune,  dont  la  preMrncc 
atténue  ses  ennuis.  Maïs  il  n  est  point  encore  «  au  bout  de  ses 
peines»,  Des  marins  d'Arles,  de  vrais  sans-culoUoî  ccux-li, 
qui  se  trouvent  c^jalement  à  Aigucs-Mories.  forment,  aptes 
boire,  un  noir  conipioi  contre  lui.  A  g  heures  du  soir,  un  bmvc 
homme,  patron  Julien,  de  Beaucairc.  vient  le  trouver  couché 
et  l'aviser  du  nouveau  péril  qui  le  menace  :  on  va  %"enir  le 
pendre  a  laniennc  de  son  na\  ire  !  Gioi  saule  à  bas  du  lit.  yt 
vet  à  la  hâte,  et.  laissant  son  frère  à  bord,  court  passer  la  nurt 
«t  en  rase  campiif'ne  ».  Au  petit  jour,  rùdant  autour  d'un  mou- 
lin, il  lie  conversation  avec  le  meunier,  lui  donne  ta  main 
pour  radouber  des  toiles  et  Hnil  par  lui  confier  ses  tcrrcuns.  l^ 
confidence  n*ètait  pas  sans  danger;  mais  Giot  a  cette  boftoc 
fortune  de  rencontrer  partout  «  de  braves  i^ens  qui  pcnxnl 
comme  lui  ».  Tels  sont  le  meunier  et  les  habitants  des  cabane 
voisines.  Il  peut  donc  se  rassurer,  d  autant  que  son  frércac* 
court  avec  des  provisions  et  lui  apprend  que  la  nuit  a  été 
me.  et  que,  à  bord  du  bateau,  on  na  ^  ric"  ^'»  '^^  •  'M^.muIi» 
dinquiétani. 

Décidément,  il  est  permis  de  croire  que  notre  héros  est  ufl 
peu  prompt  à  s'cMaroucher;  mais  il  se  reprend  viic-  cl  fc  t^ 
voici  de  suite  à  son  bord.  Il  y  demeure,  bloque  par  rcm^-"' 
et  toujours  sur  lequi-vive,du  25  octobre  1793  au  6  janviv: 

A  ce  moment,  <t  vpyani  que  le  pays  commence  a  se  jçilcc». 
et  ne  voulant  pas  s'immobiliser  plus  longtemps.  Giot  k  dcciik 
à  démàler  son  navire,  débarque  ses  agrès  et  ses  apparau^i  m*^ 
menianément  inutiles,  réduit  son  biliimcni  à  Tétat  %ii:  pcn€lk. 
et  entreprend  les  transports  par  canal.  Durant  toute  cdk 
année  1794^  nous  le  voyons  promener  son  bateau  cliar|$é  untdC 
de  sel.  tanuM  de  \  in,  de  grains  ou  autres  denrées»,  s^ur  tociici 


-  491  — 
les  voies  navigables  du  Languedoc,  depuis  Beaucaire  jusqu'à 
Toulouse,  toujours  inquiet,  toujours  agité,  toujours  tremblant, 
partout  poursuivi  par  la  haine  des  marins  sans-culottes  ses 
anciens  collègues,  qui  fréquentent  les  mêmes  parages,  —  ré- 
duits qu'ils  sont,  comme  lui,  par  suite  de  l'embargo,  à  se  rési- 
gner à  ce  maigre  trafic.  Il  est  possible  que  parfois,  au  terrifiant 
spectacle  du  règne  de  la  Terreur,  son  imagination  se  surexcite 
et  s'e.xalte,  qu'elle  l'expose  sans  défense  à  des  plaisanteries  de 
mauvais  goût  ;  mais  quand  on  suit  dans  tous  ses  détails  sa 
lamentable  odyssée,  on  se  sent  pris  d'intérêt  et  de  confiance  à 
l'impression  de  sincérité  qui  anime  et  colore  son  récit. 

Les  événements  du  9  thermidor  le  trouvent  à  Toulouse,  où 
il  est  inactif  depuis  plus  d'un  mois  ;  la  chute  de  Robespierre  et 
la  réaction  thermidorienne  auraient  dù,semble-t-il,le  rassurer 
et  le  ramener  dans  sa  ville  natale;  il  n'en  est  rien.  Mis  en  état 
d'arrestation,  a  Agde,  le  5  novembre,  parce  qu'il  ne  peut  pro- 
duire un  certificat  de  civisme,  il  subit  trente-neuf  jours  de  dé- 
tention; une  lettre 'officielle,  venue  d'Arles,  le  fait  mettre  en 
liberté;  mais  les  frais  d'emprisonncunent,  ceux  d'apposition 
des  scellés  (sur  son  bateau)  et  de  gardiennage,  la  perte  d'une 
partie  de  seshardes,  pillées  ou  détruites,  de  ses  provisions  dis- 
parues, de  son  fret  impayé,  etc..  etc.,  le  jettent  dans  une  véri- 
table détresse. 

Le  mardi  23  décembre,  il  passe  «  toute  la  journée  à  Kronti- 
gnan  pour  avoir  un  peu  de  pain  ».  Le  lendemain  de  la  Noël, 
il  arrive  à  Lunel.  mais  4<  il  n'a  pas  été  sans  beaucoup  de  tra- 
vail pour  un  homme  seul».  La  neige  est  tombée  avec  abon- 
dance durant  la  nuit. 

Le  7  janvier  1795,  (jiot  peut  enfin  revoir  sa  famille  et  sa 
chère  ville  d'Arles,  où  il  n'avait  plus  remis  les  pieds  depuis  le 
13  juillet  1793. 

Il  revient  ensuite  à  Lunel  reprendre  son  bateau,  le  ramène  à 


—  49^  — 

Aifjucs-Mories  pour  le  Fairti  màtcr  tt  créera  noii\*cJti.  pitis 
rclournc  à  Arles,  ou  les  réquisitions  de  iranspori  pour  Tadmi* 
nisiraiion  de  la  Marine,  irop  peu  rénuniérairiccs  et  trop  exi- 
geantes» selon  luit  le  jettent  dans  de  fréquentes  colères  et  lui 
attirent  de  méchantes  affaires  avec  les  agents  de  Tautoriie. 
Passons  rapidement  sur  les  longs  détails  de  ses  dëméicîi  è\tc 
le  commissaire  des  classes  Varèse  et  le  sous-chcl  Gallois,  qui 
obtiennent  de  rOrdonnateur  de  Toulon  des  insiruclions  jcvc- 
res  contre  lui.  i)n  met  «^  garnison  »  chez  lui  en  son  absence; 
l'intervention  d'un  piquet  de  garde  nationale  «t  chifToniHlc  • 
contraint  le  commissaire  des  classes  â  retirer  le  garni.siirt- 
Mais  Varèsc  ne  désarme  point;  il  lait  rapport  de  rincklcntl 
son  chef;  lordonnaieur  de  la  Marine  {Najac)  prescrit  au»sit&l 
de  lui  amener  à  Toulon,  sous  bonne  escorte  de  gcndârmcrici 
ce  marin  récalcitrant,  pour  le  faire  servir,  par  mesure  discipli- 
naire, sur  les  vaisseaux  de  Tttat.  Giot  se  cache;  il  échappe  dtll 
perquisitions  et  aux  recherches,  mais  il  passe  une  terrible  nurt 
de  Noël,  dissimulé  dans  une  paillasse,  sur 'laquelle  esi  coudié 
Tun  de  ses, enfants,  tandis  qu'une  foule  hostile  asisiège  sa  mâ^ 
son  et  tente  même  d'enfoncer  la  porte.  .  Une  voî&inc  obli- 
geante facilite  son  évasion.  Il  court  se  réfugier  au  ntas  de  Sutj. 
d  où,  quelques  heures  auparavant*  le  fermier  Lamouroui^ fl^ 
condé  par  ses  domestiques  qu'il  avait  armés,  venait  de  répons 
ser  une  bande  de  pillards. 

Il  faut  lire  in  extenso  ce  récit  impressionnant,  anime.  ^  ,  - 
vers  lequel  on  sent  frissonner  encore  le  vibrant  scju^cntriki 
dangers  courus;  nous  regrettons  de  ne  pouvoir  le  repfoJiii« 
avec  son  ampleur  et  son  abondance  de  détails  ;  le  froid 
résumé  auquel  nous  sommes  obligés  de  nous  resf  • 
peut  donner  qu'une  idée  bien  imparfaite  de  ce  lab 
sant.  iracé,  il  est  vrai,  par  une  plume  peu  habile*  mois  ^igo^ 
reuse  et  singulièrement  empoignante*.. 


—  493  — 

Après  quelques  jours  passes  à  Vllon  de  Sax\%  (jiot  se  rend 
à  Tarascon,  puis  à  Marseille,  où  il  if^^^ve  de  l'emploi  chez  un 
commerçant.  Envoyé  pour  affaires!  »»Ga va i lion,  il  trouve  en 
route  «  trois  pans  de  neige  »,  et  commeil  n'est  pas  «  bien  ha- 
billé »,  il  «  pense  mourir  de  la  grosse  froid  ».  il  revient  à  Mar- 
seille, où  sa  femme  l'attend,  retourne  à  Arles  avec  elle  et  passe 
les  fêtes  de  Pâques  fort  tranquillement.  Malheureusement,  il 
n'a  ^pas  un  sou»;  il  ne  lui  reste  rien  de  trente  livres  emprun- 
tées à  son  patron  à  Marseille  ;  un  assignat  de  dix  mille,  que 
son  frère  lui  envoie  d'Antibc*  fort  à  propos,  le  tire  d'embarras 
pour  un  moment;  Giot  s'empresse  de  l'échanger  contre  «dcu.x 
louis  en  numéraire  ».  C'est  tout  ce  qu'il  tire  de  ce  papier  !  Les 
temps  sont  durs  :  son  beau-frère  Barrallier.  fermier  du  Petit 
Heaumont,  chez  qui  il  croit  trouver  un  abri  pour  quelques 
jours,  le  lui  fait  sentir  par  la  mauvaise  grâce  de  son  accueil. 
Il  se  hâte  de  déguerpir  de  ce  toit  inhospitalier,  est  mieux  reçu 
en  Camargue,  à  Chartroiise,  où  le  fermier,  «  maître  Va- 
chier».  accepte  ses  services  et  lui  procure  la  place  de  peseur 
au  Moulin  de  Boisverdun,  C'est  là  que,  durant  quatorze  mois, 
(jiot  va  vivre  désormais,  avec  sa  famille,  dans  une  tranquillité 
et  une  sécurité  relatives. 

Cependant  le  calme  s'est  fait  dans  les  esprits,  les  affaires 
reprennent.  L'n  négociant  de  Tarascon,  M.  Gilles,  «chef  de  la 
maison  des  Radoubs»,  charge  Pierre  Giot  de  surveiller  la  cons- 
truction d'une  allège  qui  s'appellera  la  Marie-Thérèse  et  dont 
notre  marin  aura  le  commandement. 

C'est  avec  ce  bateau  que  Giot  va  se  remettre  à  naviguer  à 
partir  du  mois  de  mars  1799  jusqu'en  avril  1801.  A  ce  mo- 
ment, la  déconfiture  de  la  Compagnie  des  Radoubs  et  la  vente 
forcée  de  la  Marie-Thérèse  lui  font  perdre  son  emploi. 

Forcé  de  s'ingénier  pour  gagner  sa  vie  et  subvenir  aux  be- 
soins de  sa  famille,  il  achète  à  Martigues  «  un  petit  bisque», 


—  494 
construit  avec  tes  débris  d*un  bàtinicni  gènoîs  naufragé* 
*  gréé  bien  mesquinemem  ^.si  mesquinement,  que  pourarri 
a  *t  l'armer  en  plein,  luus  les  voyages  que  je  taisoîs«  dit  GioiJ 
je  mettoîs  dessus  ce  qu1l  ga^noil  >».  —  Aussi  ne  tiirde*i-il  psts 
le  revendre,  ^  croyani  bien  faire  ». 

«  (Quelques   mois  après.   ajoiitc-tHl   niélancoliqucmcni, 
guerre  reprîL  le  travail  commença  d'aller,  je  fu 
ment»  >* 

Ce  rctabtisscmeni  du  iratic  maritime  par  l'état  de  gtiem 
pourrait  fournir,  si  l'on  voulait  épilo|»uer.  un  ample  su  jet  de  lé*^ 
llexions,  Gioi  ne  s*y  arrête  i^uère  :  ce  qui  le  préoccupe*  c'est 
rimpossibiliié  dans  laquelle  il  se  voit  d  acquérir  une  autrefoo^ 
que.  «t  Ayant,  dii-il,  mes  fonds  placés  d'une  manière  Â  ne  pas 
pouvoir  les  retirer...*  cette  coquine  qui  avoit  notre  argent  et 
mains  a  fini  par  nous  emporter  environ  1.800  fr...  Depuisifoî« 
je  travaille  à  commander  des  bâtiments  de  Tun  et  de  rauirc. 
avec  un  bénéfice  pécuniaire...  >• 

Ainsi  finit  le  Journal  de  Pierre  Gioi.  On  lui  a  Joint,  sou»  Il 
même  reliure,  un  registre  de  bord,  incomplet,  en  mauvâhàsL 
détérioré  par  une  forte  mouillure.  Ce  registre  commcfHX  a«» 
12  août  1799;  il  s'arrête,  par  suppression  de  la  dernière  pifie» 
trop  abîmée  sans  doute,  au  14  juin  1802  ;  c*eHt  d  aillcumi  celle 
date  que  Giot  cesse  de  commander  un  navire  pour  son  profit 
compte  : 

«  Le  mercredi,  9  juin  t8o2.  dit  ce  livre  de  bord,  nous  so«i» 
mes  allés  chez  M*  Senez,  notaire  [à  Toulon  •  passer  t'actt  de 
vente.  Le  bateau  s'est  vendu  a  raison  de  4^900  fr.  Ce  mèm 
jour*  j'ai  débarqué  mes  effets  et  j  ai  congédié  mon  mâKbl 
Chabcrt.  Jeudi  lo.dans  la  matinée,  je  suis  allé  poner  m^'  ^*^^^ 
à  bord  de  François  Burte...  Dimanche  12,  à  dix  bei/ 
matin,  nous  sommes  arrivés  à  Marseille.  MardL  14  }v 
--  La  suite  manque;  elle  relatait  pmKtblementlcrciCMirâ  Ar 


—  49'  — 
les]  ;  le  reuillei  a  été  déchiré  ;  il  n'csi  resté  qu'un  onglet  pour 
témoin. 

A  la  différence  des  autres  livres  de  bord  que  nous  avons  pré- 
cédemment analysés,  ce  registre  de  Pierre  Giot  ne  nous  four- 
nit aucun  renseignement  sur  le  résultat  financier  de  ses  voya- 
ges :  les  dépenses,  les  recettes,  les  parts  et  profits  du  navire  et 
de  l'équipage,  souvent  mpme  la  nature  du  chargement  ne  sV 
trouvent  point  indiqués  ;  ils  formaient  sans  doute  la  matière 
d'un  registre  spécial  que  nous  n'avons  point  ;  celui  que  nous 
possédons  n'est  qu'une  relation  de  voyages  avec  indication  du 
temps,  de  la  route  suivie,  des  manœuvres  effectuées  et  des  inci- 
dents du  trajet. 

Mais  ces  incidents  sortent  un  peu  de  la  banalité  ordinaire  de 
la  navigation  au  petit  cabotage.  On  est  en  état  de  guerre;  une 
frégate  anglaise  croise  en  vue  des  côtes  :  fâcheuse  rencontre 
dont  Giot  va  nous  faire  le  récit  : 

«  Mardi.  3i  décembre  1799.  Départ  de  Marseille  sur  lesneuf 
heures  du  matin...  pour  venir  à  Arles..;  à  onze  heures  et  demie, 
avons  doublé  le  cap  Couronne...  Sur  les  quatre  heures  et  de- 
mie, avons  été  par  le  travers  de  l'île  Maire,  à  cinquante 
toises  de|  distance.  Le  vent  a  resté  calme.  Peu  après,  avons 
reconnu  la  frégate  anglaise  qui  venoit  du  bord  à  terre  avec  k 
vent  au  sud-ouest  frais,  bâbord  amures,  elle  pouvoit  être  à 
deux  lieues  [de'  distance  de  nous.  Au  même  instant, avons  mis 
la  chaloupe  devant  et  avons  ramé  de  toutes  nos  forces  pour 
doubler  l'île.  Peu  après,  s'est  mis  un  peu  de  vent  à  l'O.  N.-O.  ; 
avons  changé  notre  coutelas  et  avons  cinglé  la  terre  à  cinquante 
toises  fde]  distance.  Le  vent  couloit  tout  le  long  de  la  côte,  ce 
qui  nous  donnoit  plus  d'espoir.  Sitôt  avoir  doublcl'îlede  Riou. 
avons  vu  la  frégate  à  un  mille  [de]distance  dans  le  sud  des  isles 
ayant  toute  sa  voilure;    elle]  nous  avoit  déjà  plus  que*.,    le 


*  l.'ne  légère  déchirure  du  manuscrit  a  fait  disparaître  le  root  qui  man- 
que. 


n.  Pour  lors,  je  m'clois  décidé  de  eonceriavec  ! 'équipage 
d*emrer  dans  la  calanque  de  Mori^iou  qui  nous  éioii  la  plus  i 
portée,  Heureusenieni,  se  sommes  aperçus  que  ladite  (fréj^alf 
avoït  resté  en  calme,  avoii  cargué  sa  gr^nd^voilc  pour  mcttrt 
son  embarcalion  h  h  mer.  Le  venl  couloil  toujours  le  long  de 
terre*  avons  continué  notre  route...  Sur  les  huit  heures  cl  demie, 
jionimcs  entrés  dans  le  port  de  Cassis.  ^ 

^  Ce  même  jour  nous  avons  [appris],.,  que,  dans  la  matinée, 
la  frégate  et  la  corvette  anglaises  êtoicnt  a  liées  tout  près  de  ladite 
calanque  de  Morgiou];  [elles]  sVioicnt  aperçues  qu'il  y  avoil 
un  convoi  génois  de  huit  pinques  chargées  de  bled,  lui  ont  en- 
voyé sept  embarcations  que  la  frégate  et  la  corvette  avoiefit 
bien  armées.  Les  génois  sont  tous  descendus  à  icrrc  avec  des 
mousquets  et  autres  armes  [et]  se  sont  défendus,  puisque  on 
prétend  qu'ils  lui  ont  tué  une  douzaine  d'hommes  sans  comp- 
ter plusieurs  blessés.  La  frégate  s  étant  aperçue  de  celle  ma- 
nœuvre s  est  approchée  de  la  calanquCt  lui  a  lâche  sa  bordée 
dont  il  y  a  coulé  un  des  bâtiments  à  fond,  chargé  de  bled  :  peu 
après,  a  fait  courir  au  large  de  même  que  la  corvciic.  »* 

m  Du  dimanche  4  mai  au  dimanche  i8,  tous  les  jours,  nous 
avons  vu  la  frégate  qui  nous  faisoil  la  pirouette.  Dans  cet  în- 
K*rvalle,  il  y  avoit  dans  le  port  cinq  bâtiments  de  rÊui.  j'avoiî 
prié  Garély  de  m'escorter  jusque  sur  le  cap  Sicîé  ;  il  me  Jii 
qu'il  le  feroii  toutefois  que  la  frégate  n  y  seroii  plus  par  ce  pi» 
rage  :  ce  qui  me  décida  de  partir  ce  même  jour,  en  vovant  qot 
ces  escorteurs  avoient  plus  de  peur  que  moi.  •» 

m  Sur  les  deux  heures  après-midi,  se  sommes  aperçus  que  U 
frégate  éioit  à  trois  lieues  à  larguer:  le  vent  étoit  h  l'O.  grand 
frais,  j  ai  parti  tout  de  suite.  Sitôt  que  la  frégate  s*esl  aperçue 
qu'il  sortoit  des  bâtiments  du  port,  tout  de  suite  a  viré  de  boni 
A  terre*  Sitôt  avoir  eu  doublé  le  cap  Canaille,  nous  avons  €»• 
glé  [vers]  la  terre;  à  trois  heures  et  demie,  nous  'sommes*  co* 
rrés  dans  la  Ciolai...  ♦ 


—  497  — 

iNous  ne  suivrons  pas  le  capitaine  Giot  jusqu'au  bout  de  l'in- 
terminable récit  de  ses  tribulations;  elles  varient  peu  d'ailleurs. 
A  noter  cependant  ses  démêlés  avec  l'administration  de  la  ma- 
rine à  Toulon,  administration  peuplée,  d'après  lui,  de  «  co- 
quins ».  Son  bateau,  portant  un  lourd  chargement  de  canons 
pour  le  compte  de  l'État,  a  échoué  sur  la  côte  ;  à  la  demande 
en  indemnité  qu'il  présente  à  cette  occasion,  on  répond  par 
une  réclamation  de  môme  nature  pour  un  préjudice  subi  par 
TKtat  et  dont  on  veut  le  tenir  responsable.  «  Un  coquin  d'ivro- 
gne »  le  rudoie,  prétendant  que  tous  les  frais  de  sauvetage  et 
d'avarie  doivent  lui  rester  pour  compte,  et  qu'il  est  déjà  trop 
payé  par  un  fret  de  i8  livres  par  tonne.  «  Il  a  été  mon  plus  court 
de  ne  plus  rien  dire  >,  conclut  mélancoliquement  le  pauvre 
Giot.  «  Ils  m'ont  fait  courir  encore  sept  jours  pour  avoir  mes 
ordonnances  pour  mon  paiement  en  papier.  Pour  me  faire  si- 
gner ces  ordonnances  à  Bertin  l'ordonnateur,  [il]  m'a  fallu  faire 
comme  un  voleur  pour  entrer  à  la  conférence;  [avec]  ces  co- 
quins de  gardiens,  il  n'étoit  jamais  possible  de  pouvoir  en- 
trer... » 

On  n'en  finirait  plus  à  écouter  les  jérémiades  du  malheureux 
Giot.  Elles  commencent  à  la  première  page  du  registre,  à  la 
date  du  26  mars  1792  ;  elles  ne  s'arrêtent  qu'au  bout  du  papier, 
vers  le  milieu  de  juin  1802.  Giot  est  manifestement  un  esprit 
inquiet,  un  homme  aigri  par  des  tracasseries  et  des  malheurs  ; 
il  a  été  molesté,  traqué,  ruiné  par  des  adversaires  politiques  ; 
il  a  couru  certainement  de  grands  dangers...  On  lui  doit  cette 
justice  qu'il  a  tenu  tète  aux  orages,  et  qu'au  milieu  de  ses  lar- 
moyantes lamentations,  son  courage  n'a  point  faibli,  son  carac- 
tère est  de  bonne  trempe.  G  est  bien  le  type  historique  de  l'an- 
cien marin  d'Arles,  et  c'est  parla  surtout  qu'il  nous  intéresse. 
Ses  aventures  elles-mêmes  ressemblent  singulièrement  à  bon 
nombre  de  récits  recueillis  de  la  bouche  de  marins  de  la  même 


CONGRES  —  32 


-  498  - 
époque.  On  peut  y  voir  le  tableau  sincère  deTexisience  niouve- 
mentée  fait  à  la  marine  arlésiennc  durant  la  tourmente  révo- 
lutionnaire. 

Emile  Fassin. 


—  499- 

XXII"» 


LA  SOCIËTË  POPULAIRE  DE  TRETS 

(Bo-acties  -  dxi  -  Rliône) 

\12  juin  1799-2  germinal  «n  ///). 

Par    M.   y.    TEISSËRB,   Instituteur  pubUc  k  Trets. 

Membre  de  la  Société  d* Études  provençales. 


La  source  essentielle  des  renseignements  qui  nous  ont  per- 
mis d*établir  la  présente  monographie  est  le  Registre  des  déli- 
bérations de  la  Société  populaire  qui  se  trouve  aux  Archives 
de  la  commune  de  Trets. 

Ce  registre,  recouvert  en  parchemin,  mesure  o"35  suro"225 
et  0*045  d'épaisseur.  La  couverture  pone  au  crayon  bleu  la 
mention  suivante  :  Registre  du  Club  des  Amis  dt  la  Consti- 
tution, lygi'i 3  germinal  an  III. 

Il  comprend  452  pages.  Les  270  premières  sont  consacrées 
aux  procès-verbaux  des  séances  au  nombre  de  287,  et  les 
27  dernières  sont  utilisées,  en  partant  de  la  fin  du  volume, 
pour  les  comptes  et  l'inscription  des  membres  de  la  Société  ; 
i55  pages  sont  en  blanc. 

Les  deux  premières  pages  renferment  les  loi  noms  des  péti- 
lîonnaires  réclamant  Tautorisation  de  fonder  un  club  dans  la 
commune  ;  les  deux  suivantes,  la  transcription  de  la  délibéra- 
tion municipale  qui  accorde  Tautorisation  sollicitée  ;  à  la  page 
5  commencent  les  procès-verbaux  des  séances  du  club.  Les 


■  Par  suite  d'erreur  dans  le  classement  des  mémoires^  il  n'y  a  pas  de 
n'  XXI. 


—  5oo  — 

pages  8  ei  9,  à  la  suite  du  projet  de  règlement  non  trar 
ont  servi  à  l'insertion  de  l'acte  d  affiliation  délivré  par  le  club 
de  Marseille,  le  24  mars  1792,  et  d'un  procès-verbal  du  u  sep- 
tembre 1792;  les  pages  ro  à  j6  sont  restées  en  blanc,  mais 
raturées.  Quelques  feuillets  sont  détachés  (pp,  17-18,  124*1354 
i3c>i3î);  d'autres  manquent  (pp,  117-1183  123-124). 

La  première  séance  du  club  a  lieu  le  12  juin  1791  ;  la  dc^ 
nière,  le  2  germinal  an  111.  Après  celle  du  2  juin  1793,  il  y  a 
arrêt  dans  les  réunions,  le  local  de  la  Société  est  occupé  par  U 
section  trelsoise  dVssence  fédéraliste  '.  Mais  le  14  septembre 
suivant,  leclub  reprend  ses  séances  en  son  lieu  habituel  qui  lui 
est  rendu  parla  municipalité  ;  ce  jour-làt  il  se  réorganise  pour 
marcher  résolument  avec  la  Moniajîne  et  il  exige  de  la  muoi- 
cipalité  d'être  ferme  dans  Texécution  des  lois. 

L  —  Fondation.  Durée.  Dissolution. 


Le  5  Juin  1791,  sur  une  pcimon  renfermant  joï  noms  jc 
^  bons  patriotes  >»,  demandant  la  permission  de  se  réunir  en 
un  club  à  Tendroit  qui  sera  jugé  bon  et  à  Theure  la  plus  00a* 
venable  —  pétition  adressée  au  maire  et  aux  officiers  munici- 
paux —  le  Conseil  général  de  la  commune  de  Trets  accorde 
l'autorisation  sollicitée,  et,  pour  montrer  combien  une  pareille 
démarche  lui  est  agréable,  décide  de  s'unir  aux  pétitionnaires 
ct*de  faire  partie  de  la  Société. 

Le  12  juin  suivant,  à  û  heures  du  soir,  dans  la  chapelle  do 
Frères  pénitents  blancs  -,  a  lieu  la  première  réunion  des  adbé- 


*  Le   mouvement  (éài^rùiUie  h  Trets  fait   robjei  d'une  fltiiS«  %f 
présentée  au  Congrès  des  Sociétés  savantes  (Mootpetliér.  1907^ 

*  Celte  chapelle  se  irouvitit  près  de  ta  mairie  aciaelle. —  Le 
ta  Société  décide  de  tenir  ses  réunions  dans  la  chapelle  de  ta  I 
aucune  suite  n'est  donnée  à  cette  dél ibéraiion. 


—    >0I    — 

rents  pour  consiitucr  la  Société.  Chaque  membre  prèle  le  ser- 
ment civique  dont  la  formule  est  la  suivante  :  Je  jure  de  main- 
tenir en  son  pouvoir  la  Conxtilution  décrétée  par  l'Assemblée 
\aiionale,  sanctionnée  par  le  Roi.  d  être  fidèle  à  la  Nation,  à 
ta  Loi  et  au  Roi  /usquà  la  mort.  On  procède  ensuite  à  Télec- 
tion  du  bureau;  puis  deux  commissaires  sont  désignés  pour  se 
transporter  à  Marseille»  afm  d'unir  la  Société  tretsoise  avec  la 
Société  marseillaise.  Les  Amis  et  patriotes  de  la  Constitution 
nouvelle  de  France,  siégeant  au  Jeu  de  Paume;  deux  autres 
commissaires  sont  chargés  de  rédiger  une  lettre  aux  Jacobins 
de  Paris,  Amis  de  la  (Constitution,  pour  contracter  avec  eux, 
au  nom  du  «  cercle  patriotique  »j  amitié  et  civisme. 

Après  le  2  juin  ijgi,  lors  de  la  grande  insurrection  giron- 
dine, utilisée  bientôt  par  les  royalistes,  les  sociétés  populaires 
disparurent  momentanément:  mais  la  reprise  de  Marseille  par 
Carteaux*  par  la  défaite  du  fédéralisme,  amena  leur  retour  à 
la  vie.  Le  club  de  Trets»  muet  depuis  sa  dernière  séance  du 
2  juin,  reprend  le  cours  de  ses  réunions  à  la  chapelle  des  Péni- 
tents, occupée  par  la  section  de  la  commune  pendant  deux 
mois  et  demi.  Le  14 septembre,  il  se  réorganise  sous  l'impulsion 
des  panisansde  la  Montagne,  un  moment  tenus  à  Técan^pour 
continuer  son  œuvre  avec  une  ardeur  et  une  foi  qu'avivent 
encore  plus  les  mauvais  souvenirs  de  la  contre<révolutîon. 

La  chute  de  Robespierre,  au  q  thermidor»  un  peu  plus  lard  la 
loi  du  25  vendémiaire  an  111.  provoqueront  la  tin  des  sociétés 
populaires, 

A  Trets.  le  tableau  *  ôqs  membres  du  club,  exigé  par  la  loi, 
n'est  jamais  dresse,  bien  que  les  trots  secrétaires  aient  été  char- 
ités de  faire  ce  travail  ;  la  société  dure  près  de  six  mois  encore^ 


*  ivc  tableau  sera  dresse  s  deux  eictn plairez,  l'un  pour  rigeol  1 
do  district*  Tatitre  poar  l'agent  national  de  la  commuoe. 


^  5o2  — 

mais;  le  i3genninal  an  I!I  [2  avril  lygSXarrive  1  arrét*^  du  di?" 
trict  d*Aix  qui  la  dis&out. 

La  demande  d'autorisation,  adressée  à  la  m  un  ici  pâli  te  le 
5  juin  \yi}\,  porte  formation  d*un  club  patriotique  dénommé 
les  Afnis  rfc  la  Constitution.  Ce  même  nom  sera  repris  parle 
club  après  le  voie  de  la  Constitution  de  ïygSfséanccdu  37  ven- 
tôse an  If).  D  ai  Heurs,  c'est  le  titre  de  la  plu  part  des  socicléspa* 
pulaires,  ainsi  que  de  celle  des  Jacobins,  la  grande  inspirairicc. 

Après  la  proclamaiion  de  la  République,  la  Sociclé  prend  le 
titre  de  .Amfjç  de  la  liberté  et  de  rcgalité  {H  ocu  1792  an  \}\ 
qu'elle  conserve  jusqu'au  21  mars  1793,  ou  elle  le  remplace  par 
celui  de  Société  répulfhcaine  et  plus  ordinairement,  après  le 
14  septembre  suivant,  Société  populaire ^ 

Dans  la  lettre  de  remercîments,  insérée  dans  le  Rcgistn!  le 
28  fructidor  an  1 1  et  adressée  par  la  Société  de  Marseille  au  cldb 
treisois  au  sujet  du  don  de  291  livres  pour  la  construction  d'un 
navire  de  guerre  à  offrir  à  la  patrie,  il  est  parlé  de  la  Socitk 
montagnarde  de  Treis, 

\x  calendrier  républicain  n'est  employé  qu'à  partir  4u 
2H  brumaire  an  II. 

Les  proccs-verbaux  portent,  en  outre,  dès  Je  24  scpl.  tjtjfl 
*  Tan  second  de  la  République  française  une  et  indivisible»; 
après  le  28  pluviôse,  on  ajoute  «  impérissable  m.  ci  au  19  rtortnl 
#ç  démocratique  ^. 

Il         Organisatioa  de  la  Société. 

A  la  buiic  du  procès-verbal  de  la  première  ^ljulc.  nc 
inséré  le  Règlement  pour  f  Assemblée  patriotique  de 


*  Ce  utre  est  ojiifttgné  dans  TAcie  d'Afliltatioii  que  le  dub  tretiois  ^rcMc 
à  la  Société  patriotique  de  Boqucvaire. 


-  5o3  — 

Ynalheureusement,  il  ne  renferme  que  Tart.  r.  qui  définit  le  but 
de  la  société  :  défense  de  la  constitution,  maintien  de  la  liberté, 
propagation  des  vertus  civiques  ;  —  et  indique  que  quatre  com- 
missaires seront  chargés  par  la  société  de  dresser,  pour  être 
discuté  en  séance  de  rassemblée,  un  plan  de  constitution,  d'or- 
ganisation et  de  police. 

Le  règlement  a-i-il  été  élaboré  et  adopté?  Cela  est  certain, 
puisque,  pour  obtenir  Taffiliation  des  Jacobins,  il  faudra  le  leur 
envoyer.  Mais,  bien  que,  dans  toutes  les  réunions,  les  membres 
se  conforment  à  certaines  règles,  il  n'y  a  jamais  trace  du  moin- 
dre article  statutaire.  Cependant,  les  neuf  pages  blanches  du 
registre  laissées  à  la  suite  de  l'insertion  de  lart.  i  étaient  sans 
nul  doute  destinées  à  l'inscription  de  ce  document  qu'il  aurait 
été  intéressant  de  posséder.  Une  délibération  dira,  plus  tard, 
qu'il  a  été  fait  lecture  d'un  règlement  et  que  même  on  y  a 
ajouté  quelques  observations  nécessaires  (12  juillet  i792\ 

Dès  lors,  pour  avoir  une  idée  de  l'organisation  de  la  Société, 
pour  fixer  un  certain  nombre  de  règles  admises  et  pratiquées 
par  l'assemblée,  on  ne  peut  que  se  reporter  aux  procès- verbaux 
des  réunions. 

L'n  portier  (on  l'appelle  aussi  concierge)  est  élu  à  la  séance 
du  7  août  1791.  Il  est  chargé  de  vérifier  les  cartes  de  tous  les 
citoyens,  membres,  qui  pénètrent  dans  la  salle,  «  d'ouvrir  et  de 
fermer  les  portes,  de  faire  les  proclamations  requises  et  néces- 
saires et  d'obéir  à  tout  ce  qui  pourra  être  commandé  relative- 
ment à  ce  qui  intéresse  le  club  ».  C'est  Jeàn-Baptiste  Ouvière 
qui  est  choisi  et  nous  constatons  qu'il  occupe  cette  place  pen- 
dant toute  la  durée  de  la  société  ;  ses  émoluments  sont  fixés  à 
6  livres  par  trimestre  que  le  trésorier  doit  payera  la  fin  des 
3  mois  sur  mandat  délivré  par  le  président  ;  cependant,  à  la 
dernière  réunion  du  club  (2  germinal  an  III),  Ouvière  demande 
i5  livres  pour  trois  mois  de  salaire,  soit  5  livres  par  mois,  et  la 


société  ûrdoïine  que  mandai  de  celle  somme  lui  sera  déli 

iNoire  poriier  est  en  même  temps  fournisseur  pour  toui  ce 
qui  est  nécessaire  à  la  Société,  mais  surioui  pour  la  cire  et  U 
chandelle.  De  plus,  le  i3  ni^ri  1793,  il  est  désigne  comme  cl<v 
clictier.  afm  de  prévenir  les  habitants  des  orages  qui  pourraient 
emporter  les  récoltes.  Il  s  engage  à  remplir  sa  mission  le  jour 
et  la  nuit,  quand  le  temps  le  demandera,  et,  pour  tout  salaire, 
il  se  Gontenlera  *  d'une  qucic  volontaire  au  temps  des  aira  ». 
Les  délégations  sont  aux  Irais  du  club.  On  trouve  sur  le 
regislre  qua  Jean-Joseph  Remusat  et  Pierre  Mille,  envoyés  i 
Marseille  pour  demander  latliliation  et  qui  ont  employé  quatrt 
jours  et  quatre  nuits  à  leur  voyage,  il  est  ordonné  le  paycmcitt 
de  la  somme  de  12  livres  à  chacun,  à  raison  de  3  livres  par  jour. 
Le  mandat  est  délivré  par  le  président  Gasquet  et  pave  pat 
Bernardy»  trésorier. 

Les  femmes  et  les  enfants  assistaient  aux  séances  du  club  co 
1793  et  y  occasionnaient  des  troubles,  du  tumulte.  Dorénavant. 
comme  chcit  les  Marseillais,  les  femmes  seules  seront  reçues  et 
le  dimanche  seulement  (3i  mars  1793).  Mais  le  bruit  n'en 
cesse  pas  pour  cela.  La  Société  décide  alors,  le  7  pluviôse  an  IL 
de  leur  donner  un  «  quartier  au  ctrur  de  la  salle  ^  et  celles  qui 
ne  voudront  pas  s  y  placer  seront  exclues.  —  Plus  d'une  fois 
le  président  réclame  le  silence  pour  la  lecture  de  lettres  reçues, 
de  papiers  divers  à  communiquer.  On  ne  peut  sV-nlcndrc,  e^^t-ll 
dit  dans  un  procès- verbal  ;  les  femmes  ne  font  que  causer  et 
les  citoyens  sont  inquiets  de  ne  pouvoir  entendre  les  motions  • 
on  délibère  de  ne  pas  les  admettre  à  cette  séance  (3o  plu%id$e 
an  \\i  Car  il  est  nécessaire  que  la  tranquillité  règne  dans  b 
salle  des  réunions,  où  nul  ne  peut  pénétrer  sans  avoir  pcc- 
senté  sa  carte,  sauf  les  volontaires  de  passage  qui  y  reçoi- 
vent bon  accueil  et  même  Taccolade  du  président  h4gerffiînal 
an  II)  et  les  femmes  et  les  iilles  qui  ont  libre  accès,  maiseii 
gardant  le  plus  profond  silence  (23  nivôse  an  11), 


—  5o5  - 

On  n^inscrira  pas  le  nom  de  celui  qui  présente  une  motion, 
à  moins  que  1  auteur  lui-même  ne  l'exige  ou  que  U  Sociéic  en 
forme  le  vttu  ;  quant  à  la  motion,  il  y  sera  délibère  de  suite, 
carie  motionnaire  pourrait  être  prisa  partie  et  alors  plus  d'un, 
peut-être,  n'oserait  en  présenter  (3o  décembre  1792) 

Ine  plainte,  un  jour,  est  déposée  sur  le  bureau,  La  Sociétc 
rappelle  qu  elle  n  est  pas  un  tribunal  et  que  toutes  les  plaintes 
doivent  être  portées  devant  le  Comité  de  surveillance  (17  ven- 
tôse an  II).  Auparavant,  cependant,  clic  devait  ré|?ler  certaine 
différends  :  le  23  novembre  1792,  elleavaitétabli  dans  son  sein 
un  Comilê d^  conciliation  charge  de  «faire  rentrer  dans  Tordre 
tout  citoyen  qui»  au  mépris  du  décret  qui  a  établi  la  liberté  et 
légalité,  oserait  y  porter  atteinte  1^;  les  opérations  de  ce  comité 
produisirent  une  salutaire  influence  dans  la  cité,  comme  il  est 
dit  dans  le  procès-vcrbaK  mais  elle  le  supprima  le  9  décembre 
suivant,  décidant  que  <t  toutes  les  causes  seront  portées  devant 
rassemblée  entière  qui  maintiendra  de  tout  son  pouvoir  les 
droits  de  la  liberté  et  de  ie^^^ali  té,  droits  qui  sont  le  plus  précieux 
apanage  dont  puisse  jouir  Thommej», 

La  Société  a  fait  faire  des  diplômes  donnant  droit  j  prendre 
part  aux  délibérations,  Eile  les  distribuée  ses  membres  et  aux 
citoyens  connus  comme  de  zélés  défenseurs  de  la  Révolution 
(  17  ventôse  an  H).  Ce  sont  les  certificats  de  civisme  des  sans- 
culottes;  ceux  qui  en  sollicitent  la  délivrance  doivent,  au  préa* 
lable,  dire  à  la  tribune  ce  qu'ils  ont  lait  pour  la  République 
(2  tloréat  an  lli.  Du  3o  germinal  an  M  au  5  vendémiaire  an  111, 
la  Société  a  délivré  35«'>  diplômes  et  les  noms  des  possesseurs 
sont  tous  inscrits  dans  les  procès- verbaux  rédiges  entre  ces  deux 
dates* 

Mais  les  séances  ne  sont  pas  toujours  suivies  avec  assiduité. 
Des  membres  font  la  remarque  que  certains  citoyens  ne  sont 
venus  à  la  Société  que  pour  avoir  un  certificat,  L  ne  délibéra- 


—  5o6  — 

tion  est  prise  Je  6  prairial  an  IK  pnurôter  le  diplôme  u  Le*jx 
auront  manqué  trois  séances  et  des  commissaires  Sioni  n-tm-"] 
mes  sur-le-champ  pour  relever  â  chaque  réunion  les  noms  des 
absents.  —  Les  membres  qui*  au  sein  du  club,  se  seront  qu<" 
reliés,  encourront  une  amende  que  fixera  rassemblée  (27  jui^ 
lel  1792).  De  plus.  «  à  tout  malveillant  irouvé  coupable  d*un 
voL  il  sera  ôté  le  diplôme  et  la  cartes*  el  «t  tout  citoyen  troublAât 
lu  séance  sera  exclu  pendant  trois  mots  )»  (10  prairîal  an  II). 
Aucune  indication,  cependant,  ne  permet  d'établir  que  ces  r^ 
f^les  aient  été  enfreintes  :  le  re^^istre  est  muet  sur  rapplicatioilâ 
des  membres  des  peines  sus-énoncées. 

Le  3i  mars  1793,  rassemblée  décide  que  Touverturc  de  U 
séance  aura  toujours  lieu  au  cri  de  Vive  la  République  fTem 
citoyen  convaincu  de  n'avoir  point  prononcé  cela,  sera  aduM^ 
nesté  à  la  première  fois,  exclu  à  la  seconde. 

A  partir  du  14  prairial  an  IL  le  président  prononce  Vire  ta 
République  !  Vive  la  Moniagne  I  et  fait  répéter  à  haute  voixk 
cri  par  toute  rassemblée.  Au  i(3  messidor  suivant,  c'est  Viptk 
République  !  Vive  la  Montagne  f  Vivent  les  armées  de  la  Répn* 
/»//<yi/e/ au  23  thermidor.  Vive  la  République  f  Vire  la  Mon* 
tagne!  Vivent  les  Sans-Culottes  !  oi  au  17  vendémiaire»  Vin 
la  République!  Vive  la  Convention  ! 

Le  21  mars  1791,  le  Club  vote  la  construction  d  une  inbunc 
à  placer  au  centre  de  Tauditoire,  de  manière,  est-il  dit,  à  se  faire 
mieux  entendre  ;  Pierre  Mille  est  chargé  du  travaiL  Elle  est 
remplacée  par  une  autre,  dont  la  construction  est  mise  aux  en* 
chères,  en  décembre  1793,  et  que  Ton  pose  contre  un  desmun 
de  la  salle. 

A  la  première  séance,  les  adhérents  à  la  Société  ont  prêté  k 
serment  de  soutenir  de  tout  leur  pouvoir  la  Constitution  décft- 
tce  par  TAssemblée  nationale*  d'être  fidèle  à  la  nation,  i  k  hî 
et  au  roi.  jusqu  à  la  mort.  Tous  les  nouveaux  membre;^,  par  l> 


—  5o7  — 

suite,  sont  tenus,  à  leur  admission.,  de  prêter  ce  même  serment 
civique,  ainsi  que  les  membres  élus  à  chaque  renouvellement 
de  bureau.  Ce  n'est  que  le  6  mai  1793  qu'une  modification 
apportée  au  serment  apparaît.  A  partir  de  ce  jour,  les  membres 
du  bureau  jurent  de  vivre  et  de  mourir  en  républicains  ;  le 
S  ventôse  an  II,  ils  jurent  de  maintenir  la  liberté  et  l'égalité,  la 
République  française  une  et  indivisible  jusqu'à  la  mort  et  de 
remplir  avec  exactitude  leurs  fonctions.  Enfin,  le  9  germinal  de 
la  même  année,  le  serment  prend  la  forme  suivante  :  «  NoUs 
jurons  de  maintenir  la  liberté  et  l'égalité  et  de  mourir  à  notre 
poste  en  les  défendant  ». 

Le  Club  se  réunissait  généralement  le  dimanche,  dans  l'après- 
midi  ;  mais,  quelquefois,  on  trouve  des  séances  à  différents 
jours  de  la  semaine  et  accidentellement  il  y  a  trace  de  deux 
réunions  dans  la  même  journée. 

D'après  les  rôles  des  citoyens  faisant  partie  de  la  Société,  du 
12  juin  1791  au  4  mars  1792,  267  inscriptions  à  12  livres  cha- 
cune sont  enregistrées.  Le  11  novembre  1792,  il  y  a  un  renou- 
vellement de  cartes  à  6  sols  l'une  ;  le  17  février  1793,  on  compte 
1 16  inscriptions  nouvelles. 

Lorsque,  en  septembre  1793,  a  lieu  la  réorganisation  de  la 
Société,  les  cotisations  sont  ù  i5  sols  par  membre  et  l'on  enre- 
gistre d'abord  5y  inscriptions,  puis  j5  sous  la  présidence  de  Si- 
^noret,  140  sous  celle  de  Roux,  14  au  3  germinal  an  II,  23  sous 
la  présidence  de  Bourges,  32  sous  celle  de  Pourchier  et  i3  sous 
celle  de  Roumieux.  La  liste  d'inscription  s'arrête  là  ;  mais  ja- 
mais ne  se  trouve  un  tableau  donnant  pour  un  exercice  les 
noms  des  membres  composant  le  Club,  alin  de  rendre  plus 
claire  la  comptabilité  insérée  par  les  divers  trésoriers  dans  les 
dernières  pages  du  registre. 

La  mort  tragique  de  Le  Peletierde  Saint-Fargeau  attriste  les 
patriotes  de  Trets.  Dans  un  vibrant  discours,  le  président  Rey 


5o8 


ÏSnn^e  ^  martyr  ^,  ^  l'âpôire  de  la  liberté  *;  1  assérnbi?^ 
cide  que  les  dernières  paroles  de  ce  «généreux  évan^^élisfe» 
seront  gravées  sur  la  porte  du  local  de  la  Société  pour  les  rap- 
peler à  tous  les  républicains,  et  qu'une  messe  de  Hequitm, 
à  laquelle  on  invitera  la  municipalité, sera  célébrée  sur  le  cours 
le  mardi.  4  février  1793. 

Le  29  avril  suivant»  Mille,  président,  en  son  nom  cl  au  nooi 
de  Couriot.  de  Marseille,  otlrele  portrait  du  convention nelcfnî 
sera  placé  à  la  tribune  de  la  Société. 

Le  1  lloréal  an  II,  il  est  décidé  l'achat  d'un  tableau  avec  ca- 
dre renfermant  la  Déclaration  des  droits  de  l'homme  et  du  ci- 
toyen, ainsi  que  de  quatre  statues  de  martyrs  de  la  liberté. 
Bouisson  qui  doit  aller  à  Marseille,  se  charge  de  cet  achat,  mats 
n'apporte  que  les  bustes  de  Marat  et  de  Le  Pcleticr.  dont  le  coùl 
est  de  quarante  livres. 

Le  7  pluviôse  an  II.  l'assemblée  demande  la  conrectioo  de 
«  deux  bâtons  aux  trois  couleurs  y^  pour  les  commissaim 
chargés  du  bon  ordre  de  la  salle* 

Le  5  Horéa!  suivant,  est  adoptée  la  dépense  d'un  «t  bonnet  de 
la  natinn  y>  pour  le  président. 


IIL 


Bureaux  :  Composition.  Élection.  Durée. 


Les  dix-neuf  bureaux  qui  ont  été  constitués  par  la  SociétiÉei 
se  sont  succédé  durant  les  quatre  années  de  son  existence. 
comprenaient  :  un  président,  im  vice-président,  deux  ou  tn)i> 
secrétaires  et  un  trésorier.  Bien  souvent,  au  début  de  la  réu- 
nion, devant  l'absence  des  membres  élus,  on  nommait  soit  ua 
président  provisoire,  soit  un  secréttire  provisoire;  quelquefois, 
pendant  un  certain  laps  de  temps,  le  président  de  la  réunion. 
toujours  le  même,  prend  [le  titre  de  président  dojficv.  Aune 
séance,  aucun  membre  du  bureau  n'étant  présent»  Gasquct  csi 
élu  président  de  rassemblée. 


—  5o9  — 

ordinairement,  et  suivant  le  règlement,  le  bureau  est  êiu  par 
rassemblée  à  la  pluralité  des  voi^^.  Dan:^  quelques  renouvelle- 
ments, à  partir  du  5  mai  1793.  on  remarque  que  le  président 
sortant  propose  son  successeur  et  le  vice-président;  que  ceux- 
ci,  le  choix  ratifié  par  les  citoyens  présents,  prennent  place  au 
fauteuil  et  que  le  nouveau  président  indique  à  lassembiée  les 
secrétaires  et  le  trésorier- 
Une  seule  fois,  le  bureau  élu,  conformément  au  règlement, 
n  entre  pas  en  fonction  et  son  remplacement  a  lieu  à  la  séance 
du  lendemain.  Voici  dans  quelles  circonstances  : 

Le  bureau,  présidé  par  Frant^ois  Bourges,  a  terminé  son  man- 
dat. Lassembiée,  le  3o  germinal  an  IL  nomme  par  scrutin  à 
la  pluralité  absolue  des  voix»  J.-B"  Durand,  président,  et  Pierre 
Pourchier»  vice-président.  Ce  dernier  n'accepte  pas,  alléguant 
que  ses  affaires  ne  lui  permettent  point  de  remplir  utilement  les 
fonctions  dont  on  vient  de  l'investir,  et,  par  un  nouveau  scru- 
tin* Joseph  Feissai  est  élu  vice-président;  Benoît  Ferry  et  Joseph 
Amalbcrt»  le  peintre,  sont  élus  ensuite  secrétaires  ;  François 
Amalbert,  trésorier.  Maisc*est  un  bureau  dont  quelques  mem- 
breSjComme  Ferry  etF.  Amalbert,  ont  été  entachés  d'incivisme 
à  une  certaine  époque.  A  la  séance  du  lendemain,  i  floréaU  le 
citoyen  Durand  remercie  rassemblée,  lassure  de  tout  son  dé- 
vouement à  la  République,  mais  ses  affaires  et  celles  que  la 
Société  lui  a  confiées,  le  20  du  mois  dernier,  ne  lui  laissant 
guère  la  liberté  de  remplir  efficacement  les  nouvelles^fonctions 
auxquelles  il  est  appelé,  il  demande  à  être  dispensé  de  les  occu- 
2r.  Un  bureau,  entièrement  nouveau,  est  élu  alors,  avec 
*icrre  Pourchicr  comme  président,  et  Tassy  comme  vice- 
président. 

La  durée  des  fonctions  est  variable.  Elle  doit  être  en  principe 
de  deux  mois.  Mais  ce  délai  n'est  point  respecté,  puisque 
Gasquet,  le  premier   président,  occupe  les  fonctions  pendant 


Rnq  mois;  Miile,  son  successeur,  pendant  près  de 
et  Rey,  le  cinquièmet  qui,  au  bout  de  quatre  mois  de  prési- 
dence, demandant  à  être  remplacé,  est  réélu,  garde  le  fauteuil 
pendant  sept  mois.  Mille  (2*  fois),  Fanion,  François;  Bour^ 
exercent  chacun  une  présidence  d*un  mois. 

Arrive,  le  14  septembre  1793,  la  réorganisation  de  la  Société. 
C'est  Rey  qui  est  élu  président  et  qui  occupe  ce  poste  pendant 
trois  moîSv  Du  1  nivôse  au  6  messidor  an  II,  les  présidences 
suivantes  se  renouvellent  tous  les  mois  :  Esiienne,  Signoret, 
J"  Roux,  F,  Bourges,  P*  Pourchier,  H.  Roumieux,  Ce  dernier, 
devant  la  faible  assistance  des  réunions*  accepte  de  garder  son 
poste  plus  longtemps.  Ce  n'est  que  le  4  vendémiaire  an  III 
quil  est  remplacé  et  chaque  mois  on  élit  un  bureau,  dont  les 
présidents  successifs  sont  Gieloux»  François  Baux.  J*  Roaict 
François  Bourges,  qui  exercera  pendant  pluviôse,  ventûse. 
jusqu  a  la  dernière  séance  du  Club,  le  2  germinal  an  III. 


IV,  —  OcGtipations. 

Une  des  principales  occupations  de  la  Société  est  la  présen- 
tation à  la  municipalité,  par  des  commissaires  délégués,  de 
pétitions  pour  la  solution  d'affaires  aussi  bien  d*ordre  commit- 
nal  que  d  ordre  national. 

Le  23  septembre  1792,  la  Société  invite  la  municipalité  i 
choisir  pour  marché*  un  jour  par  semaine  comme  c'était  Tu^^ 
autrefois,  un  emplacement  autre  que  la  place  de  là  chapelle  de 
la  Trinité,  car  elle  est  trop  humide. 

Une  deuxième  pétition  est  présentée,  le  môme  jour,  deman- 
dant que  la  forêt  de  Roquefeuil  revienne  à  la  commune.  L* 
municipalité,  en  s  occupant  activement  de  la  chose, y  est-il  du. 
méritera  ainsi  l'estime  et  la  reconnaissance  de  tous  les  habf 
lants.  Car  c'est  une  a  il  a  ire  importante  et  qui  revient  souvetu 


r 


~  5ii  — 

dans  les  délibérations  du  club,  Trets  a  le  droit  d*aller  prendre 
du  bois  dans  cette  iorèi  ;  le  disirici  de  Marathon  (Saint-Maxi- 
min>  veut  vendre  celle  propriété  ;  la  Société  tient  la  main  à  ce 
que  la  municipalité  ne  se  laisse  pas  ravir  ce  droit,  et  même  elle 
lui  demande  d*obtenir  en  faveur  de  la  Commune  la  cession 
d'un  petit  coin,  dans  ce  bois,  à  peu  près  de  la  valeur  du  droit 
possédé  *,  iMalgré  l'énergie  de  ses  revendications,  basées  sur  la 
transaction  de  1427  intervenue  entre  le  seigneur  de  Roquefeuil 
et  la  Communauté,  Trets  verra  ce  domaine  vendu  comme  bien 
national  et  l'aliénaiton  de  ses  droits,  faite  en  lySy,  devenir 
définitive, 

La  séance  du  12  juillet  rygi  est  consacrée  à  la  fête  nationale. 
Il  faut  (surtout,  dit  la  délibération,  *,  prendre  les  arrangements 
possibles  au  succès  de  la  Révolution,  contribuer  aux  frais  que 
doit  occasionner  la  plantation  de  Tarbre  de  la  liberté  surmonté 
d*yn  bonnet  ^,  symbole  du  bonheur  après  lequel  nous  soupi- 
rons tous  et  dont  nous  viendrons  à  bout  malgré  les  malveil- 
lances qui  s  y  opposent  »,  Les  membres  non  présents  et  dont 
Fabsence  n'est  pas  justifiée  par  des  raisons  légitimes  sont  rayés 
de  ia  Société.  —  Le  14  juillet,  Tarbre  de  la  liberté  s  élève  et  porte 
au  sommet  un  bonnet  en  fer-blanc  peint  aux  trois  couleurs 
nationales,  dont  le  club  règle  la  dépense  s'élevant  à  32  livres 
3  sols  \ 

Vers  août  1792,  les  routes  et  les  bois  étaient  infestés  de  bri- 
gands. A  la  suite  du  vol  à  main  armée  dont  est  victime  Mag- 
delcine  Gaubert  sur  le  chemin  d'Auriol,  le  29  de  ce  mois,  le 


*  Séance  do  28  plufiôse  m  IL 

1  Ce  bonnet  a  dû  Inspirer  plus  lard  la  demande  faite  par  des  clubistes, 
à  \a  séance  du  2$  géras  mai  an  H,  de  rachat  d'un  chapeau  tricolore  à 
placer  au  aeîn  de  la  Société. 

'  Cette  somme  Tut  payée  de  Is  façon  suivante  :  27  livres  3  sols  en  mo- 
nômes et  5  livres  en  assigaais. 


L 


y;       ! 


¥' 


\ 


club  approuve  et  iransmei  i^  la  municipalité  une  pétition  pi 
les  administrateurs  de  la  cité  de  réclamer  le  rétdbHssecnem  I 
Trcts  du  bureau  de  renregîstrement  éiablt  à  Auriol.  Il  (mi 
valoir  les  dangers  qu1l  y  a  à  traverser  les  bois  (chemin  de  li 
Scrignane")  pour  se  rendre  à  AurîoK  landis  que  Trcts  est  mieui 
à  portée  des  six  communes  suivantes  à  desser\'ir  ;  Pc^n;.-' 
Roussel»  Fuveau,  Puyïoubier,  Négrel  et  La  Galinière. 

Le  président  Thomassin  de  Peynier,  Hls,  baron  de  Trtls, 
liabite  Paris.  Les  patriotes  iretsoîs  ne  cessent  de  s'occuper  de 
leur  ci-devant  seigneur  ei  d'en  demander  des  nouvelles  au  club 
des  Jacobins,  La  section  du  Louvre  exerce  sur  lui  une  active 
surveillance.  Le  certificat  de  résidence  qu  elle  lui  délivre  le 
21  janvier  1793  est  bon  ;  il  n'a  point  émigré  ;  il  n'est  pas  sorti 
du  territoire  depuis  1781  et  son  plus  long  voyagea  clé  Ver- 
sailles \ 

Cest  l'époque  où,  pour  circuler  dans  le  pays,  aller  d  une 
ville  à  une  autre*  même  pour  des  afiaires  importantes,  il  est 
nécessaire  de  porter  sur  soi  un  Certificat  de  civisme.  Les  sus- 
pecis,  d'ailleurs,  sont  dénoncés  au  Comité  de  surveillance  éta- 
bli dans  la  commune. 

Mais  la  Société  ne  marchande  pas  son  appui  aux  citOTeiis 
arrêtés  dont  elle  connaît  rattachement  à  la  Révolution.  ^ 
Courtoi,  mis  en  étal  d'arrestation  a  Marseille,  obtient  de  là 
Société  un  cerliticat  constatant  son  républicanisme,  vcritaWc 
témoignage  fraternel  qui  le  lire  de  la  prison.  —  Bouchard,  iuge 
de  paix  à  Pourriëres,  a  été  arrêté  par  des  délégués  du  Reprc* 
sentant  du  peuple»  La  Société  certifie  que  le  citoyen  Bouchard 
«  a  toujours  montré  une  àmc  ferme  dans  f acquittement  des 
devoirs  que  la  loi  lui  a  imposés  pour  coopérer  au  triomphe  Je 


*  Cet  ren!(eignemcnf5  sur  Thomassm.  obtenus  d«ft  Jftcobioi.  looi  i 
moniqués  k  )*«ssennbtée  dans  (a  st'aoce  da  2e  avril  179S, 


—  5i3- 

la  République  »  (18  brumaire  an  M).  Aussi,  le  12  frimaire  sui* 
vanu  une  dépuiation  de  Pourrières  vient,  en  un  patriotique 
discours  prononcé  par  l'un  de  ses  membres,  remercier  le  club 
deTreis  et  lui  remet  une  lettre  de  sa  Société,  constatant  que  le 
certificat  délivré  a  permis  la  mise  en  liberté  de  Bouchard. 

Sur  la  demande  des  administrateurs  d'Aix,  l'assemblée 
nomme,  le  19  ventôse  an  II,  six  commissaires  pour  dresser  une 
liste  des  citoyens  utiles  à  ta  République  «  pour  les  missions 
honorables,  pour  (amélioration  de  Tcspril  public  et  démocra- 
tique, pour  Taposiolat  révolutionnaire,  pour  les  commissions 
de  subsistances,  pour  les  places  administratives,  pour  les  fabri- 
cations d*armes,  pour  les  consulats  maritimes,  pour  tes  rela- 
tions extérieures,  pour  le  commerce,  pour  les  manut^ctures  et 
pour  ramélioraiion  du  premier  des  arts,  etc,  ^  Cette  première 
lisie,  présentée  à  l'approbation  de  rassemblée  le  3o  ventôse, 
comprend  trente  noms  de  citoyens  sachant  écrire.  Mais  on 
demande  d'y  ajouter  les  noms  de  tous  les  sans-culottes  capa- 
bles, bien  qu*illeitrés-  Une  nouvelle  liste  de  cinquante-quatre 
citoyens  sera  jointe  à  la  première  et  on  fait  remarquer  qu'il  y 
a  en  plus  trois  cents  agriculteurs  illettrés  qui  se  sont  montrés 
dans  toutes  les  occasions  comme  de  vrais  républicains  et  sans- 
culottes,  depuis  le  commencement  de  la  Révolution  jusqu  a  ce 
jour  (3  germinal  an  II), 
Les  deux  ermitages  de  Saint-Jean  et  de  Saim-iMichcl  doivent 

re  vendus  comme  biens  nationaux  ;  seulement  le  bois  qu'ils 
comportent  est  d'une  telle  nécessité  Thiver  aux  habitants  de 
Trets  pour  leur  permettre  d'aller  «  broussailler  s^,  et  le  culte  de 
Saint-Jean  est  si  profond  dans  le  pays,  que  la  Société  délègue 
_Jacqucs  Icarden  et  Etienne  Ribiès  pour  aller  à  Aix  y  poursuivre 
enchères  jusqu'à  la  délivrance  délinitîve(7  novembre  1792). 

)*ailleurs,ces  commissaires  seront  indemnises  pour  leurs  frais, 
La  vente  a  lieu.  L'ermitage  de  Saint-Jean  et  ses  aitenanoes 


CQnnûta  —  aa 


est  adjugé  à  Icarden  pour  la  somme  de  35o  livres  ei  celuHO 
paye,  au  moment  de  Tachai,  un  premier  acompte  de  36  lirrcs 
ty  sols.  En  rendant  compte  de  sa  mission  (séance  du  i3  jan- 
vier 1793)»  Icarden  qui  n  était  que  mandataire  se  dessaisit  de 
la  propriété  en  faveur  de  la  Société  ;  celte  dernière  nomme  Rcy 
et  Jean  Brouchier  pour  recueillir  les  dons  des  citoyens  jusqu'à 
concurrence  de  35o  livres  et  les  habitants  de  Frets  devieodroni 
ainsi  tes  possesseurs  d'un  bien  qui  leur  est  cher  à  plus  d'un 
titre.  1-e  3  mars  suivant,  Icarden  demande  à  la  Société  le  p^yt* 
ment  de  ses  trais;  le  1 1,  rassemblée  nomme  six  con^missâires 
qui  assisteront  à  la  rédaction  de  l'acte  de  cession  «  du  tènetneHI 
et  ermitage  de  Saint-Jean  >*  en  faveur  du  club.  C'est  là  l'ori- 
gine de  cette  propriété  communale. 

Quanta  l'ermitage  de  Saint-Michel,  il  n'est  point  question 
de  sa  vente.  Ce  domaine,  d  ailleurs,  appartenait  depuis  loïv;* 
temps  à  notre  communauté  et  c'est  par  erreur  qu*il  avait  été 
considéré  comme  bien  national. 

V.  —  Quêtes,  dons,  travaux  des  champs. 

Au  milieu  de  la  tourmente  révolutionnaire,  la  charité  ne  perd 
passes  droits.  Les  récoltes  sont  faibles,  le  blé  est  très  cher; 
aussi  les  pauvres  ne  manquent  pas  à  Treis. 

La  Société  demande  à  la  municipalité  d'employer  le  reliqtoi 
du  blé  du  Mont-de-Piété  au  soulagement  des  malheurcui 
(24  mars  1793)  ;  d'en  acheter  encore  et,  si  les  fonds  manquent, 
de  faire  un  emprunt  (26  mars  i7q3).  A  la  suite  d'un  dtscour^ 
pathétique  de  Rey  sur  la  situation  pénible  des  pauvres  du  payi. 
l'assemblée  émue  ordonne  une  quête  pour  accorder  de  prompd 
secours  et  cinq  commissaires  sont  désignés  pour  recueîltir  les 
dons  U9  mars  1793);  les  noms  des  donateurs  seront  publiai 
iiu  (loréal  an   11  j.  Quant  aux  pères  de  fi^niille  dont  les  eDIints 


in 


^  5i5  — 

sont  partis  pour  la  dëiense  de  la  patrie,  la  municipalité  leur 
disiribuera  la  somme  qu'elle  a  retirée  pour  eux (8  ventôse  an  II). 

Les  %oloniaires  malades  qui  séjournent  à  Thôpital  devien- 
nent assez  nombreux  ;  il  en  passé  continuellement.  La  Société 
propose  qu^une  quêie  soit  faite  pour  leur  donner  les  subsistan- 
ces nécessaires  (So-germinal  an  II).  Cela  ne  peut  suffire  et  une 
péiiiion  est  adressée  à  la  municipalité  pour  qu'elle  s'emploie 
par  tous  les  moyens  à  venir  en  aide  à  ces  malheureux  (4  messi- 
dor an  I!).  Un  bienfaiteur  de  Ihôpital  est  à  signaler  :  Courtot 
a  fait  gracieusement  placer  un  lit  «  avec  tous  ses  agréments  >► 
pour  les  pauvres  volontaires  malades  ou  blessés  (i  i  octo- 
bre 1793)- 

Les  travailleurs,  retenus  souvent  pour  monter  la  garde,  ne 
peuvent  se  livrer  utilement  aux  occupations  nécessaires  pour 
subvenir  à  leurs  besoins.  Us  pourraient  être  remplacés  par  les 
vétérans  dans  raccomplissemenl  de  ce  devoir  patriotique 
(20  avril  1793).  La  Société  le  souhaite.  Mais,  pour  donner  des 
bras  à  l'agriculture,  pour  que  les  terres  puissent  être  cultivées 
et  tous  les  travaux  des  champs  faits,  sur  la  proposition  de  Gas- 
quet,  une  pétition  est  faite  à  la  municipalité  à  l'effet  d'obtenir 
des  représentants  du  peuple  que  la  jeunesse  de  la  ^  levée  >► 
vienne  passer  le  quartier  d*hiver  dans  son  pays.  Tout  en  s'oc- 
cupant  des  champs,  elle  se  livrera  au  maniement  des  armes  et 
rejoindra  le  bataillon  à  la  première  réquisition  (19  nivôse  an  II). 

Bien  souvent,  la  Société  demande  l'entière  application  de  la 
loi  du  maximum. 

Mais  une  pétition  qui,  si  elle  se  produisait  de  nos  jours,  jet- 
terait i'effroi  parmi  nos  grands  producteurs  de  cucurbitacés, 
est  celle  que  le  Club  adresse  a  la  municipalité  pour  ^  inviter  les 
habitants  à  ne  faire  que  cent  trous  de  pastèques  et  cent  de  me- 
lons, le  reste  des  terres  devant  être  employé  à  la  production 
des  substances  nécessaires  ^  {2}  germinal  an  II).  Lesadminis- 


L 


é> 


trateurs.  en  approuvani  celle  péiiiioa,  ajuuiciu  411  n  sc-r-ui  pr 
férable  de  couvrir  les  guéreis  de  haricots  noirs  (Délib.  mun,, 
23  germinal  an  II). 


VI,  —  Fêtes  :  Fête  de  la  mort  du  Roi  ;  Fête  de  TEtre  So- 
prême  ;  Le  Temple  de  la  Raison  ;  Les  convois  funèbres. 


Dans  la  journée  dtî  10  août  1792,  de  nombreux  volontaires  \ 
appartenant  au  Balaillon  des  Marseillais  arrivé  depuis  peu 
dans  la  capitale,  ont  péri.  Aussi,  sur  l'initiative  louchante  Ju 
club  de  Marseille,  la  Société  de  Trets  décide  de  faire  célébrer* 
le  samedi  9  septembre  suivant,  une  messe  de  Requiem  pour  le 
repos  des  âmes  des  citoyens  décodés*  A  cette  cérémonie,  quatre 
commissaires  recevront  les  otîVandes  pour  les  veuves  et  les 
orphelins  \  Mais  deux  jours  après,  suivant  un  arrêté  du  dé- 
partement qui  met  à  la  charge  de  la  municipalité  la  subsis- 
tance due  aux  témmes  et  aux  enfants  des  défenseurs  de  h 
patrie,  les  commissaires  désignes  sont  relevés  de  leurs  fonc* 
tions. 

La  mort  de  Louis  XVI  donne  lieu,  dans  notre  commune,  à 
une  fête  civique  célébrée  le  dimanche  10  février  1793.  Le  8, 
Rey  demande  à  la  Société  une  réunion  de  tous  Icii  républi- 
cains pour  prêter  au  pied  de  l'arbre  de  la  liberté  le  serment  de 
«  vivre  libre  ou  mourir  en  républicain  »  ;  il  fait  appel  aux  sco- 


*  Dés  le  1''  juiliet  1792»  sur  une  lettre  des  Marsettlats,  denuindAfit  de 
prendre  les  moyens  nécessaires  pour  former  cinq  bômmes  qui  iront  * 
Paris  défendre  la  Constiimion,  le  Club  avaii  présenté  h  la  Mumcjpi^  *f 
une  pétition  i'mviiani  a  ouvrir  un  renistre  destiné  à  recevoir  tes  t 
menis  volontaires.  Tout  volontaire  devait  être  muni  d'un  certitical  U^  •* 
municipalité;  il  serait  payé  suivant  les  lois  par  TAssemblée 

•  Séance  du  4  septembre  1792. 


-5.7- 

timents  de  fraternité  de  l'Assemblée;  il  sollicite  Foubli  des 
erreurs  qui  ont  pu  être  commises  par  certains  citoyens  et 
obtient  la  réintégration  de  quatre  membres,  Daniel  de  F€rr\\ 
François  Audibert,  Toussaint  Feissat  fils  et  François  Amal- 
bert,  qui  avaient  été  exclus  de  la  Société,  le  25  décembre  der- 
nier, pour  leurs  propos  contraires  à  la  Révrolution, 

A  2  heures,  sur  le  cours,  il  y  eut  un  grand  repas,  et  le  soir 
on  alluma  des  feux  de  joie.  L'union  la  plus  parfaite  ne  cessa 
de  régnera  cette  fête,  dont  le  succès  tut  tel  que  le  lendemain 
Rey  décide  la  Société  à  en  aviser  le  club  de  Marseille. 

Le  7  germinal  an  11,  Ribiès»  curé  constitutionncL  se 
démet  de  la  cure  de  Trcls.  Il  quitte  le  pavs,  mais,  de  son  nou- 
veau domicile,  il  demande,  te  5  boréal,  à  la  Société  populaire 
dont  il  était  membre,  un  diplôme  de  bon  républicain  qui  lui 
est  accordé  sous  le  n*»  109  ^ 

Le  20  floréal,  selon  le  vœu  de  la  Société,  la  municipalité 
choisit  la  ci-devant  paroisse  pour  le  letnple  de  la  Raison.  Au- 
cun objet  du  culte  catholique  ne  s*y  trouve  plus;  Targenterie 
a  été  adressée  à  LHôtel  de  la  Monnaie  à  Marseille  et  tes  orne- 
ments expédiés  au  district  d'Aix. 


I  Le  documeni  suivant  n'est  sans  doute  point  étranger  aux  démissions 
de  prêtres  qai  se  produisirent  à  celte  cpoque  : 

«  Liberté,  Egalité. 

4  Extrait  du  registre  de  U  Société  répabUcaine  des  A ntipoJi tiques  d'Aii,. 

tf  Du  igplaviôse,  Tan  H  de  la  République  une  et  imp^nssabte- 

<  Sans  cesse  occupée  à  combattna  les  préjugés  qui  entravent  J*opinion, 
qttj  l'empêchent  de  se  manifester  et  qui  maintient  /sic/  Jes  actions  des 
hommes,  instruite  qu'une  fausse  crainte  retient  encore  un  grand  nombre 
de  ces  illaminés  nommés  prêtres  qui  se  croient  et  se  donnent  téméraire- 
ment pour  les  interprètes  de  la  divinité  ;  et  convaincue  que  plusieurs 
d'entre  eux,  éclairés  enfin  par  le  llambeau  de  la  raison  ei  de  ta  vérité» 
quoique  reconnaissant  qu'ils  ne  sont  rien  de  plus  que  les  hommes  ordi- 
naires, n'osent  point  en  faire  TaTeu  public  ni  renoncer  à  leur  prétendu 
sacerdoce  : 


*' 
'  ' 


5Î 


\ 


-  5i8  — 

Le  20  prairial  est  célébrée  la  fête  de  l'Etre  suprême.  La  mu- 
nicipalité a  fait  annoncer  la  fétc,  mais  aucun  programme  n*a 
été  publié.  Roumieu,  président  du  club,  invite  le  maire,  présent 
à  la  séance  du  19,  à  faire  connaître  ce  que  les  républicains  doi- 
vent faire  ce  jour-là.  Rey  entretient  l'assemblée  «  du  bonheur 
que  devait  ressentir  tout  bon  républicain  de  voir  approcher  le 
jour  où  il  devait  payer  à  l'Etre  suprême  un  acompte  du  tribut 
qu'il  lui  doit  ».  Ses  paroles  sont  applaudies  et  la  Société,  après 
délibération,  adopte  le  programme  de  la  cérémonie  : 

«  Une  heure  avant  le  jour,  les  tambours  annonceront  la 
fête. 

#c  Tous  les  citoyens  et  citoyennes  qui,  dans  l'enthousiasme 
de  la  reconnaissance,  seconderont  le  plan  dont  lecture  a  été 
faite,  se  rassembleront  et  avec  le  Corps  municipal  et  les  mem- 
bres de  la  Société  populaire  se  rendront  au  Temple  de  la  Rai- 
son. 

«  Quant  à  ceux  qui  se  montreraient  froids  à  une  pareille 
cérémonie,  l'assemblée  déclare  qu'elle  ne  peut  les  regarder 
comme  des  frères,  mais  plutôt  comme  des  fanatiques  et  des 
ennemis  de  la  Révolution  ».   • 


«  La  Société  des  Antipolitiqucs  républicains  a  unanimement  délibc'ré 
que  les  évêqucs,  curés  et  vicaires  qui,  vo'ilant  jouir  du  bénéHce  de  la  Loi. 
se  dcmettraicni  de  leurs  lettres  de  prêtrise,  seraient  déclarés  avoir  mérité 
son  approbation  et  son  estime  et  que  le  présent  extrait  sera  imprimé  et 
atHchc. 

«  Fait  à  Aix.  le  20  pluviôse,  l'an  2*  de  ia  République,  dans  le  heu  des 
séances  de  la  Société 

«  Signé  :  Andr^.,  président; 

«  Manière,  vice-président  , 

«  lienry  Tourniavi,  secrétaire. 

*  enregistré  par  ordre  de  la  Société  assemblée  à  Trets,  le  27  pluviôse, 
l'an  2*  de  la  République  française. 

«  Cartier,  secrétaire  provisoire  »■ 


—  5i9  — 

Ce  jour-là,  la  Société  tient  deux  réunions.  Dans  la  première,  à 
son  retour  du  Temple,  clic  accorde  un  «dîner  honnête  »  aux 
tambours  qui  ont  battu  le  matin. 

Le  lo  thermidor  suivant,  les  membres  du  club,  suspendant 
la  séance,  se  rendent,  sur  l'invitation  de  la  Municipalité,  au 
Temple  de  la  Raison,  où  Ton  prêche,  est-il  dit,  l'évangile  de  la 
Révolution  suivi  du  chant  d'hymnes  à  l'Etre  suprême  ;  ils  se 
retirent  ensuite  dans  leur  local  et  là  ils  entonnent  des  chan- 
sons patriotiques. 

La  Municipalité  a  déclaré*  champ  de  repos  >►  le  ci-devant 
cimetière  ;  comme  il  est  trop  près  de  la  maison  commune  *,  du 
marché  et  de  la  Société  populaire,  elle  choisit  pour  le  rempla- 
cer une  partie  de  l'endos  de  l'hôpital  *. 

Les  prêtres  n'assistent  plus,  maintenant,  aux  enterrements; 
c'est  un  représentant  officiel  de  la  commune  qui  suit  le  cercueil 
jusqu'à  la  demeure  dernière.  Mais  quelques  absences  de  celu;- 
ci  ont  été  constatées  et  la  Société  demande  à  ce  que  la  loi  reU- 
live  aux  cimetières  soit  entièrement  exécutée,  que  l'offkitr 
public,  ou  à  défaut  un  remplaçant  délégué  à  cet  elFct.  acco:r- 
pa£,'ne  toujours  le  convoi  funèbre. 

VIL  —  Affiliation. 

Les  premiers  actes  du  Club,  avons-nous  dit,  ont  éit  at  jfot- 
citcr  raffiliation  à  la  Société  des  Amis  de  la  Comtiitctnm  Xr 
Marseille,  ainsi  qu'au  Club  des  Jacobins.  Plus  ur^ 


'   hepuis  octobre  1793,  la  municipalitc,  abandoniuff*   e 
I  e^iise.  est  installée  dans  l'immeuble  qu'elle  possède* 
aciuellci. 

'  Knclos  du  couvent  des  Observantins.  aujoar^i  sn  1 
cour  de  l'dcole  maternelle  et  propriété  du  Borcaa  d» 

DéIit>ération  municipale.  34  germinal  an  II. 


—  520   -~ 

20  mal  1792,  on  dccîde  de  s*affilier  avec  les  clubs  les  plus  voi- 
sins et  avec  tous  ceux  qui  en  font  la  demande  :  Rousset, 
Peynier,  Kuveau,  Rians,  Periuis,  Aubagne.  Aix,  Roqucvairc, 
elc*  Lorsque  l^aiiiliation  est  accordée,  chaque  société  délivre  à 
sa  société  sœur  un  acte  qui  le  constate» et  ainsi  setablîssem  des 
liens  d  amitié,  de  civisme  entre  toutes  les  sociétés  de  ce  genre 
organisées  sur  notre  territoire;  une  correspondance  active 
sY'chaiif^e  entre  elles. 

Il  arrivait  souvent»  auirctbis»  que  d  anciennes  rîvalitcs  sépa* 
raient  deux  pays  voisins.  Trets  et  Peynier  avalent  eu,  avant  U 
Hévolulion,  de  longs  procès;  le  désaccord  entre  ces  deux  com- 
munautés s'était  communiqué  aux  habitants,  La  Société  de 
Peynier  envoie  une  délégation  de  neuf  membres  pour  venir 
solliciter  l'aOîliaiion  avec  celle  de  Trets  (10  avril  179a).  Dion- 
ville,  qui  en  est  le  porte-parole,  s'exprime  en  ces  termes  :«  Les 
citoyens  de  Peynier,  ces  voisins,  vos  frères  ci  vos  amis»  vicn* 
ncnt  vous  prier  d'oublier  toute  ombre  d'animosité  particulière 
et  individuelle^  s1l  en  existe.  Quel  plaisir,  messieurs,  plus  doui 
que  celui  de  s'aimer  réciproquement  tes  uns  et  les  autres, quelle 
force  plus  imposante  pour  soutenir  notre  liberté,  que  l'union  et 
la  concorde.  Comme  patriotes,  nous  devons  être  unis  éternel- 
lement; comme  hommes,  nous  ne  formons  qu*une  seule  e< 
même  famille;  nousde\'ons  être  donc  tous  unis.  El  nous  ve- 
nons  vous  apporter,  au  nom  de  tous  les  citoyens  de  Peynier» 
notre  affiliation  et  le  baiser  fraternel  s*. 

Lafriliation  est  accordée,  ce  qui  est  le  premier  pas  dans  la 
voie  de  l'union.  laquelle  se  trouvera  défmiiivemeni  scellée  à  la 
fin  des  deux  démarches  suivantes  : 

Un  dimanche  de  mai,  une  députation  de  Peynier  est  venue 
au  sein  du  Club  iretsois  *  renouveler  ses  sentiments  d  amme 


*  Séance  da  n  mai  17(^1. 


—    D21    — 

ei  étouffer  ainsi  tous  les  diftérends  qui  avaient  agité  les  deux 
pays.  Klle  fut  re^^ue  avec  toutes  les  marques  d'intimité  et  de 
fraternité  dont  sont  capables  de  faire  état  les  patriotes  de  Trets. 
Et  notre  Club  *,  pour  témoigner  sa  bonne  volonté  évidente  à 
^  s'unir  pour  terrasser  tous  les  citoyens  qui  oseront  donner  la 
moindre  ombre  d'inimitié  contre  la  patrie»,  envoie  à  son  tour 
une  délégation  composée  de  Rey,  juge  de  paix  ;  Remusat  et 
Gicloux  Mathieu,  à  laquelle  même  pourront  se  joindre  tous  les 
membres  qui  le  désireront. 

Les  Marseillais  répondent  au  vœu  des  clubistcs de  Trets*. — 
«  Marseille,. le  26  mars,  Tan  4*  de  la  liberté.  Frères  et  amis, 
recevez  ce  pacte  d*union  et  d*amitié  que  nous  accordons  aux 
vrais  soutiens  de  notre  libertéet  aux  zélés  défenseurs  des  droits 
de  l'homme  :  les  sentiments  qui  vous  animent,  les  principes 
que  vous  suivez  vous  l'ont  fait  mériter  ;  nous  ne  doutons  point 
que  votre  persévérance  ne  serre  toujours  plus  les  liens  qui  nous 
unissent.  Pour  vous  prouver,  chers  amis,  notre  entier  dévoue- 
ment et  l'intérêt  que  les  Marseillais  prennent  et  prendront  tou- 
jours à  ce  qui  vous  regarde,  il  suffira  de  vous  dire  que  vos 
désirs  sont  pleinement  satisfaits.  Nous  sommes  fraternellement 
frères  et  amis.  Signés  :  Allemand,  Guinot,  Jullien,  Perrachc, 
Allier,  Féraud  ». 

Ft  voici  Pacte  d'aifilialion  contenu  dans  la  lettre  précé- 
dente : 

«  Vivre  libre  ou  mourir.  —  Comité  de  correspondance.  — 
District  de  iVlarseille.  —  Nous  soussignés,  président  et  secrétaire 
de  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution,  établie  à  Marseille, 
tant  sous  ce  titre  que  sous  celui  d'Assemblée  patriotique,  lan 
premier  de  la  liberté  et  le  1 1  avril  1790,  en  vertu  de  la  délîbé- 


«  Séance  du  20  mai  179a. 
»  Registre  du  Club,  p.  8. 


ration  de  celte  société,  en  date  du  24  tîiars  1792»  avons  doflné 
acte  d'affiiiation  à  nos  frères  de  la  société  des  Amis  de  la  Coov- 
tilution,  établie  à  Trots,  département  des  Boiiches-du-Rhônc, 
Nous  prions  nos  frères  de  tous  les  dcparlemenls  du  royaume*, 
de  les  admettre  en  celte  qualité,  notre  Société  ayant  arrêté  pa- 
reille admission  pour  tous  les  membres  des  sociétés  de  ce 
^enrc.  A  Marseille»  Tan  4*  de  la  liberté  et  le  24*  du  mois  de 
mars  1792  ^.  —  Signatures  les  mômes  que  ci-dessus, 

La  Société  de  Marseille  jouit  d*unc  fjrande  iniluence  sur  U 
nôtre.  Bien  souvent,  cette  dernière  la  consulte,  afin  que  ses  ac- 
tes soient  toujours  conformes  aux  devoirs  qui  lui  incombent 

Depuis  le  20  mars,  notre  Club  possède  Tactc  d*afHliatioa  Je 
la  Société  aixoise,  Les  Amis  de  la  Consltiulion,  dit  /es  Ànth 
politiques,  siégeant  aux  Bernardines*  Rcy,  dans  une  harangue 
enflammée  \  avait  engagé  ses  camarades  à  solliciter  cette  affi» 
liation  et  cinq  délégués  setaiciil  rendus  à  Arx  pour  présenter li 
demande. 

Cest  avec  une  insistance  toute  particulière  que  le  Clitb 


^  L'acte  d'atliliation  accorde  à  la  Société  de  Kuveau  pût  leClobdeTrrti. 
porte  de  la  Hépubiiquc.  —  Séance  du  i"  nov,  1798.  M  en  sera  déforoitis 
ainst  pour  tous  Ic5  autres. 

•  Voici  la  motion  présentée  par  Rey,  juge  de  paix  et  membre  de  rift> 
semblée  : 

«  Frères  et  amis»  jamAis  il  ne  fut  une  occasion  plus  favorable  qiM  lad^ 
termj nation  de  tous  nos  concitoyens  pour  déconcerter  cntierctntnt  le> 
ennemie  de  la  Constitution.  Il  me  parait  que  c'est  là  Je  vieo  f^^énérài*  mif» 
pour  en  donner  des  preuves  non  équivoques,  nous  ne  devons  pif  nous 
borner  simpicmcfii  â  des  paroles.  Kn  conséquence,  sollicitons  une  affilia, 
tion  avec  tous  les  clubs  qui  ont  part  â  notre  amour  et  à  notre  rtconnoit- 
sancc.>,  hé!  comment  pournez-vous  différer  plus  longtemps  de  la  de 
CCIIC  afrihaiion,  à  messieurs  les  amis  de  la  Constitution,  dits  les  \iilip 
tiques,  à  Alt  Ne  vous  entends  souvent  publier  leur  venu  ri  vauier  leiF 
patnonsme.  M^lce  là  bien  payer  tout  ce  que  vous  letir  devei?  Mentei 
one  correspondance  avec  eux  ;  ils  sont  les  vrais  partisans   île  û  Réveil»» 


—  523  - 

ircisoib  demande  son  affiliation  aux  Jacobins.  Il  sollicite  le 
concours  de  la  Société  de  Marseille  pour  aboutir  plus  tôt.  Mais 
les  Jacobins  observant  religieusement  leurs  règlements,  ne 
pcu\eni  aflilier  une  société  qu'autant  qu'elle  a  le  suffrage  de 
deux  sociétés  les  plus  voisines  affiliées  à  la  leur,  ou  que  trois 
membres  de  la  Société  de  Paris  appuient  la  demande  accom- 
pagnée de  la  liste  des  membres  et  du  règlement.  Poutu,  vice- 
président,  engage  les  patriotes,  ses  camarades,  ù  avoir  de  la 
persévérance  pour  obtenir,  dit-il.  l'affiliation  après  laquelle  ils 
soupirent.  Fabre  rédigera  une  lettre  aux  Amis  de  Marseille 
pour  les  prier  d'intéresser  à  leur  cause  trois  membres  de 
Paris. 

Il  arrive,  enfin,  cet  acte  tant  désiré.  Cest  un  fait  dune  im- 
portance extrême  pour  les  membres  du  Club  tretsois.  Une  joie 
dcliranie  dut  régner  dans  la  salle  à  la  lecture  des  deux  lettres 
qui  accompagnaient  Tacte  d'affiliation,  l'une  des  Marseillais, 
l'autre  des  Jacobins.  Le  registre,  lui-même,  est  en  fête,  car  c'est 
avec  une  écriture  soignée  et  fîeurie  que  les  deux  lettres  sont 
transcrites,  en  consacrant  une  page  à  chacune  d'elles.  Il  n'y  a 
pas  de  procès-verbal  de  séance,  mais  seulement  bien  en  évi- 


tion  :  CCS  vertueux  citoyens  se  sont  toujours  montrés  les  ennemis  jure^fit 
l'aristocratie.  Kt  toutes  leurs  actions   sont   pour    vous   une  preuve  bot 
cquivoquc  qu'ils  ont  juré  sur  la  foy  de  leur  âme,  d'en  détroire  HiiBK.. 
au  moindre  reste  impur  capable  de  corronpre  quelque  citoyen.  Jt  obl 
donc  d'avancer  rien    de    ir^p    que  de   dire  qu'en  exprimant  mon  «k. 
l'exprime  le  vœu  ;;énéral,  requérant  de  délibérer». 

La  motion  est  approuvée  par  acclamation  :  Si^noret,  maire  :  fim^. 
ex  maire  ;  André  l'ourcin,  ancien  procureur  de  la  commuât  kmm^^. 
officier  municipal,  et  (jautier,  notable,  sont  désignés  pour  i 
du  Club  aixois.  développer  les  sentiments  de  l'assemblée ctaHii 
tîiiation.  — Séance  du  14  mars  1792. 


-524- 

dence,  ces  mots  :  Affiliation  accordée.  L'acte,  lui-même,  o'^ 
pas  inséré*. 

Parmi  celle  pléïade  de  citoyens  actifs  et  dévoués  dont  la  So- 
ciété à  chaque  instant  réclame  le  concours  et  qu*eUe  honore 
de  toute  sa  confiance  pour  les  diverses  ci  importantes  charj^ 
à  remplir,  deux  noms  surtout  sont  à  retenir  : 

Rey,  roraleur  écouté  de  rassemblée,  maire  à  deux  reprises. 
jufje  de  paix,  notable; 

Gasquet,  l'administrateur  ïélé.  maire,  commandant  de  U 
Garde  nationale,  procureur  de  la  commune,  a^ent  national 


*  Voici  ces  étn\  leures  t 

—  M'  les  Amis  de  b  Constitution  k  Trets,  —  Vivre  libre  oa  mourir  — 
Marseille,  le  27  avril  1793,  l'an  j(  de  la  liberté. 

Frères  cl  amis,  c*€si  avec  bien  du  plaisir  que  nous  vous  faisons  pisser 
l'atltliation  des  Jacobins  de  Paris.  No^  vœui  s'accomplis5^ent  toDS  les 
iours.  parce  que  la  famille  de  nos  frères  augmente  selon  nos  cœurs,  pttrot 
que  le  bonheur  de  l'Empire  et  des  patriotes  dépend  de  l'union  dont  001 
diplômes  ^oni  le  sceau.  —  Nous  sommes  cordialement,  frères  et  amis^ls 
membres  du  Comité  de  correspondance. 

Si^nc     :    GuiitoT,    pr<*sldent  ;    Goubdaw.  secrétaire  ;    J.-B**  Ptrià-Uii. 

J.    l£STItf(l»E. 

—  Séance  du  9  avril  1792^  Tan  4'  de  b  liberté.  Société  des  Amis  de  U 
Constitution  séante  aux  Jacobins,  rue  Saint  Honore. 

Paris*  ce  9  avril  r79a»  l'an  4*  de  la  liberté. 

Frères  et  amis,  nous  voyons  avec  satisfaction  le  xèle  dont  vont  êtes  aot- 
més  pour  le  salut  de  li  chose  publique.  Le  bot  de  noire  institution  étja* 
de  propager  le  patriotisme  dans  toutes  les  parties  de  TEmpire,  toutes  les 
sociétés  des  Amis  de  la  Constitution  doivent  s'unir  par  les  liens  de  ta  plm 
intime  fraicrniit!»  et  s'attacher  à  ne  fermer  qu'une  seule  et  roénic  fatntlïe, 
afin  de  travailler  de  concert  à  assurer  le  triomphe  des  lots  et  de  la  Itbeni 

Nous  nous  empressons  de  vous  apprendre  combien  la  Société  a  été  An 
tée  de  vous  axordcrraililtation  que  vous  lui  avez  demandée. 

Heccvc/.  frères  et  amis,  l'assurance  bien  sincère  des  sentiments  d^ettisit 
et  de  fraternité  que  se  doivent  réciproquement  tous  les  amis  de  U  'JU>ittU* 
tntion. 

Président.  Carra  Dtaïur;  A.  Jot»  secréuAtt. 


-  525  - 

mort  victime  des  passions  politiques  sous  les  balles  des  Égor- 

geurs,  le  23  frimaire  an  VIII,  alors  qu'il  était  président  de  * 

l'Assemblée  cantonale.  i 

Voilà,  esquissé  à  grands  traits,  un  tableau  de  mœurs  locales  -1 

à  propos  d'un  de  ces  clubs  appartenant  à  la  grande  fédération 

dont  la  tête  était  aux  Jacobins  et  les  bras  sur  tout  le  territoire  ' 

français. 

Trets,  le  4  mai  190C.  ; 

V.  Teissère. 


1- 

i 


—  527     - 

XXIII 

Le  Blocns  le  Marseille  penilaBt  la  peste  le  1728 

Par  M.  le  Dr  AI«SZ4IS. 

Professeur  à  t École  de  médecine  et  de  pharmacie  deMarseUUy 
membre  de  la  Société  d'Études  provençales. 


La  longue  et  terrible  épidémie  de  peste  qui,  en  1720,  après 
avoir  ravagé  Marseille  et  la  Provence,  s'était  étendue  jusque 
dans  les  Cévennes,  le  Vivarais  et  le  Gévaudan,  pouvait  être 
considérée  comme  éteinte  dans  ses  régions  d'origine,  dès  la  fin 
de  Tannée  suivante. 

A  Marseille,  il  n'y  avait  plus  de  malades  depuis  le  mois  de 
juillet  1721.  A  Simiane,  l'épidémie  était  terminée  le  11  juillet. 
A  AHauch,  le  dernier  décès  eut  lieu  le  i5  août;  à  Auriol,  le 
19  septembre.  Dans  d'autres  localités,  comme  les  Pennes  et 
Septèmes,  les  Pennes  d'Aubagne,  le  fléau  n'avait  plus  fait  de 
victimes  depuis  le  mois  d'avril.  Vers  la  fin  de  Tannée,  on  pou- 
vait croire  la  Provence  délivrée  de  tout  danger.  Cassis  était  dé- 
consigné le  29  octobre;  Aubagne  sortait  de  la  quarantaine  de 
sanié,  le  10  décembre. 

A  Marseille,  les  premiers  mois  de  1722  se  passèrent,  comme 
dans  les  villes  voisines,  sans  accidents  et  peu  à  f)eu  l'activité  de 
SCS  citoyens  réparait  le  désarroi  dans  lequel  l'affreuse  période 
écoulée  avait  jeté  toutes  les  institutions,  quand,  au  commence- 
ment de  mai,  des  cas  de  peste  éclatèrent  de  nouveau. 


"  528  - 

Il  semble  que  l'cpreave  eût  irempé  les  caractères,  car  cette 
^  nouvelle  contagion  î^,  comtTie  on  t'appela,  ne  produisit  pas 
répouvante  et  le  désordre  qui  avaient  accompagné  rancicnne. 
S'il  y  eut  des  défections  regrettables,  surtout,  paraît-iK  parmi 
les  chirurgiens,  la  plupart  des  hommes  chargés  des  affaires 
publiques  firent  leur  devoir  et,  grâce  à  leur  décision  et  à  Tcncr- 
gie  des  mesures  prises»  le  fléau  fut  localisé  et  rapidement 
éteint. 

Dès  le  [I  mai,  M.  Moustiers  ',  premier  échevin,  réunissait 
le  Conseil  et  lui  représentait  que  *  quelques  morts  précipitées 
qu*îl  y  eut  ces  jours  passés î»,  ayant  fait  soupçonner  un  retotlt  ' 
de  la  maladie  contagieuse  dont  la  ville  était  délivrée  depab 
près  de  dix  mois»  MM-  ses  collègues  et  lui  avaient  pris  lotîtes 
les  précautions  possibles  pour  prévenir  les  suites  d'un  mal  ù 
dangereux. 

L  archiviste  Capus^  termine  par  les  lignes  suivameSt  qui  ré-  | 
su  ment  la  nouvelle  contagion,  le  Registre  de  peste  où  soût 
contenues  toutes  les  pièces   concernant  Tépidémie  de   » 71*0  a 
1722. 

M  Le  renouvellement  du  mal  contagieux  n  a  point  Imit  de 
progrès  dans  la  ville,  quoyqu'il  ave  duré  depuis  le  mois  de 
may  1722  jusques  au  16  du  mots  d'aoust  suivant,  ce  n'a  pas 
esté  une  rechute  de  la  première  peste,  mais  une  nouvelle  peste 
qui  est  venue  d'Avignon.  Elle  a  particulièrement  paru  dansU 
rue  de  la  Croix-d'Or  \  où  il  y  a  eu  plusieurs  maisons  infectées 


*  Arch,  municipates.  Reg.  des  Délibérations.  1**  janv.  t?»»  p-  6a 

*  Arch.  monjcipales.  Registre  de  pcsie  où  sont  contenues  les  «ïfdoih 
niticcs  de  police  faites  par  tes  Kchevins*  les  Déhbéraiiont»  Lettres  du  Kûi. 
etc.,  et  généralement  tout  ce  qui  a  quelque  rapport  à  ïu  contagion  de  C*^ 

*  Petite  rue  aJlioi  actuellement  de  la  rue  Coutellerie  à  lame  Chetalitf* 
RûM. 


^■^9  - 

tais  par  la  misL-r icordede  Dieu  et  parles  bons  ordres  quil  y  a 
eu,  le  mal  n'a  pas  tait  de  grands  ravages,  n'estant  pas  mort 
dans  trois  mois  que  le  mal  a  duré,  deux  cent  cinquante  person- 
nés  atteintes  ou  suspectes  de  la  maladie  contagieuse  »  * 

Dès  la  reprise  du  mal,  la  ville  rétablit  les  postes  et  les  barriè- 
res qui  étaient  destinés  à  exercer  une  étroite  surveillance  surles 
communications  avec  lextérieur.  Ces  postes  avaient  été  sup- 
primés, car  le  22  avril  1722,  nous  voyons  une  expertise  Faite 
par  les  sieurs  Chape  et  Carlet,  évaluer  les  dommages  que  la 
barrière  établie  sur  le  chemin  d'Allauch  avait  occasionnés  h  la 
campagne  de  Jean  Amphoux.  Fixée  à  404*12,  savoir  25i'j2 
pour  la  Communauté  d^Allauch  et  i53'  pour  celle  de  Marseille, 
rindemniié  avait  été  payée  par  celle-ci,  le  2  mai  suivant  ', 

Dès  le  10  mai,  les  troupes  campées  a  la  Chartreuse  de  Mar- 
seille ',  reprenaient  les  corps  de  garde  et  les  barrières  de  Sep- 
lèmes,  la  Gavotte,  la  Bégudc.  Brayc  de  Camp»  la  Bastidonne, 
Châieau-Gombert  ei  Lestaque  *. 

11  y  avait  une  autre  barrière  au  FriouL 

Mais  ce  qui  fut  spécial  à  l'épidémie  de  1722,  c'est  le  blocus 
du  terroir  de  Marseille  par  une  ceinture  de  troupes  saines,  en- 
voyées par  les  Procureurs  de  la  province  et  interceptant,  du 
côté  de  la  terre,  toute  communication  avec  les  pays  voisins. 

L'extension  foudroyante  du  mal, en  1720,  n'avait  pas  permis 


*  [.e  même  archiviste  estime  à  40.000,  ou  environ,  tes  victimes  de  l'an- 
cienne coniagton  à  Marseille  et  dans  son  terroir. 

>  Arch    municipales.  Peste  de  1720,  année  1792,  canon  n"  10. 
'  Ces  troupes  comprenaient  douze  compagnies  des  régiments  de  Flandre 
et  de  Brie. 

*  État  général  de  ta  fourniture  du  bois  fane  par  la  Communauté  aui 
troupes  du  Roy  campées  à  ta  Chartreuse  ou  détachées  à  diïîérenis  postes 
pour  la  garde  des  Barrières  du  Terroir  depuis  le  10  may  1712  jusqu'au 
7  iaovier  1723.  —  Arch.  municip.  Peste  de  1720,  année  i7aa,  carton  n*  10. 


coHoais.  —  34 


53o 


de  recourir  à  cctie  mesure,  ou  plutôt,  c  est  sur  la  Duraact: 
sant  face  à  toute  la  Provence  pestiférée,  qu'avait  été  tardire- 
ment  établie  la  ligne  du  blocus. 

Le  nouveau  loyer  qui  éclatait  au  printemps  de  172a,  daas 
notre  ville»  fut  rapidement  éteint,  mais  il  faut  tenir  compte* 
pour  apprécier  retlicaciiédu  blocus,  des  conditions  particuliè- 
rement favorables  du  moment,  La  virulence  du  fléau  paratsssit 
atténuée  et  surplace  nos  concitoyens Tavaieot  attaqué  avec 
promptitude  et  énergie. 

Les  documents  qui  nous  permettent  de  décrire  le  blocus  de 
1722  sont  incomplets.  11  est  à  peu  près  certain  qu'il  fur  ordonne 
par  riniendantde  Provence,  Le  Brei,  mais  je  n'ai  pas  trouve 
dans  nos  Archives  locales  l'acte  qui  fixait  la  date  de  son  éti» 
blissement.  pas  plus  que  celle  de  sa  suppression.  On  sait,  en 
effet,  que  les  papiers  de  Le  Bret,  qui  étaient  sa  propriclc, 
comme  ceux  de  tous  les  Intendants,  ont  été  emportés  par  lui  à 
Paris  et  sont  à  la  Bibliothèque  Nationale,  ^H 

Nous  avons,  grâce  à  quelques  pièces  importantes,  le  tracé  « 
blocus  et  des  détails  sur  son  fonctionnement. 

Ces  pièces  sont  *  : 

r  Le«  Proces-verba!  de  la  visite  faite  sur  la  ligne  du  blocits 
de  Marseille  par  M.  le  marquis  de  Bargêmc»  premier  procurtar 
du  pais»  despuis  le  5  juin  jusques  au  lo  dud.  mois  i/aa  ^, 

2*  Un  relevé,  sans  autre  date  que  le  millésime  et  sans  signa* 
turc,  des  baraques  à  faire  le  lon^  de  la  ligne  du  blocus.  J*a»  lieu 
de  croire  que  cette  pièce^qui  a  peut-être  été  faite  après  untYisîtf 
des  postes,  analogue  à  la  précédente,  est  postérieure  à  la  pr^ 
mière. 

3*  La  convention  pour  la  fourniture  du  bois  ei  de  la  peiUe 
aux  postes,  du  xvj  juin  1722, 


Archives  dëpartementiles*  C  910 


53i  -- 

4*  Les  insiruciions  pour  les  employés  au  bureau  de  la  santé 
liabli  par  la  Province  à  la  barrière  de  Seplèmes, 

Quand  on  jeiie  les  yeux  sur  une  cane  des  environs  de  Mar- 
seille, on  voit  que  son  lerroir^qui  est  bordé  par  la  mer  à  l'ouesi 
Cl  au  sud,  est  entouré  du  côté  de  la  terre  par  une  série  de  col- 
lines plus  ou  moins  importantes.  A  Test,  c*est  le  massif  de 
Carpiagne,  au-delà  duquel  est  Cassis-  H  est  séparé, au  nord,  par 
la  vallée  de  rHuveaune,du  Garlaban,  auquel  font  suite,  trans- 
versalement étendues  vers  Touest.  la  chaîne  de  TÉtoile  avec  le 
pilon  du  Roi  et  les  collines  delà  Nerihc  qui  se  prblon^ent  jus- 
qu'aux Martigues,  entre  la  mer  et  l'étang  de  Berrc. 

La  ligne  du  blocus  s'étendait  de  Cassis  aux  Martigues,  en 
passant  par  Aubagne  sur  TRuveaunc,  Allauch,  aux  pieds  du 
Garlaban,  Stmianeau  nord  de  la  chaîne  deTÉtoileJes  Pennes 
et  Gignac  sur  le  versant  nord  de  la  Nerthe.  Carry,  au  bord  de 
la  mer,  sur  le  versant  sud  des  mêmes  collines. 

Les  postes  étaient  divisés  d'après  les  terroirs  qu'ils  occu- 
paient. 

Le  terroir  de  Cassis  comprenait  dix  postes  :  au  bout  du 
Port,  à  Notre  Dame  de  Port-Miou,  au  Pas  de  la  Reyne,  à  TOra- 
toire,  au  vieux  chemin  de  Marseille,  au  Valon,  à  la  Confé- 
rence, au  four  à  chaux,  au  chemin  d'Aubagne.au  Mussuguet,  * 

Le  terroir  d'Aubagne  comprenait  onze  postes  établis  du  côté 

de  Cassis,  à  un  autre  endroit  du  Mussuguet,  au  col  de  la  Ca- 

i^brette,  à  la  Girarde,  au  Veneau.  au  chemin  de  la   Penne,  au 

Ireisseau,  a  la  barrière  d'Aubagne  ;  du  côté  d'Allauch,  à  TAu- 

lône,  au  Pin,  à  laGrassiane,  à  RieusateU 

Le  terroir  d'Allauch  avait  vingt-sept  postes  qui  s'étageaient 
^au  pied  du  Garlaban  et  sur  le  plan  méridional  de  la  chaîne  de 
l'Étoile,  Ils  étaient  situés  :  au  Gourd  de  Roubaud.  au-dessous 


*  On  a  conservé  [  ortbûgrtphe  qui  se  trouve  dans  les  documents  ciléi. 


-  532  - 

de  la  Treille,  au  valon  de  Marihclène,  à  Helon,  à  Babarrâu, 
au-dessus  de  la  Cluae,  à  lambn^ous.  enire  les  3  lus  *ou  lieux) 
et  le  lambrigous,  aux  trois  lus,  à  la  langouste,  à  pont,  au  valon 
de  Saint-Jacques,  au  valon  de  Cauvîn,  à  la  porche,  à  la  bas- 
lide  du  S'  Brouillard,  à  la  basiide  de  Tisseran.  à  la  barrière  de 
la  Bé^»ude,  au-dessus  de  Jarret,  au  Mazage,  à  la  Nonciadc,  au 
Gmiau,  à  Prentc^i<ardc,  au-dessus  de  la  Grave»  entre  la  Grave 
Cl  le  Grinoiier,  à  la  lasse  des  rtouïdes,  au-dessus  de  la  lasse 
des  Houïdes;  il  y  avait  un  dernier  poste  sans  nom  vers  S» 
miane.  ' 

Le  terroir  de  Simiane  comptait  sept  postes  distribues  dans 
le  massif  de  l'Étoile  :  à  la  hauteur  de  la  descente  de  Simi^ne; 
au  bout  du  vallon  des  HouFdes  sur  la  hauteur,  à  la  grande  ci 
à  la  petite  Étoile»  au  plus  bas  coulei  de*Sanguin,  à  la  hauteur 
de  la  commune  de  Garavagne»  a  la  hauteur  de  Seplemcs  de 
Garavagne. 

Sur  le  terroir  des  Pennes»  on  comptait  seize  postes  échelon 
nés  entre  TÉtoile  et  la  Nerthe  et  fermant  la  principale  rouie 
d*Aix,  Ils  étaient  situés  :  entre  Simiane  et  Septèmes.  dans  U 
plaine  de  Sepièmes,  au-dessus  de  la  chapelle  de  Septèmes,  à  k 
chapelle  dessus  la  barrière»  à  la  barrière  de  Septèmes,  au  scih 
lier  de  la  Bedoule,  auprès  deTian  sur  la  montagne,  entre  Tiaii 
et  la  Gavotte,  à  la  Gavotte,  au  Moulin  du  Diable»  à  la  ni 
gnedu  Moulin  du  Diable,  à  la  Grand-Gache,  au  clan  de  4"..-. 
gugne,  au  sommet  de  la  montagne  de  la  Margaridcite,  ou 
Bourbon  entre  deux  petits  chemins,  à  la  hauteur  de  la  dré  Je 
mou  r  rage. 

Sur  le  terroir  de  Gignac,  il  y  avatt  dix  postes.  Les   prc 
occupaient  la  Nerihe:  à  la  hauteur  de  la  Monedière.  au 
du  grand  Vallon,  au  pas  de  Lcscalier,  à  la  hauteur  de  Ck 
hier,  au  Rove,  Les  autres  longeaient  la  mer  depuis  le  port  de 
la  Courbière  jusqu'à  la  Madrague  de  Gignac.  Ils  éuîeni  ctiUi» 


—  533  — 

au  port  de  la  Viste,  au  port  de  Nioulon  et  à  un  «  petit  port  où 
il  y  a  une  cabane  de  pécheurs  dit  Méjean  ». 

La  côte  était  gardée  par  trois  autres  postes  sur  le  terroir  de 
Carr\%  à  Notre-Dame  du  Rouet,  à  Carr)'  et  à  Sausset,  et  par 
quatre  postes  sur  le  terroir  des  Martigues,  à  la  chapelle  Sainte- 
Croix, à  laCouronne,  auportdeBouniou  et  au  portduPouteau, 

Les  postes  étaient  occupés  par  des  soldats  d'infanterie  du 
Royal- Rossillon  et  des  Arquebusiers,  auxquels  étaient  adjoints 
un  certain  nombre  de  paysans  fournis  par  les  communautés 
voisines. 

Chaque  poste  comprenait  un,  deux,  trois  soldats,  dix  ou 
douze  au  maximum,  que  Ion  renouvelait  de  cinq  en  cinq  jours, 
ei  même  nombre  de  paysans.  Tantôt  paysans  et  soldats  étaient 
en  nombre  égal,  tantôt  en  proportion  inverse.  Aux  barrières, 
il  n'y  avait  le  plus  souvent  que  des  soldats,  au  nombre  de  dix  à 
douze. 

En  comparant  les  deux  relevés  de  l'état  des  postes  qui  nous 
sont  parvenus,  on  voit  que,  d'une  époque  à  l'autre,  le  nombre 
des  soldats  et  des  paysans  était  assez  variable. 

Dans  les  petits  postes,  les  soldats  n'avaient  pas  de  chefs  ;  ail- 
leurs, ils  étaient  commandés  par  un  sergent  ou  un  officier.  En- 
fin, Royal-Rossillon  et  Arquebusiers  alternaient  avec  les  ter- 
roirs. Ainsi,  Cassis  avait  deux  compagnies  du  Royal-Rossillon ^ 
soit  soixante-quatre  hommes,  commandées  par  les  capitaines 
d'Outre  et  Nègre^,  tandis  que  les  postes  d'Aubagne  étaient 
occupés  par  des  Arquebusiers,  sauf,  cependant,  la  barrière  de 
Brave  de  Camp,  où  il  y  avait  un  officier  et  neuf  grenadiers  de 
Royal  Rossillon.  Sur  les  terroirs  d'AUauch  et  de  Simiane,  la 
garde  était  faite  par  un  bataillon  d'Arquebusiers,  commandés 
par  le  capitaine  Destorres;  sur  celui  de  Septèmes,  par  le  Royal- 
Rossillon  ;  sur  ceux  de  Gignac,  Carry  et  Martigues,  par  les  Ar- 
quebusiers, sous  le  commandement  du  vicomte  de  Lio. 


I. 


1» 
1 

! 


\Vù 


f 


-534- 

Les  postes  étaient  souvent  installés  dans  des  fermes  ou  des 
bastides,  surtout  dans  les  parties  de  la  ligne  qui  traversaient  des 
régions  cultivées  et  habitées.  Ainsi,  entre  Aubagne  et  Allauch, 
dans  la  vallée  de  THuvcaune,  où  passe  la  route  de  Toulon,  sur 
cinq  postes,  quatre  occupaient  des  bastides,  tandis  qu'entre 
Aubagne  et  Cassis,  on  n  avait  trouvé  que  la  bastide  de  la  veuve 
Coste.  Sur  le  terroir  d'Allauch,  la  plupart  des  postes  étaient  éta- 
blis dans  des  bastides.  Au  gourd  de  Roubaud,  on  avait  utilisé 
une  bergerie,  dont  le  couvert  avait  seul  nécessité  quelques  ré- 
parations, d'ailleurs  faciles,  parce  qu'il  y  avait  des  tuiles  sur  les 
lieux.  On  ne  retrouve  plus  de  bastides  jusqu'au  Rouet,  Carry, 
Sausset  et  la  chapelle  de  Sainte-Croix.  Ailleurs,  on  installait 
des  tentes. 

Dans  son  voyage,  le  marquis  de  Bargème  indique  que  nom- 
bre de  postes  doivent  en  être  pourvus,  car  jusque-là,  c'csl- 
à-dire  aux  premiers  jours  de  juin,  les  soldats  étaient  sans  abri. 

Dès  cette  époque,  on  avait  construit  en  maints  endroits,  no- 
tamment aux  environs  de  Cassis,  des  baraques  en  pierres 
sèches,  couvertes  de  tuiles. 

M.  de  Bargème  signale  qu'à  certains  postes,  il  est  nécessaire 
de  substituer  des  baraques  aux  lentes,  par  exemple  au  Revau. 
près  de  Cassis,  parce  que  le  terrain  ne  permet  pas  de  planter 
des  piquets. 

Il  sembicque  plus  lard  on  aitcomplètementrenoncc  aux  tentes 
«qui sont  toutes  en  picsses  par  les  grands  vents  »,  comme  ledit 
le  second  document  que  j'ai  cité,  et  dont  «  les  piquets  ne  seau- 
roicnt  tenir  où  elles  sont  portées  »  '.  11  est  alors  question,  peut- 
être  à  la  suite  d'une  nouvelle  inspection  de  la  ligne,  d'établir 


*  Ce  document  parait  postérieur  au  voyage  de  M.  de  Bargème,  patiqo'ïl 
déconseille  l'usage  des  tentes  que  le  premier  Procureur  du  pays  préccMi- 
saii  encore. 


---  535  - 

des  baraques  en  pierre  partout  où  il  n'y  a  pas  de  bastides  ou 
de  fermes.  Le  relevé  anonyme  indique  le  nombre  des  bara- 
ques à  faire,  celles  qui  sont  à  réparer  et  celles  qui  servent. 

La  construction  et  Tentretien  des  baraques,  au  nombre  de 
quarante  neuves  et  de  six  à  réparer,  étaient  a  la  charge  des 
communautés  «  tant  celles  où  la  ligne  passe  dans  leur  terroir  oïl 
celles  qui  sont  voisines  de  la  ligne  et  qui  aydaient  les  autres.  » 

Ainsi    Aubagne    avait  4  baraques  à  faire,  i  à  réparer. 

Allauch                     —  II  — 

Gardanne,  p'  ayde  —  2  —               i      — 

Simiane                    —  4  — 

Bouc,  pour  ayde      —  i  —               2      — 

Cabriès                     —  i  — 

Les  Pennes              —  3  — 

Marignane,  p'  ayde  —  3  — 

Châteauneuf,p'ayde —  3  — 
Carry                        —                                    i 

.    Martigues                 —  i  — 

Chaque  poste  était  pourvu  de  paille,  de  bois  et  d'un  petit 
tonneau  ou  barrique  à  tenir  Peau.  Les  officiers  avaient  droit  à 
un  lit  consistant  en  «  un  matelas,  garde-paille,  traversier,  lin- 
seuls  et  couvertures  ». 

La  fourniture  de  la  paille  et  du  bois  fut  assurée,  à  dater  du 
2o{uin,  par  les  sieurs  Jean  d'Aubagne,  Barnouin  d'Aixet  Michel 
d'Ailauch,  en  vertu  de  la  conviention  suivante  passée  avec  les 
procureurs  du  pays,  le  16  juin  1722,  c'est-à-dire  peu  après  le 
retour  de  M.  de  Bargème. 

Jusque-là,  les  postes  étaient  peut-être  fournis  par  les  loca- 
lités voisines,  mais  je  nai  pas  trouvé  de  renseignements  à  cet 
égard  : 

m  A  esté  convenu  entre  Messieurs  les  Procureurs  du  pays, 
d'usé  part, et  sieurFrançois  Jean,  bourgeois  du  lieu  d'Aubagne, 


in.v^R':  ♦  '^un*  i;nnj.  uî-  ;.  Tîer  L'-TTur  las:  Aiiiru;iies.:3jnjaii: 
ytoi*:,  HM  >i/it  ti*:^  ?mn);^^os^î:?.  uie  ut  -7:1  ?:  au  iMirromrjaKrcL 
Wiiu  ;*  >p»iî.  T  ui^ftUw?:;;  wuî-  V\er^;>e2Ji^  es:  Imiunsin;  .tu  lairs 
M  if.ti\7in#?ntnf'  ♦iuH?rni;nr.  li  juinitiurt  m  il  xuileL  ^fira  aiie^ 

sMv^ ,  *:  t*  ^f',*  i'jvf  >ir.i>  ^vv*,  jJir ji»  jTn^vnc^L.  i  xi j:  .rem  isns 
»?  vu«»i»M  >p'  if  -îî^^irw*.  uu  «:n  lutvt  a;ir  ù  TTumi^m  il  ii^rm  <±l 
^îr»  .iij'^i4  V*  yniM.'r't  .!.vni  mumûitiK  t2s*i.  îsuuîa&  unira  ivnu- 

'«^  :iJ  J^«;;*v:  ;»»«^v4^v  Jî:i;ti  hvrwjiXi  SX  ^^linïaii.  iimimrsr  ^nihn-- 
vv**;-  »•■;    ;«.*** vin  .iv  '*'^;h.jw.  Aubitiint:.  AliamTtj  £:  SsniàiKSv 

♦tn-fii  ♦^'^vfjti*'  j.'4i.r  ^t'i'î-'t^un  Ji:i  J-^rcjcurrirr*'  iu  pFi^  ^a  sera 

1)  »ft  t  j^vuf  •  h<r^<^^;  y/l'a<j''  k  1/rJl  pour  thaqot  lour.  De  pni  sera 
j>j»4  |>vt  U<  j.'fv^  10'  «r  -y  t.^i;/yn  dt  vjnl  quatre  ^ol<^  k  quîntal  sur 
Je  pu-j  «jt  ;,  frw  Lir-i.  < j g  m^ijfjf  dt  la  li;;nc  el  cen.] iicai des olfiders 

*,'Minfi<'tyUnt  p>gf  );^  \i\T^i^m. 

êf  '*f  W  «  t-1  j/fol^ilx/iu»  dn:+  sieurs  Jean.  Barnouin  et  Michel  de 
I  ^*,t^  <7^  4i'^}U^  4H%  oflKJcrs  Cl  soldais  lad.  fourniture  de  bois 
«.<  \ms\\K  ^fH^  '\hkV\uk  prétexte  que  ce  soit. 

^  4*  (k  î>''>bli^*.*nl  de  faire  l'avance  du  montant  de  lad.  four- 


-537- 

niture  pendant  un  moys.au  boutduquel  la  liquidation^sera  faite 
sur  le  pied  des  reveûes  et  certificats  comme  est  dit  cy-dessus  et 
mandat  expédié  auxd.  sieurs  Jean,  Barnouin  et  Michel,  par 
MM.  les  Procureurs  du  pays  sur  lequel  ils  seront  payé  et  la 
fourniture  et  payement  seront  ainsy  continués  de  moys  en 
moys  tant  que  lad.  fourniture  durera. 

«  5*  Si  MM.  les  Procureurs  du  pays  trouvent  à  propos  de  faire 
fournir  du  bois  aux  postes  du  blocus  qui  sont  sur  les  terroirs  de 
Simiane,  Septèmes,  Gignac,  Carr}\  Chàteauneuf  et  les  Marti- 
gues,  lesd.  sieurs  Jean,  Barnouin  et  Michel  seront  tenu  de  faire 
lad.  fourniture  aux  prix  et  conditions^i-dessus  convenus. 

«  6*  La  fourniture  des  bois  et  paille  commensera  du  vint  de 
ce  mois,  duquel  jour  lesd.  sieurs  fournisseurs  seront  payes. 

«  La  presante  fait  double  à  Aix,  ce  seize  juin  mil  sept  cent 
vint  deux. 

«  Babgueme,  p'  p'  du  pays  ; 

«  De  Paule,  C.  d'Aix,  p'  du  pays  ; 

«  Cabnaud,  Consul  d'Aix,  Proc.  du  pays. 

«  Jean,  Michel,  Barnouin  *. 

Les  autres  fournitures  et  sans  doute  le  ravitaillement  étaient 
demandés  aux  Communautés  les  plus  proches  des  postes. 
Ainsi,  M.  de  Bargème  expédia  de  Marignane  un  ordre  au 
vicomte  de  Lio  sur  la  communauté  de  Martigues,  pour  four- 
nir au  poste  de  la  Madrague  de  Gignac.  i  lit  et  2  barriques  ; 
au  poste  de  Méjan,  2  barriques;  au  poste  de  iNiolon,  1  lit  et 
2  barriques  ;  au  logis  du  Rove,  5  barriques,  que  Tofticier  occu- 
pant ce  poste  devait  distribuer  :  2  au  poste  de  Corbière,  i  au 
poste  de  la  Colombière,  1  à  celui  du  pas  de  Lescalier,  1  à  celui 
des  buissesduGrahd- Vallon.  LesConsulsdes  Maaigues étaient 
chargés  de  retirer  un  reçu  de  ces  effets  de  ceux  auxquels  ils  les 
remettaient  et  de  recouvrer  le  tout  quand  la  garde  du  blocus 
finirait,  à  «  peyne  d'en  répondre  en  leur  propre  >►. 


i  Vs 


'    -S! 


vm 


10 


-^  538  ^ 


poste  de  la  Corbicre,  qui  eu  il  situe  prcs  Au  Houei.  su 
bord  de  la  mer  et  émit  dépourvu  d'eau  douce,  la  commune  du 
Rove  avait  re^^u  I  ordre  de  M*  de  Bar^'ème  d*apportcr  chaque 
jour  pour  les  soldats  une  charge  d  eau  douce 

Nous  avons  déjà  plusieurs  fois  cité  la  tournet:  dinspcciiof} 
que  fit  le  long  du  blocus  le  premier  Procureur  du  pays;  ilcfcl 
temps  de  le  faire  plus  longuement.  Cetic  tournée  ne  fui  pro- 
bablement pas  la  seule.  Le  procès-verbal  qui  en  est  conservé 
in-exlenso  aux  archives  départementales  est  întéres.^nt  pour 
rhistoirc  du  blocus. 

«c  François  de  Ponicvcs,  chevalier,  seigneur  de  Bargèi 
Saint- Laurent,  Bromes,Tournon  etautres  lieux,  premier  consul 
d'Aix  et  premier  procureur  du  pays,  en  suite  des  intentions  de 
M.  le  marquis  de  Brancas.  lieutenant  général  des  armées  da 
Roy  en  Provence,  et  suivant  la  délibération  verbaliemcul 
prise  le  4  juin  par  les  Procureurs  du  pays,  partit  d*Aix  le  Ico» 
demain  pour  visiter  les  postes  de  la  ligne  du  blocus,  en  com* 
pagniede  M.  Jean-François  Ricard,  greflier  en  survivance  des 
États,  suivis  de  Sébasucn  iMangarei,  trompette»  serviteur  du 
pays.  Ils  allèrent  coucher  à  Aubagnc,  et  le  6,  après  a%'oîr  dtné 
à  Cassis,  ils  visitaient  les  postes  du  terroir  et  ceux  d'Aubagne 
jusqu'à  la  barrière  de  Brave  de  Camp.  Ils  couchaient  à  Auba- 
gne  et»  le  7,  visitaient,  dans  la  matinée.  les  postes  qui  les 
raient  d'Allauch.  Le  capitaine  Desiorrcs  était  venu  les  rc 
dre  dès  leur  entrée  sur  le  lerroîr  de  cette  ville  et  s'était  ofFcrt  de 
les  accompagner.  Apres  avoir  diné  et  pris  quelque  repos  i 
Allauch  sur  les  irois  heures  de  l'aprcs-midy.  ils  poursutvaicnl 
leur  visite  par  le  poste  de  Garrci  et  venaient  «  prendre  leur 
retraite  au  château  du  lieu  de  Simiane  ».  Le  8  juin,  ils  parcou*^ 
raient  les  huit  postes  du  terroir  de  Simiane,  puis  ceux  de  Sep- 
lèmes.  Le  diiter  avait  lieu  a  la  barrière  de  Scptcmes,  mailles 
voyageurs  ne  communiquaient  pas  avec  les  postes  qui  1  entoy^^ 


—  539  - 
raient,  parce  qu'ils  étaient  gardés  par  des  troupes  du  régiment 
de  Brie  en  garnison  à  Marseille.  La  journée  était  employée  à 
visiter  le  terroir  des  Pennes  et,  le  soir,  on  couchait  au  château 
des  Pennes  où  le  vicomte  de  Lio  venait  visiter  les  nobles  voya- 
geurs. Le  9  juin  au  matin,  accompagnés  par  le  vicomte,  ils 
inspectaient  le  terroir  de  Gignac,  dinaient  au  Rouet  et  attei- 
gnaient la  côte  à  Courbiere.  Ils  passaient  au  port  de  la  Veste, 
où  les  habitants  de  Marseille  venaient  «  journellement  avec  de 
petits  bateaux  prendre  du  bois  pour  Tusage  de  leurs  fours  »,  et 
après  avoir  suivi  la  mer  jusqu'au  Pouteau,  ils  allaient  coucher 
à  Martigues. 

«  Le  lendemain,  lo  juin,  ils  dinaient  à  Marignane,  et  arri- 
vaient, le  soir,  à  Aix,  non  sans  avoir  reçu  de  la  part  des  Consuls, 
dans  les  villes  où  ils  s'étaient  arrêtés,  la  visite  et  les  devoirs 
ordinaires  ». 

M.  de  Bargème,  dans  cette  minutieuse  inspection,  avait 
signalé  de  nombreuses  améliorations  à  apporter  aux  postes, 
qui  étaient  encore  en  bien  des  points  dénués  des  ressources  les 
plus  élémentaires  :  abris,  eau  potable,  chauffage,  couchage  pour 
les  officiers,  pour  les  soldats. 

Il  proposa  quelques  modifications  à  la  distribution  des  pos- 
tes. Ainsi,  le  premier  poste  des  Pennes,  au-delà  du  Moulin  du 
Diable,  ainsi  que  le  poste  suivant  de  la  Grand-Gache,  devaient 
être  «  divisés  en  deux  pour  raprocher  ceux  de  la  droite  et  de  la 
gauche  qui  étaient  trop  éloignés  ». 

Le  premier  poste  du  terroir  d'Aubagne,  du  côté  de  Cassis,  et 
qui  occupait  la  colline  du  Mussuguet,  fut  aussi  trouvé  trop 
éloigné  des  postes  voisins. 

«  Il  conviendroit,  dit  le  premier  Procureur,  que  les  hommes 
qui  servent  ce  poste  fussent  divisés,  dont  cinq  seroient  au  Meu- 
seguei,  en  rapprochant  le  poste  du  cotté  du  terroir  de  Mar- 
seille, qui  est  bien  éloigné,  et  les  cinq  autres  sur  la  montagne 


de  la  Cabreile.  a  lendroii  qui  fêpond  au  poste  suivao 
Girarde  ^: 

Dans  le  terroir  de  Cassis,  qui  n'avait  primitivement  que 
neuf  postes,  celui  qui  confinait  au  terroir  d'Aubagne,  et  qtii 
sicgeait  au  pied  de  la  moniagne  du  Bas-Sérenc.  tut  trouvé  trop 
éloif;nc  ei  un  dixième  poste,  sur  le  Mussuguct,  lut  proposé.  En 
même  temps,  â  la  requête  des  Consuls,  la  li^ne  du  blocus  cuit 
rectifiée  pour  rendre  aux  habitants  une  grande  étendue  iJt 
terrain  qui  leur  ciaii  très  utile. 

Le  poste  qui  était  au  pied  de  la  montagne  du  Bas-S^rcin.  uw- 
vaiiétre  changé  à  la  plaine  qu  on  appelle  Pinède.  Les  habi- 
tanls  de  Cassis  reirouvaieni  ainsi  la  seule  portion  de  leurlei^ 
roir  qui  leur  fournil  le  bois  «t  journellement  nécessaire  pour 
leur  fourg  â  cuyre  pain  ^. 

Cassis  avait  d  autres  doléances  à  présenter  au  sujet  des  prè» 
tendons  du  sieur  d*Omrc,  capitaine  d'une  des  compagnies  du 
Royal  Rossillon. 

La  ville  n'avait  pas  été  comprise  dans  la  répartition,  qui 
avait  été  faîte  par  les  ordres  de  M.  le  marquis  de  Branca»,  dci 
hommes  que  devaient  fournir  les  communautés  voisines  du 
blocus  de  Marseille.  Cassis  avait,  en  eHet,  fourni  des  Komifld 
pour  le  bateau  qui,  armé  à  l^  Ciotai,  croisait  la  mer  pour  évi- 
ter la  communication  des  Marseillais.  Le  sieur  d'Outre,  potir 
soulager  ses  soldais,  obligeait  néanmoins  la  communauté  de 
Cassis  de  lui  fournir  des  hommes  pour  la  garde  des  poMesqcii 
étaient  sur  la  ligne  du  blocus  du  bord  de  la  mer  jusques  au 
terroir  d*Au bagne. 

Ces  exigences  étaient  d'autant  moins  justifiées  qu'rl  >  «,a  .  - 
Cassis  soixante-quatre  soldats»  sans  compter  les  oflkters  G 
qu'on  ne  détachait  pour  les  postes  que  on^e  à  doujcc  soldats 
decmq  en  cinq  jours, 

«  Le  sieur  d'Outre,  ajoutaient  les  Cun^ub, 


èoVntne  éttiparé  du  Aiommandcineni  du  lieu,  il  dispose  et 
ordonne  toui  ce  qui  luy  playt  sur  les  seuretics  qui  sont  k  pren- 
dre pour  la  conservation  de  la  santé  des  habiians  de  la  com- 
munauté et»  par  là,  il  prive  le  Bureau  de  la  Santé  quelle  a  eta- 
bly  du  droit  que  les  habitans  ont  de  veiller  sur  eux-mêmes  à 
l'instar  de  toutes  les  communautés  de  la  Provence  )*. 

M,  de  Bargèrtie  estima  du  reste  que  la  communauté  de  Cas- 
sis avait  exagéré  les  dépenses.  Elle  avait  établi  au  poste  de  la 
Conférence,  à  raison  de  vingt  sols  par  jour,  un  Intendant  de 
santé  qui  ne  paraissait  pas  trop  nécessaire  puisqu  il  n'y  faisait 
autre  fonction  que  celle  de  recevoir,  deux  fois  la  semaine,  les 
lettres  qui  allaient  et  venaient  de  iMarscille,  M.  de  Bargème 
chargea  les  Consuls  de  Cassis  de  supprimer  cet  Intendant 
m  pour  éviter  la  dépense  de  ses  journées  ei  d'en  faire  remplir 
les  fonctions  sans  frais  et  à  tour  de  rolle  par  les  Bourgeois  du 
lieu  en  leur  consignant  les  précautions  nécessaires  pour  recevoir 
et  donner  les  lettres  3^. 

Tout  n'était  pas  encore  dit  sur  le  sieur  d'Outre.  Cassis,  pour 
la  vente  de  ses  denrées,  n'avait  d'autre  commerce  que  celui  de 
les  vendre  et  débiter  dans  le  port»  au  passage  des  mariniers  qu  i 
venaient  y  aborder.  Or»  le  sieur  d'Outre  privait  la  ville  de  cette 
liberté,  «  quoyque  les  Consuls  ayent  offert  de  faire  délivrer  aux 
acheteurs  lesd.  denrées  qui  ne  consistaient  proprement  qu'en 
vin  avec  les  seureités  convenables*  c'est-à-dire  sans  communi- 
quer et  tout  ainsi  qui  se  pratique  dans  plusieurs  endroits  qui 
sont  long  de  la  cote  ^. 

m  De  toutes  ces  représentations,  conclut  M.  de  Bargeme, 
nous  en  avons  chargé  le  présent  procez-verbal  pour  en  être 
rendu  compte  à  M.  le  marquis  de  Brancas  et  fait  rapporta 
l'assemblée  de  MM.  les  Procureurs  du  pays  qui  sera  tenue 
après  le  retour  de  notre  visite  5>, 

Une  question  d  ordre  plus  général,  dont  llnspecteurde  la 


542  — 

Province  eut  à  s'occuper,  est  celle  des  barrièreii,  c*esi4- 
postes,  au  niveau  desquels  devaieni  se  concenirer,  sous  le  con* 
irôle  le  plus  sévère,  les  communications  el  les  transactions  par- 
tout ailleurs  interdites. 

Les  barrières  de  Brave  deCamp,  près  d'Aubagne.  el  d'Aliauch, 
qui  avaient  été  construites  par  les  ordres  des  Echevins  de  Mar- 
seille et  qui  éiaieni  gardées  du  côte  de  celte  ville,  la  première 
par  le  régiment  de  Brie  et  la  seconde  par  le  régimeni  de  Flan- 
dre» ne  parurent  pas  au  premier  procureur «tsufiisammcnidispo- 
sces  pour  la  sûreté  de  la  sanié>ducôtéde  la  Province*  11  ordonna 
rétablissement  d*une  contre-barrière  *  opposée  à  celle  de  Mar- 
seille par  un  fossé  palleissadé  tout  le  lon^  d'icelle.  et  au  milieu 
il  y  aura  une  porte  grillée  de  bois  qui  sera  fermée  par  une  ser- 
rure dont  la  clef  sera  gardée  par  flntendant  de  santé  qui  oe 
l'ouvrira  que  pour  faire  passer  au  milieu  des  deux  barrières  ei 
avec  les  seurettés  convenables  les  danrées  et  marchandises  que 
les  habîtans  de  la  Provence  vendront  à  ceux  de  Marseille.  Pm 
de  lad.  contrebarrière  sera  faitte  une  gariitede  bois  pour  servir 
pendant  le  jour  à  l'Intendant  de  santé  »«  Ce  fonctionnaifc 
n  avait  encore  été  nommé  par  la  Province  ni  k  l'une  ni  à  I  au- 
tre de  ces  barrières.  A  Braye  de  Camp*  la  communauté  d'Au- 
bagne  en  avait  établi  un  provisoire.  Elle  avait  également  fait 
une  baraque  sur  le  chemin  de  la  Barrière  pour  loger  les  gre- 
nadiers. Le  premier  Procureur  la  fit  rapprocher  #t  à  vingt  pas 
loin  tout  au  plus  de  lad.  barrière  3». 

A  la  barrière  de  Sepièmes,  la  Province  avait  déjà  établi  un 
bureau  de  la  santé.  Quoique  aux  frais  et  dépens  de  la  %'JUede 
Marseille,  ce  bureau  était  bien  distinct  des  employés  que  la 
ville  elle-même  avait  installés  à  cette  barrière. 

Voici  comment  devait  fonctionner  le  bureau  de  la  santé  est* 
bli  par  la  Province  '. 


^  Insiruciîons  prur  les  empïloyës  aa  Bureau  de  U  santé éubll  pi«r  >•  ^'^' 


-  543  ~ 

Instructions  pour  les  employés  au  Bureau  de  la  santé  établi 
par  la  Province  à  la  barrière  de  Septèmes,  aux  frais  et  dépens 
de  la  ville  de  Marseille  : 

«  r  Le  Bureau  de  santé  sera  composéd'un  Intendant  de  santé, 
d*un  Controlleur,  et  de  cinq  employés  dont  les  fonctions  de 
chascun  deux  seront  cy  après  détaillées  et  leurs  exercices  com- 
mencera demain  29*  du  mois  de  may  1722,  duquel  jour  ils  se- 
ront payés  de  leurs  apointements,  sçavoir  : 

«  Le  S' Fenouil  delà  ville  de  La  Ciotat,  Intendant  de  santé, 
a  raison  décent  livres  par| mois,  cy 100^ 

«  Le  s'  Aubert,  controlleur yb 

«  Les  s's  Burel,  Gras,  Labassette,  Aillaud  et  Eméric, 
employés,  à  45  livres  chacun,  le  tout  par  mois  .     .    .     225 

400 

«  2'  L'Intendant  de  santé  est  chargé  de  l'Inspection  géné- 
ralle  de  la  barrière,  soit  pour  esviter  toute  sorte  de  communi- 
cation, soit  pour  empêcher  que  les  marchands  et  voituriers  ne 
se  prévalent  du  concours  des  achepteurs  pour  surenchérir  la 
marchandise  et  préférer  les  uns  aux  autres. 

«  3*  Le  Controlleur  veriffiera  les  passeports  et  billets  de 
santé  qui  luy  seront  présantés  et  les  visera  et  controllera  si 
besoin  est  les  marchandises  qui  passeront  par  la  barrière  pour 
raison  de  quoy  et  particulièrement  tous  les  grains  et  grosses 
marchandises,  il  tiendra  un  journal  dans  lequel  il  inscrira  le 
prix  commun  de  chaque  espèce. 

«  4*  Les  employés  seront  postés  aux  avenues  de  la  barrière 
pour  empêcher  que  personne  ne  s*y  presante  sans  passeport  ou 
billet  de  santé  qui  leur  seront  prescrits  par  l'Intendant  de  santé. 

«  5*  En  conformité  des  intentions  de  M.  le  marquis  de  Bran- 


▼ÎDce  à  la  barrière  de  Septèmes,  aax  frais  et  dépens  de  la  ville  de  Mar- 
seille. Arch.  dépanem.  C,  910. 


^' 


\ 


—  544  — 
cas,  Tofficier  et  soldais  qui  sont  posiés  entre  les  deux  barrières 
ne  pourront  en  aucune  manière  passer  ny  communiquer  co 
desa  pour  quelle  cause  et  prétexte  que  ce  soit  et,  a  cet  effet,  il 
sera  mis  deux  serrures  et  deux  clefs  à  la  porte  de  la  d*«  bar* 
rière  :  lune  en  dedans  et  lautre  en  dehors.  Les  clefs  seront  gar- 
dées, sçavoir  :  celle  en  dedans,  par  l'otHcier,  et  celle  en  dehors* 
par  riniendani  de  santé  et  ne  sera  lad^*^  porte  ouverte  que  de 
concert  entre  l'officier  et  Tlntendant  de  santé  sur  les  cmdres  et 
M.  le  marquis  de  Brancas. 

^  G"  Pour  esviter  le  concours,  les  marchandises  seront  receues 
tous  les  jours  à  la  d^*^  barrière  depuis  six  heures  du  matin,  jus- 
qu^â  six  heures  du  soir,  sans  qui!  y  ait  de  jours  fixe  pour  le 
marché.  ^H 

m  7"  Pour  esviter  toute  sorte  de  contestation  et  contustoP 
entre  les  vendeurs  et  les  achepteurs,  aucune  personne  ne  pourri 
délivrer  sa  marchandise  que  le  marché  naye  esté  auparavant 
arresté  et  que  l'Intendant  de  santé  nen  aye  permis  rexpédition. 
Il  sera  néanmoins  permis  à  toute  personne  de  faire  passer  piif 
lad"  barrière,  toute  sorte  de  provisions,  danrées  et  marchandi- 
ses, a  leurs  parens  et  amys  sans  marché  précédent  sous  Im^ 
pection  néanmoins  de  l'Intendant  de  santé. 

«  8"  Il  sera  establi  une  ou  plusieurs  personnes,  si  besoin  e&t» 
pour  mesurer  les  grains  avec  les  chevalets  et  mesures  de  la  pro- 
vince qui  seront  mandés  sur  le  lieu,  auxquels  mesureurs  il 
sera  payé  six  deniers  par  charge,  soit  pa^  lachepieur  ou  par  le 
vandeur,  ainsi  quil  sera  convenu  entre  eux. 

«(  9"  L*lniendant  de  santé  et  le  Controlleur  et  les  employés 
auront  une  attention  particulière  quil  ne  soit  receu  aucun 
argent  ni  lettre  ny  papiers  qu'ils  ne  soient  dépouillés  de  toute 
sorte  de  cordage  et  purgé  par  le  parfum  et  vinaigre. 

«  Vu,  bon  et  approuvé» 

<  Brancas  j». 


-545- 

M.  de  Bargème constate,  dans  son  rapport,  que  le  personnel 
établi  par  la  Province  exécute  parfaitement  les  ordres  qui  leur 
ont  été  consignés.  Il  n'en  était  pas  de  même  des  personnes  qui 
étaient  «  employées  à  lad.  Barrière  du  coté  de  Marseille  pour 
recevoir  et  acheter  les  denrées  que  les  habitans  de  la  Province 
y  portaient  »  et  il  profita  de  son  passage  pour  écrire  à  MM.  les 
Échevins  de  Marseille  sur  différentes  plaintes  qui  lui  avaient 
été  portées  contre  elles. 

Il  tit  élargir  le  pont  de  pierre  qui  est  au  cabaret  de  Septèmcs 
pour  que  les  charrettes  et  autres  voitures  puissent  y  passer  com- 
modément et  que  le  transport  des  denrées  à  la  barrière  fût  faci- 
lité. Toutes  les  fournitures  n'empruntaient  cependant  pas 
cette  voie.  Sur  le  grand  chemin  de  la  Gavotte,  on  avait  fait  une 
petite  barrière  en  palissade,  munie  d'une  porte  pour  le  passage 
du  bétail.  C'étaient  des  soldats  du  régiment  de  Flandres,  en 
garnison  à  Marseille,  qui  avaient  la  clef  de  la  porte  et  qui  gar- 
daient les  postes  situés  sur  la  droite  et  sur  la  gauche  de  la  bar- 
rière. M.  de  Bargème  se  réserva  «  d'informer  M.  le  marquis  de 
Brancas  et  M"  les  Procureurs  du  pays  du  peu  de  surette  et  des 
inconvéniens  qu'il  y  a  que  lad.  barrière  et  les  portes  cy-dessus 
soient  gardées  par  des  personnes  contaminées  ». 

Telle  est  la  rapide  esquisse  que  les  documents  incomplets 
qui  viennent  d'être  rapportés  permettent  de  tracer  du  blocus 
que  la  Province  maintint  autour  de  notre  ville  sur  une  longueur 
de  plus  de  soixante  kilomètres  à  vol  d'oiseau,  pendant  près  de 
huit  mois.  Il  est  probable,  en  effet,  que  le  blocus  ne  fut  levé 
que  lorsque  la  ville  elle-même  supprima  ses  barrières.  Or, 
l'état  de  fourniture  du  bois  faite  par  la  ville  de  Marseille  aux 
troupes  qui  gardaient  les  barrières  va  du  lo  mai  1722  au 
7  janvier  1723  *. 


*  Arch.  municipales.  Peste  1720,  année  1722.  Carton  n*  la 

coiMnâs.  —  SB. 


—  546  — 

Cependant,  dès  le  19  novembre  1722,  Louis  XV*  avait  ordonné 
qu'à  dater  du  i*^*" décembre  suivant  toutes  les  lignes  seraient  le- 
vées, sauf  autour  de  Mendeetle  long  duConitat-Venaissin, dont 
la  garde  ne  cesserait  qu'en  janvier  1723.  Peut-être  notre  ville, 
eu  égard  à  la  rechute,  fut-elle  comprise  dans  cette  exception. 


'  Arch.  départ.  C.  908. 


—  347  — 


XXIV 


NOTES  HISTORIQUES 

Sur  Fontaine-rÉvêque  ou  Sorps, 

par  M.  de  BRESG,  membre  des  Académies  d'Aix  et  du  Var. 


On  a  beaucoup  parle,  dans  ces  derniers  temps,  de  Foniaine- 
l'Kvèque.  Celle  belle  source  qui  sur^'it  dans  le  territoire  de  la 
commune  de  Bauduen,   canton   d'Aups,  arrondissement  de 
Drai;ui^man,  a  été  acquise,  il  y  a  déjà  quelques  mois,  par  le 
Conseil  ^'énéral  du  Var.  Elle  faisait  l'objet  de  bien  des  convoi- 
tises.   Comment   ces  eaux   abondantes,  claires    et   limpides 
seront-elles  utilisées?  Personne  n'en  sait  rien  encore.  Toutes 
que  nous  pouvons  constater,  c'est  qu'on  délibère   beaucoup. 
alors  qu'on  exécute  peu.  Mais  ce  n  est  point  de  cela  que  nao.^ 
avons  à  vous  entretenir  aujourd'hui.  Notre  source  qui  csî  mt 
des  plus  belles  de  France  a  son  histoire.  Je  viens  sunuitMnssr 
réclamer  un  instant  votre  attention  pour  vous  la  faire  sdbbb- 
renient  connaître. 

Sorps  est  le  nom  primitifde  Fontaine-rÉvêque  gt*,^Mif  m 
est  encore  donné  aujourd'hui  par  tous  les  hahimiri  Ae^  rusr 
^es  qui  l'entourent.  Nous  verrons  bientôt  à  qudéâu  'mtm  ai 
lui  donna  une  nouvelle  dénomination. 

Auprès  de  cette  source  que  les  andoBinB 
Sorpii.  se  trouvait,  du  temps  desR€iiiiaii&.J 


54H  ^ 

\u\  fut  plus  tard  abandonné.  Son  terroir  appartmi  [oujours 
aux  ëvèques  de  Riez  qui,  à  la  fin  de  l'Einpire  romain,  avaient 
remplacé  les  gouverneurs  de  Province. 

Une  remarque  que  je  ne  puis  m  empêcher  de  faire,  c'est  que 
si  la  Fontaine  de  Vaucluse,  qui  s'appelait  aussi  la  source  ou 
fleuve  tie  Sor^ues,  a  été  toujours  plus  connue,  c'est  sans  doute 
parce  que  Tillustre  poète  Pétrarque  Ta  chantée  au  xi\"  siècle 
dans  des  vers  i  m  mortel  s  adressés  à  la  belle  et  chaste  Laure. 
Pourtant,  et  je  me  hâte  de  le  dire,  Foniaioe-rÉvèque  au  micu,^ 
Sorps  a  eu  dans  le  cours  du  xiii*^^  siècle  son  moment  de  célé- 
brité, et  c  est  dans  la  chapelle  du  couvent  de  Sainte-Caihcrinc 
que  saint  Klzéar  de  Sabran  vil  pour  la  première  lois  sainte 
Delphine  de  Signe  qui  y  était  élevée  par  sa  tante»  la  prieure 
Mabille  de  Flassans,  Ce  fait,  meniionné  par  tous  les  auteurs 
qui  ont  écrit  sur  saint  Elzcar  et  sainte  Delphine»  est  ignore  par 
tous  les  visiteurs  de  Fontaine-TEvéque  (et  ils  sont  nombreux)» 
tandis  qu'on  ne  peut  aller  à  la  Fontaine  de  Vaucluse  sans  eut 
rempli  de  souvenirs  de  Pétrarque  comme  de  Laurc  que  foût 
revivre  d'innombrables  notices  et  photographies. 

C'est  à  Sorps  môme  que  passait  rcmbranchemcnt  de  la  voie 
Aurélienne  qui  conduisait  de  Fréjus  à  Riez  par  Ampus,  V'cri- 
gnon  et  la  plaine  de  Majastre.  C'est  près  de  Sorps.au  conllueni 
du  Verdon»  qu'on  voit  encore  les  culées  imposantes  de  Tandcn 
pont  romain  qui  permettait  aux  voyageurs  comme  aux  légions 
romaines  de  passer  d'une  rive  à  l'autre,  et  à  la  peuplade  des 
Albîciens  de  communiquer  plus  facilement  avec  celle  des 
Véruciniens,  ces  deux  peuplades  importantes  de  lancienoc 
Gaule, 

Va  des  plus  illustres  prélats  qui  aient  occupé  le  siège  du 
vaste  diocèse  de  Riez,  Foulque  de  Caille,  originaire  de  Bn* 
gnôles,  fit  construire  auprès  de  cette  source»  en  laSS,  sur  M 
petit  mamelon»  un  vaste  monastère  pour  cent  religieuses,  sons 


»;■: 


A 


m 


ir 


—  549  — 

le  titre  de  Sai nie-Catherine,  et  dans  Tîle  formée  par  deux 
grands  canaux,  une  abbaye  de  chanoines  réguliers  de  Saint- 
Augustin.    Leur  église  était  sous  le   litre  de   Saint-Maximet  il i  " 
patron  insigne  de  1  église  cl  du  diocèse  de  Riez.  Ces  chanoines 
étaient  charges  de  la  direct  ion  des  religieuses. 

Le  monastère  de  Sainte-Catherine,  richement  doté  non  seu- 
lement par  son  fondateur^  mais  encore  par  les  comtes  de  Pro- 
vence, cnir*autrcs  par  Raymond  Berenger  JV,  de  la  maison 
d'Anjou,  jouit  bientôt  et  pendant  assez  longtemps  d*une  grande 
prospérité.  On  y  accourait  de  toute  la  Provence  et  c'est  dans  ce 

vaste  monastère,  placé  dans  un  site  vraiment  enchanteur,  que  If 

les  jeunes  lilles  appartenant  à   la  noblesse  de  la   Haute-Pro-  ; 

vence  recevaient  une  éducation  soignée.  Mais, en  1437,  lesédi*  / 

fices  des  deux  maisons  tombaient  presque  en  ruine,  c'est  alors  ^ 

que  Michel  de  Bouliers,  évêque  de  Riez,  obtint  une  bulle  pour  » 

la  suppression  de  labbaye  des  chanoines  et  fit  de  la  maison  de 
Sainte-Catherine  un  prieure  régulier  soumis  à  la  jurîdiciron 
épiscopale.  En  1499,  lout  fut  réuni  à  la  mense  épiscopale 
et  il  ne  resta  plus  à  Sorps  que  l'hôpital  ou  hospitium  qui  avait 

été  aussi  établi  par  Foulque  ei  qui  servait  de  refuge  et  de  î 

repos  aux  pauvres  voyageurs. 

En  1625,  le  siège  de  Riez  fut  occupe  par  un  homme  illustre 
par  sa  fortune,  mais  plus  encore  par  sa  piété  et  sa  vertu,  Louis 
Doni  d'Attichy  appartenait  à  une  riche  famille  de  Florence 
alliée  aux  Médicis,  Ce  jeune  évèque,  parent  de  la  reine  de 
France,  Catherine  de  Médicis,  et  neveu  du  maréchal  de  Maril- 
lac  et  du  garde  des  sceaux  du  même  nom,  était  plein  de  timi- 
dité et  aimait  surtout  beaucoup  la  solitude.  11  fut  bientôt  épris 
de  la  beauté  de  sa  source  de  Sorps  quil  visitait  sans  cesse,  à 
tel  point  qu'il  prît  la  détermination  d'y  faire  construire  une 
grande  maison  de  plaisance,  où  il  pourrait  aller  travailler, 
prier,  tout  en  bravant  la  chaleur  de  Tété,  Bientôt  les  travaux 


-  55o  - 

commein,aicnt  cl  il  arriva  de  tous  le 
les.  Avec  les  pierres  de   la  maison 
plus  ifnponanies  encore,du  monas* 
édiiia  liaiis  quelques  mois  une   n 
qu'il  orna  avec  beaucoup  de  lu\c 
précédait  les  belles  pièces  du  rcv 
des  niches,  construites  à  cet  ellV 
des  douze  dieux  qui  ornaient  j;i 
reste  encore  de  beaux  restes  à 
sur  les  farauds  canaux  qui  en 
pécher  de  i;rosses  et  cxcclk;. 
en  trouve  encore  aujourd'I. 
de  bj.ui\   jardins  remplis 
rames. 

I .'historien  enthousiaste 
qui   vivait  sous  répiscofv 
ceue  belle  résidence  dan  ^ 
un  véritable  bonheur.  1\ 
restre.  11  se  v;arde  bien 
plaque  de  marbre  blan-. 
K  ^n  \  \o\\  que  c'est  p;»  . 
le  îioni  de  Sorps  lui  a- 
i.i.ne  11  Nèque.  Au     i. 
\.K^:\   J..vv.K-e   ivir    I '•■:•■ 
.;..  v!l^'   i^'-nirra;!    \"  :■ 

* .    ^  '..■.'. v\w;   ;.'n    N.  ■'-, 
:     ..\:.:^ .  i  u'i  viv    -. 


553  — 


XXV 

hîVENTION  ROYALE 

^e  famith  sous  le  règne  de  Louis  XV, 

A.  Charles  LATUNE.  avocat, 
de  la  Société  d^Études  Provençales. 


ibord,  ce  litre  peut  surprendre.  On   ne  conçoit 

.ours,  une  intervention  gouvernementale  dans  la 

s  citoyens.  Sous  l'ancien  régime,  au  contraire, 

lUS  naturel,  plus  commun   qu'une  intervention 

lesaffaires  de  famille.  Cela  lient  au  caractère  paier- 

lonarchie  française,  son  caractère  le  plus  saillant, 

a  ce  point  que  La  Bruyère  a  pu  dire  :  <•  Nommer  un 

Ju  peuple,  c'est  moins  faire  son  éloge  que  sa  détini- 

èrede  ses  sujets,  le  roi  de  France  se  croit  tenu  envers 

)us  les  devoirs  qui  incombent  à  un  père  de*  famille.  Ses 

confiants  dans  ses  sentiments  paternels,  s'adressent  à 

ins  les  circonstances  difficiles,  comme  à  leur  protecteur 

-el. 

Monarchie  tient  à  honneur  d'accueillir  et  d'examiner  les 
ites  qui  lui  sont  présentées.  Elle  s'efforce  d'y  faire  droit 
uc  son  intervention  lui  semble  opportune  Elle  vient  en 


-  554  - 

aux  père?;  de  famille  nccc5siteu\,  elle  pounoii  îr^ 
lion  ei  à  rétablissement  des  orphelins,  elle  accorde  des  fac.  ... 
aux  commerçants  dont  les  affaires  sont  dans  le  mara2>me  ci  dcv 
secours  aux  cultivateurs  qui  manquent  de  fonds  pour  faire  va- 
loir leurs  terres.  Le  roi  n  a  pas  seulement  souci  des  intérêts 
matériels  de  ses  sujets;  les  intérêts  spirituels  des  plus  infimes 
d'entre  eux  ne  le  laissent  point  indifTéreni.  C'est  ainsi  qu'il  4 
coutume  de  faire  distribuer,  chaque  année»  h  «  ces  demoiselles 
du  bel  air  quelques  sommes  pour  leur  permettre  de  vivre 
honnêtement  et  sans  commettre  de  péchés»  pvendani  les  joarv 
saints  qui  précèdent  la  semaine  de  Pâques.  * 

Pour  les  intérêts  de  famille»  surtout,  les  intcrvcnUans  rova- 
les  ne  se  marchandent  pas.  On  sait  que  la  base  de  ranctenne 
société  française  est  la  famille.  Il  n'est  donc  pas  surprenant 
que  la  Monarchie  use  sans  compter  de  son  autorité  pour  b 
maintenir  dans  l'observation  de  principes  qui  font  sa  force. 

1/autorité  du  pcre,  la  cohésion  et  la  solidarité,  unissant  en* 
ir'eux  ses  divers  membres,  sont  les  deux  caractères  princîpaut 
de  la  famille  d'autrefois.  Aussi,  dès  qu'un  sujet  méconnaît  l'au* 
lorité  paternelle  ou  menace,  par  saconduite.de  ne  pas  faire 
honneur  aux  siens,  l'autorité  supérieure  sollicitée  se  permel* 
elle  d^inicrvenir. 

L'intervention   royale  se  traduit,  suivant  la  gravité  des  ca$,' 
par  de  simples  admonestations  ou  par  des  ordres  d  exil  oti 
d'emprisonnement  donnés  par  «  lettres  de  cachet  ». 

Ces  lettres  de  cachet  de  famille  sont  expédiées,  le  plus  soo* 
vent,  pour  réprimer  des  fautes  de  jeunesse  ou  pour  4paiîs@'  Uo 
querelles  de  ména|;c.  Mais  intervenir  dans  des  dem-'-^ 
conjugaux  est  chose  singulièrement  délicate  et  rop|X)rtn 
de  rintcrvenlion  royale,  en  cette  matière,  est  parfois  coolcv 
table. 

C'est  le  cas  pour  l'exemple  d  mtervention  que  je  donne,  mai» 


-  555  - 

que  j*ai  choisi,  cependant,  entre  plusieurs,  dans  les  Archives 
de  l'Intendance  de  Provence,  parce  qu*il  m'a  semblé  intéressant 
pour  l'histoire  des  mœurs  de  l'époque. 

Une  jeune  bourgeoise  marseillaise,  la  demoiselle  Belin,  avait 
fait  la  connaissance,  à  son  retour  des  Indes-Orientales,  d'un 
gentilhomme  portugais,  le  comte  de  Vellozo,  capitaine  dans* 
les  armées  de  son  souverain.  Elle  est  séduite  par  la  bonne 
mine  et  les  belles  manières  de  cet  «  hidalgo  »  de  la  maison  du 
roi  de  Portugal  qui  ne  cesse,  avec  la  grandiloquence  habituelle 
à  ses  compatriotes,  de  discourir  sur  les  richesses  et  les  belles 
alliances  de  sa  maison.  Encouragée  par  sa  famille,  elle  ne 
tarde  pas  à  devenir  sa  femme. 

Dès  le  lendemain  du  mariage,  il  faut  déchanter.  La  famille 
Bclin  s'aperçoit  que  Vellozo,  dont  la  fortune  a  sombré  dans  un 
tremblement  de  terre  survenu  à  Lisbonne,  n'était  riche  que  de 
titres  et  d'honneurs  et  que  c'est  la  dot  de  la  nouvelle  épouse 
qui  va  soutenir  le  train  du  gentilhomme.  Cela  ne  fait  pas  son 
affaire  et.  devant  cet  effondrement  complet  de  ses  espérances , 
elle  a  recours  au  remède  suprême  des  familles  affligées.  La 
jeune  comtesse,  grâce  à  l'intermédiaire  de  son  frère,  commis  de 
M.  de  Saint-Florentin,  obtient,  sous  prétexte  de  fausses  signa- 
tures et  de  malversations  de  sa  dot,  une  lettre  de  cachet  pour 
faire  enfermer  son  mari  aux  Iles  Sainte-Marguerite.  Il  s'évade 
de  cette  prison  et  part  pour  Lisbonne,  où  il  reçoit  de  la  muni- 
ficence paternelle  des  vêtements  luxueux  et  quelques  dia- 
mants. 

Il  revient  en  France,  chargé  de  ces  débris  de  sa  splendeur 
passée,  et  informe  sa  femme  de  son  retour,  en  la  conjurant  de 
reprendre  la  vie  commune.  Elle  lui  répond  par  la  lettre  sui- 
vante :  «  Je  suis  charmée,  mon  cher  amy,  de  votre  bonne  arri- 
vée de  Lisbonne;  si  vous  apportés  beaucoup  dargent  de  ce 
pays  là  nous  vivrons  heureusement  en  paix  et  en  tranquillitée.  . 


tl  y  a  un  accomodcmeni  a  faire  pour  finir  louie  caballc 
vous  voulcs  remplacer  les  7.000  livres  qui  manquent  à  nu 
(ioi  et  rembourser  les  5d  louis  qu'on  a  donné  à  M.  de  Mourîé&, 
commis  de  M.  de  Saint-Florentin,  pour  obtenir  la  lettre 
de  cachet  contre  vous  et  600  livres  qu'on  a  dépensées,  soit 
en  présens  aux  personnes  qu'on  a  employées  auprès  Je 
M,  de  La  Tour  et  de  son  subdéîcgué  ici.  soil  en  frais  de 
voyage  aux  îles  Saînte-Marguerilc,  on  vous  obtiendra  TOtrt 
rappel  sans  que  vous  alliés  à  Paris  dépenser  encore  de  rar]$eot 
et  faire  quelque  pot  pourry  avec  votre  ambassadeur  et  %'0$ 
proiectionï»  du  r*ortugaK..  Prenés  garde  car  vous  avés  icy 
beaucoup  des  ennemis  et  tes  Jésuites  seroni  les  plus  empressés 
a  meitre  toui  en  œuvre  pour  vous  nuire.  Si  %'ous  voulés  me 
taire  s^avoir  Tendrori  où  vous  êtes,  vous  ne  risques  rien  visa 
vis  de  moy,  jiray  vous  parler  et  nous  nous  entendrons  bien  de 
vivevoÎK.  Voire  petit  se  porte  bien,  il  vous  embrasse.  Je  suis 
votre  bonne  amie  et  rtdelle  épouse,  ^ 

Au  reçu  de  cette  lettre.  Vellozo  lait  connaître  à  sa  femme  qu'A 
s'est  retiré  à  Avignon  pour  y  attendre,  sous  la  protection  de 
vice-légal»  leur  réconciliation  et  la  révocation  des  ordres  du 
roi  (celait  le  nom  donné  par  rAdministraiion  de  Tépoque  «tu 
leures  de  cachet).  Elle  ne  va  pas  Ty  trouver  et  se  contente  J^en* 
tamer  avec  lui  d'interminables  pourparlers  en  vue  d'uoc 
reconciliation  qu'elle  souhaite  d'autant  moins  qu'elle  ne  cc*^ 
dlniriguer  a  la  Cour,  par  Tiniermédiairc  de  son  l'rère,  poof 
solliciter  de  nouvelles  rigueurs  contre  son  mari.*  Klle  a  éffi\o 
ment  recours  k  une  autre  protection  puissante,  celle  do 
Jésuites.  Vcllozo,  par  contre,  est  leur  adversaire  déclaré.  Il  le» 
tient,  à  tort  ou  â  raison,  pour  la  source  de  ses  infortunes  confit- 
gales  cl  il  emploie  ses  loisirs  à  les  combattre,  si  Ton  en  crort  ce 
passage  d*unc  lettre  de  sa  femme  :  «  Restés  tranquille  et  ne  ^- 
mes  aucun  projet  ni  écrit  contre  les  pauvres  jésuites.  V^oi» 


avés  asses  de  ces  afJaires  sans  vous  mêler  de  celles  dés 
tnnocens  accablés  sous  le  poids  de  la  vengeance  des  mé- 
chans.  s» 

Veilozo  qui  ne  se  fie  qu'à  moitié  aux  bonnes  intentions  de 
sa  femme,  adresse  de  son  côté  requêtes  sur  requêtes  à  l'inten- 
dant et  au  ministre  pour  leur  exposer  que  la  religion  de  Sa  Ma- 
jesté a  été  surprise  par  des  allégations  mensongères,  qu1l  a 
été  lavé  delaccusation  relative  à  laffaire  des  fausses  signatures 
par  un  arrêt  de  la  vice-légatured*Avignon  et  que,  bien  loin  de 
rien  devoir  à  son  épouse,  c*esi  elle  qui  détient  tous  ses  biens  ; 
la  personne  de  son  fils,  diverses  créances,  ses  meubles  de  da- 
mas, son  argenterie,  ses  diamants,  ses  «  pourcelaines  ^  de 
Chine,  son  *  jonc  des  Indes  )*,  ses  habits  de  velours,  sa^  veste 
d'or  »,  ses  dentelles  de  prix  et  entin,  suprême  injure,  les  insi- 
gnes de  I  Ordre  de  Sa  Majesté  très  fidèle,  le  roi  de  PorlugaL 
son  maître.  Il  commence  en  même  temps,  à  ce  sujet,  devant  le 
Parlement  d'Aix,  un  procès  en  revendication  qui  semble  être 
assez  sensible  à  sa  femme,  puisqu'elle  lui  écrit  alors  pour  le 
conjurer  de  ne  plus  la  ^  chagriner  en  Parlement  »,  faute  de 
quoi,  ajoute-i-elle,  <^  je  vais  travailler  à  vous  faire  enlever  et 
enfermer  pour  le  reste  de  vos  jours  et  vous  vous  trouvères  sans 
le  penser  enveloppé  dans  des  crimes  d'État  dont  la  protection 
du  Portugal  ne  sçauroit  vous  en  tirer.  *  Impressionné  par  de 
telles  menaces  et  souhaitant  vivement  de  *t  ne  plus  rien  avoir  à 
démêler  avec  une  jeune  femme  protégée  à  la  Cour  par  son 
frère  et  à  Marseille  par  ses  amis  »,  Vellozo  envoie  deux  de  ses 
amis  à  Marseille  pour  transiger  avec  elle.  Elle  exige  de  lui  une 
procuration  générale  ^  pour  être  entièrement  maîtresse  de  sa 
personne  »,  de  son  enfant  et  de  tous  les  biens  de  son  mari, 
«moyennant  quoy,  elle  cesseroit  de  le  persécuter  et  luy  en- 
verroit  de  l'argent,  trente-six  livres  par  moy  *.  Désespérant 
d'obtenir  mieux,  Vellozo  souscrit  à  ces  conditions  et  sollicite 


de  la  Cour  une  révocation  générale  de  lous  les  or 
exf>édiés  contre  lui.  Cette  révocation  lui  est  accordée,  soas  b 
condition  qull  se  retirera  en  Portu^aL  dans  le  délai  d'ui 
mois. 

Malheureusement  pour  lui,  il  est  sans  ressources  poor 
accomplir  un  voyage  aussi  coûteux  et  le  temps  passant  saos  qat 
sa  femme  lui  envoie  ta  pension  promise,  il  ne  peut  que  répcM* 
dre  à  Tintendam  qui  le  presse  de  partir  :  ^  Je  n  ay  encore  reço 
aucun  secours...  Indiquez  moy  un  moyen  honorable  Je  sortir 
de  ma  fâcheuse  position.  »  Le  comble  est  mis  à  son  inforrunc 
parla  réunion  du Comiat-Venaissin  à  la  France.  Son  asile  lux 
échappe  et  de  nouveaux  ordres  du  roi  sont  aussitôt  ei^fédiës 
pour  le  conduire  dans  les  prisons  d'Avignon. 

Au  moment  où  ces  ordres  vont  être  exécutés,  la  fonufie  âc 
Vellozo   tourne    brusquement.  L'ambassadeur    de    Portugail 
Tavaii  recommandé  au  duc  de  Choiseul  qui  lui  obiieni  b  per- 
mission de  rester  à  Avignon.  Dès  lors,  M.  de  Ltvr)',  comnn 
de  M.  de  Saint-Florentin,  et  riniendani  sMntéressetil  à  h 
M.  de   Livry,  en   parcourant   les   lettres  de  la  comtesse  lit 
Vellozo,  est  indigné  «  du   ton  de  crédit  qu'elle  se  donne  »ci 
surtout  m.  du  fait  calomnieux  d'argent  donné  et  de  présens  faits 
à  M,  de  Mouriés  »,  au  subdélégué  de  lintendant  et  aux  po^ 
sonnes  que  Von  a  employées  auprès  de  lui*  Son  indt|>ii 
est  partagée  par  l'intendant  qui  estime  que  «  cette  caUii.. 
auroit  mérité  une  punition  sévère  »  et  envoie  «  chcrchcf  cetu 
femme  »  pour  <t  lui  parler  de  M,  de  Livrj'  d'une  façon  çonM> 
nablc  ».  Cest  au  tour  de  Vellozo,  maintenant,  de  parler  c  > 
maître*   U  sollicite  contre  sa  femme  un  ordre  enjoigr;^"* 
cctle<i  «  ou  de  vivre  avec  lui  dans  Tunion  conjugale»  ol 
trer  dans  un  couvent  et  lui  remettre  son  fils,  ses  habits  et  uor 
pension  convenable»;  puis,  le  ministre  lui  ayant  octs 
permission  «  de  se  rendre  où  bon  lui  bemblera  ».  il  v*ai 


-  559  - 

Marseille,  où  tous  deux  conviennent  de  se  réunir  «  pour  vivr  e 
et  pour  mourir  comme  de  bons  époux  ». 

Celle  solution  si  touchante  allait  être  celle  de  ce  petit  drame 
de  famille  quand  M""*  de  Vellozo  s*aperçcîit  qu*au  nombre  des 
nouveaux  protecteurs  de  soh  mari,  se  trouvent  précisément 
les  jésuites  qu'elle  a' tant  aimés  autrefois  et  dont  elle  s*est  dé- 
tachée peu  à  peu,  au  furet  à  mesure  qu'ils  lui  rendaient  moins 
de  services.  L'infortuné  Vellozo,  de  retour  à  Avignon,  tout 
heureux  de  toucher  enfin  au  terme  de  ses  vicissitudes  conju- 
gales, y  reçoit  la  nouvelle  de  l'effondrement  définitif  de  son 
foyer.  «  Je  viens  de  découvrir  vos  manœuvres,  lui  écrit  sa 
femme,  je  suis  bien  aise  de  ne  .point  vous  les  laisser  ignorer 
afin  que  vous  ayés  à  avenir  un  peu  plus  de  ménagemens  pour 
moy  et  que  vous  sachiés  que  je  puis  quand  je  le  voudrois  vous 
bien  ranger  dans  le  fonds  d'une  basse  foce  et  faire  bannir  de 
Marseille  et  d'Avignon  avec  vos  charitables  protecteurs.  Ce 
sont  donc  à  présent  les  soi-disans  jésuites  qui  sont  vos 
bons  amis  ?...  La  différence  entre  vous  et  moi  est  bien 
grande,  car  j'aimois  les  jésuites  tant  que  je  ne  les  connais- 
sois  pas  ;  mais  dès  que  les  Roys  nous  les  ont  fait  con- 
naître pour  des  scélérats  assassins  voleurs  perturbateurs  et  hé- 
rétiques, je  les  ai  détestés  et  ne  les  sçauroi  regarder  qu'en  celte 
qualité;  quant  à  vous  vous  les  avés  toujours  connu  pour  tel 
quil  sont  pris  party  et  écrit  contre  eux  et  servant  votre  Cour 
vous  êtes  devenu  aujourd'huy  comme  eux  l'ennemi  de  Dieu  et 
des  Roys...  Ne  comptés  plus  de  vous  réunir  à  moy,  car  je  ne 
veux  point  vivre  avec  un  homme  infâme  comme  vous,  je 
vivroi  chés  ma  mère  et  sil  me  plaii  den  avoir  des  amis  vous  en 
aurés  passience,  car  ce  n'est  pas  de  vous  que  je  recevroi  la 
loy...  » 

Cette  lettre  est  la  dernière  du  dossier.  L'Administration, 
sans  doute,  dut,  alors,  se  désiniércsser  des  démêlés  de  ce  mé- 


-  56o  -^ 

nage  Quant  à  nous,  nous  ne  pouvons  qu'être  étonnés  qu'elle 
ail  donné  aussi  longtemps  son  attention  à  cette  affaire  qui, 
sans  l'intervention  royale,  se  serait  probablement  réduite  à  un 
peu  de  mauvaise  humeur  chez  cette  jeune  femme  qui,  ayant 
cru  taire  un  riche  mariage,  s'était  trouvée,  au  lendemain  de 
ses  noces,  en  face  d'un  mari  ruiné. 


-  56i 


XXVI 


LA  PESTE  A  ALLAUCH  EN  1720 

par  M.  J.  MAUREL,  curé  de  Valcrnes, 
Membre  de  la  Société  scientifique  et  littéraire  des  Basses-Alpes. 


Le  25  mai  1720,  le  «  Grand  Saint-Antoine  »,  navire  venant 
de  Tripoli  sous  le  commandement  du  capitaine  Chataud, 
entrait  dans  le  port  de  Marseille.  Il  y  apportait  le  germe  de 
1  épouvantable  fléau  qui  décima  la  population  provençale  dans 
59  communes  et  fit,  au  dire  de  Papon,  247.889  victimes. 

Des  vieux  quartiers,  où  les  matelots  avaient  vendu  leurs 
pacotilles,  le  fléau  eut  bientôt  envahi  la  ville  entière  et,  dès  le 
mois  de  juin,  il  sévissait  à  Marseille  et  dans  plusieurs  loca- 
lités voisines. 

Le  Parlement  d*Aix,  justement  alarmé,  édicta  des  mesures 
pour  conserver  la  santé  publique  dans  les  pays  encore  indem- 
nes et  pour  la  rétablir  dans  les  lieux  déjà  contaminés.  Il  remit 
en  vigueur  le  règlement  du  17  juillet  1629,  le  réédita,  Taccrut 
de  diverses  ordonnances  nouvelles  et  enjoignit  à  toutes  les 
communautés  de  Provence  de  sV  conformer  \ 


^  Arrest  de  la  Cour  de  Parlement  tenant  la  Chambre  des  vacations, 
contenant  règlement  sur  le  fait  de  la  peste,  da  17  juillet  1629.  Aix.  David, 
imp.  du  Roi,  1720  (Arch.  des  B-duR.,  c.  904).  Ce  règlement,  compre- 
nant 127  articles,  a  été  reproduit  dans  la  Repue  historique  de  Provence, 
2*  année,  n'  2  et  suivants. 

CONGRES  —  36 


-  562 

La  petite  ville  d*Allauch,  que  son  voisinage 
ses  rapports  très  fréquents  avec  cette  cité  exposaient  grande^ 
ment  au  danger  de  la  contagion,  s'empressa  de  se  conformer 
aux  instructions  reçues  et,  le  4  août,  le  Conseil  de  ville  assem* 
blé  autorisa  les  consuls  à  faire  exécuter  les  mesures  édictées 
par  les  procureurs  d'Aix.  à  la  date  du  3i  juillet. 

Tout  d  abord»  un  bureau  de  santé  fut  établi  à  l'Hôicl-dc- 
ville  pour  statuer  sur  les  cas  urgents.  On  n'ira  plus  à  Mar- 
seille ;  une  barrière  sera  établie  aux  frais  de  la  communauté 
sur  le  chemin  qui  y  conduit  et  les  habitants  qui  veulent  vcn* 
dre  leurs  denrées  pourront  les  y  porter.  Un  arrêt  de  la  Coar 
leur  permet  d  aller  moudre  leurs  grains  aux  moulins  d'Aub«- 
gne.  Il  ne  faut  plus  que  les  forains  viennent  faire  des  jachères 
dans  leurs  propriétés  ;  ils  apportent  de  Marseille  du  fumier 
qui  pourrait  bien  contenir  le  germe  de  l'infection  ;  qu'on  ùsst 
faire  ce  travail  par  les  gens  du  lieu.  Les  passants  seront  ap* 
préhcndcs  et  conduits  aux  inHrmeries  pour  y  faire  quarin* 
taine  A  la  messe  qui  sedit  le  dimanche  à  la  chapelle  de  Saîot- 
Jean  sur  le  chemin  d'Aubagne,  deux  gardiens  seront  en 
parla  municipalité  pour  empêcher  toute  promiscuiié  a».  , 
gens  du  dehors  '.  On  dresse  la  liste  des  nécessiteux  à  sccv^u- 
rir  ;  ils  seront  nombreux,  grâce  au  blocus  ;  beaucoup  ne 
vivent  que  du  produit  de  leur  petit  trafic  journalier  avec  II 


*  Six  jours  de  quarAiilaine  sont  imposés  k  ta  femme  Pinatet  qai  ivait 
assisté  il  la  messe  k  Château  Go  m  beri,  Pierre  Michel  cl  Pierre  PeUegns 
qui  sont  allés  à  Marseille,  sont  enfermés  h  leur  retour  t  le  premier  h  !*(«* 
tirmene  ;  Tautre.  dans  sa  maison,  et  cela  pour  40  jours  ;  défense  û*en  sor- 
tir sans  avoir  été  parfumé  ;  Us  payeront,  en  outre^  une  Amende  de  trtaie 
livres.  Javcll),  de  la  Poncbe,  a  livé  vu  arrivant  nuitamment  de  Haneinc; 
on  renferme  chex  lui  et  on  mei  deui  gardes  1^  sa  ponc  l  e  Bts  de  S*  Caaioia 
qui  /iVAit  quitté  Marseille  en  compagnie  de  sa  femme  pour  se  réfogitf 
dans  sa  campagne,  au  quartier  de  la  <!.iva1e.  est  impitoviblement  •ih^iil 
hors  des  limites  du  terroir 


—  563  — 

ville  ou  du  prix  de  la  journée  qu'ils  y  vont  accomplir.  La  com- 
mune leur  viendra  en  aide  en  leur  distribuant  un  quintal  et 
demi  de  pain  bis  chaque  jour,  dans  la  chapelle  de  la  Congréga- 
tion des  enfants,  et  sur  la  présentation  d*un  billet  signé  par  le 
curé.  L'apothicaire  Granet  a  ordre  de  se  pourvoir  de  médica- 
ments aux  frais  de  la  ville  ;  on  aménage  Tinfirmerie  d'Esian- 
gue  ;  on  s'approvisionne  de  chaux  vive  et  on  choisit  le  quar- 
tier des  Trénières  pour  y  ensevelir  ceux  qui  succomberont 
aux  atteintes  du  fléau  *. 

Ces  diverses  mesures  d'isolement  et  de  préservation  furent 
prises  du  14  au  ig  août,  et  le  20  du  même  mois,  les  procureurs 
d'Aix  consignèrent  le  lieu  d'AUauch,  «  la  santé  des  habitants 
leur  ayant  paru  suspecte  ».  Il  semble  que  des  précautions  si 
sages  et  si  minutieuses  auraient  dû  préserver  des  atteintes  du 
fléau  cette  petite  ville  qui,  par  son  altitude  et  grâce  à  son  air 
pur,  semblait  pouvoir  défier  son  approche.  Il  n'en  fut  rien, 
hélas  !  La  peste  y  vint,  on  ne  sait  par  qui,  ni  comment,  fran- 
chit ces  trop  faibles  barrières,  pénétra  dans  la  ville,  y  sévit  si 
cruellement  que,  dans  l'espace  de  moins  de  seize  mois,  elle 
emporta  plus  du  cinquième  de  sa  population,  soit  i.023  victi- 
mes sur  5.000  habitants  2. 

C'est  le  20  août  que  le  fléau  éclate,  violent,  terrible  *.  On 
n'avait  pas  songé  à  se  pourvoir  de  fossoyeurs,  de  corbeaux, 
comme  on  disait  alors.  Vite  on  en  loue  trois  qui  logeront  à  la 


*  I^  femme  de  J^  Chappe  y  fut  la  première  ensevelie.  Etait-ce  un  cas 
de  peste  ? 

'  La  population  d'Allauch  qui  s'élevait  alors  au  chiffre  de  5. 000  habi- 
tants, atteint  à  peine  aujourd'hui  celui  de  3.32o,  en  y  comprenant  les  sec- 
tions du  Plan-de-Cuques  et  de  la  Bourdonnière. 

'  Cette  date  est  celle  donnée  par  les  consuls  dans  leurs  divers  rapports. 
Papon  donne  celle  du  j6  août.  Il  est  probable  que,  dès  le  16,  des  cas 
s'étaient  déjà  produits,  puisque  le  20  août,  la  santé  d'Allauch  avait  déjà 
paru  suspecte  au  Parlement. 


Gardette,  et  d'où   ils  ne  sort  iront   que  pour  accomplir  kur 
lugubre  besogne,  car  il  ne  faut  pas  qu*ils  communiquent  au- 
iremeni  qu'avec  les  morts,  Mats  le  local  qu'on  leur  préparait 
dans  la  citerne  du  château  était  ù  peine  approprié  qu'il  saû 
faissa  soudain  et  faillit  ensevelir  les  maçons.  Il  fallut  leur 
truuv  er  une  habitation  plus  solide  et  plus  rapprochée  ;   on  les 
logea  dans  la  chapelle  du  Saint-Enfant  Jésus  et  on  leur  promu 
4  livres  par  sépulture.  Avec  eux  logeaient  deux  infirmier . 
deu.\  inlirmières  et  un  garçon  chargés  d'aller  prendre  à  dom 
cilc  les  malheureux  atteints  de  la  peste  et  de  les  porter  au\ 
inlirmeries.  Les  premières  tranchées  sont  creusées  derrière  la 
chapelle  de  Saînt-Roch. 

Mais  voici  les  inconvénients  du  blocus.  Le  boucher  ne 
peut  plus  livrer  la  viande  au  prix  stipulé  dans  le  bail  :  par 
suite  de  rinierruption  des  communications,  il  lui  est  imr---<- 
ble  de  s'approvisionner  de  bétail,  le  pacage  est  plusdn 
on  augmente  donc  le  prjx  de  vente  qui  sera  de  5  sols  Im  livre 
de  mouton  et  4  sols  celle  de  brebis  et  de  mcnon.  D'autre  pan, 
tes  propriétaires  qui  avaient  encore  leur  vin  en  aivc  «t 
désiraient  le  vendre  pour  réaliser  quelque  argent  et  faire  fiêCt 
à  la  prochaine  vendange,  s'avançaient  pendant  la  nuit  jus- 
qu'aux barrières  et  traitaient  avec  les  négociants  marseîlUh. 
Il  y  avait  danger  de  contamination.  Le  Conseil  désigna  trois 
quartiers  du  terroir  où  il  serait  permis  de  porter  le  vin  h  ren- 
dre :  les  quartiers  du  Cavau.de  la  Pouche  et  de  Botfc  :  le 
vendeur  ne  pouvait  s  y  rendre  qu'accompagné  d*unc  garde  tl 
d*un  officier  payés  par  lui.  Des  conditions  analogues  fureoi 
imposées  aux  marchands  de  plâtre. 

Ccpcndatïi,  le  iléau  continuait  ses  ravages.  L*apoihictiiv 
Granct,  spécialement  chargé  de  soigner  les  pestîlérés^  icmbf 
malade  ;  Jean  Michel,  apothicaire  et  chirurgien»  le  remplace, 
mats  pas  à  moins  de  200  livres  par  mois,  plus  les  médica* 


—  565  — 

ments.  Les  infirmeries  sont  insuffisantes.  La  maison  de  la 
Charité,  enclavée  dans  les  habitations,  ne  peut  guère  être 
affectée  à  cet  usage  sans  grave  danger  ;  on  prend  la  chapelle 
de  Notre-Dame  de  Beauvezer,  26  août.  Puis,  pour  ne  pas 
avoir  à  porter  plus  loin  les  pestiférés  qui  succombent,  paraît- 
il,  en  grand  nombre,  on  pratique  une  vaste  tranchée  derrière 
la  dite  chapelle  et  on  y  jette  pêle-mêle  les  cadavres  qu'on 
recouvre  d'une  couche  de  chaux  vive.  Malgré  cette  simplifica- 
tion du  travail,  les  corbeaux  ne  peuvent  tenir  tête  à  la  beso- 
gne, ils  sont  surmenés  ;  il  leur  faut  six  livres  par  mort  ;  on 
les  leur  donne.  Bientôt,  ils  sont  aussi  terrassés  par  le  mal  ;  le 
second  consul  Camoin  se  fait  autoriser  par  le  Conseil  à  requé- 
rir telles  personnes  qu'il  trouvera  pour  ensevelir  les  pestifé- 
rés (  i3  septembre). 

Bientôt  la  désorganisation  des  services  publics  vient  ag- 
graver une  situation  déjà  bien  difficile.  Affolés  par  la  peur, 
les  intendants  du  bureau  de  santé  ont  quitté  le  pays  ;  presque 
tous  les  capitaines  et  officiers  en  ont  fait  autant  ;  les  soldats 
se  découragent,  les  gardes  abandonnent  les  barrières,  le  bou- 
cher ne  veut  plus  fournir  de  la  viande  et,  sans  doute,  visant 
un  plus  gros  bénéfice,  débite  tout  son  troupeau,  tant  lanat  que 
cabrun,  à  des  négociants  marseillais  ;  un  échange  journalier 
de  marchandises  a  lieu  entre  Marseille  et  Allauch,  tant  aux 
barrières  qu'à'traveçs  champs  ;  une  contrebande  très  active 
met  en  contact  continuel  gens  indemnes  et  gens  contaminés  ; 
elle  se  fait  de  jour,  de  nuit,  à  travers  champs,  dans  les  cam- 
pagnes, un  peu  partout.  Ce  fut  pour  y  couper  coun  que,  sur 
la  permission  du  vicaire  général  et  officiai  Villeneuve,  on 
publia  et  afficha  à  Allauch  la  parcelle  de  monitoire  qu'on  va 
lire: 

L  Qui  sçaura  tant  pour  avoir  vu  que  pour  avoir  ouï  dire 


-  566  — 

que  certain  quidam  fait  la  contrebande,  ait  à  le  révéler  sous 
peine  d'excommunication. 

II.  Qui  sçaura  tant  pour  avoir  vu  que  pour  avoir  ouï  dire 
que  certains  quidams  prêtent  leurs  maisons  pour  cacher  les 
marchandises  de  contrebande,  ait  à  le  révéler  sous  peine  d'ex- 
communication. 

III.  Qui  sçaura  tant  pour  avoir  vu  que  pour  avoir  ouï  dire 
que  certains  quidams  font  entrer  de  nuit  des  marchandises 
de  contrebande,  ait  à  le  révéler  sous  peine  d'excommunica- 
tion. 

IV.  Qui  sçaura  tant  pour  avoir  vu  que  pour  avoir  ouï  dire 
que  certains  quidams  prcncnt  des  chemins  détournez  avec  des 
mulets  chargés,  ait  à  le  révéler  sous  peine  d'excommunication. 

V.  Qui  sçaura  tant  pour  avoir  vu  que  pour  avoir  ouï  dire 
que  certains  personnages  ont  été  à  la  barrière  pour  prendre 
des  marchandises  de  contrebande  et  les  recevoir  de  ceux  qui 
viennent  de  Marseille,  ait  à  le  révéler  sous  peine  d'excommu- 
nication. Signé  :  UABASSE  '. 

Sur  ces  entrefaites,  le  chirurgien  Jean  Michel  est  frappé  de 
la  peste.  C'est  le  second  chirurgien  qui  succombe.  Le  valet  de 
ville  se  rend  en  hàie  auprès  de  tous  les  tiutres  chirurgiens  de 
l'endroit  pour  les  supplier,  au  nom  de  la  commune,  de  don- 
ner leurs  soins  aux  malades.  Nul  ne  fut  empressé  à  recueillir 
une  succession  si  dangereuse.  «  Ils  se  sont  tous  excusés  sous 
de  vains  prétextes,  n'y  ayant  que  Joseph  iMichel,  lils  de  Jean, 
qui  s'est  présente  >►.  Tant  il  est  vrai  que  les  grandes  calamités 
ont  pour  etïet,  en  général,  de  laisser  prédominer  l'égoïsme  et 


r-zlrchivcx  des  B.-du-R.^  c.  909. 


—  307  — 

l'instinct  de  la  conservation  à  un  point  qui  efface  parfois  tout 
autre  sentiment  !  Devant  une  mauvaise  volonté  si  manifeste- 
ment avérée  et  l'urgence  de  pourvoir  aux  nécessités  de  la  situa- 
tion, on  laissa  au  sort  le  soin  de  désigner  celui  qui  devait 
occuper  ce  poste  périlleux.  Des  quatre  chirurgiens  :  Victor 
Granet,  Louis  Mouriès,  André  Mouriès,  J**  Michel,  ce  fut 
Louis  Mouriès  qui  remplaça  Jean  Michel  et  aux  mêmes 
gages  (21  septembre). 

Le  nombre  des  malades  et  des  morts  va  toujours  croissant. 
Il  faut  maintenant  une  infirmerie  à  la  campagne.  Le  moulin 
à  vent  de  Rollandin,  au  quartier  des  Roubauds,  est  transformé 
en  hôpital,  tandis  que  trois  nouvelles  infirmeries  sont  créées 
dans  la  ville,  et  encore  ne  sufîisent-elles  pas  à  contenir  tous 
les  malades.  Deux  médecins  de  Marseille  viennent  les  soigner 
qui  coûtent  à  la  commune  plus  de  i.doo  livres  par  mois,  sans 
compter  les  remèdes.  A  ce  train,  les  ressources  pécuniaires 
s'en  vont  vite  ;  l'imposition  est  consommée  et  la  taille  ne 
rentre  pas,  les  fermiers  ne  payent  plus  et  abandonnent. 

Voici  maintenant  que  le  pain  manque  î  Le  sieur  Caire, 
consul,  s'en  va  à  la  barrière  de  Roqucvaire  pour  acheter  du 
blé,  mais  il  y  va  sans  argent,  comptant  sur  son  crédit  et  sur 
la  situation  malheureuse  de  sa  ville  pour  attendrir  les  mar- 
chands. Il  demande  du  blé  ;  on  lui  en  présente  ;  mais  comme 
il  demande  aussi  un  terme  pour  le  payement,  on  lui  refuse 
l'un  et  l'autre,  et  Caire  retourne  désolé  au  sein  de  sa  popula- 
tion que  le  fiéau  décime  et  que  la  faim  abat  (19  novembre).  Il  a 
recours  alors  aux  procureurs  du  pays.  Dans  une  lettre  des 
plus  attendrissantes,  il  leur  dépeint  la  désolation  des  habitants 
d'Allauch,  les  supplie  avec  larmes  de  leur  venir  en  aide,  s'ils 
ne  veulent  voir  disparaître  ce  malheureux  pays.  L'intendant 
promit  200  charges  de  blé,  des  moutons  chaque  semaine  et  un 
secours  de  800  livres  que  Nicolas  Cauvin  s'empressa  d'aller 


recevoir  à  Aix.  Ces  secours  précieuv  apportèrent  un  all^c* 
meni  inomeatané  à  relfroyable  misère  qui  éircîgnait  le  pav.s* 
Nombrcjx  sont  ceux  qui  viennent  souscrire  des  obligationv 
pour  une  charge,  une  demi-charge,  un  quart  de  charge.  Mab 
il  y  a  désordre  dans  la  distribuiion  ;  des  fraudes,  des  vols  se 
commettent;  la  police  ne  se  lait  plus.  Dès  le  3i  janxie 
on  est  de  nouveau  sans  blé  et  sans  argent  ;  le  conseil  poss 
on  dépôt  de  3oo  liv.  ;  il  emprunte  kooo  liv.  à  Toussaint 
André  et  emploie  le  tout  à  racquisilion  de  blé  cl  de  quelques 
menons.  Car  il  faut,  à  ce  moment,  nourrir  hoc  quarantenai- 
res,  soigner  i5o  malades,  payer  un  chirurgien  ï6  livres  par 
jour,  des  gardes,  des  commissaires,  etc.  Le  7  mars,  il  Uui 
recourir  à  un  nouvel  emprunt  ;  les  tailles  ne  rentrent  pas.  el 
il  ne  saurait  être  question  de  taire  des  exécutions.  Voila  main- 
tenant que  le  chirurgien  Mouriès  vient  de  déserter  lâchement 
son  poste.  *i  II  s*est  évade.  »  Caubct  et  Joannis  viendront  tous 
deux  de  Marseille,  «  soigneront  les  malades,  entreront  avec  les 
corbeaux  dans  les  maisons  des  pestiférés,  présideron". 
désinfection  pour  empêcher  que  rien  ne  soit  celc  de  ce  qui 
devra  être  brûlé  ^.  Ils  auront  100  écus  par  mois. 

La  peste  sévissait  depuis  sept  mois  dans  le  paj's.  Encrrà 
par  une  lutte  qui  se  prolongeait  sans  succès  et  dont  ûcn  fit 
faisait  prévoir  le  terme*  la  population  manifesta  le  désir  4t 
prendre  une  mesure  extrême.  Une  quarantaine  générale  at 
lument  rigoureuse  fut  décidée  ;  les  consuls  furent  auiorifi 
à  la  faire  durer  aussi  longtemps  qu^ils  jugeraient  nécessaire  a 
à  prendre  tels  moyens  qu'ils  trouveraient  propres  à  enrayer 
la  marche  du  mai  contagieux.  La  mesure  était  grave  et  néce* 
sitart  un  ensemble  de  précautions,  il  fallait  se  pourvoir  de 
vivres,  de  remèdes,  de  provisions  diverses,  assurer  la  dtsiribn* 
tron  régulière  des  aliments  et  des  secours  en  nature,  pou rvotr 
a  la  culture  et  à  l'ensemencement  des  terres,  établir  enrin  une 


-569- 

police  forie  ei  rigoureuse  qui,  en  empêchant  toute  communi- 
cation, rendît  proHlable  la  grande  mesure  d'isolement  absolu 
de  laquelle  on  attendait  la  cessation  du  Iléau.  Les  consuls 
Caire  et  Camoin  se  montrèrent  a  la  hauteur  de  leur  difficile 
lâche;  ils  entreprirent  et  menèrent  à  bonne  lin  cette  œuvre  avec 
un  zèle  ci  un  dévouement  dignes  des  plus  grands  éloges.  Ils 
font  entrer  dans  la  ville  25o  charges  de  blé.  Comme  il  n'y  vivait 
que  deux  puits  hors  de  renccinie  pour  fournir  Teau  aux  habi- 
tants» ils  augmentent  le  nombre  des  tireurs  et  pourvoyeurs 
d*cau  qui  seront  au  nombre  de  six,  ayant  chacun  un  mulei. 
Neuf  hommes  sont  chargés  de  porter  les  provisions  dans  cha- 
que rue  pour  empêcher  que  personne  ne  sorte.  Le  rationne- 
ment des  pauvres  comprend  une  livre  et  demie  de  pain  et  un 
quart  de  pot  de  vin  par  jour  et  par  lète.  y  compris  les  enfants  ; 
une  livre  de  haricots  le  jeudi  et  le  dimanche,  de  quatre  en 
quatre,  avec  Ivhuile  cl  le  sel  nécessaires.  Au  point  de  vue  de 
la  police,  la  ville  est  divisée  en  quatre  quartiers  ;  vingi-quatre 
hommes  sont  chargés  de  garder  jour  et  nuit  les  avenues  pour 
que  nul  ne  puisse  entrer  ni  sortir  sans  Tautorisation  des 
consuls.  Un  corps  de  garde  sera  chargé  de  faire  la  patrouille 
toutes  les  nuits  pour  empêcher  les  vols  et  brigandages.  Trois 
ofticiers,  ayant  chacun  quatre  hommes  en  sous-ordre,  seront 
répartis  dans  le  terroir  pour  en  garder  les  frontières,  faire 
observer  la  quarantaine  dans  les  campagnes,  empêcher  toute 
communication  d'une  bastide  à  l'autre*  Et  comme  les  habî- 
lants  des  lieux  circonvoisins,  ^  qui  sont  tous  empestés  *, 
passent  dans  le  terroir  du  côté  de  la  Bourdon nière,  et  que 
là,  plusieurs  habitants  d*Allauch  vont  acheter  des  mar- 
chandises pour  les  revendre  dans  la  ville,  un  corps  de  garde 
fut  établi  dans  ce  quartier,  avec  ordre  de  confisquer  la  con- 
trebande et  de  punir  sévèrement  les  contrebandiers.  Pour 
ne  pas  laisser  les  terres  en  friche  et  s'exposer  à  manquer  la 


-  ^7^  — 
récolte  prochaine,  il  fu!  décidé  qu*on  laisserait  venîr^des  in«- 
letrers  de  Marseille,  munis  de  billets  de  santé»  dans  le  ictroif 
dWllauch  pour  y  faire  les  cultures  de  la  saison  et  que  les 
fourniers  pourraient  y  venir  s'approvisionner  de  bois  en  i^e 
faisant  précéder  d'un  homme  de conlîance.  muni  pardltcmeot 
d'un  billeï  de  santé. 

Cette  organisation  une  fois  établie  et  ces  mesures  prises,  tes 
consuls  firent  publier  la  quarantaine  générale.  Elle  commenta 
le  n  mars  1721  et  se  poursuivit  sans  incidents,  grdcc  au 
dévouement  des  uns  et  à  la  parfaite  docilité  des  autres.  Les 
résultats  obtenus  jusulièrcnt  rcfficacîié  du  procédé  ;  Cet, 
après  quarante-sept  jours  de  ce  régime,  la  quarantaine  ^cot' 
raie  fut  levée  et  «(laissa  te  lieu  et  son  terroir  san^  aucun  malade 
ni  vieux  ni  nouveau  »  *. 

C'était  une  Ncritablc  renaissance  qui  se  produisait.  Après 
tant  de  larmes  et  de  deuil,  après  les  appréhensions  cruelle 
qu  apportait  depuis  longtemps  chaque  heure  du  jour  et  de  U 
nuit,  après  ce  long  emprisonnement  volontaire  de  47  jours,  la 
population  d'AlIauch  pouvait  respirer  à  l'aîsc  et  se  repreniiilà 
espérer.  On  était  au  mois  de  ma»,  les  beaux  jours  étaient  rcï 
nus.  la  campagne  étalait  de  belles  espérances. 

Le  premier  soin  des  consuls  maintenus  en  charge  •  fui  de 
parcourir  le  terroir  pour  se  rend  recompte  de  leiat  général*  On 
procéda  ensuite  à  la  désinfection  des  locaux  et  des  liardc^. 
L  ne  escouade,  composée  d'un  capitaine,  d'un  commissaire^  de 
deux  gardes,  de  six  hommes  guéris  et  de  quatre  femmes,  se 
porta  dans  les  maisons  où  s'étaient  produits  des  décès.  Ija 


•  Arcniv.  mumctp.  d  {ihiuçn.  liciib,  du  ^^  âvril  i-ii. 

*  t^Ar  ordonnance  du  ab  Avril,  datée  de  bafbcntane.  le  premier  Priû' 
dent  dcftnd  aui  hnbKdnis  d'Allaucli  de  procéder  au  tiouv^)  élit  et  nrnd 
hommage  aux  consuls  Caire  et  Camom  qu'il  confirme  dans  leur  chJii;^. 
Le  bureau  de  santé  fut  également  maintenu. 


-  57.  - 

femmes  balayent  le  parquet  et  les  murs,  les  hommes  échau- 
dent  les  hardes,  brûlent  les  paillasses,  etc.,  parfument  les 
appartements  qui  sont  ensuite  blanchis  à  la  chaux  à  trois 
reprises  différentes  ^ 

Le  23  mai,  la  désinfection  des  maisons  et  des  bastides  est 
achevée  ;  on  constate  avec  joie  qu'il  n'y  a  plus  de  malades. 
Mais  «...  nous  avons  quand  même  un  extrême  besoin  de  nous 
garder,  la  peste  étant  toujours  au  terroir  de  iVlarseillc;  Auba- 
ine et  Auriol  étant  toujours  atteints.  Les  appointements  sont 
excessifs  par  rapport  à  cette  communauté,  mais  il  vaut  mieux 
payer  des  appointements  que  de  voir  mourir  les  habitants, 
comme  il  vient  d'arriver  et  faire  de  plus  grandes  dépenses  »  *. 

Mais  bientôt  la  joie  fait  place  à  de  nouvelles  alarmes,  car 
ce  qu'on  saluait  comme  la  disparition  définitive  du  fléau  n'était 
qu'une  accalmie.  Par  l'effet,  sans  doute,  du  relâchement  dans 
l'observation  des  prescriptions  sanitaires  et  de  la  trop  facile 
communication  entre  gens  sains  et  convalescents  imparfaite- 
ment guéris,  de  nouveaux  cas  se  produisirent  vers  les  premiers 
jours  de  juin.  C'est  à  l'occasion  de  cette  reprise  imprévue  que 
rÈvéque  de  Marseille  vint  à  Allauch,  visita  les  malades,  con- 
sola les  habitants  et  laissa  une  aumône  de  200  livres  **.  Incon- 
tinent, le  bureau  de  santé  prit  des  mesures  sévères.  Il  fut  décidé 
que  nul  ne  pourrait  errer  dans  les  rues  après  que  le  tambour 
aurait  battu  la  retraite,  sous  peine  de  5o  livres  d'amende  pour 
les  gens  solvables  et  d'emprisonnement  pour  les  autres.  Les 


*  Pour  les  parfums  ei  la  manière  de  les  composer  ei  de  les  employer, 
voir  le  règlement  du  17  juillet  162g,  articles  lxx-lxxi-lxxii-lxxiii,  etc. 
Voir  aussi  le  commentaire  instructif  qu'en  a  donné  le  docteur  Alczais 
dans  la  Revue  historique  de  Provence^  2*  année,  n»  1.  janvier  1902. 

*  Archiv.  municip.  cT Allauch.  Déliber,  du  23  mai  1721. 

>  La  Tisite  de  M"  de  Belsunce,  à  Allauch,  eut  lieu  le  b  juin.  Délib. 
du  9  juin  1721. 


572  - 

assemblées  furent  inierdiies,  les  cabarets  fermés,  les  cloaques 
nettoyés,  les  fumiers  enlevés  cl  jetés  dans  des  fosses,  et  défense 
fui  portée,  sous  peine  de  di\  livres  d'amende,  d'en  emretciiir 
dans  les  rues.  Quant  aux  approvisionnemenis  d'eau,  il  fut  arréié 
que,  pour  éviter  toute  communication  entre  habitants,  les  pes- 
tiférés guéris  s'approvisionneraient  exclusivement  au  puits  de 
Guiredon,  les  autres  au  grand  puits*  Va  garde  tut  place 
auprès  de  chaque  puits  pour  faire  respecter  rarrcté.  L'isole- 
ment individuel  fut  mis  en  pratique  ;  dès  qu'un  malade  était 
signalé,  le  bureau  de  sanlê  plaçait  des  gardes  à  la  porte  de  sa 
maison  pour  empêcher  lui  ou  les  siens  d'en  sortir.  Cette  me- 
sure rencontra  bien  quelque  résistance  ;  on  congédiait  les 
gardes,  on  les  chassait  au  besoin,  «t...  Il  y  en  a  qui  semanci- 
pcnt  à  6ier  tes  gardes  qu'on  met  à  leurs  maisons  quand  iU 
sont  malades.  Ils  ne  pourront  être  Aies  qu'en  vertu  d'une  déli- 
bération du  bureau.  A  ceux  qui  ne  voudront  pas  les  soutfnr. 
il  leur  sera  permis  de  rester  dans  leur  maison,  à  condition 
que  la  porte  en  sera  murée  »  *, 

Le  commandant  de  la  ville  de  Marseille  et  d'Allauch,  M.  wîc 
Langeron,  chargea  le  médecin  de  Thùpital  du  Jeu  de  Mail  de 
venir  soigner  les  malades,  et  l'archevêque  d'Aix,  Tintcadant  et 
les  procureurs  du  pays  envoyèrent  un  secours  de  1.000  lîvro 
à  la  ville  d*Al!auch. 

Celte  première  périodcdc  la  peste  se  termine  au  mois  d  août. 
Elle  a  duré  un  an,  avec  une  intermittence  de  trois  moi^  en- 
viron, soit  du  1 1  mars  aux  premiers  jours  de  juin.  Les  consub, 
appelés  à  faire  connaître  la  situation  du  pays,  déclarent  dans 
un  rapport  du  21  août  1721  qu'avant  la  contagion,  il  y  avi 
dans  le  lieu  d'Allauch  ei  dans  son  terroir  environ  cinq  mil 
personnes;  que  la  contagion  y  a  commencé  leaoaoùl  1750 


Archîv,  municip.  d*Àtiûuch.  Délib.  du  7  juillets 


>epuis  ledii  jour  jus:ju'au  i"  juin  tyai,  li  y  a  eu  mille  deux 
cents  malades,  dont  neuf  cents  sont  morts  et  trois  cents  sont 
guéris.  Depuis  le  r^  juin  jusqu'au  3o,il  v  a  eu  vingt-un  malades, 
dont  vingt  sont  morts  et  un  aguéri.  Au  i*' juillet  17211  ilyavatt 
dans  les  inlirmerics  douze  malades  au  bouillon  et  quatre 
convalescentsàla  ration.  Du  r'juilletau  10, il yaeu seize  morts; 
le  1 1,  il  restait  douze  malades  ;  !e  dernier,  il  en  restait  quinze; 
le  loaoùt^  il  en  restait  huit  à  Thôpital  et  sept  aux  convalescents; 
le  2K  il  y  en  a  quatre  à  l'hôpital  et  huit  aux  convalescents. 
II  y  a  eu  à  Allauch  jusqu*à  sept  infirmeries,  savoir  :  celles 
de  l'hôpital  de  la  Charité  et  la  Chapelle  des  pénitents  pour  les 
malades  du  lieu  ;  celle  du  quartier  des  Roubauds  pour  les  ma- 
lades de  la  campagne  ;  celles  du  Saint*Enfant  Jésus  et  ta  mai- 
son du  sieur  Baudoin  pour  les  convalescents;  la  chapelle  de 
Notre-Dame  du  Château  et  le  Jas,  dit  de  l'Estangue,  pour  les 
quarantenaires.  11  ne  reste  plus  présentement  que  la  susdite 
phapelle  pour  les  malades,  celle  du  Saint-Entant  Jésus  et  la 
maison  du  sieur  Baudoin  pour  les  convalescents,  ayant  pris 
les  maisons  de  divers  particuliers  pour  les  quarantenaires* 
Point  de  médecin,  sauf  depuis  le  5  juillet  dernier,  celui  en- 
voyé par  M.  de  Langeron,  mais  seulement  deux  chirurgiens 
ei  un  apothicaire  qui  a  composé  et  fourni  les  médicaments, 
dou2e  infirmiers,  vingt  infirmières.  11  y  a  encore  présentement 
trois  infirmiers,  trois  infirmières  et  quatre  corbeaux,  mais  il  y 
en  a  eu  jusqu  a  huit.  Le  curé  et  les  secondaires  ont  toujours 
servi  à  confesser  les  pestiférés  *.  Il  y  a  eu  dans  les  infirmeries 


*  Vn  des  secondaires  devait  être  le  R.  F.  Siméon.  observanttn.  Une 
délib^rttiori  du  tfi  aodt  tjtt  nous  apprend  qu*i(  servii  «  dans  cette  com- 
munauté pendant  la  contagion,  avant  toujours  confessé  les  pesiil'érés* 
qu&nd  jl  a  été  appelé,  s*étant  exposé  a  beaucoup  de  dangers,  ayant  fait 
ftesauniônes  aux  personnes  nécessiteuses  ».  Il  tomba  milade«  fut  mts  en 
'  qojraotAîne  et  denatnda  qu'on  lui  payât  au  moins  ses  frais.  Le  Conseil 
loi  aiioaa  3o  tivres. 


-  374    - 

environ  cent  lits  pour  les  malades,  cent  draps  de  lit,  cent  che- 
mises de  nuit.  On  a  usé  environ  dix  quiniaux  de  mauvais 
linge  pour  les  plaies  ;  ei,  comme  il  y  eut  un  intervalle  dVnv»- 
ron  cinquante  jours  sans  morts  ni  malades  et  que  tous  cetii 
qui  étaient  dans  les  hôpitaux  avaient  été  mis  en  liberté chei 
eux  après  leur  quarantaine  de  convalescence,  on  avait  tait 
brûler  la  plus  grande  partie  des  matelas,  paillasses,  draps,  çic., 
ne  réservant  que  ce  qu'il  fallait  pour  garnir  douze  Hls.  Il  y  a 
eu,  pour  l'usage  des  infirmeries,  cinq  cents  quintaux  ou  envi- 
ron de  pain,  huit  quintaux  d*cau-de-vtc,  deux  cents  miilcrolc 
de  vin  (la  millerole  étant  de  quarante-huit  pots),  vingt  milta 
rôles  de  vinaigre,  dix  quintaux  de  riz,  cinquante  quintaux  de 
légumes,  cinq  cents  quintaux  de  bois,  dix  quintaux  de  char* 
bon.  vingt  mille  sarments,  dix  quintaux  d*huile,  deux  qat^ 
taux  de  savon,  dix  minois  do  sel  et  quâirc-vinL»i-di\  quiniâii 
de  viande  à  six  sols  la  livre. 

Après  cet  exposé,  les  consuls  (ont connaître  les  divers  objets 
qui  leur  sont  nécessaires  jusqu'au  3i  août.  Ils  demandent 
quatre  quintaux  de  blé,  un  quintal  de  légumes,  dix  livres  Je 
sel.  Ils  ne  sauraient  spécilier  les  remèdes  dont  ils  pourront^ 
avoir  besoin  pour  Thôpital,  attendu  que  très  souvent  ei  ; 
les  malades,  il  faut  des  remèdes  dilférents.  Us  n*ont  pas  besoin 
de  draps  de  lit»  chemises,  bonnets»  toile  cirée,  ni  de  médecin 
M.  de  Langeron  en  envoyant  un  tous  les  jours  pour  visiter 
maladcs.clsebornentàdemanderun  quintal  de /^ar/ wwi  viottnî 
pour  désinfecter  les  hôpitaux,  toutes  les  maisons  el  bastides 
étant  déjà  désinfectées  '.  Le  rapport  se  termine  par  cette  artç 
tation  :  «(Nous,  consuls  de  ce  lieu  d'Allauch,  attestons  ï**  nr 


'  Il  y  STaît  te   parfum  doux  cl  le  parfum  tnoltnt   le  p«iftiQi 
ëtau  co{n|>os<^  d'une  demi-livre  de  poix  notre,  de  *âiidar*qiir,  de  csAù- 
ph«oc  et  de  soufre  en  poudre,  d'une  livre  de  goudron  et  d'Iiuiledt  j 


-575- 

sent  état  véritable  que  nous  avons  fait  le  plus  juste  quil  nous 
a  été  possible,  ayant  été  abandonnés  de  tout  le  monde  dans  le 
fort  du  mal,  ce  qui  a  été  cause  que  Ton  n'a  pas  tenu  une  règle 
certaine  pour  tout  ce  qu'on  demande.  Caire,  .consul  ; 
Camoin,  consul  »  ^ 

Le  calme  qui  suivit  cette  période  lugubre  ne  fut  troublé  que 
par  une  déclaration  subite  et  inopinée  du  mal  contagieux  dans 
la  campagne  d'Honoré  Nicolas  dit  TAmoulaïre.  Quatorze  per- 
sonnes y  sont  soudainement  atteintes;  treize  succombent. 
M.  de  Langeron  attribuant  cet  à-coup  à  la  présence  de  hardes 
contaminées  qui  avaient  été  celées,  fit  publier  à  son  de  trompe 
que  quiconque  en  détiendrait  frauduleusement  eut  à  les  pro- 
duire; et  comme  nul  ne  se  présenta,  il  ordonna  une  visite  géné- 
rale, au  cours  de  laquelle  on  désinfecta  les  hardes  déclarées  et 
on  brûla  tout  ce  qui  parut  suspect  (8  septembre  1721).  M.  de 
Chaluy,  nommé  commandant  à  AUauch,  arrive  avec  douze 
hommes  et  un  sergent,  le  corps  de  garde  est  rétabli,  les  mesu- 
res générales  de  police,  un  peu  négligées  en  ces  derniers 
temps,  sont  remises  en  vigueur  et  le  calme  revient  dans  la 
petite  ville.  Du  20  septembre  au  r'  novembre,  aucun  nouveau 
cas  ne  se  produisit;  un  seul  décès  eut  lieu,  celui  d'un  pauvre 
malade  depuis  longtemps  en  traitement  à  l'hôpital  *. 


vrier,  dit  huile  de  cade.  Le  parfum  violent,  doat  l'usage  était  plus  répandu, 
était  composé  de  soufre,  de  poix-résine,  antimoine,  orpiment,  arsenic, 
cinabre,  sel  ammoniac,  litarge,  assa-fœtida,  cumin,  ouphorbe.  poivre, 
gingembre,  son,  le  tout  mélangé  dans  des  proportions  prévues.  (D'Alezais, 
op.  cit,) 

*  Archives  des  Bouches-du-Rhône,  c.  927. 

*  Le  curé  J^  Reynaud  représente  aux  consuls  «...  que  le  cimetière  a 
été  infesté  par  trois  ou  quatre  morts  pestiférés  qui  y  ont  été  enterrés, 
et  comme  l'Évéque  de  Marseille  veut  qu'on  condamne  tout  cimetière  in- 
fecté, il  prie  les  consuls  d'en  créer  un  autre  ».  On  n'abandonna  pas  le 
cimetière;  on  se  borna  à  déterrer  les  corps  suspects  et  à  les  porter  à  un 
coin  «  avec  un  tas  de  pierres  par  dessus  pour  qu'on  n'y  touche  plus  ». 


-  57*^  - 

Soudain,  un  relour  imprévu  cclaie;  le  fléau  qu'on  crov^tiâ 
jamais  ccané  s'abat  de  nouveau  sur  la  ville  ei  trappe  à  coxàpn 
redoublés.  Du  j"'  au  i3  novembre,  dix  personnes  succom- 
bent; du  i3  au  20,  quatorze  nouveaux  décès  se  produisent» 
et  du  21  au  3o,  vingt-un  pestiférés  sont  ensevelis,  soit  un  loui 
de  quarante-cinq  morts  en  trente  jours,  *c  La  peste  continue 
toujours,  écrit  Michel»  à  la  date  du  23  novembre.  Nous  somme;» 
présentement  sans  viande  et  bloqués  de  partout*  >  Le  com- 
mandant veut  réunir  le  bureau  de  santé  :  le  bureau  n'existe 
plus.  J*'  Michel,  son  intendant,  est  mon  de  la  peste  ;  Antoine 
(luillon.  autre  intendant,  est  suspect  de  contagion  ;  le  troisième 
agonise.  Que  faire  ?  i)n  revient  à  la  mesure  déjà  pratiquée 
une  première  tois  avec  succès  et  on  prescrit  une  quarantaine 
générale. 

Le  commandant  fait  entrerdans  la  ville  laquaniitédc  viande 
et  de  grains  jugée  indispensable  et  établit  rorganisation  sui- 
vante. Cinq  hommes  seront  chargés  de  la  distribution  du  pstlo, 
viande,  etc.,  à  domicile  ;  un  sixième  devra  parcourir  les  mes 
après  la  distribution  pour  s'assurer  que  nul  n'a  été  omis. 
Deux  hommes  seront  postés  à  chaque  puits  pour  puiser  Tcau  i 
force  de  bras,  tandis  que  six  hommes  conduisani  six  mulets 
charges  de  barils  iront  la  distribuer  dans  la  ville  ;  huit  pour- 
voyeurs seront  chargés  d'alimenter  les  campagnes  ;  les  ci'*^ 
seront  répartis  par  quartier  dans  le  terroir,  tandis  que  L 
da(s  garderont  la  ville  et  à  toute  heure  de  la  nuit  feront  dei 
patrouilles  pour  empêcher  les  vols  et  toute  communicaUoD 
habitants  cntr'eux.  Trois  chevaux  de  piquet  seront  consftafl 
ment  a  la  disposition  du  commandant  et  de  rinspcctcur. 

Là  quarantaine  générale  commença  le  i*'  décembre  i/si. 
A  lo  date  du  \i\  le  consul  Michel  écrivait  :  «  11  continue  tâo* 
jours  daller  bien  dans  ce  lieu  et  son  terroir;  hier,  il  n'y  eut 
point  de  nouveau  malade,  il  \  eut  seulemcni  un  nuirt  Jt?  cVii 


-  577  - 
qui  étaient  à  l'hôpital  :  nous  espérons,  avec  Taide  du  Seigneur, 
d'être  bientôt  sains  >.  La  statistique  va  un  peu  à  rencontre  de 
ces  affirmations  optimistes  ;  car  elle  nous  montre  quatre  décès 
du  10  au  20  et  six  décès  du  20  au  3i  ;  elle  nous  apprend  que, 
le  20  décembre,  il  y  avait  encore  douze  malades  aux  infirme- 
ries, que  cinq  y  entrèrent  du  20  au  3i. 

La  quarantaine  produisit  quand  même  de  bons  effets.  Un 
seul  décès  douteux  survint  encore  le  4  janvier,  et,  le  27  du 
même  mois,  Michel  pouvait  écrire  en  toute  vérité  à  M.  de 
Canceris  :  «  Il  continue  toujours  d'aller  bien  et  nous  commen- 
çons à  respirer  comptant  vingt-trois  jours  sans  avoir  eu  ni 
morts  ni  malades,  depuis  le  malade  ambigu  (sic)  qui  n'a  point 
eu  de  peste  suivant  toutes  les  apparences,  et  nous  compterions 
sans  cela  depuis  29  jours.  Les  chirurgiens  qui  trouvent  leur 
compte  à  avoir  des  prétextes  de  fairedurer  la  peste,  condamnent 
tous  les  malades  qu'ils  visitent  et,  si  nous  n'avions  pas  la  pré- 
caution de  les  faire  mettre  en  despart  s'il  en  survenait  quel- 
qu'un, il  nous  arriverait  la  même  chose.  Mais  heureusement 
tout  le  monde  se  porte  bien  et  Thôpital  va  être  vuidé  dans 
quelques  jours  ^. 

Le  i5  février,  on  mit  en  quarantaine  ordinaire  les  chirur- 
giens, les  infirmiers  et  les  corbeaux,  tandis  que  la  ville  faisait 
sa  quarantaine  de  convalescence  qui  s'acheva  le  18  du  même 
mois.  Ce  même  jour  commença  la  quarantaine  de  santé,  pen- 
dant laquelle  les  églises  furent  rouvertes  et  les  offices  célébrés 
comme  à  l'ordinaire.  Le  19  mars  1722,  le  consul  Michel  ren- 
dant compte  de  Tétat  sanitaire  d'Allauch.  écrivait  :  «...J'ai  fait 
vuider  entièrement  et  sortir  de  quarantaine  les  chirurgiens, 
infirmiers,  infirmières  et  corbeaux  et  fait  désinfecter  toutes  les 
bardes  qui  avaient  servi  à  l'hôpital,  de  sorte  que  nous  n'avons 
plus  rien  qui  ressente  la  peste  et  nous  pouvons  compter  de 
n'en  avoir  plus  aucune  semence,  car  la  communication  est 


COMORBS  —  37 


r-  578  - 

plus  grande  que  jamais  et  notre  quarantaine  de  sanié,  cotn« 
mencée  depuis  le  18  février;  nous  pouvons  compter,  quand 
elle  sera  (1  nie,  avoir  resté  quatre-vingt-dix  jours  sans  mon  ai 
malade  et  sans  aucun  soupi^on  de  peste  ». 

La  communauté  avait  promis  une  gratification  au\  mm- 
miers  et  intirmièresqui  se  montreraient  les  plus  zélés  au  cours 
de  la  contagion.  Mendie  ei  Vernei  reçoiveni  loo  livres  chacun; 
Antoine  Olive,  60  ;  La  Rousse,  60  ;  Marianne  Blanque,  3o. 
On  leur  distribue,  ainsi  qu'aux  corbeaux  et  aux  orphelins.  Ici 
matelas  et  couvertures  désinfectés,  mais  on  leur  refuse,  par 
mesure  de  sage  précaution,  plusieurs  ballots  d'h^biui,  dcchc- 
mises«  de  draps  qui  avaient  servi  aux  inHrmerîes  d*Aîx  d  que 
celle  ville  leur  envoie,  car.  disent-ils.  ils  n'ont  pcuièirc  pas  été 
sultisammeni  désinfectés.  Quant  aux  particuliers  qui  OUI 
souffert  dans  leurs  biens  de  n'importe  quelle  manière  au  cours 
de  la  contagion,  ils  devront  s  adresser  au  sieur  Caire,  premier 
consul,  qui  en  entretiendra  le  bureau. 


Au  total  et  pour  résumer,  la  maladie  commença  à  Ailaudu 
le  20  août  1720  et  dura  jusqu  au  4  janvier  lyaa*  avec  une  in* 
lermitience  qui  s'étendii'du  20  septembre  au  i*'  novem* 
bre  172Ï,  Le  total  des  malades  durant  toute  cette 
fut  de  i.33i  et  celui  des  morts  atteignit  le  chiffre  de  i.ot3. 

Les  secours  reçus  furent  :  r  35o  charges  de  bic  (dont  huit 
perdues  pour  le  transport);  2^  lo  charges  données  par  k  Qui- 
pitre  de  la  Major,  prieur  du  lieu  ;  3*  475  moulons  et  32 
fournis  parla  ville  d'Aix  ;  4"  3. 800  livres  avancées  par  le 
rierde  la  Province;  5*  t.ooo  livres  fournies  par  TArchc^ 
6*  200  livres  fournies  par  TEvèque  de  Marseille. 

D'autre  part,  les  dépenses  diverses  pour  pain,  vin,  légumes^ 
médicaments,  linge,  vinaigre,  eau-de-vie.  parfums,  honoraires 
des  chirurgiens,  corbeaux    etc     etc.  s*clevâicnt.  au  3o  «fK 


—  579  — 

tembre  1 721,  à  la  somme  de  53.o55  livres,  réduites  à  46.433, 
d'après  le  compte  de  Caire,  consul  (Camoin,  autre  consul, 
étant  mort).  En  octobre,  il  fut  dépensé  1.096  1.  18  s.;  en  no- 
vembre, 2.269  1.8  s.;  en  décembre,  4.194,  ce  qui  forme  Un 
total  de  dépenses  de  53.993 1.  6  s. 

11  s'agissait  maintenant  d'obtenir  la  déconsignation  du  lieu 
et  la  libre  pratique.  A  cet  effet,  les  autorités  locales  rédigèrent 
l'acte  déclaratif  de  l'entier  rétablissement  de  santé  qu'on  va 
lire  : 

«  Cejourd'hui,  29  mars  1722,  après-midi,  M.  de  Malvia, 
chevalier  de  l'ordre  militaire  de  Saint-Louis,  commandant 
pour  le  Roy  dans  ce  lieu  et  terroir  d'Allauch,  sieur  Pierre 
Caire,  premier.  Consul,  étant  assemblés  avec  M.  le  vicaire  et 
les  prêtres  desservant  celte  paroisse,  les  intendants  de  la  santé, 
les  capitaines  et  commissaires  du  lieu  et  terroir,  les  chirurgiens, 
directeurs  de  l'hôpital  et  autres  qui  ont  toujours  été  employés 
pendant  la  contagion  :  le  sieur  Caire,  premier  consul,  a  repré- 
senté à  l'Assemblée  que  la  santé,  grâces  au  Seigneur,  étant  par- 
faitement rétablie  dans  ce  lieu  et  son  terroir,  il  est  de  son  de- 
voir d'en  assurer  par  acte  authentique  les  personnes  qui  gou- 
vernent si  sagement  cette  province.  Sur  quoy,  aux  fins  sus- 
dites et  en  foy  et  témoignage  sincère  de  la  vérité.  Nous  com- 
mandant, consul,  intendants  de  la  santé  et  autres,  employés 
pendant  la  contagion,  vicaire  et  prêtres,  desservant  ladite  pa- 
roisse, disons  et  déclarons  que  la  peste  a  commencé  en  ce  lieu 
et  son  terroir  depuis  le  vingtième  août  1720,  qu'elle  a  continué 
jusqu*au  mois  d'octobre  1721  et  y  ayant  eu  un  intervalle  dudit 
mois  d'octobre  sans  nouveaux  malades,  elle  aurait  recommencé 
le  I*' novembre  eiduréjusquesau  4  janvier  dernier  par  rechute, 
auquel  jour  il  tomba  une  fille  malade  qui,  ayant  resté  jusques 
au  huitième  dudit  mois  en  départ,  elle  fut  conduite  aux  infir- 
meries ledit  jour,  n'y  ayant  eu  depuis  lors  aucun  mon  ny  ma- 


58o 


Tade  ni  mèmeaucim  soupçonde  peste,  ayaai  comnienc 
raniaine  de  convalescence  ledit  jour  huitième  janvier,  qui! 
duré  jusques  au  i8  février  dernier  sans  avoir  eu  le  moindre 
soupçon  de  contagion,  cl  la  quarantaine  de  santé  depuis  le 
rS  février  dernier  jusques  à  ce  jourd'hui  sous  les  ordres  de 
iM,  le  marquis  de  Pilles,  commandant  de  ta  ville  de  IMarsetlk 
et  lieux  circonvoi&ins,  pendant  laquelle  les  éj^lises  ont  clé  ou- 
vertes, les  offices  divins  célébrés  à  lordinatre  et  avec  une  très 
grande  communication  sans  quil  y  ait  eu  aucun  soupçon*  Que 
les  chirurgiens,  infirmiers,  courbeaux  ont  sorti  do-quârzintataB^ 
où  ils  étaient  depuis  le  i5  février  dernier,  le  vingtième  dup^H 
sent  mots,  et  comniunîquent  dans  le  lieu  et  terroir  depuis  ledvi 
jour;  que  la  désinfection  de  Thôpital  des  quarantcnaires  etdf 
toutes  les  hardes  qui  y  avaient  servi  pendant  la  pesuc  a  été 
auparavant  faite;  qu'il  n'y  a  aucune  maison  ou  bastide  ni-  *'  * 
ait  eu  des  malades  qui  n*ait  été  bien  et  duemcnt  désim. 
par fumée  et  blanchie  par  trois  fois  et  que  par  dessus  cela  il  i 
été  fait  une  désinfection  générale  de  toutes  les  bardes  qui  se 
sont  trouvées  dans  lesdiies  maisons  ou  bastides  avec  toute 
rexaciuude  possible  en  tel  cas  requise.  En  foy  et  témoigna^ 
de  tout  ce  que  dessus  le  présent  acte  a  été  signé  et  dressé  Taii  d 
jour  susdit  et  ont  signé  :  Mauvia.  commandant  ;  MiaïKL,  llW- 
pecieur général;  Foiqie,  intendant;  Pinatcl,  commandafit; 
Ra^salh,  vicaire;  Blanc,  prêtre  desservant  ». 

Une  fois  ce  procès-verbal  expédié,  la  population  dWllauch 
attendit  avec  une  impatience  bien  compréJiensible  l*acte  offi- 
ciel du  lieutenant  général  de  Provence  qui  devait  lut  rendre  là 
libre  pratique,  permettre  aux  agriculteurs  d  aller  et  de  rciiirt 
aujt  négociants  de  reprendre  leur  commerce.  Cet  acte  de  dé- 
consignation  fut  rédigé  à  Marseille,  le  c^  avriU  eienrqcistn^  à 
AUauch.  le  i6du  même  mois.  Le  voici  : 


-  58i     - 

«  Le  marquis  de  Brancas,  des  comtes  de  Forcalquier,  lieute- 
nant-général des  armées  du  Roy  et  de  Provence,  conseiller 
d'Kiat  ordinaire,  chevalier  de  la  Toison  d*Or,  commandeur  de 
rOrdre  militaire  de  Saint-Louis,  commandant  pour  Sa  Ma- 
jesté en  Provence,  Veu  l'acte  fait  par  les  habitans  du  lieu 
d'Allauch,  le  29  mars  dernier,  accepté  par  le  sieur  Malvia, 
commandant  audit  lieu  et  terroir,  par  lequel  il  paraît  qu'il  nV 
a  eu  aucun  mort  ni  malade  soupçonne  de  contagion  depuis  le 
4  janvier  dernier;  que  la  quarantaine  de  convalescence  a  esté 
commencée  le  huitième  dudit  mois  de  janvier  et  finie  le  18  fé- 
vrier sans  qu'il  y  ait  eu  aucun  soupçon,  et  que  la  quarantaine 
de  santé  a  esté  commencée  ledit  jour  18  février  et  a  fini  le 
29  mars,  pendant  laquelle  il  y  a  eu  une  grande  communica- 
tion, les  églises  ouvertes  et  les  offices  divins  célébrés  à  l'ordi- 
naire aussi  sans  soupçon  ;  que  toutes  les  maisons  et  bastides  où 
il  y  a  eu  des  malades  depuis  le  commencement  de  la  conta- 
gion, les  hôpitaux  et  autres  endroits  désignés  pour  les  quaran* 
tenaircs  et  convalescents  ont  été  désinfectés,  parfumés  et  blan- 
chis par  trois  fois  :  qu'il  a  été  fait  une  désinfection  générale  de 
toutes  les  hardes,  linges  et  meubles  apartenant  à  ceux  dans  les 
m  aisons  desquels  il  y  a  eu  des  malades  de  peste;  que  tous 
ceux  qui  ont  servi  aux  hôpitaux  sont  sortis  de  quarantaine  et 
communiquent  dans  le  lieu  et  terroir  depuis  le  20  mars  sans 
qu'il  y  ait  eu  le  moindre  soupçon,  et  enfin  qu'il  n'y  a  plus  au- 
cune semence  de  peste,  Nous  avons  déconsigné  ledit  lieu  et 
terroir  d'Allauch  et  permis  aux  habitants  de  commercer  et  fré- 
quenter dans  toutes  les  villes  et  lieux  sains  déconsignés  de  la 
Province  estant  munisd'un  billet  de  santé  signé  parles  consuls 
et  secrétaire  du  lieu  et  visé  par  ledit  de  Malvia,  commandant 
audit  Allauch,  avec  défense  aux  habitants  quels  qu'ils  soient 
de  sortir  sans  avoir  un  semblable  billet  à  "peine  de  la  vie. 
Défendons    aux   consuls    et    habitans    des    lieux    où    ceux 


—  582  — 

d'Allauch  iront  de  les  refuser,  sous  les  peines  portées  par  nos 
ordres. 

«  Fait  à  Marseille,  le  9  avril  1722.  Signé  : 

«  Brancas. 

«  Enregistré  à  Allauch,  le  16  avril  1722.  Signé  : 

«  Michel  »  '. 


*  Archives  municipales  d'Allauch'.  Vol.  desdélib.de  1705  à  1723,  conte- 
nant 886  feuillets.  Archives  des  B.-duR.  cgoç.  927, etc. 


-  583  - 


XXVII 


OBJETS  ET  RITES  TALISMANIQUES  EN  PROVENCE 

d'après  les  Collections  du  Museon  Arlaten 

Élude  présentée  par 
MM.  Louis  ÀUBEHT  et  J.  BOURRILLT 


INTRODUCTION 

Sans  vouloir  faire  une  élude  complète,  trop  longue  et  peu 
nouvelle,  de  toutes  les  pratiques  qui,  en  Provence,  ont  pris  avec 
le  temps  une  allure  plus  ou  moins  fétichiste  (au  sens 'ethnogra- 
phique du  mot),  nous  voulons  donner,  avec  un  essai  de  catalo- 
gue raisonné  des  talismans  f/^rèw/  compris  dans  les  collections 
du  Museon  Arlaten,  une  esquisse  rapide  des  croyances  popu- 
laires, de  cette  espèce  de  religion  clandestine  qui  s'est  à  toute 
époque,  en  Provence,  développée,  obscure  mais  tenace,  en  marge 
des  religions  officielles.  Nous  nous  contenterons  de  décrire  sans 
parti-pris,  sans  cherchera  juger  (ce  qui  est  bien  inutile)  ces 
vieilles  pratiques,  legs  vénérable  de  vétusté,  et  qui  pour  les 
sceptiques  doivent  au  moins  avoir  le  charme  des  choses  mou- 


Brèu  (Kom.  brèu;  b.  lat.  brevia  :  lat.  proebia,  amulette  préservatif), 
C  est  le  nom  générique  sous  lequel  sont  classes,  dans  une  vitrine  spé- 
ciale (n"  26),  les  Talismans  recueillis  par  le  M.  A. 


—  584  — 

ranicis.  Quant  à  rechercher  péniblement  leur  origine 
c'ciit  tort  difficile  el  hasardeux  dans  bien  des  Ciis. 

Aussi  nous  en  liendrons-nous  aux  explications  les  plusnatti* 
relies  t*i  à  la  classirication  qui  nous  a  paru  la  plus  claire. 

Les  talismans  qui  nous  occupciii  peuvent  à  noire  avîssc  ran- 
ger en  deux  grandes  catégories  : 

/.  —  Résidus  aiferé&  et  reconnaissabtcs  des  antiques  rtlt- 
gions  ; 

IL  —  Objets  de  conjuration,  adjutoria,  viatique^  ;»i  t  ^n 
peut  ainsi  s'exprimer). 

Les  objets  de  celte  dernière  catégorie  ont  souvent  des  relai....»^ 
très  étroites  avec  ceux  de  la  première,  mais  leur  riliaiion  rdi* 
gieuse  n'est  pas  nettement  établie  à  première  vue. 

L—  Aux  premiersàges  dcnotre  Provence, on  ne  peut  douter 
qu'il  y  ail  eu  une  religion  vraimeniauiochione  ei  même  proba- 
blement plusieurs.  Les  croyances  métaphysiques  de  ces  ancc* 
1res  primitifs  devaient  être  assex  rudimentaircst  proches  f 
les  de  ranimisme  professé  par  les  peuplades  fétichistes  o  . 
que.  Les  Eléments,  dont  Thomme  était  bien  davantage  quau- 
jourdliuile  jouei,  provoquèrent  chex  lui  une  terreur  proronde. 
premier  siade  d'idée  religieuse. 

Un  reconnaît  les  traces  de  cette  glorifrcaîion  apeurée  ei 
sière  des  éléments  dans  les  images  de  ces  divinités  retrouva 
aux  Baux,  à  Saini-Remy,  à  Noves,  à  Barbenianc. 

Ce  sont  les  représentations  très  frustes  d*un  Dieu  formidi* 
ble  et  cruel,  d'un  Moloch  msaliable:  —  murtle  et  pattes  dour 
queue  de  hon,  corps  recouvert  d'écaillés,  û  tient  dans  chacun 
de  ses  gritles  antérieures  et  dans  les  crocs  de  sa  gueule  un  petit 
enfant  (Mo/tiî/re  </e  Sopes).  La  forme  la  plus  populaire  ckoe 
Dévoratcur  divinisé  &e  retrouve  dans  la  Tarasque  qui  dut  sym- 


~  585  — 

boliser  le  génie  malfaisant  des  eaux  et  dont  la  forme  est  très 
exactement  décrite  dans  Mirèio{c,  ix,  Syg,  passim)  : 

La  bèstio  a  la  co  d*un  coulobre, 
A  d*iue  mai  rouge  qu*un  cenobre  ; 
Sus  Tesquino  a  d*escaume  e  d'àsti  à  faire  p6u  [ 
D'un  gros  lioun  porto  lou  mourrc, 
E  sièis  pèd  d*ome  pèr  mies  courre. 

Il  reste  aussi  populaire  sous  le  nom  et  la  forme  un  peu  mo- 
ditiée  du  Drac,  monstre  ailé  et  amphibie,  qui  porte  sur  le  corps 
d'un  reptile  les  épaules  et  la  tête  d'un  jeune  homme  (Gervais 
DE  TiLBVRY.  Otia  Imp. ,111)  \  C'est  lui  le  vrai  hérosde  ce  poème 
du  Rhône,  où  Mistral  a  fait  ondoyer  avec  tant  d'art  la  vie  ethni- 
que du  fleuve  et  qui  est  aussi,  comme  toute  l'œuvre  Mistra- 
liennc,  un  incomparable  recueil  de  folk-lorc. 

Mais  à  côté  de  cette  divinité  toute- puissante  et  inexorable,  se 
hiérarchisent  d'autres  divinités,  personnifications  des  Éléments 
aussi,  mais  plus  douces,  plus  humaines,  plus  accessibles  à  la 
prière,  et  qui  souvent  accordent  à  l'homme  ce  que  refuse  le  re- 
doutable Seigneur  Dragon.  C'est  la  troupe  légère  des  Fées  des 
bois,  des  fontaines, 

Amo  vesiblo  dôu  campèstrc 

qui  se  sont  prises  d'amour  pour  les  fils  des  hommes  lit  qui,  fair 
blés  déesses,  ont  pris  à  ce  dangereux  contact  leurs  passions  folles.  • 


'  Tous  ces  monstres  ont  trouvé  place  dans  le  légendaire  chréiien  pri- 
mitif. Ce  sont  eux  «que  terrassent  symboliquement  (car  ils  figurent  le  pa- 
ganisme expirant).  S**  Marthe  à  Tarascon,  S.  Ârmenuire  à  Draguignan, 
S.  Front  à  Pdrigueux,  S.  Victor  à  Marseille,  S.  Véran  àCavaillon,  S.  Do- 
nat  à  Sisteron,  S.  Chely  en  Gevaudan.  Légendaire  parallèle  et  compara- 
ble aux  cycles  de  la  chevalerie  Nordique,  où  les  héros  combattent  avec 
le  même  appareil  les  Éléments  domptés  (FEau,  le  Keu,  les  montres  hor- 
ribles) par  la  seule  force  de  leur  âme  pure  et  douce. 


—  586  ^ 

Elles  vivent  dans  le  perpétuel  voisinage  de  ThumanrLL.  ci  raf 
avec  de  longs  soupirs,  comme  les  Nymphes,  dans  les  >{roitcs 
profondes  où  lésa  enfermées  au  premier  tintement  de  VA  ngtlm 
la  malédiction  du  Dieu  n  ou  veau  ♦  Leur  culte  cependant  reste 
vivacc  :  les  Bonnes-Fonts,  les  forûis  et  les  pierres  où  vont,  dam 
le  Var,  pour  y  accomplir  certains  rites,  les  amoureux.  —  les 
dolmens  qui,  dans  lesprit  du  peuple,  leur  sont  encorcconsacrô 
comme  autel  (la  Pèirode  la  Fado.k  Dragui^nan),  sont  ics  vi- 
vants témoins  de  leur  survivance  dans  le  sub-conscient  de  U 
race* 

La  religion  romaine»  que  l'administration  de  I^Empire  im- 
posa aux  peuplades  conquises  (et  dont  le  christianisme  oab- 
sanisappropria  rapidement  les  rites)  impressionna  moins  pn>- 
iondemeoi  leur  imagination  ;  il  en  resta  des  pratiques  cili 
ricures  de  culte,  mais  non  ce  fond  colore  et  vivant  de  Icgcndo 
qui  enrichissent  notre  tolk-lorc  provençal  :  Les  Fces^  les  Tré* 
ves^  les  Dracif,  Jean  de  IVurse,  les  Masques,  et  loyic  la  fouk 
bruyante  des  Barbana,  des  Garafnaudo,  di:s  Esprits  Janiaih- 
ques  qui  grouille  étrangement  dans  le  chant  VI'  de  Mtrèîo, 

Il  faut  enlin  faire  aussi  la  part  de  ce  qu'ont  donné  les  divers 
mythes  étrangers  qui,  avec  les  premiers  colonisateurs  orientaux, 
et  plus  lard  avec  les  vétérans  romains  entrèrent  en  Provence: 
nous  voulons  parler  de  ces  mystérieux  m}thes  Solaires  cl  Ph*l* 
liques»  encore  mal  connus*  dont  on  retrouve  un  peu  partout 
des  traces  nombreuses  et  signirïcaiives. 


IL  —  Les  objets  compris  dans  la  deuMcmc  caiçit^inç  que 
nous  proposons  sont  les  objets  de  conjuration,  les  taliî^ 
mans  proprement  dits.  Lhomme  est  guetté  par  des  divinîtb 
malfaisantes  ;  il  a  besoin  d'être  aide,  il  Icsi  parfois  ci  recôo- 
naît  Taide  surnaturelle.  Mais  cette  aide  ne  vient  pas  san 
plicattons,  sans  incantations  et  Thomme  est  ainsi  amci^v  j.. 


-587- 

l'expérience  à  attribuer  à  telles  pratiques,  à  telles  formules  des 
vertus  mirifiques.  Certains  objets,  il  Ta  reconnu,  lui  ont  porté 
bonheur  :  ils  sont  de  forme  étrange  souvent;  ils  l'ont  frappé 
par  leur  aspect,  par  les  circonstances  de  la  trouvaille,  par  leur 
vertu  propre,  par  leur  rareté  ;  souvent  aussi  ce  sont  des 
objets  d'usage  courant,  des  objets  de  première  nécessité.  Les 
objets  prennent  une  valeur,  deviennent  les  condensateurs  en 
quelque  sorte  de  quelque  pouvoir  supérieur  et  mal  défini,  mais 
irrésistible.  Ce  besoin  est  de  tous  les  âges  :  on  a  retrouvé  dans 
les  cavernes  et  les  abris  préhistoriques  des  variolithes.  des  es- 
cargots senestrogyres,  des  olives  de  métal  précieux,  des  col- 
liers,... dont  l'emploi  comme  amulettes  n*est  pas  douteux.  Et 
leur  emploi  comme  ornement  est  très  fréquent,  même  aujour- 
d'hui. 


-  588  — 


ESSAI  DE   CATALOGUE    RAISONNÉ' 

I 

Résidus  avérés  et  reconnaissables  d'antiques  religioD. 


A,  —  Religjons  autochtones. 

Les  légendesdu  Drac  (F.  Misiral,  Lou  Rose),  —  Il  est  figuré 
dans  la  croix  des  Mariniers  du  Rhône,  et  sur  un  èatiotréc 
lavandière  desSaimes-Maricsdc  la  Mer. 

La  TABASQi't:.  —  Il  en  existe  deux  excmphurcii  :  l'un»  très 
réduit  et  très  artistique,  provient  du  couvent  des  Carmélilcs 
d'Arles;  l'autre  qui  est  la  reproduction  très  exacte,  quoique  un 
peu  moins  f^randc  que  nature,  de  la  Tarasque  portée  k  la  pro- 
cession de  S^'  Marîhe,  a  Tarascon»  par  les  Chevaliers  de  la 
Tarasque* 

Cuiie  des  Fées,  —  La  iMAN-FAi»Ot  sij^ne  figurant  un  squo 
letle  de  main  ou  de  patle  d'animal  imprimé  sur  lecrcpi  encore 
frais  d'une  maison  nouvelle.  Cest  un  porte-bon  h  eu  r» 

Pouvoir  de  certains  animaux  : 

a)  La  Salamandre  (alabrcno)  est  réputée  avoir  le  mauvais 
a-il.  de  même  que  la  \K\s&M^oiLacertaoceUatah 

bi  Lk  LhZARi*  est  réputé  l'ami  de  l'homme,  il  veille  sur  le 
sommeil  du  paysan  et  lavertil  de  tout  danger* 

c)  La  TAt  pk  (Darboun).  Les  Fccs.  par  la  malédiction  divioe» 
furent  changées  en  laupes.  L'Escudel  qui  sert  à  préserver 
des  maladies  mtanliles»  est  un  petit  sachet  d  eloHc,  sur  lequel 
on  a  cousu  aux  coins  quatre  pattes  de  taupes.  Les  pattes  de 


*  Les  objets  dont  il   e&t  parlé  pa»$im  »oni  pour   là  plupart   eofcrvcs 
dans  la  vunne  26  ;  voir  aussi  :  Chambro  tspousiro  (visite  à  la  JacmdQ}^ 
iûulo  caUnéah  ;  Sah  /txtaditru  (Vitrine  des  barnachemenu  de 
A  toi),  panoplie  de  S.  Nicolas,  patron  de  la  Manne fCroiii  di  Marine^/,  0^ 


—  5S9  - 

taupes  et  celles  du  blaireau  qui  se  ressemblent  ("TemownJ  sont 
employées  contre  le  mauvais  oeil.  On  place  aussi  une  peau  de 
blaireau  dans  le  garniment  des  bêtes  de  trait  (Prov.,  Gapençais 
et  B.-Lang.). 

d)  Le  Serpent  était  un  animal  sacré  (il  représentait,  chez  les 
Romains,  le  Genius  loci,  le  génie  protecteur.)  La  mue  du 
serpent  (Peu  de  Serp)  porte  bonheur,  et  en  particulier  guérit 
des  maladies  du  sein.  —  lôu  de  Serp  (Œuf  de  serpent),  jade 
ovoïde  qui  préserve  de  la  morsure  des  serpents,  fait  gagner  les 
procès  et  découvrir  les  trésors  (Marsillargues,  Hér'*). 

B.  —  Influence  Romaine. 

Nous  ne  rapporterons  pas  ici  les  rites  qui  sont  passés  dans  la 
religion  catholique  et  ne  sont  pas  particuliers  à  la  Provence  ; 
et,  d  autre  part,  il  sortirait  de  notre  cadre  de  décrire  en  détail  les 
cérémonies  et  pratiques  qui  pourraient  entrer  dans  cette  caté- 
gorie; nous  nous  contenterons  donc  d'en  énumérer  quelques- 
unes.  Le  pain  à  incision  cruciale  (Pan  Calendau),  servi  sur  la 
table  du  Gros  Souper,  tout  le  rituel  et  les  accessoires  de  la 
bénédiction  des  maisons,  des  champs  (Rouguesoun)  et  des  bê- 
tes (Sant'A  loi),  les  cierges  de  la  Chandeleur  (A^.-/).rf6M  Fue  nôu, 
à  iMarseille),  les  Rameaux  chargés  de  fruits  (on  portait  aux  fêtes 
d'Ariane  et  de  Bacchus  des  rameaux  d'oliviers  pareillement 
ornés),  Carreto  de  lAgnèu  (berceau  illuminé  pour  l'agneau  de 
l'offrande  des  bergers,  pour  Noël  :  aux  Baux,  il  est  traîné  par 
un  bélier  enrubanne.)  Fêtes  de  mai  :  Maio  (belles  de  Mai), 
Arbres  de  Mai,  Bouquets  de  fleurs  symboliques  échangés  entre 
amoureux,  Fôucado  et  Roumavage  {ynajuma,  à  Rome). 

Nous  ne  pouvons  cependant  passer  sous  silence  certaines 
médailles  de  saints  où  le  concept  religieux  s'allie  à  queTque 
vertu  préservatrice  : 

Médailles  de  S.  Georges,  pour  préserver  les  marins  de  la 
tempête  (do  en  Italie). 


MédaïUen  de  S,  Bene^ei,  pour  prcscivc^r  la    marson    je   u 
foudre. 
MédaillesdeS.  Roch^^S.  Roch,  préservez-nous  du  Cholëm». 
Médaille  de  S.  Hubert,  contre  la  peste,  —etc. 

C.  —  Cultes  étrangers  divers. 

À)    flyttie   NOlaire  ou    Mylhriaiiiiie. 

Feu  de  la  S.  Jean,  batailles  de  scrpcniaux  à  Arles,  et  i  Aîx. 

La  Bello  Estelio,  à  Periurs. 

Brandoun  dôu  Carboutu  pendant  le  carnaval. 

Le  Taureau  est  le  symbole  du  Dieu  Milhra  •  ;  on  poumii 
voir  la  persistance  de  ce  culte  dans  la  passion  des  pof^uUiioas 
provençales  pour  tous  les  jeux  de  force  et  de  ruse  dont  il  est  le 
héros. 

Le  Soleil  éiàh  figuré  symboliquement  par  une  Rui  k  i  .jv. 
ire,  six  ou  huit  rais,  que  Ton  retrouve  fij^^urée  frcquemmcfl 
sur  les  objets  usuels,  tels  que  couteaux,  fourchettes  ei  cuillers 
en  bois*  sabots,  etc..  que  les  bergers  et  les  gardiens  des 
de  Crau  et  de  Camar/^uc  burinent  avec  leurs  couteaux  (v.  no-" 
lamment  un   Battoïh  ok  Lavanuièhl  des  Saintes-Mariés  de- 
là-Mer  :   prisme   triangulaire   sculpté  au  couteau   surmo5tc_ 
sur  le  manche  d'une  trgu ration  du  Drac  ;  Tune  des  faces 
la  roue  du  soleil  à  six  rais,  la  croix  des  chevaliers  de  Mil 
{  La  légende  raconte  que  le  Drac  s*était  réfugie  sous  ks  Mtf 
mcnts  du  Grand  Prieuré  de  cet  Ordre,  a  Arles);  l'autre  itkcc^ 
porte  l'Étoile  de  la  maison  des  Baux). 

H/  ilytheN  |)liiilli«|ue» 

Li  Castetlel  de  la  Sanlo-Baumo.  Triangle  composé  de 
cailloux  allongés  (symbolisant  Torgane  féminin)  et  d*un 


F   MisTKâL,  Poémo  dàu  Rose,  VIL  tzi. 


lou  rond  (organe  masculin)  placé  au  centre  :  il  symbolise 
l'union  parfaite  et  consommée.  —  Les  jeunes  filles  qui  veulent 
se  marier  vont  accomplir  ce  rite  sur  le  plateau  du  Saint- 
Pilon.  Si.  Tannée  suivante,  en  retournant,  elles  retrouvent  le 
signe  inuct,  Taugure  est  bon  et  il  est  possible  même  qu'elles 
rencontrent  leur  fiancé  prédestiné  en  redescendant  la  col- 
line. 

Ce  rite  était  aussi  pratiqué  par  les  épouses  stériles  ou  vouées 
aux  filles,  qui  élevaient  les  unes  autant  d*autels  votifs  qu'elles 
désiraient  avoir  d'enfants,  et  les  autres  d'enfants  mâles  *. 

Cj  Aiitreii  mythes,  enlte  cleM  nombres... 

Les  trois  nappes  et  les  trois  chandelles,  qui  éclairent  la  ta- 
ble du  Gros  souper,  la  veillé  de  Noël. 
Le  chiffre  7,  d'heureux  augure. 
Le  chiffre  i3,  de  très  mauvais  augure. 


Division  . 


Objets  de  conjuration,  adjutoria,  viatiques. 


A.  —  Objets  ayant  des  vertus  propres  (réel- 

les ou  symboliques)  qui  les  ont  tait 
choisir  comme  amulettes. 

B.  —  Objets  qui.  par  leur  forme,  etc.,  rap 

pellent  certains  actes  qu'ils  peu- 
vent Javoriser  ou  conjurer, 

C.  —  Objets  qui  prennent  leur  valeur  de 

leur  rare/e  ou  de  \t\XT forme  étrange. 


*  Le  jea  d'enfant  appelé  Castellet  consiste  à  mettre  à  terre  trois  noix, 
trois  châtaignes  ou  trois  noyaux  qu'on  couronne  d'un  quatrième,  et  à 
abattre  cet  édifice  avec  un  projectile  de  la  même  espèce.  Erasme  parle  de 
ce  jeu  dans  ses  Colloques  ti  Rabelais  \ttiom(nt  Chastellet. 


ojef»  a>ajii  ilen  %rrlit*«  |ii*o|»roH  (r<^ol1(«M  au  •ynnliolit 
i|iii  leN  oui  îitli  rlitiiNii*  roitioie  aiiitilelle^ 

Le  blé.  C'esi  un  objet  d'alimentation  de  première  tfnpor-> 
tance.  Le  blé  est  symbole  d'abondance,  de  fécondité.  Sur  laM* 
ble  du  Gros  souper,  on  dispose  des  écuelles  où  Ton  a  fjitt  ger- 
mer pour  sainte  Barbe  des  crains  de  blé  :  Blad  df:  Samo  Barbo. 

Le:  pAfN  HKNiT  aux^^randes  fêtes  est  panagé  aux  repas  ci  ap- 
porte la  bénédiction  dont  il  s'est  enrichî,  à  ceux  qui  en  man- 
dent. Il  rêvât  difJérentes  formes,  selon  les  y\\\aî*cs  f/augasiù, 
UHtrtîhado,  torco,  naveto.gau,,,) 

Blal>  ue  Li  no.  Le  soir,  avant  la  moisson,  les  dmourctts 
s'en  vont  seuls  dans  les  champs  de  blé.  La  liancée  coupe  un 
épi  qu'elle  mei  nu  coin  des  lèvres,  et  ils  rentrent  ainsi  à  la 
maison  de  la  jeune  fille  :  —  an  culi  ton  blad  de  luno^  équtvaot 
à  dire  :  ils  sont  llancés. 

Boi  gi  ET  h'i->is  IIÏ-:  ur  k.  Dans  la  Gascogne,  à  Parville,  près 
de  Moissac,  les  jeunes  filles  #llant  à  la  messe  portent  au 
temps  de  la  moisson  un  petit  bouquet  d'épis  de  blé  qu>Uei 
ûrtVenl  à  leurs  amoureux  avant  d'entrer  à  l'église;  ceux-ci  vont 
alors  attacher  leur  bouquet  à  la  porte  de  la  maison  de  la  n'uoc 
fille  en  guise  de  (ian»^ailles. 

Choix  d'épis*  A  Grisolles,  près  de  Montauban,  la  porte  iks 
nouveaux  mariés  reste  ornée  pendant  leur  première  année 
de  mariage  d'une  croix  d'épis,  comme  symbole  de  fécondité 
(d'%  dans  le  Bazadais). 

Les  trois  arbustes  dont  on  bénit  les  branches  le  jour  ck» 
Rameaux  sont:  le  bus,  lk  ul^bieiï  (arbre  consacré  à  Apc4lon). 
i/oiJvic:R(il  n'est  jamais  atteint  par  la  tbudre  :  il  est  né  du  soJ 
par  la  lance  de  Minervef. 

On  bénit  à  Berre,  pour  la  fête  de  saint  Ccsairc^  les  i><cifii^ 
dont  les  femmes  gardent  ensuite  les  noyaux  qui  préicn'«t 
d'une  iniinité  de  malheurs. 


-  593  - 

Le  millepertuis  (erbo  de  la  sani  Jan,  Trescalan)  esi  cueilli 
le  jour  de  la  Saint-Jean.  On  le  fait  passer  trois  fois  dans  la 
rtamme  des  feux  que  Ion  allume  ce  jour-là,  en  criant  chaque 
fois  :  Sant  Jan,  la  Grano  !  Cela  fait,  orr  le  dispose  en  croix 
que  l'on  attache  aux  p)ortesdes  maisons  ainsi  préservées  des  ma- 
léfices, de  la  foudre;  il  chasse  les  démons,  guérit  des  blessures. 
(Dans  le  Béarn,  le  Fenouil  cuqWW  pour  la  Saint-Jean  a  les  mô- 
mes vertus.) 

Mandragore  :  Cest  avec  ses  racines  que  les  sorciers  fabri- 
quaient ce  qu*ils  appelaient  la  Man  de  glôri.  Elle  fait  doubler 
tous  les  jours  l'argent  que  Ton  met  auprès  (cft.  le  Mandagoi, 
en  Béarn). 

Rose  de  Skhicho  (Anasiaiica  hierochuntica).  On  la  fait  étaler 
dans  l'eau  sur  la  table  du  Gros  souper,  à  Noël,  avec  le  blé  de 
Sainte-Barbe:  —  on  la  place  dans  la  chambre  de  Taccouchée, 
aux  premières  douleurs  :  quand  la  plante  est  entièrement  éta- 
lée, l'accouchée  donne  le  jour  à  un  beau  garçon  (F.  Mistral). 

Germandrle  fCa/amawrfr/e),  préserve  du  tonnerre.  Probable- 
ment à  cause  de  la  ressemblance  de  sa  feuille  avec  celle  du 
chêne,  consacré  à  Jupiter  tonnant. 

Li  soi'VET  A  la  jACi  do.  Les  amies  de  l'accouchée  amenées  par 
la  marraine  du  nouveau-né  apportent  les  quatre  dons  symboli- 
ques : 

Le  pain  :  pour  que  l'enfant  soit  bon  comme  lui  ; 

Le  sel  :  qui  lui  apportera  le  don  de  sagesse  ; 

L'œif  :  pour  qu'il  soit  robuste,  sain  et  fécond  ; 

La  uROUQiETo  (Allumette,  branchette  de  fenouil  soufrée).: 
afin  qu'il  soit  toujours  droit  comme  elle. 

La  crolx  des  mariniers  Dr  Rhône  est  surchargée  de  tous  les 
symboles  delà  Passion  et  de  quelques  symboles  astronomiques 
(F.  Mistral  :  Lou  Rose,  I-VI).  Elle  est  plantée  à  la  poupe  du  ba- 
teau. 

COMdRÈS.  "  38» 


.    -  594  — 

Le  crapaud  (Lou  crapaud  tiro  lou  vérin).  Il  passe  dans  le 
peuple  pour  être  venimeux  ;  mais,  placé  sous  le  lit  d'un  fié- 
vreux, il  absorbe  les  miasmes  de  la  chambre,  se  gonfle  des  ira- 
puretés  de  lair  et  par  conséquent  purifie. 

B)  ObJeti4  qui,  par  leur  forme,  le  lien  où  IN  ont  été  (rtMnrés* 
rappeileul  certains  acte»  quMN  peni^ent  favoriser  on  c«b- 
Jurer. 

Objets  contre  le  mauvais  sort. 

On  conjure  le  Diable,  les  fièvres,  les  maladies  des  troupeaux. 
les  chenilles,  les  cafards,...  et  en  général  tout  ce  qui  est  malfai- 
sant. 

Les  objets  conjuratoires  ont  une  vertu  selon  les  matières 
qui  les  composent  ou  selon  ïa/orme  qu'on  leur  a  donnée;  quel- 
quefois la  vertu  d'un  objet  fait  avec  une  matière  conjurativc  est 
augmentée  par  la  forme  particulière  qu'on  lui  donne. 

aj  .Malièreii  conjurât  1%'eA. 

Ambre,  collier  de  grains  d*ambre. 

Corail,  main  fermée  avec  trous  entre  le  médius  et  l'index. 
Os,  sachet  d'os  de  mort,  contre  les  convulsions  des  enfants. 
Cristal  a  facettes  ou  a  caboches. 

6/  FormeH  conJnralK'en. 

I.  —  Objets  pointus  ou  tranchants, 

Pkiro  de  tron  :  Hachettes,  pointes  ou  flèches  préhistoriques 
(âge  de  la  pierre).  La  tradition  populaire  attribue  leur  originel 
la  foudre  qui,  en  frappant  les  édifices,  les  arbres,...  laisse  sur  le 
sol  une  partie  matérielle  pétrifiée.  Du  reste,  dès  Tàgc  de  bronze, 
la  hache  polie  était  un  objet  sacré.  On  donne  aussi  le  nom  de 
Pèiro  de  tron  aux  aérolithes. 

(2andelo  I)k  trevan,  det  d6u  diable.  Bélemnites. 

Disv  FEiPouNENco,  DENT  DE  LA.Mi,  dent  de  squale  fossile  sus- 


-  595  - 

pendue  à  une  chaînette  d'argent.  On  Tappelle  aussi  dent  de  pe- 
RiCLE  dans  certains  pays(de  pericle,  foudre.)  Cest  fa  Glossope- 
tra  des  anciens. 

Coque  poun,  roump  :  —  Pour  conjurer  le  mauvais  sort,  on 
pique  un  mou  de  mouton  avec  des  aiguilles  et  on  le  tait  ensuite 
bouillir  pour  forcer  le  jeteur  de  sorts  à  retirer  son  charme  ;  on 
obtient  le  même  résultat  en  jetant  des  aiguilles  dans  un  puits. 

A  Lourmarin  (Vaucluse),  on  place  une  faux  le  tranchant 
en  l'air,  contre  la  grèlc  et  les  orages  d'été. 

La  POINTE  qui  domine  les  cabanes  en  chaume  :  cette  pointe, 
dont  l'usage  remonteaux  temps  proto-historiques, sinon  préhisto- 
riques, aété postérieurement,  sousTinfluence du  christianisme, 
remplacée  souvent  par  la  croix.  Mais  on  rencontre  encore  les 
pointes  sur  quelques  cabanes.  Elles  préservent  de  la  foudre  et 
du  diable.  (D^  Marignan.) 

2.  —  Objets  ocellés,  stellaires  ou  lunaires. 
Ces  formes  symboliques  ont  un  pouvoir  puissant  contre  les 
maléfices  et  on  les  retrouve  sur  des  quantités  d'objets  usuels  : 
par  exemple,  les  lunes  de  cuivre  à  devises  et  ornements  gra- 
vés qui  font  partie  du  harnachement  des  bêtes  de  trait. 

Les  Astroïtes  (P.  de  Sant-Estève),  et  les  étoiles  noires  de 
Digne  (P.  de  Sant  Vi.ncènt,  encrinites). 

On  sait  que  la  Rassado  (Lacerta  ocellata)  est  réputée  avoir 
le  mauvais  œil. 

3.  —  Objets  en  forme  de  main  fermée  avec  le  pouce 
inséré  entre  l'index  et  le  médius,  ou  de  main  a  index  itipiialli- 
giE(on  a  retrouvé  des  amulettes  de  cette  forme  dans  les  tom- 
beaux étrusques)  ou  de  cœur. 

4.  ~   Objets  cruciformes  (casso-diable) . 
Chardon  cruciforme,  amulette  découverte  à  Maillane  par  le 

D'  Marignan  sur  la  porte  d'une  nftaison. 


-  5cj6  — 

Crous  de  paio,  croix  que  font,  avec  deux  brins  de  paille, 
les  paysans,  pour  garder  leur  bissac  des  fourmis. 

Croix  (signe  de)  que  l'on  fait  avec  le  couteau  à  l'envers  du 
pain  avant  de  Teniamer. 

Croix  de  conjuration  à  formule,  comme  celle  de  la  Pointe- 
Afrique,  près  de  Beaulieu  (Alpes-M"'')  contra  fulgura  et  tem- 
pestâtes.  Elle  porte  la  formule  suivante  (lySS)  : 

Crux  est  quam  adore 
Crux  domini  mccum 
Crux  mihi  refugium 
Crux  mihi  certa  salus. 

Chaque  invocation  est  reproduite  cinq  fois  dans  chacun 
des  bras  de  la  croix.  La  clef  pour  la  lecture  est  le  G  qui  se 
trouve  au  centre  de  la  croix. 


Talismans  spécifiques,  topiques  : 

aj  CollierN,  braMHardM,  lliratureA,  ton«adeH« 

CouLARET,  collier  de  licelle  de  chanvre  à  i3  noeuds,  contre 
le  croup. 

Collier  a  (jrains  d'amrre.  Contre  les  convulsions  des  enfants, 
le  grain  le  plus  gros  est  appliqué  sur  la  partie  malade  au 
moment  de  la  crise. 

Collier  d'osier.  Contre  la  maladie  des  chiens  (Bas-LanîT»- 

(Collier  de  bouchons  (Coulas  de  siéure),  pour  faire  passer 
le  lait  aux  chiennes  et  aux  chattes  (à  Toulouse;. 

(>AMRAROT.  Hracelei  de  laine  ccarlate  contre  les  foulures  des 
poignets.  Les  premiers  chrétiens  portaient  un  bracelet  sem- 
blable, en  signe  de  reconnaissance. 

Torsade  iriple  en  boyaux  de  chat.  Contre  les  foulures  et  le 
mal  aux  dénis. 


-597   - 
Anneau    pour  guérir  les  hémorrhoïdes,  fait  avec  un  clou 
à  terrer,  du  pied  gauche  postérieur  d'un  cheval  entier  :  il  faut 
choisir  les  deux  caboches  du  côté  interne,  en  pariant  du  talon  ; 
le  clou  est  étiré  et  travaillé  à  coups  de  marteau  et  à  froid. 

bj  Pierreni. 

PÈiRODE  LA  picoTo.  Variolithe,  contre  le  mauvais  sort  jeté  sur 
les  troupeaux  et,  en  particulier,  contre  la  clavelée  (picoto).  On 
place  cette  pierre  dans  la  mangeoire,  dans  l'abreuvoir  et  même 
dans  les  sonnailles  comme  matable. 

Patlr  de  la.  Agates  colorées  ou  marbrées  de  blanc  (Calàé- 
doinc).  Elles  ont  une  forme  globulaire.  Portées  par  les  nour- 
rices pour  maintenir  abondante  la  sécrétion  du  lait  et  pour  la 
rétablir,  si  elle  vient  à  se  tarir. 

PtiRO  DE  sang.  Calcédoine  rouge  ou  grenat,  arrête  et  empê- 
che l'écoulement  du  sang  d'une  blessure  :  par  extension,  favo- 
rise le  cours  régulier  des  menstrues. 

PÈiPO  DE  SEHP.  Pierre  dont  les  veines  rappellent  les  teintes 
de  la  peau  du  serpent  :  employée  contre  la  morsure  des  ser- 
pents et  d'animaux  venimeux. 

Pkiro  d'aiglo.  Concrétion  argileuse  avec  noyau  interne  déta- 
ché qui  fait  un  bruit  en  heurtant  la  pierre  :  favorise  la  gesta- 
tion et  la  parturition.  (Cpr.  Piètre  délia  gravidan^a,  en  Italie.) 

Pkiro  veirenco.  Pierres  vitrifiées  par  la  foudre  ou  toute  autre 
cause  :  on  les  plaçait  dans  les  murs  des  maisons  pour  les  pro- 
téger de  la  foudre. 

PÈiRO  j)E  Sassenage.  Pctits  cailloux  de  jaspe  polis  (de  la 
grosseur  d'une  lentille),  que  Ton  trouve  dans  le  Préciousié  de 
Sassenage  (Isère).  On  les  place  sous  les  paupières  pour  net- 
toyer les  humeurs  des  yeux,  ou  en  extraire  les  corps  étrangers. 
(Cpr.  Petre  di  S.  Liicia,  en  Italie.) 


598  — . 


cj  ObJelA  dU'erN. 


QuEissAi  DE  BÈsTi.  Molaifc  de  bœuf  ou  de  mouton,  contre 
le  mal  aux  dents. 

Marron  d'Inde  (^sculus  Hippocastanum).  Se  porte  dans 
la  poche,  contre  les  hémorrhoïdes  (Bas-Languedoc). 

Rhizome  du  gouet  (Arum  maculatum),  d**. 

Gousses  d'ail.  Contre  les  vers  intestinaux  (portées  en  collier 
par  les  enfants).  En  Italie,  il  est  de  tradition  que  Taii  cueilli 
le  jour  de  la  Saint-Jean  soit  employé  comme  amulette  contre 
les  vers  des  enfants. 

CmvAU  MARIN  (Hippocampe)  que  les  marins  portent  dan^ 
leur  bonnet  contre  les  accidents  de  mer  et  contre  les  maux 
de  tcte  (à  Marseille). 

TiGNO.  Cocon  de  la  Mante  religieuse  pour  les  maux  de  dents 
et  contre  les  engelures  (en  prov.  iigno). 

Nids  de  mésange  penduline  (Debassaire,  Piegre).  Suspendus 
dans  les  cabanes,  les  préservent  de  la  foudre.  Se  retrouve 
en  Autriche  et  sur  les  côtes  de  l'Adriatique.  (F.  Mistral,  Mi- 
re io.  Vil.) 

Sachet  d'os  de  mohi  .  Contre  l'épilepsie. 

Sachet  de  \n:t:  ( Ruta  grapeolcnsj.  Pour  favoriser  l'accouchc- 
mcni  ;     -  cm  ménagogue. 

Dkvino-vènt.  On  emploie  à  cet  usage  le  corps  du  mariin- 
pccheur  (Amie,  bluicl),  ou  celui  d'un  malormat  (pcristidiam 
malonnat),  poisson  de  mer  qui  a  deux  pointes  (comme  Jeux 
cornes)  sur  la  tèic.  Le  /.)cr//20-vé/i/ est  suspendu  par  un  îil  au 
plafond  dans  les  cuisines  des  mas  pour  indiquer  le  tenip>et 
l'élai  hygroméirique  de  l'air.  L'ntableaude  Teniers  nous  mon- 
tre un  poisson  devino-vènt  [LLtuve  de  village.  Musée  de 
Cassel;. 


—  ^99  — 

CJ  Objets  rareA  et  qui  preoDenl  leur  valeur  de  leur  rareté 
ou  de  leur  forme  étrange. 

Tout  objet  rare  (même  chez  les  civilisés)  prend  une  valeur 
lalismanique.  Nous  bornerons  notre  liste  aux  objets  renfermés 
dans  la  vitrine  26  du  Musée  Arlaten  : 

Cacai.ai  so  BEBOussiÈRO.  UcHx  vcrmiculata  senestrogyrc. 

EspiGO  BEsso.  Épis  de  blé  jumeaux  sur  la  même  tige  :  signe 
de  deuil  ou  de  mort  pour  celui  qui  les  trouve. 

Amandes  doubles.  Portées  dans  les  poches  contre  le  mal  aux 
dents  (Lourmarin,  Vaucl.). 

Noix  TRILOBÉE  (Nosc  à  3  glauso)  :  préserve  du  tonnerre  et  de 
la  murène. 

Trèfle  a  4  feuilles. 

Sors  TROUÉS,  portés  comme  amulette.  Certaines  monnaies 
(écu  de  5  fr.  avec  la  vache,  monnaies  impériales  romaines,  me- 
nue monnaie  avec  l'initiale  napoléonienne);  —  dans  le  Gard, 
les  Bouches-du-Rhônc,  les  mères  ou  les  bonnes  amies  des 
conscrits  cousent  dans  la  doublure  de  la  veste  de  ceux-ci  des 
dardeno  pour  leur  faire  tirer  un  bon  numéro. 

EscuDELETO  DE  S'*-Éleno.  Monnaics  du  Bas-Empire  conca- 
ves ou  bombées  légèrement.  Elles  préservent  des  maléfices. 
Peircsc  rapporte  que  les  Pénitents  d'Aix  les  faisaient  porter 
aux  condamnés  à  mort  qu'ils  menaient  au  bourreau. 


6oi 


XXVIII 


LE  COSTUME  D'ARLES 

par  M.   J.   BOPRRILLT,   d'Arles, 
'Président  de  fEscolo  Mistralenco. 


On  dit  toujours  :  Le  costume  d'Arles  se  perd,  il  sera  bientôt 
rareic  «irchéologique.  Cette  note  pessimiste  est  exagérée,  mais 
il  faut  bien  reconnaître  qu'elle  contient  une  part  de  vérité. 
Le  coi^iume  arlésien  est  bien  moins  porté  qu'autrefois; 
mai^s,  croyons-nous,  ce  qu'il  a  perdu  en  nombre,  il  Ta  ga- 
gné en  pureté  et  en  élégance,  car  il  s*est  formé,  tel  que  nous 
le  vovoas  aujourd'hui,  peu  à  peu,  graduellement  ;  il  s'est, 
par  des  transformations  heureuses,  des  éliminations  méthodi- 
ques, débarrassé  d'une  surcharge  d'ornements  qui  le  faisaient 
riche,  mais  un  peu  lourd  d'allure.  La  ligne  en  est  devenue 
plus  sobre,  plus  (ine.  Nous  ne  voyons  plus,  le  dimanche,  sur 
nos  Lices,  aux  Arènes,  d'amples  jeunes  Hlles,  à  la  chapelle 
«t  gori;iesement  ^  parées  de  bijoux,  la  tète  ceinte  du  ruban  floi- 
lani  dans  le  dos,  Vèse  à  manches  énormes  et  la  robe  évasée  en 
crinoline.  Arles  n'est  plus  riche;  il  n'y  a  plus  ou  il  y  a  peu  de 
biiouv  :  les  bijoutiers  arlésiens  ont  du  reste  tout  fait  pour  que 
disparaisse  le  beau  bijou  provençal,  orfèvri  à  Saint- Remy,  et 
lui  ont  substitué  la  pacotille  parisienne.  Mais  la  silhouette  d'une 
jeune  artésienne  est  toute  grâce,  toute  élégance,  toute  distinc- 
tion, et  chacun  de  ses  gestes  (étudié,  qu'on  n'en  doute  pas)  est 
un  geste  de  reine,  sure  d'elle,  à  l'aise  dans  son  costume. 


602 


Qu'elle  meue  sur  ses  épaules  le  chile  brode»  ou  le  châl 
àombré  d*hiver»  celui-ci  simpliHe  la  lif»ne,  amonii  les  gestes;  il 
moule  Tépaule  et  se  serre  au  creux  des  reins  par   un  gracicits 
mouvemeni  du  coude  qui  ie  laisse  lâche  ci  boutTani  sur  la  poi- 
irine.  11  se  creuse  à  la  taille  en  plis  chatoyants  qu'un  mouve- 
ment déplace  et  accentue,  avec  le  biais  exquis  d*une  clé^ifite 
d'Ouiamaro.  —  Qu'elle  révèle  le  manteau  somptueusement 
garni  de  fourrures,  c'est  alors  syr  les   Lices  la  ^Taviié  d*UQe 
(héorie  de  déesses  :  la  démarche  est  lente,  les  groupes  sassefn*^ 
blcni  et  s  avancent  en  ordre  harmonieux,  sans  ^jesies*  avec  b 
seule  humanité  d'uo  sourire.  Mais  au  printemps,  à  I  clc,  lors- 
que châles  et  manteaux  sont  rangés  dans  Te  coffre  de  ckàrt^ 
ces  statues  divines  s  animent,  se  font  femmes;  toute  la  %ni'adti 
de  la  race,  charme  et  iinessc,  reparaît  :  le  dimanche  aux  Are* 
nés,  vers  les  plus  hauts  gradins  pleins  de  soleiU  elles  aiment  a 
promener,  à  l'abri  de  Tombrelle  qui  les  colore  comme  un  au* 
tel  sous  les  vitraux,  et  lorsqu'elles  se  penchent*  toutes  frémis- 
santés,   vers  le  drame  d'en   bas,  c'est  avec   tant   d'émotion 
qu'elles  suivent  le  jeu  de  l'homme  et  de  la  bôic,  elles  ont,  envi* 
ronnées  de  lumière,  une  grâce  si  aérienne,  qu'elles  ^emblcnt 
bien  ne  poser  qu'en  oiseau  leurs  petits  pieds  sur  les  dalles  noi- 
res. El  sur  les  Lices,  à  la  sortie  dts  Arènes,  c'est  une  aoima- 
lion  de  volière  et  dans  le  jour  qui  s*éteinl,  quelque  mirai; 
précis,  délicieux,  comme   l'évocation  d'un    rcvc  déi'i   f 
liesse  orientale  et  lointaine. 

Mais  entrons  dans  le  détail,  recherchons  comment  est  né 
ce  costume  et  ce  qu'il  est  aujourd'hui  ^  Il  serait  difficile  d*€Si 
étudier  les  formes  1res  anciennes;  il  t)e  s'est  pas  crée  spooG»* 


*  Nous  a^ons  titudir,  d'une  ftçon  beaucoup  plus  complète  qot  DOtts  9i 
le  pou%cn^  faire  ici,  ces  transformations  du  costume  dans  un  irAVAiLare; 
dessina  qui  paraîtra  in ccssAin ment  dins  la  Revue  Félitrétmni. 


—  6o3  — 

nément  :  il  y  a  toujours  eu  un  costume  d'Arles  ;  et  ce  qui 
prouve  qu'il  a  des  origines  profondes  et  antiques,  c'est  qu'il 
est  localisé  précisément  dans  une  portion  historiquement 
très  importante  du  territoire  provençal  :  le  diocèse  de  l'ancien 
Archevêché  d'Arles.  Le  costume  arlésien  est,  en  effet,  porté 
dans  soixante  villages  qui  forment  les  treize  cantons  actuels  de 
cette  ancienne  circonscription  :  Arles,  Tarascon,  Saint-Remy, 
Chateaurenard,  Orgon,  Eyguières,  Salon,  Lambesc,  Saint- 
Chamas,  Istrc,  les  Saintes-Mariés  de  la  Mer,  Beaucaire  et 
Aramon.  Bien  que  TArchevôché  d*Arles  ait  été  démembré  au 
profit  de  nouvelles  circonscriptions,  le  costume  s'est  main- 
tenu dans  les  cantons  passés  à  Tarrondissement  d'Aix  ou 
au  département  du  Gard,  malgré  les  barrières  politiques  et 
administratives  qui  les  séparent  d'Arles. 

Le  costume  arlésien,  dans  la  forme  où  nous  le  voyons,  n*est 
pas  très  ancien  :  les  premiers  essais  de  transformation  dans  le 
sens  actuel  datent  d'une  centaine  d'années  à  peine.  Le  costurfie 
qu'il  a  remplacé  était  tout  différent  :  un  corset  très  rigide  (lou 
cors)  en  damas,  en  soie  brodée  ou  brochée  ;  un  fichu  de  den- 
telle ou  de  mousseline  brodée,  «  en  chenille  >►  f/a  moudesto)  ; 
une  vaste  coiffe  de  riche  dentelle,  qui  prenait  toute  la  lèie  et 
ne  laissait  passer  que  quelques  boucles  de  cheveux  (recouleto); 
un  petit  mouchoir  (plechoun)  prenant  la  coiffe  au-dessus  du 
front  et  venant  se  nouer  sur  l'oreille  gauche  ou  sous  le  men- 
ton ;  par  dessus  le  cors,  une  espèce  de  casaque  courte  de  taille, 
à  longues  basques  flottant  en  rubans  (droulet);  enfin  jupe 
courte  s'arrètant  à  mi-jambes  :tel  était  ce  costume  curieux  et 
riche  assurément,  mais  où  la  grâce  le  cédait  au  pittoresque. 

Il  disparaît  vers  le  commencement  du  xix«  siècle  pour  faire 
place  à  un  costume  plus  étoffé.  La  coiffe  s'entoure  d'un  large 
ruban  à  fleurs  vivement  colorées  et  que  l'on  noue  en  ganses 
énormes  sur  le  devant  de  la  tète.  Le  cors  a  disparu  ;  le  drautei 


Bu^si,  La  robe  s*agrandil  et  s'allonge.  —  Puis,  au\  et 
de  i85o.  le  ruban  de  lète  se  laii  plus  peliL  On  ne  fait  plusU 
ganse,  et  peu  à  peu  le  bout  se  détache  de  la  coiffe  et  floiic,  La 
mince  marge  blanche  du  Hchu  de  mousseline  qui  appa^^i^&ail 
sous  le  fichu  d'indienne  s'élargit  et  devient  la  lar^c  chapelle  k 
plis  nombreux  ci  rc^'ulierSj  d*une  éblouissante  blancheur. 
qui,  avec  les  dorures  et  les  pierreries,  fait  le  costume  de  ctm 
époque  si  somptueux.  Le  ruban  de  léie  s'étage  sur  la  coiffe  pluï 
pciite,  cl  enserre  les  cheveux  jusqu'au-dessus  de  l'oreille  recou- 
verte par  les  bandeaux  «  à  la  vierge  »;  le  bout  du  ruban,  co* 
touré  de  riches  deaieltcs,  se  détache  et  flotte  mollement  ius- 
qu  aux  épaules, 

La  forme  actuelle  (et  détinitîve,  croyons-nous/,  du  costume 
ne  date  que  d'une  dizaine  uu  d'une  quinzaine  d'années  an 
plus.  La  cAtipe//e  s'est  faite  plus  étroite,  a  plis  rccti lignes.  î< 
réunissant  tous  à  la  ceinture.  Le  lichu  qui,  moulant  le&épao- 
les,  en  accentuait  la  chute,  s'est  redressé,  Axé  par  des  cpinglci; 
il  se  croisait  sur  la  poitrine,  elles  bouts  venaient  sarrèicf  des 
deux  cèles  de  la  taille  :  il  se  croise  seulement  à  U  ceinture  ei 
les  bouis  sont  ramenés  en  avant  et  fixés  avec  des  cpinj^le^,  de 
façon  à  former  une  espèce  de  cœur.  Débarrassé  de  tous  la 
ornements  inutiles,  il  se  porte  en  général  tout  uni  et  non 
brodé.  Tout  cela  se  détache  sur  Vcse  noire  à  manches  ctrouc». 

La  coiffure  aussi  a  été  transformée,   par  rapparition  des 
doubles  bandeaux  (rcpesset).  Les  cheveux,  jusque-là  sépares  en 
deux  masses  sur  le  front,  se  relevaient  au-dessus  de  rortiUe 
et  se  rejetaient  ensuite  sur  la  nuque  :  le  revexsci  consiste  t 
que  les  deux  masses  de  cheveux  prises  plus  haut  sur  j 
sont  lordues  ensuite  en  dedans  et  enroulées  autour  du  ^    - 
de  sorte  que  chacun  des  bandeaux  se  dédouble  en  une  partie 
plus  lâche  qui  retombe  de  chaque  côté 
couvrir,  ci  une  partie  tordue  et  serrée  qui 


—  r)o5  — 

élégante  sur  la  première.  Le  ruban,  ne  pouvant  plus  flotter  lon- 
guement derrière  la  tète,  se  raccourcit  ;  le  peigne  qui  soutient 
la  coiffe  et  le  ruban  se  place  exactement  sur  le  sommet  de  la 
tète.  La  masse  des  cheveux  est  tout  à  fait  détachée  de  la  coiff'e 
et  supporte  avec  aisance  le  ruban,  dont  le  bout  reste  ferme  et 
coquettement  dressé.  ♦•  :..i  '-'   >i'p 

La  toilette  d'intérieur  (qui  n*est  plus  guère  portée  à  présent 
que  par  caprice,  dans  les  bals  ou  en  carnaval),  difl^ère  de  la 
précédente  par  le  grand  fichu  de  percale  très  blanc,  parle 
tablier  à  ramage  et  la  cravate,  La  cravate  est  une  pointe  de 
toile  fine  entourant  la  coiffe  et  nouée  sur  le  devant  en  oreilles 
de  lapin;  elle  se  porte  très  petite  et  coquette  avec  ses  deux 
bouts  brodés  dressés  en  crête,  en  bericouquet  :  cela  s'appelle 
èstre  couifado  en  Mirèio. 

Le  vêtement  arlésien,  /en  principe,  est  fait  d'une  simple  pièce 
d'étoffe,  non  coupée,  drapée,  ajustée  sur  le  corps,  à  l'antique  *  : 
ainsi  la  jupe,  qui  est  la  pièce  d'étoffe  telle  quelle,  froncée  sim- 
plement autour  de  la  taille;  ainsi  le  fichu,  carré  d'étoffe  plié 
suivant  la  diagonale,  plissé,  et  le  plus  souvent  non  ourlé; 
ainsi  le  chàlc  retenu  au  corps  par  les  coudes  et  par  deux  épin- 


'  Il  ne  faut  cependant  pas  qa'il  y  ait  d*éqaivoque  sur  ce  mot.  Le  vête- 
ment antique  est  généralement  flottant.  Le  vêtement  arlésien  est,  nous 
venons  de  le  dire,  un  vêtement  ajusté  au  corps.  Un  exemple  fera  mieux 
saisir  la  distinction.  Le  péplum  et  la  palla,  retenus  par  des  agrafes,  lais- 
sent, pendant  la  marche,  l'air  les  enfler  ou  les  plaquer  sur  le  corps  en 
beaux  plis  sculpturaux  :  le  châle,  au  contraire,  est  simplement  placé  sur 
les  épaules,  et  c'est  un  mouvement  de  coude  qui  le  serre  aux  flancs.  Le 
vêtement  antique  est  fait  pour  de  nobles  gestes,  le  costume  arlésien  est 
beau  par  sa  ligne  même. 

Une  confusion  plus  grossière  a  été  commise  :  le  rapprochement  injustifié 
que  l'on  a  fait  de  la  coiffure  arlésienne  avec  certaines  couronnes  murales, 
attributs  de  divinités;  il  suffit  de  connaître  la  construction  de  la  coiffure 
arlésienne  pour  s'apercevoir  de  l'absurdité  d'une  pareille  comparaison. 


~   (>0«» 


fjles  aux  épaules;  de  même  le  voile  de  mousseline  bianche  %\ut 
Ion  porte  aux  enierrements,  aux  processions,  aux  commu- 
nions, et  qyt  rappelle  d'une  façon  frappante  les  lignes  àa 
Jîammeum  antique 


Tandis  que  le  costume  arlésicn  prenait  de  plus  en  p»uN  u 
caractère  de  vêtemcni  traditionnel,  se  fixant  chaque  jour  da- 
vantage dans  des  règles  étroites,  le  costume  françars  tendait  de 
plus  en  plus  à  la  commodité,  devenait  le  costume  qu'on  passç 
rapidement,  qu*on  coule  et  qui  ne  doit  pas  ^'6ner  :  rc%'o]utU)û 
dans  la  mode  et  le  |:^oùi  IVan^^ais  due  h  des  importations  angio* 
américaines.  Forcément,  les  deux  costumes,  TArlcsien  et  le 
Français,  ont  dû  se  développer  en  sens  contraire,  le  premier 
accentuant  davantage  son  purisme,  le  second  recherchant  avec 
la  plus  libre  fantaisie  tout  ce  qui  pourrait  donner  au  corps  plui 
d*aisance*  et  se  pliant  aux  exigences  nouvelles  de  la  vie  mo- 
derne. Kn  somme,  dans  te  costume ancieû  français  et  arlcsteUt 
le  trait  dominant  c'est  la  surcharge  d*ornemcnts,  de 
noyant   le  corps  qu*on  ne  soupçonne  même  pas;  — dar,     - 
costume  actuel,  c'est  d'une  part  la  grâce  impeccable  de  ÏA-k- 
siennectdelautre,  la  préoccupation  visible  et  constante  dV- 
commoder  au  corps  Taisance  ou  le  collant  du  vêtement  ;  cette 
différence  capitale  entre  les  deux  costumes  a  permis  ;'i  - 
d'Arles  de  se  développer  d'une  façon  si  royale,  compara:. ^. 
ment  à  celui  ôqs  damâtes  qui,  de  la  province,  imitent  avec  un 
mauvais  goût  fréquent  les  trouvailles  parisiennes. 

Ce  qui  lait  aussi  le  caractère  du  costume  d'Arles,  c'csi  ^ 
un  vêtement  ajuste.  LVVrlésienne,  au  moyen  d'épingles, 
pose  elle-mcme  les  plis  de  sa  chape/te  d  du  fichu;  mit 
plus  ou  moins  haut  sur  les  épaules,  les  plis  donnent  au  fkini 
un  caractère  différent  d'élégance.  Il  en  est  de  même  du  ^ 
qui,  placé  sans  art,  devient  si  aisément  lourd  ci  dîsgmcicu> 


—  Go7  — 

L'Arlésienne  peut,  par  des  modifications  de  détails  insigni- 
fiantes, imprimer  à  sa  toilette  un  cachet  particulier. 

*    if 

Nous  avons  dit  en  commençant  que,  malgré  sa  grâce  incom- 
parable,le  costumed'Arles  avait  une  tendanceà  disparaître:  c'est 
malheureusement  indéniable.  Il  y  a,  —  avec  la  disparition 
générale  de  toute  particularité  locale,  —  d'autres  causes  aussi 
lortes  et  aussi  inévitables  ;  le  symptôme  le  plus  grave  est  la  dis- 
parition du  costume  d'intérieur  (coiffure  en  cravate  et  fichu 
blanc)  et  l'adoption  de  plus  en  plus  généralisée,  même  hors  la 
maison,  du  caraco  qui  tend  à  remplacer  Vèse  et  la  chapelle. 

Autrefois,  l'Arlésiennese  coiffait  dès  le  matin  «  en  Mireille  >, 
pour  aller  à  l'atelier  ou  pour  vaquer  aux  soins  du  ménage;  le 
lichu  très  blanc,  croisé  sur  Vèse,  donnait  du  cachet  à  cette  toi- 
lette. Une  jeune  fille,  il  y  a  seulement  quatre  ou  cinq  ans, 
n'eut  pas  osé  sortir  moins  attifée  ;  aujourd'hui,  elle  se  coitîe 
provisoirement  en  chignon  et  porte  un  caraco  de  grossier  pi- 
lou ou  d'indienne  ;  cette  mode,  d'abord  localisée  dans  la  mai- 
son, s'est  généralisée,  si  bien  que  non  seulement  on  sort  ainsi 
la  semaine,  mais  que,  dans  certains  villages,  même  le  diman- 
che, on  va  au  bal  ou  à  la  promenade  dans  cet  accoutrement. 
Le  corsage  est  si  commode  à  mettre  !  il  ne  manque  que  le  cha- 
peau pour  que  le  costume  soit  celui  de  dame  ;  le  pas  est  aisé  à 
franchir.  Aussi  voit-on  non-seulement  des  jeunes  filles  qui,  au 
seuil  de  leurs  quinze  ans,  hésitent  à  «  prendre  les  coiffes  >, 
mais  même  des  femmes  mures  qui,  délibérément,  abandon- 
nent le  costume  qu'elles  avaient  porté  jusque-là  et  qui  leur  ac- 
cordait encore  quelque  beauté.  Ajoutez  à  cela  le  préjugé  absurde 
qui  fait  que  l'on  trouve*  mieux  portées  »  les  toilettes  parisieB* 
nés  adaptées  au  goût  provincial  par  de  maladroites  taiU 


—  ()o8  — 

Ajoutez  encore  Texistence  plus  active,  le  sans-gêne  des  rela- 
tions, tout  le  protocole  de  l'ancienne  vie  d*Arles  qui  disparaît: 
vous  avez  là  les  ennemis  impitoyablement  ligués  contre 
le  malheureux  costume  arlcsien  et  qui,  sauf  miracle,  tinirom 
bien  par  en  avoir  raison. 

11  ne  faudrait  cependant  pas  se  montrer  non  plus  trop  pessi- 
mistes. En  i863,  Jacquemin,  dans  une  tirade  non  dénuée  de 
littérature  {Monogr.du  Théâtre  Antique,  A\*-propos),  prédisait 
déjà  la  disparition  imminente  des  monuments,  de  la  vie  publi- 
que, du  costume  d'Arles,  ses  prophéties  ne  se  sont  pas  très 
bien  réalisées  :  il  faut  être  prudent  pour  prophétiser  des  ruines. 

Le  costume  arlésien  est  moins  porté,  c'est  vrai  ;  mais  il  y  a 
à  cela  une  compensation  :  les  Arlésiennes  qui  gardent  le  cos- 
tume le  portent  très  purement;  elles  forment  une  sorte  d'aris- 
tocratie de  la  race,  gardienne  de  ce  que  celle-ci  a  de  plus  no- 
ble :  cet  idéal  de  beauté  et  de  grâce  qui  Taiguillonne.  qui  la 
pousse  et  qui  se  réalise  parfois.  Peut-être  le  costume  arlésien 
va-t-il  devenir  seulement  un  vêtement  de  gala  que  l'on  sortirait 
aux  grandes  occasions.  Devrait-on  regretter  qu'il  dévie  en  ce 
sens  ?  Nous  ne  le  croyons  pas.  Il  aurait  moins  à  craindre 
des  influences  étrangères  pernicieuses,  car  il  faut  espérer  qu'il 
se  garderait  alors  par  une  tradition  invariable. 


—    tK)9  — 


XXIX 


Notes  sur  la  Verrerie  en  Provence 

par  M.  TAbbé  ARNAUD  ITAGNEL, 

Correspondant  du  Ministère  de  t Instruction  pubiique. 

Membre  de  la    Société  de  Statistique  de  Marseille  et   de   la   Société 

archéologique  de  Propence. 


Le  but  de  ce  travail  est  de  fournir  quelques  éclaircissements 
sur  Tindustrie  de  la  verrerie  en  Provence  et  particulièrement  à 
Marseille.  Le  lecteur  y  apprendra  le  nombre  et  l'importance 
relative  des  manufactures  avant  la  Révolution,  la  nature  de 
leurs  produits  et  les  principaux  débouchés  de  leur  commerce. 

Il  y  découvrira,  peut-être  avec  intérêt,  à  quelles  difficultés 
vint  se  heurter  cette  fabrication  dans  son  développement  au 
xvni*  siècle. 

Malgré  leur  antiquité,  les  verreries  lesplusanciennesdu  midi 
de  la  France  ne  peuvent  pas  rivaliser  avec  celles  du  Poitou,  de 
la  Champagne  ou  de  la  Normandie.  Elles  ne  remontent  pas 
au-delà  du  xiv«  siècle  et  doivent  leur  existence  à  un  certain 
Ferri  (on  lit  dans  quelques  chartes  Féré).  Il  en  établit  deux, 
Tune  à  Goult  et  Tautre  en  pleine  forêt  de  Valsaintes,  dans  le 
diocèse  d'Apt.  Le  bon  roi  René  s  éprit  d'enthousiasme  pour 
Tart  de  ce  Ferri  et  lui  accorda,  comme  marque  de  grande  joie 
et  contentement,  des  lettres  patentes  de  noblesse  et  toutes 
sortes  de  faveurs  et  privilèges.  L'heureux  fabricant  de  Goult 
devint  ainsi  le  premier  gentilhomme  verrier  de  Provence. 

COMOKÉf.   -   39 


5< 


—  Oio  — 

Ce  paternel  monarque  lui  acheta,  loo  florins,  pour  les  offrir 
à  Louis  XI,  des  verres  moult  bien  varioles  et  bien  peints. 

Les  ateliers  de  Goult  produisirent  des  œuvres  d  art  très  ^^ 
marquables,  à  en  juger  par  le  verre  du  roi  René  dit  à  la  Made- 
leine. La  pécheresse  en  décorait  le  fond,  elle  était  à  genoux  aux 
pieds  du  Christ,  debout  sur  la  paroi,  avecTinscription  en  excp 
gue  dans  le  champ  : 

Qui   bien  boira, 

Dieu  verra. 

Qui  boira  tout  d'une  haleine 

Verra  Dieu  et  la  Madeleine. 

Deux  titres  relatifs  aux  Fcrri  figurent  au  registre  Aquila,  sous 
le  folio  39. 

Le  premier,  du  14  août  1470,  est  en  faveur  de  Benoît  et  de 
ses  fils  Nicolas,  Jean  et  Jacob,  ainsi  que  de  leurs  descendants. 
Ils  sont  et  seront  exempts  de  tailles,  subsides,  péages  et  autres 
impositions  quelconques  dans  le  Comté  de  Provence,  en  con- 
sidération des  services  rendus  par  leurs  ancêtres  qui  ont  exercé 
depuis  un  siècle  le  noble  art  de  verrier. 

Dans  la  seconde  charte,  datée  du  i5  juillet  147Ô,  le  roi  René 
déclare  que,  sur  les  éloges  qui  lui  sont  faits  de  la  verrerie  de 
Goult,  il  octroie  gracieusement  à  maître  Nicolas  Ferri  lofricc 
de  bon  verrier  avec  la  pleine  et  entière  puissance  des  droits, 
honneurs,  libertés  et  prérogatives  attachés  à  cette  charge. 

Divers  membres  de  cette  famille  exercèrent  cet  art  jusqu'au 
r<évolution.on  en  retrouve  à  Marseille  à  la  fin  du  xviii*  siècle. 

On  trouve  encore  diverses  mentions  d'anciens  verriers  pro- 
vençaux, nous  en  citons  deux.  Le  23  février  i5oo.  la  commu- 
nauté de  Marseille  paye  à  maître  Michault,  lo  verrier,  et  à 
maistre  Humbert  ^  per   llll   virials  que  a  fach  per  las  logu 


1  « 


-  6ii  — 

fl.  XV'L  et  al  dict  Humbert  per  las  treyihas  que  a  fach  per  los 
dïcts  Ili!  vidais  fl.  VU». 

Selon  toute  vraisemblance,  ce  Michault  était  marseillais,  si- 
non d'origine,  tout  au  moins  de  résidence. 

Dans  la  secondé  mention  du  temps  du  roi  René,  il  est  ques- 
tion d'une  somme  de  onze  florins  etsixgros  «a  cause  d'achapt 
fait  de  maisire  Jehan  Salvage,  verrier  de  la  dite  cité  d*Aix,  par 
vingt-neuf  paulmes  de  verial  par  la  chapelle  du  dit  Seigneur  a 
raison  de  quatres  gros  le  paulme  et  par  la  reparacion  au  dict 
veria!  su. 

Ce  Jean  Sauvage  travailla  pour  le  roi  René  à  diverses  re- 
prises. 

Nous  ne  mentionnerons  pas  ici  les  verriers  du  Comtat- 
Venaissîn  qui  font  le  sujet  d'une  étude  en  préparation. 

Avant  de  donner  quelques  indications  générales  sur  les  ma- 
nufactures provençales,  il  faut  faire  brièvement  Thisiorique 
des  fabriques  marseillaises.  Leur  situation  exceptionnelle  dans 
ce  grand  port  de  commerce  mérite  de  fixer  davantage  Talien- 
tion. 

La  première  verrerie  fut  fondée  dans  cette  ville,  en  iSyS,  par 
François  Debon.  Elle  fut  construite  près  de  la  Poissonnerie- 
Vieille,  Cet  établissement  changea  de  propriétaires  vers  la  fin 
du  xvi!' siècle.  A  la  famille  Debon,  succède  les  Sallard,  par  le 
mariage  de  Claude  de  ce  nom  avec  demoiselle  Thérèse. 

Après  la  mort  de  son  mari,  Thérèse,  veuve  Sallard,  conti- 
nue la  fabrication.  Elle  s'associe  le  sieur  d'Escrivan,  son  neveu 
par  alliance,  Tépoux  de  sa  nièce  Claire  Debon. 

En  1761,  le  fils  de  Thérèse  Debon,  veuve  Sallard,  présente 


'  Archives  communales  de  Marseilh,  mandat  n»  66. 
*  Arch.  départ,  des  ^Bouches-du-Rhône,  B  i657,'f»6i. 


II 


rii2 


une  requête  pour  obtenir  Jii  roi  réiablisscment  d'une  n< 
verrerie 

Le  sieur  Sallard-Debon  avait  renoncé,  dès  sa  jeunesse.  I  U 
profession  de  ses  ancêtres  pour  embrasser  la  carrière  navale.  Il 
était  parvenu  au  grade  de  capitaine  de  vaisseau,  mats«  ruiné  par 
les  guerres  ci  les  malheurs  du  temps,  il  aspirait  après  uncsîiiii- 
lion  lucrative. 

Le  14  novembre  i<jqq,  un  nommé  Coulomb  avait  tenté  Je 
taire  construire  une  verrerie  sur  les  terrains  alors  incultes  dcli 
Jolieitc.  mais  les  échevins  en  avaient  arrêté  aussitôt  les  ni- 
vaux '. 

La  seconde  manufaciurc  devait  être  l'œuvre  des  Fcrri.  mais 
ils  n'y  réussirent  qu'après  plusieurs  essais  infructueux.  Llpr^ 
mière  tcniaiive  remonte  à  1718*  A  cette  époque»  les  suppliaius 
ne  demandaient  Tauiorisation  que  d'une  toute  petite  vcrrcnc 
La  municipalîié  d'alors  s'y  opposa,  sous  le  fallacieux  prétexte 
que  la  fabrique  des  Debon  suffisait  aux  besoins  de  la  vilkct 
que  les  médecins  et  les  apothicaires  y  trouvaient  loas  les  ifls- 
truments  de  verre  qui  leur  étaient  utiles* 

En  1743,  nouvelle  demande  et  nouveau  refus.  Cette  fois,  le 
sieur  de  Ferri  avait  acquis,  près  de  la  rue  Sainte,  un  icrrAioct 
une  ancienne  fabrique  à  plomb,  qu'il  comptait  convertir  co 
verrerie.  Sur  les  plaintes  énergiques  du  sieur  d*Escrivaa»  et 


*  Un  gentilhomme  de  Moniterrat  obtint  dlienn  JV,  en  irno,  r^atcMii»- 
lion  d*diablir  des  fiibriqucs  k  Piirîs,  Orléans,  Rouen,  C^en,  Afi)cer%.  Poé* 
tiers.  Bordeaui,  Toulouse  et  Marseille.  Cette  dernière  Tui  elle  foo*!^^ 
Malgré  nos  recherches  aux  Archives  communales  et  départemenules  et  dâs 
tes  mifiQtes  des  nouires  de  Marseille,  nous  n'afons  pu  trooirer  aocot 
donnée  sur  cet  intéressant  problème.  Nous  n'avons  pat  été  plus  hesnat 
au  iiuietdu  cdlèbre  Antoine  Cléricy.  nommé,  par  brevet  de  Louti  Mil.» 
1641*  grand  maître  de  U  verrerie  royale.  Cet  \oto»nc  Cléhc»,  meotiOdié 
comme  potier  à  Marseille  avant  son  départ  pour  Paris.fabriqaj^t-y  jurcfn 
dans  ses  ateliers  de  Provence  P 


r 


'-  61 3  - 

succËSSEur  des  Debon,  le  Conseil  d'État  vint  mettre  échec  à  ce 
projet  ei  le  local  fut  loué  à  un  fabricant  de  fafence.  Quelque 
temps  après,  il  réussit  cependant  dans  la  réalisation  de  son  dé- 
sir et,  avec  l'agrément  de  Sa  Majesté,  installe  des  ateliers  dans 
le  voisinage  des  jardins  du  Chapitre  de  Saint-Victor. 

En  1770,  le  sieur  Ferri  de  la  Grange  présente  une  requête 
pour  solliciter  du  roi  la  même  faveur  qu'avait  obtenue  son  cou- 
sin. 

A  défaut  d'une  origine  marseillaise,  il  fait  valoir  son  mariage 
avec  une  demoiselle  originaire  de  cette  cité  et  les  nombreux 
immeubles  qu'il  possède  dans  cette  ville.  D'ailleurs,  il  ne  s'agit 
pas  de  créer  une  nouvelle  usine,  mais  simplement  de  transpor- 
ter dan^  ce  grand  port  de  commercecelle  qu'il  fait  actuellement 
valoir  à  Mimet.  Après  une  longue  attente,  cet  industriel  obtint 
enlin  gain  de  cause. 

Plusieurs  suppliques  avaient  été  adressées  dans  le  même  but 
par  divers  particuliers  pendant  la  première  moitié  du  xviir  siè- 
cle. Entr  autres,  celle  du  sieur  de  Grou  en  1727. 

De  1760  à  1790,  diverses  verreries  se  fondent  à  Marseille, 
celles  de  Gaspard-François  Laugier  en  1778,  de  Bourgarel  en 
1786.  d€  Charirier  Philippe  et  Compagnie  en  1788.  Ceux-ci  s'in- 
titulent fabricants  de  verres  noirs  et  blancs,  de  verres  à  vitre, 
cristaux  et  émaux  de  couleurs.  Un  nommé  Rouvier  fabrique^ 
en  1789.  des  verres  polis  et  assortis  propres  pour  le  Levant. 

L'usine  la  plus  considérable  était  celle  du  sieur  de  Revelard 
qui,  suivant  le  témoignage  de  ses  contemporains,  avait  ap- 
porté en  Provence  le  secret  de  faire  des  bouteilles  noires,  de  la 
plus  parfaite  qualité  qu'on  puisse  fabriquer  dans  ce  royaume. 
Celte  usine  en  produisait  annuellement  800.000. 

On  lit  dans  un  mémoire  manuscrit  de  l'époque  qu'il  y  avait 
à  Marseille,  en  1784,,  neuf  petites  verreries,  brûlant  par  an 
t3o.ooo  quintaux  de  bois. 


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-6.4- 

Si  l'art  de  la  verrerie  n'a  pris  à  Marseille  que  peu  d'extension 
et  n'y  a  eu  qu'un  développement  tardif,  faut-il  accuser  de  mau- 
vais vouloir  les  gentilshommes  verriers  ? 

Le  nombre  de  leurs  demandes  d  autorisation  est  là,  pourté- 
moigner  de  leur  désir  ardent  de  fixer  le  centre  de  leur  fabrica- 
tion dans  la  grande  ville  provençale. 

Si  ces  suppliques  n'ont  presque  jamais  abouti,  la  faute  en  est 
à  la  municipalité  marseillaise. 

Rien  d'instructif  à  cet  égard,  comme  de  lire  fes  délibérations 
de  la  communauté  relatives  à  ces  demandes  et  de  les  comparer 
à  celles  de  la  Chambre  de  commerce  traitant  des  mêmes  affai- 
res. Tandis  que  les  négociants  mettent  en  avant  toutes  sortes 
d'excellents  motifs,  en  faveur  de  l'établissement  de  verreries 
nouvelles  et  mieux  outillées,  les  édiles  combattent  ce  projet  de 
parti-pris. 

Ils  n'opposent  qu'un  argument  contre  à  toutes  les  raisons 
pour,  mais  ils  le  présentent  et  le  font  briller  sous  toutes  ses 
faces.  Cette  unique  objection  est  le  péril  que  court  la  ville  de 
manquer  du  combustible  nécessaire  au  chautfagc  de  ses  habi- 
tants et  à  leurs  autres  besoins.  Ce  danger  est  rendu  encore  plus 
sensible,  d'un  côté  par  l'accroissement  rapide  de  la  population, 
de  l'autre  par  l'extension  de  l'industrie.  Or,  on  n'emploie  pour 
la  confection  du  verre,  que  du  bois  à  brûler  et  il  en  faut  des 
quantités  énormes. 

Malheureusement,  la  Provence  est  pauvre  en  forcis,  il  serait 
criminel  de  ne  pas  en  régler  les  coupes  avec  une  sage  pré- 
voyance. 

Les  gentilshommes  verriers  ont  une  réponse  ad  hominem. 
Klle  se  trouve  dans  toutes  leurs  réclamations. 

Les  manufactures  de  savon,  écrivent-ils,  les  raflineries  de 
sucre  et  de  soufre,  les  faïenceries  et  les  tuileries  se  multiplient 
tous  les  jours,  sans  que  personne  y  voit  le  moindre  inconvé- 


i 


i: 


—  6i5   - 

lîîênl  et  pourtant  toutes  ces  fabriques  font  une  consommation 
immense  de  bois  à  brûler.  Nous  estimons  donc,  qu'une  verrerie 
de  plus  dans  Marseille  ne  peut  porter  aucun  préjudice  à  cette 
ctté,  puisqu'on  n'y  brûlera  pas  davantage  de  bois  que  n'en  con- 
somment deux,  ou  tout  au  plus  trois  de  ces  autres  fabriques.  ; 
Loin  de  s  opposer  à  la  formation  de  ces  dernières,  on  Ta  faci- 
litée le  plus  possible  et  Ton  s'en  est  réjoui.  . 

La  grande  mortalité  des  arbres,  en   1709,  rendit  les  édiles  pi 

marseillais  plus  apeurés  et,  par  suite,  plus  entêtés  dans  leur  re-  ■[  « 

fus.  S'ils  font  taire,  au  profit  des  faïenciers,  la  crainte  que  leur  J 

inspire  le  déboisement  progressif  du   pays,  c'est  qu'il  s'agit  \ 

d'une  industrie  locale  dont  ils  sont  jaloux  et  fiers. 

Quant  aux  savonniers,  ils  sont  assez  nombreux  et  assez  puis- 
sants pour  s'être  rendus  redoutables,  puis,  leurs  savons  ne  font- 
ils  pas  la  fortune  et  la  gloire  industrielle  de  la  ville  ? 

Pour  le  malheur  des  verriers  de  Provence,  leurs  produits  ne 
jouissent  d'aucun  renom.  La  poursuite  sans  relâche,  dont  les 
verreries  sont  Tobjetde  la  part  de  THôtel-de-Ville,  tient  peut- 
èirc  â  d'autres  causes.  Cette  fabrication,  avec  ses  nuages  épais 
de  fumée  noire,  est  l'une  des  plus  incommodes  qui  se  puisse 
imaginer,  elle  passait  alors  pour  Tune  des  plus  malsaines. 

Sans  partager  le  parti-pris  de  la  miyiicipalité  de  Marseille, 
lÉiaise  montre  sinon  franchement  hostile,  du  moins  peu  fa- 
vorable au  développement  dé  l'industrie  verrière  en  Provence. 

Dans  rintérèt  des  agriculteurs,  le  gouvernement  voulut  arrê- 
ter un  déboisement  funeste  à  la  campagne  provençale,  dont  il 
devait  augmenter  la  sécheresse  déjà  si  forte.  Les  ministres  qui 
se  succédèrent  à  la  Marine  craignirent  de  manquer  du  bois  in- 
dispensable à  la  construction  des  navires  de  guerre  et  des  vais- 
seaux marchands,alors  plus  qu'aujourd'hui  leurs  auxiliaires 
obligatoires. 

Avant  de  transporter  le  bois  à  leurs  fabriques,  les  verriers 


^  616  — 

étaient  dans  la  nécessité  rigoureuse  de  lesoumettreau  contrôle 
d'inspecteurs  chargés  officiel lem en i  de  reconnaître,  s*il  n*êtAii 
pas  utilisable  pour  les  consiructions  navales. 

Dans  ce  cas,  il  était  transporié  d'oOice  dans  les  chantiers  Je 
La  Cioiau  ou  de  Marti^ues,  Sous  Tempire  de   ces  préoccupa 
lions  légitimes,  lauiorité  royale  lit  faire  une  enquête  des  plu^ 
sérieuses  sur  Téiat  des  verreries  en  Provence. 

Les  informations  furent  prises  et  communiquées  à  M,  delt 
Tour,  alors  intendant,  par  les  subdélégués  de  ^on  admioistri* 
lion. 

Les  divers  papiers,  rapports  et  lettres,  émanés  de  ces  nutgil* 
trats,  forment  un  dossier  conservé  aux  Archives  départemtiï* 
taies  des  Bouches-du-Rhône,  fonds  de  riniendancc. 

En  réunissant  les  indications  éparses  dans  cette  correspon- 
dance, on  se  fait  une  idée  assez  juste  et  assez  complète  dcU 
fabrication  du  verre  dans  le  midi  de  la  France. 

Les  verreries  provençales  ne  sont  pas  groupées  dans  une 
seule  ré^»ion,  mais  disséminées  dans  le  pays.  La  plupart  sont 
situées  à  la  lisière  des  forêts,  loin  des  agglomérations  urbai- 
nes, excepté»  bien  entendu,  celles  établies  à  Marscttic  méinc. 
dont  il  a  été  déjà  question. 

Sans  compter  ces  dernières,  le  nombre  de  ces  tah 
dans  le  cours  du  xvin*^  siècle,  varie  entre  ro  et  i5.  C  .-^^- 
celles  d*Arles,  de  Mimet  et  de  Peypin,  dans  les  Bouchcvdi^ 
Rhône  ;  d'Artigucs,  de  Bagnols,  de  Cuers,  de  Varages,  de 
Masaugues,  dans  le  Var  ;  de  iMonfuron,  de  Simiane,  de  Vai* 
saintes,  de  la  Bastide-des-Jourdans,  dans  les  Basses-Alpes.  Il 
taul  (oindre  à  ces  noms  la  labrique  de  Samt-PauL  au  loTWf 
de  Fayence,  dans  les  Alpes-Maritimes.  Quelquefois,  plusicun 
manufactures  relèvent  d'un  seul  directeur,  ou  plutôt  d'iin^ 
seule  famille.  Un  exemple  typique  est  celui  des  cinq  verrçfics 
de  Monfuron,  Cuers,  Stmiane»  la  Bastide  des-Jounlaos  â 
Valsaintes,  toutes  sous  l'unique  direction  de  mattre  Ferh. 


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—  6ï7  —     ^ 

Après  les  Ferrî,  ei  à  une  grande  distance*  on  peut  citer.  ^ 

parmi  les  i^eiililshommcsi  verriers  de  Provence  les  plus  connus, 
les  Buisson,  de  Bagnols  ;  les  Gai  ta,  d  Arti^ues  ;  les  Douard, 
d'Arles  ;  les  Papon,  de  Peypin. 

Pour  ne  pas  être  exposés  à  suspendre  leurs  travaux,  faute 
de  combustible,  ies  maîtres-verriers  arrcnlaieni  une  éten- 
due de  forêts  plus  ou  moins  vaste.  Us  y  faisaient  eux-mêmes  f 
leurs  coupes  de  bois,  suivant  les  nécessites  de  la  fabrication. 
Ainsi,  Antoine  de  Buisson,  propriétaire,  en  1740^  de  la  manu- 
faaurede  Bagnols,  prend  à  ferme  pour  deux  ans  ies  solitudes 
boisées  du  fief  de  Meaux.  Ses  bûcherons  abattent  le  bois  et  les 
mulets  de  la  fabritjueen  font  le  transport- 

Les  bâtiments  des  verreries  sont  très  souvent  d  anciens 
locaux  que  Ion  transforme  en  les  adaptant  à  leur  nouvelle 
destination. 

Le  sieur  Papon  achète  en  i/Sg,  au  marquis  de  Barbentane, 
le  château  de  la  Destrousse.  11  loge  son  personnel  ouvrier  dans 
les  étages  et  installe  ses  ateliers  au  rezHie-chaussée  el  dans  les 
communs  du  château  qu'il  utilise  à  cet  effet,  l'ne  installation 
de  ce  genre  est  simple.  Le  seul  point  dcHcat  est  la  construc- 
tion des  fours.  De  leur  réussite  plus  ou  moins  parfaite  dépend 
le  succès  de  renireprise.  L  entretien  de  ces  fours,  même  savam- 
ment construits,  est  une  source  de  dépenses  considérables.  Ils 
sont  faits  sur  difTérents  modèles  :  les  uns,  à  une  place  ;  d'au- 
tres, à  deux  ou  à  trois. 

Des  fours  servent  à  préparer  et  à  Hquétier  les  matières  pre- 
mières, qu'on  jette  ensuite  dans  d  autres,  d'où  les  ouvriers  les 
sortent  à  mesure  quMls  les  mettent  en  œuvre.  La  fabrique  de 
Varages  en  a  trois  de  chaque  espèce  ;  celle  de  Simlane  en  a  le 
même  nombre,  tandis  que  celte  d'Artrgues  n  en  a  que  cinq  ; 
les  deux  manufactures  de  Masaugues  en  ont  huit  chacune. 

En  dehors  de  ces  salles  de  fusion,  il  v  a  les  chambres,  où  les 


—  6i8  — 

ouvriers  travaillent  les  pots  au  creuser;  le  laboratoire,  les 
magasins  et  les  entrepôts. 

Dans  les  usines  où  l'on  brûle,  au  lieu  de  bois,  du  charbon 
de  terre,  il  n'y  a  d'ordinaire  qu'un  grand  four.  L'usine  de 
Peypin  est  sur  ce  type. 

A  l'exemple  des  fabricants  de  faïence,  les  maîtres  verriers 
ne  sont  pas  des  hommes  de  bureau,  ils  ne  se  contentent  pas, 
comme  le  font  les  usiniers  actuels,  d'une  simple  tournée  d'ins- 
pection hebdomadaire  ou  quotidienne,  mais  ils  dirigent  conv- 
tamment  leurs  ouvriers  en  travaillant  en  commun  avec  eu.T. 
D'ailleurs,  les  ouvriers  sont  leurs  tils  ou  leurs  frères,  des 
parents  ou  des  amis. 

Ce  métier  si  dur,  quoiqu'il  expose  celui  qui  s'y  livre  à  un 
labeur  insupportable,  est  réputé  profession  libérale.  C'est  un 
art  dont  l'exercice  est  réservé  aux  seuls  nobles.  Les  Français 
seuls  peuvent  travailler  dans  les  verreries. 

Un  arrêt  du  Parlement  d'Aix  condamne  Joseph  de  Buisson 
à  une  amende  de  loo  livres  pour  avoir  reçu  et  employé  dans 
sa  fabrique  deux  jeunes  gens  originaires  de  Lartha. 

Les  verriers  font  venir  de  Charlieu,  près  de  Roanne,  la  terre 
pour  la  confection  des  briques  du  four  à  fusion  et  des  creu- 
sets. Les  sables  employés  pour  la  fabrication  du  verre  se  tirent 
du  terroir  d'Aubagne  et  d'ailleurs  ;  les  groizils,  de  Lyon. 

Il  est  intéressant  de  savoir  la  nature  spéciale  des  produits 
manufacturés  en  Provence,  leur  nombre  respectif.  On  apprend 
ainsi  comment  se  fait  la  répartition  du  travail  à  l'intérieur  des 
usines.  In  état  descriptif  des  verreries  de  Varagesct  de  Bagnols 
fait  connaître  les  deux  espèces  de  fabrication,  dont  relèvent 
plus  ou  moins  tous  les  ateliers  méridionaux.  Dans  les  uns.  on 
fait  à  la  lois  des  produits  tins  et  grossiers,  des  articles  de  lu.u 
et  de  commerce  courant. 

Dans  les  autres,  et  ce  sont  les  plus  nombreux,  on  ne  fabri- 
que que  des  verreries  communes. 


—  t  IJ  — 

A  Taiaopes.  sept  tiir^Turrr»  Travaillant  :  Tmii>  au  ve-^ 
les  quatre  autTs;i>  aii  vtirrt  iro^iitcr.  de  j  nu  leur  vtrraar^-  Béb 
irois  preniierb  ou^rierb  en  tm.  I  un  si^i  un  anirit^  louioin^ 
occupa  a  iauL  h^  pittres  c.mcîieb  et  enioi-vee^.  uiliîi.-.  qut  i=:t 
chandeiterb  et  Les  ranau^^.  bb  beniiierb  e:  teiN  vaÂe^  en  xeiuî:  Il 
conCectionne  ai^ssi  kes  dezonnmni^  îkiut  II  (ieisgr..  bi^  nuiit^rî^. 
Ic5  carateb  ci  icb  verres,  a  bairt  taçonne^.  Touff>UT>  au  iri-inic 
artisie  est  contiiit  ia  îahricaiiOE  âêiicau:  eniri:  muie^  aei^ 
rrmnenb»  de  chimie,  œ  phvsique  ci  ne  cnrurijie  Se>  niQin^ 
habiieb  loiu  encore  aeb  iam^eb  de  lomci^  x^ranaeu^:^  e:  air  iiui- 
les  tormeii.  des  taceb  et  dci^  paremenii  ai  chenu  née 

Le  second  ou^Tier  aiot  son  CJÎtex^le  les  fou^^  oe  sunms^ 
na:ff .  et  les  verrei:  a  boire  tins  sont  sa  si>e::iaiiLL  'juatu  ati 
troisième,  il  tan  toutes  tes  verreries  DÎanches  commune^ 

^'olc^  conrmcnt  as  reparte  îe  iravaii  de  ia  tabricattJii  des. 
verreries  pn>ssieres. 

Le  premier  ou^Tier  tan  les  ou^Taxjes  les  mus  dimcir^  Ct 
sont  les  dames- lean nés.  les  ^3sses  Dnuteihes  rnnaes  îM>irr  la? 
eaux,  celles  de  torme  carrée,  don:  ia  contenance  varit  d  une 
a  cinq  pinies.  les  hexai,'onales  a  î  usaire  aes  janareiierÀ  te 
bocaus  de  toutes  dimensions  pour  ie^s  rransnort>  sur  mer  da? 
nulles  et  des  oi?vt;s  de  Pr^vL^nce  II  :at:  encore  d'immenses 
récipients  a  î  usa^e  oes  xjens  de  la  campainie. 

Le  secon:!  ouvrier  mn  les  bouteilles  rondes  a  laniilaLse.... 

Les  deux  dernierb  tabriqueni  des  ^joneîets  pour  les  mariBS 
et  de  petites  borne i lies  pou^  les  vovaireurs.  anneiees  ianirite& 
de  bœuts-  Mais  leur  principal  empio;  est  de  taire  des  tnpeîtes 
à  liqueurs  et  a  strops.  Cette  tab^ication.  d'abord  peu  active. 
devint  très  imnonanie  vtrrs  17J.0  par  suite  du  deveiorrDemeni 
que  prit  a  Marseille  l'indu-^ne  at  la  Dartumerie.  au  demmen: 
des  pari umeurs  m^oi^.  \  araaes  exi>eduiiî  annuellement  dani» 
cette  ville  1 00. 000  to;)ettes. 


—  620   — 

Le  mémoire  sur  la  manufacture  de  ^agnols  fournil  des 
renseignements  complémentaires  sur  la  fabrication  du  verre 
en  Provence.  Comme  le  rapport  précédent,  il  est  daté  de 
Tannée  1740.  Dans  sa  verrerie,  le  sieur  de  Buisson  emploie 
huit  ouvriers,  lui  compris.  Pendant  les  neuf  mois  de  travail, 
on  y  fabrique  45.000  bouteilles  environ  de  3  au  pot.  Ces  bou- 
teilles sont  vendues  à  Nice  pour  les  expéditions  de  vin  muscat 
et  de  liqueurs.  On  y  produit  encore  annuellement  200  dames- 
jcannes  de  20  à  24  pots  la  pièce  et  6.000  flacons  à  essences 
qu'achètent  les  parfumeurs  de  Grasse.  Il  se  fabrique  enfin 
40.000  verres  à  boire,  partie  fins,  partie  grossiers  ;  5oo  petites 
bouteilles  et  400  gobelets. 

Dans  cet  inventaire,  il  n'est  fait  mention  d'aucun  article  de 
luxe. 

La  plupart  des  pièces  de  verre  fabriquées  en  Provence  se 
débitaient  sur  place.  Elles  servaient  surtout  aux  usages  de  k 
vie  domestique.  Quelques-unes,  candélabres,  corbeilles  ou 
garniture  de  cheminée  ornaient  les  salons  bourgeois  de  l'épo- 
que. D'autres  enfin,  telles  ces  petites  cruches  pour  le  baptême, 
avaient  une  destination  liturgique, 

Marseille  seule  expédiait  à  l'étranger  une  part  plus  ou  moins 
considérable  de  ses  verreries.  D'après  les  statistiques  de  la 
Chambre  de  commerce,  les  principaux  débouchés  commer- 
ciaux étaient,  au  xvni*  siècle,  la  Savoie,  le  Levant,  l'Espagne 
et  ritalic. 

En  1766,  les  fabricants  marseillais  recevaient  des  verres  cas- 
sés de  Savoie  pour  une  valeur  d'environ  5. 000  livres,  mais  ils 
y  expédiaient  17.140  livres  de  leurs  produits  manufacturés, 
verres  communs  et  bouteilles.  A  cette  même  année,  les  expé- 
ditions pour  le  Levant  s'élevaient  à  la  somme  de  18.140  livres. 

Il  était  intéressant,  pour  l'histoire  de  l'industrie  en  Provence, 
de  noter  les  caractères  spéciaux  de  la  fabrication  du  verre  en 


—   021    — 

ce  pays  et  de  rappeler  brièvement  les  luttes  des  geniilshom- 
mes  verriers  contre  la  malveillance  des  magistrats  locaux  et 
les  craintes  exagérées  du  pouvoir  royal.  Favorisés  sous  le  bon 
roi  René,  ils  devinrent  suspects  sous  Louis  XV^  ei  Louis  XVL 


—  623  — 

XXX 

NOTE  SUR  LES  OBJETS  D'ART 

de  tancien  diocèse  de  Vence, 

par  M.  6.  DOUBLET, 

professeur  de  première  au  lycée  de  Nice,  CorrcspKm.itint  du  Ministère 

Président  de  la  Société  des  Sciences,  Lettres  et  À  rts 
des  Alpes-Maritimes. 


Le  diocèse  de  Vence  était  un  des  moins ciendus  de  Tancienne 
France.  11  comprenait  les  cantons  actuels  de  Vence  '  et  de  Ga- 
gnes *  quatre  des  huit  communes  de  celui  de  Coursegoules  \ 
deux  des  treize  de  celui  de  Saint-Auban  *.  ei  deux  des  dix  de 
celui  du  Bar  ».  J'ai  essayé  de  donner  une  monoi^raphie  de  cha- 
cune de  ses  paroisses  «  :  aujourd'hui,  je  voudrais  brièvement 
donner  une  idée  de  ce  qu'il  est  resté  de  ses  objets  d'art 


'  Vence.  Le  Broc,  Garros,  Gattières,  La  Gaude  et  Saint-Jean nei. 

*  Gagnes,  la  Colle,  Saini-Laureni,  Saini-Papl  et  ViKeneuve'Loobei. 

*  Coorsegoules,  Bezaudun,  ^ouyon  et  Gréolières. 

*  Caille  et  Andon  (dont  Thoreoc  fait  partie)  « 
i  Gourmes  et  Toorettes. 
■  Ânn.  de  ta  Soc.  des  Lett,  Se.  et  Arts  des    K  U.    —  Tome  XVI,  La 

cathédrale  de  Vence  (1898);  tome  XVI 1.  La  collé^^tale  de  Saint-Paul  (tSogV 
et  le  canion  de  Vence  {igoo)  :  tome  XVII I,  Le  c^inion  de  tZagnes  (iqoxI  et 
le  reste  des  paroisses  (igoS). 
En  1905,  j'ai  publié  des  additions  et  corrections  (Nice,  Makano). 


124 


offrent  peu  d'iniérôi  au  poîni  de  vue  architfctti-' 
raL  La  cathédrale  éiaît,  sous  Louis  XV,  si  nous  en  croyons  un 
rapport  du  chapitre  à  M""  de  Lorry,  «  la  plus  pauvre  enlise.  C( 
pourtant  une  des  plus  anciennes,  du  royaume  ».  Elle  éufl 
alors  ^  si  ruinée  »  qu'elle  paraissait  «  avoir  éprouvé  la  fumif 
des  protesianis  >*.  On  dit  qu'elle  a  été  bàiie  sur  les  restes  d*on 
temple  de  Diane  ou  de  Mars,  et  que,  sous  les  piliers»  des  idoles 
ont  Clé  ensevelies  par  les  chrétiens.  Vers  le  milieu  du  xvn«  siè- 
cle, on  voyait  encore  «  dans  la  sacristie,  qui  est  de  la  plus  haute 
anfiquité,  une  niche  dans  Tépaisscur  du  mur  mîioyen  avec  le 
sanctuaire,  et  dans  cette  niche  un  trou  par  lequel  on  prctctid 
qu'on  consultait  la  fausse  divinité  et  qu*clle  donnait  ses  ora- 
cles i#.  M*'  Godeau»  de  TAcadémie  française,  le  fit  boucher» 

Dans  l'église  de  Saint-PauU  qu'il  éri^^ea  en  collégiale  en  iTAi, 
on  remarque  la  chapelle  de  saint  Mathieu,  construite  par  J.-B. 
Barcillon,  aumônier  de  la  seconde  femme  de  Gaston  d'Orléans. 
et  celle  de  saint  Clément,  embellie  par  Bernardi,  camcritf 
d'Innocent  XL 

Quelques  tableaux  méritent  d*être  signalés,  bcux  sont  dates 
et  signés.  L'un  est  de  Jean  Darei  et  fut  fait  à  Paris  en  1661  :tI 
représente  saint  Mathieu  écrivant  sous  la  dictée  d'un  Ange  es 
présence  de  saint  Antoine  de  Padoue  et  du  bienheureux  Picrr? 
de  Luxembourg;  il  est  dans  la  chapelle  Saint-Mathieu  3e 
l'église  de  Saini-PauL  L'autre  est  de  L.  Griosel  el  fui  ùit  « 
17H6  pour  le  Grand-Séminaire  de  Vence  ;  il  représente  k$ 
saints  Charles  Borromée  et  François  de  Sales  qui  présentoU 
de  jeunes  séminaristes  à  la  sainte  Vierge  ;  il  est  au-Uessosio 
maître-autel  de  l'ancienne  cathédrale 

Pour  d'autres,  nous  n'avons  que  des  attributions  mcenaiil& 
Dans  l'ancienne  cathédrale,  un  saint  Véran  bénisMani  Its  Ve^ 
çois  est  rapporté  à  Sauvan  ;  un  saint  Lambert  l*cst  in  xniM 
peintre  ou  à  Sylvestre  Bagnî.  Dans  l'église  de  Saint*Paul,  ont 


sainte  Catherine  ef  Alexandrie,  dont  une  visite* 
Ion  dit  en  1699  que  c'est  «c  une  fort  belle  peinture  ».  et  une  de 
iM"'de  Bourchenuen  I7ï6,quec*esi^yn  original  d'un  fort  bon 
peinire3»»a  été  altri  buée  à  Lebrun  ou  à  Lemoine.  Dans  leglisc 
du  Broc,  un  saint  Antoine  et  saint  Paul  ermite  a  été  rapporte 
à  Tun  des  Canavesi  ;  un  de  ses  coins  garde  les  restes  des  ar- 
moiries, que  je  n'ai  pu  déchiffrer,  d'un  évcquc  ;  une  copie  de 
ce  tableau  esi  dans  Teglise  de  Vence, 

Jignore  quel  est  le  blason  épiscopal  qu'on  voit  sur  un  Christ 
en  croix  qui,  aujourd'hui  conservé  dans  la  sacristie  de  celle- 
ci,  ornait  la  chaire  a  la  fin  du  xvn*  siècle,  et  je  ne  sais  pas  qui 
fut  Tauteur  d'uuQ  Descente  de  Croix  qui, aujourd'hui  conservée 
dans  régi îsc  de  Saint- Paul  et  ornée  du  blason  des  Villeneuve- 
Thorenc,  était  jadis  dans  la  chapelle  rurale  de  la  Gardeilc, 

Signalons  encore  le  vieux  tableau  de  l'église  de  Toureties, 
les  saints  Antoine,  Pancrace  et  Claude:  dans  celle  de  Venccà 
droite  et  à  gauche  de  la  chapelle  Saint-Lambert,  les  peintures 
qui  ornaient,  sous  M*'  Godeau»  les  portes  en  bois  de  ce  qu'on 
appelait  *<  le  reliquaire  w  —  nous  dirions  «t  le  trésor  »,  —  de  la 
cathédrale*  un  saint  Véran  et  un  saint  Lambert  ;  dans  la  cha- 
pelle de  Notre-Dame  du  Peuple  à  Bezaudun.  un  triptyque  figu- 
rant la  Mater  omnium  ou  *l  Vierge  au  manteau  )*. 

Passons  aux  sculptures* 

La  plus  ancienne  est  le  sarcophage  romain  où,  dit-on,  saint 
Véran  fut  enterré.  Ilsertd'auicl  dans  une  chapcUede  l'ancienne 
cathédrale.  Edmond  Le  Blant  l'a  cité  comme  l'un  des  types  de 
ces  tombes  païennes  qui,  «  sans  doute  purifiées  par  la  présence 
d'un  corps  saint,  ont  vu  s'accomplir  des  guérisons  miraculeu- 
ses j».  On  y  voit  des  génies  qui  vendangent  et  foulent  les  raisins; 
des  dieux  marins  qui  soufflent  dans  des  conques  (ce  qui  ht 
croire  à  Tabbé  Tisserand  que  les  NerusH,  dont  Vence  était  le 
chef-lieu,    adoraient  Nérée)  ;  deux  bustes,  des  masques  et  des 


caMcnàs.  —  40 


siriiîilcs,  que  M^"^  de  Bourchenu  appelait  nu   \vi 
figures  elornemcnrs  gothiques  >, 

A  Textérieur  dccetie  église,  de  curieuses  plaqucsde  I  cpOi)ue 
romane,  qui  poricni  des  entrelacs  et  des  aigles.  Sous  le  cfépî 
des  colonnes  de  la  nef.  on  a  trouvé,  il  y  a  quelques  années,  dei 
motifs  d'ornementation  analogues  et  quelques  fragments  de 
sculptures  :  un  personnage  tenant  un  polumen,  cic... 

L  ancienne  cathédrale  possède  aussi  le  tombeau  où  sâinî 
Lambert  fut  enseveli  ;  on  y  lit  six  hexamètres  laiîn^ 

Quelques  ouvrages  de  bois  sculpté  sont  rcnîatquauio 
rVaborJ  les  stalles  de  l'ancienne  cathédrale,  exécutée.^  par  un 
Orassois,  Ja^otin  Bellot,  de  1453  à  Sy,  placées  d'abord  autaur 
de  Tabside,  réparées  par  l'artisic  en  1495  et  réédifïéesparluica 
ijfj  là  où  nous  les  voyons  aujourd'hui,  au  bas  de  l  cglisc,  iim 
la  tribune.  Les  détails  de  ces  sculptures  sont  encore  Ibrtinic- 
rcssanis,  bien  que  le  temps  et  peut-éirc  la  Révolution  n'âietii 
pas  épargne  ces  stalles  dont  un  évéquc  disait  en  1768,  il  coû* 
vient  de  le  rappeler,  quelles  étaient  en  mauvais  état.  Les  dcat 
premiêrcîi  stalles  à  droite  et  à  gauche  servaient  aux  deux  pnti* 
cipaux  dignitaires  du  chapitre,  le  prévôt  et  le  sacrîstc  ;  cllci 
ont»  ainsi  que  celle  du  milieu  qui  servait  à  !'évèquc«  leurdii» 
ogival  avec  des  baldaquins  découpes  à  jour.  Le  dossier  des 
stalles  hautes,  rencorbellement,  la  frise,  les  accoudoirs  et  Ici 
miséricordes  témoignent  d'un  travail  des  plus  curieux. 

Dans  l'église  de  Tourcites,an  voit  une  boiserie  du  xv  siècle 
Lesdocuments  apprennent  que  c'est  un  fragment  d'un  retnUc 
jadis  doré  en  partie,  qui  orna  la  chapelle  de  Noire-Daine  du 
Peuple  près  de  ce  village  et  fut  brocanté  au  xix'  siècle  par  «i" 
des  curés.  L'ne  visite  de  M*'  de  Bourchenu  nuusdit  qu'il  rcprt- 
sentait  la  vie  de  la  Vierge*  Il  se  peut  que  Bellot  im  ait  été  TaUi- 
teur. 

A  noter,  dans  la  chapelle  des  saints  Anges  de  la  c  - 


—  627  — 

la  vieille  pçrte  en  bois  de  la  prévôté  ;  elle  est  du  xv*  siècle,  mais 
otfre  à  sa  partie  supérieure  une  tête  de  Christ  qui  est  plutôt 
d'allure  romane.  Dans  Tcglise  de  Coursegoules,  un  ostensoir 
en  bois  où  est  «  une  relique  de  sainte  Marie-Madeleine  )►,  of- 
ferte et  certifiée  en  lySi  par  M«'  de  Surian  ;  dans  celle  de  Gar- 
ros, une  croix  de  bois  où  est  une  parcelle  de  la  Vraie  Croix, 
donnée  par  un  commandeur  de  Malte,  Pierre  de  Blacas-Car- 
ros,  au  xviic  siècle;  dans  cette  église  et  dans  celle  du  Broc,  des 
reliquaires  aux  armes  de  cette  même  famille  ;  dans  l'ancienne 
cathédrale,  un  reliquaire  en  bois  où  sont  les  restes  de  saint 
Lambert,  authentiqués  en  1776  par  M«'  de  Bardonnenche  et 
non  profanés  lors  de  la  Révolution. 

Passons  aux  orfèvreries. 

Le  trésor  de  Saint-Paul,  cache  lors  de  la  Révolution  et  re- 
trouvé en  i852,  comprend  des  pièces  fort  belles.  Notamment 
trois  statuettes  d'argent  repoussé  au  marteau,  en  partie  dorées: 
une  Vierge  du  xiii«  ou  xiv  siècle, dont  le  socle  a  contenu,  selon 
quelques évêques  du  temps  de  Louis  XIV,4<du  bois  de  l'écuelle 
dont  Marie  se  servait,  venu  de  Lorette  »,  un  saint  Sébastien  et 
un  saint  Jean-Baptiste  qui  datent  plutôt  du  xV,  un  bras  d'ar- 
gent décoré  d'une  image  de  saint  Antoine  et.  sur  la  base,  de 
l'inscription  :  Hoc  est  reliquiarium  beati  Anthonii  factum 
(^anno)  MCCCCLX(die)  VII  mensis  martii.  En  outre,  un  reli- 
quaire d'argent  en  forme  d'omoplate,  qui  aurait  contenu  un 
os  de  l'épaule  de  saint  Georges  ;  une  croix  processionnelle  en 
argentdoré  du  xi  V  siècle,  où  Ton  voit,  dans  les  quatrefeuilles  du 
devant  :  Dieu  le  Père,  la  Vierge,  saint  Jean,  sainte  Madeleine, 
et  dans  le  supérieur  de  l'autre  face  (les  trois  autres  ont  perdu  les 
plaques  qui  les  décoraient)  l'Aigle  tenant  une  banderole  où  se 
lisent,  en  caractères  gothiques,  le  début  et  la  lin  du  nom 
Johannes  :  quelques  reliquaires  en  cuivre. 

Dans  l'ancienne  cathédrale,  un  petit  coffret  en  vermeil  du 


r 


—  »)2^ 

Icv"  siècle,  orné  de  l'inscription  Slancii}  Blaxt\  de  sç&nes  relata 
vesà  la  léfjende  de  saint  Biaise,  évéque  de  Sébaste,  d'armoinc* 
de  je  ne  sais  quelle  taoïille.  Dans  1  église  du  Broc,  une  croix  pto» 
cessionnelle  d  argent  ornée  d'émaux  ;  dans  celle  deGréolièrcs. 
une  croix  analogue,  non  émaillée  ;  dans  celle  de  Carros.  oû 
petit  ostensoir  d'argent  sur  le  pied  duquel  est  gravé  le  blasotk 
de  Godeau. 

Signalons  encoredans  l'église  de  Vcnce  la  croix  pectorale  du 
dernier  évéque  de  cette  ville,  mort  évcque  dciNamur, 

Pour  terminer  cette  notice  sommaire»  il  faut  faire  une  place 
a  l'une  desclochcsde  Tourettes  qu'une  tradition  locale  attribue 
aux  Templiers  et  qui  a  Tinscription  Vox  Domini  sonai  :  enfin 
a  un  vieux  tabernacle  en  bois  qui  est  dans  une  des  chapelles  de 
réglise  de  Saint-Paul  :  orné  des  armes  de  la  famille  de  Won- 
dis,  il  est  de  forme  hexagonale,  porte  des  peintures  relativcjsà 
l'Ancien  et  au  Nouveau  Testament,  des  inscriptions  qui  les  ex- 
pliquent, la  date  i5.g  die  5  lunii  {Vnn  des  chiffres  est  illisi- 
ble), et  passe  pour  avoir  été  décoré  par  Antoine  de,  Hondis» 
peintre  de  Saint-PauK  qui  exécuta,  pour  les  Observa niinsd'An- 
libes,  en  i53q,  un  beau  tableau,  le  Christ  aur  le  xtiaire.  qui 
est  aujourd'hui  dans  la  chapelle  de  Thospice  d'Antibes. 

Je  mt;  permets  de  renvoyer  les  lecteurs  qui  désireraient  plus 
de  renseignements  sur  ces  divers  objets  et  sur  les  autres  qui. 
moins  importants,  donnent  d'ailleurs  une  idée  de  ce  que  le  tous 
petit  diocèse  de  Vence  posséda,  aux  monographies  que  j'ai  fwî 
paraître  dans  les  Annales  de  la  Sociéfé  des  Lettres, Scienctt  ft 
Arts  des  Alf>es*Maritimes  et  dans  le  Bulletin  archéfAoKtqnt 
du  Comité  des  Travaux  historiques  de  1898. 


Georges  Doiblct. 


Nice,  juillet  jl^Î. 


—  629  — 

XXXI 

Les  Hélailles  frappées  en  Hiear  lu  Bal  le  Mm 

Essai  descriplif  par  le  Baron  OUIXiLIBBRT, 

Secrétaire  perpétue!  de  l'Académie  J'Aix, 
Vice-*Président  de  la  Société  d'Études  Provençales. 


Le  plus  illustre  marin  français  du  xvur  siècle  appartient  à 
la  Provence.  Le  Baillf  de  Suffren  eut  une  telle  valeur  excep- 
tionnelle, il  a  conquis  aux  yeux  du  monde  entier  une  gloire 
si  méritée  que  l'Empereur  disait  de  lui,  à  Saintc-Hclènc.  qu'il 
avait  un  génie  militaire  égal  au  sien,  et  qu*on  l'a  surnommé 
depuis  le  «  Napoléon  de  la  mer  »  '. 

Suffren  est  originaire  d'Aix,  bien  qu'il  soit  né  au  château  de 
Saint-Cannat,  résidence  d'été  de  sa  famille,  dans  la  commune 
de  ce  nom,  aux  environs  de  la  vieille  capitale  de  la  Provence  *. 
Le  marquis,  son  père,  était  premier  consul  d'Aix  et  procu- 
reur du  Pays,  en  1725. 

La  biographie  et  le  récit  des  cxplpits  de  Tamiral  de  Suffren 
ont  fait  l'objet  de  fort  nombreuses  études  qui,  de  i8o5  à  nos 
jours,  durant   un   siècle,  exaltent,  môme  en   vers,   notre  très 


*  La  marine   militaire  en  France  sous  le  règne  de  Louis  XVI,  par 
Lacouh  Ga^et.  professeur  à  l'École  supérieure  de  marine.  Paris,  1905. 

*  Les  rues  li'Aix,  par  KoixAlpheran.   Imp.  Aubin,  1845,  t.  l**,  p.  644 
et  s. 


-    63o  — 

célèbre  compatriote  '.  Et  ce  n*cst  pas  seulement  par  des  écrits 
que  des  homma^'es  solennels  ont  été  rendus  à  sa  mémoire. 
Des  monuments  lui  ont  été  élevés  sur  nos  places  publiques  ; 
combien  de  rues  portent  son  nom  !  Dans  les  musées,  ses  traits 
ont  été  reproduits  par  des  artistes  renommés. 

Les  statues,  bustes  et  portraits  de  SulFren  sont  décrits  dans 
un  travail  iconographique  de  Térudit  écrivain  d'art,  notre 
confrère  regretté,  M.  Octave  Teissîer. 

Les  médailles  ne  sont  pas  comprises  dans  cette  icono/;ra- 
phie. 

Il  nous  a  paru  qu'un  essai  numismatique,  à  cet  égard,  avait 
d  autant  plus  sa  place  marquée  dans  ce  Congrès,  assemblé  à 
Toccasion  del'Exposition  Coloniale,  qu'il  rappellera  les  exploits 
accomplis  par  un   héros  provençal  dans  les  mers  des  Indes. 

Cinq  médailles  ont  été  frappées  en  Thonneur  de  Suffren  : 
trois  de  son  vivani,  en  1784  ;  la  quatrième,  en  1825  ;  la  der- 
nière, 78  années  après  sa  mort,  en  1866. 

La  plus  connue  est  celle  des  États  de  Provence  ;  elle  figure 
dans  la  plupart  des  collections  publiques.  Il  n'est  point  de 
cabinet  d'amateur  en  Provence  qui  ne  la  conserve  en  belle 
place. 

La  deuxième  est  beaucoup  moins  répandue  ;  l'aixois  Gibe- 
lin la  composa  et  la  dédia  à  son  compatriote.  On  peut  l'ad- 
mirer à  l'exposition  de  l'An  provençal  -. 

If^norce  du  plus  f^Tand  nombre,  et  d'ailleurs  excessivement 


'  Petite  bibliothèque  héraldique  généalogique  de  la  Provence,  par 
Kobirt-Kf.boll.  ()llic:er  d'AcaJdmie,  membre  de  l'Acad.  royale  héraldique 
italienne.  Pisc,  iSSi.  n*   >^«»  à  ^^4. 

-  Lex  médailles  et  les  jetons  de  l'roi'cnce,  par  M.  Maurice  KAiahAULi. 
b -archiviste  deb  B.-du-K.  Imp.  Bertrand,  à  Châlons-s.-Saône.  igo3,  p.  10 
et  12. 


—  63i   - 

rare,  est  la  médaille  consacrée  par  les  Hollandais  à  l'illustre 
amiral  tran^j'ais.  Il  n'en  existe  peut-être  pas  dix  exemplaires, 
le  coin  s'étant  brisé  à  la  frappe.  C'est  une  œuvre  dart  superbe*. 

Nou^  la  reproduisons  avec  la  précédente,  en  photogravure. 

La  quatrième  médaille  du  Bailli  de  Suffren  fait  partie  de 
la  i;alerie  métallique  des  grands  hommes  français.  On  peut 
facilement  se  la  procurer.  Le  buste,  à  l'avers,  est  ^'ravé 
d'après  la  médaille  des  États. 

Nous  lavons  fait  mouler  en  plâtre  pour  le  Congrès. 

Enfin  la  cinquième  et  dernière  a  été  coulée  par  le  fondeur 
marseillais  de  la  statue  de  Suffren  élevée  à  Saint-Tropez.  Elle 
est  plus  introuvable  encore  que  celle  de  la  Compagnie  Hol- 
landaise ;  elle  a  une  valeur  toute  de  souvenir  et  elle  n'aurait 
été  établie  qu'à  trois  exemplaires. 

No^  recherches,  à  ce  jour,  ne  nous  ont  fait  découvrir  que 
ces  cinq  médailles  en  l'honneur  du  Bailli  de  Suffren. 

La  description  détaillée  de  chacune  d'elles  complétera  les 
indications  i^énérales  qui  précèdent. 

L    —    MÉD\ILLh:    DES    ÉtATS    Dt    PpOVENCE. 

Au  droit  ou  avers  :  Buste  de  Suffren,  à  gauche,  le  cou  nu. 
les  cheveux  relevés  sur  le  front,  noués  par  derrière. 

Kxergue  :  P.  And.  de  Slffren  S*  Tpopez  chev.  des  obd.  du 
poi  'iP.  CROIX  DE  l'Opd.  de  S^  Je.xn  de  Jérusalem  amiral  de 
I-'hance. 

S  i.iî  nature  de  Du  pré  sous  le  buste. 

Au   rcvcfb   :   L  ne  couronne  de  laurier,  fermée  à  la  partie 


*    Sotice  sur  la  médaille  offerte  au  Bailli  de  Suffren  par  la  C  '  Hotlan- 
Jaise  des  lndcs(  orientales,  Inip.  Alfred  Caron.  h  Amiens,  mars  i855. 


H 


532  — 

supérieure  par  le  blason  de  Provence,  ei entourant  cette  légcûJt 
en  neuJ  lignes  : 

Lm    C\î'  PHOri^UiK  I    IKINgt  KMALK     NUS  |  ^lOULittOl  f»      ! 
LiNDK  IJÉI  KNDUli  |  î»l\  COMBATS  GLOKIEUX  \  LES  ETATîi  DK  r^ 

ONTDKCKRNK  |  cin-T£MiiDAiLLE  |  MUOCLXXxiv  |  .  Diamètre ^4^  m  ' 

limcircs* 

II     —    MKDAtULE    Dï*:  G lUELl^  (Voit  id  photogrû]mr4) 

A  I  avers,  en  exergue,  à  droite  :  sic  aphëllit  (c  est  ainsi  qaî 
aborde)  et  au  plein  :  le  bailli  de  SurtVen»  valu  à  lanuqt: 
casque»  monté  sur  une  galère  aux  armes  de  France,  tou 
lerre  et  avant  d  aborder  cueille  une  branche  au  palmier  iiujod    I 
la  Victoire  ailée,  demi-vctue»  qui  vient  le  recevoir,  amam  sa    î| 
f^alèrc.  Au  pied  du  palmier,  un  vase  à  brûler  des  parfutr 
lequel  figure  un  chameau  en  relief.  Dans  le  fond,   i 
des  palmiers;  au-dessous,  en  petits  caractères  rom^iin 
ligne  :  Antonius  Spiritus  Ciibehn  inv  dedic.  :  et  en  l^tiftk     I 

G  ALLO    INDIA    SERVATA   ET   AUCTA  |  DVCE   PKT,    AUD.   DC    Si 

S.  Tropez  I  AyiiséiXTiENsi  Egi-,  Hieros  I  Class.  rcg.  pnefi: 

Au  revers,  dans  une  couronne  de  launer,  t:cttc  in^  '^ 
Civis  )  AgLi-St\TiKNsïs  I  D»    D,  |  Concivi    oi^timo 
vtcTO  I  MiKCLXxxtv  |   ;  ct  unc  petite  couronne  de  kitrier 
dessoiis.  Diamètre  :  68  millim* 


ill.    MÉDAILLfC    pE    LA    CoMPAGHie    Hoti^AKOAIO    îtl 

InuES-OrIENTALES  (VoirU  phutograrurci 

KH^  y  voii  a  i  avers  une  tête  aliegorique  a  ^jlj 
tant  rindc  sous  la  ligure  dune  jeune  femme  de     . ._  _ - 

quable.  La  coiffure  est  retenue  par  un  réseau  de  perles;  ék  ^| 
consiste  en  une  tète  d'éléphant«  $ur  le  dcvanlj  ii\xc  sa  tfOO'p 


McdailLe  dijdiéc  pur  rsprii-Anh-ini!  riHU:LlN. 


r 


—  633  — 

et  ses  défenses  ;  le  tout  surmonte  d'une  couronne  ;  une  perle 
longue  pend  à  Toreille  jusqu'au  ras  de  la  chevelure. 

Sous  le  cou  est  un  gouvernail  antique,  autour  duquel  s'en- 
roule un  rameau  d'olivier,  symbole  de  la  paix  conquise  par 
l'amiral. 

On  lit  en  exergue  :  Societas.  indicana.  orientalis.  F/Ed.  Belg. 

Le  revers  porte  au  milieu  d'une  couronne  d'olivier  cette 
légende  sur  huit  lignes  :  Inclyto.  |  Viro.  d.  Suffren.  |  régis. 

GALLLt.  ARCHl  |  THALASSO.  FORTISSI  |  MO.  OB.  C0L0N1AS.  DE  |  FEN- 
SAS.  ET.  SERVA  |  TAS.  MDCCL  |  XXXIV.  |   . 

Elle  a  été  gravée  par  un  artiste  célèbre  d'Amsterdam,  Schepp. 
sur  le  dessin»  de  l'archéologue  François  Hemsterhius,  de 
La  Haye.  Son  diamètre  est  de  80  millimètres. 

IV.  —   MÉDAILLE  DE  LA  GALERIE  METALLIQUE. 

A  l'avers,  buste  de  Suffren  ;  la  tète,  à  droite,  est  gravée 
d  après  celle  de  la  médaille  des  États  de  Provence  ;  costume 
d'amiral  avec  épaulettes  et  grand  cordon  de  Tordre  de  Saint- 
Jean  de  Jérusalem. 

En  légende  :  Pierre  André  de  Suffren.  ^ 

Au  revers,  l'inscription  suivante  sur  huit  lignes,  avec  la  faute 
de  l'année  de  naissance  1726  (alors  que  le  bailli  de  Suffren  na- 
quit en  1729),  NÉ  I  EN  MDCCXXVl  |  A  SaINT-CaNNAT  |  MoRT  |  EN 
MDCCLXXXVIII  I  GALERIE  MÉTALLIQUE  |  DES  GRANDS  HOMMES  FRAN- 
ÇAIS I  1825  I  .  Diamètre  :  quarante  millim. 

V.    —    MÉDAILLE    COULÉE    POUR    l'INAUGURATION     DE     LA 
STATUE  DE  SUFFREN  A  SaINT-TrOPEZ. 

L'avers  est  la  reproduction  de  celle  des  États  de  Provence, 
buste  de  Suffren  à  gauche.  Une  différence  existe  dans  l'exer- 


-    634  - 

gue  :  au  lieu  que  le  mot  Jérusalem  soit  en  toutes  lettres,  il  est 
en  abréviation  Jerus,  et  à  la  place  des  lettres  alem  se  trouve 
le  mot  vice  précédant  celui  d'amiral. 

SufTren  n'avait,  en  effet,  que  le  titre  de  vice-amiral.  Le 
savant  numismate,  M.  Laugier,  le  regretté  conservateur  du 
cabinet  des  médailles,  à  Marseille,  inspirateur  de  cette  médaille, 
a  tenu  à  être  exact. 

Le  revers  porte  l'inscription  qui  suit  en  petites  lettres,  sur 
six  lignes  :  «  La  statue  du  bailli  de  Suffren,  érigée  à  Saint- 
Tropez  en  avril  1866,  a  été  coulée  en  bronze  à  Marseille  par 
P^  Maurel,  fondeur,  d'après  le  modèle  de  M' Montagne,  sculpt% 
le  23  décembre  i865  ». 

Et  en  haut,  l'écusson  du  bailli,  portant  les  armes  des  Suffren  : 
4c  d'azur  au  sautoir  d'argent  cantonné  de  quatre  tètes  de  léopard 
d'or,  au  chef  de  Malte  ».  Au  bas,  les  armoiries  de  la  ville  de 
Marseille.  Diamètre  :  quarante-neuf  millimètres. 

Telles  sont  les  médailles  frappées  à  la  gloire  de  l'illustre 
marin  que  la  Provence  a  donné  à  la  France. 

Si  le  nom  de  Suffren  est  rendu  impérissable  par  la  numis- 
matique, il  l'est  encore  par  le  poème  de  Mirèio.  Qui  ne  con- 
naii  la  ballade  qu'a  consacrée  notre  immortel  génie  proven- 
çal, F.  Mistral,  au  Baile  Sufren  que  sus  mar  coumando  ? 

Cet  hommage  poétique  vaut  une  vraie  médaille  d'art.  Aussi 
ne  saurions-nous  mieux  faire  que  de  l'évoquer  en  terminant. 


-  635  - 


XXXII 


LE  THEATRE  A  AIX 

depuis  son  origine  jusqu'à  la  Révolution, 

Par  K.  Fortuné   JULIEN, 

Ancien  Professeur  à  l'École  des  Arts  et  Métiers  d\Kix, 


Le  ihcàire  à  Aix,  comme  dans  toute  la  PVance,  eut  pourori- 
^'ine  les  mystères,  drames  religieux  dont  les  sujets  étaient  em- 
pruntés à  l'Ancien  et  au  Nouveau  Testament.  Aux  mystères, 
vinrent  bientôt  s'ajouter  les  moralités,  jeux,  farces  et  soties^ 
pièces  plus  courtes  et  plus  légères,  dans  lesquelles  dominait 
l'élément  comique. 

II  serait  impossible  de  déterminer  exactement  l'époque  à  la- 
quelle, pour  la  première  fois,  des  mystères  furent  représentés  à 
Aix.  Mais  ce  qui  paraît  hors  de  doute,  c'est  que  le  roi  René,  qui 
était,  comme  on  le  sait,  grand  amateur  de  fêtes  et  de  specta- 
cles, en  avait  fait  jouer  devant  sa  Cour.  Un  manuscrit,  déposé 
aux  Archives  des  Bouches-du-Rhône  et  cité  par  M.  Petit  de 
Jullcville  dans  son  ouvrage  sur  les  mystères,  nous  apprend 
que  «  Jehan  du  Périer,  dit  le  prieur,  maréchal  des  logeys  du 
«  roi,  reçut,  le  26  décembre  1478,  25o  florins  pour  ses  bons  et 
^  agréables  services  et  aussi  pour  certain  livre  ou  histoire  des 
<s  Apôtres  qu'il  avait  dressée  et  mise  en  ordre.  » 

Il  s'agit,  d'après  M.  de  Julleville,  du  drame  intitulé  les  Actes 


—  636  — 

des  Apôtres,  dont  les  auteurs  étaient  les  frères  Ernoul  et  Si- 
mon Grcban  (du  Mans)  et  auquel  Jehan  du  Périer  aurait  seu- 
lement apporté  des  modifications. 

M.  de  Julleville  cite  encore  des  farces  jouées  en  1584,  et 
dans  lesquelles  l'esprit  satirique  s'était  tellement  donné  libre 
cours,  que  le  Parlement  crut  devoir  intervenir  en,  décidant 
«  que  les  dits  joueurs  àe  farces  seraient  ajournés  en  personne 
«  pour  répondre  sur  ce  qu'ils  seraient  interrogés  ». 

Il  y  a  lieu  de  remarquer  ici  que  \tsjarces  étaient  ordinaire- 
ment jouées  en  plein  air  par  des  comédiens  ambulants  qui 
étaient,  en  même  temps,  marchands  de  drogues.  La  place  des 
Prêcheurs  était  le  lieu  habituel  de  leurs  exploits. 

Les  plus  anciennes  représentations  théâtrales  données  à 
Aix,  dont  on  puisse  parler  avec  certitude,  sont  de  la  fin  du 
xvi«  siècle;  elles  eurent  lieu  à  l'Archevêché  et  se  trouvent  rela- 
tées dans  le  journal  manuscrit  de  Foulques  Sobolis,  procureur 
au  Parlement  (Bibliothèque  Méjanes). 

Des  trois  représentations  dont  parle  Sobolis,  pour  l'année 
1695,  je  ne  citerai  que  celle  du  24  juin,  dont  il  fait,  avec  une 
briève  simplicité,  le  compte-rendu  suivant  :  «  Le  24  juin,  jour 
«  delà  Saint-Jean,  a  été  joué  un  jeu  à  l'Archevêché  parles  éco- 
«  liers  de  la  ville  et  enfans  du  sieur  de  Lafare  et  autres  :  VEn- 
«  fant  vertueux  et  vicieux,  lequel  vicieux,  après  avoir  dissipé 
4c  tout,  s'est  désespéré  et  le  diable  l'a  emporté;  et  le  vertueux, 
4c  le  père  le  marie.  Et  ensuite,  une  y^rce  à  quatre  personna- 
ge ges  :  un  savoyard,  le  second  provençal,  le  tiers  espagnol  et 
4c  le  quart  français  ». 

Dans  une  brochure  publiée  en  1862,  M.  Joly,  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres  d'Aix,  établit  d'une  manière  à  peu  près  cer- 
taine que  les /ewjc  en  question  étaient  deux  tragi-comédies  en 
vers,  composées  par  Benoet  du  Lac,  gentilhomme  dauphinois, 
qui  fufcnt  imprimées  à  Aix  sous  les  titres"  :  le  Désespéré oX 


—  637  — 

Caresme  prenant  (La  brochure  de  M.  Joly  et  le  volume  de 
Benoei  du  Lac  sont  à  la  Bibliothèque  Méjanes).*On  est  surpris, 
néanmoins,  à  la  lecture  des  licences  de  langage  qu'elles  con- 
tiennent, que  ces  pièces  aient  eu  pour  théâtre  rArchevèché  et 
pour  interprètes  les  écoliers  et  jeunes  gens  de  la  ville. 

Le  même  manuscrit  de  Sobolis  cite  une  représentation  don- 
née le  9  juin  iSgô,  dans  l'église  des  Prêcheurs,  où  fut  représen- 
tée V Histoire  des  Mac habées. 

Il  est  probable  que,  par  la  suite,  d'autres  représentations 
comiques  ou  dramatiques  furent  souvent  données,  soit  dans 
les  couvents, soit  dans  des  maisons  particulières;  malheureuse- 
ment, il  ne  s'est  pas  trouvé  un  autre  Sobolis  pour  nous  en  con- 
server la  relation. 

Le  Parlement  surveillait  toujours  les  comédiens  en  plein 
vent.  11  rendit,  le  lo  décembre  i632,  un  arrêt  par  lequel  il  leur 
défendait  «  de  monter  sur  le  théâtre  les  jours  de  fête  et  diman- 
^  ches,  et  les  autres  jours,  d'y  faire  monter  aucune  femme  ». 

Les  deux  seules  traces  de  spectacle  que  j'ai  pu  découvrir  en- 
core à  ces  époques  lointaines,  sont  consignées,  l'une  par  Porte, 
dans  Aix  ancien  et  moderne,  où  il  dit  que,  vers  i65o,  on  se 
permit  de  jouer  des /arces  dans  lesquelles  le  gouverneur(comte 
d'Alais)  et  son  épouse  étaient  représentés  de  la  manière  la  plus 
ridicule  ;  et  l'autre  par  l'historien  de  Haitze  qui  fournit  quel- 
ques détails  sur  une  représentation  donnée  au  couvent  des  An- 
ciens Carmes,  le  jeudi-gras,  12  février  171 1,  où  fut  jouée  une 
comédie  satirique  visant  les  Jansénistes  et  dans  laquelle, 
entre  autres  plaisanteries  plus  ou  moins  spirituelles,  les  mots 
f^râce  ejficace  étaient  traduits  par  grâce  Jricassée.  De  Haitze 
ajoute  que,  sur  la  plainte  des  assistants  scandalisés,  l'archevê- 
que révoqua  tous  les  pouvoirs  de  confesser  et  de  prêcher  qu'il 
avait  donnés  à  ces  religieux  et  leur  ordonna  de  faire  sortir  de 
son  diocèse  l'auteur  et  les  acteurs  de  la  pièce. 


—  (338  — 


Cette  courte  et  très  incomplète  analyse  des  prcuiitris  c%vuv,a 
Aix,  de  reprësentaiions  théâtrales  nous  conduit  vers  le  com- 
mencement du  xvnr  siècle»  époque  marquée  par  la  création 
d'une  salle  de  spectacle. 

Roux-Alphcran  dit»  dans  les  Rties  d'Aix,  que  cette  salle, 
avait  été  dabord  destinée,  en  lOtjo.  à  un  /eu  de  patitsie^fm 
transformée  en  théâtre  vers  les  premières  années  du  xviii*  siè- 
cle. Je  n*ai  pu  découvrir  aucune  pièce  officielle  constatant  c^oe 
transformation,  mats  il  est  probable  que  des  rcpréscntatkms 
furent  données  avant  le  xviii*  siècle,  soit  dans  ce  local  sciitdaits 
un  autre;  et,  ce  qui  m'autorise  à  faire  cette  supposition,  c'est 
la  défense  faite,  en  ifiKr  (c'est-à-dire  dix-neuf  ans  a  upara\'3m|w 
au  célèbre  Campra,  alors  attaché  à  la  Maîtrise,  de  coniint»er  à 
prendre  part  à  dex  représentations  théâtrales  (Man usent  d» 
Chapitre), 

Quelle  que  soit  la  date  exacte  de  la  transformation  éixfeuêi 
paume  en  théâtre,  nous  n'avons  une  preuve  officielle  de  Teiis- 
tence  de  cette  salle  qu'au  tnoment  où,  en  1756,  elle  est  fermée 
par  ordre  de  lautoriié  parce  qu  elle  menace  ruine. 

M.  le  duc  de  Villars.  gouverneur  de  Provence,  ayant  maot* 
festé  le  désir  de  voir  reconstruire  le  théâtre*  une  assocmton  ic 
torma  entre  le  sieur  Routier,  archiieae,  cl  plusieurs  habitants 
de  la  ville,  pour  procéder  a  sa  reconstruction, 

L^ouvcnure  de  la  salle  restaurée  cul  lieu  le  »•*  janvier  1758; 
mais  nous  ignorons  complètement  la  composition  du  spectadr 
et  les  noms  des  artistes  qui  y  prirent  part* 

Pour  avoir  quelques  données  certaines,  il  nous  faut  arrtvcri 
l'année  1771,00  le  célèbre  tragédien  Lekain  vint, le  ttiîiepteni* 
bre,  représenter  Tancrcde  (de  Voltaire).  Ce  qui  a  le  plus  4300- 
trtbué  â  conserver  te  souvenir  du  passage  de  Lckatn«  c'en 
Torage  épouvantable  qui  inonda  la  ville  pendant  la  repriwfip 
tation  et  qui  transforma  les  rues  en  rivière:^, dan^  Ic^uclk^  on 


—  639  — 
voyait;roulcr  différents  objets  mobiliers,  entre  autres  les  cuves 
ser\'ant  à  fouler  les  raisins.  Les  contemporains  désignèrent 
cette  soirée  sous  le  nom  de  déluge  de  Lekain, 

J'ai  trouvé,  sur  Tannée  1777,  d'assez  nombreux  documents 
consignés  dans  un  recueil  hebdomadaire  d  annonces  porunt  le 
titre  de  :  AJ fiches  de  Provence  (Bibliothèque  Méjanes).  Le  nu- 
méro du  24  février  donne  le  compte-rendu  d'une  pièce  nou- 
velle, avec  ariettes,  composée  par  deux  amateurs  et  intitulée  : 
la  Coquette  du  village.  Il  est  dit,  dans  cet  article,  que  la  pièce 
est  écrite  correctement,  mais  qu'elle  n'a  obtenu  qu*un  succès 
médiocre.  Voilà,  sans  doute,  une  des  premières  pièces  inédites 
qui  aient  été  représentées  sur  le  théâtre  d'Aix.  Il  est  regrettable 
que  les  noms  des  auteurs  ne  nous  soient  point  parvenus. 

On  dit  souvent  que  le  public  et  les  journaux  attachent,  de 
nos  jours,  une  trop  grande  importance  à  tout  ce  qui  a  trait  au 
théâtre  et  aux  comédiens  ;  nous  allons  voir  qu'au  xviii*  siècle 
on  ne  se  passionnait  pas  moins  qu'aujourd'hui  quand  il  s'agis- 
sait d'apprécier  le  talent  des  acteurs  et  surtout  des  actrices.  La 
lettre  suivante,  insérée  dans  les  Affiches,  le  16  juin  1777.  va 
nous  montrer  la  ville  d'Aix  divisée  en  deux  camps  ennemis  par 
la  dispute  des  Desbruyériens  et  des  Cressentins.  Ces  deux  néo- 
logismes  furent  créés  pour  désigner  les  partisans  de  M***  Des- 
bruyères et  ceux  de  M"»  Cressent,  les  deux  principaux  sujets  de 
la  troupe.  Et commela  mode  étaitalorsaux  parallèles,  l'auteur  de 
la  lettre  commence  par  en  faire  un  entre  ces  deux  demoiselles  : 
«  La  première  (M"*  Desbruyères),  plus  fière  d'étonner  que  de 
«  plaire,  charme  et  ravit  par  tout  ce  qui  tient  aux  effets  subli- 
me mes  et  aux  grandes  formes  du  chant,  et  son  émulation  s'ac- 
«  croît  aux  approches  de  sa  rivale.  Mais,  s'il  est  un  chant  pour 
4<  rame,  si  le  cœur  n'a  pas  perdu  tous  ses  droits,  il  est  encore 
«  une  place  sur  notre  théâtre  pour  M"*  Cressent...  La  réunion 
«  de  ces  deux  actrices  étouffera  bientôt  les  cris  des  deux  partis 


—  (340  — 

<ï  don(  nos  promenades  et  nos  cercles  retentissent  *,  C'est  ceqtij 
arriva,  en  ctïet,  ei  le  numéro  du  'i3  juin  nous  apprend  que  II 
scène  a  rcuiii  les  deux  artistes  et  que  les  troubles  comlquesofif 
cessé. 

Quelques  jours  après,  le  3o  juin  1777,  la  villed'Aixeuinioii- 
neur  de  recevoir  la  visite  de  Monsieur  (comte  de  Provence  €1 
futur  Louis  XVHI 1.  La  réception  fut  brillante.  Le  cours  avait 
été  magnifiquement  décoré.  Les  marchands,  au  nombre  de 
quatre-vingts, s'étaient  rendus, en  corps  de  cavalerie, â  quelque 
dislance  de  la  ville.  Après  un  court  séjour,  le  prince  quitta  U 
ville  pour  y  revenir  bientôt;  et  ce  fut  à  cette  seconde  \i$iie 
qu'on  lui  montra  les/ewxdela  Fête-Dieu  et  qu'on  donna,  eo 
son  honneur*  une  représentation  de  gala,  suivie  d'un  bal.  Les 
Affiches  relatent  ces  fêtes  dans  le  numéro  du  14  juillet  :^lt 
«  prince  se  rendit  ensuite  à  la  Comédie,  dont  la  salle  était  ar- 
*t  listement  décorée.  Les  dames  de  la  première  distinction 
*^  s'étaient  réunies  dans  les  loges  et  aux  gradins.  Les  comédietis 
^  jouèrent  L'Amoureux  de  quinze  ans.  Monsieur  daigna  ap- 
«  plaudir  aux  elTorts qu'ils  faisaient  pour  lui  plaire,..  La  comè- 

*  die  fut  suivie  d'un  bal  paré;  le  prince  s'y  rendit  à  onze  lieu- 
se res,  à  pied  ;  il  accueillit  tout  le  monde  avec  bonté  ^  ^H 

Les  AJ fiches  sont  plus  sobres  de  renseignements  sur  le  ihélh 
tre  en  1778  qu*en  1777.  Je  trouve,  cependant,  à  la  date  du 
17  mai  1778»  un  article  très  élogieux  sur  M"*  Sainval  aillée 
(dont  le  vrai  nom  était  Alziari),  qui  venait  de  se  présenter  saw 
la  scène  Aixoise  ;  <<  Enfin,  M"'  Sainval  nous  est  conntie;  la 

*  supériorité  de  ses  talents  n'est  pas  une  chimère...  Forte  Cl 
«  énergique  comme  la  DuméniK  moins  inégale  qu>Ue  :  5e 
«  dessinant  avec  autant  de  dignité,  avec  autant  de  gr2ce  que  U 
^  Clairon  ;  exprimant  la  tendresse  avec  autant  d*intérèt  que  li 
«t  Gaussin  ;  plus  vraie  et  plus  naturelle  qu^aucune  de  cellesc^ui 

«    lonl  précédée,.,  s»  L  -"^î^^l»"  t  ont  î  nue  sur  a^  ir*n   lïithv  rtimbk- 


—  t)4i  — 

que  et  se  termine  par  un  sixain  exprimant  les  regrets  que  cause 
le  départ  de  la  célèbre  actrice. 

En  1779,  Monvel.  artiste  parisien,  qui  était  acteur  et  atJteur, 
obtint  é*»alement  un  succès  considérable  en  jouant  plusieurs 
pièces,  notamment  le  Père  dejamille  (de  Diderot). 

Jacques-Marie  Boutet  de  Monvel  était,  paraît-il,  un  excellent 
comédien  quoiqu'il  eut  un  physique  peu  avantageux.  Il  brillait 
plus  dans  la  tragédie  que  dans  la  Comédie.  Comme  auteur,  il 
produisit  :  Y  Amant  bourru,  les  Amours  de  Bayard^  les  Victi- 
mes cloîtrées  et  diverses  autres  pièces.  Il  écrivit,  en  collabora- 
tion avec  Alexandre  Duval,  un  certain  nombre  d^opéras,  dqnt 
le  plus  connu  est  Biaise  et  Babet,  mis  en  musique  par  Dezè- 
dcs.  Knfin,  il  fut  le  père  de  la  célèbre  comédienne.  M"*  Mars 
(Anne-Françoise-Hippolyte  Boutet).  Un  biographe  malicieux 
ne  craignit  pas  d'assur«r  que  c'était  là  son  meilleur  ouvrage. 

Pendant  l'été  de  lySS,  une  autre  célébrité  parisienne, 
M"'  Saint-Huberty,  vint  donner,  à  Aix,  plusieurs  représenta- 
tions. M"*  Saint-Huberty  (qui  s'appelait  en  réalité  Antoinette 
Clavel)  était  devenue,  après  la  retraite  de  Sophie  Arnould,  la 
première  cantatrice  de  l'Académie  de  musique.  Elle  avait  fait, 
dans  l'opéra,  la  même  réforme  que  Talma  dans  la  tragédie  au 
sujet  de  l'exactitude  des  costumes. 

Une  brochure,  publiée  par  M.  Mouttet,  ancien  juge  de  paix 
et  bibliophile  distingué,  donne  quelques  détails  sur  le  séjour,  à 
Aix,  de  M"*  Saint-Huberty.  La  célèbre  cantatrice  fut  reçuedans 
la  famille  Grégoire,  dont  le  fils  aîné,  Louis  Denis,  devint  secré- 
taire de  la  musique  de  Napoléon,  puis  maître  de  chapelle  de 
Louis  XVIII  (C'est  lui  qui  a  noté  les  airs  àts  jeux  de  la  Fête- 
Dieu).  Des  représentations  données  par  M"*  Saint-Huberty,  la 
seule  dont  le  programme  nous  ait  été  conservée,  est  celle  du 
23  juillet  1783,  où  elle  parut  dans  le  Devin  du  village  (de 
J  -J.  Rousseau)  et  le  Tableau  parlant  (de  Grétry).  La  phrase 

COMGR&S.  —  4  I 


—  642  — 

suivante,  tirée  d'une  lettre  adressée  le  lendemain,  24  juillet. 
par  M""  de  Bardonenche  au  comte  de  Mirabeau,  nous  apprend 
qu'elle  avait  joué  auparavant  plusieurs  autres  ouvrages  de  gen- 
res différents.  «  Il  est  impossible  d'imaginer  —  écrit  M—  de 
«  Bardonenche  —  qu'on  puisse  passer  du  rôled'A  Iceste,  dUphi- 
4c  génie,  à  celui  de  Colette,  de  Colombine,  et  y  être  aussi  supé- 
«  rieure  ».  Cet  éloge  de  M"*  Saint-Huberty  dut  faire  plaisir  à 
Mirabeau  qui  s'était  épris  de  la  grande  cantatrice  et  qui,  avec 
son  impétuosité  ordinaire,  avait  manifesté  son  affection  en 
meurtrissant  le  bras  de  celle  qui  en  était  l'objet. 

I-es  agitations  de  la  période  révolutionnaire  se  répercutèrent 
plus  d'une  fois  sur  le  théâtre  ;  le  public  soulignait  volontiers, 
par  ses  applaudissements  ou  ses  murmures,  toutes  les  phrases. 
tous  les  mots  pouvant  s'appliquer  aux  événements  de  Pépoque; 
l'habit  de  livrée  porté  par  un  acteur  donnait  lieu  à  des  troubles 
si  sérieux  que  l'autorité  crut  devoir  prendre,  le  29  novembre  1790, 
une  décision  pour  proscrire  la  livrée  de  la  scène.  D'autre 
part,  le  décret  de  1791  autorisant  tout  citoyen  à  créer  un  théâ- 
tre en  faisant  une  déclaration  à  la  municipalité,  fit  naître,  à 
Aix,  plusieurs  réunions  d'amateurs,  dans  lesquelles  les  jeunes 
gens  s'exerçaient  à  Tart  de  la  déclamation.  Enfin  (et  je  trouve 
ici  un  terme  tout  indique  pour  cette  étude),  le  théâtre  se  trans- 
formait, il  entrait  dans  une  ère  nouvelle  et  passait,  comme  la 
Société  elle-même,  de  l'ancien  au  nouveau  régime. 


—  643  — 
XXXIII 

LE  THÉÂTRE  A  MARSEILLE 

PENDANT  LA  RÉVOLUTION 

par  M.  Paul  MOULIN,  Membre  de  la  Société  d'Études  provençales. 

Membre  du  Comité  départemental  d'Histoire  économique 
de  la  Révolution. 


Si  vraiment,  comme  Taffirme  Hugo,  le  théâtre  est  une  chose 
qui  enseigne  et  qui  civilise,  il  ne  sera  peut-être  pas  sans  intérêt 
d'étudier  Tart  théâtral,  dans  ses  diverses  phases,  au  cours 
d'une  période  durant  laquelle  la  société  française,  se  transfor- 
mant de  façon  si  complète,  évoluait  vers  des  horizons  nou- 
veaux. 

La  fougue  des  populations  du  Midi,  leur  ardeur  pour  cette 
Révolution  dont  Marseille  fut,  si  on  peut  dire,  l'un  des  boule- 
vards, a  dû  avoir,  pensions-nous,  une  intéressante  répercus- 
sion sur  le  théâtre.  C'est  afin  de  vérifier  l'exactitude  de  cette 
hypothèse  que  nous  avons  recouru  aux  documents  contempo- 
rains relatifs  à  l'art  théâtral  à  Marseille.  S'ils  ne  nous  ont  rien 
révélé  qui  soit  absolument  remarquable,  du  moins  avons- 
nous  pu  y  trouver  quelques  faits  significatifs,  qui  sont  autant 
de  manifestations  intéressantes  de  l'esprit  public  en  cette 
ville. 

Si  le  sujet  de  la  présente  étude  n'est  pas  inédit,  il  n'en   est 


pas  de  même  des  documents  que  nous  avons  utilisés,  et  ncwî 
croyons  savoir,  de  source  autorisée,  qu'ils  n*ont  iamars  été  mil 
en  œuvre  par  ceux  qui,  avant  nous,  ont  effleuré  le  même 
sujet  *, 

Durant  la  période  révolutionnaire,  le  Grand-Thcàirc  de 
jMarscille  change  plusieurs  fois  de  nom.  Llofluence  des  été- 
nements  politiques  du  moment  s  exerce  môme  sur  ce  point  de 
détail.  Construit  sur  une  partie  de  l*emplacement  de  Tar^nit, 
ce  ihcàirc  est  diri^x%  en  lyH^,  par  le  nomme  Beaussier,  pour 
le  compte  d'une  Compagnie  :  la  Compagnie  Rabaud. 

Beaussier  était  à  la  tête  des  théâtres  de  Marseille  depuis  de 
longues  années  et,  sous  TEmpirc,  on  le  trouve  encore  directeur 
du  Grand-Théàire.  Il  se  crée,  en  tant  qu'administrateur»  uoc 
grande  popularité;  mais  il  ne  parvient  point  à  faire  fortune* 
bien  au  contraire,  ce  qui  s'explique  par  tes  déboirci^  eonlioueU 
auxquels  les  entreprises  de  spectacles,  et  plus  particulîèremem 
le  Grand-Thcàirc,  sont  alors  sujettes. 

En  1789»  l'entreprise  du  Grand-Théàtrc  de  iMarseîllc  csi  sol- 
liciiée,  auprès  de  M.  de  Beauvau,  par  un  bourgeois  de  Pans 
nommé  Laurent  Garet,  lequel  souscrivant  aux  exigences  qu'oo 
lui  impose»  réussit  à  prendre  la  suite  de  Beaussier,  dooi  le 
mandat  expire  à  Pâques* 

Dans  l'exposé  des  conditions,  M*  de  Beauvau  fait  part  i 
Garct  de  son  intention  d'exiger  de  la  nouvelle  ad  min  istmtioji 
du  Grand-Théâtre  qu'elle  acquitte  une  redevance  annuelle  de 
25.000  livres,  en  faveur  des  pauvres  marins»  en  maintenant 
toutefois  celle  de  i5,ooo  livres,  que  Ton  est  en  usa^c  de  niwr 
a  l'Hôtel-Dieu  de  Marseille. 


*  Nous  tenons  h  remercier  ici  notre  sympathique  ei  bienTeillast 
viste.  M.  J*  Foornier,  qui  a  bien  voulu  nous  indiquer  U  source  4t  1 

documents. 


-  645  — 

Laurent  GareU  plus  jaloux  sans  doute  de  la  préférence  qu'il 
sollicite  que  de  l'intérêt  des  actionnaires,  dont  il  est  le  simple 
a^'ent,  d'autre  part,  mal  instruit  sur  les  ressources  de  son  en- 
treprise et  snar  les  charges  dont  elle  est  accablée,  souscrit  à 
cette  condition  onéreuse. 

Cette  nouvelle  administration,  confiée  à  des  citoyens  de 
Marseille  et  à  quelques  particuliers  de  Paris,  entre  en  exercice 
à  Pâques  1789  *. 

Les  comédiens  de  M«'  le  maréchal  prince  de  Beauvau  font 
l'ouverture  du  théâtre,  le  lundi  20  avril.  Quelques  instants 
avant  le  lever  du  rideau,  le  public  demande,  à  grands  cris, 
que  le  tapis  d'honneur  soit  placé  au-devant  de  la  loge  des 
officiers  municipaux  ;  on  cède  à  ses  désirs,  pendant  que  l'or- 
chestre exécute  une  marche  entraînante. 

Ce  tapis,  dont  les  volontaires  de  la  Milice  citoyenne  de  Mar- 
seille ont  fait  l'hommage  aux  administrateurs,  est  aux  armes 
du  Roi  et  de  la  Ville,  unies  par  deux  branches  d'olivier  et  de 
laurier  ;  elles  sont  brodées  en  bosse  d'or  et  d'argent  sur  un 
superbe  drap  bleu  galonné  d'argent.  Au-dessous  des  armes, 
on  lit  ces  mots  :  Consulibus  Patria  votum. 

Immédiatement  après  l'arrivée  des  officiers  municipaux, 
Malherbe,  directeur  de  la  troupe,  tait  un  long  discours  dans 
lequel  il  exprime  sa  joie  de  revenir  à  Marseille,  où  il  reçut  au- 
trefois un  si  bienveillant  accueil.  Il  fait  également  l'éloge  de 
M"'  Ponleuil  —  actrice  qui  venait  de  faire,  pendant  dix  années, 
les  délices  des  Marseillais  —  et  promet  de  faire  passer  sous  les 
yeux  des  spectateurs  les  sujets  les  plus  distingués  de  la  pro- 
vince-. 

Pendant  que  la  nouvelle  administration  du  Grand-Théâtre 


*  Archives  des  Bouchcs-du-Khône,  Fonds  révolutionnaire. 

*  Journal  de  Provence,  n»  du  2"5  avril  178g  (Biblioth.  de   la  Ville). 


^  646  — 

absorbe  la  plus  grande  pariie  de  ses  fonds,  par  des  acquisitions 
considérables  ei  souvent  inuiilcs,  Bcaussier,  livré  k  lut-inèmt, 
n*a  pas  une  «seconde  de  défaillance.  Son  Hair  ctonnani  lui  taBL 

concevoir  le  projei  de  faire  une  concurrence  ctîrêfiée  a  cctie 
entreprise.  Il  se  promei  de  réussira  loui  prix  et  de  surrr-"'-^ 
toutes  les  diflicultés  avec  lesquelles  il  se  trouverait  àux  . 

Il  commence  à  faire  construire  à  la  rue  Pavillon  —  sur  ron- 
placcTTieni  d'un  local  qu'il  avait  fait  acheter  en  sous-maîa. 
en  rySH"  une  nouvelle  salle  de  spectacles,  qui  s*€Hivre cknui 
ans  plus  lard»  après  maintes  diHîculiés*  Ce  théâtre  porte  h  u 
naissance  le  nom  de  Thédtre  des  Variétés* 

A  l'occasion  de  rouveriure  de  cette  nouvelle  salle.  Bonne- 
ville,  directeur,  prononce  un  long  discours  ;  ^  Ce  nouveau 
««  spectacle.  dii-iL  sera  désormais  consacré  à  la  gaietë,  h  h  fri- 
m,  volilé|  il  fera  diversion  à  vos  amusements  et  ne  pourra  que 
«  vous  distraire  des  chefs-d'oeuvre  tra^'iques  et  lyriques  doai  le 
«  Grand-Théâtre  a  la  propriété  exclusive.  L'on  a  bien  ^tMila 
^  comparer  ce  lycée  à  une  rose  dans  toute  sa  fraîcheur  ;  cent 
M  hyperbole  outrée  ne  nous  aveugle  pas  ;  non.  Messieurs,  aussi 
m  modestes  que  l'humble  violette, c'est  elle  que  nous  lâcherom 
«  d'imiter,..  )>  ' 

Ix  Journal  de  Provence,  du  27  avril  1790»  donne  :iUf  Yé 
blissement  les  détails  suivants  : 

«t  I^  salle  est  enclavée  dans  une  des  îles  de  b  Canoebicre  d 
^  n'olfre,  extérieurement,  rien  qui  annonce  sa  destinatiofi 
*.  Son  entrée  est  dans  la  rue  du  Pavillon,  On  pourrait  ^ 
«  dant,  par  des  acquisitions  subséquentes,  lui  donner»  y. 
*  des  en  tours  isoles  comtne  la  jurande  salle  de  spectacle,  i 
*i  moins  une  façade. 

«  L'entrée  principale  du  théâtre  offre  un  vestibule  cîfcutairt 


(  Journal  dt   Provence,  n>   du   2t  ^vrtl   1790  (tome  \XV1I^ 


—  647  — 
^  dans  lequel  se  dégagent  Tcscalicr  du  parterre  H2t  ceux  des  pre- 
^  mières,  secondes  et  troisièmes  loges.  Pour  la  sortie,  il  y  a 
«  une  seconde  issue,  dont  la  porte  donne  sur  la  place  Necker. 

¥,  L'intérieur  de  la  salle  est  très  bien  décoré  et  présente  un 
«  ensemble  à  la  fois  agréable  et  majestueux.  C'est  un  parallé- 
«  logramme  d'environ  huit  toises  de  long,  sur  six  toises  et 
«  quelques  pieds  de  large.  Il  est  orné  de  seize  colonnes  isolées 
«  et  cannelées,  d'ordre  ionique. 

«  La  salle  est  généralement  peinte  en  pierres  veinées  et  tous 
«  les  ornements,  faits  avec  goût,  sont  rehaussés  en  jaune. 

«  On  a  évité  d'éclairer  la  salle  par  des  lustres  suspendus  au 
«  milieu,  qui  rendent  les  placés  du  fond  excessivement  désa- 
«  gréables. 

«  L'architecte  '  a  très  bien  senti  qu'une  lumière  douce, 
«  distribuée  avec  égalité  dans  tout  le  pourtour,  serait  d'un 
4^  effet  plus  pittoresque.  Il  a  donc  placé  dans  les  entre-colonnes, 
«  des  guirlandes  de  fleurs  attachées  sous  l'architrave  et  qui 
«  suspendent  des  globes  éclairés.  L'effet  de  cette  lumière  fait 
«  seul  l'éloge  de  sa  distribution.  » 

Les  qualités  administratives  de  Beaussier,  homme  tenace, 
familiarisé  avec  toutes  les  choses  du  théâtre,  et,  d'un  autre 
côté,  admirablement  secondé  par  Bonneville,  sont,  en  grande 
partie,  cause  de  la  déconfiture  de  la  salle  Beauvau. 

Les  actionnaires  de  ce  dernier  théâtre,  qui  redoutaient  la 
concurrence  du  nouvel  établissement,  ne  tardent  pas  à  s'en 
plaindre,  en  même  temps  que  de  l'incapacité  de  leur  adminis- 
trateur, accablé  sous  le  poids  de  charges  considérables. 

La  redevance  habituelle  de  i5.ooo  livres,  en  faveur  de 
r Hôtel-Dieu,  est  bien  acquittée,  mais  il  n'en  est  pas  de  même 
des  25.000  livres  destinées  aux  pauvres  marins,  redevance  à 
laquelle  Garet  s'est  imprudemment  engagé  à  faire  face. 


M.  Lcquin  de  la  Tour. 


fî48  — 


I  I.  v.«w  vCll 


M.  de  Bcauvau,  qu'on  avait  prie  d'exonérer  le  îhéaii 
charge  nouvelle  s\  étant  refusé,  l'admiaïstralion  se  voil 
obligée  de  prier  ses  associés^  résidant  à  Paris,  d'en  SQUicilerli 
suppression  auprès  du  conseil  du  Roi  '. 

Au  3o  mars  ijijo.  c'est-à-dire  au  terme  Je  la  prcmicrc  saison 
théâtrale  de  la  salle  Beauvau,  sous  radminisiraiion  de  Garcf« 
le  capital  de  80.000  livres  est  absorbe  et  les  dettes  de  rentre- 
prise  s'élèvent  a  155.207  ^  "J  ^*  L'avoir  ne  sY-lèvc  qui 
io5.0ï)2  1,  6  s.,  ce  qui  fait  une  perte  totale,  pour  la  premiift 
année,  de  i3o.ii5  livres  1 3  sols. 

Durant  lu  deuxième  année,  on  ne  perd  que  g^.%2H  I. 
i3  s.  1  d.  Il  est  bon  de  faire  remarquer  ici  que  cctlc  dcmiirt 
saison  théâtrale  ne  dure  que  six  mois.  Ce  qui  donne,  pour  um 
période  de  dix-huit  mots  d'exercice,  une  perte  de  22ù3j^  I. 
b  s.  I  d.  * 

Dans  un  mémoire,  les  action naifes  de  la  salle  Beîiuraa 
s'expriment  ainsi,  au  sujet  de  la.  compétition  de  BcdUssicr  . 
«t  Cette  concurrence  de  plusieurs  théâtres»  et  notamment  celui 
•i  des  Variétés»  ouirc  qu'elle  rend  le  public  très  exi^ciini,  nous 
^  cause  encore  de  plus  graves  préjudices.  Il  est  de  (ait  que 
*ï  toutes  les  sommes  que  perçoivent  nos  ambitieux  ri\*9UX 
«  sont  enlevées  à  la  recette  du  Grand-Théàtrc*  Plus  d'un  tkR 
4t  des  produits  de  Tenireprise  du  Clrand-Théâire  se  ir 
*,  diverti  par  un  étabhssement  que  Ion  croyait  alors  imj 
«t  ble,  qui  fut  même  proscrit  par  plusieurs  juf;cmentss€ileaficb 
#t  et  rendus  en  contradictoires  défenses. 

^  Nos  ressources  ont  diminué,  lorsque  nos  charités  se 
«  vent  aggravées  ;  et  telle  est  d  ailleurs  l'influence  d'un  iJi 
<t  concurrent*  qu'il    nous  assujettit    au  surcroît   de  déf 


Archives  ûc%  Boucht5'du*ltbôDc.  Foads  révoluiionnAjrc. 
>  Ibid. 


-  649  — 

«  qu'entraîne  la  nécessité  de  balancer  ses  eflForts.  Encore,  nous 
K  cslimerions-nous  moins  malheureux  si,  réduit  dans  le 
«  cercle  que  la  municipalité  avait  tracé  autour  de  lui,  TEntre- 
^  preneur  des  Variétés  ne  cherchait  pas  à  dévaster  notre  pro- 
«  priété,  en  s'emparant  des  pièces  qui  nous  appartiennent,  en 
«  formant  le  projet  d'établir  sur  son  théâtre  un  opéra  italien, 
«  dont  il  préconise  déjà  le  succès»  projet  funeste  et  destructif 
«  de  notre  entreprise.  ^  * 

Les  artistes,  écœurés  par  une  si  mauvaise  administration, 
dont  ils  sont  les  premières  victimes,  ne  font  plus  aucun  effort 
et  mécontentent  le  public  qui  se  porte  de  plus  en  plus  vers  le 
théâtre  créé  par  Beaussier,  devenu  <c  Théâtre  de  la  Nation  ». 

Ce  dernier,  avec  le  concours  de  Bonneville,  fait  de  son 
mieux  et,  avec  sa  fougue  méridionale,  ne  tarit  pas  d*imagina- 
tion.  C'est  ainsi  qu'il  donne, dans  sa  bonbonnière,  des  opéras, 
des  comédies,  des  drames  et  des  pantomimes  avec  ballets.  Les 
d^ame^i,  on  le  sait,  eurent  toujours  U  faveur  du  public  mar- 
seillais, qui  se  passionne  à  voir,  à  la  fin  de  ces  pièces,  triom- 
pher l'innocence  et  punir  le  crime.  On  joue  même  une  pièce 
intitulée  Echo  et  Narcisse,  qualifiée  d'opéra,  ballet,  panto- 
mime, comédie.  Le  Journal  de  Provence,  du  7  octobre  1790, 
dit  au  sujet  de  celle  pièce  :  «  On  y  trouve  des  paroles  et  de  la 
«  musique,  des  paroles  sans  musique,  de  la  musique  sans  pa- 
«  rôles  et  des  danses  !  >► 

On  lit  dans  le  numéro  du  i3  juillet  1790,  du  même  journal  : 
^  Les  nouveautés  se  succèdent,  au  Théâtre  des  Variétés,  avec 
4<  une  rapidité  incroyable.  A  un  répertoire  déjà  peu  connu,  se 
4c  joignent  les  pièces  nouvelles  qui  sont  jouées  sur  les  petits 
«  théâtres  de  la  capitale,  et  qu'on   monte  presque  aussitôt  sur 


*  Archives    des    Bouches-da-Rhône.    Fonds     révoiationnaire.    (Liasse 

T-134). 


—  6?n 


«  celle*ci.*Î^Srï?f;ard.  le  zcle  de  Bonncvillc.  din 
«  spectacle,  est  partaiiemcni  seconde  par  les  acieurs  qui  corn- 
ac posent  hd  troupe  ci  qui  ne  paraissent  pas  moins  cmpnîi^^ 
««  que  lui  à  captiver  la  bienveillance  du  public  )», 

(lomme  on  le  voit,  Beaussier  sait  mettre  au  rebut  les  prèce^ 
usées  cl  en  peu  de  temps  en  monte  de  nouvelle^i.  Homme  de 
mise  en  scène,  il  sait  éblouir  le  spectateur.  Quant  aux  acieufi. 
encoura^'és  et  payés,  ils  obéissent  docilement  aux  ofxirei  4k 
leur  maître  et  remplissent  consciencieusement  leur  rtfc. 
Tout  concourt,  en  apparence,  à  assurer  le  succès  de  son 
atfaire. 

Mn  novembre  1793. le (irand-Thcàtre. appelé  •<  Lcpcllelterw. 
reçoit  le  nom  de  «  Théâtre  Brutus  1»,  appellation  bien  en  rap- 
port avec  lesprii  du  temps.  Beaussier  dirige,  à  celte  épot^uc, 
Icntreprise  des  théâtres  de  Marseille,  puis  abandonne  h  diwx- 
lion  de  la  salle  Brutus  à  un  nommé  Quériau,  qui  vicnt.de  l'on- 
der  une  société  en  cornmandïtc.  dont  le  capital  est  divisé  en 
quarante-six  actions,  sur  lesquelles  la  nation  en  possède  trcÎJC 
Cette  société  est  enregistrée  au  greffe  du  Tribunal  de  com» 
mcrce,  sous  la  raison  sociale  :  Quériau  et  O*  * 

Le  théàlre  de  la  Nation,  rebaptisé  sous  le  nom  de   Thi 
Républicain,  reste  sous  la  haute  direction  dWnLlri'   IViussi 
qui  est  également  profuiétaire  du  local. 

Mais  une  amélioration  sensible  du  Grand-Théâtre  &i 
au  Représentant  du  peuple  Maignet  Tidécde  former.ail 
de  la  nation,  un  monopole  des  théâtres  de  Marseille. 

A  cet  effet,  il  lance  un  arrêté,  en  date  du  17  llnréal  10  |I 
(6  mai  1794)»  ordonnant  la  réunion  des  deux  thédtrcs  en  uqc 


*  Archives  des  Boudies-du*Rh6ne.  Fonds  du  distnct.  l^iod«  ré^ol»» 
tioniiâire* 


/^ 


-    65i      - 

seule  entreprise,  laquelle  sera  régie  aux  frais  et  pour  le  compte 
de  la  nation. 

Beaussier,  en  raison  de  sa  compétence  adminisirative,  est 
nommé  administrateur  en  chef;  il  lui  est  adjoint  un  ariistedra- 
matique  qui  a  la  signature  de  l'entreprise  '. 

Devant  la  peine  qu'il  a  à  ramener  un  public  qui  avait,  en 
grande  partie,  déserté  la  salle  Beauvau  et,  d  autre  part,  en- 
thousiasmé de  son  théâtre  de  la  rue  Pavillon,  Beaussier  néglige 
l'affaire  des  théâtres  réunis.  Le  représentant  du  peuple  Jean- 
Bon  Saint-André  ordonne  alors  la  séparation  des  deux  théâtres, 
et  Beaussier,  administrateur  en  chef  des  spectacles  de  Mar- 
seille, est  prié  de  rendre  compte  de  son  mandata  l'Agent  na- 
tional. Sa  gestion  compte  du  20  avril  au  29  septembre'  1794.  Il 
doit  fournir  à  l'administration  du  théâtre  Brutus  un  état  justi- 
fiant l'emploi  des  sommes  qu'il  a  reçues  par  anticipation  -. 

Le  jour  même  de  l'expiration  de  cette  entreprise,  le  sieur 
Hugues,  fondé  de  pouvoirs  des  propriétaires  de  la  salle  Beau- 
vau —  dont  la  natiqn  est  intéressée  pour  un  quart —  prie  les  ad- 
ministrateurs du  districtde  faire  recouvrer  auprèsdel'adminis- 
tration  responsable,  la  somme  de  24.000  livres,  montant  de  la 
location  de  cette  salle  pendant  la  période  de  la  réunion  des 
deux  théâtres  \ 

La  Société  Quériau  et  C"*  continue  à  gérer,  pour  son  propre 
compte,  le  théâtre  Brutus. 

Lntre  temps,  on  procède  à  la  liquidation  de  l'entreprise  des 
théâtres  réunis.  Le  9  vendémiaire  an  III  (3o  septembre  lyçH)* 
les  sieurs  J.-B*"Faure  et Thourame,  commissaires  nommés  par 


'  M.  Ponteuil,  artiste  qui  eut,  ainsi  que  sa  femme,  une  grande  popula- 
rité à  Marseille. 

-  Archives  des  Bouchcs-du-Kliône.  Fonds  du  district.  Période  révo- 
lutionnaire. 

^  Ibid. 


neursdu  Grand-ThéiUre  de  Marseille,  auxquels' 

une  somme  de  iio.ooo  livres,  pour  diverses  pièces   jouées  an 

6  avril  au  3o  septembre  1791  '. 

Nous  relevoni.  à  la  date  du  29  novembre  1791.  un  juge- 
ment condamnant  le  Grand-Théàire  au  paiement  de  2.53i  L 
5  sols,  avec  intér<}ts  et  dépens,  en  faveur  du  citoyen  Juninicti 
Samary.  ancien  caissier  de  la  salle  Reauvau.  Cette  somme 
représente  une  partie  du  cautionnement  qu'il  avait  versé  en 
raison  de  la  nature  de  son  emploi  *. 

Par  jugement  du  9  février  1793,  le  Grand-Théâtre  est 
damné  à  payer  à  (juillaume-François  Favière.  auteur  drar 
tique,  la  somme  de  27.087  livres  r5  sols,  montant  des  rccciia 
faites*  à  la  date  du  i5  janvier  1793,  pour  les  rcpréscniaiioas 
de  Topera  Paul  et  Virginie.  De  plus,  le  produit  des  recettes. 
pour  les  représentations  dudii  opéra,  depuis  le  i5  [anvîer*  je 
de  la  plainte»  jusqu*à  la  date  du  jugement,  sera  aiinbué 
l'auteur.  Favière  déclare  faire  abandon  à  la  nation  du  qujft 
de  cette  somme. 

Le  28  février  1793,  môme  ju^vnicnt»  en  tavcurde  Mantsii 
Champein.  auteur  dramatique,  pour  la  somme  de  3i  vR^  Iîv. 
16  sols  '. 

Le  même  Jour,  André  Grétr\%  le  célèbre  compO!*itcur.  a  gain 
de  cause  pour  une  somme  de  122.535  livres  5  sols,  pour  diver- 
ses pièces  jouées  sans  son  autorisation  *, 


'  Archives  des  boaches-<ia*Hhône    Jugements  du    iribatiâl  du  distn^t 
de  Marseille.  Liasse  i53. 

«  Ibid.,  même  liasse 

*  Archives  des  Bouches-duKIiône.  Jugements  du  tnbunûl  Ji. 
Marseille.  Liasse  r*^>  Les  pièces,  jouées  ians  rnutorisation  d- 
sont  les  suivantes  :  Les  amours  de  Boyard  mu  U  Chtpatier  Èânj  p<Mr  tt 
iant  reproche,  pièce  en  quatre  actes  ;  Le  nouveau  Doit  Quickutie,  opéfi 
en  deui  actes:  La  Métomanie,  opéra  en  on  acte  :  Let  Ùettet^  opéra  es 
deux  actes, 

'  Ces  pièces  sant  :  !m  Caravane  du  Caire,  opéra  en  trois  acici 


—  655  — 

Le  4  avril  lygS,  même  jugement  contre  le  Grand-Théâtre 
en  faveur  de  Tauleur  J.-B'*  Lemoine,  demeurant  à  Paris,  pour 
une  somme  de  33.i53  I.  i3  sols,  sur  laquelle  il  fait  abandon  du 
quart  à  la  nation.  »  * 

l-e  même  jour,  les  Entrepreneurs  du  même  théâtre  sont 
condamnés  à  payer  la  somme  de  1 1.984  I.  19  sols,  au  célèbre 
Caron  Beaumarchais,  auteur  dramatique  et  littérateur,  lequel 
fait  abandon  du  quart  à  la  nation  '. 

Son  drame,  Eugénie,  que  nous  citons  en  note,  fut  sa  pièce 
de  début  au  théâtre,  en  1767.  Les  Deux  Amis,  comédie  égale- 
ment citée,  qu'il  donna,  pour  la  première  fois,  en  1770,  n'eut 
pas  un  très  grand  succès.  Mais,  en  revanche,  son  Barbier  de 
Séville.  qu'il  transforma  tantôt  en  opéra -comique,  tantôt  en 
comédie,  est  devenu  légendaire  dans  les  annales  du  théâtre. 

Quant  au  Mariage  de  Figaro,  cet  audacieux  manifeste  de 
Tesprit  nouveau  contre  les  institutions  ancien  nés  et  qui  répon- 


Barbe-bleue,  opéra  en  trois  actes  ;  L'Amant  jaloux,  opéra  en  trois  actes  ; 
Sy-iyjin,  opéra  en  an  acte  :  La  fausse  Magie,  opéra  en  00  acte:  L'Epreuve 
yillageoise,  opéra  en  deaz  actes  ;  La  Rosière  de  Salency,  opéra  en  trois 
actes;  Le  Tableau  parlant, opén  en  trois  actes;  Le  comte  d'Albert,  opérsL 
en  trois  actes  :  VAmi  de  la  maison,  opéra  en  trois  actes  ;  Lucile,  opéra 
en  un  acte  ;  Le  Rirai  confident,  opéra  en  deaz  actes  :  Le  Magnifique, 
opéra  en  trois  actes  :  Le  Jugement  de  Midas,  opéra  en  trois  actes  ;  Les 
Evénements  imprévus,  opéra  en  trois  actes  ;  Les  deux  Avares,  opéra  en 
deax  actes  ;  La  Nouvelle  Amitié  à  l'épreuve,  opéra  en  trois  actes;  Panurge 
dans  nie  des  Lanternes,  opén  en  trois  actes  :  Pierre  le  Grand,  opéra 
en  trois  actes.  (Arch.  des  B.-da-Rh.,  même  fonds,  liasse  166^. 

*  Les  pièces  pour  lesquelles  il  réclame  sont  les  soivantes  :  Les  Prétendus, 
opéra  en  on  aae  ;  Les  Pommiers  du  Moulin,  opéra  en  an  acte.  | Archives 
des  Boaches-da-Rh.  Jugements  du  tribunal  du  district  de  Marseille. 
Liasse  168.» 

'  Pour  les  pièces  suivantes  :  Eugénie,  drame  en  doq  actes  :  Le  Barbier 
de  Sévi  lie,  comédie  en  quatre  actes  :  Les  Deux  Amis  ou  le  Négociant  de 
Lyon,  comédie  en  cinq  actes  :  La  Folle  journée  ou  le  Mariage  de  Figaro, 
comédie  en  cinq  actes   lArch.  des  B.-dn-Rhône.  même  liasse^ 


b3<  > 


illc  de  la  RcvMJv 


daîi  sî  bien  au  besoin  des  esprits  à  l£ 
il  demeura  longtemps  sans  êire  joue.  Représeniê  pour  la  prc^ 
mière-tois.  au  Théâtre-Français,  à  Paris,  le  27  avril  1784.  û 
peut,  à  bon  droit,  eu  é^ard  à  ses  attaques  contre  Tandea  Pt- 
gime*  cire  considéré  comme  le  précurseur  du  thêâire  mod^rnt. 
Kn  cHei,  parmi  les  personnages  de  cette  pièce.  U  esc  ai&c  ic 
retrouver  en  la  personne  du  Comte  Aimaviva,  la  perxonniti* 
cation  de  la  noblesse  déchue,  batouée  par  le  peuple  personoi- 
fié  dans  Figaro,  valet  du  comte,  lequel  n*cmploie  aucune 
forme  pour  lui  répondre  :  ^  Aux  vertus  que  vous  exigez  d'ua 
domestique,  combien  iruuvericz-vous  de  maîtres  dî^nod  cire 
valets?  )».  Et  qui  ne  reconnaît  dans  le  smistre  HasUe  la  pcrsQQ* 
nîficatïon  de  rintolcrance  et  de  la  persécution  ! 

Le    i3  avril    lyyJ,  le  Grand-Théâtre  se   voit  condamna 
payer  la  somme  de  39.025   livres  9  sols  au  ciioycn  Nicoll 
François  Gaillard»  auteur  dramatique,  toujours  pour  le  même 
motif  ^ 

Le  même  jour,  même  procès  en  faveur  de  Danîan  PhilidorT 
pour  une  somme  de  8.740  livres,  sur  laquelle  il  ahand 
un  quart  à  la  nation  '. 

Nous  relevons  encore,  à  la  même  date,  une  somme  de 
8.338  livres  10  sols,  à  payer  au  fameux  Etienne  Méhul.  pour 
Euphmsine  ou  le  Tyran  corrigé,  opéra  en  trois  actes.  L*au» 
tcur  du  Chant  du  départ  déclare  faire  abandno  d'un  ^nuri 


*  Les  pièces  jouées  sitis  son  AOtorisatîon  sont  les  suivAiitet  ;  Œdtpt  à 
Colonne,  op<^ra  en  trois  actes  :  Iphigénte  tn  Tauride,  tragédie  JynqMtn 
quatre  actes  ;  Chtmèneou  le  Cid,  opéra  en  irois  acie^  ;  OûrdamuM,  opéfi 
en  trois  actes.  (Archives  desB.  d.*RK.  Jugements  du  tribunal  du  dtstsiet 
de  Marseille^  Liasse  16H.) 

*  Les  pièces  poar  ie^queites  tf  réclame  sonliLei  Ffmmes  f»ritirér«.  ûpén 
en  un  acte  :  Le  Soldat  magkifn.opérà  en  deux  actes  ;  l.e 
en  un  «cte  :  Le  Martfchal-Ftrrant,  opéra  en  deui  actes 
titr,  opéra  en  un  acte.  {Archives  des  B.^duRh.»  même  tusse.) 


-  Ô57  - 

en  taveur  de  la  nation  «  pour  le  secours  de  ses  frères  d'armes 
qui  sont  sur  les  frontières  pour  la  défense  de  la  République  ou 
pour  tout  autre  usage  ».' 

Quelques  autres  procès,  sans  importance,  sont  également 
intentés  contre  les  deux  théâtres  de  Marseille.  .Nous  croyons 
devoir  nous  abstenir  de  les  énumérer  ici. 

Dans  tous  ces  jugements,  les  administrateurs  du  Grand- 
Théâtre  sont  condamnes  par  défaut,  ce  qui  laisse  croire  qu'ils 
avaient  peu  de  confiance  dans  les  moyens  qu'ils  auraient  pii 
faire  valoir. 

Tous  ces  désastres  émeuvent  l'insensible  Maignet  qui  s'in- 
téresse aux  questions  de  théâtre  et  paraît  se  poser  en  régéné- 
rateur de  Part  dramatique.  Il  s'instruit  des  causes  de  la 
malechance  qui  semble  avoir  élu  domicile  dans  la  salle  Beau- 
vau.  et  pense  que  les  nombreuses  entrées  de  faveur,  accor- 
dées à  ce  moment,  ne  sont  pas  faites  pour  assurer  des  recet- 
tes en  rapport  avec  les  frais  considérables  de  l'entreprise. 

C'est  pourquoi  il  prend,  le  6  août  1794,  un  arrêté  par  lequel 
il  ordonne  qu'à  l'exception  des  deux  officiers  municipaux  qui, 
aux  termes  de  la  loi,  doivent  assister  aux  spectacles,  revêtus 
de  leur  écharpe,  aucun  citoyen,  quelles  que  puissent  être  ses 
fonctions,  ne  pourra  entrer  au  théâtre  sans  payer. 

Tous  les  militaires  et  personnes  y  attachées,  sans  excep- 
tion, auront  également  à  payer  leur  entrée  comme  tous  les 
autres  citoyens  *. 

Toutefois,  afin  d'atténuer  cette  mesure  rigoureuse,  on  fait 
donner,  chaque  décadi,  une  représentation  gratuite.  Mais  cette 
générosité  est  bientôt  abolie,  en  raison  du  désordre  qui  règne, 
à  ces  occasions,  dans  les  salles  de  spectacle. 


*  Archives  des  Boaches-da-Rhône.  ibid. 
'  Ibid.,  Fonds  révolatîonoaîre. 

COMGRÈS.  —  42 


—  (358  — 

On  donne  alors,  de  temps  en  temps,  des  représentations 
au  bénéfice  des  indigents. 

Le  icr  janvier  1796,  le  Directoire  exécutif  ordonne  aux 
administrations  théâtrales  de  donner  tous  les  mois  une  repré- 
sentation au  profit  des  pauvres. 

L'Hospice  ayant  sollicité  le  montant  des  représentations 
des  7  et  14  mai  1796,  la  Municipalité  en  fait  la  demande  aux 
administrateurs  du  département  qui  défèrent  à  ce  désir.  Le 
Ministre  de  l'Intérieur  approuve  d  ailleurs  cette  mesure  et 
écrit,  le  4  juillet  «  qu'on  ne  peut  mieux  faire  que  d*appliqucrà 
l'hospice  de  l'humanité  le  produit  de  ces  deux  représenta- 
tions ».* 

Plus  tard,  un  nouveau  mode  est  employé  par  suite  de  U 
loi  du  7  frimaire  an  V,  qui  ordonne  la  perception,  «pendant 
six  mois,  au  profit  des  indigents  qui  ne  sont  pas  dans  les 
hospices,  d'un  décime  par  franc  en  sus  du  prix  d'entrée  aux 
spectacles  ».* 

Les  membres  du  Comité  de  salut  public  s'intéressent  pa- 
iement à  l'art  qui  nous  occupe;  ils  chargent  la  Commission 
de  l'Instruction  publique,  par  un  arrêté  du  18  prairial  an  H. 
de  tout  ce  qui  concerne  la  régénération  de  l'art  dramatique  et 
la  police  morale  des  spectacles. 

Le  23  juin  1794,  alin  de  stimuler  le  zèle  des  auteurs  et  des 
acteurs,  cette  Commission  lance  une  déclaration  imprimée. 
dans   laquelle  clic   exhorte  ces  derniers  à  apporter,  dans  la 


'  i.e  (jrand-Thc\Atre  rapporte  11.220  I.  en  assignats  et  ^09  1.  9  sols 
»»  deniers  en  numcraire. 

i.e  Ihcâtrc  Républicain  1.657  I-.cn  assignats  et  119  I.  12  sols  en  namé- 
rairc.  «Archives  des  B.-du-Rh.  Registre  do  correspondance  du  .Ministèrt 

de  riiiit^ricur.  R.  w  4'ib.  f-  83.) 
Archives  des  B.-du-Rh.,  ibid. 


—  659  - 

rénovation  de  l'art  théâtral,  leurs  lumières,  leur  patriotisme 
et  leur  génie. 

4c  Et  vous,  écrivains  patriotes,  disent-ils,  qui  aimez  les  arts, 
<(  qui.  dans  le  recueillement  du  cabinet,  méditez  tout  ce  qui 
«  peut  être  utile  aux  hommes  !  Déployez  vos  plans,  calculez 
«  avec  nous  la  force  morale  des  spectacles  ;  il  s*agit  de 
«  combiner  leur  influence  sociale  avec  les  principes  du  gou- 
4<  vcrnement  ;  il  s'agit  d'élever  une  école  publique  où  le  goût 
^  et  la  vertu  soient  également  respectés.  > 

Les  membres  de  cette  Commission  prient  enfin  les  artistes 
et  directeurs  de  théâtres  de  leur  adresser  l'état  de  leurs  réper- 
toires ainsi  que  les  manuscrits  nouveaux  qui  leur  seront 
présentés  ^ 

On  devine  aisément  dans  quel  but  ces  manuscrits  sont 
sollicités.  Les  sujets,  lorsqu'ils  ne  sont  pas  imposés,  doivent 
être  en  rapport  avec  les  événements  politiques  du  temps.  C'est 
ainsi  que  l'on  voit  apparaître  pendant  la  Terreur  les  titres  les 
plus  fantaisistes  '. 

Tout  est  poussé  dans  le  sens  populaire  et  révolutionnaire, 
soit  impérieusement,  soit  mécaniquement,  comme  par  une 
conséquence  naturelle,  comme  un  stimulant  que  l'on  vou- 
drait donner  au  parti  qui  lutte  si  formidablement. 

Cette  influence  politique  s'exerce  même  sur  la  distribution 
des  rôles  aux  artistes.  En  effet,  le  6  août  1794,  un  arrêté 
ordonne  que  le  Comité  d'administration  des  théâtres  aura 


«  Archives  des  Bouches-du-Rhône.  Fonds  révolationnaire. 

•  En  voici  qaeiques-uns  qui,  par  eux-mêmes,  nous  dispenseront  d'ana- 
lyser les  pièces  :  La  Guillotine  d'amour,  la  Descente  des  cloches,  Les 
Peuples  et  les  Rois,  L'intérieur  d'un  ménage  républicain,  Encore  un 
curé,  les  Crimes  de  la  féodalité.  Le  jugement  du  dernier  des  roi.  Les 
Souper  des  Jacobins,  etc.,  etc. 


—  66o-^ 


seul  le  droil  de  les  distribuer,  sans  que  les  artistes  puissent 
refuser  ni  en  réclamer  aucun  *. 

Des  chants  patriotiques  sont  également  entonoés  par  ofdft; 
voici  d'ailleurs  le  texte  d*une  lettre  du  Commissaire  du  Diiw^ 
loire  exécutif  près  le  département»  adressée  en  date  4ii 
19  germinal  an  IV,  aux  directeurs  des  ihëàires  Bruius  ti 
Républicain,  qui  en  témoigne  : 

<c  Je  vous  adresse,  citoyens  directeurs,  Conrormémem  am 
#(  intentions  du  Ministre  de  la  police  générale,  un  exemplaire 
«  d'une  chanson  patriotique  dont  la  musique  et  le^  exprts- 
<^  siens  sont  faites  pour  réveiller,  dans  les  cœurs  de  lous  lo 
•t  Français,  la  haine  des  rois  et  du  joug  anglais,  le  «iHî- 
«i  ment  de  Thonncur  militaire,  Tespérance  du  calme  hcureui 
<t  qui  doit  suivre  nos  tempêtes  politiques, 

<c  Les  paroles»  si  Ton  eh  excepte  quelques  légers  chaof^ 
<^  mcnts,  sont  déjà  connues  ;  mais  lamour  de  la  pairî**  ' *<ir 
«  prêtera  k  charme  de  la  nouveauté. 

m,  Je  vous  invite  à  la  faire  chanter  tous  les  jours  sur  le  thti* 
trc  que  vous  dirigez  et  à  m*cn  accuser  réception  j»  * 

La  tnise  en  scène  n'est  pas  oubliée  ei  il  n'est  pas  .  ^v" 
dant  la  Révolution,  de  voir  figurer  sur  la  scène  le  ^nnstit 
appareil  qui  prit  le  nom  de  Guillotin«  membre  de  rAsscmbUc 
Constituante, 

Pendant  1  ciat  de  siège,  la  censure  s'exerce  également  d  une 
façon  impérieuse.  Les  pièces  doivent,  avant  dette  jouées, 
recevoir  l'approbation  du  chef  militaire  commandant  ta  pUct. 
Il  examine  si  elles  peuvent  être  représentées,  après  s'être  assoit 
toutefois  de  Tinfluence  du  sujet  sur  les  spectateurs. 


*  Archives  dc$  Bouches -du- Rhône    Fonds  rcvoluûonnai/e. 

*  Registre  de  correspondance  du  Commissaire  da  Directoire  1 
Rtg.  n*  i,<Ardt.  des  b.*da-Rh.). 


—  66i  — 

l  ne  lettre  du  commandant  Gons,  adressée  d'Aix,  le  8  plu- 
viôse an  V,  aux  administrateurs  du  département,  va  nous 
cditier  sur  ce  point  : 

«  iNous  sommes  encore  trop  près  de  la  chute  du  Tyran, 
4<  dit-il,  et  trop  de  crimes  ont  suivi  cette  époque  pour  qu'un 
«  auteur  puisse  faire,  sans  dangers,  le  rapprochement  de  Tan- 
«  cien  régime  au  régime  actuel  et  amener  des  conclusions 
«  défavorables  à  ce  dernier.  La  représentation  de  pareilles 
«  pièces  doit  être  sévèrement  défendue  ;  le  prestige  du  spec- 
4i  tacle  a  trop  d'ascendant  sur  une  multitude  souvent  illettrée, 
«  souvent  mal  intentionnée. 

4c  Peindre  la  vertu  aimable,  intéressante  et  le  vice  hideux  : 
«  voilà  le  but  de  la  comédie  ! 

«  Aucune  pièce  n'est  jouée  sans  un  examen  sévère  de  ma 
4<  part,  et  une  force  armée  imposante  est  toujours  dans  la  salle 
«  de  spectacles,  pour  assurer  la  tranquillité.  >► 

A  propos  d'une  pièce  intitulée  La  pauvre  Jemme,  qui  a  un 
f,'rand  retentissement  et  qui  est  soumise  à  la  censure  du  com- 
mandant Gons,  ce  dernier  écrit  : 

«  Les  personnes  malveillantes,  dont  la  commune  n'est  pas 
4f,  entièrement  purgée,  affectent  de  répandre  des  bruits  alar- 
me mants,  afin  d'empêcher  les  citoyens  paisibles  de  se  rendre 
«  au  spectacle,  prétextant  que  la  pièce  étant  royaliste,  les 
«  spectateurs  le  seraient  également  et  qu'à  la  sortie  le  sang 
4<  des  patriotes  ruissellerait  dans  les  rues. 

4<  Ces  sortes  de  pièces,  dit-il  en  terminant,  sont  précisément 
<c  de  celles  dont  le  Directoire  semble  ordonner  la  représenta- 
«  lion  périodique.  L'échafaud,  sur  lequel  le  tyran  et  les  trium- 
«  virs  ont  péri,  effraie  le  méchant  et  le  conspirateur  qui  vou- 
4<  d raient  essayer  la  même  domination  >>  *. 


Archives  des  B.-du-Rh.  Fonds  du  département. Série  L.  Liasse  T.  184. 


-  662  — 

Les  conclusions  qu'on  peut  tircr^de  la  combinaison  des 
quelques  documents  que  nous  avons  analyses  dans  cette 
étude  apparaissent  si  vite  et  si  nettement,  qu'il  serait  pres- 
que inutile  d'en  faire  même  une  simple énumération.  En  effet, 
il  suffit  du  plus  simple  examen  pour  se  rendre  compte  que  si, 
pendant  cette  période,  le  gouvernement  a  mis  tout  en  œuvre 
pour  remonter  le  moral  des  auteurs,  des  artistes»  et  surtout 
des  spectateurs,  c'est  uniquement  dans  le  but  de  servir  ses 
desseins  politiques  ;  de  combiner  —  comme  Ta  si  bien  dit 
la  Commission  de  l'Instruction  publique  —  l'influence  sociale 
des  spectacles  avec  les  principes  du  gouvernement. 

Cette  façon  d'art  persécuté  est,  à  notre  avis,  la  cause  qui 
influença  fâcheusement  Tart  dramatique  en  France,  pendant 
la  Révolution. 

Ce  joug,  annihilant,  en  quelque  sorte,  la  liberté  de  penser, 
est  le  fléau  du  théâtre  à  cette  époque  :  il  tue  l'initiative  et  arrête 
le  talent  en  plein  essor. 

La  postérité  devait  à  l'art  théâtral  une  revanche  ;  celle-ci. 
durant  le  \i\^  siècle,  a  été  belle  et  complète,  car,  aujourd'hui, 
le  génie  peut  se  manifester  sans  entrave. 

Paul  Moulin. 


—  663  — 


XXXIV 


Un  Retable  lispam  le  Féglise  de  Saist-Haiiiii 

par  M.  Maurice  RiaMBAULT, 

Cabiscol  de  VEscolo  de  la  Mar,  Président  de  la  Section, 
Sous-archiviste  des  Bouches-du-Rhône. 


Les  Archives  de  la  ville  d'Aix  contiennent  dans  la  série  II 
une  quarantaine  de  volumes  de  minutes  notariales  dans  Tun 
desquels  j'ai  relevé  deux  actes  relatifs  à  un  rétable,  aujourd'hui 
disparu,  de  l'église  de  Saint-Maximin. 

L'existence  de  cette  œuvre  d'art  est  connue  :  on  trouve  notam- 
ment dans  la  Notice  sur  l'église  de  Saint-Maximin.  par  L.  Ros- 
tan  *  :  «  M.  de  Peynier  avait  fait  faire  le  rétable  et  la  grille  de 
cette  chapelle  en  i5.28,  elle  fut  démolie  en  i65i  lorsqu'on  refit 
l'escalier  de  la  crypte»,  mais  on  n'avait  jusqu'ici  aucune  indi- 
cation ni  sur  son  auteur,  ni  sur  sa  composition,  et  c'est  cette 
double  lacune  que  permettent  de  combler  les  documents  que 
je  crois  intéressant  de  signaler  au  Congres. 

L'auteur  est  un  peintre  établi  à  Brignoles,  mais  qui  n'en 
était  pas  originaire,  car  il  est  qualifié  habitator  ville  Brinonie 
et  non  simplement  ^e  Brinonia.  Il  se  nommait  Marc  de  Furno 
et  iM.  Mireur  a  relevé,  dans  diverses  archives  du  Var,des  men- 
tions relatives  à  cet  artiste  ainsi  qu'à  plusieurs  de  ses  œuvres, 


*  3«  Édition,  Brignoles,  imp.  Branet-Chabert,  i886,pp.  117,  n.  i. 


—  tiG4  — 

dont  aucune  n*a  survécu  ou  pcut-èirc  n*a  été  identifiée  jus- 
qu'ici K  Je  serais  assez  porté  à  le  croire  vénitien,  d'iiprès^oo 
prénom  de  Marc  et  diverses  graphies  italiennes  comme  roûi 
écrit  rncha.  coiour  écrit  co/«r,  ainsi  qucd*après  Temploiahon* 
dant  —  peut-être  même  trop  abondant  —  de  Tor  cl  delà  laque 
fine',  qu'il  proposaiià  son  client  et  qui  devait rappelerassez  les 
peintures  byzantines  dont  Tinfluence  a  été  si  marquée  sur  Tan 
vénitien.  N'est-ce  pas  le  vénitien  Antoine  Ronzen  qui  avall 
exécuté  le  retable  de  Samblançay  qui,  aujourdliui  encore,  csl 
une  des  perles  de  réglisc  de  Saint-Maximin  ? 

La  description  de  l'œuvre  à  exécuter  est  sûrement  le  teauc 
même  du  peintre,  transcrit  tel  quel  par  le  notaire ^  Olecsl  rr- 
di^'ée  en  une  langue  rappelant  le  aabir^  nù  le  français*  le 
vcnçal  et  Tilalien  voisinent,  parfois  au  détriment  de  la  cbr 
On  peut  cependant  se  faire  une  idée  assez  exacte  de  l'ensemble 


*  Marc  de  Furno  avait  peint  :  un  retable  pour  lesAugosUns  de  Barfolt 
(25  mai  i53o.  Arch,  du  Var.  E  921,  2*  partie,  f*  i35  v^);  «  un  At 
triomphe*.,  al  davaiu  de  Tostal  de  la  villa»  de  Brignolc^h^  Je 
lirignolcs.  série  CC,  compte  deGuiK  î^ermi,  f"  76  v);  et  «afin  atattcié- 
cutc  divers  travaux  de  peinture  au  palais  de  celte  ville (Ib..  cnmpte  d'il 
labre,  t"  11  S).  11  nejit  meniionné  datis  aucun  des  ouvrages  publiés j 
réglîscdeSaint'Maxifnin.parKostand,  AlbanesouPcrnaûd  Confeg«  J*«dl«W~ 
ici  tous  mes  remerciements  à  M.  Mircur  pour  les  prccK'Ux  rct^ei^iieaims 
qu'il  a  bien  voulu  madresscr  à  ce  sujet  avec  %^  comptaisance  hdbttoelle. 

*  *  La  laque  fine  a  conservé  son  nom  de  Venise  d'où  elle  foi  d'aô 
apportée ,  mais  on  la  fatt  aussi  bien  à  Paris  ;  nous  n'avons  pas 
d'y  recourir.  Elle  est  composée  d'os  de  sèche  pulvérisés  que  Ton  < 
avec  une  teinture  de  cochenille  mestèquc,  de  bois  de  Brésil  de  f^enu»» 
bouc  bout tbh  dans  une  lessive  d'alun  d'Angleterre  calciné,  il'ânviiîf^4t 
natrum  ou  soude  blanche  ou  soude  d'Alicante,  que  l'on  réduit  1 
de  trochisques  >  IGuanoi  Et<crci.orâuie,  v«  La^ ne). 

*  Cette  façon  de  procéder  ciait  dans  ies  habitudes  dcs  labdlioRa.  C«t" 
ainsi  que  j'ai  pu  donner  a  M.  Labande,  avec  le  texte  (atm  da  tcsiantiil  4e 
Tâutear  du  Petit  Jehan  de  5aintré,  Toriginal  proveftçal  qui  y  étiii  tmHà 
joiai. 


—  663  — 

z»:*-r  pcuToir  reconnaître  ce  rétable  au  cas  où.  avant  échappé  à 
la  je^CTjaion.on  le  rencontrerait  aujourd'hui,  soit  dans  une 
t:cl:se.  sc>ii  dans  un  musée,  soit  dans  une  collection  particu- 
lière. La  présence  des  armes  de  la  famille  de  Maiheron  :  d'azur 
j  une  ryjk  en  poupe,  d'argent,  attachée  à  une  antenne  posée  en 
îj.hce.  i^jT^  liée  de  gueules^  et  accompagnée  en  pointe  de  trois 
rfjche^$  dur  sur  une  mer  de  pourpe,  la  présence  des  armes  de 
ia  faTTîîlle  de  Matheron,dis-je,  lèverait  tous  les  doutes  sur  son 
îdtauie. 

G  Jiilaunie  de  Matheron.  petit-tîls  du  célèbre  chancelier  du 
TOI  René  ti  riîs  de  René  *,  à  qui  le  bon  roi  avait  servi  de  par- 
rain. >*é:ait  fait  concéder,  en  i523,  parle  couvent  de  Saint- 
Maxim  :n.  une  chapelle  et  c'est  pour  la  décoration  de  celle-ci 
qu'iî  avait  commandé  au  peintre  de  Furno  et  au  fustier  Pierre 
D:>r  l'ouvrage  sur  la  disparition  duquel  j'ai  l'honneur  d'appe- 
jer  votre  attention. 

PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

I 

PrefachnBproBobilietgeaeroso  TtroGulkelao  ■atharoû.  ftliOBO 
Mlisctgeaeroiu  Reaati  ■atharoai.  aaioris dowaî  de] 


Addd  que  supra   incarnationis  Domini  millesimo  quingente- 


'  «  Pronobili  QuiViermo  Statèaromi,de  A^uis,titio  mobilii  1{emati  Ma- 
ifiarcni,  domtMrO  Je  Podio  merio,  datio  unims  capeile  im  eccUsia  Samcii- 
M SLUt^mi  per  priorem  et  Jraîrti  cotu^emtms  sibi  comcesse  Ad  ilimm  repa- 
rzndum  et  fmudamdim  ».  23  juijlct  i525  <Arch.  des  Boocbcs-da-Rbône. 
B^  iT.  ^  2Kk  T^t.  Ce  GaiHaame  de  Maiheron  a  laissé  peu  de  traces  dans 
l'bibXoiT^  h  fit,  le  21  octobre  1541.  le  dénombremeot  de  sa  terre  de  Pey- 
ii>cr  Ib..  E.  790,  f«  26 >,  Cl  fui  premier  cxmsal  d'Aix  en  i53o,  i55q  et  1347. 
maiis  otî  Toai  qu'aniéneoremeni  son  principal  litre,  aax  yeux  des  nui  très 
rruo2iaux  et  des  souires.  ëuii  d'éire  le  fils  de  son  père  et  qu'ils  n  ou- 
z^jshJtni  pas  de  ie  lui  donner  dans  leurs  écritures. 


simo  vice^mo  octavo]  '  cl  die  décima  mensis  mariii. 
eic.  Quod  discreius  vir  Marcus  de  Kurno,  picior  et  habit 
ville  Brinonic,  Aquensis  diocesis,  ccpit  ad  prefachium  i^ivti 
consiruendum  cl  dcpîn^endum  nobri!  el  gcncroso  scutiffern 
Guilhclmn  Matharoni.  lilio  nobilis  fU^naii  Maiharoni,  damtni 
de  Podioncrio,  quodam  reiabulum  sîve  reiaulc'  nucis  sîvc  et 
noyero  talhat  altitudints  duodectm  et  lar|^itudinis  ocio  palmo* 
rum  eiiam  modis  el  formis  ac  cum  ei  sub  pactis  et  cotivemîo^ 
ntbus  infrascriptis  : 


Primo,  de  peindre  et  stoffer  una  ystoyra  de  la  Maria  Mafj- 
dalena  ei  de  Sanci  Maysemin»  d  or  brun,  &a  casubla  ossi  dw 
brun  aveques  un  drap  d'or  dessus  et  la  Maria-Magdalcna  lomt 
daurée  d  or  Hn  lo  plus  riche  que  se  porra  ferre. 

Item,  derricr  la  dicta  ysloyra,  le  tbuns  dudit  retable  sera  lout 
d*or  lîn  brun  tiré  d'un  drap  d'or,  dessus*  de  laça  hou  de  vert 

/tenK  Icscabella  dudit  retable,  s'est  asavoyr  las  ysiorias  qoc 
hum  de  dins  la  dicta  scabella,  seront  stoiïées  toutes  d'or  bruni 
et  classées  de  laça  tina  et  fines  colurs  tout  anstns  que  a^apèr^ 
lient, 

Itenu  les  pilhiés  dudit  retable  seront  tous  dorés  d  or  An  bnjaf 
et  empli,  le  fons,  de  ftna  laça, 

llcrfu  larquitrant  dessus  kdict  retable  sera  tout  J'asur  de 
dessus,  dedans  Tarquitrant,  la  Irisa,  le  fonsd'asiur  tir 

Item,  la  rocha  que  est  dessus  larquitrant  sera  toute  dorcc 
humbrée  de  colurs  ^nsins  qu'il  apariieoi  de  fèrc. 


'  La  noie  rappelée  ci-dessus  <i«  L.  Kosfrtn  pur  tu  u^ic  Ltrttj-  uu  iia 
An>  fauted*a%oir  tenu  compte  du  siyledcritaarriiiuon  qui  reporte  le 
133H  h  ih'2U,  nouveau  style, 

'  Je  signale  i\u  passage  ce  terme  technique  provençal  de  rtlûui* 
ignore  de  Mistral  et  du  F,  Xavier  qui  ne  t'ont  pas  fait  figurer  dans  IrofS 
dtcuonnaires. 


—  667  — 

Item,  la  Maria-Magdalena  que  est  cochée  dedans  la  bauma 
sera  iota  daurée  d'or  bruni,  le  maniau  d*or  bruni. 

Item,  les  dous  an^^els  que  sont  au  bot  de  la  bauma  que  por- 
tent leurs  armes  chascun,  seront  dorés  et  stoffés  ansins  qu'il 
s'apartient 

Item,  ungcrusilis  stoffée  ansins  qu'il  apartieni,  ossi  riche  que 
sera  posible,  au  mitan  du  retable. 

Item,  una  ftlaiurala  hont  seront  les  armes  dudit  noble  Ma- 
tharon. 

Item,  quod  dictus  magister  Marcus. 

Prefachio  vero  et  nomine  prefachii  scutorum  auri  cugni  solis 
viginti  quattuor  solvendorum  pcr  hune  modum  videlicet,  nunc 
incontinenii.scutosauri  cugni  solis  decem  quos  habuit  manua- 
Hier  et  recepit  dictus  magister  Marcus  de  Furno  ab  eodern  no- 
bili  Matharoni,  in  sex  scutis  auri  cugni  solis,  testonis  et  solidis 
turonensium,  in  mei  notarii  publici  ettestium  subscriptorum 
presentia,precedenti  numeratione continua  realique  et  perfecta. 
De  quibus  ipsum  nobilem  Matharoni  et  suos  quictavit  cum 
pacioe/c...  Et  restantes  scutos  auri  cugni  solis  quattuorde- 
cim  in  fine  dicti  operis. 

In  pace  etc..  Has  autem  etc..  Sub  emenda  etc..  De  quibus 
etc..  Obligantes  dictus  nobilis  Matharoni  omnia  ejus  bona 
mobilia  et  inmobilia,  presentia  et  futura  realiter  ;  tamen  dictus 
vero  magister  Marcus  se  ipsum  etc..  Omnia  ejus  bona,  res  et 
jura  quecumque  mobilia  et  in  mobilia,  presentia  et  futura,  rea- 
liier  et  personaliter.  Curie  Camere  régie  ration um  Aquensi  et 
aliis  etc..  Renunciantes  etc..  Jurantes  etc..  De  quibus  etc.. 

Actum  Aquis,  in  appotheca  domus  nobilis  Honorate  Del- 
phine. Et  magistri  Guilhelmus  Tornoys  pcUiparius,  et  Guillel- 
mus  Marini,  sartor,  habiiatores  Aquensium. 

(Archives  de  la  ville  d'Alx,  protocole  de  M'  Gillet  Bertrand, 
Il  28,  f"  186.) 


Il 


nU  et  geoeroso  viro  GuUlielmo  MatliaroDi.  ùlio  no 
Renati  Matharoni»  majoris  domint  Castri  de  Po 


(ddic  premissis»  noium  mi  clc...  Quod  uiNcrctus  ur 
Petnis  Disp,  muniseriusci  habitator ville  SanctîMatH 
mim^  Aquensis  diocesis»  bona  cjus  Adc  gratis  e/c.«  per  se  d 
siiQS  hcncdes  eic,  confcssus  fuit  Kabui&sc  ci  récépissé  a  tiobïli 
vtfoGuiihdmoMatharoni,  filio  nobiliset  gencrosi  Rcnati  Ma- 
tharofii*  majoris  domini  castri  de  Podîonerio,  prcscnii  etc..  et 
IQ  dimiiiulione  scurommdeccm  et  octoin  quibus  idem  nobilis 
Maiharoni  eidem  magrstro  Disp  tenctur  preicxiu  ei  occaviooc 
construciionis  cuju&dam  retabulî  nucts,  vidcliccl  !»cutos  auri 
ciigni  solis  quïndecitn  currcmcsrfc»,  quos  habuit  ci  rcccpil,  aï 
dixit.  in  testonis  et  soUdîs  turonensmm*  de  quibu^  tcneasct 
reputans  se  idem  magtsicr  Peirus  ab  eodem  nobîU  Matharoni 
tacitum  ei  contcntum,  îpsum  nobiiem  Matharoni  et  $uos  ac 
omnia  bona  sua,  res  ei  jura  quccunque  mobilia  et  inmobilîa, 
prcscntia  cl  luiura  quictavii  et  quict-ti  cum  oacio  de  nA  uno- 
rius  pctcndo, 

Hanc  auiem  etc..  Sub  emeiKlarfc...  De  quibus  etc..  Obli- 
fçanîi  omnia  cjas  bona,  ncs  et  jura  qoecunque,  mobilia  et  m- 
mribilia,  prcsenlia  et  futura  ncaliiçr  tamen  (>urie  Camcrc  rcR^îe 
ration um  Aqucnsium  et  aliis  ric...  Renuncians  etc.  Juratuc^ 
etc».  De  qurbus(r/t\., 

Actum  Aquîs  ubi  supra  et  qui  supfa. 
<Irr.  f-  tHH.) 


^ 


—  669  — 

XXXV 

ÉTYMOLOGIE  PROVENÇALE 

fARH  SRHHEJO 

par  M.  Edouard  AODE,  Membre  de  l'Académie  d*Aix, 

Secrétaire- Archiviste  de  la  Société  d'Études  Provençales^ 
Conservateur  de  la  Bibliothèque  Méjanes, 


L'expression  Mar  Sarnèio  pour  désigner  la  Méditerranée  se 
trouve  consignée  dans  le  Nouveau  Dictionnaire  provençal 
français  de  Garcin,  à  l'ariicle  :  Mar. 

Mar.  —  La  Mer...  Mar  Sarnèio  :  Mer  Méditerranée  ou  mer  in- 
térieure. 

On  la  trouve  également  dans  le  Trésor  du  Félibrige  de 
Mistral. 

Sarnèio,  adj.  La  mar  Sarnèio,  mer  Méditerranée,  selon   le  dic- 
tionnaire provençal  d*E.  Garcin. 

Et  Mistral  ajoute,  sous  une  forme  très  dubitative  :  «  Serait-ce 
une  corruption  du  français  cernée  ?  » 

Mistral  a  raison  de  se  montrer  circonspect.  La  mer  Méditer- 
ranée, considérée  dans  son  ensemble,  n*a  jamais  eu  de  nom 
vraiment  populaire,  pas  plus  en  Provence  que  dans  les  autres 
pays  qu  elle  baigne.  Les  populations  maritimes  se  sont  toujours 
bornées  à  leur  horizon  particulier  et  ont  donné  à  l'étendue 


d'eau  qu'elles  aviHcni  sous  les  yeux  le  nom  dcTî^gïoncorres-' 
pondante.  Généraliser  fat  l'aftaire  des  géographes.  La  mer 
Méditerranée  se  compose^  en  réalité,  d'une  multitude  de  mers 
se  rattachant  toutes  à  un  nom  de  terre,  partie  du  coniinent  ou 
île  :  Marelberkum,  Bakarkum.GaUicum,  Ligusticum,  T'Ait* 
renufn,  Sardouvu  etc.,  etc.  *.  Actuellement  il  en  est  de  mime  et. 
notamment  en  Provence  on  dit  :  la  mar  liou  M ar lègue,  de  Star- 
si/to,  lie  ToiilottfK  c'est-à-dire  les  eaux  du  Martiguc,  de  Mar- 
seille, de  Toulon. 

Je  suppose  que  si  Garcin,  qui  vivait  dans  le  Var,  à  Dnigut^j 
gnan.  et  ne  s*est  gutîrc  occupé  que  du  dialecte  de  son  départe-^ 
ment,  a  entendu  parler  de  la  mar  Sarnèio*  cq  iui  par  des 
pêcheurs  de  Saînt-Raphaël  ou  de  Saint*Tropez  dont  il  était 
tout  proche*  Il  est  donc  naturel  de  chercher  dans  ces  parages 
le  nom  d'une  terre  d  où  Ton  puisse  tirer  rélymologie.  Or.  les 
eaux  delà  Corse,  pour  les  marins  provençaux,  commencent  au 
large  des  îles  d*Hyères  et  peut-être  faut-il  voir  dans  mar 
Sarnèio,  mare  Cyrnœum,  la  mer  de  Cvrnos*  Le  nom  grec  de 
Tîle  se  serait  ainsi  conservé  dans  une  appellation  maritime.  La 
plupart  des  vocables  helléniques  existant  encore  en  F^rovençal 
sont,  du  reste,  relatifs  à  la  navigation  ou  à  la  pèche  ;  noms  de 
(ilets.  d'engins,  d*agrès,  de  barques,  de  poissons*  D*auirc  pan, 
le  nom  de  Cyrnos  n  a  jamais  été  oublié.  Il  fut  sou%*cm  em- 
ployé  par  les  poêles,  depuis  Virgile  : 

Fugiant  Cyrneoa  examina  tua  taxm 

]uî.qu  a  Carducci: 

,.Ja  cirneia  proie. 

Il  est  encore  populaire  dans  l'île.  Mare  Cirnèio  est  de 


*  Voir   »ur    ce    point  :   Taàutœ  in  ClaMdii  Hùltmœi  geùgrayhmm 
l*ih$»  DidAf.  tçoi.  (Cotlection  Didot.j 


—  671  — 

possible  et  nous  amènerait  directement  à  mar  Sarnèio.  — 
(N'oublions  pas  que,  dans  le  Var  surtout,  on  dit  couram- 
ment marvèio  pour  mervèio). 

On  pourrait  être  tenté  aussi  de  rapprocher  Sarnèio  de  Sar- 
dinia.  La  merde  Sardaigne  occupe  pour  les  marins  tout  Tes- 
pace  entre  l'île  du  même  nom  et  les  Baléares  ;  mais  il  y  a  des 
impossibilités  phonétiques  à  admettre  cette  étymologic. 

La  conjecture  que  j'avance  ne  serait  une  certitude  que  si 
l'on  pouvait  retrouver  un  texte  où  il  soit  question  de  la  mar 
Sarnèio  et  que  s'il  était  établi  que  ce  terme  est  encore  employé 
par  les  marins  corses  ou  provençaux.  Le  dictionnaire  de  Garcin 
date  de  1823  ;  peut-être  depuis  cette  époque  le  mot  s'est-il 
perdu.  Il  y  aurait  là  une  petite  recherche  à  faire  ;  j'avoue 
n'avoir  pu  l'entreprendre.  Comme  tous  les  auteurs  de  cette 
époque  Garcin  n'indique  pas  ses  sources,  mais  on  sait  qu'il 
était  très  scrupuleux  et  très  attentif.  11  se  trompe  rarement  et 
n'était  pas  capable  d'inventer. 

Il  est  assez  plausible  de  croire  que  Garcin  a  recueilli  ce 
terme  de  la  bouche  d'un  vieux  pêcheur  des  calanques  de  l'Es- 
terel,  lequel,  comme  on  le  sait,  géologiquement  se  rattache  à 
la  Corse  qu'on  peut  apercevoir  de  là  par  les  temps  clairs.  Mar 
Sarnèio  ne  serait  pas  le  nom  prqvençal  de  la  Méditerranée, 
mais  simplement  le  nom  de  cette  partie  de  la  Méditerranée 
qui  s'étend  de  Saint-Raphaël  à  Calvi. 

E.  Aide. 


-  673  — 

XXXVI 
ÉTYMOLOGIE    ET    ORIGINE 

de  roca,  rocha,  roche 

Par  F.-N.  NIGOLLET,  professeur  au  Lycée  Mignet, 

Trésorier  de  la  Société  d'Études  Propençales, 
Secrétaire  général  du  Congrès, 


Le  nom  féminin  roca,  que  les  Félibres  écrivent  roco,  se 
trouve,  avec  quelques  variations  de  formes,  dans  la  langue 
populaire,  non  seulement  de  la  région  provençale,  mais  encore 
de  tout  le  pays  qui  s'étend  des  Alpes  à  TAtlantique  V  Dans  la 
haute  Provence,  l'Auvergne  et  le  Limousin,  le  c  est  remplacé 
par  ch  que  les  uns  prononcent  ts^  les  autres  tch  :  l'Auvergne 
et  le  Limousin  ont,  de  plus,  assourdi  To  en  ou  et  développé 


*  F.  Mistral  :  Lou  trésor  dôu  felibrige  ou  dictionnaire  provençal- 
français  embrassant  tous  les  dialectes  de  la  langue  d'Oc  moderne  ;  Aix. 
en-Provence,  J.  Remondet-Aubin.  —  L.  Boucoiran  :  Dictionnaire  ana- 
logique et  éty^mologique  des  idiomes  méridionaux  qui  sont  parlés  depuis 
Nice  jusqu'à  Hayonne  et  depuis  les  Pyrénées  jusqu'au  centre  de  la 
France  ;  Nîmes,  Bîldy-Rifîard,  1875.  —  G.  Azais  :  Dictionnaire  des  idio- 
mes romans  du  midi  de  la  France  comprenant  les  dialectes  du  haut  et 
bas  Languedoc,  de  la  Provence,  de  la  Gascogne,  du  Béarn,  du  Quercy, 
du  Houergue,  du  Limousin,  du  bas  Limousin,  du  Dauphiné  ;  Paris.  Mai- 
sonneuve,  MDCCCLXXVII.  —  S.-J.  Honnorat  :  Dictionnaire  provençal- 

QONORis.  »  43 


'après  lui  un  son  parasite  e  qui  en  consiîiue  une  sorte  d'alld 
gemeni   rocha,  rocho.  rouecko.  Dans  la  Gascogne,  le  Béarnais 
et  le  Basque,  il  s*est  développé  un  a  devant  le  r  initial  (arrocQ,  j 
arroque,  arroeaA  conformément  à  une  loi  phonétique  générale  | 
de  celte  région  qui  n'admet  pas  le  rau  commenccmeoi  d^j 
mots  *. 

La  torme  masculine  roc,  que  les  Félibrcs  provençâUJi  écri- 
vent râ,  est  usitée  aussi,  mais  beaucoup  moins  ;  on  lui  préfère] 
généralement  Taugmcntaii f  roca^ç^roMcai-,  rouckas.  D'ailkofS 
rue  subit,  suivant  les  régions,  des  moditïcations  analogues  il 


français  ou  dictionnaire  de  la  langue  d*Oc  ancienne  et  moderne,  i 
d'un  yocabulatre  françaiS'proyeniial ,'  Digne,  Repos,  1*146.  — Abbc  /.  Pfi» 
tt.<»RiT«t  :  Premier  essai  d'un   dictionnaire  niçoit'/rani^aiM'iiaiiem  ;  NiCt,  ] 
Robdudi,  1894.  —  James  BmiYN-ANtiREws  :  Vocabulaire  /rançdis'mtni'^'^^] 
nais  :  Nice,  imp.  Niçoise,  1877.  —  1.  A.  Cuahrand  cl  A»  uc  Rocmaj  i»*Al»j 
r,i.uh  :  Patoi»  des  Alpes-t'utliennes  (liriançunnais  €t  pallies  vaudoistnà^i 
en  particulier  du  ijueyras:  Grenoble,  Maisonville,  1H77.  —  Diciiommmfwl 
de  la  Propence  et  du  Lomtat-  Venaissin  par  une  Société  de  gens  de  Icttrvi;  J 
MarseiUe.  J.  Mossy»  MDCCLXXXV.  —  Abb^  V*iss»ni  :  Dictionnaire  pâ^i 
loix-françatx  du  déparlement  de  l'Àpeyron  :  Rodex,  E,  Carrére^  ilAj^  — 1 
Abbé  Gauv  :  Dictionnaire  patois-français  à  Cusage  du  déptMrtemeni éMi 
Tarn;  t'^sires,  Pajol,  1845.  —  J.Gou«i«ïfi  :  Dictionnaire  patoiS'/riinimf  A 
Castres,  C.Thomas,  1847.   —  i.-A.  Viàite  :  Dictionnaire  du  p»xiaiâ  ê»\ 
Haa-lAmousin  fCorré^e)  et  plus  particulièrement  des  enpirons  de  Ttttit, 
Tulle,  Drappeau,  —  Cisac-Mokcaut  :  Dictionnaire  gaseon'/nitiçais,éi^ 
tecte  du  département  du  Gers:  Paris,  Dideron,  MDCCCJ,X||K  -  AcH.  Us* 
CNAtPi  ;  Recueil  de  textes  de  t ancien  d'alecte  gaâcon,  d'ûprH  d€i  1 
ments  antérieurs  au  K\**  siècle,  suivi  d'un  glossaire:  Paris. 
1H81.        V.  Le&py  :  Grammaire  béarnaise  suivie  d'un  Mùcabmtmrm  ^ 
çaii  béarnais  ;  (^iiu,  Vemnesc,    iH5â,    -  M.-H*L  Famuiï  'trr* 

français-basque  ;  Bayonnc.  h\  Caxals,   1870-   —    L.    Piàî  ;  ^r?  ^ 

français-occiianien  donnant  l'iquipaleni  des  mois  franc  aii  dait§  twa  tm  | 
diatectei  de  tangue  d*Oc  moderne:  Montpellier,  HerroeUn»  1S44. 

»  A.  LucMAiitt     De  lingua  aqmlanica:  Pari»,  Hachcilc,  i»/;  ,  —  Ef^ct  I 
sur  les  idiomes  pyrénéens  de  la  région  française  ;  Paris,  MatMMtimvi»] 
iSyÇ*    —  0.-W*-J     VA»  Ets  r  Grammaire    comparée   des    di^îectet 
ques;  Paris,  Msisonneuvc,  1879. 


-  675  — 

celles  de  roca  :  dans  le  Rouefgue,  il  devient  rouoc  ;  dans  la 
Gascogne,  arroc. 

Ces  noms  ont  pour  synonymes,  dans  la  région  pyrénéenne, 
le  moxpena,  peno,  et,  en  particulier  dans  les  dialectes  basques, 
peha,  arkadia,  gherinda.  Ailleurs,  ils  n'ont  pas  de  synonymes 
à  proprement  parler  ;  car  truc,  clap,  cair,  quer  désignent  de 
«  grosses  pierres  )>,  des  «  blocs  de  rocher  »,  mais  ne  sont  pas 
synonymes  de  roc,  roca.  Toutefois,  dans  les  Hautes-Alpes,  on 
emploie  le  mot  bric,  brec  (ou,  avec  nasalisation,  brtnc,  brenc) 
dans  un  sens  très  voisin  de  roc.  Il  en  est  de  même,  dans  le 
Dauphiné,  le  Vivarais  et  le  Rouergue,  des  formes  ronc,  renc, 
ranc,  qui  ne  sont  peut-être  qu'une  nasalisation  de  roc  avec 
altération  de  la  voyelle. 

Très  vivants  et  très  usités,  roca,  roc  ont  formé,  dans  la  lan- 
gue du  midi  de  la  France,  un  grand  nombre  de  dérivés.  Mis- 
tral en  donne  une  cinquantaine.  Ils  ont  formé  aussi  des  com- 
posés, soit  avec  d'autres  mots,  soit  avec  les  préfixes  a,  de  ou  des, 
en.  Ils  étaient  très  usités  déjà  dans  la  langue  des  troubadours, 
et  ils  avaient,  dès  lors,  plusieurs  dérivés  et  composés  *. 

A  roca,  roc  correspondent  exactement  en  français,  soit  pour 
le  sens,  soit  pour  la  forme,  les  substantifs  roche,  roc.  Mais  là 
cette  famille  de  mots  s'est  beaucoup  moins  développée.  Outre 
?'oc,  roche  et  rocher,  auxquels  elle  attribue  la  même  significa- 
tion, avec  cette  différence  que  la  rocAe  entre  moins  dans  la 
terre  que  le  roc  et  que  le  rocher  est  ordinairement  très  élevé, 
l'Académie  ne  connaît  que  l'adjectif  rocAewx  et  le  substantit 
rocaille,  avec  ses  dérivés  rocailleur  et  rocailleux  '.  Toutefois 
des  lexicographes  de  très  grande  autorité  admettent  aussi  les 


*  Raynouard  :  Lexique  roman  ou  dictionnaire  des  troubadours  ;  Paris, 
Silvestre,  1843. 

*  Dictionnaire  de  r Académie  française:  septième  édition  ;  Paris.  Fir- 
min-Didot,  1878. 


composés  déroquer,  dérocher^  dérochage  ci  enrocher,  enrn 
ment  •- 

Dans  l^ancicn  français,  on  trouve  une  dizaine  de  formes  ié» 
rivées  de  roc,  roche,  que  la  langue  liiiéraire  n*a  pas  adoptées: 
telles  soni  rochal  ou  p*ocal,  rocket,  rochelle,  rochërie^ 
rei  ou  rocheroi,  rochet,  rcchetle.  racheter  ou  roquéier,i 
U  est  à  noter  aussi  que  le  moi  rocheou  roquescsi  employé  dans 
le  sens  de  4t  château  fort,  citadelle  î»,  dans  celui  de  «  moue  de 
terre  qui  se  forme  en  labourant  >,  et  dans  celui  de  *  carncre 
dé  pierres  ^.  Du  reste,  ces  formes  et  ces  significations  par 
sent  avoir  été  propres  à  certaines  régions  qui  les  ont  conservi 
jjsqu  à  nos  jours  *. 

C'est  que  les  patois  du  centre  ei  du  nord  onU  en  géoéfilt 
aussi  bien  que  ceux  du  midi,  les  mots  roc^  roche,  ou  des  tbf* 
mes  correspondantes  \  Si»  pourquelques  régions,  le^  '  -rcs 
ne  les  doniicni  pas.  ccsi  apparemment  qu'on  les  a  ..-  rcs 

comme  des  mots  français  ei  par  conséquent  dépourvues  dltt* 
térét  au  point  de  vue  dialectal  *. 


♦  E.  LiTTiÉ  :  iMcttonnaire  de  ta  Lmg^t(e  française  :  Hïiris.  H^ciu 
rH8i.  —  Ad*  Hat^ckeld  €l  Ars.  Dahmstetc»  (avec  le  concoor*  Je  M.  Â9t 
Tho«as)  .  Dictionnaire  général  lie  ta  langue  /rançûite  du  commtna- 
ment  du  X  Vit"  siècle  ;usqu\i  noâ  jourt  ;  Paris,  Delagrave. 

•  Fréd.  OoDàfPOv  Dictionnaire  de  l* ancienne  langue  frAn^^U^  €i  ai 
tùus  ses  dialectes  du  tX*  au  XV  siècte;  Paris,  E,  BouiUon,  lît^i, 

•  C^mie  Jauiisut  :  Glossaire  du  centre  de  la  France  :  Paris,  N    Olâtt. 

—  E.  bit  (^.HàMiiuRic  :  Glossaire  du  Moryan  :  Paris,  Cbampioo,  «87^^ 
Ch.  JoikT  :  Essai  sur  te  patois  normand  de  Bessin:  Paris,  Vicweg,  •! 

—  Ohiplin  :  E$âa(  sut  le  paloii  lorrain  des  empirons  du  €omté  dm  ^m 
de  ta  Boche  :  Sirasbourjt;,  Je«n-Fr<d.  Steîn,  1775.  —  Gnfg  RotTtfcutJi  {Ht 
tionnaire  français  cettii/ue  ou  français  breton  ;  Rennes,  J.  ViCir. 
MDCCXXML—  J.  LoTH  :  Dictionnaire  breton  français  dm  éiatwcHie 
Vanne%  de  Herre  de  Chatons:  Rennes.  Plihon  ci  Hcrv^.  1895. 

*  l,S*  Onufito  :  Enai  d*un  glossaire  des  patois  du  Ly^simaiM^  fùHt 
et  BeâUfolais:  Lyon.  N.  Scheuring.  18614.  —  t.  FâVii  :  Gt&is^irw  dm  Ni 
(ou,  de  ta  Satntonge  et  de  l'Aunisi  Niort.  Robin  et  L.  Fâvre,  1867. 


—  677  — 

Un  témoignage  certain  de  la  diffusion  relative  de  cette  famille 
de  mots,  dans  les  différentes  régions  de  la  France,  ce  sont  les 
noms  géographiques  qui  lui  sont  empruntés.  Tous  les  départe- 
ments n'ayant  pas  encore  de  dictionnaire  topographique,  on 
ne  peut  établir  un  compte  exact  de  ces  noms,  mais  on  peut  s'en 
faire  une  idée  d  après  des  ouvrages  généraux.  Les  régions  où 
ces  noms  sont  le  plus  répandus  sont  celle  du  sud-est,  entre  le 
Rhône  et  les  Alpes  (ro  départements),  où  Ton  en  cite  212  dont 
5o  communes  ;  celle  du  Plateau  Central  (10  départements),  194 
dont  58  communes  ;  celle  du  Languedoc  (8  départements),  157 
dont  5i  communes;  celledela  Charente  et  de  la  Loire(i  i  dépar- 
tements), i35  dont  74  communes;  et  celle  du  Nivernais  jus- 
qu'au Jura  (10  départements),  127  dont  41  communes.  Les 
régions  où  ils  le  sont  moins  sont,  par  ordre  décroissant,  celle 
de  la  Bretagne  et  du  Maine  (6  départements),  où  on  en  cite  88 
dont  32  communes  ;  celle  de  la  Normandie,  de  TIle-de-France 
et  de  la  Champagne  (i3  départements),  y5  dont  42  communes  ; 
celle  du  sud-ouest,  des  Pyrénées  et  de  la  Garonne {10  départe- 
ments), 65  dont  48  communes;  et  celle  du  nord  et  du  nord-est, 
depuis  la  Manche  et  la  mer  du  Nord  jusqu'au  Rhin  (6  dépar* 
tements).  21  lieux  dont  14  communes  *. 

Si  nous  sortons  maintenant  du  territoire  français,  nous  trou- 
vons l'équivalent  de  roc,  roca^  en  Italie,  en  Suisse,  en  Espa- 
gne, en  Portugal,  en  Angleterre  et  dans  les  Pays-Bas. 

L'italien  a  deux  formes  roccia  et  rocca  ;  celle-ci,  aujour- 
d'hui, ne  s'emploie  qu'au  sens  de  «  forteresse,  citadelle  »;  mais, 
au  xiir  siècle,  elle  avait  également  celui  de  «  roche  ».  Il  a  dû 
exister,  à  une  époque  lointaine,  une  forme  masculine  (rocco). 


*  GiNDBE  DE  Mahcv  i  Moupeau  dictionnaire  des  communes  de  la  France, 
Pans.  Garnier.  ii*85.  —  Dictionnaire  géographique  et  administratif  de 
la  France,  publié  sons  la  direction  de  Paul  Joanne;  Paris,  Hachette,  1902. 


d*oLi  est  venu  le  diminutif  roccAio  {d'un  lypc  'rocuiià,u  ,  .ju^  .^ 
trouve  déjà  chez  Dante.  Il  y  a  aussi  quelques  composées  Je 
rtycca  cl  de  roccia.  Mais  roccia  a  un  synonyme  très  usité,  riif\ 
Les  patois  de  la  haute  Italie  n'ont  pas  ce  mot»  rupe^  mais  ih 
ont  une  forme  correspondant  a  roccia  ;  dans  la  Lîguric.  c'est 
roka  :  dans  le  Picmoni,  roca  et  roch  ^  Le  vénitien  cl  les  dialcc* 
tes  illyriens  ne  connaissent  ni  roccia  ni  rupe  :  le  vénîtico  cm* 
ploie  comme  équivalent  ie  mot  croda  '. 

La  Suisse  romande  a  aussi  des  formes  correspondant  au  fra~ 
^iL\s  roc.  rochCy  cl  on  cite»  dans  celle  région,  une  soixaniaine 
de  noms  de  lieu  qui  en  soni  tirés  \ 

L'espagnol  a  le  nom  féminin  roca,  avec  une  dizaine  de  déri* 
vés  ou  composés  ;  il  emploie  comme  synonyme  de  roca  le  mot 
pena  qui  a  formé  lui  aussi  à  peu  près  autant  de  dérivée  *.  Ijc 


'  KiGOTiwi  e  Fankanï  :  Vocaboiario  italiano  delta  Ungua  j^+**4*ï, 
migliiiio;  G,  Barbera.  Fircnze.  —  C  FfAttAfti  et  L  Caccia  i  Grand  «ft^/ron* 
naire  français  italien  et  italiet\  français,  nouvelle  édition  revae  et  > 
rigéc  par  Arthur  Angcli  ;  t'iiris*  Garnier  —  Annibal  A»<TOtii}ii  :  f}i€tp 
naire  itatient  latin  et  français^  et  Dictionnaire  français  Jùtin  tt  iialtfm^ 
y  cditinn;  Venise»  \\  Piiieri,  MDCGLIL  —  L.W.  Blawc  :  VneaUi^nm 
Jantesca  n  di^ionariQ  critico  e  ragionato  Jella  diyina  commidia  di 
Dante  \lighicri.  a'  edizione;  Firenzi:,  G.  Harbera,  1H77.  —  Christ.  G*»- 
ntia  :  Deux  patois  des  Mpes-Maritimes  | idiome*  de  Bordighera  «  4e 
Rcaldo)  ,  Faris.  --  M.  PoffJSA  :  Vocabotario  piemonttse-iiûiiamotTofio^, 
C.  Schicpaiio,  iH4$, 

*  Gtus*  Kotitio  :  Ditionario  deldialetto  Vêne^iano,  3*  édition  ;  Veiwia, 
Giov,  Gocctiini.  1867.  —  Ardella  Dii.tA  UiLt4  '.Di^ionario  italfamp-t^Uimi»' 
ittirico;  Hagusa.  MDCCLXXXV, 

*  Ch.  KttàP,  M,  BoPEt  el  V.  Aîtingk»  :  Dictionnaire  ^^éof^raphi^me  i 
la  SuiJixe;  Ncufch/ltcl,  Attinger.  1906.  —  CharJtîi  di  Hocut  :  Ltrtkomtt 
(teu  dans  la  vattt*e  Moutier^Granval  tJura  X^rrn 015),  éttide  toponjfsiiqiiê 
Halle,  Mm  Nicdcrmcycr,  tgof». 

*  K.CoioaA-BuMAiiLriTt  :  Diccwnario  egpaùot'franceM  ;  l'aria,  If^Kl 
1901.  —  L  i>K  FonstCA  :  Di*:ti<*nnaire   fran^atJi  espagnol  H  eip^fmmt- 
français;  Paris,  Hachette.  1870,  —  C-M.  Gattil  :  fta  tinuwi  itr^  /r?^- 


—  679   - 

portugais  a  des  formes  exactement  parallèles  :  roca  ou  rocha 
avec  son  synonyme  penha  et  leurs  dérivés  et  composés  *.  Parmi 
les  dialectes  de  la  péninsule,  le  catalan  a  non  seulement  les 
formes  qui  se  trouvent  en  espagnol,  mais  de  plus  le  nom  mas- 
culin roc  :  le  dialecte  de  Galice  n'a  que  peha  et  ses  dérivés  ;  on 
ne  cite  pas  non  plus  roca  dans  celui  de  Valence  *. 

L'anglais  a  le  substantif  rocA  (roc,  roche,  rocher)  et  quelques 
dérivés.  Le  mot  rock  y  a  deux  synonymes,  crag-et  cliff.  Parmi 
les  dialectes  populaires  du  royaume,  l'irlandais  et  le  gaélique 
ont  aussi  roc^  mais  les  autres  dialectes  néo-celtiques  ne  Tont 
pas  ;  ils  expriment  l'idée  de  «  rocher  »  par  des  formes  dérivées 
de  car  qui  se  trouvent  également  en  irlandais  et  en  gaé- 
lique 3. 

Le  néerlandais  a  le  substantif  rois  (roc,  roche,  rocher),  avec 
quelques  composés  et  dérivés.  A  côté  de  rois,  il  a  le  synonyme 
klip  ^  Les  autres  langues  germaniques,  danois,  islandais, 
norvégien,  suédois,  ne  connaissent  pas  le  mot  roc  :  elles  expri- 
ment cette  idée  par  des  formes  correspondant  à  l'anglais  cliff 


çais  espagnol  et  espagnol-français  ;  Lyon,  Broyset,  i8o3.  —  lesoro  de 
las  très  lengvas  francesa  italiana  y  espanola  ;  Genève.  Ph.  Albert  et 
Al.  Pernet,  MDCIX. 

*  J.-I.  RoQUETE  :  Nouveau  dictionnaire  portugais-français  ;  et  J.  da 
FoNSECA  :  Diccionario  france!^-portuguei[;  Paris.  Aillaud  et  G",  }Hjb. 

*  Joaquin  Ksteve  y  J.Belvitges:  Diccionario  catalan'Castillano-latino ; 
Barcelone,  Tecla  Pla,  i»o3.  —  J.-G.  Pinol  :  Diccionario  gallego  ;  Bar- 
celona.  Ramirez,  1876.  —  J.-P.  Fubstep  :  Brève  pocabulario  valensiano; 
Valencia.  (}.  (jimeno,  1827. 

'  Flemikg  et  TiBBiNi  :  Grand  dictionnaire  français-anglais  et  anglais- 
français;  Paris.  Didot.  1857.  —  VValier  W.  Skeat  :  An  etymological dictio- 
nary  ofthe  english  /jn^Mag'e;Oxford,GIarendon  press.MDGGGLXXXlV. 

*  K.BAMERS*  :  Nouveau  dictionnaire  de  poche  français-néerlandais  et 
néerlandais-français,  8'  édit'on  :  Gouda,  Van  Gaor  Zonen. 


68o  -- 

^t  au  néerlandais  khp  V  Les  mois  de  la  famille  r<»c  ne  se  trou- 
veni  pas  non  plus  en  roumain  *. 

lix\  résumé,  actuellement  le  domaine  de  cette  fanitUe  de 
mots  comprend  la  l-'rancc.  une  partie  de  la  Suisse.  lUtaiit* 
TEspafîne  et  le  Portugal,  l'Angleterre  avec  Tlrlande  et  TEcos^ 
les  Pays-Bas.  En  h'rance»  elle  s'est  particulièrement  développée 
dans  le  midi  et  plus  spécialement  dans  le  sud-est  ;  elle  n*y  i 
pas  en  général  de  synonyme,  tandis  qu^elle  en  a  dans  tous  ks 
autres  pays. 


Les  linguisics  qui  se  sont  occupes  de  Ibrigine  de  rocû,  cld< 
ses  équivalents  ont  émis^  à  ce  sujet,  des  opinions  fort  diver>e&. 

II  y  en  H  qui  le  rapprochent  du  grec  W>;  (^accus.  ^o*t'K  %^ 
signifie  «t  fente,  crevasse  ^  \ 

D'autres  le  font  venird'un  adjectif  latin  rupeum  {(ém,  rupeami 
employé  une  fois  au  iv*  siècle  par  S.  Ambroisc  ou  d'une  forme 
théorique  *rupicum  (fém.  'rupicam)  qui  ne  s*cst  trouvée  jus- 
qu'ici dans  aucun  texte  *. 


*  D.  S4WDEP5  :  WérUrbuch  der  deutschen  Sprache  ;  Leipiig,  O.  Wi 
j;Kiid,  1H76.  ^  Tricd.  Klugk  :  EtymologUckcs    Wârur^uck  étr  état 

schtn  Sprache:  Sirassburg,  Triibner,  «87a.—  Nmifeau  dictionmûirt  p»^ 
tattf  français  daptois  et  dunonfrançau  ;  LcipsiC*  U.  Hotuc.  iflTt, — 
f  ramk  och  xvtttskt  hatuHexicont  cl  Nyti  sptn^ki  och  framsyM  kânê- 
Uxicon  î  Stcckimini,  ft|erta«  1849. 

*  R.  |>E  PoitTHRiANT:  DtcHonaru  romano/rancesu  ;  Bucof e»ci«  Ail«  Vh 
rich.  t^3.  —  Th.  Codresco  :  Oictionaru  francexo  romanti  :  Usij,  Bac. 
Romanti,  1859. 

■  F.  MisTHAL  î  Op   cit^,  «u  inol  toco. 

*  Fricd.  Di6«  :  EtymQhgischti  Wtirtcrbuch  dtr  romanischtm  Spn- 
chem  Bonn,  Ad.  Mircas.  i853.  —  Aug.  Sciicixn  :  liictwnmMir^  d'éiym^ 
io^'te  française  d'après  les  réiultatt  de  la  iciencé  mùdttmt  ;  eii 
édition;  Parus.  Maisonneuvc,  1H73.  —  Au^.  Hricmki  :  Dicttonmsire  éiyt 
logique  de  ta  langue  françaUe;  io*êdition  ,  Paris,  HeiscL  —  frAivc*  Ta 
KALur  :  Vocaboiario  etimvlogico  italiano:  CitU  di  Çailcllo,  ï.  I^pi,  <S 


/ 


--  68i  — 

Quelques-uns,  s'appuyant  sur  ce  que  roc  se  trouve  en  irlan- 
dais et  en  gaélique,  et  que  le  bas-breton  roc'h  se  prononce  avec 
le  ch  guttural,  le  croient  d'origine  celtique  K 

Enfin,  une  quatrième  opinion  se  borne  à  le  rattacher  au 
latin  populaire  roccam.  mascul.  roccum,  d'origine  inconnue  *. 

L'origine  grecque  est  peu  satisfaisante,  au  point  de  vue  de  la 
terme  et  du  sens.  En  effet,  on  aurait  dû  avoir  roga^  rota,  roge, 
si  le  mot  vient  de  l'accusatif  âtoya  ;  ou  rois,  s'il  vient  du  nomi- 
natif s('>;.  D'autre  part,  le  sens  de  *  crevasse,  fente  ^  est  tout 
l'opposé  de  celui  de  roca,  roche  qui  désigne  une  «  élévation, 
proéminence  >►. 

L'origine  latine  l'est  encore  moins.  Sans  compter  ce  qu'il  y  a 
de  fantaisie  à  forger,  pour  le  besoin  de  la  cause,  un  mot  latin 
qui  ne  se  trouve  dans  aucun  texte,  on  a  remarqué  depuis  long- 
temps que  «  les  formes  normande,  italienne  et  provençale  ren- 
dent inadmissible  l'étymologie  de  *rupea  )>,  et  quant  à  celle  de 
'rupica,  «  les  lois  de  la  phonétique  ne  permettent  pas  une  pa- 
reille dérivation  ^  \  Il  est  évident  que  le  normand  roque,  le 
français  roche,  le  provençal  et  le  portugais  roca,  rocha,  l'espa- 
gnol roca,  l'italien  rocca  et  roçcia  viennent  tous  d'une  forme 
primitive  roca  ou  rocca  dont  le  c  a  persisté  ou  est  devenu  ch 
suivant  les  régions,  tout  comme  le  normand  vaque,  le  fran- 
çais vache,  le  provençal  vaca  et  vaçha,  l'espagnol  vaca,  le  por- 
tugais et  l'italien  vacca  sont  venus  du  latin  vacça, 

Quant  à  l'origine  celtique  on  a  fait  remarquer  que  le  breton 


'  E.  LiTTRÉ  :  Op.  cit.,  au  mot  roche.  —  VV.  Skcat  :  Op.  cit.,  au  mot 
rock.  -  Alf.  HoLDER  :  Alt  celtischer  Sprachschat^  ;  Leipzig,  Teubncr, 
1891  1906. 

'  Gustav  KôRTiNG  :  Lateinisch  romanisches  Wôrterburch  ;  Paderborn, 
Fcrd.  Schôningl.  1901  -  Ad.  Hatzfeld  et  Ars.  Darmsteter  :  Op.  cit., 
au  mot  roche. 

*  Ch.  JuRLi  :  Op.  cit.  -    G.  Korting  :  Op.  cit. 


—  682  — 

roc'h  ei  1  an^^Uiii  rock  peuvent  venir  du  fran<,'ais  roc  ci  que  Tir* 
latidaiîi  ei  gaélique  roc  peut  fort  bien  être  emprunté  à  l'an* 
^lais  ' 

L  opinion  d'après  laquelle  toutes  ces  formes  se  rattacheot 
au  lypc  bas-latio  rocca  est  la  plus  raisonnable  et  la  plus  sûre. 
tilc  a  lavaniage  de  ne  s'appuyer  que  sur  des  faits  ccrtâîiis. 
Mais  un  point  reste  à  éclaircir  :  quelle  est  l'origine  et  quel  csï 
le  sens  étymologique  de  ce  bas-latin  rocca?  C'est  à  ces  doa 
questions  que  nous  allons  essayer  de  répondre. 

Le  mol  rocciî  est  un  de  ceux  que  Ton  rencontre  le  plus  sou- 
veni  dans  tes  textes  latins  du  moyen-âge,  et  cela  depuis  k 
vir  siècle.  Il  a.  le  plus  souvenu  le  sens  de  «  roche,  rocher»  ; 
mais  il  signiiic  aussi  «  citadelle,  forteresse  i>.  Il  est  écrit  tantét 
roca.  tantôt  rncca,  tantôt  roc/ta.  quelquefois  rocka  ou  roccha^. 

En  particulier  pour  ce  qui  concerne  la  région  provcn*;alc.  on 
trouve  au  \î^  siècle,  non  seulement  la  forme  ;"oca,  ou  quelque- 
fois rocca,  dans  la  basse  Provence,  et  rocha  dans  la  haute  Pro- 
vence*, mais  aussi  la  forme  masculine  Hocos  ou  H(kco$.  nom 
de  lieu  \  le  diminutif  rock^ta  ou  rokitta   ou  racheta  \  laui^ 


*  V.  HiNiv  :  Lexique  étymoiogiquê  des  termes  Us  plus  UMUtHéMàfê* 
ian  moderne  :  Rcnnci*  J.  Phlioji  et  L,  Htrvé,  1900.  —  WiUef-W.  SttiT 
Op   cit, 

*  Du  C4fiGe  t  Gknjiiirium  mediae  et  infim^e  iatinUaiiM:  Pirb,  F.  DicM. 
*8^5.  —  A  If.  HotULi  :  Op.  cit, 

*  Cûrtulaire  de  l*abhaye  de  Saint  Victor  de  htarseUle,  |»iib.  p^r  Gmh 
T&rd  :  Paris*  l.ahurc.  MDCCCLVIÏ ,  —  n-  383,  vers  1070  î  In  lerniôhQi 
focA  lUronc*.,;  —  n"  696,  vers  io5o  .  Subtu^  ipsdm  roccam  qae 
mons  Ccicus.,.  î—  n*  1067.  février  1^43:  btabet  consoriescï  lermtm 
rocam  naturalemî  —  n*  718,  vers  io33  :  l'ositrula  tic  Rocha  iUriUofi 
sicul  rocha  lenet  .,  et  alia  roca.  .  ;  —  n*  26S.  io33  :  Bt  rocâ  qoeo^iiiA 
nant  Tremolone:  —  n-  684.  io3i  :  Sîcm  \ia  vadit  in  foca..  >  ;  —  n*  7M. 
io5o  :  I  squc  in  roca  de  Caiia;  —  p*  636,  K,  9  :  Colonica  super  roci, 

*  fbid^  —  N*  H^4,  iujn   I  i35  .  Iicm...  Novilms.  Rocco»»  Oleyr»*,  Porcâs. 
-*  n*  ^43,  juillet  1079  :  Item...  NovaliU...  Kocos.  Oleiras,  PorciU. 

'  Itid,  —  N*a8g,  toda  :  A  mendie  licut  sut  rokcu  de  Bono  ;  *—  hp  i  A 


-  683  ~ 

mcmaùf  Rochaka,  nom  de  lieu  ',  ei  le  dérivé  Rocaria,  nom  de 
lieu  -. 

On  trouve  aussi,  du  v»  au  xi*  siècle,  des  noms  de  personnes 
et  de  peuples  qui  sont  évidemment  dérivés  de  rocca^  ou  plutôt 
du  masculin  roccos,  comme  Roccon  et  Ruccon,  noms  d'hom- 
mes; Rocula,  nom  de  femme;  Roclo,  nom  d'homme,  Roccones 
ou  Ruccones  ou  Runcones,  nom  de  peuple  \ 

Pour  la  période  du  i"  au  v«  siècle,  on  n'a/jusqu*ici,  trouvé 
aucun  texte  contenant  soit  le  mot  rocca  employé  comme  nom 
commun,  soit  ses  dérivés.  Mais  les  inscriptions  ont  fourni  un 
t^rand  nombre  de  noms  de  personnes  qui  le  reproduisent  ou  sV 
rattachent  évidemment.  On  trouve  comme  nom  d'homme  les 
formes  masculines  Rocus  \  Ruccus  avec  son  composé  5e/io- 
ruccus  ^  et  aussi  Rocca  *, lesdiminutifs  Ruccon''  ci  Roucillus*; 


1046:  Sicut  slai  rokitta  de  Bono  ;  —  n"  179,  janvier  1040  :    In  loco  que 
nuncupant  a  la  rocheta  super  fluvium  Khodani. 

*  Ibîd.  —  N^ôgô,  io5o  :  In  castrum  qui  vocatur  Rochakt  in  valle  sancii 
Romani. 

*  Ibid.  —  N*  i83,  vers  1070  :  ...  totum  pltnum  in  Rocaria. 

'  Alf.  HoL(>LR  :  Op.  cit.  —  Noiez  que  ce  peuple  habitait  un  pays  nr^nta-' 
gneux  :  Roccones  montibas  ardais  undiquc  consacptos  per  duces  dcvicit. 

*  Revue  archéologique,  nouvelle  série,  24,  1872,  p.  58.  —Alf.  Holder  : 
Op.  cit.  —  CIL.  I.  48a. 

'  CIL,  VII.  Inscript.  Britanniae  latinae,  i334,  44.  —  76.,  xiii,  Inscripl- 
trium  Galliarum  et  Germaniarum  latinœ,  685:  A.  Acaunus  Senorucci  f.— 
Alf    HoLbER  :  Op.  cit. 

"  CIL,  xiii,  10002,  429.  —  Alf.  HoLDCK  :  Op.  cit. 

'  CIL,  III,  Inscript.  Orientis  et  Illyrici  supplementum,  11466. 

*  (l.^SAft,  De  bello  civiii,  III,  59,  i  :  Rrant  apud  Cssarem  in  cquitum 
numéro  Allobroges  duo  fratres.  Roucillus  et  Aecus,  Adbucilli  filii...  :  79, 
6  :  Allobroges,  Roucilli  atque  Aeci  familiares,  quos  pêrfugisse  ad  Pom- 
peium  demonstravimus. 


—  684  - 

comme  nom  de  femme,  les  formes  féminines  Ruca\  Rouca-, 
et  les  diminutifs  Rocula  %  Roccola  *  et  Rocilla  *. 

De  Rocus  on  avait  tiré  un  gentilice  dont  la  forme  masculine 
se  trouve  écrite  Rocius  *,  Roccius  \  Rucius  *  et  Roucius  *,  et 
la  forme  féminine  écrite  Rocia  **^  et  Roccia  **. 

De  Rocius  on  avait  formé  le  surnom  Rocianus  ",  comme 
Valerianus  de  Valcrius. 

Peut-être  le  nom  des  Rucinaies,  peuple  des  Alpes  •',  doit-il 
être  rattaché  à  la  même  famille  de  mots,  ainsi  que  le  'Pouxo- 
vtov,  contrée  de  la  Dacie  **. 

D'ailleurs  que  le  même  mot  soit  écrit  tantôt  avec  o,  tantôt 
avec  w,  tantôt  avec  ow,  cela  ne  doit  point  nous  étonner. 
Rien  de  plus  fréquent.  Comparez  Totius^  Toutius  ;  Segusio, 
ileYoû^Tiov  ;    Litumaros,  Litoumareos  ;   Troccus,    Troucillus, 


*  CIL,  m,  10292. 

»  Alf.  HoLDF.»  :  Op.  cit. 

'  eu  ,  X,  Inscript.  Brutiorum  Lucaniae  Campaniae  Siciliae  Sardiniae 
latinae,  338a. 

*  Revue  archéologique,  3*  série,  l.  II,  p.  32  5,  —  Bulletin  épif^raphique, 
t.  III,  p.  256.  —Alf.  HoLhER  :  Op.  cit. 

*  CIL.  VIII,  Inscript.  AJricae  latinae^  836o. 

*  (JI,,  V,  Inscript.  Galtiae  Cisalpinac  latinae^  5870,  6079.  81 25"  :  vi, 
Inscript.  urbis  Homae  latinae.  10*43  ;xiii,  534;  'v.  Inscript.  parieUrue 
Pompcianae.  1243;  vni.  5093  ;  i.  Inscript,  latinae  antiquissimae  ad  C. 
Caesaris  muricm,  f^y  ;  x,  n3o  ;  xi\\  Inscript.  Latii  Veteris  latinae,  ib^. 

.547. 
'  CIL.  XII.  Inscript,  dalliae  Sarbonensis  latinae,  i536;  viii.  6948 
•*  CIL,  If.  Inscript.  Hispaniac  latinae,  3654. 
'  CIL,  XII,  386i. 
'"  CIL,  v,587o;  vi,  10243. 
*'  CIL,  VIII.  7689: 
•'  (;IL,  M.  1324.   1749  ;  V,  2&')(). 
•"  PiJNt,  Ilist.  nat.,  m,  137.  -  CIL,  v.  7H1;  ". 
•*  Pioi.feMKE.  m,  <S.  4. 


—  685  - 

Cocillus,  Cticcillus  \  etc.  Il  est  hors  de  doute  que  rocca,  roca, 
roitca,  ruca  sont  le  môme  mot  gravé  de  manière  différente  sui- 
vant les  régions,  les  époques,  les  ouvriers. 

Cela  étant  admis,  on  ne  s'étonnera  pas  non  plus  que  je  rap- 
proche rocca  de  la  seconde  partie  du  substantif  latin  verrûca, 
composé  de  ver  +  ruca,  Pline  (32  à  79  ap.  J.-C.)  emploie  ce  mot 
au  sens  de  «  verrue»  et  de  *  tache  )>  d'une  pierre  précieuse  *  ; 
Horace  (65  à  8  av.  J.-C.)  l'emploie  au- sens  figuré  de  «  léger  dé- 
faut »  et  l'oppose  à  tuber  qui  était  le  mot  propre  en  latin  pour 
désigner  une  «  excroissance  5»  ^^  Mais  Caton  (234  à  149  av. 
J.-C),  dans  un  passage  qui  nous  a  été  conservé  par  Aulu- 
(jcllect  par  Nonius  Marcellus*,  emploie  verrt/ca  avec  le  sens 
de  «  lieu  élevé,  rocher  proéminent  ». 

Or,  quelques  lexicographes  considèrent  verrûca  comme  em- 
prunté par  les  Latins  à  la  langue  des  Gaulois  ^.  Mais,  à  l'épo 
que  où  Caton  emploie  ce  mot,  et,  à  plus  forte  raison,  à  l'époque 


»  CIL,  III,  5066,  8337;  XIII.  4,  1691,  1979;  vil,  i336»";  i336»'»;  1330»"^»; 
et  passim. 

*  Hist.  nat.,  XX,  48,  4  :  Ocimum  verrucas  misio  atramento  suloriotol- 
lit  :  —  XXXVl,  8.  I  :  Verrucae  sessiles  ;  —74.  2  :  lllud  modo  meminisse 
conveniai  increscentibus  varie  maculis  et  verrucis  linearumqae  interve- 
niente  multipliciductuet  colore,  muiata  sxpius  nomina  in  eadem  plerum- 
que  mutoria.  , 

^  Sat.  I,  3,  74  :  Qui,  ne  tuberibus  propriis  offendat  amicum,  Postulat 
ignoscei  verrucis  illins. 

*/\.  Gellii  noctium  Atticarum  libri  XX;  ex  recensione  Martini  Hertz, 
ediiio  minor  altéra  ;  Lipsiae,  Teubneri,  MDCCCLXXXV  ;  —  m,  7,  6  : 
M.  Cato  iibris  originum  de  Q.  Caedicio,  tribuno  militum,  scriptnm  reli- 
quit...  «  Censeo.  inquit,  si  rem  servare  vis,  faciundum  ut  quadringentos 
aliquos  milices  ad  verrucam  iilam  (sic  enim  Cato  locum  editum  asperum- 
que  appellat)  ire  jubeas  camque  ubi  occupent  impores  horierisque.  — 
Sonii  Marcelli  de  Compendiosa  Doctrina  libri  XX, éd.  Wallace  M.  Lind- 
say  ;  Lipsiae,  Teubneri,  MGMIII,  vol.  I  :  Verrucam  positum  pro  edito 
loco  Caio  Iibris  originum,  «  Censeo,  inquit»,  etc. 

*t:.  Châtelain  :  Dictionnaire  latin/fançais ;  PariSf  Hachette,  1889. 


—  IkSlî  -^ 

où  se  passait  k  kiu  qu'il  raconte  icn  258*  sous  le  consulii 
d*A.  Alilius  Calatinus),  c'est  seuiement  avec  les  Gaulois  cisal* 
pins  que  les  Romains  étaient  entrés  en  relation.  Ils  firent  U 
conquête  d'une  partie  de  lu  vallée  du  Pô»  à  la  soiie  de  l'altaq. 
des  Boïenscl  desGésalcs,  en  325, qui  se  termina  par  la  M>umu* 
sion  des  Boiens,  en  224,  des  Insubres,  en  223-222»  cl  la  foada* 
lion  des  colonies  de  Modène,  Plaisance  et  Crémone,  en  aiSe 
Ils  ne  pénétreront  dans  la  Gaule  transalpine  que  près  de  cent 
ans  plus  tard,  lorsque,  appelés  au  secours  des  Marseillais,  \h 
en  profiteront  pour  sétablir  dans  la  Provence  maritime (i 54^ 
t22  av,  J.-CO 

Cest  donc  à  la  langue  des  habitants  de  la  vallce  du  PÂ^c*e$t- 
à-dire  des  Ligures,  que  les  Romains  purent  eniprunicr  - 
mot  et  non  a  celle  des  Celtes  qui  habitaient  la  partie  de  U 
Gaule  comprise  entre  la  Garonne,  la  Seine  ei  la  Marne  '♦  et 
avec  lesquels  ils  n  entrèrent  guère  en  relations  qu'après  la  con- 
quête définitive  de  la  Gaule  par  César  (58  à  5o  av.  J.*C.). 

Un  détail  important  à  noter  et  qui  prouve  que  $^errkca  i 
réellement  appartenu  a  la  langue  parlée  par  les  anciens  hihi* 
tanis  de  la  Gaule  cisalpine,  c'est  qu'il  est  encore  usité  aujoiir** 
d*hui,  sous  la  forme  truga  ',  sur  certains  points  de  oetie 
région,  dans  le  val  Cavargne,  par  exemple,  avec  le  sens  ik 
4(  proéminence  de  rocher  *  ou  «  rocher  proéminent  j*.  Or.  Arûfi 
est  une  transformation  très  régulière  de  pcrruca,  comme  */ii- 
gla,  employé  à  Plaisance,  cl  brugueL  à  Bologne,  dan^j  k  leos 


*  C^s^i*,  Ùe  bfih  Gattico,  L  1,  i<a  t  Gatlia  est  omnts  ilivUt  ko  fèrm 
1res,  quaram  unam  incoïunt  Bcigae,  aii&m  AquitKii«  lertiam  qui  i| 
tingua  Celtae*  nostra  Galli  appellaotur  .«  Gallos  ab  Aqattaois 
Humen,a  Belgis  Matroni  elSequana  dividtt. 

•  B.  BiojiWLLi  :  Saggio  sui  diaUtti  gaito*itaUci  :  Milano, 
dt  Gio,  iH53:  page  r«î  :  HrUga,  VjâïJ  C[ifArgtit],  piccolo  prctnM»(»torKi 
pra  un  monte. 


—  687  — 

de  «  pustule  >,  le  sont  de  verrucula  cl  d'un  autre  diminutit, 
' verrucellutriy  inusité  en  latin  *,  et  encore  comme  baruga, 
barua  (verrue)  et  brouilloun  (pustule),  usités  dans  le  Gapen- 
çais,  le  sont  de  verruca  et  d'un  diminutif  'verruculonem 
inconnu  du  latin. 

Si,  d'autre  part,  nous  considérons  l'origine  des  inscriptions 
que  j'ai  citées  plus  haut,  nous  voyons  que,  sur  une  trentaine, 
il  y  en  a  un  bon  tiers  qui  proviennent  de  la  région  comprenant 
la  (jaulc  cisalpine  et  le  revers  occidental  des  Alpes  jusqu'au 
Khonc.  Parmi  les  autres,  quatre  ont  été  trouvées  dans  le  midi 
de  la  (jdule  transalpine,  de  Nîmes  a  Bordeaux,  quatre  sur  di- 
vers points  de  l'Italie,  trois  en  Espagne,  trois  dans  la  Numidie, 
deux  en  Pannonie  et  Dacie,  une  à  Bibracte,  une  à  Reims  et  une 
en  Angleterre.  En  sorte  que,  d'après  les  données  fournies  par 
l'épigraphie,  c'est  sur  les  deux  revers  des  Alpes,  ou  autrement 
dit  dans  la  région  ligure,  que  les  noms  de  personne  se  ratta- 
chant à  la  môme  fiJmille  de  mots  que  roca  étaient  le  plus  ré- 
pandus. 11  est,  du  reste,  tout  naturel  que  des  personnes  origi- 
naires de  cette  région  aient  séjourné  ou  même  se  soient  établies 
à  demeure  sur  d'autres  points  de  Tltalie  ou  de  la  Gaule  ;  un 
tait  certain,  c*est  que  d'une  part  on  a  trouvé  à  Villeneuve- 
d'Agen,  la  tombe  d'un  soldat  appartenant  à  une  cohorte  d'Al- 
pins -,  et,  d'autre  part,  à  Lectoure,  non  loin  de  là,  est  gravé  sur 
une  pierre  tombale,  le  gentilice  Rocius.  Pour  les  noms  trouvés 
dans  des  régions  plus  éloignées,  la  Pannonie  et  la  Dacie,  la 
Numidie,  l'Espagne,  ce  sont  très  probablement  aussi  ceux  de 
soldats  originaires  de  la  Cisalpine.  En  effet,  les  mêmes  inscrip- 


*  /d.,  Ibid.,  p.  253  ;  —  Brugla,  Piac[entino],  bollt,  pùstula;  —  Bruguel, 
Bol  ognese\  pusîula,  bolla.  —  Ailleurs,  ce  mot  a  perdu  la  gutturale  mé- 
diale  g  et  il  s'est  développé  à  sa  place  une  labiale/.* firu/W,Geii[eraIe]; 
—  Hrù/oio,  Ver[onese],  bolla,  pùstula. 

*  CIL,  XIII,  922  :  lui,  Attonis,  61.  |  Icco.  miles  ex  |  cohor  Alpinorom. 


—  cm  — 

lions  nous  font  connaître  rexisience  d'une  iegio  Gallica 
Pannonie-Dacie  *  et  en  Numidie  *.  et  d'une  cohors  CathruM 
en  Espagne,  précisément  dans  la  Bétïque»  où  oni  ihé  irou* 
ces  inscriptions*,  et  qui  plus  est  un  pitum  est  grave  sur] 
monument  de  Valerim  Rucius  *.  Il  me  semble  donc 
établi  que  le  bas  latin  roca  est  emprunté  à  lalanguedcs  peup 
qui  habitaient  le  nord-ouest  de  Tltalieet  te  sud-^t  de  la  Gaulj 
reste  ù  chercher  quelle  a  pu  être  sa  signification  étymoloii;i«q 
et  primitive. 

lin  latin,  Téquivalcnt  de  rùcûx,  rUca,  au  point  de  %ut 
racine,  est  le  moi  arcem,  nomin.  arx.  Dans  rucus,  la  voycH 
s*esi  Kxée  par  récriture  après  r.  tandis  que  dans  arcem  elle* 
avant,  mais,  sî  Ton  élimine  de  ruc-us  la  désinence  a^^.  a^&i 
arc-cm  la  désinence  em.  on  trouve  dans  les  deux  une  racifl 
r  t\  Un  phénomène  absolument  pareil  s'est  produit 
nombre  de  mots  de  la  famille  indo-européenne,  noiammcfl 
dans  le  laiin  umbilicus,  le  grec  oat^sc^oc  et  le  vieil  irlandj 
imblhi  qui,  de  l'avis  de  tous  les  étymologistcs  les  pluscooif 
lents,  sont  Téquivalcnt  de  Tallemand  nabel  (vha.  nûb 
ndK  «ai'e/,  anfjs*  najela,  ang^nayel,  nord. /ja/7egoih.  'nai 
sànsc.  nàb/tila,  nombril),  et  viennent  tous  d'une  racine  itM^ 
Or,  le  sens  primitif  de  arcem  est  *  hauteur,  lieu  élevé  *►,  qui]  i 
le  plus  souvent,  même  chez  les  auteurs  de  Tépoque  impériak^j 


»  CIL.  III,  iai5  et  i»6. 1117,  igig,  laoSî,  etc. 
*CIL,  VIII,  ai7«  %6ij^  ig/04,  àon),  5»»:<.  3»^7r  4^H» 

*  UL»  II.  403.  t»»7.  nëo. 

*  CIL,  II,  3654  - 

*  L,eo  Mi/ED   :  Handbuch  dtr  grUchnchtn  Biymatcgie  :   Lexf*^^ 
Hirset.  1901         Walier  W.  SittAT  :  Op.  c*r   -  Fricd   Iwttac  r  Op.  <U 

*  Vitoitt  (70  h  Mj  »v.  J-'CK  Oeorg,  II,  534  '  R«rum  facU  ctt  pmkMn- 
rkmà  Roma  septem  que  una  sibt  muro  circumdedit  «n^cs.  —  Oriui  (.^av 
àiS  âp.  l.-Ci,  âttiam.,  1*467  :  irmbrosa  Pârnassi  conftiitit  arer    -  ^««^ 


"celui  de  «citadelle  forteresse  »  est  secondaire  et  lui  est  venu  de 
ce  que  les  citadelles  se  construisaient  toujours  sur  des  hau- 
teurs *, 

C*est  a  k  même  racine  que  se  rattachent  le  galois  rhwg  qui 
signifie  «  proéminence  >*,  le  gaélique  ritcas  cl  l'irlandais  rucas, 
rocas,  lie  né. 

Il  y  a  lieu  de  rapprocher  aussi  rucus,  ruca  de  la  racine  sans- 
crite ruh.  roh  qui  exprime  Tidée  de*  s*élcver,  monter  5».  et  que 
Ton  trouve  dans  rôhas.  sommet,  et  avec  une  altération  diffé- 
rente dansrcVi.  monceau,  meule'. 

On  rattache  généralement  1  adjectif  grec  îxpo;.  àxQi,  axtov, 
qui  signitic  ^  élevé,  qui  est  au  sommet  ;  citadelle  >►  â  la  racine 
ac  exprimant  Tidée  de  «  pointe  >».  et  cette  étymologie  est  très 
vraisemblable'.  Cependant  âxfoc  pourrait  être  une  métaihèse 
pour  'atpxoc.  qui  se  raiiacherail  à  la  même  racine  que  arcem  *. 

Q)uoi  qu'il  en  soii  de  ce  dernier  point,  il  me  paraît  suffisam- 
ment établi  par  le  rapprochement  du  latin  arcem^  et  du  sans- 
crit roh  que  le  sens  primitif  de  cette  racine  r  c  était  celui  de 
*t  proéminence,  élévation,  hauteur  >.  Comme,  d'ailleurs,  on 
trouve  et  ia  forme  masculine  rûcus  et  la  féminine  rûca,  on  est 


lTALiccs(25à  100  ap.  h-C],  Pun.,  V,  496  :  Primus  inexpenas  adiil  Tiryn- 
ihtusarces  jLes  Alpesy.  Stack  (61  à^bap.  J.-C),  7  Arér.J.  114:  Abrupia 
qiia  plurimum  arce  Cithaeron  occurit  cceîo. 

*  M,  BittAL  et  An.  Baillt  :  Dictionnaire  étymologique  /tif tn  •  FaritJ 
Hachette,  1886. 

*  A.  BiRGAiowE  :  Manuel  pour  étudier  /j  tangue  sanscrite  :  Paris,  Vifr»" 
wcg,  1884.  —  A.BfcUGAiGWK  et  V.Henhv  Manuel  pour  étudier  le  sanscrit  ' 
védique:  Paris,  Bouillon,  1890. 

'  l.eo  Meyib  :  Op,  cît  —  A,  Bajlli  :  Dicliiintiaire  ^ec-françats ;  Pa- 
ris. J tachette,  i&gS* 

*  Fo^cELLiNi  ;  Diciinnnaire  latin:  au  moi  arx, 

*  l,e  latin  arçus,  arc.  se  rattache  peut  être  aussi  à  la  même  rêcine 
et  a  été  ainsi  appelé  à  cause  de  sa  forme  «  bombée,  proéminente». 


COKOmtS   —  44 


^ 


amené  à  conclure  que  ce  mot  était  un  adjeciif  'rucos  'rutâ: 
*rucom  signirïain  «  proéminent,  haut,  élevé  ♦. 

Il  est  tout  naturel  qu*on  ail  fait  de  ce  mot  un  nom  de  pcr* 
sonne, comme  en  latin  dePaulus  qui  signîtiâit« petit i*, comme 
chez  nous  Grand,  Gros,  Petit,  a  en  allemand  Gross,  Kteinqm 
sont  devenus  des  noms  de  famille  après  avoir  clé  des  noms  de 
personne. 

Si  nous  revenons  maintenant  au  moi  perrùca.  nous  y  tioii» 
vons, outre  ladjectif  féminin  ruca,  un  préfixe  per.  Or  ce  préfixe 
ï'erest  un  de  ceux  dont  I  existence  dans  la  langue  des  andtm 
habitants  de  la  Gaule  est  le  mieux  établie.  On  le  trouve  dam 
les  noms  propres  Verangetorix  (k  côié  de  Cingetanx)^  Ver- 
cassit*ellaunus,  Vercondaridubnus.  Veriugodumnus,  Higo^ 
perjîigus,  Vernemetum,  Vertigerno,  Verlucio  et  dans  les  mots 
vcrtragum^  et  veractum*.  Sa  si|;ni!icatïon  est  paHattcineilt 
établie  aussi  ;  il  a  le  même  sens  que  le  français  sur  dans  surku* 
main,  surfin  '.  Xerruca  était  donc,  pour  le  sens,  l'cqui^'a* 
lent  du  fran<,ais5wr(*7ej'</* 


»  Veriragum  (nomin.  pertragm)  élAii  le  nom  du  <  lévrier  »  chcj  )<S 
Gaulois,  cl  il  signitUil  <  très  agile  *,  —  AiiiEN.  Cynég*»  lit»  4  j  Aï  tt 
TToomxêtç   xùvs;  aî    Fve>.ttxal  JtatXouvrat  asv  ojÉiTiXYOi   jttWf;  »1 

Aixatvûtt,  iXX'  (bç  Tiûv  KpTiTtxilîv  «l  Stinovot  zirô  tov  ^tXoxovcK, 

TT^ç  «ôxÙTTjTOC.  —  MiiftTiAi,.  XIV,  2tx).  I  :  Non  sibi  »cd  Dûmiao  TcaMT 
vertragus  acer, 

*  De  yrrac/wm  {nom,  yerjc/U4>  est  venu  le  mol  garack  fcompiar.  trtck, 
arr«cbé.  de  tractum,  etc.)  qui,  dans  tes  Alpes,  désigne  tint  «  lemqoii 
reçu  un  pretnier  Ubour  pour  I4  préparer  à  éire  enseinencée  »,  «ta  «  jg^ 
ret  »  :  de  garach  a  cté  formé  le  verbe  grachar  (donner  an  pnsitf 
labour),  dont  lout/^j^jr  isoulcvcrj  est  iynonymc. 

*  H.  MoNiN  :  Monuments  des  tinciem  idiomes  gautois :  Paris*  E*Tli^ 
fin*— *  A.  D'AiftOis  i>e  JciaiMviLti,  avec  la  collaboration  4e  MM.  E,  EauaOU 
et  G.  Doittu  :  Lei  noms  gautMs  cHe^  César  et  HirHut:  Parii^  fiiMÎllQS 


—  691  — 

Il  â  dû  exister  aussi  une  forme  masculine  *verrucos,  et  c*est 
de  cette  forme,  selon  toute  vraisemblance,  qu'est  venu  le  béar- 
nais garroc  (roc,  rocher),  par  le  changement  de  p  en  g. 

Il  reste  encore  dans  la  langue  populaire  des  Alpes  un  autre 
mot  qui  a  la  même  origine  et  qui  se  rattache  à  la  même  ra- 
cine :  c'est  l'adjectif  rôgou[l]  qui  signifie  «  hautain  ».  Ce  mot, 
d'après  l'analogie  de  nivou[r\,  nuage,  en  italien  nuvolo,  et  de 
trebou  l  .  trouble,  au  xi«  siècle  tribulum  S  suppose  une  forme 
primitive  roculum:  c'est  précisément  le  masculin  de  Roculam 
que  nous  avons  vu  dans  les  inscriptions  comme  nom  de  per- 
sonne. C'est  aussi  à  la  même  origine  que  se  rattache  le  fran- 
çais rogue,  fier*. 

C'est  probablement  aussi  à  la  même  famille  de  mots  qu'il 
faudrait  rattacher  le  français  orgueil  et  ses  équivalents  pro- 
vençaux orguelh,  argualh,  qui  seraient  des  composés  de  org 
(pour  rog),  avec  le  mot  ce»/,  prov.  uelh,  et  signifieraient  pro- 
prement «  œil  hautain  )>  ou  «  regard  hautain  »,  comme  le  latin 
superbia  '\ 


*** 


En  résumé,  le  bas  latin  roca  ou  rocca  est  un  mot  emprunté 
à  la  langue  parlée  par  les  peuplades  du  nord-ouest  de  l'Italie  et 
du  sud- est  de  la  France  ;  c'est  le  même  mot  que  rùca  qui  est 


*  Cari,  de  Saint-Victor  de  Marseille,  t.  II,  p.  126,  n*  779:  Et  sunt  ter- 
mini...  :  ab  occidente,  flamen  Vaira  usque  Rivum  Tribulum;  ab  aqui- 
lone.  de  ip^o  Rivo  Tribulo  usque  in  penna  de  Roca  Rufa  usque  in  Lara. 

'  Diez  croit  que  ce  mot  vient  de  l'islandais  hrock;  Littré  le  croit  plutôt 
d'origine  celtique  ;  Hatzfeld  et  Darmesteter  lui  attribuent  une  «  origine 
incertaine,  peut-ctre  celtique  ». 

'  On  considère  généralement  orgueil  (au  xi*  siècle  orgoill)  comme  €  em- 
prunté de  l'anc.  haut  allem.  *urgoli,  subst.  que  l'on  suppose  avoir  été  tiré 
de  Tadj.  urgol,  remarquable,  supérieur». 


6g2  — 


Félemeni  principal  du  composé  verruca  emprunlé  par  fei 
Romains,  dès  le  m^  siècle  avant  notre  ère,  à  la  langue  de  li 
même  région.  Son  sens  étymologique  ou  priîTiîiif  est  «  bauu 
élevé,  proéminent  x^. 

Grâce  à  l'influence  de  la  liitérature  provençale  du  JE*  Itt 
x!n«  siècle,  ce  mot  a  pénétré  dès  le  moyen-âge  en  Catalogne 
et  par  là  en  p]spagne  et  en  PonugaK  Comme  la  liitérature  ili- 
lienne  se  développa  surloui,  du  xir  au  xiv^  siècle, dans  lahauie 
Italie  et  la  vallée  du  Pô,  le  mot  entra  de  bonne  heure  dans  le 
vocabulaire  italien  et»  par  adoucissement  de  c  en  ick^  y  dc%tBi: 
roccia,  en  même  temps  qu'il  se  conservait  dans  le  parier 
populaire  sous  la  forme  ancienne  focca  qui  fut.  à  son  h^^r 
adoptée  par  la  langue  classique.  J 

D'autre  part,  soit  par  te  latin,  soit  par  le  provençal,  le  mot 
entra  de  bonne  heure  dans  le  français.  De  la  il  se  répandit 
dans  tous  les  dialectes  de  la  langue  doïl  et  pénétra  mime  co 
Bretagne,  où  ïa  forme  masculine  roc,  bien  plus  ancienne  qa'oci 
ne  la  dit,  quoiqu  on  ne  la  trouve  pas  dans  les  monumenb 
écrits  avant  le  xvr  siècle,  est  devenue  roc  h. 

Le  français  roc  est  également  passé  en  anglais,  ou  u  apm 
la  forme  rock,  dané  l'ancien  anglais  roccK  Puis,  de  l'anglais,  il 
a  pénétré  dans  irlandais  et  le  gaélique  où  il  est  devenu  roc. 

D'autre  part,  le  français  roc/ie  est  entré  dans  le  vocabulaift 
néerlandais,  probablement  à  une  époque  où  le  ch  fran . 
prononçait  d'une  manière  voisine  du  provençal  ei  de  .  v  .. 
gnol  ch.  cl  y  est  devenu  rots. 

J'ajoute  qu'il  en  est  de  même,  probablement^  debeaucoup^ 
mots  que  l'on  qualifie  de  bas-latins.  Parmi  les  mots  nouvcaiu 
qui  s'introduisent  sous  nos  yeux  dans  le  français,  il  ^  — 
comme  baser,  sa/uiionner,  etc.,  qui  soni  formés  des  mu' 


*  A.  HoLj&Éfi  :  Oji.  cil.,  lu  mot  rocca. 


—  693  - 

existants  dans  la  langue  base,  solution;  mais  il  en  est  d'autres 
tels  que  burnous,  brandade,  etc.,  qui  sont  empruntés  de  tou- 
tes pièces  à  des  langues  voisines.  11  en  est  de  même  pour  le 
latin  ;  si  des  mots  comme  ausare,  adbeberare,fontanea,  sont 
formés  de  mots  déjà  existants  ausum  (supin  de  audere,  oser), 
bibere,  boire,/ow/e;w,  source,  et  se  rattachant  à  des  racines  bien 
latines,  il  en  est  d'autres,  et  en  très  grand  nombre,  qui  sont  des 
emprunts  faits  3  la  langue  des  peuples  qui  furent  conquis  par 
les  Romains. 

Parmi  ceux-ci,  il  y  a  certainement  une  part  très  considérable 
de  mots  empruntés  à  la  langue  des  peuples  qui  habitaient  la 
vallée  du  Pô  et  le  pays  compris  entre  le  Rhône,  les  Alpes  et  la 
Méditerranée,  c'est-à-dire  à  la  langue  des  Ligures,  puisqu'il  est 
bien  reconnu  aujourd'hui  que  l'élément  dominant  de  la  popu- 
lation de  ces  régions  était,de  cette  race. 

A  mesure  que  l'on  étudiera  la  question,  avec  les  nouvelles 
données  historiques,  on  arrivera  sûrement  à  se  convaincre 
que,  dans  les  langues  dites  romanes,  la  majeure  partie  des 
mots  qui  ne  sont  pas  proprement  latins  ou  dérivés  de  mots 
latins  sont  des  restes  de  la  langue  parlée  par  les  anciens  habi- 
tants de  cette  région. 


f     1    I 

K,.Hiv 

ï  ■  •;■! 


Sv.i' 


—  695  — 


XXXVJI 


LE  TENOR  RICHELME,  D'AIX 

(1804- 1845), 
par  M.  F    VIDAL,  membre  de  1* Académie  d*Aix. 


SOMMAIRE  DES  CHAPITRES 

Prologue. 

Livre  !•'.  -  L'Artiste. 

l     Naissance  de  Richelme.  —  Sa  jeunesse. 

IL   Entrée  au  Conservatoire  de  Paris  —  L'Arlisle  Lyrique  ei  Dra- 
matique, 
ni.  Débuts  de  Richelme  à  TOpéra  Comique  et  en  Province. 
IV.   Apogée  de  Richelme  au  Grand  Théâtre  de  Marseille.  —  Con- 
certs spirituels. 
V.  Représentations  à  Aiz,  parallèle  entre  Richelme,  Audran  et 
Silvain.  —  Richelme,  professeur  de  chant. 

Livre  II.  —  Le  Citoyen 

VI.   Lou  Castèu  dôu  Diable  ou  Villa  Richelme. —  Museon  Sestian- 

VII.  Mariage  de  Tex-ténor  à  Lansargues,  près  Montpellier.  —  Mort 

de  Richelme  à  Nimes.  —  Sa  famille. 

VIII.  Testament  de  Richelme  et  codicille.  —  Testament  de  sa  nièce 

veuve  Millault. 

IX .   Funérailles  de  l'Artiste  Lyrique  et  Dramatique.  —  Monument 

Richelme  au  cimetière  d'Aix. 
X.  École  de  Musique  fondée  par  Richelme.  —  Hommage  public 
à  l'artiste  et  au  citoyen. 


—  6f)6 


PROLOGUE 

La  ville  d  Aix  a  été  \c  berceau  d*une  foule  d'ariistes  en  uim 
genres,  peintres,  sculpteurs,  graveurs,  musiciens.  Harmi  ceui- 
ci  brillent  au  premier  rangCampra,  Floquciet  Félicien  David. 
élève  de  notre  Maîtrise,  encore  très  jeune.  Leurs  noms  figu- 
rent honorablement  dans  toutes  les  biographies  ;  Fétis  eo 
parie  longuement  et  maints  critiques  ont  consacre  à  plusieurs 
d'entre  eux  des  monographies  fort  intéressantes*' 

11  n'en  est  pas  de  même  de  lartiste  lyrique  et  dramatique 
Richelmc,  le  ténor  si  applaudi,  de  i83o  à  1840,  sur  les  priocî* 
pales  scènes  de  France  et  en  Belgique,  à  Liège. 

On  peut  dire  de  celui-ci  qu'il  a  lait  miracle  dans  son  pajn» 
car  à  Marseille,  notamtneni,  le  vaillant  Cadet  d'Aix  a  eu  de 
vrais  jours  de  triomphe,  à  partir  de  ï83i. 

Plus  lard,  quand  le  fameux  ténor  venait  se  îatre  cniendrca 
ses  concitoyens,  il  était  toujours  accueilli  avec  cnthousta.soie 
par  tous,  depuis  le  simple  mélomane  (on  nait  chanteur  à  Ahf 
jusqu  au  dilettante  le  plus  expert.  Aussi,  chacun  des  téinoiris 
d'une  aussi  belle  fortune  artistique  ne  tarît  pas  au  récit  de  tant 
de  mémorables  soirées  théâtrales. 

Pourtant,  ni  la  Biographie  uniperselle  des  Musiciens,  n\ 
d'autre:»  publications  analogues  ne  consacrent  la  moindre  fio* 
lice  à  ce  Provençal  doué  de  toutes  les  qualités  d'artiste,  à  ce 
vertueux  compatriote. 

Fier  de  nos  gloires  Ipcales  —  comme  nombre  d'Aîxois  \a\u\i\ 


'  Voir  l8  Notice  sur  Fioquti,  par  F*  Huot,  parae  der QÎèremetit,  A«crf 
Maitrise^  pur  Tabbé  Marboi.  ainsi  qae  Jes  diverses  études  sur  F.  ÙstéAt 
par  Ern.  de  Fonscolombc,  Sylvain  Saint-Ê:iieane  et  r^utcor  de  ccJle^ 
dans  Lqu  Prauptnçau* 


-  697  - 

du  patrimoine  intellectuel  de  la  vieille  cité,  —  à  notre  tour 
essayons  de  tracer  quelques  lignes  pour  mieux  retenir  la  douce 
et  expressive  physionomie  du  cantaire  si  renommé,  d'un 
citoyen  dont  le  nom  est  resté  populaire  dans  toutes  les  classes 
de  la  société. 

La  mémoire  de  cet  enfant  du  peuple  ne  peut  que  nous  être 
chère,  à  cause  de  son  magnifique  talent  et  aussi  à  cause  de  ses 
libéralités  posthumes,  mémoire  heureusement  conservée  par 
trois  générations  en  ces  trois  derniers  quarts  de  siècle. 

Nous  avons  été  grandement  aidé  dans  notre  entreprise  par 
l'amicale  participation  d'excellents  Provençaux  et  de  musiciens 
d'élite.  Les  témoignages  les  plus  probants  de  cette  glorieuse 
existence  ont  été  recueillis  dans  les  vastes  collections  de  la 
Bibliothèque  Méjanes  et  de  YArbaudenco^  et  dans  les  feuilles 
locales  de  l'époque,  entre  autres  le  Mémorial  d'Aix.  le  Cygne, 
la  Provence,  ainsi  que  dans  le  Messager  de  Marseille,  le 
Caducée,  le  Sémaphore,  témoignages  confirmés,  augmentés 
même  par  l'amène  compositeur  et  musicographe  marseillais, 
M.  Alexis  Rostand. 

L'abondance  et  l'exactitude  des  notes  fournies  par  l'auteur 
de  VArt  en  Province  Qi  la  spontanéité  qu'il  a  apportée  dans  ses 
communications,  marquant  les  étapes  lyrique^  de  notre  héros 
au  Grand  Théâtre  de  Marseille,  et  ses  nombreuses  créations 
sur  cette  scène  de  premier  ordre,  nous  ont  été  on  ne  peut  plus 
précieuses. 

De  même,  notre  vieil  ami  le  violoniste  Julien  (Fortuné),  qui 
travaille  avec  autant  de  compétence  que  de  passion  à  une  His- 
toire du  Théâtre  d'Aix  (il  y  a  été  violon-solo  pendant  trente 
ans),  nous  a  fourni  obligeamment  les  plus  justes  remarques, 


L'Ârbaudienne  »,  bibliothèque  provençde  Paul  Arbaud. 


700 


it  K  Son  père,  Jean-Pierre,  était  originaire  de  La  Ce 
hameau  de  la  commune  de  Beauvezer,  entre  Casleilanc  et  Col* 
mars;  il  exerçait  la  protcssion  de  cordonnier  et  avait  épouse 
une  jeune  personne  de  Gardane,  Tesianière  Anioineiie. 

Tesianiero,  Richêume,  voilà  deux  noms  on  ne  peut  plus 
provençaux,  et  Ion  en  trouve  des  variantes  nombreuses,  soit 
dans  le  Dictionnaire  de  Lorêdan  Larchey.  soit  dans  le  Tresm' 
dôu  Felibrige,  de  Mistral. 

Le  père  Richelme,  descendu  de  la  montagne  avec  deux  frè- 
res, dontTun,  cultivateur,  s'établit  à  Saini-Maximin,  eirautre, 
aussi  cordonnier,  se  fixa  à  Éguilles,  ne  parvint  pas  à  retenir 
son  fils  dans  la  confrérie  de  Saint-Crépin, 

Queltjues  Aixois  croient,  à  ion,  que  le  jeurre  Richelme,  tra- 
vaillant dans  la  maison  paternelle  à  Tàge  de  quin^ceans,  aurtil 
été  entendu  chantant  devant  l'établi,  par  des  Messieurs  qui 
passaient  dans  la  rue  ;  ces  personnes,  captivées  par  un  si  bd 
or^jane,  et  se  connaissant  à  l'an  du  chant,  seraient  entrée*  pour 
demander  aux  parents  de  leur  confier  1  éducation  du  piccooe 
virtuose,  et,  à  cet  effet,  de  l'emmener  à  Paris. 

!1  n'en  est  rien  de  cette  légende,  comme  d  en  existe  tant  sur 
maintes  cclébrités.  La  bonne  recrue  pour  faire  faire  au  (CUIW 
homme  des  études  musicales  très  sérieuses  na  pas  plus él^ 
opérée  dans  la  pauvre  boutique  du  père  Richelme  que  dins 
un  ma^asm  de  chaussures,  ainsi  que  le  croient  certains  mein» 
bres  de  la  famille. 

A  l'âge  de  vingt  ans,  l'aimable  Sextien  éianijaiigairt^aê 
homme  de  peine  à  la   fabrique  de^  toiles  peintes  du  Coloii* 


'  Oo  Itt  dans  les  ref;i$tres  de  l'état-civil  :  î)e  XVI,  N*  a  ;  c'est  la  wêêêêê 
presque  en  Tace  decelfe  où  ^e  trouve  (e  moulrn  k  hdîie  Casierot^ 

*  Ce  vocable  ucs  caractéristique  et  très  usiié  p^r  dos  €ndianéti%t 
inaprîmcars  d'indiennes,  manque  dans  le  Trésor. 


—  JOl    — 

Rouf;c.  sur  les  bords  de  Lar,  chez  MM,  Ferraiid  irèrcs;  ces 
industriels,  patriotes  ei  gens  de  ^oùi,  auraient  présenté  leur 
jeune  ouvrier  à  un  de  leurs  visiteurs*  atni  des  arts,  qui  1  aurait 
(6t  acheminé  vers  la  capitale,  là  où  régnent  en  souveraines 
Euterpe  et  Polymnie. 

Celte  version  serait  assez  vraisemblable,  mais  nous  avons 
des  preuves  irréfutables  pour  dire  que  c'est  un  peu  en  amont 
du  beau  vtaduc,  sur  la  rivière  historique,  entre  la  «  vieille 
bastide  »  du  roi  René*  les  Infirmeries,  et  le  pont  des  Trois 
Sautew,  que  se  révéla  tout  à  fait  le  talent  de  lartiste. 

Nous  tenons  de  ses  contemporains»  —  ah  !  combien  le  temps 
en  a  fait  disparaître!  —des  détails  précis  sur  les  commence- 
ments et  le  recrutement  du  «  can(airei^;k  Aî^.tous  les  anciens 
le  dési«<nent  encore  par  ce  vocable  si  topique. 

Le  fils  de  l'humble  ouvrier  de  la  rue  du  Bœuf  était,  dans  son 
jeune  iigc,  laveur  de  laines  aux  Trois-Sautets.  établissement 
existant  encore  et  que  dirigeait  alors  un  Aixois  très  connu  par 
le  surnom  de  *  Lou  Ma^^ot  )#. 

Le  vaillant  Richelme  eut  une  vocation  manifeste  d  artiste  en 
travaillant  dans  un  site  bien  poétique»  ayant  pour  seuls  maîtres 
les  chantres  de  la  nature,  les  trilles  succédant  aux  trilles,  les 
roulades  aux  roulades.  Les  nombreux  passants  sur  la  route 
d'Italie,  les  gens  des  quartiers  voisins  qui  rentendaieni,  s*arré- 
laient  soudain  pour  l'écouter;  on  Hnvitaii  à  venir  se  faire 
entendre  en  ville  les  samedis  soir  et  dimanches  principale- 
ment. 

Il  y  avait  alors  à  Aix  des  «  chœurs  »  renommés,  formés  par 
les  Sylvestre,  les  Sylvan  Saint-Etienne,  deux  bons  musiciens; 
celui  dit  Les  Philistins  surtout  avaient  eu  de  brillants  succès, 
ainsi  que  son  rival  Les  Sans-Soucis.  Tous  les  deux  propa- 
geaient le  goût  de  Part,  —  ce  qui  s*esl  perpétué  jusqu'à  nos 
jours,  grâce  aux  chefs,  Manus  Lapierre  et  Louis  Gautier,  par 


Bœuf  ^  Son  père»  Jean-Pierre,  était  originaire  de   La  Conat 
hameau  de  la  commune  de  Bcauvezer,  entre  Castellane  ci  Col- 
mars;  il  exerçait  la  prolcssion  de  cordonnier  ei  avait  épouîé 
une  jeune  personne  de  Gardane,  Tesianière  Antoineiic. 

Tcstaniero,  Ridwum^^  voilà  deux  noms  on  ne  peut  plus 
provençaux»  et  Ion  en  trouve  des  variantes  nombreuses,  soâ 
dans  le  Dictionnaire  de  Lorcdan  I.archcv,  soit  dans  le  Tnvtr 
dou  Feiibrige^  de  Mistral. 

Le  père  f^tchelme,  descendu  de  la  montagne  avec  deux  frt 
res,  dont  l'un,  cultivateur,  s'établit  à  Saini-Ma\imin.  ei  Taulre* 
aussi  cordonnier.se  lixa  à  Lguilles,  ne  parvint  pas  à  retenir 
son  (ils  dans  la  confrérie  de  Saint-Crépi n. 

Quelques  Aixois  croient»  a  Lort,  que  le  jeune  Fiichelmc,  ifan 
vaillant  dans  la  maison  paternelle  à  Tâge  de  quinze  ans«  aurait 
été  entendu  chantant  devant  rétabli*  par  des  Messieurs  qui 
passaient  dans  la  rue  ;  ces  personnes,  captivées  par  un  si  bd 
organe,  et  se  connaissante  l'art  du  chant,  seraient  entrées  pour 
demander  aux  parents  de  leur  confier  Téducation  du  précoce 
virtuose,  et.  à  cet  etfet,  de  l'emmener  à  Paris. 

Il  n'en  est  rien  de  cette  légende,  comme  il  en  existe  tant  sur 
maintes  célébrités.  La  bonne  recrue  pour  faire  taire  au  fcunc 
homme  des  éludes  musicales  très  sérieuses  na  pas  plus ésé 
opérée  dans  la  pauvre  boutique  du  père  Rrchelme  que  dfti» 
un  magasin  de  chaussures,  ainsi  que  le  croient  certaine  nitm^ 
bres  de  la  famille. 

A  Tàge  de  vingt  ans,  l'aimable  Sextien  éxtinijaligairt^t/a 
homme  de  peine  à  la  fabrique  de- toile»  peintes  du  Coioa^ 


*  Oa  Ut  dans  les  registres  de  rétat-civil  :  île  XVL  N*  a  ;  ^cst  là  vùKOsm 
presque  en  face  de  celle  où  se  trouve  le  moulin  k  huiJe  (^s&emt- 

*  Ce  vocable    trcs  caractéristique  et  très   usitcl  par  nos  tndianûirttt/ê 
imprimeurs  d'indiennes,  manque  dans  le  Trésor. 


7ot 

louoe*  sur  les  bords  de  Lar,  chez  MM,  Fcrrand  irères  :  ces 
industriels,  patriotes  et  gens  de  goCil,  auraient  présemé  leur 
jeune  ouvrier  à  un  de  leurs  visiteurs*  ami  des  ans,  qui  l'aurait 
t6t  acheminé  vers  la  capitale,  la  où  régnent  en  souveraines 
Euietpe  et  Polymnie. 

Cette  version  serait  assez  vraisemblable,  mais  nous  avons 
des  preuves  irréfutables  pour  dire  que  c*esi  un  peu  en  amont 
du  beau  viaduc,  sur  la  rivière  historique,  entre  la  m  vieille 
bastide  >*  du  roi  René,  les  Infirmeries,  et  le  pont  des  Trois 
Sauiets,  que  se  révéla  tout  à  fait  le  talent  de  lartisie. 

Nous  tenons  de  ses  contemporains,  —  ah  !  combien  le  temps 
en  a  lait  disparaître!  — des  détails  précis  sur  les  commence- 
ments et  le  rccrutementdu  ^  cantairei^;k  Aix,tous  les  anciens 
le  désignent  encore  par  ce  vocable  si  topique. 

Le  lils  de  l'humble  ouvrier  de  la  rue  du  Bœufétail,  dans  son 
jeune  âge,  laveur  de  laines  aux  Trois-Sauiets.  établissement 
existant  encore  et  que  dirigeait  alors  un  Aixois  très  connu  par 
le  surnom  de  «  Lou  Ma^oi  ^. 

Le  vaillant  Richclme  eut  une  vocation  maniteste  d*artiste  en 
travaillant  dans  un  site  bien  poétique,  ayant  pour  seuls  maîtres 
les  chantres  de  la  nature,  les  trilles  succédant  aux  trilles,  tes 
roulades  aux  roulades.  Les  nombreux  passants  sur  la  route 
d'Italie,  les  gens  des  quartiers  voisins  qui  rcniendaient,  s'arrê- 
taient soudain  pour  1  écouter;  on  Tinvitait  à  venir  se  faire 
entendre  en  ville  les  samedis  soir  et  dimanches  principale- 
ment. 

Il  y  avait  alors  à  Aix  des  «  chœurs  »  renommés,  formés  par 
les  Sylvestre,  les  Sylvan  Saint-Eiicnnc,  deux  bons  musiciens; 
celui  dit  Les  Philistins  surtout  avaient  eu  de  brillants  succès^ 
ainsi  que  son  rival  Les  Sans-Soucis.  Tous  les  deux  propa- 
geaient le  goût  de  Tan»  —  ce  qui  s'est  perpétué  jusqu'à  nos 
jours,  grâce  aux  chefs.  Marius  Lapierre  et  Louis  Gautier,  par 


700 


Bœuf  '.  Son  père»  Jean-Pierre,  éiaii  originaire  de  La 
hameau  de  la  commune  de  Bcauve^er,  entre  Castellanc  ci  Col- 
mars;  il  exerçait  la  profession  de  cordonnier  et  avaii  épousé 
une  jeune  personne  de  Gardane*  Testaniêre  Antoineile. 

Teslaniero,  Rkhèume.  voilà  deux  noms  on  ne  peut  plus 
provcn<;aux.  et  Ion  en  trouve  des  variantes  nombreuses,  soit 
dans  le  Dictionnaire  de  Lorédan  l.archcy,  soit  dans  II-  Treior 
dôu  Fclibrige^  de  Mistral. 

Le  père  Richelme,  descendu  de  la  montagne  avec  deux  frè 
res,  dont  Tun,  cultivateur,  s  établit  à  Saint-Maximin*  et  l'autft, 
aussi  cordonnier,  se  lixa  à  ÈguiUes,  ne  parvint  pas  à  retenir 
son  fils  dans  la  confrérie  de  Saini-Crépin, 

Quelques  Aixois  croient,  à  tort,  que  le  jeune  Rîchclme,  im- 
vaillantdans  la  maison  paternelle  à  Tàge  de  quinze  ans*  auniit 
été  entendu  chantant  devant  l'ciablt,  par  des  Messieurs  qtii 
passaient  dans  la  rue  ;  ces  personnes,  captivées  par  un  si  W 
organe,  et  se  connaissant  à  Tart  du  chant,  seraient  entrées  pour 
demander  aux  parents  de  leur  conlîer  I  éducation  du  précooe 
virtuose,  et,  à  cet  effet»  de  lem  mener  à  Paris, 

Il  n  en  est  rien  de  cette  légende,  comme  il  en  existe  tantsur 
maintes  célébrités,  La  bonne  recrue  pour  faire  faire  au  jeune 
homme  des  études  musicales  très  sérieuses  n*a  pas  plus  été 
opérée  dans  la  pauvre  boutique  du  père  Flichelmc  que  difis 
un  magasin  de  chaussures,  ainsi  que  le  croient  cenain^  mmt- 
bres  de  la  famille. 

A  l'âge  de  vingt  ans,  l'aimable  Sextien  èiùnijatigairt^m 
homme  de  peine  à  la   fabrique  dévoiles  peintes  du  Oton^ 


*  On  jii  dans  les  registres  de  réUtt-civU  :  Ile  XVL  N*a;  d'eu  U  mauc 
presque  en  face  de  celle  oii  se  trouve  le  moatin  à  huUc  (las^ero'l. 

*  Ce  vocAblc    très  caractéristique  et  très   ostlé  pur  nos  rutfianairf.c 
imprimeurs  d'mdicnnei,  manque  dans  le  Trésor. 


-  7ÛI  - 

Rouge,  sur  les  bords  de  Lar,  chez  MM.  Ferrand  frères;  ces 
industriels,  patriotes  et  gens  de  goût,  auraient  présenté  leur 
jeune  ouvrier  à  un  de  leurs  visiteurs,  ami  des  arts,  qui  l'aurait 
tôt  acheminé  vers  la  capitale,  là  où  régnent  en  souveraines 
Euterpe  et  Polymnie. 

Cette  version  serait  assez  vraisemblable,  mais  nous  avons 
des  preuves  irréfutables  pour  dire  que  c*est  un  peu  en  amont 
du  beau  viaduc,  sur  la  rivière  historique,  entre  la  «  vieille 
bastide  »  du  roi  René,  les  Infirmeries,  et  le  pont  des  Trois 
Sautets,  que  se  révéla  tout  à  fait  le  talent  de  lartiste. 

Nous  tenons  de  ses  contemporains,  —  ah  !  combien  le  temps 
en  a  fait  disparaître!  — des  détails  précis  sur  les  commence- 
ments et  le  recrutement  du  «  cantaire»;à  Aix,  tous  les  anciens 
le  désignent  encore  par  ce  vocable  si  topique. 

Le  fils  de  Thumble  ouvrier  de  la  rue  du  Bœuf  était,  dans  son 
jeune  âge.  laveur  de  laines  aux  Trois-Sautets,  établissement 
existant  encore  et  que  dirigeait  alors  un  Aixois  très  connu  par 
le  surnom  de  «  Lou  Magot  ». 

Le  vaillant  Richelme  eut  une  vocation  manifeste  d'artiste  en 
travaillant  dans  un  site  bien  poétique,  ayant  pour  seuls  maîtres 
les  chantres  de  la  nature,  les  trilles  succédant  aux  trilles,  les 
roulades  aux  roulades.  Les  nombreux  passants  sur  la  route 
d'Italie,  les  gens  des  quartiers  voisins  qui  l'entendaient,  s'arrê- 
taient soudain  pour  l'écouter;  on  l'invitait  à  venir  se  faire 
entendre  en  ville  les  samedis  soir  et  dimanches  principale- 
ment. 

Il  y  avait  alors  à  Aix  des  «  chœurs  »  renommés,  formés  par 
les  Sylvestre,  les  Sylvan  Saint-Étienne,  deux  bons  musiciens; 
celui  dit  Les  Philistins  surtout  avaient  eu  de  brillants  succès, 
ainsi  que  son  rival  Les  Sans-Soucis.  Tous  les  deux  propa- 
geaient le  goût  de  Tart,  —  ce  qui  s'est  perpétué  jusqu'à  nos 
jours,  grâce  aux  chefs,  Marius  Lapierre  et  Louis  Gautier,  par 


-  704  - 

lit  applaudir  encore  chaleureusement,  chacun  le  félicîtanL  Q 
qui  ne  gâtait  rien»  dans  ce  salon  d*artisies«  c*esi  que  le  futur 
comte  Ory.  l'interprète  glorieux  de  Zampa,  de  Robert  te  Dja- 
Ne  et  de  tant  d  autres  chefs-d'œuvre,  possédait  un  pM^sique 
agréabie  et  avait  un  caractère  charmant. 

Voilà  un  brun  Méridional  qui  ne  larda  pas  à  se  faire  pardon- 
ner, —  avec  cetorganeau  timbre  délicieux,  d*un  diapason  très 
étendu,  d*un  charme  indicible» — ^ l'accent  méprisé  de  la  lanf^c 
maternelle,  qy  a  Fimiiation  de  Castcl-Blaze*  il  a  toujours  partce 
avec  amour, 

M.  de  Môntlaur  lit  donc»  ce  soir-là,  une  bonne  recrue  pour 
la  scène  française,  comme  à  peu  près  à  la  même  époque 
avaient  été  enrôlés  d*autres  concitoyens,  les  Silvaîn,  les 
Audran... 

Bientôt  Richcimc  entra  au  Conservatoire  de  Paris,  tr 
22  avril  1S26,  en  qualité  d'élève  de  chant,  et  fui  admis  au  pcn* 
sionnatje  i5  juillet  suivant.  Il  en  sortit  le  2  août  1829/  eircsti 
par  conséquent  trois  ans  cl  trois  mois  dans  la  célèbre  Écok 
nationale  diri^w  alors  par  Chérubin i.  Il  eut  pour  professeurs. 
entre  autres,  Nourrit  et  Ponchard,  ce  qui  se  passe  dccommcti- 
taires. 

Disons  —  sans  peur  et  sans  reproche  —  que  le  nom  dci 
ire  héros...  pacifique  ne  figure  pas  au  Palmarès,  de  même  qta 
celui  d'Audran,  un  autre  Aixois  célèbre  dans  l'art  de  chanter cf 
de  déclamer»  alors  qu'on  y  distingue,  à  la  même  époque*  cdai 
du  Marseillais  Bénédit  :  pourtant,  celui-ci,  chanteur  à  latlitiide 
quelque  peu  l<iurde,  et  avec  un  organe  quasi  froid,  ne  putgeèft 


♦  Voir  la  Biographte  ttnivtrseiU  dex  Musicitns,  relaunt  k  fichent 
horo&copc  de  Cherubini  à  propos  de  notre  iJ  lustre  ami ,  sans  t'mtcrvefi- 
tion  de  Ctaptsson,  Mnrius  Audran  était  renvoyé  À  Ail  00  à  M«r>eiUc 
reprendre  s«  truelle  de  nriAçOQ. 


—  7o5  — 

occuper  les  planches,  à  la  salle  Beauvau  ou  ailleurs,  pendant 
que  ses  deux  brillants  condisciples  furent  des  inimitables 
«  Georges  Brovvn  »  à  Marseille,  comme  à  Paris,  comme  à  Aix, 
où  ils  moissonnèrent  des  lauriers. 

iMais  sans  obtenir  palme  ni  couronne  dès  la  première  heure, 
c'est  déjà  un  succès  d'être  admis  au  Conservatoire,  surtout 
comme  pensionnaire,  et  c'est  un  titre  envié,  lorsqu'on  y  a  fait 
de  sérieuses  études  lyriques,  dramatiques,  —  comme  on  peut 
se  flatter  d'être  élève  de  Técole  des  Beaux-Arts,  de  la  Poly- 
technique ou  autres. 

De  six  heures  du  matin  à  dix  heures  du  soir,  il  travaillait 
avec  passion,  et  les  éminents  professeurs, de  cette  École  supé- 
rieure ne  pouvaient  que  s'intéresser  aux  progrès  d'un  tel 
élève. 

D'une  intelligence  peu  ordinaire,  inlassable  pour  l'étude, 
ainsi  que  nous  le  disions  tantôt,  il  ne  cessa  de  se  perfectionner 
en  employant  consciencieusement  son  temps,  comprenant 
bien  que  sa  jolie  voix  ne  suffisait  pas,  s'il  voulait  réussir  au 
théâtre,  où  il  espérait  arriver. 

«  Comme  tenue  et  comme  accent  »,  disait  le  brave  Cauvière 
dans  ses  Tablettes  Marseillaises  *,  «  nul  doute  qu'il  ne  laissât 
tout  à  désirer  ».  Mais  les  leçons  parisiennes  opérèrent  en  lui  une 
transformation  complète  pour  le  chant;  il  façonna  son  gosier 
à  toutes  les  difficultés  de  la  vocalisation  et  se  forma  surtout  une 
voix  mixte. 

11  acquit  les  meilleures  notions  pour  l'effet  scénique  et  la 
diction,  en  suivant  assidûment  les  représentations  de  la  Comé- 
die Française  ;  de  plus,  il  se  fit  instruire  de  seconde  main  par 
ceux  de  ses  camarades  qui  recevaient  les  leçons  de  Samson  et 
de  Michelot;  c'est  ainsi  que  l'ancien  laveur  de  laines  parvint  à 


•  Le  Caducée,  X,  ibg,  ss. 

eONCRtS  —  45. 


—  7^  — 
jouer  avec  aisance  et  succès  les  rôles  d  élégance  et  de  distinc- 
tion. 

Nous  verrons  bientôt  comment  Richelme  brilla  sur  la  scène 
marseillaise,  après  une  saison,  ou  plutôt  une  tournée  dans  la 
France  du  Nord,  prélude  de  vrais  triomphes  dans  notre  Midi. 

III 

DÉBUTS  DE  Richelme  a  l'Opéra  Comique  et  en  Provïnce. 

C'est  ici  le  moment  de  se  montrer  pour  celui  qui,  sans  fan- 
faronnade, est  quelque  peu  sûr  de  lui-même,  soit  grâce  aux 
dons  qu^il  a  reçus  du  ciel,  soit  par  les  ressources  artistiques 
qu'il  a  pu  acquérir;  ce  n'est  pas  énormément  redoutable  d'af- 
fronter pour  la  première  fois  les  feux  de  la  rampe,  bien  que  le 
public  soit  parfois  inexorable. 

Le  droit  «  qu'à  la  porte  on  achète  en  entrant  »  de  siffler, 
maltraiter  débutants,  débutantes,  voire  des  artistes  de  valeur, 
n'est  pas  toujours  ce  qu'il  y  a  de  plus  juste,  de  plus  logique. 
Ainsi  Talma,  l'incomparable  tragédien  qui  avait  été  accueilli 
assez  mal  à  Marseille,  par  contre  se  félicitait  grandement  du 
succès  de  ses  représentations  à  Aix  en  1818.  * 

A  sa  sortie  du  Conservatoire,  en  1829,  Richelme  fit  donc 
hardiment  une  apparition  à  l'Opéra  Comique  ;  il  ne  tenait 
pas,  lui,  à  contracter  —  là,  pas  plus  qu'ailleurs  —  un  enga- 
gement de  quelque  durée,  ses  études  l'ayant  plutôt  préparé 
pour  le  grand  opéra,  et  la  puissance  de  son  organe  lui  permet- 
tant d'attaquer  les  œuvres  lyriques  d'un  genre  supérieur. 


•  Archives  municipales.  Lettre  du  maire  Du  Bourguet  au  Préfet  do  dé- 
partement, que  le  violoniste  K.  Julien  nous  t'ait  l*amitié  de  nous  commu- 
niquer. 


—  707  — 

Alors  que,  peu  de  temps  après,  notre  concitoyen,  Marius 
Audran,  réputé  pour  ce  qu'on  a  appelé  le  genre  demi-caractère, 
s'y  montrait  sans  pareil  pendant  de  longues  années,  Richelme 
rêvait  d'autres  horizons  ;  dès  qu'il  eut  essayé  son  jeu  charmant 
et  sa  non  moins  charmante  voix  sur  la  scène  parisienne,  il 
porta  plus  loin  ses  pas,  tout  heureux  des  débuts. 

Il  avait  hâte  de  se  produire  dans  son  répertoire  très  varié  au 
Nord,  au  Midi  surtout.  Il  alla  d'abord  jouera  Rouen,  à  Lille, 
deux  centres  où  Tart  est  si  en  faveur  ;  il  passa  quelque  peu  la 
frontière,  à  l'exemple  de  bien  d'artistes  français,  et  se  fit  vive- 
ment applaudir  à  Liège,  pays  si  sympathique  au  nôtre. 

Puis,  Jcsireux  de  se  réchauffer  au  soleil  de  Provence,  il  des- 
cend vers  des  cieux  plus  cléments,  où  il  a  vu  le  jour,  où  tant 
de  souvenirs  l'attirent,  où  tant  d'amis  l'attendent.  En  route,  il 
ne  manque  pas  de  s'arrêter  à  Lyon  ;  là,  on  l'acclame,  comme 
on  acclamait  à  la  même  époque,  sur  une  aussi  importante 
scène,  un  autre  brave  Aixois,  Silvain,  surnommé  «  l'enfant 
gâté  des  Lyonnais  ^. 

En  tout  lieu  où  Ton  savait  goûter  les  grands  ouvrages  des 
maîtres  français  et  italiens,  Richelme  captivait  les  spectateurs 
par  son  jeu  achevé,  sa  magnifique  voix,  sa  diction  élégante  et 
sa  tenue  irréprochable. 

Mais,  nous  le  répétons,  —  étoile  filante,  ~  il  ne  fit  que  pas- 
ser dans  la  plupart  des  grandes  villes,  pour  venir  se  fixer  en 
quelque  sorte  dans  la  deuxième  de  France  ;  là,  du  moins,  il 
pouvait  trouver  une  situation  en  harmonie  avec  ses  goûts,  ses 
facultés,  ses  moyens  d'action. 

Terminons  ce  chapitre  préliminaire  des  pérégrinations  artis- 
tiques de  Richelme  par  une  anecdote  assez  curieuse  relative  au 
théâtre  d'Aix,  anecdote  que  nous  tenons  d'un  vieillard  toujours 
jeune  et  d'une  faconde  amusante.  * 


*  M.  Âlivon,  membre  fondateur  du  Cercle  musical. 


Au  lendemain  de  son  apparition  à  l'Opéra  Comique, 
ténor  débouni  se  trouvant  a  Versailles»  fui  accosté,  au  momenf 
où  il  descendait  de  voiture,  par  un  cuirassier  en  f;arnison  dans 
cette  ville,  tout  heureux  de  serrer  la  main  à  un  «t  pays  )»  a  peu 
près  de  son  â^e. 

Richelme,  interloqué  par  les  propos  flatteurs  du  vaillant  cavft* 
lier,  Aixoiscomme  lui,  feignit,  dit-on,  de  ne  pas  le  rcconnaîïie. 
ce  qui  aurait  froissé  passablement  Tenihousiasic  compatriote- 
Reconnaissant  son  erreur,  paraît-il,  l'artiste  se  serait  bien 
gardé,  par  la  suite,  de  donner  des  représentations  a  Aix,  dans 
la  crainte  d\ine  cabale  suscitée,  peut-être,  par  re\-cuirassier. 
—  un  bourgaden  de  cœur,  pouvons  nous  ajouter. 

l/un  de  ses  lils,  M.  X.  T.»  très  honorable  commerçant  du 
cours  Scxlius,  sait  bien,  comme  nous,  qu  aucune  crainte  de 
cette  nature  n*a  point  empêché  Richelme  de  venir  plusieurs  fois 
recueillir  à  Aix  force  bravos  et  couronnes,  tant  il  était  aime  àt 
ses  concitoyens. 

Malgré  tout,  le  facétieux  narrateur  de  ce  fait  incroyable  per- 
siste à  dire  —  il  n'est  pas  le  seul  —  que  l'artiste  si  aime  ai 
été  siftlé  ou  bien  ne  serait  jamais  venu  dans  notre  Capii 
Aqueh  tubo! 

Pour  le  bon  renom  Sextien 
Nous  aimons  n'en  croire  rien* 

IV 

Apogée  de  Richelmi:  au  Grand  Théâtre  de  Maksollc 
Concerts  spirituels. 

Le  savant  M   Alexis  Rostand,  dans  son  livré  $i  •mére^'^î'ï- 
si  documenté,  L'Arien  Province^  la  Musique  à  Ma* 
s'exprime  ainsi  : 

«  De  1821  à   1827,  tous  les  opéras  qui  furent  écrits  peiKUot 


—  709  — 
cette  période  brillante  étaient  représentés  à  Marseille  dès  qu'ils 
étaient  publiés.  Dans  les  tableaux  de  troupe  passent  les  noms 
de  Lafont,  Peronnet,  Richelme.  » 

Il  débuta,  le  29  octobre  i83i,  dans  la  Dame  Blanche,  par 
le  rôle  de  Georges  Brown  et  créa  sur  cette  scène  de  premier 
ordre,  la  même  année,  les  Deux  Nuits  ;  en  i832,  le  Comte 
Or\\  Fra  Diavolo,  le  Philtre,  Zampa  (qui,  entre  parenthèse, 
eut  un  succès  colossal),  puis  le  Dieu  et  la  Bayadère,  la  Dame 
du  Lac,  de  Rossini.  Voilà,  certes,  un  répertoire  de  début  qui 
promet.  On  l'entend  ensuite,  avec  une  faveur  de  plus  en  plus 
marquée,  dans  la  Fiancéey  Jean  de  Paris,  et  tant  d'autres 
opéras  qui  ont  joui  d'une  grande  vogue. 

Le  3  janvier  i832,  Richelme  se  distingua  dans  le  Comte  Ory, 
Parlant  de  cet  opéra  singulier,  qui  réussit  peu,  il  faut  l'avouer, 
dans  le  Messager  de  Marseille,  Fabrissy  (faisant  autorité  en 
matière  théâtrale),  dit  *  :  «  Je  m'explique  le  retard  qu'éprouve 
la  deuxième  représentation  du  Comte  Ory  par  le  mauvais 
résultat  de  la  première  ;  il  ne  faut  pas  le  dissimuler,  le  semi 
chef-d'œuvre  de  Rossini  a  succombé  sous  la  faiblesse  de  nos 
chanteurs,  exceptions  faites  pourtant  en  faveur  de  M"'  Folle- 
ville  et  de  M.  Richelme.  » 

Il  était  la  plupart  du  temps  admirablement  secondé  dans  ses 
autres  créations;  en  i833,  Robert  le  Diable,  son  plus  grand 
\v\omp\\Qy  ritalienne  à  Alger,  le  Pré  aux  Clercs,  Guillaume 
TelL  et,  en  1834,  le  Prisonnier  d'Edimbourg,  Marguerite 
d'Anjou,  Lestocq,  le  Revenant,  ouvrages  très  différents  de 
style  etwde  facture. 

On  assure  que  le  rôle  d'Arnold,  dans  Guillaume  Tell,  était 
écrit  trop  haut  pour  la  voix  de  Richelme  ;  elle  commençait 
d'ailleurs  à  faiblir,  surmenée  par  la  terrible  obligation  de  chan- 


*  N*  do  1 1  janvier. 


—  7'^  ~" 
ter  concurremment  l'opéra  comique  et  le  grand  opéra  ;  aurait-il 
été  sifflé  (d'aucuns  le  prétendent)  qu'il  n'y  aurait  rien  eu  d'ex- 
traordinaire ;  les  casse-cous  chantants  de  Robert  avaient  ébré- 
ché  ses  moyens  vocaux.  Dans  un  seul  mois,  il  dut  payer  jus- 
qu'à vingt-sept  fois  de  sa  personne  et  de  son  talent.  '  Voilà  ce 
qui  explique  cette  fin  prématurée. 

Avant  d'analyser  ce  rôle  si  difficile,  si  ingrat,  ouvrons  ici  une 
parenthèse  pour  noter  un  fait  qui  a  bien  son  prix. 

Le  «  Robert  »  si  réputé  touchait  jusqu'à  mille  francs  par 
représentation,  —  ce  qu'on  pourrait  appeler  de  nos  jours  des 
soirées  réclames,  —  en  même  temps  qu'  «Alice  >  avait  chaque 
soir  840  francs,  plus  40  francs  pour  accessoires.  Cela  nous  rap- 
pelle la  somme  fabuleuse  allouée  à  la  Malibran  à  cette  époque, 
chiflfre  incroyable  de  40.000  francs  pour  une  seule  représenta- 
tion ! 

Avant  le  lever  du  rideau,  Richelme  confiait  la  somme  ron- 
delette d'un  millier  de  francs  à  un  bon  Aixois,  son  ami  fidèle, 
M.  Nègre  :  «  Tè  pai  rejougne  acô,  vendras  tout  aro  >,  —  tiens, 
va  bien  renfermer  cet  argent,  après  tu  reviendras. 

Rien  d'étonnant  qu'un  pareil  surmenage  n'ait  brisé  tôt  les 
cordes  vocales  du  fort  ténor  :  jamais^  acteur  ne  fui  plus  labo- 
rieux. Il  concourut  en  outre  largement  aux  Concerts  spirituels 
de  l'église  Saint-Cannat,  où,  entre  autres  beaux  morceaux,  il 
chanta  l'air,  puis  le  duo  de  Masaniello,  celui  dM  rmide.  Zampa, 
Robin  lies  Rois. 

Mieux  qu'à  tout  autre  on  peut  appliquer  à  cet  artiste  le 
fameux  distique  de  Pcllegrin  : 

Le  malin  catholique  et  le  soir  idolâtre. 
Il  dîne  de  Tautcl  et  soupe  du  théâtre. 

Richelme  était  surtout  admirable  dans   Zampa,  d'Mérold. 
'  CxuviÈRt,  Op.  cit. 


~  711  — 

pièce  donnée  pour  la  première  fois,à  Marseille,  le  28  mars  i832. 
Il  y  parut  dans  le  rôle  principal  qui  fut  plus  d'une  fois  chanté 
par  des  barytons  ;  il  s'y  montra  parfait  comme  chanteur  et 
comme  comédien. 

L'artiste  touchait  à  l'apogée  de  son  talent  quand  il  affronta 
pour  la  première  fois  le  rôle  de  Robert  le  Diable.  Pour  le  fin  et 
gracieux  ténor,  bataillant  avec  une  partition  et  un  système 
musical  terriblement  nouveaux,  la  mémorable  soirée  du  16  jan- 
vier i833  fut  un  vrai  Marengo,  un  superbe  Austerlitz. 

Bénédit,  excellent  juge,  le  constatait  en  ces  termes  :  «  Non 
seulement  Richelmc  sortit  de  celte  épreuve  avec  honneur, 
mais  il  sut  imprimer  au  rôle  du  chevalier  normand  un  tel 
cachet,  que  l'œuvre  de  Meyerbeer  lui  dut  principalement  sa 
vogue  à  Marseille.  »  Elle  eut  i5o  représentations,  du  jour  de 
la  création  par  notre  fort  ténor  jusqu'à  son  décès,  arrivé  sitôt, 
hélas!  en  1845. 

Il  nous  faut  arrêter  un  moment  au  chef-d'œuvre  de  Meyer- 
beer, dont  l'interprétation  si  fréquente  fut  fatale  à  Richelme 
après  avoir  fait  sa  fortune  artistique;  ce  qui  fait  dire  vulgaire- 
ment qu'il  s'est  <<  crevé  »  en  chantant  ces  sublimes  pages.  Ici 
nous  laissons  la  parole  au  maître  Fortuné  Julien,  notre  vieil  et 
ami  : 

«  Le  rôle  de  Robert  est  écrit,  d'un  bout  à  l'autre,  dans  un 
diapason  très  élevé  ;  mais  le  morceau  le  plus  fatigant  pour  le 
ténor  et  qui  contient  les  notes  les  plus  hautes  est  certainement 
le  duo  du  troisième  acte,  entre  Robert  et  Bertram,  commen- 
çant par  ces  mots  :  «  Des  chevaliers  de  ma  patrie  >,  et  dans 
lequel  se  trouve  la  phrase  suivante  qui  est  chantée  deux  fois  : 


Èl^ii 


.jf-p.J-fz^. 


g,Egfe 


Slar  -  cboD^.  Marchooi.  Mar    cDods,      Je      ne  crain»  rien  dob,  aoo.    bob,  oob.     je  ne 


—  7*2  — 

"îTDans  Zampa,  le  rçle  du  ténor  comient  peu  de  noies  é!c 
et  c'est  pourquoi  on  le  fait  souvent  chanter  par  un  baryton  On 
y  trouve  pourtani  un  rc  b  aigu  au  duo  linal  du  troisième  acte: 
mais  cette  note  est  toujours  donnée  en  voix  de  léte. 


h^^=f~ 


Qu4nd     >t»UK    •    -    (lu  rer  tt-  tê  nu  * 

*Outreceduo,  les  morceaux  les  plus  importants  du  ix^tcsiom 
le  final  du  premier  acte  avec  les  couplets  :  «  Que  la  vague  êcu- 
manie  ».  et  Fair  du  deuxième  acte  commcn<;ant  par  «  Toi,  dont 
la  grâce  séduisante,  ^ 

l/heureux  chanteur  se  faisait  aimer  de  plus  en  plusp  à  prtu\x 
une  inoubliable  scène  de  désordre,  dont  parlent  encore  bien 
de  vieux  iMarseillais  et  de  vieux  Aixois  qui  en  furent  les 
témoins,.,  ou  acteurs  :  cette  scène  fut  motivée  par  Tabsence 
de  notre  compatriote. 

On  parle  encore  beaucoup  du  funesie  engagement  conlRictc 
par  Uichclmc  de  chanter  consécutivement  vingt  cl  quelques 
fois  le  rôle  meurtrier  de  ^  Robert  ^,  où  il  contracta  une  hernie 
du  poumon.  Lorsqu'il  eut  lermmé,  dit-on,  il  jeta  sur  les  plan- 
ches ce  qu'il  portait  avec  un  geste  de  satisfaction  indicible,  iA 
s'esquiva  en  sautant  dans  une  voiture  qui  rattendaîi  dcrrièn: 
la  salle.  Après  ce  coup  de  scène  inattendu,  radministrauoa 
aurait  eu  le  bon  goût  d  éviter  à  ce  fameux  Robert  les  co puis 
du  violon...  municipal. 

Harassé  par  tant  de  travail  et  d'émotions,  en  suite  de  certaio 
hcuri  dans  Guillaume  Tell,  Richclme  fut  à  Meu,  en  i836,  et 
reparut  enHn  à  Marseille  en  i83H.  «  On  put  constater*  dit 
encore  M,  Rostand,  qu'il  ne  pouvait  plus  aller.  Il  fut  nàin* 
moins  admis,  par  souvenir  de  sympathie»  mais  dut  résilier  a4_ 
mois  de  février  suivant.  ^ 


-7.3 


Représentation  a  Aix.  —  Parallèle  entre  Richelme,  Audran 
et  silvain.  —  rlchelme,  professeur  de  chant. 

Si  Richelme,  que  le  ciel  dota  magnifiquemeni  de  toutes  les 
qualités  d'artiste  et  de  citoyen,  était  chéri  des  Marseillais,  il  ne 
l'était  pas  moins  des  Aixois.  Malheureusement,  ils  ne  pouvaient 
l'entendre  que  fort  rarement,  au  contraire  de  son  compatriote 
et  contemporain  le  «  ténor  en  tous  genres  ^^  Silvain,  qui  avait 
contracté  un  engagement  sous  la  direction  Chapus,  privilégié 
pour  les  scènes  de  Marseille  eid'Aix  en  1822-1823  *. 

Les  habitués  de  notre  salle  de  spectacle  (oh  !  ceux-là  peu- 
vent être  qualifiés  d'anciens,  et  ils  sont  bien  rares)  disent  et 
redisent  que  lorsque  l'interprète  de  tant  de  chefs-d'œuvre  venait 
s'y  faire  applaudir,  on  faisait  queue  de  la  statue  du  roi  René 
à  la  porte  de  la  salle  de  l'Opéra  *. 

Au  gré  des  Aixois,  le  chanteur  si  chaleureusement  applaudi 
ne  venait  que  trop  peu  souvent,  disons-nous;  ce  qui  s'ex,pli- 
que  facilement  par  le  surmenage  de  Tartiste  dans  le  chef-lieu 
du  département,  où  se  produisaient  des  manifestations  de  mu- 
sique profane  et  religieuse,  dans  lesquelles  il  trouvait  un  dédom- 
magement assuré  pour  tant  de  travail  et  de  fatigue. 

Aussi,  c'est  environ  dix  ans  après  que  l'étoile  brillait  d  un  si 


'  Grâce  à  l'obligeance  da  fils  de  ce  ténor  très  connu,  le  félibre  Sikatn 
Feraud,  nous  avons  eu  sous  les  yeux  force  engagements  passés  dans  sa  lon- 
gue carrière,  parmi  lesquels  on  remarque  celui-ci  tout  local,  et  celui  con- 
tracté avec  Aug.  Nourrit  pour  le  théâtre  royal  français  d'Amsterdani  et 
de  La  Haye. 

*  Une  affiche  annonçant  une  représentation  de  Richelme  à  Aix  a  été 
retrouvée  par  M.  Hipp.  Guillibert  dans  les  papiers  de  Roux-Alphéran, 
mais  impossible  de  la  voir;  c'eût  été  un  documenta  faire  photographier. 


—  7^4  - 

vif  éclat  vers  la  Cannebière,  alors  que  Richelme  avait  fett  ses 
adieux  à  la  scène,  chez  nos  voisins  éprts  d'an  lyrique  et  dm* 
manque,  qu'il  vint  se  taire  eniendrc  au  public  atxois  pour  la 
dernière  fois. 

C*était  le  mardi  4  avril  1843»  dans  uo  concert  au  ihéàtre,  10 
bénéfice  des  sinii*trés  de  la  Guadeloupe.—  Les  meilleurs  iémot- 
gna^es  de  ccue  belle  soirée  arustiquc,  philanihropique»  nou» 
les  trouvons  dans  le  compte-rendu  qu'en  fait  ta  Prvpence. 
numéro  du  9  avril  suivant,  duquel  nous  reproduison:»  deux  00 
trois  alinéas  :  * 

«  Le  concen  donné  mardi  dernier,  dans  la  salle  du  thcàirç, 
en  faveur  des  victimes  de  la  Guadeloupe*  doit  faire  époque 
dans  la  ville  d*Ai\,  lani  par  l'éclat  de  la  réunion  brillante  qui 
fi*y  était  donné  rendez-vous  que  par  TefTet  immense  produtt 
par  les  artistes  qui  ont  concouru  à  cette  solennité  musicale. 

^  On  doit  des  remerciements  à  M.  Kichelme  pour  la  CQtn* 
plaisance  qu'il  a  mise  à  concourir  à  l'éclat  de  cette  soirée.  Il 
s  est  fait  entendre  dans  le  duo  de  Guillaume  Tell  ci  dao^ 
Tair  de  Zampa,  Dans  Tun  comme  dans  lautrc  morceau,  il  « 
constamment  captivé  latienitûn  des  auditeurs, 

«  On  reconnaissait  la  bonne  école  et  les  traditions  des  artis- 
tes supérieurs  dans  cette  manière  de  poser  sa  voix,  d'^irticukr 
le  récitatif,  de  ménager  les  transitions  de  la  voix  de  poitrine  i 
la  voix  de  tête*  en  tin  dans  l'observa  t  ion  exacte  des  moin^^^ 
détails.  Aussi  la  foule  a-t*elle  fait  comprendre  à  M.  Riciii  : 
par  ses  applaudissements  souvent  réiiéréSi  tout  le  plaisir  qu'elle 
avait  à  rentendre.  )» 


*  Ce  compte-rendu,  sssex  long  feotlleton,  n'est  pa»  »igné  ;  mi^  il  7  a 
tout  heu  de  croire  qu'il  es'  dû  «1  la  plume  de  J.  B.  Gaut«  très  a»sido  m 

ri^prësentaUons  tb^Mrales  et  ami  de    Ricbeime,  Sylvain  S«j<it  Eiitiint. 
Félicien  tiavid. 


-7.5-    . 

Ce  soir-là.  l'illustre  chanteur,  atteint  d'un  mal  qui  le  minait, 
achevait  —  en  scène  —  sa  carrière,  plus  tôt  que  de  coutume, 
et  faisait  ses  adieux  d'artiste  aux  concitoyens  qui  l*aimaient  et 
l'admiraient. 

Il  en  était  de  même,  vingt  ans  plus  tard,  pour  un  autre  chan- 
teur célèbre,  Marius  Audran,  qui  ne  fut  pas  si  tôt  trahi  par 
son  état  de  santé.  Rappelons  ici  Téclatani  démenti  qu'il  donna 
à  la  parole  de  Cherubini,  lui  disant  qu'Une  ferait  jamais  rien. 
Après  avoir  passé  de  longues  années  à  TOpéra  Comique,  il  vint 
chanter  à  Aix  la  Dame  Blanche,  l'un  de  ses  triomphes,  comme 
Richelme  fit  au  concert  dont  nous  parlons  dans  un  de  ses 
triomphes,  Zampa.  ^ 

Tous  les  deux  firent  ainsi  leurs  adieux  aux  concitoyens  en- 
thousiasmés. 

A  partir  de  ce  moment,  l'un  et  Tautrc  de  ces  Aixois  renom- 
més s'occupèrent  de  l'enseignement  du  chant,  d'après  les  mé- 
thodes des  meilleurs  maîtres  français  et  étrangers.  Quelle 
aubaine  pour  les  Marseillais  d'avoir  à  leur  succursale  du  Con- 
servatoire un  professeur  tel  qu'Audran  !  La  bonne  chance 
qu'avaient  aussi  les  Aixois  ou  Cacalians,  *  si  enclins  pour  l'art 
de  chanter,  de  pouvoir  prendre  des  leçons  de  Richelme,  lui 
qui  rêvait  d'établir  une  École  de  Musique  dans  sa  ville  natale  ! 

Le  magnifique  professeur  avait  alors  un  appartement  rue 
Villevertc,  n"  26,  et  ses  voisins  étaient  toujours  ravis  de  l'en- 
tendre. ^ 

QuanLau  professoral,  succédant  à  la  carrière  théâtrale,  il  n'en 
fut  pas  de  même  de  Silvain  qui,  lui  aussi,  appartenait  à  une 


*  Le  sarnom  provençal  des  habitants  d'Aix,  Cacalian,  confirme  exacte- 
ment ce  que  nous  écrivons  :  il  dérive  du  verbe  cacale/a,  cacalia^  dit  Mis- 
tral, caqueter,  causer  joyeusement. 

<  M.  Gondran,  qui  occupait  le  n"  24,  avait  fait  une  photographie  de  Tei- 
ténor.  dont  M.  Héraud  a  offert  un  bel  agrandissement  au  Museon  Sestian. 


famille  de  travailleurs  de  noire  ville.  «^  Sans  avoir  rorganei 
bien  timbré  et  le  jeu  achevé  de  Richelme,  ou  le  goût  ei  la  di$» 
iinciion  d'Audran,  SihMin  s'était  fait  applaudir  par  sa  voix 
agréable  et  souple,  étendue,  son  chant  bien  phrasé  et  son  action 
méridionale.  * 


F 


I  de  Richclr 


art  si  goûté  de 


*  rere  lomeau  de  Kicncime  dans  un  art  si  gooie  ae  nos 
lations,  le  ténor  Silvain  soulevait  constamment  ausst  les  bra* 
vos  du  public  fasciné.  Comme  lauirc,  homme  de  très  bonne 
conduite»  il  avait  su  amasser  quelque  fortune  ;  malheureuse^ 
ment,  un  banquier  de  Gand  lui  avait  fait  disparaître  une  cen- 
taine de  mille  francs  et  certain  agent  d'affaires  de  notre  pavi 
avait  presque  achevé  de  le  ruiner  au  déclin  de  la  vie, 

Richelme  n*a  pas  eu  ces  déboires  et  son  château  a  pu  ètrt 
transmis  à  la  ville,  avec  le  dessein  d'y  établir  un  musée  essen- 
tiellcmcni  local. 

Ce  parallèle  de  Richelme,  d'Audran  et  de  Silvain  est  on  ne 
peut  plus  édifiant  au  point  de  vue  artistique  et  moral,  et  pour 
ne  parler  que  des  ténors»  dont  A'\x  semble  avoir  eu  le  mono- 
pole, vers  le  milieu  du  siècle  dernier,  —  ce  qui  a  été  parfaitc- 
meni  constaté,  —  nous  pourrions  non  pas  nous  borner  a 
applaudir  ce  beau  trio  d'enfants  chéris  des  Muses,  mais 
dun  septuor  d'Aixois. 

Nous  saisissons  celte  occasion  que  nous  offre  le  p^^      ' 

Richelme-Audran-Silvain  pour  rappeler  les  noms  dWr^ 

Jubclin.  '  Nègre.  Guiot,  chanteurs  couverts  de   bravos   qui 


*  Le  Mémorial,  if»  juillet  1H71,  Nécrologie. 

■  Le  ic^nor  Jubclin  vreni  de  décéder  à  un  âge  avancé,  Sa  «11$ .  irs  bes* 
rcua  condisciples,  MM.  Ncgre  et  Guiot,  se  reposeni  sur  Icun  Uoiiefl 
cnue  Touïoubre  et  Lar.  Jubelin*  élève  du  Conservatoire  de  Parti,  ««»» 
professt:  le  chant  à  rÉcole  Nationale  d*Ari.  Nous  avons  consaci^  nM 
anicte  nécrolo>^iqtic  à  «  l'ar  Uste  Ju  bel  in  *  dam   le   SatiQtmt   «i5  iTnl 


-  7»7  — 
reteniissent  encore  à  nos  oreilles  ei  dont  toutes  les  feuilles 
locales  enregistrent  les  éclatants  succès. 

On  l'a  bien  dit,  oui,  Aix  a  le  monopole  des  ténors,  grâce  au 
goût  inné  des  Sextiens  pour  Tart,  et  grâce  à  ses  deux  bonnes 
écoles  de  musique  :  la  Maîtrise  et  le  Conservatoire  ou  École 
Nationale  que  Richelme  le  beau  premier  a  eu  la  généreuse 
pensée  de  fonder. 

Livre  II.  —  Le  Citoyen. 

VI 

Loi*  Castèu  dôv  Diable,  ou  villa  Richelme 
«  MiSEON  Sestian  ». 

On  reconnaît  bientôt  le  bon  citoyen  qu'était  le  fort  ténor 
Richelme  par  son  amour  égal  du  travail  et  de  l'art,  de  la  fa- 
mille et  de  la  patrie.  Cette  seconde  partie  de  la  vie  de  l'infati- 
gable travailleur  va  nous  le  montrer  sous  un  nouvel  aspect. 
S'il  avait  un  défaut,  c'est  assurément  Vauri sacra  famés  dont 
parle  le  poète,  ambition  légitime  qui  causa  si  tôt  sa  perte, 
malheureusement. 

Au  lendemain  de  son  apparition  à  TOpéra  Comique,  c'est-à- 
dire  au  commencement  de  ses  représentations  à  Marseille, 
l'artiste  achetait,  en  1 832,  de  M"*  Guibert,  née  Mitre,  le  do- 
maine dit  Castèu  dôu  Diable,  appelé  aussi  Château  Martelly, 
nom  d'un  bénéficier  de  Saint-Sauveur.  *  Le  tènement  était 


*  Un  peu  au  sud-ouest  dudtt  quartier  se  trouve  celui  du  Gourg-de-Mar* 
lelly.  Les  armes  du  chanoine  Martelly  qui  figurent  au-dessus  de  la  porte 
d'entrée  (côté  nord},  sont  «  d'or,  à  une  fasce  d'azur  accompagnée  en  chef 
d'une  tête  et  col  de  vache,  de  gueules,  posée  en  profil  »  {Noblesse  de  Pro* 
vence,  Reynier  de  Briançon).  La  famille  Martelly,  originaire  de  Pertuis, 
compte  plusieurs  consuls  ;  le  i*',  en  i53i,  fut  ennobli  en  1637. 


alors  de  418  ares,  '  et   Richelme  paya  celte  villa  24.000  francs 
Elle  est  située  au  terroir  d'Aix,  quartier  du  Pigonet. 

Le  château  Marielly  avait  appartenu  précédemmenl  au  pro- 
fesseur de  la  Faculté  de  Droit.  M.  Bouieîlle.  aïeul  de  I1ion0- 
rable  doyen  do  barreau  d'Aix  ;  il  Tavaii  vendu  à  M*"*  Guil: 
le  8  septembre  1H17. 

Nous  ne  croyons  pas  devoir  remonter  au-delà  du  siècle  dcr* 
nier  pour  faire  rhisiorrquc  complet  de  la  villa  Richelme,  vÛla 
qui  marquera  dans  les  fastes  de  Thistoire  locale  en  conservant 
un  nom  qui  nousestcher,  — comme  le  jardin  Ramboi  iransraci 
à  la  postérité  un  nom  d'académicien,  de  philanthrope  a ixoiî». 

L'artiste  se  délassait  dans  son  château,  où.  superbe,  il  avati 
installé  les  siens,  son  vieux  père,  * 

Heureux,  trois  fois  heureux  d'un  enfant  tel  que  lui. 

Il  y  faisait  de  la  musique,  de  la  «t  floriculture  »,  avec  délices, 
et  conviait  ses  amîs,  la  famille  N^gre  principalement,  à  par 
f,'er  son  bonheur.  —  arrivé  presque  au  comble  avani  Vi^i 
trente  ans, 

Richelme,  très  enjoué,  chantant,  jardinant,  se  plaisail  AJcha^ 
ger  de  fruits  confits  les  arbustes  qu'il  plantait  dans  son  éJeo,— 
délassement  poétique  ;  —  il  invitait  ses  visiteurs  à  cueillir  pni* 
nés.  cerises,  abricots  dans  les  plantations  qui  subsistent  encore 
en  partie  C'est  ainsi  qu'il  disait  un  jour  à  la  jeune  fille  de 
Tami  Nègre  «elle  nous  a  rapporté  laimablc  propos)  :  d^' 
poulido,  aqueh  boueno  frucho  (prends  ce  bon  fruit  gcniuic 
fillette). 

Ah  l  quel  plaisir  d'être  soldât  1... 

chanté  avec  iantdebrio«  de  gaîté,  dans  la  Dame  Blancht^^ 


•  Par  acte  M'  Beratid,  transcrit  le  4  mai  t83a,  vol*  asa,  ti«  3;. 
'  n  avait  déjà  perdu  sa  mère,  nous  en  reparteroniî  plus  loin. 


—  719  — 
iransformaii  pour  notre  Georges  Brown  en  celui  de  jardinier 
improvisé.  Mais,  ainsi  qu'on  va  le  voir,  TArt  favori  ne  perdait 
pas  SCS  droits,  dans  ce  jardin  d'Armide  en  miniature. 

C'était  un  peu  après  1840,  alors  que  M.  Amaud-Brunet  était 
4c  privilégié  >  pour  le  théâtre  d'Aix.  Ce  directeur  habile,  qui 
était  en  même  temps  un  excellent  artiste,  chantant  aussi  bien 
les  rôles  de  baryton  que  ceux  de  ténor,  se  trouvant  un  jour 
embarrassé  pour  un  ouvrage  lyrique,  se  fit  accompagner  par 
son  pensionnaire  le  barvton  Feraud,  —  fort  applaudi  de  ses 
concitoyens,  —  comme  Test  à  l'heure  actuelle  Berone,  un 
autre  Aixois,  au  théâtre  de  Montpellier. 

Dès  qu'ils  franchissent  le  portail  de  la  villa,  les  deux  bons 
chanteurs  voient  un  homme  occupé  dans  l'enclos,  et,  l'appro- 
chant, lui  adressent  la  parole  : 

—  Brave  jardinier,  y  aurait-il  possibilité  d'entretenir  un  mo- 
ment l'artiste  M.  Richelme? 

—  Rien  de  plus  facile,  répond  celui-ci  (c'était  en  effet  lui- 
même,  non  reconnu  sous  le  sarrau  du  travailleur);  veuillez  en- 
trer au  château.  Messieurs. 

Ils  entrent,  les  deux  visiteurs,  par  la  porte  du  milieu,  et  le 
faux  jardinier  par  une  porte  d'à-côté  ;  prenant  vite  un  autre 
surtout,  un  autre  couvre-chef,  bientôt  il  se  présente  à  eux. 

Alors  notre  imprésario,  —  combien  de  bons  souvenirs  il  a 
laissés  à  Aix  !  —  prie  le  châtelain  de  lui  donner  l'interpréta- 
tion de  telle  scène,  telle  phrase  musicale  d'un  opéra,  Zampa, 
nouveauté  pour  son  public  assidu. 

Richelme  se  mettant  immédiatementau  piano,  invite  Arnaud- 
Brunet  à  chanter.  Dès  les  premières  mesures,  le  maître  dans 
l'art  du  chant  l'interrompt  : 

—  Ce  n'est  pas  ça  !  ce  n'est  pas  ça  ! 

Et  il  dit,  lui,  le  morceau  avec  tant  de  virtuosité,  comme  on 
sait,  que  les  deux  visiteurs  prirent  congé  de  Tex-artiste,  aussi 
ravis  de  son  talent  que  de  sa  courtoisie. 


On  Ta  souvent  remarqué,  autant  Richelme  savait  avoir. €ii| 
scènet  des  allures  de  gentilhomme,  autant   il  ctaîi  plein  d< 
bonhomie,  au  dehors,   avec  ceux  qui  rabordaient  ou  se  trc 
valent  en  contact  avec  ce  parvenu  si  honnête. 

C'est  ainsi  qu'entre  ce  vertueux  citoyen  et  ses  fermiers  les  1 
rapports  dalfaires  étaient  des  plus  agréables  L'un  d  eux.  MixU  j 
Reynier,  dont  la  tille  avait  épousé  le  «  félibre  de  la   Queîné». 
Bonfillon,  nous  a  raconté  comment  il  avait  passé  d'heureui^j 
années  dans  cette  propriété  du  Château  du  Diable,  qualîricatif  I 
démodé  :  es  un  bouçn  bén.  la  crcmo  dei  bèn  (c'est  une  bonne 
terre,  ce  qu*il   y  a  de   mieux),  disait-il.  tant  il  se  réjouissiit 
d'avoir  irailéavec  un  si  charmant  homme  pour  sa  métairie  de] 
choix»  * 

Ouvrons  ici  une  parenthèse  pour  dire  que  le  tènemeni  du  ' 
domaine,  à  lepoquede  la  vente  à  Richelme»  était  de  418  axes; 
il  est  aujourd'hui  de  7  hectares  environ,  d*après  le  lestament 
de  la  nièce.  M"*  Millault,  qui  l'a  lé^ué  à  la  Ville.  *  Ce  damaioe 
a  été  successivement  agrandi  parles  propriétaires  succédant  as 
chanoine  Martelly  ;  un  descendant  sans  doute  de  l'assesseur 
d'Aix  du  même  nom.  qui  se  dévoua  pendant  la  pesie  de  1639,  I 
lisons-nous  dans  le  bel  ouvrage  Notre-Dame  de  la  Seds^  parle 
chanoine  Marbot. 

Quant  à  lappcllaiion  vulgaire  de  Castèu  dùu  DiaMe,  il  nt  ' 
s*agit  ici  ni  de  contes  de  revenants,  ni  de  faux-monnayeyfs. 
Le  nom  de  Castèu  dùu  Diable  fCasiellum  Diabolij,  donné  pif 
le  peuple,  n'est  autre  chose  que  Taltération  de  Castntm  dupbsÊk 


^  Dtns  Jes  environs  d*Aix*  terroir  du  Tbolonet«  est  an  «aife  «  Ctilmt 

du  Diable  **dûau  bon  peintre  Cécanc,  —  ce  qui  induit  en  tftear,  fÊt- 
lois,  quelques  personnes,   confondant  1a   propriété  de   ('un  ef  de  risUt 
artiste. 
*  kfjx  minutes  de  M'  MouravitiM  mai  iqoil 


—  721  — 

en  français  Château-Double,  ainsi  que  Tatiesie  le  plus  grand 
des  Provençaux.  ' 

C'est  un  bâtiment  en  très  bon  état,  aux  portes  d*Aix,  par  l'ou- 
verture prochaine  d'un  boulevard  faisant  suite  à  la  promenade 
de  la  Rotonde  ;  ce  boulevard  évitera  les  dangers  qu'offrent 
journellement  les  rails  du  P.-L.-M.,  au  passage  à  niveau  du 
Petit-Barthélémy,  pour  les  deux  cents  ouvriers  de  la  fabrique 
d'Allumettes  et  les  nombreux  passants  des  quartiers  voisins. 
Ce  sera,  de  plus,  un  embellissement  de  nos  environs,  à  très 
peu  de  frais,  —  avec  l'attraction  du  Museon  Sestian,  —  sans 
compter  qu'il  est  aussi  question  d'établir  l'hippodrome  sur  les 
terrains  du  domaine  Richelme,  avec  Musée  Hippique,  —  une 
attraction  de  plus. 

Cette  belle  voie  d'accès  partira  de  la  grande  porte  de  l'Asile 
du  Mont-Perrin,  à  la  Petite-Rotonde,  prendra  une  partie  du 
mur  dudit  établissement  pour  aboutir  au  centre  de  la  Ma- 
nufacture Nationale,  dont  l'agrandissement  va  étendre  les 
constructions  jusqu'aux  murs  de  l'enclos  Richelme.  * 

Et  là  où  l'artiste  avait  fait  une  espèce  de  Musée  (au  i*'  étage, 
dans  la  pièce  du  milieu  (7  mètres  sur  10)  donnant  sur  le  bal- 
con, on  y  admirait  sa  riche  garde-robe  et  accessoires,  ainsi  que 
de  magnifiques  palmes,  couronnes  et  partitions),  dans  les  ga- 
leries de  cet  autre  château  Borély  en  miniature,  là,  parles  libé- 
ralités posthumes  et  selon  le  vœu  exprimé  parla  donatrice,  — 
nous  ne  voudrions,  grand  Dieu  !  porter  aucune  atteinte  aux 
droits  des  héritiers, —  on  installera  un  musée  essentiellement 


*  V.  Trésor,  àt  Mistral.  Des  deux  vocables  :  pas  de  iancie  (anxiété) 
n'a-i-on  pas  faitPas-des-Lanciers? 

*  Sar  notre  prière,  Tagent-voycr  M.  Roure  s'est  empressé  de  dresser  an 
plan,  sur  petite  échelle,  de  cette  belle  voie  d'accès.  Nos  grands  mercis.  Ce 
plan  a  été  exposé  dans  la  salle  des  dépêches  du  Mémorial  cTAix,  ainsi 
que  le  portrait  du  ténor  Richelme  et  une  vue  de  sa  villa. 

COMORCS.  -   46. 


72a 


MuseùffSëSïïan,  à  rinsiar  deccuxde  Limoges^  Naii€?t 
Pau,  etc. 

Le  député  Enguerrand  déposait  un  projet  de  loi,  il  y  a  peu  Je 
temps»  pour  la  création  de  m  usées  de  ce  genre  dan  s  les  principaux 
centres  :  l'antique  et  noble  cite  de  Sextius  n*est-elle  pas  toute 
designée  pour  cela  ?  Répondant  à  l'appel  du  comité,  collectioci- 
neurs»  artistes,  littérateurs,  voudront  contribuer,  nouscn  avons 
la  conviction  (d'aucuns  Font  déjà  fait), à  enrichir  ces  collectioiis 
spéciales  du  Toui-Aix  ancien  et  moderne,  y  compris  les  envi- 
rons, depuis  les  Saliens  jusqu'à  nos  jours  :  pièces  et  reproduc- 
tions de  monuments,  de  choses  rares  et  curieuses  du  pay$f 
morceaux  de  sculpture,  peinture,  littérature  particuliers  à  ^\ix 
et  à  la  région. 

Combien  de  doubles,  d'objets  de  valeur  qui  encombrent  îiÔÏ 
vastes  dépôts  publics,  sont  relégués  ou  souffrent  faute  d*c$* 
pace  ?  Les  ressources  ne  manquent  pas,  sur  ce  sol  fécond*  Ht 
vient-on  pas  de  créer,  sur  remplacement  de  la  bataille  d'Aix* 
à  Trets,  dans  la  maison  commune,  un  petit  Musée  hisiofi* 
que  ?  Il  y  a  cinq  ans,  publiant  une  brochure,  les  Batnt  Scx* 
/fwjf/  nous  formulions  le  vœu,  en  parlant  de  la  propnélc  Ri» 
chelme»  dernièrement  léguée  à  la  Ville,  qu'on  y  groupe  le  plus 
possible  de  souvenirs  du  pays. 

En  attendant  Tinstallation,  dans  ses  salles,  de  collections 
offrant  tant  d'intérêt  par  leur  spécialité  tout  aixoise,  cU«  se- 
ront déposées  à  rétablissement  thermal,  M.  Cailorini  s'oi 
empressé  de  mettre  une  pièce  du  grand  hôtel  à  la  disposition 
d'un  comité  provisoire,  dont  M.  le  D'  Garcin  est  l'âme.  Nou« 
sommes  heureux  d'ajouter  que  le  premier  magistrat  de  la  cité, 


'  A  ToccAsion  de  t'eiposition  organisée  dans  le  vaste  p^rCf  0<^  te  V9«* 
vatt  une  viirine contenant  tous  les  ouvrages  sur  nos  eaui,  ~  préiiét  pif  k 
biol(Ophfcle  \*.  Arbiud. 


—  7^3  — 

d'accord  avec  bien  des  membres  influents  du  Conseil,  a  ap- 
prouvé avec  enthousiasme  le  projet  qui  lui  était  soumis;  par- 
lant de  la  charmante  villa  :  «  En  voilà  les  clefs  »,  nous  disait 
M.  Cabassol,  ce  Provençal  de  race. 

Notre  confrère  de  l'Académie,  —  Tartisie-peintre  Villevieille 
-  a  bien  voulu  nous  donner  une  très  jolie  vue  de  la  façade  nord 
du  Château.  —  dessin  d'une  finesse  exquise,  d'une  exactitude 
rigoureuse.  Ajoutons,  tout  reconnaissant,  que  le  projet  patrio- 
tique d'une  Pinacothèque  Aixoise  à  la  villa  Richelme  a  eu  une 
bonne  presse. 

Eh  !  ne  pouvons-nous  pas,  à  peu  de  frais,  compter  à  Aix  un 
troisième  Musée,  alors  que  Marseille  en  possède  sept,*  y  com- 
pris le  populaire  Cremascle  !  Cela  n'est  nullement  une  imita- 
tion du  Museon  Arlaten,  ou  Panthéon  Provençal,  comme  se 
plaît  à  rappeler  parfois  son  illustre  fondateur;  celui-là  est, 
dans  le  sens  le  plus  large  du  mot,  Ethnographique,  tandis  que 
le  Sesiian  est  surtout  Aixois-Provençal. 

Oui,  grâce  à  la  libéralité  posthume  de  M—  xMillault,  •  nous 
l'avons  à  si  bon  compte,  celui  qui  perpétue  la  mémoire  d'un 
célèbre  enfant  du  peuple,  bon  artiste,  bon  citoyen,  que  nous 
serions  vraiment  coupables  de  ne  pas  fonder  à  la  Villa  Richelme 
le  Museon  Sestian  \ 


*  Beaux-Arts,  Histoire  naturelle.  Archéologie,  Numismatique,  Musées  de 
Pèche,  des  Colonies,  d'Anatomîe,  ces  deux  derniers  au  Pharo.  Nous  pour- 
rions ajouter  le  \fuseon  Estrumentau  de  Prouvènço Aondé  par  M.  de  I.om- 
bardon-Montezan. 

*  Veuve,  sans  entant,  d'un  officier  d'administration.  Une  trentaine  de 
comptables  furent  installés  à  Aix,  après  la  guerre  de  Crimée,  et  plusieurs 
s'éprirent  d'amour  pour  nos  Sexticnnes. 

'  A  l'heure  où  nous  mettons  sous  presse,  et  depuis  la  visite  d'an  bien- 
faiteur de  la  cité,  M.  Pécoul,  un  comité  s'est  formé  et  travaille  avec  pa- 
triotisme à  établir  ce  musée  historique  aixois,  à  l'instar  du  Carnavalet, 
du  CremasclCy  du  Museon  Arlattn. 

Ce   comité  est  ainsi  composé   :  président,  M.   Louis  Gautier,  artiste- 


n 


724 


VII 


Mariage  de  l  ex-ténor  a  Lansargues,  près  de  Montpellier. 
Mort  de  Richelme  a  Nîmes.  —  Sa  famille. 

Richelme,  qui,  sans  imiter  Fernand  dans  la  Favorite^ 
n'avait  point  fait  le  vœu  de  rester  célibataire,  comprenait  bien, 
ayant  atteint  la  quarantaine,  qu'il  ne  devait  pas  tarder  davan- 
tage à  se  marier  et  chercher  une  légitime  compagne  pour  parta- 
ger son  bonheur  et  aussi  les  peines  de  la  vie. 

Il  n*en  était  pas  exempt,  Tex-artiste,  depuis  le  jour  maudit 
où  il  contracta,  sur  la  scène  de  Marseille,  en  chantant  si  sou- 
vent Robert,  un  mal  qui  ne  lui  pardonnerait  pas.  S'il  songeait 
au  mariage,  peut-être  caressait-il  le  secret  espoir  de  guérir 
d'une  hernie  de  poumon  occasionnée  par  le  trop  fameux  en- 
gagement de  jouer  dans  une  trentaine  de  représentations  suc- 
cessives l'opéra  redouté  des  forts  ténors,  où  il  s'épuisa  ;  —  ne 
répétons  pas  ici  le  mot  d'une  vulgarité  sans  égale. 

Avant  de  se  décider  pour  un  projet  matrimonial,  Richelme, 
espérant  vaincre  le  terrible  mal,  va  à  Montpellier  consulter  les 
lumières  de  la  Faculté.  11  s'installe  chez  une  dame  Mira,  * 
maîtresse  de  pension,  et  fréquente  l'établissement  de  bains 


peintre;  vice-présidents,  M.  Dobler,  président  de  la  Société  des  AmU 
des  Arts,  et  M.  Roman,  cabiscôu  de  l'Escolo  de  Lar  ;  secrétaire,  M.  Bi- 
cheron,  du  Félibrige  ;  trésorier,  M.  Ducros,  artiste-peintre  ;  conseillers» 
MM.  Alphonse  d'Estienne,  le  professeur  Faudrin,  le  D'  Garcin  et  Tautenr 
de  ces  pages. 

Terminons  en  disant  que  M.  Dobler  a  spontanément  offert  un  local,  aa 
Pavillon  Vendâme,  où  sont  déjà  déposés  maints  objets  offerts  au  Muséon . 

•  Rue  Couvert,  1 . 


—  7^5  — 
tenu  par  M.  Dumoulin,  personnes  qui  eurent  xjltj^  frès grande 
influence  sur  la  destinée  du  malade  veau    dL^Ai^c-ea-Provence- 

Tout  d  abord,  pour  ces  personnes-là^   ce   n'est  pas  tant 
cure  prompte  de  TAixois  qui  les  préoccupe  que  son  protnp 
établissement  dans  une  nouvelle  famille.  A  cet  effet,  cotnp 
nant  ses  velléités  de  se  mettre  en  ménage,   les  deux  ictï^ 
Dumoulin  et  Mira  s'y  emploient  si  bien  que,  sans  pera 
temps,  elles  ébauchent  un  projet  d'union  entre  Rlcheitne  e 
fille  d'un  médecin. 

Ah  !  la  bonne  fortune  pour  le  consultant:  herniaire  d'avoir 
dans  sa  maison  un  disciple  d'Esculape!  Il  va  sortir  de  tous  les 
maux,  et  l'amour  comblera  ses  vœux.  Le  voilà  fiance  a  Made- 
moiselle Antoinette-Marie-Agnès-Raymoncle-F'^''"^"de  Bona- 
maison,  future  ayant  demi-douzaine  de  prénoms,  comme  une 
princesse  (ce  qui  est  un  peu  théâtral,  pour  notre  «  comte 
Ory  >►  dans  ses  débuts).  Le  père,  originaire  des  F^y renées,  exer- 
çait la  médecine  à  Lansargues  et  s'y  était  fixé  depuis  quelque 
vingt  ans. 

En  attendant  la  guérison  du  mal  pour  lacitaelle  Richelme 
était  allé  à  Montpellier,  il  se  marie  dans  Tarrondissemem,  le 
26  novembre  1844;  au  lieu  de  hâter  le  rétablissement  du  vail- 
lant Provençal,  son  union  avec  une  jeune  et  sémi  ante  Lan- 
guedocienne ne  fait  que  précipiter  un  dénouern^*^^   ^  ^*- 

Parmi  les  témoins  de  ce  mariage,  on  rem^t-<5^^  ^  pere  de 
notre  éminent  ami  le  baron  de  Tourtoulon,  do^^^  *^  ^  ateau  de 
Vallergues  était  près  de  la  demeure  des  Bonarnaison,  et  se 
trouvaient  en  très  bons  rapports  de  voisinage.  yVtis  ,  combien 
de  notes  exactes  ne  devons-nous  pas  au  fondateur  ^  ^  Société 
des  Langues  Romanes  sur  le  mariage  de  Richelï*^^  • 


'  Témoins  à  la  mairie:  Pierre  Bertrand,  banquier  à  Montpellier;  Jean- 
Pierre  Marquez,  receTeur-baraliste  ;  Jean  Roasserain,  s«^^  *■»  André 
Serières,  les  trois  dernieis  domiciliés^à  Lansargues. 


726   - 

En  se  mariant,  Richelme  croyait-il  à  la  probabihu 
progéniture?  11  avait  un  frère  aîné,  Marius,  peseur  public. 
mort  beaucoup  plus  tard  que  lui,  qui  avait  perdu  un  Bis»  Gus* 
lave,  âgé  de  20  ans,  des  suites  d*une  chute  de  chc%'âU  et  une 
fille,  la  généreuse  Sexticnne  qui  devint  M^"  Millault.  L*cx- 
artiste  avait  aussi  une  sœur,  iM"'*  Raymond»  morte  dcrnicre- 
ment. 

Ces  divers  membres  de  la  famille  avaient  habité  le  cKâteau 
en  compaï^nie  du  père  Richelme.  qui  y  a  fini  ses  jours,  comme 
sa  peiitc-fille,  la  bienfaitrice  de  la  Ville.  La  mère  n*en  avait 
point  joui,  étant  morte  dans  la  maison  paternelle  du  ténor,  rue 
du  Bœuf,  —  de  la  peur  qu'elle  éprouva, disent  les  voisins,  d'une 
terrible  épidémie  de  choléra,  en  i385. 

M""*  Richelme  (de  Lansargues)  avait  deux  frères,  mcdccms 
comme  le  chef  de  la  famille;  Tun  d'eux,  le  D'  Bonamaison- 
Masson,  dirigeait  ces  temps  derniers  rétablisscmeni  hydroihc- 
rapiquc  de  Saint-Didier  (Vaucluse), 

I.a  veuve  Richelme,  qui  n'a  j»uère  passé  que  deux  mois  avec 
son  mari,  est  morte,  n*ayani  jamais  eu  d*enfanis.  environ  cin- 
quante ans  après,  le  10  février  1892.  Très  peu  de  jours  avant  î»a 
mort,  l'artiste  légua  à  sa  femme  une  rente  viagère  qui  fut  con- 
vertie en  un  capital  de  3o  à  40.000  francs,  par  suite  d'un  accord 
entre  M"*'  Richelme  et  les  héritiers  de  son  mari. 

Aussitôt  après  son  veuvage,  elle  alla  habiter  Linsargues. 
Avec  la  somme  dont  il  vient  d'être  parlé,  elle  acheta  un  enclos 
d*envîron  quatre  hectares  (môme  contenance  que  le  fameux 
Château  du  Diable),  où  elle  fil  construire  une  maison  qu'elle 
habita  jusqu  a  sa  mort,  —  maison  qu  elle  avait  eu  la  pensée 
reconnaissante  d'appeler  éj^alcment  Villa  Hichelme,  De  cette 
façon,  il  y  en  eut  deux  consacrant  un  nom  aimé,  celle  de  U 
Provence  et  celle  du  Languedoc. 

lisons  que  les  branc 


>mplei  le  plus  possit 


—  727  — 
RichelmcdeSaint-Maximin  etd'Éguilles,    cJe  tn^tiJC  que  celles 
subsistant  à  La  Combe,  *  ont  laissé  des  rejetons  dans  le  Var, 
ainsi  qu'à  Aix  et  dans  les  environs,  gens  non   voués  à  Vart  que 
nous  sachions.  < 

Mais  nous  avons  connu  à  Marseille,  il  y  a  quarante  ans,  un 
luthier  qui  avait  acquis  de  la  réputation  par  ses  violons,  a  los, 
basses,  type  Richclme,  —  violons  dont  le   prix   variait    entre 
1 5o  et  1 .000  francs,  selon  les  fioritures  orna  n  t  la  caisse  ae    ins- 
trument. M-  Demonucy,  veuve  du  membre  cie  Vlnstitut,  qui 
honorait  souvent  l'Académie  d'Aix  de  sa  présence,  possède  un 
de  ces  violoncelles  richement  sculpté,  et  le     regretté   Charles 
Pourcel  dirigeait  l'orchestre  avec  un  violon   F^ichelme,  ressem- 
blant à  la  viole;  il  en  louait  la  sonorité  et  la   doviceur,  comme 
le  rénovateur  marseillais. 

Celui-ci,   mort  naguère,  a  publié  livre  et:    brochure  sur  la 
Lutherie  et  le  Violon  ;  '  il  était  fier,  à  bon  d  roi  t  •    de  sa  parenté 
avec  le  ténor  aixois.  Combien  de  gens  aiment:    a  se  quaJîfiçj. 
cousins  de  quelqu'un  qui  s'est  fait  un  nom    d^^^  les  lettres 
sciences,  arts  ! 

Le   ténor   Riquelme  qui,  en  novembre    igo^*     "^^ns-nous 


•  Le  principal  héritier  du  ténor  Richclme.  M.  GiraucJ-  J  exploite  une 
fabrique  de  draps.  Il  est  domicilié  à  Aix,  chemin  du  J^ctit-BanhéXfijny^ 
avec  sa  dame  et  leurs  deux  charmantes  filles. 

«  A  Aix, existe  une  veuve  Richelme,  dont  le  mari  était  coinc"*'.  rue  Mi- 
gnet,  il  y  a  vingt  ans.  La  veuve  Richelme,  née  Vallier,  pe«*^  ^^  flatter  d'ap- 
partenir à  deux  familles  historiques  de  notre  ville  :  l'art»** ^  ^^  '^s  ancê- 
tres à  elle;  appariteurs-trompettes  durant  quatre  siècles  <Voî^  ^'^^^  d'Aix. 
par  Rodx-Alpbêraii). 

»  Études  et  observations  sur  la  Lutherie  ancienne    ^'     tnoderne,  par 
A.-M.  RiCHBLME.  4  fr.  —  Renaissance  du  Vioion  et  de  ses   ii^<^^^SUts,  par 
le  même.  Marseille,  imp.  Duverger.  i883.  in-S".  2  fr.  —    0^°*   ^^  opus- 
cule, on  lit  cette  épigraphe  caractéristique  :  «  Le  Luthier*»    ignorant  sur 
l'acoustique  des  instruments  à  archet,  n'est  en  réalité  ci'-»***"  ^''**  ^''*r- 
pentier.  Richelme.  > 


dans  El  Impixrciai.  se  faisait  chaleureusement  applaudir  au 
«cTcatro  Real  »de  Madrid, dans  Apoh,  n'est-il  pas  parent*  lui 
aussi,  de  noire  Richelme? 

Provençali  Castillan,  par  b'en  d'heureux  hasards. 
Sont  deux  frères  dans  la  fraternité  des  Arts. 

Maintenant  que  nous  avons  quelque  peu  dressé  l'arbre  gé- 
néalogique du  ténor  si  applaudi,  revenons  aux  époux  Richclmc. 
sitôt  séparés  par  la  mort. 

Peu  de  temps  après  son  mariage,  le  malheureux  artiste*  ve- 
nant à  Aix  pour  atfaires,  est  aux  prises  avec  un  mal  qui  ne 
lui  pardonne  pas  ;  il  est  obligé  de  s'installer  dans  l'hôtel  du 
Nord,  boulevard  Falguières,  à  Nîmes.  Le  pauvre  malade  ne 
s*arrôie  pas  dans  la  patrie  de  Villaret  pour  sy  fixer, ainsi  qu'on 
Ta  prétendu,  mais  lerrassé  par  la  soulîrance  physique  en  pleine 
lune  de  mieL 

Il  y  a  deux  versions  sur  cette  fin  si  prématurée.  La  première, 
c'est  que  le  frère,  Mari  us  Richelmc,  et  le  compagnon  dévoué 
qu'était  M.  Nègre,  avisés  de  l'imminence  d'un  dénouement 
fatal  »  partis  immédiatement  d'Aix,  seraient  arrivés  a  Nîmes 
sans  avoir  la  consolation  d'assister  leur  cher  Fcrdinand^Louis 
à  ses  derniers  moments. 

La  seconde  version,  bien  plus  probable,  et  que  conlirment 
des  tails  patents,  c'est  que  le  n*hn  malade,  dans  une  chanM^-^" 
d'hAtel,  se  voyant  perdu,  aurait  pressé  le  fidèle  Aixois  ici 
de  SCS  triomphes,  pour  qu'il  vienne  le  voir,  ce  qu'il  fil  inconti- 
nent, en  compagnie  d'un  autre  ami,  M.  Blachet.  Leii  voilà 
auprès  du  moribond  qui  leurdil  :  ^  Tenus,  mci  bèu,  vaquito  un 
^oî/i'êni», donnant  quelque  objet  d*art  à  chacun  (va»l,i  un  sou- 
venir, chers  amis;  :  «  anas  mclèu  guerre  un  capelan^que  hqum 
ifouéli  esse  entarra  caumo  un  chin  »  (allez  vile  chercher  un 
prêtre,  car  je  ne  veux  point  être  enterré  comme  un  chien).  Il 


—  729  — 
fut  obtempéré  sur-le-champ  à  ce  vif  désir  cfun  cc^f^^^ien  bon 
catholique»  —  ce  qu'il  avait  déjà  prévu  dans  so^  testament 
olographe  du  20 septembre  1843,  —  et  il  expira  le  r'  février  iS4^* 
à  midi. 

Le  matin  même -de  sa  mort,  Richelme  fait  un  codicille  au 
susdit  testament,  pièce  importante  à  bien  des  points  de  vue,  e 
que  nous  analysons  dans  le  chapitre  suivant. 

VIII 
Testament  de  Rjchelme  et  codicille.   Testament 

DE  SA    nièce,    veuve    MiLLAUI 


Aussi  bien  en  matière  d'art  qu'en  affaires,  F^ichclme  était  un 
homme  parfait;  il  Ta  montré  depuis  ses  prem  ieres  représenta- 
tions à  Marseille,  où  il  fut  reconnu  artiste  su^x^''*^"'"'  jusqu'au 
jour  où  il  fit  de  sa  propre  main,  d'une  maniore  impeccable,  le 
testament  que  nous  avons  sous  les  yeux. 

L'artiste  et  le  citoyen  vont  toujours  de  pair  dans  cette  car- 
rière brisée  après  une  dizaine  d'années  de  labeur  et  d  honneur, 
—  temps  souvent  plus  que  suffisant  pour  qu'tjri  industriel,  un 
commerçant  arrive  à  la  fortune,  à  l'aisance  au  moms,  ce  que 
ne  réalisent  que  trop  peu  d'acteurs  de  talent- 

Se  sentant  déjà  bien  malade  à  l'âge  de  trente-neuf  ans, 
Richelme,  le  20  septembre  1843  (jour  annivers^i*'^  ^^  ^^  nais- 
sance, seize  mois  avant  sa  mort),  fit  preuve  cl  tine  sagacité, 
d'un  patriotisme  exemplaires.  Dans  ses  ultimes  o>^P^^'^>Ons,  il 
désigne  le  Château  du  Diable  sous  le  nom  de  Château  Mar- 
telly,  ne  se  doutant  pas  que  sa  famille  et  ses  conci  oyens  re- 
connaissants l'appelleraient  constamment  Vill^    I<t<^  ^^^^e. 

Il  lègue  cette  villa,  avec  son  tènement  de  terre,  ^  ^^n  frère 
bien-aimé  Marius,  ainsi  que  tous  les  meubles  ttï^^  ^nis  et 
autres.  Suit  un  alinéa  peignant  bien  son  esprit    f^'"'  '^i,  sqs 


r3a 


Dans  le  tesiamcnt  de  Richelmc,  avec  les  parents  ei  3 
compris  les  pauvres»  il  y  a  aussi  une  amie  non  oubliée  ;  ^ 

<«  Je  lè^îue  à  Celay-Valbon,  dite  M""  Duvah  artiste  dramati- 
que, la  somme  de  2.000  francs,  et,  en  outre,  ma  garde^robe 
d  acteur  *  et  accessoires  de  théâtre,  etc.  *  ...  ce  qui  constituail 
son  musée  miniature  au  Château,  selon  le  témoignage  de  cer- 
tains anciens  qui  Tont  admiré.  ,  ;  ^ 

Nous  en  sommes  à  Tan,  à  l'une  des  ckrntères  dispositions 
les  plus  intéressantes  pour  nous  Aixois  : 

«  Je  lègue  à  la  ville  d*Aix,  mon  pays  natal,  la  somme  de  dix 
mille  francs,  à  la  condition  expresse  que  son  Conseil  municipal 
installera  ou  créera  dans  cette  même  ville  d'Aix  une  Ecole  de 
Musique  gratuite  et  à  pcrpétuité... 

«  J'invite  les  amateurs  de  musique  qui  peuvent,  a tnst  que 
moi  et  sans  faire  tort  a  personne,  disposer  d'une  ccrtaioe 
somme,  je  les  invite,  dis-je,  à  imiter  mon  exemple  et  à  ùitt 
des  legs  à  la  ville,  afm  de  l'aider  à  établir  dans  son  sdn  une 
brillante  École  de  Musique.  >^  ^^H 

Voila  une  heureuse  pensée  pour  Tart  auquel  Richelmc  dd^ 
toutr  et  quelle  dclicaiesse  on   voit  chez  lui  quand  il  Invite  te 
musiciens  à  m  imiter  son  exemple  !  ^ 

Pour  assurer  davantage  la  destination  de  ces  divers  hgs,  le 
testateur  n*a  garde  d'oublier  son  exécuteur  testamen 
M'  Bonnet,  notaire,  Tun  des  prédécesseurs  de  Tobli.,^^. 
M*  Donnefort.  Il  lui  lègue,  n  à  titre  d^amitic,  une  grande  pen- 
dule représentant  Pétrarque  à  Vaucluse;)^ — suit  la  descnf^ 
tion  d'une  belle  garniture  de  cheminée.  Si  cebronastdart  jvait 
été  retrouvé,  en  1874,  c'eût  été  l'une  des  plus  curieuses  pièco 


'  Le  costume  de  «  Robert  »,  qui  n*est  pas  des   plus  hcht«,  ftit  fcadi 

800  francs,  par  l*eniremisc  du  conirôïeur,  L.  Marun.  Le  prii  atucbl  m 
jcouvenîr  du  tort  ténor  augmentait  de  beaucoup  la  valear  de  ce  co%- 
tumc. 


-733- 

exposées,  à  Aix,  rue  Cardinale,  chez  le  promoteur  du  cin- 
quième centenaire  de  Pétrarque.  Quelle  joie  pour  le  majorai  de 
Berluc-Pérussis  ! 

Terminons  Texamen  du  testament  Richelme,  si  curieux  à 
tant  de  points  de  vue;  nous  verrons  que  l'excellent  artiste  et 
bon  citoyen,  en  songeant  toujours  aux  siens,  ne  s'oublie  pas 
lui-même  pour  le  jour  où  il  disparaîtra  : 

Ce  jour  presque  éclaira  ses  propres  funérailles, 

disait  Racine  d'un  autre  personnage. 

«  Je  veux  que,  dans  quelque  pays  que  je  vienne  à  décéder,  que 
mes  dépouilles  mortelles  soient  transportéesà  Aix  ;  je  veuxaussi 
que  mon  exécuteur  testamentaire  me  fasse  rendre  les  honneurs 
funèbres  convenables,  et  qu'il  fasse  faire  un  caveau  de  famille 
pour  y  recevoir  mes  dépouilles,  celles  de  mon  père,  de  mon 
frère,  de  ma  sœur  et  de  ses  enfants;  je  veux  aussi  qu'on  y  trans- 
portées pestesde  ma  bonne  mère  et  ceux  de  ma  nièce  et  petite- 
nièce  décédées,  et  qu'il  dépense  au  moins  pour  cela  3.ooo  fr.  »* 

Le  légataire  universel  et  l'exécuteur  testamentaire  de 
Richelme  ont  scrupuleusement  accompli  ses  dernières  volon- 
tés (ce  que  nous  verrons  bientôt)  après  son  décès  inopiné. 

lia  été  fait  un  codicille  in  extremis  à  ce  testament  modèle,  le 
1"  février  1845  ;  Richelme  a  expiré  ce  jour-là,  à  midi.  ' 

Entre  autres  dispositions,  il  y  a  celle  d'un  legs  à  sa  femme 
d'une  «  somme  de  dix  mille  francs,  laquelle  somme  est  la 
même  que  j'avais  déjà  léguée  à  la  ville  d'Aix...  >  C'en  est  fait 
de  la  création  d'une  École  de  Musique  rêvée  par  lou  Gan- 
tai re  ! 

Dans  l'extrait  delà  délibération  du  Conseil  municipal  d'Aix, 
du  7  février  1846,  nous  voyons  que  le  Maire  n'a  eu  connais- 


Reçu  par  M*  Mense,  notaire  à  Nîmes. 


7^4 


sance  du  le/^s  de  ïo.ooo  francs  fait  à  la  Ville,  pour  y  établir  uiir 
École  de  Musique,  que  le  28  janvier  (Richelme  était  mort  de- 
puis un  an  à  peu  près)  ;  mais  que  ce  legs  avait  été  révoqué  par 
un  codicille.  Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  des  autres  mo- 
ditî  cations. 

Dans  son  testament,  *  la  généreuse  M"*  Millault.  imn^nî 
l'exemple  de  son  oncle  si  vertueux,  n'a  oublié,  elle  non  plus, 
ni  parents,  ni  amis,  ni  serviteurs  ;  elle  a  mis  la  noble  cilé 
Scxtienne  en  possession  de  la  villa  Richelme  et  tènemenidfi 
terre.  La  bienfaitrice  aixoisc,  de  cœur  et  d*âme,  a  exprimé  le 
vœu  qu'on  établisse  dans  son  ancienne  demeure  un  mus« 
spécial,  —  ainsi  que  nous  le  disons  plus  haut.  Grâce  à  U  niiof 
reconnaissante,  —  la  population  Test  avecelle»  —  la  mémoire 
d'un  bon  citoyen,  mort  sans  postérité,  est  conservée  à  jamais. 

Indépendamment  de  la  Ville,  le  tambourinaire  Andricux, 
^  megïé  ^  du  château  du  Diable,  hérite  d*une  pièce  de  terre  au 
quartier  de  Celony,  —  un  ^bouquet)»  encore  à  Timltation  de 
celui  que  l'artiste  laissait  â  son  jardinier,  comme  Ion  sait. 

M.  Giraud  (des  Richelme   par  son  aïeule)  est  le  légataire 
universel.  Cl  a  hérité,  presque  en  même  temps,  des  biens  de 
sœur  du  ténor,  M""  Raymond,  décédéc  il  y  a  peu. 

Un  autre  héritier  de  M"*  Millault,  M.  Pardigon,  au  Ponl* 
de-Lar,  et  dont  la  jeune  enfant  était  la  tilleule  de  notre  bien* 
failricc,  a  eu  pour  lot  une  pièce  qui,  si  elle  n'est  pas  d'une 
importance  capitale,  est  certainement  un  souvenir  artistique 
d'un  grand  prix  :  c*est  le  piano  dont  Richelme  s'accompagnait 
avec  délices,  en  chantant  des  morceaux  d'opéra,  et  qui  lui  ser- 
vait pour  ses  leçons  de  chant. 

Mais  ici  encore,  fataliîé  (comme  pour  1  École  de  Mo5;iqo£): 


*  Du  r4  RUii  1901,  noutre  Mouravit,  le  savaai  bibltof»hilc.  mtialirc  dt 

rAcadémie  d*Aia. 


-735- 

cet  insirumeni  précieux,  laisse  à  la  campagne,  près  de  Saint- 
Pons,  seciion  des  Mille,  a  été  volé;  il  ne  figurera  probable- 
ment jamais  au  Museon  Sesiian.  De  nos  jours,  on  vole  les 
pianos  comme  les  coffrcs-ioriSj  ad  libitum. 

Arrivons  aux  pompeuses  funérailles  de  Richelme,  à  son 
monument  au  cimetière  Saint-Pierre. 


IX 

Funérailles  de  l'Artiste  Lyrique  et  Dramatique. 
Monument  Richelme  au  cimetière  d'Aix. 

Ainsi  que  Richelme  en  avait  exprimé  le  désir,  dans  son  tes- 
tament, ses  dépouilles  mortelles  furent  «  transportées  à  Aix, 
son  pays  natal  »,  et  des  honneurs  extraordinaires  lui  furent 
rendus.  Son  frère,  aussi  bien  que  l'exécuteur  testamentaire, 
s'acquittèrent  dignement  de  leur  tâche,  —  et  nombreux  sont 
les  témoins  qui  n'ont  pas  perdu  le  souvenir  de  ces  somptueu- 
ses funérailles. 

Voici  d'abord  ce  qu'on  lit  dans  le  Mémorial  d'Aix,  du  19  oc- 
tobre 1845  : 

«  On  nous  assure  que  les  obsèques  de  notre  compatriote 
Richelme,  ex-artiste  dramatique,  décédé,  comme  on  sait,  il  y 
a  environ  neuf  mois,  auront  lieu,  vendredi  prochain,  selon  les 
volontés  du  défunt  ;  cette  funèbre  cérémonie  sera  faite  avec 
quelque  pompe.  »  Par  ce  simple  fait  divers,  voilà  les  nom- 
breux amis  de  l'artiste,  la  population  aixoise  invités  à  y  pren- 
dre part. 

Il  y  eut  quelque  retard,  d'après  ce  que  dit  la  Provence  du  26 
du  même  mois,  sept  jours  après  l'annonce  faite  par  le  Mémo- 
rial: 

(•  Les  obsèques  auront  lieu  demain  (lundi,  27  octobre),  à 


-  fiû  - 

"9  heures  du  matin,  en  réglise  Saini-Jean  extra-muras.  Lécof^ 
tège  partira  de  la  Muie-Blanchc*  >*  A  I  époque,  le  chcmiit  du 
Petit-Barthélémy  aboutissait  presque  au  bas  du  cours  Sextius, 
et  le  château  de  Tartiste  n'en  était  qu'à  deux  pas  ;  il  est  aujour- 
d'hui à  un  demi-kilomètre  de  la  Rotonde.  ' 

Richclmc  a  fait,  comme  Ton  sait,  un  noble  emploi  de  la  for- 
lune  que  son  talent  lui  avait  acquise,  et  il  s'en  était  réserve  en 
quelque  sone  une  légitime  et  bien  minime  partie  pour  lut» 
quand  il  ne  serait  plus  de  ce  monde. 

Le  même  journal,  la  Provence,  dit  dans  le  numéro  suivi 
(2  novembre),  après  la  mémorable  journée  : 

«  Les  obsèques  de  notre  compatriote  Richelmc  oai  eu  lieu 
avec  pompe»  lundi  dernier.  Le  cercueil  a  traversé  nos  rues  sur 
un  char  funèbre.  -  La  musique  de  la  ville,  qu'on  a  été  étonné 
d*y  voir  en  costume,  exécutait  des  morceaux  decirconsiancc.  » 

Pourquoi  cette  réflexion  d'une  feuille  locale  qui  avait  précé- 
demment annoncé  que  *  Richelmc  avait  laissé  une  somme 
pour  le  corps  de  musique  de  notre  ville?  ^  Cette  symphonie 
était  sous  la  direction  du  maître  Gaspard  MicheU  ce  musicien 
si  populaire. 

Continuons  la  reproduction  du  susdit  article,  en  partie  du 
moins  : 

«  Trois  cents  pauvres»  toutes  les  oeuvres  de  bienfaisanccl 


*  En  i856,  la  construction  du  chcmtn  de  fer  a  nécessité  U  déntlloil  1 
ce  chemin  qui*  au  lieu  d*aboutir  h  la  grande  auberge  en  qaesttoo,  t^âm^nt 
à  ta  Rotonde,  au  midi  du  Christ  de  la  Mission. 

*  C'est  de  ce  jour  que  date  remploi  des  voitures  mortoairts  poor  t/tA»> 
porter  les  corps  an  champ  de  repos;  le  <  corbillard  *,  d'abord  résenré  aui 
personnes  riches,  n\i%  grands*  sert  maintenant  aussi  bien  à  ceux  d  qu  jai 
indigents  de  l'hôpital,  aux  malheureux  des  hospices,  moins  tes  teotiiffi 
et  panaches  dont  il  est  iturmonté  aux  enterrements  de  première  classe. 


-  73?  — 
un  cortège  d'amis  accompagnaient  Tartiste  lyrique  à  sa  demeure 
dernière.  L'absoute  a  été  faite  à  l'église  du  Faubourg...  » 

La  Société  chorale  Sainte-Cécile,  sous  la  direction  de  Ma- 
rius  Lapierre,  y  dit  un  beau  morceau  funèbre  de  la  composi- 
tion de  Hein,  sur  un  psaume  de  David,  —  chant  que  la  même 
société,  le  jour  de  la  fête  anniversaire,  a  exécuté  dernièrement 
au  cimetière  pour  la  mémoire  des  membres  décédés  dans  le 
courant  de  l'année. 

En  sortant  de  l'église  du  Faubourg,  le  convoi  funèbre  pas- 
sait par  la  rue  des  Cordeliers,  si  populeuse,  la  place  de  THôtel- 
de- Ville,  la  rue  de  la  Grande-Horloge;  cet  itinéraire,  de  l'ex- 
trémité sud  du  cours  Sextius  à  la  partie  haute  de  la  ville,  attira 
une  foule  immense  à  la  Cathédrale,  là  où  fut  célébrée,  en 
^Tande  pompe,  une  messe  mortuaire. 

Le  cercueil,  découvert,  comme  c'était  l'usage  alors,  fut  placé 
dans  le  chœur,  et  Ton  entendit  une  femme  du  peuple  tenir  ce 
propos,  en  s' exclamant  presque  :  pamens,  ço  que  l'argent  Ja 
Jaire  (ce  que  fait  faire  l'argent,  tout  de  même).  Il  faut  croire 
que  cette  femme-là  ignorait  tout  le  bien  qu'avait  fait  le  mort  si 
regretté,  si  honoré. 

Musique,  chants,  messe  solennelle  ;  char  (inusité  alors), 
avec  grands  panaches,  cocher  en  livrée,  tentures  argentées  ;  de 
plus,  un  nombreux  clergé,  toutes  les  paroisses,  les  enfants  de  la 
psalette  et  le  chapitre  métropolitain,  faisaient  de  ce  convoi  un 
enterrement  de  première  classe  dans  la  plus  large  acception  du 
terme. 

C'était  pour  un  homme  de  race  plébéienne  les  obsèques 
les  plus  somptueuses  qu'on  eût  jamais  vues,  —  n'ayant  d'éga- 
les que  celles  du  cardinal  Bernet,  archevêque  d'Aix,  en  1844. 
-  Pour  Richelme,  aussi,  affluence  considérable  :  le  plus  petit 
clergeon   comme  le  plus  vénérable  capucin,   en  ce  jour  de 

coNORÈs  —  47 


-  7^ 


triomphe  posthume,  rendaient  hommage  au  vertueux  cito\*ecï» 
au  bienfaiteur  des  pauvres. 

Les  journaux  donnèrent  des  détails  sur  sa  mort  presque  su- 
bite, ses  magnifiques  funérailles,  — cérémonie  touchante  dont 
bien  des  personnes  d*Aix  d'un  âge  avancé  ont  conservé  le  sou* 
venir. 

Les  restes  de  Richelme  turent  déposés  dans  un  cicgant  loaî- 
beau  de  marbre  blanc,  —  Avant  d'en  faire  la  description,  voici 
l'extrait  des  registres  de  la  Cathédrale  relatif  à  la  cérémonie  ; 

4^,  L'an  Ï845  et  le  27  octobre,  ont  clé  célébrées  en  relise 
Saint-Sauveur  d'Aix  les  obsèques  religieuses  de  M.  Louts- 
Ferdinand  Richelme,  âgé  de44ans,  *  ancien  artiste  lyrique  et 
dramatique,  époux  de  Antoinette-Maria-lgnacia-Éiéonore- 
Fernande  Bonaraaison,  décédé  à  Nîmes,  le  1*'  février  lâ^S, 
transporté  à  Aix  dans  le  cimetière  Saint-Pierre  et  inhomé  le 
27  octobre. 

*  En  foi  de  quoi,  je  soussigné,  chanoine-curé  (archipnêtrc)  ai 
dressé  le  présent  acte. 

<c  Signé  ;  Reykaud,  chan.-curc  m. 

On  le  voit,  lancien  comédien  avait  eu  tous  les  honnetin 
possibles  et  dans  le  temple  de  TArt  et  dans  celui  du  Scigo^ 

En  entrant  au  cimetière  par  le  chemin  de  Saini-Pici 
au  fond  de  la  première  allée  latérale,  à  gauche»  se  trouve  k 
mausolée  de  TAcadémie  d'Aix  ;  presque  contigu^  portAOt  k 
n*  joo.  est  le  monument  de  Richelmc,  non  pas  grandiose,  mais 
d"une  vraie  élégance*  De  dimension  ordinaire,  ccnc  tombe  est 
entourée  d'une  grille,  et  la  pierre  lumulaire  porte  rinscripcion: 

A  NOTRE  FRÈRE  LOUIS-FERDINAND  RICHELME 
ARTISTE  LYRIQUE  ET  DRAMATIQUE 


•  Çcsi  par  erreur  que  Je  registre  paroissial  porie  44  ans  m  lieu  4f  ^ 
Richcime  ava»t  d  ion  décès  40  ans  4  mois  jo  jours. 


La  hauteur  totale  du  monument  est  de3"2o;  largeur  i-8i  ; 
marbre  blanc  statuaire,  pierre  tumulaire  Casais  coquillier.  On 
y  remarque  artistement  sculptée,  en  relief,  une  harpe  d'un 
beau  tormat  ;  au  pied  de  Tinstrument,  adroite,  se  trouvent  des 
partitions,  volumes  oblongs,  posés  à  plat,  eti  relief  aussi  et  sur- 
chargés de  couronnes.  A  gauche  de  la  harpe,  vers  le  bas,  sont 
gravées  sept  portées  de  musique,  avec  notes  en  creux,  portées 
ainsi  disposées  :  la  i^«,chant; 2' et 3*,  accompagnement; 4% chant 
(suite);  5"  et  6«,  accompagnement  encore,  et  la  y*,  chant  seule- 
ment, —  heureux  motif  de  décoration,  qui  doit  être  un  des 
thèmes  favoris  de  notre  héros.  * 

Au-dessus  du  socle  décoré  avec  tant  d'art,  figure  un  large 
tympan,  où   se  trouve  un  très  joli  sablier  d'une  assez  grande 
dimension,  symbole  orné  des  ailes  du  Temps,  —  le  tout  cou- 
ronné par  une  urne  vraiment  belle,  avec  crêpe  pendant  à  • 
droite. 

L'ensemble  du  dessin  de  ce  sarcophage  est  d'une  correction 
irréprochable,  et  l'exécution  des  divers  motifs  est  parfaite.  C'est 
Tœuvre  de  deux  artistes  aixois,  Bastiani-Pesetti,  si  connu,  et  le 
professeur  Olive,  de  notre  école  de  Dessin.  On  peut  dire  que 
le  monument  est  l'un  des  plus  remarquables  de  notre  luxueuse 
nécropole,  qui  compte  tant  d'œuvres  d'art  :  en  la  visitant,  on 
a  quelque  illusion  du  Campo  Sanlo  de  Florence,  Sant  Miniato. 

Il  y  a  une  cinquantaine  d'années,  certaine  feuille  disait  que 
ce  tombeau  était  surmonté  d'un  buste  de  l'artiste.  Nos  souve- 
nirs ne  précisent  rien  à  cet  égard.  II  se  peut  bien  pourtant 
qu'au  lieu  de  la  belle  urne,  il  y  ait  eu  Teffigie  du  «  cantaire  » 
en  terre  cuite,  peut-être  pendant  quelques  mois,  —  œuvre  fra- 
gile, provisoire,  qui  n'aurait  pas  résisté  aux  intempéries  de 
l'air. 


'  Ces  notes   sont  frastes  :  elles  paraissent  cependant  reproduire  quel- 
ques mesures  de  Zampa. 


—  740  — 

C*esl  précisément  ce  qui  est  arrivé  presque  en  face  du  mona 
tneni  Richelme  :  en  1872»  le  tombeau  des  épôux  Rouard  ciah 
orne  d'un  buste,  par  Ferrât,  du  savant  bibliothécaire,  —  re» 
production  de  celui  qu'on  voit  actuellement  dans  le  cabinet  do 
Conservateur  de  la  Méjanes.  Ce  buste,  gravement délcriorc  des 
le  premier  hiver,  fut  remplacé  par  une  urne. 

L'image  de  Richelme  a  dû  avoir  le  même  sort,  si  l'assertion 
du  journai  marseillais  est  vraie.  Nous  allons  voir  comment  on 
pense  bustifier  le  ténor  renommé,  les  documents  ne  ferom  pas 
défaut  pour  le  félibre  du  ciseau  qui  le  fera  revivre  dans  le  mar* 
bre. 

En  terminant  cet  avant-dernier  chapitre  de  notre  étude, 
disons  que  la  reproduction  du  monument  Richelme  par  la  gra- 
vure, lecrayon,  la  photographie  même,  —  on  fait  tant  decar- 
'  tes  postales  illustrées!  —  est  chose  très  intéressante,  une  pièce 
à  conserver  dans  les  collections  locales,  surtout  d'objets  d  an  et 
de  curiosité. 

Plusieurs  concitoyens,  l'habile  photographe  Jouven  notam- 
ment, s'en  sont  déjà  occupes,  comme  plusieurs  ont  fait  le  pc»r- 
traitde  Richelme;  de  toute  façon  il  vivra  au-delà  du  tombeau. 


X 

École  de  musique  fondés  pah  Richelme*  —  Hommage  public 
A  l'artiste,  au  citoyen. 

Vers  1S40,  époque  à  laquelle  Richelme  faisait  ses  adieux  lU 
scène,  —  adieux  suivis  de  quelques  rares  représentations,  —  il 
v  eut,  en  France,  dans  toutes  les  provinces,  un  grand  mouiT* 
ment  pour  l'établissement  d'écoles  de  musique. 

A  Marseille,  un  musicien  de  valeur,  Barsotti,  en  fondlil 
bientôt  une,  qui  devint  prospère  sous  sa  direaion  ccluirécct 


—  74'  — 
tut  transformée   en   succursale   du  Conservatoire  de    Paris. 
C'éiaiî  au  moment  où  la  France  musicale  donnait  une  série 
d'articles  sur  l'enseignement  du  chant,  dus  à  la  plume  du  pro- 
fesseur Manuel  Garcia,  père  de  la  Malibran. 

Ces  articles  si  judicieux,  fruit  de  l'expérience  d'une  famille 
de  chanteurs,  professeurs  hors  de  pair,  furent  reproduits  dans 
les  journaux  des  départements,  et  à  Aix,  par  le  Cygne,  feuille 
artistique  et  littéraire  des  plus  estimées.  ' 

Nous  ne  saurions  résister  au  désir  d'en  extraire  les  deux  ali- 
néas suivants  : 

«  Le  chanteur  qui  ignore  les  sources  des  effets  et  les  secrets 
de  l'art,  n'est  qu'un  chanteur  incomplet  et  livré  à  la  routine.  Il 
faut  que  le  talent  soit  développé  de  bonne  heure  par  une  édu- 
cation soignée  et  une  étude  spéciale.  L*étude  seule,  mais  une 
étude  éclairée  et  opiniâtre,  f>eut  fixer  l'intonation,  épurer  les 
timbres.  f>erfectionner  l'intensité  et  l'élasticité  du  son.  » 

L'habile  élève  de  Nourrit.de  Ponchard,  ce  vaillant  Richelme, 
qui  avait  tant  et  si  bien  travaillé,  —  comprenait  toute  la  valeur 
de  cet  argument,  lui  qui  voulait  fonder  une  école  de  musique  à 
Aix.  Mais  poursuivons  : 

«  De  tous  les  instruments,  la  voix  humaine  est  le  plus  fragile 
et  le  plus  délicat.  Nous  signalerons,  dit  encore  le  maître 
Garcia,  comme  dangereux  l'emploi  fréquent  des  sons  aigus 
dans  les  registres  de  poitrine  et  de  tête,  la  force  inconsidérée 
que  l'on  communiquerait  à  la  voix,  etc.,  etc....  » 

C'est  ce  qui  a  été  si  funeste  à  notre  interprète  de  Robert  le 
Diable  dans  les  conditions  que  Ton  sait,  et  dès  les  premiers 
jours  de  1 84 1,  Tex-ténor  ouvrait  un  cours  de  chant  dans  nos 
murs,  — ainsi  que  nous  le  disions  dans  un  précédent  chapitre. 
Ces  leçons  de  chant  furent  le  prélude  ou  le  prétexted'une  cam- 


'  N**  des  24  et  3i  janTier  1841. 


—  74Û  — 

C'est  précisément  ce  qui  est  arrivé  presque  en  face  du  mono 
meni  Richelme  :  en  [872.  le  tombeau  des  époux  Rouard  était 
orné  d'un  buste,  par  Ferrât,  du  savant  bibliothécaîre,  —  re- 
production de  celui  qu^on  voit  actuellement  dans  le  cabinet  da 
Conservateur  de  la  Méjanes.  Ce  buste,  gravement  détérioré  dès 
le  premier  hiver,  fut  remplacé  par  une  urne. 

L'image  de  Richelme  a  dû  avoir  le  même  sort,  si  l'assertion 
du  journal  marseillais  est  vraie.  Nous  allons  voir  comment  oa 
pense  bustifier  le  ténor  renommé,  les  documents  ne  fcrom  pas 
délaui  pour  le  félibre  du  ciseau  qui  le  fera  revivre  dans  le  inif* 
bre. 

Kn  terminant  cet  avant-dernier  chapitre  de  notre  étude, 
disons  que  la  reproduction  du  monument  Richelme  par  la  pi* 
vure,  le  crayon»  la  photographie  même,  —  on  fait  tant  de  car 
'tes  postales  illustrées!  —  est  chose  très  intéressante,  une  pièce 
à  conserver  dans  les  collections  locales,  surtout  d  objets  d'art  cr 
de  curiosité. 

Plusieurs  concitoyens,  l'habile  photographe  Jouven  notam- 
ment, s'en  sont  déjà  occupés,  comme  plusieurs  ont  Tait  le  por- 
trait de  Richelme;  de  toute  façon  il  vivra  au-delà  du  tornbcau- 


École  de  musique  fondée  par  Richelme.  —  HoMiuQe  HaoÇj 

A  lVutistc»  au  citoyen. 

Vers  1840,  époque  à  laquelle  Richelme  faisait  ses  adieoiii^ 
scène,  —  adieux  suivis  de  quelques  rares  représen talions,  -^| 
V  eut,  en  France,  dans  toutes  les  provinces,  un  grand  100 
ment  pour  rétablissement  d  écoles  de  musique. 

A  Marseille,  un   musicien   de  valeur»  Barsotti^  en  fomfc' 
bientôt  une,  qui  devint  prospère  sous  sa  direction  ëclarréc»ii 


—  741  — 
fut  transformée  en   succursale   du  Conservatoire  de    Paris. 
Celait  au  moment  où  la  France  musicale  donnait  une  série 
d'articles  sur  renseignement  du  chant,  dus  à  la  plume  du  pro- 
fesseur Manuel  Garcia,  père  de  la  Malibran. 

Ces  articles  si  judicieux,  fruit  de  l'expérience  d'une  famille 
de  chanteurs,  professeurs  hors  de  pair,  furent  reproduits  dans 
les  journaux  des  départements,  et  à  Aix,  par  le  Cygne,  feuille 
artistique  et  littéraire  des  plus  estimées.  ' 

Nous  ne  saurions  résister  au  désir  d'en  extraire  les  deux  ali- 
néas suivants  : 

«  Le  chanteur  qui  ignore  les  sources  des  effets  et  les  secrets 
de  Tart,  n'est  qu'un  chanteur  incomplet  et  livré  à  la  routine.  Il 
faut  que  le  talent  soit  développé  de  bonne  heure  par  une  édu- 
cation soignée  et  une  étude  spéciale.  L*étude  seule,  mais  une 
étude  éclairée  et  opiniâtre,  peut  fixer  l'intonation,  épurer  les 
timbres,  perfectionner  l'intensité  et  l'élasticité  du  son.  » 

L'habile  élève  de  Nourrit,  de  Ponchard,  ce  vaillant  Richelme, 
qui  avait  tant  et  si  bien  travaillé,  —  comprenait  toute  la  valeur 
de  cet  argument,  lui  qui  voulait  fonder  une  école  de  musique  à 
Aix.  Mais  poursuivons  : 

«  De  tous  les  instruments,  la  voix  humaine  est  le  plus  fragile 
et  le  plus  délicat.  Nous  signalerons,  dit  encore  le  maître 
Garcia,  comme  dangereux  l'emploi  fréquent  des  sons  aigus 
dans  les  registres  de  poitrine  et  de  tète,  la  force  inconsidérée 
que  l'on  communiquerait  à  la  voix,  etc.,  etc....  » 

C'est  ce  qui  a  été  si  funeste  à  notre  interprète  de  Robert  le 
Diable  dans  les  conditions  que  l'on  sait,  et  dès  les  premiers 
jours  de  1 841,  l'ex-lénor  ouvrait  un  cours  de  chant  dans  nos 
murs,  — ainsi  que  nous  le  disions  dans  un  précédent  chapitre. 
Ces  leçons  de  chant  furent  le  prélude  ou  le  prétexted'une  cam- 


N**  des  34  et  3 1  janrier  1841 


-  74Û  - 

;*esl  précisément  ce  qui  est  arrivé  presque  en  face  du  monu* 
ment  Richelnie  :  en  1872.  le  tombeau  des  époux  Rouard  éuh 
orné  d'un  buste,  par  Ferrât,  du  savant  bibliothécairCp  —  tt^ 
production  de  celui  qu  on  voit  actuellement  dans  le  cabinet  dû 
Conservateur  de  la  Méjanes*  Ce  buste,  gravement  détérioré  dès 
le  premier  hiver,  fut  remplacé  par  une  urne. 

L'image  de  Richelmc  a  dû  avoir  le  même  sort»  si  Tassemon 
du  journal  marseillais  est  vraie.  Nous  allons  voir  comment  on 
pense  bustilîer  le  ténor  renommé,  les  documents  ne  feront  pis 
défaut  pour  le  félibrc  du  ciseau  qui  le  fera  revivre  dans  le  mar- 
bre. 

En  terminant  cet  avant-dernier  chapitre  de  notre  éliide« 
disons  que  la  reproduction  du  monument  Richelme  par  la  gra- 
vure, le  crayon,  la  photographie  même,  —  on  fait  lani  decif* 
'tes  postales  illustrées!  —  est  chose  très  iniéressanic.  unepiict 
à  conserver  dans  les  collections  locales,  surtout  d'objets  d'ifttf 
de  curiosité. 

Plusieurs  concitoyens,  l'habile  photographe  Jouven  noutn- 
ment,  s'en  sont  déjà  occupés,  comme  plusieurs  ont  fait  le  por- 
trait de  Richelme  ;  de  toute  façon  il  vivra  au-delà  du  tombeau 


ÈcOLt    DE    MUSIQUE   FONDEE    PAR    RiCUELME.  —   MOMMAGE 
A    L  ARTISTE,  AIJ    QTOYEN. 

Vers  1840*  époque  à  laquelle  Richelme  faisait  ses  adteuitali 
scène,  —  adieux  suivis  de  quelques  rares  représentations,    - 
V  eut,  en  France,  dans  toutes  les  provinces,  un  grand  moine* , 
ment  pour  l*établissement  d'écoles  de  musique. 

A  Marseille,  un  musicien  de  valeur.  Barsottî,  en   fondait  1 
bientôt  une,  qui  devint  prospère  sou^^  sa  direction  écUirée,^ 


—  741  — 
fut  transformée  en   succursale   du  Conservatoire  de    Paris. 
C'était  au  moment  où  la  France  musicale  donnait  une  série 
d'articles  sur  l'enseignement  du  chant,  dus  à  la  plume  du  pro- 
fesseur iManuel  Garcia,  père  de  la  Malibran. 

Ces  articles  si  judicieux,  fruit  de  l'expérience  d'une  famille 
de  chanteurs,  professeurs  hors  de  pair,  furent  reproduits  dans 
les  journaux  des  départements,  et  à  Aix,  par  le  Cygne,  feuille 
artistique  et  littéraire  des  plus  estimées.  ' 

Nous  ne  saurions  résister  au  désir  d'en  extraire  les  deux  ali- 
néas suivants  : 

«  Le  chanteur  qui  ignore  les  sources  des  effets  et  les  secrets 
de  l'art,  n'est  qu'un  chanteur  incomplet  et  livré  à  la  routine.  11 
faut  que  le  talent  soit  développé  de  bonne  heure  par  une  édu- 
cation soignée  et  une  étude  spéciale.  L'étude  seule,  mais  une 
étude  éclairée  et  opiniâtre,  peut  fixer  l'intonation,  épurer  les 
timbres,  perfectionner  l'intensité  et  l'élasticité  du  son.  » 

L'habile  élève  de  Nourrit,  de  Ponchard,  ce  vaillant  Richelme, 
qui  avait  tant  et  si  bien  travaillé,  —  comprenait  toute  la  valeur 
de  cet  argument,  lui  qui  voulait  fonder  une  école  de  musique  à 
Aix.  Mais  poursuivons  : 

4c  De  tous  les  instruments^la  voix  humaine  est  le  plus  fragile 
et  le  plus  délicat.  Nous  signalerons,  dit  encore  le  maître 
Garcia,  comme  dangereux  l'emploi  fréquent  des  sons  aigus 
dans  les  registres  de  poitrine  et  de  tète,  la  force  inconsidérée 
que  l'on  communiquerait  à  la  voix,  etc.,  etc....  » 

C'est  ce  qui  a  été  si  funeste  à  notre  interprète  de  Robert  le 
Diable  dans  les  conditions  que  l'on  sait,  et  dès  les  premiers 
jours  de  1 84 1,  l'ex-ténor  ouvrait  un  cours  de  chant  dans  nos 
murs,  —  ainsi  que  nous  le  disions  dans  un  précédent  chapitre. 
Ces  leçons  de  chant  furent  le  prélude  ou  le  prétexted'unecam- 


*  N**  des  34  et  3i  janyier  1841 


i 


-  740  - 

C'est  précisément  ce  qui  est  arrivé  presque  en  face  du  monti* 
ment  Richelme  :  en  1872,  le  tombeau  des  époux  Rouard  éuîl 
orné  d'un  buste,  par  Ferrât,  du  savant  bibliothécaire,  — re- 
production de  celui  qu*on  voit  actuellement  dans  le  cabinet  dti 
Conservateur  de  la  Méjanes.  Ce  buste,  gravement  détériore  dès 
le  premier  hiver,  fut  remplacé  par  une  urne. 

L*imagede  Richelme  a  dû  avoir  le  même  sort,  si  l'assertion 
du  journal  marseillais  est  vraie.  Nous  allons  voir  comment  on 
pense  busiifier  le  ténor  renommé,  les  documents  ne  feront  pas 
défaut  pour  le  félibre  du  ciseau  qui  le  fera  revivre  dans  le  mar- 
bre. 

En  terminant  cet  avant-dernier  chapitre  de  notre  étude, 
disons  que  la  reproduction  du  monument  Richelme  par  la  gra* 
vure»  le  crayon,  la  photographie  même,  —  on  fait  tant  decir* 
'tes  postales  illustrées!  ~  est  chose  très  intéressante,  une  pièce 
à  conserver  dans  les  colicciions  locales»  surtout  d  objets  d'art  et 
de  curiosité. 

Plusieurs  concitoyens,  l'habile  photographe  Jouven  notini* 
ment,  s*en  sont  déjà  occupés,  comme  plusieurs  ont  faîl  k por- 
trait de  Richelme;  de  toute  façon  il  vivra  au-delà  du  tombeao* 


École  de  musique  fondée  par  Richelme.  —  Hommagc  piiiuc 

K    L*ART1STE,   AU    CITOYEN. 

Vers  1840,  époque  à  laquelle  Richelme  faisait  ses  adieux  À  la 
scène,  —  adieux  suivis  de  quelques  rares  représentations,  —  Û 
y  cul,  en  France,  dans  toutes  les  provinces»  un  grand  mooit* 
ment  pour  rétablissement  d'écoles  de  musique. 

A  Marseille,  un  musicien  de  valeur,  Barsoiti,  en  fûndaif 
bientôt  une,  qui  devint  prospère  sous  sa  direction  Lk:laim,if 


—  741  — 
fut  transformée  en   succursale   du  Conservatoire  de    Paris. 
C'était  au  moment  où  la  France  musicale  donnait  une  série 
d'articles  sur  l'enseignement  du  chant,  dus  à  la  plume  du  pro- 
fesseur Manuel  Garcia,  père  de  la  Malibran. 

Ces  articles  si  judicieux,  fruit  de  Texpérience  d'une  famille 
de  chanteurs,  professeurs  hors  de  pair,  furent  reproduits  dans 
les  journaux  des  départements,  et  à  Aix,  par  le  Cygne,  feuille 
artistique  et  littéraire  des  plus  estimées.  ' 

Nous  ne  saurions  résister  au  désir  d'en  extraire  les  deux  ali- 
néas suivants  : 

«  Le  chanteur  qui  ignore  les  sources  des  effets  et  les  secrets 
de  l'art,  n'est  qu'un  chanteur  incomplet  et  livré  à  la  routine.  Il 
faut  que  le  talent  soit  développé  de  bonne  heure  par  une  édu- 
cation soignée  et  une  étude  spéciale.  L'étude  seule,  mais  une 
étude  éclairée  et  opiniâtre,  peut  fixer  l'intonation,  épurer  les 
timbres,  perfectionner  l'intensité  et  l'élasticité  du  son.  » 

L'habile  élève  de  Nourrit,  de  Ponchard,  ce  vaillant  Richelme, 
qui  avait  tant  et  si  bien  travaillé,  —  comprenait  toute  la  valeur 
de  cet  argument,  lui  qui  voulait  fonder  une  école  de  musique  à 
Aix.  Mais  poursuivons  : 

«  De  tous  les  instruments,  la  voix  humaine  est  le  plus  fragile 
et  le  plus  délicat.  Nous  signalerons,  dit  encore  le  maître 
Garcia,  comme  dangereux  l'emploi  fréquent  des  sons  aigus 
dans  les  registres  de  poitrine  et  de  tète,  la  force  inconsidérée 
que  l'on  communiquerait  à  la  voix,  etc.,  etc....  >► 

C'est  ce  qui  a  été  si  funeste  à  notre  interprète  de  Robert  le 
Diable  dans  les  conditions  que  l'on  sait,  et  dès  les  premiers 
jours  de  1 841,  l'ex-ténor  ouvrait  un  cours  de  chant  dans  nos 
murs,  — ainsi  que  nous  le  disions  dans  un  précédent  chapitre. 
Ces  leçons  de  chant  furent  le  prélude  ou  le  prétexted'une  cam- 


*  N**  des  34  et  3i  jaoTier  1841. 


—  742 

pagne  dans  les  feuilles  locales  pour  la  créaiion  d'une  École  de 
Musii^ue. 

Voyons  encore  le  Cygne  à  deux  reprises  : 

«  Hélas!  un  regret  se  mêle  à  toutes  les  joies...  notre  orches« 
tre  se  meurt;  qu'on  se  hâte  d'ouvrir  un  cours  gratuit  de  musî» 
que  vocale,  ei,  plus  tard,  instrumentale,  autrement  il  n'y  aura 
plus  d'opéra  possible  à  Aîx,  qu'en  allant  chercher  des  exécu- 
tants à  Meyrargues  ou  à  Mimei.  ^ 

Les  rédacteurs  de  ce  journal  étaient  hanlés  par  la  même  idcc 
que  Rïchelmc.  et  l'an  d'après,  ils  y  revenaient  à  propos  d*unç 
représentation  delà  Juipe  : 

4c  Les  chœurs,  l'orchestre  étaient  maigres;  on  vous  l'a  dit 
cent  lois,  La  musique  instrumentale  est  aux  abois  :  ouvrez  uat 
salle  gratuite  de  Musique»  ou  vous  entendrez  bieruôt  sooocf 
les  funérailles  de  Fopéra.  y> 

D  année  en  année,  la  question  fait  du  chemin,  et  le  30  sep- 
tembre 1843.  dans  son  testament  olographe,  rémineni  artiste 
qui,  dans  la  dernière  saison  théâtrale,  habitué  assidu.  soulTrait 
de  cette  pénurie,  y  insérait  des  dispositions  importantes. 

Dussions-nous  nous  répéter,  en  voici  succinctement  U  te- 
neur : 

*  Il  lègue  à  la  ville  d*Aix,  son  pays  natal,  U  somme  de  du 
mille  francs, à  la  condition  expresse  que  son  Conseil  municipal 
instituera  une  École  gratuite  de  Musique.  ^ 

Kt  le  patriote  inspiré  invite,  avec  une  délicatesse  exirème.  ks 
amateurs  de  musique  qui  peuvent,  ainsi  que  lui,  cl  sans  porter 
préjudice  à  personne,  disposer  d*unc  certaine  somme,  à  faire 
des  legs  a  la  Ville,  afin  de  l'aider  à  ciablir  dans  son  sein  tmc 
brillante  Ecole  de  Musique.  —  Ce  sont  les  propres  termes  de 
cet  amoureux  de  TAri, 

Mais,  il  y  a  un  mais  ICI  ;  guère  plus  d*un  an  après  cette 
disposition  du  noble  Aixois,  le  1'*  février,  dans  la  malins  .^ 


-  743- 
jour  où  il  expirait,  un  codicille  détruisait  le  beau  projet  de  la 
création  d'une  École  de  Musique;  la  municipalité  d'alors  ne 
parut  pas  trop  s' intéresser  au  projet  si  caressé;  elle  laissa  lescho- 
ses  où  elles  étaient,  quand  elle  apprit,  dans  les  premiers  jours 
de  1846,  que  le  legs  Richelme  avait  reçu  une  autre  destination. 

Ce  ne  fut  qu'en  1849  V^^  Marius  Lapierre,  un  admirateur 
du  ténor  célèbre,  reprit  son  idée  et  fit  un  cours  de  solfège  gra- 
tuit, dans  une  pièce  de  sa  maison,  près  Téglise  Saint-Esprit, 
pour  les  enfants  d'abord,  puis  pour  les  adultes;  ce  cours  fut 
bientôt  doublé,  triplé.  Nos  sages  édiles,  comprenant  que  r«art 
de  combiner  les  sons  »  ne  devait  pas  manquer,  dans  la  cité, 
au  faisceau  de  l'enseignement,  accordèrent  au  vaillant  fonda- 
teur un  local  dans  la  rue  Suffren,  —  mesure  qui  fut  suivie,  en 
i856,  d'une  modeste  subvention  municipale. 

Le  Conservatoire  d'Aix  était  fondé  sous  la  généreuse  initia- 
tive du  ténor  Richelme;  chaque  année,  la  municipalité  témoi- 
gnait de  son  intérêt  pour  la  nouvelle  institution,  et,  grâce  à  la 
bienveillante  sollicitude  de  M  le  sénateur  Leydet,un  musicien 
de  talent,  cette  école  si  prospère  est  devenue  École  nationale  de 
Musique. 

Les  mânes  du  grand  chanteur  doivent  en  tressaillir;  on  y 
compte  aujourd'hui  3oo  élèves  et  12  professeurs,  sous  l'habile 
direction  de  M.  Poncet,  professeurs,  hommes  et  dames,  les  jeu- 
nes filles  étant  admises  à  profiter  de  l'enseignement  musical 
gratuit.  * 

On  ne  peut  qu'applaudir  à  tout  cela,  et  en  honorant  la  mé- 
moire de  Marius  Lapierrc,  rendons  hommage  à  Richelme,  qu* 
a  jeté  les  bases  d'une  École  de  Musique  gratuite  et  publique  à 
Aix.  En  en  faisant  l'historique,  Tun  des  élèves  les  plus  distin- 


*  On  en  comptait  60  parmi  les  i3o  cxécatants  de  la  messe  de  Requiem 
à  la  Métropole  pour  Tancien  maître  de  chapelle  Henri  Poncet. 


—  744  - 

gucs.  M.  Auguste  Giraud,  prdsidcnl  du  Comité  des  fèics  du 
Cinquantenaire,  n'aurait  pas  manqué  d'associer  la  mémoire 
du  fondateur  à  celle  de  Unittateur  Richclmc. 

n  ne  reste  plus  qu'un  desideratum  pour  le  IusUl-  ul- 
école  :  qu'elle  reprenne  son  titre  primitif  de  Conservatoire  et 
devienne  succursale  du  Conservatoire  national  de  musique  <^ 
de  déclamation. 

Maintenant»  un  hommage  public  est  dû  à  I  artiste,  au  citoyl^ 
dont  nous  venons  d  esquisser  la  vie  si  courte  et  si  bico  rem- 
plie. 

De  quelle  façon  devons-nous  honorer  la  mémoire  de 
Richclme,  perpétuer  son  souvenir,  montrer  ce  noble  cœur  aux 
générations  futures?  La  reconnaissance  nous  en  fait  un  devoir 
à  nous  Aixois,  par  les  bienfaits  de  toute  nature  que  nous  lui 
devons, — et  les  malheureux  secourus  par  lui  en  trouvent  un 
témoignage  irréfutable  dans  le  portrait  qu'on  admire  au  Bu- 
reau de  Bienfaisance, 

Ce  portrait  (nous  l'avons  décrit).  Tun  des  meilleurs  de  cette 
vaste  galerie,  où  tant  de  philanthropes  semblent  revivre,  est  un 
premier  hommage  de  reconnaissance  rendu  à  Richclme. 

Avec  cette  œuvre  remarquable  de  peinture,  il  en  reste  â  Uirc 
une  de  sculpture,  le  buste  du  ténor,  —  marbre  qui  a  dû  tigurcr 
sur  sa  tombe*  ainsi  qu'il  est  dit  au  chapitre  précédent.  Ce 
buste,  nous  le  disions  aussi»  un  artiste,  son  compatriote  et  ad > 
mirateur,  veut  Texccuter,  et  Ton  se  demande  s'il  doit  ètrt  mis 
en  remplacement  de  la  belle  urne  couronnant  son  monuiDCfit 
au  cimetière. 

Non,  beaucoup  diront  comme  nous. 

La  place  de  ce  buste  est  à  Icntrée  de  notre  ville,  fièredesâ 
enfants  illustres,  tels  :  le  peintre  des  «t  intérieurs  m,  Granct,  sur 
la  fontaine  Bcllegarde,  et  l'auteur  du  Désert,  Félicien  Dav*d. 
ce  glorieux  fils  adoptif,  en  face  du  kiosque  de  la  musique. 


—  74^  — 

A  rextrémité  de  la  Rotonde,  près  du  bureau  d'octroi,  au  point 
où  va  s'ouvrir  le  boulevard  aboutissant  entre  la  manufacture 
d'allumettes  et  la  villa  Richelme,  boulevard  portant  sans  doute 
le  même  nom,  et  rapprochantd*Aix  en  quelque  sorte  la  nouvelle 
propriété  communale,  due  à  la  munificence  des  Richelme,  là 
est  la  place  marquée  du  buste,  hommage  public  à  Tartiste  et  au 
citoyen. 

Aussi  bien  que  dans  l'une  de  nos  rues  très  fréquentées,  aussi 
bien  qu'à  la  porte  des  États,  à  THôtel-de-Ville,  des  inscriptions 
en  provençal,*  commémorent  des  événements  artistiques,  lit- 
téraires, la  stance  suivante  pourra  être  gravée  sur  le  piédestal  : 

A     RICHELME 

1804-1845 

Lou  bouen  Richèume,  Jièr  «  caniairei^^ 

Ténor  coumo  se  n*ausè  gaire. 
Qu'en  d*  opéra  fa  mous  tant  bèi  rôle  a  juga  ; 

Lartisto  fasènt  meraviho 

Au  Grand-Teatre  de  Marsiho, 

Tambèn  eicito  sa  patrio, 
Repiéu  dins  aquest  maubre^  aro  glourifica. 


'  Les  Féiibres  de  Paris  n'ont  pas  fait  différemment  à  Cavaiilon,  pour  le 
grand  musicien  Castil-Biaze. 


.5? 


U   I 


r   :  I 


747 


XXXVIII 

LA  CONDITION  DES  HAITRES  D'ÉCOLE 

DANS  LA  RÉGION  DE  TOULON 

Sous   rAneien    Régime 

par  M.  L.  BOURRILLY,  Président  honoraire  de  l'Académie  du  Var, 

Inspecteur  primaire  à   Toulon. 


INTRODUCTION 

Les  débuts  de  l'insiruction  populaire  en  France  se  confon- 
dent avec  l'histoire  de  TÉglise.  Les  premiers  enseignements 
ont  ctc  donnés  à  l'ombre  des  cathédrales  et  dans  les  monas- 
tères. 

Charlcmagnc  coordonna  et  amplifia  les  prescriptions  des 
conciles  de  Vaison  (529)  *  et  de  Tolède  (53 1  et  633)  -,  Les  chro- 
niques nous  apprennent  qu'il  attira  auprès  de  lui  Télite  des 
savants  de  l'époque  et  qu'il  fonda  l'école  palatine  ;  mais  l'un 
de  ses  principaux  litres  à  l'admiration  de  la  postérité,  c'est  le 
soin  qu'il  mita  la  diffusion  de  l'instruction  parmi  le  peuple. 

En  789,  mille  ans  avant  la  Révolution,  il  publiait  un  capitu- 
laire  où  il  recommandait  aux  prêtres  de  recruter  les  clercs 


'  Q)nc.  Vasense  m,  can.  1,  529. 

'  Conc.  Tolctanam,  can.  i,  53i  ;  can.  xxiv,  633. 


—  74«  — 
parmi  les  enfants  des  serfs  (seryiiis  cofuiidonis  mfanl 
parmi  ceux  des  hommes  libres  (ingenuorumjilios)  et  l'établis- 
sement d'une  école  dans  chaque  cvèchc  et  chaque  moriasièrc. 
Son  principal  collaborateur,  l'cvèque  d*Orlcans,Théodulfc,  va 
plus  loin  et,  en  797,  il  provoque  un  capitulairc,  dans  lequel  les 
curés  étaient  exhortés  à  tenir  une  école  dans  les  villes  et  les  vil» 
lagts  (Presbiteri  per  pillas  ei  pî'cos  scholas  habeant). 

Mais  cet  enthousiasme  pour  rinstruction  ne  survécut  pas  au 
grand  empereur;  une  décadence  complète  des  écoles  suivit  de 
près  sa  mort  et  aucun  de  ses  successeurs»  après  1  emiettemeol 
de  l'empire,  ne  se  préoccupa  au  moindre  degré  d*éclaircr  le 
peuple.  On  traverse  ainsi  trois  siècles,  où  Tignorance  était ^cnc» 
raie,  hormis  chez  les  moines  et  quelques  membres  du  clergé 
séculier. 

Un  décret  du  concile  de  Toulouse,  en  io56,  porte  défense 
aux  laïques,  sous  peine  de  l'excommunication,  déposséder  ou 
dc| retirer  les  fruits  d  aucun  bénéfice  ecclésiastique,  pas  même 
de  sacristain  ou  de  maître  d'école  '. 

En  1179,  un  canon  du  troisième  concile  œcuménique  àt 
Latran  rappelle  robhgation  d'installer  auprès  de  chaque  caihc- 
drale  une  école  gratuite  pour  les  clercs  et  les  écoliers  pauvres 
et  d'établir  des  écoles  monacales  et  paroissiales.  Les  licences 
d'enseigner  ne  devront  être  conférées,  et  à  titre  t^raluii,  qu  a  M 
maîtres  instruits  et  di^^ncs  Je  remplir  les  fonctions  d'ens 
gnement  *. 

Le  recueil  des  chartes  de  l'abbaye  de  Saint-Victor  de  iMar* 
seille  fait  connaître  quelle  possédait  au  xr  siècle  une  grande 
partie  de  la  région  de  Toulon,  Il  est  probable,  quoique  nous 
manquions  de  documents  précis,  que  les  moines  de  Six-Fours 


'  Conc.  Tolosanum»  can.  vu  t.  io56. 
*  Conc.  Lateranemc,  can.  iviii,  1179. 


I 


-  749  - 
et  d*Hyères,  les  prêtres  séculiers  qui  desservaient  les  quelques 
paroisses  répandues  dans  le  voisinage,  s'étaient  conformés  aux 
décrets  des  conciles.  Certains  auteurs  laffirment,  mais  sans 
apporter  aucune  preuve  authentique.  L'un  d'eux  dit  que  les 
moines  de  Saint-Victor,  dans  un  temps  où  le  pays  venait 
d'être  ravagé  par  les  Sarrasins  et  restait  en  butte  aux  guerres 
seigneuriales,  s'enfermaient  dans  leurs  couvents  et  que  «  seuls 
dépositaires  de  la  science  de  notre  pays,  ils  se  faisaient  un 
devoir  d'éclairer  le  peuple  et  de  le  protéger»  *. 

En  io32,  Aicard,  vicomte  d'Arles,  fils  de  Guillaume  II, 
vicomte  de  Marseille,  de  la  famille  des  seigneurs  de  Cuers, 
installe  dans  ce  pays  des  moines  de  Saint-^^assien,  dans  un 
mansus  qui  consistait  en  une  vaste  étendue  de  terre  où  se 
trouvaient  plusieurs  grandes  maisons  d'habitation  pour  les 
religieux  occupés  aux  travaux  agricoles  et  pour  ceux  qui  étaient 
chargés  de  l'instruction  de  la  jeunesse  *. 

l.  —  Le  recrutement  des  régents  et  les  baux  d'école. 

Pour  étudier  les  écoles  populaires  de  cette  époque  du  moyen- 
âge  où  commence  la  vie  municipale,  les  seuls  documents  que 
nous  ayons  sont  les  comptes  des  clavaires,  sortes  de  receveurs 
chargés  de  la  comptabilité  communale.  Leurs  livres,  où  ils  ont 
inscrit  au  jour  le  jour  les  recettes  et  les  dépenses,  font  connaî- 
tre, le  plus  souvent  sous  forme  de  simples  nomenclatures,  les 
faits  municipaux  de  cette  époque  lointaine. 

A  partir  du  xV  siècle,  les  contrats  des  municipalités  avec  les 
maîtres  d'école  figurent  souvent  sur  les  registres  des  conseils 
de  ville  ou  les  minutes  des  notaires. 


*  Annales  de  SiX'Fours,  par  M.  le  comte  d'Audiffret,  p.  49. 

*  Charte  cix.  —  Collection  des  Cartultires  de  France.  Documents  iné- 
diis  sur  l'Histoire  de  France,  tome  VIU. 


-  75o  - 

L'2  14  mars    1427,  une  somme  de  cinq  Horins  est  voicc  à 
Guillaume  Peyrard,  maître  d'école  gramniaticalc  à  Toulon, 
Le  I"  juin  de  la  même  année,  Guillaume  Amie,  prêtre  de 
Collobrières.  est  chargé  de  régir  les  écoles  de  Toulon   pendant 
six  ans.  durant  lesquels  le  loyer  de  son  établissement  lui  sera 
payé;   il   n'est  pas  question  d  émoluments.  Le  régent   Amie 
étant  mort  avant  Texpiration  de  son  bail,  il  est  décidé,  pour 
Tutilité  publique  (rey  publiée),  h  i5  janvier  1433,  qu*un  local 
sera  donné  à  Pierre  Gay,  régent  d'école  grammaticale.  Ce 
maître  dut  exercer  peu  de  temps,  puisque  le  25  septembre  sui- 
vant, le  Conseil  de  ville  accorde  cinq  florins  à  JauflFrct  Dau- 
phin, prêtre,  pour  la  régence  des  écoles  de  grammaire  pendant 
l'année  courante.  La  même  somme  est  payée  au  maître  d*ccolc 
le  2  août  1442.  Quelques  années  après.  TOfiicier  de  la  Cour 
épiscopale  réclame  certains  droits  au  prêtre  chargé  de  rensei- 
gnement. Le  Conseil  prend  fait  et  cause  pour  le  régent  et  dé- 
cide de  prier  gracieusement  Tévêque  de  se  désister  de  la  prohi* 
bition  faîteaux  vicaires  de  continuer  leurs  cours.  On  ne  iroui 
pas  trace  de  la  décision  de  levèquc  (juillet  1451),  Dix  ans  pli 
lard,  le  tils  d'Antoine  Ruffi,  de  Six-Fours,  est  choisi  pour  I 
régence  des  écoles  de  Toulon  ^ 

Le  T2  septembre  1547,  le  Conseil  de  la  Communauté  de  la" 
Valette  décide  de  faire  venir  un  maître  d'école  pour  bien  ensei- 
gner les  enfants  du  pays^. 

La  régence  des  écoles  était  généralement  concédée  pour  un 
an  commençant  à  la  Sainl-MicheL  en  vertu  de  contrats  pu- 


*  Registre  du  Conseil  de  Ville  de  Toulon,  Archifes  mojiicjpialc»  : 
BB.  36.  f»'  Su  et  47  ;  BB.  3;,  (*  48  ;  BB.  38,  f-  33 ,  BB.  41.  f-  6  ;  BB.  4» 
f**  9,  10  et  247. 

*  «  Conseil  h  tengut  lo  i^  dé  settembre  1547.  L*aD  et  lo  |0f  ek-4mt» 
esta  congregjii  lo  vénérable  conieUh  daquest  présent  luech  de  tok  ValtOi 


-  7^>  - 
blicsdont  nous  possédons  plusieurs  modèles.  C'était  un  mar- 
ché à  forfait  qui  s'établissait  entre  le  magister  et  l'administra- 
tion consulaire.  On  ne  craignait  pas  d'entrer  dans  les  détails 
les  plus  minutieux  *. 

Le  Conseil  de  ville  s'entourait  quelquefois  de  lavis  des  pères 
de  famille.  Le  25  juin  iSqo,  le  sieur  Boissière,  du  Luc,  est 
nommé  au  Puget  de  Cuers,  «  après  avoir  prins  le  sentiment 
des  abitants  qui  ont  des  enfans  à  envoyer  à  ladite  éscole  et 
qui  ont  été  convoqués  au  Conseil  »  *. 

Le  choix  du  maître  n'avait  souvent  d'autre  garantie  que  sa 
bonne  réputation  et  ses  services  antérieurs.  L'autorité  ecclé- 
siastique, forte  des  décisions  des  conciles  et  des  édits  royaux. 


in  Ihostal  di  Sant  Esprit.  Sount  présents  davtnt  Moussa  la  luochtenent 
do  jagi  :  Peiré  Possel...  conseilbers  ;  qae,  totiensen,  ant  desclarat  et  bor- 
dinat  que  sera  chosi  ung  magistré  per  enshenar  los  enfants  dé  la  Villo, 
dounant  la  comissien  à  moussons  loas  consus  de  rattrobar(le  trouver)  au 
milhor  proafit  que  sera  per  la  Villo  ».(Arch.  communales  de  La  Valette). 

*  Acte  de  régence  des  écoles  par  les  consuls  de  la  communauté  de 
Cuers  en  faveur  des  sieurs  Dollonne  et  Laugier.  —  25  septembre  i658. 
«...  Ledit  Dollonne  sera  tenu, comme  promet  de  tenir  sieur  Pierre  Lau- 
gier, son  second,  d'enseigner  la  jeunesse  de  grammaire,  lire  et  escrire 
chascun  par  ordre  de  ce  que  pourront  être  instruit  avec  les  paches 
(conventions)  suivantes  :  i*  Qu'ils  seront  tenus  de  faire  leçon  matin  et 
soir  à  tous  les  cscolliers  capables  de  la  grammaire;  dire  leçons  à  tous  les 
escolliers  de  la  Ville,  comme  fut  toujours  pratiqué  sans  rien  prendre  de 
la  dicte  leçon  ordinaire,  faire  d'exemples  et  enseigner  à  escrire  :  2*  Plus 
que  tous  les  dimanches  et  jours  de  festes,  lesdits  sieurs  Dollonne  et  son 
second  convoqueront  leurs  escolliers  dans  le  collège,  et  de  là  les  condui- 
ront à  l'église  pour  ouïr  la  grande  messe  et  vespres  et  les  contenir  dans  la 
dessance  convenable  et  bonnes  instructions  à  la  dévotion.  Comme  aussi 
marcher  et  conduire  iceuz  à  toutes  les  processions,  le  tout  avec  soin  et 
fidélité.  Ce  bail  est  fait  moyennant  le  prix  et  somme  de  lao  livres,  savoir 
90  livres  au  dit  Dolonne  et  '60  livres  au  dit  Laugier  second  ».  Arch.  com- 
munales de  Cuers. 

*  Registre  des  délib.  du  Conseil  mun.  de  Paget*Ville.  —  (Arch.  dépar- 
tementales BB.  16). 


7>2  - 

donnait  son  agrément  à  ces  nominations  qui  ne  devenaicttT 
Jélinitives  qu'après  lapprobation  de  l  evêque. 

On  appelait  parfois  un  notaire  pour  passer  le  bail  des 
écoles  '.  Il  arrivait  aussi  que  la  municipalité  s'adres&aît 
directement    à    levéque    pour    la    désignation    d*un    maim 


*  Bail  des  escholks  pour  la  communauté  de  Cuers.  1394.  «  l/ao  raèi 
cinq  cens  nonanie-qujiire  et|le  sixiesme  jour  du  moys  de  octobre  adfaQt 
midy,  sçachent  tous  que  constitués  en  leurs  personnes,  par  devant  notii 
notarrc  royal  soubsigné.témomgs  soubsnommés.messire  Jehan  Birralfery. 
docteur  en  médccinep  messire  Jehan  Baffier,  conseuL 

Lesquels  par  eux  et  leurs  successeurs  et  desquels  ont  dict  avoyr  ci 
de  ce  taire,  ont  baillié  à  mestre  Antoine  Revest  du  lieu  du  Castdl 
présent,  acceptant,  stippullant  savoir  le  régime  et  gotivernement  dei 
esclioîes  el  jeunesse  du  dici  Cuers,  pour  le  tems  etspassed'un  an  complet. 
prochain  et  advenyr,  comptable  des  le  jour  de  saint  Michel  dernter  ei 
semblable  jour  fmissant*  au  saiayre  et  réchompense  de  trente  e&cus  sol  k 
soixante  soulz  pièce,  payables  par  la  dicte  commune  au  thréxorter*  ptf 
icelle  au  dict  mestre  Kevest  par  quartenier  de  sept  esc  us  et  deray  sol  de 
dicte  valeur  chascun  a  comencement  avec  paiche  (accord)  entre  les  dicts 
sieurs  conseuls  et  mesire  Revest  qu'il  sera  teneu  de  bien  endoctrina  U 
dicte  icunessc  tant  du  dict  Cuer  que  forains  en  toutcc  piété  et 
religion  comme  aussy  en  bonnes  lettres,  la  mener  en  Tesgtrse  tous 
dimanches  et  Testes,  et  les  veillierà  vespres. 

Aussy  que  les  dicts  Conseuls  luy  feront  avoir  et  tenyr  les  dictes  eschol 
le  tems  durant,  que  les  baillicronià  aulcun  aultre.  Lequel  bail  et  toaies 
les  choses,  au  présent  acte  contenues  ont  promises  avoyr  aggréables,  ftf> 
mes  et  valables  sans  jamais  y  contrevenyr.  h  peine  de  payer  tout  despcns 
qu'a  fautte  d^observaiions  des  choses  susdites  s'en  porroient  ensuytfe.  El 
pour  ce  faire  et  observer  ils  ont  soabmis  et  obligé  sçavoyr  le  dit  mestft 
Revest  tous  et  chascuns  ses  biens  et  droicts  présents  et  advenyr  et  (et 
dicis  Conseuls  tous  et  chascuns  les  droicts  présents  et  advenyrde  la  dkte 
Communauté,  aux  cours  de  submissions  de  la  ville  d*Hieres  et  to«eiei 
aultres  de  Prouvence. 

Ainsins  l'ont  promis,  juré  et  requis  acte  et  publyë  an  dit  Coers^  Pré- 
sents i  Mestre  Jacques  Caihalan,  du  dict  Cuers,  mestre  Louis  Hottitanft. 
du  Ueu  de  La  Cadière.  tcmoings  requis  soubsignés  qui  ont  S<Ya  escrr''* 
El  de    moy  Antoine   Barry.  notere  rouyal  du  dict  Cuers  ensufic  a.     t 
soubsigné.  »  (Extrait  des  minutes  de  M*  Grisolle,  notaire  à  Coers.» 


-  753  - 

l'école  *.  Mais,  dans  la  plupart  des  cas,  Tévèque  ne  (aisaii  que 
IliHer  le  choix  du  candidat  présenté  par  le  Conseil  de  la 
communauté.  Alors  seulement  pouvait  avoir  lieu  rinstallaiion 
officielle*.  Le  curé  ou  le  recteur  de  la  paroisse  assistait  générale- 
ment aux  séances  du  Conseil  ei  notamment  à  celles  où  Ion 
s'occupait  des  régents  La  signature  des  curés  sur  les  registres 
des  délibérations  précède  même  celle  des  consuls  et  la  pré- 
sence du  prêtre  semble  devoir  assurer  Tacceptation  des  propo- 
sitions faites  à  1  cvèque  ou  à  ses  vicaires  généraux  chargés  de 
représenter  leur  supérieur 

Lorsque  plusieurs  candidats  se  présentaient  pour  la  même 
école»  le  plus  capable  était  nommé  après  une  sorte  de  concours 
ou  <t  dispute  »  présidé  par  une  Commission  composée  de  nota- 
bles. La  dispute  était  parfois  fort  vive. 

En  i56i,  le  sieur  Cyprien  Coflre»  de  Toulon,  se  plaint  aux 


*  A  Messieurs  les  Consuls  de  Signes. 

Monseigneur  a  reçu  U  leiire  par  laquelle  tous  tui  demandez  un  raaftre 
d'écote.  It  m'ordonne  de  vous  répondre  que  si  votre  demande  est  pour 
M.  Borel,  le  père,  il  est  fAché  de  ne  pouvoir  vous  l'accorder,  puisqu'il  lui 
avait  défendu  d'enseigner*  et  que  les  informations  qu'il  a  prises  sur  le 
fils  ne  lui  sont  pas  favorables.  On  lui  a  dit  que  c'était  un  homme  livré  à 
ses  plaisirs  et  aux  compagnies,  et  qu'il  était  toujours  avec  de:^  allés.  Un 
pareil  exemple  n'est  pas  favorable  aai  écoliers.  D'ailleurs,  on  n'a  pas  en- 
voyé d*aUesiauon  de  ses  vie  et  mœurs  donnée  par  M.  le  Curé.  Cet  article 
te  regarde  et  c'est  sur  votre  demande  et  votre  attestation  que  Monsei> 
gnenr  examine  sa  capacité.  Il  sera  charmé  de  vous  faire  plaisir  quand 
vous  lui  présenterez  des  sujets  capables. 

A  Marseille,  le  ib  octobre  1743.  Boyir,  prêtre  secrétaire.  (Archives 
communales  de  Signes.) 

*  Lettre  d'autorisation  d'enseigner  à  Soiliès  Pont,  du  17  août  1742  : 
«  L-ouis  Albcn»  évêquc  de  Toulon,  suffisamment  informé  de  la  piété» 
bonnes  moeurs,  etc.,  permettons  au  sieur  Joseph  Arbaud  de  tenir  école  au 
Pont,  lai  enjoignant  d'enseigner  la  doctrine  chrétienne,  le  catéchisme  da 
diocèse,  la  fréquentation  dts  sacrements  et  les  otHces  de  la  paroisse 
ttd'eti  donner  exemple  ..  >  (Archives  paroissiales  de  SoUiès-Poot.  » 


CÛMUiCi  —  48 


-754     - 

consuls  de  ce  que  1  on  a  arraché  les  conclusions  qu*il  avait  i£* 
chées  sur  la  porte  de  la  caihédrale  ei  qu'il  est  prêt  à  souteotr. 

Dans  les  comptes  trésoraires  de  1612  *  à  Solliès.  on  trouve b 
mention  du  paiement  tait  à  deux  avocats  chargés  par  le  lieute- 
nant d'Hyères  de  venir  présider  le  concours  de  régent  des  cco* 
les.  Et  dans  une  délibérationdu  Conseil  de  la  même  commune» 
du  18  septembre  j66r»  on  lit  qu'attendu  qu'on  n*a  pu  «;  de- 
meuré d'accord  du  régent  des  escoles,  tl  y  a  lieu  de  les  mettre 
à  la  dispute  ^  '  devant  la  personne  qui  sera  envoyée  par  le 
supérieur  des  jésuites  de  Toulon. 

Les  baux  avec  les  magisiers,  nous  Tavons  vu.  n'étaient  pas- 
sés que  «  pour  le  temps  et  espace  d'une  année  3»,  mais,  ils  étaient 
susceptibles  de  renouvellement  avec  le  même  titulaire  s*il  cofh 
venaiiau  curé  et  aux  paroissiens.  Parfois,  le  régent  devait  faife 
un  stage  avant  d'être  admis  détiniiivement  \ 

Le  choix  n'était  pourtant  pas  toujours  entouré  des  meilleu- 
res garanties;  car  «(  la  préférence,  dit  un  texte  du  temps  qui 
ortre  évidemment  une  certaine  exagération,  est  loujoiiiî 
accordée  à  ceux  qui  offrent  leurs  services  au  moindre  prit  et 
qui  lors  de  la  convention  payent  le  plus  à  boire  à  la  commu* 
nauté  1»  *. 

En  1667,  plusieurs  pères  de  famille  et  quelques  conseillers 
deCoilobrières  protestent  contre  le  choix  qu'a  fait  la  commit- 


•  Archives  déf^artemcntiles. 

•  Ibiâ, 

•  Conseil  du  Ctslellct,  du  12  jain  1757.  «  Le  siear  ieia  £1^ 
tetme  s'est  présenté  pour  régenter  les  écoles  pendant  troi&  r  >  . 
voir  sVI  sera  agréable  aux  habilans  sauf  ensuite  h  Tagrecr  ou  à  le  itt* 
voyer.  Pendant  ce  temps»  le  régent  ayant  donné  des  marqqes  à>t^ 
homme  capable  pour  Téducation  de  la  jeunesse^  et  comme  H  loMcit 
l'approbation  de  M"  l'Evéque  de  Marseille,  il  est  nommé  d^finittvcaicci  v 
(Arch.  comm.  du  Castetlet.l 

•  MATHitu.  VAncien  régime  dans  ta  province  de  Lorraine  et  Bifrm* 


-755- 

nauté  du  moins  capa]3le,  disent-ils,  des  deux  candidats  à  la 
régence  des  écoles  et  notifient  leur  protestation  aux  consuls  par 
exploit  du  6  septembre  de  Veyrier,  sergent  royal  du  lieu  de 
Pignans.  Les  consuls  répondirent  par  un  refus  catégorique  à 
la  sommation  qui  leur  était  faite. 

H.  —  Les  traitements  des  régents. 

L'extrême  modicité  des  traitements  des  régents  était  un 
grand  obstacle  à  leur  recrutement. 

Nous  avons  relaté  que  Pierre  Gay,  de  Toulon,  recevait,  en 
14Q7,  «  les  gaiges  habituels  de  cinq  florins  par  an  »,  et  avait, 
en  outre,  la  jouissance  de  la  salle  de  classe.  Ce  traitement  fut 
porté  ensuite  à  12  florins;  mais,  en  1448,  la  caisse  municipale 
devait  se  trouver  dans  une  détresse  extrême,  car,  par  délibéra- 
tion du  17  janvier,  défense  est  faite  aux  créanciers  de  la  Ville 
de  demander  l'argent  qui  leur  est  dû,  les  gages  du  maître 
d'école  sont  ramenés  à  10  florins  et  le  loyer  est  laissé  à  sa 
charge  «  attendu  que  la  communauté  est  sans  ressources  >. 
Cependant,  on  revient  à  des  émoluments  plus  sortables,  puis- 
qu'en  1481,  ils  étaient  de  20  florins.  En  i558,  le  recteur  des 
écoles,  Jacques  Beauseur.a  juste  le  double,  et  dix  ans  plus  tard 
ils  étaient  portés  à  120  florins.  En  1621,  la  dépense  des  écoles  a 
considérablement  augmenté.  Elle  était  destinée  à  deux  sortes 
d'établissements  :  «  iMl  sera  employé  la  somme  de  i5o  livres 
pour  chacun  des  trois  régents  du  collège  à  créer;  2»  M.  Mont- 
mcjean,  maître  d'écriture,  sera  chargé,  moyennant  100  livres 
par  an,  «  d'enseigner  l'écriture  et  l'arithmétique  aux  pauvres 
enfants  de  la  Ville  que  lui  envoiront  Messieurs  les  consuls  >  *. 


«  BB.  48.  f»  448;  54.  f«  278;  53.  f«  454  et  5ii  ;  54,  f  28,  408  et  556;  55, 
f«  6  ei  71.  (Archives  communales  de  Toulon.) 


En  1372,  un  iraitemeni  de  7  écus  de 4  florins  pièce  et  t' 
de  la  salle  d'école  sonl  donnés  au  magisterdu  Puget  de  Cuers, 
ces  émoUiments  sont  de  8  écus  en  161 3. 

La  communauté  de  Bormes  payait,  en  1646,  12  écus  à 
Jacques  Cotte,  régent,  et  8  â  un  aide.  Celle  du  Castellci  ciait 
plus  libérale  :  elle  donnait,  en  1694.  180  livres  au  régent  Gas- 
pard Manfroy  et  100  livres  à  son  adjoint,  Marc  Décu^is. 
<c  lieutenant  de  la  jeunesse  ^. 

Nous  pourrions  multiplier  les  exemples,  car  les  documcocv 
municipaux  abondent  sur  cet  objet. 

A  lallocaiion  municipale,  à  moins  de  stipulation  contraire. 
s*ajoutait  une  modique  rétribution  scolaire. 

En  1787,  le  magister  de  Belgentier  avait  100  livres  de  gages* 
augmentés  d*une  rétribution  de  8,  i5  et  20  sols  par  mois  selon 
que  les  élèves  apprenaient  l'alphabet,  l'écriture  ou  1  arithmé- 
tique. On  n'ensei^'nait  qu'une  matière  après  l'autre. 

Le  conseil  municipal  de  CoUobrièrcSt  en  1714»  'désigae 
comme  récent  «  le  sieur  Honoré  Ginouvès  aux  gages  ordiiiai* 
res  de  60  livres  que  la  commune  accorde  annuellement  la 
maître  d'écolle,  et  par  dessus  cela  se  fera  payer  aux  enfans  qai 
liront  l'alphabet  4 sols  par  mois;  à  ceux  qui  liront  te  livrcde 
Notre-Dame  G  sots;  à  ceux  qui  liront  les  livres  et  le  françois 
et  qui  commenceront  à  lire  la  BC  H  sols,  et  ceux  qui  liront  cl 
chirtreroût  10  sols,  et  enseignera  les  pauvres  chariublemeot  et 
gratis...  1^  * 

Mais  non  seulement  les  gages  des  maîtres  d*école  étaient  en 
général  infimes  ;  ils  étaient  parfois  très  irrégulièrement  payés. 

1^  première  prébende  du  chapitre  de  Toulon  JevaîL  «ui 


'  l>éhbérdttoii  du  Conseil  de  la  commaaaaië  deCollobriàfet,  4ii  at  iwi' 

let  1714.  {Archives  manicipales.) 


-757- 

termes  d*une  ordonnance  royale»  être  affectée  à  la  formation  du 

traitement  du  régent.  Or,  le  Chapitre  paya  une  année  seule- 
ment et  laissa  ensuite  toute  la  charge  à  la  commune  qui 
réclama,  en  i6i3,  devant  le  Parlement  d'Aîx  et  obtint  gain  de 
cause.  Nous  possédons  la  requête  des  consuls  de  Toulon  et 
l'ordonnance  favorable  du  Parlement. 

En  1606.  le  sieur  Sigalon,  régent  de  Collobrières,  devait  rece- 
voir 12  écus  de  gages  et  un  mandat  de  la  moitié  de  cette 
somme  lui  avait  été  délivré  par  les  consuls;  mais  le  trésorier 
municipal,  au  lieu  de  s'exécuter,  invita  le  régent  à  se  faire 
payer  par  quelques  débiteurs  de  la  commune  qui  avaient  né- 
gligé d'acquitter  leurs  impôts  Tannée  précédente.  Sur  la 
plainte  formelle  de  Sigalon*  le  bailli  de  Collobrières  donna 
raison  à  ce  dernier,  et,  par  exploit  d'huissier,  saisie  d'un  dne 
lut  opérée  chez  Martin  Vallense,  trésorier,  comme  gage  de 
larriéré  dû  au  maître  d*école  *. 

Si  Texamen  des  documents  municipaux  permet  de  relever 
de  nombreuses  négligences  dans  le  payement  des  gages  sco- 
laires, nous  ne  saurions  passer  sous  silence  un  acte  de  généro* 
site  qui  est  mentionne  dans  les  archives  de  Puget-Ville  et  qui 


*  «  L*an  mil  six  cens  sept  et  ït  vingtième  jour  da  mois  de  janvier  en 
vertu  dti  décret  sy  dessus  par  copie  uxé  par  Monsieur  le  bailli  de  ce  lieu 
de  CouUoubrières  et  à  la  reqneste  de  M*  Antoine  SigaEon,  régent  des 
escolles  dad.  lieu,  avoir  faîci  commandement  en  tel  cas  requis  à  Martin 
Vallense,  trésorier  moderne,  de  payer  dans  trois  jours  la  somme  de  six 
cscas  mentionés  à  la  susd.  requeste  et  depans  aud.  impétrant,  lequel 
parlant  à  son  domicylle,  et  à  la  personne  de  sa  femme  qui  a  dict  qui 
navoient  point  d'argent  pour  payer  led.  mandat*  Certi&e  ]e  sergant 
rouyal  aud.  CouUoubrières  sobssigné  et  prenant  son  dire  pour  refus... 
Corne  pour  lors  avoir  pris  un  asne  de  po*l  gns  pour  n'avoir  trouvé  au- 
tre gage  plus  exploitable,  et  iceluy  desplacé  et  mis  en  séquestre  entre 
les  mains  et  pourvoyr  de  Louis  Audibcrt,  hoste  dud,  heu..«  »  Signé: 
BbIjiond,  (Arch    comm,  de  Collobrières,  1 


-  758- 

fait  honneur  autant  aux  autorités  locales  qu  a  celui  qui  en  ra! 
le  bénéliciaire* 

En  1771»  le  Conseil  de  la  comniunaLiié  vota  un  secours  an* 
nuel  de  90  livres  à  lancien  régent  Rostani  qui,  devenu  îii' 
firme,  était  dénué  de  ressources  *. 

IIL  '  Interruptioa  dans  le  service  scolaire. 

L'extrême  modicité  des  gages  et  de  la  rétribution,  les  baux 
annuels  et  l'instabilité  qui  en  résultait  pour  les  maîtres  étaient 
cause  de  la  [dilTïcuké  et  des  mauvaises  conditions  du  recrute- 
ment; ils  étaient  également  la  cause  dUnterruptions  fréquentes 
dans  le  service  scolaire  et  de  la  faiblesse  de  renseignement 

En  1693,  le  Conseil  de  la  communauté  d'Evenos  m^  donne 
pouvoir  aux  consuls  nouveaux  d  establîr  une  personne  capa- 
ble  pour  faire  la  régence  des  escolles  de  ce  Heu,  et  ce,  pendant 
une  année  aux  appointements  n'excédant  pas  loo  livres  ».  Ce 
vœu  ne  lut  pas  suivi  d  exécution  faute  de  régent.  Il  en  arriva 
de  même  Tannée  suivante  et  jusqu'en    1706.  De  nouvelles  et 


*  Délibération  du  21  juillei  1771  .  «»*.  Le  sieur  Maire  a  dit  que  le  sirur 
Rosunl.  ancien  rcgenl  des  écolles,  ayaol  presque  perdu  la  tue*  ne  po«- 
vaut  plus  etcrcer  la  régence»  a  représenté  qu'ayant  pas  de  moyen 
survenir  à  ta  vie»  il  demande  que  la  comunauic  luy  donne  quelque  ciio 
pour  se  subsister*  n*ayant  pu  s'épargner  aucune  chose  dans  le  temt  de  u 
régence  quoiqu'il  ayc  agy  avec  toute  rexactitude  possible,  requemr't  i'* 
délibérer, 

«  Sur  la  due  proposition,  te  conseil,  considérant  la  néceasité  où  setrosn 
le  sieur  Ro&iant  et  de  la  manière  qui  a  agy  pour  Téducation  des  enCiKiisêi 
lieu,  a  délibéré  de  lui  accorder,  ta  pie  liurant,  la  somme  de  quairc-nnil' 
dîi  Uvres  cliaque  année  payable  en  deui  payements  par  avance,  soa^ite 
bon  plaisir*  néanmoins  de  Monsieur  l'Intendant,  le  Conseil  itoonaot  poo* 
voir  aua  sieur»  Maire  et  Consuls  d'envrjycr  au  dit  Seigneur  IniMdast 
Teitrait  de  la  présente  délibération  et  le  supplie  de  voalodr  bien  DM* 
toriser.  »  (Arcb.comm.  de  Puget-Ville.) 


-  759  — 
longues  interruptions  eurent  lieu  de  171 1  à  1718-etde  1748  a 
l'jd'j.  De  sorte  que,  de  i683  à  1789,  Técole-d'Évenos  fonctionna 
pendant  44  ans  et  fut  fermée  pendant  62  ;  car,  nous  ne  trou- 
vons nulle  part  la  mention  qu'une  école  purement  libre  et 
[)ayante  ait  existé  pendant  que  la  communauté  retirait  sa  sub- 
vention ou  manquait  de  régents  municipaux.  Le  12  février  1769, 
le  Conseil  général  du  Castellet  représente  aux  Consuls  que 
«  depuis  quelque  temps  il  n'y  a  point  de  régent  d'escole,  ce 
qui  donne  lieu  à  la  jeunesse  de  se  pervertir,,  n'ayant  personne 
pour  les  conduire  et  les  éduquer*. 

Le  Conseil  de  Puget-Ville,  à  la  veille  de  la  Révolution,  se  la- 
mente sur  l'école  de  la  commune,  et  il  est  bien  obligé  de  recon- 
naître que  pour  pouvoir  assurer  le  service  scolaire  et  faire  un 
bon  choix,  il  ne  faut  pas  hésiter  à  faire  quelques  sacrifices  '. 

IV.  —  Cumul  de  fonctions  diverses  avec  la  profession  de 

régent. 

La  situation  extrêmement  précaire  des  maîtres  d'école  les 
obligeait  à  cumuler  des  emplois  très  divers  en  dehors  des 
fonctions  d'église,  d'école  et  de  mairie.  Le  régent  était  conduc- 
teur de  l'horloge  paroissiale  à  Puget-Ville  et  à  Pierrefeu  ;  caba- 
retier,  étapier,  trésorier  de  la  commune  au  Beausset,  où  Termite 
de  Saint-Laurent  fut  chargé  de  régir  les  écoles  en  1737. 

Dans  diverses  délibérations  du  Conseil  de  Saint-Nazaire-du- 


'  Délibération  du  Conseil  de  Puget-Ville,  du  27  février  1780: 
«  ...  Le  sieur  Maire  a  dit  qu'un  des  principaux  objets  de  leur  administra- 
tion était  de  veiller  à  ce  qui  soit  donné  une  bonne  éducation  auxenfans  : 
il  voit,  d'après  plusieurs  observations  qui  lui  ont  été  faites,  que  le  vœu  pu- 
blic, ni  les  intentions  du  gouvernement  ne  sont  remplis  au  Puget.  En 
effect,  chacun  s'aperçoit  que  l'on  voyait  autres  fois  d'enfans  bien  jeunes 
qui  avoicnt  profite  des  leçons  qu'on  leur  avoit  donné  à    propos  et  sa- 


Var,  relatives  à  la  siluaiion  financière»  on  remarque  un  article" 
ainsi  con<;u  en  bloc  :  u  Honoraires  des  magistrats»  récents  des 
écoles,  vallci  de  ville»  commis  du  piquet,  entretien  de  Thor- 
loge,')»  La  somme  variait  au-dessus  ou  au-dessous  de  600  li- 
vres. Il  est  probable  que  le  régent  remplissait  plusieurs  des 
fonctions  ci-dessus  cnumérées. 

D  autres  fois,  les  régents  joignaient  à  leurs  occupations  très 
diverses  certains  travaux  manuels.  Ils  étaient  vanniers,  cor- 
donniers» tailleurs»  cultivateurs,  etc. 

Mais  si  la  profession  de  régent  fournissait  rarement  de  quoi" 
se  suffire  à  celui  qui  l'exerçait,  il  est  permis  de  croire  que  beau- 
coup d'autres  professions  dites  libérales  n'étaient  guère  plus_ 
lucratives  dans  les  petites  localités. 

Les  comptes  irésoraires  de  la  commune  de  Solliès  portent  en" 
1618  le  payement  de  100  livres  de  gages  a  un  docteur  en  méde- 
cine en  qualité  de  régent  des  écoles  ;  ses  fionoraires  comme 
docteur  étaient  de  45  livres  seulement.  L'année  suivante,  le 
docieur-régent  ne  devait  pas  être  en  fonds  puisquUl  reçut  un 
à  compte  de  cinq  libres  sur  un  quartier  de  ses  gages. 


voient  (ear  compte  à  l'Âge  de  ri  ans,  mieux  qtion  ne  voit  auiourd*huy  h 
ceoît  de  l^.  Les  principes  de  lecture  et  d'écriture  ne  sont  pas  moins  ne- 
gliglés,  de  sorte  que  sous  pctj  d'années  on  troupera  à  peine  en  ce  lien  six 
penonncs  qui  sachent  seulement  signer,  parmi  cette  pépinière  d'en* 
fanx  qui  doit  un  /our  former  ce  conseit  et  régir  cette  Communauté* 

Le  sieur  Maire  sMtant  occupé  et  ayant  pris  I*a?is  de  M.  le  Curé  de  ce 
lieu,  de  plusieurs  autres  personnes  de  connaissance,  pour  découvrir  d'où 
vient  celle  diic«idcnce,  croit  qu'elle  ne  vient  que  de  la  modicité  des  gages 
da  régent  qui  ne  sont  pas  sutlisans  pour  entretenir  un  maiire  et  un  bon 
maître. 

En  conséquence,  il  propose  ao  Conseil  d*aQgmenter  les  gages  du  Régent 
et  de  les  porter  .V3oo  livres  sans  qu'il  puisse  exiger  aucun  salaire  deséco- 
liers,  après  en  avoir  obtenu  l'autorisation  de  Monseigneur  rintendtni  ». 
—  Adopte. 

(Arch.  comm.  de  Puget* Ville. | 


-    7^ï   — 

En  i656,  maître  Louis  Allamandi,  docteur  en  médecine, 
«  régentait  les  écoles  de  SoUiès  de  concert  avec  messire  Jean 
Giraudi,  prêtre  >►. 

En  1707,  le  Conseil  de  Collobrières  n'admet  pas  que  le  maî- 
tre d'ccolc  soit  en  môme  temps  greffier  du  seigneur  du  pays» 
par  la  raison  qu'il  ne  peut  remplir  convenablement  les  deux 
fonctions  à  la  fois;  et,  après  l'avoir  mis  en  demeure  de  choisir, 
il  le  remplace  par  un  autre  régent. 

A  Evenos»  deux  chirurgiens  du  lieu,  Michel  François  et  De- 
lau  Esprit,  tiennent  I  école  delà  commune  pendant  vingt  ans 
(1730-1750),  moyennant  i5o  livres  par  an  V. 

Les  comptes  irésoraires  du  Puget.  en  1657.  mentionnent  le 
payement  de  i5  livres  fait  à  «  Pierre  Mouttet.  sirurgien,  pour 
avoir  servi  de  régent  aux  escolles  du  Plan  ». 

En  1767,  le  sieur  Jean  Gueit,  régent  d'Ollioules,  est  en  même 
temps  conducteur  de  Thorloge.  contrôleur  et  peseur  de  la 
viande  à  l'abattoir. 

V.  —  Gratuité  de  renseignement  pour  Les  enfants  pauvres. 

Le  principe  de  la  gratuite  pour  les  entants  pauvres  avait 
été  admis  de  bonne  heure  par  beaucoup  de  communautés. 

Dès  le  xvï"  siècle,  la  gratuité  paraît  avoir  été  nettement  éta- 
blie a  Toulon,  par  exemple,  comme  le  prouvent  divers  actes 
passés  pourla  régence  des  écoles.  Ainsi  un  baildu  i^'^^aoûl  i658, 
passé  par  les  Consuls  en  présence  du  Chapitre  qui  fournit  les 
gages  du  régent  Fulconis,  tîxés  à  120  florins,  obligea  ce  der- 
nière instruire  les  enfants  de  la  ville  ^  tant  de  bonnes  lettres^ 
chascung  pour  son  degré,  que  bonnes  mœurs  et  au  service  de 
Dieu  gratuitement  >». 

Une  délibération  du  Conseil  ordinaire  de  la  communauté 


*  DélibcrAtions  du  119  mjii  1750.  du  21  novembre  1744  et  du  rH  juin)747. 
(Arch.  Comm.  d*Évcno5.) 


—  j62    — 

du  Beausset,  du  21  juin  ir>26,  porte  que  maître  Claude  Fulco- 
tiîs  s'engage  à  servir  la  communauté  pour  k  prix  de  45  livres. 

Ledit  Fulconis  est  accepté  aux  gages  ci-dessus,  moyennant 
quoi  il  sera  tenu  de  «  bien  enseigner  les  enfans  que  les  pariî- 
culiers  luy  envoyeroni  sans  qu*Hs  soyeni  tenus  de  rien  payer, 
ei  ledit  Fulconis  sera  tenu  de  trouver  ses  conditions  pour  son 
entretien*  » 

Ce  maître  exerce  ainsi  pendant  quatorze  ans.  Il  devait  être 
nourri  et  logé  par  les  familles;  car  on  trouve  dans  une  délibé- 
ration de  1646  que  maître  Jacques  Anihoine*  régent  de  la 
grande  école  du  Saint-Esprit,  recevra  la  somme  de  36  livres 
«  oultre  et  pardessus  les  sallajres  qu'on  avait  accoustumé  de 
luy  donner  pour  franchir  les  particuliers  de  la  nourriture  et 
maison  quil  luy  donnoient  i#. 

Cet  état  de  choses  dura  quarante  années,  et  en  1686,  les  ga- 
ges furent  augmentés  de  i5  livres. 

On  a  vu  qu'en  1647,  les  deux  régents  de  Bornes  recevaient 
un  salaire  de  48  et  24  livres  ;  mais  c'est  à  la  condition  que  ces 
maîtres  ^c  seront  tenus  de  prendre  et  enseigner  les  pauvres  en* 
fans  orphelins  quy  vouldroni  aller  à  lescollc  sans  luy  faire  n'en 
payer  ^. 

Au  Castelleu  la  gratuité  absolue  avait  été  établie  par  une  dé- 
libération du  25  octobre  J739,  portant  que  ^  le  sieur  Ginoux, 
du  diocèse  d'Embrun,  s'est  olFerl  de  régenter  les  cscolles 
moyennant  180  livres  par  an  sans  qu'il  puisse  rien  exiger  des 
parensdes  enfans  qui  iront  à  sonescolle  m.  Ce  principe  est  rap- 
pelé dans  un  règlement  scolaire  municipal  du  17  juin  1742; 
mais  il  ne  put  être  maintenu  à  cause  de  la  réduction  que  l'In- 
tendant de  la  Provence  lit  subir  aux  gages  fixés*  En  effet,  le 
I*'  mars  1745,  le  sieur  Joseph  Barthélémy  offrit  de  diriger  Técole 
aux  gages  de  go  livres  (au  lieu  de  183)  par  an.  «  moyennant 
quoy  il  seroit  libre  aux  habitans  de  luy  donner  ce  qu'ils  trou- 
veront bon  >►.  Il  fut  agréé  à  cette  condition. 


—  7^3  — 

Le  Conseil  du  Puget  décide,  le  27  février  1780,  qu'il  sera  payé 
à  Tavenir  3oo  livres  de  gages  au  régent  sans  qu'il  puisse  exiger 
aucun  salaire  des  écoliers. 

La  gratuité  absolue,  en  dehors  des  écoles  de  charité,  des 
écoles  pies,  des  écoles  des  filles  pauvres  de  Toulon,  —  au  sujet 
desquelles  nous  sommes  particulièrement  documentés  —  la 
gratuité  absolue,  disons-nous,  n'est  ainsi  nettement  formulée 
que  dans  quelques  localités  ;  mais  il  est  permis  de  supposer 
qu'elle  existait  aussi  là  où  L'on  ne  trouve  aucune  trace  de  tarif 
pour  la  rétribution  et  que  l'allocation  municipale  avait  partout 
pour  but  et  pour  effet  l'admission  gratuite  des  indigents. 

VI.  —  Le  mouvement  en  fayeur  de  rinstruction. 

Dans  la  seconde  moitié  du  xviir  siècle,  le  mouvement  des 
esprits  s'accuse  de  plus  en  plus  en  faveur  de  l'instruction, 
même  dans  les  campagnes. 

Ici  c'est  la  requête  des  Consgls  de  Bormes  demandant,  en 
1763,  l'autorisation  pour  la  Communauté  de  donner  3o  livres 
de  gages  à  la  maîtresse  d'école,  qui  ne  fera  payer  aucune  rétri- 
bution, et  le  refus  de  l'intendant.  Nous  publions  la  requête  et 
la  réponse  *. 

Là,  c'est  le  Conseil  de  Puget-Ville  qui,  en  1780,  fait  une 
motion  chaleureuse  en  faveur  de  l'instruction  et  se  lamente 


*  A  Monsieur  le  Président  et  Intendant  : 

«  Supplient  humblement  les  siears  Consuls  et  la  Commana«té  de  Bor- 
mes ;  remontrent  que  de  toutes  les  dépenses  que  sont  obligées  de  faire 
les  Communautés,  il  n'en  est  point  de  plus  indispensables  et  de  plus 
utiles  que  celles  qui  sont  employées  à  l'éducation  delajeunese.  C'est  cette 
première  éducation  qui  développe  les  bons  sentiments  et  qui  est  seule 
capable  de  former  de  bons  citoyens.  Fautte  d'one  bonne  maîtresse 
d'école  dans  le  lieu  de  Bormes,  les  pères  et  mères  qui,  d'ailleurs  trop  occu- 
pés de  leurs  affaires  particulières  pour  porter  des  soins  assidus  à  Tins- 


—  7^4  — 

sur  le  irisic  fiai  des  écoles  de  la  localité  ;  ce^i  ia  muntciiuliic 
du  Revesi  qui,  en  1706,  est  désolée  de  n'avoir  plus  d'instilu- 
leur  depuis  un  an  et  qui  fak  l'impossible  afin  de  se  pourvoir 
d'un  bon  maître  *  parce  que  le  dellaui  d'instruction  de  la  jeu- 
nesse est  très  préjudiciable  au  public»;  c'est  la  communauté 
d'Ollioules  qui,  en  1724,  vote  un  traitement  convenable  au 
régent  et  qui  est  disposée  à  ne  pas  ménager  les  sacrifices.  «^  la 
jeunesse  de  ce  lieu,  dit-elle»  ayant  un  extrême  besoin  d'apren- 
dre  la  vertu  et  les  belles  lettres  qui  leur  procureront  plus  d'avan- 
cement 3».  Ailleurs,  c'est  Carnooles  qui,  en  1782,  demande  Tau- 
tortsation  de  maintenir  les  émoluments  du  régent  à  r5o  livres. 
afin  d  avoir  un  maître  capable  et  de  bonnes  écoles,  ei  n'obte- 
nant pas  satisfaction,  proteste  directement  auprès  du  ministre 


ifuction  de  leurs  filks,  sont  obligés  de  les  laisser  languir  dans  l'ignoraoc^. 
ce  qui  est  un  inconvcnient  des  plus  dangereux  et  aaqaei  on  ne  sçauraU 
trop  remédier.  Aussi  les  suplians  animés  du  zèle  que  tout  bon  adminis- 
trateur doit  avoir  pour  la  pairie  ont-ils  assemblé  un  Conseil  général  de 
la  Communauté  le  sixième  juin  dernier  qui  a  approuvé  pour  maîtresse 
d*écolc!  la  demoiselle  Hémérigdont  les  bonnes  mœurs  ci  rcxpérience  sont 
connues  et  vu  l'utilité  d'en  avoir  une  pour  l*instruction  et  éduc^ition  dCi 
jeunes  liUcs»  a  délibcré  de  lui  donner  trenlt  livres  di  gag^s  (outtgi  tet 
années,  sans  pouvoir  exiger  autre  chose  ...  Une  dépense  de  trente  litres 
iouues  les  années  pour  un  objet  aussi  important  n'est  point  assurément 
d'une  bien  f^randc  considération.  Aussi  les  suptiansespèrcni-ils  que  Votre 
Grandeur  voudra  bien  en  accorder  la  permission  et  ils  ont«  à  cet  effet, 
recours  à  votre  justice.  * 

«  Signé  ;  Vrvfttet  ». 

Réponse  négative  de  Tlntendant  : 

«  La  Communauté  étant  hors  d*état  d*augmenter  ses  charges»  il  a'jr  a 
pas  lieu  d  autoriser  la  délibération  dont  il  s'agit.  Pesons  deffences  aui. 
Consuls  et  administrateurs  de  faire  payer  aucuns  gages  h  la  matirc^^se 
d*école  des  deniers  de  la  Communauté»  à  peine  d'en  répondre  en  teur$ 
proprei  et  privés  noms. 

Fait  h  M%,  le  8  octobre  1 76!.  «  Signé  :  Di  Latooi  w. 

<  Archives  communales  de  bormes.^ 


des  Finances,  auquel  Tlntendant,  consulté,  écrit  Tétonnante 
lettre  qui  suit  : 

4(  Je  dois,.  Monsieur  le  Ministre,  vous  observer  que  cette 
depanse  étant  à  la  charge  de  la  communauté,  le  peuple  y  con- 
tribue sans  en  proffiter,  ce  qui  ne  paraît  pas  juste.  Ces  établis- 
sements ne  peuvent  être  utiles  qu'aux  personnes  aisées  ;  elles 
doivent,  par  conséquent,  pourvoir  en  particulier  au  traitement 
du  maître  d*école.  Non  seulement  le  bas  peuple  n'en  a  pas 
besoin,  mais  j'ai  toujours  trouvé  qu'il  convenait  qu'il  n'y  en 
eût  point  dans  les  villages.  Un  paysan  qui  sait  lire  et  écrire 
quitte  l'agriculture  pour  apprendre  un  métier,  ce  qui  est  un 
très  grand  mal.  C'est  un  principe  que  je  me  suis  fait,  et  je  suis 
parvenu  à  empêcher  bien  des  établissements  de  cette  nature 
dans  des  lieux  où  ils  tirent  à  conséquence.  , 

«  J'ai  lieu  de  croire  que  vous  adopterez  cette  façon  de  pen- 
ser et  que  vous  rejetterez  la  demande  des  consuls  de  Carnou- 
les  »  *. 

Le  ministre  approuva  l'Intendant  par  décision  du  14  novem- 
bre 1782. 

Telle  était  la  situation  de  l'instruction  populaire  à  la  veille 
de  la  Révolution,  c'est-à-dire  au  moment  où  les  États  Géné- 
raux allaient  se  réunir  et  formuler  d'une  manière  énergique, 
dans  leurs  cahiers,  les  aspirations  de  la  Nation  aussi  bien  sur 
l'instruction  publique  que  sur  les  autres  branches  de  la  vie 
sociale. 

L.    BOURRILLY. 


'  Lettre  de  Tintendant  de  Proyence.  da  26  juillet  1782,  aa  ministre  Joly 
de  Pleury,  contrôleur  des  Finances,  en  réponse  à  la  communication  d*an 
mémoire  de  protestation  adressé  à  ce  dernier  par  la  communauté  de  Car- 
noules.  (Arch.  départementales.) 


—  767  — 


XXXIX 

Les  débuts  de  la  science  du  droit  en  Provence  ; 

lOHANNES    BLANCUS    MASSILIENSIS 

par  M.  Robert  G AILIaEMfiR, 

Professeur  agrégé  d'histoire  du  droit  à  CUniversité  de  Grenoble^ 
Membre  de  la  Société  d'Études  provençales . 


L'histoire  du  droit  médiéval  est  partagée  en  deux  par  un  fait 
qui  a  exercé  son  influence  sur  toutes  les  branches  de  la  vie  ju- 
ridique :  la  renaissance  de  l'étude  et  de  l'enseignement  du 
droit  romain.  Jusqu'alors,  l'Europe  occidentale,  le  monde  ro- 
mano-germanique  a  vécu  sans  être  conscient  de  son  droit. 
Dans  les  coutumes,  encore  si  mal  étudiées,  du  ix%  du  x',  du  xr 
siècle,  telles  que  nous  les  révèlent  les  documents  de  nos  cartu- 
laires,  on  trouve  un  droit  très  grossier  et  très  barbare,  digne 
produit  de  cette  f>ériode  d'«  anarchie  spontanée  ».  Et  cela  est 
vrai,  non  seulement  pour  les  pays  septentrionaux,  pour  l'An- 
gleterre, l'Allemagne  ou  la  France  coutumière,  mais  même 
pour  les  futurs  «  pays  de  droit  écrit  )►,  pour  l'Italie  et  pour  la 
France  méridionale.  Le  droit  des  chartes  provençales,  aux  xi« 
et  xii«  siècles,  est  très  loin  du  droit  romain.  C'est  un  droit  cou- 
tumier  pauvre  et  archaïque,  sans  doute  infiniment  plus  voisin 
du  droit  apporté  par  les  Germains  que  du  droit  des  Romains 
du  Bas-Empire.  Formalisme  rigoureux  des  contrats  et  de  la 
procédure  ;  force  des  liens  familiaux,  se  traduisant  notam- 


—  768  — 

ment  parTabscnce  de  dévolution  lesta mcnla ire  et  par  la  néces- 
sité du  consentement  des  héritiers  aux  aliénations  immobiliè- 
res :  teissont  les  traits  de  ce  droit  provençal  du  haut  moyen- 
âge. 

Au  cours  du  xit**  siècle,  au  contraire,  se  produit  une  renais- 
sance du  droit  savant  ;  on  voit  paraître  des  traités  de  droite  où 
le  droit  romain  occupe  une  place  plus  ou  moins  large.  Peu  à 
peu,  sous  l'action  des  théories  juridiques  des  glossaieurs,  les 
coutumes  se  transforment  et  se  perfectionnent.  Cette  romani- 
sâtion  se  manifeste  dans  toute  l'Europe  occidentale,  plus  ra- 
pide et  plus  profonde  en  Italie  et  dans  la  France  méridionale, 
plus  lente  et  plus  faible  dans  la  France  du  Nord,  en  Allemagne 
ou  en  Angleterre,  tlle  affecte,  dans  une  mesure  variable,  tou- 
tes les  branches  du  droit  ;  elle  fait  revivre  l'idée  de  TÉiat,  de  U 
puissance  publique  exercée  dans  Tintérét  de  tous  et  pour  le 
<(  commun  profit  ^  ;  elle  transforme  la  procédure,  et  substitue, 
à  la  simplicité  et  au  formalisme  de  la  vieille  procédure  orale, 
la  complication  savante  de  la  procédure  romano-canonique, 
écrite  et  secrète.  Elle  fait  reparaître  les  théories  des  furîscon- 
suites  romains  sur  tes  contrats.  Elle  modifie  même,  au  moins 
à  la  surface,  le  droit  de  la  famille  et  le  droit  successoral,  fai* 
sant  renaître  le  testament,  et  disparaître  la  nécessité  de  la  tau- 
datio  des  parents.  Il  n  est  pas  jusqu'au  droit  des  (îefs  et  dc$ 
autres  tenures  qui  ne  fasse  Kobjet  d*une  tentative  d'adaptation 
de  textes  du  droit  romain.  Partout,  il  est  vrai*  cette  romanisa- 
lion  rencontre  des  résistances  plusou  moins  durables.  En  Pro- 
vence, jusqu'à  la  Révolution,  il  est  resté  des  traces  des  vieilles 
idées  médiévales,  et  notamment  on  relève  encore,  dans  le 
droit  provençal  des  xvit»  et  xviii*  siècles,  des  vestiges  de  Tan* 
cîenne  force  des  liens  familiaux,  comme  le  retrait  lignagcr  ou 
Texclusion  des  tilles  dotées  de  la  succession  paternelle.  Mais  ce 
ne  sont  plus  que  des  traits  isolés. 


—  769  - 

L'Italie  fut  le  berceau  de  celle  rénovation  de  la  science  juri- 
dique. Mais  le  mouvement  ne  tarda  pas  à  gagner  la  France 
méridionale.  Dans  la  seconde  moitié  du  xir  siècle,  on  trouve  à 
Montpellier  une  école  florissante  de  droit  romain,  où  brille  le 
nom  de  Placentin.  La  Provence  ne  pouvait  demeurer  en 
dehors  de  cette  renaissance.  Dès  le  milieu  du  xii«  siècle,  le  droit 
romain  a  fait,  en  Provence,  l'objet  d'études  approfondies,  et 
nous  avons  un  précieux  produit  de  cette  activité  romanisante 
dans  un  très  intéressant  ouvrage  provençal,  '  une  Somme  du 
Code  de  Justinien,  qui  a  été  mis  au  jour  dans  ces  dernières 
années,  qui  est  maintenant  connu  sous  le  nom  de  Lo  Codi, 
dont  M.  H.  Suchier  prépare  une  édition,  et  dont  M.  H.  Fit- 
linga  déjà  public  une  traduction  latine,  faite  en  Italie,  dans 
la  seconde  moitié  du  xii«  siècle,  par  un  certain  Ricardus 
Pisanus. 

Le  Codi,  écrit  en  langue  provençale,  a,  selon  toute  vraisem- 
blance, son  origine  dans  la  basse  vallée  du  Rhône  ;  il  parle 
plusieurs  fois  d'une  île  qui  s'est  formée  dans  le  Rhône,  de  pê- 
che dans  le  Rhône  ;  il  cite,  à  litre  d'exemples,  des  voyages  à 
Saint-Gilles,  à  Toulouse,  à  Montpellier.  Dans  le  Codi,  le  pou- 
voir suprême  est  aux  mains  de  l'Empereur,  et  l'autorité  régio- 
nale est  le  comte,  le  cuens  :  tout  cela  s'applique  au  comté  de 
Provence,  et  ne  peut  concerner  ni  le  Languedoc,  terre  de 
France,  ni  le  marquisat  de  Provence.  Et,  sans  doute,  c'est 
dans  le  grand  centre  du  comté  de  Provence,  sur  les  bords  du 
Rhône,  dans  la  ville  d'Arles,  que  l'ouvrage  a  été  composé. 
M.  Fitting  a  pu,  de  même,  fixer  la  date  de  sa  rédaaion  :  le 
Codi  a  été  fait  pendant  un  des  sièges  de  la  petite  ville  de  Fraga, 
près  de  Lérida,  sans  doute  pendant  le  siège  dirigé  en  1149  par 
le  comte  de  Provence,  Raymond-Bérenger,  et  qui  aboutit  à  la 
prise  de  celte  ville. 

L'ouvrage  est  anonyme,  semblable  en  cela  à  beaucoup  d'au- 

OMCfiU»  "  48 


—  17^  - 

très  œuvres  [uridiques  de  la  même  époque.  M.  Fitling  conjec- 
ture qu  il  a  été  compose  par  un  groupe  de  jurisconsultes  arlé- 
siens.  Les  traductions  latines  lui  donnent, en  effet,  le  litre  sui- 
vant :  5wwma  ex  omnibus  libris  legum  a  ptris  prudent ibus 
olim  vulgariter  promulgala.  Et,  poussant  plus  loin  l'hypo- 
thèse» M.  Fitling  imagine  que  le  Codi  a  été  fait  sous  les  auspi* 
cesdes  princes  de  la  Maison  des  Baux,  désireux  de  se  concilier, 
dans  leur  lutte  avec  les  Raymond-Bérenger,  les  sympathies  im* 
périales,  à  Taide  d*un  ouvrage  juridique  où  les  droits  de  l'Efn- 
pcrcur  étaient  aussi  hautement  proclamés. 

Les  simiUiudes  entre  le  Codi  et  un  autre  ouvrage  du  xii*  siè- 
cle ont  cependant  fait  penser  à  mettre,  à  la  tète  de  la  vieille 
école  juridique  provençale,  le  nom  d'un  jurisconsuUe  qui  fut 
très  célèbre,  mais  sur  la  vie  duquel  nous  savons  peu  de  cho- 
ses :  Rogerius*  Antérieurement  au  Codi,  il  avait  été  fait  déjà 
des  Sommes  du  Code  de  Jusiinien.  L'une,  la  Summa  Trecen- 
sis,  a  été  attribuée  au  fondateur  de  lécole  bolonaise,à  Irnerius. 
Une  autre  Somme,  révision  de  la  Somme  de  Troycs,  est  duc  i 
Rogerius.  Or  le  Codi  oiTre.  avec  la  Somme  de  Rogcrius,  d« 
ressemblances  très  frappantes.  De  plus,  nous  savons^  par  un 
texte  d'Azon,  que  Rogenus  a  été  le  défenseur  de  la  Maison  des 
Baux,  dans  le  fameux  procès  soutenu  par  elle,  en  1 163»  à  la 
diète  de  Turin,  devant  TEmpereur  Frédéric  Barberousse, 
tre  lesRaymond-Bérenger.  dont  Buîgarus  était  Tavocat  '.  Aus 
M,  Fitting,  puis  M*  Meynial  en  sont  arrivés  à  penser  que  Ro- 
gerius  avait  vécu  principalement»  non  pas  en  Italie»  mais  en 
Provence*  Ils  ont  imaginé  Texistence,  à  Arles,  au  xji*  siècle 
d'une  école  de  transition  entre  les  écoles  italiennes  et  les  écoI< 


^  Ce  passAgc  d'une  Uctura  d'Aion  111  Codkem,  V,  t6,  to,  est  rtfiroda 
dins  Savigny*  Geichichte  des  rôm,  Rechts  im  Miittlaltêr^  1'  éd,.  Il 
p.  194  et  suiv. 


-  77»  - 
de  Montpellier  et  de  Toulouse.  Rogeri us  aurait  été  le  chef  de 
cette  école,  dont  le  Codiserait  sorti.  En  réalité,  ce  ne  sontlârque 
des  conjectures,  et  nous  devons  avouer  notre  ignorance  sur  ce 
que  fut  cette  première  éclosion,  en  Provence,  de  la  science  du 
droit  romain  *. 

Au  xui^  siècle,  au  contraire,  nous  connaissons  Texistence,  en 
Provence,  de  nombreux  juristes,  les  uns  simples  praticiens, 
jurisperitij  causidiciM^  autres  professeurs  de  droit,  projesso- 
res  legum.  Il  est  un  jurisconsulte,  Bernardus  Dorna,  que  Ton 
place  souvent  en  tête  de  la  liste  des  jurisconsultes  provençaux. 
Bernard  a  composé,  vers  121 5.  une  Summa  libellorum^  un  re- 
cueil de  formules  d'actions,  que  M.  Wahrmund  vient  d'édi- 
ter. En  réalité,  Bernard  ne  doit,  à  aucun  titre,  figurer  parmi 
les  jurisconsultes  provençaux.  Son  ouvrage  a  été  fait  à  Bolo- 
gne, où  Bernard  éuit  professeur.  Lui-même  n'est  un  proviu" 
cialis  qu'au  sens  large  du  mot.  Il  appartient,  non  pas  à  la 
Provence,  mais  au  Languedoc  ;  il  a  été,  au  milieu  du  xiii*  siè- 
cle, archidiacre  de  l'évêché  de  Béziers  *. 

Mais  la  Provence  a  possédé,  au  xui*  siècle,  un  jurisconsulte 
bien  supérieur  à  Bernard  Dorna,  lohannes  Blancus.  C'est  de 
lui  que  nous  voulons  désormais  nous  occuper  *. 


■  V..  sur  toas  ces  points,  U  préface  de  .M.  H.  Fitting  à  son  édition  de 
Lo  Codi,  fUIle.  1906  :  .MeyniaJ.  SouwtUe  Repue  historique  de  droit,  XXX 
ciÇfoOt.  p.  "i^:  R.  Caillemer,  Annales  du  .Vtii, XVIII 41906»,  p.  494. 

'  L  Wahrmand,  Quelien  ^r  Geschichte  des  rœmisck'kanonischen 
Processes  im  Sfittelalter,  I.  Innsbrack.  igoS:  R.  Caillemer.  /.  ci7.,  p.  Sog. 

'  V.,  sar  blancQS.  la  notice  de  M.  V.  Le  Clerc,  d^ns  l'Histoire  littéraire 
de  !a  France,  u  X XI.  p.  418  et  suit.,  et  l'étadede  E.  A.  Laspeyres,  Ueber 
die  Entstehung  und  atteste  Bearbeitung  der  Libri  feudorum,  Berlin,  i83o, 
■;'.  p.  /S  et  saiv.  •i.4dde  :  Karl  Lehmann.  7)ai  langobardiseke  Lehnreekt, 
Gôttingen,  ivyj.  passim:  Tardif,  Histoire  des  sources  du  droit  français, 
orttrine$  romaines,  Paris,  iïç»o,  p.  374. 


772  — 


l 


Nous  ignorons  les  dates  de  la  naissance  et  de  la  mon  de 
Jean.  Le  nom  de  Blancus,  de  Blanchi,  de  Btanqui,  esi  por 
par  de  nombreux  personnages  provençaux.  On  le  trouve  déjà^ 
au  xr  siècle,  dans  des  actes  du  cartulaîre  de  Sainl^Viaor  de 
Marseille  *.  On  peut  donc  conjecturer  que  Jean  appartenait  à 
une  vieille  famille  provençale.  Lui-même  est  Marseillais  ;  il 
s'intitule  civis  Massi/ie^  Masisiliensis,  et  nous  verrons  qu'il 
joua  un  rôle  actif  dans  la  vie  politique  marseillaise  *. 

Comme  beaucoup  d'autres  jurisconsultes  du  iuii«  siècle» 
lohannes  Bïancus  est  allé  apprendre  le  droit  en  Italie.  Cest  lui- 
même  qui  nous  le  raconte,  et  il  nous  cite  ses  maîtres.  «  domini 
mei  ».A  Modène^  il  a  suivi  les  cours  de  Ubenus  de  Bonocursu 
qui  apparaît,  comme  professeur  dans  cette  ville,  dans  destex- 


»  Cartulaire  de  Saint-Victor  de  Marseille,  éâ,  Guérard*  I,  tC  418  Un 
io3S  en¥.)«  acte  fait  aui  environs  de  Cavaillon  :  «  Poncius  Blâncus  fîr- 
mat  ».  N"  444  Ixi*  s.|  r  Poncius  filancus  donne  Téglise  de  Mejanac  (Mail- 
lane|  à  Tâbbaye  de  Saint*Victor    N*  246  (io5o  env»)  :  parmi  divers  bieni 
donnés  à  TabbAyc  figure  une  terre  *  que  fuit   de   pairimonio  Pontiaiq^ 
BlancuiD  v^.  entre  la  Durance  et  le  casiram  Gontardutn  (Gontard,  arrofl 
4issement  d'Aji)*   On  trouve,  vers  1076  tn«  5a8),  un  Deusde  Blanco.   du 
côté  de  Saini-Antonin«  H  y  a  encore  dans  le  même  cartubire,  t.  Il,  n*  1017 
(la^iS),  un  certain  Katmundus  Blanc,  maïs  c*est  un  moine  de  Saînt-Savin 
en  Bigorre.  —  On  rencontre  aussi,  h  la  fin  du  xui'  siècle  et  au  début  da 
iiv%  d'autres  personnages  portant  le  nom  de  Blancus.  et  entre  autres  un 
chanoine  de  Marseille  qui  porte  te  nom  de  lohannes  Blancus.  et  qui  < 
peut-être  le  ftls  do  jurisconsulte,  bien  qu'il  n*y  ait  aucune  preuve  h  Tif 
pui  de  cette  opimoo.  ///t«r.  lia,  de  (a  Franct,  tac,  cîLf 

*  Les  éditions  imprimées  de  Tœuvre  de  notre   auteur  écrivent  t  fUsm*^ 
chus.  Mais  son  nom  ftgurc  dans  les  actes  des  1  archives  des  Bouches^lu* 
BbÔne  et  dans  le  ms,  B.  N.,  Lat.  4675,  sous  la  forme  de  :  Blancus. 


—  773  — 

les  de  i23i  et  de  i236  *.  Jean  nous  rapporte  même  certain  en- 
trelien, au  cours  duquel,  interrogé  par  Uberius  sur  un  point  de 
droit  féodal,  il  fit  une  réponse  qui  lui  valut,  de  la  part  de  son 
maître,  une  pleine  approbation  *.  Blancus  a  été  aussi  l'élève  de 
Uberius  de  Bobio,  également  professeur  à  Modène  vers  1284  *, 
et  de  Homobonusde  Crémone  *.  On  trouve  encore,  parmi  ses 
maîtres,  un  certain  magister  G.  Ricardus,  qui  modifia,  nous 
dit  Blancus,  la  formule  de  serment  que  les  évoques  prêtaient  au 
pape,  et  y  ajouta  une  promesse  de  ne  pas  sous-inféoder  les 
droits  épiscopaux  ^.  Blancus  a  profité  largement  de  son  séjour 
en  Italie.  Il  a  assisté  à  des disputationes  entre  feudistes.  Il  nous 
rapporte  des  discussions  qui  ont  eu  lieu  entre  les  docteurs  de 
Padoue,  ou  encoreentre  ceux  de  Plaisance,  de  Milan  et  de  Gré- 


*  Savigny,  Gesch,  des  rôm.  Rechts  im  Mittelalter,  2*  éd.,  V,  p.  148.  Sa- 
vigny  dit  même  {p.  149,  note^)  que  Uberius  de  Bonocursu  a  été  profes- 
seur à  Padoue,  d'après  Laspeyres,  Kntstehung,  p.  80  ;  et  Laspeyres  invo- 
que, sur  ce  point,  un  passage  de  la  Summa  feudorum  de  Blancus,  IV.  i, 
39.  Nous  croyons  que  le  texte  invoqué  n'est  pas  aussi  décisif.  Blancus, 
dans  le  passage  en  question,  rapporte  des  disputationes  qui  ont  eu  lieu 
entre  les  docteurs  de  Padoue»  et  ajoute  que  l'une  des  opinions  en  pré 
sence  fut  aussi  celle  de  son  maître  Ubertus  de  Bonocursu»  dont  il  a  été 
l'élève  à  Modène  :  «  cum  quibus  fuit  dominus  Ubertos  de  Bonocursu,  ut 
ab  ipso  andivi  Mutine  in  scholis  ejus  ».  Mais  il  ne  nous  dit  pas  formelle- 
ment que  Ubertus  ait  été  professeur  à  Padoue  et  ait  pris  part  personnel- 
lement à  ces  disputationes. 

*  Summa  feudorum,  III,  i,  43. 

'  Sa  VIGNY,  0/7.  cit.,  V,  p.  144.  Bethmann-Hollweg,  Der  Ciptiproxess  des 
gemcnien  Rechts,  VI,  p.   i5o  et  s.  Cf.  Summa  feudorum,  l,  3,  5o. 

*  Summa  feudorum,  I,  3,  53  et  64. 

'  Ib.,  I,  7,  9.  Cf.  Laspeyres,  Op.  cit.,  p.  80.  Ce  peut  être  Richard  de 
Wichou  de  Chichester,  né  en  1 197  (1 198),  qui,  après  avoir  étudié  à  Ox- 
ford, à  Paris  et  à  Bologne,  devint  professeur  dans  cette  dernière  Univer- 
sité, fut  nommé  en  1237  chancelier  à  Oxford,  puis  en  i244évéqne  deChi- 
chester,  ei  mourut  en  i253.  Cf.  Ul.  Chevalisb,  ▼' Richard  de  Wich. 


—  774  — 
mone,  sur  des  questions  de  droit  féodal  *.  il  connaît  les  statuts 
locaux  des  villes  de  Tltalie  du  Nord,  et  cite  maintes  fois,  en 
particulier,  les  dispositions  du  statut  de  Vérone  *. 

Puis  Jean  est  revenu  à  Marseille.  Il  y  a  exercé,  pendant  de 
longues  années,  le  métier  d'avocat  ;  et  nous  dirons  plus  loin 
rinfluence  que  cette  profession  a  eue  sur  son  œuvre,  en  lui 
fournissant  l'occasion  multipliée  d'observer  le  fonctionne- 
ment pratique  et  concret  des  règles  théoriques,  en  lui  permet- 
tant d  argumenter,  non  seulement  sur  des  questions  d'école, 
mais  sur  des  cas  et  des  procès  qui  s'étaient  déroulés  sous 
ses  yeux.  Nous  devons  noter  dès  maintenant  le  rôle  impor- 
tant que  Blancus  a  joué  dans  l'histoire  de  sa  ville  natale. 
Une  tradition,  dont  nous  n'avons  pu  contrôler  l'exactitude, 
rapporte  que,  en  1240,  Blancus  fit  partie  d'une  ambassade 
envoyée  à  Rome  pour  négocier  avec  le  pape  le  pardon  de  la 
ville,  et  pour  régler  les  difficultés  pendantes  entre  la  ville  de 
Marseille,  l'abbaye  de  Saint-Victor  et  aussi  les  héritiers  d'un 
ancien  podestat  de  Marseille,  Hugolinus  de  Bologne  *.  Évi- 
demment, Blancus  était,  dès  cette  époque,  un  des  person- 
nages en  vue  de  la  cité  marseillaise.  En  1243,  nous  retrouvons 
notre  jurisconsulte  dans  une  députation  où  ligurent  le  viguier, 
les  clavaires  et  les  syndics,  qui  vient  annoncer  à  Tévêque  la 
soumission  de  la  ville  et  lui  demanderde  retirer  la  sentence  d'ex- 
communication et  d'interdit  lancée  sur  Marseille.  Et,  dans  cet 
acte,  Blancus  porte,  avec  deux  autres  personnages,  R.  Rebollus 
et  Peirus  de  Ovellano,  le  titre  de  judex  communis  Massilie  *. 


•  Summa  feuiinrum,  IV,  1,   3<j;  1,6,  ::3. 
«  Ib.,  I.  4.  g  :  11,   I.  «7,  m.  1.4J. 

•  Dictionnaire  de  la  Prru'fnce  et  du  (lomtat  Venaissin,  Marseille,  i;^^ 
111.  y  iilanc  fJeanj,  —  /ii^t.  lit  t.  de  la  France,  loc.  cit. 

•  MtB^  et  (jiiNi»ON.  Histoire...  des  actes  et  délibérations,.,  de  la  muni- 
cipalité de  Marseille,  1,  p.  43ti. 


—  775  - 

Mais  c'est  surtout  au  cours  de  la  lutte  entre  Marseille  et 
Charles  d'Anjou  que  nous  relevons  dans  les  textes  le  nom  de 
notre  jurisconsulte  ^  Après  chaque  soulèvement  de  Marseille, 
nous  le  trouvons  au  nombre  des  négociateurs.  Ainsi,  en  i252, 
le  8  des  kalendes  d'août  (25  juillet),  il  figure,  qualifié  de  j'uris- 
peritus,  parmi  les  témoins  de  Tacte  qui  désigne  les  syndics 
chargés  de  négocier  un  traité  de  paix  avec  Charles  d'Anjou.  Il 
semble  que  Blancus  ne  remplit  plus  alors  de  fonctions  judi- 
ciaires, car  il  ne  porte  pas  le  titre  de  judex  curie  communis 
Massilie,  que  le  même  acte  donne  à  l'un  de  ses  collaborateurs, 
Andréas  de  Portu.  Le  lendemain,  26  juillet,  lo.  Blancus  est  à 
Aix  et  se  trouve  parmi  les  témoins  du  traité  conclu  avec  Char- 
les d'Anjou  ;  cette  fois,  l'acte  le  désigne  du  nom  de  causidicus. 
Le  3  des  kalendes,  il  est  encore  à  Aix  et  assiste  à  la  lecture 
solennelle  du  traité  de  paix.  Le  2,  c'çst-à-dire  le  3i  juillet,  revenu 
à  Marseille,  il  reçoit  la  récompense  de  son  rôle  pacificateur. 
Charles  d'Anjou  lui  octroie  une  rente  viagère  de  dix  livres,  à 
percevoir  chaque  année,  à  l'octave  de  la  Nativité,  sur  les  reve- 
nus du  cointe  dans  la  ville  de  Marseille.  En  échange,  Blancus 
jure  au  comte  hommage  et  fidélité  :  c'est  ce  que  les  feudistes 
appellent  un  fief-argeni,  procédé  commun  au  xiii«  siècle  pour 
créer,  sans  concéder  de  fief  foncier,  des  relations  de  vassalité. 
L'acte,  dont  l'original  est  conservé  dans  les  archives  départe- 
mentales des  Bouches-du-Khône,  fut  dressé  à  Marseille,  dans 
la  maison  de  l'ordre  du  Temple,  en  présence  de  l'archevêque 
d'Aix  -. 


*  V.  sur  ce  qui  soit,  les  pièces  iustificAtives  de  Touviage  de  Sternfeld, 
Karl  von  Anjou  als  GraJ  der  Propence,  Berlin,  1888,  p.  273  et  suiv. 

«  Bouches-du-Rhône,  B.  848  : 

«  Anno  Incarnacionis  Domini.  M«.CO.  quinqaagesimo  secundo,  ij. 
kalendas  augusii.  Notum  sit  presentibus  et  faturis,quod  nosRarolus,  filius 
Kcgis  Francien  cornes  Andegavie  et  Provincie  et  Forc(alquerii)  et  niarcbio 


-  776  - 

A  peu  près  à  la  oiôme  date,  nous  trouvons  des  actes  analo- 
gues, par  lesquels  Charles  d^Anjou  gratifie  d'autres  personna- 
ges qui,  comme  lohannes  Blancus,  avaient  pris  part  aux  négo* 
cialions  du  mois  de  juillet.  Le  3  des  kalendes  d*aoùl  (3o  juil* 
let  laSa),  Charles  constitue  une  rente  viagère  de  25  livres  au 
profit  de  Guillehnus  Umberti,  jurisperilus,  civis  Massilic: 
le  4  des  nones  d^aoùl  (a  août  raSa),  autre  rente  viagère  de 
10  livres  pour  Guillelmus  Chaberti,  Jurispentus,  cwis  Massi- 
lic :  Tune  et  Tautrc  «  pro  servicio  *  *. 

De  ces  deux  /un'sperili,  Tun.  Guillelmus  Umberii,  nous  est 
inconnu  par  ailleurs.  L'autre,  Guillelmus  Chabeni,  avait  pris, 
comme  lo.  Blancus,  une  part  active  dans  la  politique  mar- 
seillaise, et  avait  été  mêlé  aux  événements  de  juillet  laSa,  On 
le  retrouve  quelques  années  plus  tard,  quand,  à  nouveau»  en 
1257,  Marseille  s'insurge.  Comme  en   1252,  Guillaume  Oia* 


PfOfincic»  et  nos  Beairii  uior  ciusdern  comtiis,  eonimdem  comitatuain 
comitissa  et  marclvioQ(issa),  dilccto  et  fideli  nostra  lohanni  Blanco  jaiis 
pcrilo,  ci  VI  Massîtie.  pro  scrvicio  suo  quod  oobis  i m  pendit  et  proinitti 
nobis  in  antea  se  facturum.  damus  el  concedîmus  deccm  libras  roonetc 
rcgaltum  annoi  redditus  ad  riiam  suam  m  octabia  Nativitaiis  Donuoi 
«nnis  singulis  m  redditîbus  nostris  Massîlie  percipiendis.  Pro  dieu  vero 
donacione  fecit  nobis  tdcm  lohannes  homagium  et  fidehtatem.  Eu  ad 
m^iorcm  huius  donation is  tirmitatem,  prescntem  cartam  sigillorum  nos- 
irorum  muniminc  fecimus  roborari,  Acium  iMassilie  in  doofio  rnilicie  Tcm- 
plu  presenubus  ci  vocatis  testibus  infrascriptis»  videlicet  venerabUi  àfl 
Xpo  paire  Phitippo  Dei  gracia  Aqaensi  archiepiscopo«  et  aobïlibtis  fpîrii 
Gmdonc  domino  Miliiaci,  Hcnrko  domino  SoiUaci.  Barrallo  domino  Bau- 
dit  et  Symonc  Bigoti,  et  Landcrico  de  Fîoriaco  roilitibus,  et  Britono  civi 
Massihe«  et  me  Alano.  canonico  de  LusarcbiiSf  notario  pubhco  predicio- 
rum  domjni  comitls  ei  domine  comitisse,  qui,  mandato  eorum  et  dic 
lohannia,  banc  cartam  scnpsi  et  stgno  meo  signavî  »*  (Origioal, 
jaunes.  Le  sceau  manque.) 

*  B.-du  Hbône.  B,  3^^    La  même  liasse  contient  un  acte  do  mênie  ^ 
au  protii  de  lohannes  Viraudr.  mais  ceiai-ci  est,  non  plus  un  /nrô^rtnii. 
mais  tiQ  n*jt»tin  c-tvi^  Sfiisitlie, 


—  777  — 
bert  est  parmi  les  négociateurs,  avec  d'autres  jurisperiti, 
G.  de  Burgala  et  Andréas  de  Portu  *.  Plus  tard,  Guillaume 
Chabert,  devenu  un  fidèle  serviteur  du  comte,  part  avec  le  titre 
de  maréchal,  en  compagnie  du  vicaire  de  Charles  d*Anjou, 
dans  une  expédition  en  Italie  '. 

En  1262,  quand,  une  troisième  fois^  Marseille  se  révolte  con- 
tre Charles  d'Anjou,  nous  retrouvons  encore  le  nom  de  lohan- 
nes  Blancus.  Il  figure  sur  la  liste  des  délégués  choisis  par  la 
ville  de  Marseille,  ad  tractandum  et  Jaciendum  pacem,  le 
12  novembre  1262,  et  il  vient  à  Aix,  avec  ses  collègues,  négo- 
cier avec  Charles  le  troisième  des  traités  de  paix  entre  le 
comte  cl  la  grande  cité  '. 

Aucun  de  ces  documents  ne  donne  à  lohannes  Blancus  le 
titre  de  professer  legum,  et  cela  est  d'autant  plus  significatif 
que,  dans  ces  mômes  actes,  d'autres  personnages  portent  ce 
titre,  notamment  Robertus  de  Laveno,  qui  figure  avec  cette 
qualification  dans  les  traités  de  paix  de  1257  et  de  1262  ♦,  qui 
appartient  à  l'entourage  de  Charles  d'Anjou,  et  qui  a  joué  un 
si  grand  rôle  dans  les  conseils  de  ce  prince  *.  Sans  doute,  lo. 
Blancus  se  contentait  d'exercer  la  profession  d'avocat  et  de 
composer  des  ouvrages  juridiques,  sans  enseigner  lui-même  le 
droit,  et  ce  sont  ces  ouvrages  qui  doivent  maintenant  nous 
occuper. 

II 

Nous  connaissons  l'œuvre  de  lohannes  Blancus  mieux  encore 


*  Sternf&ld,  p.  299. 
'  Ibid..  p.  2o3,  229. 

'  Ibid.,  p.  3o2  et  s. 

*  Irid..  p.  299,  3oo  (legum  professor^,  3oi  /furis  pro/essor),  307. 

*  Ibid..  p.  ii8,  i33.  140. 


-778- 

que  sa  vtc.  Elle  se  compose  de  deux  ouvrages,  l'un  sur  les  fiefs, 
lâuire  sur  les  exécuteurs  lesta  men  la  ires. 

Nous  possédons  le  texte  même  de  la  Summa  Jeudorum,  L*ou* 
vrage  a  été  édité  à  Cologne  en  1564  ;  on  le  trouve  aussi  dans  le 
Tractât  us  illustrium  jurisconsultorum,  édition  de  Venise, 
tome  X,  première  partie  (1584),  f'*  263  à  299,  sous  le  lure  de: 
Epi  tome  Jeudorum,  loanne  Blancho  Marsiliensi  L  C  clans- 
simo  authore,  in  gratiam  et  singitlarem  utititatem  sludiosorum 
nunc  iterum  excussa  et  innumeris  in  locis  emendata.  Nous  eo 
avons  plusieurs  manuscrits,  dont  l'un  se  trouve  à  MOnsier, 
K*  BibL,  1024,  r^*  35  à  85,  et  deux  autres  à  Paris,  Bibliothèque 
Nationale,  Latin  4675  et  4678  *.  Dans  le  manuscrit  4675,  l  ou* 
vrage  de  lohannes  Blancus  occupe  les  f"  29  347.  Le  manuscrit 
s'arrête  au  milieu  du  IV' livre,  au  commencement  d'une  phrase, 
et  la  lin  au  texte  est  perdue.  L'ouvrage  est  complet,  au  contraia*, 
dans  le  manuscrit  Lat  4678,  où  il  occupe  les  f**  :  à  3o  ', 

La  date  de  cet  ouvrage  ne  peut  pas  être  fixée  avec  certitude. 
Il  est,  à  coup  sur,  postérieur  au  séjour  de  Blancus  en  Iialic,  ci 
nous  savons  que,  dès  1240,  Blancus  était  revenu  à  Marseille. 
D  un  autre  côté,  cet  ouvrage  parle  des  droits  et  de  la  situation 
de  l'Empereur  en  des  termes  tels  <^ue  Ion  a  pu  penser  qu'il  ctaîl 
antérieur  a  reffondremeni  du  Saint-Empire  et  à  la  mon  de 


•  M.  Jean  Achc-r  signak,  dans  le  ms*  de   Parme.  HH*  I ^^7,   ic 

début  de  là  Somme  de  BlancaSi  f»  12  et  f'  t3,  r*,  col.  K  Nouvelle  Re¥U€ 
historiqm*  de  droit  f  11/16,  p,  iiS. 

M  Le  Ms>  Laf.  4675,  indiqué  par  Lehmanni  Das  iangobardische  Lekn- 
rtcntt  Gûtlingen,  1H95,  p.  24.  n*  ëa,  contient  48  fcuitlets  (numérotés  k 
une  époque  réceutc|,  ptus  un  feuillet  de  garde.  On  y  relève  :  i"  Le  Uâité 
de  Joharmes  Fa&olus,  divi&é  en  seize  quesUons  :  «  Tractaturi  de  (eudts 
primo  uideodum  est  quid  ait  feudum.  Secundo  uode  dicatur.  Tertio  de 
forma  luramenii  tideliiatis.-.  »  et  plus  loin  :  «  Peuduoi  cjt  coocetsio  rei 
pro  tiomagio  facta,  ut  Extrade  Symo..  c. ei  diligenti.  £t  in  hoc  ditfenab 
emphiteost  in  qua  non  dcbctur  homagium  *.  Seckkl,  Zeitschrijl  étr  5a- 


—  779  - 
Frédéric  II.  Blancus  prend  parti,  en  effet,  sur  les  graves  ques- 
tions qui  passionnaient  alors  les  penseurs,  sur  la  vassalité  des 
grandes  puissances  du  monde  les  unes  vis-à-vis  des  autres. 
Iqipérialiste  convaincu,  il  déclare  qu'à  son  avis  l'Empereur  ne 
relève  pas  du  pape,  mais  lient  de  Dieu, directement,  «  impcrium 
et  potestaiem  seu  gladium  ».  Mais  tous  les  rois  et  toutes  les  puis- 
sances séculières  relèvent  de  TEmpereur  :  «  Reges  vero  habenl 
régna  ab  Imperatore  ».  Ce  passage  a  fait  penser  que  l'ouvrage 
était  antérieur  à  i25o.  Ailleurs,  au  contraire,  au  moins  dans  le 
texte  imprimé,  Blancus  nous  parle  du  gouvernement  de  Char- 
les d'Anjou,  «  domini  Karoli  comitis  et  marchionis  Provinciae 
et  nunc  régis  Sicilium  »  *,  ce  qui  nous  reporterait  à  une  épo- 
que postérieure  à  1264,  date  de  l'attribution  du  royaume  de 
Sicile  par  le  pape  à  Charles  d'Anjou.  De  ces  indications  qui 
semblent  contradictoires,  Laspeyres  a  conclu  à  deux  rédac- 
tions successives  de  la  Summa  feudorum,  l'une  avant  i25o, 
l'autre  après    1264.   La  première  de  ces  dates   nous   paraît 


pigny-Sti/tung,  Rom,  Abth.j  t.  XXI,  p.  253,  n»  14.  Cetrailé  se  termine  au 
1"  5,  r.  —  2«  A  la  suite,  sans  blanc  ni  titre,  vient  un  autre  traité  :  <  Quia 
de  feudis  tractaturi  sumos,  ideo  uidendum  est  quid  sit  fcudum  et  unde 
dicator  et  a  quibus  constituatur  tam  ex  ueteri  quam  ex  nova  consuetu- 
dine  ».  Seckel,  /.  cit.,  p.  25o,  233,  262  :  c  est  sans  doute  le  traité  de  Pyleus 
et  de  Jacobus  Columbi.  —  3«  Aux  f  7,  r*,  et  suiv.,  se  trouvent  les  con- 
suetudines  feudoruniy  jusqu'au  f«  28,  v»,  avec  la  glose  d*Accurse.—  4»  Aux 
f"  29.  r»,  et  suiv.,  jusqu'au  f  47,  v*»,  figure  l'ouvrage  de  Blancus. 

H.  Le  Ms.  Lat.  4678  contient,  relies  ensemble  :  1°  La  Somme  de  Blancus 
sur  les  fiefs,  du  f**  2  au  f»  3i,  v,  col.  Il  :  «  Incipit  summa  super  libro  fcu- 
dorum  a  lohanne  Blancho  ciui  Marsilliensi  composita  ».  La  fin  de  la  col.  II 
contient  des  notes  juridiques  ;  et  le  v»  du  f>  3i  est  occupé  par  des  foi^ 
raulaires  relatifs  à  une  élection  d'abbé  autorisée  et  confirmée  parfévêque 
de  Clermont.  Aruernorum  episcopus.  —  2*  Aux  f-  34  et  suiv.,  la  tabula 
magistri  lohannis  Caiderini  super  Policraticon  que  intitulatur  de  nugis 
curialium  et  pestigiis  phorum  (Jean  de  Salisbury). 

'  Summa  feudorum,  II,  i,  87  in  fine. 


—  78o  — 

trop  précoce  ei  trop  rapprochée  du  retour  de  Blancus  en 
Provence.  Il  semble,  comme  nous  le  verrons,  avoir  déjà  der- 
rière lui,  au  moment  où  il  écrit  sa  Sumpna,  une  longue  pratique 
d'avocat.  La  présence,  dans  celle  5tim;;ia,  de  déclarations  impé- 
rialistes ne  doit  pas  faire  illusion  :  on  en  trouve  du  môme  genre 
dans  maint  auteur  de  la  seconde  moitié  du  xru*  siccle>  l*ar  con- 
tre, nous  croyons  que  l'ouvrage  est  antérieur  à  1164.  Les  deux 
manuscrits  parisiens  ne  portent»  ni  Tun  ni  lautre,  les  mots  : 
et  Hunc  régis  Sicilium,  qui  ne  peuvent  être  qu'un  glossème 
absent  du  texte  primitif  de  Vd'Summa  \  et  celle-ci  a  du  être 
faite  alors  que  Charles  d*Anjou  n  ciait  encore  que  cornes  ei 
marchio  Provincie,  Si  Ton  considère  que  le  calme  qui  règne 
à  Marseille  à  partir  de  1262  semble  plus  propice  à  la  confection 
d'un  tel  ouvrage  que  les  troubles  qui  ont  marqué  les  dernières^ 
années  de  la  République  marseillaise.  Ton  est  conduit  à  penser 
que  Touvrage  a  été  fait  vers  1262-1264  -  '1  serait  donc  conlcm* 
porain  de  Tautrc  ouvrage  de  Blancus,  que  nous  retrouverons 
plus  loin. 

Il  est  inutile  de  donner  ici  une  analyse  détaillée  du  iraité  de 
Jean  *.  De  l'aveu  même  de  lauteur,  louvrage  est  une  compila- 
tion. Blancus  déclare,  dans  son  prologue,  qu'il  n  a  eu  d  autre 
ambition  que  de  réunir  des  développements  épars  cbfâ^  ses 
prédécesseurs,  et  qu1l  n'a  fait  que  peu  d'additions  à  ce  qu'ils 


'  Lai.  4675,  f'  40,  V»,  coK  \  :  l^t.  4678,  f  16»  n,  coL  I. 

"  Il  suffit  de  donner  le  passage  du  préambule  où  Blancus  indiqae  le 
pbn  qu'tl  entend  suivre  (Ms.  Lat.  4^75,  t""  29,  r*,  col.  I)  : 

•  In  prîmo  libro  tractatur  de  fcadis.  in  qoa  parte  primo  loco  trâditnr 
quld  sft  feudum  stuc  beneûcium  et  unde  dicatar.  et  summatim  traditur 
que  sunt  ^ent'ra  feudorum  el  ipsorum  diffcrenctis  et  qii«f  sri  reod«  lUtnrs 
et  qualuer  coirsuetudmes  reudorum  fuenni  rcdacte  tti  scriplis.  Secundo 
loco  de  Uétssallis  et  ipsoruin  di^crenciis,  Tercio  toco  quibus  modii  feo- 
dum  âcqmriiur.  <Junrto   loco  de    illis  qut  possunt   rem    in  feudum   duc» 


-78.- 
avaient  écrit.  En  réalité,  la  5wmma  de  Blancus  est  sensiblement 
plus  étendue  que  la  plupart  des  Summae  de  ses  prédécesseurs 
ou  de  ses  contemporains,  et  elle  prend  de  ce  chef,  par  l'abon- 
dance et  la  variété  des  développements,  une  importance  spé- 
ciale \ 

D'ailleurs,  même  en  tant  que  compilation,  la  Sommede  Blan- 
cus  ne  manque  point  d'intérêt.  On  sait  que  le  fameux  coutu-. 
mier  lombard,  les  Libri  Feudorum,  n'est  pas  arrivé  du  pre- 
mier coup  à  la  forme  sous  lequel  on  le  connaît  d'ordinaire.  Il 
a  fait  l'objet  de  révisions  et  d'additions  successives.  L'on  y  a 
incorporé  peu  à  peu  des  textes  nouveaux,  notamment  des  con- 
stitutions impériales.  Or,  l'ouvrage  de  lohannes  Blancus  nous 
montre  l'utilisation  persistante  d'une  forme  des  Libri  Feudo- 
rum  antérieure  à  la  forme  définitive  :  la  récension  faite  par 


Quinto  loco  quibus  res  in  feudum  dare  possunt.  Sexto  loco  que  res  in 
feudum  dari  possant.  Septimo  loco  de  sacramento  fidelitatis. 

«  In  secunda  parte  siue  in  secundo  libro  tractatur  primo  loco  quibus 
modis  et  in  quibus  casibus  feudum  amittitur.  Secundo  loco  qualiter  pos 
sit  feudum  commissum  uassallo  auferri.  Tercio  loco  ad  quem  feudum 
commissum  pertineat.  Quarto  loco  de  causis  propter  quas  excusatur 
uassallus  si  domino  non  seruiat.  Quinto  loco  tracutnr  de  causis  propter 
quas  dominus  amittit  ius  dominii  quod  habet  in  feudo. 

«  In  tercia  parte  Summe  huius  siue  in  tercio  libro  tractatur  de  successione 
feudi,  in  qua  parte  primo  tractatur  quis  sit  ordo  succedendi  et  qui'  suc- 
cédant uel  succedere  possunt  uassallo  et  qui  non.  In  secundo  loco  tracta- 
tur qui  possunt  domino  in  iure  dominii  feudi  succedere.  Tercio  loco  trac- 
tatur de  quo  feudo  nulla  est  successio. 

«  In  quarta  parte  huius  summe  siue  in  quarto  libro  tracutnr  de  conten- 
tione  feudi  et  qualiter  iudicium  feudi  sit  examinandum  et  terminandnm. 
Subsequitur  secundo  loco  eiusdem  quarte  partis  tractatus  de  pace  com- 
ponenda  et  tenenda. 

«  Hiis  ergo  premissis...  » 

*  M.  Seckel  a  relevé,  dans  la  Zeitschrift  der  Sapigny-Stiftung,  Rom. 
Abth.,  t.  XXI.  dix-sept  de  ces  Summae  pour  le  xiii'  siècle.  Il  est  vrai  qu'il 
fait  figurer  deux  fois  sur  sa  liste  le  même  ouvrage, celui  de  Jean  de  Blanot, 
|n"  Il  et  12  ).  L'ouvrage  de  Blancus  occupe  le  n«  lo,  p.  252. 


lacobus  de  Ardizone.  Son  traité  a  clé  depuis  longtemps  étu- 
dié» à  ce  point  de  vue,  par  tous  ceux  qui  se  sont  occupés  de 
déterminer  les  étapes  de  la  formation  du  texte,  par  Dieck,  par 
Laspeyres,  par  Lehmano.  Blancus  s'écarte, sur  certains  points* 
de  la  récension  de  la.  de  Ardizone.  11  incorpore  déjà  des 
textes  nouveaux  que  la,  de  Ardizone  laissait  en  dehors  du 
Liber  Feudorum*  L'inceaitude  où  Ton  était  encore,  quand 
Blancus  composa  son  livre,  sur  le  contenu  et  les  divisions  des 
Libri  Feudorum,  ont  même  conduit  notre  auteur,  pour  faci* 
liter  rétude  des  questions  féodales,  à  (oindre  à  son  ouvrage 
un  tableau  de  concordance  entre  ces  développements  et  les  tiir 
des  Libri,  dont  le  nom  changeait  d'un  manuscrit  à  lautre  *. 

L*ouvrage/de  Blancus  est  encore,  au  point  de  vue  du  droit 
provençal,  i^articulîèrement  intéressant.  Blancus  ne  traite  pas 
d'une  manière  abstraite  et  purement  théorique  les  questions 
que  soulève  le  droit  des  fiefs.  Nous  avons  déjà  signalé  sa  science 
du  droit  des  villes  lombardes.  Mais  surtout,  dans  sa  carrière 
d  avocat  marseillais,  il  a  vu  naître  bien  des  conllits,  il  a  suivi 
bien  des  procès»  et  il  ne  manque  pas  de  nous  signaler  les  cas 
qui  se  sont  présentés  :  «  Hanc  quesiionem,  dtt-il  souvent,  vidi 
de  facto  )».  Il  raconte  qu'il  a  été  consulté  sur  la  sanction  qui 
s'attache  au  démembrement  ou  à  la  sous-inféodation  du  fief 
par  le  vassal  **  11  signale  à  deux  reprises  le  conflit  qui  a  surgi 
enire  Tévêque  d'Apt  et  un  rir  nobiiis  du  diocèse  d'Apt,  Bcr* 
trandus  Fiaymbaudus,  sur  le  point  de  savoir  si  la  concession, 
par  l'Empereur  à  TEvéque,  du  caput  castri  entraîne  de  plein 
droit  la  concession  du  territoire  et  du  suburbium  de  ce  caji- 
trum  '  ;  et  aussi  sur  la  question  de  savoir  si  le  vassal  qui  intente 


*  V.  sur  toas  ces  points,  que  nous  ne  pouvons  iriiter  ici,  iei  oaTragei 
de  Laspeyres  et  de  Le^mann  cités  pins  htut. 
'  U  4»  io> 


-783- 

contre  son  seigneur  des  actions  infamantes  ou  injurieuses 
encourt  la  perte  de  son  fief  K  W  discute  longuement  la  validité 
de  lettres  d'Innocent  IV  confirmant  une  concession  à  titre  de 
fief  £aite  par  le  comte  de  Provence  au  profit  des  moines  cister- 
ciens de  Florac,  et  il  se  prononce  pour  la  nullité  de  cet  acte, 
les  Cisterciens  ne  pouvant,  en  vertu  de  leur  règle,  tenir  un  fief*. 
Blancus  raconte  encore  un  curieux  conflit  entre  les  Templiers 
et  les  chanoines  de  Pignans,  au  sujet  d'un  castrum  commun 
aux  deux  parties.  Ce  castrum  fut  détruit,  et  sa  population  se 
sépara  en  deux  groupes,  Tun  formé  par  les  sujets  des  Tem- 
pliers, Tautre  par  les  hommes  des  chanoines.  Les  Templiers 
avaient  reçu  du  comte  de  Provence  tous  ses  droits  sur  l'ancien 
castrum.  Ils  continuèrent,  après  la  scission  survenue  entre  les 
habitants,  d'exercer  sur  les  hommes  des  chanoines,  pendant 
de  longues  années,  les  droits  comtaux,  et,  en  particulier,  ils  per- 
çurent Talberge.  Un  jour,  ils  voulurent  accueillir  un  jippel 
pour  défaute  de  droit  formé  par  les  hommes  des  chanoines 
contre  ces  derniers.  Les  chanoines  contestèrent  alors  le  droit 
supérieur  de  justice  des  Templiers.  Et  Blancus  donne  longue- 
ment, ici  encore,  les  arguments  en  faveur  de  chacune  des  par- 
ties en  cause  \  —  Ailleurs,  il  indique  avec  soin  des  règles  cou- 
tumières  en  vigueur  en  Provence,  et  qui  s'écartaient  du  droit 
féodal  de  la  Haute-Italie  *.  De  tels  passages  sont  infiniment 
précieux.  Parfois  même  Blancus  prévoit  des  questions  qui  ne  se 
sont  pas  encore  posées,  mais  qui  peuvent  se  poser  en  Provence. 
Par  exemple,  il  se  demande  si,  lorsque  le  comte  de  Provence 
vend  à  ses  bailes  pour  plusieurs  années  les  revenus  des  terres 
com taies,  les  adjudicataires  peuvent  percevoir  sur  ces  terres  le 
droit  de  mutation  appelé  tres^ain. 


*  n,  I 

,55. 

M,  5, 

M- 

»  IV. 

I,  io5. 

*  II.  I 

,87. 

On  voit,  par  ces  quelques  exemples,  que  lohannes  Blancus 
ne  recule  pas  devant  lemploi  de  la  lerminologie  juridique  pro- 
vençale. Comme  son  prédécesseur,  l'auteur  anonyme  du  Codi« 
Blancus  ne  craint  pas  de  se  servir,  quand  Toccasion  s*en  pré- 
sente, des  mots  employés  courammeni  en  Provence  pour  dés^ 
gner  les  actes  juridiques,  ti  il  est  intéressant  de  retrouver che 
lui  ce  mot  de  Jirmancia^  qui  figure  dans  le  Codi  et  dans  de 
si  nombreux  textes  des  cariuJaircs  provençaux  pour  désigner 
un  engagement.  «  Sed  quid,  demande-t-il,  si  contra  dominuni 
(vassal lus)  firmanciam  fecit?  >♦  V 


L  autre  ouvrage  de  lohannes  Blancus  est  perdu,  ou,  du 
moins»  nous  n*cn  connaissons  aucun  manuscrit  *,  Mais  nous 
savons  en  détail  ce  qu*il  contenait.  En  effet,  peu  d  années 
après  sa  composition,  le  grand  juriste  français  Guillaume  Du- 
rand, qui  s  est  d'ailleurs  rendu  coupable  de  plusieurs  plagiats 


*  11,  I,  54;  —  B,  Nat.,  Lat.  4678,  f*  14.  r»,  coJ.  II. 

*  M,  A.TARDrF,  Histoire  des  xources  du  droit  français,  originti  romai- 
nest  p.  574,  a  prétenda  que  nous  possédiODS»  sous  une  forme  rAJeunie,  le 
trtité  de  Blancus,  dans  un  ouvrage  qui  figure,  après  ceux  de  lacobns  de 
Arena  et  de  loannes  I^cobus  a  Canibus«  dans  le  Tractatut  iHusirium 
furiiconxuitorum,  Venise,  r584,  VUI,  1^  T*  (96  et  suiv.,  sous  le  nom  de 
loannts  i,  C,  ctarissimus.  Mais  ce  traité,  qui  est  fort  court,  ne  saurait  €Xn 
rapproché  do  traité  de  Blancus.  Les  indications  que  nous  donne  fo^Aiidreic 
sar  t*ouvrage  de  Blancus  lui  sont  inapplicables.  Son  plan  d*ailleors  est  1 
dilTérent  :  [  :  />e  paria  executorum  appetiatione  ;  Il  :  De  Ugitimis 
cutoribmi  III  ;  De  testamentariis  executoribus  ;  IV  :  Qui  possint  dur 
executorcM  in  testamentii  ;  V  :  An  midier  pùssit  esst  fxecutrix;  \l  :  Ùr 
poiestate  executorum  :  Vil  :  intru  quod  itmpus  oporitai  executionem 
fieri  ;\i\i  :  De  ratione  ab  executoribus  reddenda.  Ce  traité  contient 
d'ailleurs  des  citations  d'auteurs  postérieurs  ^  Blancus,  comme  Balde. 
Bariole  ou  Panormitanus, 


-785- 

du  même  genre  \  s'est  servi  du  traité  de  Blancus  pour  écrire 
un  large  fragment  de  son  Spéculum  juris.  Dans  le  titre  De 
instrumentorum  editione,  après  s'être  occupé  de  la  forme 
même  des  testaments,  Guillaume  Durand  a  consacré  aux  exé- 
cuteurs testamentaires  de  longs  développements,  dans  lesquels 
il  rapporte  les  opinions  de  ceux  qui,  avant  lui,  avaient  étudié 
cette  institution,  Ubertus  de  Bobio,  Odofredus,  Roffredus, 
mais  avec  beaucoup  de  questions  et  de  solutions  nouvelles  *. 
En  réalité,  Guillaume  Durand  n'a  fait  ici  que  démarquer,  sans 
avertir  le  lecteur  et  sans  indiquer  une  seule  fois  sa  source,  le 
traité  de  Blancus.  Le  larcin  nous  est  révélé  par  l'annotateur 
du  Spéculum  juris,  par  lohannes  Andreae,  dans  ses  additions, 
composées  vers  1346  '.  Il  nous  raconte  que  Blancus  a  écrit,  sur 
la  matière  de  l'exécution  testamentaire,  un  long  traité,  le  plus 
long  qui  ait  été  fait  sur  la  question,  comprenant  quatre  rubri- 
ques (comme  la  Somme  sur  les  fiefs),  l'une  générale  et  les  trois 
autres  spéciales,  et  divisé  en  i35  questions.  lohannes  An- 
dreae, qui  évidemment  a  sous  les  yeux  Touvrage  de  Blancus, 
nous  donne  même  une  table  de  concordance  entre  le  plan, 
assez  confus,  de  Guillaume  Durand,  et  le  plan,  beaucoup 
plus  net,  de  lohannes  Blancus.  Il  nous  indique  aussi,  dans  ses 
notes  sur  chacun  des  versiculi  de  G.  Durand,  les  passages  ou 
les  expressions  empruntés  littéralement  à  Blancus.  Il  relève  les 
erreurs  et  les  inadvertances  de  Guillaume  Durand,  qui  n'a  pas 
toujours  compris  et  qui,  parfois,  a  fâcheusement  défiguré  les 
solutions  de  Blancus,  modifiant  maladroitement  ses  expres- 
sions :  «  Maie  fecit  auctor  mutando  >►.  L'ouvrage  de  Blancus, 
au  dire  de  lohannes  Andreae,  aurait  été  commencé  en  1262  ou 


»  Savigny,  op*  cit.,  V,  p.  586. 

•  Spéculum  Juris,  I.  II,  titre  De  instrumentorum  editione,  1 13,  «  Nunc 
vero  aliqua  ». 
5  Savigny,  op.  cit  ,  V,  p.  121. 

CONGKiS  —  60. 


fil  j  i<i.>  L  paccdani  atnsi  d'une  dizaine  d  annces  CC 

laume    Dum nd,   dont    la   première   rédaciion    se    place    \ers 

12JI  '. 

L'ouvrage  de  Blancus  commence  par  une  étude  du  rôle  con- 
fié par  le  tesiaicur  aux  exécuteurs  de  son  tcsiament,  rôle  qui 
peut  être  plus  ou  moins  lar/^e  et  qui  peut  comporter  chez  ces 
personnages  une  plus  ou  moins  grande  liberté  d'appréciation 
(|  I  à  21  )*  Cette  première  partie  de  l*ouvrage  est  faite  de  géné- 
ralités et  de  déhnitions,  Blancus,  toujours  soucieux  d'employer 
le  langa^^e  de  la  pratique,  se  serti  pour  désigner  les  exécuteur 
du  terme  de  gadiator,  en  usage  alors  en  Provence  \  U  opf 
les  exécuteurs  ordinaires,  chargés  d*une  missioii  précise  cl 
étroitement  délimitée  par  ietestaieuti  par  exemple  du  paiemcni 
d*un  legs  déterminé,  aux  commissarii  à.  larges  pouvoirs,  char- 
gés de  distribuer  les  biens  du  défunt,  le  mieux  qu*ils  le  peu- 
vent, pour  le  salut  de  son  âme  ;  et  il  étudie  les  difticultés  spé- 


'  Les  cdilTons  imprimées  du  Spvcuhtm  juris  porienl  1262,  Mais  le  1 
nuscnf  de  la  J3ibl«  Nat.  Latin  42601  qui  contient  les  commentaires  ( 
lohaonef  Andreae  sur  le  Spéculum,  donne  ici  la  date  de  M.CC  LXI[I.  — 
Le  passage  qui  nous  iniëresse  se  trouve,  dans  ce  manuscrit,  au  ^  ii9. 
coi.  II,  ju^qu'iiu  f*  i'nj,  v\  —   loan    Lie.  a  Canibus,  dans  son  Tritctiitn 
iiv  extcutoribuK,  donne  aussi  la  date  de  iz6i  au  traité  de  Blancus.  évidem- 
ment  d'après  to»  Andreae»  V.   Tractatus  iîlustrium   iurisconsufturumt 
Venise.  i5«4,  VIII,  *.  T  i85,  v.col.  IL 

*  Les  formates  du  titre  De  instrumentorum  eiiiiwnt\  qui  eonticn[  pjcz^ 
sèment  les  passages  rcbtifs  aui  eiécuteurs  testamentaires^  portent 
date  de  t^yt.  Mais  d'autres  passages»  situés  aïKcurs,  portent  les  dates  de 
ujoet  de  1372,  Savions,  op.  cU>,  \\  p,  574  et  584»  —  M.  Tupinr,  His- 
toire des  iourccs  du  droit  français,  origines  romaines,  p.  S74«  rapporie 
ta  date  de  1262  donnée  par  loannes  Andreae.  non  pas  au  traité  de  Blancus, 
mais  au  Spéculum  de  Guillaume  Durand.  11  n\  a  aucun  mouTd  admeitre 
une  telle  inrerprciation,  qui  aboutirait  à  assigner  au  Specutur' 
en  contradiction  avec  tous  les  autres  témoignages  que  nous  i 

^  Et  non  pas  gardiatur,  comme  le  portent  souvent  les  textes  jmprîaiéi* 
Le  gâdiator  tï^  wadiaior  est  l'individu  chargé  d*cxécuter  une  disposition 
morin  causa,  un  ^adium. 


-  7«7  - 
ciales  que   sou4cvc    l'institution  de  ces  disiributores  investis 
d'une  telle  mission  de  confiance. 

L'auteur  examine  ensuite  les  droits  de  Texécuteur  testamen- 
taire et  les  actions  qu'il  peut  intenter  :  Peut-il  poursuivre  les 
débiteurs  de  la  succession  ?  Quelle  est,  à  cet  égard,  sa  situation 
à  côté  de  l'héritier  ?  Comment  régler  la  condition  des  débiteurs 
de  la  succession  ou  des  détenteurs  de  biens  héréditaires,  ainsi 
exposés  à  se  voir  poursuivis  à  la  fois  par  rhéritier  et  par  Texé- 
cuteur  ?  Dans  quel  cas  un  paiement  fait  à  l'exécuteur  les  libé- 
rera-t-il  vis-à-vis  de  l'héritier?  Les  débiteurs  peuvent-ils,  à  leur 
choix,  payer  l'héritier  ou  l'exécuteur?  Devant  quelle  juridiction 
l'exécuteur  peut-il  les  poursuivre  (|  22  et  suiv.)?  A  ces  droits 
de  l'exécuteur  correspondent  des  obligations  ;  il  doit,  dans  cer- 
tains cas,  fournir  une  caution  à  l'héritier,  lui  promettre  de  lui 
restituer  les  legs  défaillants  ;  il  doit  faire  inventaire,  il  doit 
enfin  rendre  des  comptes.  Ces  questions  des  pouvoirs  et  des 
devoirs  de  l'exécuteur  peuvent  se  compliquer  en  cas  de  plura- 
lité d'exécuteurs  ;  il  peut  se  faire  que  quelques-uns  d'entre  eux 
s'absentent  ou  meurent,  et  l'on  doit  se  demander  quels  seront 
les  pouvoirs  des  présents  ou  des  survivants  ;  il  peut  aussi  se 
produire  entre  les  exécuteurs  des  divergences  de  vues,  et  il  faut 
rechercher  le  moyen  de  les  résoudre.  Ces  complications  font 
l'objet  des  5  5i  à  66. 

Puis,  Blancus  recherche  les  sanctions  qui  peuvent  atteindre 
l'exécuteur  infidèle  (§  68  et  suiv.)  :  Peut-on  l'écarter  comme 
suspectas?  Peut-on  contraindre  un  exécuteur,  quel  qu'il  soit, 
à  accepter  ses  fonctions,  et,  une  fois  qu'il  les  a  acceptées,  à  les 
remplir  ?  Et,  si  on  peut  le  contraindre,  par  quel  procédé,  par 
quelle  action  le  fera-t-on  ?  L'auteur  examine  alors  une  célèbre 
difficulté  d'école.  L'exécution  du  testament  peut  être  entravée, 
non  seulement  par  l'inaction  de  l'exécuteur  testamentaire,  mais 
par  le  fait  de  l'héritier  institué.  Qu'arrivera-t-il,  en  effet,   si 


-  788  - 

l'hcTiticT  institué  refuse,  de  bonne  ou  de  mauvaise  foi,  de  faire 
adition  d'hérédité?  Son  refus  fera-t-il  tomber  la  nomination 
de  l'exécuteur  et  les  autres  dispositions  testamentaires?  Pourra- 
t-on  le  contraindre  à  faire  adition  d'hérédité,  et  assurer  ainsi 
t'exécution  des  volontés  pieuses  du  défunt?  Cette  question 
amène  l'auteur  à  étudier  ces  relicta  ad  pias  causas,  le  vrai 
domaine  de  l'exécution  testamentaire  médiévale,  domaine  où 
l'institution  a  pris  naissance  et  en  vue  duquel,  dans  toute  l'Eu- 
rope chrétienne,  elle  s'est  organisée. 

Ayant  ainsi  examiné  en  détail  les  droits  et  les  devoirs  de 
l'exécuteur  testamentaire,  Blancus  arrive  à  une  étude  plus  large 
et  plus  théorique,  et  en  même  temps  à  la  question  la  plus  déli- 
cate et  la  plus  importante  de  toutes  celles  que  l'exécution  testa- 
mentaire fait  naître.  Il  se  demande  (§  io5  et  suiv.)  quelle  est  la 
condition  juridique  de  ce  personnage.  Le  droit  romain  classi- 
que n'ayant  pas  connu  l'institution,  les  romanistes  du  moyen- 
âge  ont  essayé  de  la  rapprocher  de  différents  autres  types  juri- 
diques connus  et  classés.  Les  uns  voient  dans  l'exécuteur  un 
negotiorum  gestor  ou  un  procurator,  c'est-à-dire  un  gérant 
d'affaires  ou  un  mandataire  :  situation  inférieure  et  subordon- 
née, qui  n'explique  pas  les  pouvoirs  de  Texécutcur,  et  qui,  ne 
lui  conférant  aucun  droit  réel  sur  les  biens  de  la  succession, 
entrave  singulièrement  son  action.  D'autres,  plus  hardis,  font 
de  l'exécuteur  un  véritable  intermédiaire  de  transmission  ;  ils 
rapprochent  l'exécuteur  particulier  du  légataire,  et  l'exécuteur 
universel  de  l'héritier  institué  :  les  uns  et  les  autres  sont  des 
propriétaires  momentanés  des  biens  de  la  succession.  Cette 
dernière  solution  semble  particulièrement  favorable,  lorsque 
le  testament  ne  contient  pas  d'institution  d'héritier,  mais  seu- 
lement des  legata  ad  pias  causas  laissés  aux  soins  d'un  disiri- 
butor.  Toutes  ces  conceptions  avaient  leurs  partisans  et  divi- 
saient alors  la  doctrine,  comme  elles  la  divisent  encore 
aujourd'hui,  lîlancus  les  examine  et  les  passe  en  revue. 


-789- 

Vient  une  autre  question,  d'un  intérêt  théorique  moindre, 
mais  d'un  intérêt  pratique  très  grand  :  Qui  peut  être  institué 
exécuteur  testamentaire?  Et  Blancus  se  pose  cette  question 
tour  à  tour  pour  une  série  de  personnes  dont  les  fonctions,  le 
sexe  ou  l'âge  semblent  faire  obstacle  à  une  telle  vocation  : 
pour  les  moines,  pour  les  chanoines  réguliers,  pour  les  abbés, 
pour  les  prélats  et  pour  les  autres  dignitaires  ecclésiastiques, 
puis  pour  les  femmes  et  les  mineurs  de  vingt-cinq  ans  (§  ii'i 
et  suiv.).  L'ouvrage  se  termine  par  quelques  paragraphes  rela- 
tifs aux  exécuteurs  légaux,  qui  interviennent  quand  il  n*ya 
pas  d'exécuteurs  institués  par  testament,  et  aux  exécuteurs 
datifs,  qui  sont  nommés  pour  remplacer  les  exécuteurs  testa- 
mentaires que  le  défunt  avait  institués  et  qui  ont  disparu. 

Tel  était  le  plan  de  l'ouvrage  de  Blancus,  dans  la  mesure  où 
les  notes  de  lo.  Andreae  nous  permettent  de  le  reconstituer, 
lo.  Andreae  ne  nous  dit  pas  où,  dans  cette  suite  de  questions, 
commençaient  et  finissaient  les  quatre  livres  dont  l'ouvrage  se 
composait.  Mais  il  nous  en  dit  assez  pour  nous  permettre  de 
juger  combien  l'ouvrage  de  Blancus  dépassait  en  importance 
ceux  de  ses  devanciers  ou  de  ses  contemporains  sur  le  même 
sujet,  lo.  Andreae  nous  a  laissé  une  bibliographie  abondante 
de  la  question  ;  il  nous  cite  les  travaux  d'Ubertus  de  Bobio,  de 
RotTredus,  d'Odofredus,  de  Jacobus  Balduini,  de  Jacobus  de 
Ravanis,  de  Nicolaus  Matarellus,de  Cynus*  ;  mais  ces  auteurs 
ne  consacrent  à  l'exécution  testamentaire  qu'une  courte  glose 
sur  les  constitutions  «  Nulli  liccre  »  et  «  Id  quod  pauperibus  >► 
du  Code  de  Justinien  (C,  I,  3,  28  et  24).  Roffredus  s'en  occupe 
dans  un  bref  passage  de  ses  Libelli  juris  civilis,  Rolandinus 


*  Les  éditions  du  Spéculum  juris  portent,  dans  celte  liste,  entre  Rof- 
fredus et  Nie.  Maih.,  Jacob.  Bald.  de  Rau.  Le  Ms.  Latin  4260  de  la  BibL 
Nat.,  loc.  cit.,  rétablit  un  texte  intelligible  en  séparant  les  deux  juris- 
consultes, laco.  baldo.  et  laco.  de  Ra. 


- .  790  - 
Bononicnsis  dans  quelques  phrases  de  son  Ars  notaria  cl  de 
ses  Flores  ultimarum  voluntatufn,  et  c'est  aussi  à  propos  de 
Yactio  ex  testàmento  que  lohannes  de  Blanosco  dit  quelques 
mots  de  la  question,  dans  son  commentaire  du  titre  de  actio- 
nibus  aux  Institutes.  L*ouvrage  de  lacobus  de  Arena  est  le 
seul,  au  xui*  siècle,  qui  puisse,  par  son  plan  méthodique  et  par 
ses  développements,  se  rapprocher  de  l'ouvrage  de  Blancus; 
mais  il  est  sans  doute  plus  court,  et  il  est  sûrement  postérieur  *. 
Ce  n*est  pas  sans  motifs  que  nous  avons  insisté  sur  ce  traité 
perdu  de  lo.  Blancus.  Par  le  choix  même  d'un  tel  sujet,  dé- 
daigné des  purs  romanistes,  laissé  à  l'écart  dans  lesSwwmaedes 
glossateurs;  par  la  richesse  des  questions  posées  au  sujet  de 
cette  institution,  si  vivante  dans  les  coutumes  médiévales, 
on  voit  s'affirmer  un  trait  qui  nouS  semble  essentiel  et  qui 
caractérise  l'esprit  de  notre  jurisconsulte  :  nous  voulons  parler 
du  sens  et  du  souci  de  la  pratique.  Nous  avons  pu  constater 
directement,  dans  le  traité  sur  les  P^iefs,  le  goût  de  lo.  Blancus 
pour  les  applications  positives  des  idées  théoriques,  sa  préoc- 
cupation d'illustrer  sans  cesse,  par  des  exemples  concrets,  em- 
pruntés à  la  vie  du  xiiP  siècle,  les  règles  juridiques  qu'il   dis- 


'  Sa  VIGNY,  op.  cit.^  y,  p.  405,  indique  deux  ouvrages  de  la.  de  Arena, 
l'un,  intitulé  De  commissariis,  qui  figure  dans  le  Tractatus  universi  juris, 
cd.  de  Venise,  t.  Vlil,  i*  p.,  f»  194.  v»  ;  l'autre,  De  exccutoribus  ultima- 
run.  voluniatum,  dont  parle  lo.  Andreae  dans  sa  note  sur  Guillaume 
Durand.  Mais  il  n'y  a  en  réalité  qu'un  seul  ouvrage,  comme  il  est  facile 
de  s'en  convaincre  en  rapprochant  les  indications  données  par  lo.  An- 
dreae du  texte  du  Tractatus.  L'Incipit  (quia  fidei  commissariorum  ou 
quia  commissariarum),  le  plan  et  les  divisions  indiquées  parle.  Andreae 
sont  exactement  ceux  du  traité  De  commistariis.  («  Primo  silicet  videa- 
mus  unde  dicatur  commissarius;  Secundo,  quis  possit  ordinari  ;  Tertio, 
quis  ordinare  ;  Quarto,  quis  sit  eius  etVectus  et  officium  ipsius,  quod  m 
medio,  quod  in  fme.  »)  Savigny  n'auraii-il  point  aperçu  que  les  mois 
commissarii  et  executores  ultimarum  poluntatum  étaient  synonymes  et 
s'appliquaient  à  une  même  institution  } 


-  79»  - 
cuteel  dégage.  Cette  même  préoccupation,  ce  même  souci  se 
retrouvent  ici,  et,  si  incomplètes  qu'elles  soient,  les  indications 
de  lo.  Andreae  ne  permettent  pas  d'en  douter.  Par  là  même, 
lo.  Blancus  se  rattache  netteYnent  à  Iccole  française.  Déjà 
M.  Fittinfî  signalait  les  tendances  pratiques  du  vieux  Code 
arlésien,  son  dédain  des  questions  purement  théoriques  '.  Ces 
tendances  triomphent  dans  lo.  Blancus.  Et  il  semble  vraiment 
que  le  sens  des  réalités  ait  caractérisé,  dès  la  première  heure, 
et  bien  avant  la  floraison  de  l'école  des  Bartolistes  en  Italie, 
les  productions  juridiques  de  ce  côté  des  Alpes. 

On  a  pensé  encore  à  lohannes  Blancus  pour  d'autres  pater- 
nités. On  a  voulu  voir  sa  main  dans  les  Statuts  de  Marseille, 
dont  la  rédaction  coïncide,  en  effet,  avec  celle  des  ouvrages 
de  Blancus.  Mais  ce  ne  sont  là  que  des  hypothèses.  Telle  quelle, 
son  œuvre  est  déjà  digne  de  figurer  en  bonne  place  parmi  les 
productions  juridiques  du  xnr  siècle.  Dans  sa  grande  histoire 
du  droit  romain  au  moyen-âge,  qui  est  encore  et  qui  restera 
longtemps  l'ouvrage  fondamental  pour  toute  étude  de  la 
science  romanistique  médiévale,  Savigny  a  laissé  à  peu  près 
de  côté  lohannes  Blancus,  citant  à  peine  son  nom  dans  quel- 
ques notes.  Jean  vaut  mieux  qu'une  simple  mention  *. 

lo.  Blancus  a  fait  école,  et  la  Provence  peut  être  fière  de  la 
riche  lignée  de  ses  jurisconsultes.  Blancus  a  trouvé  de  dignes 


*  FiTTiNG,  Lo  Codi,  I,  Inirod.,  p.  2  et  suiv. 

'  Savigny.  Ceschichte  des  r omise hen  Rechts  im  Mittelalter,  2*  éd., 
tome  V,  p.  149,  note  d.,  indique,  de  seconde  noain.  d'après  Laspeyres,  le 
traité  des  fiefs  de  HIancus.  Il  connaît  le  commentaire  de  lo.  Andreae 
sur  les  passages  de  Guillaume  Durand  relatifs  aux  exécuteurs  testamen- 
taires, mais  ne  relève  pas  à  ce  propos  (VI,  p.  1 12,  note  p.)  le  nom  de  lo. 
Blancus.  Il  cite  seulement  (V.  p.  5S6)  un  autre  passage  de  loannes  An- 
dreae, in  Spec,  lib,  /,  tit.  De  off.  omn.  jud.,  \  8.  où  celui-ci  énumcre  les 
divers  larcins  de  G.  Durand,  et  entr'auires  celui  qui  a  porte  sur  le  traité 
des  exécuteurs  de  Blancus. 


—  79^  — 
continuateurs  parmi  les  jurisconsultes  provençaux  de  la  fin  du 
moyen-àge,  les  Jacobus  de  Bellovisu,  les  Guillelmus  de  Fer- 
rariis,  IcsPetrus  Antibolus,  les  Jean  Guiramand,  les  Raymond 
Puget*,  les  Bellus;  ou  encore  ces  professeurs  avignonnaisdont 
le  renom  s'étendait  au  loin,  entr'autres  cePetrusdeMuris  qui, 
en  i38o,  donnaità  Avignon  une  longue  consultation  sur  la  loi 
filio prêter ito  *;  ou  surtout  Tillustre  Bertrand  de  Carpentras, 
qui  fut  une  des  lumières  de  la  science  du  droit  a  la  fin  du 
xv  siècle,  dont  Dumoulin  faisait  le  plus  grand  éloge,  et  dont 
le«  ouvrages  sont  maintenant  rarissimes  ou  introuvables. 
Ceux  qui  mettront  au  jour,  soit  les  œuvres  de  ces  hommes, 
soit  des  documents  relatifs  à  leur  existence  ou  à  leur  activité, 
rendront  de  grands  services,  non  seulement  à  Thistoire  du 
droit  provençal,  mais  à  l'histoire  du  droit  médiéval  tout  en- 
tier. 


•  Cf.  Bibl.  Nai.,  Latin  4559. 

•  Bibl.  Nat.,  Latin  4549,  f-  225,  v»,  et  suiv.  ;  f®  247  :  «  Hec  lex  fuit  repe- 
tita  pcr  nobiiem  virum  dominum  Petrum  de  Mûris  Icgum  doctorem  in 
ciuitate  Auinion.,  anno  dom.  m»  ccc"*  Ixxx,  die  Mil  mensis  octobr.  » 
Cf.  les  consulutions  publiées  par  Chassaing,  Spiciiegium  Brivatense, 
Paris.  18H6,  n"  54  et  93.  En  1266,  Girardus  de  Verdello,  Icgum  doctor  et 
regens  in  cii'itate  Avenionensiy  donne  son  consilium  sur  l'inquisition 
faite  contre  Bernard  Aurellc,  chanoine  de  Brioude.  En  »3oo,  autre  consi- 
lium de  Johannes  de  Consolino,  utriusque  juris  profcssor,  qui  in  pre- 
senti  in  civitate  Avinionensi  Icgit  Décrétâtes. 


—  793 


XLI 


L'ENSEIGNEMENT  PRIMAIRE  EN  PROVENCE 

AVANT      1789. 


UNE  ECOLE    DE  VILLAGE 

II.  —  La  VERDitRE  (Var), 


M.  l'abbéG.  RETNAUD  DE  LTQU£S,curo  du  Puget  sur-Âr^^cns, 

Membre  de  la  Société  d'Études  provençales  d'Aix, 

de  la  Société  d'Études  scientifiques  et  archéologiques  de  Draguignan. 

et  du  Conseil  Héraldique  de  France. 


Kn  présentant  ce  modeste  travail,  nous  n'avons  pas  l'inten- 
tion de  faire  l'histoire  4;énéralc  de  l'ensei^^nement  primaire  en 
Provence.  Nous  voulons  seulement  apporter  quelques  maté- 
riaux qui  pourront  servira  celui  qui  entreprendra  cet  important 
travail. 

Déjà,  il  est  vrai,  nous  avons  fait  un  travail  analogue  sur  les 
écoles  de  xMéounes  -  et  le  renouveler  semblait  parfaitement 
inutile  au  premier  abord,  mais  les  notes  que  nous  avons   re- 


*  Le  mémoire  XL  n'a  pas  été  renvoyé  par  son  aateur  en  temps  Toaiu 
pour  pouvoir  tjire  inséré. 

•  L'enseignement  primaire  en  Provence   avant    ij^g.    ('ne    école  de 
village  à  Miounes,  public  par  la  Société  d'Études  de  Dra^juif^nan,  iqo3. 


—  794  — 
cueillies  étant  plus  complètes  et  se  rattachant  davantage  à  l'his- 
toire générale  de  renseignement,  nous  avons  cru  bon  de  les 
faire  connaître.  Nous  y  verrons,  en  effet,  des  luttes  assez  vives 
sur  des  questions  qui,  de  nos  jours,  agitent  encore  les  esprits, 
ce  qui  prouve  une  fois  de  plus  celte  vérité  que  l'histoire  est  un 
éternel  recommencement. 

Les  archives  de  la  commune  ne  remontant  pas  au-detà  de 
1 553,  ce  n'est  qu'à  cette  date  que  nous  trouvons  la  première 
mention  de  l'école,  quand  le  Conseil  décide  de  «loer  un  maître 
d'école  ». 

I.  —  Les  zDaitres. 

La  nomination  des  régents  ou  maîtres  d'école  était  le  pri 
vilège  des  communautés.    Le  seul   diplôme  qu'on  leur  de- 
mandait était  l'approbation  de   l'autorité  religieuse  *.    L'édit 
royal  d'avril  iGgS  ne  faisait  que  confirmer  officiellement  une 
ancienne  coutume  quand   il  disait  dans  son  art.  25  :  «  Les 

régents des  petits  villages  seront  approuvés  parles  curés 

des  paroisses  ....  Les  évcques,  dans  le  cours  de  leurs  visites, 
pourront  les  interroger  sur  le  catéchisme,  s'ils  l'enseignent 
aux  enfants  du  lieu,  et  ordonner  qu'on  en  mette  d'autres  à 
leur  place,  s'ils  ne  sont  pas  satisfaits  de  leur  doctrine  ou  de 
leurs  mœurs,  et  même  en  d'autre  temps  de  leurs  visites,  lors- 
qu'ils y  donneront  lieu  pour  les  mômes  causes.  »  Cet  article 
conférait  le  droit  d'inspection  et  de  révocation  aux  évcques  ^ 


'  Kdit.  de  ddc.  1604  *•  déclaration  de  mars  1666.  févr.  i(jt')j,  avr.  1695. 

*  Certains  «c  modernistes  »,  ignorants  ou  de  parti-pris,  pourront  récrimi- 
ner contre  celle  clause,  mais  le  fait  est  réel  et  indiscutable,  l/enseigne- 
ment  a  toujours  été  la  préoccupation  de  rKglisc.  Je  ne  parle  pas  des  éco- 
les monastiques  et  épiscopales  fort  nombreuses  au  moyen  âge,  qui  nous 
ont  conservé  les  chet's-dVeuvre  de  l'antiquité,  et  où  clercs  et  laïques, 
riches  et   pauvres,  tous  étaient  admis,   mais   des  écoles  populaires  que 


-  795  — 

Le  régent  nommé  par  le  Conseil  communal  ei  approuvé  par 
l'évèque  tenait  donc  sa  mission  de  l'Eglise  et  de  la  Société  et 
ce  double  contrôle  était  une  garantie  pour  les  familles. 

Le  Conseil  des  chefs  de  famille  choisissait  toujours  un 
homme  «capable  et  intelligent  »,  soit  un  étranger,  soit  le  plus 
souvent  une  personne  du  pays,  mieux  connue  et  plus  facile  à 
surveiller.  Mais  cette  nomination  donnait  lieu  parfois  à  des 
luttes  très  vives. 

Les  archives  communales  nous  en  donnent  deux  exemples 
remarquables. 

En  1634,  deux  candidats  étaient  en  présence  :  Jacques  Ro- 
meuf,  de  La  Verdicrc,  et  M«  Pandouze,  soutenu  chacun  par  de 
nombreux  partisans.  Pour  éviter  toute  querelle,  le  Conseil  re- 
nonce à  son  droit  de  nomination  et  laisse  toute  liberté  aux 
parents,  qui  «  loueront  qui  ils  voudront  ».  Jean  Gay  attaque 
cette  décision,  en  réclamant  «  Ihintéret  de  la  veusve  et  de  Ihor- 
phelin,  qui  ne  peuvent  payer  un  maître»,  et  il  propose  son 
candidat,  M*  Pandouze.  Lespartisans  de  Romeuf  protestent  aus- 
sitôt avec  énergie  *  et  l'affaire  reste  en  suspens  -. 

La  décision  du  Conseil  était  un  acte  de  sagesse  qui  laissait 
au  temps  le  soin  de  calmer  les  esprits  surexcités,  mais  le  pre- 
mier consul  n'en  tient  pas  compte  et  nomme  Jacques  Romeuf. 
Aussi  le  21  janvier  suivant,  le  débat  recommence  plus  ardent. 
Trente-six  membres  du  Conseil  demandent  l'annulation  de 
ce  choix  fait  contre  le  vote  du  Conseil  et  malgré  l'opposition 


chaque  curé  de  ville  ou  de  village  était  tenu  d'ériger  dans  sa  paroisse  (Or- 
donnance des  évêques  d'Orléans.  797;  Tours,  852;  Toul,  X59).  Les  con- 
ciles confirment  tous  ces  ordonnances  et  celui  de  Latran  (1179)  recom- 
mande déjà  la  gratuité  de  l'enseignement. 

*  Un  des  protestataires^  Keynaud,  sergent  royal,  s'y  oppose  en  disant  «  în 
quantum  contra  ». 

«  Arch.  com.  BB.  6. 


—  796  — 

du  deuxième  consul,  d'autant  plus,  ajoutent-ils,  que  «  Ro- 
meuf  a  mal  instruit  et  édifié  la  jeunesse  ^,  Les  partisans  de  ce 
dernier  réclament  l'approbation,  mais  n'étant  que  six  et  pré- 
voyant un  échec,  craignant  aussi  une  responsabilité  pécuniaire, 
ils  s'en  déchargent  sur  le  consul  en  disant  :  «  Q)ui  la  loué  le 
paye  ».  Leur  sentiment  est  appuyé  par  cinq  membres  dissidents 
qui  demandent  un  autre  maître  que  les  deux  en  présence. 

Les  registres  de  délibération  ne  disent  pas  le  résultat  du  vote, 
mais  il  esta  croire  que  Rosmeuf  a  été  maintenu  parle  con- 
sul, puisque  nous  le  voyons  toucher  ses  gages  cette  même  an- 
née i635. 

En  1679,  nouveau  conflit.  Le  9  juillet,  Louis  Marin,  frère  er- 
mite de  Notre-Dame  de  Basset*,  demandela  régence,  s'olTrant 
à  «  soutenir  l'honneur  devant  n'importe  qui  ».  Le  Conseil 
accepte  cette  offre,  mais  les  consuls  nomment  un  autre,  André 
Raynouard.  Le  9  novembre  suivant,  le  Conseil  proteste  contre 
cette  nomination.  D'abord  Raynouard  <f  n  est  pas  approuvé 
par  M'*  Philippe,  grand  vicaire, à  cause  de  son  ignorance»;  en- 
suite, c'est  contraire  «  aux  délibérations  précédentes,  qui  de- 
mandaient la  dispute,  d'autant  plus  que  le  sieur  Jusberti  s'offre 
à  la  soutenir  ». 

Les  consuls  mis  on  cause  répondent  :  i"  que  cette  protesta- 
tion est  un  acte  d'aniniositc  personnelle  contre  le  régent  qui  a 
fait  condamner  ces  conseillers  à  lui  payer  sa  nourriture  ; 
2**  qu'ils  ont  attendu  la  dispute  jusqu'à  la  Saint-Michel  et  que. 
personne  ne  s'étant  présenté,  ils  ont  procédé  à  la  nomination 
comme  d'habitude  ;  3  enlin  que  Raynouard  ayant  été  réi;eni 
l'année  dernière,  il  pouvait  très  bien  l'être  encore  cette  année. 


'  ^'.hapellf  ruralcà  i5»r>^  mètres  Ju  village,  appelceaujourd'hui  NoireDjîSi 
des  Ki^lisc'S.  La  irnditiori  populaire  la  regarde  comme  la  première  paroisse 
.ivaiii  ijue  la  clmpellc  du  cliâlcau  le  devint.  Klle  était  en  erVet  ic  5ic«= 
d'un  prieuré  qui  lut  plus  tard  réuni  à  celui  de  la  paroisse. 


-  797  — 

La  discussion  s*envcnimant,  les  consuls  dcnuiiuicm  au  ju^t) 
de  faire  sortir  tous  les  protestataires,  mais  le  Juf{e  reluhiun,  un 
passe  au  vote  et  la  conduite  des  consuls  est  approuvôf. 

Ce  fut  la  source  d'un  procès  assez  long. 

Cette  délibération, en  ed'et, est  attaquée  par  JuhIkmH,  ti;  liattuni 
sur  l'approbation  de  larchevôque  et  sur  un  urrél,(Mi  mi  liiviMir, 
du  lieutenant-général  d'Aix.  Il  demande  le  rcrtlcrneni  dt*  luo  I 
de  gages  et  la  régence  pour  l'année  prochaine, 

Raynouard,  qui  n'est  plus  régent,  a  fait  la  màina  dcmiiii<k' 
et  le  Conseil  du  i3  octobre  1680  lui  donne  gaifi  dir  cau^.  Jm^- 
berti  ne  se  tenant  pas  pour  battu  p^^ursuit  sa  réclamation,  mm^ 
le  Conseil  lui  répond  de  nouveau  le  28  vrptcmbnr  thKi  '\u"  la 
régence  est  donnée  ct.«  quant  au  reM«,qu'iil  ^  ^dr^r^vr  ag  li<rMi«< 
nanl  »  *. 

L'ârtaire  se  termînc  Jâ  :  v>ut  ^*i  tnoim  J';i  'ïHMf4^iOii>  u  *'h 
parlent  plus. 

L'n  troisième  con:;/.  i'z/ck  «rrj  iy^/-  "  v:i  ;/*•  ^  •  #;?.  /  ';< 
deux  consuîï- 

Lt  M::on2  £  -ivrr.T^t  K  *.  .'<  ;.".V-'.*  \-    -.  *'v  t  <  "  -    ;*•  ., ,'  . 

r-sr.s  Z-.  «  ::  tri-''  :ii.t  t;->^/'  >•,-*•:'•.      -,  ,/y  ♦;;♦:  i;.*  •.  ,*  /•-  ' 

I>t;VLi:    ^îTAt    'M.'      '/...t'.iV.      .'.    'y,''..jt.       «V>    .*    H.„   •..   .;  ■      v* 

Les  '-'.'T ';!'.:   Zit  TjV"-  lii  .j'Ti     >»   v^-ï:*,'  ■  H>i.i«."     ^^«-...^irlv--     '.".* 

Li'i'.-.^  :  i.:':''v'-;i:.r.-: 


-  79«  - 

I-c.Guré  de  la  paroisse,  l'abbé  François  Sallier,  ayant  été  in- 
sulté par  le  régent*,  s'en  plaint  à  Tarchevêque  qui  ordonne  aux 
consuls  de  renvoyer  le  sieur  Jaumont,  régent  *. 

Les  Consuls  obéissent  et  nomment  Fouque  comme  régent; 
mais  au  Conseil  suivant  du  14  octobre,  une  grande  discussion 
s*élève  à  ce  sujet. 

Les  pères  de  famille  ont  remis  aux  consuls  une  pétition  en 
faveur  de  Jaumont.  Mais  si  ses  partisans  sont  nombreux,  il  a 
aussi  des  adversaires.  Le  curé  affirme  qu'il  est  «indigne  d'exer- 
cer pour  des  raisons  connues  de  Tarchevêque,  pour  les  insultes 
qu'il  en  a  reçues, ainsi  que  Sallier,un  autre  prêtre».  Pierre  Sal- 
lier, un  autre  opposant,  parle  contre  Jaumont,  mais  Fouque 
ignore  le  latin,  et  obligé  d'envoyer  ses  enfants  au  dehors,  il 
demande  la  nomination  d'un  adjoint  pour  le  latin. 

Les  consuls  donnent  alors  lecture  de  la  lettre  de  l'archevê- 
que et  le  Conseil  vote  une  députation  de  trois  membres  pour 
allerà  Aix  supplier  l'archevêque  de  revenir  sur  sa  décision  et 
en  tout  cas  d'approuver  un  autre  que  Fouque  «  absolument. 


*  Quelle  était  la  nature  de  cette  insulte  ?  les  archives  n*en  parlent  pas. 
Elles  disent  seulement  que  le  curé  a  été  insulté  chez  lui  avec  un  autre 
prêtre. 

-  Lettre  de  l'archevêque  :«  M.  le  curé  se  plaint  contre  le  sieur  Jaumont 
quia  manqué  au  respect  qu'il  lui  doit.  Je  sais  d'ailleurs  que  ce  maître  d'école 
n'a  pas  les  lettres  d'approbation,  au  moins  qu'il  en  a  de  fort  anciennes,  qu'il 
n'a  pas  fait  renouveler, ce  qui  est  contraire  aux  ordonnances  du  diocèse. 
Aussi,  Messieurs,  je  vous  prie  de  ne  plus  soutfrir  que  le  dit  Jaumont  re- 
pente dans  votre  communauté.  Je  compte  que  vous  aimez  trop  le  bonorJrc 
pour  ne  pas  l'obligera  discontinuer  un  emploi  qu'il  ne  peut  exercer  sans 
une  approbation  de  Mgr  l'archevêque,  qu'il  n'a  point  et  qu'il  s'est  rendu 
indigne  par  la  manière  dont  il  a  usé  envers  le  sieur  curé,  auquel  il  don 
du  respect.  Je  suis  parfaitement.  Messieurs,  votre  très  humble  et  très  obéis- 
sant serviteur. 

*  L'abbé  de  Venge.  Ai\.  2  octobre  1735.  » 

(Minutes  de  (^apus,  net.  La  \  erdière).  Liude  de  M'  Berne,  notaire. 


-  799  - 
incapable».  Heureux  de  celte  décision,  les  pères  de  famille  s'en- 
gagent à  payer  les  frais  du  voyage  des  députes. 

En  attendant,  Fouque  réclame  ses  gages,  mais  le  trésorier 
les  refuse,  et  le  Conseildonne  ordre  aux  consuls  delui  retirer  la 
clef  de  la  classe.  Le  curé  proteste  contre  cette  décision  et  il  dé- 
clare que  Fouque  restera  régent  tant  qu'il  ne  sera  pas  révoqué 
par  Tarchevéque. 

Celui-ci  maintient  sa  décision  contre  Jaumont  et,  pour  con- 
cilier les  adversaires,  il  présente  Franchiscou  à  la  place  de 
Fouque.  Le  Conseil,  tout  en  regrettant  le  départ  de  Jaumont, 
«  à  cause  de  ses  bons  soins  pour  la  classe  *,  demande  au  moins 
qu'on  le  remplace  par  #c  un  homme  agréable  aux  paroissiens  », 
ce  qui  n'est  pas  le  cas  de  Franchiscou,  #c  enregistré  aux  classes 
maritimes,  n'ayant  pas  le  temps,  pouvant  être  appelé  ailleurs, 
n'ayant  jamais  enseigné,  sachant  à  peine  lire  et  étant  sans  do- 
micile». 

Les  opposants  répondent  que  Jaumont  #cwe  sait  pas  écrire, 
qu'il  a  beaucoup  de  défauts  essentiels  et  qu'il  ne  s'approche 
jamais  des  sacrements  ».  Protestation  de  ses  partisans  qui  af- 
firment qu'il  est  bon  chrétien,  et  ils  déclarent  en  outre  que 
Franchiscou  est  malade  et  ne  peut  exercer. 

Enfin  la  discussion  est  close  et  on  passe  au  vote.  Sur  treize 
votants,  il  y  en  a  cinq  pour  Franchiscou  contre  quatre  non  et 
quatre  abstentions.  Franchiscou  est  donc  accepté,  malgré  une 
nouvelle  protestation  de  quatre  opposants. 

L'affaire  semblait  finie,  mais  il  n'en  est  rien.  Jaumont  reste 
en  fonctions  et  le  28  janvier  1732,  l'archevêque  envoie  une  nou- 
velle lettre  aux  consuls  \ordonnant  à  Jaumont  de  partir  dans 


'  «  M"  l'Archevêque  veut  bien,  Messieurs,  ne  pas  s'apercevoir  que  vous 
avez  renvoyé  le  maître  d'école  auquel  il  avait  donné  ses  lettres.  Mais 
son  intention  est  que  vous  renvoyez  incessamment  le  sieur  Jaumont  et 
tout  autre  maître  d'école  qui  s'ingérera  à  montrer  les  enfants.  Un  des  se- 


—  8oo  - 

les  huit  jours  sous  peine  d'y  être  contraint  par  la  force,  et  pour 
donner  à  toutes  les  inimitiés  le  temps  de  se  calmer,  il  déclare 
que  Tccole  sera  régie  par  les  prêtres  de  la  paroisse  jusqu'à 
Saint-Luc,  c'est-à-dire  pendant  toute  cette  année. 

Les  consuls  ne  s'opposent  pas  aux  ordres  de  l'archevêque, 
mais,  disent-ils,  lorsqu'il  saura  tout  ce  qui  s'est  passé,  il  verra 
que  le  désordre  ne  vient  pas  du  sieur  Jaumont.  Aussi  propo- 
sent-ils au  Conseil  une  nouvelle  députation  à  Aix  pour  Tinfor- 
mer  des  «  bis  bis  »  et  le  prier  de  garder  Jaumont. 

Le  notaire  Gaze  essaie  de  concilier  tous  les  adversaires  en 
nommant  un  autre  régent,  tout  en  payant  une  indemnité  à 
Jaumont  et  à  Kranchiscou,  mais  sa  proposition  est  repousséc 
môme  par  les  partisans  de  Franchiscou  qui  «  a  leurs  enfants  ». 
—  «  Cinq  ou  six  »,  répondent  les  Consuls. 

La  députation  est  votée,  mais  elle  n'obtint  aucun  résultat  ; 
car,  en  mars,  nous  voyons  Franchiscou  assigner  la  commu- 
nauté enpaiementdedeux  cartiersde  ses  gages.  Le  Conseil  s'en- 
tête dans  sa  résistance  et  il  ne  recule  môme  pas  devant  un  pro- 
cès. Cependant,  sur  l'avis  de  son  avocat  et  grâce  aux  démar- 
ches otricieuses  du  prieur;  M'*  de  Verne,  il  accepte  une  tran- 
saction qui  accorde  à  Jaumont  3o  l.  de  gages  et  60  à  Franchis- 
cou '. 


condaires  (Je  la  paroisse  régira  les  écoles  jusqu'à  la  Sain:e-Luce  et  dans  ce 
lemps-là  vous  pourrez  trouver  un  maître  pour  vos  écoles,  qui  soit  an 
grc  de  la  communauté  et  qui  ne  soit  pas  un  sujet  de  division.  Si  le  sieur 
Jaumont  est  encore  à  La  Verdière  dans  huit  jours  après  que  vous  aurez 
reçu  ma  lettre,  M*'  l'archevêque  prendra  les  voies  convenables  pour 
l'en  faire  tirer  et  il  aura  pour  cela  des  ordres.  J'écris  à  M.  le  Curé  et  lui 
mande  de  me  certitier  la  sortie  du  sieur  Jaumont. 

*  Je  suis  très  parfaitement,  messieurs,  votre  très  humble  et  très  obéis- 
sant serviteur. 

<  Abbé  DE  Ven-  E.  vicaire  f^thivrai, 

*  à  Aix,  le  23  janv.  1732.  » 

•  i3  liv.  de  gages  et  ^5  de  taxe  à  Iranchiscou. 


—  8oi  — 

La  paix  régna  dès  lors  dans  le  pays,  mais  cette  lune  assez 
vive  nous  montre  que  ce  Jaumont,  «m*  ès-arts  libéraux», avait 
acquis  une  grande  influence  sur  les  parents,  soit  par  son  carac- 
tère soit  par  sa  méthode  d'enseignement.  Il  tint  les  écoles  pen- 
dant près  de  vingt  ans.  Bien  souvent,  il  est  vrai,  des  plaintes 
s'élevèrent  contre  lui,  soit  à  cause  de  la  taxe  scolaire  qu'il  aug- 
mentait à  son  gré  (lySo),  soit  à  cause  de  ses  absences  répétées. 
Il  perd  alors  la  confiance  des  parents  qui  lui  retirent  leurs  en- 
tants pour  les  confier  aux  prêtres  de  la  paroisse  et  par  deux  fois 
on  demande  son  changement  à  l'archevêque  qui  chaque  fois 
répond  par  un  refus  '.  On  se  résigne  alors  et  il  faut  croire  aussi 
que  Jaumont  fut  plus  fidèle  au  règlement,  car  la  contiance  re- 
vint et  il  resu  encore  de  longues  années  à  la  tête  de  l'école. 

II.  —  Monopole. 

En  principe,  il  est  vrai,  l'enseignement  était  libre,  mais  la 
communauté  éublissant  une  taxe  scolaire  sur  tous  les  éco- 
liers, afin  d'augmenter  le  traitement  du  régent,  elle  avait 
intérêt  à  soutenir  le  maître  officiel  contre  tous  ses  concur- 
rents. C'est  pourquoi,  dans  presque  tous  les  contrats  de  ré- 
:;ence.  nous  voyons  la  clause  suivante  :  «  Sera  permis  à  nul 
a'Jtre  d'enseigner  les  enfants  ^^ijij».  ou  cette  autre  :  «  Les  pa- 
rents seront  obligés  de  lui  confier  leurs  enfants  soubs  peynes 
den  paier  la  taxe  et  nourriture  diceluy,  comme  les  autres  en- 
fants »  ■  173H-Î772L 

Malgré  cette  défense,  il  arrivait  souvent  que  deux,  trois  éco- 


'  <>tte  dc'marche  des  consais  paraît  un  peu  étrance  quand  00  se  rappe'le 
les  événements  de  1732.  .\ussila  réponse  de  l'archevêque  est  pleine  d'iro- 
n.e  :  *  On  arj  c^nunî  de  Jjtimont.  dii-îl,  et  d'ailleurs  je  n'ai  pas  de 
poste  à  [u:  donner    » 

I.e  C:/3seiI  i-i-i.  compris  r  probablement,  car  il  n'insiste  plus  et  Jau- 
-T-ont  re-îte  i  son  poste. 

*  GOSMES  —  5  I 


—    802    - 

les  étaient  en  présence.  Le  régent  officiel  protestait  alors,  le 
Conseil  s'occupait  de  l'affaire  et  il  en  résultait  quelquefois  des 
luttes  très  vives.  Les  archives  communales  nous  en  offrent 
quelques  exemples. 

En  1678,  le  régent  Raynaud  se  plaint  de  la  concurrence, 
n'ayant  que  treize  enfants,  qui,  dit-il,  sont  obligés  de  payer 
double.  Le  Conseil  donne  ordre  aux  consuls  de  poursuivre  les 
écoles  libres  et,  si  le  procès  est  perdu,  on  fera  payer  la  taxe  aux 
enfants  des  autres  écoles. 

L'affaire  ne  fut  pas  très  sérieuse  et  probablement  il  y  eut  un 
arrangement.  Mais, en  i68i,clle  prend  un  caractère  plus  grave. 

Le  frère  Louis  Marin,  ermite  de  Notre-Dame  du  Basset,  tient 
une  école  où  il  réunit  plus  de  vingt  enfants.  Les  consuls 
voyant  qu'à  l'école  publique  il  n'y  a  que  #c  quelques  petits  », 
et  que  par  suite  la  taxe  qui  était  de  dix  à  douze  jours  de  nour- 
riture monte  à  un  mois  ou  deux,  demandent  au  Conseil  de 
taxer  tous  les  enfants. 

Un  grand  débat  s'ensuit.  Malherbe,  notaire,  dit  que  cette 
proposition  est  ridicule,  parce  que  «  l'enseignement  étant  arts 
libéraux  »,  les  parents  sont  libres  de  s'adresser  à  qui  ils  veu- 
lent. 

«  Soit,  répondent  les  consuls,  mais  l'usage  veut  qu'il  n'y  ait 
qu'une  école,  pour  aider  les  pauvres  obligés  de  payer  la  nour- 
riture et  par  conséquent,  ou  les  autres  régents  doivent  s'abste- 
nir, ou  les  enfants  doivent  payer  la  taxe.  »  Le  Conseil  est  encore 
plus  sévère,  car  il  vote  la  taxe  générale  et  ordonne  en  même 
temps  la  fermeture  des  autres  écoles. 

Fort  de  cette  délibération,  le  premier  consul  se  rend  chez  le 
frère  Louis  pour  la  lui  signifier  et  lui  demander  le  rôle  de  ses 
élèves,  mais  il  est  mis  carrément  à  la  porte. 

Au  Conseil  suivant,  le  débat  recommence  alors.  Le  notaire 
Malherbe,  protestant  une  seconde  fois,  objecte   que  le   régent 


-  8o3  — 

n'étant  pas  approuvé,  ne  peut  exercer,  d'autant  plus  qu'autre- 
fois il  était  parti  avant  la  fin  de  son  engagement. 

«  Le  contrat  est  passé,  répondent  les  consuls  et  s'il  y  a  lieu  de 
se  pourvoir,ce  n'estpasà  la  communautéà  le  faire,  maisaufrère 
Louis,  à  qui  d'ailleurs  on  peutadresser  le  même  reproche  d'in- 
constance, puisque,  il  y  a  quelques  années,  il  a  abaodonné  son 
ermitage  pour  y  revenir  maintenant.  >► 

Le  Conseil  renouvelle  sa  précédente  délibération  et  menace 
le  frère  Louis  de  le  poursuivre  devant  Tarchevêque.  Quant  à  la  ' 
taxe  demandée,  en  l'absence  des  pères  de  famille,  on  la  renvoie 
à  un  prochain  Conseil  qui  la  repousse  (28  décembre  1681)  ^ 

Frère  Louis  a-t-il  quitté?  Nous  l'ignorons,  mais  nous  voyons 
un  peu  plus  tard  le  sieur  Bernard,' régent  officiel,  quitter  son 
poste.  Il  est  vrai  qu'il  a  mis  à  sa  place  M~  Albanelly. 

Quelques  années  plus  tard,  en  1690,  nouvelles  plaintes  du 
régent  qui  n'a  que  cinq  à  six  enfants.  Le  Conseil  du  23  juillet 
établit  la  taxe  générale,  ordonne  sa  publication  et  charge  le 
régent  «  d'aller  voir  les  parents  pour  les  prier  aimablement  de 
lui  donner  leurs  enfants  >►.  Les  autres  écoles  seront  poursui- 
vies. 

Les  parents  protestent  et  réclament  leur  liberté.  C'est  un 
abus  d'avoir  plusieurs  maîtres,  répondent  les  consuls  :  «  Si  on 
en  veut  un,  qu'on  le  garde  chez  soi,  c'est  un  droit  *. 

En  1760,  nouvelles  plaintes.  Le  Conseil,  fidèle  au  principe 
du  monopole,  ordonne  au  régent  de  se  faire  approuver  dans 
les  quinze  jours  et,  en  attendant,  il  avise  les  prêtres  d'abandon- 
ner l'école.  Protestation  des  parents,  le  contrat  étant  nul,  puis- 
que le  régent  n'est  pas  approuvé.  D'ailleurs,  les  prêtres  ont 
cinquante  enfants  et  le  régent  cinq  seulement,  étant  incapable, 
ce  qu'on  offre  de  prouver. 


*  Arch.  com,  BB.  9. 


-7  804  — 
III.  --  Résidence. 

Comme  on  le  voit,  les  régents  étaient  absolument  dépen- 
dants du  Conseil  communal.  De  plus,  ils  étaient  soumis  à 
certaines  obligations.  Les  principales  étaient  l'éducation  reli- 
gieuse, dont  nous  dirons  un  mot  plus  loin,  et  la  résidence. 

En  cas  d*absence  ou  de  retard  #c  aux  heures  accoutumées  », 
les  consuls  avaient  le  droit  d'en  nommer  un  autre  «à  ses  dér 
pens  ».  C'était  une  obligation  essentielle  que  l'on  remarque 
dans  presque  tous  les  contrats.  Aussi,  en  1682,  nous  voyons 
M"  Devaux  qui,  avant  de  quitter  son  poste,  met  à  sa  place  son 
confrère,  M''  Albanelly.  En  1703  aussi,  sur  les  plaintes  des 
parents  contre  le  régent  Rbmain  Sicard  qui  «  ne  réside  pas, 
est  un  jour  ou  deux  ailleurs  et  ne  conduit  pas  les  enfants  à 
réglise»,  les  consuls  le  somment  d'observer  les  termes  du  con- 
trat. 

En  lySo,  encore  nouvelles  plaintes  contre  P.  Jaumont  qui 
donne  des  vacances  répétées,  n'est  pas  assidu  à  l'heure,  ne  fait 
dire  qu'une  leçon,  son  Hls  ou  un  des  pensionnaires  faisant 
dire  les  autres,  ce  qui  introduit  aux  jeunes  étudiants  un  fort 
mauvais  accent.  Jaumont  refusant  de  se  rendre  à  ces  protesta- 
tions, les  enfants  sont  retirés  de  l'école. 

IV    —  Programme. 

Le  programme  de  ces  écoles  primaires  n'était  pas  charge 
comme  celui  de  nos  jours.  La  lecture,  l'écriture,  l'arithméti- 
que, la  f^rammaire,  voilà  les  grandes  lignes  ordinaires  de  ce 
programme'.  Peu  Je  chose,  c'est  vrai,  mais  pour  nosagricul- 


*  «  Les  approbations  des  rcgenis  ne  mentionnent  guère  que  ces  bran- 
ches de  renseignement  et  les  livres  dt  pédagogie  usités  à  celte  époque 
gardent  le  même  silence  sur  les  autres.  ..  On  apprenait  à  lire  noo  seule- 


—  8o5  — 

leurs  et  artisans  d'autrefois,  c'était  suffisant  et  on  ne  demandait 
rien  autre. 

En  1780,  un  candidat  à  la  régence  offre  d'ajouter  la  géogra- 
phie, Vart  raisonné  du  blason  et  «  même  lire  et  écrire  ».  Pour 
lui,  paraîi-il,  la  lecture  et  l'écriture  n'étaient  qu'un  accessoire; 
cependant,  il  fut  accepté. 

Souvent,  on  y  ajoutait  le  latin  (i683),  non  pas  probablement 
la  langue  elle-même,  mais  au  moins  les  rudiments  (1734).  Cette 
science  du  latin,  générale  dans  presque  toutes  les  écoles,  était 
hautement  appréciée  à  La  Verdière,  où  on  réclamait  toujours 
un  maître  qui  sût  le  latin.  C'est  ce  qui  explique  l'existence  des 
écoles  rivales  quand  le  régent  l'ignorait  et  aussi  laffluence des 
élèves  quand  les  prêtres  tenaient  l'école. 

Pourquoi  cette  science?  dira-t-on  ;  c'est  facile  à  comprendre. 
La  foi  était  encore  profonde  dans  toutes  les  familles,  tout  le 
monde  remplissait  ses  devoirs  religieux  et,  à  l'église,  on  unis- 
sait sa  voix  aux  chants  des  offices.  En  connaissant  le  latin,  on 
prononçait  mieux,  sans  estropier  les  paroles,  comme  aussi  on 
comprenait  un  peu  ce  que  l'on  chantait,  ce  qui  était  un  grand 
avantage  pour  tout  le  monde. 

L'école  était  en  effet  confessionnelle  et  l'enseignement  reli- 
gieux était  une  des  premières  obligations  du  régent.  Partout, 
en  efTet,  dans  les  actes  de  contrat,  avec  la  civilité  *,  nous  voyons 


ment  rimprimé,  mais  des  manascrits  fort  difficiles  quelquefois  »  [Vint- 
truction  primaire  en  France  avant  178g,  par  l'abbd  Alai.n.  —  Revue  des 
Questions  historiques,  année  j8j5,  p.  i34). 

Cette  lecture  des  manuscrits  s'est  conservée  longtemps  encore  après  la 
Révolution.  Je  me  rappelle  encore  avoir  eu  dans  mes  jeunes  années  un 
livre  classique  intitulé  «  Lecture  de  manuscrits  »  qui  était  composé  de 
toutes  sortes  d'écritures,  même  microscopiques. 

*  «  Leur  fere  oster  le  chapou  à  toutes  sortes  de  personnes  Ihors  qui  y 
passeront  au-devant  et  empêcher  que  les  enfants  ne  se  battent  parmy 
eux  ».  Contrat  du  3  octobre  1672.  (Thomas,  not.),  étude  de  fieme,  net., 
La  Verdière. 


—  8o6  — 

robligation  de  conduire  les  enfants  à  Téglise  les  jours  de  fêle 
(i6a6),  de  leur  apprendre  la  vertu  (1686),  de  les  instruire  de  la 
foi  chrétienne,  faire  dire  les  heures,  matin  et  soir,  le  catéchisme 
le  samedi  (1727-1731),  de  les  conduire  tous  les  jours  à  la  messe 
(1736). 

Les  parents  tenaient  beaucoup  à  cette  obligation  et  maintes 
fois  nous  voyons  des  plaintes  au  Conseil  à  ce  sujet  (i 703-1750). 

Les  heures  de  classe  étaient  de  sept  heures  du  matin  à  dix 
heures  et  de  midi  à  quatre  heures  (1689). 

V.  —  Traitement. 

Le  traitement  du  régent  était  composé  de  deux  parties  : 
une  somme  fixe,  variable  selon  les  années,  et  une  taxe  sco- 
laire payée  par  les  parents  ou  la  communauté. 

I .  Traitement  fixe, —  Dans  nos  recherches  aux  archives  com- 
munales, nous  avons  pu  à  peu  près  établir  Téchelle  de  ce  traite- 
ment '  : 

4  écus  en  i557,  4  florins  en  i563,  2  écus  en  i568,  3  florins 
par  mois  en  i573,  24  écus  en  iSgS,  et  20  en  iSgg.  Cette  der- 
nière somme  de  60  livres  devient  le  tarif  ordinaire  et  ne  varie 
presque  plus,  sauf  quelques  exceptions  comme  en  1679,  où  elle 
monte  à  ip  livres,  en  i685  où  elle  descend  à  46  et  à  40  en  1 733. 
Kn  1768,  le  régent  n'ayant  que  quatorze  enfants,  le  Conseil  lui 
accorde  36  livres,  soit  (/)  au  total.  Il  est  vrai  que  la  taxe  est 
diminuée  d'autant. 

Souvent  le  régent  cumulait  plusieurs  fonctions  :  vicaire  -, 
médecin,  remonteur  de  l'horloge  ;  ce  cumul  lui  faisait  alors  un 


'  Arch.  corn..  BB.  i  et  suivants, 

-  Vin  1554,  deux  prctres  :  (Ilaude  Arbaudi  et  Honoré  Gaze,  s'engagent  à 
tenir  l'école,  a  charge  de  chanter  à  l'église  et  de  dire  les  messes  du  pur- 
gatoire. I.e  traitement  est  alors  pris  sur  les  aumônes  du  purgatoire.  (BB. 


—  8o7  — 

traitement  convenable.  Mais  le  principal  de  ce  traitement  était 
la  taxe  scolaire  soit  en  argent  soit  en  nourriture. 

2.  Taxe.  —  En  iSSy,  le  Conseil  accorde  au  régent  6  écus 
pour  sa  nourriture.  En  i563,  un  père  de  famille  s'engage  à  le 
nourrir  pendant  un  mois  et  demi,  un  second,  pendant  quinze 
jours  et  les  autres  alternaiivcmcnt.  En  1679,  le  régent  demande 
4  sous  par  jour  et  7  sous  en  1717  et  1731. 

Cette  taxe  rapportait  3o  écus  en  1608;  60  en  1680;  90  en  1689; 
42  en  1707;  126  en  1716,  1720,  1723,  1727,  1728;  86  en  1725; 
84  en  1733  ;  140  en  173 1,  1735,  1736,  1739,  1753  ;  186  en  1732  ; 
io5  en  1751  ;  96  seulement  en  1763. 

Quel  était  ce  chiffre  de  cette  taxe  scolaire?  Nous  trouvons  les 
suivants  : 

1 557.  —  Les  petits,  i  sou  par  mois  ;  les  grammairiens,  2  sous  '. 
1686.  —  3  livres  ceux  qui  apprennent  à  lire,  et  les  autres,  taxés 

selon  le  rôle  et  leur  capacité. 
1689.  —  3  livres  par  enfant  s'ils  sont  trente.  Plus  nombreux, 

la  taxe  sera  diminuée;  moins  nombreux,  elle  sera 

augmentée. 
1695.  —  5  sous  par  mois  ceux  qui  n'écrivent  pas  ;  7  sous  1/2^ 

ceux  qui  écrivent  '. 
1707.  —  A  cause  de  la  cherté  des  vivres,  le  Conseil  vote  une 

augmentation  de  taxe  de  3o  livres  '. 
1743.  —  Les  enfants  à  l'alphabet,  3  livres  ;  au  latin  et  français, 

4  livres  ;  à  l'écriture,  5  livres  ;  à  l'arithmétique, 

6  livres.  La  taxe  devait  être  faite  tous  les  trois 

mois.  Si  elle  n'atteint  pas  le  montant  du  quartier 

des  gages,  la  communauté  y  suppléera  comme  aussi 

elle  bénéficiera  du  surplus. 


«  Arch.com.  BB.  i,  i56. 

•  Ibid.  BB.  9. 

•  Ibid.  BB.  II. 


-  8o8  — 

Cette  taxe  d'argent  ou  de  nourriture  n'était  pas  toujours 
facile  à  retirer.  Bien  souvent,  il  y  avait  des  protestations  et  des 
refus  qui  entraînaient  des  poursuites  contre  les  rcfractaires. 
Nous  en  trouvons  plusieurs  exemples. 

En  1679,  le  régent  fait  condamner  plusieurs  parents  à  lui 
payer  sa  nourriture. 

En  1731,  c'est  le  trésorier  communal  qui  recueille  l'argent  de 
la  taxe  et  cherche  à  contraindre  les  parents.  Ceux-ci  protes- 
tent, mais  le  Conseil  donne  gain  de  cause  au  trésorier*.  Au 
Conseil  suivant  (17  juin),  les  consuls  eux-mêmes  protestent 
contre  la  taxe  officielle,  contraire,  disent-ils,  aux  intérêts  de  la 
communauté  qui  est  obligé  d'en  supporter  le  denier  et  de  faire 
les  frais  de  l'exaction.  »  Ils  proposent  donc  un  autre  régent  qui 
s'engage  à  faire  l'exaction  de  la  taxe  à  ses  risques  et  périls.  En 
entendant  cette  proposition,  les  parents  retirent  leurs  plaintes, 
voulant  garder  le  régent  dont  ils  sont  contents,  et,  pour  éviter 
toute  difficulté,  ils  acceptent  de  payer  la  taxe,  même  avec  les 
frais  d'exaction,  ^c  voyant  avant  tout  avantage  de  la  jeunesse  » 
et  le  s'  Jaumont  «  méritant  bien  quelque  considération  *  *. 

La  taxe  était  donc  une  règle  générale  et  nous  voyons  plu- 
sieurK  fois  le  Conseil  y  soumettre  même  les  enfants  qui  fré- 
quentaient les  autres  écoles. 

Plus  ou  moins  forte  selon  le  nombre  des  enfants,  il  ne  faut 
pas  croire  cependant  que  cette  taxe  fût  un  impôt  onéreux  qui 
rendît  l'école  impossible  aux  nombreuses  familles.  iNon,  la 
f^ratuité  de  l'école  pour  les  pauvres  était  de  principe  général; 
souvent  le  Conseil  communal  en  rappelle  l'obligation  soit  en 
votant  une  augmentation  de  gages,  soit  en  acceptant  un  nou- 


*  Le  3  juin  1731 . 

*  Arch.  corn.  BB.  i3. 


—  8o9  — 

veau  régent.  Et  pour  qu'il  n'y  ait  pas  d'abus  de  la  part  du  maî- 
tre, il  est  toujours  spécifié  dans  les  contrats  que  renseigne- 
ment sera  le  même  pour  les  riches  et  pour  les  pauvres. 

On  protestait  bien  quelquefois  contre  la  taxe,  mais  c'était 
plutôt  contre  son  exagération  ou  contre  la  manière  de  la 
recueillir.  Ce  qui  semblerait  le  prou  ver,  c'est  qu'en  lySo,  comme 
nous  venons  de  le  voir,  les  parents  qui  protestaient,  l'accep- 
tent volontiers,  même  avec  les  frais  d'exaction  à  leur  charge, 
afin  de  garder  leur  régent. 

Le  Conseil  qui  votait  la  taxe  scolaire  avait  aussi  le  droit  d'en 
dispenser,  mais  il  usait  rarement  de  ce  droit,  et  le  seul  exem- 
ple que  nous  trouvions,  est,  en  lySS,  l'exemption  du  clerc  de 
l'église,  «  étant  toute  la  matinée  occupé  au  service  de  l'église 
et  souvent  môme  l'après-dîner,  devant  suivre  les  prêtres  dans 
l'administration  des  sacrements»  *.  Cette  e.xemption  ne  fut 
pas  votée  pour  un  temps,  mais  pour  toujours. 

VI.  —  Local. 

L'école  se  tenait  toujours  à  la  maison  commune.  Le  Con- 
seil tenait  à  ce  local  et  veillait  à  ce  que  le  Régent  s'y  confor- 
mât. Cette  obligation  était  même  insérée  dans  beaucoup  de 
contrats.^En  i656,  M"*  Devaux,  le  régent,  tient  l'école  dans 
la  chapelle  des  pénitents.  Il  est  probable  qu'il  trouvait  ce  local 
plus  commode  et  plus  facile  pour  lui,  mais  le  Conseil  proteste 
et  l'obligea  revenir  à  la  maison  commune. 

Bien  plus  encore,  en  lySo,  à  cause  de  la  guerre,  les  Conseils 
doivent  être  beaucoup  plus  fréquents.  Fidèle  à  son  principe,  la 
Communauté  abandonne  la  maison  commune  comme  lieu  de 
ses  réunions,  et  «  pour  ne  pas  déranger  les  écoliers  )>,  elle  loue 


*  Conseil  do  a3  févr.  1738.  Arch.  com.  BB.  la. 


—  8io  — 

une  chambre  du  village  pour  y  tenir  ses  assemblées  *.  Ce  sys- 
tème dura  deux  ans. 

Le  mobilier  était  sommaire  :  des  bancs  et  des  tables,  dont  le 
régent  était  responsable,  devant  empêcher  «  que  les  enfants 
ne  les  rompent  ».  Il  ne  devait  donner  la  clé  à  personne,  surtout 
à  la  jeunesse  «  pour  y  aller  classer  *,  à  cause  que  rompraient 
tous  les  bancs  et  tables,  oultre  que  cela  n'est  pas  séant  et  que 
l'école  n'est  point  destinée  pour  des  danses  »'. 

VII.  —  Titulaires.  --  Noms  et  qualités. 

i553.  Antoine  Rolandi. 

1554.  Honoré  Gaze,  ^        ,  Ils  s'engagent  à  chan- 

1    1  cil  s«9 . 


Claude    Arbaudi,    S  ter  à  Téglise. 

iSSy.  Pierre  Vincens,  de  Varages. 
i563.  Clément  Baudoin. 

1568.  Antoine  Roset,  de  Monestier-de-Saint-Chaffrey. 
1595.  J. -Baptiste  Blanc. 
1597.  Jean  Delphin.  \ 

1599    Guillaume  Serpollet. 

1600.  Louis  Taxil,  1602,  1606. 

1601.  Auguste  D.,  de  Trets. 

1607.  Joseph  Vachicr. 

1608.  Philippe  Bcrnardy,  1619. 
i(')26.  Claude  Reynaud. 

i()35.  Jacques  Romcuf,  delà  Verdicre,  1033,  1035,  i638,  1639 

1642,  i()5o,  1658,  1659.  1660. 
i656.   M"Dcvaux,  prêtre  \ 


'  Arch.  com.  BB.  i3. 

*  Danser. 

*  C.ontrat  du  3oct.   1672.  V.  appendice. 

*  H  tient  I  école  à  la  ciiapcile  des  pénitents,  mais  le  Conseil  proteste. 


—  >ÎC  — 

int*7.  J.-B.  SeîTouiiet. 
1Ô71.   Honore  Maihi eu. 

M' André  Bernard,  prèire,  de  Saini-Eiienne-dc-Croix 
1Ô72,  1673.  1676.  if>S2,  i(vS3. 

1674.  Jean  Barjoiion.  de  Treis. 

1675.  M**  Cadei  Renie,  prèire.  1671^  1677,  1071). 
167S.  André  Raynouard,  1Ô79,  i6S3. 

1680.  Pierre  Millau.  i685,  i6SC\  liiSj. 

iti82.  M'*  Albanelly,  prêtre,  remplace  M'*  Bernard. 

ii)S4.  Noblet.  1687,  i()S8,  1689. 

1688.  Laugier,  de  Monifori,  i(>90. 

1693.  Colombi.  iCïç^, 

1696.  Jean  Lancement. 

1697.  M'*  Lance,  diacre. 
i()99.  Sauvan  *. 

1700.  Lazare  Digne,  de  Bargemon,  régenta  Quinson. 

1703.  Romain  Sicard. 

1704.  Jean  Denain, chirurgien  delà  Verdière.  1723.  i7a.S,  17^0, 

1727,  1734,  1736. 

1707.   F^ierre  Daudet,  de  la  Koquehrussanne,  1708,  1709,  1710. 

171 6.  Joseph  Gaze. 

1725.  Joseph  Gaze.   )    .,  ,         . 

^        ,        .5    Se  partagent  le  iriiiieineni 
Jean  Denain.    ) 

1728.   Paul  Jaumont,  de  Cadenet  *,  1731.  1739,    17.1*^,    i7.|.|, 


*  Kn  16K7,  s'abscntant,  il  meta  Sti  place  M"  Albanelly. 

<  En  septembre  i^xyj.nn  propo:»^  Lau>(ii'i,  aiiavn  n^^eni  tW  ifii^o,  mai» 
trop  vieui  et  ignorant  le  latin,  le»  parcnu  le  refusent  ci  aco'ptttni  l.u/uic 
Digne. 

*  Son  contrat  du  27Juilk't  1727  porte  setga^oa  iKO  livic»,  plu*  ïvnînntt 
de  ses  meubles  et  de  se^  hardes  «^ui  v^nt  a  \.»  f  jotai  <Miiiufr»  ',apu«, 
noi.  La  VtHbiERK.) 

C'est  le  seul  qui  soit.  re^K:  i,i  Jongtinrjpb  vn  loii«:iivii»,  «t  il  jouiMëK 
d'une  grande  influence-. 


—  8l2  — 

1745,  1746, 1750,  I75I,  1752, 1753,  1756,  1763,  1765, 
1766, 1767,  1774,  1775. 

1731 .  Joseph  Fouque,  démissionne  deux  mois  après  '. 

Franchiscou  César,  de  Marseille  A. 

Paul  Jaumont  *. 
1733.  François  Rigaud,  de  la  Verdière,  1734. 
1735    André  Rey,  de  Puymoisson,  apprendra  le  latin  à  tous. 

1736.  Jacques  Thomas,  même  obligation. 

1737.  Joseph -Ambroise  Audibert,  de  Trets. 
1751 .  Joseph  Fouque. 

1775.  Louis  Desgleises. 

1776.  Cavalier,  de  Barjols. 

1779.  Grisolle  *,  mort  en  avril  1780. 

1780.  Segond,  de  Riez. 

VIII.  —  Pilles. 

Il  est  rarement  question  d'une  école  spéciale  de  filles;  il 
faut  donc  croire  que  Técole  était  mixte.  C'est  ce  que  nous  re- 
marquons, d'ailleurs-,  dans  presque  tous  les  villages,  où  l'école 
de  filles  ne  fait  son  apparition  certaine  que  vers  la  fin  du 
xvir  siècle  ou  le  commencement  du  xv]ii''\ 

La  première  fois  que  nous  en  trouvons  mention  à  la  Ver- 
dière est  en  ]()S4,  où,  sur  l'ordre  de  M'"  d'Oppède  et  des  prieurs, 
les  consuls  demandent  une  école  de  filles,  avec  une  charge  de 
blé  pour  traitement,  mais  le  (.onseil  rejette  la  proposition  *. 

Le  projet  est  repris  en  1707,  a  la  suite  d'une  mission  donnée 


'  V.  plus  haut  la  luUc  entre  le  Conseil  et  TArchevêque  d'Aix. 
■  «  Il  écrit  aux  consuls  pour  fere  voir  son  caractère.  ».  Parle-i-il  de  sa 
calligraphie  ou  bien  supposet-il  les  consuls  savants  en  graphologie  ? 
'  A  Méounes,  on  en  trouve  la  première  mention  en  it")73. 
*  .\rch.  com.  BH.  g. 


-  8i3  - 

par  les  Pères  de  la  Doarine  Chrétienne  et  pour  se  conformer 
à  la  sentence  de  visite  archiépiscopale  du  7  septembre  1698,  à 
charge  cependant  d'enseigner  gratuitement  les  pauvres.  Cette 
fois,  le  Conseil  adopte  la  proposition  et  on  nomme  Anne-Thé- 
rèse Daudet,  fille  du  régent,  aux  gages  de  3o  liv. 

L*école  des  filles  est  fondée  et  elle  durera  jusqu*à  la  Révolu- 
tion ;  on  peut  dire  qu'elle  était  nécessaire.  Le  village  qui 
comptait  alors  plus  de  2.000  âmes  *  pouvait  fournir  uri  contin- 
gent d*élèves  assez  fort,  les  familles  étant  fort  nombreuses, 
c'est  ce  qui  explique  l'insistance  de  TArchevèque  et  du  prieur, 
ainsi  que  celle  du  marquis  d'Oppède,  seigneur  du  pays. 

Le  Conseil  qui  ne  voyait  pas  volontiers,  sans  doute,  cette 
innovation,  et  aussi  peut-être  par  mesure  d'économie,  réduit 
les  gages  à  25  liv.  en  lySg  et  l'année  suivante  il  les  supprime 
complètement.  Aux  protestations  de  l'Archevêque,  il  répond 
4c  que  ce  n'est  pas  l'usage  ^,  sauf  depuis  un  an  ou  deux  et  que, 
d'ailleurs,  les  intentions  du  roi  et  de  l'Archevêque  ne  s'appli- 
quent qu'aux  étrangers  et  non  aux  gens  du  pays  (1"  novem- 
bre 1734).  Le  Conseil  cependant  obéit  aux  ordres  de  l'Arche- 
vêque et  rétablit  le  traitement,  puisque  la  même  institutrice  de 
1737  exerce  encore  en  i74i,aux  gages  de  36  liv.  avec  la  taxe 
des  enfants  en  plus. 

La  liste  des  institutrices  n'est  pas  longue  à  dresser,  la  même 
exerçant  le  plus  longtemps  possible.  On  doit  supposer  aussi 
que  la  régente  étant  souvent  la  femme  ou  la  fille  du  régent,  on 
ne  la  mentionnait  pas  particulièrement. 

Les  Arch.  Com.  ne  nous  signalent  que  trois  noms  : 
1707.  Anna-Thérèse  Daudet,  fille  du  régent. 
1733.  Françoise  Thomas,  elle  exerce  jusqu'en  1745,  année  de 

sa  mort. 
1745.   Euphrosine  Capus. 


*  D'après  Achard,  la  commune  dtait  affouagée  à  4  feux  1/2. 


—  8i6  - 

Fais  et  publie  aud.  Verdierc  en  la  mayson  de  moi  noi|airc]  en  pre* 
sance  de  Jehan  Baptisic  Brun,  m^'  chirurgien  ei  Honoré  Souche  du 
à.  Verdiere  requis  et  signe  qui  a  seu* 

Et  de  moi  Thomas  not-  '. 

APPENDICE 

Comme  suite  à  notre  étude  sur  l'école  de  la  Verdiere  ci  pour  la 
compléter  sur  certains  points,  nous  donnons  quelques  no&es  brèves 
sur  les  écoles  de  Barjols  au  xvi'  siècle  ". 

CheMicu  de  vigueric  et  siège  d'une  riche  collégiale.  Barfols  étail^ 
une  cité  importante  od  les  écoles  florissatent. 

Comme  partout,  le  régent  était  nommé  par  la  Communauté»  mail 
ce  droit  de  nomination  était  limité,  car  il  était  partagé  avec  le  prèvâ 
du  Chapitre»  à  qui  seul  incombait  la  charge  de  payer  tes  gagc^  du 
régent.  Les  deux  autorités  intervenaient  donc  dans  le  contrat. 

Les  élèves  étant  très  nombreux,  !c  Règeni  devait  toujours  avoir  un 
«  bachelier  »,  c'esi-â-dire  un  adjoint  pour  Taider.  Tous  les  contrats 
de  cette  époque  lui  en  font  une  obligation  (i566,  fSoo,  iSyo,  15;^), 
Pour  éviter  des  abus  probablement,  on  oblige  le  Hégenl^  à  exercer 
«  personnellement  »  et  non  par  un  «  tiers  »  (r538)  ;  il  devra  aussi 
«  enseigner  en  commun  et  non  tenir  «  cambrado  t  ou  classe  particu* 
liêre  chez  lui  (iSyo,  1579). 

Le  programme  était  le  môme  que  celui  des  autres  écoles  :  •  booo 
letre  et  mœurs,  fere    les  besoins  ordtnères  »  (ï575},  «  Tari  de  Ifti 
grammaire  et   autres  sciences  habituelles  à  Tecole,  fere  et  publie 
tous  les  jours  les  normes  à  Taccoutumée  »  (ihyg)^ 

Le  régent  devait  aussi  enseigner  le  latin.  «  exercer  en  composHj 
lion  1»  (i56ô),  «  fere  dire  les  heures,  comme  est  de  coutume  et  cbc 
raisonnable  »  (1S77).  La  conduite  des  enfants  à  Téglisc  les  )Oltn 
voulus  et  «  aux  processions  t^  en  portant  €  ses  matines  *  est  aussi  la 
règle  comme  partout  ailleurs. 


*  Minutes  de  Thomas»  not.  La  Verdiere  167a,  foL  596,  étude  de  M*  Deme. 
not.  Saint  Julicn^l.a-Verdière. 

•  Arch.  diîparL  Var.  Artnircs  civiles,  série  E.«  t.  L  i*  série  complémeo^ 

la  ire. 


—  8i5  - 

chaque  jour  ci  le  samcdy  le  catéchisme  les  mener  el  conduire  à 
Teglise  feies  ei  dinrjanchesà  la  grandmessc  et  vêpres  Meur  enseigner 
la  civilité,  teur  fere  obter  le  chapou  à  toutes  sortes  de  personnes 
Ihors  qui  y  passeront  audevant  et  empêcher  tani  que  sera  de  son  pou- 
voirque  les  d.enûnis  ne  ce  baiicni  parmy  eux.  Bref  de  frre  ei  user  en 
tout  comme  bon  père  de  famille  et  fere  une  actuelle  residaace  à  la  d. 
escolle  '  et  enseigner  les  enfants  chascung  suivant  leurs  capacités 
tant  riches  que  pauvres  indiferement  sans  aulcung  supori  ni  coni- 
▼ance  tant  grands  que  petits.  Pour  les  peyoes  et  travaux  du  d, 
M*  Bernard  le  d.  temps  durant  les  d.  conseuls  au  nom  de  la  d.  corn** 
ont  promis  de  luy  donner  pour  ses  gages  ta  somme  de  soixante  escus 
qui  luy  seront  payes  par  cartons  de  troys  en  troys  moys  et  ouUre  et 
par  dessus  les  d.  soixante  livres  les  d.  conseuls  promettent  luy  fere 
avoir  sur  les  enfants  qui  luy  seront  mandes  leur  nourriture  pour 
toute  Tannée  suivant  la  taxe  et  regallement  qui  sera  fait  par  tes  d. 
conseuls  sur  le  rolle  qui  sera  donne  du  nombre  des  enfants  que  le 
d.  M*  Bernard  aura  sous  luy  chascun  d*iceux  à  proportion  de  travail 
et  âge.  Ëc  sera  permis  à  nul  autre  d'enseigner  des  enfants  publique- 
(meoij  dans  led.  lieu.  Ayns  ne  pourront  les  pères  ni  mercs  diceux 
mander  ses  enfants  qua  Icscollc  du  d.  M«  Bernard  soubs  peynes  den 
paier  lataxe  et  nouriturediceluy  conforme[ment|aux  aultres  enfants, 
déclarant  le  d.  M*  Bernard  avoit  la  clef  de  lescolle  qu*esi  la  maison 
de  ville  promet  la  randre  à  la  fin  de  l'année  el  fera  conserver  les 
tables  et  bancs  de  la  d.  escolle  et  empêcher  que  les  d.  enfants  ne  les 
rompent  ne  pourra  donner  la  clef  de  la  d,  maison  de  ville  à  aulcunes 
personnes  que  Ihors  quon  y  vouldra  assambler  le  Conseil  luy  est 
deffandu  très  expressément  de  la  bayller  à  la  jeunesse  pour  y  aller 
dasser  à  cause  que  rompraient  lous  les  bancs  et  tables  oultre  que 
cela  n'est  pas  séant  et  que  la  d  escolle  nest  point  destinés  pour  des 
danses,  ce  que  le  d,  Bernard  a  promis  d'observer  ayns  promet  lesser 
tes  tables,  bancs»  portes,  fenêtres  ei  serrures  en  letai  qucst  de  pre- 
sant. 

Et  pour  observer  ce  que  dessus  tes  d.  consuls  ont  oblige  les  biens 
et  rantcs  de  la  d.  com*"  et  de  s,  Bernard  ses  biens  presants  el  adve- 
nir. 


*  Les  enfants  seront  conduits  à  la  messe  tOQsles  jours  {«756-1737). 
'  Le  Régent  «  résidera  à  la  maison  de  ville  qui  sert  d'école  •  (ié33). 


( 


—  8i9  — 


XLII 


LA  TAXE  DU  PAIN  A  MARSEILLE 


h  la  ffio  du   Xlir  siècle 

par  M.  Ad.  GRÉMIEUX,  Professeur  au  Lycée  de  Marseille, 

Chargé  (fun  cours  d'histoire  de  ta  Révolution  française  à  la  Faculté 
des  Lettres  d'Aix. 


Le  document  que  je  me  propose  d'analyser  devant  vous  est 
une  délibération  prise  par  le  Conseil  général  de  la  ville  de  Mar- 
seille, le  3  avril  1270.  Il  est  contenu  dans  un  registre  conservé 
aux  archives  communales  de  Marseille  et  intitulé  Liyre  des 
Statuts,  C'est  un  volumineux  in-folio  de  parchemin,  à  la  reliure 
fatiguée,  aux  feuillets  annotés  de  renvois  et  de  gloses,  dont  les 
marges  sont  parfois  ornées  de  dessins  à  Tencre,  de  forme  un 
peu  primitive  et  destinés  probablement  à  servir  de  commen- 
taire illustré  au  texte  écrit  à  côté.  La  description  sommaire  que 
je  vous  fais  de  ce  registre  vous  le  montre  différent  d'un  autre 
plus  fameux,  que  connaissent  bien  tous  les  érudits  marseillais 
et  que  nous  avons  tous  revu  avec  satisfaction  à  l'exposition 
d'art  provençal.  Le  Livre  des  Statuts  a  pourtant  la  même  des- 
tination que  le  Livre  Rouge,  s'il  n'en  a  pas  le  cachet  artisti- 
que. A  mon  sens  même,  il  est  plus  précieux,  puisque  le  Livre 
Rouge  ne  renferme  qu'une  partie  des  statuts  de  Marseille,  tan- 
dis que  celui-là  ajoute  aux  cinq  premiers  livres  un  sixième 
livre,  encore  inédit,  qui  nous  met  à  même  de  connaître  les 
additions  faites  à  la  législation  fondamentale  de  la  Républi- 


que  marseillaise  ci  de  constater  ainsi  au  juur  le  jour  le  déve- 
loppement incessant  de  la  vie  publique  et  de  la  vie  privée  de 
cette  déjà  grande  et  importante  cité. 

Mais  ce  sont  là  des  considérations  générales  qui  trouveront 
bientôt  leur  place  ailleurs  et  sur  lesquelles  je  m'en  voudrais  de 
retenir  ici  plus  longtemps  votre  attention  sollicitée  par  une 
toule  d  autres  questions  également  intéressantes. 

Le  document,  qui  va  nous  occuper  et  dont  rimportancc 
économique  ne  vous  échappe  pas*  est  donc,  à  proprement 
parler,  un  de  ces  nouveaux  statuts  que  le  notaire  de  la  Com- 
munauté inscrivait  au  jour  le  jour  à  la  suite  de  ceux  qui  cons- 
tituaient les  cinq  premiers  livres. 

Ce  statut  —  le  65*  du  VI*  livre  —  est  intitulé  De  Re^imine 
Panis  et  Pastc.  Il  se  divise  en  plusieurs  parties  de  dimensions 
inégales. 

La  première  partie,  de  beaucoup  la  plus  longue,  est  en  lalin  : 
c'est  une  sorte  de  procès-verbal  dressé  par  des  hommes  compé- 
tents enregistrant  les  variations  du  poids  du  pain  et  de  ta  pâte, 
suivant  les  variations  du  prix  des  grains. 

La  seconde  partie  est  placée  sous  la  rubrique  Preconisatio  . 
après  un  préambule  en  latin,  elle  consiste  en  une  criée  en 
langue  provençale,  homologuant  le  procès-verbal  ci-<le$sus. 

Le  tout  est  complété  par  une  troisième  partie  en  latin,  placée 
sous  la  rubrique  De  eodem  et  sans  numérotation  spéciale,  ce 
qui  indique  que  ce  n*esi  qu'un  complément  des  deux  docu- 
ments précédents.  C'est  une  ordonnance  prise  en  t273.au  nom 
du  roi  de  Sicile,  par  le  viguicrde  Marseille,  qui  prescrit  les  con- 
ditions dans  lesquelles  doit  se  faire  la  vente  du  pain  et  les  châ- 
timents infligés  à  ceux  qui  contreviendront  à  ces  dirlérenu 
prescriptions. 

Nous  sommes  donc  en  présence  de  lensembie  des  mesures 
législatives  qui  ont  régi  à  Marseille,  pendant  la  période  sîci- 


—   821    — 

tienne  et  peut-être  au-delà,  le  commerce  de  la  boulangerie.  Il 
vaut  donc  la  peine  de  soumettre  ces  documents  à  une  étude 
détaillée. 

I 

La  première  partie  en  est  la  partie  essentielle.  Ses  auteurs 
Vont  subdivisée  en  deux  morceaux,  placés  sous  les  rubriques 
suivantes  :  i*  De  Regitnine  partis  et  paste,  rubrique  à  la  fois 
générale,  s'appliquant  à  l'ensemble  du  document,  et  particu- 
lière, se  rapportant  aux  matières  contenues  dans  la  première 
partie,  c'est-à-dire  au  régime  du  pain  proprement  dit;  2*  Ratio 
Poste,  s'appliquant  au  régime  de  la  pâte  non  cuite. 

Notre  statut  se  distingue  de  bon  nombre  d'autres,  inscrits 
dans  le  VI'  livre,  en  ce  que  la  délibération  n'est  précédée  d'au- 
cun préambule  renfermant  les  divers  considérants  qui  ont 
attiré  Inattention  du  viguier  et  du  conseil  et  qui  ont  dicté  leur 
délibération.  Il  débute  avec  la  sécheresse  d'un  procès-verbal, 
mentionnant  la  date  :  «  Anno  ab  incarnatione  domini  nostri 
Jésus Christi M^COLXX*,  lïr  mensis  aprilis  ^{Van  de  l'incar- 
nation de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  1270,  le  3*  jour  du  mois 
d'avril)  et  la  présence  du  vice-viguier  «  existente  domino  Gre- 
gorio,  vice  domino  vicario  Massilie^pro  illustrissimo  et  invic- 
tissimo  domino  nostro  Karolo,  regeCeciiie^,  rappelant  la  for- 
mation d'une  commission  «  super  examine  ponderis  panis 
vendendi  »,  composée  dudit  viguier  et  des  six  prud'hommes, 
Pierre  Guillaume,  Pierre  Voidier,  Adam  le  Boulanger,  Giraud 
de  Bochet,  Raymond  de  Lodève  et  Jean  l'IUumineur.  C'est  le 
résultat  des  opérations  de  cette  commission  qui  est  consigné  à 
la  suite  et  qui  forme  la  partie  essentielle  de  notre  document. 

Les  six  prud'hommes  ont  commencé  par  se  rendre  un 
compte  exact  de  la  quantité  de  pains  cuits  que  pouvait  donner 
une  quantité  déterminée  de  grains,  soit  une  cmine  de  grains. 


-    822    — 

Achetant  donc  du  froment,  ils  Font  d'abord  fait  rcduirc  en 
farine,  dont  ils  ont  fait  faire  du  pain  de  trois  qualités,  pain 
blanc,  pain  mëjan  ei  pain  complet  (panis  albus,  panis  média- 
nus^  panis  cum  loto);  au  cours  de  ces  différentes  opérations. 
ils  ont  soit;neusemcnt  évalué  les  pertes  ou  déchets  qui  en  sont 
le  résultai.  Ils  ont  aussi  évalué  la  somme  qui  devait  être  attri- 
buée au  boulanger  pour  son  bénéfice.  La  conséquence  de  ces 
deux  observations  a  été  que,  quel  que  soit  d'ailleurs  le  prix  des 
grains,  il  faut  ajouter  à  celui-ci»  pour  fixer  le  prix  du  pain  et  pour 
chaque  éminc  de  crains,  une  somme  de  ti  deniers  représen- 
tant 5  deniers  pour  les  déchets  et  5  deniers  pour  le  bénéfice  du 
boulanger,  celte  somme  resuint  d  ailleurs  la  même  pour  les 
trois  qualités  de  pain. 

Cette  première  opération  faite,  les  six  commissaires  ont  aussi 
arrêté  qu'il  ne  faudrait  tenir  compte  pour  l'évaluation  du  poids 
du  pain  d  autres  fractions  d  onces  que  du  quart,  de  U  demie 
et  des  trois  quarts,  comme  aussi  qu*on  ne  tiendrait  compte  dans 
les  variations  du  prix  de  Téminc  de  blé,  entre  deux  et  cinq  sous 
de  royaux,  que  des  variations  de  trois  en  trois  deniers  au-delà  du 
sou*  ceci  peut-être  bien  plus  pour  la  commodité  de  leur  calcul 
que  pour  l'avaniage  du  consommateur. 

Vm  possession  de  ces  différents  éléments  d  appréciation,  les 
six  prud'hommes  ont  pu  arrêter  le  tableau  du  prix  du  pain, 
suivant  les  variations  successives  du  prix  des  grains,  en  partant 
du  prix  le  plus  élevé.  Ainsi,  leur  décision  a  pu  être  prise  une 
fois  pour  toutes  et  s'appliquer  à  plusieurs  années  successîvesî, 
contrairement  a  ce  qui  se  passe  de  nos  jours  où  la  taxe  du  pain 
est  fixée  pour  une  courte  période  de  quinze  jours  seulement. 

Pour  établir  ce  barème,  nos  commissaires  ne  se  sont  pas  fiés 
à  leurs  seules  lumières.  Us  ont  fait  appel  à  la  compétence  bre- 
vetée d'un  maître  calculateur,  maître  Jean  de  Mora  «  magtster 
et  dQ<tor  numeri  albaci  )>,  Sur  leur  ordre,  celui-ci  *  corn  pu* 
tiiPiiet  tam  suptascriptum  quam  inf raser iptum  computum  ad 


—  823  - 

instantiam  predictorum  fecit  et  composuit  et  ad  œternam  me- 
moriam  in  scriptis  redegit^  (a  compté  et,  sur  la  prière  des  sus- 
dits, a  fait  et  dressé  les  comptes  ci-dessus  et  ci-dessous  et  les  a 
mis  par  écrit  pour  être  éternellement  conservés). 

Le  tableau  dressé  par  M*  Jean  de  Mora  comprend  trente-six 
paragraphes,  groupés  trois  par  trois  et  portant  alternativement 
les  rubriques  suivantes,  avec  de  légères  et  insignifiantes  va- 
riantes dans  leur  forme,  «  Depanealbo;  de  pane  mediano; 
de  pane  cum  toto,  cum  toto,  cum  toto  de  pane  ». 

Chacune  de  ces  rubriques  fixe  le  prix  du  pain,  suivant  les 
variations  du  prix  du  grain,  ce  dernier  prix  étant  successive- 
ment pour  rémine  de  5  sous  ;  4  sous  9  deniers  ;  4  s.  6d.  ;4S.  3  d.  ; 
4  s.  ;3s.  gd.;  3  s.  6d.;3s.  3  d.;  3  s.  ;2S.  gd.;  2s.  6d.;  2S.  3d.  ; 
2  s.  ;  21  d.  (dans  ce  dernier  cas,  on  ne  fixe  que  le  prix  du  pain 
complet,  de  même  que  lorsque  Témine  de  blé  vaut  5  sous,  on 
ne  fixe  que  le  prix  du  pain  blanc  et  du  pain  méjan). 

Pour  arrêter  dans  ces  différents  cas  la  valeur  du  pain,  les 
prud'hommes  n'en  fixent  pas,  à  proprement  parler,  le  prix,  mais 
ils  en  déterminent  le  poids.  Aujourd'hui,  c'est  le  prix  du  pain 
qui  varie  proportionnellement  au  prix  du  blé,  le  poids  restant 
le  même  :  ainsi,  un  kilogramme  de  pain  vaut  o  fr.  35,  o  fr.  37, 
o  fr.  40  centimes.  Autrefois,  à  Marseille  du  moins,  il  n'en  était 
pas  ainsi.  Le  prix^u  pain  ne  changeait  jamais  et  c'était,  au 
contraire,  le  poids  qui  variait  suivant  le  prix  du  grain.  Ainsi, 
on  faisait  trois  sortes  de  pains,  le  pain  d'un  denier  (denariata 
panis),  le  pain  de  deux  deniers  (dupplerius)  et  le  pain  de  quatre 
deniers  (quartenarius).  Donc,  pour  une  même  somme  d'argent, 
l'acquéreur  n'avait  pas  toujours  une  même  quantité  de  pain. 
Cette  différence  a  peut-être  pour  cause  l'inexpérience  du  public 
de  cette  époque  en  matière  de  poids  et,  au  contraire,  la  signifi- 
cation précise  que  devait  avoir  à  ses  yeux  l'expression  de  pain 
d'un,  de  deux  ou  de  quatre  deniers.  L'institution  de  prud'hom- 
mes peseurs  du  pain,  dont  l'existence  est  mentionnée  par  notre 


—  824   - 

troisième  documcni  (rordonoancc  du  viguier  de  Marseille  de 
1273),  nous  paraît  confirmer  cette  hypothèse. 

Quoiqu'il  ca  soit,  les  boulanf;ers  avaient  dans  le  tableau  de 
M*  Jean  de  Mora.  des  indications  sutTîsammcnt  précises  pour 
que  ni  leurs  intérêts  ni  ceux  des  consommateurs  ne  soient  lèses» 
par  les  incertitudes  ou  les  erreurs  de  calcul  qu  auraient  pu  en- 
traîner les  changements  peut-être  fréquents  du  prix  du  pain. 
Ils  savaient,  au  contraire»  fort  bien  à  quoi  s'en  tenir  et  ils  ne 
pouvaient  pas,  par  la  suite»  alléguer  pour  excuse  rignoranoc. 

Le  poids  du  pain  blanc  que  le  boulan^^er  devait  lournir  à  sa 
clientèle  pour  un  denier  {denariaia  panis  albi),  ou  pour  deux 
et  quatre  deniers,  variait  donc  ainsi*  suivant  que  rémine  de 
grains  valait  Tundes  prix  précédemment  indiqués  entre  5  sous 
et  2  sous. 


i>K  L'avise  1 

POIDS  UV  PAIX  ϻE 

POmS  ou  PAIN   DE 

I  denier 

2  de  ai  ers 

4  deniers 

1  denier 

a  tienters 

4  denien 

5  sous 

-1  i.  f4  d, 
4  S.  h  à. 
4 sous  3  d. 
4  sous 
3  5.  g  d. 
3  s.  il  d. 

i3*"'"  14 
«4 

14'     1     2 

i'   '" 

ifi 

.^2-34 

1'    2" 

26*'*"  1  /^ 

a'  !• 
2'-' 

2*5*    1    1 

3,  ^^... 

3  v'  H' 
3*i3' 
4' 

4  4' 
4'8- 
4'  1  v^ 

i  3  «.  3  d. 
3  sous 
2  s.  g  V* 
a  s,  b  V* 

2  s,  3  d, 

3  &oas 
1 

i'3' 

1'  5» 

r  6'  1  4 

1*  9"  34 

a'  r  ï  > 

2'  to* 

ï'    12*    1/2 

3"  i  V 
3'  4*  ^/a 

S,  10 
6',  «  %* 

7'^ 

De  même,  nous  pouvons  dresser  les  deujt  tableaux  suivants 
pour  le  pain  méjan  cl  pour  le  pain  complet. 

t.  PAIN  MÊJAN. 


PHIJt 

POtDS  n\]  PAIN  DE 

PRIX           1 

POIDS    DU  PAIN   DE 

ÛF.  1 'àMl.'tE 

j  denier 

1  deoicrE 

3  denieri 

DE  L'ÉMIKS  ! 

1  denier 

2  deoîert 

s  deniers 

5  SOUS 

1'               1 

2' 

4* 

3  5.  3  d.  ' 

1'  6*  1/2 

2'    l3' 

5"  I  1  '     i 

4  S.  i*  d 

é6-" 

33 

4*4* 

3  sous 

V  8* 

3'     !• 

6  1' 

4s.  6  d. 

1'  I-  3/4 

2»    i*    1/2 

Vr 

2  $.  a  d. 
2  s.  6  d. 

1'  g*   i/J 

3'4- 

6't» 

4  s.  3  d 

r  2»  1  2 

2'  5- 

4'  10- 

1'  11*  r/4 

V   r  '/« 

7* 

4  sous 

1'  3'  1/4I 

2'    6-13 

iir  ' 

1  s.  3  d. 

1'  i3-  l'i 

y  12- 

7'H- 

3  s    t>d 

1'  4»  1/4 
■'   5'  J/4 

2'   «*    j/i 

a  »ous 

2'  r 

4*  !• 

»'4' 

3  s.  h  d. 

»'     iO^    1     2 

y6" 

—  825  -. 
3.  PAIN  COMPLET 


PKIX 
DE  L'iMINE 

POIDS   DU   PAIN    DE 

PRIX 

del'émine 

POIDS    DU   PAIN    DE 

I  denier 

3  deniers 

3  deniers 

I  denier 

3  deniers 

3  deniers 

5   SOUS 

3  s.  3  d. 

l'iO* 

3;5- 

6'  lo* 

4  S.  0  d. 

I'   3*    1/2 

2'  r  1/4 

4'i4* 

y2* 

3  soas 

1'  II»  1/2 

3*8- 

7'  '• 

4  s.  6  d. 

IQ«    1/4 

/5» 

2»    9-    1/2 

2  s.  9  d. 
2  s.  0  d. 

1'  i3«  1/2 

3'    12- 

g:r- 

4  s.  3  d. 

2'    lO» 

5'  5» 

2'  1/2 

4'  !• 

4  soas 

r  ey 

a'  12» 

5'9^ 

2  s.  3  d. 

2'3^ 

4' 6- 

8'   12- 

3  S.9  d. 
3  s.  6  d. 

I' 6^3/4 

2'  |3»  1/2 

5'   12- 

2    SOOS 

2'  5*  3/4 

4'  II'  1/2 
5*3- 

9'8- 

I'  8«  i/? 

3'2- 

6'4- 

21  deniers.  2'  9* 

10'  6» 

Certains  Marseillais  ou,  plus  exactement  peut-être,  certaines 
ménagères  marseillaises,  aimaient  mieux  faire  cuire  elles- 
mêmes  leur  pain,  soit  parce  quMls  pouvaient  en  diriger  la  cuis- 
son à  leur  goût,  soit  parce  qu'ils  y  trouvaient  leur  avantage. 
Dans  ce  cas,  ils  pouvaient  se  procurer  de  la  pâte  toute  prête 
chez  le  boulanger.  Notre  document  contient,  en  effet,  sous  la 
rubrique  /îa/ioPas/e,  les  différents  prix  auxquels  sera  payée  la 
pâte  suivant  les  différents  prix  du  blé. 

Les  prudhommes  et  M*  Jean  de  Mora  ont  d'ailleurs  procédé 
pour  la  pâte  comme  pour  le  pain.  Après  avoir  estimé  le  rende- 
ment en  pâte  d'une  émine  de  blé,  ils  ont  également  fixé  à  1 1 
deniers  par  émine  la  part  de  déchets  et  le  bénéfice  du  boulan- 
ger et  ils  ont  dressé  le  tableau  du  poids  de  pâte  que  le  con- 
sommateur obtenait  pour  un  denier,  deux  deniers  et  quatre 
deniers,  suivant  que  l'émine  valait  de  5  sous  à  2  sous  pour  le 
pain  blanc  et  le  pain  méjan,  et  de  4  sous  9  deniers  à  21  deniers 
pour  le  pain  complet. 

Notre  texte  nous  fournit  donc  les  trois  tableaux  suivants, 
séparés  sous  les  rubriques  :  «  1  Ratio  Paste.  —  De  pasta  alba. 
—  2.  Hec  est  ratio  de  pasta  mediana.  —  3.  Hec  est  ratio  de  fa- 
ciendum  panem  cum  toto.  » 

Dressons  à  notre  tour  les  trois  tableaux  ci-dessous,  que  nous 
pourrons  comparer  avec  ceux  relatifs  au  prix  du  pain  établis 
précédemment: 


—  826  - 

I.  PATE  DE  PAIN  BLANC 


fUlX 

POIDS  DU  LA  PATE  DK 

fiU   GRAIN 

POIDS 

DE  LA  PATL  DE 

1  dctiicr 

3  deniers 

3  deniers  I 

ï  dceicf 

3  deniers 

î  dcnifti 

3  sous 

.5  —  1/2 

i3— 

4' 6* 

3  S.  3  d. 

25    1/2 

î?"5. 

ô  «• 

4  s.  0  d. 

i?*"  1/4 

B-i/2 

4"  9* 

3  sous 

t'  »o« 

t»'  ÉO 

4  S.  6  d. 

iH" 

36"  ./a 

4'  <>" 
5.  ,. 

1  s,  Q  d. 

2  s,  e  d. 

.'  .3- 1/4 

i'  8»    ,/a 

7*  a- 

45.  3  d. 

i'  4" 

2'H- 

3'ir  i/a 

t'; 

4  sous 

ao* 

40* 

5'  5- 

a  s.  3  d. 

a'  1' 

4' a» 

l  5    9  d- 

2J 

41' 

5'9- 

2  sous 

2'   ?"   »/4 

1'  7"    »/a 

9' 

3  s.  r»  d. 

.2  1/4 

44^*  '/3 

5'ir 

2.  PATE  DE  PAIN  MÊJAN 


wnix 

DU  G«UIH 

POIDS  DK  LA  PATE    Dfcl 

rurx 

l>U  tiflAIW 

POIDS  DE  LA  PATE  DE 

1  denier 

I  denier» 

3  deniers 

I  dénier 

a  deniers 

î  dtoiers 

5  sous 

17"  *'  i/i 

35* 

4*  lo- 

3  S.  3  d. 

a3- 

3,  V 

6'  10' 

4  s.  0  d. 
4  s.  6  d. 

18'  i/a* 

3r 

4'  "4' 

i  sous 

a6*i/t 

>*8* 

f  1- 

190 

38-  12 

5'   2" 

'À  s,  Q  d 

a»"  i/i 

57 

/  «•   ./a 

7'9- 

4  s.  3  d 

ÎO" 

40- 

y  S-' 

a  s.  6  d. 

3o*3/4 

S'  y 

4   &OUS 

ai* 

42* 

5'9- 

2  s-  3  d. 

/  3» 

4'6- 

S'ia- 

3  s,  g  d. 

22"   1/4 

44-  .2 

5,M- 

a  sous 

2'  5-  3/4 

4'  II»  i/j 

Ç»*Q' 

i  s,  è  d. 

23'  r/3 

47" 

0,4- 

3.  -  PATE  DE  PAIN  COMPLET 


PRIX 
DV   ORAIN 

POIDS  DE  LA  PATE  DE 

DU  OaAlK 

POIDS  DE  LA  PATE  Dï 

1  denier 

3  Jcnier» 

3  deniers 

1  denier 

a  deoïers 

3  deoîcrt 

4  S.  cj  d. 
4  s.  b  d. 

22"  1/2 

4V 

6' 

2  sous 

a'  a»  12 

4'  5- 

8'  ro* 

33-  1/2 

3?  4"   1/2 

6' 4-        ' 

a  .%.  9  d. 
a  s.  6  d. 

a-  4-  3/4 

4'  9'   >/a 
5'  i/a-    , 

9*4' 

4  s.  3  d. 

.'  9*  3/4 

6'  Q* 

a'  7-   14 

to'  1* 

4  sous 

^y  3/4 

3' 6* 

6'  i3* 

a  s.  3  d. 

a'  lo-  1/4 

5-  b  i/a 

10'  li* 

3  s.  9  d. 

a;-  1/4 

3'  y  1/2 

7' 4" 

3  sous 

a  i3v»3/4 

5'  !*•  ï/a 
rV  5-  ija 

11*  10* 

3  s.  6d. 

ao- 

3'  13- 

g:;i" 

21   deniers 

3'  »•  3/4 

!*•   ICT 

?  s,  3  d. 

a'^o-  1/34'  i* 

Si  nous  comparons  ces  trois  tableaux  avec  les  trois  tableaux 
précédeats,  nous  constatons  d'abord*  en  ce  qui  concerne  le  pain 
blanc,  que  la  quantité  de  pâte  obtenue  pour  1  denier  est  supé- 
rieure à  la  quantité  de  pain-  obtenue  pour  la  même  somme. 
Ccst  la  conséquence  naturelle  de  l  évapora tion  produite  pcn* 
dam  la  cuisson  dune  partie  de  Teau  mêlée  à  la  farine  pour  la  fa- 


—  827  — 

brication  du  pain.  Les  auteurs  du  barème  de  1270  ont  tenu 
compte  de  ce  fait,  puisqu'ils  donnent  pour  un  denier  3  onces 
1/4  de  pâte  de  plus  que  de  pain  quand  Témine  de  grain  vaut 
5  sous.  Mais  la  différence  entre  le  poids  de  pâte  et  le  poids  de 
pain  blanc  donné  pour  un  denier  va  en  augmentant  à  mesure 
que  le  prix  de  Témine  de  grain  diminue.  Ainsi,  quand  il  tombe 
à  deux  sous,  tandis  que  le  pain  d'un  denier  pèse  i  livre  12  on- 
ces, I  denier  de  pâte  pèse  2  livres  3  onces  1/4,  ce  qui,  réduit  en 
onces  (ici  la  livre  est  de  i5  onces),  donne  respectivement  27 on- 
ces de  pain  contre  33  onces  ef  quart  de  pâte,  soit  6  onces  1/4  de 
pâte  de  plus  que  de  pain. 

La  différence  relevée  entre  la  taxe  du  pain  méjan  et  de  la 
farine  de  pain  méjan  est  un  peu  moins  forte.  Dans  le  premier 
cas  —  celui  où  le  grain  vaut  5  sous  Témine  — ,  le  boulanger  ne 
donnera  pour  un  denier  que  2  onces  1/2  de  plus  de  pâte  que  de 
pain  ;  et  quand  le  prix  du  grain  sera  tombé  à  2  sous  Témine,  il 
donnera  4  onces  3/4 de  plus  de  pâte  que  de  pain. 

En  ce  qui  concerne  le  pain  complet,  au  contraire,  la  diffé- 
rence entre  le  poids  de  pain  et  le  poids  de  pâte  vendus  pour  un 
denier  est  plus  considérable.  En  effet,  dans  le  cas  d'extrême 
cherté  du  grain,  soit  4  sous  g  deniers,  elle  est  déjà  de  4  onces, 
et  elle  s'élève  à  8  onces  3/4,  quand  la  valeur  du  grain  tombe  à 
21  deniers. 

Il  y  a  donc  eu  une  augmentation  de  la  perte  du  poids  subie 
pendant  la  cuisson,  quelle  que  soit  la  qualité  du  pain,  et  cette 
augmentation  a  toujours  été  dans  un  même  rapport  pour  cha- 
cune de  ces  trois  qualités  de  pain  blanc,  méjan  ou  complet. 

Pouvons-nous  dire  maintenant  que  cette  différence  soit  due 
exclusivement  à  l'évaporation  de  l'eau  produite  pendant  la 
cuisson  ?  Dans  ce  cas,  les  boulangers  de  Marseille  du  xur  siè- 
cle auraient  eu  l'habitude  de  faire  cuire  davantage  leur  pain, 
quand  le  grain  était  bon  marché  que  lorsqu'il  était  cher,  et  les 


—  828  — 

auteurs  de  la  taxe  auraient  changé  en  loi  ce  qui   n^auran   eic 
tout  d'abord  qu'un  usage. 

Nous  savons  cependantaujourd'huiqu^un  pain  bienfait  doit 
contenir  de  28  à  3o  '/„  d'eau  au  soriir.du  four,  le  pourcentage 
variant  d  ailleurs  avec  la  température  dw  lieu*  et  quHI  a  perdu 
pendant  la  cuisson  i6»5o  7,.  de  liquide.  Ce  sont  là,  nous  a 
affirmé  le  spécialiste  auquel  nous  nous  sommes  adressé,  les 
principes  de  la]:>anîrïcation  contemporaine.  Ainsi  100  kilogram- 
mes de  farine  représentant  environ  166  hectolitres  de  blé  de 
bonne  qualité,  produisent  de  120  a  1 35  kilogrammes  de  pain. 

Il  nous  serait  diilîcile  de  trancher  à  peu  près  complètcraeni 
cette  question  de  la  fabrication  du  pain,  posée  devant  nous  par 
les  différences  de  poids  que  nous  avons  relevées  entre  le  pain 
cl  la  pâte  vendus  pour  i,  2  et  4  deniers»  si  noire  document  ne 
nous  permettait  de  calculer  et  d'établir  nos  prévisions  sur  dc^ 
quantités  plus  considérables  que  celles  qui  nous  ont  été  four- 
nies par  les  tableaux  précédemment  analysés.  En  effet,  avant  de 
procéder  à  la  taxation  proprement  dite  du  pain  et  de  la  pâte, 
les  six  prudhommesct  le  maître  calculateur»  Jean  de  Mora,ont 
fait  deux  opérations  préalables  qu'ils  ont  répétées  pour  chacune 
des  trois  qualités  de  pain  et  de  pâte  livrés  au  commerce  p^r  les 
boulangers  de  Marseille.  Ils  ont  cherche  quelle  quantité  de 
pain  et  de  pâte  pouvait  produire  une  émine  de  blé,  Lexpc- 
rience  ainsi  faite  leur  a  fourni  les  résultats  suivants  : 

Une  émine  de  grains  à  cinq  sous  produit  62  livres  1 1  onces 
de  pain  blanc  bien  cuit  (Etjecerunt  primo  fieri  panem  albui 
et  pondcraverunt panes  unius  eminc  bette  cocium  LXll Hbras' 
et  XI  itncias),  et  72  livres  de  pain  méjan  (Ex  hac  emina  an- 
none  /ecerunt  fieri  panem  medianum  et  panes  de  dicta  emina 
bene cocti ponderaperuni  LXXI/  libras., ,)  De  même»  uncémîne 
de  grains  à  4  sous  9  deniers  produit  83  livres  5  onces  1/2  de 
pain  complet  (Emerunt...  aliam  cminam  Jrumenti  que  costi- 


—  »29  — 

lit  IIU'^^  solidos  et  iX  denanos...  et  indejeceruni  fieri  panem 
ad  totum  et  panes  qui  inde  exierujit  ponderapcrunt  LXXXIII 
iiàras  et  V  uncias  et  mediam...) 

Les  commissaires  agirent  de  mèmcpourla  tixaiîonduprixde 
la  pâte.  Ils  trouvèrent  qu  une  éminc  de  grains  à  5  sous  pro* 
dutsait  7X  livres  ei  8  onces  de  pâte  de  pain  blanc  (Ponderave- 
runt  pastam  unius  emine  ad  faciendum  panem  album  et  int*e* 
nerunt  quod  ponderabat  LXXVIII  libras  et  VIII  uncias)  ei 
83  livres  4  onces  1/2  de  pâte  de  pain  méjan  (ponderaint  pasla 
unius  emine  de  pane  mediano  in  fiumma  LXXXI  libras,  et 
propter  augmentum  eminarum  jungimus  II  libras  et  II II  un- 
cias et  dimidiam,  et  ita  pondus  in  summa  per  totum  LXXXIII 
libras  et  III  uncias  et  dimidiam).  Enfin  l'émine  de  grain  à 4  s. 
9  deniers  produit  98  livres  4  onces  t/2  de  pâte  de  pain  complet. 
(Quatuor  solidos  et  IX  denariosjuit  empta  emina  annone  ad 
faciendum  panem  eu  m  loto..*  et  ponderapit  pasla  unius  emine 
LXXXX  VI  libras  et  addiderunt  II  libras  et  II II  uncias  ei 
dimidiam  pro  creissemento  vel  augmento  emina  bladi  .J) 

Ainsi,  ces  différents  chiffres,  62  livres  1 1  onces  de  pain  blanc 
et  78'.  8  onces  de  pâte,  72  livres  et  83',  4  onces  1/2  de  pain  mé- 
jan et  de  pâte,  83^  5  onces  j/a  et  98^  4  onces  de  pain  complet 
et  de  pâte,  nous  donnent  respectivement  une  perte  produite  par 
l'évaporation  de  25,j85  "/»  pour  le  pain  blanc,  de  15,648  V, 
pour  le  pain  méjan,  de  17,92  7-  pour  le  pain  complet. 

Si  les  chiffres  ne  sont  pas  absolument  identiques  à  ceux  qui 
nous  ont  été  fournis  par  tes  praticiens  contemporains,  cela 
provient  de  ce  que  les  procédés  de  fabrication  de  la  farine  et 
|cs  procédés  de  fabrication  du  pain  se  sont  sans  doute  quelque 
peu  transformés  entre  le  xiii*^  et  le  xx'  siècle.  Il  n'y  avait  pas  au- 
trefois la  même  régularité  de  fabrication  que  nous  constatons 
aujourd'hui.  Le  pain  de  première  qualité^  contenant  moins, 
d*eau  que  les  deux  autres*  devait  être  plus  cuit  Au  contraire. 


-  83o  — 

le  pain  méjan  était  le  moins  cuii  des  trois,  puisque  la  paie  ne 
perdait  à  la  cuisson  que  15*648  7,.  C*éiaii  d^ailleurs  peut-être  la 
la  seule  différence  entre  le  pain  de  deu^iième  qualité  et  le 
pain  blanc,  puisqu'ils  paraissent  avoir  été  faits  avec  des  grains 
de  même  prix.  Quant  au  pain  complet,  plus  cuit  que  le  pain 
méjan  (17,92  7„  au  lieu  de  15,648  7.).  mais  moins  cuit  que  le 
pain  blanc,  il  se  distinguait  encore  des  deux  par  les  grains  dont 
il  provenait  et  qui  étaient,  leur  prix  le  prouve»  de  qualité  infé- 
rieure. 


III 


Nous  avons  encore  à  présenter,  à  propos  de  cet  imponant 
document,  un  certain  nombre  d'autres  observations  relatives 
au  prix  et  au  poidsdcs  grains  et  du  pain,  observations  qui  nous 
permettront  d'établir  une  nouvelle  comparaison  entre  le  xiu* 
siècle  et  notre  époque. 

Et  tout  d'abord,  Texamen  rapide  de  nos  six  tableaux  nous 
fait  constater  combien  le  cours  des  grains  pouvait  varier  à  cette 
époque,  puisque  les  auteurs  de  ces  tableaux  ont  dû  envisager 
des  prix  variant  entre  5  sous  et  2  sous  l'émine. 

Pour  nous  faire  une  idée  exacte  de  ces  variations,  cherchons 
à  déterminer  la  valeur  de  1  emine  et  la  valeur  du  sou,  en  poids 
et  en  monnaie  d'aujourd'hui.  Un  guide  de  premier  ordre  nous 
permettra  d'ailleurs  de  faire  un  rapide  calcul  :  c'est  louvragc 
du  regretté  Blancard,  Essai  sur  la  monnaies  de  Charles  /••. 

L  emine  était  à  Marseille  au  moyen  âge  la  mesure  de  cif 
cité  la  plus  usuelle.  Elle  parait  d'ailleurs  avoir  eu,  dans  cetie 
ville*  une  valcursupérieureà  celle  qu*elle  avait  en  d'autres  loca- 
lités de  Provence.  Blancard  (p.  349)  observe,  en  etfct,  que 
m  rémine  était  un  demi-seiier  i^,  et  comme  le  setier  contenait 
23^90  ou  38  à  40  litres  environ,  Témine  aurait  contenu  1 1^ 
ou  19  à  20  litres.  Mais  il  constate  aussi  ailleurs  (op.  cil,,  p.  43i) 


^  83i  - 

que  «  la  mesure  usitée  pour  le  blé,  à  Marseille,  en  1264,  était  la 
charge  ;  la  charge  se  divisait  en  émines,  à  savoir  :  en  sept  émi- 
nes  au  maximum  et  deux  au  minimum.  Après  le  xiii*  siècle,  le 
rapport  de  la  charge  à  Témine  fut  fixé  de  façon  sans  doute  à 
consacrer  Tusage  ;  mais,  peu  à  peu,  ce  rapport  perdit  une  par- 
tie de  sa  justesse  et,  à  la  fin  du  siècle  dernier  (xviii*  siècle),  la 
charge  marseillaise  contenait  154  litres  76  et  Témine  38  litres  : 
la  première  n'était  donc  plus  un  multiple  exact  de  la  seconde  ; 
cependant,  elle  Tétait  à  i/5o  près.  Ce  i/5o  perdu  par  Témine  à 
travers  les  siècles,  je  n'ai  pas  hésité  à  le  lui  restituer,  par  ce  fait, 
à  en  porter  la  contenance  au  quart  exaa  de  la  charge,  c'est-à- 
dire  à  3i  litres  69  ».  Nous  allons  examiner  si,  avec  les  données 
fournies  par  notre  document,  nous  pouvons  confirmer  ou  infir- 
mer cette  hypothèse. 

Nous  avons  déjà  indiqué  que  les  six  prud'hommes  achetant 
une  émine  de  blé  en  avaient  tiré  62  livres  1 1  onces  de  pain  blanc. 
Ce  poids  représente  environ  29  kilogrammes  946  grammes  de 
pain.  Blancard  établit,  en  effet*  que  la  petite  livre  marseillaise 
de  12  onces  équivalait  à  38i*'892.  Or,  les  tableaux  de  M*  Jean 
de  Mora  nous  le  montrent,  il  s'agit  ici,  non  de  la  livre  de 
12  onces,  mais  de  la  livre  de  i5  onces,  dont  le  poids,  en  tenant 
pour  exacts  les  calculs  de  Blancard,  doit  être  naturellement  de 
Ml  gT.n  X  «^^  c'est-à-dire  de  477»'365.  Ce  rendement  de  29^946  à 
l'émine  équivaut  à  un  rendement  de  77*399  de  pain  à  l'heao- 
litre.  Or,  il  est  établi,  aujourd'hui,  qu'un  hectolitre  de  blé  pro- 
duit 77*^477  de  pain  de  première  qualité.  Ainsi,  en  1270,  le 
rendement  était  sensiblement  le  même  qu'aujourd'hui,  du 
moins  en  ce  qui  concerne  le  pain  blanc,  puisque,  pour  ce  qui 
est  du  pain  méjan  et  du  pain  complet,  le  rendement  était  res- 
pectivement, d'après  les  barèmes  de  nos  six  prud'hommes  et 
de  M«  Jean  de  Mora,  de  34*^370  et  de  35^oo6  à  1  emine  de  38  li- 
tres. En  outre,  les  calculs  que  nous  venons  d'établir,  en  sui- 


-  832  - 

vatit  les  indications  fournies  par  noire  document,  confirmcm 
les  calculs  de  Blancard  sur  la  valeur  de  rémrne  de  Marseille. 

Ce  sont  encore  les  recherches  du  même  auteur  qui  nous  per- 
mettront de  fixer  la  valeur  de  la  monnaie  qui  était  en  usa^â 
Marseille  à  la  fin  du  \m"  siècle  et  d'établir  ainsi  le  prix  du 
pam  et  celui  du  blé,  trouvant  là  une  différence  profonde  eniç 
les  prix  du  xiii*  siècle  et  ceux  de  Tépoque  contemporaine. 

La  monnaie  en  usage  à  la  fin  du  xni'  siècle  était  le  roy^al 
coronal  ou  menu  marseillais.  On  la  décomposait  pour  U  com- 
modité des  comptes  en  denier,  sou  et  livre,  le  sou  renfermaoi 
12  deniers  et  la  livre  20  sous,  A  la  suite  de  modifications  sur- 
venues dans  le  courant  du  xiu*  siècle,  à  une  date  que  Blancar 
ÛKcùi  1253,  la  valeur  intrinsèque  du  denier  de  royaux  coronais 
se  maintînt  jusqu'en  i283  à  o  fr,  o663o. 

Les  boulangers  de  Marseille  vendaient  donc  des  pains  de 
i  denier  ou  o  fn  o663o,  de  2  deniers  ou  o  fr.  i326o  et  de  4  de- 
niers ou  o  fr.  26520,  Mais  ces  chiffres  ne  représentent  pas  U 
valeur  exacte  de  la  marchandise  vendue,  puisque  le  poids  du 
pain  vendu,  i,  2  et  4  deniers,  variait  avec  le  prix  des  blés»  Ainsi, 
pouro  fr.  o663o,  le  consommateur  recevait  tantôt  421*^5,  tan- 
tôt  SSg"'  de  pain  blanc,  tandis  que,  pour  la  même  somme,  U 
recevait»  en  pain  méjan,  477»'365  et  98r»*'573,  et,  en  pain  com- 
plet, 589*' et  1^241.  Si  nous  prenons,  comme  prix  moyen  de 
rémine  de  grains,  le  prix  de  3  sous  6  deniers,  nous  avons  res- 
pectivement les  trois  chiffres  suivants  représentant  le  poids  du 
pain  de  1  denier  ou  de  o  fr.  oô63o  pour  chacune  des  trois  qua- 
lités,  564*'88ïï  ;  644*^4420  ;  747«'8709*  c'est-à-dire  que. 
aucune  des  trois  qualités,  le  poids  n'atteint  un  kilogramme. 

Nous  aurions  cependant  une  idée  imparfaite  de  ces  prix  si 
nous  n*ajouiions  pas  ici  quelques  indications  sur  ta  valeur  rela- 
tive ou  pouvoir  d'achat  de  la  monnaie  en  usage  à  cette  époque. 
D'après  Blancard,  celle  valeur  serait  respectivement  deo  fr.  3<> 


—  833  — 

pour  le  denier,  4  fr.  yS  pour  le  sou  et  gS  fr.  19  pour  la  livre  de 
menus  marseillais,  c'est-à-dire  que,  pour  une  quantité  de  pain 
qui  n*atteint  jamais  un  kilogramme,  les  Marseillais  du  xnr  siè- 
cle étaient  obligés  de  débourser  une  somme  équivalente  à  celle 
qu'ils  déboursent  aujourd'hui  pour  se  procurer  un  kilogramme 
de  pain. 

Là  ne  s*arrête  pas,  d'ailleurs,  la  différence  que  nous  avons  à 
relever  entre  le  régime  de  la  boulangerie  au  xin*  siècle  et  le 
régime  contemporain.  Nous  avons  surtout  à  constater  les  gran- 
des variations  du  prix  du  blé  au  moyen  âge.  En  effets  si  nous 
nous  reportons  aux  tableaux  que  nous  avons  transcrits,  d'après 
Jean  de  Mora,  nous  constatons  que  les  commissaires  chargés 
d'arrêter  la  taxe  du  pain  ont  dû  envisager  treize  conditions, 
suivant  que  Témine  de  blé  valait  de  3  sous  à  2  sous  de  royaux 
coronats,  et  même  21  deniers  seulement  pour  les  blés  de  qua- 
lité inférieure,  c'est-à-dire  de  3  fr.  978  à  1  fr.  59120  et  i  fr.  39230, 
en  valeur  absolue  et  de  23  fr.  yS  à  9  fr.  5o  et  8  fr.  3 16  en  valeur 
relative,  pour  Témine  de  38*69,  soit  entre  10  fr.  28,  4  fr.  11  ou 
3  fr.  34  en  valeur  absolue  et  62  fr.  5o,  24  fr.  57  et  2 1  fr.  88  pour 
l'hectolitre  en  valeur  relative.  Or  le  blé  ne  vaut  aujourd'hui 
que  de  18  à  20  francs  l'hectolitre  et  l'effort  du  produaeuret  du 
consommateur,  aidés  parfois  par  les  gouvernements,  est  de  le 
maintenir  à  un  prix  uniforme. 

Ainsi,  ces  importantes  variations  de  prix  expliquent  combien 
il  éuit  juste  que  Tapprovisibnnement  de  leur  ville  en  grains 
préoccupât  les  administrateurs  marseillais.  Pendant  longtemps, 
cette  préoccupation  a  été  presque  exclusive.  Les  Statuts  de 
Marseille  sont  remplis  de  prescriptions  à  ce  sujet  et  les  déli- 
bérations du  Corps  de  ville  sur  cet  objet  se  renouvellent  inces- 
samment depuis  le  moyen-âge  jusqu'à  la  veille  de  la  Révolu- 
tion. 

Cependant,  à  Marseille,  port  de  commerce  où  il  était  relati- 

COlKmÈS  —   63 


-  834  - 

vemcnt  facile  de  se  procurer  des  blés  étrangers,  destinés  à  remé- 
dier à  l'insuffisance  de  la  récolte  locale,  très  faible  d'ailleurs, 
la  situation  ne  laissait  pas  que  d*étre  difficile, comme  en  témoi- 
gne le  document  que  nous  venons  d'analyser.  Que  dire  du  reste 
de  la  France  où,  aux  difficultés  locales,  résultant  des  imperfec- 
tions agricoles,  venaient  s'ajouter  des  difficultés  extérieures, 
provenant  des  péages,  des  droits  et  des  prohibitions  établis  sur 
les  grains  de  provenance  étrangère.  Ainsi  s'expliquent  les  di- 
settes dont  eurent  à  soufl'rir  maintes  fois  les  populations  du 
moyen  âge  et  dont  les  Marseillais  ne  pouvaient  être  préservés 
que  par  la  sollicitude  et  les  prescriptions  de  leurs  magistrats 
municipaux.  La  taxe  établie  en  1270  nous  montre;  mieux  que 
les  délibérations  d'ordre  général  précédemment  mises  au  jour, 
combien  étaient  légitimes  les  mesures  prises  par  le  Corps  de 
ville  pour  préserver  la  cité  de  la  disette  et  les  citoyens  miséra- 
bles des  spéculations  des  marchands  de  grains  et  des  boulan- 
gers. 


—  835  - 

XLIII 

HUILES  DE  TMSIE  ET  HUILES  DE  PROVENCE 

PAR 

M.  Ernest  LACOSTE,  Membre  de  l'Académie  d'Aix. 


Au  cours  d*un  récent  voyage  en  Algérie  et  en  Tunisie,  j'ai 
été  frappé  du  développement  considérable  que  prennent  dans 
notre  colonie  nord-africaine  certaines  cultures  qui,  il  y  a  peu 
d  années  encore,  étaient  particulières  au  Midi  de  la  France,  et 
plus  spécialement  à  la  Provence. 

Je  ne  parlerai  ni  des  céréales,  dont  la  culture,  déjà  prospère 
à  répoque  romaine,  faisait  de  la  Mauritanie  le  grenier  de 
Rome  ;  ni  de  la  vigne,  dont  l'extension,  chaque  année  plus 
considérable,  s'alliant  à  une  meilleure  application  des  métho- 
des scientifiques  de  vinification,  a  fait  des  vins  d'Algérie  de 
sérieux  concurrents  des  nôtres,  victimes  d'une  crise  déjà  an- 
cienne; je  ne  dirai  rien  du  figuier,  qui  trouve  en  Algérie  sa 
terre  de  prédilection,  mais  dont  les  produits  sont  presque  tota- 
lement consommés  sur  place,  constituant  un  appoint  notable 
dans  l'alimentation  des  indigènes;  ni  de  l'amandier,  quoique 
sa  culture  s'étende  et  que,  moins  éprouvé  par  les  gelées  du 
printemps,  il  puisse  devenir  un  danger  pour  le  commerce 
aixois,  surtout  dans  une  année  aussi  mauvaise  que  celle  que 
nous  traversons;  l'amande  d'Afrique,  généralement  moins  fine 
que  celle  de  Provence,  ne  semble  pas  devoir  être  pour  elle  une 
rivale  redoutable. 


Mais  la  culture  qui  s  étend  1res  rapidcmeni  dans  une  grande 
partie  de  nos  possessions  nord-alVicaines,  c'est  celle  de  l'oli- 
vier; si  elle  n*esl  pas  encore  une  menace  immédiate  pour  la 
région  provençale,  elle  peut  le  devenir  quelque  jour,  en  Tunisie, 
notamment  ;  d'autant  plus  qu*cn  Provence,  où  beaucoup  d'oli- 
viers ont  cté  arrachés,  leur  culture  décroît  sensiblement. 

Celle  similitude  entre  les  productions  de  ces  deux  rivaj 
français  de  la  Méditerranée,  d*où,  fièrement  assises  sur  leurs 
collines  ensoleillées,  Marseille  et  Alger  se  regardent  en  sœurs 
prêtes  à  se  jalouser,  s'explique  facilement  par  la  grande  ana- 
logie qui  existe  entre  la  nature  des  terrains  de  la  Provence  cl 
des  plaines  du  Nord  de  l'Afrique,  par  la  parité  du  climat  et  en- 
!in  par  la  colonisation  qui  a  amené  dans  ces  pays  des  peuples 
de  même  sang  latin,  français,  notamment  provençaux,  italiens 
et  espagnols  :  habitués  aux  cultures  de  leur  sol  natal,  ils  s'y 
sont  livrés  dans  leur  nouvelle  patrie  où  ils  se  trouvaient  dans 
des  conditions  semblables  à  celle  qu'ils  connaissaient  déjà. 

En  Algérie,  Tolivier  est  cultivé  dans  une  proportion  rclali- 
vement  restreinte;  nous  en  avons  vu  cependant  des  champs 
assez  considérables  dans  le  massif  de  Tlcmccn,  notamment 
à  Mansourah  ;  de  même  aux  abords  de  Tizi-Oujtou  et  de 
Beni-Mançour*  Outre  ces  cultures,  j'ai  trouvé  de  très  grandes 
étendues  couvertes  d'oliviers  sauvages,  dont  la  plupart  sont 
greffés  et  commencent  en  certains  points  A  donner  des  résul- 
tais appréciables  :  je  signalerai  les  vallées  de  rOued-Djcrei  de 
rOued-Zeboudj,  aux  abords  de  Miliana,  divers  points  de  la 
Grande  Kab)  lie,  et  la  vallée  de  la  Seybouse,  entre  Hammam 
Meskouiine  ci  Duvivier.  La  tradition  veui qu'une  partiede  ces 
sauvageons  proviennent  des  plantations  qui  existaient  à  l'épo- 
que romaine  ;  les  huiles  de  Mauritanie,  sans  avoir  b  finesse 
de  celles  de  Campanie  que  vantent  Horace  et  Pline^  étaî 
alors  l'objet  d'une  exportation  importante. 


-837- 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  production  totale  de  Thuile  en  Algérie, 
qui  atteint  actuellement  environ  280.000  hectolitres,  sert  sur- 
tout à  la  consommation  locale  et  ne  semble  pas  appelée  à  in- 
fluer notablement  sur  le  marché  européen,  d'autant  plus  que 
ces  huiles  sont  loin  d'avoir  la  finesse  dégoût  de  nos  huiles  de 
Provence. 

11  n'en  est  peut-être  pas  tout  à  fait  de  même  en  Tunisie,  où 
Tolivier  semble  appelé  à  un  très  grand  avenir.  Le  sol  d'une 
grande  partie  de  la  Régence,  moins  accidentée  que  l'Algérie, 
se  prête  à  une  extension  presque  indéfinie  de  cette  culture,  qui, 
déjà  très  florissante  sous  la  domination  romaine  dans  la  Vêtus 
Provincia  et  dans  la  Byzacène,  où  l'on  retrouve  encore  des  rui- 
nes d'huileries  antiques,  s  accroît  chaque  année  rapidement. 

Avec  une  surface  et  une  population  inférieures  à  celles  de 
l'Algérie,  la  Tunisie  atteint,  comme  production  totale  d'huile, 
un  chifi're  assez  voisin  de  celui  de  sa  voisine,  soit  environ 
25o.ooo  heaolitres,  dont  un  tiers  s'exporte  en  France.  Les  sta- 
tistiques ne  sont  pas  faites  partout  avec  une  précision  suflï- 
sante  pour  qu'on  puisse  évaluer  avec  assez* de  certitude  la 
superficie  cultivée  en  oliviers  ;  mais  le  voyageur  peut  jus- 
qu'à un  certain  point  se  rendre  compte  de  la  grande  impor- 
tance de  cette  culture.  Entre  Tabarka  et  Souk-el-Arba, 
entre  cette  dernière  localité  et  le  Kef,  on  traverse  un  grand 
nombre  de  vastes  domaines  en  olivettes;  il  en  est  de  même 
quand  on  se  dirige  vers  Bizerte.  soit  par  le  Bardo,  soit  par  la 
Marsa  ;  de  même  aux  abords  de  Zaghouan  et  dans  la  région 
du  Kef,  notamment  à  Trestour,  à  Tcbourtouk,  à  Feriana, 
centre  d'anciennes  huileries  romaines. 

Mais  c^st  dans  la  région  au  sud  du  Cap  Bon,  l'ancienne 
Byzacène,  que  se  trouvent  les  plus  importantes  cultures  :  à 
Fondouk-el-Djedid,  la  voie  ferrée  traverse  une  véritable  forêt 
de  très  beaux  oliviers,  en  plein  rapport,  au   nombre  de  près  de 


—  838  — 

uSoo.ooo  ;  plus  on  approche  de  Soussc,  I  ancienne  Hadrumètc, 
plus  on  est  entouré  d'olivettes;  une  partie  du  vaste  domaine 
de  l'Entida  en  est  complantée;  Kalaa-Kebira,  Ralaa-Srira* 
Akûuda,  Hammam  Soussc  dressent  leurs  silhouettes  d'un 
blanc  éblouissant  au  milieu  de  forets  d*oliviers;  chaque  village 
â  ses  hoileries.  Cest  la  principale  culture  de  Sousse  ei  de  son 
Sahel  ;  en  allant  à  Kairouan,  c'est  encore  cet  arbre  qu'on 
retrouve  jusqu'à  Oued-Laya,  et  enfin,  plus  au  sud  encore, 
Sfax  est  entourée  de  plus  de  i5o.ooo  hectares  renfermant  plus 
de  3.00O.0OO  de  plants,  en  partie  en  plein  rapport,  et  on  en 
plante  chaque  antlée. 

En  présence  d'une  telle  extension  de  cette  culture,  exteasiaQ 
qui,  avec  le  temps»  peut  s'accroître  encore,  il  est  permis  de  se 
demander  quelle  répercussion  peuvent  exercer,  dans  un  avenir 
peut-être  prochain,  les  huiles  de  la  Tunisie  sur  le  marché  géné- 
ral des  huiles,  marché  où  la  Provence  occupe  une  place  impor- 
tante, mal^'ré  les  circonstances  qui,  depuis  un  certain  nombre 
d'années,  ont  amené  à  restreindre  la  culture  de  l'olivier  et 
même  à  la  faire  disparaître  dans  quelques  communes. 

L'olivier»  en  Tunisie,  atteint  des  proportions  beaucoup  plus 
considérables  que  chez  nous,  et  son  feuillage,  d^un  vert  beitt* 
coup  plus  foncé  qu'en  Provence,  parait  Tindice  d*unc  force  de 
vcgeiaiion  notablement  plus  intense.  Mais  cette  supcfjorilè 
s  exerce  souvent  au  détriment  de  la  qualité  du  fruit  ;  c'esl 
ainsi  que  dans  le  Var,  où  Tolivier  est  généralement  plus  vigoil* 
reux  que  dans  Farrondissement  d'Aix,  Thuile  est  moin^ 
estimée  et  sa  valeur  marchande  est  notablement  inférictirte  à 
celle  des  huiles  d'Aix. 

Les  huiles  tunisiennes  ont  une  assez  mauvaise  réputation 
comme  huiles  de  table,  on  leur  trouve  le  goût  de  fruit  trop 
prononcé,  et  comme  huiles  de  friture,  on  leur  reproche  tiiic 
odeur  très  désa^^reable  et  on  se  plaint  aussi  qu'elles  consom- 
ment beaucoup  plus  que  nos  huiles  fines. 


—  839  - 

Ces  reproches  ont  du  vrai,  quoique!  y  ait  huiles  tunisiennes 
et  huiles  tunisiennes  ;  j'ai  goûté,  un  peu  exceptionnellement 
peut-être,  des  huiles  comparables,  sinon  aux  produits  supé- 
rieurs d'Aix,  aux  meilleurs  du  Var,  ayant  légèrement  le  goût 
du  fruit,  ce  goût  qu'un  certain  snobisme,  malheureusement 
un  peu  répandu  même  en  Provence,  semble  Vouloir  interdire 
à  l'olive,  pour  favoriser  une  foule  d'autres  plantes  oléagineu- 
ses; mais  ces  huiles  dont  je  parle  ici  n'étaient  que  peu  fruitées 
et  prouvaient  que,  même  sous  le  climat  chaud  de  l'Afrique  du 
Nord,  même  avec  des  oliviers  majestueux,  remplis  d'une  sève 
ardente,  on  peut  obtenir  des  produits  supérieurs.  Le  choix  des 
plants  et  des  greffes,  l'aménagement  intelligent  des  arbres,  les 
méthodes  de  culture  et  d'engrais  conformes  aux  données  de  la 
science  moderne,  ont  déjà  donné  des  résultats  fort  apprécia- 
bles ;  et  enfin,  sur  certains  domaines,  on  a  commencé  à  renon- 
cer à  l'habitude  d'attendre  la  maturation  exagérée  de  l'olive,  et, 
au  lieu  de  la  ramasser  à  terre,  on  la  cueille,  sur  certains  points, 
juste  au  moment  où  la  qualité  n'est  pas  compromise,  sacri- 
fiant intelligemment  un  peu  de  la  quantité. 

L'écueil  pour  nous.  Provençaux,  dans  cette  concurrence,  gît 
dans  le  prix  de  la  main-d'œuvre,  excessivement  basse  en  Tuni- 
sie, où  les  meilleures  huiles  peuvent  se  vendre  sur  place  à 

0  fr.  70  ou  o  fr.  80  le  kilogramme  ;  rendues  en  France,  on  peut, 
et  j'en  connais  des  exemples  dans  les  Basses-Alpes,  les  avoir  à 

1  fr.  25,  prix  inférieur  à  celles  du  Var,  et  ajortiori  à  celles  de 
la  région  aixoise.  Outre  le  bas  prix  de  la  main-d'œuvre,  la 
constitution  de  vastes  domaines  est  évidemment  plus  favorable 
au  bon  marche  du  produit  que  la  petite  propriété.  Il  est  vrai 
que,  même  en  Tunisie,  la  main-d'œuvre  est  sans  doute  appelée 
à  renchérir,  mais  comme,  en  France,  elle  suit  toujours  une 
progression  ascendante,  l'écart  variera  peu. 

Ces  questions,  sur  lesquelles  j'appelle  modestement  l'atten- 


—  840  — 

tion  de  nos  agriculteurs,  n'ont  rien  cependant  qui  puisse  les 
alarmer,  étant  donnée  la  supériorité  incontestable  des  produits 
de  notre  sol  ;  mais  les  huiles  tunisiennes,  surtout  améliorées, 
peuvent  entrer  quelque  jour  pour  une  forte  proportion  dans 
les  usages  industriels,  et  même,  les  meilleures,  dans  les  coupa- 
ges que  l'on  pratique  partout  si  largement. 


—  84r  — 

XLIV 

UÉn  les  Synllcats  Agricoles  les  Alpes  et  k  FroTeoce 

et    son    ceinrre, 
par  H.  de  MONTRIGHER,  vice-président  de  1  Union. 


L'union  des  Syndicats  dos  Alpes  et  de  Provence  est  une  des 
manifestations  les  plus  efficaces  et  les  plus  fécondes  de  Tesprit 
de  décentralisation  et  de  régionalisme,  de  ses  ressources  et  de 
ses  résultats. 

Créée  en  1895,  avec  37  Syndicats,  l'Union  compte  aujour- 
d'hui près  de  280  Syndicats  et  ligue  autour  de  la  bannière  du 
solidarisme  le  plus  étroit  près  de  So.ooo  adhérents. 

Cette  imposante  armée  de  travailleurs  de  la  terre,  source  de 
toute  richesse,  propriétaires,  régisseurs,  fermiers  et  ouvriers  • 
agricoles,  fidèle  à  sa  devise,  a  substitué  à  la  lutte,  l'union  pour 
la  vie. 

Une  organisation  générale  de  coopératives  de  crédit,  d'achat 
et  de  consommation,  de  production  et  de  vente  et  d'assurances 
mutuelles  de  toutes  espèces,  aboutit  à  une  véritable  socialisa- 
tion volontaire  des  moyens  de  production,  suivant  la  formule 
collectiviste  ;  et  l'apprentissage  mutualiste  ne  cesse  de  s'étendre 
et  de  se  développer  par  des  fondations  nouvelles  :  Assurances 
mutuelles  contre  l'incendie,  la  grêle,  le  gel  et  la  mortalité  du 
bétail  ;  Assurances  sur  la  vie;  Mutualités  pour  secours  en 
cas  de  maladies  ;  Caisses  de  retraites  ;   Enseignement  agri- 


-^  842  — 

cole;  Concours  ;  Prix  ;  Livrets  de  Caisse  d'Epargne  pour  les 
cours  d'apprentissage. 

Uâgent  technique  qui,  parmi  les  paysans  et  les  ruraux,  lient 
la  plume,  établit  la  comptabilité,  rédige  et  convoque,  c  est  le 
plus  souvent  l'instituteur  primaire.  Ce  collaborateur  modeste. 
mais  le  mieux  qualifié  de  l'éducation  sociale,  peut  ainsi  don- 
ner libre  carrière  à  sa  belle  et  noble  lâche,  et  semer  largement 
le  bon  grain  de  la  science  et  de  la  morale  sociale  dans  un  ter- 
rain  propice  et  qu'il  a  pu  lui-mômc  approprier  de  longue 
main. 

La  coopérative  sous  ses  diverses  formes  réalise  le  programme 
économique  et  social  de  la  société  nouvelle. 

l'aile  concilie  et  résume  dans  une  union  d'une  haute  portée 
morale  et  pratique»  les  intcrèls  diverycnis,  mais  non  opposés, 
du  capital  ei  du  travail,  en  utilisant  également  leurs  actions 
complémentaires,  mais  en  affranchissant  le  travail  du  joug  de 
la  tinance. 

Le  crédit  agricole,  les  coopératives  de  consommation  ci  les 

coopératives  de  production,  sont  les  trois  institutions  néccssai* 

res  à  la  vie  des  syndicats  professionnels,  tels  que  les  a  consti- 

^  tués  la  loi  du  2  avril  1884. 

Les  caisses  de  crédit  rural  de  chaque  syndical  ont  pour  bas^ 
de  leur  fonctionnement  la  garantie  illimitée  des  risques,  en- 
dossés par  tous  les  coopéraieurs  affiliés  à  une  même  caisse 
Les  premiers  fonds  sont  alloués  à  titre  de  prêt  par  les  caisses 
d'épargne,  dont  les  pouvoirs  ont  été  largement  étendus  par  la 
loi  des  12  avril  et  29  décembre  igo*}. 

Les  Caisses  Locales  servent  d'intermédiaires  entre  les  coo- 
pcraicurs  et  les  caisses  régionales,  pourvues  de  dotations  de 
TEtat  par  la  loi  du  3i  mars  189g. 

Les  associations  coopératives  de  consommation  ont  suivi  U 
développement  de  l'œuvre  syndicale  :  elles  loniieni  un  t  nnuiîtv 


—  «43  — 

ment  nécessaire  à  Inaction  commerciale  des  syndicats,  tant  au 
point  de  vue  matériel  qu'au  point  de  vue  moral  et  social. 

Les  coopératives  locales  ont  pour  objet  le  groupement  des 
intérêts  syndicalistes  pour  Tachât  des  matières  premières  et  en- 
gins nécessaires  aux  travaux  agricoles,  et  des  articles  de  con- 
sommation pour  les  associés.  Telles,  les  boulangeries  syndi- 
cales qui  se  sont  heureusement  développées  dans  notre  région 
provençale. 

Les  coopérativies  locales  ont  pour  complément  les  coopéra- 
tives régionales,  groupant  en  un  seul  faisceau,  par  un  orga- 
nisme commercial  approprié,  tous  les  syndicats  d'une  même 
région. 

Les  syndicats  locaux  ne  sont  pas  suffisamment  armés  par 
la  loi  de  1884  pour  se  défendre  utilement  contre  les  variations 
des  marchés  et  des  cours  commerciaux.  Il  en  va  autrement 
d'une  coopérative,  mandataire  vis-à-vis  du  commerce  des  syn- 
dicats locaux  et  servant  de  lien  à  ces  fondations  éparses  par 
une  communauté  d'action  et  de  méthode. 

Telle  a  été  l'œuvre  utile  et  puissante  de  la  Coopérative  agri- 
cole des  Alpes  et  dé  Provence,  dont  le  siège  est  à  Avignon,  et 
dont  les  services  à  l'agriculture  provençale  sont  universelle- 
ment connus  et  appréciés. 

Le  Syndicat  Agricole  du  Comtat,  affilié  àl'L'nion  et  à  la  Coo- 
pérative des  Alpes  et  de  Provence,  a  créé  une  agence  d'infor- 
mations et  d'expériences  qui  peuvent  être  d'un  grand  secours 
pour  la  vente  et  les  débouchés  des  produits  agricoles  et  notam- 
ment  des  fraises  et  des  primeurs. 

L'action  coopérative  pour  la  vente  des  produits  du  sol  se 
heurte  aux  o'ostacles  créés  par  les  intermédiaires  et  le  com- 
merce que  l'œuvre  syndicale  tend  à  abolir. 

Cependant,  les  crises  périodiques  que  subissent  les  produits 
agricoles,  et  notamment  le  vin,  ne  trouveront  de  remède  que 


-844- 
dans  Tapplication  rationnelle  delà  coopération  en  grand,  qui 
écartera  les  aléas  de  la  spéculation  et  des  coalitions  financières. 

Les  coopératives  ont  été  utilement  fondées  pour  la  vente  de 
rhuile  d*olive,  des  amandes,  des  conserves  d'abricots,  des  câ- 
pres, des  lièges,  des  cocons,  de  la  fleur  d*oranger,  des  citrons, 
du  lait,  etc.,  etc. 

Mais  les  associations  syndicales  et  coopératives  ont  abouti 
encore  à  un  résultat  aussi  heureux  pour  les  producteurs  que 
pour  les  consommateurs,  celui  de  dénoncer  les  fraudes,  d'assu- 
rer la  fourniture  des  seuls  produits  garantis  naturels,  et  de  toute 
sécurité  comme  qualité  et  mesure,  de  favoriser  l'authenticité  et 
la  probité  dans  les  échanges  commerciaux. 

Résultat  dont  il  faut  s'applaudir  et  proclamer  bien  haut  au- 
tant au  point  de  vue  économique  qu'au  point  vue  moral  et  so- 
cial. 

Les  coopératives  et  les  fondations  mutualistes  qui  en  décou- 
lent, contribuent  enfin  à  rapprocher  les  hommes  et  i  susciter 
entre  eux  les  liens  de  solidarité  sociale,  confondant  par  un 
même  élan  fraternel  l'intérêt  personnel  et  l'intérêt  d'autniî, 
dans  une  ère  nouvelle  de  paix,  de  travail,  de  justice  et  d'amour. 


-  845  - 


XLV 


Mes  MoBoppUpes  snr  la  CoQcentration  Mnstrielle 

dans   la    Régrioti   d'Alx 


Chapellerie    et   Cordonnerie 

par  M.  Albert  SGHATZ, 

Professeur  agrégé  des  sciences  économiques  à  t Université 
d'AiX'Marseille. 


préfacp: 


Les  étudiants  en  Économie  politique  (cours  de  doctorat)  de 
la  Faculté  de  Droit  d'Aix,  réunis  en  salle  de  travail  par 
M.  Schau,  ont  procédé,  durant  Tannée  scolaire  igoS-igoô,  à 
Tétude  monographique  de  la  concentration  économique  dans 
quelques  industries  de  la  région  d'Aix.  Les  deux  monogra- 
phies sur  la  chapellerie  à  Aix  en-Provence  et  la  cordonnerie  à 
Pertuis  qui  font  l'objet  des  communications  de  MM.  Georges 
Mer  et  Eugène  Curet,  sont  détachées  de  cet  ensemble  plus 
vaste  ;  il  convient,  pour  les  apprécier,  de  les  replacer  dans  leur 
cadre.  C'est  à  cette  seule  intention  que  le  professeur  à  qui  in- 
combait le  soin  de  diriger,  durant  leur  dernière  année  sco- 
laire, le  travail  des  deux  auteurs,  se  croit  obligé  d'ajouter  quel- 
ques lignes  aux  pages  qui  vont  suivre. 

L'enseignement  dans  nos  Facultés  de  Droit  tend  de  plus  en 
plus  à  revêtir  deux  formes  distinctes  :  le  cours,  d'une  part,  c'est- 


—  846  — 

ÎHJire  l'exposé  impersonnel  de  ce  que  nous  estimons  cire  la 
vérité  scientifique  — ;  la  conférence  et  la  salle  de  travail,  d  autre 
part,  c'est-àndire  le  contact  direct  du  maître  avec  les  éiudianis. 
permenant  la  discussion,  le  libre  et  contradictoire  examen  et 
aussi  le  travail  en  collaboration,  dans  tout  ce  qu'il  a  d^insiruc- 
tif  et  d'éducateur  pour  les  uns  et  les  autres.  Si  réel  est  le  bcsoq 
dont  cette  tendance  est  Texprcssion  que  simukanémcni,  soa 
des  formes  diverses,  MM.  Joseph  Delpech  pour  le  droit  public, 
Cézar-Bru  et  Morin  pour  le  droit  privé,  Robert  Caillemer  pour 
rhisioire  du  droit,  et  le  signataire  de  ces  lignes  pour  1  économie 
politique,  ont  tenté  d'instituer  à  la  Faculté  de  Droit  d*Arx,  ce 
rapprochement  du  professeur  et  de  ses  auditeurs.  L'économie 
politique  qui  dut  jadis  au  doyen  Alfred  Jourdan  son  intronisa- 
tion en  Provence  et  qui  fut  si  vaillamment  défendue  par  lui, 
appelle  nécessairement  aujourd'hui  ce  rapprochement.  Trop 
longtemps  cette  science  est  restée  dans  le  domaine  des  ihcorics, 
des  abstractions  et  des  lieux  communs  ;  trop  longtemps,  elle 
a  été  desservie  par  l'absence  d*espnt  philosophique  ei  de  cul- 
ture générale  de  certains  économistes,  par  rincuriosité,  mol 
oreiller  pour  les  tètes  bien  faites,  ou  Tindifférence  dcdai^'ncuse 
de  gens  qui  faisaient  profession  de  renseigner.  Il  faut  qu'aux 
étudiants  qui  sont  à  la  veille  de  quitter  la  Faculté,  il  soit  dît^ 
une  dernière  fois,  l'importance  de  cette  science,  sur  laquelle 
ils  ont  pu,  comme  tant  d  autres,  légitimement  se  méprendr 
L*enseignement  économique  doit  donner  à  ceux  qui  accep 
tent  sa  discipline  le  sens  du  réel  et  faire  une  large  pli^ce  i  11 
méthode  qu'on  appelle  réaliste.  Sans  doute,  ce  n  est  pasli  toute 
la  science  et  il  est  un  domaine  où  la  pensée  s  élève  au-dessus 
des  faits  pour  les  mieux  comprendre  et  les  plus  complètement 
embrasser.  C'est,  à  notre  sens,  Tobjei  des  Cours  d'économie 
politique,  où  l'examen  d'un  problème  donné  permet  les  j^éoé- 
ralisations  et  les  conclusions  scientifiques,  du  cours  d'histoire 


-847- 
des  doctrines  économiques,  surtout,  où  l'évolution  des  systè- 
mes est  reconstituée  dans  son  développement  logique  et  où  se 
dégage  la  philosophie  des  divers  aspects  des  états  sociaux  suc- 
cessifs. Mais  à  ces  recherches  désintéressées  du  vrai  et  du  géné- 
ral qui  constitue  seul  la  science,  il  faut  une  base  solide  et  qu'on 
ne  saurait  trouver  que  dans  Texamen  attentif  des  faits.  Notre 
salle  d'études  économiques,  si  modestes  que  soient  ses  débuts, 
est  un  essai  tenté  pour  répondre  à  cette  nécessité.  Il  serait  cer- 
tes téméraire  de  pronostiquer,  dès  maintenant,  son  avenir  et 
nul,  moins  que  nous,  ne  se  fait  illusion  sur  les  résultats  obte- 
nus. Je  lui  dois,  cependant,  certaines  satisfactions  d'ordre  pro- 
fessionnel, qui  sont  les  meilleures  récompenses  de  notre  car- 
rière :  des  sept  étudiants  qui  ont  suivi  mes  cours  de  doctorat  à 
la  Faculté,  aucun  ne  s*est  dérobé  au  surcroît  de  travail  que  je 
leur  proposais  ;  tous  ont  tenu  à  collaborer  à  l'œuvre  commune 
et  tous  m  ont  paru  y  prendre  intérêt. 

Le  principe  une  fois  pose,  il  fallait  choisir  un  sujet  suscep- 
tible de  se  prêter  à  des  recherches  collectives.  11  m'a  semblé 
que  rétudedela  concentration  industrielle  répondait  assez  bien 
à  cette  nécessité  et  que  la  région  d*Aix  fournirait  à  notre  étude 
des  éléments  d'information  intéressants.  Aucun  problème  n'est 
plus  caractéristique  de  l'évolution  économique  contemporaine  ; 
des  monographies  locales  sur  ce  sujet  avaient,  à  mes  yeux,  le 
double  avantage  d'éclairer  une  question  théorique  complexe 
et  d'appeler  l'attention  de  mes  étudiants  sur  des  faits  tout  pro- 
ches, en  les  intéressant  au  milieu  où  ils  vivent.  J'ai  choisi,  pour 
amorcer  l'entreprise,  et  au  gré  des  convenances  de  chacun,  les 
sujets  suivants  :  «  l'industrie  des  huiles  et  savons  à  Aix,  Mar- 
seille et  Salon  î>,  «  le  commerce  des  amandes  et  la  confiserie 
à  Aix»,«  les  charbonnages  de  Gardanne  et  Fuveau  y^,  «  l'indus- 
trie des  produits  chimiques  dans  la  région  de  l'étang  de  Berrc 
et  de  Gardanne  »,  «  la  minoterie  et  la  fabrication  des  pâtes 


alimentaires  à  Aix  et  Marseille  ».  «  la  chapelle 
À  les  survivances  de  rindusiric  à  domicile  dans  la  région  d'An 
et  de  Permis  ».  Les  communications  de  MM.  Mer  eiCuret  sont 
le  résultat  partiel  de  ces  deux  dernières  éludes  L'une  complé- 
tant lautre,  elles  donncroni,  j'espère,  une  idée  suffisamment 
exacte  et  du  problème  généra!  propose  et  des  procédés  de  re- 
cherche» et  aussi  de  l*activité  intellectuelle  que  jai  cherche  à 
développerchez  nos  étudiants  en  économie  politique.  Je  souhaite 
à  celte  activité  naissante  le  bon  accueil  que  mérite  Tertort  dc- 
siniércssé  vers  une  culture  plus  complète  de  jeunes  intelligen- 
ces qui  ont,  je  tiens  à  le  dire,  travaillé,  pendant  toute  celte 
année,  courafîeusement  et  sans  défaillance.  Ni  mes  auditeurs 
ni  leur  maître  ne  s'attendaient  à  être  aussi  promptement  invi- 
lés  à  rendre  public  refîortqulls avaient  tenté.  Cest  un  honneur 
que  nous  devons  à  l'aimable  et  flatteuse  insistance  de  M.  Val- 
ran  et  que  nous  n'acceptons  ni  sans  confusion  ni  sans  inquié» 
tude. 

MM.  Mer  et  Curct  apportent  une  contribotjon  mtércssant^ 
au  problème  de  la  concentration  économique.  Ce  problème  csi 
à  l'ordre  du  jour  comme  tous  ceux  qui  se  rattachent  immédia- 
tement a  la  doctrine  collectiviste.  Karl  Marx  et  ses  disciples 
ont  jusiemeni  attiré  lattention  sur  ce  pîïénomène  corrélatif  des 
progrès  de  la  grande  industrie»  En  eifet,  le  collectivisme  con- 
clut en  faveur  d'un  régime  économique  où  les  instruments  de 
production  seront  employés,  soit  par  leur  propriétaire  travail- 
lant seul,  soit,  pour  ceux  qui  ne  sont  pas  susceptibles  d'une 
exploitation  individuelle,  par  la  collectivité.  Dans  ce  régime, 
par  conséquent,  les  instruments  de  production  cesseront,  en 
grande  majorité,  d'être  propriété  privée  et  de  fournir  à  leurs 
détenteurs  un  m.  revenu  sans  travail  )»«  cesseront  d'être  des 
m  capitaux  »»  au  sens  marxiste  du  mot.  Comment  se  réalisera 
cet  état  de  choses?  Les  uns,  ce  sont  les  révolutionnaires, 


-849- 
tendent  y  arriver  par  l'expropriation  avec  ou  sans  indemnité. 
Les  autres,  confiants  dans  les  nécessités  inéluctables  du  maté- 
rialisme historique  et  de  l'évolution  économique,  se  bornent  à 
constater  que  cet  état  nouveau  se  réalise  peu  à  peu  de  lui-même, 
que  la  «  catastrophe  »  d'où  sortira  la  société  collectiviste  future, 
pour  être  moins  prochaine  que  le  croyait  Marx,  n'en  est  pas 
moins  certaine.  Cette  réalisation  progressive  du  collectivisme 
est  précisément  Teffet  de  la  concentration  économique  de  Tin- 
dustrie,  du  commerce,  des  établissements  financiers,  c'est-à-dire 
de  cette  indéniable  transformation  des  petites  entreprises  indi- 
viduelles en  entreprises  colossales,  des  petits  commerces  en 
grands  magasins,  des  petites  industries  individuelles  et  locales 
en  grandes  industries.  L'expropriation  ne  ferait  que  créer  avant 
l'heure  une  société  collectiviste  que  le  machinisme  et  le  progrès 
industriel  rendent,  chaque  jour,  plus  prochaine  et  plus  inévita- 
ble. Quand  toute  la  production,  dans  tous  les  ordres,  sera  con- 
centrée entre  les  mains  de  quelque  magnat  du  capital,  milliar- 
daire ou  directeur  de  trust,  la  vieille  société  capitaliste  sera  à 
la  veille  d'enfanter  la  société  nouvelle. 

Nous  n'avons  pas  à  nous  prononcer  ici  sur  l'opportunité  de 
cette  transformation,  ni  sur  le  bien-fondé  des  espérances  qu'elle 
suscite.  On  peut  ne  pas  souhaiter  l'avènement  du  collectivisme  ; 
on  peut  contester  que  la  concentration  soit  aussi  rapide  et  uni- 
forme que  certains  disciples  de  Marx  l'affirment,  et  montrer 
que,  réelle  en  cenains  domaines,  elle  est  contre-balancée  en 
certains  autres  par  la  survivance  et  même  la  multiplication  des 
petites  entreprises.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  la  marche 
générale  des  choses  rend  de  plus  en  plus  instable  la  condition 
de  cenains  producteurs  indépendants.  MM.  Mer  et  Curet  le 
constatent  pour  les  industries  provençales  étudiées  par  eux. 
Ils  prennent,  si  l'on  peut  dire,  sur  le  fait,  la  métamorphose  de 
la  production.  Leurs  conclusions  concordent  d'ailleurs  et  elles 

CONGRES  —  64 


—  85o  - 

sont  d'autant  plus  intéressantes  qu'elle: 
tries  très  diftérenies  quant  à  leur  nature  et  quant  à  leur  impor- 
tance. La  luite  désespérée  du  métier  manuel  contre  la  confec- 
tion mécanique  se  poursuit  et,  pour  n'être  pas  aussi  complet 
en  Provence  qu'en  d  autres  régions  plus  industrielles,  ce  triom- 
phe de  la  machine  n'en  est  pas  moins  définitif  pour  la  chapel- 
lerie à  Aix,  prochain  pour  la  cordonnerie  a  Pertuis. 

M.  Georges  Mer,  après  avoir  recherche  dans  le  milieu  géo- 
graphique et  rhisioire  les  causes  qui  peuvent  expliquer  h 
prospérité  qu'a  connue  jadis  à  Aix  Tindusiric  de  la  chapellerie, 
s*attache  à  expliquer  sa  décadence  rapide.  Klle  tient,  avant 
tout,  à  la  substitution  dû  la  machine  au  travail  manuel.  L'ou- 
vrier aixois  a  été  autrefois,  dans  la  chapellerie,  un  ouvrier 
d'élite  et  une  manière  d'artiste.  Il  ne  s'est  pas  résigné  à  abdi- 
quer devant  les  machines  que  Hngéniosiié  des  inventeurs  ci 
des  constructeurs  a  peu  à  peu  introduites  dans  les  opérations 
les  plus  compliquées  et  les  plus  délicates  de  la  fabrication  du 
chapeau,  M.  Mer  oppose  les  procédés  anciens  aux  procédés 
actuelletnent  employés,  et  montre,  avec  la  plus  grande  préci- 
sion et  de  fa<^on  très  intéressante,  Tenvahisscment  progrcssit 
de  la  machine.  Dans  la  seconde  partie  de  son  mémoire,  il 
étudie  les  conséquences  de  cette  transformation  de  rindustrîc, 
quanta  la  production,  qui  s'est  considérablement  restreinte 
n'occupe  guère  plus  de  200  ouvriers,  quant  aux  débouches  qij 
se  sont  peu  à  peu  fermés  faute  d'adaptation  rapide  des  pro* 
ducteurs  aux  nécessités  de  la  concurrence  nationale  et  étran- 
gère, quant  aux  ouvriers  enfin  dont  les  salaires  ont  baissé  sensi- 
blement. L'industrie  de  la  chapellerie  se  meurt  à  Aix.  Elle  ne 
sera  bientôt  plus  qu'un  souvenir  ajouté  à  tant  d'autres* 

M.  Kugène  Curet  n*esi  pas  de  ceux  qui  considèrent  rÉcono* 
mie  politique  comme  une  littérature  ennuyeuse.  Il  en  fait  uoc 
littérature  fort  agréable  cl  l'étude  de  la  cordonnerie  à  Penuis 


—  85i  - 

lui  sert  de  prétexte  à  un  tableau  plein  d*humour  et  de  finesse 
de  la  vie  provençale.  Il  ne  laisse  pas  cependant  de  fournir  des 
éclaircissements  utiles  à  la  question  de  la  concentration  indus- 
trielle en  Provence,  et  ses  conclusions  viennent  à  l'appui  des 
conclusions  de  M.  Mer.  Il  ressort,  en  effet,  de  Tenquêie  de 
M.  Curet  que  la  survivatice  de  la  petite  industrie  dans  la  cor- 
donnerie de  Pertuis  tient  avant  tout  à  l'action  énergique  de  ce 
qu*un  sociologue  appellerait  une  individualité  forte,  servie  par 
ses  qualités  propres  et  par  les  circonstances.  La  prospérité  de 
cette  industrie  fut  donc  essentiellement  contingente.  M.  Curet 
l'explique  avec  esprit  et  il  complète  son  étude  par  une  enquête 
monographique  sur  la  condition  d*un  des  travailleurs  em- 
ployés par  l'industriel  à  qui  Pertuis  est  redevable  de  sa  réputa- 
tion en  matière  de  cordonnerie.  Il  conclut  en  annonçant  la  fin 
prochaine  de  cette  industrie  et,  comme  M.  Mer,  il  en  voit  la 
cause  à  la  fois  dans  les  conditions  externes  de  la  production  et 
dans  le  défaut  d'adaptation  des  producteurs. 

Ces  constatations,  très  finement  analysées  et  solidement  éta- 
blies par  MM.  Mer  et  Curet,  seraient  de  tous  points  confirmées 
par  les  autres  monographies  de  notre  salle  de  travail.  La  fabri- 
cation de  Thuile  entre,  elle  aussi,  dans  la  phase  du  machinisme 
de  plus  en  plus  perfectionné;  l'industrialisation  met  aux  prises 
les  producteurs  respectueux  des  traditions  et  les  novateurs 
hardis,  et  les  premiers  avouent  leur  impuissance  grandissante. 
La  confiserie  et  la  minoterie  se  concentrent  dans  quelques 
grandes  maisons  merveilleusement  outillées,  dépossédant  peu 
à  peu  les  petits  fabricants.  La  grande  industrie  gagne  du  terrain 
là  où  elle  lutte  ;  elle  triomphe  sans  combat  dans  les  charbon- 
nages et  dans  la  fabrication  des  produits  chimiques. 

Quel  sera  Teffet  de  cette  évolution  ?  Quelles  sont,  dès  main- 
tenant, ses  conséquences,  quant  à  la  condition  des  travailleurs 
et  quant  à  la  prospérité  nationale?  On  ne  saurait  répondre  com- 


plètement  à  ces  questions  sans  dépasser  le  cadre  voloniaîre- 
ment  restreint  et  délimité  de  ces  communications,  qui  doiveni 
se  borner,  sur  ces  points,  à  quelques  indications.  Mais,  de  la 
simple  constatation  des  faits,  une  leçon  se  dégage.  La  vie  éco- 
nomique devient,  de  jour  en  jour,  plus  complexe  et  la  lutic 
pJus  ardente.  L'avenir  appartient  aux  hidîvidus  et  aux  peuples 
qui  savent  s  adapterau  milieu  nouveau  où  s'exerce  leur  activité, 
qui,  par  conséquent,  prennent  souci  de  le  connaître  et  compren- 
nent la  valeur  et  la  portée  d*une  solide  cokureéconomique.  L'in- 
dustrie provençale  a-t-elle  pleinement  satisfait  sur  ce  point  aux 
nécessitésdu  temps  présent  ?  Il  ne  serait  pas  inutilequc  la  qiyïs- 
lion  soît.  à  tout  le  moms,  posée  et  les  études  de  MM.  Mer  ei 
Curei  peuvent  appeler  sur  elle  raticntion.  Je  ne  saurais  leur 
souhaiter  de  meilleur  succès  ni  de  plus  mérité.  Sans  doute*  ce 
ne  sont  pas  là  des  travaux  définitifs  :  à  des  travaux  d'étudiants, 
il  convient  de  ne  pas  reprocher  quelques  lacunes  et  quelque 
inexpérience,  mais,  s'il  était  besoin  de  solliciter  pour  eux  Tin- 
dulgence,  le  souci  de  précision  scientifique  de  Tun,  la  verve 
amusanie  de  Tautre,  la  curiosité  cl  la  vivacité  d'esprit  qu'ils 
attestent  tous  deux  rendraient  l'indulgence  facile. 

Albert  Schate» 

l^rof^tseur  agrégé  des  Sctcncfs  écùnomi^net 
à  rUnivtr&ité  dWix-Mûrttilie. 


Aix-en-Provence*  juillet  1906. 


—  853  — 

INTRODUCTION 

Il  y  a,  dans  la  région  d'Aix,  progrès  de  la  concentration  in- 
dustrielle, mais  survivance  de  la  petite  industrie.  Il  est  intéres- 
sant de  saisir  sur  le  fa*it  la  marche  de  cette  évolution  et  d'en 
opposer  les  effets  dans  une  grande  et  dans  une  très  petite  in- 
dustrie 

La  chapellerie,  en  pleine  prospérité,  il  y  a  moins  d'un  demi- 
siècle,  dans  la  ville  d'Aix  et  des  environs  ;  la  cordonnerie  qui, 
à  la  même  époque,  faisait  la  renommée  de  Pertuis,  petite  bour- 
gade à  moins  de  vingt  kilomètres  de  notre  ville,  nous  ont 
paru  dignes  de  faire  Tobjet  d'une  étude  de  ce  genre. 

Aujourd'hui,  les  grandes  fabriques  de  la  vieille  chapellerie 
aixoise  ont  plus  ou  moins  disparu  devant  la  concurrence  de 
l'étranger.  L'industrie  cordonnière,  de  son  côte,  nous  paraît 
être  à  Pertuis  en  pleine  décadence. 

Nous  avons  voulu  simplement  et  brièvement  marquer  les 
causes  et  les  conséquences  économiques  de  ces  faits. 


It'Industrie  de  la  Chapellerie  à  Aix, 

par  M.  Georges  MER,  licencié  en  droit. 

Lauréat  des  Concours  de  licence  et  de  doctorat  de  la  Faculté  de  Droit 

d*Aix. 

Si  l'on  est  unanime  à  reconnaître  qu'à  Aix  l'industrie  de  la 
chapellerie  a  connu  une  période  de  prospérité  indiscutable,  on 
ne  s'accorde  pas  moins  à  constater  son  déclin  sensible  depuis 
une  trentaine  d'années.  Celte  décadence  est  le  résultat  de  cau- 
ses profondes,  dont  les  conséquences  économiques  sont  impor- 


—  854  - 

tantes.  I)  appartient  a  une  étude  monographique»  qui  ne  man- 
quera pcut'éire  pas  d  avoir  une  portée  plus  générale,  de  recher- 
cher et  de  dégager  celles-là,  de  signaler  et  de  constater  ce)lcs<u 


n,  —  LES  CAUSES  DE  LA  CRISE 

L*état  de  toute  industrie  dépend  de  plusieurs  facteurs.  Une 
entreprise  est  plus  ou  moins  iavoriséc  par  le  milieu  où  elle  s  cta- 
blii  ;  elle  est  en  relations  constantes  avec  sa  propre  histoire  : 
ancienne  dans  le  pays  elle  s*adaptera  moins  facilement  aux 
perfectionnements  qu'apporte  le  progrès  industriel  ;  enfin  et 
surtout,  elle  est  en  rapport  étroit  avec  le  mode  technique  de  la 
production:  une  modification  dans*  Touiillage,  la  substitution 
du  trava il  mécaniquedc  la  machine  à  l'habileté  manuelle  de  l'ou- 
vrier peut  entraîner  la  décadence  rapide  d*une  industrie  qui  se 
lige  dans  la  routine,  par  instinct  traditionnel  et  par  économie 
mal  comprise. 

L'industrie  de  la  chapellerie  n'échappe  pas  à  Tiniluencc  de 
ces  trois  éléments:  le  milieu,  l'histoire,  le  progrès  industriel. 

La  ville  d*Aiît  offre  à  l'industrie  de  la  chapellerie  plusieurs 
avantages. 

Par  sa  position  géographique»  elle  peut  établir  de  faciles  com- 
munications avec  les  pays  étrangers.  Voisine  de  Marseille,  elle 
se  trouve  en  relations  avec  ceux  qui  importent  les  matières 
premières  nécessaires  à  la  chapellerie.  Par  cette  voie,  arrivent 
les  poils  de  Perse,  du  Pérou,  par  là  aussi  ceux  des  Echelles  du 
Levant,  L^exporlaiion  se  trouve,  de  même,  favorisée  :  autre- 
fois, Aix  pouvait  vendre  ù  l'Espagne  et  à  ritalie  ;  aujourd'hui, 
elle  porte  encore  ses  produits  dans  1* Amérique  du  Sud, 

Aix»  enfin,  depuis  rétablissement  de  la  grande  ligne  de  che- 
min de  fer  Paris-Lyon-Marscille,  rayonne  sur  toute  la  Fn 
Desservie  elle-même  depuis  longtemps,  clic  est,  d'autre  part. 


-  855  — 

la  tète  de  plusieurs  lignes  secondaires.  Cette  facilité  des  com- 
munications n*a  pu  que  profiter  à  la  chapellerie  ;  la  création  du 
service  des  colis-postaux,  en  1892,  Ta  d'ailleurs  rendue  plus 
appréciable.  Aujourd'hui,  toutes  les  expéditions  de  chapeaux 
s'opèrent  par  ce  mode  de  transport;  un  colis  de  10  kilogram- 
mes peut  contenir  24  chapeaux  impers  ou  36  chapeaux  sou- 
ples emballés  dans  des  boites  en  carton  retenues  par  des  bâtis 
de  bois  léger*. 

Outre  lavantagc  permanent  résultant  de  cette  situation,  il 
est  d'autres  ressources  qui  n*ont  pu  exercer  sur  la  chapellerie 
aixoise  qu'une  influence  passagère  ou  qui  ne  se  sont  révélées 
que  plus  tard. 

Autrefois,  tous  les  environs  d'Aix  étaient  boisés  et,  à  travers 
les  collines,  les  chasseurs  devaient  trouver  un  gibier  facile,  ce 
qui  permettait  aux  chapeliers  d'obtenir  le  peu  de  poils  qui  leur 
était  alors  nécessaire,  de  première  main  et  à  bon  marché. 

Aujourd'hui,  au  contraire,  si  l'on  a  conservé  dans  l'arron- 
dissement d*Aix  un  culte  profond  pour  la  chasse  et  si  le  nom- 
bre des  chasseurs  y  est  un  des  plus  considérables,  par  rapport 
au  chiffre  de  la  population  (il  est  délivré  plus  de  six  mille  per- 
mis de  chasse  par  an),  c'est  bien  plutôt  pour  satisfaire,  par  ce 
sport,  un  besoin  d'activité  et  peut-être  aussi  parce  que  le  Pro- 
vençal trouve  là  comme  un  prétextée  des  récits  d'exploits  ima- 
ginaires. En  même  temps  que  le  gibier  tendait  ainsi  à  devenir, 
de  plus  en  plus,  un  mythe,  les  besoins  de  la  chapellerie  aug- 
mentaient de  telle  sorte  qu'aujourd'hui,  on  peut  dire  que  tous 
les  poils  utilisés  par  les  usines  àixoises  sont  demandés  à 
l'étranger. 

Aix,  enfin,  doit  son  antique  renommée,  môme  son  nom,  à 


*  Le  prix   du   colis-postal  de    10  Lil.  étant  de  i  fr.  23,  le  transport  de 
chaque  chapeau  revient  ainsi  de  o  fr.  o35  à  ofr.  o55. 


—  85h  — 

rexisicnce  d  cau\  ihcrmales.  Il  se  pcui  que  ces  eaux  aient 
éié  une  sorte  de  rovclaiion  pour  ritidustrie  de  la  chapellerie  à 
ses  débuis,  ci  que  les  chapeliers  aient  trouvé  dans  la  chaleur 
decciieaux  un  moyen  d'améhorer  le  feuirage, 

En  tout  cas,  rcxistence  deceseaux  n  exerce  plusaujourd'huî'" 
aucune  mlîuencc  sur  i'indusirie  de  la  chapellerie  à  Aix;  elle 
ne  crée  aucun  avantage  en  faveur  des  usines  aixoises  qui  peu- 
vent se  procurer  la  chaleur  cl  Teau  chaude  par  des  moyens 
moins  primitifs. 

Cependant,  si  la  chapellerie  aixoise  ne  trouve  plus  dans  ce 
eaux  le  privilège  dont  elle  a  peut-être  prohté  autrefois,  en 
revanche,  elle  a  su  utiliser  Ténergie  des  eaux  du  canal  du 
Verdon.  Depuis  que  Ce  canal  a  été  creuse,  la  ville  d'Aix  oflrc 
à  Tindusirie  une  puissance  hydraulique  dont  on  peut,  sans 
beaucoup  de  frais,  tirer  parti.  Aussi,  quand  MM.  Gianoiti  et 
Gasiâud  ont  fondé  la  «  Société  Nouvelle  de  Chapellerie 
aixotse  )»,  ont-ils  abandonné  l'ancien  local  qu  occupait  U 
vieille  fabrique  pour  construire  leur  usine  en  contre-bas  de  la 
montée  d'Avit^non  et  emprunter  ainsi  la  force  motrice  à  Icau 
lombanl  d'un  canal  dérivé  du  Verdon  par  une  chute  de  8  mê^^ 
très  de  hauteur. 


Les  ressources  qu'autrefois  surtout,  la  ville  d'Aix  ofTrait  à 
l'industrie  de  la  chapellerie  permettent  d'expliquer  qu'elle  s'y 
soit  installée  d*assez  bonne  heure  *. 

C  est  sans  doute  de  Marseille  que  sont  venus  les  prcmie 


*  Nous  ne  fiiisoiis.  h  ce  point  de  vue  hisioriqtjc,  que  de  très  brèfet 
observations.  Nous  viendrions  trop  urd  et  trop  loin  «près  M.  Valno» 
professeur  aa  lycée  d'Aix^  docteur  es-lettres,  sur  les  conseils  bienvetllmnts 
de  qui  nous  nous  sommeîi  permis  de  faire  cette  coramunicanon.  M.  VaJrén. 
en  effets  SI  nos  renseiKnements  sont  exacts,  dou  donner  4U  Congres  11 
primeur  de  ses  recherches  sur  l'histoire  des  méiicrs  en  Provence 
avAnt  1789. 


-857- 

ouvriers  chapeliers.  Cette  ville,  en  effet,  donnait  asile  à  cette 
industrie  depuis  longtemps.  Un  mémoire  rédigé  vers  1735  ren- 
seigne sur  son  état  de  prospérité  à  cette  époque.  «  Il  y  a  dans 
Marseille,  y  lit-on,  plus  de  3. 000  ouvriers  employés  aux  fabri- 
que de  chapeaux.  Le  principal  débit  de  ces  chapeaux  se  fait 
pour  les  pays  étrangers.  Il  s'y  envoie  de  Marseille  plus  d'un 
million  de  livres  chaque  année,  or  il  s'y  consomme  tant  pour 
les  chapeaux  envoyés  à  l'étranger  que  pour  ceux  débités  ailleurs 
plus  de  100.000  écus  par  an  de  poils  de  lapins  et  de  lièvres.  ^ 
Cependant  cette  prospérité  se  trouva  menacée,  quelques  années 
après,  par  une  mesure  du  contrôleur  général  des  finances  prohi- 
bant l'introduction  de  la  lie  du  vin.  C'est^ce  que  signale  une 
protestation  des  fabricants  de  chapeaux  :  «  Les  fabriques  de 
chapeaux  se  sont  très  fort  multipliées  dans  Marseille  ;  elles 
fournissent  des  chapeaux  à  l'Italie,  à  TEspagne  et  aux  îles 
Françaises.  Cette  branche  d'industrie  etdu  commerce  donne  du 
pain  à  une  foule  de  citoyens  et  de  grands  avantages  au  public. 
Mais  cette  fabrication  ne  peut  se  faire  sans  le  secours  de  la  lie 
du  vin.  Depuis  longtemps,  la  lie  du  vin  qui  procède  du  terroir 
de  Marseille  est  insuffisante.  On  en  fait  venir  de  la  province 
soit  par  mer,  soit  par  terre.  Jamais  on  n'avait  eu  l'idée  de 
prohiber  l'introduction  de  cette  matière.  Cependant  le  fermier 
des  fermes  s'oppose  aujourd'hui  à  ce  transport  sous  ce  prétexte 
que  Marseille  est  ville  étrangère.  Mais  Marseille  est  une  ville  à 
part  et  séparée  du  corps  de  la  province  sans  être  étrangère  du 
royaume  »  (3o  novembre  1773)  ^ 

Cette  mesure  douanière  n'a  peut-être  pas  été  sans  influence  sur 
l'établissement  de  la  chapellerie  à  Aix,  où  elle  ne  pouvait  être 
applicable.  Il  se  peut  encore  que  les  ouvriers  chapeliers  soient 


*  Ce  document,  comme  le  précédent,  est  signalé  dans  V/npentaire  des 
archives  historiques  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Marseille,  pp.  461 
et  452. 


—  858  - 

venus  chercher  dans  cette  ville  un  peu  de  l'indépendance  et  de 
la  liberté  que»  sans  doute»  leur  refusait  la  corporation  marseil 
laise.  dont  la  discipline,  plus  ancienne,  devait  se  faire  sentir 
plus  étroitement,  La  vie  aussi  y  était  moinschère*  etlesdébou- 
chés  du  marché  local,  assez  larges  grâce  à  la  fortune  de  la  no- 
blesse et  du  parlement*  Avec  cela,  les  relations  restaient  faciles 
avec  les  pays  étrangers. 

En  tout  cas,  Toriginede  la  chapellerie  à  Aix  remonte  âss« 
loin*  car,  si,  dans  les  règlements  de  police  de  1569  et  de  ifi4Îp 
il  n'est  pas  parlé  expressément  des  chapeliers,  tout  au  moins 
leur  était  applicable  la  défense  faite  parlarticle  63  de  m  Tarrcst 
sur  la  police  de  la  vSle  et  cité  d'Aîx  du  6  septembre  1569  >>.  «de 
ne  brûler  charbon  de  pierre  hormis  charbon  de  Languedoc  sous 
peine  de  So  livres  et  confiscation  du  charbon  ^.  Un  arrêt  du 
parlement  du  20  octobre  1768  dut,  en  effet»  intervenir,  sur  la 
requête  des  fabricants  de  chapeaux,  pour  lever  la  prohibition 
et  permettre  l'usage  du  charbon  de  pierre  sans  aucune  resiric- 
lion. 

Enfin,  dans  son  livre  si  curieux  sur  T histoire  des  «  Rufts 
dWix  ^,  Roux-Alphéran  mentionne  parmi  les  voies  les  plus 
anciennes  la  rue  «  deis  Capeliés  3#,  où,  suivant  lui,  devaient 
être  rassemblés  tous  les  compagnons  du  métier. 

Jusque  vers  1875,  la  chapellerie  a  connu  a  Aix  une  grande 
prospérité*  Le  chapeau  aixois  jouissait  d'un  tel  renom  que  les 
fabricants  parisiens  étaient  venus  établir  dans  cette  ville  plu- 
sieurs usines,  de  manière  à  faire  profiter  leurs  produits  de  la 
marque  aixoise  :  les  maisons  Haas  et  Leduc,  notamment, 
avaient  à  Aix  des  succursales  très  importantes  qui  employaicm 
plusieurs  centaines  d'ouvriers. 

Il  n'en  est  plus  ainsi  actuellement  ;  la  décadence  est  venue 
rapide,  foudroyante  et.  au  moment  où  nous  donnons  la  der- 
nière main  à  notre  étude.  c*est  presque  une  oraison   iuncbre 


-  859  - 

qu'il  nous  faut  écrire.  A  notre  sens,  la  principale  cause  de 
cette  ruine  réside  dans  le  progrès  industriel  qui  s'est  accompli 
dans  ces  trente  dernières  années  et  dans  la  concentration  ca- 
pitaliste qui  en  a  été  la  conséquence. 

Etablis  depuis  plusieurs  siècles  peut-être  à  Aix,  les  chape- 
liers ont  souffert  d'avoir  une  histoire.  Leur  industrie  n'a  pu 
s'assimiler  les  perfectionnements  modernes  aussi  vite  que  les 
fabriquesqui  se  sont  créées  à  l'étranger  en  même  temps  que  ces 
perfectionnements  étaient  découverts.  L'habileté  manouvrière 
de  l'artisan  aixois  a  cru  pouvoir  triompher  de  la  vitesse  méca- 
nique du  travai^l  anonyme,  et  ce  fut  son  erreur. 

Le  machinisme  moderne,  en  effet,  a  pénétré  dans  l'indus- 
trie de  la  chapellerie  comme  dans  toutes  les  autres.  Il  est  utile, 
à  cet  égard,  de  mettre  en  lumière  l'évolution  delà  production 
d'abord  manuelle,  puis  aidée  d'outils  rudimentaires,  enfin  mé- 
canique. 

Le  chapeau  est  fait  d'un  tissu  de  poils  agglomérés  et  entre- 
lacés. Avant  la  construction  proprement  dite  du  chapeau,  il  est 
donc  indispensable  de  faire  subir  diverses  préparations  préala- 
bles aux  poils  qui  entreront  dans  sa  composition.  En  premier 
lieu,  on  procède  à  r«  arrachage  »  et  au  «  coupage  ^, 

L*« arrachage  »se  faisait  autrefois  à  la  main.  Assis  sur  un 
petit  tabouret,  1'*  arracheur  )►  étend  la  peau  sur  un  chevalet,  le 
poil  en  dehors;  pour  l'y  fixer,  il  se  sert  d'une  corde  de  chanvre, 
dont  les  extrémités,  terminées  par  une  boucle,  sont  passées 
sous  chacun  de  ses  pieds.  Il  enlève  le  jarre  avec  une  plane  à 
double  tranchant. 

La  peau  est  alors  remise  à  la  «  repasseuse  ^  qui  achève  d'ar- 
racher le  poil  que  la  plane  n'a  pas  pu  enlever.  La  repasseuse 
travaille  assise,  tient  la  peau  assujettie  entre  ses  genoux  et  un 
objet  fixe,  et  emploie  un  couteau  à  lame  droite  emmanchée  à 
la  manière  d'un  tranchet  de  cordonnier. 


—  86o  — 

Une  balle  de  castor  peut  être  ainsi  arracF 
deux  jours.  Lu  peau,  d'abord  bailue  avec  des  baguettes  qui  en 
font  sortir  la  terre,  est  à  ce  moment  donnée  à  Vm  arracheuse» 
qui,  rebroussant  et  coupant  le  poil  avec  un  couteau  semblable 
à  celui  de  la  repasseuse,  enlève  le  poil  grossier  moins  adhérent 
que  le  poil  plus  fin. 

Alors  la  peau  est  soumise  à  une  opération  destinée  à  donner 
la  qualité  feutrante  aux  poils  ou  à  Taugmcnter  C'est  le  «  secrc- 
tagc  >,  :?ppelé  de  ce  nom  à  cause  du  mystère  dont  il  était  en- 
Lourc  à  l'origine  et  du  soin  jaloux  que  les  corporations  mettaient 
à  garder  leur  ^  secret  », 

La  peau  est  étendue  sur  rétabli»  le  poil  en  dehors,  et,  avec 
une  brosse  de  poils  de  sanglier  qu*il  tient  par  un  manche  et 
qu'il  trempe  Icgèrcoicni  dans  une  terrine  contenant  la  prépa- 
ration, l'ouvrier  frotte  à  plusieurs  reprises  les  parties  de  la  pcaii^ 
qu'il  veut  sécréter. 

Les  peaux  sécrétées  et  séchées  sont  remises  aux  «  coupcu- 
SCS  »*  La  coupeuse  travaille  debout  devant  un  établi  sur  lequel 
est  étendue  la  peau.  Avec  une  petite  carde  ou  #t carrelet  »,  elle 
décatit  le  poil  encore  colle,  puis  avec  un  ^  couteau  »,  sorte  de 
ciseau  à  lame  oblique,  elle  le  coupe  à  la  racine. 

Il  ne  reste  plus  qu'à  ^  baguetter  »  et  «  carder  »  le  poiL  Ces 
deux  opérations  sont  dans  les  attributions  du  «  cardeur  »,  A 
lorigine,  la  première  quia  pour  but  de  séparer  les  poilsqui  ^q 
sont  pelotonnés  dans  les  tonneaux  où  on  les  a  renfermés  après 
le  coupage^  se  faisait  à  Taide  de  simples  baguettes  maniées 
habilement  par  1  ouvrier.  Mais  vers  1760,  un  instrument  est 
imaginé  qui  facilite  la  lAche  :  c'est  le  <i  violon».  Il  est  composé 
ordinairement  de  seize  cordes  dxées,  à  égales  distances  les 
unes  des  autres,  à  une  de  leurs  extrémités  à  un  barreau  de  bois 
attaché  au  mur  par  deux  crochets,  et  à  l'autre  extrémité  à  une 
tige  de  bois  courbé  perpendiculairement^  à  laquelle  est  un  man- 


—  86i  — 

che  long  de  60  centimètres.  L'ouvrier,  debout,  prend  Tinstru- 
ment  à  deux  mains  par  le  manche  et  frappe  les  poils  entassés, 
à  coups  redoublés,  au  moyen  des  cordes  de  l'instrument*    ' 

Le  cardage  peut  commencer.  Il  consiste  à  ouvrir  les  flocons 
de  poils  qui  n'ont  point  été  séparés  par  le  violon  à  Taide  de 
deux  instruments  appelés*  cardes  »  qui,  munis  de  pointes,  dU 
visent  les  poils. 

Le  poil  étant  ainsi  préparé,  on  peut  commencer  la  construc- 
tion du  chapeau  qui  comprend  trois  moments  :  la  préparation 
des  capades,  l'assemblage  des  capades,  la  mise  en  forme  du 
chapeau.  Jusque  vers  i865,  toutes  ces  opérations  se  faisaient  à 
la  main  ou  à  Taide  d'instruments  rudimentaires. 

Les  «  capades  »  sont  les  parties  dont  se  compose  le  chapeau 
qui  en  compte  ordinairement  quatre,  d'égales  dimensions. 

La  capade  est  obtenue  à  l'aide  de  «  l'arçon  ».  L'arçon  est  une 
perche  de  2"5o  de  long,  terminée  à  une  de  ses  extrémités  par 
une  pièce  de  bois  en  forme  de  bec  de  corbin  et  à  l'autre  par 
une  planchette  rectangulaire  percée  à  jour,  le  «  panneau  ». 
Fixés  d'un  côté  à  la  perche,  le  bec  de  corbin  et  le  panneau  sont 
reliés  de  l'autre  par  une  corde  que  l'on  peut  tendre  plus  ou 
moins  au  moyen  de  diverses  chevilles  placées  au  revers  de  la 
perche  à  hauteur  du  bec  de  corbin.  La  corde  est  mise  en  jeu 
par  la  «  coche  »,  fuseau  en  buis  dont  chaque  extrémité  est  ter- 
minée par  un  bouton  arrondi. 

Au  moyen  d'une  corde  attachée  au  plafond,  l'arçon  est  sus- 
pendu à  quelques  centimètres  au-dessus  d'un  établi  couvert 
d'une  claie  d'osier  fin  qui  laisse  passer  les  poussières  que  con- 
tient le  poil.  L'établi  est  accolé  à  une  fenêtre  et  encastré  entre 
deux  cloisons  d'osier  qui  se  courbent  un  peu  l'une  et  l'autre 
vers  le  haut  pour  retenir  les  poils  qui  se  dissipent. 

L'ouvrier  passe  la  main  gauche  dans  une  poignée  de  cuir 
fixée  au  tiers  de  la  longueur  de  l'arçon.  De  la  main  droite,  il 


—  862  — 

tient  la  coche,  accroche  la  corde  de  Tarçon  avec  le  bouton,  la 
tire  à  lui  jusqu'à  ce  que,  glissant  sur  ta  rondeur  du  bouton,  elle 
échappe  et  se  mette  à  vibrer. 

L'ouvrier  combine  les  mou%^ements  delà  coche  de  deux  ma- 
nières différentes,  suivant  qu'il  «  bat  »  ou  #t  vogue  *  Tétoffe  de 
la  capadeV 

L*ouvrier  commence  par  battre.  Dans  ce  but,  il  place  le  poil 
qui  doit  entrer  dans  la  capade  au  milieu  de  rétabli,  y  fait  entrer 
la  corde  de  Tarçon  et,  à  grands  coups  de  coche,  la  met  en  jeu  ; 
ainsi  les  poils  se  séparent  les  uns  des  autres  et  s'éparpillent  sur 
l'établi. 

Alors  l'ouvrier  vogue  rétoffe,  c  est-à-dire  qu'au  moyen  des 
vibrations  de  la  corde  de  Tarçon,  il  transporte  les  poils  de  la 
droite  à  la  gauche,  les  y  rassemble,  puis  manœuvre  Tinstru- 
ment  de  telle  sorte  qu'après  avoir  fait  voler  en  l'aîr  les  poils  aux 
flocons  très  subtils,  il  les  envoie  se  déposer  sur  la  droite  dans 
un  espace  d'une  certaine  grandeur  qui  affecte  la  forme  d'un  sec- 
teur de  la  dimension  de  la  capade.  Encore,  dans  cette  sorte  de 
tir  à  l'ar^^on,  l'ouvrier  doit-il  avoir  soin  d'amasser  plus  de  poils 
au  sommet  du  secteur  que  sur  ses  bords.  Le  dessin  est  ensuite 
rectifié  avec  le  «.  clayon  »,  sorte  de  petit  treillis  en  osier  serré, 
surmonté  en  son  milieu  d'une  poignée»  et  le  poil  se  trouve  ras- 
semblé en  une  masse  floconneuse d*un  demi-mètre  de  hauteur 
environ.  Il  s'agit  désormais  de  *  feutrer  »  le  poil,  c'esi-à-dire 
de  rapprocher  tous  les  poils  et  de  multiplier  entre  eux  les  points 
de  contact. 

Un  premier  feutrage,  encore  timide,  est  donné  au  moyen 
du  clayon  que  l'ouvrier  appuie  d'abord  légèrement,  puis  plus 


^  Ci^Lte  manœavrê  onginj^le  de  Tarçoo  nous  A  été  eipUquée,  dans  ses 
pittoresques  détails,  par  M-  Esquier,  ch:f  de  fibrication  à  la  Société 
aonTclIe  de  chapellerie,  qui  ï*a.  prâùquée  JuI-mémeT  U  n'y  a  guère  pJasde 
trente  ân?«  d^ns  Tune  dt^  usines  itxoises. 


—  863  — 

fortement  sur  le  poil  amassé  dans  le  secteur.  La  capade  ressem- 
ble alors  à  un  morceau  de  ouate  triangulaire. 

Le  feutrage  s'accentue  quand  l'ouvrier  «  marche  la  capade 
avec  la  carte  ».  «  Marcher  la  capade  avec  la  carte»,  c'est  la  cou- 
vrir d'un  carré  de  cuir  et  presser  dessus  avec  les  deux  mains, 
qu'on  applique  successivement  sur  toutes  les  parties,  des  deux 
côtés  de  la  capade  alternativement,  jusqu*à  ce  que  le  feutrage 
soit  suffisant. 

Quand  on  a  obtenu,  de  la  même  manière,  quatre  capades, 
on  peut  procéder  au  «  bastissage  »  du  chapeau. 

Bastir  le  chapeau,  c'est  assembler  les  capades  par  le  feutrage. 

Le  bastissage  a  lieu  sur  une  table  placée  en  face  d'une  fenêtre. 
L'ouvrier  étendant  la  «  feutrière  »,  morceau  de  toile  légèrement 
humide,  déploie  sur  elle  une  des  capades  et  la  couvre  d'un  mor- 
ceau de  papier  épais  ou  «  lambeau  »  plus  petit  que  la  capade, 
mais  de  même  dessin  qu'elle.  Les  bords  de  la  capade  sont 
rabattus  sur  le  papier,  puis  la  seconde  capade  est  appliquée  sur 
la  première  et  rabattue  de  la  même  manière.  L'ouvrier  marche 
alors  les  deux  capades  jusqu'à  ce  qu'elles  soient  intimement 
liées.  On  a  ainsi  une  sorte  de  sac  pointu  que  les  deux  autres 
capades  vont  servir  à  doubler  et  à  renforcer.  Dans  ce  but,  l'ou- 
vrier «  décroise  »  le  sac,  c'est-à-dire  que  ses  arêtes  se  trouvent 
déplacées  et  viennent  au  milieu,  tandis  que  celui-ci  passe  au 
bord  '.  La  trorsièmc  capade  est  appliquée  sur  le  sac  ;  celui-ci 
est  retourné  et  la  capade  rabattue  sur  lui  ;  puis  on  pose  la  qua- 
trième capade,  on  retourne  le  sac  et  on  rabat  de  la  même  ma- 
nière. On  remet  le  lambeau  et  on  marche,  jusqu'à  ce  que  le  sac 
définitif  soit  adhérent  dans  toutes  ses  parties. 


*  Le  décroisemeat  a  pour  but  de  maintenir  une  répartition  de  poils 
sensiblement  identique  sur  toutes  les  parties  du  chapeau.  C'est  en  effet 
sur  les  arêtes  primitives  qu'avaient  été  rabattues  les  deux  premières  capa- 
des. 


^  864  — 

la  niitic  en  tûrme  du  chapeau  déÉ 
par  la  <c  foule  ». 

L'appareil  qui  scn  à  ia  foule  ressemble  assez  à  un  lavoir.  Le 
bassin  est  représenté  par  une  chaudière  posée  sur  un  tourneau 
en  maçonnerie.  Sur  ses  bords  se  irouvcni  les  *  bancs  )»  de  tbulc 
ou  planches  inclinées  sur  lesquelles  l'ouvrier  foule  le  feutre. 

Le  bastissagc  est  trempé  dans  le  bassin  qui  contient  de  Tcau^ 
mélangée  à  de  la  lie  de  vin.  L'ouvrier  l'y  enfonce,  Vy  remue* 
le  retire  et  le  presse  sur  le  banc  avec  un  rouleau  de  bois  ou 
«t  roulei  >*,  autour  duquel  il  l'entoure-  Et  il  foule  ainsi  un  cer- 
tain temps,  en  décroisant  de  temps  à  autre  le  bastissagc.  Jl 
foule  d*abord  mollement,  parce  que  le  feutre  est  encore  lâche, 
puis,  avec  plus  de  vigueur  à  Taide  de  «  maniqucs  9,  vieilles 
chaussures  dont  on  a  retranché  les  talons  et  une  partie  de  rem- 
peigne. 

La  foule  prend  fin  au  bout  de  quatre  heures  environ,  lecht'^ 
peau  est  alors  en  «c  cloche  »*  Il  s  agit  de  le  «  dresser  ^,  c*esc-i* 
dire  de  lui  donner  la  forme  définitive.  La  cloche  est  «t  mi^een 
coquille  ^.  diminuée  de  hauteur,  puis  posée  sur  la  <t  forme  », 
sorte  de  morceau  de  bois  cylindrique,  à  diamètre  variable,  sui- 
vant les  pointures. 

Le  chapeau  est  ensuite  teint,  puis  «c  apprêté  ^,  ou  enduit 
d'une  gomme  destinée  à  lui  donner  une  résistance  plus  grande. 
Cl»  quand  il  est  sec,  «  l'approprieur  3*»  après  Tavoir  brossé  avec 
de  Teau  froide,  le  repasse  avec  un  fer  chaud.  Il  ne  reste  plus 
enfin  qu'à  le  remettre  à  la  ^tgarnisseuse  1»  qui  met  la  coifleei 
pose  le  ruban. 


Telle  était,  il  y  a  à  peine  cinquante  ans,  la  manière  de  fabri- 
quer k  chapeau.  Toutes  les  opérations  étaient  faites  A  la  maia, 
ou  à  Taide  d'instruments  rudimcntaircs.  Il  y  avait  ainsi  un  véri- 
table art  de  la  chapellerie  et  il  devait  être  pittoresque,  l'ouvrier 


-  865  - 

dont  le  jeu  de  Tarçon  était  une  vraie  stratégie,  ou  le  compagnon 
employé  à  l'assemblage  savant  des  capades.  Les  mouvements 
étaient  si  complexes,  le  maniement  des  outils  si  délicat,  que 
l'on  pouvait  difficilement  concevoir  Tintervention  des  machi- 
nes. Et  cependant,  là  comme  ailleurs,  la  substitution  du 
mécanique  à  l'habile  s'est  produite,  ingénieuse  et  générale. 

Dans  son  numéro  du  i"  août  1862,  Le  Moniteur  de  la  Cha- 
pellerie signale  l'apparition  de  machines  à  étirer,  à  couper  les 
peaux,  à  souffler  les  poils,  de  tondeuses,  de  presses  pour  les 
bords  des  chapeaux.  Mais  il  ne  s'agissait  encore  que  d'instru- 
ments perfectionnés,  plutôt  que  de  véritables  machines. 

Un  premier  progrès  fut  réalisé  par  l'arçon  mécanique  dû  à 
l'invention  de  M.  Caillet,  industriel  à  Séez. 

L'arçon  était  composé  d'un  gros  cylindre,  à  l'intérieur  duquel 
se  trouvait  un  grand  ventilateur  muni  de  coches  qui  pinçaient 
neuf  cordes  à  boyaux  traversant  le  cylindre.  Le  poil,  entrant 
d'un  côté  du  cylindre,  se  trouvait  vogué  par  les  vibrations  des 
cordes  et  porté  par  le  ventilateur  intérieur  vers  la  sortie  où  se 
trouvait  un  deuxième  ventilateur  plus  petit  qui  distribuait  le 
poil  sur  la  table  d'arçon  d'une  manière  uniforme  à  travers  une 
rangée  de  cordes  à  boyaux  à  peine  touchées  par  de  f)etites  coches. 
Sur  le  fond  de  cette  table,  formé  d'un  châssis  en  toile  métal- 
lique assez  fin  pour  arrêter  le  poil,  reposait  le  moule  destiné  à 
produire  le  bastissage.  Un  courant  d'air,  produit  par  les  venti- 
lateurs placés  au-dessous  de  la  table  d'arçon,  attirait  les  poils 
sur  le  châssis  métallique. 

En  1866,  l'arçon  mécanique  put  être  adapté  à  un  moteur  à 
vapeur  ou  hydraulique. 

Depuis,  les  progrès  ont  été  rapides  et  aujourd'hui  l'industrie 
de  la  chapellerie  utilise  un  outillage  des  plus  perfectionnés. 
Nous  devons  à  Taimable  et  précieuse  obligeance  de  M.  Coq, 
ingénieur-constructeur  à  Aix,  dont  nous  n'avons  pas  craint 

CONORÉ.S  —  66 


1 


—  866  - 

d'abuser,  les  divers  renseignements  que  nous  allons  fournir 
sur  l'état  actuel  de  la  technique  de  cette  industrie. 

La  peau  sèche  est  d'abord  humectée  pour  l'assouplir,  puis 
passée  dans  deux  fourches  de  fer  qui  rappellent  celles  dont  se 
servent  les  gantiers  pour  ouvrir  les  doigts  des  gants  :  la  peau 
s'écarte  et  on  la  fend  à  l'endroit  du  ventre.  Puis  les  peaux  sont 
soumises  à  l'arrachage  du  gros  poil  et  au  secrétageque  l'on  fait 
encore  à  la  mam.  M.  Maumey  avait  construit  une  machine 
destinée  à  faire  mécaniquement  le  secrétage^  mais  l'appareil  ne 
s'est  pas  répandu. 

Vient  alors  le  «  rancletage  »  qui  consiste  à  ramener  tous  les 
poils  dans  le  même  sens,  en  faisant  passer  entre  deux  rouleaux 
garnis  de  laine,  les  peaux  dont  l'extrémité  se  prend  entre  un 
cylindre  et  une  brosse. 

Le  coupage  est  obtenu  par  une  machine  composée  d'un  cy- 
lindre portant  des  lames  qui  prennent  la  peau  et  en  coupent 
les  poils  par  petites  largeurs. 

Le  soufflage  du  poil  est  la  dernière  opération  que  nécessite 
sa  préparation.  On  fait  usage  d'une  machine  dont  les  organes 
lancent  à  grande  vitesse  dans  un  conduit  le  poil  qui  s'ouvre  et 
se  débarrasse  de  ses  impuretés  avant  de  tomber  en  flocons  dans 
une  chambre  où  on  le  recueille.  La  souffleuse  se  compose  d'une 
toile  sans  fin,  sur  laquelle  est  déposé  le  poil  qui  se  trouve  pris 
entre  deux  cylindres  et  envoyé  par  un  batteur  dans  un  conduit 
horizontal  puis  vertical  qui  revient  sur  lui-même  dans  une 
chambre. 

Après  ces  manipulations  préparatoires,  le  poil  passe  par  plu- 
sieurs machines  avant  de  devenir  un  chapeau. 

C'est  d'abord  la  bastisseuse.  Le  poil  posé  sur  une  toile  sans 
fin  est  pris  par  deux  petits  cylindres  et  présenté  à  un  hérisson 
animé  d'un  mouvement  circulaire  qui  divise  les  poils  en  pro- 
duisant un  véritable  arçonnage.  Une  deuxième  toile  sans  6n 


—  867  — 

les  conduit  à  une  nouvelle  arçonneuse,  d'où  ils  sont  lancés  sur 
un  cône  récepteur,  percé  de  trous,  placé  sur  un  porte-cône  animé 
d'un  mouvement  lent  autour  de  son  axe.  Un  ventilateur  aspirant 
produit  un  vide  sous  le  cône  et  favorise  l'arrivée  des  poils  sur 
ses  trous.  Lorsque  le  cône  est  couvert  de  la  quantité  de  poils 
voulue^  on  fait  arriver,  sur  le  cône  qui  continue  à  tourner,  une 
pluie  d'eau  bouillante,  au  moyen  d'un  injecteur  adhérent  aux 
parois  de  la  chambre  métallique  qui  contient  le  cône. 

Le  bastissage  est  enlevé  du  cône  et  porté  au  simoussage.  La 
simousseuse  fait  passer  le  bastissage  entre  deux  rouleaux  où 
circule  de  la  vapeur  et  le  ballotte  dans  un  mouvement  de  va  et 
vient. 

Après  le  simoussage,  le  bastissage  peut  être  foulé.  Il  existe 
pour  cette  opération  des  fouleuses  mécaniques.  La  fouleuse  se 
compose  de  deux  séries  de  cylindres  superposés,  entre  lesquels 
on  place  les  bastissages.  Ces  cylindres  possèdent  à  chaque  étage 
des  mouvements  de  rotation  en  sens  inverse,  et  un  mouvement 
alternatif  de  va  et  vient.  Pendant  le  foulage,  le  mouillage  est 
opéré  par  un  courant  de  vapeur  qui  entraîne  l'eau  à  une  tem- 
pérature voisine  de  lOO". 

Le  chapeau  est  en  cloche.  Pour  le  dresser,  on  met  la  cloche 
sur  un  appareil  qui  a  pour  but  de  faire  le  fond  du  chapeau. 
Il  se  compose  de  dix  ailettes  en  bronze  retenues  au  repos  au 
nr.oyen  d'une  bague  en  caoutchouc.  On  place  la  cloche  sur  les 
ailettes  ainsi  réunies,  puis  on  écarte  les  ailettes,  en  même  temps 
qu'un  robinet  envoie  de  la  vapeur  sous  la  cloche. 

De  la  machine  à  dresser  les  lôtcs,  la  forme  passe  à  celle  à 
dresser  les  bords.  La  cloche  étant  posée  sur  des  lames  qui  on^ 
la  forme,  dans  leur  ensemble,  des  bords  du  chapeau,  on  la 
couvre  avec  d'autres  lames  qui  ont  la  même  disposition,  mais 
tombent  dans  les  intervalles  laissés  par  les  premières.  La  ten- 
sion qui  en  résulte  produit  retirage  des  bords  qu'un  courant 
de  vapeur  facilite. 


-c  chapeau  esi  séché  à  l'étuve,  puis  poncé  mécaniquement. 
La  ponceuse  consiste  en  une  cuve  en  tonte  à   l'inicrieur  dcj 
laquelle  est  une  forme  en  bois  lîxée  sur  un  pivot  et  garnie  d'util 
manchon  en  feutre.  A  Taide  de  roues  et  d*engrenagcs,  cette 
forme  est  animée  d'un  mouvement  rapide  de  rotation.  Pendant 
qu'elle  tourne,  une  femme  appuie  sur  le  chapeau  pose  sur  la 
forme  un  tampon  en  caoutchouc,  dont  le  dessous  est  garni  de, 
papier  émcri  ;  sous  l'action  de  ce  papier»  le  duvet  de  chapeau^ 
tombe  en  poussière  et  se  trouve  attiré  par  un  aspirateur  appli- 
qué contre  le  porte-chapeau.    Le   dessus  une  fois  ponce»  oo 
enlève  le  chapeau  de  la  forme,  on  le  pose  dans  ta  matrice  en- 
dessous  et  on  ponce  de  la  même  manière  le  dessous. 

Le  dressage  définitif  du  chapeau  est  obtenu  au  moyen  d'une 
presse  dont  îes  matrices  sont  la  reproduction  de  la  forme  qu'on 
veut  donner  au  chapeau. 

Les  chapeaux  sont  enfin  bordés  à  laide  de  machines  à  cou- 
dre. 

Tel  est>  rapidement  esquissé  dans  ses  traits  généraux.  Tétai 
de  la  technique  de  Undustrie  chapelière.  Ainsi  qu*on  a  pu  le 
constater*  la  substitution  de  la  machine  à  Touvrierest  presque 
complète.  Les  effets  généraux  de  cette  transformation  ont  été 
considérables.  La  production  a  pris  un  caractère  nettcmcni 
capitaliste  ;  le  compagnon  et  l'artisan  ont  dû  céder  le  pas  à  Tin- 
dustriel  détenteur  de  capitaux  puissants.  Les  machines  nou- 
velles exigent  des  locaux  spacieux  ;  surtout  leur  achat  constitue 
une  dépense  de  première  mise  importante,  puisqu*ei le  approche 
de  25.000  francs,  d'après  les  catalogues  de  iM.  Coq,  H  en  est 
résulté  aussi  un  accroissement  considérable  de  la  production. 
Avec  la  machine  à  brosser  les  peaux,  une  femme  seule  peut 
brosser  jusqu'à  i.5oo  peaux  par  jour,  La  coupeusc  permet  de 
couper  1*200  peaux  par  jour,  la  soullleusede  soutHer  100  ki* 
losde  poils  par  jour.  Avec  la  bastisseuse*  on  obtient  de  400  à 


^  869  — 

5oo  bastissages  par  jour  que,  dans  le  même  temps,  semousse 
la  semousseuse.  La  production  journalière  de  la  fouleuse  est 
de  25o  chapeaux,  celle  de  la  ponceuse  d'une  centaine.  Ces 
effets  généraux  à  l'industrie  de  la  chapellerie  n'ont  pas  été  sans 
s'accompagner  d'effets  particuliers,  dont  souffre  et  meurt  au jour- 
d'hui  l'industrie  aixoise. 

§  II.  —  LES  CONSÉQUENCES  DE  LA  CRISE 

L'action  de  ces  diverses  causes  aexercé  une  profonde  influence 
sur  l'industrie  aixoise  de  la  chapellerie.  Les  progrès  accomplis 
dans  la  technique  ont  fait  des  fabriques  d'Aix  les  victimes  d'un 
renom  qui  leur  conseillait  la  routine,  en  même  temps  qu'ils 
élargissaient  la  production  et  donnaient  aux  pays  étrangers 
la  possibilité  de  se  suffire  et  même  la  tentation  de  venir  concur- 
rencer les  produits  français  sur  notre  propre  marché  national. 

On  peut  étudier  ces  conséquences,  au  regard  de  la  chapelle- 
rie aixoise,  à  trois  points  de  vue,  quant  à  la  production,  quant 
aux  débouchés,  quant  aux  ouvriers. 

r  Quant  à  la  production. 

Vers  1875  encore,  la  situation  de  la  chapellerie  était  très  pros- 
père à  Aix.  On  y  comptait  plus  de  douze  fabriques,  dont  quel- 
ques-unes très  importantes.  La  maison  Coupin,  installée  sur 
les  bords  de  l'étang  de  Berre,  occupait  quinze  cents  ouvriers; 
la  maison  Leduc,  à  Aix,  environ  quatre  cents;  la  maison  Haas, 
de  trois  cents  à  trois  cent  cinquante.  Il  est  loin  d'en  être  ainsi 
aujourd'hui. 

Ce  n'est  cependant  pas  faute  d'avoir  lutté,  avec  courage  et 
intelligence  parfois.  Les  premiers  en  France,  MM.  Coq  et  Dra- 
gon établissent,  à  Aix,  en  1862,  une  bastisseuse  mécanique  qui 
devait  être  la  machine  de  l'usine,  tandis  que  l'arçon  mécanique 
de  M.  Caillet  ne  pouvait  être  employé  que  par  les  petites  entre- 
prises. De  son  côté,  M.  Leduc  achetait  à  la  maison  Rochet  son 


brevet  d'inveniion  de  l'injecteur  à  eau  chaude  ei  deux 
machines  éuieni  installées  dans  son  usine  dès  1867, 

A  rKxposïiion  universelle  de  1867,  M.  Haas,  dont  une  usine 
fonctionnait  à  Aix,  avait  même  Tingénieusc  idée  de  rassembler 
les  diverses  machines  alors  inventées.  On  voyait,  d'abord,  la 
bastisseuse  Coq,  vomir  de  ses  bouches  béantes  les  poils  tnfinî« 
ment  divisés  qui  venaient  se  fixer,  en  s'enchevétrantsur  le  cône 
aspirateur.  Puis  le  cône  passait  à  l'ouvrier  simousseur  qui  le 
couvrait  d*un  manchon  de  flanelle  et  le  posait  sur  la  plate- 
forme de  la  bâche  d'immersion  Coq  qui,  mue  mécaniquement, 
permettait  à  l'ouvrier  d  immerger etde  remonter  le  cône.  Puis, 
le  cône  passait  à  la  fouleuse  Mossani  pour  être  remis  à  rouvricr 
dresseur  qui,  celui-là,  travaillait  presque  exclusivement  à  la 
main.  Le  chapeau  mis  à  l'étuve  était  ensuite  poncé  par  la 
machine  Coq. 

Néanmoins,  c'est  à  peine  s'il  existe  maintenant  trois  usines; 
deux  seulement  méritent»  à  vrai  dire»  ce  nom. 

C'est  d*abord  la  «t  Société  nouvelle  de  chapellerie  aixoise  i>, 
dont  l'usine  est  installée  aux  flancs  de  lu  montée  d'Avignon. 
en  contre-bas  du  canal  du  Verdon,  A  son  origine,  il  y  a  quel- 
ques années,  lout  le  bâtiment  était  aflecté  à  la  chapelicric  ; 
actuellement,  une  partie  abrite  l'usine  d'acide  carbonique 
liquide. 

La  fabrique  est  installée  en  un  seul  rez-de-chaussée  divÎM* 
par  une  large  et  longue  allée  centrale  qui  donne  accès  dan%  les 
ateliers.  Un  vitrage  autour  de  chacun  de  ces  ateliers  donne  jour 
sur  Tallée  centrale.  De  la  sorte^  un  coup  d'œil  embrasse  tous 
les  services,  ce  qui  supprime  les  surprises  et  assure  plus  cfti- 
cacemcnt  une  discipline  qui,  évitant  les  occasions  de  sévir, 
écarte  mieux  les  sources  de  conflit. 

L'usine  peut  marcher  onze  mois  de  Tannée  à  la  force  hydrata 
lique  et  un  mois  à  la  vapeur  pendant  le  chômage  du  canal  du 


-  871  - 

Verdon.  Elle  n'use,  d  ailleurs,  pas  de  cette  faculté  et  s'immo- 
bilise en  même  temps  que  le  canal  :  le  mouvement  de  ses 
affaires  s'est  trop  ralenti  pour  permettre  d'augmenter  les  frais  '. 

La  «  Société  nouvelle  de  Chapellerie  »  se  tient  au  courant 
des  progrès  de  la  technique  et  s'efforce,  par  ce  moyen,  de  con- 
quérir à  nouveau  la  suprématie  autrefois  incontestée  du  cha- 
peau aixois. 

C'est,  en  second  lieu,  l'usine  Milliat  qui  fabrique  le  chapeau 
de  laine.  Située  dans  l'intérieur  même  de  la  ville,  rue  d'Entre- 
castaux,  elle  renferme  la  plupart  des  machines  modernes.  L'ou- 
tillage nécessaire  à  la  fabrication  du  chapeau  de  laine  diffère 
peu  d'ailleurs  de  celui  employé  pour  la  fabrication  du  chapeau 
de  feutre.  La  souffleuse  seulement  est  supprimée  et  la  bastis- 
seuse  remplacée  par  la  carde  qui  arrache  la  laine  et  Tentoure 
sur  deux  cônes,  dont  les  deux  bases  sont  en  face  l'une  de  l'au- 
tre. Lorsque  les  deux  cônes  sont  garnis  de  laine,  l'ouvrière 
coupe  l'étoffe  entre  les  deux  cylindres  et  le  cône  de  laine  est 
posé  sur  un  nouveau  cône  de  fonte,  sur  lequel,  par  un  Système 
de  levier,  descend  un  cône  creux  de  fonte.  Après  avoir  subi  ce 
premier  feutrage,  la  cloche  de  laine  passe  par  les  machines  uti- 
lisées pour  le  chapeau  de  poils. 

C'est  enfin  l'atelier  installé  parM.Cabassud  dans  la  traverse 
Notre-Dame.  Cet  atelier  ne  fonctionne  que  quelques  mois  de 
l'année,  plus  particulièrement  en  été.  Il  n'y  a  là  aucune  ma- 
chine; les  ouvriers,  au  nombre  d'une  quinzaine,  travaillent  à 
la  main.  Ils  reçoivent  d'ailleurs,  tout  préparé,  le  bastissage 
conique  qu'ils  soumettent  à  la  foule  et  renvoient  dressé  à  Paris 
où  le  chapeau  est  terminé.  Ils  fabriquent  plus  spécialement  le 


*  Nous  devons  des  remerciements  particuliers  à  M.  Compazieu,  direc- 
teur de  la  Société  nouvelle,  qui  s'est  mis  à  notre  entière  disposition,  sans 
aucune  crainte,  et  a  bien  voulu  nous  faire  connaître  et  nous  communiquer 
la  «  littérature  »  sur  la  chapellerie. 


-872- 

chapeau  de  temme;  cet  article  seul  assure  une  rémunération 
suttis;jiue  a  l'ouvrier  qui  travaille  à  la  main,  par  la  fantaisie^ 
qu'il  e^ige. 

Telles  sont  les  seules  usines  qui  fonctionnent  actuellement  à 
Aix.  Elles  n  occupent  guère  plus  de  200  ouvriers  et  ne  doivent 
pas  donner  un  chilTre  d'affaires  dépassant  5oo. 000  francs.  La 
concentration  des  entreprises  n*a  pas  eu  pour  conséquence  la 
prospérité  de  l'industrie  :  la  cause  en  est  peut-être  au  rétrécisse- 
ment et  à  la  fermeture  des  débouchés. 

2'*  Quant  aux  débouchés  : 

Tandis  qu'à  Aix,  comme  en  France»  on  répugnait  à  substi- 
tuer au  travail  ntanuel  la  production  mécanique*  les  pays  étran- 
f;ers  organisaient  chez  eiu,  de  toutes  pièces,  Tindustrie  de  la 
chapellerie. 

Cettcdouble  constatation,  révélée  par  Le?  A/on //eeirrfe /a  CAa* 
pelkrie^  dès  1864,  est  confirmée  par  les  statistiques  fournies 
par  l'Administration  des  Douanes. 

Le  Moniteur  de  la  Chapellerie,  dans  un  relevé  de  la  vente 
des  arçons  mécaniques  Caillct,  signalau  le  lèlc  de  l'étranger. 
Le  Mexique  et  le  Brésil  y  figuraient  en  bonne  place  (n'  du 
{*'  octobre  i864)» 

En  i865,  le  même  journal  recommande  des  souHlcuscs  que 
fabrique  déjà  l'Allemagne.  En  1867,  il  relève  les  médailles  ob- 
tenues par  l'étranger  à  l'Exposition  universelle. 

Il  constate,  en  revanche,  la  résistance  du  Midi  à  Tadoption 
des  machines.  «  Le  Midi,  dit-il,  est  le  plus  rebelle  à  la  substi- 
tution  de  la  machine  au  travail  manuel.  5> 

De  fait,  la  maison  Coq»  d'Aix,  fabrique  surtout  pour  Téiran- 
ger.  M.  Coq  nous  montrait»  au  cours  de  notre  enquête,  une 
bastisseusc  perfectionnée  qui  lui  était  commandée  par  Vienne» 
des  matrices  en  fonte  qui  allaient  être  expédiées  au  Mexique. 

Aussi  bien,  les  statistiques  douanières  éclairent  la  décadence 


-873- 

de  l'exportation  des  chapeaux  français.  En  1879.  la  valeur  des 
produits  exportés  atteignait  io.38o.o57  francs.  En  1890,  elle 
n'est  plus  que  de  7.728.556  francs  et  en  1904,  pour  les  chapeaux 
de  poils,  de  975.562  francs.  En  1882,  on  exporte  encore  100.000 
chapeaux  en  Allemagne,  190.000  en  Angleterre,  92.000  au 
Mexique,  149.000  au  Brésil,  187.000  dans  la  République  Argen- 
tine. En  1896,  cette  exportation  ne  s'élève  plus  pour  TAUema- 
gne  qu'à  4.200,  pour  l'Angleterre  5. 200,  le  Mexique  36o,  le  Brésil 
i.i5o.  Et  ce  sont  la  les  anciens  débouchés  du  marché  aixois. 

Les  principaux  pays  importateurs  du  chapeau  fabriqué  à 
Aix  étaient,  en  effet,  ceux  d'Amérique.  Or,  c'est  là  qu'est  né  le 
principe  de  l'outillage  mécanique  en  chapellerie.  Par  ailleurs, 
rinstallation  de  cette  industrie  y  était  particulièrement  favori- 
sée par  l'existence  de  droits  de  douane  très  forts  perçus  à  l'épo- 
que où  le  chapeau  était  tenu  pour  un  objet  de  luxe.  Le  jour  où 
la  production  mécanique  devint  possible,  l'industrie  de  la  cha- 
pellerie s'installa  presque  immédiatement  et  spontanément,  en 
quelque  sorte,  dans  ces  pays  qui  profitaient  des  taxes  fiscales 
d'entrée  et  du  bas  prix  de  la  main-d'œuvre. 

D'autre  part,  Aix,  comme  la  France,  éprouva  plus  de  diffi- 
culté à  adapter  sa  fabrication  aux  progrès  mécaniques,  par 
suite  de  la  fantaisie  qui  dominait  la  forme  des  chapeaux.  Cha- 
que chapeau  ayant  comme  une  sorte  d'individualité,  on  ne 
pouvait  confectionner  une  matrice,  coûtant  une  cinquantaine 
de  francs,  spéciale  à  chacun  d'eux.  Les  pays  étrangers,  au 
contraire,  s'accommodaient  des  séries,  ce  qui  permettait  l'em- 
ploi de  matrices  uniques  pour  un  grand  nombre  de  chapeaux. 

Enfin  l'organisation  commerciale  française  est  défectueuse. 
Les  fabricants  sont  obligés,  à  défaut  d'éducation  suffisante  des 
voyageurs  de  commerce  français,  de  s'adresser  à  des  intermé- 
diaires, à  des  commissionnaires  en  exportation.  Ceux  ci  cen- 
tralisent les  commandes  et  y  satisfont  de  telle  sorte  que  le  fabri- 
cant ne  connaît  pas  la  destination  dernière  de  ses  produits. 


n 


-  874  - 
Certains  ont  songé  à  échapper  à  ces  intermédiaires  en  s  adres- 
sant directement  à  des  voyageurs  étrangers,  à  défaut  de  voya- 
geurs français.  Ils  nous  ont  dit  leurs  mécomptes.  Il  leur  arriva 
trop  fréquemment  de  ces  aventures  qui  provoquèrent  en  1868 
cette  circulaire  de  la  maison  de  Verrier  de  Paris,  où  elle  préve- 
nait les  personnes  qui  s'adressaient  à  elle  pour  demander  des 
échantillons  qu'elles  eussent  à  en  envoyer  le  montant. 

3'  Quant  aux  ouvriers  : 

Les  causes  qui  ont  entraîné  la  décadence  de  la  production 
aixoise  n'ont  pas  manqué  d'exercer  une  influence  considérable 
sur  le  sort  des  ouvriers. 

L'introduction  du  machinisme  dans  la  chapellerie  a  aug- 
menté ce  que  Karl  Marx  appelle  Y  armée  de  réserve  des  travail- 
leurs. Les  patrons  ont  pu  remplacer  les  ouvriers  que  leur 
habileté  rendait  exigeants  par  des  apprentis  sans  expérience. 
Ainsi  l'usine  Coupin,  que  les  ouvriers  en  grève  avaient  dé- 
sertée, forma  1.200  ouvriers  nouveaux  en  quelques  semai- 
nes. C'est  cet  état  de  choses  qui  fit  admettre  en  1861,  par  les 
ouvriers  chapeliers,  dans  leur  société,  les  apprentis  au  même 
titre  qu'eux-mêmes,  de  façon  à  les  englober  dans  la  grève. 

Les  femmes  aussi  purent  être  employées,  plus  généralement 
qu'autrefois,  à  la  fabrication  des  chapeaux. 

Aussi  le  salaire  diminua-t-il  de  façon  considérable.  A  l'arti- 
san qui  ne  manquait  pas  de  fierté  et  qui  gagnait  jusqu'à  i5  fr. 
par  jour,  a  succédé  l'ouvrier,  simple  manœuvre,  qui  reçoit 
4  fr.  tout  au  plus  les  jours  où  l'on  travaille,  l'ouvrière  dont 
le  salaire  ne  dépasse  pas  2  fr.  5o  '.  Aussi  900 francs,  i  .000  francs 


«  D'après  des  renseignements  que  nous  avons  recueillis,  les  ouyriers 
employés  à  l'usine  Milliat  ne  toucheraient  qu'un  salaire  inférieur  ;  mais 
il  nous  a  été  impossible  de  contrôler  cette  assertion  auprès  de  M.  Milliat 
qui  s'est  refusé  à  nous  répondre,  estimant  €  que  la  question  des  salaires 
ne  releyait  pas  du  domaine  de  la  science  ». 


-875- 

au  maximum,  tel  est  le  budget  de  l'ouvrier  chapelier,  à  Theure 
actuelle.  Et  cependant,  tandis  que  le  taux  des  salaires  s'abais- 
sait, le  coût  de  la  vie  haussait,  la  puissance  d  acquisition  de 
l'argent  diminuait. 

L  ouvrier  chapelier  est  engagé  à  la  semaine.  Un  usage  spé- 
cial est  pratiqué  pour  l'embauchage.  L'çuvrier  retire  au  siège 
du  Syndicat  qu'ont  organisé  les  ouvriers  chapeliers,  une  carte 
dite  de  présentation.  Avec  cette  carte,  il  se  présente  au  plus 
ancien  de  l'atelier,  au  «  goré»  et  celui-ci  le  présente  à  son  tour 
au  patron  ou  au  contremaître. 

L'ouvrier  est  payé  à  la  semaine.  Il  n'est  opéré  aucune  rete- 
nue sur  son  salaire  par  le  patron.  Les  Compagnies  d'assurances 
contre  les  accidents  n'exigent  que  des  primes  très  modiques, 
les  risques  étant  assez  restreints. 

Les  ouvriers  chapeliers  aixois  ont  organisé  une  mutuelle, 
dont  la  plupart  font  partie. 

CONCLUSION 

Nous  avons  essayé  de  dégager  les  causes  de  la  décadence  de 
l'industrie  de  la  chapellerie  à  Aix,  et  nous  avons  cru  pouvoir 
dire  qu'elle  était  due  à  la  concentration  capitaliste  des  entre- 
prises avec  toutes  ses  conséquences.  A  l'heure  où  nous  termi- 
nons cette  modeste  ^tude.  la  ruine  de  l'industrie  de  la  chapel- 
lerie à  Aix  paraît  irrémédiable  :  la  Société  nouvelle  de  cha- 
pellerie vient  de  fermer  ses  portes  et  de  licencier  ses  ouvriers. 
Notre  ville  semble  ainsi  perdre  à  jamais  ce  qui  lui  fut  une 
source  de  prospérité.  Qu'elle  s'en  console,  en  gardant  le  sou- 
venir :  son  musée  d'antiquités  s'est  enrichi  d'un  vestige  nou- 
veau. 

G.  Mer. 


-  876  — 


ri 


li'industrie  de  la  Gçjr^Dnnerie  à  Pertuis 

par  M.  Eug.  CUBST,  Avocat  à  la  Cour  d'Aix. 


INTRODUCTION 

Lorsqu'il  me  fut  aflirmé  que  Pertuis,  à  Theure  aauclhe,  pos- 
sédait deux  fabriques  de  chaussures  «  conséquentes  ^  et  que. 
d*ailleurs.  il  y  a  à  peine  vingt  ans,  la  bourgade  jouissait  dans 
l*industrie  cordonnière  d'une  réputation  assez  établie*  pour 
avoir  songé  un  instant  à  placer  un  soulier  ferré  dans  sesarmoi' 
ries,  i*éprouvai  la  surprise  d'un  Nemrod  provençal  qui  chas^ 
sant  le  moineau,  en  un  quartier  bien  connu,  tomberait  tout  i 
coup  sur  une  bande  d'oiseaux  des  iles. 

Je  croyais  posséder  mon  Pertuis.  Je  le  tenais  pour  un  bourg 
un  peu  mou,  sommeillant  au  soleil  dans  rengourdissemeni  des 
bonnes  digestions.  Son  heureuse  population  secompose«  en 
eflet,  d  agriculteurs  et  de  commerçants. 

Les  premiers  vivent  sur  un  sol  béni,  parmi  de  vastes  labours, 
des  vignes  et  des  prairies  quasi-naiurclles.  La  Durance,  pr  les 
alluvions  et  l'humidité  dont  elle  enrichit  le  terroir»  permet  au 
riverain  de  cueillir  les  jours  sans  fatigues  vaines.  Quand  il  a 
fait  ses  semailles,  taillé  ses  ceps,  tauché  son  foin,  notre  paysan, 
aimé  des  Dieux,  croise  ses  bras,  en  attendant  une  récolte  inévi- 
table. 

De  leur  côté*  les  commerçants  ne  sont  pas  à  plaindre.  Par  sa 
situation  géographique.  Pertuis  est  le  centre  d  approvîsiooi 
ment  de  tout  le  versant  sud  du  Luberon.  Chaque  vendredi 


-  877  - 
vingt  villages  envahissent  ses  places  publiques,  ses  auberges, 
ses  cafés,  ses  magasins.  Hebdomadairenient,  ses  marchands 
reçoivent  ainsi  la  manne  bienfaisante  des  ruraux  et,  grâce  aux 
recettes  du  vendredi,  ils  fument  la  pipe  les  autres  jours  de  la 
semaine. 

Ces  mœurs  paraissent  en  opposition  directe  avec  les  exigen- 
ces de  la  vie  industrielle.  Et,  de  prime-abord,  l'existence  d'une 
industrie  prospère  en  un  pareil  milieu  peut  être  considérée 
comme  un  paradoxe  d'une  enflure  toute  méridionale. 

C'est  pourquoi  j'ai  voulu  me  renseigner  aux  sources.  J'ai 
reconnu  tout  d'abord  qu'en  ce  moment^  les  deux  fabriques, 
moins  «  conséquentes  »  qu'on  le  prétendait,  tendent  visible- 
ment à  une  disparition  fatale  ;  et  ensuite  que  si,  vraiment,  après 
la  guerre,  l'industrie  cordonnière  a  joui  à  Pertuis  d'une  vérita- 
ble prospérité,  elle  a  dû  cette  prospérité  uniquement  à  l'activité 
ingénieuse  d'un  homme  que  les  circonstances  ont  d'ailleurs 
merveilleusement  servi. 

§  1.—  LES  ORIGINES  DE  L'INDUSTRIE  CORDONNIÈRE 
A  PERTUIS 

En  ce  temps-là,  établi  à  Chàteau-Queyras  (Hautes-Alpes),  le 
père  de  Jean  Bertrand  rendait  à  la  République  d'obscurs  ser- 
vices de  cordonnerie.  Cet  homme  excellent,  qui  possédait  huit 
enfants  et  quelques  arpents  de  terre  maigre,  ne  répugnait  pas  à 
s'employer  pendant  les  mauvais  jours  d'hiver  au  ravaudage  des 
vieilles  chaussures. 

Or,  il  advint  aux  environs  de  1840  que  M.  Bertrand  mourut. 
Ses  filles  étant  mariées,  les  gendres  firent  procéder  au  partage 
de  Théritage.  A  cause  de  sa  santé  délicate,  J.  Bertrand  ne  s'était 
jamais  livré  aux  rudes  travaux  des  champs.  Mais  comme  il 


—  878  — 

témoignait  d'une  singulière  prcdilectîon  pour  le  cuir  fauvv  ci 
la  poix  odorante,  d*un  commun  accord  la  famille  tut  aban- 
donna les  instruments  du  père  et  cent  écus  de  bon  argent  pour 
les  premiers  besoins  de  son  industrie. 

Alors  J.  Berirand  réfléchiL  11  se  dit  que  si  la  clientèle  de 
Châieau-Queyras  suffisait  à  nourrir  approximativement  un 
cordonnier  agronome  et  sobre,  il  y  avait  chance  qu'avec  elle, 
un  spécialiste  éprouvât  des  désagréments.  Et  cherchant  des 
cieux  plus  cléments,  le  jeune  cordonnier  vint  s'établir  à  Pertuîs, 
sur  les  rives  de  la  Durance. 

Dès  son  arrivée,  il  put  entrer  au  service  du  maître  de  la 
4c  Boite  d'or  t^  qui  possédait  un  magasin  de  chaussures  dans  la 
Grand'Rue.  Mais  il  fut  bien  entendu  qu'il  travaillerait  à  prix 
fait  et  dans  son  domicile.  Le  patron  en  usait  ainsi  avec  ses 
ouvriers,  tant  pour  s'éviter  la  peine  de  les  surveiller  que  pour 
être  sûr  d*obtenîr,  en  échange  des  salaires  payés,  de  véritables 
services.  En  un  mot,  il  manquait  de  confiance  dans  leur  zèle 
et  leur  activité. 

J.  Bertrand  se  mit  à  travailler.  En  vingt-quatre  heures,  il 
acheva  ce  que  d'autres  mettaient  trois  jours  à  accomplir,  parce 
qu*îl  apportait  à  l'ouvrage  une  conscience  et  une  ténacité  mon* 
tagnardes.Le  propriétaire  de  la  «  Botted'on*  demeura  confondu 
de  celte  promplilude.  11  la  signala  avec  de  gros  rires  aux  habi- 
tués du  ^  Grand  café  Thomas  ^,  partenaires  habituels  de  sa 
quadrette  quotidienne. 

La  capacité  de  travail  de  Jean  Bertrand  fut  un  sujet  de  con- 
versation tout  comme  Tattitudc  deGuizot  et  les  chances  d'ave» 
nir  de  la  République,  On  en  parla  non  seulement  dans  les 
buvettes  et  le  dimanche,  chez  le  coiffeur,  mais  encore  sous  la 
colonnade  du  grenier  public,  où  tant  de  bons  citoyens  vicn* 
nent  discuter,  chaque  jour,  les  affaires  publiques.  La  tonnelle 
de  Taubcrge,  sous  laquelle  il  travaillait,  devint  un  but  de  pile* 


-879- 

rinage.  Et  lorsqu'il  eut  osé  chausser  de  neuf  et  avec  succès  un 
gros  marchand  de  la  rue  Colbert,  dont  le  pied  droit  était  affligé 
d'un  concélèbre,  insensiblement  ThommedeChâteau-Queyras 
conquit  dans  sa  cité  adoptive  la  réputation  d'un  maître-ouvrier. 

«  La  Botte  d'or  »  ne  riait  plus,  parce  qu'à  petits  coups  et  à 
ses  dépens,  J.  Bertrand  arrondissait  sa  clientèle.  La  jalousie  du 
vieux  négociant,  les  incidents  homériques  qui  accompagnè- 
rent le  développement  de  cette  rivalité,  achevèrent  de  mettre  le 
jeune  homme  en  vedette.  Il  prit  un  lieutenant.  Il  loua  une 
boutique,  place  Mirabeau.  Et  comme  les  affaires  prospéraient, 
il  entra  dans  la  catégorie  des  commerçants  et  orna  sa  porte  d'une 
enseigne. 

Le  jour  où  il  lui  parut  que  sa  situation  financière  était  con- 
venable, il  résolut  de  s'octroyer  le  repos  dominical.  Il  acheta 
un  fusil,  prit  un  permis  et  fît  venir  un  chien  de  la  montagne. 
Il  mit  à  chasser  beaucoup  de  méthode,  de  ténacité  et  de  con- 
science. Et  une  grande  renommée  cynégétique  l'auréola  bien- 
tôt. 

On  vit  le  notaire  et  ses  amis,  nemrods  d'une  insuffisance 
notoire,  lui  frapper  sur  Tépaule,  entrer  dans  sa  boutique  pour 
le  consulter  et  finalement  en  faire  le  grand  directeur  de  leurs 
parties.  Il  avait  ainsi  conquis  la  bienveillante  amitié  de  la 
haute  bourgeoisie. 

Par  l'intermédiaire  du  notaire,  il  fit  la  connaissance  d'un 
sieur  Diouloufet.  Diouloufet  s'honorait  de  tenir  à  Aix  un  maga- 
sin considérable  de  chaussures,  fabriquées  à  Marseille.  Or,  à 
son  dire,  le  fournisseur  phocéen  était  en  train  de  le  jouer.  Il 
faisait  entrer  tous  ses  cuirs  pourris  dans  l'épaisseur  des  semel- 
les. Si  bien  qu'à  la  moindre  fatigue,  les  dites  semelles  s'ou- 
vraient. Ce  gros  négociant  réclamait  aux  dieux  réunis  un  cor- 
donnier consciencieux  et  capable. 

Des  pourparlers  s'engagèrent  entre  lui  et  J.  Bertrand.   Et 


—  88o  — 

quand  ce  dernier  se  fui  procurer  le  personnel  ci  les  caprtaut 
indispensables,  un  contrat  authentique  fut  signé,  aux  termes 
duquel  J.  Bertrand  dcvaiu  chaque  année,  fournir  l\  Dioulnufdi 
plusieurs  miHiers  de  grosses  chaussures. 

Et  voilà  un  incident  qui  prouve  que  J,  Bertrand  étau  jimc 
du  ciel  et  qu'il  dut  au  hasard  de  franchir  le  cercle  restrciiu  de 
la  production  locale. 

Deux  ans  plus  urd»  le  propriétaire  de  la  «  Botte  d*or  ^  mou- 
rait* Les  quelques  ouvriers  qui  travaillaieni  pour  lui  à  domicile, 
proposèrent  à  noire  homme  de  le  servir  aux  mêmes  condition!^. 
Au  nom  de  la  veuve*  le  notaire  offrit  de  lui  vendre  le  fonds  qui 
comportait  avec  sa  clientèle  locale  certains  villages  de  TArdè- 
che.  Ayant  réfléchi,  il  accepta  d'augmenter  son  chifîVe d'affaires 
D'ailleurs,  le  bon  vent  de  la  fortune  ne  cessait  de  gooflef ,  de- 
puis plusieurs  années,  les  voiles  de  sa  nacelle. 

Tout  d  abord»  à  Aix,  sa  réputation  s^éiait  affirmée  :  successi- 
vement plusieurs  maisons  de  chaussures  qui  se  partagent  ta 
clientèle  ouvrière  de  la  ville  avaitnt  fait  appel  à  son  habileté 
reconnue.  Et  pour  les  satisfaire,  il  retenait  à  Pcauis  toute  une 
petite  colonie  de  cordonniers  piémontais.  nomades  qui  cher- 
chent fortune  au  sud  de  la  France.  Il  songea  qu'il  trouverait 
aisément  un  complément  de  personnel  à  Marseille  et  un  déb 
ché  nouveau  dans  les  départements  des  Alpes,  dont  il  était  orî^ 
ginaire  et  où  des  membres  de  sa  famille  vivaient  encore.  El 
son  projet  réussit  merveilleusement  après  qu'il  se  fut  décidée 
entreprendre  quelques  petits  voyages  aux  environs  de  Brian- 
çon.  Digne  et  Barcelon nette. 

Alors,  il  songea  à  se  marier.  Le  notaire  s  employa  à  loi  Iroth 
ver  une  dot  convenable.  De  simple  compagnon  de  chasse,  le 
fabricant  de  chaussures  était  devenu  pour  lui  ua  bon  clieot. 
donc  un  ami.  J,  Bertrand,  marié,  se  jugea  digne  de  fréquefiier 
le  Grand  café  Thomas    Cet  établissement,  semblable  à 


-  88i  - 

aquarium,  développe  les  glaces  de  sa  façade  sur  la  place  du 
Quaire-Septembre.  Et  il  reçoit,  trois  fois  le  jour,  l'élite  de  la 
cité  et  le  peuple  arrogant  d&  voyageurs  de  commerce. 

J.  Bertrand  connut  autour  d*une  table  de  marbre  M.  Mar- 
rot  qui  représentait  une  importante  soierie  lyonnaise  dans  le 
midi  de  la  France  et  l'Algérie.  M.  Marrot  était  un  grand  chas- 
seur devant  TÉternel  et  il  fut  bientôt  pris  de  sympathie  pour 
J.  Bertrand  qui,  lui  aussi,  honorait  particulièrement  la  divine 
Diane.  Il  lui  révéla  qu'à  Blidah,  par  exemple,  et  dans  d'autres 
petites  villes  d'Algérie,  les  populations,  pour  la  chaussure, 
étaient  exploitées  par  des  Italiens  qui  livrent  à  des  prix  fous  de 
la  pacotille.  Il  se  faisait  fort,  au  cours  de  ses  tournées,  d'abou. 
cher  le  fabricant  de  Pertuis  avec  les  marchands  algériens.  Et 
Jean  Bertrand  s'étant  laissé  convaincre,  un  essai  fut  tenté  qui 
réussit  pleinement. 

En  1880,  il  se  trouvaitainsi  à  la  tète  d'un  commerce  considé- 
rable. Il  était  devenu  notable  dans  la  cité,  conseiller  munici- 
pal, officier  d'Académie.  Et  il  ne  sortait  plus  en  bras  de  che- 
mise. Son  fils  courant  sur  ses  dix-sept  ans,  décrocha  le  diplôme 
du  brevet  élémentaire.  Escomptant  la  puissance  de  ses  relations 
politiques,  J.  Bertrand  souhaitait  le  voir  promu  à  la  dignité  de 
professeur  du  collège.  Et  il  appela  un  de  ses  neveux  à  sa  suc- 
cession éventuelle. 

Un  jour  qu'à  pas  lents,  sur  le  chemin  du  Saint-Sépulcre,  il 
discutait  ses  affaires  avec  le  notaire,  celui-ci  s'étonna  de  voir  le 
dauphin  renoncer  à  la  couromie  pour  une  fonction,  somme 
toute,  plutôt  modeste.  Et  J.  Bertrand  développa  les  motifs  qui 
lui  avaient  dicté  sa  décision. 

Tout  d'abord,  il  prévoyait  la  décadence  de  son  industrie  flo- 
rissante. Le  machinisme. progressait  chaque  jour.  Des  usines 
nouvelles  à  Avignon, à  Nîmes,  fabriquaient  entièrement  le  sou- 
lier à  la  machine.  Ces  maisons  allaient  inonder  le  marché 

CONGKK8  —  66 


—  883  — 

réj^ional  de  leurs  produits  muliiplîés.  Leurs  capitaux,  une  fois 
amortis,  les  prix  baisseraient  nécessairement  dans  des  propor*^ 
lions  si  considérables  que  la  vieflle  école  ne  pourrait   plus 
lutter* 

Incontestablement*  rien  n*em péchait  J.  Bertrand  de  suivre] 
l'exemple  des  Avignonais  et  des  Nîmois.  Mais  comme  le  sou^ 
lier  fait  à  la  machine  est  rien  moins  que  solide,  il  sérail  promp* 
lemeni  abandonné  par  sa  clientèle  qui  est  économe  et  ne  veut 
pas  être  dupée.  Il  lui  faudrait  donc  chercher  d'autres  débou* 
chés,  créer  de  toutes  pièces  une  industrie  nouvelle. 

Or,  quarante  ans  d'activité»  une  étoile  constante,  lui  avaient 
permis  de  faîredeséconomiessufiisantes,  une  véritable  fortune 
pour  le  milieu.  Il  possédait  une  vigne,  un  verger»  des  bbours, 
maison  â  la  ville  et  maison  aux  champs. 

Arrivé  au  seuil  de  la  vieillesse,  il  n'allait  pas  compromciirc 
ces  résultais  par  Tachât  de  machines,  rétablissement  d'un  local  | 
approprié  et  les  frais  énormes  du  commerce  moderne.  Il  se  sen- 
tait, en  outre,  incapable  de  diriger  son  fils  vers  des  voies  qu*il 
ignorait. 

Un  autre  obstacle  s  opposait  d'ailleurs  à  la  réalisation  locale 
d'un  pareil  projet.  Pertuis»  en  effet,  se  refusait  à  fournir  uo 
ouvrier  à  la  cordonnerie.  Pour  faire  face  à  ses  engagements,  ic 
patron  se  voyait  obligé  de  recruter  son  personnel  parmi  les 
Italiens  débarqués  à  Marseille.  Les  rares  indigènes  qu*au  cours 
de  sa  carrière  J.  Bertrand  put  embaucher»  montrèrent  iau$| 
une  capacité  de  travail  însuftisanic.  Il  dut  renoncer,  dès  ses 
débuts,  à  les  payer  à  la  journée  et  a  les  employer  chc2  lui. 
Mais  le  travail  à  la  tâche  lui-même  ne  produisit  pas  de  bril- 
lants résultats.  Voyant  la  population  boire  le  soleil  la  moitié 
du  jour  sur  les  places  publiques»  les  ouvriers  ne  résistaient  pas  | 
à  la  tentation  de  se  mêler  à  elle.  Ils  estimaient  cependant  que 
leurs  salaires  étaient  insuffisants  et,  en  i86(j.  ils  voulurent  oblc* 


-  883  — 

nir  une  augmentation  par  la  grève.  Mais  le  mouvement  échoua 
et  les  cordonniers-amateurs  s'éparpillèrent. 

J.  Bertrand  n'avait  point  celé  son  intime  satisfaction  de  cette 
solution  extrême.  Quelques  années  plus  tard  cependant,  il  dut 
reconnaître  que  le  recrutement  piémontais  devenait  lui  aussi 
plus  difficile.  Ces  montagnards,  mangeurs  de  poulenta,  après 
quelques  années  de  vie  marseillaise,  en  arrivaient  à  être  exi- 
geants. Ils  trouvaient  sur  les  quais,  par  exemple,  des  besognes 
chaque  jour  mieux  rétribuées  et  pour  lesquelles  il  n'est  point 
demandé  de  capacités  particulières  D'autre  part,  les  politiciens 
s'emploient  avec  un  zèle  apostolique  à  faire  leur  éducation.  Et 
J.  Bertrand  trouvait  moins  facilement  que  jadis  des  volontaires 
heureux  de  vivre  à  Pertuis,  pour  un  salaire  quotidien  et  moyen 
de  3  francs  5o.  Ce  salaire,  il  ne  pouvait,  d'ailleurs,  songer  à 
l'élever  du  moment  où  la  concurrence  des  machines  allait  l'obli- 
ger à  baisser  peu  à  peu  ses  prix. 

Pour  toutes  ces  raisons,  le  vieux  cordonnier  prophétisait  la 
décadence  prochaine.  Il  espérait  toutefois  que  ses  clients  mon- 
tagnards seraient  encore  assez  longtemps  fidèles  à  sa  maison, 
pour  que  son  neveu  puisse,  sinon  s'enrichir,  du  moins  vivre 
plus  aisément  qu'à  Château-Queyras,  ce  qui  n'est  pas  difficile. 

I  II.  —  CONDITION  DES  TRAVAILLEURS 

On  m'a  indiqué  que  M.  Prat  cumulait  les  fonctions  de 
concierge  au  collège  et  celles  de  cordonnier.  Je  suis  allé  le  voir 
espérant  qu'un  fonctionnaire  —  si  modeste  fût-il  —  de  l'Ins- 
truction publique  comprendrait  plus  aisément  les  causes  pro- 
fondes de  mon  apparente  indiscrétion. 

M.  Prat  a  bien  voulu  me  renseigner.  Il  nourrit  contre  sa 
profession  de  vieilles  rancunes.   Et  il  l'accuse  de  maintenir 


—  8R4  — 

ceux  qui  l'exerceni  dans  la  plus  noire  des  misères.  En  ce  qui 
le  concerne,  avani  d'entrer  dans  1* Administration,  il  habitait  le 
premier  étage  d'une  maison  obscure  et  humide,  sise  au  cœur 
du  vieux  Pertuis.  H  y  accédait  par  une  rue  large  à  peine  d'un 
mètre  ci  dont  le  centre  était  occupé  par  un  ruisseau  noir. 

Les  déjections  des  riverains  alimentaient  seules  ce  ruisseau 
qui,  ne  voyant  guère  passer  de  l'eau  que  les  jours  d'orage, 
nourrissait  habituellement  l'atmosphère  de  printanières  sen- 
teurs. 

M.  Prai  dormait  dans  une  chambre  sans  ouvenures  et  qu  il 
aérait  par  la  porte  donnant  sur  le  palier.  Il  iravaillaii  dans  sa 
cuisine*  Vhiver,  pour  profiter  de  la  chaleur  de  son  petit  Ibur- 
ncau,  cl  en  toute  saison,  du  jour  gris  distribué  par  sa  fenêtre. 

Son  mobilier  des  plus  sommaires  se  composait  d'un  lit,  de 
quelques  chaises  de  paille  grossière  cl  d*une  table  boiteuse,  sur 
laquelle  il  déposait  sa  poix  et  ses  outils. 

Ces  outils  —  clous,  formes  en  buis,  irancheis.  marteaux. 
pinces,  poix,  saindoux,  ligneul  —  lui  étaient  fournis  par  le 
patron,  Il  n  achetait  lui-même  que  les  soies  de  sanglier  qui 
servent  d'aiguilles  et  il  consacrait  à  ces  achats  environ  dix  cen- 
times par  semaine. 

M.  Bertrand  lui  livrait  à  la  fois  les  empeignes,  les  tiges  et  les 
semelles  pour  deux  paires  de  chaussures.  Et  lorsque  M,  Prai 
rapportait  l'ouvrage  achevé,  il  recevait  en  échange  les  matériaux 
nécessaires  à  des  confections  nouvelles. 

En  travaillant  dix  heures  par  jour»  il  était  arrivé  quelquefois 
à  monter  une  paire  et  demie  de  grosses  chaussures.  Mais  pour 
obtenir  ce  résultat,  il  lui  fallait  faire  ^des  dépenses  énormes' 
d'énergie.  Rien  n'est,  parah-il.  plus  pénible  que  le  métier  du 
cordonnier.  Plié  en  deux  sur  sa  chaise,  obligé  de  faire  des 
efforts  musculaires  considérables  pour  coudre  des  semelles , 
très  épaisses,  il  fatigue  ses  bras,  ses  jambes,  ses  reins  et  sa  ictc. 


-  885  — 

Aussi,  la  plupart  du  temps,  M.  Prat  prenait-il  quelques  heu- 
res pour  se  dégourdir  les  muscles  et  boire  sur  les  places  publi- 
ques un  peu  de  ce  soleil,  indispensable  à  la  vie  des  Proven- 
çaux. Les  besoins  d'argent  réglaient  d'ailleurs  son  zèle.  Quant 
au  patron,  connaissant  les  habitudes  d'un  personnel  imbu  des 
doctrines  démocratiques  et  du  sentiment  très  vif  de  son  égalité 
de  droit,  il  contemplait  ces  pauses  d'un  œil  serein.  Il  ne  lui 
vint  jamais  à  l'idée  d'établir  ces  retenues  de  salaires,  ces 
amendes  que,  dans  les  villes,  des  industriels  réactionnaires 
suspendent  au-dessus  de  la  tète  de  leurs  ouvriers,  sous'le  falla- 
cieux prétexte  d'assurer  une  production  régulière. 

Mais  si  les  ouvriers  de  M.  Bertrand  disposent  de  leurs  per- 
sonnes, M.  Bertrand,  lui,  dispose  seul  de  la  caisse.  Et  en  vertu 
d'un  tarif  clairement  établi,  l'ouvrier  se  trouve  payé  à  forfait, 

aux  conditions  suivantes  :      ) 

«• 

Une  paire  de  souliers  forts  (hommes) 3.5o 

—  —    (femmes) 1.70 

—  fins  (hommes) 4.25 

—  —    (femmes) 3 .  5p 

Article  courant 2  80 

Somme  toute,  M.  Prat  arrivait  à  gagner  normalement 
90  fr.  par  mois. 

Là  dessus,  il  lui  fallait  d'abord  payer  sa  «  pension  >  du 
Cheval  Blanc,  qui  a  la  spécialité  de  nourrir  quelques  cordon- 
niers et  toutes  les  mouches  du  canton  pour  le  prix  de  45  francs 
par  mois  et  par  tête  d'homme;  le  loyer.  8  francs  par  mois 
(chambre  garnie)  ;  le  barbier,  l'entretien  du  linge  et  le  blan- 
chissage. Et  quand  il  était  allé  le  dimanche  faire  sa  partie  de 
boules  à  «  l'Eden  »  ou  danser  au  son  de  la  boite  à  musique  au 
cabaret  «  du  vin  sans  eau  »,  dont  l'enseigne  cabalistique 
0-20-100-0  passe  pour  un  modèle  du  genre,  M.  Prat.  tàtant 


«  886  ^ 

son  gousset  vide,  se  trouvaii  apte  à  mieux  comprendre  les  poli- 
ticiens avignonais  qui  s  aveniUrcni  parfois  à  Pertuisi  pour  y 
répandre  la  bonne  doctrine. 

Sur  les  conseils  de  ces  messieurs,  les  cordonniers»  en  iSgo. 
se  mirent  en  grève.  Ils  espéraient*  par  le  progrès  des  mœurs  et 
des  idées  sociales,  voir  réussir  le  mouvement  qui,  irenlc  ans 
plus  tôt,  avait  si  piteusement  échoué.  Et  iis  demandèrent  avec 
des  clameurs  une  augmentation  de  o  fr.  40  centimes  par  paire. 
Les  patrons  offrirent  o  fr,  i5  et,  après  quelques  jours  de  dis* 
corde,  les  ouvriers  furent  trop  heureux  d'accepter  la  proposi- 
tion. 

Les  étrangers  se  louèrent  vivement,  dans  des  réunions  pu» 
bliques,  de  ce  résultat  qui  évidemment  éiaii  minime,  mais  qui 
marquait  l'ouverture  d*une  ère  de  progrès.  El  ils  demandèrent 
aux  ouvriers  de  se  syndiquer.  d*opposer  à  l'abominable  capital 
les  forces  réunies  du  prolétariat,  afin  de  voir  bientôt  révolus  les 
temps  nouveaux  dont  parlent  les  oracles.  Le  prolétariat  omit 
de  suivre  ces  conseils,  lorsqu'on  lui  demanda  de  verser  chaque 
mois,  a  litre  de  cotisation,  une  somme  qui  dépassait  de  beau- 
coup raugmeniation  de  salaire  concédée  et  d'abandonner 
direction  du  Syndicat  aux  initiateurs  étrangers  que  l'cxpé* 
rience  rendait  seuls  capables  d  exercer  le  haut  commandement 
à  celte  heure. 

M*  Prat  eut  vite  compris  que  les  quinise  centimes  d'augmen- 
tation constituaient  un  progrès  plutôt  illusoire.  Dauirc  part, 
comme  les  mœurs  à  Permis,  d'une  simplicité  biblique,  per- 
mettent le  tutoiement  entre  le  patron  et  Touvrier,  M.  Bertrand 
eutloccasion  d'expliquer  à  M.  Prat  que  le  salaire  paye  par  lui 
était  lextréme  limite  des  concessions  possibles. 

Une  paire  de  chaussures  pour  hommes  se  vend,  par  exem- 
ple, au  consommateur  H  fr  5o*  Le  môme  article  pour  femme. 
7  fr,  3o;  pour  enfant,  4  fr.  5o.  De  ces  sommes*  si  Ton  déduit 


-  887  - 

les  prix  de  façon,  soil  2,80,  1,70,  1,20  —  les  fournitures  et  dé- 
chets: 5,90,  4,95  et  2,70  environ,  reste  à  peine  une  moyenne 
de  o  fr.  60  pour  les  frais  généraux  (peu  élevés)  et  le  bénéfice. 
Et  M.  Bertrand  estimait  ce  bénéfice  à  peine  suffisant  pour  lui 
faire  préférer  les  soucis  du  travail  au  repos  complet. 

M.  Prat,  comprenant  fort  bien  que  la  cordonnerie  était  une 
maîtresse  ingrate  et  qu'il  n  en  tirerait  rien  de  plus,  se  mit 
alors  en  devoir  de  révolutionner  sa  vie.  Et  il  prit  sa  petite  bas- 
tille, d'abord  en  se  mariant,  ensuite  et  surtout  «  en  faisant  de 
la  politique  ». 

Par  son  mariage,  il  crut  devoir  réaliser  certains  profits.  Les 
mercuriales  permettent  de  constater  que  les  denrées  alimentai- 
res sont  à  Pertuis  à  de  très  bas  prix.  M.  Prat  recommandait, 
d  ailleurs,  à  sa  femme  de  s'adresser  non  pas  aux  boutiquiers, 
mais  à  ces  petits  propriétaires  qui  vivent  sur  leurs  terres  et  qui 
cèdent  très  volontiers  lesproduitsqu'ilsneconsomment  pas,  afin 
d'avoir  de  quoi  payer  le  tabac  et  l'absinthe  de  l'heure  verte. 
Quant  à  la  viande,  elle  se  trouvait  aussi  à  bon  compte,  dans  les 
triperies  qui  débitent  aux  vieux  quartiers  de  la  ville  les  pièces 
que  la  bourgeoisie  distinguée  ne  mange  pas.  Et  M**  Prat  arri- 
vait ainsi  à  nourrir  le  ménage  sans  dépasser  de  beaucoup  le 
prix  que  son  mari  payait  jadis  à  Thôtesse  du  Cheval  Blanc. 

D'ailleurs,  M.  Prat,  estimant  que  sa  femme  devait  travailler 
comme  lui-même  et  ne  point  prélever  sur  ses  salaires  person- 
nels les  cotonnades  rouges  et  les  indiennes  dont  ces  dames 
usent  beaucoup,  l'invita  tout  d*abord  à  «  coudre  des  tiges  » 
pour  le  compte  du  patron.  Ce  travail  est  assez  facile.  M"*  Prat 
y  employait  les  moments  où  elle  n'avait  pas  à  laver  son  linge, 
à  balayer  sa  cuisine  et  à  préparer  son  repas.  Elle  gagnait  ainsi 
I  fr.  5o  par  jour,  ne  paraissait  pas  dans  la  rue  et  évitait  de  se 
mêler  à  beaucoup  de  commérages. 

Lorsqu'elle  fut  experte  dans  Tart  de  coudre  ensemble  deux 


^  888  — 

pièces  de  cuir,  M»  Prai  ne  craignit  point  de  (envoyer  au  domi* 
cile  de  M.  Bertrand  piquer  deti  claques  à  la  machine.  Ces 
jO'jrs-là,  M*  Pral  surveillait  lui-même  la  marmite  en  travail* 
lant  à  c6té  du  fourneau  et  sa  femme  rapportait  le  soir  un  salaire 
de  -j  francs  à  2  fr.  25. 

M.  Prat  commençait  à  constater  de  grandes  améliorations 
dans  sa  vie,  lorsqu'il  eut  l'occasion  d  assister  a  une  révolution 
municipale.  Une  opposition  s'élant  formée  contre  rédilité,  il 
prit  fait  et  cause  pour  les  opposants.  Durant  la  période  électo- 
rale, il  recruta  d^s  adhésions  dans  les  campagnes,  distribua  les 
bulletins  de  ses  amis  et  menaça  congrùmcnt  les  adversaires 
du  garde  champêtre,  gardien  vigilant  des  règlements  de  police 
rurale.  On  le  récompensa  de  ses  loyaux  services  en  rintrofi 
sant,  après  le  succès,  porte-clef  du  collège  de  la  commune. 

Fonctionnaire  municipal,  M,  Prat  reçoit  pour  tirer  la  cloche, 
huit  fois  par  jour  et  pour  ponerà  la  poste  le  courrier  du  princi- 
paU  un  traitement  annuel  de  375  fr.  Il  est  logé,  lui  et  sa  famille. 
tl  se  chauffe  au  charbon  communal,  lu  bien  qu*il  travaille  en- 
core —  modérément  — à  la  confection  des  chaussures,  il  c&timc 
s*ètre  évade  du  prolétariat  de  la  cordonnerie. 

Ils  sont  ainsi  quatre  ou  cinq  princes  parmi  les  chevaliers  de 
la  poix  — cordonnier-concierge  — cordonnier-aygadier  —  cor- 
donnier petit  propriétaire.  Les  autres,  le  gros  de  la  troupe,  se 
compose  aujourd'hui  encore  de  piémontais  résignés.  Ils  peu- 
plent tradittonnellement  le  quartier  de  Saini-Peîre,  sous  les 
ruines  des  remparts.  La  plupart  sont  célibataires  et  Ton  peut 
les  dénombrer,  les  jours  de  beau  temps,  alors  qu'aux  coups  de 
midi,  ils  croquent  devant  le  Cheval  Blanc  des  boudins»  de^ 
oliveji  et  des  figues  sèches* 

M.  Bertrand  en  employait  soixante,  il  y  a  quinste  ans.  Au^ 
jourd'hui,  quarante  à  peine  demeurent  à  son  service  qui  vîveût 
la  vie  étroite  que  M.  Prat  menait  avant  d'entrer  au  collée. 


^  889  - 

Moins  favorisés  que  leurs  camarades  de  la  cordonnerie  mé- 
canique, qui,  mieux  payés,  plus  instruits,  groupés  d  ailleurs  en 
syndicats,  voient  chaque  jour  s'améliorer  leur  situation  maté- 
rielle et  morale,  ces  ouvriers  attendent  dans  la  résignation  la 
plus  complète,  soit  un  improbable  mieux-être,  soit  Toccasion 
d'abandonner  leur  industrie  pour  un  métier  moins  ingrat. 

5  III.  -  ÉTAT  ACTUEL  DE  L'INDUSTRIE 

Je  me  suis  présenté  chez  M.  Bertrand,  neveu  et  héritier  du 
fondateur  de  la  dynastie.  Et  je  Tai  prié  de  me  dire  dans  quel- 
les conditions  il  fabrique  les  souliers  qui  pendent  par  grappes 
le  long  de  ses  murailles  et  des  poutrelles  de  ses  plafonds. 

M.  Bertrand,  après  avoir  manifesté  une  surprise  énorme  de 
me  voir  prendre  quelque  intérêt  à  la  question,  m'a  indiqué  : 

Primo,  —  Qu'il  s'occupait  uniquement  de  la  confection  des 
grosses  chaussures  et  qu'il  n'était  jamais  entré  en  concurrence 
avec  les  industriels  dont  la  spécialité  consiste  à  rendre  élégant 
et  pointu  le  pied  de  l'habitant  des  villes. 

Secundo.  —  Qu'ayant  succédé  à  son  oncle,  il  recueillit,  avec 
l'atelier,  la  clientèle  et  qu'il  continuait  à  servir  les  habitants  de 
l'Ardèche,  des  Alpes  et  de  certains  coins  d'Algérie,  contrées 
diverses,  où  l'indigène, par  lagrâced'uh  sol  caillouteux, ignore 
l'escarpin  de  bal  et  la  bottine  vernie. 

Tertio,  —  Que  son  chiffre  d'aff*aires  se  fait  sensiblement 
moindre  que  celui  de  son  oncle.  De  200.000,  en  1890,  il  était 
passé,  en  1895,  à  180.000,  puisa  iSo.oooen  1900,  et  enfin  au- 
jourd'hui à  120.000.  Que  cette  diminution  devait  être  attri- 
buée, tant  à  la  concurrence  des  cordonniers  de  Barjols  (Var) 
qu'à  celle  de  M.  Scaralura  qui  s'établit  à  Pertuis,  en  1890,  et 
emploie  aujourd'hui  une  trentaine  d'ouvriers.  Scaralura  tra- 


vaille  aux  mêmes  conditions  que  Bertrand.  Il  fait  environ 
80,000  fr.  d'affaires.  Mais  les  patrons  de  Barjols  ont  sur  le 
Pertuisiens  d'incontestables  avantages.  Tous  leurs  ouvriers 
sont  des  autochtones  à  la  Tois  agriculteurs  et  cordonniers.  Les 
produits  quils  tirent  de  la  terre  nourricière  les  rendent  moins 
exigeants  pour  le  salaire  et.  de  ce  chef,  les  industriels  du  Var 
économisent  en  moyenne  o,5o  sur  le  coût  de  production  d'une 
paire  de  chaussures.  Cette  économie  se  traduit  par  une  dimi- 
nution de  prix  qu'apprécie  évidemment  la  population  de  la  cam* 
pagne. 

A  Barjols  comme  à  Pcrtuis»  les  ouvriers  travaillent  d'ailleurs 
de  la  même  façon.  Le  soulier  qu'ils  produisent  se  compose  de 
deux  pièces  de  cuir  qui»  réunies»  entourent  le  talon  et  se  termi- 
nent par  deux  oreilles  lacées  sur  le  coup  de  pied  (ce  sont  les 
tiges).  Une  empeigne  enveloppe  le  dessus  et  les  côtés  du  pied* 
La  plante  du  pied  repose  sur  une  double  semelle.  Et  un  talon 
de  cuir  complète  la  chaussure. 

Chaque  maison  possède  degx  ou  trois  coupeurs.  Armés  du 
iranchct,  banded  acier  terminée  par  un  angle  aigu  dont  un  côté 
porte  une  lame,  le  coupeur  découpe  dans  la  pièce  de  cuir,  éten- 
due sur  une  table,  les  tiges,  les  empeignes  et  les  semelles. 

Les  tiges  sont  livrées  aux  couseuses.  Elles  joignent  les  deux 
pièces  par  une  couture  qui  mohtc  du  talon  à  Tcxtrémité  supé- 
rieure du  soulier-  Les  tiges  cousues  sont  réunies  aux  em- 
peignes par  les  piqueuses  qui  font,  dans  ce  but,  sur  Icsdeu 
côtés,  une  couture  à  la  machine.  Cette  machine  est  en  tout  point 
pareille  à  la  machine  à  coudre  des  tailleuses,  saut  cependant 
que  les  rouages  sont  moins  délicats  et  que  l'aiguille,  destinée  < 
traverser  le  cuir,  est  plus  résistante.  Les  trous  qui  serviront 
lacer  le  soulier  sont  alors  faits  à  la  pince  emporte-pièce  et  les 
œillets  placés  a  la  machine. 

A  ce  moment,*  ledessus  du  soulier  >►  n  a  plus  qu  a  être  ajusté' 


—  Sgi  — 

à  la  semelle  et  c'est  à  cette  besogne  que  s'emploie  l'ouvrier  cor- 
donnier proprement  dit.  Il  opère  avec  du  ligneul,  ficelle  enduite 
de  poix,  après  avoir  laissé  tremper  et  battu  le  cuir,  pour  l'assou- 
plir et  «  serrer  son  grain  ». 

Lorsque  M.  Bertrand  eut  achevé  ces  explications,  je  lui  fis 
entendre  que  ses  collaborateurs  travaillent  selon  des  préceptes 
vénérables,  puisqu'en  1767,  ils  étaient  déjà  célébrés  par  le  sa- 
vant traité  de  M.  de'Garsault^  Mais  M.  Bertrand,  qui  cultive 
les  jardins  de  l'Ironie,  me  demande  avec  un  sourire  si  la  façon 
d'utiliser  nos  dents,  par  exemple,  avait  souvent  varié  au  cours 
des  âges  et  si  on  songea  jamais  à  les  remplacer  par  un  appareil 
masticateur.  A  son  sens,  le  procédé  dont  parle  M.  de  Garsault 
doit  être  tenu  moins  pour  vénérable  que  pour  excellent,  puis- 
qu'il put  résister  aux  outrages  du  temps  et  aux  révolutions  du 
machinisme 

Sans  doute,  l'apparition  de  certaines  machines,  telle  que  la 
machine  à  coudre  les  semelles,  purent  faire  croire  à  la  dispari- 
tion prochaine  de  la  confection  à  la  niain.  M.  Bertrand  n'igno- 
rait pas  que  son  oncle  avait  conçu  à  ce  sujet  les  craintes  les  plus 
vives.  Mais  la  pratique  avait  donné  tort  aux  innovateurs.  Et  si 
les  bottines  continuent  à  être  fabriquées  de  cette  manière,  de- 
puis longtemps  on  a  dû  renoncer  à  la  confection  par  la  machine 
des  souliers  de  fatigue.  Les  produits  de  la  machine  ne  résistent 
pas  à  l'usage.  Et  la  couture  faite  par  la  machine  ne  saurait  être 
comparée,  au  point  de  vue  de  la  solidité,  à  la  couture  à  la  main. 
La  machine,  en  effet,  unit  les  pièces  de  cuir  en  les  traversant 
d'un  fil  à  chaque  «  point  ».  L'homme,  non  seulement  forme 
des  «  points  »  par  la  réunion  de  deux  fils  poussés  en  sens  in- 


*  Sans  doate,  en  1767,  on  ne  possédait  ni  la  machine  à  piquer  les  claques, 
ni  celle  qui  perce  les  trous  et  place  les  œillets.  Mais  il  faut  reconnaître 
que  ces  machines  sont  loin  d'accomplir  les  opérations  essentielles  de  la 
confection  qui  sont  demeurées  invariables. 


V 


verse»  mais  encore  ces  deux  fils  s'entrecroiseni  et  forment  nœud 
au  milieu  de  la  semelle. 

D'ailleurs,  d'une  manière  générale,  le  machinisme  laissait 
i\L  Bertrand  dans  Tindifférence  la  plus  complète*  La  spécialité 
de  saclienicle  lui  inierdisait  de  songer  aux  produits  peu  résis- 
lanis  et  il  n  avait  point  à  se  préoccuper  de  la  rapidité  dans  la 
production.  Il  voyait  d'autant  moins  de  motifs  de  se  hâter  qu'il 
arrivait  à  satisfaire  la  demande  avec  des  ouvriers  célèbres  par 
leur  nonchalance. 

Trouver  des  débouchés  nouveaux  ?  Les  bénéfices  réalises  ne 
Tencourageaient  pas  à  entrer  dans  cette  voie.  Concurrencé  par 
Barjols  qui  produit  à  meilleur  compte  ;  dans  rimpossibilîtc  ab- 
solue d  encourager  et  d'étendre  son  personnel  par  une  augmen- 
tation de  salaire*  prévoyant  le  moment  où  Touvricr  ferait  dé 
faui  :  M,  Bertrand  se  comparait  avec  humilité  à  un  mulet  de 
labour  qui  sillonne  sans  espoir  une  terre  ingrate.  A  son  sens, 
l'industrie  cordonnière  à  Pertuis  se  meurt  d'une  anémie  pro- 
fonde et  on  peut,  dès  maintenant,  prévoir  sa  complète  dispari- 
tion. 


CONCLUSION 

Au  moment  de  clore  cette  petite  enquête,  je  dois  rendre  hom- 
mage à  la  parfaite  sincérité  des  déclarations  de  M*  Bertrand. 

11  est  vrai  —  et  cela  se  conçoit  sans  peine  —  que  le  recrute* 
ment  du  personnel  devient  chaque  jour  plus  difficile*  En  ce 
moment,  vous  ne  trouveriez  pas  un  seul  apprenti  à  Pcnuisci 
on  ne  se  souvient  pas  d'en  avoir  formé  durant  ces  vingt  der* 
mères  années.  Le  père  de  famille  se  soucie  peu  d  engager  son 
lîls  dans  une  voie  où  le  pain  quotidien  est  si  difficile  à  gagner. 

Il  est  vrai  que  le  patron  ne  peut  songer  à  augmenter  ses  salai* 
res.  Pour  vivre,  il  est  arrivé  à  limiter  strictement  ses  bënélices. 


-  893  - 

11  se  trouve  en  concurrence  avec  des  industriels  du  Var  qui 
produisent  le  même  article  que  lui,  à  meilleur  compte. 

Le  cuir,  d'autre  part,  augmente  constamment  de  valeur. 

L'automobilisme,  le  vêtement  de  sport  ouvrent  de  nouveaux 
débouchés  à  la  tannerie.  Les  guerres  récentes  ont  d  ailleurs 
raréfié  la  production.  Si  bien  qu'à  moins  de  hausser  leurs  prix, 
ce  qui  comblerait  Barjols  de  joie  et  leur  ferait  perdre  encore 
une  partie  de  leur  clientèle,  les  Pertuisiens  peuvent  prévoir  un 
amincissement  nouveau  de  leurs  gains  étiques. 

Mais  à  ces  causes  de  marasme  indépendantes  de  leurs  volon- 
tés, nous  pouvons  en  ajouter  d'autres,dont  ils  sont  entièrement 
responsables  :  je  veux  parler  de  leur  manque  absolu  de  sens 
commercial.  Ils  ont  la  haine  de  la  réclame,  des  voyageurs,  de 
l'association,  des  conditions  du  commerce  moderne.  Et  tandis 
que  je  recueillais  ces  interviews,  je  rapprochais,  malgré  moi, 
leurs  récriminations  de  celles  que  Tante  Manon  adressait  aux 
Chemins  de  fer,  s'il  fi^t  en  croire  Paul  Arène,  et  des  diatribes 
lancées  par  le  meunier  de  Daudet  contre  la  minoterie  à  vapeur. 

La  constatation  paraîtra  invraisemblable  à* ceux  qui  savent 
combien  la  vallée  de  la  Durance  se  pique  en  période  électorale 
d'un  amour  intense  du  progrès.  11  faut  croire  que  ce  sentiment 
généreux  se  dépense  si  complètement  tous  les  quatre  ans  que, 
pendant  les  intervalles,  le  Pertuisien  n'en  trouve  plus  une 
bribe  à  introduire  dans  le  train-train  ordinaire  de  sa  vie. 


1 


>  ■     ■. 


—  895- 

XLVI 

LA  GRISE  DE  U  GORDOMNERIE  A  lARSfiULB 

vers    1T89 

par  O.  TAXiRAll,  Piofessenr  aa  Lycée  Ifignei, 

Corregpoudamt  dm  Minisière,  ComseiiUr  du  comwmerce  extérieur, 
Secrétairt  général  de  U  Société  ^Études  propemçMia. 


La  cordonnerie  marseillaise  avait,  an  xviu*  siècle,  grande  ré- 
puation  :  ses  articles  alimentaient  une  exponation  importante 
et  continue  ;  ils  étaient  dirigés  vers  les  colonies  d'Amérique  ; 
ils  y  étaient  recherchés  avec  une  préférence  particulière. 

Vers  la  fin  du  xxur  siècle,  ce  commerce  spécial  s*alanguii  ; 
il  souffrit  d'une  crise  industrielle  ;  le  mal  fut  niôme  assez  grave 
pour  inquiéter  la  corporation;  elle  constatait  avec  Inquiétude 
le  ralentissement  de  la  fabrication  ;  elle  était  effrayée  du  ma- 
laise au  point  de  craindre  que  le  marché  colonial  ne  se  fermât 
devant  elle  :  ses  clients  ne  seraient-ils  pas  tentés  de  s'adresser 
à  d'autres  fournisseurs  ? 

La  cherté  de  la  vie  avait  causé  cenç  crise  :  maîtres  et  garçons 
expriment  cette  même  plainte,  les  maîtres  dans  leur  délibéra- 
tion du  i8  mars  1789,  les  garçons  dans  leur  délibération  du 
39  mars,  quelques  jours  après. 

Les  doléances  des  garçons  ne  sont  pas  une  simple  constata- 
tion ;  elles  sont  complétées,  précisées  par  un  vœu  explicite  ;  ils 
demandent  une  réforme  :  c'est  que  «  la  ferme  établie  sur  le 
pain  et  la  viande  soit  éternellement  abolie.  » 


—  896  — 

La  cherté  de  ta  vie  était  suivie  de  deux  effets,  dont,  par  inci- 
dence* les  maîtres  avaient  à  supporter  le  contre-coup  :  les  mar- 
chands de  cuir  avaient  dû  relever  leurprix  de  vente  ;  peut-être, 
d'ailleurs,  ëprouvaient-ils  quelque  difficulté  d'approvisionnc-»J 
ment  ;  il  est  à  présumer  que  si  la  viande  était  chère,  c*csl" 
qu'elle  était  rareje  bétail  manquait.  Le  paysan  ne  faisait  pas 
plus  d'élevage  que  d'agriculture.  Quoiqu'il  en  soit  des  circons- 
tances particulières,  un  fait  est  certain  :  dans  la  même  délibé- 
ration où  les  maîtres  se  plaignent  de  la  cherté  des  vivres,  ils  scj 
plaignent  de  la  cherté  des  marchandises  :  elles  ont  augment 
de  60  0/0. 

Tandis  que  la  cherté  des  vivres  faisait  hausser  aux  marchands 
de  cuirs  leur  prix  de  vente,  elle  faisait  hausser  aux  garçons  lej 
prix  de  leur  travail  :  ils  exigeaient  des  salaires  plus  élevés,  iW 
allaient  jusqu'à  les  imposer  aux  maîtres.  Dans  la  même  déli- 
bération, les  maîtres  enregistrent  cette  situation  :  ils  protestent 
contre  !a  prétention  de  leur  imposer  un  prix  de  façon. 

Hausse  sur  la  matière  première,  hausse  sur  la  main-d'œu- 
vre, telles  étaient  les  conséquences  que,  par  suite  de  la  hausse 
sur  le  prix  4iu  pain  et  de  la  viande,  les  maîtres  cordonniers 
avaient  à  subir. 

Le  résultat  de  ces  deux  causes,  c'était  la  hausse  de  Kaaiclc' 
lui-même  au  détriment  du  consommateur,  sans  pro6t  pour  le 
fabricant  ni  pour  l'ouvrier  :  les  maîtres  déclarent  ^  qu1ls  ven* 
dent  un  tiers  plus  cher,  sans  bénéfice  accru  )*. 

La  surélévation  des  prix  de  la  chaussure,  telle  était  la  cause 
manifeste  du  ralentissement  dans  l'exportation  de  cet  article, 
telle  était  la  cause  qui  resserrait  sur  un  des  marchés  de  Mar- 
seille son  commerce  colonial,  ses  échanges  avec  nos  établisse- 
ments en  Amérique. 

De  ces  deux  faits,  le  renchérissement  de  la  matière  première 
ou  le  renchérissement  de  la  main-d'œuvre,  il  semble  que  ce  soit 
cette  dernière  qui  ait  le  plus  agi  sur  la  cordonnerie. 


-  897  - 

Le  contrat  de  travail  soulève  dans  cette  industrie  des  ques- 
tions, provoque  des  réglementations,  appelle  des  réformes  qui 
remplissent  les  documents  parlementaires  et  corporatifs  de 
répoque. 

La  lutte  est  réelle  ;  les  intérêts  sont  inconciliables  ;  deux  par- 
tis sont  en  présence;  ils  se  traitent  en  ennemis;  leur  système 
est  la  défensive  ;  chacun  combat  avec  son  tempérament,  l'es- 
prit déclasse.  Radicaux  absolus,  les  garçons  demandent,  obéis- 
sent d'ailleurs  au  courant  général  de  Topinion,  l'abolition  des 
maîtrises.  Conservateurs,  jaloux  de  leurs  privilèges,  invoquant 
la  protection  de  l'État  législateur,  les  maîtres  demandent  la 
création,  l'organisation,  le  fonctionnement  du  bureau  de  place- 
ment. 

C'est  par  cette  institution,  inspirée  par  le  patronat,  que  la 
crise  de  la  cordonnerie  marseillaise  offre  un  intérêt  plus  parti- 
culier. 

La  pensée  qui  dirigea  les  maîtres  dans  ce  système  de  préser- 
vation contre  les  agissements  des  garçons  cordonniers  est  con- 
tenue dans  deux  arrêts  du  Parlement  d'Aix  :  l'un,  du  i6  jan- 
vier; l'autre,  du  5  avril  1781. 

Une  corrélation  si  étroite  unit  ces  deux  dispositions  que  l'on 
est  en  droit  de  voir  dans  l'arrêt  du  16  janvier  les  motifs  mêmes 
de  l'arrêt  du  5  avril.  La  rédaction,  d'ailleurs,  est  explicite  :  l'ar- 
rêt du  5  avril  est  la  confirmation  de  l'arrêt  du  16  janvier. 

Il  semble  bien,  sans  que  l'on  puisse  relater  le  fait  en  ses  dé- 
tails circonstanciés,  qu'une  organisation  raisonnée,  concertée 
des  garçons  cordonniers  pour  imposer  aux  maîtres  une  réforme 
dans  le  contrat  de  travail  fut  la  cause  originelle  et  effective  de 
la  création  d'un  Bureau  de  placement. 

D'après  l'arrêt  du  16  janvier  1781,  «  il  sera  défendu  aux  gar- 
çons de  s'assembler,  de  s'attrouper,  d'établir  des  impositions 
entr'eux,  de  nommer  des  syndics-trésoriers  ou  collecteurs  de 

COHORkS  —  67 


-899- 
oreilles  même,  pendant  leurs  délibérations,  les  agitations  de 
ceux  qui  demandaient  des  réformes  aux  cris  :  du  pain,  du 
pain  ?  Une  révolution,  entreprise  par  le  Tiers-État,  la  bourgeoi- 
sie, le  patronat,  ne  pouvait  avoir  que  l'idéal  social  d'une  classe. 
Une  société  démocratique  pouvait  seule  élever  le  but  et  élargir 
le  champ  des  réformes. 

A  l'organisation  illicite  de  la  résistance,  la  corporation  op- 
posa la  réglementation  légale  des  conditions  du  travail  :  ce  fut 
Tinstitution  du  Bureau  de  placement  des  garçons  cordonniers. 

Par  Tarrét  du  5  avril  1781,  les  premiers  des  maîtres  établis- 
sent un  bureau  de  placement. 

Les  garçons  arrivant  dans  la  ville  de  Marseille  devronts'adres- 
ser  à  ce  bureau,  demander  un  billet  et  se  rendre  dans  les  vingt- 
quatre  heures  chez  leur  patron.  En  cas  de  changement,  le  gar- 
çon devra  prévenir  le  patron  en  temps  ordinaire,  huit  jours 
d'avance  ;  dans  les  périodes  des  quatre  grandes  fêtes,  le  délai 
sera  de  trois  semaines. 

La  demande  devra  être  rédigée  par  écrit  et  adressée  au  pré- 
posé de  corps  du  Bureau  de  placement.  Lorsque  les  garçons 
quitteront  leurs  maîtres,  ils  de\Tont  se  présenter  au  Bureau,  se 
faire  inscrire  et  demander  un  billet  de  placement. 

Comme  dans  les  cas  précédents  : 

Si  les  garçons  contrevenaient  à  ce  règlement,  ils  encourraient, 
pour  la  première  fois,  une  amende  de  trois  livres  ;  pour  la  se- 
conde, une  amende  de  six  livres  ;  pour  la  troisième,  un  empri- 
sonnement de  quinze  jours. 

En  s'inscrivant.  les  garçons  doivent  déclarer  leur  véritable 
nom.  prénom,  lieu  d'origine,  à  peine  d'un  mois  de  prison. 

Ils  ont  des  droits  à  acquitter  :  cinq  sols  à  leur  arrivée  ;  tioîs 
sols  en  cas  de  changemenu  Le  Bureau  sediarge  de  faire  porter 
sac  ou  crépin  à  l'atelier  choisi. 

Ces  droits,  comme  les  amendes,  servircmt  à  réuUissement 
et  à  la  manutention  du  Bureau  de  fdacemeoL 


C  est  une  obligation  iniporative  pour  loiis  les  garçons  de  se' 
faire  inscrire  au  Bureau  ;  sinon,  ils  doivent  quitter  la  ville  sous 
peine  de  quinze  livres  d'amende  et,  en  cas  de  récidive,  cinq 
jours  de  prison. 

Les  premiers  oni  le  droit  de  faire  saisir  et  conduire  lesconire- 
venanis.  Ils  s  obligent  à  ne  point  prendre  de  garçons  arrivani 
ou  remuepteds,  s'ils  ne  sont  pourvus  d'un  billet,  sous  pemc 
d  amende  de  vingt  livres.  11  leur  est  défendu  de  payer  aux  gar- 
çons plus  de  vingt  sols  pour  la  façon  de  souliers  finis  ordi- 
naires, s'ils  fournissent  le  logement  ;  plus  de  22  sols  dans  le 
cas  contraire. 

Celte  réglementation  prolégeaiilcs  maîtres  contre  la  mobilité 
de  la  main-d  œuvre,  contre  les  spéculations  des  employés  sur 
l'employeur  à  l'occasion  d'une  presse,  contre  les  supercheries 
ÔQS  saboteuf^s  qui  roulent  d  atelier  en  atelier*  contre  les  reven- 
dications excessives  de  salaires,  contre  les  détaillances  ou  les 
calculs  de  concurrences. 

Quel  compte  tenait-on  des  conditions  du  travail  pour  le  gar- 
çon ?  On  ne  fixait  point  le  maximum  d'heures  de  travail  ci  ce- 
pendant, on  iixaitun  maximum  de  salaire  !  On  prévoyait  d< 
coniraveniions,  on  édictait  des  peines  pécuniairement  plus  gr«J 
ves,  des  amendes  plus  lourdes  pour  le  garçon  que  pour  le  maî- 
tre. On  ne  prévoyait  point  en  cas  de  conflit  de  mesures  concilia- 
trices :  l'ouvrier  n'avait  qu'à  changer,  déguerpir  ou  subir  la  pri- 
son ;  d*arbilrage,  point. 

Si  Ton  remarque,  d'une  part,  1  appareil  du  Bureau  de  place 
ment  et,  d'autre  part,  lattitude  du  Syndicat  des  garçons,  la  cor- 
poration apparaît  comme  une  citadelle  renforcée  contre  un  a&-^ 
saut. 

En  exprimant  le  vœu  de  voir  les  maîtrises  abolies,  les  gar 
çons  cordonniers  voyaient  en  elles  une  Bastille  qu'il  fallait  dé- 
molir Us  y  ont  réussi.  Leur  victoire  ne  leur  a  pas  profité^  peut- 


—  901  — 

être  la  défaite  a-t-elle  été  utile  à  leurs  adversaires  :  garçons  et 
patrons  ont  conquis  la  liberté  du  travail,  les  patrons  ont  perdu 
la  liberté  d'association,  les  garçons  ne  Tont  pas  obtenue.  Li- 
bres, sans  pouvoir  s'associer,  les  travailleurs  n*oni  pu  suppri- 
mer le  salariat,  ils  sont  retombés  sous  la  loi  du  capital. 

Faute  d'étendre  la  liberté  d'association  des  maîtres  aux  gar- 
çons, en  proclamant  hautement  cette  vérité  comme  un  droit 
naturel  aussi  imprescriptible  que  la  liberté  individuelle,  la  Ré- 
volution, œuvre  d'une  autocratie  nouvelle,  a  entretenu  la  riva- 
lité des  classes  et  perpétué  le  schisme  social. 


—  9^3  -  - 


XLVII 

La  pêche  des  éponges  en  Provence 

par  Jules  COTTE,  professeur  à  l'École  de  médecine  de  Marseille. 


Les  côtes  de  la  Provence  sont  fréquentées  depuis  fort  long- 
temps par  les  pêcheurs  de  corail,  et  les  palethnologues  sup- 
posent que  le  corail  provençal  a  pénétré  dans  Tlnde  après  les 
conquêtes  d'Alexandre.  Il  n*en  est  pas  de  même  en  ce  qui  con- 
cerne les  éponges  et  je  ne  crois  pas  que,  avant  ces  dernières  an- 
nées, des  recherches  sérieuses  aient  été  faites  le  long  de  nos 
rivages  au  sujet  de  la  pêche  de  ces  derniers  animaux. 

Un  négociant  marseillais,  M.  Crozat,  a  récemment  employé 
des  scaphandriers  à  explorer  la  région  qui  s'étend  entre  les 
golfes  de  Marseille  et  de  Saint-Tropez,  et  il  a  constaté  qu'elle 
est  assez  uniformément  spongifère  ;  seulement  les  individus 
qui  y  vivent  sont,  à  son  avis,  trop  disséminés  pour  que  l'on 
puisse  y  délimiter  des  bancs  à  proprement  parler  et  pour  que 
la  pêche  y  soit  lucrative.  Les  scaphandriers  qui  ont  travaillé  au 
renflouement  de  VEspingole  possédaient  des  chapelets  d'épon- 
gés et  de  fort  belles  branches  de  corail  récoltées  par  eux.  Les 
pêcheurs  du  port  de  Saint-Tropez  ramènent  de  temps  en  temps 
des  éponges,  accrochées  aux  hameçons  des  palangres  ou  arra- 
chées au  moment  de  la  relève  des  tramails  ;  parfois  ils  trou- 
vent sur  les  plages  des  squelettes  d'épongés,  qui  ont  été  déta- 
chées du  fond  par  quelque  tempête.  Au  petit  port  de  Cavalaire 


—  9^4  — 

les  pécheurs  m  ont  fourni  des  rcnscignemenis  analogues,  mais 
la  vente  des  éponges  ne  leur  rapporte»  à  eux  aussi,  que  des 
somncics  insigniliantes.  Un  coup  de  veni  d'hiver  a  jetc  sur  ta 
côie  de  Marseille,  près  du  Laboratoire  Marion,  un  individu  de 
Euspongia  irregularis  var.  wio///o/*  LenJ.  S  gros  comme  le 
poing,  fixé  sur  une  Arca  barbata:  quand  un  pécheur  nous  l'a 
apporié.  le  squelette  de  l'éponge  était  encore  englué  par  les  tis- 
sus en  putréfaction,  le  mollusque  était  encore  contenu  dans  sa 
coquille  ;  il  n'y  a  donc  aucune  supercherie  possible  à  cetégarj. 

Il  est  par  conséquent  bien  établi  que  les  côtes  provençales 
sont  spongiièrcs.  Reste  à  apprécier  Timporlance  économique 
que  pourrait  y  avoir  la  pêche  des  Spongiaires.  On  ne  peut  son^ 
ger  â  utiliser  chez  nous  comme  engin  de  pèche  la  foëne,  qui 
exige  un  pénible  apprentissage  et  dont  le  maniement,  qui  est  k 
peu  près  impossible  au-delà  d'une  quinzaincde  mètrcsde  profon- 
deur, n'est  rémunérateur  que  sur  des  bancs  assez  riches  ;  ladra- 
gue,qui  doit  éviterles  fonds  rocheux,  nepeut  pas  être  employée 
bien  souvent,  elle  non  plus.  On  serait  donc  fatalement  amené 
à  recourir  au  scaphandre,  ce  qui  demanderait  une  mise  de  fonds 
assez  élevée  et  obligerait  à  risquer  des  frais  de  campagne,  dont 
la  rémunération  resterait  fort  problématique. 

Une  autre  considération  dont  il  faut  tenir  compte,  c*cst  que 
les  éponges  qui  vivent  sur  les  côtes  de  Provence  ne  sont  pas 
d'une  vente  très  facile.  L'éponge  équinc  ou  pcnisc  ytiippos* 
pongia  equina  elastica  Lcnd.}»  d'un  écoulement  toujours  as- 
suré, y  est  rare.  On  y  rencontre  surtout  la  chimoussCf  ou  fine 
dure  du  commcrcQ  {Euspongla  ^inmcca  Schulze),  dont  les  dé- 
bouchés ne  sont  pas  des  plus  considérables,  et  qui  d'ailleurs 
n  a  pas  dans  nos  régions,  bien  souvent,  une  souplesse  suffisante 


»  Voir  G.  DAUftoiiJt,  P,  Stéhun,  J,  Con»  et  F.  Vâf«^4%ti,  L'indmirit 
des  Pèches  aux  Cohnict.  Marseille.  Barlatier  éditeur,  1906. 


—  9^5  — 

ei  une  bonne  régularité  de  forme.  Ce  sont  des  raisons  analo- 
gues, je  le  rappelle,  qui  ont  fait  abandonner  en  Corse  la  pèche 
des  éponges.  J*ai  eu  cependant  en  mains  des  exemplaires  de 
fine  dure,  rapportés  par  des  pêcheurs  de  Saint-Tropez,  et  qui 
étaient  d  assez  bonne  qualité.  Un  certain  nombre  d'oreilles 
d'éléphant  (Euspongia  officinalis  lamella  Schulze)  ont  été  ra- 
menées du  Lavandou  par  les  scaphandriers  de  M.  Crozat  ;  les 
pécheurs  de  Cavalaire  et  de  Saint-Tropez  en  prennent  aussi, 
parfois  de  fort  belles  dimensions.  Quant  à  Tindividu  à*Eusp. 
irregularis  mollior,  dont  j  ai  parlé  plus  haut,  il  appartient  à  une 
variété  qui  ne  fournit  actuellement  aucune  sorte  commerciale  ;  la 
fermeté  de  son  squelette  ne  permettrait  pas  de  Tutiliser  pour  la 
toilette,  peut-êtrecependant  quelques  applications  industrielles 
lui  sont-elles  ouvertes. 

Il  est  donc  probable  qu  aucune  entreprise  sérieuse  ne  peut 
être  tentée  actuellement  et  que  les  seuls  pêcheurs  d'épongés,  en 
Provence,  seront  pendant  longtemps  encore  les  scaphandriers 
pêcheurs  de  corail,  à  qui  le  hasard  fera  rencontrer  des  éponges 
ayant  une  valeur  marchande  appréciable  ;  à  moins  toutefois 
qu'une  heureuse  chance  ou  des  recherches  scientifiques  ne  fas- 
sent connaître  l'existence  d'un  banc  suffisamment  riche  pour 
que  la  pêche  y  soit  rémunératrice. 


XLVIII 

Simples  notes  sur  un  vieux  plan  de  la  ville  d'Arles 

datant    de     1 T4T 

par  Honoré  DAUPHIN,  Promoleur  et  Fondateur  de  la 
Société  des  Amis  du  Vieil  Arles. 


Le  hasard  m'a  fait  découvrir  dans  un  grenier  rempli  de  pape- 
rasses, de  cartes  et  de  croquis  cadastraux,  un  curieux  plan  de 
la  ville  d'Arles  que  je  crois  être  l'un  des  plus  vieux  qui  soient, 
j'entends  :  qui  soient  parvenus  jusqu'à  nous,  qui  soient  con- 
nus. Il  porte  la  mention  que  voici,  dans  un  angle  : 

Dessigké  (sic)  PAR  Pierre  Coesar  de  Meyran,  1747. 

L'ouvrage  est  orné,  au  fronton,  d'une  banderole  avec  ces 
mots  :  Plan  de  la  Ville  d'Arles,  et  cette  banderole  est  cou- 
pée au  milieu  par  un  cartouche  surmonté  d'un  heaume  empa- 
naché et  de  drapeaux  ou  de  fanions  à  fleurs  de  lys.  Au  centre 
du  cartouche,  naturellement,  la  dextre  en  l'air,  le  classique 
Lion  d'Arles. 

Travail  quasi  tout  au  trait  rouge.  Une  teinte  rose  plus  ou 
moins  foncée  le  colore,  dans  l'ensemble.  Il  est  à  l'  «  eschelle  ^ 
de  cent  toises  et  mesure  o^go  de  large  sur  i^io  de  long.  Gros 
papier  carton  collé  sur  toile  et,  malgré  quelques  cassures  et 
quelques  petits  hiatus  aux  plis  les  plus  fatigués,  en  état  suffi- 
sant de  conservation. 


—  9^8  - 

"A  part  l'indicalion  relative  à  réchclle,  nulle  autre  note  mar- 
ginale que  celle-ci  :  «  Arles  est  à  23"5o*  de  longitude  et  43*40*  de 
latitude  s*. 

Mais  si  incomplet  qu'il  soit,  le  plan  Meyran  appelle  mainte 
considération  intéressante.  Vous  me  permettrez  de  les  expo- 
ser ici^  Messieurs,  Elles  ont  trait  surtout  aux  changements 
survenus  dans  la  physionomie  générale  de  la  vieille  cité  aric- 
sîenne  depuis  le  milieu  du  win*  siècle  jusqu'à  nos  jours. 

Nous  ne  connaissions  guère  jusqu'ici,  pour  notre  ville,  que 
le  plan  dressé  par  M,  Guillaume  Véran  en  1843  et  celui  dressé 
par  M.  Auguste  Véran  en  1871.  Ccsi  donc  de  ces  deux  ouvra* 
ges  que  nous  serons  probablement  conduits  à  rapprocher  le 
plan  de  Picrre-Cœsar  de  Meyran,  au  cours  des  lignes  qui  vont 
suivre. 

Ce  qui  frappe  surtout  le  /égard,  dès  le  premier  coup  d*ccH, 
surnotre  plan  de  1747,  c'est  I  absence  de  toute  indication  rela- 
tive au  Théâtre  antique.  A  vrai  dire,  à  cette  époque,  rien  n'émer- 
geait, de  cette  ruine  somptueuse,  sinon  les  «t  fourches  de  Rol- 
land î».  je  veux  dire  les  deux  colonnes  du  scenium.  On  sait  que 
le  déblaiement  du  Théâtre  date  seulement  de  i833. 

Une  deuxième  remarque  importante  a  trait  à  la  ligne  de  rem- 
parts continue  dont  la  ville»  â  cette  époque,  était  ceinte»  tant  du 
côté  Rhône  que  du  côté  terre.  On  pense  bien  que  cette  ceinture 
devait  être  des  plus  disparates  :  remparts  romains,  sarrazins, 
murailles  moyennageuscs,  se  succédant  les  uns  aux  autres, 
sans  harmonie.  Pour  laspcct  général  de  cette  ligne  de  ^  forli* 
fications  )#,  il  faut  se  rapporter  à  ce  qu'en  écrit  Anibert,  en  1760,^ 
c'est-à-dire  à  l'époque  de  Pierrc-Cœsar  de  Meyran. 

«  Les  fortifications  n^étaicnt  pas  bien  considérables  alors 
(sous  ta  Ligue).  Elles  ne  consistaient»  comme  nous  le  voyons 
encore,  qu'en  une  simple  muraille  flanquée  de  tours  à  Tanti- 
que,  les  unes  carrées»  les  autres  rondes,  et  de  quelques  plate- 


formes  terrassées  sous  le  nom  de  «  boulevards  »  ;  le  tout  entouré 
d'un  petit  mur  en  façon  de  faussebraye  et  revêtu,  aux  endroits 
où  le  rocher  manquait,  d'un  fossé  dont  il  ne  reste  plus  rien. 
Du  côté  du  Rhône,  la  rivière  servait  de  fossé  et  les  seuls  ouvra- 
ges qu'il  y  eût  étaient  le  «  boulevard  »  de  Vers,  espèce  de  plate- 
forme terrassée  et  la  Tour  de  la  Roquette.  Les  portes  du  côté 
de  terre  étaient  couvertes  d'un  ravelin  ou  de  quelque  ouvrage 
équivalent,  mais  en  général  on  n'y  voyait  aucune  de  ces  fortifi- 
cations régulières  qui  sont  aujourd'hui  seules  en  usage.  » 

En  1747,  on  ne  pénétrait  donc  dans  la  cité  que  par  des  portes, 
lesquelles  avaient  nom  : 

Du  côté  de  la  terre  : 

La  Porte  de  la  Cavalerie, 
La  Porte  de  Portagnel, 
La  Porte  de  Laure  \ 
La  Porte  de  Marcanôu, 
La  Porte  de  la  Roquette  *. 

Du  côté  de  l'eau  : 

La  Porte  de  Vairs, 
La  Porte  de  Raosset, 
La  Porte  Saint-Jean, 
La  Porte  du  Port, 
La  Porte  Saint-Martin, 


'  Laare  aa  lieu  de  L'Aure,  comme  de  nos  jours.  L'erreur,  on  le  voit, 
Tient  de  bien  loin. 

*  L'emplacement  des  diverses  portes,  côté  terre,  est  assez  facile  à  recons- 
tituer par  tout  le  monde,  de  nos  jours,  sauf  toutefois  celui  de  la  Porte 
de  la  Roquette.  La  Porte  de  la  Roquette  est  marquée  sur  le  plan  Meyran 
en  face  de  l'actuelle  Rue  Taquin,  non  loin  de  la  Triperie,  que  nous  nom- 
mons à  cette  heure  le  bâtiment  de  TEcorchoir. 


—  9^*^  — 
La  Porte  Saini-Louis, 
La  Porte  du  Pont, 
La  Porte  Saini-Laureni, 
La  Porte  Notre-Dame, 
La  Porte  Sainte-Croix, 
La  Porte  des  Salins, 
La  Porte  de  Ginive  (sic). 

Poursuivons  noire  promenade.  Sur  remplacement  actuel  du 
cimetière,  à  Kesi  de  la  cité,  le  plan  Meyran  nous  indique  des 
plantations  quelconques  avec,  au  centre,  une  glacière.  On  aper* 
çoit,  plus  loin»  l'amorce  de  ce  qui  constituait  jadis  nos  ^Champs 
Elysées  i^,  dont  tant  de  gens  se  font  une  idée  si  fausse.  C'était, 
en  réalité,  un  immense  terrain  vague,  très  inégal  et  montueux, 
semé  de  tombeaux,  empêtré  de  ronces,  et  dont  une  toile  du 
peintre  Félon»  conservée  au  Musée  Rëatu,  nous  a  laissé  un 
aperçu  significatif,  car  la  dévastation  de  nos  <*  Champs  Elysëcs  i> 
ne  date  guère,  en  somme,  que  de  la  création  du  chemin  de 
fer  et  des  ateliers  du  P.-L.-M.  Il  est  dommage  que  notre  plan 
s*arrêie  presque  après  Saint-Pierre  de  Favabregoule,  dénomme 
par  l'auteur  du  travail  :  Saint-Pierre  d*Aliscamps  (>/cy.  Plus 
haut,  au  nord  du  Mouleyrès.  le  rempart  inachevé  et  la  porte 
de  Villeneuve,  démolis  sans  motif  il  y  a  bien  peu  d'années. 

F^evenons  au  sud.  Voici  le  canal  de  Craponne,  tel  que  nous 
le  voyons  aujourd'hui,  longeant  la  Croizière,  le  clos  d'Aulanicr 
(jardin  de  la  Charité,  de  nos  jours)  et  les  Carmélites  (ractucUe 
Charité).  Ce  nom  de  la  Charité,  nous  le  voyons  bien  sur  notre 
carte,  mais  ce  n'est  qu'un  peu  plus  bas,  au  midi  de  Craponnc» 
et  M,  de  Meyran  lattribue  à  un  immeuble  sis,  de  nos  jours» 
vers  Touest  du  Haras. 

Plus  loin,  vers  l'ouest  toujours»  les  Carmes  déchaussés  et 
le  Moulin  du  Tombant,  tels  que  nous  les  voyons  encore.  A 
signaler  enhn  une  grandecour  pour  le  bois,  sur  remplacemeat 


-  911  - 

actuel  des  chantiers  Tardieu,  ce  qui  prouve  que  les  dépôts  de 
charpentes  ont,  depuis  bien  longtemps,  élu  domicile  en  cet 
endroit,  le  long  du  fleuve. 

Franchissons  le  fleuve.  Voici  un  moulin  à  vent,  dont  il  nous 
souvient  d'avoir  vu  les  restes,  au  bord  du  chemin  dénommé  par 
M.  de  Meyran  :  «  Chemin  allant  en  Camargue».  Voici  Saint- 
Genest.  Puis,  au  bord  de  Teau  :  Le  Parc,  que  nous  connaissons, 
et  un  grenier  à  sel,  d'où  vient  sans  doute,  pour  ce  quartier,  le 
nom  de  quartier  de  la  Gabelle.  Signalons  enfin,  de  ce  côté,  une 
grande  maison,  dite  de  M.  Noguier,  longeant  l'actuelle  rue  de 
Nîmes. 

Soit  que  les  noms  de  rues  fussent  parfois  mal  indiqués  à 
l'angle  des  artères,  —  soit  que  M.  de  Meyran  ait  négligé  de  les 
lire,  —  soit  aussi  que  telles  rues  fussent  sans  état-civil,  nous 
trouvons,  au  plan  Meyran,  plusieurs  voies  désignées  de  la 
façon  suivante  :  Rue  allant  aux  Capucins,  Rue  allant  à  Four- 
ques,  etc.  Ce  qui  n'empêche  point  de  trouver,  parallèlement  à 
ces  voies,  une  rue  dite  Rue  des  Capucins  et  une  rue  dite  Rue 
de  Fourques. 

L'église  des  Capucins,  dont  il  s'agit  ici,  n'est  autre  que 
l'actuelle  église  paroissiale  de  Trinquetaille.  Le  nom  de  Saint- 
Pierre  que  porte  actuellement  cette  paroisse  était  alors  l'apa- 
nage d'une  église  disparue  et  qui,  sur  le  plan,  correspond  à  un 
point  de  la  ligne  actuelle  de  nos  quais,  vers  le  bout  de  la  rue 
des  Cuiratiers,  dénommée  Rue  de  Bourdelon  sur  notre  carte. 

Mais  il  y  a  encore,  par  là,  une  autre  église  de  Saint-Piepce. 
M.  de  Meyran  nous  l'indique  sous  le  nom  de  Saint-Pierre-le- 
Vieux  et  en  marque  la  place  vers  le  cimetière  trinquetaillais, 
vers  le  quartier  dit  alors  de  «  la  Ponche  »  * .  Et  ne  quittons  point 


*  Aujourd'hui,  la  Pointe  de  Trinquetaille.  Le  cimetière  dont  nous  par- 
lons est  tout  récent. 


—  gi2  — 

ce  faubourg  sans  signaler  ce  mot  :  vigne,  vigne,  vigne,  à  tous 
les  points  cardinaux  du  Delta.  En  1747,  la  vigne,  déjà,  règne  en 
Camargue,  cette  vigne  dont  la  tache  verte  finira,  et  combien 
désastreusement,  par  absorber,  par  submerger  notre  terroir 
malheureux  ! 

Il  sied,  maintenant,  de  rentrer  en  ville.  Rentrons-y  I  Mais 
abstenons-nous  de  toute  halte  superflue.  Les  causes  de  distrac- 
tions sont  multiples.  Ne  nous  laissons  point  distraire  et  courons 
droit  aux  saillantes  particularités.  Une  visite  méthodique,  rue 
par  rue,  édifice  par  édifice,  hôtel  par  hôtel,  nous  conduirait,  en 
effet,  trop  rapidement  hors  des  limites  tracées  à  ce  simple  tra- 
vail de  topographie  arlésienne. 

Franchissons  donc  le  ravelin  de  la  Cavalerie,  dont  nous  ne 
voyons  aujourd'hui  plus  trace,  et  dirigeons-nous  vers  le  quar- 
tier arénois.  Voici  le  corps  imposant  des  Arènes.  Leur  énorme 
mur  d'enceinte  figure  sur  le  plan,  avec  la  masse  des  construc- 
tions parasites  qui,  tant  à  l'intérieur  qu*à  l'extérieur,  Técrase. 
Ce  sont  les  arènes  pittoresques  de  jadis,  les  arènes  d'avant  la 
restauration  *.  —  Au  bas  de  la  porte  Nord,  ce  mot  :  La  Crotte. 
Il  s'agit  sans  doute  de  l'ouverture  du  couloir  donnant  accès  aux 
substructions  des  Arènes. 

Par  la  rue  Saint-Michel  de  l'Escale,  mettons  le  cap  mainte- 
nant sur  la  Rue  de  «  M.  de  Romieu  ».  La  rue  de  M.  de  Ro« 
mieu  correspond  de  nos  jours  à  la  partie  de  la  Rue  Diderot 
comprise  entre  le  planet  de  Saint-Charles  et  le  Rond-point  des 
Arènes.  En  face  l'Hôtel  de  Romieu  (actuellement  Hôtel  de 
Luppé),se  dressait  alors  l'église  des Cordeliers,  démolie  depuis. 
C'est  sur  remplacement  de  l'église  des  Cordeliers  que  se  dresse 
aujourd'hui  le  Pensionnat  Saint-Charles. 

Nous  parlions  à  l'instant  de  THôtel  de  Luppé  {aliàs  :  Hôtel 


'  Voir  les  gravures  du  temps. 


-9.3- 

du  général  Miollis).  De  tout  récents  travaux  nous  ont  permis 
de  nous  rendre  compte  que  le  petit  jardin  sis  au  nord  de  Tim- 
meuble  n'est  qu'une  partie  de  voie  publique  désaffectée  et  que 
le  dit  jardin  constituait,  en  partie,  autrefois,  le  tronçon  d'une 
petite  ruelle  bicoudée  allant  de  la  rue  Saint-Michel  de  TEscalle 
à  la  rue  de  Loinville.  Le  plan  de  1747  corrobore  absolument 
notre  observation. 

Si  des  ruelles  ont  disparu,  d'autres,  depuis  1747,  se  sont 
créées  ;  mais  voilà  que  nous  retombons  dans  le  détail  et  que 
nous  allons,  de  nouveau,  franchir  nos  limites. 

Signalons  rapidement  ceux  des  édifices  civils  ou  religieux 
que  M.  de  Meyran  fait  figurer  sur  sa  carte  : 

r  Sainte  Luce,  sur  l'emplacement  actuel  des  magasins  de 
fer  Bizalion. 

2'  La  Trouille,  qui  n'est  sur  la  carte  que  dessinée,  sans  au- 
cune dénomination  quelconque. 

3'  Saint-Claude,  sur  l'emplacement  actuel  du  magasin  de 
ferblanterie  Brun  (place  Voltaire). 

4'  Sainte-Claire,  que  l'auteur  place  dans  la  rue  de  M.  d'Es- 
toublon  (actuellement  rue  de  Grille). 

5*  Saint-Jean,  ou  le  Grand  Prieuré,  bien  connu. 

6"  L' Hôtel-Dieu,  là  où  nous  le  voyons  encore. 

7*  Sainte-Croix  (La  salle  du  Lion  d'Arles  actuelle). 

8*  Les  Tr/niVa/re^  (Magasin  d'Antiquités  Volpelière,  rue  de 
la  République). 

9*  Saint-Laurent  (Magasin  Numa  Montel,  de  nos  jours). 

10"  La  Visitation  (^Usine  à  laines  Dupuy). 

II*  Saint-Martin  (Magasins  Mistral-Bernard). 

12*  Saint-Paul, 

i3'  L'immense  vaisseau  des  Dominicains  (ou  Prêcheurs), 
derrière  l'actuelle  Usine  hydraulique. 

14*  Sainte-Anne  (Musée  lapidaire  actuel). 

i5'  Saint-Césaire  (Église  Saint-Biaise  de  nos  jours). 

CONAIIfiS  —  58 


-  9»4  - 

iiV'  Lex  Augustin^  (I^L^Îse  paroissiale  Saini-Césairc  aujour- 
d'hui). 

17'  Les  Carmes  (sur  remplacement  de  lactuelle  rue  des 
Carmes). 

18"  Les  Pénitents  noirs  (en  face  de  Tenirée  actuelle  du  TH» 
bunal  de  Commerce,  rue  de  la  République). 

rg"  Les  Jésuites  (Chapelle  du  Collège  actuel). 

20*  Les  Cannélites  (i'aciuelle  Chariic,  sur  l'Esplanade). 

2ï"  l^es  Recollets  (aciucllemcnl  la  nouvelle  École  primaire 
supériciire,  hier  encore  les  Dames  du  Car  met). 

Sans  parler  de  Saint-Trophime,  de  La  Major  et  de  Saint- 
Julien-Saini-Antoine.  de  rHAicl-de-Ville,  de  rObélisque  ei  du 
couvent  de  rOraioire. 

Quant  aux  cimetières,  mentionnons  le  cimetièp^e  pieux,  sur 
remplacement  actuel  d'une  partie  de  la  place  La  Major,  Un 
autre  cîmelière  est  encore  marqué  à  remplacement  actuel  de  U 
cure  de  cette  paroisse  ou  dans  le  jardm  limitrophe»  à  côté  du 
jardin  cl  de  Tc^lise  de  la  Madeleine. 

M.  de  Meyran  indique  plusieurs  cloîireSi  à  part  celui  41  du 
Chapitre  >►  (Saint-Trophime).  Ce  sont  ceux  des  Carmes,  dépen- 
dant du  couvent  des  Carmes,  tout  proche  de  Tactuelle  rue  Ro- 
tonde ;  dcs.t  ugustins,  à  côté  de  raciucllc  église  de  Saint-Césaire  ; 
des  Pères  Pointus,  proche  la  rue  actuelle  de  Chiavari  et  sur- 
tout celui  des  Dominicains,  stupidement  démoli  pour  hirt 
place  à  une  usine  hydraulique* 

Les  considérations  sur  les  noms  de  rues  nous  entraîneraienf 
bien  loin.  Abrégeons  : 

Il  y  a  d*abord  les  rues  à  dénomination  provençale  : 

a)  La  Rue  des  Capelans  \  plus  tard  Rue  des  Préircs,  avant 
de  devenir  Rue  du  Cloître. 


*  Le  pUn  Meyrtn  indique  encore  une  «atre  Rue  âtt  Capettms:  oetie 
dernière  porte  aii)ourd*iiiit  le   nom  de  Rue  des  Cbinoinea  (qiimrtMr  < 
riliiitare». 


-9>5- 

b)  La  Rue  de  la  Monède,  actuellemeni  Rue  de  la  Monnaie. 

c)  Lai  Rue  des  Batejats,  actuellemeni  Rue  des  Baptêmes,  ou 
plutôt  Rue  Renan,  depuis  le  dernier  remaniement  fâcheux  des 
noms  de  nos  vieilles  rues. 

d)  La  Rue  Bourgnôu,  de  nos  jours  Rue  de  TAmphithéâtre. 

e)  Le  conduit  de  la  Mariegalo,  aujourd'hui  Rue  des  Marti- 
gaux. 

Sans  parler  de  la  Porte  Marcanôu,  etc. 

II  est  une  rue  pour  laquelle  nous  demanderons  la  permission 
de  nous  étendre  un  peu  plus.  C'est  la  Rue  Taquin.  L'honora- 
ble M.  Fassin.  dans  son  Mwsee(i874,  n"  32,  p.  256),  donne  de 
l'étymologie  du  mot  Taquin  une  version  ingénieuse.  Mais  il 
n'est  nullement  question  de  la  Rue  Jaquine  dans  sa  Chronique^ 
Or,  c'est  le  nom  que  M.  de  Meyran  accorde  à  la  Rue  «  Taquin  ^. 
Dès  lors,  nous  croirions  plutôt  que  M.  Ca/ est  étranger  à  la 
chose.  De  la  Rue  Jacquine,  le  peuple  aura  vite  fait  de  dire 
Taquine,  et  Taquine  ou  Taquin,  ma  foi  !...  —  C'est  très  res- 
pectueusement que  nous*nous  permettons  cette  glose  et  le  très 
érudit  fondateur  du  Musée  et  du  Bulletin  archéologique  d'Ar- 
les voudra  bien  nous  pardonner,  si  nous  errons. 

Mentionnons  maintenant,  d'une  plume  rapide^  quelques 
noms  de  rues  pittoresques  absolument  abolis  : 

i)  Les  Quaire-Cantons,  de  la  Rue  Neuve  à  la  place  Saint- 
Roch. 

2)  La  Juifverie,  à  l'extrémité  de  la  Rue  du  Lau. 

3)  La  Rue  de  Jouguet,  Rue  du  Grand-Couvent,  à  cette 
heure. 

4)  Le  Planet  de  Boussicaud,  actuellement  Planet  d'Anayet. 

5)  La  Rue  de  la  Pucelle,  rue  qui  disparut  totalement  lors 
du  déblaiement  de  la  place  de  La  Major. 

Et  les  rues  dont  les  noms  se  sont  modifiés,  rectifiés  ou  défor- 
mes  (sait-on  ?)  : 


—  yïo  — 

a)  La  J^ue  du  Saladlm  (hier  encore,  Rue  Poussaladou)» 

b)  La  Rue  du  Planet  de  Boudenon  (actuellement,  Rue  Bdu- 
danoni),  etc. 

Encore  quelques  remarques  avant  de  clore  ces  lignes  : 

Le  pont  de  Bateaux  était,  en  1747.  placé  dans  Taxe  de  la  Rue 
des  Capucins  de  Trinquetaille  et,  côté  Arles,  dans  Taxe  de 
rextrémité  de  l'actuelle  Rue  du  Pont, 

La  grande  cour  du  Collège  des  Jésuites  (Hôtel  de  Castelane- 
Laval)  semble  coupée  en  deux  par  une  muraille  séparativc. 

Et  eniin  un  gros  pâté  de  consiruclions  obstrue  une  grande 
partie  de  la  place  Royale,  actuellement  place  de  la  République, 
Le  rempart  ïniercepiaii  d'ailleurs  alors  toute  communication» 
sur  ce  point,  avec  l'Esplanade,  laquelle  Esplanade,  très  irrëgu- 
lièrc,  n'était  ombragée  d'arbres  que  depuis  la  porte  Marcamu 
jusqu'au  Rhonc.  le  soleil  sévissant  sans  merci  sur  la  ^  prome- 
nade )»du  chemin  de  Crau. 


11  y  aurait  encore  et  encore  bien  des  choses  à  dire  à  propos 
de  ce  plan  de  [747,  pourtant  si  incomplet.  Nous  aurions  voulu» 
du  moins,  pouvoir  le  mettre  sous  vos  yeux,  car^peui-^ircen  te 
voyant,  auricz-vous  excusé  mes  ennuyeuses  longueurs  et  ap- 
poné  plus  d'indulgence  à  ce  pâle  et  quelque  peu  incnh.'rt'nt 
commentaire* 

Honoré  Daupiubî. 

• 

Arles-sur-Rliônc»  2h  juillet  1906. 


-  917 


Nouveau  procédé  de  désinfection  rapide  et  à  sec 

des  objets  solides 

par  L.  PERDRIX,  Docteur  ès-sciences, 
Professeur  de  chimie  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Kfarseille, 


I 

Le  méthanal  (aldéhyde  formique)  se  transforme  facilement, 
à  la  température  ordinaire,  en  une  substance  blanche  cristal- 
line, appelée  trioxyméthylène  (ou  polyonxméthylèné).  Cette 
polymérisation  est  d*ailleurs  un  fait  général,  qui  se  manifeste 
chez  tous  les  composés  présentant  la  fonction  aldéhydique. 
Inversement,  lorsqu'on  chauffe  à  sec  du  polyoxyméthylènc,  il 
donne  du  méthanal  gazeux.  —  Le  phénomène  est  réversible  et 
rentre  dans  la  catégorie  des  transformations  allotropiques. 

Si,  en  effet, on  chauffe  en  vase  clos  et  dans  le  vide  du  trioxy- 
méthylène bien  sec,  à  une  température  déterminée,  2%^,  par 
exemple,  on  constate  qu'il  se  produit  du  méthanal  jusqu'au 
moment  où  la  pression  est  équivalente  à  32""  de  mercure, 
puis  la  tension  reste  stationnaire,  si  la  température  est  cons- 
tante. 

Inversement,  si  Ton  ajoute  du  méthanal  de  façon  à  produire 
une  augmentation  de  pression,  l'excès  de  gaz  se  transforme  en 
trioxyméthylène  et  la  tension  de  32°"  se  reproduit  rapidement. 


Le  mémoire  XLIX  a  été  publié  par  l'auteur. 


—  9i8  — 

Le  phénomène  est  donc  entièrement  semblable  à  ce  qui  se 
produit  avec  le  cyanogène  et  le  paracyanogène,  la  vapeur  de 
phosphore  et  le  phosphore  rouge,  la  vaporisation  des  liquides 
en  vases  clos. 

Les  tensions  de  transformation  qui  caractérisent  l'équilibre 
du  système  «  trioxyméthylène-méthanal  )►,  aux  différentes  tem- 
pératures, sont  les  suivantes  : 


Températures. 

Tensions  de  transformation. 

Températares 

TensioBS  de  iransforBallna. 

-4* 

7""" 

42° 

6o~ 

0' 

8" 

45* 

67- 

3- 

9" 

48- 

77" 

6- 

ii"~ 

59- 

i3o-- 

t3° 

17- 

70- 

210"" 

i8» 

21"" 

8i» 

326" 

28° 

32- 

86- 

393-- 

36° 

44" 

98» 

559- 

38* 

48" 

too-28if.r) 

;        583" 

La  courbe  représentative  de  ces  résultats  a  une  allure  sem- 
blable à  celles  qui  représentent  généralement  les  transforma- 
lions  allotropiques.  —  Remarquons  d'abord  que,  à  36^,  par 
exemple,  la  tension  (44"")  est  quatre  fois  plus  forte  qua  6^ 
(il"'").  La  proportion  de  gaz  dans  une  atmosphère  confinée 
pourra  donc  être  quatre  fois  plus  forte  à  36"  qu'à  6".  Il  en  sera 
nccossaircmcnt  de  même  de  l'action  antiseptique.  Il  en  résulte 
que,  au  point  de  vue  de  la  désinfection  par  le  méthanal,  il  y 
aura  iniérct  à  élever  la  température  ;  et  que,  toutes  choses  éga- 
les d'ailleurs,  la  désinfection  doit  être  plus  rapide  en  été  qu'en 
hiver.  —  En  cruire,  l'accroissement  rapide  de  la  tension  de 
transformation  explique,  étend  et  surtout  précise  nettement 
lidce  émise  par  Poitevin  que  ^  l'élévaiion  de  température  aug- 
mente considérablement  le  pouvoir  bactéricide  de  l'aldéhyde 
î«^rmique  *.   \  100  .  en  eîTei,  la  tension  limiie  du  méthanal  est 


-  919  - 

27  fois  plus  forte  qu*à  i8'.  Si  l'on  considère,  en  outre,  que  beau- 
coup de  germes  supportent  mal  la  chaleur  seule,  on  est  conduit 
à  penser  que  Faction  du  méthanal  doit  être  beaucoup  plus  éner- 
gique aux  températures  élevées  ;  puisque,  à  l'action  de  la  cha- 
leur, vient  s'ajouter  celle  du  gaz,  dont  la  proportion  devient  de 
plus  en  plus  considérable.  Les  résultats  expérimentaux  confir- 
ment pleinement  cette  conclusion. 

On  ne  peut  songer  à  augmenter  la  proportion  de  méthanal 
dans  une  enceinte,  en  employant  une  solution,  le  formol,  par 
exemple.  Les  tensions  de  vapeur  d'une  solution  de  formol 
sont,  en  effet,  bien  inférieures  à  la  somme  des  tensions  de  la 
vapeur  d'eau  d'une  part,  et  du  méthanal  de  l'autre,  comme  le 
montre  le  tableau  suivant  : 

Températures. 

i8o 
280 
360 
38° 
42» 
450 
480 
5oo 

Ce  fait  est  d'ailleurs  général  ^  une  solution  ammoniacale, 
renfermant  une  proportion  considérable  de  gaz,  n'a  guère,  à  la 
température  ordinaire,  qu'une  tension  de  12  V"  de  mercure 
environ,  tandis  que  le  gaz  ammoniac  liquéfié  possède,  dans 
les  mêmes  conditions,  une  force  élastique  de  neuf  atmosphères. 
—  Il  en  résulte  que  les  solutions  de  formol,  au  point  de  vue  de 
la  désinfection,  ne  peuvent  guère  fournir  de  méthanal  que  par 
évaporation  du  dissolvant  ;  l'excès  d'eau  est  donc,  pour  la  stérili- 
sation des  germes,  plutôt  unobstacle  qu'un  adjuvant.  Ces  résul- 
tats ont  un  intérêt  pratique  et  méritaient  d'être  signalés. 


T«Mlons  aaxima 
de  U  vapeor  d'eau- 

TnsioQt  de  U«MfonD«Uoo       Tt.tioBt  de  le  vepear 
da   lrio>jm«tb;tl«De.                     d.  foraol. 

i5— 

21  — 

22-" 

28" 

32— 

34- 

44— 

44°" 

48— 

49— 

48" 

53"- 

61»- 

60— 

65-" 

7'"" 

67- 

74"° 

83- 

77"" 

86- 

gi'" 

84- 

94°° 

—  9^0  — 


II 


t.a  tension  de  iraasformation  du  trioxymcthylène  en  nnéiha- 
nal  à  ioo<*n*aiteignant  que  583""t  cest-à-dire  les  3  4  environ 
de  la  pression  atmosphérique»  il  était  donc  possible,  a  priori, 
de  concevoir  un  système  bien  clo:>,  permettant  d'exposer  des 
objets  solides  à  Kaction  du  gaz  antiseptique  à  cette  température. 

Lappareil  que  j'ai  imaginé  dans  ce  but  se  compose  d'uoe 
étuvc  fermée  en  cuivre,  de  forme  cylindrique»  entièrement  en- 
tourée d'une  double  enveloppe  remplie  d'eau  pour  chaulTage  à 
loo*,  sans  régulateur.  La  double  paroi  antérieure  est  traversée 
par  des  lubes  cylindriques  horizontaux  en  laiton,  ouverts  cxic- 
ricuremeni  dans  l  atmosphère  et  intérieurement  dans  la  cham- 
bre centrale.  —  Dans  chacun  de  ces  tubes  fixes,  ghsse  par  frotte- 
ment doux  un  tube  mobile,  dont  le  diamètre  extérieur  est  cxac* 
tcment  du  môme  calibre  que  te  diamètre  intérieur  du  tube  fixe- 
Une  portion  du  tube  mobile  est  échancrée  comme  suit  ;  elle  est 
coupée  suivant  deux  génératrices  du  cylindre  situées  dans  un 
plan  parallèle  au  plan  de  symétrie  horizontal  et  légèrement  au- 
dessus  de  ce  dernier;  puis,  la  partie  supérieure  est  enlevée  au 
moyen  de  deux  demi*sections  droites,  Tune  antérieure,  l'autre 
postérieure.  Il  reste  une  gouttière,  formée  de  la  partie  inférieure 
du  cylindre,  et  dans  laquelle  sont  percées  plusieurs  ouvertures, 
pour  olfrir  au  gaz  une  pénétration  facile  ;  cette  gouttière  est  fer- 
mée, à  Tavant  comme  à  l'arrière,  par  un  disque  de  laiton  soudc« 
qui  obture  complètement  la  partie  principale  du  tube  mobile. 
Les  longueurs  respectives  de  la  gouttière  et  du  tube  fixe  sont , 
calculées  de  telle  sorte  que»  quelle  que  soit  la  position  du  tube 
mobile,  îl  n*y  ait  jamais  communication  entre  Tintérieur  de 
réluvc  Cl  l'atmosphère  extérieure  ;  la  fermeture  est,  en  effet, 
assurée  parte  disque  métallique  antérieur  quand  la  gouttière 
est  dans  lappareil,  et  par  le  disque  postérieur  quand  la  gout- 
tière apparaît  extérieurement  ou  est  complètement  au  dehors  ; 


—  9^1  — 

un  butoir  empêche  la  sortie  du  tube  mobile.  — Ce  dernier  et  sa 
gouuière  constituent  un  véritable  tiroir,  au  moyen  duquel  les 
objets  à  stériliser  sont  introduits  ou  retirés,  sans  que  les  va- 
peurs antiseptiques  se  répandent  au  dehors.  Un  bouton  per- 
met de  les  manœuvrer  comme  des  tiroirs  ordinaires  ;  des  tiges 
de  laiton  guident  leur  course  et  assurent  Thorizontalité.  Le 
tiroir  du  bas,  dont  la  gouttière  est  restée  pleine,  reçoit  du  trioxy- 
méthylène  destiné  à  produire  le  méthanal  pendant  la  chauffe. 
L'appareil  porté  à  loo',  Tobjet  est  placé  dans  Tune  des  gouttiè- 
res, introduit  dans  la  chambre  par  fermeture  du  tiroir,  main- 
tenu le  temps  voulu  au  contact  du  méthanal,  enfevc  par  une 
manœuvre  inverse  ;  et  les  opérations  peuvent  être  immédiate- 
ment et  indéfiniment  renouvelées. 

Un  autre  stérilisateur,  fondé  sur  le  même  principe,  présente 
deux  gouttières  à  chaque  tiroir,  l'une  à  l'avant,  l'autre  à  l'ar- 
rière :  la  sortie  de  l'une  produit  l'introduction  de  Tauire.  Cette 
disposition  est  plus  avantageuse  au  point  de  vue  de  la  solidité 
et  de  la  facilité  de  construction. 

Ces  deux  appareils  fonctionnent  des  journées  entières  sans 
émettre  la  moindre  odeur  de  méthanal,  sauf,  bien  entendu,  au 
moment  de  l'ouverture  d'un  tiroir,  le  gaz  de  la  gouttière  étant 
alors  répandu  au  dehors;  mais  la  quantité  en  est  toujours  mi- 
nime, même  à  loo'. 

III 

Grâce  aux  appareils  précédents,  il  m'a  été  possible  de  main- 
tenir des  germes  microbiens,  à  loo',  et  pendant  des  temps 
exactement  déterminés  (à  une  seconde  près),  dans  une  atmos- 
phère saturée  de  gaz  méthanal,  c'est-à-dire  à  une  tension  de 
583^".  J'indiquerai  maintenant  mes  résultats  expérimentaux. 

r  Des  carnets  de  papier,  à  couverture  épaisse  et  toile  au  dos, 
comprenant  huit  feuillets,  sont  badigeonnés  intérieurement  et 
extérieurement,  sur  toutes  les  pages  et  dans  les  plis  de  ces  pa- 


922 


avec  de  l'eau  des  égouts  de  Marseille,  Ils  sont  ensuite 
chés,  puis  exposés  dans  le  mcthanal  à  ioo%  pendant  des  temps 
déterminés.  On  les  abandonne  quelques  jours  entre  deux  assiet- 
tes flambées,  pour  permettre  la  diffusion  complète  du  gaz  qui 
les  imprègne  à  la  sortie.  Ils  sont  ensuite  découpés  ascptiquc- 
ment,  puis  introduits  par  petites  portions,  mais  tout  entiers, 
dans  des  tubes  contenant  du  bouillon  stérilisé;  et  ces  derniers 
sont  maintenus  dans  une  étuve  à  38^  et  examinés  de  jour  en 
jour  pendant  six  semaines  consécutives. 

Il  ne  s*csi  produit  aucune  culture  après  une  exposition  d'une 
minute  au  contact  du  gaz  antiseptique  ;  tandis  qu*un  carnet 
témoin,  chauffé  cinq  minutes  à  loo*  sans  méthanal.a  altéré  ra- 
pidement tous  les  tubes  correspondants.  ^H 

2^  Devant  un  semblable  résultat,  je  résolus  d  opérer  sur  l^F 
spores  les  plus  résistantes  à  la  chaleur,  celles  du  bacillus  subti- 
hs.  Des  carnets  furent  trempés  entièrement  dans  une  culture 
de  subtilîs  avec  voile,  culture  d'ailleurs  impure  et  renfermant 
toutes  sortes  d'autres  germes.  Après  dessication  et  séjour  dans  le 
méthanal  a  ioo%  j'obtins  les  résultats  suivants  :  a  trois  minutes 
d*exposiiion,  20  0,0  des  tubes  étaient  contaminés;  mais  à  trois 
minutes  et  demie,  quatre  minutes, cinq  minutes»  etc.,  tous  nés- 
lèreni  stériles» 

3"  La  môme  expérience  fut  répétée  avec  de  vieux  morceaux 
de  drap,  de  tlanellc,  de  tissu  Rasurcl,  contagionnés  de  la  même 
façon  ;  le  résultat  fut  identique. 

Restait  à  examiner  la  question  de  la  facilité  de  pénétration da 
gaz  antiseptique  ;  les  expériences  suivantes  furent  efTecttiées 
dans  ce  but  : 

4*  Des  morceaux  de  flanelle  contaminés  par  le  subtilis  impur 
sont  plies  dans  de  petits  carrés  de  papier  à  filtre,  supcrposésdtx 
par  dix  dans  un  autre  morceau  de  même  papier*  qui  est  fermé 
et  ficelé  en  croix.  Après  exposition  dans  le  méthanal  a  loo*,  oa 
les  abandonne  huit  jours  dans  le  laboratoire  pour  U  ditfasioa 


—  9^^  — 

complète  de  Talcléhyde  ;  puis,  on  les  met  en  tubes.  Il  y  eut  en- 
core destruction  complète  des  germes  à  quatre  minutes  de  sé- 
jour dans  le  méthanal  à  ioo<>. 

5*  Du  coton  hydrophile,  trempé  dans  une  culture  de  subtilis 
et  séché  a  35"  sans  avoir  été  pressé,  est  découpé  en  lanières. 
Celles-ci  sont  enroulées  sur  elles-mêmes,  fortement  tassées,  puis 
entourées  de  papier  à  filtre  et  ficelées  en  croix.  —  On  les  met  au 
contact  du  méthanal  à  ioo%  pendant  des  temps  déterminés  ;  on 
les  abandonne  huit  jours  dans  le  laboratoire  ;  puis  on  les  dé- 
coupe aseptiquement  eton  les  meten  tubes.  —  Après  cinq  minu- 
tes d'exposition,  il  ne  se  manifesta  aucune  culture;  la  stérilisa- 
tion était  complète.  —  Un  paquettémoin,  chauflfé  vingt  minutes 
à  loo*  sans  méthanal,  avait  altéré  tous  les  tubes  en  vingt-quatre 
heures. 

6*  Du  sable  fin,  fortement  imprégné  d*une  culture  impure  de 
subtilis,  desséché  ensuite,  est  mis  en  paquets  de  i  gramme  cha- 
cun, comme  les  morceaux  de  flanelle  de  Texpérience  précé- 
dente. On  empile  ces  paquets  dix  par  dix  ;  puis  on  les  enferme 
dans  du  papier  a  filtre  ficelé  en  croix. 

20  o/o  des  tubes  ensemencés,  après  une  exposition  de  trois  mi- 
nutes dans  le  méthanal  à  ioo%  furent  contaminés  ;  après  quatre, 
cinq,  six  minutes,  etc.,  la  stérilisation  était  encore  complète. 

7"  Un  essai  identique  fut  effectué  avec  de  la  terre  glaise  infec- 
tée de  la  même  façon.  Celle-ci  fut  pulvérisée  et  traitée  comme 
le  sable  dans  Texpérience  précédente.  —  Dans  ce  cas,  le  temps 
nécessaire  à  la  stérilisation  est  un  peu  supérieur  (six  minutes 
au  lieu  de  quatre).  Cela  s'explique  si  Ton  remarque  que  les  in- 
tervalles compris  entre  les  particules  de  la  terre  pulvérulente 
tassée  constituent  de  véritables  espaces  capillaires,  dans  lesquels 
le  mouvement  des  gaz  est  lent  et  pénible. 

En  résumé,  la  pénétration  du  méthanal  à  loo**  est  extrême- 
ment rapide  et  son  pouvoir  antiseptique  également.  Le  métha- 
nal, en  eflfet    à  cette  température,  peut  être  considéré  comme 


^  924  — 

un  gaz  parfait,  très  éloigné  de  son  point  de  liquéfaciion  (-2]')  ? 
et  comme  il  a  sensiblement  la  même  densité  que  lair,  sa  dit- 
fusibilitc  est  du  même  ordre, 

Lorsqu  on  effectue  la  stérilisation  au  moyen  d'eau  surchauf- 
fée à  ïi5'i20»,  il  est  souvent  difficile  de  faire  pénétrer  la  vapeur 
dans  les  interstices  de  la  laine  et  du  coton  ;  et  l'on  doit  pro- 
duire par  instants  de  brusques  détentes,  afin  d'entraîner  les 
dernières  parcelles  d'air  emprisonnées  :  la  vapeur  d*eau,  en 
effet,  comme  tous  les  gaz  voisins  de  leur  point  de  liquéfaction, 
présente,  à  cette  tempéra mre.  une  certaine  viscosité.  Le  méiha- 
nal,  par  contre,  se  trouve  dans  des  conditions  extrêmement 
différentes;  il  peut  agir  d'une  façon  plus  énergique,  d'abord 
parce  que»  en  sa  qualité  de  gaz  parfait^  il  est  plus  pénétrant  ; 
ensuite,  parce  qu*il  possède  une  antisepsie  propre,  cequi  n*existc 
pas  pour  la  vapeur  d'eau. 

En  résumé,  sMl  s'agit  d'objets  que  l'on  peut  introduire  dans 
une  enceinte  close»  l'appareil  cindessus  décrit  est  susceptible  de 
rendre  de  grands  services, à  cause  de  la  sécurité  qu'il  présente. 
Je  la  stcrilisarion  certaine  qu  elle  permet  et  de  la  rapidité  ave 
laquelle  les  opérations  peuvent  se  succéder. 

J'ai  constaté,  en  outre,  que  les  étoffes  de  soie  des  nuances  les 
plus  délicates,  les  couleurs*  les  encres  de  toutes  espèces,  le  pa- 
pier le  plus  blanc,  ne  sont  nullement  modifiés  par  une  exposi- 
tion de  cinq  minutes  aux  vapeurs  de  méthanal  sec,  à  ioo*.  On 
peut  donc  utiliser  ce  stérilisateur,  par  exemple,  pour  ta  dé* 
sinfection  des  livrets  de  Caisses  d'épargne  au  moment  éts  dé- 
pôts, des  livres,  des  instruments  de  chirurgie  pendant  les  opé- 
rations mêmes,  des  objets  de  pansements,  des  ciseaux  et  bros- 
ses de  coiffeurs,  etc.  Il  est  possible  de  réaliser  également  un 
semblable  modèle  à  coulisses  formées  de  deux  cylindres  glis- 
sant Tan  dans  l'autre  pour  la  désinfection  rapide  des  objets 
de  grandes  dimensions,  comme  matelas,  étoffes,  vêlements» cic, 

L.    PtRùRIX. 


925  — 


LI 


U  BOTANIQUE  à  AIX-EN-PROVENCE 

depuis  la  seconde  moitié  du  XVI*  siècle 

—  EXTRAIT  - 
Par  Alfred    RETNICB,   Botaniste. 


I 

En  remontant  assez  haut  dans  les  annales  d'Aix,  nous  ren- 
controns les  premières  traces  d'un  mouvement  botanique  vers 
le  milieu  du  xvi«  siècle.  Plus  anciennement,  personne  n'avait 
songé,  en  Provence,à  cataloguer  les  plantes  alors  connues  sous 
le  nom  de  «  simples  »  ;  leur  connaissance  se  .confondait  avec 
celle  de  la  matière  médicale.  Quelques  livres,  de  peu  d'impor- 
tance au  point  de  vue  actuel  du  mérite  phytologique,  témoignè- 
rent d'une  tendance  vers  l'étude  moins  intéressée  des  végétaux 
et  vers  l'ébauche  d'une  liste  de  toutes  nos  espèces  indigènes 
considérées  en  dehors  des  propriétés  thérapeutiques.  Je  citerai 
en  première  ligne  :  Hugonis  Solierii  medici  in  II  priores  Aetii 
libros  Scholia,  1549,  par  Solier  (de  Saignon,  Vaucluse)  ;  Stir^ 
pium  Adversaria,  iSyo,  par  Lobel  et  Pena  (ce  dernier  né  à  Jou- 
ques,  arrondissement  d'Aix)  ;  BrieJ  Traité  de  la  Pharmacie 
provençale  familière,  iSgy,  par  Constantin  (médecin  à  Aix)  ; 
en  seconde  ligne  :  Pinax  Theairi  botanici,  1623,  par  Gaspard 
Bauhin;  Historia  naiuralis  Plantarum,  i65 1,  par  Jean  Bauhin; 
etc.  ;  publications  où  sont  enregistrées,  décrites,  parfois  figu- 


—  9^6  — 

rêcs,  beaucoup  de  plantes  constimant  lu  ionj  Je  noire  lAph 
végétal. 

Au  xvrr  siècle,  la  botanique  rurale  continua  à  être  en  hon- 
neur et  gagna  encore  plus  de  terrain  lorsque  Aix  eut  donné  le 
jour  à  Tournefon.  L'Université  de  la  capitale  de  la  Provence 
avait,  à  cette  époque»  comme  titulaire  de  la  chaire  consacrée  à 
renseignement  de  la  Res  herbaria^  Fouque,  coUègue  de  Gari- 
dcL  Quoique  ce  dernier  fût  seulement  professeur  d  anatomie, 
c'est  néanmoins  à  lui  que  les  Procureurs  du  pays  confièrent  le 
soin  de  rédiger  une  Histoire  des  Plantes  qm  naissent  aux  en- 
yironsd'Aix,  171 5.  Grâce  à  la  popularisation  des  Systema  Na- 
turœ  et  Species  Plantarum  de  Linné»  le  recensement  tlorisii- 
quede  la  Provence  entra  en  voie  de  progrès  sérieux  ;  le  Flora 
Galloprovîncîalis,  1761,  par  Gérard,  ne  tarda  pas  à  paraître, 
Quelques  années  après,  Aix  eut  pour  professeur  de  botanique  < 
son  Université  Darluc,  à  qui  nous  devons  VHistoire  naturelle 
de  la  Provence^  1782-1786.  Plus  modernement,  le  Catalogue 
des  Plantes  des  environs  dAix,  1H71 .  par  de  Fonvcrt  et  Achin- 
tre,  a  mis  le  sceau  à  la  précision  scientifique  désirable. 

Outre  CCS  auteurs  d'ouvrages  où  se  résumèrent  les  connais- 
sances phyiologiques  successivement  acquises,  il  est  juste  Uc 
rappeler  les  noms  des  vaillants  pionniers  apportant,  au  cours 
de  trois  siècles,  leurs  contributions  à  l'œuvre  commune.  De 
Beaumont»  Joannis,  Bertier»  Lieutaud,  Robineau  de  Beâulicu, 
Teissier,  etc.,  à  Aix  ;  de  Suffren,  de  Rainaud,  de  Paul  de  La- 
manon,  à  Salon,  etc.,  montrèrent  le  chemin  suivi  par  de  nou- 
velles recrues,  dont  Témulation  s  activa  en  voyant  la  pléiade  de 
botanistes  qui  se  révélaient,  d'année  en  annécp  soit  dans  lc> 
autres  arrondissements  des  Bouche$-du-Rh6ne,  soit  dans  les 
quatre  départements  voisins  :  Vaucluse,  Basses-Alpes,  Var, 
Alpes-Maritimes. 

Quoique  Aix  n'ait  pas  été  leur  ville  natale*  |e  vais  mettre  en 


lumière,  auunt  que  ie  comporte  b  |vnuv:o  vIo  NisVuns'^Ux^ 
trois  botanistes  dignes  de  notre  synu\Ath\e  cvMuVAtcrncUc  v'iw- 
cun  d'eux  n  a  pas  séjourne  une  ei:ale  durée  do  loinjw  d,^UN  l^ 
ville  du  bon  roi  René  :  malgré  cela«  il  sutiu  que  leurs  iumun  no 
rattachent  plus  ou  moins  au  mouvement  soicntiiu^uo  lo\  <^I| 
pour  qu'ils  aient  droit  à  un  souvenir.  l«;t  curieuse  (vmivHUiUUO 
qui  les  signale  est  la  suivante  :  ils  ap(\irtenaient  i^  des  Oixlie^ 
monastiques.  Tout  débat  contemporain  sur  les  vttux  rcliHUHix 
et  la  sécularisation  étant  strictement  tenu  à  l'tVan.  nuiih 
n'éprouverons  qu'une  surprise  assez  naturelle  :  ces  diNcipIcii  (A 
robe  monacale)  de  la  païenne  déesse  Flore  émicnt,  le  prtMuliT, 
Minime,  le  second  Cordelier,  le  troisième  (^upucin  ! 

II 

Vers  lôSg.Tourncfort  fit, à  y\ix,  souk  les  nuspiieti  t|e(i«ii*|i'l, 
la  connaissance  de  Charles  Plumier;  laissons  la  paroh'/i  l'aninn 
de  Y  Histoire  des  Plantes  qui  nainnent  aux  cnvitonn  if  Ai*.  ', 

«  Le  R.  Père  Plumier,  natif  de  Marucille,  de  l'OrdM*  iU*%  M« 
«  nimes.  qui  avoit  étudié  la  boUifiifjutf  <rfi  |t;ilMr  vAi%  l'illtitOtf 
«  Paul  Boccone,  vint  au  couvent  d'Ai;;,  Ay«»i  ;i(/pru  *\^^'  \u 
«  m*attachois  fort  à  la  bouni'^ii<r,  il  ni''  \>n'4  d<'  h;  *oh4*éif^- 
4c  dans  nos  campagnes  pour  lui  'Uitftfftfif^f  U*%  lA^ttti^i,  Un  |/J'k. 
«  rares,  ce  que  je  fis  asve/ Vyuv«;rit.  h:  i*n  \ft'^*ni»i  t-tt  ffftifi^- 
«  temf>s  la  connoissancç  d<:  M-  d*'  '(  v<jf/*^f'//*, 'j<^<  î>*  'fw-^ 
«  par  occasion  en  c/ttt  '»"iit.  h^tj  ^it  M-«//«if  4  t^ft  y/'*//  ';*t 
«  Alpes.  Le  Père  V\um'\t^  v-x^i^jt  ♦vt.'^ju,  *f>  ^***V/*'«î>*f/*  *»*a 
«  les  deux  intt^î*:urt  fctrfi-itf:  v*^  ^t^i/Zi^A  ^i^/Wikt  *%^  *•/«**• 
«  viile.  toutes  uf/i  'jAtt  *f  f^/i   ^i   î"  *•/<  « *>?./*>   u    M**/*»* 


—  9^8  — 

La  botanique  n*est  pas  redevable»  chez  nous,  au  Père  Plu- 
mier, de  nombreuses  indications  d  espèces*  Disons  loatet'ois 
qu*il  aurait  rencontré  dans  les  Basses-Alpes,  VAlchemilla  al- 
pina  L*  *t  II  m*apporta,  dit  Gandel,  celte  plante  qu'il  a  voit 
«  trouvée  aux  environs  de  Manne,  s»  Par  «c  environs  î»,  il  faut 
entendre  une  distance  assez  grande  (Di^ne»  au  plus  près)  : 
quiconque  connaît  le  village  de  Manc  ne  pourra  croire  à  Tcxis- 
tence  de  ladite  Alchemille  à  une  si  faible  altitude.  Le  P4 
Plumier,  toujours  d'après  GaridcL  observa  dans  le  bois  de  II* 
Sainte-Baume  le  Malope  malacoides  L.  Rien  de  moins  certain  : 
le  R.  Pêrct  ayant  séjourné  au  monastère  de  Bormcs  (Var)«a  dû 
faire  une  excursion  dans  les  Alpes- Maritimes  et  donner,  par 
lapsus  de  mémoire,  la  Sainte-Baume  comme  habitat  de  la  mal- 
vacée  prise  vers  Grasse. 

Nul  n*ignore  que  le  Père  Plumier  s*illustra  plus  tard  par  ses 
voyages  en  Amérique,  à  la  suite  desquels  il  publia  de  savantes 
descriptions  de  nouveaux  genres  et  espèces. 


in 


En  1889,  R€vt4e  Horticole  et  Botanique  aes  Bouches-du* 
Rhône,  j'écrivais  :  <*  L'isnardta  palustris  L.  fut  cueilli,  pour  la 
«  première  fois.cn  Provence,  à  Agay,prèsdc  Fréjus, parunca- 
«  pucin  dont  on  aimerait  à  lire  une  biographie  plus  longue  que 
<t  ce  que  dit  Gérard,  dans  son  Flora  Galloprovinciatis  :  Fra- 
M  ter  Gabriel,  capucinus,  rei  herbariœ  cultor  inclylus,  variis 
m,  itineribus  in  Italid,  Gallopropinciâjelicitersmceptis.de 
«t  historia  naturali  benê  mer i tus,  ^ 

Trois  ans  après,  ma  curiosité  fut  grandement  satisfaite  parla 
Note  que  M.  H.  Duval,  de  Lyon,  a  publiée  dans  la  Feuilk 
des  Jeunex  Naturalistes,  numéro  du  i"  décembre  1902.  Cette 
Note  a  pour  titre  :  Contribution  à  lUistoire  de  la  Botanique 


—  ;i20  — 

en  Prorence  :  Le  Frire  GahrieJ.  capucin  ba^Unisie  prorençaJ, 
Voici  ranaîvse  de  ces  documents  inespérés  : 

Attaché  en  qualité  d'apothicaire  au  couvent  des  capucins 
d'Aix,  le  Frère  Gabriel  dut  récolter  des  simples  pour  le  service 
de  la  pharmacie  et  ces  fonctions  lui  inspirèrent  sans  doute  le 
goût  de  la  botanique.  11  commença  un  herbier  et  osa  commu- 
niquer ses  récoltes  à  Gérard,  à  Séi:uin,àGouan.à  Linné  même. 
Le  président  Latour  d'Aijjues,  riche  a<;ronome  et  amateur 
éclairé  d'histoire  naturelle,  semble  avoir  été  le  mécène  de  cet 
humble  moine.  Les  documents  entre  les  mains  de  M.  Duval 
embrassent  une  période  de  quatorze  années,  de  1757  à  1770, 
Les  citations  de  Villars  laissent  supposer  que  le  Frère  Gabriel 
mourut  antérieurement  à  l'époque  de  la  rédaction  du  Flora  Del- 
phinalis  <  1 786  )  et  de  V Histoire  des  Plantes  du  Dauphiné  i  1 789\ 

Lettres  de  Latour  d'Aiguës  â  Seguin.  —  21    juin   1757  : 

«  Le  Frère  Gabriel  est  parii  il  y  a  environ  quinze  jours 

«  pour  aller  faire  une  ample  collection  de  plantes  dans  nos 
«  montagnes,  surtout  à  Barcelonneitc.  Je  crois  que  M.  Lin- 
«  naeus  la  engagé  à  faire  cette  tournée.  Ce  n'est  pas  encore  un 
«  grand  botaniste,  mais  il  y  par\'iendra  et  il  a  déjà  assez  de 
«  connaissances  pour  rapporter  du  bon » 

14  juillet  1758  :  «  Le  Frère  Gabriel  est  aussi  en  tour- 
ne née  ;  il  monte  dans  nos  montagnes  par  la  route  de  Grasse 
«  après  avoir  e.xaminé  tout  le  pays  des  Maures  et  de  l'Esterel. 
4c  Vous  voyez  que  notre  province  commence  à  cultiver  la  bota- 
«  nique  qui,  depuis Tournefort,  y  dormait  profondément » 

20  janvier  1762  :  « Nous  [Latour  d'Aiguës  et  le  Frère 

«  Gabriel]  allons  incessamment  travailler  à  l'arrangement  de 
«  mon  herbier,  ce  qui  ne  sera  pas  une  petite  besogne » 

14  novembre  1763  :  «  Le  Frère  Gabriel  est  aciuelle- 

«  ment  à  moi.  J'ai  obtenu  du  Provincial  qu'il  ne  fut  dans  son 
«  couvent  que  surnuméraire,  moyennant  quoi  il  va  prendre  U 
4L  surintendance  de  mon  jardin >► 

COKMlt—  69 


22  novembre  1763  :  ^t  Je  profile  de  Toccasion   pot 

n  vous  envoyer  Touvrage  de  Gérard*  N  ayant  pu  trouvcr^dal 
#t  un  nouveau  déménagement,  mon  exemplaire,  le  Frère  < 

«  briel  a  bien  voulu  qu*il  fût  remplacé  par  le  sien J'ai  rc 

<^  le  catalogue  de  mon  lierbicr  [Laiour  d'Aiguës  avait  commu^ 
*(.  nique  ce  catalogue  à  Séguin  par  Tentrcmise  de  Gauan|. 
«(  Frère  met  à  part  pour  vous  à  mesure  qu*il  range  ;  ainsi. 

«  diîicontinuant  plusce  travail,  vous  serez  bientôt  servi 

«  y  a  un  Gramcn  que  le  Frère  croit  être  décrit  seulement  par 
4(  Schreuchzer  et  qui  sera  sûrement  bon  pour  ragriculture, 
^  aussi  nous  proposons-nous  de  le  tirer*  cette  année,  des  bois 
«  de  la  montagne  de  la  Sainte-Baume  où  il  est  commun; 
^  c'est  celui  que  nous  croyons,  ce  doit  être»  de  cet  auteur. 
«  Gramen  hordeaceum  monlanum  spica  strigosiori^  breviu 
m,  aristatd  [Scheuchz,,  Agrost.,  p.  |6  ;  Elymus  europœus  L.| 
«  Je  ne  vous  dis  rien  de  la  part  du  Frère,  attendu  qu*il  est  alh 
^  en  provision  de  plantes  chez  un  de  mes  amis,  à  cinq  lieue 
«(  d'ici,  pour  en  rapporter  des  vertes  de  son  jardin  et  des 
m.  pour  mon  herbier......  » 

17  septembre  1767  :  #t Le  Frère  Gabriel  est  reçu  aui 

«  Cordeliers  et  attend  les  bulles  pour  sa  translation*  après  quoi 
<*  le  voilà  tranquille » 

i«'  novembre  1767  :  «  Enfin  le  bon  Frère  Gabriel  est 

m  décapuciné,  il  est  novice  Père  Cordelicr  dans  un  couvent 
«  qu'ils  ont  ici.  Il  est  fort  content  et  sera  définitivement  a 
m,  nous. ^ 

26  août  1770  :  « Mon  herbier'  est  tout  en   désordre* 


*  Darluc  en  parie  Ainsi  :  «  L'herbî^r  de  M.  le  Président  4e  UToiir  d 
«  gués  contient  les  plus  betles  plantes  de  la  Provence  en  quinae  icrai 
«  cartons,  dassdes  selon  le  xysième  sesuel  de  Von  Linné,  avec  qiun 
«  de  plantes  du  Levant,  des  Pyrénées  et  de  Caycnne.  »  (HiiiQire  / 
rtiit  (ÉÉ  la  à^r^utnctj 


Saà 


-93.  - 

«  n'ayant  pu  être  fini  par  le  Frère.  Il  est  composé,  non  de 
«  rherbier  de  Tournefort,  mais  d'une  partiequi  lui  avaitappar- 
«  tenu  et  ensuite  à  Garidel,de  là  à  M.  Lieutaud  et  enfin  à  moi. 

«  J'y  ai  joint  celui  du  Frère » 

A  ces  extraits  de  lettres,  M.  Durai  joint  des  renseignements 
supplémentaires  : 

Gouan,  dans  la  préface  du  Flora  Monipeliensit  préface  da- 
tée du  14  septembre  1764).  cite  le  Frère  Gabriel  parmi  le»  bo- 
tanistes à  qui  il  doit  plusieurs  espèces  nouvelles  :  «  Ntcnon 
«  eximii  floraecultores...  et  Frater  Gabriel,  capucinus*  quibui 
«  omnibus  plures  novas  species  debemus.  » 

Dans  le  même  ouvrage  (1765  Je  Frère  Gabriel  est  citéàrani- 
cledu  Stackys  maritima  :  «  Hancetiam  circa  Massiliam  tt  S. 
«Tropez  vidit  et  mccum  communicavit  crudiiissîmu»  et  gène- 
^  rosissimus  Frater  Gabriel  capucin  us.  » 

Uàns  ses  Illustraîionts  1773,,  â  l'article  Laraltra  wuiri- 
tima^  Gouan  fait  mention  encore  du  Frère  Ghbrïtl  :  «  In  hono 
« meo  c  seminîbusa  ciarissimoGerario missiscrtnit anno  :yVj. 
«  Ex  Fratrc  GabrieUt  ctiam  pro  Laraitra  irîMa  habut- 
4L  ram.  » 
Viilars  die  en  trois  endroits  k  Frère  Gibntl  : 
!•  ♦  Sinapis  ermcuûies.  in  anis  *rt  versuris  fcuis.  Moiioî;. 
«  ctc-  Caractère  fftrairif^r  tmcartri  L.  omciao  gauiet  er  p^C/ 
«  eo  forte  Gcrardas  e  Fraitr  Oairit:  ia:bueri-2t.  .^  ic  OsJjV 
provindi  reperieniî:  ?  »  flura  Dtlpkinaln^, 

2"  4L  Hypericum  hrtsupif'Jium-  Le  frert  rjSLi^jtû.  ^.atpacin, 
«  savant botanisLe  d'Aix-  gu-  avah*:-*  i*rt  *'*:it-j'>r'i  a;v*r.,  Litîi*:. 
41  donnait  âœtieplaait  jt  s  vît.  c  Hyptriium  ^sdhfrr'jnf^iiait. 
«  il  lie  la  comfc^ndan  »i  i^t:.  ;/y  Cv^ii  L  .  ^-^  t  vtt  •^'^^  i« 
«  moitié  pi  us  coimeL.  :x»i^rri:et.  xn  Strjr;  *:::  :,'.r;rr  :*»:  «n  ^^^ 
41  taksplia  iaa|5 îT. piiri  'j:.^*r.i,  »  tini^j.'t  iti  /'^anie*  an 
Z>tfirfinie.y 


3<»  «t  Je  dois  ajouter  encore  que  le  Frère  Gabriel,  capucin* 
^  qui  avait  des  relations  avec  Linné, a  laissé  dans  ses  herbiers. 
«.  qui  sont  entre  les  mains  de  M.  le  Président  de  lu  Tour  d*Ai- 
«  gués,  votre  Salix  sericea  sous  le  nom  de  S.  Lapponum  L., 
«  mais  il  reste  à  savoir  si!  le  tenait  de  Linné,  de  la  haute  Pro- 
*  vence  ou  même  du  Ùauphiné.'^fffist.de.^  PI.  du  naup/tîné^ 


[V 

Cest  vers  ifiSo  que  vint  en  Provence  le  Père  Eugène,  d'Aci- 
nonay  {qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  un  autre  Père  Eugène 
dVjrigine  espagnole,  fondateur  précisément  du  couvent  des 
capucins  d'Aix).  Le  botaniste,  religieux  de  l'Ordre  de  Saint- 
François,  duquel  j  ai  à  parler,  fréquenta  assidûment  Casta- 
gne ;  c'est  lui  qui  l'a  assisté  à  Montaud-les-Mîramas,  en  i858, 
a  son  lit  de  mon.  En  18O2,  le  Père  Eugène  était  encore  h  Aix, 
Derbès  disant  (préface  du  Catalogue  de  Castagne)  :  *c  Le  Père 
Eugène  explore  les  environs'd*Aix  avec  une  infatigable  acti- 
vité. ^  Il  a  dû  partir  pour  Grcst  (Drôme)  peu  de  temps 
après  186a,  car,  en  février-mars  1867,  il  découvrit  dans  cette 
ville  son  Crocus  cristensis  P.  E.  et  il  préparait  déjà  un  Catalo- 
gue des  plantes  des  environs  de  Crest  K  Ses  herborisations 
autour  d'Aixdurèreptdoncprobablement  une  dizaine  d*ânnccs* 
C'est  à  Marseille,  au  couvent  de  la  Croix-de-Reynier.  doai  il 
était  le  Père  gardien,  qu'il  est  mon  ;  à  celte  époque  (vers  1 
il  avait  cessé  d'herboriser, 

M'étant  adressé,  afin  d'avoir  des  renseignements  plus  détail- 
lés sur  le  Père  Eugène,  à  mon  honoré  confrère,  M.  l'abbé  Hcr- 
vier,de  Saint-Étienne  (Loirei,  possesseurde  son  herbier,  je  n'ai 


*  VEtudt  lift  rieun,  5*  t^dition.  i»;^,  par  Tabbé  Oriol,  c<mtieiit,  i 
sappl^ment  du  tome  prt'mier,  une  liste  de  16  espèces  de  la  Drôme*  ' 
touniquée  par  le  «  R.  P.  Eugène,  capucin  a  Creit  », 


-  933  - 

pu  savoir  davantage  que  ce  qui  suit.  Le  Bulletin  de  la  Société 
Botanique  de  France,  année  1868,  a  publié  une  Note  du  Père 
Eugène,  dont  le  préambule  dit  :  «  Nous  ajoutons  une  petite 
«  liste  des  plantes  des  environs  d'Aix,  où  nous  avons  herborisé 
4c  longtemps  en  compagnie  de  notre  ami  regretté,  M.  Castagne. 
«  Dans  son  intéressant  Catalogue  (1862),  M.  Derbès  a  déjà 
4c  mentionné  une  partie  de  nos  travaux  sur  la  flore  d'Aix,  mais 
«  un  petit  nombre  d'espèces  que  nous  avons  récoltées  nous- 
«  même  ne  sont  pas  mentionnées  dans  son  Catalogue ^ 

D*une  lettre  que  m'a  écrite  obligeamment  M.  Tabbé  Hervier, 
j'extrais  :  «  J*ai  beaucoup  connu  le  R.  P.  Eugène.  Il  m'a  sou- 
«  vent  entretenu  de  faits  qui  montraient  toute  l'amabilité  et  la 
«  cordialité  de  ses  rapports  avec  les  botanistes  aixois.  —  Mon 
«  herbier  général  d'Europe  contient  l'herbier  du  Père  Eugène 
«  renfermant  en  3o  cartons  environ  la  majeure  partie  des  cspè- 
«  ces  françaises  et  surtout  les  espèces  de  la  Provence  récoltées 
«  par  le  Père  Eugène  lui-même  ou  par  MM.  Huet,  de  Salve, 
«  Honoré  Roux,  Castagne,  etc.  En  outre,  un  herbier  du  Dau- 
«  phiné,  en  10  ou  12  cartons,  comprend  les  espèces  de  la 
«  Drôme  et  des  Alpes  réunies  par  le  Père  Flugène,  avec  le  con- 
«  cours  de  MM.  J.-B.  Verlot,  Burle  et  Borel.  » 

De  Fonveri  et  Achintre,  dans  la  première  édition  de  leur 
Catalogue,  iSyi^  citent  le  Père  Eugène  pour  Melilotus  parvi- 
jlora  Desf.  «  clos  des  Capucins  )^,  Centaurea  melitensis  L. 
4c  c(  .aux  secs  à  Roquefavour  )^.  Honoré  Roux,  Catalogue  des 
Plantes  de  Provence,  nomme  une  seule  fois  *  le  Père  Eugèneà 


L.  Legré  prétend,  dans  le  journal  La  Croix  de  Marseille,  numéro  du 
a  juin  1901  :  «  Un  capucin  du  couvent  de  Marseille  fui  l'ami  et  le  compa- 
«  gnon  fidèle  d'Honoré  Roux  ;  il  s'appelait  le  Père  Eugène.  Le  Catalogue 
«  des  Plantes  de  'Provence  a  souvent  enregistré  le  nom  de  ce  religieux 
«  parmi  ceux  desdivers  botanistes  provençaux.  »  Le  Père  Eugène,  relève- 
ra i-je,  n'a  appartenu  au  couvent  de  Marseille  que  dans  sa  vieillesse  impro- 


1 


—  934  -- 
propos  AtBifora  testiculata  L.  «  Aix  :  à  Saint-Antonin  ;  Père 
Eugène.  »  Huet  {Catalogue  des  Plantes  de  Provence,  1889)  a 
inscrit  une  cinquantaine  de  plantes  plus  ou  moins  rares  qu'il 
avait  reçues  du  R.  Père. 

Parmi  les  récoltes  aixoises  du  capucin  botaniste,  je  note:  «Po- 
«  lygala  rosea  Desf.  :  bords  de  TArc,  près  du  pont;  Potentilla 
«  opacata  Jord.  :  colline  des  Pauvres  ;  P.  villijera  Jord.  :  col- 
«  linc  des  Trois-Moulins  ;  Lythrum  gracile  DC  :  Aix  ;  Mi- 
4<  cropus  bombycinus  Lag.  :  Montaiguet  [adventice  ?]  ;  Car- 
«  duus  australis  Jord.  :. colline  des  Trois-Moulins;  Hieracium 
4<  prœaltum  Vill.  var.  decipiens  :  A'ix  ;  Thymus  Chamœdrys 
«  Fr.  :  collines  d'Aix.  »  M.  Tabbé  Hervier  m'a  promis  de  véri- 
fier si  ces  plantes  sont  contenues  dans  l'herbier  du  Père  Eugène 
et  si  elles  sont  exactement  déterminées. 


pre  à  le  rendre  «  compagnon  fi  Jèle  »  d'Honoré  Roux  citant  son  nom  une 
seale  fois.  M.  l'abbé  Hervier  m'a  écrit  :  «  Quant  aux  rapports  d*Honoré 
«  Roux  avec  le  Père  Eugène,  je  les  ignore  :  il  ne  m'a  jamais  parlé  de  lai 
«  comme  étant  un  de  ses  compagnons  de  courses  à  Aix  ou  ailleurs  et  je 
«  crois  plutôt  à  des  relations  amicales  d'échanges  entre  eux.  » 


J 


-935- 

LU 
UNE  VIEILLE  CITÉ  PROVENÇALE 


Les  rues  et  les  quartiers  d'Apt. 
Essai   de  restitution  topographique  et  toponymique. 

Par  M.  Fernand  SAUVE,  de  rAcadémie  de  Vaucluse, 

Secrétaire-Correspondant  de  la  Société  d'Etudes  provençales  à  Apt. 


Avant  que  progressivement  disparaissent,  sous  la  poussée 
des  exigences  de  la  vie  contemporaine,  les  derniers  linéaments 
de  la  physionomie  de  nos  villes  de  Provence,  il  n*est  pas  sans 
intérêt  de  fixer,  aussi  approximativement  que  possible,  laspect 
des  vieilles  rues  où  tant  de  générations  se  sont  agitées  et  de 
rappeler  les  anciennes  dénominations  —  bizarres  parfois, 
mais  toujours  logiques  et  pittoresques  —  que  les  habitants 
leur  avaient  accolées. 

Il  m'a  paru  d'autant  plus  utile  de  tenter  cette  restitution 
pour  la  ville  d'Apt,  à  travers  laquelle  les  alignements  n'ont 
sévi  que  fort  tard,  qu'il  n'existe  aucun  plan  gravé  ancien  de  ses 
voies  publiques;  le  seul  document  cartographique  qui  ait  pu 
être  utilisé  ici  est  un  plan  manuscrit,  dressé  en  1779  par  M.  de 
Duron,  ancien  officier  de  cavalerie  retiré  à  Apt,  qui  occupa  ses 
loisirs  à  figurer  le  tracé  des  rues  avec  une  scrupuleuse  exacti- 
tude; ce  géomètre  improvisé  avait  en  vue  d'indiquer  à  l'admi- 


1 


-  936  — 

nistraiion  communale  d'alors  les  améliorations  à  apporter  à  la 
circulation  publique. 

C'est  d  après  ce  document  que  j'ai  tenté  de  reconstituer  les 
lignes  de  la  cité  Aptésienne  du  moyen  âge,  en  m'aidant  des 
documents  municipaux  et  surtout  des  actes  notariés,  ceux-ci 
extrêmement  abondants  et  remontant  jusqu'au  milieu  du 
XIV-  siècle. 


Je  dois  d'abord  poser  en  principe  que,  pour  Apt,  le  tracé  des 
voies  publiques  ne  paraît  pas  avoir  suivi  celui  des  voies  de 
l'époque  gallo-romaine  ;  la  vérification  est  peut-être  difficile, 
étant  donné  que  le  sol  antique  se  trouve  enfoui  à  une  profon- 
deur moyenne  de  4  à  5  mètres;  cependant,  partout  où  les  dé- 
couvertes fortuites  ont  permis  une  comparaison,  la  non-concor- 
dance des  deux  tracés  a  pu  être  constatée. 

Sur  la  configuration  des  rues  du  haut  moyen  âge,  j  ai  cru 
prudent  de  m'abstenir,  les  documents  étant  absolument  insuffi- 
sants et  ne  permettant  qu'une  restitution  purement  hypothé- 
tique. 

Telle  que  nous  la  montrent  les  actes  de  i35o  à  1400,  la  ville 
se  trouve  à  ce  moment  entourée  de  remparts-  et  bordée  de 
fossés  qui  la  limitent  dans  un  périmètre  presque  absolu,  au- 
delà  duquel  les  maisons  ne  s'égaraient  qu'à  regret,  sauf  au 
cours  des  xii*  et  xiu*  siècle,  époque  de  réelle  prospérité,  où  un 
vaste  faubourg  occupait,  à  l'ouest  de  la  ville,  les  deux  rives  du 
Caulon.  Mais  en  i35o,  à  la  suite  des  incursions  de  bandes 
armées,  de  la  peste,  des  inondations,  il  ne  reste  plus,  de  celte 
annexe  urbaine,  que  des  casais,  des  amas  de  pierres,  quelques 
jardins  dont  leurs  propriétaires  se  défont  à  vil  prix. 

Donc  bien  avant  la  fin  du  xiv*  siècle,  les  rues  de  raggloméra- 
tion,  déjà  fort  étroites,  devinrent  encore  plus  exiguës,  afin  de 
faire  place  aux  nouvelles  habitations  et  aux  deux  grands  mo- 


-  93?  - 
nastères  des  Carmes  et  de  Sainte-Croix,  obligés  d'cmigrer  de  la 
banlieue  dans  la  ville  ;  les  paysans  —  qui  formaient  la  presque 
totalité  de  la  population  —  durent,  d'autre  part,  abandonner 
les  campagnes  et  demeurer  en  ville;  on  conçoit  combien  peu, 
dans  de  telles  conditions,  importaient  la  régularité,  la  propreté 
et  la  largeur  des  rues  à  des  gens  qui  ne  supportaient  pas  l'en- 
trée des  charrettes  dans  leur  ville  et  qui  sacrifiaient  tout  au 
besoin  immédiat  de  se  mettre,  avec  leur  famille  et  leurs  mai- 
gres ressources,  à  labri  d'un  coup  de  main. 

Si  Ton  ajoute  que  douze  églises  importantes  et  sept  cimetiè- 
res se  pressaient  à  l'intérieur  des  remparts, on  comprendra  que 
la  surface  laissée  à  la  circulation  devenait  des  plus  restreintes; 
aussi  ne  faut-il  pas  s'étonner  si,  en  1784  encore,  les  plus  gran- 
des rues  n'atteignaient  pas,  sur  certains  points,  une  largeur 
supérieure  à  deux  ou  trois  mètres  et  si  la  traversée  de  la  ville 
d'une  porte  à  Tautre  constituait  un  problème  des  plus  compli- 
qués. 

Encore,  à  cette  époque,  les  rues  étaient-elles  désencombrées 
de  tout  ce  qui,  au  moyen  âge,  les  transformait  en  emporta 
permanents.  Au  xiv*  siècle,  les  appendices  fixes  ou  temporaires 
qui  entravaient  la  circulation  étaient  légion  :  tables  de  bou- 
chers, d'épiciers,  de  savetiers  et  de  changeurs,  auvents,  esca- 
liers extérieurs,  montoirs,  marchepieds,  puits  publics  et  privés, 
oratoires,  sans  compter  les  étages  en  encorbellement  soutenus 
par  des  corbeaux  en  pierre  ou  des  poutres  à  saillies  façonnées. 

Tout  le  monde  connaît  le  type  de  nos  anciennes  boutiques  : 
leur  entrée  constituée  par  une  ouverture  à  centre  surbaissé 
était  formée  de  trois  parties  :  au  milieu,  une  coupée  ouverte 
entre  deux  bancs  de  pierre  à  hauteur  d'appui,  s'avançant  plus 
ou  moins  dans  la  rue  :  c'était  le  jpor/maow. 

Dans  le  haut,  les  volets  de  ces  boutiques  s'ouvraient  pour 
abriter  du  soleil;  dans  le  bas,  ils  s'abaissaient  pour  former  éta- 


^  938  - 

lage.  Mais  les  marchands  ne  se  contentaient  pas  de  ces  instal- 
lations ;  la  rue  était  encombrée  par  leurs  tables  en  maçonnerie 
ou  en  charpente,  accolées  aux  maisons  et  considérées  dans  les 
actes  comme  de  véritables  immeubles  par  destination.  Le 
nombre  et  les  dimensions  de  ces  appendices  augmentèrent  à 
tel  point  que  le  Conseil  dut  exiger,  en  i386,  qu'on  laissât  au 
moins  entr  eux  le  passage  pour  une  brouette  de  foin  ! 

Les  décisions  se  multipliaient  sans  résultats  et  au  xvi*  siè- 
cle, la  situation  de  la  voie  publique  n'avait  que  peu  varié;  en 
i5o3,  la  ville  dut  notamment  obtenir  un  arrêt  du  Parlement 
ordonnant  la  suppression  des  auvents  plus  ou  moins  ouvragés 
qui  surmontaient  les  boutiques  et  les  portes  des  maisons. 

Cet  aspect  de  la  rue  aptésienne  était  permanent  :  mais  les 
jours  de  foire  et  de  marché,  tout  ce  qui  demeurait  libre  était 
pris  par  les  tables  mobiles  installées  par  les  drapiers  du  Lan- 
guedoc, qui  apportaient  les  étoffes  de  «  France  »,  par  les 
merciers  et  les  couteliers  venus  d'au-delà  du  Rhône;  parles 
marchands  de  volailles  qui  prenaient  possession  de  la  Poulas- 
serie,  tandis  que  la  vieille  Juiverie,  le  Septier,  la  Poissonnerie 
étaient  occupés  parle  commerce  du  blé  et  les  poissonniers  des 
Mariigues  et  de  Berre. 


*** 


Traverser  la  cité  dans  de  telles  conditions  devenait,  je  Tai 
dit,  un  véritable  problème  :  seule,  la  rue  du  Chemin,  où  se 
trouvaient  des  hôtelleries,  était  assez  large  pour  permettre  la 
circulation  des  mulets  chargés  à  bât  ;  mais  lorsque  les  rela- 
tions commerciales  eurent  pris  quelque  importance,  au 
xvii«  siècle,  les  véhicules  durent  contourner  la  ville  et  em- 
ployer des  raidillons,  impraticables  aujourd'hui,  pour,  des  rou- 
tes d'Avignon  et  de  Marseille,  atteindre  celles  des  Alpes  €t  du 
Dauphiné;  ces  difficultés  n'existaient  pas  au  moyen  âg«»  car 


-939  - 
des  décisions  municipales  nombreuses,  en  i382,  1384  et  1409, 
notamment,  interdisaient  rentrée  des  charrettes  à  Tintérieurdes 
remparts  ;  les  édiles  iirent  même  placer  aux  portes  principales 
des  piquets  reliés  par  des  chaînes,  afin  d'assurer  Tobservation 
de  leurs  ordonnances  sur  la  circulation  des  rares  véhicules  qui 
s'aventuraient  alors  jusqu'aux  remparts. 

L'exiguité  des  rues  de  nos  anciennes  villes  était  aggravée  par 
l'ignorance  des  règles  de  l'hygiène  publique  :  on  a  bien  tenté, 
il  est  vrai,  en  choisissant  çà  et  là  quelques  exemples  de  déci- 
sions prises  par  des  édiliiés,  de  démontrer  que  celles-ci,  dès  le 
moyen  âge,  ne  méconnaissaient  pas  les  principes  généraux  de 
la  santé  publique  ;  il  n'en  demeure  pas  moins  établi,  par  l'exa- 
men de  la  situation  de  la  voirie,  que  toutes  les  villes,  sans 
exception,  avaient  des  rues  d'une  saleté  repoussante  K 

A  Apt,  où  les  documents  sont  parfaitement  affirmatifs,  nous 
voyons  se  perpétuer  jusqu'au  milieu  du  xix*  siècle,  l'usage  de 
Jaire  du  fumier  sur  la  voie  publique;  la  chaussée,  au-devant 
de  chaque  habitation,  formait  un  cloaque,  dont  les  voisins  dis- 
posaient à  leur  gré  pour  le  dépôt  des  immondices  ;  il  est  égale- 
ment vrai  que,  dès  le  xiV  siècle,  les  privilèges  de  la  ville  rap- 
pellent qu'il  est  expressément  interdit  de  procéder  ainsi  depuis 
Pâques  jusqu'à  saint  Michel  *  ;  mais  la  tolérance  permanente 
éuit  la  règle,  puisque  la  défense  de  faire  femorassas  dans  les 
rues  est  sans  cesse  renouvelée  *  et  que  la  commune  est  obligée, 
pour  permettre  le  passage  de  la  procession  de  la  Fête-Dieu,  de 
procéder  au  curage  des  rues  de  la  ville  *  ;  le  terme  est  suffi- 


•  Voy.  pour  les  détails    relatifs  à   la  propreté  des  rues  en   France  au 
moyen  âge  :  Eulart^  Sîanuel  d'archéol.  civile  et  militaire^  p.  239-140. 

•  Lîpre  rouf^e,  Arch.  com.  AA  i,art.  lxxxiv. 

'  Ordonnance  du  baiIed*Apt.  29  novembre  i326  et  nombreuses  délibé- 
lations. 

•  Délibération  du  27  sept.  1417,  Arch.  com.  BB.  14. 


—  940  - 
samment  expressif.  On  défend  enfin  de  faire  des  dépôts  de 
fumier  dans  les  lisses  intérieures  ou  près  des  remparts  *,  afin 
d'empêcher  surtout  la  destruction  des  murs  par  Thumidité  *. 

Cependant,  à  certaines  heures  difficiles,  les  médecins  exigè- 
rent (3o  octobre  1410),  sousla  crainte  d'une  épidémie  de  peste, 
le  nettoyage  des  rues;  les  édiles  défendirent  le  jet  des  balayures 
(scobelhiéras)  iur  la  voie  publique  (1415)  et  ordonnèrent  par- 
fois que  celle-ci  serait  balayée  tous  les  samedis  (i382,  1413). 
Mais  ces  prescriptions  ne  furent  obéies  que  très  peu  de  temps, 
les  termes  même  employés  par  les  édiles  le  démontrent  suffi- 
samment. 

Celte  situation,  nous  l'avons  dit,  n'était  pas  spéciale  à  Apt  : 
les  criées  de  Toulon  (iSSy)  ordonnent  «  de  non  amolonar 
formerassas  per  las  carriéras  »  et  obligent  d'enlever  les  dé- 
pôts, en  été,  tous  les  samedis  (art.  xxu)  ;  les  statuts  de  Raymond 
Bérenger  pour  la  ville  d'Aix  '  défendent  de  faire  du  fumier 
dans  les  rues,  mais  autorisent  la  sortie  du  fumier  sur  le  pavé 
pendant  deux  jours,  avec  obligation  de  le  porter  aux  champs 
le  troisième  jour;  les  leges  municipales d^ Arles {i  162-1202)  in- 
terdisent le  jet  des  balayures  et  des  cendres  et  défendent  aux 
habitants  de...  se  satisfaire  dans  les  rues,  exception  faite  pour 
les  enfants  âgés  de  moins  de  7  ans  (art.  xli);  à  Marseille,  le 
viguier  Jacques  Aube,  dans  sa  criée  du  20  novembre  i363, 
ordonne  aussi  le  balayage  :  «  Que  tota  persona  fassa  nedegar  e 
escobar  sa  frontiara  cascun  sapte  e  juzieus  cascun  vendrcs  »  *. 
A  Piolenc,  l'interdiction  est  singulièrement  atténuée  par  la  per- 
mission octroyée  de  laisser  stationner  le  fumier  pendant  dix 


*  Livre  rouge,  art.  ctij. 

*  Délibération  du  14  avril  141 3,  relative  aux  lisses  et  aux  places  de  la 
Bouquerie  et  de  Saignon  et  ordonnant  le  balayage  hebdomadaire. 

*  Ch.  GlKAUO,  Op,  cit.,  t.   II,  p.  22. 

*  Publiés  par  A^.  Conio,  dans  Reyue  historique  de  Provence,  1901,  p.  566. 


J 


—  941  — 
jours;  le  balayage  hebdomadaire  est  également  ordonné  *;  les 
statuts  de  1 184  et  i25i  de  la  ville  d*Avignon  sont  plus  précis 
encore  :  ils  défendent  de  déposer  «  pondus  superfluum,  pur- 
gando  ventrem  »  dans  les  rues,  sauf  dans  les  lisses  et  sur  le 
Rocher  des  Doms  '. 

Or,  réiat  de  choses  constaté  au  xiV  siècle  ne  s'était  pas  mo- 
difié à  la  fin  du  xviii*  siècle;  en  1784,  le  chevalier  Duron,  qui 
projetait  la  modification  des  rues  au  point  de  vue  des  aligne- 
ments et  de  l'aisance  des  communications,  n'osait  pas  exiger 
la  suppression  du  fumier  dans  les  rues,  parce  que,  dit-il,  «  le 
terroir  en  exige  une  grande  quantité  »  ;  il  demande  cependant, 
comme  correctif,  qu'il  soit  interdit  d'arrêter  l'eau  dans  la  rue  *, 
que  Ton  ne  fasse  plus  de  cloaques  dans  les  maisons  *  et  que  les 
dépôts  de  fumier  soient  enlevés  la  veille  des  fêtes  et  dimanches. 

Ces  desiderata  nous  renseignent  assez  sur  l'état  réel  de  la 
voirie  urbaine  d'Apt  à  la  veille  de  la  Révolution  :  aucun  pro- 
grès n'a  été  fait  dans  le  sens  de  la  propreté  depuis  le  xiV  siècle  ; 
mieux  encore,  la  lettre  suivante  nous  prouve  que  les  rues  prin- 
cipales étaient  encore  transformées  en  cloaques  en  lygS  : 

«  Liberté,  égalité,  fraternité. 

«  Apt,  le  2  frimaire  an  III  de  la  République  française,  une  et 
indivisible. 

«  L'Agent  national  près  le  District  à  la  municipalité  d'Apt. 

«  La  liberté  de  faire  du  fumier  dans  les  rues  de  la  commune, 


•  Sutats  de  Piolenc,  dans  Mélanges  de  C École  de  Rome,  1904,  p.  bj, 
publiés  par  G.  Bourgue. 

•  Stat.  d'Avignon. 

*  On  arrêuit  Teau  dans  les  rues  afin  de  faire  détremper  plus  complète- 
ment  les  herbes,  le  buis  et  la  paille  étendus  sur  la  chaussée. 

*  Les  cloaques  intérieurs  qui  servent  de  réceptacles  pour  les  immon- 
dices de  plusieurs  maisons  voisines  ont  subsisté  ;  malgré  les  règlements, 
Apt  compte  plus  de  200  de  ces  foyers  d'infection  dissimulés  à  l'intérieur 
des  maisons. 


'-  94- 

citoyens,  a  dégénéré  en  une  licence  si  insoutenable»  qu'en 
temps  de  pluie  surtout,  îi  est  impossible,  même  en  plein  jour, 
d  y  passer  sans  se  mettre  de  Teau  et  de  la  boue  jusqu'à  mi« 
jambe,  à  cause  des  nombreuses  stagnations  qu*accasionneni 
les  las  de  paille  qui  se  font  presque  jusqu'à  chaque  porte.  En 
conséquence,  je  vous  invite  et  vous  presse  môme  de  faire  exé- 
cuter la  loi  sur  la  police  municipale,  en  prenant  les  mesures 
convenables  pour  faire  jouir  tous  les  citoyens  du  droit  de  pas- 
sage libre  au  moins  dans  les  principales  rues.  Salut  et  frater- 
nité, Payan  ^» 

Les  exigences  de  l'Agent  national,  on  le  voit,  ne  vont  pas 
même  jusqu'à  demander  le  nettoiement  des  petites  rues  :  c'est 
que  Vhabitude  est  invétérée  et  qu'il  faudra  encore  un  demi- 
siècle  pour  la  déraciner  complètement;  une  lettre  du  maire 
d'Apt,  en  date  du  ry  juillet  1817,  avoue  que  non  sculcmcni 
les  habitants  font  encore  du  fumier  sur  la  voie  publique,  mais 
encore  que  celle-ci  est  toujours  librement  parcourue  par  les 
porcs  et  la  polaille. 

On  conçoit  qu'avec  de  pareilles  coutumes,  le  pavage  ne  fm 
pas  d'une  utilité  évidente;  tout  au  plus  arrêtait-il  —  dans  une 
proportion  restreinte  —  les  infiltrations  dans  le  sol  ;  leseaui, 
contaminées  par  le  fumier  des  rues  et  des  cloaques  intérieurs, 
se  rendaient  directement  à  la  nappe  d*eau  souterraine  qui  ah* 
mentait  les  nombreux  puits  publics  et  particuliers  utilisés  par 
la  population  jusqu'au  milieu  du  sîècledernier  ';on  juge  quelle 
devait  être  la  pollution  de  Teau  potable  !  Aussi  ne  faut-il  pas 
s*éionncrsi  les  villes  de  Provence  étaient  endémiquemeni*  pen- 
dant le  moyen  âge,  périodiquement  jusqu'au  xvm*  siècle,  déci- 


1  l.€9  principaux  puits  publics  étaient  situés  :  Flâce  d^  l'Êféchl,  pl«oe 
di£  U  CâthédrAle.  rue  Puits-de-Biaot,   Paitsdes  Allemandi,  des  QoâtTtt» 

Poulies,  du  Scpticr,  du  SiiînuPierre, 


—  943  — 

mées  par  des  épidémies  de  peste  ou  par  d'autres  maladies  aux- 
quelles, faute  de  connaissances,  les  médecins  donnaient  ce 
nom. 

En  parlant  du  pavage  des  rues  d'Apt,  je  me  suis  servi  d'un 
terme  impropre  :  celui  qui  convenait  à  Apt  comme  dans  toutes 
les  villes  provençales  était  le  calladage,  fait  de  cailloux  ronds, 
plantés  droit  dans  le  sol  et  laissant  entr'eux  des  interstices  suf- 
fisants pour  rendre  la  marche  pénible  et  même  dangereuse.  Ce 
procédé  était  général  autrefois  dans  le  Midi  ;  à  Avignon,  bon 
nombre  de  rues  secondaires  sont  encore  pavées  ainsi  ;  a  Apt, 
les  pavés  cubiques  en  calcaire  dur  ont  remplacé  les  cailloux 
dans  toutes  les  voies,  à  quelques  exceptions  près. 

La  plus  ancienne  mention  du  calladage  des  rues  d'Apt  est 
du  7  mai  i38o  :  les  édiles  décident  d'envoyer  chercher  des  pa- 
veurs à  Avignon  pour  réparer  les  rues  et  callades  et  ordonnent 
que  les  habitants  contribueront  à  la  dépense,  selon  la  longueur 
des  immeubles  qu'ils  possèdent  bordant  la  rue:  le  2g  mai  i383, 
l'opération  était  loin  d'être  faite,  puisqu'ils  décident  «  quod 
omnes  carrer ie  dicte  civitatis  calladcntur  )►  ;  quoiqu'il  en  soit, 
le  pavage  fut  exécuté  en  partie  au  moins  :  un  compte  munici- 
pale 1599,  mentionne  une  grande  superficie  dépavage  effec- 
tué par  Valentin  et  Pierre  Larthier  frères,  «  paveurs  du  lieu  de 
Gendreville  en  Lorraine  >  et  répartit  la  contribution  à  payer 
par  chaque  propriétaire.  On  trouve  encore  de  nombreuses  en- 
treprises dépavage  au  cours  du  xvii*  et  du  xviir  siècle. 

Telle  fut  la  physionomie  générale  de  la  ville  d*Apt  depuis  le 
XII*  siècle,  au  moins,  jusque  vers  le  premier  tiers  du  siècle  der- 
nier. Depuis  i83oet  surtout  après  la  démolition  des  derniers 
tronçons  des  remparts,  la  vieille  cite  a  rompu  sa  ceinture,  s'est 
élargie  en  faubourgs  importants  et  tend  de  plus  en  plus,  sous 


—  944  — 

la  poussée  d'une  immigration  constante^  h  se  prolonger  dans 
le  sens  est-ouest  de  la  %'allée. 

I.es  modifications  apportées  depuis  un  demi-siccle  et  plus 
dans  la  topographie  urbninc  n'en  ont  pas  moins  change  l'as- 
pect général  des  rues  :  celles  cî,  du  moins  les  principales,  ont 
perdu  leurallurc personnelle  et  pourront,  sous  peu.  ressembler 
parfaitement  les  unes  aux  autres.  On  permettra  h  quelques*uns 
de  ne  point  trouver  très  heureuse  celte  métamorphose  ;  les  re- 
gretsquepeut  inspirer  la  disparition  de  tout  ce  qui  faisait  le  pitto- 
resque de  nos  anciennes  villes,  de  ce  qui  leurdonnait  un  cachet 
spécial  sont  superflus;  je  sais  combien  on  a  facilement  raison 
—  en  apparence  —  de  Texpression  très  souvent  renouvelée  de 
ces  regrets  :  des  qu'un  ami  du  passé  artistique  de  la  province 
pose  la  question,  les  mots  d'hygiène,  de  nécessités  commercia* 
les,  de  vie  moderne  -  et  depuis  peu  d'automobilisme  —  sont 
invoqués,  absolument  comme  si,  au  nom  de  la  voirie  et  de  se* 
règles  sacro-saintes,  toute  su perOui té  artistique  devait  être  ban» 
nie,  comme  si  l'hygiène  interdisait  ks  grandes  et  belles  fenê- 
tres à  meneaux,  les  arcatures  élégantes,  les  vastes  portes  d'en- 
trée, la  décoration  inspirée  par  le  talent  —  parfois  même  le 
génie  personnel  — du  constructeur. 

Or.  en  même  temps  qu*au  nom  des  nécessites  respeciaDie> 
de  rexistence  contemporaine  les  rues  étaient  élargies,  que  de 
nouvelles  artères  permettaient  la  libre  circulation  de  l'aîr  et  de 
la  lumière,  on  ne  songeait  jamais  à  réserver  certaines  parties 
qui  eussent  laissé  à  ces  rues  anciennes  un  caracicrc  personnel; 
propriétaires  et  édilités  se  sont  ligués,  semblc-i-iU  pour  le 
triomphe  de  la  banalité,  de  ta  ligne  droite  et  de  la  monotone 
symétnc, 

La  caserne,  ennemie  de  rindividualité,  scrait-etle  là  syiiibo- 
lisation  de  la  société  future  ?  Les  maisons  modernes  tendraient 
à  le  faire  croire. 


—  945  — 

On  a  démoli  sans  compter  ;  on  a  créé  des  voies  sans  souci 
aucun  de  Testhéiique;  des  jetées  rigides  de  pierre,  des  bâtisses 
cubiques  à  balcons  uniformes,  à  façades  insipides,  ont  rem- 
placé à  peu  près  généralement  les  maisons  à  type  individuel, 
les  encorbellements,  les  vieilles  sculptures,  les  enseignes  fan- 
taisistes, les  gargouilles  élégantes;  avec  ces  dernières,  ont  dis- 
paru les  courbes  ménagées  dans  le  tracé  des  rues  pour  éviter 
les  vents  violents  et  les  rigueurs  estivales. 

Je  répudie,  après  beaucoup  d'autres  qu'on  a  accusés  som- 
mairement de  vouloir  conserver  les  vieilles  rues  au  détriment 
de  la  santé  publique,  l'imputation  de  défendre  un  état  de 
choses  préjudiciables  à  la  société  moderne;  il  n'y  a  pas  d'objec- 
tions à  faire  aux  agrandissements,  aux  percées  nouvelles;  mais 
il  y  en  a  de  sérieuses  à  opposer  à  Tabatage,  fait  sans  discerne- 
ment, de  ce  qui  constituait  la  parure  de  nos  villes  ;  il  ne  faut 
point  —  c'est  entendu  —  laisser  périr  nos  chefs-lieux  par  dé- 
faut de  circulation,  mais  il  ne  faudrait  pas  davantage  les  tuer 
en  les  uniformisant  :  les  touristes  s'éloigneront  insensiblement 
de  nous  lorsqu'ils  sauront  que  le  niveau  a  passé  partout  et  que 
leurs  yeux  seront  désagréablement  écarquillés  par  des  perpec- 
tives  droites,  des  rues  monotones  que  n'interrompront  plus  les 
harmonieuses  constructions  du  passé;  le  temps  fait  lui-même 
une  œuvre  assez  néfaste  pour  que  l'on  aide  à  son  lent  travail 
de  destruction. 

Les  travaux  d'édilité  dont  nous  sommes  tous  partisans  peu- 
vent se  faire  sans  estropier  à  jamais  la  physionomie  d'une 
ville  ou  d'un  monument;  rien  n'indique,  bien  au  contraire, 
qu'il  soit  indispensable  de  tout  faucher  pour  embellir  nos  cités 
modernes  *;  le  problème  a  d'ailleurs  été  posé  et  résolu  théori- 


Voir  sur  ce  sujet  :  Robioa»  LŒupre  d'enlaidissement  au  XIX*  siècle^ 
dans  Repue  encyclopédique  du  27  novembre  1897,  p.  989. 

CONORÈS—  60. 


quemenu  il  reste  à  nos  assemblées  le  soin  de  le  mettre  en  pra- 
tique, à  moins  que  le  goût  public  ne  soit  assez  anéanti  pour^ 
qu'il  n*en  sente  pas  la  nécessité  '. 


Le  quartier  consiuua  u  .ibJ/d,  vl:s  le  haut  moyen  à^c,  la' 
division  essentielle  de  nos  cités  :  constitué  par  des  j^roupcs 
d'habitations  sises  autour  du  château,  de  la  citadelle,  de  rêvé- 
ché  ou  d'une  abbaye,  il  fut  pendant  longtemps*  jusqu'au 
.xin**  siècle  peut  être,  le  seul  à  r^x-cvoirunc  dénomination  à  peu 
près  (ixe;  nous  savons  qu'à  Apt  ces  quartiers,  connus  sous  le 
nom  générique  de  bréoiis,  du  bas-latin  brève,  étaient  au 
nombre  de  quatre  :  les  bréom  de  la  Boucqueric  et  du  Miun, 
sous  la  juridiction  épiscopale,  les  bréous  de  Saint-Martin  ci  de 
Saint-Pierre,  appartenant  à  diverses  branches  de  la  famille 
seigneuriale  de  Siniiane, 

Dès  le  XIV' siècle,  cette  division  s*estompe  graduellement  cl 
n*estdéjà  presque  plus  usitée  par  les  rédacteurs  d'actes  publics 
et  prives;  en  i35o,  déjà  tes  noms  de  rues  ont  fait  leur  appart- 
lion»  chaque  i*  carreria  i»,  chaque  «t  place  ^,  «  andronnc  ^  et 
<t  canton  *  ou  coin  a  rc<;u,  du  peuple  seul  et  sans  intervention 
administrative,  sa  dénomination,  issue  des  relations  jourtia- 
lières,  du  besoin  de  préciser  dans  les  actes  privés,  de  plus  en 
plus  nombreux,  la  situation  des  immeubles,  dcN  boutiques^ 
ainsi  que  le  domicile  des  «contractants. 

I*our  le  peuple,  Tadoption  d'un  nom  n'était  soumis  h  aucune 
règle  fixe;  il  n*en  était  pas  moins  vrai  que  certaines  dctermi* 


*  M.  Clerc,  profcsscui  ;i  *  univcrAild  d'Ai*  Marseiiie,  i  résumi:  ^«n^  «r 
conférence  faiite  je  t!»fiévner  ifpy,  h  Marseille,  et  en  les  ippliquâfit  àortt 
tilïe.  les  données  de  M    Cam,  Sïilc  mr  VAn  de  bâtir  Iti  r  itl 

serait  k  citer  de  cet  ouvrage  et  de  ta  conférence  de  Ténidit  cor, 
du  iDua<ie  Dorély. 


-  947  - 
nations  avaient  plus  de  poids  que  les  autres  :  on  peut  d*abord 
remarquer  que  les  noms  de  saints,  tant  en  faveur  lors  du 
baptême  général  des  rues  en  i8i5,  furent  fort  peu  employés 
au  moyen  âge  et  les  rues  Saint-Pierre  et  Saint-Castor  sont  de 
réelles  exceptions. 

Dans  la  nomenclature  des  noms  adoptés  avant  i35o,  deux 
groupes  principaux  se  distinguent  avant  tout  : 

r  Ceux  venant  du  nom  d'une  famille  bourgeoise,  riche  ou 
commerçante,  dont  le  domicile  se  trouvait  fixé  dans  lartère 
qu'ils  désignaient  :  par  exemple,  les  rues  de  Beyssan,de  Cama- 
ret,  des  Biords,  des  Siuecii,  des  Guiards,  des  Bompards,  des 
Garins,  des  Renulfes,  des  Roberts,  etc. 

Et  2"  ceux  adoptés  par  suite  de  la  concentration,  dans  cer- 
tains quartiers,  d'une  industrie  ou  d'un  commerce  local.  Le 
fait  était  d'ailleurs  général  en  F'rance.  C'est  ainsi  que  la  ville 
d'Apt  avait  sa  place  du  Sepiier,  ses  rues  de  la  Poulasserie,  de 
la  Sellerie,  de  la  Sabaterie,  du  Mazel,  de  la  Triperie,  des 
Muraires,  de  l'Epicerie,  des  Verriers,  des  Poissonniers,  de  la 
xMercerie,  de  la  Draperie,  etc. 

Les  dénominations  qui  ne  faisaient  pas  partie  de  ces  grou- 
pes étaient  dues,  soit  à  la  topographie  et  à  la  forme  de  la  rue, 
telles  :  la  Careyrassa,  la  rue  Droite,  la  rue  Neuve,  la  rue  du 
Chemin  ;  soit  à  un  monument  ou  à  une  institution,  comme  le 
Costel  —  lieu  des  exécutions  judiciaires,  ~  les  rues  du  Petit- 
Four,  du  Four  de  la  Lauze,  de  l'Horlogc-Vieux,  du  Puiis-dc- 
Bizot;  soit  enfin  à  des  causes  très  variées  :  c'est  ainsi  que  la  rue 
des  Toulousains^  la  Juiverie,  la  Canonengue  et  probablement 
la  rue  des  Garses  devaient  leur  appellation  à  la  résidence  des 
marchands deToulouse, des  juifs, deschanoines  et  des  «  dames 
vagabondes  )►,  ainsi  que  s'expriment  les  comptes  des  clavaires 
aptésiens  ;  c'est  ainsi  encore  que  la  rue  du  Lion  ^or  avait  reçu 
son  nom  d'une  auberge  à  enseigne  monumentale,  que  la  rue 


—  94»  - 
des  Gebelins  ou  des  Génois  rappelait  rinternement  de  plusieurs 
partisans  dans  un  immeuble  qui  leur  avait  été  assigné  par  le 
juge  d'Apt,  etc. 

La  première  série  de  noms  de  rues,  celle  due  aux  noms  de 
famille  était  appelée  à  disparaître  par  suite  de  l'élimination  de 
ces  dernières;  quelques-unes  subsistèrent  parfois  sous  une 
forme  corrompue,  comme  la  rue  des  Stuecii,  devenue  rue  des 
Suisses ;Iqs  noms  de  métiers  eurent  une  existence  plus  prolon- 
gée :  la  Poulasserie,  la  Sellerie,  les  Muraires  existaient  encore 
à  la  fin  du  xviii«  siècle,  ainsi  que  la  rue  de  la  Sabaterie,  devenue 
rue  Sabathery,  forme  d'un  nom  d*homme;  les  appellations 
ducs  à  d  autres  motifs  :  Juiverie,  Puits-de-Bizot,  Charivari, 
Costcl  ont  enfin  résisté  aux  changements. 

Vint  une  heure  où  les  édililés  crurent  agir  sainement  et 
contribuer  à  faire  disparaître  les  traces  du  passé  en  suppri- 
mant les  sculptures,  les  armoiries  et  une  partie  des  archives  — 
en  remplaçant  également  les  noms  anciens  des  voies  publi- 
ques. En  1792  et  1793,  la  rue  Saint-Pierre,  le  Postel,  la  rue 
Cathédrale,  les  places  Saint- Martin,  du  Septier.  de  Sainte- 
Croix,  de  l'Évêché,  de  la  Bouquerie,le  faubourg  des  Cordeliers 
devinrent  respectivement  :  place  de  la  Révolution,  place  Na- 
tionale, de  rUnité,  des  Sans-Culottes,  de  TAbondance.  de  la 
Montagne,  de  la  République,  de  l'Égalité  et  de  la  Liberté  ;  ces 
noms  durèrent  à  peu  près  le  temps  de  la  Terreur  ;  mais  la  me- 
sure prise  en  l'an  II  permit  aux  réacteurs  de  i8r5  d'imposer  à 
ces  places  les  noms  de  place  du  Roi,  place  Française,  place  du 
Culte,  des  Royalistes,  Bourbon,  place  Royale,  faubourg  des 
Bons-Enfants  et  faubourg  de  la  Joie!  et  d'aggraver,  en  1826, 
cetie  transformation  par  une  hécatombe  de  noms  anciens  rem- 
placés aussitôt  par  des  termes  politiques  et  religieux  :  c'est  à  ce 
moment  que  furent  inventés  la  rue  des  Capucins,  de  la  Sous- 
Préfecture,  de  l'Évêché,  Traversière,  du  Séminaire,  des  Mar- 


-  949  — 
chands,  Saint-Auspice,  des  Pénitents,  des  Récollets,  de  la  Pro- 
vidence, de  Sainte-Ursule  et  aussi  la  rue  de  TEgout  ! 

Tous  les  partis  ont  donc  contribué  successivement -à  donner 
à  nos  voies  publiques  des  noms  d*une  banalité  sans  égale 
lorsqu'ils  n'étaient  pas  ridicules. 

Oui,  il  eut  fallu  conserver  les  anciennes  désignations  :  on 
dira  vainement  qu'elles  ne  rappellent  plus  rien  ;  mais  les  rues 
des  Recollets,  des  Pénitents,  de  Sainte-Croix,  de  Sainte-Ursule, 
des  Quatrc-Ormeaux,  ainsi  dénommée  parce  qu'un  platane 
végète  péniblement  entre  ses  pavés,  ne  rappellent  également 
rien,  au  sens  strict  du  mot.  Et  dès  lors,  pourquoi  avoir  con- 
servé la  rue  des  Quatre-Poulies,  la  rue  Puits-de-Bizot,  la  place 
du  Postel,  la  rue  des  Muraires,  etc.  ? 

I^  vérité  est  que  les  pouvoirs  publics  ont  voulu  imprimer, 
là  où  ils  le  pouvaient  le  plus  aisément  et  à  peu  de  frais,  la 
marque  de  leur  autorité;  il  en  est  résulté  une  impression  d'in- 
cohérence absolument  désagréable  et  une  tendance  à  l'oubli  de 
tout  le  passé  local. 

Mais  le  fait  existe,  et  je  crois  qu'il  est  inutile  de  résister  à  une 
tendance  qui  est  générale  ;  il  ne  nous  reste  plus,  en  regrettant 
ces  mutilations  inutiles  et  souvent  inintelligentes,  en  voyant 
disparaître  la  personnalité  de  nos  cités,  qu'à  faire  revivre  sur  le 
papier  la  physionomie  ancienne  de  leurs  rues  et  de  leur  ter- 
roir, tout  en  fixant  aussi  exactement  que  possible  les  ancien- 
nes dénominations  que  nos  aïeux,  épris  des  vocables  savou- 
reux, leur  avaient  données. 

Fernand  Sauve. 

(Résumé  d'un  Mémoire,  avec  plan  de  restitution  de  la  ville  d'Apt 
au  moyen  Age  et  en  1784.) 


^ 


—  ^5o  — 
COMMUNICATION   DE   M.  CH.  VINCENS 


Le  résumé  suivant  de  la  communication  de  M.  Char- 
les Vincens  (p.  ii3,  n"  7)  ne  nous  est  pas  parvenu  en 
temps  voulu  pour  être  inséré,  à  sa  place. 

Dans  sa  communication  sur  La  Coopération  et  les  Sociétés 
coopératives  de  consommation  à  Marseille,  M.  Charles  Vin- 
cens  a  voulu  étudier  Tune  des  œuvres  sociales  qui  sollicitent 
le  plus,  aujourd'hui,  l'attention  des  économistes  —  surtout 
dans  les  grandes  villes. 

Il  a  tout  d'abord  défini  la  Coopération,  qui  est  l'union  lé- 
gale et  pacifique  de  toutes  les  petites  forcés  pour  en  faire  une 
grande;  il  justifie  cette  définition  par  un  exemple  tout  per- 
sonnel, et  qui,  à  Milan  où  tout  est  coopératif,  lui  ouvrit  les 
yeux  sur  le  caractère,  la  portée  et  les  avantages  du  système. 

Ne  pouvant  s*étendre  sur  ses  diverses  formes  ou  applications, 
M.  Charles  Vincens  a  négligé  les  Sociétés  de  Crédit,  formées 
par  ceux  auxquels  le  crédit  n'est  pas  nécessaire,  c'est-à-dire 
par  des  capitalistes  qui,  dévoués  au  bien  social,  renoncent  à 
l'intérêt  de  leurs  actions  pour  l'appliquer  à  la  diminution  do 
l'escompte  du  petit  papier,  refusé  par  les  grandes  Banques.  Il 
n  a  pas  parlé  davantage  des  Sociétés  de  production,  qui  ne 
sont  pas  encore  assez  expérimentées  dans  notre  pays  et  qui, 
pour  la  plupart,  reposent  sur  une  utopie,  par  exemple,  sur  le 
principe  dangereux  de  «  la  mine  aux  mineurs  >►.  —  Mais  il  a 
étudié  spécialement  les  Sociétés  de  consommation,  forme  la 
plus  directement  et  pratiquement  appropriée  aux  besoins  de 
tous  :  ces  Sociétés  ont  pour  base  la  suppression  du  rouage  oné- 


-95i  - 

reux —  et  inutile—  de  Tintermédiaire,  mettant  siinsi   le  pro- 
ducteur directement  en  contact  avec  le  consommsàt:eur  et  il  en 
résulte,  au  profit  de  Tun  comme  de  l'autre,  une  not^ible  écono- 
mie. En  outre,  achetant  en  gros  des  denrées  Je  borgne  qualité 
et  de  poids  sincère,  ces  Sociéléeles  vendent  à  leurs   membres  à 
un  prix  inférieur  toujours  à  celui  du  détail;  et    \sl   différence, 
après  payement  des  frais  généraux,  est  répartie  au     prorata  des 
achats  de  chaque  sociétaire  dans  Tannée. 

Après  avoir  rappelé  le  succès  des  «  Pionniers   de    Roch<jale  >► 
qui,  depuis  un  demi-sièçlc  d'existence,  ont  déjà  réfxarti  4-^  nijl- 
lions  de  francs  entre  leurs  sociétaires,  M.  Charles  ViiK^^ns  a 
passé  en  revue  la  création  des  Sociétés  similaires  en  France,  où 
elles  eurent  quelque  peine  à  être  encouragées    et.    appréciées, 
malgré  le  merveilleux  développement  qu'ellesavaient  prispeui 
peu, après  l'Angleterre,  en  Allemagne,  en  Dancm^ar  le,  en  Suisse, 
en  Italie  ;  et,  après  avoir  eu  soin  de  démontrer  l'énorme  di/K- 
rence  qu'il  y  a  entre  le  Collectivisme,  qui  met  en   ooonmun  les 
richesses  acquises  par  quelques-uns,  —  de  sort:e    qiJ«  les  fai- 
néants seraient  entretenus  par  ceux  qui  irayaill^*^^»       ^^   ^ 
Coopération,  qui  crée,  par  les  dépenses  de  tous,  la    ricJn^^^  com- 
mune, M.  Charles  Vincens  fait  l'historique  de    c:es    oooperati- 
ves,  de  ces  associations  fraternelles,  nées  de  ce  senti  men   c   r 
lien  qui  est  la  source  de  tant  d'améliorations  socî^'^^' 

Nous  ne  pouvons  suivre  ici  l'intéressant  conférenoer    ans 
son  exposé  de  l'organisation  de  ces  Sociétés,  con  fcyrtn^  a       oi 
de  1867,  remaniée  par  celle  de  i8j3.  Quelques— «^^^^  ^  ^^"^ 
formées,  à  l'origine,  avec   dix    membres  seulem^*^^* 
chacun  25  fr.,  quelquefois  moins  ;  leur  succès  a    an^^  ** 

très  sociétaires.  Administrées  avec  intelligence,  écori<^ 
les  frais,  et  dévouement,  elles  sont  peu  nombreu^^^ 
Marseille,  mais  toutes  prospères,  quel  que  soit    l^"-^*"    ^    ^  ^ 
moins  d'importance;  le  groupement  de  cenaines 


^uires,  dans 


L 


1 


<iS  HOHORIFIQOES 


Le  BureaL  iu  C:  nç-es  avait  îaiî  un  certain  nombre  de 
prop*:»siîi':»ns  pour  les  palmes  scadémiques.  Ces  proposi- 
tions ont  été  accueillies  avec  bien vei 'lance  par  M.  le  Mi- 
nistrede  l'Instruction  pur:;que.  «Jn:ê:én«immés  oiïic*»ers 
d'Académie  : 

Al"*    Eu^^énie  Hoicîi^pt.  de  jAcaiémie  ie  Va u ci  j se  : 

MM.  J.-B.  AsTiEF.  de  1  Esco^o  de  la  Mar  ; 

Marie  Bertrand,  de  j'îLcoie  de  Lérins.  sojs-biblioihtcaire 
de  la  ville  de  Cannes  : 

Ch.  Latine,  de  la  Société  d'Études  provençales,  avocat 
à  Marseille  : 

J.-M.  NïCOLLET,  de  la  Société  dÉtudes  des  Hautes-Alpes, 
juge  de  paix  à  La  liâtie-Neuve  -  Hautes-Alpes  >. 


co:CKÎ.s    —  6i 


—  956  — 


Arnaud    d'Agnel,  9,  25,  28,  57-69, 
72,76,  96,  117-129,  i56,   190,  609- 
628. 
Artaud,  Adrien,  3i. 
Artigues  (Var),  68,  69,  i53. 
Arvemes,  53-55. 
Association    des    sylviculteurs    de 

Provence,  28-3i,  37. 
AsTiER.  Emile. îk8,3i  ;  —  J.-B.,  3i,93, 

903. 
Aubanel,  140-1. 
Aubignosc,  89. 

AuBERt,  Louis,  3i,  93,  583-599- 
Aude,   Edouard,   3x,  100,   io5,  669- 

671  ;  —  D'  Philippe,  28,  3i. 
Aunol,  5o,  5i. 
Auiels-cippeschrétiens de  Provence, 

70,  187-206. 
Auvergne,  52. 

AuziviziAR,  Clément,   32,  194,  197- 
Aveyron,  68. 
Avignon,  52,  62,  95. 
Avocat  à  la  cour  d'Aix,  34,  36-38. 
Banquet,  9^  25. 
Baou-Koux,  170. 
Baoussé-Roussé,  grottes,  45,  i53. 
Barcelonette,  l'enseignement  à  B., 

106,  119. 
Barbty,  D',  28,  32. 
Barré,  83,  397-419. 
Basses-Alpes,  le  coup  d*Etat  dans 

les  B.-A.,  89. 
Bastille,  76. 
Biumes-de-Venise,  i58. 
Baumo  dôu  Luce-;  —  dei  Peirar,  i54. 
Baus  de  l'Aubesier,  i53. 
Baux,  les  —en  1790,  84, 45i-46ô ;  — 

marquis  des  B.,44» 
Belim.  Recteur,  Président  du  Con- 
grès, 7,  10,  22,  25,  27,  28,  32,  41- 
44.  74,  77,  104,  107,  116-118,  i3o. 
Belzunce,  évêque  de  Marseille,  76-7. 
Bérard,  V.,  176. 
Berbères,  66. 
Bérétins,  71. 
Berhard,  D',  28, 32. 
Bernard  de  la  Salle.  80. 


Berre,  étang  de  B.,  5o. 
Berthonye,  R.  P.  La,  110. 
Bertrand,  Marie,  32,  70,  77,  Sa,  89, 

198,  297-3n,  953. 
Bibliothécaire  de  Cannes,  32,  39, 
Bigot,  Paul-Henri.  32,  83,  87,  4i3, 

428. 
Blancus,  lohannes,  107,  767-792. 
Boii,  62-3. 

Borély,  musée,  ao3. 
Botanique  à  Aix,  ti5,  925-934. 
Bouillon-Lahdais,  Louis-Paul-Ma- 

rie,  32,  96-7. 
Bourges,  chanoine,  32. 
BooRRiLLY,  Joseph,  32,  93,  583  599, 

601-608;  —  L..  32.  106.  747-7^; 

—  V.-L.  32. 
Bout  de  Charlemont.  Marie- Hippo- 

lyie.  32,  66. 
Braunau,  décret  de,  107. 
Brémond.  consul  à  Jérusalem,  78. 
Bresc,  Louis  Sigaud  de,  33, 88,  54"- 

56o. 
Briançon,  49-  * 

Brignoles,  102,  190,  194-198,  «>4- 
Bronzes,  i58. 
Bruguier-Roure,  32. 
Brun.  Antoine-Prosper,  87. 
Brutus,  67. 

Bulletin  d'adhésion,  23-4. 
Buoux,  i58. 
Bureau  du  Congrès,  7,  8,  19,  23, 28, 

57. 
Cadenières,  quartier  de  Carcès,6o-i. 

Caille  (Alpes-Mar.),  161. 
Caillemer,  Robert.  28,  33,  106-188, 

767-792. 
Caillol  de  PoNCt,  33,  ii3. 
Camargue,  plaine  de  la,  5o. 
Camau,  Emile,  33. 
Camous,  Louis,  33,  72-3. 
Cannes,  62, 71  ;  —  histoire  de  -  207. 
Carcès,  anneau  trouvé  à  — .  60-1, 

129-134  ;  —  club  révolutionnaire 

de  —  83,  42flH434- 
Carnacéen,  68. 
Carsignol,  Henry,  33. 


à 


Cassis,  397-4"- * 

Castirll,  D*  Julien,  33. 

Catoriges.  63,  208-9. 

Cauvin,  C,  29,  33. 

Cavaillon,  5i. 

Celtes,  47.  49.  5i,  62,  63,  65. 

Celio-Galls,  66. 

Centrons,  208. 

César,  55,  61, 67,  72,  207-215. 

Cévennes,  5i,  54. 

Chabestan,  i58. 

Chailan,  Marcellin-Manin,  33,  73, 
217-253. 

CuAiLLAK,  Marias,  33,  77-79,  169, 
187,  202. 

Chapellerie,  à  Aix,  112,  853-875. 

Chaperon,  Jules,  33. 

ChablesRoux,  Jules,  6,  9, 19,  25,27, 
4i,  117,  121,  i3o-i46. 

Ch«rvf,  Ldon,  8,  33. 

Châteaurenard,  la  grande  peur  à 
-.  83,  435-449- 

Chemin  de  fer.  Compagnies  de,  8, 
23,24. 

Chevalier,  Joseph-Alexandre-Tous- 
saint, 33, 93-4. 

Chio,  vice-consul  de,  79. 

Chorges,  209. 

Circulaires,  18-26. 

Clauzel,  p.,  29. 

Clerc.  Michel,  33,  57-59,  71-74.  laS, 
126,  157. 

Clément  VII,  pape,  25o. 

Club  de  Carcès,  83,  429-434  ;  —  de 
Toulon,  84,  85. 

Cogolin,  70. 

Colle-Basse,  Dolmen  de,  61, 159, 160. 

Collection,  Cavallier  et  Jusbert,  167. 

Colonies  préphocéennes,  71,  72. 

Comanus,  49- 

Comité  d'initiative,  6,  18,  19  ;  — 
d'organisation,  .6, 7,  19,  20-23,  28- 
3o,  56  ;  —  d'histoire  économique 
de. la  Révolution,  643. 

Commani,  67,  70. 

Complots  de  Marseille  et  de  Tou- 
lon, 88. 


957- 

Compte-rendu  financier,  147,  i48. 
Concentration  industrielle  dans  la 

région  d'Aix,  845-901. 
Congrès  provençal,  5,6, 10,  18,  117- 

129. 
Conseil    général   des   Bouches-du' 

Rhône,  7,  147. 
Conseiller  à  la  Cour,  35. 
CoNSTANS,  Léopold-Eugène,  34,  79- 

81. 
Constitution  de  l'an  111,83, 397-411. 
Consulat  do  Jérusalem,  78,  79. 
Convulsionnaires  de  Pignans,  76-7. 
Coopération  et  Sociétés  coopérati- 
ves de  Marseille,  ii3,  950-952. 
Cordonnerie  de  Pertuis,   112,  876- 

893;  —  crise  de  la—  à  Marseille, 

ii3,  895-901. 
Corse,  sociétés  savantes  de  la,  3o. 
Costume  arlésien,  93. 
Cotisation,  21,  25. 
Cotius,  63. 

Cotolendi,  Ignace.  loo-ioi. 
Cotrone.  174-176. 
CoTTE,  Charles, 34,  58, 60,  66-72,  i5i- 

i58;  —  Gaston -vl/^er/,  34,  68;  — 

Jules,  34,  ii3,  903-905. 
Coup  d'État,  89-90. 
Crémieux,  Adolphe,  34,  m,  819-834. 
Crousillat,  Antoine-Biaise.  9^. 
CuGNY,  Léon,  29,  117. 
CuRtT,  Eugène,  34,  112,  876-893. 
Curiosités  notariales,  73,  277-286. 
Dames,  22. 
Dauphin,  Honoré,  34,  ii4»  907-916; 

-"  Louis-C.,  34,  60,  68,69,  83,429- 

434. 
Dauphiné,  52. 

Davin,  Paul-Marie, 34,  100,  loi,  104. 
Déciates,  62,  207. 
Decoppet,  Emmanuel,  34. 
Décorations,  953. 
Déboisement  en  Provence,  ii3. 
Délégués,  6,  7,  19,  28-30,  39. 
Délires,  E,  29. 
Delpech,    Joseph-.\ntoine-Laurent 

34,  107-109. 


—  958  — 


Deputazione,  3o. 

DcLMAS,  Jacques,  34* 

Denys  d'Halicarnasse,  177. 

Disinfection,  nouveau  procédé  de, 
ii5,  9ï7-92^- 

Destandau.  Abel,  34,  84,  4di-466. 

Digne,  119. 

DoLLiEULE,  Frédéric,  34- 

Dolmen  de  Colle-Basse,  169,  160. 

Don  ATI.  F.,  34. 

Donnus^  63. 

Doublet,  Georges,  219,  3^,  98,  99. 

Drageo.m,  39. 

Draguignan,  119. 

Droit,  science  du  —,  107,  767-792;  — 
personnel  de  la  Faculté  de  —, 
107-109. 

Ducange,  173,  a83. 

DupRAT,  M.,34,  83,  435-4^9. 

Durand  de.Maillane,  8a,  389-396. 

Ecole,  des  arts  et  métiers  d'Aix. 
685  ;  —  libre  des  sciences  politi- 
ques,37  > —<*«  médecine  et  de  phar- 
macie, 3i,  34*36,  527,  903-905  ;  — 
maîtres  d'— ,  747-7^« 

*^gyp^e,  65  ;  —  silex  de  V  —,  106- 
157. 

Electrum  ou  ambre  jaune,  63. 

Emigrants,  Ii4-ii5* 

Enseignement,  à  Arles,  1 10;  — à  Bar- 
celoneite,  106  ;  —  dans  la  région 
de  Toulon,  106  ;  —  à  Trets,  iio; 

—  à  la  Verdière,  100,  793-817. 
Entremont,  52. 

Eponges,  pêche  des  -,ii3, 903-905. 

Escolo,  de  Lar,  3o,  3i,  36,  39  ;  — 
de  Lérins,  3o,  3a  ;  —  de  la  Mar, 
29,  3i,  38,  663;  —  Mistralenco, 
30-32,34,  601  ;  —  de  la  Targo,  3o. 

Espagne,  63,65,  66. 

Espagnols,  prise  de  Lérins  par  les 

—  77. 
Esierel,  118. 

Etat-Major,  carte  de  T— ,65. 
Etats-généraux  de  Provence,  392- 

393. 
Etrusques,  63. 


Etymologie,  de  Mar  Sarnèio,  100, 
669-672  ;  —  de  roca,  loi,  673-693. 

Exposition  coloniale  de  Marseille, 
5,  18,  21  ;  —  Administration  de 
r—  18;— carte  d'entrée  à  T— .aa- 
26. 

Eze,  71. 

Faculté  de  droit.  28,  33,  34,  38  ;  — 
des  lettres,  34,  35,  819;  —  des 
sciences,  9,  22,  a5,  37, 39,  917- 

Fassin,  Emile,  35,  84,  467-498. 

Favaric,  202-204. 

Falgairolle,  Prosper,  35. 

Financier  {compte-rendu),  i47'^* 

FoMCiN,  7,  27. 

Fontaine-rEvêque.  88,  54;-â6o. 

Forcalquier,  89, 119. 

Fbrtis,  Jean-François  de,  101. 

Fos,  61,  62,  170- 185. 

FouRNiER,  Joseph,  19,  22,  20-29,  35, 
41.  47.  77,  81,  82,  89,  97,  104.  i<^» 
ii5,  117  ;  —  Paul,  107. 

Francs,  48. 

Fraxinet,  71. 

Fréjus,  70, 209,  212. 

Fuveau,  seigneur  de,  io3. 

Gaffarel,  Paul,  35,88. 

Galls,  65,  66. 

Gantllmi  d'Ille,  29,  35,  2o4- 

Gap,  Lucien,  35,  75,  81,  3i3-359. 

Gap,  ville,  ii4t  ii5. 

Gapeau,  70, 

Garcin,  70,  162. 

Gard,  68. 

Gardanne,  700. 

Garde  nationale,  de  Châteaarcnard, 
435.449  ;  —  de  Manosquc.  4'^ 
4a8. 

Garonne,  5i,  55. 

Gassin,  monnaies  trouvées  à— ,?>* 

Gaule,  53,  65. 

Gaulois,  52,  53. 

Gazan,  187, 198. 

Gelu,  Victor,  93. 

Gènes,  62,  66. 

GÊRiN-RiCARD,  comte  Henri  i>*»^' 
35,  58,  66,  70,  71.  107,  i87'**' 


GsH.MANET,  Frédéric,  35. 

Gésates,  63,  63. 

Ginni,  mulcis  ligures,  63. 

Glano,64. 

GoBY,  Paul,  35,  61,  i5i.  i59-i65. 

Graiocèles,  îM)8. 

Granet,  39. 

Grande  peur,  à  Châteaurenard.  ii5, 
435-449  ;  —  à  Manosquc,  413-428. 

Grasse,  61. 

Graveson,  207. 

Gravures,  60,  206,  219,225,  229,  235, 
247,  255,  261,  275,  290-294. 

Grecs,  5i,  53,  176. 

Grimaldi,  cardinal.  73,255-275. 

GuÊBHARD,  Adrien,  35. 

GuENDE,  Charles,  35. 

Gué»  IN,  29. 

Gvks,  Antoine,  35,  94. 

Guillaume  de  Cabestaing.  94. 

GuiLMBERT,  baron  Hippolyte,  29,  35, 
70,  84,  86,  87,  89.  99,  101,629-634. 

Hecrel,  118,  l32. 

Hellènes,  48. 

FloucHART.  M'"  Eugénie, 35,  73,  255- 
275,  953  ;  —  Victor-Aurélien,  35, 
114. 

Huveaunc,  5o. 

Huiles  de  Tunisie  et  de  Provence, 
III,  835-84©  ;  — -  huile  d'olive  en 
Provence,  112. 

Hyères.  70,  77. 

Ibères,  65,  66  ;  -  Ibéro-Ligures,  68. 

IiiBERT,D'  Léon,  36. 

Industries,  845-901  ;  —  Voir  chapel- 
lerie et  cordonnerie. 

Ingauni,62. 

Institutions  communales.  .354-356, 
364-377,379-387,397-411. 

Insubres,  63. 

Intcmelii,  62. 

Intervention  royale  dans  uncafTairc 
de  famille,  88,  553-56o. 

Jansénisme  en  Provence,  76. 

Jarrie,  g.  de,  36. 

Jaubert,  Dominique,36,  94  ;  — col- 
lection, 167,  168. 


959  - 

Jérusalem,  relations  avec  Marseille. 
78,  79- 

JOLEtUD,  29. 

Joseph,  le  père,  79. 

JuMEN,  Fortuné-Toussaint,  36,  99, 

635-642. 
JuLLiAN,  Camille,  25,  36,  4?-^^»  i^^» 

191 
ICymris,  65. 
Labande,  L.-H.,  7,  25,  27,29,  35,  4», 

44-47,  117,  118. 
La  Bâtie-Neuve,  114,  ii5. 
Labicnus,  208. 
Labroue,  Henri,  36,  84.  85. 
Lacaze-Duthiers,  29,   36,  100,  109, 

ÏIO. 

La  Ciotat,  67. 

Lacoste,    Charles-Ernest,    29,    36, 

III,  835-840. 
La  Celle,  190. 

La  Crau,  62,  177;  —  d'Aubagne,  5o. 
Lh  Gayole,  202-204. 
Lagncau,  D',  66. 
Lamanon,  52. 
Languedoc,  5i,  55. 
La  Penne,  71. 
Latunf.  Charles.  36,88,  89.553-56i, 

953. 
Laval,  D'  Victorin,  36,8o.83,  88. 
La  Verdière,  110,793-817. 
Le  Blant,  187,  2o3. 
Le  Luc,  212. 

LÊOTAKD,  Jacques.  29,  36. 
Lèques,  bataille  des,  67. 
Lérins,  îles  de,  77,  297-311. 
LiEUTAUD,  Auguste,  36. 
Ligures,  47-49,   62-66,  70,   71,  177, 

208,  673-693. 
Ligurie,  Ligustique,  48,  62-64. 
Lingurium  ou  ambre  jaune,  63. 
Liturgiques,  li/rcs,  73,  217-253. 
LivoN,  D'  Ch.,  36,  57,  io5. 
Livres  liturgiques,  73,  217-253. 
Longchamp,  musée,  70,  i53. 
Lorgucs,  102. 
Lozère.  68. 
Lubéron,  52,  i52. 


—  <A>  - 


.:^  PfeuT  et 
31  «1.  63. 


^  4«  Mitit^lére  de 


C*j4.  #7:  —  Arc  de- 
r,3fe|C^;  -  Ctuirobrede 
^  — Commerce.  47- 
-  ^vaipABCS»  dit  ;  —  Consulat 
^9,  j»>i;  —  coopération, 
^•^^^  osTtlo  n  ne  ne  »  n  3,895- 
-.  Mm^romgi,  819;  »  livie 
MHB»  itt,  $19,  «33  ;  —  me- 
yiBK^  It  M.  HM;  —  mou* 
Sli;  —  pcflue  de  ijait,  Bj, 
^;  --  njtfîoiis  âvtfc  Jéfusa 
^;  — taxe  da  pAln.  m. 


un*  307-^109* 
.  36;  —  David,  l5t$, 

AtfMK,  Pittt.  »•  ^^  39*  ^7*  7^^. 
MiiÉifin  GoilUumc de. 99. 663-068. 

Itons.  oiOQiAgiïc  des*  5ap  70»  71, 
Hmmis.  Mtdid,  «rchevéque  d'Ail, 

tnf4na>*«  4«  hitJU  de  SuHrcn,  6, 

jH^Oiiefratiéc.  i3,  63,  100. 


Mep,  Georges^  3;,  ua,  ft53-«»7S. 

Messine,  consuUt  de,  7^ 

MtYfc»,  Paul.  So. 

MhtiEL,  Joseph,  29.  37. 

MiLtr,  MariC'Jérômc,  37. 

Ministre  de  l'Instruction  publique. 

7,  a5,  27,  ^3, 
Mirabeau,  3^4- 
MrRErv-SA!«s,  Joaquin,  ag,  37. 
MiUfeUR.  a8i. 
M  (SI  n  Ai,  Frédéric,  7,  37,  ga,  uo, 

i35-j39»  149-146. 
Monaco,  Congres  de«  71,   176;  — 
musée,  4^  ;   —   pnocc   de,    ?oir 
Albcri  V\ 
Monnaies,   65,  70;  —  massai lotes 
61.  1289,  i«f»-i7o;  —  romajnc3, 
lit,  164-5, 177,  i85. 
MoNwt,  Jean,  37, 
Moot-Cenis,  208. 
Montesquieu,  395-6. 
Moûigardin,  u5. 
MonLmajor.  OH-if. 

MoNiKicMta,  uh,  37,  m,  a4t*l4^|. 
Mora,  Jean  de,  *taa-ti33. 
MonàL,  adroimsiraieur  d«  TÊxpo^ 

sition*  4t< 
MwatL-Hiivoii.,  ag. 
MoRTiLLtr.  157, 
Mosaïques»  65» 
Moulin.  Paul,  37,  ^7,  91,  96, 9^^,  100, 

64^-663. 
Mounar,  Ferdinand,  37,  70,  51, 

MUULLK,  i58. 

Musée,  Borély,  ao3;  —  Loo^himp, 

TU,  103;  —  Arlaten,  «83. 
Nann,  Î9. 

Nfln5,  Archives  de,  84. 
Narbonne,  54,  55. 
Nasidiu»,  67. 
Nice,  71,  %  90,  95»  96;  — .  Afv*Mi« 

de  Thoipice  civij,  73-3. 
Nkollkt,   H.-N.p  â-io,  a^,  ati^  37, 

61-63,  74,  »a.  «3.  94,  99,  109.  tio. 

1 17. 126.  673-693  ;  -  X.M.,  37,  u4» 

Ntmcs,  90. 


—  9^1  — 


Noël,  fétcs  de,  93-4. 

Œgitna,  207. 

Olive,  huile  d',  iii-iia. 

Oppède,  80,  313-359. 

Oppidum,  68. 

Orange,  98. 

Orgon,  5a,  200. 

Osmond,  Jean,  libraire,  344-5. 

Oxybiens,  fia,  7a,  ao7-ai5. 

Pain,  taxe  du,  m,  819-834. 

Paris,  voyage  de  Toulon  à  P.,  110. 

Pary,  Léon,  29, 37,  ii3. 

Paul  III,  pape,  7a. 

Pélissanne,  64-5. 

PcLLissiEB,  Henri,  37,  112. 

Pennard,   Olivier    de,   archevêque 

d'Aix,  257. 
Perdrix,  Louis-Léon,  37,   ii3,  ii5, 

Périodicité  du  Congrès,  5,  19,  25, 

118-129. 
Penuis,   52,  i52;  —  Cordonnerie, 

112,  876-893. 
Peste,  87,  89,  527-546,  061-582. 
Peyresc,  correspondance  de,  79. 
Peyssonnel,  famille,  xoi-104. 
Phéniciens,  71, 176. 
Phocéens,  47,  49,  5i,  67,  70. 
Photographie  documentaire,  ii3. 
Pigoans,  76-77. 

Pillard  (d'Arkaï),  37,  64,  65,  71,  72. 
Pisavis.  64,  65. 
Pô,  habitants    de  la  vallée  du   P. 

62-65. 
Poupfc,  Edmond,  29, 37,75,82, 379-387. 
Pranishnikoff,  Ivan,  38. 
Préphocéen,  voir  Colonies. 
Présidents,  du  Congres,  2a,  25  ;  — 

d'honneur,  8,  27;  — des  sections, 

8, 58-1x5  ;  ■—  des  sociétés  savantes 

de  Provence,  18. 
Professeur,  au  collège  de  France, 

36  ;  —  à  l'Ecole  de  médecine,  34- 

36;  —  à  la  Faculté  du  droit,  38; 

—  à  la  Faculté    des  lettres,  37  ; 

—  à    la  Faculté  des  sciences,  37- 
39  ;  —  aux  lycées,  33-34. 


Programme  du  Congrès,  6,  8,  11-17, 

19»  24. 
Provence, autelscippes,  70, 187-206; 

—  avant  l'histoire,   60,  i5i-x58; 

—  déboisement,  ii3-ii4;  —  droit, 
107»  7^-792  ;  —  émine  de,  83o  ; 

—  éponges,  ix3,  903-900;  —  pre- 
miers habitants,  65,  66;—  huiles, 
III,  835-84© ;  —  Ligures,  48;  — 
Noël,  93,  94;  —  olivier,  112;  — 
syndicats  agricoles,  m,  841-844; 

—  talismans,  93,  583-599;  —  ver- 
rerie, 96,  609-628  ;  -  vie  intellec- 
tuelle, 1 17-129. 

Puits-du-Plan,  61,  162-164. 
Puy-Ricard,  73,  255-275. 
Quariates,  207. 
Raimbault,  Maurice,  29,  38,  57,  91- 

94.  99,  663-668. 
Raison,  temple  de  la,  88. 
Rampal,  Auguste,  38,  79,  101-104. 
Rance-Bourrey,  Antoine-Joseph,  38, 

95.  96. 

Rancher,  François,  95  ;  —  Joseph- 
Rosaiinde,  95-96. 

Reboisement,  ii3, 114. 

RfcBOULET,  capitaine,  38,  104. 

Redortières,  64, 65. 

Recteur  de  l'Académie,  voir  Belin. 

RiQUiN,  abbé,  38,  73,  i37,  277-286. 

Révolution  française,  82-86,  389- 
525,  643-662. 

Reynaud,  Félix,  38. 

Reynier,  Alfred,  38,  115,925-934. 

Rians,  82,  io3,  379-387. 

Richelme,  ténor,  io4)  695-745. 

Rigabe,  68,  i53. 

Riou,  i56, 

Rhône,  5i,  52,  62,  118. 

RiFERT  DE  MoNTCLAR,  marquis  Fran- 
çois le,  38. 

Rivière,  Jules,  38. 

Roca,  rocha,  roche,  étymologie  et 
origine,  lox,  673-693. 

Rognes,  188,  189,  202-204* 

Romains,  47?  54,  55,  63,64,  70,  i63. 

Roman,  Joseph,  38,  74,  287-295. 


—  9^2   — 


Roquebrussanne,  x53. 

Roqaeroasse,  68, 69. 

Rossi,  Girolamo,  38. 

Rousset,  189,  190. 

Roussillon,  Marguerite  de,  94* 

Roux-Alpbéran,  loi. 

Sabata,  62. 

Saïda.  78-9. 

Saint-Abpoman,  Raoal  df,  7,  37. 

Saint-Cézaire(AlpesMaritinies),6i, 
159-160. 

Saint-Honorat,  îles  de^  198, 199,  ao4. 

Saint-Jean  (fort),  76. 

Saint-Jean  de  Bernasse,  64. 

Saint-Jean  de  Garguier.  5o. 

Saint-Jeannet,  81,  95,  361-377. 

Saint-Martin  de  la  Brasque,  157. 

Saint-Maximin,  70,99,663-668. 

Saini-Nicolas  (fort),  76. 

Saint-Sauveur  de  Manosque,  87, 88. 

Saint-Remy,  44,  97,  i43. 

Saint-Zacbarie,  191,  soa,  204. 

Sainte-Croix,  de  Salon,  65. 

Salie,  Bernard  de  la,  3^7-346. 

Salmon,  68. 

Salon,  64,  i90-i94«  904. 

Salonet,  191. 

Saiyens,  5i-54,  6a. 

Sarcophage,  160-164. 

Sarrasins,  71. 

Sault,  59. 

Sauve,  Fernand,  38,  105,116,935-949. 

Savoic-Tende  (famille),  74,  287-295. 

Sceaux,  74, 287-295. 

ScHATz,  Albert,  38, 112,  845-862. 

Schisme  d'Occident,  81, 326-338. 

Séance  d'ouverture, 8, 24;  —de  lec- 
ture, 22,  66-115;  —  de  clôture,  8, 
117-146;  —  générale,  116. 

Secrétaire  général  du  Congrès,  22, 
673;  —trésorier,  22;  —delà  So- 
ciété d'Études  des  Hautes-Alpes, 
37  ;  —  de  la  Société  d'Études  pro- 
vrnçales,  3i,  39;  —correspondant 
de  la  Société  d'Études  provença- 
les, 5,  28,  3i,  32. 

Sections,  8,  23,  58-ii5. 


SftGA  II  D,  Charles-Marie- Joseph,  38. 

Segobriges,  49, 

Sémaphore  de  Marseille,  78. 

Sénons,  60, 63. 

Sépultures  préromaines,  67-8. 

Servian,  3o,  57,  91,  96. 

Séuzc,  ^3. 

Siagne,  162. 

Sigoyer-du-Dou,  ii5. 

Sisteron,  49* 

Six-Fours,  199. 

Smyrne,  consul  à  S.,  103. 

Société  populaire  deTrets,  499-625. 

Sociétés  savantes,  ayant  adhéré  au 
Congrès,  3o-3i  ;  —  archéologique 
de  Béziers,  3o  ;  —  archéologique 
de  Provence,  29,  3i,  34.  609  ;  — 
archéologique  de  Montpellier,  99, 
3i  ;  —  des  architectes,  29, 3o  ;  — 
de  i'Algérie,  20  ;  —  des  amis  du 
Vieil  Arles.  29,  3o,  34-36,  38,  217, 
457,  4^*907;  —  des  Alpes-Mariti- 
mes, 29,  3i,  34,  35, 38,  39  ;  —  des 
Basses- Alpes,  29,  3i,  32,  37,  4i3, 
56i  ;  —  de  Cannes,  28,  3i,  32,  39; 

—  de  la  Corse,  20  ;  —  de  Dragui- 
gnan.  29,  3o,  37,  38,  379,  79^  ;  — 
de  l'Espagne,  20  ;  —  de  Géogra- 
phie de  Marseille,  29,  3i,  32,  35, 
36,  38, 397  ;  —  des  gens  de  lettres, 
3i  ;  —  des  Hautes-Alpes,  29,  3o, 
36,  37-39  ;  —  d'histoire  de  la  Ré- 
volution,28,3i,  32.  389  ;  —  d'hor- 
ticulture,  29, 3i  ;  —  de  l'Italie,  90; 

—  Ligure,  3o;  —  de  Provence,5-7, 
18,20,22;  —d'Études  Provençales, 
5,  6,  18,  28-39,  4i3,  4*9.  499.  527, 
629,  643,  669,  673,  895.  935  ;  - 
des  sciences  économiques,  3i  ;  — 
de  Statistique  de  Marseille,  26-28* 
3i,  32,  35,  601;  —  de  Tunisie,  20. 

Solymes  à  Sospel,  71. 

Sorgius,  88. 

Sospel,  71. 

Statistique  des  Bouches-du-Rhône, 

128  ;  —  du  Var,  162. 
Statuts  de  Saint- Victor,  283-4. 


—  q63  — 


StraboB»  6a-€$,  171-17^ 

Soelteii»  ao6^ 

Soffreo,  boiUi  de,  99,  Caf^S»^ 

Sfise,  63. 

Sjmbrîi,  €3w 

Syl^vîdaltcors  de  Provence,  39  ;  — 

Revoie  des   S.»  ii3. 
Syndicat  agncoie,  de  Rastia,  '3^  ;  — 

de    ProTeace  et  des  Aipesy  i3a, 

Talard,  ii4,  iiS. 
Xalismuiiqacs,  Objets  et  rites,  93, 

Tarascon,  Crypte  de  T.,  900. 

Xaïuioi,  63w 

XanroentniD,  67. 

Tcissftsc,  Victor,  3Sj  8»4,   iio-iii. 


Tenue»  s5. 
Tericias,  64- 

Tliéitre  à  Aiz,  99,  633-^  ;  —  à 
Mârseiiie,  99,  €43,  669. 

Théocrite,  171,  i^4- 

Tombeao,  tlb^. 

Topographie  et  toponymie,  ii3. 

ToaioD.  aa,  71  ;  —  dab  de  T.,  84  ; 
—  complots  de  T.,  88  ;  —  maî- 
tres d*école,  106,747-7^;—  Toyagc 
deToaloD  à  Pans,  110. 

Touloabre,  5o. 

Toorres,  i9B. 

Transpadane,  C3. 

Trébooios,  67. 


Trets,   33,  8ô-6«  iio,  m»  499*ôa5. 

Tnmolas,  69» 

Taoïsic,  ti4^ii5, 157:  ^huiles de  T.» 

III,  835-840 ;  —Sociétés  de  T.»  so. 
L'oiTcrsité  d'Aix  MaraeiUi»,  3J,  35» 

845. 
Val-de-Gond.  «ô. 
Valderoore*  61»  i<io^i64. 
Vaientiiu,  sarcophage  des>  61»  i6o> 

i«4. 

ValAbiasi,  Isidore,  3^,  64*  65. 
Valsas,  Gaston^  39»  ^7,   fo»^  tts» 

113,895-901. 
Vas  Cavaliis,  hbraire.  9/^3^ 
Vasaeui.  39,  170^ 
Vatssièiie,  39. 
Verrerie,  96. 
VABBtaa,  D'  Eagene,  39, 6S>,  89»  90  ; 

—  PaaI.  39. 
Vermca,  Temicos,  101. 
VkSisKK,  Hcnh  01,  39. 
Vidal.  39,  io4,  696-749. 
Vienne,  55. 

Vieos,  poodingaes  de,  i5i . 
Ville-d'Aykay,  l'-colonel  ds,  39, 7s, 

ao7-ai9. 
Viilefranche,  73. 
VmcAHs,  Charles,  99,  i8, 3o,  39,  loo» 

ii3,  95o>^. 
Vintimille,  69  ;  —  de  V.,  archeTé< 

ques  d'Aix,  973-4. 
Voconces,  908. 
Volqaes.  5i,  54. 
Voie  romaine,  161. 


TABLE    DES    GRAVURES 


I.   —  r>axi8    le   texte. 

Anneau  trouvé  à  Carccs.  60. 

Autels  cippes  chrétiens,  206. 

Iles  de  Lérins,  3o3. 

Marque  de  Gilbert  de  Villiers,  229. 

Page  du  bréviaire  de  lôoi,  219. 

Page  du  Missel  de  i53o.  235. 

Ruines  de  Grimaldi,  255,  275. 

Sceau  d'Anne,  comtesse  de  Tende,  290. 

Sceau  de  Claude  de  Tende,  291,  293. 

Sceau  du  Gouverneur  de  Provence,  292. 

Sceau  de  René,  bâtard  de  Savoie,  288,  289. 

Sceau  sans  légende,  294. 

Statue  attribuée  à  Bernin,  267. 

Titre  du  bréviaire  de  i549.  ^4?- 

Titre  de  l'office  de  la  Sainte  Vierge  de  i52i,  225. 

Tour  de  Puy-Ricard,  261. 

XX.   —   Hors   texte. 

Dolmen  de  Collebasse  ou  du  Bois  d'Amon  h  Saint-Cézaire  (Alp.-Mar),  16a. 
Sarcophar;c  Romain  du  Puiis  du-Plan  à  Saint-Cézairc.  160. 
Médaille  orterte  par  la  C"  Hollandaise  des  Indes-Orientales,  632. 
Médaille  dédiée  par  Ksprit-Antoine  Gibelin.  633. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Introduction 5 

Documents  officiels 1 1 

Programme  du  Congrès,  11-17;  — Circulaire  du  Comité  d'initiative 
aux  Sociétés  savantes,  18-19  >  ~~  Circulaire  aux  membres  des  So- 
ciétés, 20-23;  —  Circulaire  avec  programme  du  Congrès,  24  26  ; 
—  Délégués  officiels,  Présidents  d'honneur,  Bureau,  Comité 
d'organisation.  Sociétés  ayant  adhéré  au  Congrès.  Membres  des 
Sociétés  ayant  donné  leur  adhésion  personnelle,  27-39. 

Procès-verbaux  dés  séances 41 

Séance  d'ouverture,  41-56;—  Allocution  de  M.  Belin,  41  44;— 

Allocution  de  M.  Labande,  44-47;  —  Etude  de  xM.  Jullian,  47-36. 
Séances  de  lecture  des  mémoires,  5  j-tib  ;  —Archéologie, 58-74  ' — 

Histoire,  75-90;  —  Langue  et  littérature  provençale:  Folklore; 

Familles;  Beaux-arts,  g  1-104;—  Sciences  économiques  et  sociales; 

Sciences  physiques  et  naturelles:  Géographie,  io5-i  i5  et 950  952. 
Séance  générale,  116. 
,    Séance  de  clôture,  117- 146;  —  Discours  de  M.  Arnaud  d'Agnel, 

118-129;  —  Discours  de  M.  J.  Charles-Roux,  iSo-i^ô. 

Compte-rendu  financier 147 

Mémoires 149 

La  Provence  avant  l'histoire,  Ch.  Cotti i5i-i58 

Photographies  inédites  du  dolmen  de  Colle-Basse,  à  Saint- 
Cézaire  ;   Documents  photographiques  concernant  le 
.    sarcophage  des  Valentins  de   Valderoure  ;  Tombeau 
de  Puits-duPlan  à  St-Cézaire  ;    Monnaies  romaines 
trouvées  à  St-Cézaire  (Al p.-Mar.):  Monnaies  massalio- 
tes  provenant  de  l'arrondissementde  Grasse,  Paul  Goby.     159-170 
Note  sur  SlTOULaXîavYj  et  Appendice,  G.  de  Manteyer.     171 -i85 
Autels-cippes  chrétiens  de  Provence,  C"  de  Gérin-Ricard.     187-206 
Passages  de  César  et  d'Antoine    chez    les   Oxybiens, 

de  Ville  d'Avray 207-215 

Les  livres  liturgiques  d'Arles  au  xvit  siècle,  abbé  Chailan.    2 17-253 
Le  vieux  château   de    Grimaldi  à   Puy-Kicard,  M"'  E. 
HoccHART 255-275 


-  966  — 

Curiosités  notariales,  abbé  Requin ,     .     277-230 

Lessceaux^  de  ia  familk' de  Savoie-Tende^  J.  Roman  .     .     3^-20 
Prise  des  îles  de  Lérins  par  les  Espagnols,  M.  Bcrtrand.     2g7-3it 
Oppède  au  moyeivâge  et  ses  institutions,  L.  Gap*     .     .     ^iS-ISg 
L'administration    d'une    commune    de  Provence    sous 
l'ancien    régime    :    Saint- Jeannet  (Alpes -Maritimes), 

J.-E.  Malaussème -     .     36i'377 

L*adrainislraiion    sous  l'ancien    régime   à  Rians   iVar), 

Ed*  Poup/: 3?9-3ë7 

Un  ouvrage  de  Durand  de  Maillane,  G.  Aiwâuo.     •     .    JBç-BgG 
Lamunicipatité  cantonale  de  Cassis  sous  la  constituiton 
de  l'an  Ht.  M.  Baihé.     .      ........  3^-4rJ 

Lfi  grande  peur  et  Torganisation  de  la  Garde  nationale  à 
Manosque  en  1789,  p,-H.  BiGor.     ......    413-4*8 

Le  club  révolutionnaire  de  Carcès  (Var),  L.  C.  DArfMit*.    419-434 
La  grande  peur  et  la  création  de  la  Garde  nationale  à 

Châteaurenard'dc-Provencejîo  juillet  (789)»  E,  DuraAT.    435-449 
Une  page  d'histoire  des  Baux  en   1790.  DtsTANDAU.     .    .    4S1-466 
Quelques  pages  de  l'histoire  de  la  marine   arlésienne  : 
Les  marins  d'Arles  pendant  la  tourmente  révolution- 
naire, E,  Fassim. 467-49$ 

La    Société   populaire    de    Trets    (Bouches-du^RhÔoe), 

V.  TKiss^fts 499-Sa5 

Le  blocus  de  Marseille  pendant  la  peste  de  1712,  D'  Alc- 

ZAIS.       .....,,. 517-546 

Notes  historiques  sur  Fontaine-l'Evéque  ou  Sorps,  de 
Bi»i8c ♦,.,....    5^7  552 

Une  intervention  royale  dans  une  affaire  de  Umille  sous 
le  règne  de  Louis  XV,  Ch.  Latoni.  55t.56o 

La  peste  à  Allauch  en  1720,  J.  MAURit    .     .     .  fiôi-S82 

Objets  et  rites  talismaniques  en  Provence  d'après  ici  coi 
leciions  du  Museon  Arlaien,   L.   AuiiraT  et  J     Boct- 
liILtY '-^'^.■l'buv 

Le  costume  d'Arles,  J.  BouaatLL^  t.:.i  r*>. 

Notes  sur  la  verrerie  en  Provence,  A*NAti>  j/Aûnul,     .    <<^4}% 

Note  sur  les  obiets  d'cirt  de  l'ancien  diocèse  de  Vence, 

G,    DOLfULET.      ..,*......,•,-      633-028 

Les  médailles  frappées  en  l'honneur  du  biiUi  de  Sof- 
fren,  baron  GtitLibcuT.     ....«**.*•    629^34 

Le  théâtre  it  Aii  depuis  son  origine  iusqii*à  la  Révolu- 
lion»  F.  JULIEK ,     .     635^2 

Le  théâtre  à  Marseille  pendant  laRévotution«  P.  MouLtn.    h^t^^ 

Un  rétable  disparu  de  l'église  de  St-Maiimtn,  M.  Ram- 

»*tJLT.         ,        ,       ,        , f'^l-KKj 

f^ymologic  provençale,  Mar  Sarneîo»  Ed.  Auds,  '7* 

Etymologie  et  origine  de  roca,  rocha,  roche,  F  *N.  NicoLkiT    o;i  ô^l 


-:967  - 

Le  ténor  Richelme  d'Aix,   F.  Vidal.     .     .     .     .     .     .    695-745 

La  condition  des  maîtres  d*école  dans  la  région  de  Tou- 
lon sons  l'ancien  régime,  L.  Bourrilly 747-765 

Les  débuts  de  la  science  da  droit  en  Provence  :  lohan- 

nes  Blancus  Massiliensis^  R.  Caillbher 767-792 

L'Enseignement  primaire  en  Provence  avant  1789  :  Une 
école  de  village,  La  VerdièrejVar),  G.  Reynauo  ds  Ly- 

QU£S 793-817 

La   taxe  du  pain  à  Marseille  à   la  fin  du  xiii*  siècle, 

Ad.  Créhilux 819-834 

Huiles  de  Tunisie  et  huiles  de  Provence^  E.  Lacoste.  .  835-840 
Union  des  syndicats  agricoles  des  Alpes  et  de  Provence, 

et  son  œuvre,  H.  de   Montricher 841-844 

Etudes  monographiques  sur  la  concentration  industrielle 
dans  la  région  d*Aix  :  Introduction,  A.  Schatz.     .     .    845-852 

L'industrie  de  la  chapellerie  à  Aix,  G.  Mer 853-875 

L'industrie  de  la  cordonnerie  à  Pertuis,  E.  Curet.  .  .  876893 
La  crise  de  la  cordonnerie  à  Marseille  vers  1789,  G.  Valran.  895-901 
La  pèche  des  éponges  en  Provence.  J.  Cotte.  .  .  .  903*905 
Simples  notes  sur  un  vieux  plan  de  la  ville  d'Arles  daunt 

de  1747,  H.  Dauphin 907-916 

Nouveau  procédé  de  désinfection  rapide  et  à  sec  des  ob- 
jets solides,  L.  Perdrix 917-934 

La  botanique  à  Aix-en-Provence  depuis  la  seconde  moi- 
tié du  xvr  siècle,  A.  Rbynibr 925-934 

Une  vieille  cité  provençale  :  Les  rues  et  les  quartiers 
d'Apt  ;  Essai  de  restitution  topographique  et  topony- 
mique,  F.  Sauve 9^5  949 

Distinctions  HONORIFIQUES gSS 

Table  alphabétique  des  noms  de  personnes,  de  lieux  et 

des  matières gSS 

Table  des  gravures 964 

Table  générale  des  matières gôS