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4S
I 3 c
CONGRÈS
I>fiS
Sociétés Savantes de Provence
1906
CONGRÈS
DES
Sociétés Savantes de Provence
MARSEILLE
(31 J-uillet - s Août 1906).
COMPTES-RENDUS ET MÉMOIRES
AIX . EN - PROVENCE ^
A. Dragon, Libraire,
I, Place des Prêcheurs, 1
i9oy
MARSEILLE
P. Ru AT, Libraire,
54, Rue Paradis, 64
1 J» \^
DEUX membres de la Société d'Études Provençales^
un dimanche d'octobre igoS, s'entretenant de l'Ex-
position Coloniale de Marseille, qui s'annonçait comme
la manifestation la plus éclatante de la vitalité de notre
grand port méditerranéen, envisagèrent les avantages
qu'il y aurait à réunir à Marseille, à cette occasion, un
Congrès des Sociétés savantes de Provence.
Il leur parut, tout d'abord, que ce Congrès serait, pour
ainsi dire, la synthèse des efforts accomplis par tous les
groupements qui se sont donné la tâche de faire mieux
connaître, sous tous ses aspects, ce grand et beau pays.
Ils y virent, en outre, une occasion de cimenter
l'union qui doit régner entre des groupes concourant
au même but, et d'inaugurer, en cette circonstance so-
lennelle, une série de congrès provençaux qui pourraient,
à l'avenir, se renouveler successivement dans chacune
des villes de la région.
I^urs amis, auxquels ils firent part de cette idée, les
encouragèrent vivement à la mettre à exécution. Les
secrétaires-correspondants de la Société d'Études Proven-
çaleSj pressentis sur l'accueil que cette idée recevrait dans
leur milieu, répondirent, tous, par un avis favorable.
Le Bureau de ce::e S.\::e:é, car.s >à rèuni-^n du di-
n^anche 2? r..^ver::rre :•> ô. sa: s: i'ur.e rrop-.'^siiion dans
ce ser.s. décida, à *.*ur.jr.:rr.::e. de prer^dre I*:ni:iaiive de
ceC^r.crès e: rreser.ta ur. rr: e: à !'A>>crr.b:êe cênérale
du u decer.'.'rre >u:\ar.: »:u., '.'arpr: u\ar.: >àr.s réserve,
desicr.a, sear.ce :cr.ar.:e, plusieurs de ses membres pour
raire partie du C. m::e d':r::::a::ve.
r. :i'y axai: p,is de :em.ps à perdre, l'r. pr. jiramme,
aus>.;*: cabre, 'u: pub" c dar.s le r.um.er de Janvier-
•cvr.c:* :,# '"^ des .4 •:•:.: W.îV .j 5c*c:e:é a Éludes Proifen-'
traies e:. ::ro à pa-: à m !.e c\cm.r!a.res. " :'u: rerundu
dar-ïs :^u:c 'a Tmcncc c: !c> 'Li::^:s c rcrnv .:s;nes.
K:: mOmc :cmp>. cc::e dcc d'un •.2:ni:rcs pr-j^ven^a!
c:a:: soum:>c à V. ;. v^^n.;- cs-R ^\. c mmissa.rc ue~era!
de !K\p/^s;::. :: «.\ ! -^ a!^. .: ■Ajuû;.m:e de \ia:-se:;!e. à
. Acauc:v. :c u .\.\ ci u c„c c.-cs .lit^^îs C. rrs sa'iar^ts de
!*• • *" r* 5... ».. .. V. V. „. ,i.w,.*.w . ;. ,-. » L'^ 'axcj^r.
>\v;i\'t" .i t^ruÀrs :*r\ î'f :;.:.i.<. .u '■..,;.:.— ,. u" \ \ c: de
lAcadc:':* c ùw M.:r>c c. >c -^\; ^^ .::;.•';:':: cr
- .- > -Te-
\ lie u a r -^ : c * . c n u ' v '^ i: c r. l :\. . ^ ,: .. - -
rciiniiv' :c-"..c .: N^.v-'^L ;;. .:.. ^ .^;; .;, Vj,-::;.-": l. !e
:oiid: ^ '"tia:. ce r,-^*.:c ucc ^,: .:\ - . .;;- ,; : ^.:;;v es
SiV:cie> uc .î P"\'\c'wC c. s".^"* "v^ "> j -^- - X ~iN
LKic Circirarc io :*\ :.; *: .: u - -, ■ ^„- ..^-^^ - ^^
C'-i^n^rcs. a ucN.i::''.c" Uw> Ui.;.i^.:i> .^. .. .. \ ;\. ■: ;, u^
lIvvTiîîc d\^:i:a:'i:Na:..:': c: .: >c '.: \ -/.>.:. :a~:
que pv^NNible, à ut'ic -yu::. :': uc ,. . -- :;. .:,. ^;;;- : -
axi'ir lieu, ie -eud; :- va., .;,. N.i^i ,;, \:._-.^ - ^ j*;^
Marseille, aîin darrcur .0 :\i>c> vU \ : \,,-. * >..:
CCI appel, les Societcs rêpondireni nombreuses,* et'
désif'nèreni» chacune, un ou plusieurs délégués,
A la réunion du 17 mai, à laquelle assisiaient des repré-
sentants de la plupart des Sociétés de Marseille et des
villes voisines, le Comité d'or^^anisation, définitivement
constitué, élut les Membres de son Bureau, fixa la date de
rouveriure du Congrès au r' août et sa durée à deux ou
troîsjours, suivant le nombre des communications, décida
qu'une nouvelle circulaire serait envovée aux intéressés
pour porter celte organisation à leur connaissance, et
chargea le Bureau de régler les détails qui n*auraîent pas
été prévus par TAssemblée.
Entre temps, M. le Ministre de Tlnsiruclion publique,
des Beaux-Arts et des Cultes, à qui notre projet avait été
soumis, voulut bien, afin de manifester la sympathie
que lui inspirait cette tentative de décentralisation, délé»
guer M. Bclin, recteur de PAcadémie d*Aix-Mârscille,
pour ly représenter.
De son côté, le Conseil général des Bouches-du-Rhône
témoignait un vif désir de voir réussir notre entreprise et
volait une subvention de 5oo francs pour faire t^ce aux
frais d'organisation du Congrès,
S. A. S. le Prince Albert I*' de Monaco, sollicité de
prendre part à cette manifestation de la vie intellectuelle
en F^rovence, avait désigné pour l'y représenter oHiciel-
lement M. L.-H, Labande, archiviste de la Principauté*
Enlin^ MM. L Charles-Roux, commissaire général de
TExposition Coloniale ; Foncin, inspecteur général de
rilisiruclion publique; Frédéric Mistral, incarnation
vivante du génie provençal ; R, de Saint-Arroman, chef
— 8 —
du bureau des Sociétés savantes au Ministère de Tlns-
iruclion publique, voulurent bien prendre le Congrès
sous leur patronage et en accepter la Présidence d'hon-
neur.
Tout ainsi arrêté, il ne restait qu a passer à l'exécution.
I A's Compagnies de chemins de ter accordèrent aux Con-
gressistes, p4:>ur se rendre à Marseille, une. remise de
Soo'o sur les prix de leur tarif général : l'Administration
de TKxposition Coloniale mit gratuitement à leur dispo-
Mii/;n des cartes d'entrée permanente à l'Exposition pen-
d;jnl la durée du Congrès.
|j;jns une dernière réunion du Bureau et du Comité
d'of ^^'^nisalion tenue au siège de l'Académie de Marseille,
\t: %<:ndrc<li 20 juillet, il ùit décidé que le Congrès s'ou-
vfir;Ht le fiiercredi 3i juillet et se clorait le jeudi 2 août.
(,;i v:;iric<; d'ouverture et celle de clôture devaient avoir
hi'ii fl;iri'> l'i salle des têtes, au Grand Palais de TExposi-
hori, «•! l'-*> séances pour la lecture el la discussion des
nM-iiMH»rs dans les salles et amphiihéàires de la Faculté
di'^ ^iH-fiirs mis gracieusement à la disposiii»Mi du Con-
^^ii"^ |»iir M. Charve, doyen de la Faculté. Les présidents,
VII !• |»ft''Shli'iMs cl secrétaires furent désignés p«^ur cha-
I iMir d<*H M't.H'Mis, dont le nombre fui tixé à quatre : ar-
I hrn|i»fj;ir ; histoire ; langue et litiéraluro pn»\onv;ales,
InlkliUr, liinnllfs, heaux-aris : sciences éc-uioniiques el
fïoiHih'S, M M'Mcrs physiques el naturelles, géographie.
( .l'prinlaiil, l»*s Miénioires arrivaient nombreux, plus
iiofiihiiMU qu'on «Mil osé Tespérer. Ils aileignireni. a
qiirl»|UfS unilés pH's. le chiffre de io<.).
I M piof'riunnif ilélinilil, avec lisie des coinnuinica-
— 9 -
rions, fut adressé, en date du 25 juillet, à tous ceux qui
avaient donné leur adhésion.
Enfin, l'ouverture du Congrès eut lieu au jour et à
l'heure fixés devant une assistance où l'on remarquait des
érudits, des archéologues, des littérateurs, amenés à Mar-
seille autant par l'attrait du Congrès que par celui de
l'Exposition.
Les séances, à la Faculté des sciences, furent en géné-
ral bien suivies et fort animées. Des échanges de vues
féconds se produisirent et des relations solides se nouè-
rent entre des gens qui, pour la plupart, se connais-
saient déjà par leurs travaux, mais qui étaient heureux
d'entrer en rapports plus intimes.
Le jour de la clôture, un banquet réunissait au restau-
rant de la Plage une quarantaine de Congressistes. Au
dessert, pendant que l'escadre simulait l'attaque de Mar-
seille, de nombreux toasts furent portés.
Quelques heures après, tous se réunissaient une der-
nière fois dans la salle des fêtes du Grand Palais de
l'Exposition pour entendre et applaudir un intéressant
discours de M. Arnaud d'Agnel sur l'utilité pour la
ville intellectuelle en Provence d'un Congrès périodique
des Sociétés savantes et une enlevante allocution de
M. J. Charles-Roux sur la décentralisation et la poésie
provençale.
Puis les Congressistes se sont dispersés, emportant le
meilleur souvenir de ces assises scientifiques, où n'a cessé
de régner la plus franche cordialité, et ont regagné leurs
domiciles respectifs, en se disant non pas adieu, mais au
revoir.
— lO —
Car, dans une réunion plénière, tenue, sous la prési-
dence de M. Belin, recteur de l'Académie, président du
Bureau, dans le grand amphithéâtre de la Faculté des
sciences, à Tissue de la dernière séance pour la lecture des
mémoires, tous avaient voté pour le principe de la pério-
dicité des Congrès des Sociétés savantes de la Provence,
Ainsi se trouve pleinement réalisé l'espoir des promo-
teurs du Q>ngrès, puisqu'il a contribué à cimenter l'union
entre tous les hommes et les groupes qui s'intéressent
au passé comme au présent et à l'avenir de la Provence,
et que ce Congrès s'annonce comme le premier d'une
série qui se continuera, choisissant successivement pour
siège chacune des villes de la Provence.
Le Secrétaire général,
F.-N. NiCOLLET,
Professear aa lycée Mignet.
DOGUMEllTS OFFICIELS
PROGRAMME
DU
CONGRÈS DES SOCIÉTÉS SAVANTES
DE PROVENCE (i).
Histoire.
1. Étudier les authentiques de reliques conservées dans les
trésors de diverses églises provençales.
2. Signaler les cartulaires. les obituaires, les pouillés et en
général les documents relatifs à Thistoire de la Provence con-
servés soit en dehors des dépôts publics, soit à l'étranger, no-
tamment en Espagne et en Italie.
3. Rechercher dans les textes diplomatiques antérieurs au
milieu du xiit* siècle les surnoms ou sobriquets qui peuvent ac-
compagner les noms de personnes.
4. Relever dans des chartes antérieures au xnr siècle, et pour
la région provençale, les noms des témoins ; les classer de ma-
nière à fournir les indications précises pour aider à lachrono-
' Il est bien entendn qae par le terme Propence, re?enant fréquemment
aa cours de ce programme, on a voalu indiquer tonte la région de langue
provençale (Comut-Venaissin, comté de Nice, principautés d'Orange et
de Monaco, et même Gapençats}.
t
— 12 —
logFC des documents qui ne sont pas datés. — Établir et justi
fier la chronologie des fonctionnaires ou dignitaires civils ou
ecclésiastiques dont il n'existe pas de listes suffisamment
exactes.
5. Signaler dans les archives et dans les bibliothèques les
pièces manuscrites ou les imprimés rares qui contiennent des
textes inédits ou peu connus de chartes de communes ou de
coutumes.
6. Étudier l'administration d'une commune sous l'ancien ré-
gime, en Provence, à l'aide des registres des délibérations et
des comptes communaux. Définir les fonctions, des officiers
municipaux et déterminer le mode d'élection, la durée des
fonctions, le traitement ou les privilèges qui y étaient atta-
chés.
7. Établir, à l'aide des anciens registres de comptes, des re-
gistres cadastraux et autres documents, et pour une période
déterminée antérieure à la Révolution, quelles étaient les sour-
ces de revenus d'une commune ou d'une communauté.
8. Signaler pour les xni* et xiv* siècles, les listes de vassaux
ou les états de fiefs mouvants d'une seigneurie ou d'une église
quelconque ; indiquer le parti qu'on en peut tirer pour l'his-
toire féodale et pour la géographie historique.
9. Registres paroissiaux antérieurs à l'établissement des re-
gistres de rétat-civil ; mesures prises pour leur conservation ;
services qu'ils peuvent rendre pour l'histoire des familles ou
des pays, pour les statistiques et pour les autres questions éco-
nomiques.
10. Chercher dans les registres de délibérations communales
et dans les comptes communaux les mentions relatives à l'ins-
truction publique : subventions, nominations, listes de régents,
matières et objet de l'enseignement, méthodes employées.
11. Donner des renseignements sur les livres liturgiques
(bréviaires, diurnaux, missels, antiphonaires, manuels, pro-
cessionaux, etc.) imprimés avant le xvn* siècle, à l'usage d'un
diocèse, d'une église ou d'un ordre religieux.
- f3 -
12. Recueillir les renseignements qui peuvent jeter de la lu-
mière sur rétat du théâtre, sur la production dramatique et
sur la vie des comédiens en Provence.
i3. Étudier l'intérêt qu'ont, au point de vue historique et au
point de vuepratique, lesarchivescommunales et hospitalières,
ainsi que les moyens d'assurer leur conservation.
14. Exposer l'histoire d'une administration municipale de
canton sous le régime de la Constitution de l'an 111.
i5. La grande peur dans un village ou une région de la Pro-
vence.
16. Les fédérations eh 1789 et 1790.
17. Étudier, dans une commune, la question religieuse de
1789 à 1795. Les cultes de la Raison et de l'Être suprême.
j8. Notices et documents inédits sur les représentants du
peuple aux assemblées révolutionnaires.
19. Monographie d'un club, d'une société populaire.
20. La levée, la composition et l'organisation d'un bataillon
de volontaires.
21. Étudier les variations de l'esprit public dans une com-
mune, de la Révolution au Consulat.
22. Dresser la biographie et étudier sommairement l'œuvre
littéraire d'un écrivain provençal (troubadour, troubaire ou fé-
libre).
23. Signaler les textes provençaux inédits.
24. Étudier les artistes pro^nçaux (c'est-à-dire originaires
de la Provence ou étrangers y ayant travaillé) et les œuvres
d'art, d'après les documents conservés dans lesarchives publi-
ques ou particulières.
Archéologie.
25. Faire, pour chaque département, un relevé des sépultu-
res préromaincs en les divisant en deux catégories : sépultures
par inhumation, sépultures par incinération.
26. Étudier les divinités indigètes d'après les monuments
figurés et les monuments épigraphiques.
14 -
27- Faire connaître ce que les textes et les monuments anti-
ques de loui genre peuvent apprendre sur Tindusirie et le com-
merce dans ia Gaule Narbonnaise à 1 époque romaine.
28. Signaler les documents d'archives, les manuscrits an-
ciens 00 la correspondance des antiquaires des derniers siècles
qui peuvent servir à établir l'âge ou l'histoire d'un monument
archéologique déterminé.
29. Décrire les monumenisgrecs qui se trouvent dans les col-
lections publiques 00 privées, particulièrement de la région du
Sud -Est ; en préciser la provenance.
30. Rechercher le tracé des voies romaines en Provence ;
étudier leur construction ; signaler les bornes milliaires.
3i. Dresser, pour la région du Sud-Est, des cartes générales
ou partielles des monuments et des vestiges de monuments
gallo-romains détruits ou conservés.
32. Rechercher les centres de fabrication delà céramique an-
tique en Provence.
33. Dresser la nomenclature des chapelles romanes qui exis-
tent en Provence, soit dans un arrondissement soit dans un dé-
partement.
34- Donner, avec plans, dessins et photographies à lappui,
la description des édifices de la période romane du moyen âge;
critiquer les dates qui ont été proposées pour ces édifices et vé-
rifier leur exactitude,
35. Signaler les monuments antérieurs au xi* siècle ; recher-
cher en particulier les inscriptions, les sculptures, les verres
gravés, les objets d'orfèvrerie et les pierres gravées.
36. Cataloguer et décrire les monnaies mérovingiennes pro-
venant d ateliers provençaux conservées dansles collections pu-
bliques ou privées.
37. Signaler les documents inédits relatifs au monnayage de
René d*An jou, des archevêques d*Arles et des princes d*Orange.
38. Décrire les sceaux conservés dansles archives publiques
ou privées de Provence ; accompagner cette description de
moulages ou au moins de photographies.
i
^ i5 -
39. Faire par région, f>ar ville, ou par édifice, le recueil des
pierres tombales et inscriptions diverses, publiées ou non ; ac-
compagner ce recueil, autant que possible, destampages ou de
dessins.
40. Étude sur un point du droit public ou privé de la Pro-
vence.
41. Signaler les usages locaux se rattachant originairement
i l'ancien droit proven^jal.
Sciences économiques et sociales*
42. Esquisser rhisîoire d une école centrale, d*un lycée ou
'un collège communal.
43. L'enseignement primaire dans une commune pendant
une période déterminée : sous l'ancien régime» pendant la Ré-
volution, sous le premier Empire, etc.
44* Rechercher, dans la région du Sud-Est, et pendant une
période déterminée, l'effort delà population rurale pour acqué-
rir la terre.
45. Du développement et du fonctionnement des syndicats
agricoles» et des unions de syndicats agricoles en Provence.
46. Étudier Torigine et le rôle politique et social des confré-
ries du Saint-Esprit en '^rovence.
47. Exposer les délibérations prises par rassemblée générale
des communautés de Provence relatives à l'abolition de la nien*
dicité.
48* Situation économique et socialed'un département en 1848
(On en trouvera les éléments dans VEnquête industrielle et
ricole prescrite par le gouvernement provisoire, le 25
nai 184S).
49. Les sociétés charitables,
5a. Faire connaître les attributions et le fonctionnement de
Vadmînistration des vigueries.
5i, Étude du folL-lore provençal (chansons, usages, tradi-
tions, ustensiles, etc)
- i6 -
52. Recherches historiques sur le commerce de Marseille.
33. Ktude historique sur les industries particulières à la Pro-
vence et au Comtat (papeterie, verrerie, faïencerie, filature, etc.).
54. Documents sur le commerce des Italiens et des Catalans
en Provence.
55. Relations delà Provence avec les côtes barbaresques ; la
traite des esclaves maures ou nègres.
Sciences.
56. Essai d*une tectonique générale des Alpes, d'après les
travaux les plus récents.
57. Constitution géologique de la Méditerranée entre la
France, la Corse et l'Algérie.
58. Description des Bryozoaires miocènes de la Provence.
59. De l'avenir des gisements de lignite et de bauxite de la
Provence.
60. Les arts agronomiques en Provence.
61 . Ethnologie et géologie des colonies françaises.
62. Minéraux que Ton rencontreen Provence. Examen spécial
de leurs gisements. Importance industrielle.
63. Monographies relatives à la faune et à la flore de la
Provence.
(^4: foude géologique et biologique des cavernes (état aauel
et vestiges préhistoriques).
65. Ktude sur les sanatoria en Provence.
Géographie.
6(>. Signaler les documents géographiques manuscrits rela-
tifs à la Provence t. textes et canes '• qui peuvent exister dans les
bibliothèques publiques et les archives départementales, com-
munales ou particulières. — Inventorier les canes locales an-
ciennes, manuscriies ei imprimées : canes de diocèses, de
provinces, plans de villes, etc.
— T7 —
67* Etudier la toponymie d'une commune ou d'une région
de la Provence ; rechercher les formes originales des noms de
lieux ei les comparera leurs orthographes officielles (cadastre,
carie d*état-major, almanach des postes, cachets de mairie, etc.)-
Compléter la nomenclature des noms de lieux en relevant les
noms donnés par les habitants aux divers accidents du sol
(montagnes, cols, vallées, etc.) et qui ne figurent pas sur les
canes,
68. Déterminer les limites et dresser des cartes des ancien-
nes circonscriptions diocésaines, féodales, administratives, etc.,
de la Provence ; faire la cane particulièredes possessions d'une
abbaye ou d'une maison seigneuriale de Provence (sauf pour
la maison de Baux, déjà étudiée par le D' Barthélémy).
69. Voies ancienne^ à travers la région provençale (roules
commerciales et chemins de iranshumance).
70. Modifications anciennes et actuelles des côtes de Pro-
%-eoce.
71. Biographies des anciens voyageurs provençaux,
J2. Étude sur le déboisement et le reboisement en Provence.
73. Dans quel pays vont les émigrants d'une commune ou
d'un canton ou d'un arrondissement déterminés;^ A quelles
occupations se livrent-ils de préférence ?
74. De quel pays de la Provence ou des régions voisines sont
originaires les colons ou les émigranis d'un centre déterminé
de l'Algérie ou de la Tunisie ? (Donner autant que possible les
noms et prénoms avec les détails d'état-civil des premiers im-
migrants».
75. Biographie d'un émigrant s'étant distingué par son intel-
ligence, ses aptitudes, etc. ?
76. Immigration corse, italienne, catalane sur les côtes de
Provence (Spécialement pour l'immigration italienne étudier
rînflucnce des nouvelles lois internationales sur le mouvement
de la population et de l'épargne).
COPORfts. — 2-
— E>S —
PREMIÈRE CIRCLLAIRE
Adressée par le Comité d'initiative à MM. les Présidents
des Sociétés savantes de la région firoTençale et des
régions droonToisines.
CONGRÈS DES SOCIÉTÉS SAVANTES DE PRO\'ENCE
A. KtAR3iî:rr.T,Te
Marseille, le 5 mai iqo6.
MONSIEIB LE PpÉSIDENT,
A l'occasion de rELxoosition Coloniale de Marseille, mani-
festation grandiose de la vitalité du grand pon méditerranéen,
la Société if Études Provençales a pensé qu'un Congrès des
Sociétés Savantes de Provence et de la région circonvoisine
serait l'affirmation, la synthèse des efforts accomplis par tous
les groupements qui se sont donné la tâche de taire mieux con-
naître, sous tous ses aspects, ce grand et beau pays.
Cette idée d'un Congrès Provençal, soumise à TAcadémie
de Marseille, à l'Académie d'Aix et à quelques autres Corps
savants de la région, a été favorablement accueillie panout.
Un Comité d'initiative, composé de membres de la Société
d'Études Provençales, de l'Académie de Marseille et de l'Aca-
démie d'Aix, s'est immédiatement formé en vue d'arrêter les
lignes générales du projet et prier toutes les Sociétés soeurs de
vouloir bien donner leur adhésion.
Une réunion aura lieu \q jeudi ij mai prochain, à 3 heures.
— 19 —
au siège de i Académie de Marseille, rue Thiers, 40. Le Co-
mité (Inorganisation y sera formé définitivement, de même
qu'il sera procédé à Téleciion du Bureau et à l'élaboration d*un
programme définitif.
Nous avons donc Thonneur de vous prier instamment, Mon-
sieur le Président, de vouloir bien inviter votre Société à don-
ner, si elle ne Ta déjà fait, son adhésion au Congrès projeté qui
aurait lieu vers le 1" août prochain. 11 nous serait également
fort agréable de la voir, si faire se peut, déléguer un de ses mem-
bres pour la représenter à la réunion du 17 mai, où seront ar-
rêtées les bases de l'organisation.
Nous osons espérer que cette idée d*un congrès provençal si
bîenveillamment accueillie par M. Jules Charles-Roux, com-
missaire général de rExposition Coloniale, le sera également par
votre Société qui y verra l'occasion de cimenter Tunionquidoii
régner entre des groupes concourant au même but, et d'inaugu-
rer, en cette circonstance solennelle, une série de congrès pro-
vençaux qui pourront, à l'avenir, se renouveler successivement
dans chacune des villes de la région.
Les adhésions et toutes communications utiles seront reçues
par M. Fournier, secrétaire du Comité d'initiative, 2, rueSyl-
vabelle, à la Préfecture, Marseille.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de nos
sentiments les plus distingués et dévoués.
Le Comité d'initiative ^
— 20 —
DEUXIÈME CIRCULAIRE
Adressée à Messieurs les membres des Sociétés saTantes de
la Provence et des régions circonvoisines.
CONGRÈS
•" .Marseille, le 20 mai 1906.
Sociétés Sanites ie Pnveice
A MtABSCtLLC.
Monsieur,
Nous avons Thonneur de solliciter votre adhésion au CoTigré^
des Sociétés saluantes de Pro%*ence qui se réunira pour la pre-
mière fois à Marseille le r' août prochain, à l'occasion de
TExposition Coloniale déjà ouverte dans cette ville.
Le Comité d'organisation, dont vous trouverez ci-après la
composition, adresse un pressant appel aux membres des
Sociétés savantes de la région provençale, des régions circon-
voisines et des pays, comme la Corse, l'Algérie et la Tunisie,
qui sont en rapports constants avec Marseille, métropole colo-
niale de la France. 11 adresse le même appel aux membres des
Sociétés Scientifiques des villes d'Espagne et d'Italie qui n*ont
cessé d'entretenir avec la grande et noble ville des relations
d'amitié, — d'une amitié remontant à une haute antiquité ou,
tout au moins, au moyen âge. alors que la Provence, Naples,
la Sicile et TAnjou étaient sous le môme sceptre politique.
En cette terre de Provence si riche de souvenirs historiques,
au passé si brillant et coloré, nombreux sont les groupes sa-
vants : .\cadcmies. Sociétés Historiques, Littéraires, Scientifi-
ques, Félibréennes, etc , ayant le même but, mais s'ignorant
— 21 —
fois, OU se connaîssani à peine, faute d'occasions de seréu-
îfir, de mettre en commun le fruil de leurs labeurs.
Ua paru que TExposition Coloniale de Marseille, demeurant
par plusieurs côtés une manifestation essentiellement proven-
ile, était une occasion unique de réunir tous les groupes pro-
vençaux ou amis de la Provence, et affirmer ainsi magnifique-
ment la vitalité de notre petite patrie, sous ses formes si variées,
si intéressantes* si dignes, à tous égards, d'èire mises en pleine
lumière.
Un Congrès était la forme la plus propre à atteindre ce but.
L*<ambition du Comité d'organisation serait pleinement satîs-
ïite si chaque Société se trouvait représentée par un grand
rnombre de membres dont la présence au Congrès et la partici-
pation effective par des communications nombreuses et inté-
ressantes sont les cléments essentiels de succès.
Telles sont. Monsieur, les raisons qui nous font insister pour
avoir votre adhésion, celle de tous les savants qui, [Provençaux
d origine^ habitants ou amis de la Provence, s'intéressent à ce
qui touche ce grand et beau pays où naquit un grand mouve-
tuent décentralisateur qui a gagné les autres provinces.
Le Congrès des Sociétés Savantes de Provence sera lui-même
une manifestation décentralisatrice, qui pourra ultérieurement
se poursuivre dans d*autres villes de la région, et dont la pleine
réussite est assurée, si ces S(xiéiés, en tant qu^ groupes cons-
titués, et leurs membres individuellement, veulent bien asso*
cier leurs efforts aux nôtres, assurer le succès du Congrès par
rapport de leurs connaissances-
Nous vous demandons donc avec instance votre adhésion et
votre participation, à Taidc d'une étude personnelle sur Tun des
m^cis figurant au programme déjà distribué aux Sociétés
Savantes, ou sur toute autre question à votre choix, pourvu
qu'elle ail un caractère provençal.
Vous trouverez ci*aprè*s. en outre de la composition du Co-
mité d organisation, des indications pratiques relatives au Con-
gres qui ne donnera lieu à aucune œiimlion* Non seulement la
^-22 —
participation sera absolument gratuite, mais encore les adlié-
rentsbénéficieront de l'entrée gracieuse à TExposition Coloniale
pendant toute la durée du Congrès. Un volume des mémoires
présentés au cours de cette manifestation scientifique sera im-
primé et témoignera de la science etderactivîté des groupes et
des savants provençaux.
Veuillez agréer. Monsieur, l'assurance de notre considération
la plus distinguée.
Le Président •
F. Belix,
Be^.ear 4* f Ao«lemi«.
tJtêom 4e la l>sw>a 4 ¥»■■««.
Les Vice-Présidents :
Ch. ViNCENS, D' Ph. Aude,
Trt»*»rt<»r 4» I A<'44<imie A*% S<i#o-*«. Lettre» «e*»-!» •• f k«f é* \» ■ank» E. K
et Boanx-Arta 4« Saneilie. f>fllci«' é* la Lr4.i«a A'k '«■t«T.
Aaaea Prrst4«al et I A:a4«mie à \i\.
Paul Arbaud, p. Massox,
rt**i^vt <fc U SoeicU 4 CiWes rreie^'l^^- Prefcssecr à la Facallr 4es Letin»,
SecrrUiTi sea^ral 4« S K&p*asiti<>a CftlAai«l#.
Le Secrétaire Général : Le Secrétaire Trésorier:
F.-N. NiCOLLET, J. FOURXIER,
Pr'>fe«4««r aa Ljcée Mii^aet. Àrckivuie Atfj«iat 4cs lo«ckcs 4«-BMm.
Nota. — La participation aa Congrès est gratuite ; toat membre d'une
Société savante de Provence on des régions circoaroisines peut assister
aux séances, y présenter des mémoires et prendre part aux discussions.
Les Dames sont admises. Les mémoires devront être parvenus au secréta-
riat du Congres (2, rue Sylva bel le, Marseille), au plus tard, le i3 juillet.
I>e sujet, s'il n'est pas pris dans le programme antérieurement publié,
devra être une question d'intérêt provençal. Vu quart d'heure environ sera
accordé pour la lecture de chaque mémoire.
Le Congrès s'ouvrira le i*" août. 11 comprendra deux séances générales,
d'ouverture d'heure en sera indiquée par la presse) et de clôture, qui auront
lieu au Palais de l'Exposition, dans la salle des Congrès, et des séances de
section, qui auront lieu, soit à la Faculté des Sciences, soit au Lycée. La
aurée ne pourra être fixée définitivement que lorsque l'on connaîtra le
nombre des communications qui seront faites. Le Congrès comprendra
— 23 -
trois sections : i« flistoire, archéologie et sciences auxiliaires ; 2« Littéra-
ture et langue provençales et Beaux-arts ; 3» Sciences. Les présidents et
secrétaires de chaque section seront désignés par le Bureau, a près entente
arec le Comité d*organisation.
Des démarches devant être faites auprès des Compagnies de transport
pour obtenir aux Congressistes un tarif de faveur, nous vous prions de
nous faire parvenir le plus tôt possible le bulletin d'adhésion ci-joint.
— 34
TROISIÈME CIRCULAIRE
Marseille^ le 25 juillet igo6.
MONSIKIR,
Nous avons rhonncur de vous envoyer le programme défi-
\\\\\\ du Congrès des Sociétés savantes de Proi^enccy qui se lien-
dru du 3i juillci au 1 aoùi à Marseille.
Nous joii^nons à ce proj^rammc :
V i H< xwrtt" %/Vitfiw pennancnte à rExposiiion coloniale
jSMir los jx^r>onncs qui nv^us on: envoyé leur bulletin d adhé-
^ /\<' x\îr,V .îV >v\\^Y .: dcmi-'arij^n chemin de fer sur le
^vs\NAU de U V VmiM^^nîc P.-L.-M.» pour le^i personnes qui nous
cî\ xvv, \<iî ;,; vionuîuio on icmr>s vou:u.
i .< vVîî>;\^^v.c do vho:r::^> de :cr du Sud de la France a
Nx\^ \xN;\; ,u\wdcr Ausv lo Xv^^ce à dc:Tî:*îdn:" en faveur des
v",\\^ vvv x;cN \u\ :n\'.v,x'> vie Iji Iec:rc de M, ie Dîncctcur de
x\\;c v\^ ^"x\u ' e d,: > n:.:^ «^ /. serji dc-:v:« lux n^embres du
v'^'s; vn xXCv ^ >>:n ;" x"^ .^ ur ' jt ; Ji.,'tr. ^ li r^cor s^eScctuera
^' A,, ,v "V "x V,.. >i yv^vAt..:,. /.t ^i >c..,\ S JÙ j^c^ ^x: si^ra laisse
, •• • % «, X ii\; 1 > .3k H ^,^x ik 1 ,c , .i.\ ,\ j: 1 r ^v'v:'^rx: Jr» PntsiJeni
V\ / ••^^,*V^ ,r\.is ,C.vïi V' tv V . \'t.^ "V , ,^V -Tfxi-t ^ii:.* 0.»l-
rs(>x;&\)t)tK r^r co^(v>ses
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^.^.viOTîTO:
^-
— 2D —
M. Belin, Recteur de TAcadémie, Représentant de M. le Mi-
nistre de Flnstruction Publique, Président du Congrès.
Allocution par M. le Président.
Allocution par M. Labande, délégué officiel de S. A. S. le
Prince de Monaco.
Lecture de 1 étude de M. Camille JuUian, professeur au Col-
lège de France, sur ¥^ Les transformations des sociétés barba-
res de la Provence et le commerce de Marseille grecque ».
Le même jour, à 9 heures du soir, dans l'enceinte de l'Expo-
sition, grande fête de nuit avec illuminations, fontaines lumi-
neuses, intéressantes vues des colonies reproduites par un puis
sant cinématographe.
Le mercredi 1" août, à 9 h. 1/2 du matin et à 2 h. 1/2 du
soir, et le jeudi 2 août, à 9 h. 1/2 du matin, à la Faculté des
sciences (allées des Capucines), séances des sections pour la
lecture et la discussion des mémoires suivant l'ordre indiqué
ci-après.
Le jeudi 2 août, à midi, banquet des Congressistes dans un
restaurant de la plage du Prado (cotisation : 10 tr ).
Les personnes qui désirent y prendre part sont priées d'en-
voyer leur adhésion, dès maintenant, à M. J. Fournier, secré-
taire-trésorier, 2, rue Sylvabelle, Marseille.
Le même jour, à 5 heures précises du soir, séance de clôture,
à l'Exposition (Coloniale, dans la salle des fêtes du Grand Palais
Central.
Discours sur l'utilité pour la vie intellectuelle en Provence
d'un Congrès périodique des Sociétés savantes, par M. Arnaud
d'Agnel, délégué de la Société de statistique de Marseille.
Discours par M. Jules Charles-Roux, président d'honneur du
Congrès, commissaire général de l'Exposition coloniale.
La tenue pour toutes les séances et pour le banquet est le
costume de ville.
La direction de l'Exposition Coloniale a bien voulu accorder
aux Congressistes l'entrée gratuite à TExposition durant les
trois journées du Congrès. Ceux qui n'auraient pas reçu leur
- 26 —
carte sont priés de la réclamer à M. Fournier, à Tadresse indi-
quée ci-dessus.
Les tramways conduisant au Rond-point du Prado, partent
du cours Saint-Louis toutes les 5 minutes et portent en gros ca-
ractères l'indication Exposition coloniale sur banderole verte.
Les Congressistes qui désireraient des renseignements com-
plémentaires sont priés de les demander' dès maintenant par
lettre ou dans la journée du mardi 3i juillet de vive voix, à M.
Fournier, à l'adresse indiquée ci-dessus.
Toutes autres dispositions antérieurement annoncées sont
annulées.
DELEGUES OFFICIELS
BUREAU ET COMITÉ D'ORGANISATION
Représentant de M. le Ministre de l'Instruction publique.
M. F: Belin, recteur de l'Académie.
Représentant de S. A. S. le Prince de Monaco
M. L.-H. Labande, archiviste de la Principauté, inspecteur
divisionnaire pour toute la Provencedela Société française
d'archéologie.
PRÉSIDENTS D'HONNEUR
MM. J. Charles-Rolx, commissaire général de l'Exposition
Coloniale.
FoNCiN, inspecteur général de l'Instruction publique.
Frédéric Mistral.
R. DE Saint-Arroman, chef du bureau des Sociétés savan-
tes au Ministère de l'instruction publique.
- 28 -
BUREAU
Président : M F. BELiN.recieurde TAcadémie.
Vice-Présidents : MM. Paul Arbaud, président de la Société
d'Études provençales.
D' Philippe Aude, médecin en chef de
la marine E. R., ancien président
de l'Académie d'Aix.
Paul Masson, professeur à la Faculté
des Lettres d'Aix, secrétaire géné-
ral de l'Exposition Coloniale.
Charles Vincens, trésorier de l'Acadé-
mie de Marseille.
Secrétaire général : M. F.-N. Nicollet, professeur au lycée
Mignet.
Secrétaire-trésorier : M J. Fournier, archiviste adjoint des
Bouches-du- Rhône.
COMITÉ D'ORGANISATIOK
MM. les Membresdu Bureau etles Secrétaires-correspondants
de la Société d'Études Provençales qui a pris l'initiative du
Congrès :
MM.
Arnaid, professeur au lycée Mignet, de la Société d'histoire de
la Révolution.
.•\RNAri> i>*A(jNKi-, de la Société de statistique de Marseille.
AsTiKH (K.), de r.Xssociation des Sylviculteurs de Provence.
BvHKTv (0'), de r.Vcademia Nissarda.
BKHNAHn(l>\ do la Société scientifique, littéraire et des beaux*
arts de Cannes.
Cau.i.kmkr, professeur à la Faculté de droit d'Aix, de la Société
d'iùudcs provençales.
~ 29 -
Cauvin, de la Société scientifique ei littéraire des Basses-
Alpes.
Clauzel (P.), de TAcadémie de Nîmes.
CuGNY (Léon), de l'Alliance scientifique universelle.
Delibes (E ), de la Société de géographie et d'études coloniales
de Marseille.
Doublet (G.), de la Société des lettres, sciences et arts des
Alpes-Maritimes.
Drageon, de l'Académie du Var.
FouRNiER (J.), de la Société de géographie et d'études colonia-
les de Marseille.
Gantelmi d'Ille (Marquis de), de l'Académie d'Aix.
Gérin-Ricard (Comte de), de la Société archéologique de Pro-
vence.
Granet, de la Société archéologique de Montpellier.
GuÉRiN, de la Société d'horticulture et de botanique des
Bouches-du-Rhône.
GuiLLiBERT Œaron Hippolyte), de l'Académie d'Aix.
JoLEAUD, de l'Académie de Vaucluse.
Labande, de l'Académie de Vaucluse.
Lacaze-Duthiers, de la Société des amis du Vieil-Arles.
Lacoste, de l'Académie du Var.
Laval (D'). de l'Académie de Vaucluse.
LÉOTARDCJ.), de la Société degéographie et d'études coloniales
de Marseille.
LivoN fDf), de l'Académie de Marseille.
Masson (P.), de la Société d'Études provençales.
Michel, de la Société d'Études des Hautes-Alpes.
Mirety-Sans, secrétaire de la Real Academia de Buenas Letras
de Barcelona (Espagne).
Morel-Revoil, de la Société des architectes des Bouches-du-
Rhône.
Parv. de l'Association des Sylviculteurs de Provence.
Poupt (E.), de la Société d'Études de Draguignan.
Raimbault (M.), de l'Escolo de la Mar.
- 3o -
Skhvian, de rAcadémie de Marseille.
ViNc.KNs (C2li. ), de rAcadémie de Marseille
SOCIÉTÉS
ayant adhéré au Congrès.
Académie des Sciences, As^riculture, Ans et Belles-Lettres d'Aix.
Académie des Sciences, Lettres et Beaux-Arts de Marseille.
Académie des Sciences et l-eiires de Montpellier.
Académie de Nîmes.
Academia Nissarda.
Académie du Var.
Académie de Vaucluse.
Alliance scieniilique universelle (^Association internationale
des hommes do science>. Comité central de France.
AsMvi.iiion des Sylviculteurs do Provence,
lisv't^lodo l.ar, d\\i\.
l'Volo vie l.orin, do dnnos.
!• scolo do la Mar. do Marsoiiio.
Ivolo Misualonco, dWrios.
l'NColo vie la rar;;o. vio roulv^ii.
Koal Academia do Inuo^as l.oiras. âo Rarce-or.e,
l<o»;«a iicpuia.îvvio vi; siv^'i.î ;\î:r:.i. do Turin,
S*v<oi,^ ii4;uro di >:or.a ;\v»r;a. do *.'ô:xs
Svuîc dos \:*.vs du \ '.o-.l-.\r-o>,
S*\ u'ïo a:vîuVi.\<:c;;o v:o rr.^xci'.co.
StVicio a;vhoo'.v\CiC-o c!c N\.\::;v. ;::
S.\ A-;o ,;;\ :^.\\.v c»;o. >o c::: 'c*:. c: i.zuM.ro de Beiier?.
S»\ ■ % i »• v". v'^ \ :\ ^ iOx ;*. > K* v" ^ :x* ..V ■ V < v. .: - rx .". ." ;' ^ .
Nv xo .. î u.r.i> :* >;/ cv.vS. >v ^r: \:..i> ^: iir.tràires des
N',- ^ ^ ^. .:-.: c/.x^:: .-.V-. ■/,:>: c^o- ^: IVirJiCTîan.
- 3i -
Société d'horticulture et de botanique des Bouches-du Rhône.
Société de Géographie et d'Études coloniales de Marseille.
Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes.
Société ^ientifique, littéraire et des beaux-arts de Cannes.
Société scientifique et littéraire des Basses-Alpes..
Société de Statistique de Marseille.
MEMBRES DES SOCIÉTÉS
ayant donné leur adhésion personnelle.
MM.
Alezais (Henri), docteur en médecine, professeur suppléant à
rÉcole de médecine et de pharmacie, 3. rue d*Arcole,
Marseille.
Arbald (Paul), président de la Société d'Études provençales,
2, rue du Quatre-Septembre, Aix-en-Provcnce.
Arnaud (François), correspondant du Ministère, ancien no-
taire, Barcelonnette (B.A.).
Arnaud (G.), de la Société d'histoire de la Révolution. 7, rue
Mignet, Aix en-Provence.
Arnaud d'Agnel, de la Société archéologique de Provence, 10,
rue Montaux, Marseille.
Artaud (Adrien), président de la Société des sciences écono-
miques, rue Tranier prolongée, Marseille.
AsTiER (Emile), secrétaire général de l'Association des sylvicul-
teurs de Provence, Marseille.
AsTiER (Jean-Baptiste), de TEscolode la Mar, 46, boulevard du
Jardin zoologique, Marseille.
AuBERT (Louis), de l'Escolo Mistralenco, 5, chemin de Grif-
feuille, Arles.
Aude (D' Philippe), ancien président de TAcadémie d'Aix, i,
rue du Lycée, Aix-en-Provence.
Aide (Edouard), de l'Académie d'Aix, secrétaire-archiviste de
n
- 32 —
la Société d'Études provençales, con'servàteur de la biblio-
thèque Méjanes, Aix-en-Provence.
AuziviziER (Clément), secrélaire-correspondant de la Société
d'Études provençales, rue des Lanciers, Brignoles,
Baréty (Alexandre), président de TAcademia Nissarda, 3i, rue
Cotia, Nice.
Barré (Henri), trésorier de la Société de Géographie et d'études
coloniales de Marseille, membre de la Société de statisti-
que, bibliothécaire de la ville.
Belin (F,), de l'Académie d'Aix, Recteur de l'Académie, 23,
rue Gaston-de-Saporta, Aix-en-Provence.
Bernard (D"" G.), vice-président de la Société scientifique, litté-
raire et des beaux-arts de Cannes, 2, quai Saint-Pierre.
Bertrand (Marie), cabiscol dç l'Escolo de Lerin, secrétaire-
correspondant de la Société d'Études provençales, sous-
bibliothécaire archiviste de la ville de Cannes.
Bigot (Paul-Henri), membre de là Société scientifique et litté-
raire des Basses-Alpes, secrétaire-correspondant de la
Société d'Études provençales, professeur au Collège de
Manosque, 29, rue du Quatre-Septembre.
Bouillon-Landais (Louis-Paul-Marie), correspondant des So-
ciétés des beaux-ans des départements, à Saint-Menet,
près Marseille. *
Bourges (Chanoine), de l'Escolo de Lar, aumônier des Hospi-
ces, Aix-en-Provence.
BouRRiLLY (Joseph), cabiscol de l'Escolo Mistralenco, 20, rue
Molière, Arles.
BouRRiLLY (L.), de l'Académie du Var, inspecteur primaire,
Toulon.
Bourrilly(V.-L.), secrétaire-correspondant de la Société d'Étu-
des provençales, docteur ès-lettres, professeur au Lycée
Toulon.
Bout de Charlemont (Marie-Hippolyte), de la Société des gens
de lettres et de la Société archéologique de Provence, Au-
bagne (B.-du-R.).
- 33 -
Bresc (Louis SiGAUD de), de l'Académie d'Aix, 2, rue Sallier,
Aix-en-Provence.
Bruguier-Roure, des Académies de Nîmes et de Vaucluse,
inspecteur de la Société française d'archéologie à Pont-
Saint-Esprit (Gard).
Caillemer (Robert), professeur agrégé d^histoire du droit à
l'Université d'Aix-Marseille, actuellement à celle de Gre-
noble.
Caillol de Poncy, président do la Société de photographie,
18, Chemin des Chartreux, Marseille.
Camau (Emile), de l'Académie de Marseille, iio. Cours Lieu-
taud.
Camous (Louis), de la Société des lettres, sciences et arts des
Alpes-Maritimes, médecin des hôpitaux, 2, rue de l'Opéra,
Nice.
Carsignol (Henry), de TAcadémie du Var, curé, publjciste à
la Moure-Garde-Freinct (Var).
Castinel (D' Julien), de la Société d'Études provençales, 67,
rue de la République, Marseille.
Caiîvin (C), de la Société scientifique et littéraire des Basses-
Alpes, secrétaire-correspondant de la Société d'Études pro-
vençales, professeur au Lycée Gassendi, Digne (B.-A.).
Chailan (Marccllin-Martin), de la Société des Amis du Vieil-
Arles et de TAcadèmie de Nîmes, curé d'Albaron-cn-
Camargue.
Chaillan (Marius), de l'Académie d'Aix, correspondant du
Ministère, curé de Septèmes (B.-du-R.).
Chaperon (Jules), de la Société d'Études provençales, curé
de la Martre, par Comps (Var).
Charve (Léon), de TAcadémie de Marseille, doyen de la Fa-
culté des sciences, 60, cours Pierre-Puget, Marseille.
Chevalier (Joseph-Alexandre-Toussaint), secrétaire de l'Escolo
de la Mar, 10, boulevard de la Madeleine, Marseille.
Clerc (Michel), de l'Académie de Marseille, directeur du mu-
sée archéologique. Château Borély, Marseille.
Congrès. 3
-34-
CoNSTANs (^Lcopold-Eugcnc), professeur à la Faculté des leiires
de l'Université d'Aix-Marscillc, 42, cours Gambeita, Aix-
en-Provencc.
Cotte (Charles), de la Société archéologique de Provence,
notaire à Pcrtuis (Vaucluse).
CoTiE (^Gaston-Albert), docteur en médecine, 241, Boulevard
National, Marseille.
Cotte i^Jules). professeurà TÉcole de médecine, lyS, Boulevard
National. Marseille.
CiRtrr i^Kug.), avocat à la Cour d'Aix-en-Provence.
Crêmieix (^Adolphe), professeur au Lycée de Marseille, chargé
du cours d*histoirc do la Révolution à l'Université d'Aix-
Marseille. 41, rue Marengo, Marseille.
D.uPHiN (^Louis-C.K de la Société d'Ktudes provençales, phar-
macien naturaliste à Carcès i^Var).
Daihhin (Honoré\ de TEscolo Mistralenco, Arles.
DwiN I. Paul-Marie», de la Société d'Ktudes provençales, 10,
place des Prêcheurs. .-\ix-en-Provence.
Dîv oppEi . Kinmanuel . directeur de THcolc pratique d'agricul-
ture de Vaiabre, Luynes, par Gardanne t B.-du-R.).
Dumas Jacques . des .Xcadêmies du Var et de Vaucluse, de la
Société de siatis:. de Marse: île, S. rue Goudard. Marseille.
DFi.rtV:-: Joscrh-Anioine-Laureni , professeur agrégé de droit
pub.ic à n n:versiiê d'Aix-MarsejUe. 25, rue du Quatre-
Sor:e:r.brc. A:x-^*n-Provence.
Dt>~v\N: VI Abel , de îa Scs::e:o des amis du Vieil-Arles, cor-
resrcnian: du Ministère, rusieur à Mouriès ^B.-du-Rh.).
rV^:;y.; :v Krcicric . ce '.\\cùdc:r.:e du Var, avocat. n6. rue
S\!va^i"..e, Marse !.l\ e: Sc'/.:ès-Pon: ;Varv,
r^.^w. y. . >ej-i:a:rc cir.-.iu Syndics: acric Basda .CorseV
1\ î. îT v'e:rc^> . rrcsicir: jc "..i S.v.cte des ietiT>es, scien-
kM> i: ,-.-:> Ji> A're>M,\r :.:r.cs. rr.fesseur au lycée, villa
M :i:- .:. '...c- S: . ., N jc.
r^ w- y, j. \vV.Cv- : .:. V:.-c'.use. professeur adjoint
- 35 -
Falgairolle (Prosper), de la Société d'Études provençales,
archiviste de la ville, Vauvert (Gard).
Fassin (Emile), de la Société des amis du Vieil-Arles, conseil-
ler à la Cour, boulevard du roi René, Aix-en-Provence.
FoLRNiER (Joseph), de la Société de géographie et d'études co-
loniales, archiviste adjoint des Bouches-du-Rhône, corres-
pondant du Ministère, Marseille.
Gaffabel (Paul), de la Société d'Études provençales, profes-
seur à l'Université d'Aix-Marseille, 295, rue Paradis, Mar-
seille.
Gantelmi d'Ille (marquis Charles de)» président de l'Académie
d'Aix, 6, cours Mirabeau, Aix-en-Provence.
Gap (Lucien), de l'Académie de Vaucluse, instituteur public à
Oppède (Vaucluse).
GÉBiN-RiCARD (comte Henri de), président de la Société de
statistique de Marseille, 60, rue Grignan, Marseille.
Gebmanet (Frédéric), de la Société d'Études provençales, pro-
fesseur de sténographie, cours Mirabeau, Aix-en-Provence.
GoBY (Paul), de la Société des Alpes-Maritimes, secrétaire-
correspondant de la Société d'Études provençales, 5, bou-
levard Victor-Hugo, Grasse.
GuÉBHARD(Dr Adrien), ancien président de la Société des let-
tres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, à Saint-Vallier-
de-Thiey (Alpes-Maritimes).
GuENDE (Charles), professeur à l'École de médecine, 2, rue
Montaux, Marseille.
Gcis (Antonin), de la Société d'Études provençales, propriétaire
à Salon (B.-du-Rh.).
GuiLLiBERT (baron Hippolyte), secrétaire perpétuel de l'Aca-
démie d'Aix, 10, rueMazarine, Aix-en-Provence.
M"* HoucHART (Eugénie), de l'Académie de Vaucluse, 14, rue
d'Italie, Aix-en-Provence.
HoucHART (Victor-Aurélien), de la Société d'Études provença-
les, propriétaire-viticulteur au Tholonet, près Aix-en-
Provence.
Innrnr (D' l.con). professeur k l'I^colc d^îîedccine. 2. cours
du Chapitre, Marseille.
Jarbik (G, DE), de la Société d'faudes provençales, 38, rue d'An-
tîbes, Cannes.
J/^i'iiLHi (Dominique), de l'Académie du Var, avocat. 14, rui
Pcircsc, l'oulon*
JuLiJAN (Camille-Louis), professeur au Collège de France.
Jt'LuiN (l'onunc*Toussainl), professeur en reiraiie, ï6, traverse
Hrcssicr, Aix-cn-Provence.
L^iuNur. fl-.-H.). de rAcadémic de Vaucluse, archiviste de la
Principauté, Monaco.
Labhoi R (Henri), professeur aj^rége d'histoire au lycée de Tou-
lon, 43, rue Nationale.
Lacazk^Dutiukbh (fttiennc), vice-présîdeni de la Société des
amis du Vieil-Arles, 1 1, rue Vauban, Arles.
LACOs^nc (Charles- Krnesi), des Académies dV\ix el du Var.
1 1 iis, place du (^Juatre-Scpiembre. Aix-en-Provence.
Lahini: (Charles), de la Société d'Etudes provençales, avocat.
3tK rue Saini-Ferréol, Marseille.
L^VAi. flV Viciorin), ancien président de TAcadémie de Vau^
cluse, iK» n\Q de la Croix, Avignon.
LkOTAHi» (Jacques), secrétaire général de la Société de géogi»^
phic et d'études coloniales de Marseille.
LiKi TAii» (.\ugusie). président de la Société des amis du Viril-
a\rlcs, 4» rue de la Monnaie, Arles.
UvoN' (D' Ch,), directeur de Jlnsiitui antirabique de Marseille,
correspondant national de TAcadémie de médecine* 14,
rue Peirier, Marseille,
MALAissihiNfc: tJ, K,), juge-suppléant au tribunal de Grasse. »c-
tucUcnient juge au tribunal de Semur.
Mantcykk tGcorgcs mu de la Société d'Études des Hat
Alpes, au chiltcau de Manteyer, par la Hoche-des-AraaiMb
^ Hautes- Alpes K
Martin iCharlesK de IBscolo de Lar, n^octaoU iS, coufS4
j\mct Méiicrs, Aix-en-Provcnce,
-37-
Masson (Paul), de rAcadcmie de Marseille, professeur à la
Faculté des lettres, 2, place Leverrier, Marseille.
Maurel(J.). de la Société scientifique et littéraire des Basses-
Alpes, curé de Valernes (Basses-Alpes).
Meh (Georges), docteur en droit, receveur des contributions
aux Mées (Basses Alpes).
Michel (Joseph), secrétaire de la Société d'Études des Hautes-
Alpes, place Saint-Arnoux, Gap.
Mille (Marie-Jérôme), vice-président de la Conférence du
stage, avocat, rue Cellony, 42, Aix-jn-Provence.
.Mirety-Sans (Joaquin), secrétaire de la Real Academia de Bue-
nas Letras de Barcelona, Espagne.
MoNNÉ(Jean), directeur du Felibrige, 41, rue Thomas, Mar-
seille.
MoNTRicHER (de), de l'Académic de Marseille.
Mol LIN (Paul), de la Société d 'Études' provençales, 6, rue des
Minimes, Marseille.
MouTTET (Ferdinand), de l'Académie du Var, notaire et maire
de Signes, Var.
NicoLLET (François-Napoléon), de la Société d'Études des
Ilautes-Alpes et de la Société d'Études provençales, 36,
avenue Victor-Hugo, Aix-en-Provence.
NicoLLET(Jean-Marie), de la Société d'Études des Hautes-Alpes,
juge de paix à la Bàtic-Neuve (Hautes-Alpes).
Pary, de l'Association des sylviculteurs de Provence, Mar-
seille.
Pellissier (Henri), de la Société astronomique de France,
négociant, 4, rue du Trésor, Aix-cn-Provence.
Perdrlx (Louis-Léon), professeur de chirhie à la Faculté des
sciences, 6, rue des Minimes, Marseille.
Pillard (d'Arkaï), ancien élève de l'École spéciale des langues
orientales et de l'École libre des sciences politiques, publi-
ciste, Golfe-Juan (Alpes-Maritimes).
PoLPÉ (Edmond), de la Société d'Études de Draguignan, 20,
boulevard de l'Esplanade, Draguignan.
Imbert (D' Léon), professeur à Fbxole de médecine, 2. cours
du Chapitre, Marseille.
Jarrik (G. de), de la Société d' Éludes provençales, 38, fued'An-
tibes, Cannes.
Jaubebt (Dominique), de TAcadémie du Var, avocat, 14, rue"
Peiresc, Toulon,
JuLUAN (Camille-Louis), professeur au Collège de France.
JcuEN (Fortuné-Toussaint), professeur en retraite, r6, traverse
Bressier* Aix-en-Provence.
Labanoe (L*-H.), de TAcadémic de Vaucluse, archiviste de la
Principauté» Monaco.
Labroi:e (Henri), professeur agrégé d'histoire au lycée de Tou-
lon, 43, rue Nationale,
Lacaze-Duthiehs (Etienne), vice-président de la Société des
amis du Vieil-Arles, 1 1, rue Vauban» Arles.
Lacoste (Charles- Ernest), des Académies d*Aix et du Vafj
u f/is, place du (^>uatre -Septembre, Aix-en-Provence.
Lati'ne (Charles), de la Société d'Etudes provençales, avocat,
39, rue Saint-Ferréol, Marseille*
Laval (D^ Victorin), ancien président de l'Académie de Vau^
cluse, 18, rue de la Croix, Avignon.
LÉOTAHD (Jacques), secrétaire général de la Société de géogra^
phie et d'études coloniales de Marseille.
LiEUTAtîo (Auguste), président de la Société des amis du Vieil-
Arles, 4, rue de la Monnaie» Arles.
LivoN (D' Ch.), directeur de l'instiiot antirabique de Marseille,
correspondant national de TAcadémie de médecine, 14,
rue Peirier, Marseille.
Malal'ssène (J,-E.), juge-suppléani au tribunal de Grasse, ac-
tuellement juge au tribunal de Semur.
Manteyer (Georges de), de la Société d*Ètudcs des Hautes-
Alpes, au château de Manteyer, par la Uoche-des-Arnauds
(Hautcs*Alpes).
Mabtin (Charles», de l'Escolo de Lar, négociant» j5, cours des
Arts et Métiers, Aix-en-Provence.
-37-
Masson (Paul), de rAcadcmie de Marseille, professeur à la
Faculté des lettres, 2, place Leverrier, Marseille.
Maurel(J.)» de la Société scientifique et littéraire des Basses-
Alpes, curé de Valernes (Basses- Alpes).
Meh (Georges), docteur en droit, receveur des contributions
aux Mées (Basses Alpes).
Michel (Joseph), secrétaire de la Société d'Études des Hautes-
Alpes, place Saint-Arnoux, Gap.
Mille (Marie-Jérôme), vice-président de la Conférence du
stage, avocat, rue Cellony, 42, Aix-jn-Provence.
.Mirety-Sans (Joaquin), secrétaire de la Real Academia de Bue-
nas Letras de Barcelona, Espagne.
MoNNÉ(Jean), directeur du Felibrige, 41, rue Thomas, Mar-
seille.
MoNTBicHER (de), de l'Académie de Marseille.
Mot LIN (Paul), de la Société d'Études provençales, 6, rue des
Minimes, Marseille.
MouTTET (Ferdinand), de l'Académie du Var, notaire et maire
de Signes, Var.
NicoLLET (François-Napoléon), de la Société d'Études des
Hautes-Alpes et de la Société d'Études provençales, 36,
avenue Victor-Hugo, Aix-en-Provence.
NicoLLET(Jean-Marie), de la Société d'Études des Hautes-Alpes,
juge de paix à la Bàtie-Neuve (Hautes-Alpes).
Pary, de l'Association des sylviculteurs de Provence, Mar-
seille.
Pellissier (Henri), de la Société astronomique de France,
négociant, 4, rue du Trésor, Aix-en-Provence.
Perdrix (Louis-Léon), professeur de chirhie à la Faculté des
sciences, 6, rue des Minimes, Marseille.
Pillard (d'Arkaï), ancien élève de l'École spéciale des langues
orientales et de l'École libre des sciences politiques, publi-
ciste, Golfe-Juan (Alpes-Maritimes).
PotPÉ (Edmond), de la Société d'Études de Draguignan, 20,
boulevard de l'Esplanade, Draguignan.
— 38 -
pRANiSMNiKOKK (Ivan), de la Société des amis du Vieil-Arles,
ariislc-pcintrc, aux Sainics-Maries(B.-du-Rh.).
KAiMMAi:LT(Mauriccj,cabiscol deTEscolo delà Mar, sous-archi-
vistc des Bouches-du-Rhône, 14, rue Montaux, Marseille.
Rampai. (Auguste), de la Société de géographie et d'études colo-
niales, avocat, rueGrignan, Marseille.
Ranck-Boiîhrey (Antoine-Joseph), de la Société des lettres,
sciences et arts des Alpes-Maritimes, 10, avenue de la
(îarc, Nice.
Rkhoi'i.kt (capitaine), de l'Académie de Vaucluse, à Avignon.
Ri:yi'ïN (abbé), de l'Académie de Vaucluse, 14, boulevard
Victor-Ilugo, Avignon.
Rkynaui) (Félix), archiviste en chef des Bouches-du-Rhône.
Rkynm'I) I)K Lyqies (Gaston -Paul-Alexandre), de la Société
d'Iùudcs de Draguignan, curé du Puget-sur-Argens (Var).
Rkynier (Alfred), botaniste, avenue de Vauvenargues, Aix-en-
Provcnce.
RirKHV HK MoNci.Ai^ (marquis François de), de TAcadémic de
Wiucluse, au château d'Allemagne (Basses-Alpes).
Uivi^HK i^JulcsX do IWcadcmic du Var, architecte, i5, avenue
Vauban. Toulon.
RiwvN (Joseph), de la Société d'Ktudes des Hautes-Alpes, cor-
respondant du .Ministi^re. au château de Picomial, Les Crot-
tes, près Fmbrun ^llautes-.MfHîsV
RovM vtîirolamo\ R. Ispcttore degli scavi e monumenti délia
proxmcia di Porto- .Maurizio. \entimiglia.
Svi \» v'*^'»"<>»^»>J\do rAcadèmicdc Vaucluse, secrélaire-corres-
|vnd.uu do la Svvicto d'Ktudcs provençales. Api (Vau-
siUNO>,
N H V).' V \llvrî\ p^v^îc^^cur a^^ro^e à la Faculté Je droit d'Aix,
.uUicHcnu^r. à vcUc vie Hi-on.
Sî \Kî> ^1 !^.;^',v^^laMc-Jv^^cph^ prcsiden; honoraire de l'Aca-
xîcnv.o viu \ a: . io. piaco r;;i:o:. Toulon,
r? .vn; ^î \ . vio i,i Nvu:c xi 1 Mies rr.^vcn^MJes, directeur de
i vxolv vo;r«nv.;na;v\ rrc:> J> -ou-R. .
-39-
Valérian (Isidore), de la Société d'Études provençales, archéo-
logue, architecte, 35, boulevard de la République, Salon
(B.Hlu-Rh.).
Valran (Gaston), secrétaire-général de la Société d'Études pro-
vençales, 56, cours Gambetta, Aix-en-Provence.
Vassfur, professeur à la Faculté des sciences, palais Long-
champ, Marseille.
Vayssière, professeur à la Faculté des sciences de l'Université
d'Aix-Marseille.
Verrier (D' Eugène), délégué sur la Côte-d azur de l'Alliance
scientifique universelle, 8, rue Chabaud, Cannes. •
Verrier (Paul), photographe d'art, même adresse.
Vesinne (Henri de), de la Société d'Études des Hautes-Alpes,
ingénieur des arts et manufactures, Gap.
Vidal, de l'Académie d'Aix^ rnajoral du Félibrige, cabiscol
honoraire de TEscolo de Lar, 'avenue Victor-Hugo, Aix-
cn-Provence.
Ville-d'Avray (le colonel Henry Thierry de), de la Société des
lettres, sciences et ans des Alpes-Maritimes et de celle de
Cannes, bibliothécaire et conservateur des musées, villa
Casabianca, Cannes.
ViNCENs(Ch.), trésorier de l'Académie de Marseille, 9, rue Ni-
colas, Marseille.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉflJlGES
SÉANCE D'OUVERTURE
La séance d'ouverture du Congrès eut lieu le mardi
3i juillet, à cinq heures précises, dans la salle des fêtes
du Grand Palais de l'Exposition Coloniale, sous la prési-
dence de M. F. Belin, recteur de FAcadémie, délégué du
Ministre de l'Instruction publiqueet président du Bureau.
A ses côtés, avaient pris place MM. J. Charles-Roux,
commissaire général de l'Exposition ; L.-H. Labande,
délégué de S. A. S. le Prince de Monaco ; F.-N. Nicollet
et J. Fournier, secrétaires du Congrès.
La salle avait été aménagée avec goût pour la circons-
tance par les ordres de M. Morel, le distingué adminis-
trateur de l'Exposition, et un excellent orchestre prétait
son concours.
M. F. Belin, président, proclama l'ouverture du Con-
grès, souhaita la bienvenue aux Congressistes et pro-
nonça l'allocution suivante :
ALLOCUTION DE M. BELÎn
Messieurs,
Je suis, je vous l'avoue, quelque peu embarrassé pour vous
souhaiter.la bienvenue. Membre de la Société d'Études proven-
çales et de TAcadémie des arts, sciences et belles-lettres d'Aix,
- 42 -
j'ai été, à ce double titre, choisi comme président du Comité
d'initiative, qui a eu l'heureuse idée (il est quelquefois permis
de se louer; de réunir, en un congrès, les Sociétés savantes de
l'ancien Comté de Provence et terres adjacentes, comme on
disait autrefois ; et. d'autre part, M: le Ministre de Tlnstruction
publique et des Beaux-Arts, applaudissant à notre hardie ten-
tative de décentralisation, a bien voulu me charger de le repré-
senter auprès de vous. J'ai donc deux visages, mais je n'en
dois aujourd'hui montrer qu'un; et c'est le confrère qui vous
remercie bien sincèrement de nous avoir aidés à prouver à
tous, Français et étrangers, à l'occasion de cette grandiose
Kxposition Coloniale, qui illustre une fois de plus la ville de
Marseille et constitue un de ses titres nouveaux à la reconnais-
sance nationale, que l'activité intellectuelle, féconde et créa-
trice n'est point chose nouvelle en Provence; que la Provence
a eu. à toutes les époques de son histoire, le culte éclairé de
l'an et de ses manifestations les plus diverses ; et que ceux qui
portent aujourd'hui son nom à travers le monde, artistes ou
pi'kètos, savants ou érudits, négociants ou navigateurs, sont
bien les tils de ceux dont vous avez retracé les gestes ou re-
trouve Icsivuvres. jusqu'à vous ensevelies dans l'oubli.
I.ors de notre dernière réunion à la Sorbonne, il n'y a pas
quatre mois, un ministre éminent, ancien grand maître de
riniversito, saluait en nous «. la substance inaltérable de la
jvpulation ^, ajoutant que nous étions * la bonne humeur et
^ la s^uuc ; le travail tranquille et souriant; la conscience et
^ riu^lMrtialitc; la jvnièvèrance et la raison >. l/êloge était
maijnihquc; comme nous sommes modestes, nous ne lavons
accepté qu'en jMriie ; nous nous sommes, seulement, promis
de le iusiiiier chaque année. Vous nave.: pvis. mes chers con-
trvtcs» \oulu aucndrw fvur le îaire, la rcyr.:."n annuelle de nos
Nvictcs N.uanie> A cette ejxxque des \ avances, sî imraiiem-
nuMU attenviues i\ir nos îanv.lics. îoui. ix^urun:, conspirait à
\ouN retenir loin vie ia jurande v/ilc : la n-ionUiCnc ."^u îa plaide;
iu\x Ivis ombreux, quoi qu on en ùt>c, ou la ba>:;ie >oiiiaire
-43-
et éloignée, si chère à vos pères ; mais nous avons fait appel à
votre ardent amour pour la Provence, à votre affection pro-
fonde, que sans cesse fortifient la raison et Téiude, pour cette
terre privilégiée où le ciel est plus bleu, lair plus limpide, la
lumière plus éclatante, les cœurs plus prompts à se prendre, et
vous êtes de tous côtés venus. Vous nous apportez à Tenvi le
résultat de vos patientes recherches, de vos investigations mi-
nutieuses, de ces travaux si intéressants et si neufs, qui nous
apprennent à mieux connaître la petite patrie et à rendre une
justice méritée à ceux qui, avant nous, Tont servie, illus-
trée ou défendue. Qu'on parcoure la liste des communications
promises, et Ton verra que rien de ce qui intéresse la Provence
ne vous demeure étranger : qu'il s'agisse de l'époque qui a
précédé la domination romaine ou des temps agités de notre
Révolution; — de notre administration municipale ou de la
condition de nos maîtres d'école avant 1789; — des monu-
ments chrétiens primitifs de la Provence ou des joyaux qui
composaient le trésor de nos vieilles cathédrales; — du Con-
sulat de la mer à Marseille au xih* siècle ou de la peste de
1720; — de ceux qui ont travaillé à la brillante renaissance
de la langue provençale ou de ceux qui, à leur tour, prouvent
par leurs découvertes que la science est toujours la grande
bienfaitrice; et, dans ces essais, que je ne puis, à mon grand
regret, énumérer tous, nulle préoccupation étrangère ne vient
distraire votre sérénité : vous ne poursuivez que le vrai.
Mes chers confrères, arrivé presque au terme d'une carrière
déjà longue, nul honneur ne pouvait autant me toucher que
celui qui m'est échu aujourd'hui. J'éprouve un vrai sentiment
de fierté à présider une assemblée composée de savants tels que
vous, d'hommes d'étude ayant ancré au cœur le culte du sol
natal, tout entiers à la tâche qu'ils se sont volontairement im-
posée pour le meilleur renom de leur province ou de leur cité,
et trouvant dans la satisfaction d'un devoir librement accom-
pli la plus haute récompense d'œuvres qui accroissent sans
cesse le patrimoine intellectuel de la patrie. A votre façon, et
- 44 -
ce n'est pas la moins bonne, vous servez la France avec un
désintéressement qui vous honore, eiqui, toujours, peut servi r
d'exemple.
Kn terminant, car les lon^s discours me font peur, j'es-
time qu'il est de mon devoir de vous dire que j'ai été proton,
dément ému de l'accueil que vous m'avez réservé, et je tiens
à vous en exprimer publiquement mes plus vifs sentiments
de f^ratitude.
M. le Président donne ensuite la parole à M. Labande,
délégué de S. A. S. le Prince de Monaco :
ALLOCUTION DE M. LABANOE
Mkssiki'bs,
Son Altesse Sérénissimc le Prince Albert I" de Monaco, sol-
licité par la Société d'Kiudesprovcn^^ales, organisatrice du Con-
grès, de se laire représentera ces assises scientifiques, a daigné
me Taire l'honncurde m'y déléguer. La principauté de Monaco,
depuis la plus haute antiquité, tient par trop de liens à la Pro-
vence, sa voisine, pour que son souverain, arrière-peiit-fils des
marquis des lîaux. seigneurs de Saint-Remy, n'ait saisi avec
empresscmoni ccuc occasion de témoigner du haut intérêt
qu'il n'a cessé de portera vos études scienlitiques. archéologi-
ques et historiques.
Il serait oiseux de rappeler ici combien Lui-même, par des
liavauN persiMincls qui Lui ont ouvert les portes de l'Institut
do France, a contribué au progrès des sciences diverses com-
prises sous le lUMn d'iKoani^grapiiie. que le voisinage de la Mé-
viiiorranoc rend p.iniculièroinciu utilcN aux Provonv^aux. Lu ces
po\i;rès ne Icioni viesiMinais vjue s'accentuer, gràceà la magni-
lique fondation vlo rinslitui océanographique, à laquelle ont
applaudi lessaxaius du mvuuie entier.
non plus combien les recherches si ar-
dues et si comphquées sur la préhisioire provençale Lui sont
redevables par lexploration méthodique ei raisonnée, dirigée
par Lui, des grottes déjà fameuses de Baoussé- Rousse, et
par la création du Musée anthropolofîiquc de Monaco, La con-
naissance des premières manifestations de l'homme et de son
activité sur notre littoral s'est trouvée par là enrichie de docu-
ments de la plus haute importance, qu*un récent Congrès in-
ternational, tenu sous les auspices du Prince AlUcri l*^ a per-
mis de vérilîer et d interpréter.
L'hisioiredc la Provence depuis le xi* siècle ne doit-elle pas
encore à Sa bienveillance éclairée quelques-uns des volumes de
la collection de textes imprimés par Son ordre? Jusqu'ici, c est
surtout la région la plus orientale de la Provence qui en a bé-
néficié, mais le champ de cf*ite collection s elar^'ira de plus eo
plus cl je suis heureux de pouvoir annoncer aux membres de
ce Congrès que la Provence tout entière y trouvera son profit.
Son Altesse Sérénissime reconnaît en etTci de quelle impor-
ince et de quel intérêt sont les études d'histoire et d'archéolo-
relatives à votre admirable pays, et si Elle tient tant à hon-
neur de les faciliter autant qu'il est en Son pouvoir, c*cst dans
là conviction qu'elles ont une haute ponce scientifique et phi-
losDphique Les destmées de ta Provence, grâce à une situation
gcograptiique privilégiée, ont été telles que, depuis les temps
plus reculés, elles ont été associées d'une façon intime à la
larche progressive de la civilisation, La mission qui lui in-
comba dans l'antiquité classique, grecque et romaine, est trop
connue de vous tous, pour que j'aie la présomption d*insister
à ce sujet. Quand, plus tard* le flot des barbares envahisseurs
menaça de tout submerger, ne fut-elle pas une des dernières
provinces de l'Empire d'Occident à sauvegarder le patrimome
inielleciuel et moral de Ihumanité et à le défendre jalouse-
ment ? C'est assurément ce qui lui valut d'être l'objet d'âpres
convoitises et de se trouver mêlée à des luttes meurtrières qui,
cndéHniiive, devaient assurer au vainqueur une prcdaminancc
mondiale. Lorsque la tourmente s'cloi4;na, elle reprit bien vite
le rang dont l'avaient lait déchoir les guerres et les invasions,
et SCS villes principales ne lardèrent pas à rivaliser avec les ré-
publiques les plus prospères de l'Italie. Son rôle pour le rap-
prochement des peuples, pour l'extension du commerce, pour
la diffusion des grandes idées de jusiicc et de liberté dans le
monde méditerranéen» fut vraiment merveilleux pendant tout
le moyen âge et les temps modernes : il y a ici des érudits qui
pourraient vous Texpliqucr bien mieux que je ne saurais le faire
ei j'aurais mauvaise grâce à développer ce thème devant leur
compétence justement appréciée.
Il semble pourtant que Tattcntion de ces mêmes érudits ne se
soit pas encore portée d*unc façon assez complète et assez sui-
vie sur la part prise par les Provençaux depuis la tîn de Képo-
quc romaine dans le développement de Van. Il est vrai que la
question est extrêmement complexe et qu'il est fort difficile de
démôlcr ce que la Provence dut à l'Italiep au nord ou au cen-
tre de la Krance, et i*icc versa ce que la France et Tltalie durent
à rintlucncc provençale. Ce problème, envisagé sous tous les
points de vue, vaut d*èire discuté, car je soupçonne que sa so-
lution sera considérée comme capitale pour Thistoirede Kart en
général. Mais on ne pourra guère l'essayer que lorsqu'on aura
en main une quantité suîHsanic de textes bien datés, s'appli-
quant sans contestation à des monuments ou des œuvres cou
serves jusqu'à nos jours.
Des réunions telles que celle-ci ne peuvent que favoris
I examen approfondi des diverses questions qui restent ainsi à
élucider. Kn facilitant l'échange des idées et en resserram les
relations entre érudits d'une même région, elles ont Timmens
avantuge de stimuler des études qui ne sont nulle part plus at
trayantes qu en Provence.
j .- ' jii Congrès qai s'ou\r"s; auio^rj nui usi une preuve'
de l . i il présente ; il fait espérer en même temps que
son œuvre sera durat>le et permet de souhaiter qu'il soit le pce*
ftikf d'une longue série d'autres sembUMes.
- 47 -
A ce succès, dont nous devons savoir gré aux organisateurs,
nul ne sera plus heureux d'applaudir que Son Altesse Sérénis-
sime le Prince de Monaco ; nul plus que Lui n'appréciera,
Messieurs, le mérite et la valebr de vos travaux.
Enfin, M. Fournier donna lecture d'une savante étude
envoyée par M. Camille Jullian, professeur au Collège de
France, qui, au dernier moment, avait clû renoncer à se
rendre au Congrès :
ÉTUDE DE M. JULLIAN
Les Transformations des Sociétés Barbares
DE LA Provence
ET LE Commerce de Marseille Grecque.
Marseille vécut, durant quinze générations, à la frontière du
monde barbare. De 598, date de sa fondation, jusqu'à i25,
date de l'arrivée des Romains, elle n'eut en Gaule, comme voi-
sins, adversaires, amis, clients ou concurrents, que des hom-
mes du pays, des sociétés d'indigènes. Pendant ce long espace
de temps, Tarrière-pays de la ville grecque changea souvent de
maîtres, et le monde barbare qui l'approchait changea de carac-
tère. Quand les Phocéens apparurent, la Provence appartenait
aux Ligures; les Celtes les ont remplacés; puis, sont venus les
Romains. La cité de Marseille a donc eu le contact des trois
grandes civilisations qui se sont succédé dans l'histoire ancienne
de rOccident : les Ligures, derniers héritiers des temps primi-
tifs ; les Celtes, les conquérants de l'Europe venus des plaines
du Nord ; les Romains, les conquérants des terres de la Mer
Intérieure venus des rivages du Midi. — - Cherchons quelles
transformations se sont produites en Provence sous ces ditfé
-48-
rents régimes, et comment Marseille a pu s'accommoder avec
ses voisins successifs.
*
* *
Quand Marseille fut fondée, il n'y avait en Provence que
des Ligures, et les Grecs appelèrent le pays la Liguric ou la
Ligustique. C'est, du reste, à partir de cette fondation que ces
noms de Ligures et de Ligurie furent connus des Hellènes,
qu'ils prirent place dans les vers de leurs poètes ou les tables
des cartographes de Milet. Les voyageurs grecs qui, au sixième
siècle avant notre ère, s'aventuraient le long des côtes méditer-
ranéennes, depuis la Tête de Chien de Monaco jusqu'au Cap
Cerbère des Pyrénées, n'entendirent parler que des Ligures, au
milieu desquels rayonnait la splendeur juvénile de Marseille
grandissante.
Mais il faut se figurer ces Ligures comme des populations
sans unité et sans cohésion. 11 n'y avait entre eux d'autre lien
que la communauté de nom et de langue. Que des siècles au-
paravant aient existé des empires ligures dans la vallée du
Rhône ou dans les monts de la Provence, cela est fort possi-
ble. Mais il n'en reste plus trace au temps de l'ère marseillaise'.
Les Ligures du sixième siècle avant Jésus-Christ sont quelque
chose comme «les Romains» ou « la Romania ^ des temps
de Clovis ou de Clotaire, comme « les Francs » des temps de
Charles le Simple ou de Louis le Gros, le vestige et le vocable
d'une grande civilisation qui disparaît.
A l'unité primitive du monde ligure avait succédé un état de
morcellement infini. Le régime politique de tous ces Barbares
est le régime de la tribu, ou, comme disaient les Latins, du
pagus. Lisez chez Tite-Live la description des sociétés ligures
de l'Italie apennine à l'époque de Paul-Emile : elles sont
rimage des sociétés ligures de la Provence dans les siècles qui
ont accompagné et suivi la fondation de Marseille. C'est, par-
tout, la vie en tribu, c'est-à-dire le groupement de quelques
taines de farniHes et de quelques milliers dliommes, asso-
cies pour la vie en commun dans une peiîie vallée, autour d'un
étang, le long des rivages d*un golfe, au centre d'une clairière
|c vaste forêt. El à la tète de la tribu se trouve un «t petit roi »,
eguius, disaient les Romains, sorte de pairiarche, a la fois
fehcf de guerre, juge et prêtre. — Cest un roitelet de cette sorte,
Nann. qui accueillit les Phocéens et leur permit de fonder Mar-
eille.
Nous connaissons le nom de la tribu dont Nann était le roi
et sur le territoire de laquelle Marseille lut bâtie : c*était la
iribu des Ségobrîges, Segobtigii,-* On a prétendu que ce nom
était apocryphe, qu'il était d'origine celtique, et que quelque
chroniqueur maladroit Fauraii inséré dans Thistoire des Ligu-
res de Provence. Ce reproche ne me parait pas avoir sa raison
Tètre. Le nom de Segobrigii est ligure, sans aucun doute.
^^ous le trouvez en Espagne, dans des régions où les Ligures
ont longtemps vécu : et si les Celtes Toni conservé, cela ne
veut point dire qu'ils l'aient apporté. Regardez les vieilles loca-
lités ligures du Sud- Est de la France, et vous rencontrerez sou-
vent dans leurs noms les mêmes thèmes onomastiques que
dans celui des Ségobriges : Briganiio, Bnançon, Segusiero,
Sisieron, et bien d'autres.
Au lieu et place de ce nom de Ségobriges, un auteur ancien
donne le nom de Cornant k la tribu ligure du terroir marseil-
lais. Or, il se trouve que le tlls du roi Nann, et par suite le
beau*frère du fondateur de Marseille, s'est appelé de ce même
^Dom, Comanus. Coïncidence qui suggère deux hypothèses: ou
bien Tauteur en question aura pris ie nom du roi pour celui de
sa tribu; ou bien la tribu des Ségobriges aura reçu, à la mort
de Nann» le nom de son nouveau roi Comanus ; car il n'est
pas rare, chez les peuples barbares de lantiquilé (comme chez
les peuplades africaines de maintenant), de voir le nom d*un
roi passer à son État et h ses sujets.
L'étendue du domaine des Ségobriges n'est point connue,
mais il nVst pas difficile de le retrouver par conjecture. C*étaitt
COtlOUtS . ' 4.
a n en point douter» le bassin de rHuveaLine, tout au moi
depuis lembouchure jusque vers Auriol, j'entends et la plaine
qu arrose Ja rivière et les rudes montagnes qui encadrent cette
plaine. Le vallon de l'Huveaune est. en effet, la seule région
découverte que Ion trouve aux environs de Marseille. Naturel*
kment arrosée, de culture facile ci de richesse sulTisante. il
n'y a que là qu*une tribu un peu nombreuse puisse trouver sa
subsistance. Puis, la rivière de ITluveaune trace le sillon le plus
long et le plus accessible qu'on puisse voir dans Tarrière-pays
de Marseille; elle ouvre une route très commode vers Tintcrieur
de la Provence ; elle mène jusqu'à cette voie c\e TArc et de
l*Argensqui est Taxe de ta Gaule du Sud-Est. Enfin, c'est au
beau milieu de cette vallée de rHuveaune, à Saint-Jean-dc-
Garguier ei dans la Crau d'Aubagnc, qu'on reconnaîtra, à
répoque romaine, les plus importants vestiges de population
indigène qu'ait livrés l'arrondissement de Marseille. Et tout
cela fit de sa vallée la terre d'élection et d'une société barbare
et d'une colonie grecque.
Toutes les petites vallées de la Provence avaient des tribus
semblables : et l'Arc, et la Touloubre, et les rivages de Tétang
de Berreet la plaine de la Camargue, chacune des régions na-
turelles de notre contrée possédait sa tribu propre, dont les
Anciens nous ont transmis le nom. Mais aucun nom d'ensem-
ble ne s'étendait sur ces différentes sociétés. Elles n'étaient
point groupées sous de mêmeschefs; elles n'avaient point d'ins-
titutions communes.
Un tel morcellement était fort préjudiciable aux progrès
économiques de Marseille et au développement de son com-
merce* Autant de tribus, autant, sans doute, de palabres et de
péages. A chaque étape de leurs voyages (et l'étendue de ces
tribus correspondait à 1 étape d'une journée déroute), le mar-
chand se trouvait en face de chefs nouveaux et de conditions
nouvelles.
Aussi, le commerce marseillais ne paraît s'être développé
que lentement dans les deux premiers siècles qui ont suivi la
- 5i -
fondation et qui correspondent aux temps ligures. Les plus
anciennes monnaies ne dépassent pas Auriol ou Cavaillon. Jl
n est pas encore question, dans les textes, de la route de la
Durance. Ce n*est que par le Rhône que les Grecs remontèrent
un peu haut dans Fintérieur. Ils ne nous ont rien appris de la
France centrale. Ils sont restés déjà deux à trois siècles en Pro-
vence et le monde hellénique continue à ignorer les Alpes et la
Garonne.
Ajoutez à cela que les tribus ligures des environs de Mar-
seille, sociétés demeurées sauvages et grossières, donnaient fort
â faire à leurs voisins grecs. L'entente des jours de la fondation
n'avait point duré. Les Phocéens avaient été assiégés. Ils vir
vaient toujours sur la défensive. L'arrière-pays leur était d'or-
dinaire interdit.
Dans les deux siècles qui suivirent la fondation de Marseille,
les sociétés barbares de la Gaule se transformèrent à la suite
d'un événement politique considérable, l'invasion, la victoire
et l'établissement des Celtes. — Partout où les Celtes pénétrè-
rent, et au fur et à mesjiire de leur installation, le régime de la
peuplade ou de la nation se substitua ou se superposa au ré-
gime de la tribu : pardessus ces groupes restreints cantonnés
dans un petit pays, se formèrent de vastes États embrassant
des régions naturelles, maîtres de larges bassins, de longues
routes, de carrefours nombreux. Au lieu, par exemple, de
vingt tribus dispersées entre les Cévennes et les étangs, on eut,
s'étendant sur le Languedoc tout entier, la seule nation des
Volques.
Ce fut vers Tan 400 que les Celtes pénétrèrent dans la région
du Rhône maritime et que leur arrivée y fit sentir cette consé-
quence. A la suite de guerres ou d'alliances entre eux et les
tribus ligures de la Provence, il se constitua, dans le voisinage^
de Marseille, la grande peuplade des Salyens.
'On appela de ce nom la fédération de toutes les tribus celles'
ou ligures qui habitaient entre la nier, le Rhône, les Alpines.
le Lubéron et les monts des Maures. Trets, sur la voie de TArc
à TArgens, Toulon, surk rivage, Arles, Pertuis, Orgon étaient
les villes extrêmes de l'État des Salyens. 11 correspondait à peu
près exactement à la Provence traditionnelle. La lignemédiane
de son territoire était marquée parla grande route stratégique et
commerciale de TArc et de TArgens. Son point central, son
* milieu s*, comme disaient les Gaulois» était Aix sur cette
route, à égale distance de ses quatre lignes frontières. Et de
fait, c'est près d 'Aix, à Eniremont. que les Salyens établirent
leur principale forteresse. — Ce qui montre, par parenthèse,
que, dès que la Provence apparaît dans l'histoire comme indi-
vidualité géographique et nationale, Aix se présente à nous,
en même temps, comme sa capitale naturelle.
Au surplus Je développement d'Eniremont ne nuisit pas aux
progrès de Marseille. Tout au contraire. La naissance de la
Provence, la grandeur de Marseille, sont des faits simultanés.
Si la Provence trouva, avec lancètre d*Aix, sa capitale inté-
rieure, elle prit, avec Marseille la Phocéenne, sa capitale mari-
time.
De ce nouveau régime, en effet, date la puissance économi-
que de Marseille, tout au moins sur la Gaule, Au lieu d'avoir
affaire à dix tribus, elle n'eut plus à négocier qu'avec une na-
tion. Celle nation détenait les voies essentielles du commerce
dans le Sud-Est : les débouchés de la Durance, les carrefours
d'Arles, la route d'Aix, le défilé de Lamanon. Si les Marseil*
lais parvenaient à s'entendre avec elle, la sécurité de leurs
marchands était assurée jusqu aux départs d'j\vignon et de
Pcnuis vers les chemins de l'intérieur. Et, de plus, si l'alliance
était intime entre eux et les Salyens, la puissante nation celti-
que leur servirait de garant, d'appui et comme de fourrier
dans les relations avec les nations ultérieures du Languedoc,
du Dauphiné ou de l'Auvergne.
C*est ce qui arriva. Car les Gaulois Salyens comprirent qu'ils
53
larseiile qu a la molester
présence J cMé d'eux d*urie ville riche el active leur valait à
meilleur compte les marchandises de KOricnt, le corail et les
poissons des mers ligures. Ce voisinage constituait une supé*
rioriiê et un prestige pour leur peuplade. Ils se gardèrent bien
de lui porter ombrage.
Salyens et Marseillais s*unircnl. Les marchands grecs circu-
laient librement en Provence. Les chefs de clans gaulois leur
servaient d*h6tcs et de correspondants et étaient sans doute
leurs principaux clients* Des cavaliers celtes se mirent à la solde
des négociants de Phocée. Ce que les Grecs traduisirent en
répétant partout que les Gaulois ciaîenl devenus philhcUènes,
Cl ils racontèrent l'histoire de ce grand chef salyen qui était
venu offrir un collier d'or à leur déesse de TAcropolc.
Ces temps gaulois correspondent à la prééminence commer-
ciale de Marseille. Appuyée sur de tels alliés, elle envoya ses
marchands et ses monnaies sur toutes les routes de la Gaule»
et elle atteignit entin« par les voies de terre et de (leuve* les
rivages de TOcéan, lesmarchésde l'ambre et de réiain. L'union
de Marseille avec la Provence amena ses victoires marchandes
sur la France tout entière.
La sécurité matérielle et le prestige commercial de Marseille
prirent fin vers le milieu du second siècle avant notre ère : et
cela» tout à la fois parce qu elle se brouilla avec la Gaule et
parce qu'elle s'unit trop intimement avec le peuple Romain.
Dans les temps de Scipîon l'Africain et de Paul-Émile, le
monde gaulois inaugurait de nouvelles destinées. La plupart
de ces grandes peuplades que nous avons vues naître, se grou-
pèrent et s'unirent sous la direction de Tune d'entre elles, celle
des Arvernes* Un empire celtique se forma, dont les limites cor
rcspondaicni aux frontières naturelles de la Gaule, le Rhin ou
les Ardcnnes, l'Océan, les Alpes, les Pyrénées et la mer Médi-
-54
icrranée. Les voisins de Marseille, maintenant» ce ne sont plus
les membres d'une tribu, les citoyens d*une peuplade, ce soni
les sujets d'un Étatconsidcr^jblc.
Il semblait que le nouvel ordre de choses dût être ravorabk
aux Marseillais : une simple entente avec les Arverncs, chefs *
de ce grand Empire, suffisait pour leur ouvrir la Gaule tout
cniière. Et il semble que Tentenie s'est faîte d*abord et que
pendant quelque temps les Marseillais aient vécu en bons
termes avec leurs puissants voisins.
Mais le désaccord ne tarda pas à se produire. L'empire Arverne
et la ville grecque devaient fatalement entrer en concurrence.
— Cet empire avait, lui aussi, ses marchands : des négociants
gaulois allaient et venaient, d'une frontière à Tautre de la Gaule,
à la recherche des bonnes entreprises. Les Volquesdu Langue*
doc s'étaient placés sous la dépendance des Arvernes : voila donc
ces derniers pourvois d'un bon port près de la Méditerranée,
celui de Narbonne, de tout temps jalouse de Marseille et sa
ci^?ale malheureuse*
La Gaule des Arvernes et les Grecs de Marseille se trouvèrent '
en contlit d'intérêts. Les Marseillais se plaignaient d*étre ira-
cassés par les Salyens, leurs fidèles amis d'autrefois. Ils appe-
lèrent alors les Romains à leur secours.
Les légions arrivèrent en 1 25 avant notre ère. L'œuvre des
Romains» qui se termina sept ans après, fut double, — D'abord,
ils maîtrisèrent la peuplade des Salyens, ccst-à-dire la Pro-
vence, et pour plus de sûreté, ils installèrent un fort ei une
garnison à Atx, qui surveillaient à la fois la grande route du
pays Cl sa forteresse principale. — Puis ils battirent les Arver-
nes en deux rencontres, les rejetèrent au-delà des Cévenncs et
supprimèrent leur courte prééminence, La Gaule fut rendue à
son état antérieur. L'empire celtique disparut : il n'y eut plus
que les anciennes grandes peuplades.
Marseille se retrouva donc comme elle était avant la tonda-
lion du grand Hiat celtique et elle put espérer reconquérir son ,
inrtueocc et accroître.scs débouches.
- 35 -
4c #
En réalité, elle avait derrière elle, dans larrière-pays, des
concurrents tout autrement forts et dangereux que les Gaulois
de l'empire Arverne.
Les Romains étaient installés à Aix : soyons sûrs qu*il ne
s*y trouvait pas seulement des soldats, mais encore des mar-
chands italiens. Et de fait, nous voyons, quelques années plus
tard, les trafiquants de la péninsule agioter «t s'enrichir dans
ces régions du Languedoc et de la Provence, sur lesquelles
Marseille avait exercé un monopole de fait.
Au-delà du pays salyen, les Romains eurent des garnisons
et des comptoirs jusqu'à Vienne sur la route du Rhône, jus-
qu'à Toulouse sur la route de la Garonne : c'est-à-dire que les
grandes voies d'accès et de trafic vers l'intérieur et l'Océan leur
appartinrent désormais. C'est à eux qu'il fallut payer les droits.
Et, ce qui fut plus dangereux, c'est que les négociants italiens
afiîuèrent sur ces routes et allèrent à leur tour à la recherche
des marchés du Nord.
Enfin, le peuple Romain bâtit une colonie à Narbonne. La
ville grandit rapidement. Elle devint le rendez-vous du monde
italien en Transalpine. Son port s'enrichit.' Marseille eut cette
fois, ce qu'elle avait pu éviter depuis sa fondation, une redou-
table concurrente sur le rivage même de la Gaule.
Dès lors, la décadence du port, du commerce et du rôle de
Marseille ne fit que s'accentuer, jusqu'au jour de la chute défi-
nitive, quand César assiégea, prit et mutila la vieille cité grec-
que.
»%
Ainsi, la vigueur et la richesse de Marseille grecque ont été
contemporaines de l'existence autonome de la peuplade
salyenne, c'est-à-dire de la Provence gauloise. Auparavant, dans
— 56 -
son arrière-pays morcelé entre dix tribus, Teftort de Marseille
s'usait avant d'être arrivé à une œuvre utile. Plus tard, quand
ce même pays fut une partie d'un grand Empire, celtique ou
romain, cet Empire était une chose trop forte et trop ambi-
tieuse pour ne pas contrecarrer Marseille. Celle-ci eut donc sa
pleine puissance et toute sa liberté lorsqu'elle put s*entendre
avec la Provence bien constituée, lorsqu'il y eut, si je peux
dire, accord et équilibre entre ces deux êtres que ia nature
avait créés solidaires l'un de lautre, la terre de Provence et le
port de Marseille,
M. le Président annonce que la première séance pour
la lecture et discussion des Mémoires aura lieu le lende-
main matin, à 9 heures 1/2 précises, dans les salles et
amphithéâtres de la Faculté des Sciences, et la séance est
levée à 6 heures 1/2.
SÉANCES DE LECTURE
. et Discussion des Mémoires.
Vu le grand nombre de communications, il ne put
être accordé que dix minutes pour la lecture de chaque
mémoire. Les auteurs de mémoires dont la lecture aurait
dépassé cette limite avaient été priés d'en préparer un
résumé.
Pour la même raison, il n'a pas été possible de publier
complètement tous les mémoires. Une Commission fut
nommée par le Comité d'organisation, dans sa réunion
du vendredi 23 novembre 1906, pour désigner parmi ces
mémoires ceux qui méritaient plus particulièrement
d'être publiés. Cette Commission, composée de MM. les
Membres du Bureau du Congrès et de MM. Arnaud, pro-
fesseur au lycée Mignet. Arnaud d'Agnel, Michel Clerc,
D' Livon, Paul Moulin, Raimbault, Servian et Valran,
après s'être partagé les mémoires et les avoir examinés
individuellement, s'est réunie à Marseille, au siège de
l'Académie (40, rue Adolphe-Thiers), le vendredi 8 mars
1907, pour coordonner tous les renseignements. Elle a
désigné ceux des mémoires qui devaient être publiés en
entier ; à quelques-uns, elle a retranché certains passages
ne présentant pas un caractère absolument scientifique
ou inédit ; quant aux autres, elle a décidé d'en faire un
résumé de vingt à trente lignes. Elle a été d'avis aussi que
— 58 —
les mémoires déjà piîblics dans des périodiques ou autre-
ment ne seraient pas reproduits, mais simplement résu-
més avec renvoi à la publication.
Dans les procès-verbaux des séances figureront seuls
les résumés des mémoires qui ne sont pas publiés dans
ce volume ou en entier ou en majeure partie. Pour ceux-
ci, on renverra par un numéro au texte même du mé-
moire qui sera imprimé après les procès- verbaux.
On a conservé le groupement des mémoires par séan-
ces, tel qu'il avait été donné dans le programme officiel
du 25 juillet. Mais, dans chaque séance, les mémoires
ont été disposés par lettre alphabétique des noms d'au-
teurs.
(Quatre sections siégeaient simultanément dans des sal-
les différentes
PRliMlKRE SECTION
Archéologie.
Prcsùicfit : M. Michel Clerc, professeur d'histoire de Pro-
vence à rinivorsitô dWix-Marseille. membre non-résidant du
l'.omiic des travaux hisioriques. directeur du Musée archéolo-
Jiiquo do Marseille.
Vùx-pr\siJcnt : M. Henri de iîkrin-Ricard, correspondant
du Ministère de rinstruciion publique, président de la Société
vie Statistique de Marseille et de la Société archéologique de
Provence.
>\vv,\::'v : M. Asn m r» ^A .Nti , aumC»nier du lycée deMar-
>. :;o. v\vrc>:\v;.ian: dis Minis:ère de rinstniction publique,
ï^vir^ro .:c a S.v.c;e de S:aî:^::oue.ie Marseille et de la Société
X\ 'v;,::-v-,:,:- ;;: . M Ch Covt: . nxjre à Penuis, mem-
bre .:e ".a SsV.etcarc'tco.o^.qLie de Provence.
59-
Séance du mercredi matin, /•' août.
La séance est ouverte à neuf heures et demie, sous la
présidence de M. Clerc, président de la Section. M. Ar-
naud d'Agnel remplit les fonctions de secrétaire.
Après avoir proclamé l'ouverture de la séance, le Pré-
sident prononce une allocution où il expose tout Tintérét
que présentent les études archéologiques dans la région
provençale, non seulement pour les périodes chrétienne
et gallo-romaine, mais encore pour la période celto-ligure.
Il rappelle à tous ceux qui s'intéressent à l'étude de nos
origines l'appel qu'il leur adressait il y a deux ans ^; il
exprime le souhait que le Congrès qui s'ouvre soit le
point de départ de l'enquête qu'il conseillait alors, et la
conviction que les travaux de ce Congrès marqueront un
pas en avant dans la science archéologique.
1. M. Arnaud d'Agnel, secrétaire de la Section, fait
une communication sur : Sault et l'ancienne Acria;
essai d'identification.
Après avoir brièvement rappelé les diverses hypothèses pro-
posées au sujet d'Aeria et les avoir tour à tour combattues en
se basant sur le sens même du texte de Strabon, M. Arnaud
d'Agnel propose, simplement comme plus probable, Tidentifica-
tion avec Sault, dont le rôle fut si considérable au moyen-âge
et dès la plus haute antiquité.
L'auteur appuie son hypothèse sur de sérieux arguments
d'ordre archéologique.
^ L'Archéologie ligure (unt enquête à faire) ^ publié dansjes knnale%
de la Société d'Études provençales (i" année^ n' i, janvier-février 1904,
p. 1^).
2. M* Ch, CoTTi^ secrélaire-adjoinl de la Section, lit
un mémoire iniiiulé : La Provence avant t histoire, —
Voir ci*après Mémoikls, n<* I*
Après la lecture de son mémoire, M* Colle émet le vœu
que « les archéologues recherchent si, dans le néolithique
praven(;al, la civilisation à industrie fruste de la majoriié
des abris sous roche et des grottes est antérieure à la civili-
sation avancée semblable au Carnacâen de Salnion et pré-
sentant un (ac\cs tardtnoisien ^.
3. M. L.*C. DvrniKN, pharmacien naiurahsie a Carcès"
iVar), membre de la Société d'Études Provençales, lit un
mémoire contenant la Description <iu chaton cCun an-
neau troui^é à Carcès dans un tombeau gallo romain.
Trouvé au quartier des Cadenîères, dans une tombe recou-
\*crtc .ivec des tuiles dites romaines, cet anneau a beaucoup de
n^sscmMance avec les spécimens d anneaux carolingiens de U
BiNioihèque naiion;ile. Le diamètre intérieur est de 20 "/" ; sur
k chaion, de 1 5 "^ de long sur 10 •/• de large, sont gravés des
lignes où Ion croit rtconnaîin: trois lettres : V (ou \J), i (ou I k
R. Le J ou I traverse obliquemeoi le V ou U et forme b boucle
supérieure de VR. Sur le côté antérieur de TU. on voit trois croix,
doQi Tune, celle du milie^i, a un croisillon, et les deux autres
sont en forme de T. Dans la partie infêrvetinr du V.est un che-
vron et. comme suspendu au bas de ce V, un obfet trop vague*
ment marqua pour qu on put$^ en déterminer la nature* Cet
anMtift paraît a%'oir ser^ i de cachet ou signmm Mcretum.
6i -
Le quartier des Cadcniêrcs csi à peu de distance de Carcès,
•îur la rive opposée de TArgens. A 800 mètres environ de là, au
sortir d'un pont sur TArgens, par où passait l*ancienne route de
Carcèsà Cûtignac, on voit les ruines d'une chapelle de Saint-
Antoine qui fut donnée aux Oraioriens du Mont Verdaille par
Jean de Pontevès, comte de Carcès. Dans tout ce quartier, on a
trouvé un grand nombre de tombes contenant des urnes en
icrrc grise et rouge, de formes diverses, ainsi que d'autres ob-
jets en poterie et même en fer. On y a recueilli aussi quelques
monnaies : une de Nerva en argent, une d'Auguste, une de
Claude et un jeton de course de L. Calpurnius Pison, beau-
père de Jules César. Toutes les lombes étaient recouvertes de
tuiles à rebords droits avec marques digitales.
4« S\, Paul GoBV, membre de la Société des sciences,
lettres et arts des Alpes-Maritimes, correspondant de
l'Ecole d anthropologie de Paris, présente diverses phoio-
graphiesinédites du dolmen de Colle-Basse,àSaint-Cézaire
(Alpes-Maritimes) ; une photographie du sarcophage des
Valentins,â Valderourei Alpes-Maritimes i ; une photogra-
phie inédite du tombeau du Puits du Plan, à Sl-Cézaire;
plusieurs monr*aies massaliotes trouvées dans Tarron-
dtssement de Grasse. Chacun de ces divers objets est
accompagné d*une notice, — Voir Mémoires, n* II.
6, M- Georges de M anteyer, ancien m'embrede l'École
française de Rome, membre de TAcadémie de Vaucluseet
président de la Société d'Études des Hautes-Alpes, n*avant
pu assistera la séance, M. Nicollet, secrétaire général du
Congrès, donne lecture du mémoire qu'il a envoyé sur
XTtiaatÂfavT;, — Voir MÉMOIRES, n" III.
En appendice à ce travail. M, de Manteyerdon ne le classe-
ment de i io monnaies romaines* Lors d'une visite à Fos,
le 1Q octobre i8ij8, elles lui furent présentées par un ouvrier
talien des salines, qui disait lesa\uir recueillies
environs de Fos. De ce classement, il lire cette conclusion
que le commerce, par la voie fluviale de Fos. dut cesser
après Tan 28 de notre ère au profit de la voie de terre. —
Voir cet appendice à la suite de son Mémoire.
M. Clerc, président de la Section, tout en reconnaissant
le mérite et la valeur du classement fait par M. de iMan-
teyer, en conteste la conclusion* En effet, il ne croit pa,s,
et pour des raisons toutes spéciales» que ces monnaies
aient été recueillies par cet ouvrier à Fos; il pense que la
plupart ont été apportées par lui de ritalte.
6* M- F.-N. NicoLLET, professeur au lycée Mignct, tré-
sorier de la Société d'Études Provençales et membre de la
Société d'Études des Hautes-Alpes, lit un mémoire sur
La Ligurie et les Ligures^ d'après Sirabon.
La Ligurie, d'après Sirabon, s'étendait à lest jusqu'à la Alacra,
entre Luna et Pise(V, 2, 5) ATouesi, i! n'en fixe pas expressé-
ment les limites, mais il comprend dans la Ligurie la plaine de la
Crau {IV, 1 , 7). De ta Crau et la Macra. le long de la mer, il cite*
comme étant de race lii^ure. les Salvens. entre le Rhône. Avi*
gnon* les Alpes et la Méditerranée (IV. 6. 3) ; les Oxybiens et
les Dédales qui, nous le savons par d'autres écrivains, habi-
taient la région dj: Cannes i^lV. 6. 2); les tntemelii et les in-
gauni, auxquels il donne pK>ur capiules Albintcmelium (Vinti-
mille) et Albingaunum (IV. 6. 1). Dans rintcricur. il dit qi
les Ligures occupent une panie de l'Apennin et la panie d€
Alpes qui en est voisine ; dans les Alpes mêmes, plusieurs peu-
pbdes celtes sont mêlées avec les Ligures (II. 3. 28). Dans la
vallée du Pô, la Cispadane était peuplée par les Celtes dans la
plaine, par les Ligua*s dans les montagnes (V, 1,4k le paj's.
entouré par les Alpes et TApennin jusqu'à Gènes et Sabata« fa-
dis occupé par les Boiî, les Ligures, les Sénons et les Gésatcà, ne
- 63 —
comprenait plus que des Ligures et des colonies romaines, de-
puis l'expulsion des Bôii et la destruction des Sénons et des
Gésates (V, i, lo). Dans la Transpadane, les Taurini et d au-
tres peuplades, au pied des Alpes, étaient de race ligure (IV, 6,
6) ; nous savons d'ailleurs, par Pline, que les Insubres (peut-
être les mêmes que les Symbrii de Strabon), en étaient aussi
(V, I, 12). Sur les sommets et les deux versants des Alpes, les
Caturiges [qui habitaient le pays appelé terre de Donnus et de
Cotius depuis Suse (Secusia), jusqu'à la montagne de Séûse
(Secutia), près de ylrfF/nesJ, étaient aussi des Ligures (IV, 6, 6).
Les Ligures étaient d'une race différente des Celtes, mais
ils avaient à peu près le même genre de vie (II, 5, 28). Disper-
sés dans des villages, ils se livraient à l'agriculture et à Télevage
(V, 2, 1). Leurs moutons fournissaient une laine rude, dont la
plupart des familles d'Italie se faisaient des vêtements (V, 7, 12);
leurs troupeaux étaient transhumants et paissaient tantôt sur
le littoral, tantôt sur les montagnes (IV, 6, 2). Il y avait dans
leur pays de vastes forêts fournissant de très beaux arbres pour
la construction des navires et des essences employées pour faire
des meubles. Ils vendaient aux marchés voisins (Gênes, Mar-
seille) leurs bois, leur miel, leurs troupeaux avec leur produit,
et en rapportaient de l'huile et du vin. Ils se nourrissaient sur--
tout de laitage et usaient d'une boisson faite avec de l'orge (IV,
6, 2). Ils avaient comme animaux domestiques des chevaux et
une espèce de mulets appelés ginni. On trouvait en grande
quantité chez eux l'ambre jaune ou electrum qui était aussi
appelé lingurium (IV, 6, 2).
Les Ligures étaient belliqueux et furent, par là, des voisins
dangereux pour les Etrusques (V, 2, 5) et des adversaires re-
doutables pour les Romains, auxquels il fallut quatre-vingts ans
de lutte pour obtenir sur le littoral un passage de douze stades,
afin de se rendre en Espagne (IV, 6, 3). Ils se livraient volon-
tiers au brigandage sur terre et sur mer; rarement bons cava-
liers, ils étaient de bons soldats légers et constituaient d'excel-
lentes troupes de ligne ; ilsavaient un bouclierd'airain(IV,6. 2),
" ^4 -
quK d'après Polybe(XXIX, 6. i ). fui adopté par les Romains,
Les femmes de ces rudes laboureurs, bergers, guerriers ëtaieni
aussi énergiques et dures à la fatigue qu eux (111. 4* 19).
Tels étaient, au temps de Polybe (54 avant à 24 après
J,-Cj les Ligures, dont le mélange avec des peuplades celtes
depuis quatre ou cinq cents ans et le voisinage des Romains,
établis près d'eux ou parmi eux depuis plus de cent ans*
n'avaient pas altéré la puissante originalité.
A propos de cette communication, M. Pillard (d'Arkaî^
fait remarquer Tintérêi qu'il y aurait à rechercher, selon
la méthode dont M. Nicollet vient de donner 1 exemple,
tout ce que les monuments anciens nous peuvent appren-
dre sur les Ligures. M, Nicollet ajoute qu*il recueille
des notes dans ce but, mais un pareil travail demande
beaucoup de temps et de longues recherches.
?• M. Isidore Vali^riax, architecte à Salon, membre
de la Société d'Études Provençales, donne lecture d'un
mémoire sur Pisapis de la table de Peutinger et son véri-
table emplacement.
♦ Pisavîs n'est mentionné ni dans les Vases apollinaîres. ni
dans Vliinéraire d Anfotun, mais il se trouve dans la Table de
Peutinger qui décrit ainsi l'itinéraire d*Aix à Arles : Aquis ses-
tis. — Pisayis A'V7//. — Tericias XW — Glano A7/, —
Enxagina VI IL — Arelato VL
Parmi les auteurs qui se sont occupés de Pisavis, les uns
la placent à Saint-Jean de Bernasse lou Brenas)» d'autres âux
Rocassicrs, d autres a Pélissanne ; mais aucun de ces emplace-
ments n'est satisfaisant.
Un endroit non encore explore offre au contraire des traces
évidentes d'une ville antique. C'est le quartier des Rcdoaières,
k trois kilomètres environ à Test de Salon, sur l'ancienne route
de Pélissanne à Salon, vers la limite de ces deux communes«à
cent dix oièires d'altitude, par 3^ia' de longitude orientale 1
— 65 -
43"48' de latitude boréale. Le point le plus rapproché dans la
carte de TÉlat-Major, situé à aoo mètres environ à l'ouest, est
appelé Les Deux-Sœurs.
On trouve, en cet endroit, de nombreuses ruines, des murs
d'enceinte, une grande source aujourd'hui tarie, un puits de
o"> 70 d'ouverture entièrement comblé, des entailles dans le ro-
cher en forme de cuvettes coniques, des tombeaux, une multi-
tude de débris de vases ornés, des éclats de basalte travaillés
ayant servi de meules, des monnaies, des morceaux de bronze,
des fragments d'enduit portant des traces de peinture à fres-
que, enfin plusieurs mosaïques en place, dont une mesure
i5 mètres de long sur 5 de large.
Une voie centrale traverse cet emplacement du midi au
nord et aboutit à Sainte-Croix de Salon ; dans le plan cadastral
de Pélissànne, ce chemin est appelé Chemin des Redortières
ou de VaMe-Gond (nom de la vallée située au midi de la cha-
pelle de Sainte-Croix). La superficie de cette enceinte peut être
évaluée à quatre mille mètres ; elle offre tous les caractères de
l'emplacement d'une ville importante que nous croyons être
l'ancienne Pisavis,
8. M. le docteur Eugène Verrier, délégué de TAlliance
scientifique universelle, directeur du Bulletin météoro-
logique comparé^ n'ayant pu assister à la séance. M. Pil-
lard (d'Arkaïj donne lecture de son mémoire sur Les
premiers habitants de la Provence :
D'après Broca, la Gaule celtique était habitée par des hom-
mes petits, brachycéphales et bruns, les Celtes, distincts et des
Galls et des Kymris, D'autre part, Castaing fait venir les Ligu-
res des confins de VÈgypie par le nord de l'Afrique, l'Espagne
et le sud de la Gaule, jusqu'aux bords du Pô. D'autres auteurs
font suivre aux Ligures et aux Ibères le littoral du Pont Euxin,
traverser le Bosphore et, par la vallée du Pô, arriver dans la
Provence, d'où les Ibères passent ensuite en Espagne.
CONGRiS — 5.
Dans ces migrations, aucun de ces peuples n'a conserve
son type pur et intacL Gastaîng veut qu avant l'arrivée des Ibè-
res, TEspagne ait été peuplée par des Berbères ei des Africains,
avec lesquels ils se seraient mêlés. Mais il paraît certain que les
Ligures et les Ibères étaient distincts et différents ; ceux-ci
étaient dolicocéphales (indice 74, 4) et leptorhmiens (44» 3).
tandis que les premiers, d'après une série de crânes trouves
dans des fouilïes près de Gênes, auraient été brachycéphales
(indice 86). On a cependant des traces d'un type mixte entre
une race primitive (petite, brachycéphale et brune) et une race
postérieure (plus grande, dolichocéphale et blonde) ; ne serait-
ce pas le typecelto-ligure ?
Pour quelques auteurs, les Ligures et les Ibères seraient
autochtones et descendants des peuples paléolithiques. Quoi
qu'il en soit* le D^ Lagncau.dans son Dictionnaire encyclopé-
dique de médecine, attribue aux Galls, CeUes et Ligures qui ont
habité la Provence, des caractères physiques différents, et,
d après le baron Larey, la taille des Ligures aurait été de i mè-
tre 64 à 1 mètre 66. Kn résumé» les premiers habitants de la
Provence auraient été des Ibëro-Ligures et des Celto-Galls.
L^ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à onze
heures et demie.
Séance du mercredi soir, r* août,
La séance est ouverte à deux heures et demie* M. H. de
GÉRiN -Ricard» vice-président delà Section, occupe le
fauteuil de la présidence ; M, Ch* Cottk remplit les
fonctions de secrétaire.
1. M. Bout deCharlemont, membre de la Sociétédes
gens de lettres et de la Société Archéologique de Pro-
— *7 -
vcnce, présente un mémoire sur Tauroentum et
taille des Lègues^ dont il lii un résumé :
ya-
La plage des Lè^^ucs se déroule à rc.virémiic unenialc du
golfe de La Ciotai, Sur le rocher des Baumelles qui termine la
plage a I*est, quelques pans de mur» soubassements de colon-
nes, tronçons d aqueduc, marquent la place où s élevait la ville
gallo-grecque de Tauroentum ; deux lignes de blocs cubiques
énormes que Ton aperçoit sous les eaux par un temps calme
sont vraisemblablement les restes de ses quais et jetées.
Au vi« siècle avant notre ère, des Phocéens fuyant la domi-
nation de Cyrus. vinrent atterrir au fond du golfe des Lèques.
Après une lutte avec les tribus ligures des Commani qui occu-
paient ces parages» ils s'établirent dans le pays, élevèrent sur
un monticule une citadelle, autour de laquelle se bâtit la ville
de Tauroentum, dont la population s'accrut rapidement et s'en-
ricbit par la pèche et le commerce maritime, tout comme les
habitants de Massalia.
Lan 49 avant notre ère, César ayant mis le siège devant
Marseille restée fidèle au parti de Pompée, Nasidius. lieutenant
de ce dernier, prit position dans le golfe de Lèques. C'est là
que les Marseillais, forçant le blocus qui les entourait, seraient
%*cnus le rejoindre et auraient livré à la floue de César un com-
bat dont Lucaîn a fait un récit intéressant et colore.
Aucun texte ni monument parvenu jusqu'à nous ne dit si
les habitants de Tauroentum prirent part à celte bataille. Mais
il esi vraisemblable qu'ils soutinrent dans cette lutte les efforts
des Marseillais, auxquels ils étaient liés par la communauté
d'origine et d'intérêts. Ils curent, d ailleurs, le même sort ;
Bruius, vainqueur, s'empara de Tauroentum» pendant que
Marseille était contrainte d'ouvrir ses portes à Trébonius.
2* M. Ch. Cotte, secrétaire-adjoint de la Section,
présente un Tableau de 46 sépultures prérùmaines des
BouchesdU'Rhône,
Ce sufei a été traité pour plusieurs régions ; il y as
à l'étudier pour la Provence, M. Cotte la entrepris; soii seul,
soit en collaboration avec M, A. Cotte et M. Marin-Tabouret,
il a fait des fouilles, réuni des documents nouveaux, recueilli
les renseignements bibliographiques sur la question. Le tableau
synoptique qu'il présente est la première ébauche d'un travail
d'ensemble qu'il prépare. Ce tableau contient des colonnes où
sont dénombrés les brachycéphalcs* les mésaticéphales, les
dolichocéphales, et permet de se rendre compte, d'un coup
d œil, que ces derniers sont en majorité. Les crânes brachycé-
phales ne s'observent guère que dans des sépultures qui pa-
raissent dues à des populations venues de la rive droite du
Rhône, durant l'âge des métaux.
Au point de vue industriel, on trouve dans ces sépultures des
objets qui permettent de croire à des relations avec le Gard, la
Lozère, rAveyron. Ces rapports paraissent avoir été particu-
lièrement importants à Tépoquc où les métaux ont été connus.
L étude du mobilier des sépultures permet aussi de donner
une grande valeur au nom de Carnacéen appliqué par Salmon
a I âge qui est à cheval sur le néolithique et la protohistoire.
Mats elle prouvcaussi que la division en sépultures par inhu-
mation et sépultures par incinération est purement factice*
8. M. L.-C. Dauphin, pharmacien naturaliste à Car-
ces, membre de la Société d laudes Provençales, fait part
du résultai de ses Recherches archéologiques dans la
grotte de Roquerousse sur la commune d'Q4rtigue$
(Var).
Cette grotte est située à deux kilomètres nord de la halte
d*Artigues, sur la ligne du central Var, dans la propriéic de
M. Joseph Laih* Kllc s'ouvre au flanc d*une petite colline
appeicc Roquerousse. ou Rigabe. séparée de celle de Monima-
jor bien connue piir son oppiJutn. A côté de l'ouverture, large
de 3 mètres 5o. se trouve une cavité qui peut donner abri k une
-69-
personne et paraît avoir été creusée de main d'homme. L'inté-
rieur de la grotte mesure 3o mètres de long sur 12 mètres de
large et, en moyenne, 3 mètres de haut. Un passage étroit
donne accès dans une seconde grotte, large d'environ 4 mètres
sur 8 mètres de longueur. Au fond de cette deuxième grotte,
un passage obstrué par des concrétions calcaires mène à une
troisième grotte encore inexplorée.
En fouillant le sol de la première grotte, M. Dauphin a
trouvé, à 40 centimètres de profondeur, des résidus de cuisine,
cendres et petits ossements de mammifères calcinés ; puis, à
20 centimètres plus bas environ, des ossements qui, débarras-
sés des concrétions calcaires qui les enveloppaient, lui ont paru
appartenir à Tours des cavernes.
Description sommaire des objets trouvés : i* fragment de
témur, i35 "/" de long, 25"/" de large, épaisseur 10 "/■ ; —
2* partie inférieure du même os, iio "/" de long, a5 "/"de
large, épaisseur 10 ■/"; — 3« deux fragments de maxillaire in-
férieur droit, dans Tun restent une canine et une molaire ; —
4" fragment de tibia, 70 ■/" de long, 3o "/" de large, épaisseur
de Tos entier i5 "/" ; — 5^ partie de fémur, indéterminé,
peut-être de Tours des cavernes. gS V" de long, 36 "/" de large
à la tète, épaisseur de Tos à la partie brisée 9 "/" ; — 6» éclat
de calcaire très dur, semblable à une pointe de flèche, 25 »/"
de long, 17 ■/" de large à la base; — 7* divers fragments de
charbon.
Dans plusieurs quartiers de la commune dVVrtigues, on a
trouvé des tombes recouvertes de tuiles à rebord ; sur la chaîne
de montagnes qui est à Test de Montmajor, on a détruit, pour
l'empierrement des routes, plusieurs tumulus, dans les-
quels furent trouvés, dit-on, des objets en cuivre et des osse-
ments.
Après la lecture de ce mémoire, M. Ch. Cotte demande
la parole et dit que le résultat de cette fouille lui parait
plutôt négatif, car les couches noires simulant des foyers
- 70 -
peuvent être simplement du guano de chauvesouris, le
fragment de calcaire présente par lauieur ne lui semble
avoir aucun caractère inteniionnel, entin les dents d*ovi-
nés recueillies par M. Dauphin ont pu être apportées par
des loups. M, de Gérin-Ricard observe que les pièces du
musée Longchamp, recueillies parle regretté Marion»sofi|
loin d*être probantes.
4. M. H. DK Gkrin-Ricard, vice-présidenl de la Section,
lit une étude sur les Auteis-cippes chrétiens de Provence,
— Voir MÉMuïREs, n' IV.
5. M. Ferdinand Mouttet» notaire et maire de Signes
(Var), membre de l'Académie du Var, n'ayant pu assis-
ter à la séance, M. le baron GutUibert, secrétaire perpé-
tuel de l'Académie d'Aix, fait l'analyse de son mémoire
sur Les premiers habitants des montagnes des Maures.
La chaîne des Maures s étend dusud^uestau nord-est, entre
Hyères et Fréjus: elle est limitée au nord par la dépression ou
court la voie ferrée de Toulon à Nice, au sud et à l'est par la
mer» à l'ouest par le cours inférieur du Gapeau. Au vr siècle
avant notre ère. cette région était habitée par des Ligures ou
Lygîcns, dont une tribu, les Commani, s échelonnaient sur le
littoral, d'après Piotémée, depuis Marseille jusqu'à TArgens»
Quand les Phocéens eurent fondé Marseille» des colonies grec-
ques s'établirent dans ces parages» comme le prouve un monu-
ment trouve dans une cave à Gogolin et décrit par Garcin. dans
son Dictionnaire historique et tapographique de la Provence
(Draguîgnan, tS35« 2 vol.V Les Romains y ont laissé de nom-
breuses et imponantcs traces de leur domination : restes d a*
qucduc à Gnmaud* piscines, tombeaux, urnes funéraires,
monnaies à Gassîn ; nombreux vestiges de constructions à
Saint*Ma\tme.
^ 7' -
Du vtrr au x* siècle ♦ les Sarrasins envahirent la région
Cl y scjournèrent longtemps jusqu a ce que, chassés de leur
repaire du Fraxinci, ils furent contraints de se réfugier ail-
leurs*
6. M. PiLL\Pu (d'Arkaï), publiciste^ ancien élève de
rÊcole des Sciences politiques et de TÈcole des Langues
orientales vi vantes Jil une communication sur Le5Co/onie^
préphocéennes sur le littoral marseittais.
Poursuivant une étude méthodique des origines du linoraK
M. Pillard td'Arkaï) rappelle qu après les trois sources de TAn-
ihropologie. l'Archéologie et TÉrudiiion, il faut compter celle
de rÈiymologic eide la Linguistique» fournie parles noms de
lieux et de peuples. A ce point de vuespécial, après avoir relevé,
au Congrès de Monaco «avril 1906)» ïe% Synchronismes ant/trcy-
pohgique^ et archéologiques entre les enceintes dites ligu*
rfijl présente une série de Ressemblances géographiques et
toponymiques entre tes Colonies Sémitiques : La racine IBR,
le suffixe ligure en SC, les Béret ins à La Penne, les Sol) mes
à Sospcly les Massyliens à Marseille, les Phéniciens à Tou-
lon, Cannes, Antites, Nice. E^e. Monaco, etc. La conclusion
de ce résumé verbal du mémoire in-extenso (qui sera adressé
ultérieurement aux membres du Congrès) est que ses diverses
investigations, menées selon la classification scientifique mo-
derne, s'accordent à confirmer les hypothèses de Bochard, Do-
nop. Gésénius, Movers. KnobeU Fiedslob, Nilsson et tous les
philologues non limités à Técole de Bopp, sur le rôledesSémi-
tes dans la civilisation de la Méditerranée occidentale.
Après cette lecture» il s'engage sur ce sujet unediscus*
sion à laquelle prennent part MM. Clerc» Cotte et de
Gérin*Ricard.
M. Pillard répond aux observations de M. Clerc sur les
— 7« —
Ibères et aux questions de M. Colle sur le trafic de Tam-
bre. Plusieurs autres membres déclarent que les points
soulevés demanderaient de nombreux éclaircissements,
mais M. le Président fait observer que le temps manque,
et la discussion générale sur les « Colonisations prépho-
céennes » est renvoyée aux futurs Congrès.
7. M. DE Ville d'Avray, bibliothécaire-archiviste de
Cannes, secrétaire de la Société scientifique, littéraire et
des beaux-arts de Cannes, n'ayant pu assister à la séance,
M. Pillard (d'Arkaï) donne lecture de son mémoire sur
les Passages de César et d'Antoine che^ les Oxy biens.
— Voir MEMOIRES, n* V.
Séance du jeudi matin^ 2 août.
La séance est ouverte à neuf heures et demie, sous la
présidence de M, Clerc, président. M. Arnaud d'Agnel
remplit les fonctions Je secrétaire.
1. M. le IV L. CvMors, membre de la Société des scien-
ces, lettres et arts des Alpos-Marjtimes, présente un Res-
cri: du rjtv Pau! /// 3.^*5 oî en fait ie commentaire.
l 0 Vrc^Ao vies Uosp-.ccs ci\r.> >ic N:cc rer.tcrmeni la copie
Jv civcui: u un ^^SvT-.iviu im:v Pajl ii'.. — :S Juillet i53S. —
^ :•: ^- ^ r^: Ncirou>c v:a:'i> *v> Vrv:- vcs de la viiie de Nice.
'^ : -:m:."» .:jl n,:.- .v ^ v\>:o*io ^c.c .-."^c'^.c i cuesta citta
^ \ :a rv' ce. :*-:,w; -ï.^: k^I^c^; csi^:- ^ c>:j ciita sono
-'.. '..,\ " v*::^^- V- ". NvS v\"*.vj:-" ;:: Sec *
: ■ ■ • ; .^ ;\v>xv^nv c^ncv. v.> ':\i« ,> r r ,,, iîJ perpe-
-73 -
minio présidentes fidellium voiis perque Lcprosariiset in eis
degeniibuspersonissubvenituracoraioriorum etalliorum loco-
rum ecclesiasticorum
Datum Roma apud S. Marcum sub annulo piscatoris
die XVIII Juli MDXXXVIII, pontificat, nostri anno quinto. )>
Ce rescrii accorde aux syndics de Nice la permission de réu-
nir tous les hôpitaux de la ville en un seul établissement sous
le nom d' « Hôpital Saint-Eloi », à tous les établissements ec-
clésiastiques d'œuvres pies le droit de recevoir des dons et des
legs pour leur entretien.
S'occupant des choses intérieures de la cité de Nice, ce do-
cument est particulièrement intéressant, parce que Paul III
(Alexandre Farnèze, ancien évêque de Vence), pape de i534 à
1549, fi^ signer une trêve de 10 ans à François I" qui était à
Villeneuve-Loubet et à Charles-Quint qui se trouvait à Villa-
tYanca.
La croix de marbre, placée à Nice, rue de F'rance, et classée
comme monument historique, rappelle cette trêve de Nice.
2. M. Chailan, curéd'Albaron-enCamargue, membre
delà Société des Amis du Vieil-Arles, lit une communi-
cation sur Les livres liturgiques d'Arles au XVI* siècle.
Voir MÉMOIRES, n'^VI.
3. M"* Eugénie Houchart, membre de l'Académie de
Vaucluse, lit une communication sur L'ancien château
du cardinal Grimaldi à Puy-Ricard, — Voir MÉMoiRes,
n- VII.
4. M. Requin, archiviste du diocèse de Vaucluse, cor-
respondant de TAcadémie des Beaux-Arts, membre de
l'Académie de Vaucluse, donne lecture de sa communi-
cation sur des Curiosités notariales, — Voir Mémoires,
n- VIII.
- 74 —
5. M. J. Roman, correspondant du Ministère de l'Ins-
truction publique, membre de l'Académie delphinale et de
la Société d'Études des Hautes-Alpes, n'ayant pu assister
à la séance, M. Nicollet, secrétaire général du Congrès,
donne lecture de sa communication sur Les sceaux de la
famille de Savoie-Tende. — Voir Mémoires, n'^IX.
La séance est levée à onze heures et M. Clerc, prési-
dent de la Section, après avoir déclaré terminés les tra-
vaux du Congrès, pour cette Section, annonce qu'une
réunion de toutes les Sections aura lieu dans le grand
amphithéâtre de la Faculté, sous la présidence de M. Be-
lin, recteur de l'Académie, président du Congrès.
-75'-
DEUXIEME SECTION
Histoire.
Président : M. Paul Masson, professeur d'histoire et de géo-
graphie économiquesà l'Université d'Aix-Marseille, correspon-
dant du Ministère de l'Instruction publique, membre de l'Aca-
démie de Marseille.
Vice-Président : M. Edmond Poupé, professeur au collège
de Draguignan, correspondant du Ministère de l'Instruction
publique, membre de la Société d'Études scientifiques et ar-
chéologiques de Draguignan, secrétaire-correspondant de la
Société d'Études Provençales.
Secrétaire : M. Marie Bertrand, sous-bibliothécaire de la
ville de Cannes, cabiscol de l'École de Lerin,secrétaire-corres-
pK>ndant de la Société d'Études Provençales.
Secrétaire-adjoint : M. Lucien Gap, instituteur à Oppède
(Vaucluse), membre de l'Académie de Vaucluse.
Séarce du mercredi matin, /" août.
La séance est ouverte à neuf heures et demie, sous la
présidence, de M. Paul Masson, président de la Section.
M. Bertrand remplit les fonctions de secrétaire.
Après avoir déclaré la séance ouverte, M. Masson
souhaite la bienvenue à tous les travailleurs *qui ont ré-
pondu à l'appel du Comité d'organisation du Congrès et
ont apporté des mémoires nombreux et variés. Leurs re-
cherches patientes et obstinées auront pour résultat de
préciser l'histoire de la Provence et d'en dégager les en-
seignements. La vie publique et politique a toujours été
très intense dans cette région à la population active et
-76-
entreprenante. Son histoire mérite d'être connue non
seulement dans ses grandes lignes, mais encore dans ses
détails, et, si le Congrès donne une nouvelle impulsion
aux études historiques, il aura fait œuvre utile.
1. M. Arnaud d'Agnel, correspondant du Ministère de
rinstruction publique, membre de la Société de statisti-
que de Marseille, lit une communication sur Les Con-
vulsionnaires de Pignans. Cette communication a été
publiée dans les Annales du Midi (n** 74, avril 1907).
En voici le résumé :
Pi4»nans, village du Var, qui a aujourd'hui 1.754 h., fut.
au xviir siècle, le centre principal du jansénisme en Provence.
11 sV passa des scènes extraordinaires de fanatisme religieux
qui suivirent Tarrivêc inattendue de gentilshommes, disciples
du fameux Vaillant, alors enfermé à la Bastille.
D'illustres personnages, tek que le cardinal de Fleurj- et
Mi5' do Bclsuncc, s'occupèrent de ces faits scandaleux. L'évè-
que de Marseille demanda et obtint T incarcération des princi-
piiux fauteurs des désordres; ils furent enfermés au fort Saint-
Jean et à la citadelle de Saint-Nicolas. Les magistrats de
Pn^vencc axaient ordonné de faire plusieurs enquêtes sur cette
curieuse aifairc. Ce sont les résultats très circonstanciés de ces
enquêtes que l'auteur met en œuvre. 11 relève une foule de dé-
t,uls i\ piques. Ces traits de mœurs font revivre un état d'àme
>i vlitfeaMU du nO>trc qu'il nous semble très lointain. On cons-
tate qu\ui îond de la province, comme à Paris, on se passion-
nai pour lc^ questions trKvlo::iques comme actuellement pour
Icn prv^biotvo vie ia scic-.uc. A un pvMnt de vue général. .M. Ar-
:uiuvi si \::u*. \î:: "-c^i^rt r vies r,i::s qui! analyse l'extension du
\i!i>c*v>'!Tc .;>k;;iC vi,in> ic îv ô: J,c la France, l'habileté des
* ^\,i:ci.:> vi,i '!> icu* chv^x vi v\:xô. cnis prv^pres à séduire l'ima-
^ m: ^^-'î ?Vv- vi.v^:^,iic l ,i,.:v,.- :r^vv.rc aussi, pour l'honneur
uc :*.vn:v ^vMc '^\ur;c *orvn c:\alc, que tous ies stratagèmes ne
— 77 —
purent avoir raison du bon sens populaire. Disons, en termi-
nant, que tout contribua à rendre célèbre l'affaire des convul-
sionnaires de Pignans, tout, jusqu'au prédicateur qui fut mandé
tout exprès pour les combattre sur place, le fameux Père Bri-
daine, le tribun de la chaire au xviir siècle. »
M. Joseph Fournier, sollicité par le président de don-
ner son opinion sur ce mémoire, dit que M. Arnaud
d'Agnel a* tiré des Archives des Bouches-du-Rhône tous
les documents qui lui ont servi à écrire celte étude et
qu'il les a mis en œuvre habilement. Il ajoute que ces
Archives contiennent de nombreux et int<^ressants rensei-
gnements sur la lutte religieuse à cette époque et sur l'at-
titude intransigeante de M«'de Belsunce, évêque de Mar
seille, envers les Jansénistes qu'il poursuivit avec la plus
grande rigueur.
2. La parole est ensuite donnée à M. Bertrand, se-
crétaire de la Section, qui, complétant et corrigeant les
imprimés, d'après des documents puisés aux Archives du
déparlement des Bouches-du-Rhône et à celles de la ville
de Cannes, donne un clair exposé de la Prise des îles
de Lérins par les Espagnols en i635, — Voir Mémoi-
res, n** X.
A propos de cette communication, M. P. Masson fait
remarquer que, contrairement à la situation des îles de
Lérins qui furent pourvues d'ouvrages de défense, les îles
d'Hyères et du littoral marseillais furent négligées, et
que, par suite, elles furent souvent occupées par les en-
nemis de la France et de la Provence.
Ace moment, M. Masson cède la présidence à M. Be-
lin, recteur de l'Académie, président du Congrès.
3. M. Chaillan, curé de Septèmes, correspondant du
- 7» -
Ministère de rinsiruciion publique, membre de l'Acadé-
niied*Aix, a la parole pour donner lecture de son élude
sur Les relations de Marseille avec Jérusalem et ta
création du consulat de Jérusalem au XVII* siècle. Ce
mémoire a éiè publié dans Le Sémaphore de Marseille
in"*desi3, r4, i6 et rjaoLli (oo6; 7q' année, n"* 24 n3<j
24,041),
En voici le résume :
Dès 1624, Lcmpereur est établi à Jérusalem comme consul ;
mais la jalousie des Vénitiens contre Marseille intrigue auprès
du pacha de Damas qui le fait emprisonner. Délivré au bout
de cinq jours, il rentre à Jérusalem, mais avec défense d'y sé-
journer plus de deux mois. Kn 1686, Dortièrcs» commissaire
délégué pour visiter les Échelles, demande le rétablissement
du Consulat de Jérusalem, qui est décidé au Conseil d'État
tenu à Versailles le 3ï iuillet 1691. La Chambre de commerce
de Marseille enregistre cet arrêt le 6 septembre suivant et ins-
crit 3,600 livres à son budget pour les dépenses du consuL Ces
fonctions sont remplies en \(^ par un nommé Lempereui
(comme Je consul de 1624^, à qui Pontchartrain écrit de Ver-
sailles le 28 avril et demande de lui « rendre compte de ce qui
1^ sera passé au voyage » qu\\ aura fait à Jérusalem.
M. Chaillan donne la relation de ce voyage, fait en tôgS. qui
%e trouve aux Archives de la Chambre de commerce de Mar-
!>cille* ainsi que les lettres écrites par Lempereur, en date du
2<^<4eptembre rôg? et du 12 mai 1696, pour se faire payer ses
dépenses. Les Marseillais ne se décîdèrem à payer qu après une
lettre de Pontchanraïn du 7 mai 1697, L ctat des dépenses en-
voyé par le consul, pour son second voyage à Jérusalem en
J696, s élève à 1.322 livres 33. On trou\^ que céiaîi cher et on
le fit remarquera Lcmpereur qui en coavut du découragement.
En 1699, Lempereur est remplacé par Bremond qui, dès son
arrivée à Saîdi* ixrit, k 18 août, une lettre où il eipose les dit-
~ 79 —
ficultés pccunîaires et autres auxquelles il se vaît déjà exposé.
II entra, en février 1700, à Jérusalem* où, ignorant des coutu*
mes et des mœurs, il ne tarda pas à voir tout le monde contr*!
|ui« Il en sortit «t le 2K mai. à pied, ayant la fièvre, pourseren-
Ire à Bethléem #. De retour à Saïda, il raconte ses déboires
dans» une lettre à la Chambre de commerce de Marseille, eu en
1702, le roi lui donne le consulat de Messine.
En «712, le provençal de Blacas, vice-consul de Chio, fut
nommé à Jérusalem. Celui-ci se trouva exposé aux mêmes dif-
tictihés pécuniaires et, le 20 octobre 1715* il réclame un impor-
tani arriéré de ses appointements. C'est la dernière lettre éma-
nant des consuls de Jérusalem qui se trouve aux Archives de
la Chambre de commerce de Marseille,
M, P. Masson indique à fauteur de cette communica-
tion qu'il aurait pu peut-être trouver quelque chose à ce
sujet dans la correspondance de Peyresc. !1 fait remar-
quer que la date de 1624 est celle de remprisonnemenl
de Lempereur» mais non celle de la création du consulat
qui eut lieu vraisemblablement en 1621 : Il ajoute que
rinfluence du P. Joseph en 1626 n'est que la conséquence
de la mission de 1621*
M. Rampai demande si les émoluments du Consul
étaient payés par la Chambre de commerce de Marseille. Il
ajoutequ'il serait possible d avoir de nombreux renseigne-
ments sur ce sujet en consultant les Archives des Minis-
tères de la Marine et des Affaires étrangères. Après une
discussion sur des points de détail, on passe à la suite de
Tordre du jour,
4, M- Léopold CoNSTANs, professeur de littérature à
rUniversilé d*Aix-Marseille, majorai du Félibrige, vice-
président de la Société d'Études Provençales, n*ayant pu
assister à la séance. M, F^. .Masson donne lecture de sa
-io -
communication sur /^ consulat de la mer à Marseille
au X/fl" siècle.
Ce mémoire est publié dans les Mélanges offeris à
M* le professeur Chabaneau (p, 6^5-^5)* Le lexie corn-
plet du manuscrit de M. Arbaud est en cours de public;!*
tion dans les Annales du Midt iZ^ cl 4* fasctcuîcs. loi^y»,
Cclcxtc provençal semble rcmonierau xm* siècle, bien que la
copie qui en a été conservée ne soii qucdela fm du xiv*. d'après
Tavis de iM, Paul Meyer. Ce manuscrit appartient à M. Paul
Arbaud. bibliophile, président de la Société d'Ktudes Proven-
çales; il y reste un feuillet de garde contenant le livret de fa-
mille dun notable marseillais du \vii«= siècle, Gaspard Sercne,
époux de Catherine Napolone, qui y a noté la naissance et le
décès des membres de sa famille, de 1587 à i(x»5*
Le texte contient : i» la traduction provençale des chapitres
de la première paix entre Charles d"Anjou et la ville de Mar-
seille révoltée en 1287; a* celle des chapitres de la deuxième
paix concédés par Charles en 1262 et qui a^f^ravent les condi-
tions précédentes ; 3** une série de dispositions empruntées au
livre des Statuts et privilèges de Marseille, qui constituent ce
qu on appelait au moyen âge Le Consulat de la mer, véritable
code commercial et marilîme. C est la partie la plus intéres-
sante du recueil, comme on peut en juger par les rubriques :
Ùels consoh esiablit^ foras de Masseilha : — De gitament de
mercadarias en mar per mal iems o per autra causa: —
gardar los consen*ages engagements de senir sur mer>: — ^
Dels mariniers: — IVaquo me;eis imème sujet) ; — De aper
Jerm las causas accitadas davantlos consols esiablit^ foras de
Masseilha: — Daqueh que moron foras de Masseilha: — En
quai maniera deu esser venduda caut^a mobla obligada per
peinnora: — Depenhora donada en las naus per alcuna pecu-
nia : — De compainhia e decomandas: — De naus loguadasi
nouti : — IXaquchque deslian hx ai*ers dUxutmi: — Dels ei
criPom^^a^tSm : — De non portar aver xobre cuber (a : —
De portar garni\ {fins en naus: — Dels mariniers: — D'aquo
me^eis: — De giet^ de mercadarias en mar: — De las soriJ^
de las naus: — Despaait de xx. Jorns donados als merca-
diers liquah seran en Masseiha en lo tems de la guerra.
Le copiste ciaii négligent, mais comprenait ce qu'il écrivait
1^ langue est iiiiércîiîianie cl contient des mots non encore
rencontrés ailleurs.
6. M, Lucien Gap, secrétaire-adjoint de la Section,
donne ensuite lecture de son étude sur Oppède au moyen
âge e( ses insiiluiions. — Voir Mémoires, n* XI.
Après la lecture de cette communication, dont le titre
primitif était * Le pillage d' Oppède ( Vaucluse) pendant le
schisme d'Occident {î3y8't44Q). ^' P-Masson fait remar-
quer qu*il y est autant question de Bernard de La Salle que
du village d*Ûppéde. M. le D' Lavâl insiste également sur
ce point et propose à Tauteur de modifier le titre de son
mémoire, de façon à le mettre mieux en harmonie avec
le sujet traité, M. Gap accepte de faire cette modification.
6* M. Malausskne, juge au tribunal de Grasse, n ayant
pu assister à la séance, M. Fournier, archiviste des Bou-
ches-du-Rhône, analyse sa communication sur U Admi-
nistration communale de Saint-Jeannei (Alpes-Mariti»
mes} sous f ancien régime. — Voir Mémoires, n* XII.
M, Fournier fait remarquer que cette étude, trèscom-
(plète, a été faite d'après les Archives communales de
SaintJeannet et n'est d'ailleurs qu'une partie d*une his-
toire complète de cette localité en préparation.
M. le D' Laval demande, à ce propos, s'il existe, dans
les Archives communales, des traces du passage du titre
âtsy^ndic à celui de consuL M. Fournier répond que le
titre de consul fut, en quelque sorte, la régularisation du
pouvoir communal par Fautorité royale.
7, M- PoupÉ, vice-président delà Section, n'ayant pu,
pour cause de maladie, assister à la séance, M. Fournier
donne un résumé de son élude sur L Administration
communale à Rians (Var) sous l ancien régime, — Voir
MÉMOIRES, n*" XIII.
L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à midi
moins dix minutes.
Séance du mercredi soir^ /*' août*
La séance est ouverte à deux heures et demie, sous la
présidence de M. le D' Victorin Laval, ancien président de
l'Académie de Vaucluse, M, Bertrand remplit les fonc-
tions de secrétaire.
1. M. G. Arnaud, docteur èsletires, professeur au
lycée Mignet, membre de la Société d'histoire de la Révo-
lution française, n ayant pu se rendre à la séance, la pa-
role est donnée à M. Nicollet, secrétaire général du
Congrès, pour lire sa communication sur Un ouvrage
anonyme de Durand de ^aillane. — Voir Mémoires,
n^XlV.
Après cette lecture, M. le D' Laval ajoute que Durand
de Maillane fut un grand calomnié et que, sil fut un
catholique convaincu, il fut aussi un adversaire irréducti-
ble des abus du clergé d'alors. Il exprime le désir et
Tespoir de voir élever une statue à celui qui fut, avant
tout, un bon provençal.
- 83 -
2. M. BARRé, conservateur de la Bibliothèque munici-
pale de Marseille, trésorier de la Société de Géographie
et d*Études coloniales de Marseille, lit une communica-
tion sur Im municipalité de Cassis sous la Constitution
de tan IIL — Voir Mémoires, n* XV.
La lecture de cette étude terminée* M. Laval insiste
sur le caractère décentralisateur de cette Constitution de
l'an III» succédant au régime centralisateur de Tan II ;
il regrette qu'elle ait eu une existence si éphémère et
souhaite qu*on y revienne en Tadaptant aux exigences de
notre époque.
S. M, P*-H. Bigot, professeur au collège de Manosque,
niembre de la Société scientifique et littéraire des Basses
Alpes, a la parole pour lire une communication sur
La grande peur et l'organisation de la garde nationale
à iManosque en 178g, — Voir Mémoires, n' XVI.
4. M. L*-C. Dauphin, pharmacien naturaliste à Car-
ces, membre de la Société d'Études Provençales, lit une
communication sur le Club révolutionnaire de Carcis. —
Voir MÉMOIRES, no XVII.
B* M, DupRAT, professeur adjoint au lycée d'Avignon,
membre de l'Académie de Vaucluse, n'ayant pu assister
à ta séance, M. Nicollet, secrétaire général du Congrès,
lit son travail sur La grande peur à Châteaurenard et
la création de la garde nationale. — Voir Mémoires,
n^ XVIII.
Après cette lecture, M. Laval fait remarquer que» par
une action psychologique, cette peur, dont M. Bigot
a parlé aussi dans son mémoire, se généralisa, mais fut
de courte durée. Il insiste sur ce fait qu'à Châteaurenard
- S4 -
comme à Manosque, elle décide les populations à orga-
niser la garde naiionale*
6. M. Destandau, pasteur de l'Église réformée à Mou-
riès (Bouches du Rhône), correspondant du Ministère de
rinstruction publiAjue, membre de la Société des Amis du
Vieil Arles et de rAcadémie de Vaucluse, lit une étude
intitulée : Une page de t histoire de la mile des Baux en
1790. — Voir MÉMOIRES, n* XIX.
M* Laval fait remarquer le caractère patriotique de
cette communication et constate que les sentiments géné-
reux fleurissent depuis longtemps sur ta terre des Baux.
7. M. Fassïn, conseiller à la Cour, membre de TAca-
demie d'Aix, président d*hanneur de la Société des Amis
du Vieil Arles, n ayant pu se rendre à la séance» M. le
baron Guilliben, secrétaire perpétuel de TAcadémied'Aix,
fait une analyse de son étude mtitulée : Quelques pages
de l histoire de la marine artésienne ; Les marins d'Ar-
les pendant la tourmente révolutionnaire. — Voir Mé-
moires, n" XX.
8. M. Henri Labroue» professeur agrégé d^histoire au
lycée de Toulon, membre de la Société d*Études Proven-j
cales, n'ayant pu assister à la séance, le secrétaire de lai
Section lit un sommaire de sa communication sur Lei
Club jacobin de Toulon*
Celte étude a été publiée dans les Annales de la Société
d Études Provençales (4* année, n' 1 , janvier-février 1907,
p, I à 5j k
En voici te résumé :
Ce travail a été composé d*après des documcais des Archi-
pes municipales de Tow/uw et de Nans (Varu des tîrc/iii*e«
^ 8!)
départementales du Var et des archives du greffe du tribunal
civil de Draguignan. Le rS juin 1790, le Conseil général de
la commune de Toulon accueille la demande de plusieurs ci-
toyens de constituer une société des Vraix amis de la Consti-
tution. Cette société tient sa première séance le 21 du même
mois et s'installe dans Téglisc Saint-Jean. L'élément bourgeois
y domine, mats Télément ouvrier y est nombreux. C'est en se
mêlant activement à la politique locale et générale que le Club
Saint-Jean développe ses forces* Le Conseil général de la com-
mune n'est bientôt composé que de clubisies; le club rival de
Saint-Pierre et tous les adversaires du club Saint-Jean sont peu
a peu ccaacs ou étouffés. De 1791 à 1793, affilié aux Jacobins de
Paris, le club de Toulon exerce une grande influence non seu-
lemenidansla ville, mais dans tout le département et même dans
les départements voisins, par des relations fréquentes avec les
Sociétés similaires* Il prend une pan très active à la résistance
contre rinvasion. A Fintérieur, il se montre partisan de Tor-
dre, de la sécurité des personnes et des biens. Mais une réac-
lion bourgeoise et royaliste» compliquée d'intervention étran-
gère, anéantit son influence après 1793 ; des clubisies sont
condamnés à mort et exécutés. En Tan 111, des manifestations
démocratiques sont les derniers actes publics qu on peut vrai-
semblablement lui attribuer ; une Sotiété littéraire et» en I79<),
un CVrc/e cons///w/jt>;i«t'/ sont ses dernières et lointaines sur-
vivances*
9. M. Victor Teissicre, instituteur à Treis ^ liuuches-
du-Rhônet, membre de la Sociâc dÉiudes Provençales,
Ut une communication sur La Société populaire de
Trets, — Voir Mémoires, rr XXII,
M. l^aval observe que cette élude n insiste pas assez
sur le rôle joué par Frets dans le mouvement fédéraliste
de [793 ; cette commune, en elTet, fut une de celles qui
ne se prononcèrent pas pour les Girondins et restèrent
— 86 —
jacobines malgré tout. M. Teissère répond qu'il se pro-
pose de faire du Mouvement Jédéraliste à Trets l'objet
d'une étude spéciale qu'il présentera à un autre Con-
grès *.
La lecture des communications envoyées étant termi-
née, M. le D"* Laval fait remarquer le caractère de cette
séance, tout entière consacrée à des études sur la Révo-
lution. « De tout ce que vous venez d'entendre, ajoute-t-il,
se dégage un enseignement; nous vivons de la Révolu-
tion; c'est une raison majeure pour étudier cette période
de notre histoire sous toutes ses faces, afin de nous inspi-
rer de tout ce qu'elle eut de bon et d'éviter ce qu'elle eut
de mauvais. La Révolution française a établi le monde
sur des bases nouvelles et, si le travail d'enfantement fut
pénible, ce n'est pas une raison pour aimer moins la
mère. »
M. Laval termine en remerciant les Congressistes de
leur assiduité, malgré la chaleur intense, et lève la
séance à quatre heures et demie.
Séance du jeudi matin, 2 août.
La séance est ouverte à 10 heures, sous la présidence
de M. le baron (juillibert, secrétaire perpétuel de l'Aca-
démie d'Aix, vice-président de la Société d'Ktudes Pro-
* Cette étude sur Le mouvement fédéraliste à Trets a été lue au Con-
grès des Sociétés savantes de Pans et des départements, à Montpellier,
dans la séance du Tendredi matin, 5 avril 1907.
vençales, puis de M le D*" LavaK ancien président de
TAcadémie de Vaucîuse. M* Bertrand remplit les lonc-
lions de secrétaire.
1. M. le Df ALCzArs, professeur à Tlîlcole de Médecine
de Marseille, donne lecture de sa communication sur
Le blocus de Marseille pendant la peste de 1722. —
Voir MÉMOIRES, n** XXIII*
Après cette lecture, M. le baron Guillibert, président,
fait remarquer que ce sujet est familier à M. le D' Ale-
zais, car il a déjà publié des travaux historiques très
êrudits sur la peste, Une discussion s'engage entre plu-
sieurs membres sur l'emploi du vinaigre à la désinfec-
tion de la correspondance iors de la peste de Marseille.
8. M\ P. -H. Bigot, membre de la Société scientifique
Cl littéraire des Basses-Alpes, professeur au collège de Ma-
nosque, présente la Liste des desserrants des deux pa-
roisses de Manosque.
Ces listes sont l'œuvre d'Henri-Jean Alivon (1821-1837),
qui fut organiste des deux églises de Manosque et curé de
Momfuron, Dressées d'après les archives paroissiales, elles ont
été continuées jusqu'à nos jours par M. Bigot. Celle de la pa-
roisse de Notre-Dame, commence en 1226. par Pierre Borga-
rcllî, et tiniten 1903, par Antoine-Prosper Brun, curé actuel ;
elle comprend cinquante six desservants. Pour le xiu' siècle,
clic parait être à peu près complète, avec ses huit desservants
de 1226 à 1286 ; pour le xi\'\ elle en donne six, de i3oo à
1390 ; pour le xv«, seulement quatre, de 141 5 à 1463 ; pour le
xvi«, elle nedonne aucun nom jusqu*en ï56i, et en contient
treize de i56i à 1599; pour le xvm% elle est probablement in-
complète avec neuf noms de Hjoo à 1698 ; pour le wm* et le
Xï\*, elle est complète.
Celle de la paroisse de Saint-Sauveur ne commence qucn
ÉfiÉ
14?^. avec Esprit Fabry* vicaire, et finit, en 1890, par Paul
l^ieule, curé actu'jl ; elle comprend vingt-sept des&crvanls*
Pour le xv« siècle, elle ne fournît qu'un nom ; pour le xvi«, elle
en donne sept, de 1548 à iStjS; pDur le xvii«, elle en fournil
neuh vicaires ou curés, de f6o5 à 16SS; pour le \vm\ trois
curés, de Ï720 à la Révolution ; pour le \ix", la liste est com-
plète avec six curés, de i8o3 à 1890. Cette église, pendant la
Révolution, fut convertie en temple de la Raison. ^
3. M DE Bkesc, membre des Académies d'Aîx et du
Var, a la parole ei fait V Historique des eaux de Fon-
taine tÉvêque (ancien Sorpius). — Voir Mémoires,
nXXIV.
M. Ici)'" LavaU président, fait remarquer la ressem-
blance de celle fontaine avec celle de Vaucluse et de-
mande si le nom ancien ne serait pas Sorgius, M. de
Bresc répond que tous les documents portent Sorpius,
4* M. Paul Gakkarel, professeur à la Faculté des lettres
de rUniversité d*Aix-Marseille, n'ayant pu assister à la
séance, le secrétaire de la section présente sa communi-
cation sur Les complots de Marseille et de Toulon
(18 12 i8i3), — Ce travail sera publié, au mois d'oclo-
bre prochain, dans les Annales de la Société d'Études
Propençales.
5 M» Charles Latune, avocat, membre de la Société
d'Études Provençales, donne lecture de sa communica-
lion sur Une interp^^ntion royale dans une ajjaire de
famille sous le règne de Louis XV. — Voir Mémoires*
n'XXV.
M* J. Fournier fait remarquer que celte étude n'est
qu'une peiiie partie d'un ouvrage que M. Latunc prépare
- 89 ^
sur Les lettres de cachet en "Prouence^ sujel des plus în-
téressanls. sur lequel on trouve de très nombreux docu-
ments aux archives des Bouches-du-Hhône. M. le baron
Guilliberl, président, félicite M. Latune d'avoir entrepris
ce travail et donne quelques détails sur ce sujet.
6. M. J. Mauukl, membre de la Société scientifique
ei littéraire des Basses-Alpes, curé de Valernes, n'ajant
pu assistera la séance, M. J. Fournîer donne connais-
sance de son travail sur La peste à AUauch en 1720. —
Voir MÉMOIRES, n* XXVI.
M. le baron Guillibert, président, félicite l'auteur de
travail qui est un chercheur avisé. M. Fournier ajoute
que M Maurel, de même que le D' Alezais» a puisé ses
documents aux archives des Bouches-du-Rhône
7. M. le D' Verrier, délégué de rAllianc: scientifi-
que universelle, n avant pu assister à la séance. M, Ber-
trand, secrétaire de la section^ donne lecture de son mé-
moire sur Le département des liasses Alpes au moment
du coup d'État.
M» le D' Verrier résume le chapitre que Eu^;, rènou dans
son ouvra^'e sur La province en décembre i83j, 3i consacré au
département des Basses-Alpes. Il y ajoute quclquesdétails inté-
ressants et inédits sur le rôle joué par l'insiituieur Noël Pascal.
Originaire d'Aubignoscjeunecncorc, sorti depuis peu de rÉcole
normale, cet ardent défenseur de la Constitution présidait le
Comité central installe à Forcalquier et déploya beaucoup
d'énergie. Après la journée du 9 décembre qui ruina les espé-
rances des républicains fédérés, il ne se soumit pas. Échap-
pant aux recherches des agents du coup d'État, il se réfugia à
Nice qui faisait partie des États Sardes. Là^ il se lia d amitié
- 90 -
avec le comte Orsini, Tauteur de la tentative si connue. Quand
sa femme mourut, il vint secrètement en France pour cher-
cher sa fille et retourna par mer à Nice sur un mauvais
bateau de pêcheur. Après lamnistie, il rentra définitivement
en France, où il s'occupa de médecine. Pendant la guerre
franco-allemande, il fut envoyé à Besançon comme secrétaire
général de la préfecture. La paix conclue, il devint un colla-
borateur de Jules Ferry qui lui donna, en souvenir, une de
ses photographies avec ces mots : « En souvenir de nos bons
combats ». Il mourut en 1889. Sa fille que, pendant son exil,
il était venu chercher au prix de graves» dangers, est mariée en
secondes noces avec le D^ Verrier.
La séance est levée à 1 1 heures et demie.
— 91 —
TROISIÈME SECTION
Langue et littérature provençales ; Folklore ;
Familles ; Beaux-Arts.
Président : M. Maurice Raimbault, sous-archiviste des Bou-
ches-du-Rh^ne, cabiscol de rEscolo de la Mar, majorai du
Félibrigc.
Vice-Président : M. Servian, membre de l'Académie de
Marseille.
Secrétaire : M. Paul Moulin, membre de la Société d'Etu-
des provençales.
Séance du mercredi matin, i*' août.
Lai séance est ouverte à 9 h. 1/2, sous la présidence de
M. Maurice Raimbault, président de la section. M. Paul
Moulin remplit les fonctions de secrétaire.
M. le Président prononce l'allocution suivante :
Messies,
Es pèr iéu un devé mai que mai agradiéu, en durbènt la
proumiero sesiho de la seicien de Lengo, Literaturo e Bèis-
Art, de souveta la bènvengudo en tout aquélei qu*an bèn
vougu Taduerre soun councours, emai de lei gramacia coura-
lamen au noumdela Prouvènço. O, nouéste £'m/7éri dàu Sou-
lèu vous duou fouesso recounoueissènço à vàutrei tôutei, Ar-
tisto o Saberu, Felibre o noun Felibre, qu'en venènt eici si-
gnala à Tatencien, e bessai même à Tamiracien dôu mounde.
lei manitcsiacicn passado de noucsie art, lalcstisses pèr"
raveni de gcncracien qu'au ran tanibèn radica au irefouns Jou^
couer lamour, h passien dôu Bèu.
Es qoe pèr bèn a ma sa palrio, ^rando o pichoto, la fau d'en*
proumiében counoueisse, e — es malurousd*avé à !ou cousiaia
— soun noumbrousaquélciqucs'imaginon d'èsirc de Prouven-
çau d'elèi perqué fan en lengo prouvençaio de vers que, pcr
ridèio, sarien autant bèn rùssi o espagnôu. De tel, la majO
pan sabon de la Prouvèn^^o ni soun Isiôri, nîsei Lcgèndo, oi
soun Flourege» basto ! parlon de soun païs sènso n*avé jamaî
rèn vist. De que voulèsque siguesoun ispîracien dins de coun-
dicien parjero? Canton lou peu brun o blound d'uno chaio
d*Arlc que pourrie èsire autant bèn uno « miss » angleso o 'no
m, mousmé )> japouneso ; escudcllon de ^ Soulèu iremouni sus
l'Esterèu ^ qu auricn pouscu tant bèn pinta dins lei Carpaio. Ce
que H manco, es ce que Mistral a agu au mâgi pount, Mistral
qu*espèr iéu lou pus grand pouèto de touiei lei lèms perqué
soulet a sachu refaire sa lengo, refaire soun ourtougràfi e refaire
un pople à même de lou coumprcndre; Mistral vis intra dins
soun engèni, pèruno grando part»saprefoundocounoueissènço
de tout ce que pertoco nouéste lerradou. Rapelas vous aqué-
kl delicious poucmo istourique o legendàri deis Isclo d*or ;
remembras vous aqoéo superbe cam de Calendau ounte nous
debano lei glôri esvalido dins lei nèblo dôu passai^ tato que
soun pintado sus lei laiènço mousieircnco dôu comte Severan.
E bèn, Messies, la loco d'aquest Coungrès es de remédia à-
n-aquelo regrctablo situacîen, de sauva de l'ôublit lei travat de
nouésiei rèire, de marca sei suces, de plagneseis auvàri, c de
nous mètre ansîn à même d*imita ce que fèron de bouen en
eivitantceque fèron demarrit. Auren ansin countribuïaumari-
lenemen e même à lespandimen d aquelo Patria Provincit
que, escrafado Ta quatre cèni vint an en tant que patrim6ni
poulilique. a pamens» en unt que patrimôni ariisii, subrc*
viscu et gyerro cstrangicro, ei bourroulo inieriouro, eis aieniai
dei gouvèr autoucratique e centralisaire, à la revouiro deis es-
— 9^ --
colo unifourmisio, tasèntsubran,à la voues d'un poucio. reflou ri
une rav*o que cresicn retoumbaJô au neani despuei de siècle.
Messies, lou Pouètoa coumpli soun obro ; à nàulri d'enia-
meua la nouesiro,
1, MJ -B. AsTiERjresorierde TEscolode la Mar, donne
ensuite lecture d'une élude sur Vicior Gelu intime^ d*a-
près des documents communiqués par la familledu poète.
D'après ces documents, Victor (jelu était loin de mériter
U mauvaise réputation que lui ont value ses œuvres mal
comprises parle grand public — Ce mémoire a paru dans
les ih4nnales de la Société d'Études Provençales { 4" année»
n* 3, mai-juin lyoy, p. 13? et suiv-).
2 MM. Louis AuBEHT etJ. Bouhrilly, membres deTEs-
colo Mistràlenco» résument les traditions et les supersti-
tiens de notre région en passant en revue les Objets et
riies (alismaniqties dont les collections d u Museon Ariaten
conservent des vestiges. — Voir Mémoires, n«> XXVII.
3. M. J* Bourrilly; cabiscol de TEscolo Mistralenco,
fait connatire les origines du costume arlésien et les
modificatit»ns qu*il a subies et subit encore sous Tîn-
tluence des conditions de la vie ambiante. — Voir Mé-
moires, n*> XXVIII-
M. le Président fait remarquer qu*il eût été intéressant
de présenter quelques photographies qui eussent permis
de mieux se rendre compte de ces changements.
M. Bourrilly reconnaît la justesse de celte observation
Cl promet d'adresser des épreuves au bureau de la Sec
lion .
4. M Joseph Chevalier, secrétaire de TEscolo de la
Mar, lil une étude sur Les /êtes de No^t en 'Propence et
— 94 -
notamment sur les poésies populaires qui leur doivent
leur nom et auxquelles Saboly a dû sa célébrité.
5. M. Anton in GuÊs, propriétaire à Salon, membre de
la Société d'Études provençales, n'ayant pu assister à la
séance, M. NicoHet, secrétaire général du Congrès, donne
lecture d'une étude sur le félibre majorai Antoine- Biaise
Crousillat, de Salon. — Cette élude sera publiée ulté-
rieurement dans les Annales de la Société d'Études
Provençales,
6. M. A, Jalbeft, de TAcadémie du Var, lit un mé-
moire sur Guillaume de Cabestaing et Marguerite de
Roussillon.
M. le Président relève le caractère légendaire de ce ré-
cit, dont Tauthenticité ne saurait être admise en présence
d'un texte publié dans le «Musée des archives départe-
mentales V qui prouve que Saurimonde (et non Margue-
rite), loin de se suicider, se remaria avec Adhémar de
Rosset, après la mort de Raymond de Castcll-Rossello
qui était son second mari» le premier s appelant Ermcn-
gaud de Vernet.
/VL Jaubert assure que le Roussillon dont il est ques-
tion est non celui que nous connaissons sur les fruntiè*
res d'Espagne et auquel se rapporte la charte visée par,
M. Raimbault, mais Je village du même nom sis dans le
voisinage d*Apt*
M, le Président fait observer que la thèse de M. Jau-
bert est détruite par la charte du Musée des Archives.
M. Jaubert répond qu'il a surtout voulu faire un ta-
bleau des mœurs de Tépoquc des troubadours d*après les
renseignements donnés par Bouche.
M. l*abbé A. J. Rance-Bourrei\ professeur hono-
raire de l'ancienne Faculté de théologie d*Aix, membre
de la Société des Sciences, Lettres et Arts des A!pes-Ma-
rîtimes« n*ayani pu assister à la séance. M, le Président
de la section présente son mémoire sur RosalindeRan-
cher au lycée de Marseille.
Joseph-RosalindeRancher, le poète Niçois auteur de la ^Ve-
matda, est né à Nice le 20 juillet 1785 et mort dans cette ville,
le I \ juillet 1843. Ses restes reposentau cimetière du Château,
sous une modeste pierre, avec une inscription italienne de
Don Sappia,
Ranchcr était fils d*un chirurgien venu de Saim-Jeannei se
fixer à Nice, vers 1770. Le père do chirurgien possédait à
Saint-Jeannet une étude de notaire qui fut vendue à un de ses
parents, M. Euzière*
Les Rancher sont peut-étreoriginairesd* Avignon, Rosalinde
fit ses premières études à Nice et vint les achever au lycée de
Marseille, auquel il obtint une bourse, en Tan Xll. Il fut un des
i5o élèves nationaux nommés par le Premier Consul, lors de
rorganisation du lycée,
Rosalinde Rancher, venu à Marseille en l'an Xll, y fut ac-
compagné par un de ses jeunes frères. Il avait alors 170U 18 ans
et ne dut pas rester longtemps au lycée, Y oblint-il les succès
que lui attribue une légende reproduite par Tosalli et Sardou ?
Je ne le crois pas, car les palmarès du lycée, que j*ai pu con-
sulter, ne mentionnent aucun Rancher pour la distribution
des prix à la iin du premier trimestre de l'an Xll ; et à la dis-
^Irîbution qui eut lieu à la fin de l'année scolaire, le 1*^ fructi-
dor an XIL un second prix de vers latin est attribué à François
Rancher de Nice, élève de la 3' classe de latin, qui obtint aussi
un 3* accessit de thème et le premier prix de ronde-bosse, dans
la classe de dessin. Ce François Rancher est le frère de Rosa-
linde, né â Nice le j 1 janvier 1789.
— <)b -
En i8o3, Rancheraîné, de Nice, est élève de 2\ ci un autre
Rancher est élève de 6* ; Rancher aîné est élève de la classe de
dessin et lauire Rancher est cité parmi les élèves de gip^mnasti-
que qui prirent part aux exercices publics de Tan XIIl (i8o>).
Je ne connais pas le palmarès de i8oG: mais en 1807, il n'v
plus de Rancher.
Les Rancher dont j ai relevé les noms ne sont pas le
poète» dont le séjour à Marseille fut de très courte durée ci
passa inaperçu. Sa mère était veuve, dénuée de fortune et avait
hâte de lui trouver une position. Rosatinde Rancher entra dans
les contributions directes et fut placé dans un département ita-
lien, à Arrczzû. à Klorence et enfin a Alassio. En 1814, il re-
vint à Nice
De son séjour à Marseille, Rosalinde Rancher ne conserva
qu'un vague souvenir, et linstruciion qu'il y reçut fut sans îc
fluence appréciable sjr le jeune Niçois,
La séance est Ie\ée à 1 j h. 3o.
Séance du mercredi soir, 1" août.
Présidence de M, Ferdinand Servian, de TAcadémie
de Marseille. M. P, Moulin remplit les fonctions de se-
crétaire.
La séance est ouverte à 2 heures 3o.
1. M. l'abbé Arnaid d'Agnel, membre de la Société
archéologique de Provence, lit une monographie de
l'industrie de La Verrerie en Provence. — Voir MÉ-
MOIRES» n*^ XXIX.
2. M» Boujllon-Landais, conservateur honoraire du
àMusée de Marseille, correspondant des Sociétés des
Beaux-Arts des départements, n'ayant pu assister à la
sdance, M L Fournier, archivisie-adjoini des Bouches-
du RhAne, donne lecture de sa Monographie de tare de
triomphe de Marseille,
Dans une séance du 17 octobre i823» le marquis de Mont-
l^rand, maire de Marseille, invitait le Conseil municipal à
« délibérer sur la proposition d ériger à la Porte d'Aix un arc
« de triomphe qui fût dédié à M*" le duc d*Angûuléme et à sa
m. brave armée» en perpétuelle mémoire de la 4,'uerrc entreprise
« pour la délivrance du roi d'Espagne », captif de trop libéra-
les Coriès*
Adoptée à Funanimité et bien vite approuvée par le préfet,
comte de Villeneuve, la proposition ne tarda pas à recevoir la
consécration de l'ordonnance royale qui autorisait une aussi
(laiteuse dépense et» dans les premiers mois de 1824. larchi-
lectede la ville, R. Penchaud, se rendait à Paris avec celui des
projets qui avaient réuni le plus de suffrages.
Malgré raciivtté déployée par cet homme excellent, ce ne fut
(ju'à la fin de mars rS25, que l'entrepreneur Pierre Blu, déclaré
adjudicataire, put commencer les fondations. Charles X succé-
dait à son frère et le duc d* Angouléme était devenu le Dauphin ;
il parut indique de hâter les travaux et de fixer au jour de la
fôtedu roi la pose solennelle de la première pierre; mais, le
4 novembre, une pluie battante transformait le chantier en un
lac et Ton dut remettre la cérémonie au surlendemain.
Après un discours du maire et des salves de ^ boites v. aux
sons de la musique militaire, une grande table de marbre fut
scellée, enfermée sous la pierre inaugurale; elle dit la genèse
de ToEuvre et jurerait un peu à côté des lettres d'or du fron-
tispice. (A la République Marseille reconnaissanlej. Les vil-
les, comme les hommes, reprennent quelquefois ce qu'elles
ont donné.
Cependant l archiiecle et le maire se heurtaient a maintes
difficultés. Les devis imposaient la pierre de Saint-Remy et les
fournisseurs élevaient des prétentions si hautes que la Ville
— 100 —
Séance du Jeudi matin, 2 août.
Présidence de M. Ch. Vincens, trésorier de TAcadémie
de Marseille. M. P* Moulin remplit les fonctions de secré-
taire.
La séance est ouverte à 9 heures 3o
1. M- Edouard Alde, bibliothécaire de la Méjanes,
membre de TAcadémie d'Aix, lit une étude sur L'Éty-
moiogie du nom de Mar Sarnèio, donné à la Méditerra^^
nie — Voir Mémoires» n" XXXV,
2* MJ'abbéP.-M. Davin, membre de la Sociéiéd'Études
Provençales» lit un résumé de la biographie d'Ignace
Cotolendi^ d&4ix en Provence, évèque missionnaire de
la Chine occidentale. Ce travail a été publié par l'auteur
en une brochure in-octavo de 48 pages </g«dce Cotolendi,
rf'Aix-en- Provence, curé de Sainte-Madeleine dans cette
vi'te^ épèque missionnaire en C/ime, 163o 7 1602^ par
Paul-Marie Davin, prêtre du diocèse d'Aix — Aix, impri-
merie ei librairie Makaire i B. Philip, gérant), 2, rue
Thiers, lyoG». En voici le résumé :
Ignace Cotolcndi naquit, le aî mars i63o, à Brignoles, où
son père, Jacques, et sa mère. Marguerite de Layon, avaient
lui la peste de 1629. Après avoir fait ses éludes au collège Bout-
tow d'Aix, dirigé par les Jésuites, îl voulut entrer dans cet Or-
dre, mais la faiblesse de sa santé y mil obstacle, M commença
SCS études ibcologtqucs à la Sorbonne, puis vint les terminer à
Aix Ordonné prêtre» en mars i653, il est nommé, à vingt-trois
ans, curé de la paroisse de la Madeleine, où il exerce son minis-
tère durant six ans. Comme une mission s'organisait pour la
Chine, il demande à y être admis ; non seulement il est agréé.
mais on lui donne les liircs d'évèquc ni ptxrftVB^tt Metello-
polis» de vicaire aposiolique de Nankin, administrateur de la
Chine occidentale, de la Tariarie et de la Corée. Il s'embarque
à Marseille, le 3 septembre t66t .accompagné d'un autre Aixois,
Jcan-KraTiçois de Forus. Au cours de son pénible voya^je» tan-
tôt par mer, tantôt par terre, il mourut à Mazulipatam, le
16 août 1662, dans sa trente-troisième année. Son compagnon»
de Fonis, mourut au mois de décembre de l année suivante.
3 M. le baron Guillibekt, secrctairi.* perpétuel de
rAcadcmic d'Aix. fait une communication sur Un his*
lorUn d'Aix^ poète,
11 s*agit de Tëcrivain aixois. Roux -Alphcran. dans lequel it
nous révèle un poète, dont la muse, de goût classique» n'avait
pas de visées particulièrement hautes* mais une inspiration
agréable. Ses œuvres sont encore appréciées aujourd'hui des
privilégiés qui les connaissent,
4. M. F.-N* NicoLLET. secrétaire général du Congrès,
fait part de ses recherches sur L* Origine et Vétymologie
du nom provençal roca, rocha i roche) — Voir Mémoi-
res, n « XXXVL
M, Kampal fait remarquer que, si bruga vient de
U^rruca^ le mot broc qui désigne le sommet d'une mon*
lagnet/a rfenMc broc, en Suisse» pourrait bien vcnîrd'unc
forme pri m itiveî/errwco5 qui serait le masculin de verrwca.
5. M. Auguste Rampal, membre de la Société de Géo
graphie et d'Études coloniales de Marseille, donne lec-
ture de ses Notes généalogiques sur laJamiUe Pey^sson^
neL
Complétant les indications fournies sur cette famille par Ar-
leJcuil et Achard,au moyen de renseignements tirés d'Archives
départementales et communales» il indique que le chef en est
— I02 —
un « clerc liono^s ». Henri Peyssonnel, marié à Lorgues en
i555 avec la fille cl*un notaire, notaire lui-m^me en cette pe-
tite ville. où un de ses fils, Gaspard, exerça la même profession.
On trouve des Peyssonnel à Lorgues durant tout le xvir siècle,
alliés aux plus noiables familles du pays et revêtus à diverses
reprises du chaperon consulaire.
L'n autre fils d'Henri, Baltha^ard. se fit recevoir docteur en
médecine en TUniversité d*Avignon» le 2 mars 1594, exerça à
Brignoleset sV maria. Il fut le premier de quatre générations
de médecins qui. après lui.se signalèrent à Marseille : son fils
Jean fut, de i655 vers 1660. médecin du consulat de France à
Alcp ; son petit-fils, Charles, doyen du corps médical marseil-
lais lors de la peste de 1720, fut une des plus r^rettables victi-
mes de la conugion. Son arrière-petit-fils. Jean-André, se
distingua comme naturaliste et a attaché son nom à la décou-
verte de la nature animale du corail ; il mourut, en 1759. mé-
decin botaniste réal à la Guadeloupe. Un frère cadet de ce sa-
vant. Charles, connu comme archéol(M»ue. fut consul de France
à Smymc. de 174S à 1737 ; le fils aîné de Charles suivit paie-
ment la carrière consulaire : retraité comme consul général de
Smyrne.en 1770. lie avec Dupont de Nemours, Condorcet ,
il eut Sv^n heure de notoriété aux approches de la Révolution
comme publicisie poliùque. remarqué pour son hostilité à l'al-
liance autrichienne. Ine nllc de Charles, mariée à un Clai>
rambauh. a fait aussi souche de consuls îusqu'à l'époque con-
temporaine.
l n troisième rUs du nv^u^re. Henri, ei peut-être l'ainé, Jac-
^^es. vint exercer la profession à'avvxrai à Dra^ruignan à la fin
viu \M' s;cciv\ci tui imîic fVïr pre>qj:e:oaîe sa descendance, où
! 0:1 rcncvviirc auN>; des nv;::a:rcs . :. >e miria successivement
a\c\: trots \eiî\e> c: cp. c^:: vi.\ cr*'Jin:> Le p'.ùs ieune fils du
prc:ii;cr i::. .^M-:. hcr.;;cr vie >v^n v\-b ne:, dlli setablir a Ai.x
\cr> .\*^ c: >o viiN: n*:.:a iMmi; 'es n":o/.'cur!i i ia harre du Pat-
ientent l e '^'n vie oe;»:.-N^ .\:vVae>. ej: une réputation au
nis^ ns cjcaie ,t cc'ile de x^n ivre . :'. : u: <\ ni:c de n>'r« de la no-
— io3 —
blesse et écrivit un petit Traité de f hérédité des fief s de Pro-
vence, qui Ht autorité jusqu'à la chute de l'ancien régime. Le
père et le fils connurent les différents honneurs auxquels pou-
vaient aspirer des avocats : syndicat de la corporation, assesso-
rat, rectorat de l'Université. Après eux, d autres Peyssonnel
curent le titre d'avocat en la Cour, mais n'arrivèrent pas à la
renommée.
Deux frères de l'auteur du Traité de l'hérédité desfiejs méri-
tent une mention au titre militaire : François, officier de mous-
quetaires, devint la tige des seigneurs de Fuveau, par l'acquisi-
tion qu'il réalisa, en 1676, d'une partie de ce fief; Sauveur,
colonel d'un régiment de dragons où servirent ultérieurement
presque tous les Peyssonnel qui portèrent l'épée, puis maréchal
de camp, mérita de Louis XIV l'épithète A^ brave Peyssonnel.
L'un et l'autre pouvaient se recommander de l'exemple d'on-
cles tant paternels que maternels : Esprit Peyssonnel, frère
consanguin de leur père, allié aux Pugct, seigneurs de Roque-
brune, et le lieutenant général de Raymondis. — La famille a
aussi compté divers ecclésiastiques, mais aucun ne fut élevé en
dignité.
il semble que la Révolution ait arrêté la croissance de cette
famille, qui aurait peut-être pu, comme tant d'autres, s'élever
jusqu'aux sièges de nos Cours souveraines. Il est probable que
l'extra néi té du premier du nom empêche de le voir sortir du
tréfonds populaire et de suivre l'ascension de ses auteurs par
l'exercice des arts manuels et du négoce jusqu'aux professions
libérales.
Les villes de la Basse-Terre, Marseille (en 1868) et Aix (en
1894) ont chacune donné à une de leurs rues le nom de Peys-
sonnel pour honorer le naturaliste, les médecins et les consuls
du Levant et les assesseurs d'Aix. La décision de l'édilité aixoise
a suscité des critiques ; un riverain de la nouvelle rue Peysson-
nel, désireux de conserver le souvenir de l'ancienne appella-
tion, a maintenu sur la porte de sa demeure le nom de Saint-
Claude.
I04 —
le recteur Bel in regrette que M. Rampai n'ait pas
mis en un suffisant relief ses dernières réflexions sur
lascension probable du bas peuple à la petite noblesse
de la famille Pcyssonnel. M* de Gantelmidlllc indique
à Tauieur qu'il pourra compléter ses renseignemenls au-
près de la famille de lemincni avocat Arnaud-Thérèse
qui se rattachait aux PeyssonneL M. le chanoine Davin
estime que la rue Saint-Claude auraitdû garder son nom
primitif, puisqu'elle rappelait le souvenir de Messire
Claude Viany, prieur de Saint Jean de Malte, curieuse
figure aixoisc du xvii* siècle, dont le souvenir mérite
d'être conservé; on aurait pu trouver un autre emplace-
ment pour honorer les Peyssnnnel sans tiuire à Viany.
M. Aude c\<Sx humorisliquement la discussion en re-
marquant que le grand nombre des notabilités aixoises
permettrait d*élablir entre elles un roulement pour leur
inscription sur les plaques d email des voies publiques.
6. M, le capitaine Reboulet, membre de TAcadémie
de Vaucluse, n ayant pu assister à la séance. M. J. Four-
n«cr, secrétaire-trésorier du Congrès, signale son im-
portant travail sur Ije général d ^^tnselme et ses maximes
mUiiairts. Cette élude est trop étendue pour pou%-oirêtre
insérée ici ; elle de\Ta faire lobiet d'une publication spi
ciale
7. M François Vidal, félibre maioral, membre de
TAcadémie d'Aix^ fait ta biographie du Ténor Richelme,
— Voir MôtoiREs* n* AJuLVIL
La séance est levée à ontt heures-
io5
QUATRIÈME SECTION
Sciences économiques et sociales ; Sciences physi-
ques et naturelles; Géographie.
Président : M. le docteur Livon, directeur honoraire de
rÉcole de médecine de Marseille, directeur de l'Institut antira-
bique, correspondant national de TAcadémie de médecine,
membre de l'Académie de Marseille.
Vice-Président : M. Gaston Valran, professeur au lycée Mi-
gnet, correspondant du Ministère, conseiller du commerce exté-
rieur, secrétaire général de la Société d'Études Provençales
Secrétaire : M. Etienne Lacaze-Duthiers, professeur au col-
lège d'Arles, vice-président de la Société des Amis du Vieil
Arles.
Secrétaire-Adjoint: M. Fernand Sauve, bibliothécaire-archi-
viste delà ville d'Apt, membre de l'Académie de Vaucluse.
Séance du mercredi matin, /" août,
La séance est ouverte à neuf heures et demie, sous la
présidence de M. le docteur Livon, président de la Sec-
tion.
En ouvrant la séance, M. le docteur Livon prononce
une allocution toute d'à-propos. Après s'être félicité du
succès qu'obtient le Congrès, il adresse des éloges aux
promoteurs, aux organisateurs et à tous les érudits et sa-
vants qui, en préparant des communications nombreu-
ses, ont témoigné de l'intérêt qu'ils prennent au dévelop-
pement des connaissances scientifiques. Il fait ressortir
^- io6 -
le caractère éminemment utile de quelques uneî» des
communications annoncées et souhaite que ces travaux
atteignent tous te but que se sont proposé leurs auteurs.
!♦ M. François Arnaud, ancien notaire, correspondant
du Ministère, membre de la Société scientifique et liiié-
rairc des Basses-Alpes et de la Société d'Études des Hau-
tes-Alpes, n ayant pu se rendre à la séance, M. J. Four-
nier, archivisieadjoinl des Bouches-du-Rhône, présente
ses travaux sur L! enseignement secondaire et primaire
à Barcelonneite.
Ces questions ayant fait déjà l'objet de publications de
M. Arnaud, nous ne saurions mieux faire que d'y ren-
voyer — Voir notamment, dans le Bulletin de la So-
ciété scientifique et littéraire des Basses-Alyes U- VI,
1893-1894, p, 1*10, 8g-ioo, 1 17-132, ry3-2oi, 3o6-327,
354-383, 438-460, 4y3-5o6), ses études sur L instruction
publique à Barcelonneite, études qui ont été, en outre,
publiées en un volume petit in octavo de i38 pages*
sous le titre : L'instruction publique à Barcelonneite ;
Écoles, École Normale^ Collège Snint-Maurice, Extrait
des documents et notices historiques sur la vallée de Bar-
celonnette, par F. Arnaud, notaire à Barcelon nette iBas^;
ses-Alpcsi : Digne, imprimerie Chaspoulet V*Barbaroux,|
20, place de Tl^véché, 1894.
Z* M L. bouRRiLLV, inspecteur de renseignement prî-
maire à Toulon, président honoraire de TAcadémie du
Var, fait une communication sur La condition des mai tp es
d*icole dans la région de Toulon sous rancien régime.
— Voir NUmoihës, n"» XXXVIII.
8. M. Kobcrt Cailurm^vR, professeur agrégé d'histoire
du droit à l'Université d'Aix Marseille, étant retenu à
Paris comme examinateur» M. J. Fournier, secrétaire-
trésorier du Congrès, In un résumé de son mcrnoire sur
Les débuts de la science du droit en T^rovence : lohan-
nesBIancus, Massiliensis, — Voir Memoire^s, n** XXXIX.
4. MM* Edouard Jourdan, professeur de droit civil,
et Joseph Delpech, professeur agrège de droit public à
l'Université d*Aix-MarseiIle, font déposer sur le bureau
du Congrès un Tableau du personnel de la Faculté de
droit d'i^ix depuis le décret impérial de Braunau en
liaute-^uiriche{ \ 8 Vendémiaircan XI V- looclobre 1 8o5 ).
— Les déclarations suivantes sont laites en leur nom :
Plusieurs Facultés ont le privilège d'avoir d'cxcencnies histoi-
res spéciales ; ainsi, des registres provenant des anciennes
4c Facultés des droits w qui distribuèrent à ïlenncs renseigne-
ment juridique, de 1736 à [792, M KmileChénon. jadis agrégé
à la Faculté de droit de Rennes et aciuellemciu professeur
d'histoire du droit à Tl 'niversité de Paris, a extrait des particu-
larités et des épisodes dont l'intérêt est grand au double point
de vue de l'hisioiredes anciennes Universités et de l'histoire lo-
cale [Les anciennes Facultés des droits de Rennes < 1735-1792),
I vol. in-8% 200 p.. Rennes, Cailliére, 1H90] ; Toulouse envoya,
comme document» à la Section de lenseignemeni supérieur de
TF.xposilion universelle de 1900, un Aperçu historique sur la
Faculté de droitde rUnipersité de Toulouse. Maîtres et Esco-
tiers, de l'an 1228 à rgoo, que son doyen d'alors, M. Antontn
Deloume. présentait.^ bon droit, << comme un hommage rendu
à l'antique Faculté dont Thisloire honore hautement la cité
toulousaine * |i vol, gr. in-8\ 171 p,. Toulouse. E. Privât];
et, plurrécemmeni, un Liyre du centenaire delà Faculté de
droitde Grenoble donnait à M. le doyen Paul Fournier un pieux
prétexte d afiirmcr sa manière érudite dans une excellente his-
— io8 —
ioire en bref de *t L ancienne Université de Grenoble * depuis
la bulle obtenue à Avi^'non Je 12 mai 1339, du pape Benoit XII
par le dauphin Hunfibert II, et à son collègue, M. Balleydier.
rhonneur de montrer, avec une psychologie du meilleur aloi,
comment aussi, depuis le printemps de Tannée i8o<3, où clW
ouvrît ses portes à la première génération de ses élèves, TÊcole
de droit organisée par Napoléon a vécu mêlée à la vie de la
nation aussi bien qu'à la vie de sa petite patrie, le Dauphiné.
[Pubhdans les Annales de i Université de Grenoble, t. XVIIL
aiin. 1906, p. 318-420. — Adde les Documents réuois par
M.Raoul Busquct. i^/^f^.p. 421-567].— Pour Aix, rimporiance
justement louée des publications de M. le recteur Belin 1 V* le
Compte-rendu de notre ami Roben Caillemcr,dans les Annales
delà Socieiéd'Êiudes ProyençalesxlUànn, 1906, p. io3etsuiv,),
dciendait à MM. Jourdan et Delpech de songer même à un ré-
sumé pour L ancienne Universiléde Provence, et d'autres rai-
sons de convenance les détournèrent, pour ie siècle dernier, de
laborieuses recherches et de difficiles appréciations. Toutefois,
il leur a paru opportun, nécessaire même, de commémorer, au
moins par le nom et la sommaire biographie de ses ouvriers,
l'œuvre accomplie depuis le temps où Napoléon, à mi-chemin
entre i Im cl Vienne, a Braunau, sur la frontière de la Haute-
Autriche et de la Bavière, pey avant Austerlitz, signait le décret
d*or|^nisation de rÉcole dV\ix ci en nommait les professeurs,
suppléants et secrétaire (V. sur la séance d ouverture, qui em
lieu le i5 avril i8o4>, £, Glasson, Le centenaire des Écoles de
droiit 1* article, dans la Re». iniemal, de lenseignemeHi, t, L.
ano. 1905, p. 333-335]. Ainsi mluitejeurtenutîve ne risquait
de passer ni pour un détournement de pouvoir, ni pour un
excès de compétence, et elle pouvait se réclamer, comme d une
cause utile, du souci de monirerque la Faculté a, dans le passc«
de longues racines, et. pour le présent.garde la mémoire dumoc
d'Albert Dumom que « i'I niven>ité est comme le pays elle
marche )» : ou ne saurait oublier, en oTet, comment, il y a plus
d'un siècle, en l an XII. alors que, pour Torganisatînii de Ten-
— 109 -—
lemeni supérieur, dont ie cadre avait été tracé deux ans au-
~t»iravaiit, il s*agissait de fixer remplacement des nouvelles éco-
les appelées à former dorénavant le personnel des principales
carrières fudiciaires; Aix, au dire de M. Balleydier (o;?. ciY..
p, 387), paraissait auxvillcs rivales « l'adversaire le plus redou-
table. .., se recommandait de vieilles traditions universitaires
ei parlementaires..,, complaii au Conseil d'État des amis dé-
voués et influents, notamment les Provençaux Siméon ci Por»
talis, l'illustre Portalis qui. après avoir joué un rùle prépondé-
rant dans l'élaboration de la nouvelle législation, ne pouvait
manquer d'exercer une grande influence sur Torganisation de
son enseignement*; et il y a lieu de constater qu alors que, dans
tous les ordres de la pensée, le champ des éludes s'est agrandi
et les méthodes renouvelées, parce que c'est « presque une loi,
une condition du progrès, chose oscillatoire » (Jules Lemaître,
Disc, aux éitidiants, Paris, A. Colin, igoo, p 107^ que les
idées et les générations s'opposent entre elles en se succédant,
le nombre des chaires et des enseignements s*est augmenté,
dans la vieille Faculté, iusqu'à être de douze pour les unes et de
vingt-deux pour les autres. — MM. Edouard Jourdan et Joseph
Dcipech ont le propos de marquer avant de longs mois ces tra-
ditions en publiant le Tableau du personnel de la Faculté voué
dans Aix à renseignement de la jurisprudence depuis sa fon*
dation, en Tannée iSi>9. jusqu^au décret de Braunau ; ils ont
eu le dessein dindiquer la vie progressive de la moderne
Faculté dans le Tttbleau que le Congrès a accueilli avec intérêt
ei qua offert de publier la Société d*l!viudes Provençales.
Le travail de MM. Delpech et Jourdan sera prochaine-
ment public en entier dans les Annales de la Soctélé
d'Études Provençales.
5 M. Lacaze-Dutïiikrs, secrétaire de la Section,
n'ayant pu assister à la séance, M. Nicollel, secrétaire
— I lO —
gênerai du Congrès, présente son travail sur Uenseigne-^
ment secondaire à Arles du XV" au XV/I' siècle (i4o5-
I 636) — \'oir MKMoiRts, n' XL.
6. M, Rlvnaui* de Lyqltes, curé de La Verdière, mem-
bre de la Société scieniifique et archéologique de Draguî-
gnan. fait une communication sur L Enseignement pri-
maire à La Verdière avant 178g. — Voir Mémoires,
n^XLI.
7. M. Reynaud de Lyques fait une seconde communî
Câiion sur un Voyage de Toulon à Paris en ijSi.
Ceiravail est écrit d'après les lettres où le P. La Bcnhonyc( il
raconte un voyage qu'il lit, de Toulon à Paris, en 17^1. Ce
voyage, qui ne fut d ailleurs marque par aucun événement
extraordinaire, donne lieu toutefois au P. La Berihonyc de faire
preuve d*observaiion, desprit et degaîié.
8. M. Victor Teissêre. directeur de Técole communale
de 1>ets, membre de la Société d'Études Provençales,
étant empêché par son service d'assister à la séance,
M, Nicollet, secrétaire général du Congrès, présente son
mémoire sur Lenseignement primaire sous la ^T^estau-
ration à 7 rets :
Négligé sous l'Empire, renseignement primaire n*est pas plus
prospère sous la Restauration. L*însiiiuteur. pour exercer, doit
avoir le brevet délivré par le recteur de l'Académie et un certiti-
cit de bonne cooduîte émanant do curé ou du maire, L*école
(I) Sur le f*« La B«rtlioiiTr« T<Mr dans les Amnalts de ta Sùciéié d'Élu*
dis Prùi^nç^3tts (Dcuuème année, n* 5. scpt.-ocL 1905. p. lo^tiç: iroi-
%iémt ftnnét. n* t, fâiit.-fçvr. i.jo6, p. al -3a, et n' 2, mârs-aTrU 1906» p,«t-
94U fe uavâil publia p4ir M. Vûbbé O. ReynAad de Lyques» soqs le tare :
Vmpréiicattur toulonn*tts au X^'^^^* a^^le /^ R. P. Hyacinthe Thomas»
4rÂfuim Lé Btrikony^
— m —
était sous la surveillance d'un Comité cantonal. Le Comité de
Trets, nommé le 26 janvier et installé le 1 1 février 1821, com-
prend le curé, le juge de paix, un médecin, un notaire et six
propriétaires. Dans sa séance du i5 mai 1821, il approuve Tétat
nominatif des instituteurs et institutrices; dans celle du r5 jan-
vier 1822,11 adopte un règlement pour écoles, dont M. Teissère
donne le texte d après les Archives communales de Trets. Sui-
vent des détails sur plusieurs instituteurs ou institutrices (Clap-
pier, veuve Chappus, Beaudrier, Lieutaud, Audibert, Suzanne
Meiftren, etc.)
La séance est levée à 1 1 heures 3o minutes.
Séance du mercredi soir^ /•' août.
La séance est ouverte à deux heures et demie, sous la
présidence de M. A. Crcmieux, professeur au lycée de
Marseille, chargé d'un cours d'histoire de la Révolution
à l'Université d'Aix-Marseille.
1. M. Crémieux donne lecture de son mémoire sur
La taxe du pain à Marseille à la fin du XIII* siècle. —
Voir MÉMOIRES, n'^XLII.
2. M. Lacoste, ingénieur civil, membre des Académies
d'Aix et du Var, fait une communication sur Les huiles
de Provence et les huiles de Tunisie. — Voir Mémoires,
n- XLIII.
3. M. de Montricher, membre de l'Académie de Mar-
seille, lit un mémoire sur V Union des Syndicats agrico-
les des Alpes et de Provence et son œuvre. — Voir Mé-
moires, n'XLIV.
4. M. H. PÉLissiER, négociant à Aix, membre de la
Société astronomique de France, fait une communica-
tion sur Uoiipier, l olive et f huile d^olive en Provenc .
L*oIivier croît dans tous les départements limitrophes ou
voisins de la Méditerranée, mais sa coliurc est surtout intense
dans la Provence proprement dite. L'arbre, d*un vert cendré,
n'a pas un aspect qui flatte la vue, mais son fruil donne un
produit justement apprécié dans iancîen et le nouveau monde*
Dès Tantiquité» le rameau de Tolivier était le symbole delà
paix; M, Pélissier exprime le souhait qu'il soit adopté comme
emblème par toutes les Sociétés qui travaillent à la pacification
universelle,
Jl donne ensuite des détails techniques sur la culture et la
taille de lolivier, sur ses maladies et les remèdesqull convient
d*y appliquer, sur la récolte et la préparation de l'olive pour la
table, enfin sur sa trituration et sur les procédés employés pour
en extraire Thuile*
5. M. ScHArz, professeur agrégé à la Faculté de droff
d'Aix, étant retenu à Paris comme examinateur et n*ay^ani
pu se rendre au Congrès, M Georges Mer» licencié en
droit, receveur des contributions aux Mées( Basses-Alpes >,
donne une analysedes recherches qu'ils ont faites, lui et
M Eug Curet, avocat à la Cour d'Aix, sous la direction
de leur distingué professeur, et qu'ils ont présentées au
Congrès sous le titre : Études monographiques sur la
concentration industrielle dans la région d%4ix : La
chapellerie et la cordonnerie, — Voir Mémoires, n'XLV.
6. M. Gaston Valran, vice-président de la Section,
n'ayant pu. pour cause de maladie d'un de ses fils, assis-
ter aux travaux du Congrès, le Président de la séance lit
un résumé de son mémoire sur La corporation des cor^
donniers de Marseille en 178g. — Voir Mémoires,
n* XLVI.
7. M. Ch. ViNCENS, trésorier de l'Académie de Mar-
seille, fait une communication sur La coopération et les
sociétés coopératives de consommation à Marseille.
La séance est levée à 5 heures 40 minutes.
Séance du jeudi matin^ 2 août.
La séance est ouverte à neuf heures et demie, sous la
présidence de M. le docteur Perdrix, professeur à la Fa-
culté des sciences de l'Université d'Aix-Marseille, mem-'
bre de l'Académie de Marseille.
1. M. Léon Part, membre de l'Association des sylvi-
culteurs de Provence, présenie, au nom du Président de
cette Association, un mémoire sur Le déboisement et le
reboisement en Provence. Ce mémoire a paru dans La
Revue forestière de V Association des Sylviculteurs de
Provence, i'* année, n" i, p. i5.
2. M. Caillol de Poncy, président de la Société de
photographie, fait une communication sur La photogra-
phie documentaire et le classement des documents.
3. M. Jules Cotte, professeur à l'Ecole de médecine
et de pharmacie de Marseille, tait une communication
sur La pêche des éponges en Provence. — Voir Mé-
moires, no XLVII.
CONGRÈS ~ 8
4. M. Honore Daupiiik, d'Arles, lit une Note sur un
plan d'Arles en 1747, — Voir Mémoires» n" XLVIII.
5. M, Y--A. HoucHART, proprièiaire-viticulteurau Tho-
lonet près d'Aix, membre de la Société d'Èiudes Pro.
vençales, présente un mémoire sur Le déboisement et le
reboisement en Provence. — Cette étude, vu son étendue,
fera lobjet d*une publication spéciale.
6# M. J.-M. NicoLLET, juge de paix à La Bâiie-Neuve
(Hauies-Alpesj, n*ayantpuserendreauCongrès-Son frère,
professeur au lycée Mignet, fait un exposé des faits can-
lenusdans son mémoire sur Les émigrants des cantons
de [m Bâtie-Neuve, Gap et Talard illautes-^lpes).
De tout temps, cette région a fourni beaucoup d'émigranis.
Il y a de ce fait trois raisons principales : le pays offre peu de
ressources» les familles y sont nombreuses, la population est
entreprenante et laborieuse. Pendant fort longtemps, ces émi-
grants se dirigeaient vers les grandes villes voisines. Marseille
principalement, Aix, Grenoble, Lyon, plus rarement vers
Paris. Au wm^ siècle, on en trouve quelques-uns qui vont en
Italie ou en Espagne. Durant le xix» siècle, c'est surtout vers
l'Amérique du Nord qu*ilsse portent.
Mais depuis une vingtaine d*années» un courant s'établit
vers les colonies françaises. Quand les habitants de Chaudun
(canton de Gap) résolurent de vendre, tous à la fois, leurs
terres à TAdministraiion forestière, c'était pour aller fonder
ensemble un village en Algérie. Les habitants de Chàlillon-Ie-
Dcsert (canton de Veyne) eurent la même pensée. Aucun de
ces projets ne s'est réalisé. Mais de nombreux émigrants vont
chaqueannée.soit individuellement, soit en famille, s* établiren
/Vlgérie ou en Tunisie, et même dans des colonies plus loin-
taines, à Madagascar, au Tonkin. En tgoS, cinq familles de
— ii5 —
Montgardin (canton de La Bàiie-Neuve) sont allées s'éubliren
Algérie: une de Sigover (canton de Talard) y est allée en 1904.
Ceux qui y vont individuellement reviennent ordinairement
se marier dans le pays.
Ces émigrants vont, en général, se livrer à l'agriculture;
quelques-uns vont ouvrir des cafés ou des restaurants; un
assez grand nombre de ceux qu'attirent l'Algérie et la Tuni-
sie y vont comme employés de chemin de fer, parce que le
Direaeur d'une des Compagnies est de Gap; à signaler un de
Sigoyer (Virgile Paul) qui était allé à Madagascar pour se
livrer à la capture des bœufs sauvages (il y est mort en igoS).
Ce courant de Témigration vers nos colonies est intéressant
à noter et mérite d'être encouragé; car nos compatriotes y
trouvent un champ aussi vaste pour leur activité et ils y ont
l'avantage d'être soumis à la loi française, de pouvoir parler
la langue française, de contribuer à l'extension et à la prospé-
rité de la France.
7. M. le docteur Perdrix, président de la séance, fait
un exposé de son Nouveau procédé de désinfection ra-
pide et à sec des objets solides. — Voir Mémoires, n* L.
8. M. Alfred Reynier, botaniste, n'ayant pu assister à
la séance, le Président de séance fait part de sa commu-
nication sur La botanique à Aix en-Provence depuis la
seconde moitié du XV I^ siècle. — Voir Mémoires, n°LI.
9. M. Fernand Sauve, secrétaire-adjoint de la Sec-
lion, n'ayant pu assister à la séance, M. J. Fournier, ar-
chiviste-adjoint des Bouches-du-Rhône, présente son
mémoire sur la Topographie et toponymie aptésiennes.
Voir MÉMOIRES, n"* LU.
La séance est levée à 1 1 heures 35 minutes, et le Pré-
sident annonce qu'une réunion générale de toutes les Sec •
tions va se tenir immédiatement dans le grand amphi
théâtre.
>..
SEANCE GENERALE
Le jeudi, 2 août, à 1 1 heures 45 minutes, après la
clôiure des séances de toutes les sections, les congres-
sistes se sont réunis en Assemblée générale dans le grand
amphithéâtre de la Faculté des sciences, sous la prési-
dence de M. F. Belin, recteur de l*Académie, présidentdu
bureau.
Après avoir constaté le succès du Congrès, M. le Prési-
dent dit que plusieurs congressistes, précisément en rai-
son de ce succès, lui ont exprimé le désir de le voir se
renouveler. 11 y a donc lieu d'étudier cette question,
d'examiner si ce Congrès serait anoueK biennal ou trien-
nal, de désigner une Commission chargée d'en prendre
rinitiaiive, quand l'occasion lui paraîtra favprable, et la
ville où se réunira le prochain Congrès.
ITne discussion s'engage à ce sujet, à laquelle prennent
pan plusieurs congressistes. Pour conclure, TAssemblée
décide qu'un Congrès triennal paraît suffisant pour
entretenir des rapports amicaux entre toutes les sociétés
de la région sans surcharger leur budget ; elle désigne
pour faire partie de la Commission permanente les
membres du Bureau du Congrès actuel, laissant à cette
Commission le soin de désigner Tépoque où il sera op-
portun de convoquer un nouveau Congrès et le lieu où
il devra se réunir.
La séance est levée à midi et quart.
SÉANCE DE CLOTURE
La séance de clôture du Congrès eut lieu le jeudi 2 août,
à cinq heures précises, dans la salle des fêtes du grand
Palais de l'Exposition Coloniale, sous la présidence de
M. F. Belin, recteur de l'Académie, délégué du Ministre
de l'Instruction publique et président du Bureau, ayant
à ses côtés MM. J. Charles-Roux, commissaire général
de TExposition; L.-H. Labande, délégué de S. A. S. le
Prince de Monaco; F.-N. Nicollet et J. Fournier, secré-
taires du Congrès.
La salle était aménagée avec le même goût que pour la
séance d'ouverture, et le même orchestre prêtait son con-
cours.
Dès que la séance fut ouverte, M. Léon Cugny, délégué
de l'Alliance scientifique universelle, demanda la parole
et. au nom du Comité central de France, donna lecture
d'un mémoire, où, après avoir fait connaître le but et
l'organisation de cette association, il adressa, en sa fa-
veur, un chaleureux appel à tous les Congressistes.
M. le Président donne ensuite la parole à M. l'abbé
Arnaud d'Agnel, correspondant du Ministère, qui pro"
nonce le discours suivant sur L'utilité pour la vie intel-
lectuelle en Provence (V un congrès périodique des So-
ciétés savantes.
-- ii8 —
DISCOURS DE M. ARNAUD D'AGNEL
Lallocution si littéraire de M. le recteur Belin, notre cher
président, les mots aimables et flatteurs de M. Labande, délé-
gué de Son Altesse le Prince de Monaco, les toasts chaleureux
de l'organisateur de l'Exposition Coloniale, du vice-président
du Conseil général des Bouches-du-Rhône, de M. le D'Heckel,
commissaire général adjoint de TExposition, tous ces témoi-
gnages de sympathie, ces éloquentes félicitations disent haute-
ment la joie qu'apporte à tous un événement extraordinaire
par sa nouveauté, le Congrès des Sociétés savantes du Sud-Est.
Des horizons les plus lointains de la campagne provençale
accourent des moissonneurs. Il en vient des rives du Rhône et
des bords de TArgens, du flanc de TEsterel et des plateaux des
Alpes. Jeunes et vieux apportent sur leurs épaules de belles
gerbes d'or. Amoureux de leur culture, ils se sont dit : * Afin
de jouir davantage du fruit de nos sueurs, nous mêlerons tous
nos épis sur une aire commune et ensemble nous les bat-
trons pour en faire jaillir le froment».
Cotte manifestation de la Provence intellectuelle cause une
joie d'autant mieux sentie qu'elle n'est pas sans surprise. Me
p>ermcttez-vous d'esquisser la psychologie de cet étonnement,
d'en noter les principaux motifs? C'est le moyen, n'est-ce pas,
de préciser» en réclairant, la conscience peut-être trop vague
que nous avons de nos énergies latentes.
.\grcablement surpris, mais surpris cependant, nous le som-
mes tous à dos degrés diversion constatant le nombre relative-
ment considérable des sociétés littéraires et scientifiques du
midi de la l'rance.
Ces Socicics ont sans doute entre elles des échanges de pu-
blications, des rapports otliciels. mais ce commerce en fait-il,
sinon des sunirs ou des amies, au moins des connaissances
sérieuses? Par routine» disons le très bas. par amour-propre
ègoisie, chacun de ces organismes ne s'intéresse qu'à sa pro-
— iig —
pre activité. 11 vit individuellement sa vie peiite ou grande,
sans nul souci de celle des autres. Ces nobles personnes cor-
respondent entre elles à des intervalles réguliers et se font des
présents, mais ce sont là formules sèches et cadeaux de pure
convention.
En réalité, on se salue de loin et Ton s'écrit de temps à
autre, quelquefois depuis dix et vingt ans, mais en dépit de ces
relations anciennes, l'on s'ignore, sans même songer à se con-
naître.
Par coquetterie, je le suppose, les corps savants de la région
ne se sont pas comptés, de peur de se trouver en nombre trop
infime. Sous l'impulsion vigoureuse donnée à toute la Pro-
vence par l'Exposition Coloniale de Marseille, cette crainte
illusoire a été enfin maîtrisée. Le dénombrement vient de se
faire. Au lieu d'un chiffre ridicule, ce sont soixante-quinze
compagnies de toutes espèces, académies, cercles et athénées,
qui semblent sonir du sol, comme autant de fleurs, jusque
dans les régions les plus reculées. Des villes de quelques mil-
liers d'âmes, Forcalquier, Digne, Barcelonnette et Draguignan,
possèdent des Sociétés florissantes.
Cette multitude dégroupements distincts est de nature à sor-
tir les plus sceptiques de leur apathique ironie. ^N'est-elle pas
une preuve palpable de la vitalité intellectuelle de la Provence?
Mais n'est-clle pas en même temps qu'un gage d'espérance, un
sujet d'alarmes ? Il y a un péril et des plus graves, dans la créa-
lion ininterrompue d'associations nouvelles. Les fondateurs
d'oeuvres de ce genre devraient, avant toute démarche, se de-
mander, ou plutôt s'enquérir auprès de personnes compéten-
tes, si la fin qu'ils prétendent atteindre n'est pas déjà poursui-
vie par des Sociétés existantes? Pourquoi dresser, au détriment
de la science, autel contre autel ? Pourquoi ne point essayer
d'une fédération de tous les corps savants? Tout en ne rien per-
dant de leur individualité, de leur physionomie caractéristique,
les divers groupes, en s'unissant les uns aux autres, sans se
fondre ensemble, doubleraient leurs forces et assureraient leur
— Î20 —
avenir. La crainte d'êirc amoindris, sinon supplaniés par de
nouveaux venus, n'aurait plus de raison d'éire.
Il convient d'en faire I aveu : la difficulté principale, la pierre
d*achoppement que rencontre ce dessein est l'amour-propre de
plusieurs compagnies savantes.
A force de vivre d'une existence égoïste et fermée, elles
éprouvent une sorte de répugnance à se lier fraternellement
d'aiïcction et à s'essayer à une oeuvre commune. Cette répu-
gnance est cependant moins invincible qu elle paraissait Kétre
lors de la perspective offerte par la Société d*Etudes Provença
les, d*une république fédérative où auraient pris place, chacun
à sa'guise, tous les beaux esprits de Provence.
Avec quelle tiédeur furent accueillies ces propositions discrè-
tes, ces premières ouvertures !
Sans doutCt cette réserve était de bon ton, elle s'imposait
entre gens de qualité et de mérite qu'une rencontre heureuse
n'avait pas encore rapprochés,..
Puis» en ne prêtant loreillc qu'à ses travaux personnels ou
à ceux des collègues de sa ville, on perdait trop de vue cette
étude générale de la Provence, à laquelle tous les Provcn^'aux
doivent s'intéresser pratiquement.
On oubliait que la monographied'un village, l'histoire d'une
cité, la dissection d'une plante ou dun insecte n'ont de prix
qu autant qu*ellcs contribuent à faire connaître ce pays mer-
veilleux dont nous sommes les fils de naissance ou d'adoption,
et dont nous aspirons tous à devenir les chantres. En étudiant
les poèmes de Mistral, en fouillant les oppida gréco-ligures, en
arrachant à nos archives leurs secrets, c'est pour la Provence
que l'on travaille, pour la Provence que l'on se passionne, et,
par derrière elle, pour la patrie dont elle est l'image réduite»
mais combien tidèle et combien gracieuse!
Il reste encore à vous signaler deux motifs de surprise. Le
premier est l'entente cordiale entre les Congressistes. L'échange
des idées s'est fart activement, mais sans lièvre, ni délire. Les
discussions se sont poursuivies en paroles franches» mais lou-
— [21 —
fCKirs de bon aloi. La communauté de sentiments a suivi d'ail-
leurs celle de pensées. Si les cerveaux se sont frottes les uns
contre les autres, suivant le mot réaliste de Montaigne, les
mains se sont serrées bien fort et les cœurs se sont compris à
leur manière. Pour s occuper de métaux ou de roches. Tamitié
entre savants n'en demeure pas moins tendre, et pour parler
verre ou Jaïcnce, elle n'en est pas plus fragile. Tous tes cœurs
om vfbfc du même enthousiasmeront partagé les mêmes espé-
rances.
Mats avant de vous parler de cet espoir et des moyens de
travailler dès maintenant à sa réalisation, je dois vous dire
notre dernier sujet d'étonnement.
Cest la solidité, la valeur incontestable de la plupan des
communications admises à la lecture.
le regrette qu'il ne rentre pas dans le plan de ce discours de
citer des noms de collègues, le titre de leurs études respectives.
Ce regret s'adoucit en pensant à Timpossibilité de faire, en
toute justice, une sélection parmi tant d œuvres remarquables.
ILcs rapports ne sont pas, comme certains pourraient le
Dire, des badinages littéraires ou des redites d'archéologie cl
titstotre. En ce pays, il y à assez de savants consciencieux» de
^^oxheurs armés de patience pour continuer d'interminables
enquêtes et doués par surplus du sens critique nécessaire pour
oe pas exagérer leurs découvertes ou en fausser la signification.
Le bureau du Congrès a été agréablement surpris par laf*^
fluence des messages scientifiques qui lui arrivaient de toute
pan. Quatre-vingt-huit mémoires parvinrent ainsi, apportant
avec eux une moisson de documents inédits et d'observations
originales* Ce butin, nous le devons à un coup d audace, dont
le triomphe légitime seul la témérité.
A Tejcaminer attentivement, cette manifestation de vie dont
flous sommes les témoins est surprenante de spontanéité et de
grandeur. Les membres de cette laborieuse assemblée se trou-
vent réunis ici comme par enchantement. Qu'ils y soient ve-
nus d*un commun accord, pousses par une mystérieuse atti*
^ Î22
râfice» je puis l'admettre, mais commeni expliquer qu'ils y
soient venus les mains pleines de trésors insoup^^onncs?
Nous avons le droit. Messieurs et chers collègues, de nous
réjouir des résultats de ce Congrès, d'en concevoir un légitime
orgueil. Des esprits envieux et chagrins auraient mauvaise
grâce à nous le contester. D ailleurs, quand la réussite est écla-
lanie, satisfait ou mécontent» tout le monde s'incline.
Mais que les délices de l'heure actuelle ne fassent pas oublier
revenir I Faisons face à la réalité. 11 serait criminel de taire le
devoir qu'impose cette première réunion plénière des Sociétés
savantes du Sud -Est. Ce réveil intellectuel de la Provence ne
doit pas être un fait isolé, mais le point de départ de Congrès
périodiques. Qu'on ne nous accuse pas une fois de plus de man-
quer de cette qualité sans laquelle toutes les autres ne sonl
rien, la persévérance. Cette obligation, aujourd'hui tous la
reconnaissent et s'y soumettent de grand cœur. Plus tard, en
sera-t-il de même?
Charmé d'avoir fait connaissance et d'avoir discuté entre
eux d'intéressants problèmes en des causeries intimes, les
Congressistes n'ont qu*un désir: se revoir bientôt et reprendre
des conversations dont la matière est inépuisable. Que dts-jc\
au lieu de se séparer ce soir ou demain, Ion voudrait pouvoir
vivre côte à côte et travailler en commun.
Mais quand chacun de nous aura repris ses occupations
familières, ses habitudes favorites, l'influence du milieu ur-
dcra*t-elle à paralyser de nouveau notre iniiiaiivc? LesSociélcs
proventy'ales se souviendront longtemps de ces fêtes splcndîdcs
de Vintelligence dont Marseille est le théâtre. Leurs membres
en reparleront avec une certaine mélancolie.
Pourquoi se le dissimuler? Celte belle assemblée d*hommcs
d'études ne se reformera plus, si les corps savants de la Pro-
vence ne s'entendent pas« dans le plus bref délai possible,
pour fonder un comité d'organisation permanent, en vue d'as-
surer la pérennité d'un Congrès périodique, auquel ces diverses
compagnies s'engageraient à prendre part* Un tel comité csi
— 123 ~
nécessaire pour rendre viable cette institution. A ses membres
peu nombreux, choisis parmi les plus actifs, incombera le soin
de préparera l'avance les prochaines assises littéraires et scien-
tifiques.
Quelques-uns seraient partisans d'un Congrès annuel. Je
redoute que leur zèle très louable ne soit incompris, et qu'en
montrant tant d'exigences, ils ne découragent leurs collègues.
En voulant tout gagner, l'on s'expose à tout perdre. C'est pour
ne pas tenir compte de cet adage du bon sens populaire que
tant de créations intellectuelles sont des œuvres mort-nées.
Une Société ne dure qu'à la condition de ménager ses forces
et ses deniers. Promettre peu et donner davantage, telle doit
être la devise des groupements scientifiques, comme des asso-
ciations financières et industrielles. C'est pour avoir voulu ser-
vir à leurs lecteurs un numéro mensuel que les directeurs
successifs de plusieurs Repues de Provence ont été contraints
d'arrêter leur publication.
Nos savants, j'en suis sûr, se rangeront à l'avis d'un Congrès
biennal, peut-être même triennal. Espacer ainsi ces réunions
dans le temps, sera leur donner plus d'importance. Rares, elles
seront remarquées; fréquentes, elles passeraient inaperçues.
Pufs l'on pourra les organiser avec plus de sollicitude et agir
avec moins de parcimonie. Les Sociétés, c'est une considéra-
tion capitale, n'auront pas à grever leur budget plutôt maigre
d'une charge trop lourde. A ce propos, la dépense pécuniaire
est-elle une objection contre la fixation définitive d'un Con-
grès périodique? Oui, si cette réunion doit se tenir annuelle-
ment; non, dans la seule supposition possible d'assises bien-
nales. Les frais, dans ce cas, seront couverts, en partie, par les
subventions des communes et des Conseils généraux, secours
que ces administrations ne peuvent pas refusera une institu-
tion peu coûteuse et dont l'utilité se démontrera d'elle-même.
Il est invraisemblable que ces subsides soient refusés de
parti-pris à des érudits consciencieux et désintéressés, alors
qu'ils sont distribués si libéralement à des clubs sportifs de
— 124 —
'toute espèce. ïl ne sera pas dit qu'en Franœ^^^oyç^?
lumière, les municipalités s'intéressent à la gymnastique du
corps au détriment de celle de l'esprit. Nous trouverons dans
nos édiles le soutien matériel; d'ailleurs, le cas échéant, des
quotités modiques pourraient y suppléer; ce moyen serait, il
est vrai, le dernier à employer, la ressource suprême.
Un autre élément de succès, c'est Tappui moral de savants
de premier ordre* amis éclairés des gens et des choses de Pro-
vence, fervents admirateurs de son passé.
La communication de M. Camille Jullian, correspondant de
l'Institut, professeur au Collège de France, n*a pas été simple-
ment pour nous un régal intellectuel, un mets exquis et déli-
cat, mais un encouragement sans prix, un appel à mieux faire.
A entendre parler du passé de son pays avec tant d élo-
quence, on s en éprend davantage, M'autorisez-vous, moi l'un
des moins méritants, à lui exprimer, en notre nom à tous,
avec notre tristesse de ne pas le compter parmi nous, Témo-
tion profonde que nous avons ressentie à la lecture de ces
pages où la perfection du style, unie au savoir archéologique le
plus étendu, rappelle Fauteur émineni de Vercingétorix et de
G a m a ?
Les avantages du Congrès ne consistent pas uniquement en
la satisfaction un peu platonique éprouvée par des gens de
goûts semblables à se trouver réunis ; le prolit en est plus pra
tique. C'est une meilleure utilisation de tous les efforts.
Se tenir au courant du labeur des autres, n est-ce point éviter
une perte de temps en des rechQrches déjà faites ou en voie de
se faire? N'est-ce pas s assigner à soi-même une tâche vraiment
personnelle et par le fait utile à tous?...
En approfondissant un point particulier d'histoire ou de
toute autre science, Tauteur apprend fortuitement, en dehors de
Tobjet immédiat et direct de son étude, une foule de détails
accessoires, mais intéressants en eux-mêmes. Ce sont ces
à-cùtés de la question dont il peut faire proliier ses collègues.
— f2> —
ICC. ncn de plus a pic a le procurer que ces grandes
réunions iniellcciuclles deiouic une province.
Dans un remarquable article intitulé : VArchéoiogie ligure,
une enquête à/aire, M. Michel Clerc écrit ces lignes si juJi-
cieuscîi : <t Chez nous, je veux dire en France, chacun travaille
de son côté, sans s'inquiéter de ce que fait le voisin et au ris-
que de refaire des choses déjà faites, ou inutiles. Notre indivi-
dualisme excessif nous empêche de constituer ces groupements
d'où sont sorties autrefois des œuvres colossales, comme celles
des Bénédictins. Et, certes, je ne rêve pas de ressusciter des
temps à jamais passés et des mœurs à jamais disparues. Mais
je voudrais qu'au moins nous prissions quelque peu modèle
sur ce qui se fait ailleurs que chez nous, par exemple, en Alle-
magne. Là, chaque professeur d*hisloire d'une Université
groupe autour de lui un petit noyau d étudiants qui consen-
tent à travailler sous sa direction, c'est-à-dire à étudier les qucs-
^ lions dont il leur indique Inutilité étales étudier d'après un
^^^■j^ ni forme.
^^^^C'csi ainsi qu a pu être menée à bien, entre tant d*aulrcs
entreprises, l'immense reconstitution de ce qu'on appelle le
limes allemand.
•ç Ce qui nous manque, cette conclusion est a méditer, ce
n'est pas précisément le nombre des travailleurs, c'est de sa-
voir organiser notre travail î».
Je ne crois pas que les vœux émis par M. Clerc soient jamais
remplis. On en admire la justesse et l*à-propos, mais on s'en
tient là. De même que TAllemand n'aura jamais le génie vul-
garisateur du Français, celui-ci en revanche lui enviera tou-
jours son esprit d'or^ijanisalton dans les vastes entreprises
scientifiques. Cette influence, pourtant si naturelle, d'un pro-
fesseur sur ses ex-disciples ne se rencontrera chez nous qu'à
Tctai d'exception, elle ne saurait être érigée en principe.
Une vanité aussi sotte que ridicule fait que l'on répugne à
jouer le rôle de satellite, fût-ce dun astre de première gran-
deur.
^^6 —
ix Uuerateur d'occasion, ou Tamaieur de sciciKt
bien recevoir quelques leçons, mais sans les solliciter et en se
plaçant au même niveau que son maître.
11 le peut dans un Congrès, L'aiteniion complaisante prêtée
à la lecture de ses travaux personnels, l'auiorise à écouter les
remarques faites à leur sujet, lui en fait même un devoir de
pure politesse.
Quelle excellente occasion pour des savants de travailler,
sans en avoir l'air, avec mille ménagements, à la formation
scieniifiquedes rapporteurs. A propos dedissertalions verbeuses,
de thèses â priori, de conclusions hâtives, ils rappelleront les
règles de la critique moderne. Pourquoi n'indiqueraicni-ils pas
dans leurs propres communications, comme Ta fait M. Michel
Clerc dans larticlc cité, les enquêtes à faire et les méthodes à
suivre. Personne ne pourrait en prendre ombraije puisqu'ils ne
feraient qu'user d*un droit commun à tous.
Messieurs, le projet que je vous demande de faire aboutir
esi'il réalisable? Étourdis parles splendeurs de celte fcic, ne
poursuivons-nous pas un rêve en cherchant â la renouveler
dans un avenir plus ou moins prochain?
Deux entreprises passaient aussi* avant leur mise en train,
pour de séduisantes chimères : l'une n a qu'un champ d'action
limité, lauire un rayonnement indéfini, mais toutes deux sont
si près de nous et d'un intérêt si palpitant que je ne résiste pas
au plaisir de les donner en exemples. Ce sont des stimulants
capables de rendre les timides confiants, et les courageux héroï-
ques.
Quel superbe déti jeté aux pusillanimes que le développe»
ment de la Société d'Études Provençales! Fondée ofticîcUc-
ment en janvier igoS, le nombre des adhérents n'était alors
que de 70. Mais dans un rapport lu à l'assemblée générale de
cette Société, le 27 décembre 1904, M. Nicoliet a la satisfaction
de constater que le nombre en est alors de 171. dont 9 mem-
bres perpétuels, i5o membres titulaires et 12 bibliothèques
abonnées. En un an. la nouvelle association avait reçu plus de
— 127 —
loo adhésions, elle avait presque triplé la liste de ses membres.
Une croissance si merveilleuse pouvait inspirer quelque soup-
çon en inclinant à croire à une extension factice, à des recrues
d'un jour. Non seulement les Études Provençales n'ont pas eu
à regretter de défection, mais elles se sont félicitées de recevoir
plusieurs érudits de marque. Il semble qu*une divinité favo-
rable recherche dans toute la Provence les personnalités litté-
raires et scientifiques, pour les lui présenter le plus gracieuse-
ment du monde. J*en ai l'hallucination, Minerve, Apollon et
les Muses se mettent à parcourir notre pays, frappés de sa res-
semblance avec la Grèce. Épris d'un passé dont ils furent les
inspirateurs et les dieux tutélaires, ils veulent le faire revivre
sur le sol de l'antique territoire de Massalia. De toutes les dé-
couvertes de leurs cerveaux féconds, la Société d'Études Pro-
vençales est l'une des meilleures.
Un second exemple, et je n'en sais pas de plus saisissant,
c'est l'Exposition Coloniale elle-même, l'occasion inoubliable
de notre première rencontre entre savants provençaux. Malgré
ses proportions colossales et son aspect merveilleux, nous nous
sommes si bien habitués à cette exposition par la ferveur de
notre enthousiasme et par la conscience qu'elle est marseil-
laise à tous égards, que nous en venons à oublier sa création
récente. Ces palais si grandioses, ces pavillons indigènes d'ar-
chitecture et d'ameublement et par le fait si pittoresques, ces
collections complètes et méthodiques, ces mille enchantements
du regard ne sont pas sortis de terre d'eux-mêmes. Avant de
reposer sur notre sol, ils étaient cachés depuis longtemps der-
rière le front d'un homme d'intelligence et d'énergie. Ils étaient
là aussi beaux, aussi vivants qu'aujourd'hui, mais beaux et vi-
vants d'idées, de sentiments et d'images.
Messieurs, y avez-vous réfléchi, n'est-ce pas un prodige
qu'il se soit rencontré quelqu'un d'un esprit assez puissant
pour concevoir de si vastes projets et d'un vouloir assez persé-
vérant pour les faire passer, en dépit de toutes les oppositions,
de son cerveau dans la réalité extérieure ?
Messieurs, que lont d'audace et de succès nous encourage à
poursuivre sans relâche et sans défaillance la réalisation d'en-
treprises modestes, mais utiles entre toutes.
Le meilleur stimulant de notre labeur intellectuel est le
champ d'études oiïert par la Provence. Plus on le cultive et
plus ses horizons s'éloignent. Son immensité, dont nous avons
maintenant conscience, exige des travailleurs actuels un redou-
b!emcnt d enerfjie. Elle appelle aussi de nouveaux pionniers de
1 érudition locale. A noire tour, mais avec une vue plus claire
et plus précise qu on ne lavait jadis, nous constatons les négli-
gences et les erreurs de nos devanciers en histoire et en archéo-
logie. Le sens critique nous exagère leurs fautes et les multiplie
à rinfrni. L œuvre à faire nous paraît colossale, c'est à la fois
la recherche de Tinconou ei la mise en question de résultats
soi-disant acquis.
A propos de révision d*ouvrages. M, Victor Jean, vice-pré-
sident du Conseil général du département, dans un toast très
applaudi, attirait l'attention de tous sur la Statistique des
Bouchea-dU'Rhône, publiée sous la Restauration. Cet avocat
distingué en souhaitait vivement la refonte,
L*exécution d'une telle entreprise demande sans doute un
comité d'édition d'un nombre de membres nécessairement
restreint, mais elle exige aussi la collaboration anonyme de
tous les crudits méridionaux. C'est grâce aux correclions et
aux découvertes faites sur place et par des habitants de Tco-
droit que les auteurs de la nouvelle Statistique pourront
faire une encyclopédie du savoir provençal.
On lit dans un registre de la Cour des comptes de Provence
le récit d'un fait tellement extraordinaire qu'il parait invrai-
semblable. C'est la découverte fortuite à Tourves d'un trésor
de monnaies massalioties (i). L^événemeoi eut lieu le 12 [uîa
r366. Le narrateur le raconte ainsi. Vers nçuf heures du ma-
(j) H. Ds GlniN-iiiCâPLi et abbé A^n^ud 0*Ac«m Reime numismâtiqm^^i_
i9o3p p 164,
I2t)
tift, des entâfiTS vinrent en jouant réveiller un jeune berger qui
faisait paître ses brebis au bord du chemin public qui se trouve
entre le viila^e de Tourves et le château de Seysson. Au mo-
ment où le pâtre se retournait pour voir qui le hélait, les en-
tants aperçurent tout à coup des pièces d'argent qui sortaient
du sol par un trou d'abord si petit qu'on pouvait à peine y pas-
ser les doigts* Ayant bouché le trou avec leurs mains, les mon-
naies se mirent à jaillir un peu plus loin d*un autre trou, telle
l'eau d'une Tontaine, et en si grande quantité que les habitants
du village en emportèrent dans leurs bourses, leurs poches et
jusque dans leurs tabliers, de quoi former la charge de vingt
mules. Sur ces entrefaites, une femme survini, qui fendit la
ioule en criant : * Ma part ! Ma part ! ^, mais au moment olj
elle se disposait à prendre son lot du trésor, celui-ci disparut
soudain.
Messieurs, des richesses autrement précieuses, puisqu'il s'agit
des biens de la science, de données intéressant tout le passé
de notre chère petite patrie, sont enfouies dans le sol proven-
HKal ou au fond de nos archives, nous les conquerrons et nous
^^Kfi emporterons chacun de quoi remplir plusieurs volumes.
^H A coup sûr. il y faudra peiner davantage que les habitants de
^^frourves, la fortune scientitique, de même que la fortune ma-
^"térielle. ne saurait venir en dormant; mais les ouvriers sont
autour de nous, ils ont toute Thabileté, toute la science, toute
la persévérance requises pour mènera bien une œuvre gran-
diose que nous voudrions être la conclusion pratique de cet
inoubliable Congrès et la récompense de ses organisateurs.
Après que M. Tabbé Arnaud d'AgncI a terminé, M. Jules
Charles-Roux, commissaire général de TExposiiion Co-
loniale^ président d'honneur du Congrès, prend la parole
et prononce le discours suivant :
CONGHit — 9
DISCOURS DE M. J. CHARLES-ROUX
MoNSItlUB LE ReCTELîR,
Messieurs,
Je suis aussi heureux que flatLé d'avoir à prendre la parole
devant celte assemblée d'érudits ei de lettrés, amoureuv de
notre chère Provence, de ses usages, de sa tangue, de sa liité-
raiure et de ses arts ; devant i*é minent Recteur de rUniversiié
d'Aix-Marseilie, Thonorable M. Belin, qui, depuis de longues
années» consacre son grand savoir et son inaltérable dévoue-
ment h la culture îniellectuelle de notre région.
Nous vous remercions d'avoir jugé que l'exposition Colo-
niale de iMarscîllc, demeurant par plusieurs côtés une mani-
festation provençale, était une bonne occasion de réunir tous
les groupes provençaux ou amis de la Provence» et d'affirmer
amsi la vitalité de notre petite patrie.
En %'ous offrant l'hospitalité au sein même de notre Exposi-
tion, au milieu des palais de nos Colonies d'Afrique, d'Asie et
d'Amérique, lidèles interprétations des diverses architectures
de ces régions lointaines, au milieu de leurs indigènes» de leur
faune, de leur fiore et des multiples produits de leur soi nous
espérons que vous voudrez bien marquer quelque intérêt aux
résultats des trente années d elîbrts poursuivis par les colo-
niaux, malgré vent et marée, avec autant de foi que d énergie,
de persévérance, de méthode et d'esprit de suite; nous espé-
rons que vous ferez bon marché de cette légende, — propagée
et entretenue avec un soin jaloux par nos concurrents,—
« que les Français sont dépourvus du génie colonisateur w.
Vous prouverez ainsi une fois de plus que le culte de la
science, des belles-lettres et des arts, n'exclut point celui des
questions économiques etque les bons citoyens, quels que soient
— i3i —
leurs goûis eî leurs professions respectives, savent mutuelle-
meni se tendre la main pour coHaborer à la prospérité et à ia
grandeur de leur pays,
Permetiez-moi de vous rappeler. Messieurs, qu'au lende-
main de nos désastres de 1870. quand la patrie mutilée sai-
gnait de toute part, c'est la politique coloniale qui a re-
trempe les cneri^ies, relevé les courages, rallumé dans les âmes
le goùl de raciion et de la vie. Si elle a eu ses héros, elle
compte aussi ses martyrs, et le rapide développement de notre
Empire d'Outremer, avec ses 5o millions d*habiianis, — œu-
vre de nos hardis explorateurs et de notre vaillante armée.
guidés par des chefs éminenis, — constitue le principal lîîrede
gloire de la troisième république» et, pour ainsi dire, noire re-
vanche morale.
Si Tœuvre coloniale est âpre et rude. Messieurs, il n'en
existe pas de plus passionnante ni de plus belle.
Coloniser, c'est se mettre en contact avec des races et des ci-
vilisations nouvelles; c'est se mesurer avec la complexité des
problèmes que soulève la diversité infinie de la nature et de
la vie; «c'est se renouveler en créant », suivant Theureuse
expression de M* Leygues, Ministre des Colonies; c'est accroî-
tre le capital national et le capital universel, en allumant sur
tous les points du ^toble de nouveaux foyers d'espérance, d'ac-
tivité et de force; c'est accomplir l'œuvre de solidarité humaine
la plus haute, car la colonisation qui n'aurait pas pour but et
pour résultat d'élever en dignité et en bien-être les peuples
conquis ou pacifiquement pénétrés, serait une œuvre j;rossière
et brutale» indigne d'une grande nation.
Dans cette Exposition, Messieurs, notre ambition n'a pas été
uniquement de mettre en relief les quelques idées que je viens
de résumer, d affirmer la puissance industrielle, commerciale
et maritime de notre port et de légitimer notre prétention d'être
U met rofïole coloniale de la France. Nous nous sommes pro-
posés en même temps de taire œuvre scientifique, artistique^
a^f icoie et dt centralisatrice.
-- l32 -
Œuvre scientifique^ par rExposition rétrospective de Tindus*
trie des corps gras, doai Marseille a été le berceau et où nous
avons mis en pratique les découvertes des Chevreul, des Ber-
tliclot et des Haller ; par l'Exposition internationale d'Océa-
nographie, science nouvelle, appelée à rendre de signalés ser-
vices à nos marins, a nos pêcheurs, dont le principal initia-
leur a été S. A, S. le prince de Monaco, et dans laquelle les
nations étrangères, — il faut malheureusement le constater, —
nous ont sini^ulièrement devancés.
Œuvre artistique, en groupant dans le palais du ministère
des Colonies les tableaux de nos principaux peintres orienta-
listes, anciens et modernes; ^ en organisant une Exposition
rétrospective d'Art provençal, ou tableaux, marbres, meubles,
Taïences, verreries et bibelots de tous genres prouvent élo-
qucmmcnt que la Provence n'a jamais cessé d'être un foyer
artistique bien vivant.
L'agriculture, larboriculture et Fhorticulture jouent un trop
grand rôle dans les colonies et dans la métropole pour qu'il
nous fût permis de les négliger. Nous leur avons donc attribué
une large part. Sous Fhabilc direction de mon collègue, le
docteur Heckel, assisté de iM. Claude Brun et de rintelligcntc
pléiade de nos horticulteurs provençaux, nous avons réuni
dans nos jardins et dans nos serres de multiples échantillons
de nos plus belles plantes tropicales. Nous avons procédé à de
nombreux concours de légumes, de fruits et de fleurs, qui ont
obtenu un légitime succès et nous nous sommes fait un plaisir
de recevoir les Congressistes de l'Union des Syndicats agricoles
de Provence et des Alpes, présidés par mon émincni confrère
à TAcadémicde Marseille, le Marquis de Villeneuve-Trans.
Aumoisde Septembre, avec Taidede la Compagnie P.-L.-M..
aura lieu un concours d'emballage et vous n'ignorez
ccriainemcni pas. Messieurs, Timportancc de remballage
au point de vue du transport des primeurs et des fruits, non
seulement d'Algérie, mais des colonies des Antilles et de la côte
Occidentale d^Afrique.
^ i33 -
fous nous efforçons, en un mot, de mettre en pratique la
belle et \ieille devise : Omne tulii ptinctum qui ffiiscuit utile
du Ici,
Entin. dans un pavillon» d'apparence modeste « lou mas de
santo Esiello »< sous l'égide de l'éioile à sept rayons du fcli-
brigc. nos meilleurs maîtres provençaux ont peint des diora-
mas de nos villes les plus riches en souvenirs historiques, de
nos sites les plus pittoresques : Aix, Arles, Avignon, les Marti-
gues» Marseille, la Sa in te- Baume et les Baux. Contre les murs du
^ Mas »« loui auiourde la vieille cheminée eidu ^ Cremasclc i*.
sont suspendus les objets familiers à nos pères, avec Tindica-
ijon de leurs noms en provençal.
Il existait une lacune dans notre programme et vous avez
bien voulu vous charger de h combler.
Nous avions été impuissants à rendre, par une Exposition,
le pieux hommage que nous devons à la littérature provençale
ci vous êtes venus, Messieurs, vous, les représentants autorisés
de nos Sociétés Savantes. — ces vestales qui entretiennent en
province le culte du Vrai, du Beau et du Bien, — vous êtes
venus nous apporter le Iruit de vos travaux» faire entendre la
noie qui manquait à notre symphonie et jeter sur notre tenta-
tive de décentralisation l'cclai de vos paroles éloquentes.
Veuilles être assurés de toute notre gratitude.
Ah! Messieurs, la décentralisation, dont on parle toujours
ms jamais la réaliser ! — Quel mirage décevant ! — Et pour-
Fiant» notre tentative ne prouve-telle pas une fois de plus que
la province dispose de ressources lui permettant de faire œuvre
mile par elle-même et que Paris n*est pas obligatoirement le
siège de toute manifestation sérieuse et instructive? Personne
nDoins que mot. Messieurs, nest disposé à contester à Paris
sûQ titre de capitale, et personne n'en est plus tier; maispour^
^quoi convertir Paris en une sorte de Minotaure ? Pourquoi
Ériger en principe qu'on ne peut rien tenter ni rien obtenir en
dehors de Paris ? Si notre capitale cessait d'être un objectif in-
dispensable pour les penseurs, les lettrés, les savants, lesartU-
ï, on v^jrrait si la province tarderait à jouer un rôle prépon-
dérant dans le mouvement intellectuel de la nation ; on ver-
rail même si les produits de toute nature ne présenteraient pas
une originalité plus marquée, une saveur nouvelle. Et, si je me
permets d*être aussi affirmaiif, c'est que je me borne en somme
a répéterce qu'ont dit, avec rautorité s'atiachant à leurs noms,
des hommes tels que Tallcyrand, Condorcct, Royer-Collard,
Guizot» Victor Cousin, Duruy. Renan» Challemel-Lacour»
Liard, etc. Notre aimable sous-secrétaire d'État aux Beaux-Ans
aciuel, lui-même, M. Duiardin-Beaumetz, parle, de temps en
temps, de la décentralisation avec infiniment d'éloquence,
comme s'il y croyait, et aux applaudissements répétés de ses
auditeurs. .- Mais, autant en emporte le vent. *i Ei verba et
wcw, prœtcreaque nihîL >
Cependant, malgré la pression, fi ncitatîon parisienne, l'es-
prit dcceniralîsatcur ne tend-il pas quand même à se dévelop*
pcr et n'en irouvc-i-on pas des preuves évidenies sur les divers
points du territoire?
Pendant que Tàmc j^recqucsc réveille et s apothéose au théâ-
tre antique d*Oranf^e,où les fèies de cette année nous promci-
icni de nouvelles et grandioses émotions ; — que les arènes
de Bcziers prêtent leur vieux cadre de sanfi et de gloire à ta
VcxialciSc Spontini ; — que la Joule enthousiaste de Nîmes se
presse sur les gradins de son amphithéâtre, comme aui fours
lointains du peuple^roi, Vàmc celtique surgit du vieux sol,
foule y*ar les vierges druidesscs cl par les blondes fées de l'Ar-
mor, cl semé encore de dolmens et de menhirs. On vient
d'exécuter il Saint-Brieuc, en présence des bardes de Bretagne
et de Galles, ladmirablc choeur des /k'wx BretagneSt de Thiel-
mans, et de célébrer les curieuses cérémonies bardiqucs, dans
ce pays voué, semble-t-il. par Chateaubriand à une éternelle
mélancolie, dans ce pays « où même un air de (été ne va pé%
joyeux jusqu'au bout i».
Si nous allons vers le Nord» nous voyons qu'à Tourcoing a_
heu cti ce moment une Exposition industnelle, à laquelle d*ii
i35
îelUgents organisateurs ont joint une f^xposition ariisiique,dé-
monirani ainsi qu'on ne voisine pas impunément avec les
Flandres*
Bordeaux prépare pour Tan prochain une Exposition mari-
lime, sous le haut patronage du vaillant amiral Gervais. prési-
dent de laLiiîue maritime française.
Enfin, ce que iMislral a su accomplir à Arles» Maurice Bar-
res rêve de le réaliser à Belfcrt. en réunissant sur ce lambeau
de terre française les souvenirs toujours vivants dans nos cœurs
d'Alsacc-Lorraine,
Ces tentatives de décentralisation, ces affirmations de la Pro-
vince, se produisant au Midi comme au Nord, à TOuest et à
l'Est» donnent grandement raison au mot si profond de Rc-
iran, qu'il est plus opportun que jamais de méditer: *t Le respect
des aïeux est la grande loi des vrais hommes de progrès ».
n ne faut donc pas perdre courage, Messieurs, et, en atten-
dant la réalisation d'une réforme» que les hommes de ma gcné-
raiian ne seront certainement pas appelés à célébrer, mais qui
est peut-être moins éloignée qu'on ne le suppose, continuons un
peu notre œuvre de Pénélope. Obéissante un'seniiment peut-être
égoïste, demandons-nous «i nous sommes si fort à plaindre
dan» notre recueillement, notre oubli provincial ; s'il n*cst pas
doux d*avoir le temps de reporter nos regards en arrière pour
vivrcavcc le passé, compulser nos vieilles archives et rêver
tout à notre aise« dans une aimosphèretranquille cl reposante ;
sous les voûtes de la Méjancs, les arbres séculaires du cours
Mirabeau ou au pied de la fontaine du bon Roi René, — au mu-
sée Calvet, sous les remparts d*Avignon et le palais des Papes. —
au Muscon Arlaten et sous Tantiquc allée des Alyscamps, —
à Montmajour, aux Baux, à la Sainte-Baume et dans la basili-
que de Saint-Maximin, — ou dansune des calanques de notre
golfe, de cette Méditerranée, dont les eaux, rayées parle vais-
seau d'Ulysse, ont baigné les pieds de toutes les idoles de la
Grèce, « dont les sillons mouvants virent flotter les trirèmes
m d*Haniilcar et les nefs pompeusement ornées d*Antoine et
- i36 —
«c de Cléopâtre, qui apporta enfin au mon Je antique la dée
<c de la beauté, cette Apliroiite que le Boticelli de Florence
« nous montre portée par les vents et ignorante d*un charme
« qu'elle ne sait pas encore».
Demandonsi-nous si ce n*est pas aux patients travaux de nos
modestes savants de province que Ton est redevable de bien
des découvertes sur notre histoire, notre littérature et nosarts ?
Je pourrais fournir de nombreuses preuves à l'appui de cette
vérité, mais je me bornerai à cticr un exemple qui me paraît
bien s'approprier à la circonstance nous réunissant aujour-
d'hui.
En i86r, à roccasion du concours régional» qui se tint à
Marseille, un groupe de provençaux eut llieureuse pensée d*en
rehausser 1 éclat par une exposition des Beaux-Ans.
Celte Exposition mit en lomièrc, après une longue obscu-
rité, les ouvrages des peintres nés en l^rovcnce» ou qui en
avaient tait leur patrie d'adoption, et le distingue maire d alors,
rhonorablc M. Onjroy— une des lumières de notre barreau —
après avoir fait observer, dans son discours d'inauguration,
que le programmcdu concours régional consistait à apprendre
aux knlles la science des champs ci aux champs les artx dex
pilles, fut presque proph!!le en ajoutant les paroles suivantes :
#( Sur les murs qui nous entourent, se déroule une immense
« légende : elle est lormée de tous ces tableaux qui, hier en-
«^ core. obscurément iixés au mur d'une chapelle ou au pan-.J
«c neau d'un salon solitaire, hiscoire de nos pères, font de nous j
M en ce moment comme une famille de pieux hériiiers, hcu-
* rcux de retrouver et de contempler avec respect, sur ces loi-
m les, la longue série des portraits, des talents, des gloires et
* des inspirations religieuses de nos aïeux provençaux. Avant ^
4c ce jotJr, c étaient certainement de belles toiles, mais, apr
^ cette éclatante exhibition de nos trésors artistiques, c'est uf
« tout, c'est un corps qui renait. c'est une ** école ignorée
^ qui^va se faire une place. »
Notre école provençale était si bien ignorée, en elTet, que les
- i37-
\z\x\ primiiifs d'Aix et d'Avij^non, le Buisson ardent ci le
Triomphe de la Vierge, par exemple, ti^^uraient dans le caialo-
gue. sous le nom illustre de Van Dick. Certains Icîi attribuaient
à Memlin^^ ; mais c'est à partir de cette époque que Ton com -
mença à redemander si Ton ne commettait pas une erreur et
une injustice grossières en attribuant ces chefs-d'oeuvre à Técole
Flamande.
Le regretté BlancarJ, archiviste en chef du déparlement des
Bouches-du-Rhônc et ancien secrétaire perpétuel de I Académie
de Marseille, — cet esprit si cultivé» si chercheur et si distin-
gué, — se mit à la besoj^ne et trouva dans nos archives la
preuve indiscutable que le « Buisson ardent tétait l'œuvre d'un
peintre provençal appelé Nicolas Froment et lui avait été com-
mandé par le roi René pour la cathédrale d'Aix.
De son enté» en Avignon, M. l'abbé Requin, à qui nous de-
vons un merveilleux ouvraf^c sur les faïences de Moustiers,
complétant si heureusement les pubhcations sur nos vieilles
faïences du baron Davillier et de Jules Jacquemart, iM. labbé
Requin découvrit dans les minutes du notaire Giraudy, au pro-
tocole de Jean Morelli, à l'année 1453, le contrat passé enirc
un prêtre. Jean de Monia^rnac» et le peintre En^uerrand Cha-
fonion pour la confection du tableau du ^ Triomphe de la
Vierge )>. Ainsi fut dévoilée rcxistencc des ^ deux écoles d Aix
eid Avignon »ci la dernière Exposition des Primiiijs, au pa-
villon de Marsan, à Paris, a déllniiivcment consacré les trou
vailles de nos deux éminents concitoyens. Il me semble que ce
»om là pour les provinciaux des titres de gloirâ qui ne Mmt pas
à dcdai|^ner et qui justilient pleinement les pronostics de Maî-
tre Onfroy. Rien de surprenant du reste qu'à Aix, qui fut le
siège d'une Cour éminemment artistique et litlérairCt qu'à Avi-
gnon* pendant te règne des papes.se soient constituées des éco*
les de peinture, des réunions d'artistes qui. dans tous lespavs,
furent, au w* et au xvi» siècle» les accompagnateurs ordinaires
des rois, des princes et des grands*
Uui>. Messieurs, aimons nos vieilles provinces et n*envions
« i3R —
pKlirs peuples jeunes qui n'ont pnh d'histoire, dont les aïeux,
les aïeules nom pas porté le voile à la Déesse dans la procès-
^on des Panathénées, dont les enfants n'entendent pas en
nourrice \cs vieux mois de leur père mêlés aux complaintes du
temps ndis ; n*est-ccpas en l'endormant, par la cadence de
%neui airs provençaux, que la Mère de Mistral, la première,
prononça le nom de «^ Mireio >>? Plaignons donc ceux qui ne
connaissent pas la nosial^nc du passé, la mélancolie des souve-
nirs.
Le président Roosevch a corroboré tout récemment ce que
je viens de soutenir ci a fait preuve d*une bien grande intelli-
cencc cl d'une profonde philosophie dans une lettre qu'il a
adressée à Mistral pour le remercier d'une médaille, portant un
profil d'Arlésienne, et d'un exemplaire de Mi>e///t% que l'illus-
tre fclibrc lui avait envoyés :
« A vous et à vos collaborateurs loui succès! — écrit lePrésî-
<^ dent de la République des Élais-Unis. —vous enseignez une
•V leçon que nul plus que nous n'a besoin d'apprendre» nous
^ les gens de I Ouest, nation ardente ayant soif de richesses ;
«( une leçon qui» après lacquisition du bien-être maiérîeU rela-
êL livemcnl considérable, nous apprend que les choses qui
<t comptent réellement \ïans la vie sont les choses de l'esprit.
m Les industries et les chemins de fer ont leur valeur jusqu^à
<t un certain point ; maislecoura^cila puissanced'enduranccp
m lamour de nos ép<_^uses et de nos enfants, l'amour du foyer
« et de la Patrie, l'amour des (iancés l'un pour l'autre, Tamour
« et Timitatipn de rhéroîsme et des efforts sublimes, les sim-
4t pies venus de tous les jours cl les %-eTtus héroïques, toutes
«i ces vcrtus-U sont les plus hautes, et, si clh:s font défaut, au*
« cune richesse accumulée, ducun industrtalisnrke imposant et
« rcteniissAni, aucune liévretisc activité» sous quelque forme
« que ce soit* ne sera proàuible, ni à Tindiiridu, ni à la oai
« Je ne méconnais aucune de ces choses du m Corps et
« Nation ». seulemeni ie désiir qu'elles ne nous poftent pas à
« oublier qu'à côté de son corps^ il y a aussi soci ime. »
— iSg —
Cette lettre n'est, en somme, que l'exposé du programme de
Mistral dans la bouche d*un homme, qui rêve pour l'avenir de
son pays, — d'un pays neuf, — ce que«Mistral voudrait, lui
aussi, conserver pour notre vieille France.
De plus, si on étudie, sans parti-pris, l'œuvre de Mistral et
la morale philosophique qui s'en dégage, on reconnaîtra qu'en
exaltant le respect des idiomes et des usages locaux, il proteste
contre le nivellement général qui tend à nous envahir et, qu^en
s'appliquant à la reconstitution de la petite Patrie, loin de mé-
riter le titre de séparatiste, il travaille à la grandeur -de la
France.
Mistral a été, du reste, tout récemment, Tobjetde l'hommage,
peut-être le plus flatteur de tous ceux qu'il ait reçus. Voici la
copie textuelle de la dépêche qui lui a été adressée d'Algésiras :
« D'Algésiras à Maillane, France.
« A Frédéric Mistral,
4c Les Représentants de la Presse mondiale, réunis en une
4< cordiale et ensoleillée fête champêtre, dans les bois d'Almo-
« rauna, résidence des ducs de Médina Coeli, sur l'invitation
« de M. l'Alcade d'Algésiras, et sous la présidence du duc Aido-
4< movar dcl Rio, président de la Conférence Internationale,
« ont pensé ne pouvoir mieux terminer celte fèie de concorde
« qu'en envoyant l'hommage de leur affection reconnaissante
« au grand poète de la race latine, objet de l'admiration uni-
« verselle, à Mistral,'symbole de civilisation pacificatrice.
« Au nom de tous les journalistes présents.
« Le secrétaire général
« de l'Association de la Presse Espagnole ».
Voudriez-vous, Messieurs, permettre à un homme qui s'est
occupé beaucoup plus de questions d'Économie politique, de
finance-, de colonies et de marine, que de littérature, mais qui a
trouvé toujours un grand charme dans la fréquentation des let-
trés et des artistes, et qui pousse l'audace jusqu'à écrire en ce
— !40 —
momeni un long ouvrage sur la Provence littéraire et anisii-
quect les ruines de la vallée du Tihùne, — voudriez-vous lui
permettre de sortirdèîià présent de son domaine, pour vous par-
ler de nos deux grands poètes provençaux, Mistral et Aubanel?
Quel contraste entre ces deux princes du tclibrige ! Alors que
la devise de Mistral : m Le soleil me fait chanter ^, exprime l'aU
lé/;rcî^sc et la joie de vivre, celle d 'Aubanel : ^ Qui chante, son
mal enchante >, témoi^me d'une douleur intérieure, douleur
profonde, qu'il s*cst complu, du reste, à cultiver.
Toula souri à Tauieur de Affreilk, la nature l'a graiilié de
ses dons, et* au cours de son existence déjà longue, gloire, hon-
neur, fortune, bonheur conjugal, satisfactions de tout genre
lui sont échues en partage. Sa renommée, comme on vient de
le voir, ravonne dans le monde entier et brille peut*être d'un
celai plus vif encore à T Étranger qu'en France.
Quand, à la lin d*un banquet où Misiraïadonné les preuves
manifestes d'un royal appétit, il lève la coupo santo, en enton-
nant de sa voix mélodieuse et vibrante le chant des félibres, la
noble simplicité de son geste et de son attitude, la sérénité de
son regard, l'expression de son visage, sont bien celles du génie
superbe, satisfait et triomphant.
Tout en ayant une grande simplicité de poèic laboureur.
Mistral n en est pas moins justement Her de Tantiquitc de sa
race« « Mes parents, des ménagers, écrit-il dans ses Mémoires,
* étaient de ces familles qui vivent sur leurs biens, au labeur
^ de la terre, d'une génération à Tautre. )* ti il ajoute : * mais.
m si, parbleu, nous voulions hausser nos fenêtres, comme le
« font tant d autres, sans trop d^outrecuidance» nous pour-
« rions avancer que la gcnte mistralienne descend des Mis*
« irai dauphinois» devenus par alliance Seigneurs de Mondra-
« gon ei puis de Romanin. Le célèbre pendantif, qu'on mon-
* ire il Valence, est le tombeau de ces Misiral ; et, a Saint-
m Rémy, nid de ma tamtllc i^car mon père en sonait), on peut
« voir encore l'hôiei des Mistral de Romanin, connu sous le:
« nom de « Palais de U Reine Jeanne ».
— 141 —
Le blason des Mistral nobles, surmonté d'une couronne de
Comte, porte trois IcuiMes de trèfle, avec la devise: Totti ou
n'en,
Théodore Au baneL lui, n'ëtaii ni noble ni beau* Rongé par
un amour passionné et inassouvi» son cœur a toujours saigné ;
cl sa « miougrano-enbeduberto ^ est la tidélc représentation
de l*éiai de son âme. Ajoutons qu'en donnant à son premier
recueil de poèmes le titre de Miougrano (Grenade), Aubancl
avait encore dans les yeux le souvenir de la robe grenat que
portail Zani, la première fois qu'il la vit au chàieau de Fonise-
gugne. « Dans le réveil de notre belle littérature provençale,
sécrie Clovis Hugues, mon ancien collègue à la Chambre, que
j'aime bien comme littérateur et poète, Frédéric Mistral aura
été la tète, Koumanille aura été resprit. mais Aubancl aura été
le cœur ! »
Aubanel a étc, en erfet. un grand poète d'amour; «^ tantôt il
« supplie, tantôt il ordonne, il pleure, il s aigrit, il a des fris-
« sons de voluptép il s'emporte, il se calme, il se berce et s'en-
«t don dans rharmonie languissante des phrases murmurées à
« voix basse. Le poète chante pour enchanter son mal, mais on
* sent que le mal a puisé sa sève dans un amour riche et une
« douleur profonde.
« Voilà pourquoi celte œuvre restera immortelle, c'est que le
« cœur humain n'est ni du Nord, ni du Midi, et que les poètes
<t d'Amour ont la vraie Éternité pour eux, parce qu'ils font
« baiire à jamais le cœur humain ! >*
C'est dans ce beau langage que Charles Fuster célèbre Au-
banel comme chantre de l'Amour, mais il a été également celui
delà Beauté. Nul poète ne lui donna une plus grande place.
ne l'exalta en des strophes plus vibrantes : *i Malheur, écrit-il à
«i son anii, malheur au cœur de bronze qui» devant la Beauté,
« ne plte pas le genou et ne lui consacre pas son âme avectou*
m tes ses forces* s*
El, dans la Vénus d'Arles : « Oh ! sans la Beauté, que serait
« le monde ? Que tout ce qui est beau brille, que tout ce qui est
« laid se cache. ^
- 142 -
Le jour du manage de Frédéric Mistral, il chanta en son
honneur : « La gloire est vaine, il n'y a que l'Amour, quand
m, tout s'écroule, qui échappe à la brume. 11 est meilieur d'être
« aimé que d'être illustre. L*Amour est un laurier qui n*a pas
«t son pareil.,,,. Ah! bonheur nuptial, infini désir d amour,
#1 vous buvez en baisers toutes les joies de la vie ; vous tenez
« le monde enlacé entre deux bras frais et vous portez un en-
<( tant dans votre sein frémissant, »
Il est vrai de dire que nos filles du Midi sont bien faites pour
inspirer les poètes, même ceux qui ne le sont pas, et ce n*esi
point d'aujourd'hui qu'elles ont conquis les suffrages des juges
les plus compétents. Lorsque Racine, retiré à Lzès chez son
oncle le chanomc, attendait patiemment, dans des dispositions
fort peu ecclésiastiques, le bénérlce qu'on lui faisait espérer, il
ne se privait pas d'ouvrir les yeux et de regarder autour de lui.
tl ecri%*ait À son ami La Fontaine, un amateur qu*il savait inté-
resser tout particulièrementpar ces détails : « Je ne me saurais
« empêcher de vous dire un mot des beautés de celte province*
« On m en avait dit beaucoup de bien à Paris, mais, sans men-
m tir. on ne nxen avait encore rien dît auprès de ce qui en est«
« et pour le nombre et pour 1 excellence ; il n'y a pas une villa-
« j^egise» pas une savcticre qui ne disputât de beauté avec les
« Fouilloux et les Menncville. Si le piysde soi avait un peu de
« délicatesse, ei que les rochers y fussent moins fréquents, on
«^ le prendrait pour un ^Tai pays de Cnhère. Toutes les fcm-
m mes y !4>nt éclatantes et s\ ajustent d'une ta^n qui leur est
« la plus njturx'lle du moade. Kt pour ce qui est de leur per-
« sonne : • Cofor penit. <Qrpm siotidum et smcci ykmmm. »
Cri MesdemûiseK
les du . , ,. ^ .. ... ...... ... ., ... « honneur de La
trioe Mbft^ Anne dWutriche, et. $>i^xante ans plus tard. Saint-
Simon parlait enct^ce de la rtniMninée de beauté d'Ange Bé*
n^c ^ ^* - r.i...... ., V Sc^d'AUuye.
Rav mo des envu^ons
dTaè^. Le pi9èle«)ui de\an reali>ef . dans kun ^iftocs souve-
- 143-
raines, Andromaque et Bérénice, n'hésite pas à comparer les
paysannes et les ouvrières de la basse valléedii Rhône aux beau-
tés les plus en vue de la Cour; remarquons seulement que le
portrait qu'il en trace s'appliquerait mieux encore aux rilles
d'Arles, de Saint- Remy, de Maillane, d'Avignon, de notre
vieux quartier de Saint-Jean, — filles descendant de cette Gyp-
tis qui tendit la coupe sacrée où, depuis six cents ans, les pro-
vençaux sont venus se désaltérer.
A mon humble avis, parmi les nombreux écrivains qui ont
apprécié l'œuvre d'AubancU c'est Alphonse Daudet qui la le
mieux comprise, «t Notre beau Rhûne de Provence pleurera
m Aubanel comme les fées du Rhin ont pleuré Henri Heine,
M dii-iK en parlant de son œuvre forte et passionnée, rou^^e de
4k sang et de vie, sur laquelle semblent planer ces idéales for-
<t mes blanches : La Vénus d'Arles Ad Marbre rayonnant Qilc
^ Christ dÀPignon, l'ivoire sublime. >>
Alphonse Daudet, en définissant, en une seule phrase,
Textraordinaire étal d'àmed' Aubanel, amoureux jusqu'à ta pas-
sion, profondément païen et, en même temps, très religieux...,
a mis le doigt sur la plaie. En faisant rayonner sur son œuvre
k marbre de la Vénus d* Arles ti l'ivoire du Christd'Apîgnon,
deux des plus beaux poèmes du maître, Alphonse Daudet en a
justement synthétisé l'idée dominante*
La « Miuugrano enlre-duberio)*^ marque^du reste, une phase
importante dans l'histoire de la littérature provençale. La pas*
sion qui. jusque-là, avait timidement conquis ses droits dans
la production de la jeune École» poussa son premier cri de
soutTrance. car, même dans Mireille, il ne peut être question
de véritable passion, mais uniquement d'amour chaste et juvé-
nile.
Cesi de lamour d'Aubanel pour Zani, pour la comtesse de
T... «Tamigo quai jamais visto )»* que sont sortis la Miou-
grano entre-duberto et les Lt;(tre^ à Mignon. Il y a dans ces
ouvrages des strophes frissonnantes, des chants amoureux jus-
qu'à U tempête* « Mon amour a été sans espérance, diiMl,
— 144 —
«ic*éiaii un mois de mai sans fin pour mon cœur tendre qui
* n'aimaii que pour aimer et pas davantage. » El quand Zani se
faii nonctic et qu'elle part pour Constaniinople, Aubanel dé-
gonfle ainsi son pauvre cœur : « Le long de la mer etdesgran-
<^ des values, j'ai couru comme un inconsolé et, par son nom.
m. tout un jour je l'ai criée ! >* Il appelle la mon avec des cla-
meurs de dcircsse ; il s'indigne devoir la nature sourircet sur-
vivre encore, lorsqu'il porte au cœur un deuil si profond :
«O (leurs* pourquoi èies-vous si jolies? pourquoi murmu*
* rei-vous. ô sources? Pourquoi tant de feuilles ? la branche
« ploie sous la ramée; ô ncrge d'hiver, froide et bUnche, ne
« pourrais-tu sous ion linceul tenir la terre en deuil toujours !
* Pourquoi chantez-vous comme des orgues, oiseaux, qui
fi, volex dans les arbres? Êieigficx-vous toutes, éioilcs; pour-
« quoi faites- vous la nuit si belle ? Ou bien, éteignci-vous. mes
« \t%ÈX* et je ne verrai plus si belle nuit. »
Ce que le^ philosoplie:!^ appellent 1 amour platonique a tou*
jours été pour les po^es une source de beaux \'ers; le malbeur
ouTinopponunité de leur&ptsstons donnait àcene<i uo charme
que k bonheur ou râssouvi^ement eussent fait disparaître^
Cest UDe ^'éfiié, recofiiiae par les plus grands maitrcs de Tan,
que la douleur, plus ptofeadémein Intmaine que ta |ûic ins-
pire Javanu^v
Ut (plus itM,i|iilÉao«kiaiMrtilesyi»sbcaM^
El Ttft Mis i\n«iora^ ^ mm 4t pm% taupHT
m MMt Mwdciam» qiae Is omt^ges des poètes
qi^wm Fmact ; pMUiOÉ rAllwnft>i> i
SttèJeetbNonijpe y<ssfcica)M>te ite ^hww *k iirovciKal.
afaes^H •*€• eitsM pas <!«« ttoi«&? Taai et a bmm q/mt les
- 145-
mais un provcnçaliste luxembourgeois, M, Nicolas Welter, a
publié des études très documentées sur Roumanille, Mistral et
Aubanel.etla iraduciron qu en ont donnée MM, J. Waldencr ei
F* Chârpin permet de juger combien ces ouvrages sont cons-
ciencieux ; ce n*est un secret pour personne qu^une traduction
de Mireilie est distribuée dans les écoles en Allemagne, et
qu'il Cil est de même en Suède et en Norvège. L attribution du
prix Nobel à Mistral offre, du reste, la meilleure preuve de la
apularité dont il jouit dans ces pays.
*En dehors de Mireille qui a été propagée par Gounod (car
la musique jouit du beau privilège de se répandre en un ins-
tant dans une salle immense rempliede plusieurs mïHiersd'au-
dîteurs qui, d'un coup, se trouvent imprégnés non seulement
des sons qu'ils entendent, mai^du poème qui les a inspirés) ;
— en dehors de Mireille, peu de gens ont lu les autres ouvra-
ges de Mistral et moins encore ceux d'AubaneUde Roumanillc,
dcTavan* de F'élix Gras, de Gelu ou de Bénédit et de Charles
Rieux. Ce genre de lectures et d*études est le propre d*un tout
petit cénacle et il est de bon ion d^appeler « le Provençal ^ un
patois.
Ce n'était pas lavis de Villemain, car, dans la séance publi-
que de TAcadémie Française du ao août i832. en décernant un
des prix Monihvon au poète Jasmin, Thonorable académicien,
au nom de l'Institut national, commence par remercier M. Ray-
nouard, érudit, poète et législateur citoyen, d'avoir rendu à
l'Europe savante une bonne part de l'ancien esprit français, par
la restitution de cette langue romane du xiii« siècle dont les
monuments s'étaient comme perdus, sous la gloire du français
de Rouen etde Paris, du français de Corneille et de Molière. Il
félicite Jasmin de son talent, qui marque de l'empreinte de Tari
et du feu de la passion les formes longtemps dédaignées du lan-
gage de l'ancienne Provence et en fait un instrument d œuvres
honnêtes et de vertueuses pensées de charité fraternelle et de
patriotisme méridional et français.
Mais* Alphonse Daudet, Messieurs, dans les Lettres de mon
coftanfrf — iû.
— 14^ --
Moulin, ^VQC ce siyle aussi briUantquelc soleil qui nous éclaire»
s*esi char^'é de répondre aux détracteurs de notre langue, et je
termine par cette citation :
4< Tandis que Mistral me disait ses vers dans celte belle lan-
^ gue provençale plus qu'aux trois quarts latine, que les reines
^ ont parlée autrefois et que, maintenant, nos pâtres seuls
«« comprennent, j*admirais cet homme au dedans de moi, eî,
«c songeant à l'état de ruine ou il a trouvé sa langue maternelle
^ et ce qu'il en a tait, je me figurais un de ces vieux palais des
4C princes des Baux comme on en voit dans les Alpilles : plus
« de toit, plus de balustres aux perrons, plus de vitraux
« aux fenêtres, le trèfle des ogives cassé, le blason des portes
<t mangé de mousse, des poules picorant dans la cour d'hon*
« neuf, des porcs vautrés sous les fines colonnetles des galè-
ne ries, Tâne broutant dans la chapelle ou Fherbe pousse, des
« pigeons venant boire au grand bénitier remplid eau de pluie,
« et, enfin, parmi ces décombres, deux ou trois familles de
4i paysans qui se sont bâti des huttes dans les lianes du
^ vieux palais.
4t Puis, voilà qu'un beau jour le fils d'un de ces paysan !(
« s'éprend de ces grandes ruines et sindigne de les voir ainsi
«t profanées. Vite, vite, il chasse le bétail hors de la cour d'hon-
^ neur, et les fées lui venant en aide, à lui tout seul, il recens-
ée truît le grand escalier, remet des boiseries au mur. des vi-
M irauxaux fenêtres, relève les tours, redore la salle du trône,
^ met sur pied le vaste palais d autre temps, où logèrent des
f( Papes et des Impératrices,
« Ce palais restauré, c'est la langue provençale,
« Ce fils de paysan, c'est Mistral... »
Après ce discours étoquent ei fort applaudi, M. le Prc-
sideni adresse aux Congressistes un dernier remercie-
ment et la séance est levée à 6 heures 40 minutes.
GO^TE-HEjlDU FI]!lA|lCIEt{
Le compte-rendu financier du Congrès ne pourra
s'établir d'une façon définitive que lorsque toutes les ne-
cettes auront été faites et toutes les dépenses payées.
Il sera publié alors dans les Annales de la Société
d'Études Provençales.
Nous ne pouvons, pour le moment, que donner les in-
dications générales suivantes :
Le Conseil général des Bouches-du-Rhône avait ac-
cordé une première subvention de cinq cents francs pour
l'organisation du Congrès. Les dépenses pour cette orga-
nisation ne s'étant élevées qu'à SSy fr. o5, il reste en caisse,
de cette subvention, une somme de 142 fr. gS.
Le même Conseil général a voté une deuxième sub-
vention de mille JrancSy pour l'impression du volume des
Comptes-rendus et Mémoires du Congrès.
M., Paul Arbaud, président de la Société d'Études Pro-
pençaleSj a donné trois cents francs pour le môme ob-
jet.
C'est donc une somme de 1.442 fr. gS qui reste dispo-
nible pour l'impression du volume et les autres frais.
A cette somme, viendra s'ajouter le produit des sous-
criptions qui s'élèvent déjà à deux cents.
Dès maintenant, il est certain que le budget du Con-
grès, grâce à la générosité du Conseil général des Bou-
— 148 —
ches-du Rhône et de M. Arbaud, se soldera par un excé-
dent des recettes sur les dépenses.
Le Bureau du Congrès et le Comité d'organisation ont
l'intention de constituer avec cet excédent un fonds pour
l'organisation des futurs Congrès des Sociétés savantes
de Provence.
Marseille, le 3o mai 1907.
MÉMOIRES
— i5i —
LA PROVENCE AVANT L'HISTOIRE
PAR
M. Gh. COTTE, avocat à Pertuis.
Membre Correspondant de r Académie d'Aix.
Dans celte élude, Messieurs, je veux examiner rapidement
moins les divers aspects présentés par la Provence avant This-
toire, que les civilisations qui y ont laissé leurs vestiges, en pro-
posant certaines classifications et mes vues personnelles sur la
question.
J*climine de mon travail les Alpes-Maritimes qui offrent à
M. Goby un champ d études dont il tire le meilleur parti.
Dans des études antérieures, j'ai déjà groupé les connaissan-
ces acquises sur le paléolithique et le néolithique de notre
contrée. Je puis donc élaguer beaucoup de points sur lesquels
la controverse me paraît éteinte.
On n'a pas encore signalé en Provence des silex paraissant
taillés intentionnellement durant Tépoquc tertiaire.
J'ai rhonneur de vous présenter des silex que je récolte
depuis quelques années dans le canton de Pertuis, silex
recueillis dans les couches alternées des argiles rouges et des
poudingucs de Viens.
Dans les argiles, on trouve des silex assez minces, certains
02 —
même me paraissant taillés înlenlionnellemcnt. Il n y a rien
d'êtonnani à cela, car de nombreuses familles néoiit h iques oni
parcouru le pied du Luberon, disséminant des fragments de
silex travaillé, des haches polies, bien qu'il y ait très peu de
stations proprement dites '. Les silex des argiles dont je parle
peuvent donc être parfois des silex taillés intentionnellement,
mais alors ils sont récents.
Je me suis attaché à recueillir dans les poudin^^'ues un cer-
tain nombre d'échantillons. L'âge tertiaire de ceux-ci, extraits
en brisant la roche au mancau, est indiscutable. Vous observez
que parfois on y trouve des formes bien curieuses qui font
songer au travail inteniionncL Des conchoïdes de percussion
sont assez nombreux ; mais vous remarquez surtout les ctoi-
lures multiples bien connues des paleihnologues; seulement.
ici» les étoîlures ne s observent guère que sur les arêtes. Il fau-
drait admettre que VAnt/tropoptthccus Pertusii (pourquoi ne
pas baptiser ce mécréant?) ^donnait la forme à la plupart de
SCS outils en martelant les bords, alors que son collègue de
Thenay utilisait réclaiemeni par la chaleur. iS Anlhropopi-
ihecus Bourgcofsti aurait été de très petite stature, à en juger
par lexiguiié de ses instruments. Près de Pertuis, dans le
même bloc de poudingue, jai recueilli des éoliihesdc toutes
tailles ; notre aïeul provençal aurait eu des statures bien varia-
bles. Il semble bien pluslogique d'admettre qu*il s*agii simple-
ment de silex ^ballottés par les eaux en même temps que
les cailloux roulés auxquels ils sont mêlés.
■ ie signale au Congres comme menues stations inédites : !<" quelques
silei et fragments de potehe réunis près du sommet de la barre de ro-
chers qui se dresse au sud du hameau de Fonijoycuse, en un point
abnié du mistral ; 2* une staljon trouvée par M. Enjoubert et moi, dans
la commune de Pcrtuts. sur le plateau Je Gargaselte» k l'extrémité daqoel
M. Jean CalUer aurait trouvé deux: haches polies q| moi-même d*iiuires
objeu. Je me propose de porter mes recherches sur ce point.
L'étude du quaternaire proveni^'al a été taitc au point de vue
géologique par des auteurs spéciaux. Mon incompétence m em-
pêche d analyser leurs travaux. Du reste, il sutFii d en retenir
que h Provence na pas été une sorte d'ilot soustrait aux in*
nuences des climats qui ont réf»i le reste de l'Europe, Les dé-
couvertes des Bausse- Rousse suffiraient à le prouver. Nous
pouvons donc admettre comme principe que les archéologues
doivent s'altachcrt dans l'étude du quaternaire, à Tobservation
simultanée de la faune et de industrie. Cest ce quils ont
lente de faire; mais sauf en ce qui concerne les Alpcs-Mariti-
meSt les résultats obtenus sont encore bien faibles.
La station paléolithique la plus ancienne que nous connais-
sions est celle de Caromb, où des silex taillés très frustes ont
été trouvés dans des alluvions. Malheureusement, les auteurs
qui ont étudié ce gisement ont été bien peu précis.
je passe sur letrange gisement de Roquebrussanne (frontal
humain sans rien de caractéristique, accompagnant des outils
grossiers et une dent de mammouth).
Parmi les nombreuses grottes où des remaniements ont pu
amener des confusions» je citerai celle dcRigabes'ouvrani près
du sommet du coteau, à quelques kilomètres de Rians, et à
un kilomètre environ au nord de la station d'Artigues. Cette
grotteaété fréquentée par la faune quaternaire; mêlés aux dé-
bris de celle-ci, on a découvert jadis quelques éclats de silex
Cl une défense de sanglier présentant des stries. On peut voir
ces pièces au Musée Longchamp. Marion en avait conclu à la
présence de rhomme quaternaire. Je crois que Thomme a dû
pénétrer, en effet, jadis, dans cette caverne, mais à 1 époque
néolithique. Un frère Mariste y aurait fait des fouilles dont
fignore les résultats. La rumeur publique voudrait que celle
grotte ait aussi livré des ossements humains.
Les fouilles que j'ai exécutées ont montré qu'il y a, près de
i5j
rentrée, des foyers anciens remaniés jusqu'à plus d/un m
de protondeur; j'ii;nore, du reste, la date de ces foyers.
On peili également faire des fouilles dans une partie pro-
fonde de la caverne; mais il est certain que cette partie était
trop sombre et trop humide pour être habitée. Les objets d'in-
dustrie que Ion peut y recueillir me semblent ne pouvoir s'v
trouver que pour y avoirété entraînés fortuitement ou pour
avoir fait partie du mobilier d*une sépulture.
On ne peut donc tirer aucune conclusion pour ce gisement,
où les remaniements sont à peu prés certains dans la totalité
des surfaces propices aux recherches.
Le moustérien parait représenté en Provence par trois abris
grottes : la Baumo dei Peirar, le Baus de fAubesie^ et U
caverne de Chàieaudouble. J'efface intentionnellement la
grotte de la Masque et la station du Deftend à Sauli. Pour
cette dernière, je suis en cela d accord avec M. Moulin.
Les troiîi abris que je conserve comme devant être mousté-
riens laissent subsister un doute dans resprii. par le fait que la
faune est en partie quaternaire et en partie actuelle. Le Baus
de rAubesie a même fourni des charbons daméianchier indî*
quant un climat sec.
Au sujet du moustérien, je vous présente cette pièce trouvée
dans une couche argileuse de la Bàumo dnu Luce, L'absence
de faune m'empêche d'être afHrmatif sur son âge.
Il n*y a pas de solutréen ni de magdalénient du moins a
mon avi$, dans la région de Provence dont je m'occupe.
Le mas d'a/îHen. le tourassien, le campignien n y exis-
tent pas, ou du moms ils nV existent pas a leiai de gise-
ments pouvant être comparés aux stations synchroniques du
reste de la France.
Ict j*abordc la classitication du néolithique. Celle que je pro-
t30se ne présente pas, je le dis immédiatementr de grandes dit-
id:> —
jncesavec celles qui ont la faveur de nos paleihaologuei»
^provençaux les plus érudils, mais si la quasi-paicrnité ne m'a-
veugle pas» celte classification me semble présenler quelques
avantages sur celles qui ont été données avant elle.
D'une manière générale, on a considéré nos stations â silex
frustes comme les plus anciennes. Seulement, tandis que
M* Fournicr les fait remonter au quaternaire, en v créant des
subdivisions, je les attribue plus simplement à une seule divi-
sion du néolithique.
La civilisation suivante, si j'ose ainsi dire, a des outils plus
clcganis, des parures plus soignées, des haches polies. Elle se
soude, sans distinction possible pour l'outillage, à I âge du
bronze. Salmon Ta appelé le carnacéen ; je crois que nous
devons conserver ce nom qui a désigné» dans Tesprit de lau-
leur, précisément ce que je viens d'indiquer.
Ainsi que je viens de le dire, la première industrie néolithi-
que est grossière ; on n y observe pas ou presque pas l'usage de
U pierre polie, mais la poterie qu'on y rencontre dans ta plu-
part des gisements de ce genre, et rensemble de la faune
accompagnant cette industrie permettent de la placer après le
paléolithique. D'autre part, les caractères du mobilier la dirte-
rencient du campignîen. Détail caractéristique : les gisements
où on la trouve sont presque uniquement des grottes ou des
abris sous roche.
Je fais observer immédiatement que certains abris naturels
recèlent les vestiges d'une civilisation plus avancée ou servant
de transition -
Mais le carnacéen est, d'une façon générale, une époque de
campements en plein air. C'est lui qui a alimenté tout le faux
solutréen de Provence. A ses haches polies, à ses amulettes, à
ses parures en pierres dures, à ses belles Hèches amygda-
loïde:s, phyllomorphes ou pédonculées, se mêlent quelques
silex qui simulent les divers types chelléens, moustériens,
ma|;daleniens, ce qui a donné naissance à bien des confusions.
Sa caractërisiique habituelle est cependant la beauté de la ma-
jorité de ses instruments. C'est alors que (leurit sur notre sol
l'industrie à faciès tardenoisien. D'ailleurs, j*ai pu constater
que les mêmes faits se reproduisent partout. Lisez les listes de
silex découverts dans nos possessions du nord de l'Afrique et
vous verrez nombre de |;isemcnls où les auteurs décrivent mi-
nutieusement la présence d'outils chelléens, de solutréens, de
magdaléniens cl de tardcnoisicns, toujours ou presque tou-
jours mêlés. C'est à regret que M, le D" Raymond a classe
dans le mésolithique les petits silex géométriques des stations
en plein air du Gard.
Ce département, si riche au point de vue préhistorique, otîVe
une particularité intéressante par comparaison avec la Pro-
vence, je veux parler de la présence dans les grottes d'habitats
néolithiques à industrie très avancée. D'autre part, on y note la
fréquence d*un objet dont la destination nous laisse indécis, les
billes en pierre polie. Nous retrouvons en Provence ces billes
dans lagroue du Caslellaras, qui a malheureusement été sac-
cagée, et dans la nécropole de la Bastidonne de Trets. Peut-
être sagii-il là d'une civilisation assez particulière, appartenant
à quelques tribus qui avaient conservé le goût des habitations
dans les abris sous roche» alors que, déjà, nos populations pro-
ven<;ales préféraient en général l'usage des huttes.
Je dois parler ici de la sensationnelle communication faite
Tannée dernière par MM, Arnaud d*Agnel et Capitan^ur les
relations de l'Egypte avec la Provence durant le néolithique
égyptien. Des savants éminents, tels que MM. Salomon
Reinâch, Maspéro, de Morgan, avaient reconnu la similitude
des silex de Kiou avec ceux d'Egypte. Je me permettrai de faire
observer que les auteurs ont commis une erreur en déclarant
— i57^
;les types de silex qu'ils présentaient n*avaient jamais été
couverts hors de TEgypie, si ce n'est au sud de l'Algérie ei
delà Tunisie. Je puis rappeler que certaines de leurs formes
typiques se retrouvent» à 1 état sporadique il est vrai, dans
notre néolithique provençal. Le couteau à bord supérieur
oblique me semble, d'après la figure, bien analogue au iran-
chet que iM. Marin-Tabourei et moi avons trouve à Ensuès.
Un silex de Régalon sert de transition entre ce type et le cou-
teau à soie dont un échantillon a été figuré par M. Fournier
sous un autre nom* Les scies ne sont pas inconnues chez
nous. Les pointes de Hèche à barbelures sans pédoncule sont
représentées à la grotte funéraire de Reillanne, si bien étudiée
par MMXIerc et Kallot, et à la grottedu Castellaras^où le bord
d'une flèche a des dentelures caractéristiques.
Deux théories peuvent donc être soutenues : les Kgyptiensde
Riou ont eu des imitateurs en Provence, ou les habitants de
cette île n'étaient pas des Egyptiens. Je ne me prononce pas
pour le moment.
En ce qui concerne I âge du bronze, nous connaissons peu
de choses* Lecarnacéen. se prolongeant, en représente la pre-
mière partie. Pour les âges suivants, nous n*avons qu'à suivre
les classiticaiions usuelles, afin d'y rattacher les trop rares
découvertes opérées. M. de Gérin- Ricard, dans sa statistique si
précieuse, a indiqué la presque totalité des trouvailles ertectuées
et je ne veux pas, dans cette note» revenir sur ce qu'il a dit. Je
vais simplement prier du département de Vaucluse qu1l n a
is étudié.
Ce département a fourni quelques haches en bronze; un
exemplaire, à bords droits, notamment» a été découvert à
Saini-Martîn-de-la-Brasque; bien que ses bords soient légère-
ment recourbés, je crois qu^il ne faut pas la classer parmi les
haches à ailerons. Si nous suivions de Mortillet, nous aurions,
- i58 —
dans cette ptccc, un vestige de rindustrie morj:;ienne. Les civi-
Ksatkms suivantes de Tàge du bronze seraient représentées par
La hache à ailerons de Baumes-de- Venise et par les haches à
douilles de Ménerbes et de Buoux.
Cest aussi à une époque relaiivemeni récente qu'il faut ratta-
cher les épées ou poignards de bronze de Vaison, de Lagnes
(Musée Cahet) et de Jonquières, les deux épées en bronze de
Baoux (collection Garcin et Lazard). Certaines de ces armes,
comme la majorité des pointes de flèches et des bracelets en
bronze, sont de Tâgc du fer ; j arrive donc ici à l'époque histo-
rique.
Vous me pardonnerez de ne pas résister au plaisir de rappe-
ler les recherches dans nos Alpes Provençales de M, Chantre
cl de M. Mûller et spécialement celles de MM. David-Martin
et Georges de Manteyer dans les tumulus hallstattiens de
Chabestan.
Je viens de retracer sommairement Tétat actuel de nos con-
naissances sur les industries successives de Tantique Provence.
Je constate le peu de renseignements possédés sur le paléoli-
tique.
En ce qui concerne le néolithique, je propose une distinction,
qui meparatl utile, entre la civih'sation fnisiedes habitats dans
les grottes et le camacéen des stations en plein air, une place à
pan étant faite pour nos tr^ rares stations à billes polies.
Les documents sur i*lge de bronze sont également très rares.
Les fouilles des oppidums ivous permettront peut-être uUé-
rieure^ient de distinguer ce qui peut être antérieure Tâgr du
fer dans quelqu'un de nos vieux camps provençaux.
- i59-
II
Présentation le liverses pWoppliies Uies lu lolmen
de Colle-Basse» à St-Cézairç
par Paul 60BT, de Grasse
Correspondant de CEcole d^ Anthropologie de Paris,
htembre de la Société des Lettres, Sciences et Arts des Alpes-Maritimes.
En présentant ces documents photographiques, notre but est
de montrer, sous ses divers aspects, un des plus beaux dol-
mens de l'arrondissement de Grasse : le dolmen de Collebasse.
Les archéologues qui n'ont pu assister à Texcursion du
Congrès de Monaco, dans les montagnes de Grasse, se feront
ainsi une idée précise du genre particulier des dolmens de
cette partie des Alpes-Maritimes, où, jusqu'à présent, ces sortes
de monuments ont été signalés en plus grand nombre qu'en
aucun autre point de la Provence *.
Le dolmen de Collebasse ou du bois d'Amon est situé à
l'est de Saint-Cézaire, entre ce village et Cabris, à une altitude
de 596 mètres. Il est composé d'une cella de i mètre 90 de
longueur, formée de 5 dalles : une grande à l'est, une au nord,
une au sud, enfin de deux à l'ouest, assez distantes l'une de
l'autre pour former une entrée de o"'40 à o"8o de large. Celle-
' Une étude complète et détaillée de tous ces monuments est préparée
en ce moment par M. Goby ; elle paraîtra prochainement.
csi prcccdec d'un couloir ou vestibule de 2 nièircs de U
limité sur ses c6tcs par de belles dalles levées, presque auss
gnindcs que celles de la cella; le tout est entouré d'un énorme
{Sil^l de pierres, formant tumulus. encaissant la cella jus-
qu'â(L\ rebords ei ayant un diamètre total de 18 m. sur 1 m.
à 1 m. 5o de hauteur au Sud.
Kn 1S66. Baur^ignai avait connu Tcxistencede ce dolmen,
liijiis le temps dont il disposait ne lut permit pas d'y pratiquer
de$ recherches ; ce soin fui laissé à de Maret qui fouilla la
sépulture, le 3 mars 1876. 11 y découvrit un certain nombre
de dems ei d'ossements humains qui furent étudiés par le
pcotesseur Gervais; ÎJ y trouva encore une perle en bronze,
une pendeloque en os et une incisive de porc. Ayant repris
iK>us*m*me,en ujoa* quelques fouilles, nous avons également
recueilli, dans le tamisage des terres, une cinquantaine de
deius. divers ossements en fragments et quelques morceaux
de poteries, sans ornements.
PRÉSENTITtON OE OOCUiENTS PHOTOGRAPHIQUES
CONCERNINTLE SARCOPHkGE DES VALEHTIMS DE VILDEROURE
M. Paul Goby présente plusieurs photographies concernant
un sarcophage romain, situé dans les montagnes de Grasse
(à t. o5o" d'altitude au moins), non loin du hameau des Va-
lentins (commune de Valderuure, Alpes-Maritimes), au-des*
sous de la chapelle Samt-Lcon.
Ce sarcophage» délaissé, comme tant d autres monuments du
même genre, et tout recouvert de broussailles, est couché sur
le côté, à droite d'un petit sentier et à proximité d'une fontaine,
où il avait servi jadis d abreuvoir.
— i6i —
Joe inscription, fort mal conservée, très difficileàlire. figure
ir une des faces latérales iTestampa^e en sera pris à la pre-
lière occasion). La pierre où il a été taillé appartient au cal-
lire jurassique du pays *, Il sa^it là d'un tombeau à inciné-
liions; on peut y distinguer encore, à rintérieur, les restes
cinq compartiments, dont les cloisons de plusieurs d entre
IX ont été brisées. Ce tombeau mesure 2 mètres environ de
>ngueur sur 0,60 centim, de large et 0.60 centim, de hauteur.
.Sénequier, en i885,ravajl déjà signalé, dans ses Excursions
\rchéolùgiqu€s aux emnrons de Grasse (Annales de la Société
^es Lettres* Sciences et Artsdes Alpes-Maritimes, Tome X); mais
serait bon que ce monument fût inscrit sur la carte et dans
finventaire des Monuments Romains de Provence. Les photo-
^"aphies qui le représentent sont inédites ; elles permettront de
tonner une idée plus précise de ce document, qui est plein
'iniérél pour le pays de montagne où il a été découvert.
L'auteur demande que Ton fasse également figurer sur la
arte et dans Tinventaire des Monuments Romains de Pro-
Nnce, un autre sarcophage qui se trouve dans la même ré-
[îon. prèsd*Andon au ^Collet de la Serre j^, propriété Edouard
'uneL L'inscription qui est ici mieux conservée et très visible,
été relevée autrefois par Revellat et Sénequier.
Les territoires d'Andon» de Caille, de Valderoure. de Séra-
lon possèdent encore des restes de voies romaines et des mil-
lîaires, et au cours de différentes excursions dans le pays,
M. Paul Go by a pu recueillir, sur de véritables stations jusque-
inconnues, des fragments de doliums, d amphores, de gran-
des legulae rouges et jaunes, des fragments de moulins à bras
(meta et catillusi en trach)ie et surtout en porphyre rouge de
* Pour les études géologiques de ce pays, consulter les importants
ivaui et la carte de M. le D' A. Gaébhard de Satnt-Vallter-de-Tbief.
oonQnàa. — II*
- i6a —
TEstérel. Une monographie plus détaillée de ces trouvailles et
de leurs emplacements sera donnée ultérieurement par Tauteur.
TOMBEAU DU PUITS-DU-PLAN k SAINT-CÈZAIRE.
M. Goby présente également plusieurs photographies
inédites d'un autre tombeau romain, situé non loin du village
de Saint-Cézaire (Castrum Caesarii), à louest de Grasse, tout
près d'un énorme puits, au quartier dénommé « le Puits-du-
Plan ». (Voir pi., fig. 2.)
Ce sarcophage avait abrité les restes d'une jeune fille de dix-
huit ans, du nom de Sempronia, grande famille de Rome*.
L'inscription qui est gravée sur un des côtés est la suivante:
M OCTAVI MOnOS
IVGK FORO DVCERET IPS... D... VIT
VIXÏT AN XVIII M OCTAVIVS
NVS ET IVLIA SEMPRONIA INFELICISSIMI.
PARENTES IN DOLORIS SOLA
10 DVLCISSIMO ET SV
Cette inscription figure dans l'ouvrage de Noyon : Statisti-
que du département du Van 18461» page 870. Dans son diction-
naire de Provence, dès i835, Garcin avait déjà signalé ce
monument.
Le tombeau serait à la même place depuis plus de 80 à
100 ans, servant d'abreuvoir aux bestiaux du pays.
I. I^ famille des Gracques, dont plusieurs membres ioaèrent k Rome
un rôle si important ei si fameux, faisait partie de la gens Sempronia,
La temme de 0. Junius Brutus. consul en 77, était aussi une Sempromim.
-" i63 -
Les Romains ont laissa à Saini-Cézaîre d'autres traces inté-
I fessantes de leur passage ou séjour : un vieux pont près de la
Stagne, d*anciennes citernes (?)* quelques restes de villas habi-
[l<!cs, croit-on, par des officiers,
U est vraiment regrettable que des monuments, tels que le
I sarcophage de Valderoure, celui de Saini-Cëzaire et tan tdautres,
ld*une réelle importance par icur rareté dans ces pays de mon-
tagne, qui intéressent au plus haut degré Thistoire bien im-
[prccisede certains centres, soient délaissés à ce point par les
[municipalités, par les communes qui devraient en avoir et la
[garde et le soin. Ces monuments se dégradent de jour en jour
Ict sont exposés a toutes les intempéries, quand ce n'est pas au
[vandalisme inconscient du paysan» du berger ou du premier
passant.
Il est désirable que, dans toute notre Proi*ence, une pro-
^tection plus efficace soit accordée à ces vieux restes et que les
Sociétés archéologiques des départements ou le Congrès choi-
fsissent des délégués qui seraient chargés (ils auraient ainsi plus
d'autorité) de faire des démarches personnelles, afin d'arriver
à mettre en Heu sûr, dans chaque région, les antiques monu-
ments abandonnés. Si les musées des grandes villes sont trop
éloignés, qu'on utilise au moi ns« dans les villages, quelque salle
de mairie ou les écoles.
En choisissant les écoles, il y aurait peut-être même profit
pour l'avenir Quand Tinsiituteur aura appris aux enfants
rinlérèl majeur qui se rattache aux objets archéologiques*
ceux-ci, tout jeunes, s'habitueront à les respecter et il est
certain que, dans la suite, ces jeunes gens viendront signaler
d'eux-mêmes ou rapportera l'école (ne serait-ce que dans le
but de faire plaisir à leur maître), les médailles et autres objets
Urouvés dans les campagnes, Par ce moyen, bien des restes
précieux pourront être connus, et d'autres, au lieu d'être per-
— ib4 —
dus ou détruits, seront conserves pour la plus grande utilité dëT
études. 11 serait à souhaiter qu'un vœu, pour la conservation
et la mise en lieu sûr des monuments délaissés, romains et au-
tres, de Provence, iïit formulé à l'occasion de ce Congres* Ce
vœu est nécessaire et trop important pour qu'il soit besoin
d'insister auprès de ceux que font agir les mêmes aspirations.
C'est par une action commune, avec quelque peine person*
nelle (peu agréable parfois K qu'il faut savoir à l'occasion s'im-
poser, qu'on arrivera, un peu partout, à sauver et à conserver
une foule de documents doni Fimportance grandira encore
au fur et à mesure d'autres découvertes. 11 s'agit de rassembler
pour plus tard des points d*appui positifs, des données certai-
nes, des termes de comparaisons utiles, souvent indispensables,
pour rhistoire particulière de chaque pays et pour Thistoire
'énérale de noire vieille Provence. Si on le désire vraiment.
n'
qu'on sache en prendre tous les moyens!
MONNAIES ROMAINES TROUVÉES A SAINTCËZAIRE (ALP.-HIARITJ
A différentes époques déjà, le territoire de Saint-Céxaîre
avait fourni un certain nombre de monnaies romaines. Les
quartiers de la Trcillère, du Puits-du-Plan, de Campcivière
notamment, avaient donné, au cours des cultures des terres,
avec d'autres objets de la même période, des grands et petiis
bronzes d*Auguste, de Tibère, Caligula, Claude» Néron, Titus,
Domitien, Trajan, Héliogabale, etc. Ces monnaies sont au-
jourd'hui égarées on ne sait où. Quelques-unes ont été vendues
aux étrangers de passage ; d'autres sont dispersées dans quel-
ques rares collections.
A litre de documentation locale, nous croyons utile d'ajouter
— i65 —
aux précédentes trouvailles la liste des bronzes suivants, mis à
découvert, il y a 7 à 8 ans, pendant le défoncement d*un ter-
rain, par M. Daver, propriétaire au quartier de Mauvans, dans
une station gallo-romaine, située au-dessous du camp retran-
ché du même nom.
Nous adressons, en la circonstance, nos plus vifs remercie-
ments au savant membre de l'Institut, M. Ern. Babelon, qui a
bien voulu faire la détermination précise de ces monnaies :
r Monnaie usée
2" Moyen Bronze
4** Moyen Bronze
5' Grand Bronze
b » »
7** Moyen Bronze
8** Grand Bronze
10""
Moyen Bronze
Grand Bronze
Auguste ou personnage de sa famille.
LuciLLE (?), femme de Lucius Verus.
: Hadrien. R/VIRTVTI AVGVSTI.
: Marc-Aubêle.
: Marc-Aurèle, TR. P. XXVI (an 172
après J.-C.).
; Commode.
; Septime Sévère.
Alexandre Sévère P. M. TR. P. X. COS.
III P. P. — (Le Soleil) — (An 23 1
après J.-C).
Alexandre Sévère — TR. P. XI (An 232
après J.-C).
Gordien III — R/ le Soleil.
VoLusiEN, fils du Tribunien Gallus.
(251-254 après J.-C).
- i66 —
MONNAIES MASSALIOTES
PROVENANT
DE L'ARRONDISSEMENr DE GRASSE.
Dans son intéressant travail sur les sujets d'études à traiter
plus spécialement au Congrès colonial, M. Henri Froidevaux *
a fait ressortir, avec beaucoup de justesse, l'importance qu'il y
aurait à dresser un inventaire de tous les documents grecs ou
massaliotes, recueillis sur notre terre de Provence. Il est de
toute nécessité, pour l'histoire de l'antique Massalia, de savoir
jusqu'à quels confins a pénétré sa civilisation, quels sont les
points, dans l'intérieur de nos montagnes, qui ont reçu des
objets de son industrie et de son commerce, quelle est la na-
ture de ces objets. Il y a, sur ce sujet, encore beaucoup à faire,
beaucoup à trouver.
Ccst en recueillant petit à petit les moindres documents
qu'on arrivera à former un faisceau de quelque valeur. La plus
modeste trouvaille peut avoir son importance, surtout quand
on peut en désigner exactement la provenance, le lieu du gise-
ment.
Je n'ai ni l'intention, ni l'espace pour m'essayera faire ici un
relevé général des objets grecs ou massaliotes recueillis soit
dans les Alpes-Maritimes, soit sur toutes nos côtes proven-
* Henri Froidevaux. — Un questionnaire d'Histoire Coloniale Marseit»
taise et Provençale (Annales de la Société d'Études Provençales. AU.
3* année, n» ?, mai-juin 1906, p. 1 a3 à 137).
— lôy —
cales. Je veux me borner seulement à signaler quelques trou-
vailles faites aux environs de Grasse, et à en indiquer la
date.
L'arrondissement de Grasse a fourni, à différentes reprises,
des monnaies massaliotes et grecques. Le musée de Cannes
en possède quelques-unes, qui, croit-on, proviennent égale-
ment du pays ; mais la plupart n*ont pas leur étiquette
d'origine.
Voici l'empreinte d'une monnaie recueillie à Antibes en
1869; elle se trouve actuellement dans la collection de feu Ca-
vallier, à Grasse. M. Er. Babelon, membre de l'Institut, et
M. Gustave Martin, l'aimable conservateur du cabinet des
Médailles de la ville de Marseille, ont bien voulu l'examiner.
Il s'agit d'un bronze Massaiiote:
Tète d*Apollon à gauche, couronnée de laurier.
R/ — Taureau cornupète à droite, à Texergue MASSAAIHTÛN.
En 1869 et 1873, on en a trouvé également à Saint-Cézairc,
près Grasse ; avant de pouvoir en faire paraître les repro-
ductions photographiques, j'en soumets dès aujourd'hui les
empreintes aux membres du Congrès. Ces monnaies sont
en argent ; plusieurs appartiennent à la Collection feu Caval-
lier ; une autre, à la Collection Jusbert, de Grasse.
Trois proviendraient d'une belle trouvaille qui aurait été
faite, en 1878, à Saint-Cézaire.
Un paysan, en bêchant ses terres, aurait mis à découvert un
ase, qui contenait 3oo (?) monnaies en argent, massaliotes
ou grecques. Je n'ai pu savoir ce qu'étaient devenues les
autres. On m'a affirmé qu'elles avaient été vendues à un bijou-
tier inconnu. Ce qui est certain, c'est qu'au milieu de ces mon-
naies, se trouvait également un fort bel anneau en bronze.
«R6.
«R6.
«R6.
— i68 —
aplati, du même genre que certains autres recueillis dans la
cachette de la Combe, à Saint- Vallier-de-Thiey *.
L anneau est actuellement encore entre les mains de M. Jus-
bert, à Grasse, à qui il fut vendu, avec deux drachmes, quel-
ques mois après la découverte.
M. Gustave Martin a eu l'obligeance défaire la détermina-
tion exacte de ces différentes monnaies ; nous Ken remer-
cions bien cordialement.
Dbachmb^ Massaliotes :
Tête de Diane â droite, pendants d*oreiIle.
R/ — MASilA — Lion marchant à droite, à Texergue IIIA (r).
(Cinquième époque — 2« type de Diane.)
Monnaie trouvée à Saint'CéTiaire [Alpes-Maritimes], en i8/3. (Coll.
Cavallier-Saisse à Grasse.)
Tête de Diane à droite, avec l'arc et le carquois, pendants d'oreille.
R/ — MASIA — Lion marchant à droite, dans le champ A (?).
(Cinquième époque — 2* type de Diane.)
Monnaie trouvée à Saint Cé^aire (Alpes-Maritimes), en iSyS, (Coll.
Cavallier-Saisse, à Grasse.)
Buste de Diane à droite avec ses attributs.
R/ — MASSA — Lion à droite, à Texergue NAA.
(Sixième époque — 3* type de Diane.)
Monnaie trouvée à Saint -Césiaire (Alpes-Maritimes), en i86g, (Coll.
Cavallier-Saisse, à Grasse.)
* Bronzes et Parures en argent, à Saint-Vallier {Alp,'Marit),(tAAléTiaLU7i
pour l'hist. prim. et nat. de Thomme. Tome IX, 6* liv. Juin 1878, p. 291).
I
r
IR6.
ms.
— i6g —
Baste de Diane à droite avec ses attributs.
R/ — MASSA — Lion à droite. Dans le champ A, à Icicrgne IIER.
Monnaie trouvée à Saint Cés^aire (Alpes-SfarUimes), en /86g. tColl.
Cavailier-Saisse, à Grasse.)
Buste de Diane k droite avec ses attributs.
R/ — MASSA — Lion à droite.dans le champ A, à l'exergue TVA (?).
Monnaie trouvée à Saint'Cé^aire [Alpes- Maritimes), en tSjS, (Coll.
Josbert à Grasse.}
Enfin, dans les fouilles que nous poursuivons depuis deux
ans. dans lenceinte du Camp-du-Bois au Rourel, il nous a été
donné de recueillir, dans une grande tranchée de 33 mètres, plu-
sieurs monnaies. L'une d'elles est indéterminable. La deuxième,
extraite à i mètre 25 de profondeur, est en métal cassant et
serait, d'après M. Babelon, une grossière imitation barbare de
la suivante. M. Déchelette Ta étudiée également; elle lui a
paru se rapprocher, comme facture, de certaines monnaies
gauloises; la troisième (mise à jour à o,8ocentim. de pro-
fondeur des fouilles) est un beau bronze massaliote, du iii« au
1^ siècle, tout recouvert d'une belle patine (tète d'Apollon à
droite, taureau cornupète de l'autre).
Il était intéressant d'attirer l'attention des archéologues
sur ces dernières monnaies recueillies en place dans un des
camps les plus rapprochés d'Antibes, ancienne colonie
grecque.
La continuation des fouilles nous apportera, sans doute,
d'autres documents et nous permettra peut-être d'avoir déplus
amples renseignements sur les relations (commerce ou pil-
lage) des tribus barbares de la montagne avec les Grecs de
la côte.
— ryo —
Nous devons ajouter que lecamp du Rouret, sans parler d'un
grand nombre d'autres objets et poteries de civilisations difFé-
rentes qui feront Tobjet d'une étude à part^ nous a également
fourni, à des niveaux divers, une série de poteries à couverte
noire, Campaniennes, dont un fond de vase porte des pal-
mettes en creux> semblables à celles figurées sur certaines po-
teries découvertes au Baou-Roux, par M. le professeur Vas-
seur, de Marseille.
j
r
- 171 —
m
NOTE SUR
5T0MAAIMNH
par M. Georges DE MANT£T£R
sAncitn membre de r École française de Rome,
Président de la Société d'Études des Hautes-Alpes,
Membre associé régional de t Académie d'Aix ; Membre titulaire
de r Académie de Vaucluse.
Les substantifs grecs XtfivYp étang, et aTôos, bouche, ont
formé un composé de genre variable qui désigne certains
étangs. Ce composé est donné par Théocrite sous la forme
TroazÀt{i.vov * et par Strabon sous la forme (iTojiaAîji.vT, *.
* Id. IV. 23-95. xai jJiàv kç oto^iiaiulvov âXaûveTX'. 1; tc tz 4>u^x(d,
xal icoTi TÔv Nr^aiftov, oitx xaXs wxvTa ^ûovTt,
atyiirupoç xat xvûïa xai e'jcuôTjç {jieAtTeta.
Le tradacteur rend èç <rro^aÀi;jLvov par ad paludis ostium (Poeue
tmcolici. Parisiis, Didot.MDCCCLI, p. 9).
• Ubr. IV, cap. 1, $8.
«>::csx£iTst oà tûv êxSoXuîv tou 'Poôavou Xi^voOzXaTTa, xaXouot
oc <rrottaXt[jLVT,v, oçrpaxia ô' e/£i itifiiroXXa xai aXXcoç vjO'^eV TaÛTT,v
o* Evioi auvxaTTjpiOuLTjdav toîç dTÔaadî tou 'Pooavou, xal*u.aXt(jTa 01
^T,axvT£; eTCTaoTOfiov auTÔv, 0'jt£ tout' eu XéyovTEç ojt ' €X£tvo' ogo;
«vii £«Tt (LCTai'j TO Sieîpyov iitô tou iroTauLOu tt,v Xiavr^v.
Le tradactear rend dTojJLaXijivTjV par lacum prope ostia (Strabonis
geographica. Parisiis, DiJot, MDCCCLIII, t. I, p. i52).
Ibid,, Libr. XIII, cap. i, 1 3i.
MsTa 0£ TO *PotTeiov e<rrt to Siyfitov, xaTC7i:a<;;j.£vT| ::ôXi;, xal to
Il convieni de rechercher remplacement de ces cun^^s et
reconnaître ce que leur siiuaiion peut présenter de particulier.
On en connaît quatre et en voici l'indication.
r Quand Strabon décrit du nord-est au sud-ouest la côte
de l'Hellespont, dans ledéiroitdes Dardanelles, il nomme suc-
cessivement les villes de Dardanos, Ophrynion^ Rhoïteion.
celle-ci, avec son littoral bas où se voit Aianteion. Après
Hhoïieion, Strabon nomme immédiatement la ville détruite
de Sigeion ; puis, il revient sur ses pas pour décrire le lieu dit
Stomalimne et aussi les bouches du Scamandrequi occupe la
plaine avec le Si mois entre Rhotieton et Sigeion. Ces deux
fleuves» dit-il. amenant une i;rande quantité de limon, le ré-
pandent sur la cc^ie» y forment des marais, des étangs d'eau
saumàtre et leur embouchure s obstrue •-
Cest évidemment près de celte embouchure du Scamandre
Cl du Simoïs que doit se placer l*étang dit Stomalimne et le
lieu qui en a pu porter le nom*
2* Plus loin, à propos de la Cane, décrivant I île de Kos,
WM\ Ikr^ TTOSOÎJm. {Ibid,i U I, p. 5og,)
md., Libr. XrV, cip. II. | 19.
iito 5î>«*iK 5k TÔ ^stxxvov xal xoijxtjV xïAOutjLivT.v ^t^^j/ ^
itUJ.. t. 1. p, ôôi.i
Suinr U descnptÎQti de Strabon sar tx ûrte de H. Kiepert ; SpMiâ I
kênt tom Westtîchcii Kleinxsicn. Bcritn, Qieinch Rcimer, î^, b* ir*
V joindre Ix cine de M. A. Bouché-Lectcnrq qui doanc tx dispositkM
de rxt»«ico nv#|^ c« retnit iBoucixC'Lecicfcq, ,tff« pomr ttrvtr à thiÈ*
t^irt fTfCfsr éê £. C»rf^»«* I^Aru, i^l, PI. IV« PUiiie de Troie).
- 173-
dans le groupe des Sporades, Strabon • dit que cette île est
terminée au sud par le promontoire Laketer, actuellement cap
Krokilos, et qu'elle présentera l'ouest le Drekanon *. La posi-
tion du Drekanon est établie par le fait qu'il se trouvait à
200 stades de navigation au sud de la ville de Kos et à 35 au*
nord du Laketer : en raison de ces chiffres qui ont, au moins,
une valeur proportionnelle, le Drekanon, éiani beaucoup plus
rapproché du Laketer que de la ville, ne peut guère être iden-
tifié qu'avec le cap actuel Daphni, sur la côte occidentale de
l'île. Or, Strabon rattache au Laketer le lieu de Halasarna
et au Drekanon le lieu de Stomalimne ; il en résulte que Sto-
malimne peut avoir existé au moins aussi loin du Drekanon
sur la côte occidentale que Halasarna du Laketer sur la côte
méridionale.
C'est donc très justement que Kiepert identifie Stomalimne
avec le seul étang marqué dans l'île sur le bord de la mer et
sans communication actuelle apparente avec elle, placé entre
l'embouchure de deux cours d'eau et en face de l'île Pséri-
mon. Dans le voisinage de cet étang, existait donc une ville
qui en avait pris le nom.
30 Théocrite place sa quatrième idylle aux portes de Co-
' Stkab. libr. XIV, cap. 11. | 19.
H. K.IEPERT, Speciaikarte vom Wesilichen Kleinasien, n»' xiii et x.
* L'index de rédition de Didot (t. II, p. 794) oublie d'indiqaer cette
localité : mais les ëditears da Thésaurus, d'après ce texte de Strabon, en
lent, ce qai est naturel, un promontoire de Kos, comme le Laketer,
iTbesaurus grccc lingux, vol. II, col. 1676. Parisiis Didot i833). — Cf.
O. Rayet, Mémoire sur nie de Kos. Paris. Impr. Nat. 1876. (Extrait des
Arch. des missions, 3* série, t. III. in-8« de 84 pp. avec une carte hors
texte). L'éung n'y est pas nommé. Il se trouve à l'embouchure de
r A).£'.;.
— 174
trône, en Calabre *. Le berger Cor}'don fait paître une génisse
sur les bords de la ri vière .4 /^aros vers les ombrages du L^f^'iw-
non, landis que son compagnon Battus pousse un taureau
couleur de feu du Stomalimnon au mont Fuscon, puis vers le
fleuve Neaiîhosoù viennent les plantes odorantes.
Il est facile d'identifier le Neailhos de Théocrîte avec 1^
Ncto actuel qui se jette dans la mer à i5 kilomètres environ
au norddeCoironc Quanta i*A i^aros, à rembouchure duquel
était vraisemblablement, selon Strabon ^, le pon de Coirone*
c'est, sans aucun doute, TEsaro, c'est-à-dire la rivière qui
arrive à la mer à un kilomètre au nord du promonioire ou
s'élève Coirone '♦.
De plus, il semble bien qu'il faille identifier le mont Ftacon
avec le monte Visco vaîello, qui. mesurant 98 mètres de hau-
teur, se trouve à environ deux kilomètres au sud-ouest de
Cotrone, sur la rive droite même de TEsaro.
Comme le monte Visco, Tétang Stomalimnon doit donc être
placé, non pas à Tembouchure du Neto, mais à celle de rEsaro.
c'est-à-dire à proximité de Cotrone.
' Dans ta province de Catanzaro. — Voir la Carta topografica del
Regno i lOOOOQ"; f»' a38» III : Cotrone. et IV ; StrongoH.
Theocr.. Id* IV, vers 17-ig, 23-i5 (éd. Didoi. p. 9).
* Strab.^ hb. VL cap, u | ta. (Ed. Didoi, ù L p. 217).
ïlpWTTi 5'sffTt K&OTUJV Vt ixOtTCjV K3ll lïCVTr^XÛVTflt ffTat5(otç iit^ t«5
Aû{xtv{au xQtl TcoT^tiôc Ai^«ûoç xotl XtjJLT^v x«l àXXo; t^ùi^^M Néai^oç...
• Le nom de VEsaro paraît manquer sor la cane au 11 00.000% levée en
1870 par l'élève^ngénieur Manchegiani. sous la direction du capitaine
Carénai; tnais le cours de la rivière 7 est très visible : elle se termine, I
rerobouchurc, par une sonc de renflement en forme d'étang, dont la
communication avec la mer est interceptée par un cordon de sable. On
SAit. par ailleors, que Cotrone se trouve sur le flanc septentrional du
mont Corvaro. i^ Tembouchure de l'Efaro (Morosï, Di\ionario di erw
diKione stùrka-eccteiiaUica, vol. xvrii, p. i^|.
- t75 -
4« Sirabon, parlant des bouches du Rhône, dit qu'au-delà
de CCS bouches se trouve un étang salé appelé Stomalimne.
Cet ciany contient une grande quantité d'huîtres et, surtout, il
abonde en poissons, C est à tort que certains géographes
lavaient mis au nombre des bouches du fleuve qui, selon eux,
en possédait sept; car une hauteur, formant obstacle, sépare le
rteuve de l'étang n
Le fait précis, que Tétang en question est séparé des embou-
chures par une élévation, permet d*idenlifier avec certitude cet
étang et cette élévation. Pour celle<i, il s*agit de la croupe, diri-
gée Ju nord au sud, qui se termine au sud par une colline plus
élevée où s*étage le village actuel de Fos. Cette croupe aboutit
ainsi à proximité de la mer : elle s*élève au-dessus des marais
delà Fous qui régnent jusqu'au Rhôneet qu'elle limiteà Test;
de l'autre côté, elle borde et surplombe la rive occidentale de
rétangditder£>/ournaGi/ Ceiétangn'étaitjadisséparédela mer
que par tes sables de la plage. Son nom, comme Va remarqué
IKL Desjardins, rappelle le grec Stomalimne *; mais il peut ne
pas en provenir directement. Kn eflet, le terme ttûjxi, que les
Grecs employaient pour désigner l'embouchure d*un fleuve, a
passé en latin. A cet égard, les éditeurs de Ducange ne citent
qu*un texte de Paul Diacre ou de son continuateur fort insuf-
fisant •*; mais l'iimérairc de Bordeaux à Jérusalem, fait en 333,
indique à sept lieues de Bordeaux le relai \ad^ Siomaias qui
semble le prouver *. C'est ainsi que ilToaa [Ltavri a pu
• Sifâb. Iib. IV, cap, I, I 8. iEd. Didoi» i. I, p. iSif,
Carte de t« Fr»nG« dreiisëe par ordre du Ministre de Tin teneur au
l 'too.ooo'. Feuille xxji-35.
• E, DiSMa^JiNS, Géographie de ia Gaule romaine, l I, 1876, p. 2o5.
• Pâulè Diaconi. libr XVHI : «... ad custodicndym stoma cremi. »
(Oucan^cOtossanum, Pansiis. Didot. 1846. u VI. p. 38o.)
• B, DtsjAauiNS^ Géographie de ta GauU romaine, t, IV, 1893, p. 3h
-- «76 -
fèvenir, en latin, [ad Siomalum, d'où le nom actuel Estou-^
maou,
i\n résumé, les quatre sites de Siomalimne connus ofTrcnt
des caractères communs. Chacun des quatre est, à proprement
parler, on ctani^ salé situé à la fois a proximité de la mer et de
l'embouchure d'un cours d'eau, L*étang ne communique pas
nécessaire m eut avec le cours deau, car jamais un bras du
Rhône n a dû donner dans l'étang de TEsioumaou, D autre
part, rétang ne débouche pas sur la mer ; il en est séparé par
le sable de la pla^e.
XTO|i.aXtuivY( c'est donc le lac placé près l'embouchure d'un
fleuve, çTÔLtatTo; At;jivY| ; ce n'est pas gToji-a âijjlvttjç, l'embouchure
d'un lac. Si le traducteur de Théocriie a rendu l'expression
i; <îtojjiaAiav&v par ad paludis ostium, dans Tédition Didot.
c'est une erreur; il convenait d écrire ad ostii paludem.
M. V. Bérard a vu, dans les noms du Simoïs, d'Astypalée, de
Cotrone et de Monaco, la preuve que les côtes où se trouvent
les Stomalimne ont d*abord été occupées par les Phéniciens » ;
elles ont. ensuite, été colonisées par les Grecs et ce nom d'étan,^
date de ces derniers, il n'est pas surprenant, par conséquent»
de retrouver sur toutes ces rives la légende d'Hercule : cette
légende groupe, dans l'itinéraire du héros, les localités en
question.
En effet, d'après Pindare que cite Strabon ^, c'est à Kos que
les vents portèrent le vaisseau d'Hercule revenant de Troie.
D'autre part, dans l'épisode des troupeaux de Géryon»
Hercule, après les avoir enlevés, les mena d'Espagne en Grèce
* V. BittkViù, La Xféditerranée Phénicienne (Annahi de Géographie ,
X. IV, p. a; 1-286, 414-434 : i. V, p. «57-276).
• St«»b, lib; VII, fragcn, 5; (Dldoi, t. I, p. 284).
— 177 -
en traversant, selon Denys d*Halicarnasse *, d'abord le Rhône
et la Crau, où il faillit être vaincu par les Ligures, puis l'Italie
et, selon Diodore *, remplacement de Cotrone.
Fos, 19 octobre 1898. — Rome, îo mars 1899.
Georges de Manteyer.
Ar^r^KivoiOE
On sait que la plage de Fos a été, vers les bouches du
Rhône, Tune des étapes du commerce antique : le nombre très
considérable de débris d amphores que la mer y remue sur le
rivage laisse entrevoir quelle fut l'importance du trafic, mais
on est encore peu fixé sur l'époque où cette station commer-
ciale fut délaissée.
En compagnie de M. David Martin, conservateur du Musée
de Gap, le 19 octobre 1898, l'occasion fit rencontrera Fos un
ouvrier italien des salines, qui, à ses moments perdus, recueil-
* DiOMYS. Halic. Rom. Antiquit., lib. I, cap. xu (éd. Didot, p. 3o).
* DiOD. Sic, lib. IV, cap. xxiv (éd. Didot, t. I, p. 206).
coNOHJES — 12.
- .78 -
lait les monnaies éparses sur le sol '. Il en avait trouvé de quoi
remplir quatre cartons fixés sous verre aux murs de son ap-
partement. Malgré la difficulté d'examiner ainsi ces pièces, dont
une seule face était visible, on ne pouvait manquer d'en dres-
ser rapidement le catalogue : c'est ce qui fut fait et en voici la
liste.
1 L. Lucreiius Trio, monétaire, vers 680 (74 av. J.-C), Babelon t. 2,
p. i53, I Lxxxix, n° 2.
2 iM. Lollius Palicanus, mon. v. 709 (45), avec la contremarque : C
t. 2, p. 148, { Lxxxvâi, n" 2.
3 M. Antonius.imp. et triumvir, v. 713(41), t. i, p. 176,5 xi, art. 2, n«» 5i.
4 Le même, à fleur de coin,
5 G. Julius Caesar Octavianus, v. 726 (28), t. 2, p. 64. | lxxxii, art. 8.
n» 154.
6 Le même avec la Victoire de Samothrace, ibidem.
7 G. Jalius Caesar, v. 696 (58), t. 2, p. 10, S Lxxxii,art. 7, n» 9.
8 Le même.
9 L. Thorius Balbus, mon., v. 660 {94), t. a, p, 488, § clxiv.
10 Le même.
11 Publias Glodius Turrinus M. f., mon., v. 711 (43), t. i, p. 35ô,
% xxxvi, art. 8, n« i5.
12 Le même.
i3 G. Glaudius Pulcher, mon., v, 648 (106), t. i, p. 345, J xxxvi, art. 1.
14 Le même.
* Il se pourrait, évidemment, que l'ouvrier en question, au lieu de trou-
ver ces monnaies à Fos. les ait apportées d'ailleurs et on ne peut se por-
ter garant de ses dires. On les admet, seulement, jusqu'à preuve du
contraire.
M. A. Guebhard a décrit ainsi une collection de 120 deniers romains
s'étageant de l'an 139 à l'an i avant J.-C. (Sur un trésor de deniers ro-
mains trouvé en 1901 aux environs de .Nice. Nice, Malvano, 1004, extrait
des Annales de la Soc. des Lettres, Sciences et Arts des AlpeS'Maritimes,
t. XIX).
- 179 -
i3 C. Licinius L. f. Macer, mon., v. 672 (82), i. 2, p. i33, S lxxxv,
art. 4, n" 16.
16 Le môme.
17 Man. FonieiusC. f., mon., v. ()66 (88), sur la joue, contremarque /^.^
frappée, t. 1, p. 5o6, s lxviii, art. 3, n» 9. \ ♦ \
iS Le même. V'
19 Marcius Philippus, mon., v. 694 (60), contremarque, à droite, faite
au ciseau : P, t. 2, p. 197, § xçviii, an. 8, n» 28
20 Le même.
21 C. Vibius C. f. Pansa, mon ,v. 664 (90) t. a, p. 540.5 clxxvii, art. 1,
n« 4 (?).
22 Le même.
23 Cn. Cornélius Lentulus P. f. Marcellinus, mon., v. 670 (84); qui-
naire, t. I, p. 4i5, S xLiv, art. 10, n» 5i.
24 Le même.
25 L. Cassius Longinus, mon., v. 700 {54), t. i, p. 332,§xxin, art. 6, n» 10.
26 Le même.
27 *•. Crepusius, mon., v. 670 (84K t. i, p. 441, | xlix, n« i.
28 Le même.
29 M. Fannius C. f., mon., v. 605(149), ^' '» P* 49L ^ lxiv, art. i.n» 1.
30 Le même.
3i Paullus /Emilius Lepidus, mon., en 700 (54), t. i, p. 123, S v, art. 4.
32 Le même.
33 M. Fannius C. f., mon., v. 6o5 (149), i i. p. 491. % lxiv, art. i .
34 Le même.
35 L. MemmiusL.f. Galeria,questeur, v. 672(82),t. î, p.2i6,Sci,art.2ei3.
36 Le même.
37 C.Julius Cœsar Octavianus, (42-38I, beaUf t. 2, p. 53, 5 lxxxii, art. 8.
n* 116.
38 Le même.
39 Publius Clodius Turrinus M. f., mon., 71 1 (43), t. 1, p. 356, % xxxvi.
art. 8, n» i5.
40 Le même.
41 P. Crepusius, mon., v. 670 (84), t. i, p. 441, S xlix, n» i.
42 Le même.
43 C. Julius CasarOctavianus, 726(28}, i. a, p. 65, § lxxxii, art. 8, n«i56.
44 Le même.
45 Titus Carisias, mon., v. 706 (48), t. i, p. 314, % xxxii, art. 1 , n» 2.
46 Le même.
— i8o —
47 M. /Emilius Lepidus, imp. et triumvir, 710-712 (44-42) ; quinaire.
1. 1 , p. 1 3o, g V, art. 6, n» 29.
48 Le même.
49. C. Julius Caesar Octavianus, 726 (28). t. 2, p 66, | lxxxii. art. 8.
n« i58.
3o Le même.
5i C. Claudius Pulcher, mon., v. 648 (106) ; sur la joue, la conlremar-
que : S, t. 2, p. 345, $ XXXVI, art. 1 , n» i .
52 Le même.
33 Cn. Cornélius Lentulus P. f. Marcellinus, mon., v. 670 (84) : qui-
naire, t. I, p. 415, % xLiv, art. 10, no 5i.
54 Le môme.
55 C. Julius Csesar Octavianus, 726 (28), t. 2, p. 67, % lxxxii, art. 8, n« 162.
56 Le même.
57 M. Plaetorius Cestianus, Edile curule, 685 (69), t. 2, p. 3i2. | cxxv,
art. 3, n» 3 .
58 Le même.
59 M. Porcius Calo, mon , v. 653 (101) ; quinaire, t. 2. p. 371, | cx-xxii,
art. 4, n«7.
60 Le môme • contremarque : J.
61 C. Julius Caesar Octavianus, v. 723 (3 1 h quinaire, t. 2, p. 57, | lxxxii,
art. 8, n» i32.
62 Le môme.
63 Q. CaeciliusMetellus Plus, imperator, v. 675 (79), t. i, p. 275, $ xxvi,
art. 7. 9, u- 43.
64 Le môme.
65 L. Rubrius Dossenus, v. 671 (83); quinaire, t. 2, p. 408, § cxli, 0*4.
66(?)L. .-Kmilius Buca quatuorvir mon. en 710 < 44) ; quinaire ^ t. i.
p. 124.$ v.an. 5, n» iK (?).
67 C. Julius Caisar, < 50-44), t. 2, p. 1 1, 5 lxxxii, art. 7, n* 10.
68 Le môme.
69 C. iMarcius Censorinus, mon., v. 670 (84), t. 2, p. 192. J xcviii, art. 6,
n" 19.
70 Le môme.
71 M. Porcius Cato, propréteur, 706-708 (48-46): quinaire, t. 2. p. 376,
I cxxxii. art. 6, n" 1 1.
72 Le môme.
73 C Julius Caesar, v. 696 (58), t. 2, p. 10. S lxxxii. art. 7. n» g,
74 Le môme.
— i8i —
75 Scx. Pompeius Fostulus, mon., v. 625 (129), t. 2, p. 337, | cxxx,
art. I, !!• I.
76 C. Marius C. f. Capito, mon., v. 670 (84), dentelé, t. 2, p. 2o3, % xcix,
an. 2, n« 9.
77 C. Nxvtus Balbas, mon., v. 680 (74), dentelé, t. 2, p. 248, $ cix,
an. 2, n» 6.
78 C. Cassius Longinas, imp. 712 (4a), t. 1, p. 336, % xxiii, an. 7»
n' 16 ou 18.
79 Man. Acilius Glabrio, mon., v. 700 (54), 1. 1 , p. 106, % m, an. 3, n» 8.
80 Q. Antonius Balbus, préteur, 672 (82), dentelé, t.. i, p. i58, % xi,
art. 1-9, n* i.
81 .M. Plxtorius Cestianus, édile curule, 685 {69), contremarque sur la
joue : C, t. 2, pp. 3i2-3i3, § cxxv, art. 3. n« 4.
82 Q. Cassius Longinus, mon., v. 694(60), t. i , p. 33i, § xxiii. art. 5, n« 7.
83 P. Licinius Crassus Dives, quest., v. 696 (58), t. 2, p. i34,|lxxxv.
an. 5, n» 1 8.
84 C. Maianius mon., v. 56o (194), t. 2, p. 166, % xciv, art. i, n« i.
85 C. Mamilius Limetanus, mon., v. 670 (84), dentelé inédit ?, t. 2.
p. 173, J xcvi, art. a, n« 6 variété inéd.
86 Q. Cassius Longinus, mon., v. 694 (60), avec la contremarque : C,
t. I, p. 33 1, I XXIII, art. 5, n» 7.
87 M. Âtilius Saranus^ mon., v. 58o (174)* t. i, p. 229,$ xviii, art. 2,
n« 8 ou 9.
88 M. Antonius, imp. et triumvir, 713 (41); en dessus, la contremar-
que : O, t. I, p. 175. § XI, art. 2, n« 48 ou 49.
89 P. Furius Crassipes, éd. curulc, v. 671 (83), t. i, p. 526, % lxxii, art. 7,
n» 19.
90 Ti. Veturius, mon., v. 625(129), t. 2, p. 535, i clxxvi.
91 C. Norbanus. mon., V. 670(84), t. 2, p. 259, % cxiii. art. i, n«» i.
9a L. Flaminius Cilo, mon., v. 660 (94) [ou mon. en 710 (44)]» t. i,
pp. 495-496, % Lxvi, «n. i, n« i ou art. 2, n« 2.
93 A. Postumius A. f. Sp. n. Albinus, mon., v. 680 (74), dentelé, t. 2.
p. 38 1, S cxxxiii, art. 3, n» 7.
94 Titus Carisius, mon., v. 706(148); avec la contremarque : S» t. i.
p.314, { xxxii, art. I, n» i.
95 Cn. Cornélius Lentulus Marcellinus, questeur (74), t. 1, p. 417,
% xMv, an. 10.
96 Q. Minncius Thermus, mon., v. 665 (90), t. 2, p. 235, % cv, art. 5,
n« 19.
97 Man. i€milius Lepidus, mon., v. 642 (112), t. i, p. 118, 5 v, art. a,
n* 7.
- l82 -
oH Cn. Domitius Ahenobarbus, mon., v. 640 (1 14). l. 1, p. 4tx), S L%-n,
art. 2, n" 7 ou S.
99 T. Cloulius, mon.,v. 653 (101.) -.quinaire, t. i,p. Stîo, 5 xxxvii, an. 2.
100 Cn. Cornélius Lenlulus P. f. Marcellinus, mon., v. ôjo iH^), t. 1,
p. 415, 5xi.iv, an. 10, n» 5o.
loi C. Sulpicius C f.. mon., v. 660 (94), dentelé, t. 2, p. 471, % clxi,
an. I , n" I .
102 Cn. Cornélius Blasio Cn. f., mon., v. 055(99), avec la marque X<
indicative de la valeur de XVI as: t. i, p. 396, § xliv, an. 6, n* 19
ou 20.
io3 P. Vettius Sabinus, mon., v. 653 ( loi } : quinaire, t. 2, p. 53 1 , s clxxv,
art. I , n* I.
104 C. VibiusC. f. Pansa, mon., v. r)<")4(90) ou 71 1(43} : contremarque : C
t. 2, pp. 538-54(), ?î cLxxvii, art. 1 ou an. 2, n- 16 (?).
io5 T. Carisius. mon., v. 706 «4X1, t. i. p. 3i5, § xxxii. an. 1. n- 4.
io6 A. Plautius, ed.curuleen 700(54), t. 2, p. 325, ;& CLxxvii.art. 3, n*- i3.
107 M. Antonius. imp. et triumvir, v. 711 143» ; quinaire, avec la con-
tremarque : ^t. I. p. 173.5 XI. an. 2, n» 42.
108 P, Servilius .M. f. Ruilus, mon., v. 665 (S<)L t. 2, p. 45 1. 5 iLiii. an 5.
n" 14.
lOi) L. Furius Cn. t. Brocchus. mon., v. 700 (53). t. 1, p. 5jS, 5 lxxii,
art. 8, n" 23.
110 C. .Mamilius Limetanus, mon., v. 670 (^4). dentelé^ t. 2, p. 173.
5 xcvi, art. 2. n" 6.
Ce sont en tout cent dix pièces d'argent de coin romain,
dont quaire-vintîi-ireize deniers et di.x-sept quinaires «. Parmi
les deniers, il y en a sept seulement de dentelés -. Neuf deniers
au moins ei deux quinaires portent une contremarque •* ; si les
deux taces des pièces avaient été visibles, il est probable que
ce nombre devrait être auî^menté. L'un des deniers est remar-
quable par sa belle conservation *; il est de César. In autre est
à ileur de coin •' c'e>i le denier :rappé en 41 av. J.-C. par le
4. .^J '-\ ' . ' -• • .". '•'\7i. 72. •>), io3 et 107.
= \
.:5. .4. 4-. 4-. >>,
^ N
— . - - , N .-^ . ^ ,"» , 1 ,* ,
\
.-. •-. vj. > - . >
• N
.'-
N
t.
- i83 —
questeur M . Barbatiusaux effigies de Marc Antoine et d'Octave.
Au reste, la répartition des cent dix pièces par ordre chronolo-
gique est la suivante :
194 av.J.-C. n» 84 =1
= 4
= 2
= 4
= 4
= I
= 4
= 4
= 2
= 5
= 2
= 4
= 3
= 4
= 5
= 6
= 3
= 2
= 2
= 5
= 2
= 3
«74
n» 87
149
n- 29, 3o, 33, 34
148
n» 94
.ag
n»' 75. 90
"M
n« 98
112
n» 97
106
n" i3, 14, 5i, 52
101
n'" 59, 60, 99, io3
99
n» 102
94
n" 9, 10, 92 (?), loi
90
n" 21, 22, 96, 104 (?)
«9
n» 108
88
n»* 17, 18
84
n"2 3,24, 27, 28,41,4a, 53
83
n" 65, 89
82
n- i5. 16, 35. 36, 80
79
n- 63, 64
74
n'* 1.77* 93, 95
69
n- 57. 58, 81
60
n" 19, 20, 82, 86
58
n" 7, 8, 73. 74. 83
54
n~ 25, 26, 3i, 32, 79, 106
53
n» 109
48
n- 45, 46, io5
48-46
n- 71, 7a
45
n» 2
30-44
n** 67, 68
44
n» 66
43
n" II, 12. 39, 40, 107
44-42
n- 47. 48
42
n» 78
4'
n*' 3, 4, 88
-*
quart ;
1
3-
qaan ;
7
4'
quart :
10
1*"
quart :
%
2*
quArt :
u3
r
quart
3a
— 184 —
fi «•' 61, 62
^ n"'5, 6. 43, 44, 49. 5o, 55, 56
Soit, en résumé, de] an ni^à l'an 2H avant J.C. :
II* siècle av. ;..C 1*^ quart : «
I" siêck av. J.-C. 1
L*annee84est la plus fortement représentée; il est remar-
quable qu'aucune monnaie ne soit postérieure a Tan 28-
Le ïU janvier727 (27 av. J.-CJ, Octave devint Auguste : celte
même anntje, il se rendit à Narbonnc. y tint une assemblée,
constitua la province impériale prétorienne en la séparant de
TEspagne et des Gaules. Il prit des mesures pour organiser
cette province Narbonnaise. Dès le début de loccupation ro-
maine, la voie Aurélienne, qui venait de Rome jusqu'à la ri-
vière de Gènes, avait été poussée jusqu'à Arles par le littoral :
en jasav, J.-C, le consul G. Domiiius Ahenobarbus avait créé
la voic,quî garde son nom, d'Arles vers TEspagne par Nîmes et
Narbonne. Le légal de César» Ti. Claudius Nero (sept. 46-
mars 44), ayant fondé lescolonies d'Arles, d*Orange etde Vienne,
et cette dernière ayant été remplacée par celle de Lyon. Tadmi*
nislraiion romaine se hâta de substituer au vieux chemin, qui
remontait la rive gauche du Rhône, une voie régulière d'Arles
à Lyon. En 22 av. J.-C., l'organisation de la Narbonnaise était
considérée comme accomplie et Tempercur la remit au Sénat*
Enlin, quand Marcus Vipsanius Agrippa fut légat des Trois
Gaules a Lyon (22-21 av. J.-C.)» il doubla cette voie de la rive
gauche f^r une voie de Lyon à Narbonne sur la rive droite^ en
— i85 —
même temps qu'il créait les voies d'Aquitaine, de l'Océan et du
Rhin '.
Ainsi la voie romaine, sur la rive gauche du Rhône, entre
Arles et Lyon, a été établie après la création des colonies de
César et avant la remise de la Province par Auguste au Sénat:
si elle n'était pas achevée en 27, lors de la création de la Nar-
bonnaise, elle Tétait certainement en 22. Ces dates établies, si
les deniers en question proviennent réellement de la région, il
n'est pas surprenant de constater, grâce à eux, que les apports
du commerce diminuent à Fos après Tan 28 : la voie fluviale
allait être abandonnée plus ou moins complètement, et plus
ou moins vite, au profit de la voie de terre.
' Florian Vallliitik. La voie <f Agrippa de Lugdunum au rivage Mas-
saiiote, Paris, Champion, 1880 (Extrait de la Revuedu Dauphinéet du Vi
parais, n* 5). — André Stiycrt, Nouvelle histoire de Lyon, t. I ; Lyon
Bernoox et Gamin, 1893, pp. 194-195.
iM. RoGEH Valllntin du Cheylard a étudié des deniers romains prove
nant da pays des Voconces et portant les contremarques A, AO, C, M
V (Roger Vallentin. Contremarques sur des monnaies d'argent de la
république romaine trouvées dans le territoire des Vocontii. Valence
Céas. 1888). 11 a également étudié un denier de Jules César contremarque
du signe X. (RcniEi Vallehtiic, Contremarque sur un denier de Jules
César. Valence, Céas, 1889: Bull, d'archéol. de la Drôme).
(>oa« dt>oos ces caractères épiisrapbiqaes à 1 obligeance de MM. Protat frères. Mâcoa.)
^wv v-vA/ v;uwwv.A^>^^ —
- i87
IV
Autels -cippes chrétiens de Provence
par le Gi« de 6ÉRIN-RIGARD
Président de la Société de Statistique et de ta Société Archéologique
de Provence^
Vice-président de la section d'Archéologie du Congrès.
Des monuments laissés en Provence par le christianisme
primitif, les sarcophages surtout, ont été étudiés par de savan-
tes personnalités, tellesque Le Blant, Paillon, Albanès,Rostan.
Les autels sont moins connus et cependant l'abbé Pougnet,
d'abord. Barges, MM. Eysséric, Gazan, Mougins de Roque-
fort, Chaillan et moi-même en avons signalé ensuite quelques-
uns. Aussi un corpus de ces intéressants antiques et d'autres
pièces contemporaines s'impose; j'entreprendrai peut-être ce
travail qui permettra des rapprochements entre ces divers
échantillons de sculpture et les quelques pièces analogues qui
existent en dehors de la région provençale. Enfin, ces dessins
nous conserveront les lignes de ces monuments, menacés,
comme tous, de disparaître moins par suite des ravages du
temps que par les outrages des hommes.
Aujourd'hui, je me borneraià donner laliste assez courteet la
bibliographie de ce que j'ai appelé les autels-cippes chrétiens et
j'en signalerai trois, dont deu.x au moins sont inédits.
i88
mfZ
L'iniérêt que préscnteni ces échantillons dart religieux t
grand» au double point de vue historique et artistique.
Voici comment Tabbé Pougnet* classe les autels de notre
région, en commençant par les types les plus anciens : autels
massifs, autels pédicules, auiels-iables, autels à retables.
Dans la première catégorie, il a placé les autels du xir siècle
qu'il appelle primitifs et qui comprennent des autels en forme
de dés. les uns unis comme aux abbayes de Sénanque et de
Montmajour ; d'autres, à arcatures et à statues comme ceux
des cathédrales d'Arles, d'Apt, de Vienne et d'Avignon. 11 ne
fait aucune mention spéciale des autels procédant du cippe an-
tique, et ne parle qu'incidemment, sans donner d'exemple ca-
ractéristique, de remploi, comme supports, de pierres païen nés.
Ici, au contraire, je ne m/occuperai que de ce dernier genre
et Je laisserai de côté même les tables d'autels pédicules, ires
intéressantes par les sculptures de leurs frises et dont Saint*
Victor de Marseille, Saint-Pierre d'Auriol, Saint-Germain de
Venel, Saint-Pierre de BelcoJène, Saint-Jean de Bernasse ont
fourni de remarquables spécimens ^.
Lesautels mérovingiens. comme certains de l'époque romane,
au lieu d'être adossés au mur de Tabside. étaient placés isolé-
ment au milieu du choeur et Tofficiant célébrait ainsi en regard
des fidèles.
Essai d'Invkntairc des Autels-Cippes Mérovingiens.
Bouches-du-Rhône. — Rognes. Marbre de om 90 de hau-'^
leur, au cenrrc monogramme dtxussatum aux 6 branches pai-
' Plusieurs deccsauids sont contemporains des autcis-ctppcs, leur or-
neitientation élanl analogue ; certains sont peut-être ménrje plus «nacns,
• Congrès icitntifiqut de France tenu à \ix en lëêû, i. Jl.p* 3^ï.
tées, bordées et perlées avec a et w de o,o5, le tout entouré
d*une couronne; face postérieure unie, sur les côtés, une croix
en relief de o,5o de haut sur 0,48 de large. Sert de support de
croix dans l'ancien cimetière de Rognes ; était autrefois au
centre du maître-autel de Téglise paroissiale. Ce monument a
été décrit d'une façon complète par M. Fabbé Constantin en
1890 *, puis décrit à nouveau et sa face principale figurée par
M. Chaillanen igoS*. (Voir planche, figure 8.)
Roussel. — Pierre de 0,76 de haut et de 0,40 de côté ; l'or-
nementation a disparu sur deux faces, par suite d'un travail de
ravalement ; sur la face principale, monogramme en forme
de roue à 8 branches ou rayons avec a et w entouré d'une
couronne ; au-dessus, deux petites arcatures géminées de
0,16X0,12 à plein cintre avec pilastres à chapiteaux ;
sujets effacés à l'intérieur. Sur un des côtés, vase avec anses
droites, d'où s'élance une palmette et un cep de vigne qui
décrit de très gracieux enlacements. Sur le sommet, tom-
beau à reliques ou loculus de 12 centimètres de côté sur
5 de profondeur.
Ce monument, découvert vers 1842 à Favaric, où se trouvait
la célla de Saint-Pierre et de Sainte-Marie citée dans des char-
tes à partir de Tan io5o ^ a été dessiné et étudié par M. Saint-
Marcel Eysseric qui l'a signalée M. Flouest et ce dernier en a
fait l'objet d'une communication à la Société des Antiquaires
de France en 1882 S puis, en 1908, M. Chaillan, de son côté».
' Les paroisses du diocèse d'Aix, p. 5i5.
• Note sur trois monuments mérovingiens^ etc. Aix, Pourcel, p. 6 et 7.
• C'est par erreur que Fiouest place cet ancien prieuré dans les Basses-
Alpes.
• Séance du i5 mars 1882. Bulletin^ note et dessin, p. 186.
' Ut supra, p. la et i3.
M. Arnaud d'Agnel et moi* du nôtre, reparlions de ce curieux
monument, dont j*avais pris un dessin sur place le i6 juil-
let 1901 (V. planche, fig. 3).
Salon. — La chapelle Sainte-Croix du Salonet renfermait
un autel dont il sera parle plus loin.
Var. — Brignoles, — Autel dit pierre de San Sumian, dont
il sera parlé plus loin.
La Celle. — Dans l'antique sanctuaire de la Gayole, où a été
trouvé le plus ancien sarcophage chrétien que Ton connaisse,
se trouvait un cippequadrangulaire, transporté depuisau sémi-
naire deBrignoles. Albanèsl'avaitsignalé en 1886^ et M.Chail-
lan en a donné une reproduction avec un commentaire en
1903 * ; j'en ai pris un dessin le 22 septembre igoS (Voir plan-
che, fig. 2).
C'est une pierre de i m. 20 de hauteur suro,5o et o,35 avec
loculus de 12X loX 10 centimètres au sommet. Une seule face
est sculptée ei présente le chrisme à 6 branches pattées composé
d'un rho (P) à haste allongée avec boucle très réduite et d'un X
qui porte suspendu à ses bras supérieurs A et w. Au-dessus
est figuré un oiseau qui paraît être un aigle. Ce sujet rappelle
beaucoup un des bas-reliefs mérovingiens de Téglise de Vence,
dont un moulage existe au musée de Cannes et qui a été figuré
par M. E;. Blanc* (V. planche, fig. 9).
* Concours des antiquités de la France 1903 (Académie des Inscriptions
et belles-lettres). Les Antiquités de la vallée de l'Arc, Aix, 190C, p. 173.
* Deux inscriptions métriques du V* siècle trouvées à la Gayale. Mar-
seille. i886, p. 3.
» Op. cit., p. 21.
* La Cathédrale de Vence. Extrait du liulletin monumental, 1877-78,
p. 8, 18, ly.
- igi -
Saint'Zacharie. — Dans THôtel-de-Ville, cippe païen prove-
nant de l'ancien couvent des Bénédictines (0,82 X 0,48 X o,38),
portant sur sa face principale une dédicace à Jupiter.
lOVI
Jovi Optimo maximo
OMX
A une époque postérieure, a été gravéeau trait, sur lereversdu
monument, une croix latine patlée entre deux agneaux, le tout
surmonté d'une draperie à deux pentes sortant d'un baldaquin
à festons. Barges * a été le premier à faire connaître cet autel,
auquel M. Camille Jullian a aussi consacré un savant article *
(Voir planche, fig. 6).
, Autel de Sainte-Croix de Salon.
A cinq kilomètres à Test de Salon et sur un des points cul-
minants de la chaîne de collines qui sépare le territoire d'Au-
rons du Val de Cuech existent les ruines d'un castellum
antique, appelé le Salonet. Cet oppidum, de 10 hectares de su-
perficie, est défendu par des escarpements, sauf du côté du
nord, où une double ligne de remparts barre le côté faible de
la position.
Les quelques fouilles que j'ai pu y pratiquer m'ont permis
de reconnaître que ce point avait été occupé pendant un très
long espace de temps, puisqu'on y. rencontre des instruments
* Notice sur un autel antique à Saint-Zacharie. Leroux, Paris, 1875. J*ai
véri6é le dessin publié par Barges ; il est exact, à ce détail près que la
croix est pattée et les agneaux plus grands et plus rapprochés des bras
de la croix, qui touche par son sommet aux tentures. M. Victor Fabre,
de Si-Zacharie, a eu Tobligeance de m'envoyer un meilleur croquis du
monument que celui reproduit ici d'après Barges, mais notre cliché était
déjà fait.
Les inscriptions delà vallée de VHuveaune. Vienne. i88b. Bull, épi-
graphique et c. L. 1. XII.
ig2 —
en silex et en pierre polie» des bijoux de Tépoque du bronze,
des monnaies grecques» marseillaises en argent et en bronze,
des poteries robenhausiennes, grecques, romaines et chrétien*
nés et notamment pour cette dernière époque delà vaisselle es-
tampée à palmettes et rouelles.
Sur le point le plus élevé de Voppidum, subsistent les ruines
de la chapelle médiévale de Sainte-Croix et de divers bâtiments
annexes qui servaient à loger des moines. Ces derniers, au
cours de certaines périodes troublées, ne se trouvant plus stit-
tisammenten sûreté dans ces locaux, creusèrent des réduits
dans le banc de molasse taillé à pic qui supporte la chapelle et
à mi-hauteur de celui-ci. On ne pouvait accéder dans ces grot-
tes artificielles munies d'une porte étroite et de lucarnes qu'au
moyen de cordes et en empruntant unecorniche delà rochequi
cesse brusquement à quelques mètres du réduit par une entaille
faite à dessein. Une planche ou un madrier faisant office de
pont-levis devait permettre aux habitants de franchir Tobstacle.
Au xvu' siècle, quelques religieux, suivant la règle de saint
François, construisirent, à 200 m. environ au sud et au-des-
sous de l'oppidum et de la chapelle Sainte-Croix, un assez
vaste monastère avec église : c'est le couvent de Notre-Dame
de Cuech^très belle solitude, d*où la vue embrasse toute la val-
lée de la Touloubre, peuplée de villages et de hameaux.
L'église de ce couvent est précédée d'une cour, au milieu de
laquelle, gisait parmi de hautes herbes, le monument dont la
description suit et qui devait être jadis dans la chapelle Sainte-
Croix : cest probablement au xvn' siècle, lorsde la construction
du monastère, qu'il aura été descendue Notre-Dame deCucch.
Cetmtéressani échantillon dan mériterait une meilleure place;
c'est ce que ne manquera pas de faire M, le comte de Florans,
propriétaire des lieux, à qui j ai signalé et Texistencedu monu-
ment et son état d'abandon complet.
— 193
Peser ipïion. — Dé de pierre en calcaire tendre ci blanc
{probablement des carrières de Fontvieille ou des Baux) avec
soubassement mouluré et saillant i hauteur o.yS, largeur des
côtes o.5o), les quatre faces sculptées en bas-relief.
Panneau de face : chrisme composé d'un X vergéinscritdans
une couronne ou guirlande de laurier, appelée aussi ora/v'^nn ;
à droite, un oméga de forme assez particulière; Talpha, qui se
trouvait certainement à gauche, a disparu.
Panneau de derrière : croix latine aux bras ornés de perles
ovales en relief K au pied accosté de deux vases à base étroite et
à col évasé d*où sort une palmeitc. De ce côté, le soubasse-
ment présente une entaille semi-circulaire formant pont *,
Panneaux des côtés : ils sont identiques* A leur base» trois
palmettes posées en éventail, d où partent deux tiges à enrou-
lements,dont la disposition générale a fi'ecte la formed'uncœur
«dont l'extrémité de chacune, recourbée à Uniérieur, se ter-
mine par une fleur à sept pétales assez semblable à un soleil
(? tournesol).
Cette pierre ayant été réemployée à une époque indétermi-
née pour le pied droit d'une porte, on la entaillée dans le sens
de sa hauteur sur le panneau de droite. Les arêtes du plan
supérieur du monument ont été émoussées probablement à ce
moment (V, planche, fig. i ).
L'aniste qui a scuipté ces bas-reliefs a opéré par évidement
ou atfouillemcnt de la pierre sans modifier le plan de parement
et ce procédé est caractéristique de Tépoque fraoque. Quant au
Un marbre du musée d'Arles offre aussi une croi^L latine gemmée.
ttaXrà'-dire ornée de pierres précieuses ovales, rondes et tozangiformes,
compagnée d'oiseaux, de palmiers et du chrisme dans une guirlande.
M, de Caumont iArcftéotogie vies écoles primaires, 1868, p* i8Ô) considé-
rait cette pièce comme appartenant au v* siècle.
* tm remarqué des entailles de cette fort»e à la base de plusieurs an-
tèis païens.
CÙHÛhK5 — 13.
milieu archéologique où se irouvail Tautel, il présenie — fc'
lai dit déjà — de nombreux vestiges de celle période et no-
tammeni des poteries de basse époque estampée à palmeiies,
rouelles, soleils, motifs qui se retrouvent, du reste, sur l'autel
deSainte^Croixn
Al TEL DK SaN-SuMIAN A BbIGNOLES.
Le 22 septembre igoS* au retour d'une visite faite aux anti-
ques conservés au séminaire de Brîgnoles et aussi au milliaire
delà Dîme, un obligeant confrère. M* C. Auzivizier, me pro-
posa de faire décrire un petit crochet à notre promenade pour
voir la statue de San Sumian (que Ton traduit en fran^^ais
par Saint Siméon). Nous y fûmes bientôt et grand fut mon
étonnement en me trouvant en présence, non d'une statue»
mais d'un autel chrétien représeniani une figure humaine en
pied sur sa face principale.
Le monumeni est en grès ; il mesure i"70 de hauteur, y
compris un soubassement de 35 centimètres en forme de
splière irrégulière, destiné à être enfoncé dans le sol ; largeur
o,5o centimètres ; épaisseur, o,32. Celte pierre est encastrée
debout dans la partie supérieure du mur de clôture quï
entoure le point de capiage des sources alimentant Brigno-
les * ; son sommet est au niveau du couronnement du
mur, ce qui m'a permis de constater qu*il était n)uni du
classique loculus (de loX 10X7 centimètres), avec rainure
pour remboîiemeni d'une dalle de couverture*
* Cr, sar ce genre de poterie. If. ue Gfetïft-RiCAtD, Rapport sur une mis-
ëioH archéologique fn Italie. Nouvelles archives des missions scieoufi-
ques, t, Xl|[, 1905, 1 m pr. Nationale,
• Cette scurc-*. qui jaillit par deux émissaires disianis de 10 m. «débite
plus de I m. cube par minute; ses deux brandies se rejoignent et for*
maienl jadis une jolie nappe d eau recouverte depuis 1693 p^r les tri'
vaux de captage.
'y5
La face principale représente un personnage en pied* vu de
:e, de 97 cen;i mètres de haut ; le corps est encadré par deux
lasires demi-ronds ei la lète semble appuyée sur un coussin
orné de deux X; les iraiis de la lace soni effacés, mais on
aperçoit sur les côtés de la téie les oreilles fortement accusées
en forme d'anses» les mains sont jointes à la hauieurdc l'abdo-
men ; delà taille à mi*cuisses, le personnage est vêtu d'une
courte jupe semblable au kilt des Ecossais, c'est le sagum : les
pieds semblent pourvus de chaussons montants. La jupe est
percée sur le bas et au milieu d'une petite cupule circulaire
polie par des attouchements fréquents résultant de pratiques
superslitteuses '.
L'ensemble de l^image est très primitif et je n ai jamais rien
|))ru de semblable dans les manifestations grotesques si variées
de Tan roman. Nous devons être ici en présence d'un échan-
lîllon d art barbare et indigène, dont je ne connais pas d autre
exemple (V. planche, fjg. 4).
Dans cette figure, faut-il voir la représentation d'un person-
nage couché dans son tombeau, comme semblerait l'indiquer
à première vue le coussin du chevet, la position des mains qui
sont jointes et les pilastres qui dessinent avec le socle la forme
d*un sarcophage ? Je ne le pense pas, car la pierre est taillée
pour être posée verticalement et lattiiude du sujet évoque
ridée d'un être vivant. Cette sculpture représenie-i-elle un saint,
saint Siméon ou tout autre? Cette hypothèse paraît contredite
par ce fait que le bas-relief n'offre aucune trace soii du nimbe*
attribut surnaturel des saints, soit d accessoires se rapportant
au sacerdoce, tels que calice, bâton pastoral, etc.
La face opposée du monument est entièrement occupée par
*■ Là cfoytnce populaire est que les jeunes gens qai embrassent ce
nombril trotivenià se marier ; quant aux femmes stériles, elles defien-
neni f<fcondes.
— iq6 —
une croix ou plus exacicment par un tau à enlacements et ca-
bochons de style mérovini^ien, le loul traité avec assez d\iri
pour qu'on puisse se demander si les deux faces du monument
sont l'œuvre du même artiste. L*impressïon qui se dégage de
Texamen de ces deux bas-reliefs est qu*ils ne sont pas con-
temporains et peut-être l'autel de Brîgnoles a-t-iL comme celui
de Saint-Zacharie» une face d'origine païenne et l'autre incon-
testablement chrétienne. Du reste» la survivance d'un culte
profane est évidente ici par les pratiques idolâtres dont celte
pierre était Tobjet et ce cas d'une divinité christianisée par U
religion nouvelle ne serait point un exernple isolé. Ainsi que
Barges l'avait constaté*, le catholicisme naissant eut beaucoup
de peine à déraciner dans les populations rurales de la Pro*
venceles vieilles croyances, même jusqu'à une époque assez
tardive, puisqu'un concile, tenu à Arles en 452, dut ordonner
que si quelqu'un allumait des flambeaux, rendait un cuite à
des arbres, à des fontaines ou à des pierres ou bien négligeait
de les détruire, il serait réputé coupable de sacrilège.
Quant aux deux autres côtés de la pierre, il est impossible de
* ft Nous savons par l'histoire que la reli^ioTi chrétienne eut beaucoup
de peine à prendre racine et â se propager dans les contrées occidenules
de l'empire romain, notamment dans le midi des Gaules et. en particulier.
àanh les districts éloignés des grandes villes, dans les montagnes de la
Provence et dans les hameaui habités par les indigènes mêlés avec des
cotons d'origine étrangère ; dans le voisinage de la cité phocéenne et sons
riniluencc de cette cité éminemment superstitieuse et attachée au cnlte
des dieui de la Orèce, les populations se montrèrent longtemps rebelles
aan lumières de TÉvangileet obstinées à garder leurs antiques croyances.
Marseille, elle-même, n'embrassa que fort tard les bienfaits de la nouvelle
religion, car ce n'est que vers la lin du iir siècle qu'elle donna des mar-
tyrs tk l'Kgiisc ; la liste authentique de ses évoques se commence guère qu'à
partirde ta conversion de l'empereur Constantin au début du iv* siècle. •
L'étude des débris archéologiques des premiers siècles confirme eî t'cbire
ces données*
•— ï97 —
direslls sont sculptés, parce qu'ils sont masqués par la maçon-
nerie du mur qui fait corps avec eux.
En examinani les abords de ce curieux monument, [acquis
bientôt la conviction qu'une chapelleavaitdù exister là, comme
me paraissaient l attester divers fragments d'architecture et no-
tamment une portion decuWc-lampcoudechapîteau, placée sur
la porte d'une habitation et représentant un fauve tenant dans
sesgrîtfes un agneau. Le souvenir de ce sanctuaire disparu est
complètement effacé de la mémoire des habitants de Bri/^nnles,
mais, sur mon insistance, JVL Auzivizier a bien voulu faire
quelques recherches et par les notes qu'il m'envoya à quelque
temps de là, j appris qu'uhecglise.sous le titre de Samt-Siméon,
située à côté de la source de ce nom, avait été donnée au
xW siècle àTabbaye de Saint-Césaire d'Arles, que le 4 septem-
bre 1247, l'abbesse Rixende conféra ce bénéfice à Amiel Venc*
rosi, chanoine d'Aix ; enfin» il est encore question de ce prieuré
de San Sumian dans des titres de 1^24 et de 1489 *.
Jusqu'à ce jour, le monument de Sumian, dit de Saint-
Simcon, n'a jamais été étudié scientifiquement au point de vue
archéologique ni seulement ftguré, mats le D'' E^ércnger-Fcraud ^
en a donné une description incomplète et s'est attaché à recher-
cher 1 ctymologie de Sumian et les crédulités populaires atta-
chées à ce personnage. H dit très juslemenl qu'il n'existe pas de
saints appclésSumian ouSimian ctqu'aucundcssainis Siméon
connus n'est spécial à la Provence, Simcon aurait été proposé
k l'époque chrétienne pour remplacer l'ancienne divinité de la
source Sumian, Enfin, il pense, en se servant du grec, que la
signification de ce nom est mêler ou polluer ensemble et la
* Essai historique sur la ville de Hrignoies^ d'après les notes de M* tm.
Lebrun. Marseille. 1897» p. 73, j^d, 246, 35; ei Archives des Houchesdu*
Rhône, fonds de Saint-Césalre : prieurés. Vc 34, 36, 44 h y>,
* Superstitions et surpit'dttces, Paris, Leroax^ (896» t. I, p. 41^ et 455.
M CQimnpnrHiMWHT îu ^' sificte, " £j Temar^i-t ;.r c:rœ en z£.i-
cnrt dur^appele eu Pn^venœ picrri fraiie. it :' 45 âf hamsur.
^ 0* 5o de largror fit f'CTatfiftrcr. £ sock ei k cnumnneiiien:
dis, faisant saillie sur ie ODrps âe ï&atcl cjj esi crac aeLJte-
■JcntscTffl tace pr:Tiz»p<kΣ :: l-oc ctoa xatine en reliisf irOTTrîTE-
o*ittwi$ic mtiifiji as sb. tiTEacbc i^feriecre 1:3 ifiis^iicf poir"
fc$ nûiqûtt. Le smmnst Zu mers iiTiDearr pî'cseriîc Lia ^-arrc iacif-
i**camc de o" 14 iie ciné.. CTest la première ?:its joe ie cassîaie
1 eusQeiice de deux luaùî sssi le mèroe a-m**!
* L'aoïei-cippc de Lsr::îï£ n"a pas eiîé mcEt1a2.De dams jes
iCEl ^idsB piibliâ par I abbaye, prr»babierDent jissrzs. q-'iil
figfî aloTB as tcliiem ds crmenere, d-i îi fierra.c de ba&e à cne
croii de boii reccnrvfirîe :ie p'^ames ^l: *e iisçiaîuiajerî presque
compW!tf?mciii. Le CariauLoire as SoJrtLl-H'JtïrjrBi n^em parie pas
aoD pbs. Une pierre serr biibiC se trocTera-u parait-Li, à Six-
CcuBiDe le penirfLieai ]U1M ie Pnss'. FJoaes-i et R:»^a-k de
neanr, nos auiebr^i-ppes ae P^D^cDce îiCctl, pour la p!:iparu
des amdspaie&Bi. a:iiq;uek ie Gi-.stiar: issoe est ven ui «1 "»:»Ln.cr sics
srmboies propres. Le iaJî est injériiflr jt pDiur la pierre de Sa-ni-
Zadiarie et probable pour ceiije dte ae Sa:nt-S;rr>tron à Brlpso-
fes: il a acfisi éîê coQStaié à R:xr>e par de P Dssi. Dans TempiC^i
icœs vjfini TOODcrroents par les proparar.eLirs ieia reiir»03 da
ÇhnSL i] ne fkm pas voir, 'yt ûtt»:?, s.e'j:t'-r>e!3i lidc Li.lii.at.-c«n
praigae de jnaienaiEix dt:;a ia^iTiies, rnais simi^jt ::ji procède
très adrah de caoserver à des p>erre> de.a -vtrrtrrées je:ir cl>eîî-
— 20O —
tèle de dévots en évitant de lui demander trop tôt un renonce-
ment compléta ses anciennes croyances. Ainsi que je le rappe-
lais plus haut, les premiers missionnaires de nos campagnes
cureni à compter avec les croyances préexistantes et ce n'esi
qu'avec de grands ménagements et en évitant toute transition
brusque, capable de froisser des convictions très profondes,
qu'ils purent, en quelque sorte, infiltrer petit à petit les précep-
tes Cl les rites de la foi nouvelle.
A ce moment, on donna même à chaque église un patron
dont le nom ou l'image rappelassent la divinité jusque-là ado-
rée ' .
Je n entends pas affirmer ici que tous les autels-ctppcs om
été fabriqués avec dei monuments païens; on a dû en confcc*
Itonner tout exprés pour les besoins nouveaux ; maïs on leur a
conservé la forme générale dcs^nr romaines et cela est si vrai
que la survivance, même à Tépoque romane» du type dont il
s*agit est affirmée par la forme de lautel qui est conserve à ren-
trée de la crypte de Tarascon -.
Par contre, il est des cas où lancien ctppe païen a été utilisé,^
sans modilîcaiion aucune, comme support d autel ou de béni-
tier, comme à Api, Amibes, Orgon, Gardanne, Saint-Mitre
et dans une foule d'autres sanctuaires provençaux* La présence
de ces pierres dans un si grand nombre d*églises est une nou-
velle preuve du soin que mirent les premiers pasteurs à s'assu*
rcrla possessionde monuments déjà vénérés pour attirer le peu-
ple dans les nouveaux temples.
* Mars fut remplacé par saini Marc ou par dea soldats comme saini Mar*
lin, saïui Victor et saint Maurice: Saturne, par saint Saturnin ; Vénos, p^r
la &ainte Vierge, le culte aérien d'Apollon» par saint ApolUoaire oti par
saint Michel ou un autre archange. (Cf. Les Antiquités de fArc, par |
H. de Gérin et Arnaud d*Agnel, chap. iv, paxum,)
* Cet autel à arcaiurcs et à colon nettes ornées de croii et inênaf;êes
dans te bloc, acte attribué aa xiii* siècle par l'abbé PougocL
- 20( —
esiiPiatîon, — La forme bizarre denosautels-cippcs eitcur
Ihauieurtrès inégale, puisque certains nom que o*8o eid autres
fattergnent i"" 70,001 faiid'abord hésitera les considérer corn me
des autels; on s*esl demandé tour à tour si ces monuments
|H claieni pas des pieds de croix, des stèles funéraires ou tout
luire chose ; il n'en est rien et la présence seule, constatée sur
Flous, du loculus ou tombeau contcnanilesossemenis des mar-
tyrs sur lesquels on célébrait les mystères sacrés dans l'Église
primitive, suffit à établir leur caractère d'autels ou de supports
d*auiels pédicules, comme le fait a été constaté a Antibes.
Nous savons, d'ailleurs, que les autels tabellaires ou pédi-
|culés étaient constitués par une table de bois, de pierre ou
ie marbre soutenue par un support central. A cette forme pri-
^mitivede rauiel, succéda celle du tombeau qui prévalut dans
rEglised'Occidcnt^n souvenirdes sarcophages, sur lesquels les
[premiers chrétiens célébraient FEucharistie dans les catacom-
bes. On donnait aux autels primitifs la forme tabellaire parce
jue Jcsus-Christ était à table lorsqu'il institua l'iiucharistic'.
Quanta la hauteur de nos autels-cippcs, il était facile desuré-
Icvcr les plus bas par Temploi d'un stylobate et de ramener les
plus hauts à un niveau convenable en les enfonçant dans le sol,
comme cela a certainement eu lieu pour les deux spécimens de
^Brignoles et de la Gayole qui se terminent dans le bas par une
>rlion à peineébauchée et évidemment destinée à être cachée.
îlnfin, il est à noter que les autels les plus bas sont, par suite
de dégradations, tous privés de leur corniche de couronnement,
d où une diminution que Ton peut évaluer a 20 centimètres.
Age, — Une autre question fort intéressante se pose à propos
le ces monuments. Que! est leur âge ?
Pour tous ceux qui s'en sont occupés, ils datent de la période
• Dtction^ Jet Àniiquit . chrét,, par J.vcqoïw et UciiHEn«j, p, 42 ci 423
frl Diction, de théohgie^ par l'abbé BEiniiEiî, au moi ; auiel.
— 202 —
allant du v au vu* siècle, ei voici les opinions émises sur quatre
d 'enlr'eux.
L'autel de Rognes serait, suivant M. Rohauli de Ficurv (in-
Constantin, op. cit., p. Si 3 note), qui le rapproche de ceux
d'Ispagnacetdc Saîni-Zacharie, du v* ou du vr siècle et. sui*
vani le P, de la Croix (in-Chaillan» op, cil,), de la deuxième
moitié du vi* siècle.
Celui de Favaric poricraii, pour l'abbé Constantin et M.
KIouesl» la marque du vjp siècle, tandis que M, Chaillan pense
que sa grande roue avec at et <•► indique le vi«.
Quant au monument de la Gayole. ce dernier auteur le date
de la fin du vt« ou même du vn* siècle^ à cause de la présence
du P et des caractères A et <»i.
Enfin* fergès voit dans lauiel de Saint*Zacharic une œu*
vre du vi* ou du vn* siècle.
La question pourrait être tranchée d'une fa^^on beaucoupplus
précise si nous possédions ce que j appellerai une échelle chro-
nologique des différentes formes du chrisme figurant sur des
monuments datés d une façon certaine comme les monnaies et
les inscriptions; mais, à défaut de ce guide — encore attendu
— i'ai réuni quelques indications capables d'éclairer un peu le
sujet ; les voici :
Le type primordial du chrisme est composé de la lettre cAi X*
. T -. coupée en deux par une barre verticale qui est un iota L
jÊ^ C'est te chi vergé, composé des initiales du nom du
-* J^^ Christ Ir^ffouç Xsi^ôç tel qu'il figure sur une inscription
lunéraîre de Tan 279 *.
Sur des monnaies de Tarragone allant de 3 20 à 324, l'iofa
O est terminé dans le haut par une boucle ronde. C'est
j^ rapparition du P (rko) qui, avec le X (chi),, vont for-
-^1^ mer les éléments du nouveau monogramme qui ne
> 1* Màoiaci, BmU€iim Jts Âmtifmim^ tgol.p* Itû,
— 203 —
sera plus composé des deux initiales du nom de Jésus-Christ,
mais des deux premières lettres de Xoi-îtôç. Ce sigle
figure sur des inscriptions funéraires de l'an 298 à
Tan 329*, et suivant Le Blant- jusqu'en 493. On
voit aussi sur les beaux cercueils en plomb de Saida (Phéni-
cie), légués par le baron Lycklama au musée de Cannes et que
de Rossi considérait comme du iv' siècle et peut-être même du
Quant à l'addition des caractères a et to dans les branches du
chrisme, elle a été constatée dès Tan 377 et se maintient encore
en 547*. Notre région a fourni des repères à ces indications par
un autel et un sarcophage du musée Borely attribués au iv" siè-
cle^ et par un marbre d'Arles du v« ^ sur lequel figure aussi une
couronne ou guirlande de laurier et non d'épines.
A propos de ce dernier attribut entourant le chrisme, on le
rencontre d'une façon assez suivie à partir du iv siècle ^ sur des
monuments; sur les monnaies, il se prolonge fort tard, puis-
qu'on le rencontre encore sous Justinien I«^ c'est-à-dire en plein
VI* siècle. Les bronzes des prédécesseurs de cet empereur, Jus-
tinien leThrace (518-27), portent dans Vorarium un signe pris
pour l'indice monétaire K et dans lequel je crois voir la repré-
sentation d'un demi-chrisme, disposé en parti, comme on dit
en héraldique*.
Voilà pour le chrisme ; mais, ce symbole ne constituant pas
* J. Mauricb, Bulletin des Antiquaires, 1903. p. 3 10.
Inscriptions chrétiennes^ préface, p. 11.
Bolletino, 1873.
* Le Blant, op, cit,
* Le Blant, Catalog. du musée, p. 66 et 67.
* Le Blant, Inscrip. chrét,, n» 5a 5.
' A Marseille et à Arles sur un aotel et sur un couvercle de sarcophage.
* Des monnaies de Théodose II (4o8-5o) portent le chrisme complet dans
une guirlande. Cf. Sabatier, Description générale des monnaies by\an*
ines. Paris, 1^62^ passim .
204 —
JL lui seul lout le mode d'ornemcniation de nos amels
remarques devraient aussi être faites sur les dates extrêmes de
remploi des autres motifs décoratifs qui y tigureni (vase, vigne.
palmeltes, aigle, croix), mais c'est encore là un important tra-
vail qui reste â faire et qui exige une hauteur'de vues et une éru-
dition que seul un maître de rarchéolo^^ie chrétienne peut réu-
nir.
Toutefois, en utilisant les données relatées plus haut sur
révolution de la forme du chrisme et aussi quelques observa-
tions faites par de très compétents archéologues sur les autres
sujets décoratifs de nos monuments, je crois pouvoir proposer
le classement suivant — lout provisoire s'entend — de nos
autels-cippes.en commençant par ceux que Je crois être les plus
anciens ;
r Autel de la Gayolc (chrisme sans orarium: A et oi suspen-
dus par des chaînettes comme sur Tinscription funéraire du
bassin de carénage de Marseille considérée comme du iv* siè-
cle);
29 Autels de San Sumian de Brignoles et de Sainte-Croix de
Salon (croix latines gemmées ou perlées considérées par
de Rossi, de Caumont et Rohault de Fleury comme marquant
le v« siècle) ;
3« Autel de Rognes ( chrisme a six branches comme celui de
Salon, mais les branches sont ici perlées ; les croix latines \aw*
raies étaient peut-être aussi perlées, v* ou vi* siècle) ;
4« Autels de Favaric et d'Amibes (chrisme a huit branches,
VI r siècle);
5<» Autel de Ttle Saini^Honorat de Lérins.
Quani à l'autel de Saint-Zachane, je n'ose lui'assigner une
place dans cet essai de classement, parce que si, d'une pan. son
origine païenne indiscutable et soa ornementattoa très primi-
tive gravée au trait et non sculptée disposent à lui faire prendre
kiig en tête de la nomenclature ci-dessus, d'autre part» les
jjeis représeniés (icniures et brebis) ne font leur apparition
km d'autres monuments qu'à une époque assez basse cl posté-
rieure à celle où Ton a constate l'emploi courant de poissons,
de colombes, d'aigles, de vases, de vignes, etc. A Tégard de ce
monument» nous manquons totalement d*élément local de
comparaison et cela explique pourquoi Barges s'est tenu dans
un juste milieu en lattribuant au vi* ou au vu* siècle.
Comme on le voit, la série des autels-cippes que nous con-
lissons est peu nombreuse et c'est ce qui rend encore plus in-
Iressante l'étude de ces monuments capables de fournirde pré-
cieuses indications sur Thistoire religieuse et sur les étapes de
Tan dans notre région ; mais là n'est pas tout Tînlérêt qu'ils pré-
sèment. Si la nature des calcaires employés à ces ouvrages pou-
vait être examinée par un géologue, peut-être pourrait-on sa-
voir de queiles carrières ils sont sortis et, par suite, si ce sont
les célèbres ateliers chrétiens d*Arles. voisins de beaux gisements
de pierre tendre, ou ceux moins réputés d'Aix qui les ont façon-
nes, ou s'ils ont été taillés et sculptés surplace pardcs lapidaires
^mbulants ou par des artisans de l'endroit ^
Celte constatation augmenterait la somme si réduite de nos
>nnaissances sur cette branche de riiistoire industrielle de no-
"trc région à Tepoque mérovingienne.
Puisse cette modeste étude provoquer le secours que nous
attendons de la géologie et décider aussi des confrères à rechcr*
cher et à faire connaître les autres exemplaires, encore ignorés.
des autcls-cippes qu'un pays comme le nôtre doit forcément
posséder.
I* I.'iutel de Fa varie et celui de Salon sont en grès blanc ïx grain très
I, semblable à cetui des carrières d'Arles, de Fontvieille oa de« Baux.
- 207
PASSAGES DE CESAR ET D'ANTOINE
chez les Oxybiens
par M. DE VILLE B'AVRAT,
Bibliothécaire archiviste de la ville de Cannes.
Après avoir, à la fin du chapitre i'' de notre Histoire de
Cannes *. tenté de délimiter les territoires occupés par les anti-
ques populations des rives azurées, nous nous sommes repor-
tés aux auteurs latins, pour essayer d'y découvrir quelques
indications certaines sur un passé, d'autant plus difficile à
reconstituer que les textes sont plus rares. Encore faut-il s'obs-
tiner à lire entre les lignes, lorsqu'on a eu la bonne fortune de
rencontrer enfin quelque chose de positif!
Le territoire de l'antique Œgitna, au centre duquel se trou-
vait le Castrum Marsellinum (Cannes) à l'époque de la con-
quête des Gaules, est celui qu'occupaient les Oxybiens (d'An-
libes au Cap-Roux et Agay). A l'tlst de cette peuplade, se
trouvaient les Décéates, s'étendant du Var à Antibes; au nord,
les Quariates et les Adunicates. dans, les hautes vallées du
• Histoire de Cannes^ t. I", chap. ii, p. 108 ; manuscrit.— Médaille de
vermeil au Concours du Prix Thiers, lyoj.
- 208 —
Loup Cl de la Lonnc ; enïin les Suelten\ occupani touic U
partie ouest de rKsicrel, Repousses de la cote, depuis Tan i55
avant Jésus-C^hristJes Ligures s'élaieni retirés sur les sommes
de^ montagnes. Telle est la situation générale au moment où
paraît César.
Après la lecture de Plutarque ei des Commentaires, si nous
ne pouvons fournir un texte précis sur le passage du grand
capitaine dans notre réf^^ion» nous pouvons au moins formuler
des hypothèses très vraisemblables. Il est hors de doute que
notre contrée a dû souvent voir passer les troupes romaines
« suif saninis », comme écrit César *,
Quand César écrit #t qu'il retourne en Italie», c'est, ne l'ou-
blions pas, dans la Gaule Cisalpine qu'il va. Nous allons donc
chercher avant tout à préciser son point de départ, son objectif
et le trajet de son retour à la prise des quartiers d'hiver. Nous
aurons ainsi, tant a Taller qu*au retour* ses points de passage
logiques se rapprochant le plus prèsde la vérité, militairement,
géographiquemcnt et topographiquement parlant.
Dans ia campagne de 58 contre les Helvétiens» César partant
de Rome et allant à Genève à marches forcées, le passage par
le Mont-Cenis et la vallée de TArc s'impose. Le texte ajoutant
it qu'il ordonne les plus nombreuses levées dans toute la Pro*
vince )>, il est fort probable que les habitants de notre région
durent fournir des éléments à ces levées générales et hâtives.
Laissant bientôt le commandement à T. Labicnus, le procon-
sul rentre en Italie lever d*auires légions. A son retour, les
Centrons, les Graiocetes et les Caturiges, occupant les hau-
teurs, essayent d arrêter sa marche. Après plusieurs combats
heureux, il « arrive en sept jours sur le territoire des Voconccsï»',
t Ùe belto GûllicQ, Itb. H. %vai.
* Commentaires, Ub. 1* x.
Venant d*Aqutlée, dans le Frioul Vénitien, il a dû remonter le
Pà, passer par le col du moni Genèvre, traverser le pays des
DiturigeSt dont la capitale était Caturigomagus (Chorges,
Hautes-Alpes !, passer par Briançon, Embrun, Gap» et atteindre
le icrriioire des Voconces à Ad Fines (comitiune de la Roche-
des-Arnauds. Hauies-AlpcsL A la fin de cette campagne» il
prend ses quartiers d*h[vcr chez les Séquancs, il opère donc
vraisemblablement son retour piir le Moni-Cenis. Dorant celte
partie de la conquête de la Gaule» il ne passe donc jamais chez
les Oxybicns, maïs cette peuplade prend, selon toute vraisem-
blance» part aux levées qui se font dans la Province-
Ce n'est pas au printemps, comme 1 écrit Aubenas ', mais
«iu début de I été que commence la campagne de 5y ^. Impo-
sant au pays de nouvelles levées. César fit-il encore appel à
nos vigoureuses populations? Il ne ledit pas dans ses Mémoires.
Les campagnes des années suivantes jusqu^cn 53 ne nous four-
nissent aucune indication utile» sauf celle de 5tj, où h il ordonne»
m, pendant que Ton construit des vaisseaux longs sur la Loire»
* de lever des rameurs dans la Province, de réunir des mate-
m lots et des pilotes.,, s^ ^. Cet appel fait au concours de nos
^populations maritimes esta noter. La lutte avec les habitants
des côtes de BreiagnCt les Venetes (Vannes)» aura forcément
un caractère maritime et sedécidcra par un combat naval ; aussi
César a-t-il recours aux marins de la Province dont il a pu déjà
apprécier la valeur. Avec les bateliers du Centre, les marins de
Forum Julii et les fils des Corsaires d'Œgitna semblent tout
indiqués pour fournir un excellent contingent.
En 5a, ni Forum Julii ni Casirum Marsellinum n'étant
* AoiiiffAS» Hist. de Fré/ut, p* 3g.
* « Qcsar, . . iniu ssiAte, . . Q* Pedium istsit»* Commentairti, lib. il, ii.
s ibid., lib. 111. IX,
WOXGHtS^
— 21U —
menacés par Lucièret lieytcnani de Vercingctonx, César qa
pour la deuxième lois» pénètre par les Hauies-Alpes dans
Province, ne visite que la partie sud de la Narbonnaise ei ne
traverse pas notre région.
En 5i, le proconsul passe l'hiver à Bibracte (Aulun) et
réprime les derniers soulèvements. Puis, la paix étant assurée,
il visite la Gaule méridionale, se montre en Aquitaine et reçoit
les otages envoyés par le pays. II part ensuite pour Narbonne,
avec une escorte de cavalerie. Mais il ne dit pas s'il visite notre
région Oxybiennc.
L'année suivante» César,après avoir visité toutes les contrées
de la Gaule Citérieure, rejoignit promptement son armée à
Némétocène K Dans sa hâte, il ne dut pas passer par le littoral,
mais par le chemin le plus court, c'est-à-dire par le Monl-
Cenis.
Nous n'avons donc pas une seule fois trouvé le nom des ,
Oxybiens, ni des Décéates dans les Commentaires, ^H
Pendant la guerre civile, après la chute de Marseille : « it
^ entra dans la place, et y ayant laissé en garnison deux légions.
m renvoya les autres en Italie et revint à Rome >►. Plutarquc
n'est pas plus explicite^. Mais il est évident que. pour aller de
Marseille en Italie, les légions ont dû passer par la route du
littoral, et que César a suivi le môme chemin, avec sa rapidité
si fameuse, à moins qu'il ne soit allé à Rome par mer. Nous
pouvons donc enregistrer avec très grande probabilité lepassa^
par Tamique Œgitna, des légions victorieuses de Marseille.
En résumé, César a traversé notre région peut-être en Tan 5o^
en venant de Narbonne, et très probablement en 49» après la
prise de Marseille.
* Commïïntaires, Ub. VlII-L ei LU, et Aubehas, p. 45.
■ Vit de César, % xtn.
— 211 —
D. Junius Brutus, après l'assassinat de César, vint se mettre
à la tête de nos contrées et de la Cisalpine. La Province supé-
rieure est gardée par les quatre légions de Muratius Plancus,
tandis que Lépide commande le reste de la Province romaine
méridionale. César-Octave est à Rome, où le grand Cicéron,
alors âgé de 64 ans, Tentoure de son amitié et le couvre du
prestige de son éloquence. Antoine est en Macédoine, aussi
loin que possible de Rome, où il est redouté. C est assez la situa-
tion de Bonaparte en Egypte, et c'est aussi Tépoque des
grands discours, des célèbres Philippiques. Marc-Antoine, avec
des légions revenues de Macédoine, cherche aussitôt à s'empa-
rer de ce gouvernement de la Cisalpine, que chacun convoite
déjà, non seulement pour sa proximité de la capitale, mais pour
ses beautés particulières et pour son climat privilégié. Ces lut-
tes sont du domaine de l'histoire et nous avons seulement
recherché dans les lettres de Cicéron ce qui se rapporte à notre
sujet. II faut les lire, ces lettres, pour comprendre les atermoie-
ment de ces chefs, la fausseté de leurs discours et les forfan-
teries de Plancus 1 Celles adressées au grand orateur nous four-
nissent ici de précieux renseignements *.
Lépide vient de recevoir l'ordre de lever son camp des bords
du Rhône et de marcher en toute hâte sur les Alpes-Maritimes.
Plancus, lui, vient de Lyon et s'arrête sur l'Isère... pour attendre
les événements. « Si Antoine arrive, dit-il, sans être bien accom-
pagné, j'espère lui résister facilement et faire prendre aux affai-
res une tournure dontvous serez satisfait, quand même l'armée
de Lépide se disposerait à le recevoir.... Soyez sur que per-
* Lettres familières de Cicéron, coWeci'ion Panckoucke,t.XXVJeiire8i5.
— 212 —
sonne ne remportera sur moî pour le zèle, le courage et l'acti-
vité ». — Antoine cependant pénétrait en Gaule par les passa*
ges les plus méridionaux* soutenant ses troupes dans les Alpes
par son énergie toute militaire et sa bonne humeur. Ce passage
des Alpes, nullement préparé, fut extrômemeni pénible pour
ses légions qui *< durent sou\'ent se nourrir de la chair de leurs
chevaux ». Maître de la Via Aurélia, il chemine le long de la
mer sans rencontrer d'obstacles sur sa rouie, puisque ni
Plancus, ni Lépide ne se sont avancés jusqu'à lui. Tout le
territoire étudié dans le premier chapitre de cette histoire est
donc traversé par les légions d'Antoine qui franchissent Cas-
trum Marsellinum avant de se hasarder dans TEstéreL Que de
fois* dès lors, dans notre histoire locale, ne verrons-nous la
même roule suivie! ^
Fort en cavalerie *, Antoine doit choisir de préférence la
plaine de Laval pour faire reposer ses forces de cavalerie. Au
milieu de mai 48» nouvelle lettre de Plancus à Cicéron. auquel
il annonce qu'Antoine s'est avancé jusqu'aux abords de Fréjus*
et il écrit le 12 mai : « Cependant, sur Tavis que Lucius, frère
d'Antoine, s'était avancé jusqu'à Forum Julii avec un corps dc
cavalerie cl quelques cohortes; j'avais fait partir la veille môiî
frère h la tête de quatre mille chevaux pour aller à sa rencon*
tre » ^. I.épide arrive au Luc (Forum Voconii), et la fin d'une
lettre, si Ton y regarde de près, va nous donner exactemcni le
jour du passage d'Antoine àCasirum iMarsellinum : * Antoine
est arrivé le \b mai à Forum Julii. avec son avant-garde ; Ven-
tidius n'en est éloigné que de deux journées )► *, Si l'avant-
* LtttfÊî familières de Ckéron, U XXVI. ïcitrc 816.
■ Ibid , I.ettre 816.
* « Antonius id. maii ad Forum JuJii cum prîmis copiis venît; Vritti-
dius k>idtii spatio abest ab eo, . . » ibid», lettre 818.
le arrive le i3 mai a Fréjus avec Anioine, tandis que le gros
esi â hauteur de Nice, il est inconiesiable que le célèbre amant
deClêopàtre traverse Vallauris, Mougins, Cannes et la Napoulc
le 14 mai de Tan 43 av, J.-C. (ou le î5 au plus tard). — *< Ven-
lîdîus rejoint Marc-Antoine avec ses trois légions ; leur camp
est au-delà du mien probablement, au bord de l'Argens].
Antof ne, avant cette ad jonction, n avait que la deuxième légion
avec un assez grand nombre de soldats des autres légions,
^muis sans armes. Sa cavalerie est considérable... elle ne monte
pas à moins de trente centuries... ^. D*après ce texte, nous
pouvons aflirmcr que c*est la deuxième légion romaine qui
traverse avec Marc*Antoînc notre région Cannoise, le 14 mai
de l'an 43 av. J.-C. Nous savons, de plus, dans quel triste état
se trouvait cette petite armée, dont la force la plus importante
consistait en cavalerie. Chaque cohorieou centurie représentant
100 cavaliers, un peu plus que notre moderne escadron, cela
fait donc en tout un corps de 3. 000 sabres, — Réglementaire-
ment» Tcffectir de la légion était fixé à 6.000, Ce chirlre n'était
jamais atteint, et ne représentait que 5.ooo combattants, à de
rares exceptions près. Cela nous donne : la deuxième légion
(5.000 h.), les trois légions de Ventidius {tS.ooo h.). En tout, à
son premier passage à Cannes : 20.000 fantassins et 3, 000 sa-
bres. Une lettre d*Asinius Poliion à Cicéron porte sa cavalerie
à 5*000 hommes. Il y a en plus «< une légion de P. Bagienus tl
les septième, huitième et neuvième légions ^. Au maximum,
quarante mille hommes; mettons 35. 000 hommes bien armés.
plus des habitants enlevés sur son chemin, avec ou sans armes,
. et de 3 à 5. 000 cavaliers. Telle nous parait la vérité. La lettre
d'Asînius Poliion à Cicéron est en elTet catégorique : u S'il perd
l'espérance du côté de Lépide, non seulement il armera le peu-
ple des provinces» mais jusqu'aux esclaves y* '. Nous avons
• Lettres familières de Cicèron> t. XXVI, icilrc 83 1,
- 214 -
ainsi enregistré le jour du passage des troupes. leur composi-
tion, leur effectif, les numéros de leurs unités, et, étant don-
née la présence de celte suite de fçens non armés, pu certiHcr
que nos ancêtres régionaux furent ainsi, de gré ou de force.
entraînés à la suite du futur triumvir.
Appien a fait nettement connaître les ouvertures et les rela-
tions secrètes entre Octave et Antoine, en vue d'une entenlet
et cela, dès le lendemain du combat de Modène, Nous n'en-
trerons donc pas dans le récit des pourparlers et des menées
peu loyales des généraux de Rome aux bords de la rivière
d'Argens. Les préliminaires de la comédie durent huit jours*
et le 2g mai, à trois heures du matin, rentcnie est conclue,
prélude de la sanglante tragédie qui va sous peu se dénouer à
Rome. Le lendemain, Lépide adresse au peuple romain son
curieux manifeste, où ses proicstations de dévouement à il
République sont d autant plus prodiguées que moins sincères.
Une fois réunis, les deux futurs triumvirs ont une force consi-
dérable, « l'armée de Lcpide étant au moins égale à celle d'An»
toi ne •* ^ Dès lors» celui-ci se trouve à la téie de 70,000 combat-
tanis environ ; il va falloir compter aVcc celle puissance. Il csi
à croire que, jusqu'au mois d août, le temps s'emploie à équi-
per et instruire nos compatriotes, brutalement arrachés de leurs
Ibycrs, à unitier l'armée, à préparer le drame qui va se jouer*
Bouche, Girardin, Aubenas font quitter Fréjus vers cette épa*
que par Antoine et Lépide, ayant tout intérêt à se rapprocher
maintenant de l'Italie : ^ Or, de Fréjus aux Alpes-Maritimo»,
limite du gouvernement daBrutusJeur irréconciliable ennemi, ^
ils ne rencontraient pour faire un séjour plus ou moins long
que les villes grecques d*Antibes et de Nice^rcstées neutres dans
ce débat... » ^ En dehors de ce qui touchait alors leur intérd
• iàU,, p. 84.
— 2l5 -
personnel, c'est-à-dire la grosse partie engagée, nous ne pen-
sons pas quMIs se soient occupés (comme le croit Aubenas) du
port ou des travaux de Fréjus. Leur objectif était à Rome. —
A la fin de la première journée de marche, la plaine de Laval
et de Mons Œgitna (Mougins) nous semble tout indiquée pour
avoir vu les camps,au moins d'une importante fraction, de ces
70.000 hommes. Nous serions même tenté de les répartir ainsi :
^Première journée : La cavalerie et Tavant-garde, aux abords
du golfe Juan et d'Antipolis ; les Centuries, dans la plaine de
Biot ; le gros de la colonne, à Castrum Marsellinum (Cannes)
et dans la plaine qui Tentoure, au nord et à Touest.
Deuxième journée : La cavalerie et le gros, à Nicœa, et chez
les anciens Vediantii (rive gauche du Var) ; les dernières frac-
tions, probablement vers Deciatum (Villeneuve-Loubet), Cagnes
et Saint-Laurent-du-Var. 11 va sans dire que c'est le terrain
seul qui nous donne ces indications, qui ne sont nullement des
certitudes, mais semblent cependant s'imposer pour une troupe
en marche, ayant pareil effectif.
Octave n'a pas encore vingt ans, lorsque, le 20 août ou le
10 septembre (la date est incertaine), déjà consul, le futur
empereur se décide à appeler à Rome les deux généraux réunis
à Fréjus. Il est donc impossible, cette fois, de donner une date
historiquement certaine pour cette traversée de l'ancien terri-
toire des Oxybiens et des Décéates, comme nous venons de le
faire pour la première traversée de nos régions du pays d'Azur.
— Peu après, le triumvirat est conclu, les événements vont
se précipiter, et jusqu'à la grande bataille de la Brague, livrée
auprès de Biot, il n'est plus question de nous.
217 "
VI
LES LIVRES lilTlJllClQflES D'JlHliES
AU XVI» SIÈCLE
par M. GHAILA.N. curé d'Albaron-en-Gamargue,
Membre de la Société des Amis du Vieil-Arles,
Il y âdéjà longtemps qu on a demandé etqu*on attend tou-
jours une bibliographie complète des livres liturgiques impri-
més en France; c'est que ces vieux documents, on le reconnaît
aujourd'hui, sont précieux à plus d'un titre. Outre leur intérêt
spécial, celui de livres de prières usités à une époque, ils peu-
vent nous fournir encore bien des détails artistiques, histori-
ques et archéologiques. Aussi quelques chercheurs ont ils
dirigé leurs investigations vers ce genre de travaux. La liste de
leurs productions serait déjà longue à citer. C'est afin d'ajouter
une petite pierre à cet édifice que nous donnons aujourd'hui
ces notes sur les livres liturgiques d Arles, nous bornant,
pour le moment, à la période du xvi' siècle, c'est-à-dire aux
premiers livres imprimés. Nous devons beaucoup au patient
collectionneur qu'était l'abbé Bonnemant *. Notre principal et
presque unique soin a été de rechercher dans ses manuscrits
les notes qu'il a colligées sur ce sujet.
* Bonnemant (l*abbé Laurent), né et mort à Arles (173 1-1802), a laisse'
plus de 100 manuscrits relatifs à rhistoire d'Arles. Ils sont déposés, au-
jourd'hui, à la Bibliothèque de la ville.
■^ 218 - -
BRÉVIAIRE DE l50l.
Le premier livre à mentionner est un bréviaire. Il porte la
date de r5oj, c est un des premiers imprimés de la région ; le
bréviaire d*Aix n avait paru que deux ans plus t6i, en 1499;
celui de Tabbaye de Saint-Victor ne vit le jour qu'en i5o8;
celui de labbaye de Montmajour qu*en i5i4; celui du diocèse
de Marseille qu'en i526. Mais ce qui ic distingue surtout, c'est
qu*il a été imprimé à Arlc^ même, comme nous le dirons bien-
toi plus en détail» Le titre de ce bréviaire serait d'après
Brunel ' : Breviarium secumium consuetudinem ecclesie arela*
tensis. Nous n'en connaissons que deux exemplaires : un
premier possédé par la Bibliothèque Nationale % un second_
incomplet déposé à la Bibliothèque Municipale dWrU
t L*exemplaire qui appartient à la Bibliothèque Nationale n*a
pas de titre et il commence par un calendrier en huit feuillets;
ceux du texte sont chiHrcs de I à CCCCCLVIII ; le verso du
dernier n'a qu'une seule colonne ; il est suivi d'un Teuillet
non chiffré dont le recto donne la suscripiion [suivante], im-
primée en rouge :
# Explicit breviariuz s'd usuz sacralissimc arelatcsîs | ec-
clesic accuratissime correciù ac emendatum in cadô | arela-
tensi urbe împensis capiiuli impressum Anno | Domini mille-
simo quingentesimo primo die vero de | cima quinta iulii '. »
L'exemplaire de la Bibliothèque d'Arles ne commence
qu'au (blio 344 par ces mots : ^ Incipil sanctorale sanciorum
sccundum usum sancie arelaiensis Ecclcsic. ^ Il ne renferme
que le sancloral. La partie qui manque, c'est à-dire le tempo*
* Bklnkt : Sfanutt du Libraire, I. ias8.
* Ancien fonds B, n* 44?.
* BiiuwtT: Op. citât,, I, laaS,
— 220 —
la pariie qui reste : Ex-Librîs \ Laurentii Bonnemant presbi-
' teri arelatcnsis \ Die 5/ deccmbris i'jj2. C'est un petit
in-i2Telié en basane grise et portant au dos : Breviar. areîa-
tcns, iJI,
Probablement il avait eu pour premier possesseur le cha-
noine Meyran» car on lit à la dernière colonne de cet exem-
plaire, sur l'espace laisse en blanc, d'une écriture manuscrite
de 1 époque : canonicu& Mayranus *,
Ce bréviaire, si rare, est digne dalteniion. Il est à deux
colonnes avec des rubriques en rouj'e: il n*est folioté qu*au
recto en chiffres romains. Avec ses caractères gothiques, serres,
mal venus, il a lapparence d'un manuscrit. Des abréviations
multiples en rendent la lecture dillicile, sans compter que de
nombreuses coquilles le déparent, ce qui n'est pas particulier
aux livres du xvr siècle, (Fig. i.)
Ce bréviaire a été imprimé à Arles, au nombre de 3oo exem-
plaires, par Jean de la Rivière, imprimeur-libraire d'Avignon,
moyennant 5j3 florins et i3 gros qui furent versés entre ses
mains, cinq jours après rachèvcment de l'impression, le
20 juillet i5oi, Labbé Bonnemant a relevé dans le protocole
des années 1497-1506 du nocairc Pierre Barbeni, les termes du
traité qui lut passé avec le chapitre d'Arles :
«. Anno rSoj» et die 7 octobris, nobilis et circumspccius vir
maf;ister Johannes de Riperia librorum impressor civitatii
Avinionis* promis il et solemniicr convenii egregiîs Dominis
Ouillelmo Parade, Archidiacono, Johanni de PomayroHs,
sacriste, Johanni Monachi. archiprcsbitcro, Jacobo Julianeti
precentori, Alitiano Autrici Thesaurario. Pciro Corenhc, et
' IVophime Mcyraii, hls de Jacques et de Doucette Elstientie. fut clia^
noine de Sainl-Trophime en rSsi. Il mourut le 17 juin ibji, Bakoii iih
RouiiK : Lts Mejrran et leurs aUiances, p. 104*
— î2r —
Johanni de Turri* canonicis. ac Glaudîo Ymberii. Anihonio
Girardi, et Guillclmo Bertrandi presbiterîs Bencliciatis sancte
Arelatensis Ecclesie» in dicta Ecclesia captiulariier congregatis,
et siipulaniibus,vice ei nomine tocius clerf diocesîs Arelatensis
imprimere irecenia Brevîaria ad usum dicie Arelatensis Ec-
clesie ciim quibus pactis quorum precipua suni : i*» quod
dictus magisier Johatines debeat dicta irecenia breviaria impri-
mere in presenti civiiaie Arelatis, de bono papiro et cuni
caracteribus novis : iiem quod diciî canonici et presbyteri
debeani eidcm magisiro de Riperia providere de una domo in
presenti civitaie Arelatis. donec et quousque dicta Breviaria
fucrint vcndiia, Anno j3ôi cl die 20 julii» dictus Magisier
Johannes de Riperia confessus fuit habuisse a venerabili capi-
tule sancie Arelatensis Ecclesiesolventedesuis propriis pccuniis
in pluribus et divcr&is solmionibus, videliceisummam 5ï3 llo-
rcnorura et t3 ^rossorum ; de qua summa conveneranl drcie
partes pro prccio diciorum Breviariorum » *.
Il est question de ce bréviaire dans un acle du 27 mai tGoi
portant vérificaiion par rarchevôque d'Arles. Horace Montano,
des reliques de saint Lucien. Il y est dit qu'on lui a représenié
un bréviaire de cette ville imprimé en i5oi, qui fait mention
de la translation des reliques de saint Lucien d'Antroche à
Arles *.
Saxi en parle également dans son Ponajiaum Arelaiense, à
Tannée i3oj» et assure que rarclievéquc de cette époque,
Jean X Ferrier «animum,.. applicuit. ui ex breviario expun-
gcrcntur, qua* aui vitio lemporis, aut lorte ignorantia irrcpse-
* L'Abbé L. BoNKCiiANT ; Mémoires pour servir à i'hUtoire de CEgtîse
d*Àrlts,,. à rariidcJean IX Ferrtcr» p. 8,
• />.► , rip. cit^ à Tariick jcan IV, \\ 4,
— ÎÎ22 —
ram, curavîtque ut Arelatc prœlo darctur novo îgtiur pra;sule
oova orandi forma, nova A relate n si s Ecclesta >►.
Un simple examen de ce bréviaire nous permet de noter les
diUférences qui le distinguent du bréviaire romain : c*est à peu
de chose près la même disposition des matières : psautier,
temporal. sanctoraL
Dans le sanctoral pourtant, les premières leçons ne sont pas
empruntées à TEcriture Sainte, comme de nos jours, mais
elles se tirent de la vie du saint dont on célèbre la fête. Elles
sont ordinairement courtes, les trois dernières sur les neuf que
comporte 1 ojîke constituent rhomélie de l'Evangile, dont les
premières paroles seules sont citées. Beaucoup d'oraisons,
même de nos saints provençaux, sont littéralement semblables
à celles du bréviaire actuel. En général, nos saints arlésiens. à
leur place, suivant la date de leur fête, ont un otîice propre
avec des hymnes particulières, 11 y aurait, croyons-nous, une
belle anthologie de pièces latines relatives à la Provence, i
extraire de ce vieux bréviaire. Tout nV serait pas de première
valeur, mais nous estimons, nous, que, plus tard, en voulant trop I
épurer ce bréviaire, on en a détruit bien des passages inicres*
sants et dignes d*ctre conservés. On le reconnut au siècle sui-
vant, lorsque fut décidée l'impression des offices propres au dio-
cèse d'Arles (|6J2).
Le premier saint mentionné au sanctoral est saint Saiumm
(29 novembre;, et le dernier, saint Sitîrcn (27 novembre).
Entre ces deux dates extrêmes* voici les saints qui iniéresscni
plus particulièrement Tancien diocèse d* Arles:
Saint Lazare, suffragant d'Arles, évèque et martyr (tuL i5S
V") •- — Saint Lucien (foL 364 v"), dont réglise Saint-Lucien
* La dite de U f£te des sâints est h la table ; elle n'en pas répétt^e dans
le corps du bréviaire, voilà pourquoi nous ne là donnons pas ici.
— 225 —
Cries possédait ks reliques ; elles sont aujourd'hui dans
primatialedc Saini-Trophime K — Saint Julien (foL 364%*),
>ni une église d*Arles porte encore le nom. — Saint Hilairet
évèque d'Arles (fd. 365 V). — Saint Honorât, évéque d'Arles,
titulaire de l'église des Aliscamps (foL 366), — Saint Antoine,
dont réglise Saîni-Julten poskède encore les reliques
(foK 373 v«) — Saint Rieul (Régulus). évéque d'Arles
(fol. 41 3). — Sainte Marie Jacobc (foL 422). — Sainte Magde-
icine (fol. 453), — Sainte Rustîcule, abbesse du monastère de
Saini-Césaire» dont le corps est possédé par la prîmatîale de
Saint* Trophime et la tète par Téglise de la Major (fol. 480)*,
— Saint Bertulfe, abbé» dont l'église primaiiale possède les
reliques (foL 486)* — Saint Genès <foL 490). — Saint Césaire
(fol* 491 v^)* — Le bienheureux Louis Allemand (fol. Soy v^)
« ...et die obitus gloriose memorie beati Ludovici Alamandi
cardînalis Areiatensis fiât officium semiduplex cum primiseï
secundîs Vvsperis et oratio dicitur de communi episcopî et
confessons 1^. Cesi le seul des saints que nous mentionnons
ici qui n*ait pas un office propre : Oraison, hymnes, leçons. —
La translation des reliques de saint TrophimecfoL 5i8). La
fête proprement dite est au folio iSy du temporal qui manque
à Texem plaire de la bibliothèque d'Arles. — Saint Virgile
(foL 525). — Sainte Marie Salomé (fol. 532). — Une dernière
remarque à taire à propos de ces saints* c'est que saint Lucien,
saint Julien et saint Bertulfe ne sont plus aujourd hui au pro-
pre du diocèse. Pour donner une plus ample idée de ce bré-
viaire, nous citons les deu.\ dernières des neuf leçons consa-
crées au premier de ces trois saints :
* f'ifchiprétix Biii»Ait&: Les reliqucM conunfées dans ia basiiiquf prU
matiaU d< Saint-Trophime d'ArUt^ p. 28, Voir plus loin t'opînion de
Bonneœant sur t*JutbcnUcité de ces reJiques.
* Iklb., (ip. twr, pâSSim.
4t El inier ca-terâ corpora sancionim corpus Beaii Luc tan i
mariyris quod dedii Godet roy de Bouillon] pro magno jocali
Karolo magno* qui dum veniret contra civiiatem Arelatenscm
et eam cepisseï, tnuhas ecclesias seucapellas construî et aedifi-
cari fecii | Jmer quas ecclesiam in lionorem Beaii Luciani
œdificari lecit, ei per Turpinum Rcmensem Archiepiscopum,
âliis episcopis in sua comitiva exisientibus. in eadem Ecclesia
corpus Beati Luciani honorifice condi fecit, tempore Domini
Honorii papse anno sui poniiticatus septimo. s*
On aura remarqué les deux anachronismcs que renferme ce
passa^'c : Godefroy de Bouillon que l'on fait vivre du temps de
Charlemagneet le fameux Turpin que l'on fait contemporain
d'un pape du nom d^Honorius. Bonnemant ', après a^oir ché
ce passa^'e, jette un point d'interrogation sur raulheniîciïé des
reliques de saint I-ucien, Il faut avouer, san^ parii-pris, que ce
n'est pas sans raison. Heureusement, ce bréviaire renferme
d'autres beautés qui le rendent plus vénérable à nos yeui ci
qui nous font regretter sa rareté.
Office de la saînte Vjebof. de i52i.
Il s'imprima» à Lyon, en iSai, un livre d'heures à lusâge
du clergé d^Arles qui n'est pas liturgique, à proprement parler,
en ce sens qu1l n'était pas destiné à la prière officielle et publi-
que. Mais il est assez intéressant pour mériter d'être rocn*
lionne. C'est un in-i8 de 112 feuillets foliotés au recto en chif-
fres romains, imprimé sur parchemin en beaux caractères go-
thiques. L exemplaire que nous avons eu entre, les mains,
peut être l'unique exemplaire qui reste, est relié en maroquin
rouge, avec vignettes dorées sur les plats* aux angles et au cen»
L. Bon M maint : Oj». ciL, h l'ârtJde Jean IV.
— 226 —
sic, Totum ad hn \ gum sine requi \ re ', Puis, plus bas» à
droite, se trouve une gravure représentant saint Trophime, ei.
à gauche, une autre fif^urant saint Etienne, (Fig. 2,) Le verso
de ce premier feuillet porte la pièce de vers suivante avec ce
titre : Clerusad laudem Virginis Marie :
Si iieri posset quûd arène put vis et unde
Uodarum gutte rosa gemme lilia Hamme
Ethera celicole mx grando sexus uterque
Ventorym pluvie volucrum pecudum genus omoe
Silvarum rami frondes avium quoque penne
Gramina ros stelle pisces angues et ansie
Et lapides montes convalles terra dracones
Ungue cuncta forent minime depromcre posscnl
Que sit vel quanta virgo regina Maria
Que tua sit pieias nec littcra dabit etas.
Des page^qui suivent non foliotées renferment unalmanach
pour une période de dix-neuf ans, commençant à iSao, et
contenant, avec les fêtes mobiles. le nombre d'on le bisextum
et les lettres dominicales.
Un calendrier vient ensuite; il comprend vingt-sept pages
non numérotées. Il a pour titre ; Calendarium sectindum usum
sancte areialensis ecclesie. En tête du mois, indication de sa
composition ; par exemple : « Januarius habet dies XXXI»
Luna verù XXX, No\ habet horas XVI, Dies vcrù Vlll ?►. Les
<t regulae >^ que Ton trouve dans quelques calendriers à celte
époque sont à la Hn de chaque mois, par exemple, après avril,
on lit : * Invcnlo aureo numéro post pacha compuia XX dtcs
et in sequenti doniinîca fac lerminum Rogatinnum *
* Pour plus de «:ommo4iié, nous donnons sans abréviation les %kin§ el
les citations des hvres liiurRiquesqui suivent.
- 227 -
Les féies de précepte, ion nombreuses, y sont indiquées par
le mot coliturcn rouge. Tous les saints particuliers à la ville
d'Arles et quelques nouveaux y figurent, avec mention parti-
culière pour ceux dont les églises d'Arles possèdent des reli-
ques : V, g» au H février : ^ Sancti Desîderii, episcopi vien-
netisi eu jus corpus in sancta Arclaiensis ecclesia requicscil )^.
Voici les autres saints qui ont cette indication : saint Lucien
au 8 janvier; saint Antoine, au 17 janvier ; saint Beriuire, au
19 août ; le bienheureux Louis Allemand *, au 17 septembre.
Au 17 janvier. on lit encore cette note : « Anno Domini mille-
simo CCCCXCl fuit translalum corpus beaii Anihonii abbatis
de monasterio montis niaioris ad ccclesiam parochiaiem sancti
Juliani civitatis arelatensis. »
Au 26 mars, cette remarque en wu^q : <« Hic mutantur anni
ab incarnatione. ^
Après le mois de mars, se trouve la curieuse pièce laiine que
jvoici. qui est un salut à la fête de TAnnonciation :
Rubnca de annunciaiione. Guillelmus Durandus
Salve sancta dies que vulnera nosirâ coherces
Angélus est missus : est passus in cruce Christus.
Est Adam factus : et eodem lempore lapsus.
Ob meritum décime cadit A bel fratris ab ense.
Offert Melchisedech : Isiac supponitarris
Est decoliatus Chrisii Baptista beatus.
Est Pcirus crcclus : lacobus sub Herode peremplus
Corpora sanctorum cum Christo multa resurgunt.
Lâtro per Chnstum tam dulce suscepii. Amen.
* On trouve des détails sur toutes les retiqoesde ces saints dans la bro-
chure déjà incniionnéo de l*ttn:hipriïtre Bernard ; Les reliques conseriféts
dans la basilique primatiale de taint Irophime, petit t'ormat de 44 p^
Avignon. Seguin, sans date.
Au 23 août, est signalée la mort, en i3o3. du bienheureux
Restai ng Caprée» archevêque d'Arles.
Au i6 décembre, celte meniion : « Hic incipiunt dics
crescere. ^
Au 29 décembre, la fête de saint Trophime esl ainsi an-
noncée : <t Sancti Trophimi Galliarum aposioli et sancie
ecclesie arclaiensis primi fundatoris, y^
Une remarque générale à faire à propos du contenu de ce
livre de piété est qu'il renferme beaucoup de pièces latines en
l'honneur de la sainte Vierge.
Les principales pièces de ce livre sont :
D abord des extraits des quatre évangiles :
KoL 1 : In prîncipio erat verbunii de l'év. saint Jean.
Fol, I : Missusest, de Tév, saini Luc.
Fol n : Cum natus est, dt* l'év. saint Mathieu.
Fol !1 : Recumbentibus undecim, de l'év. saint Marc.
Fol. [Il : Messe en Ihonneur de la sainte Vierge.
Fol IV : Confiieor, Ce texte du Con(iieoresi différent de ce-
lui employé de nos jours, A ce titre, nous le reproduisons en
entier :
Confucor Deo omoipotenti béate Marie virgini et beato Trophimo
beato Stephano et omnibus sancus. Et ego miser peccator pecciTi
nimis cogîiaodo loquendo operando et in plunbus aliis viiiis mets
malis. Mea culpa, mea culpa» mea gravissimaculpa. Ideo precor bea-
ttssimam vtrgiaem Mariam, beatumTrophimum^beatum Stepbanum
et omnes sancios Dei et vos fratres ut oretis pro me peccaiore ad
Dominum Deum nostrum ut ipse per suam sanctam piissimtm
mtsericordiam misereat mei. Amen.
Fol. V : La passion selon saint Jean.
FoL XXXVII : Les sept psaumes de la pénitence.
Fol LXXXVII : Le stabat Mater.
— 23o -^
beatae Marie Virginis secundum usum arelatensis ecclesie
totum ad longum cum pluribus et devotissimis orationibus ac
sufFragiis plurimorum sanctorum et sanctarum Lugdini im-
pressum per Gilbertum de Viiliers. Anno Domini miilesimo
CCCCCXXI*, die xix mensis februarii.
Les derniers feuillets du livre contiennent la table générale
des matières avec indication des folios où se trouvent les priè-
res.
Enfin, le folio CXII se termine par la marque de Timpri-
meur : Deux amours soutiennent Técu de France barré et sur-
monté d'une couronne à. pointes, au-dessus de laquelle émerge
à mi-corps un cerf ailé. Au bas de lecu pend un cartouche ren-
fermant le double chiffre de l'imprimeur (le V englobant le G),
surmonté d'une croix. En dessous se lisent ces mots, en lettres
capitales, Gilbert-de- Viiliers, encadrés dans un petit rectangle,
lequel faitpartied'un autre rectangle à double filet renfermant le
tout. (Fig. 3.)
Cette marque avec quelques autres vignettes, disséminées çà
et là avant certaines initiales, ne sont pas les moindres curiosi-
tés de ce volume qui doit être assez rare. Nous ne savons à qui
a appartenu l'exemplaire de la bibliothèque d'Arles.
Missel de i53o.
Le premier Missel imprimé, pariiculier au diocèse d'Arles,
porte la date de i53o. C'est un in-folio de 218 -|- 86 feuillets à
caractères gothiques allongés. Les rubriques et les initiales des
principales fêtes sont en rouge. Il a pour titre : Missale secun-
dum usum et consuetudinem sancte A relatensis Ecclesie, hac-
tenus impressioni non mandatum, hic suum exordium in lu-
cem emittit, ad laudem Dei omnipolentis, Beatissimeque Vir-
ginis Marie, et Beatorum Stephani et Trophimi nostri, ac
denique sanctorum omnium. Au bas de ce titre, sont deux
I vigTiftifs gavées sur bois,) uncit^pî^s^Vït^^ v^ t^ t ^ vv» .'r i^ i -f^*^.-
tre sMîm Trophime, * Je remarqua' awv ^ViM^i^^»iv î^>.. ,i> . ^w,<
Bonncmant. que saini Tn>phui'^c cM >vm^i<^i* ;^j^»rx ^^^^V
Edenoc dans k titie» et que là îÎ4^îTf qui k tT}MV*voi^ ^t\ ^ U
I gaochede celle de saint Èiîcnnc*', Cx Mi*^çl f^\ M\^ns^ a^c^
I nuTc. La bibliothèque dWrles poNN^c TcVcmpU^t*» \U I^MHi^i-
mant. comme le prouvent ces moiN ii:rt{\ Jç *4 tt^^ih «»»n I nn»'
des gardes : « £x /iftrw Laurcniù Mmwrw<t«^/»>f ^^'Z*-* f ^♦f'
laiensis die 3i décembres /77a. » 1 ti rtMfrr t't>^mplrt»r»i «m
voyait à la Major d'Arles, au siècle Jrfnirf, i lie/ le • ur^^ f t^n-
dion-; nous ignorons ce qu'il ot dc\t?ru4 II rti;<n»|M«i â luff ••♦
à l'autre de ces Missels les prcmicr^i fcu»l|rf« fcnfcrm^nf l«i fîfr».
a le calendrier: en outre, celui de U hiblioiliri^MÇ 4 Arl'-^ «-«si
dépourvu des feuillets 85 et 86.
Bon nemant Signale, en outre, l ^KtpmpUirr- '■i'** a^^i^trUnti*
aii xviir siède. à l'ainé de Mono ■ çt '|'4« '^p fj/.romr f/w..!.» -t^
srtr ar^erc-grand-oncie- Loi*. s ^c M'. -.
Le "" ^mc s ^u ""^ :îar ;r.c ***'". "- î''^ -V*/^? t.'*'-. -*i r -^ -vr*v>-
z:.ZL :2r*T..i ;rr' . » <s ir.T. "^': î*^:-v ^i^rr ^ i/»-c ^r ^>i /. ,.-, u/.v ►■.
^ '•^ei ^d^.i. :^ 1. Tivr,:-* -♦ '. ,v !>* ^^.vy^c -.»: /^ -u '. v--
tqsiernenr e Ti'trrrr u*rv «*rr.-*.tin *t V:^ .'-•..-. «».• .> ^ ;->**.
— 232 —
ceuc dernière tèie ju^qLlau premier dimanche de l'AvenlJc
jour auquel tombe ce dimanclie cl le nombre des jours de
FAvent.
Le calendrier qui suk cette table, outre le nombre d'or dans
une première colonne, ci, dans une seconde, en leiires qui ne
dépassenl jamais le G, la lettre dominicale» marque, dans une
troisième, les calendes» les nones ei les ides selon la manière
ancienne de compter les jours.
On trouve aussi dans ce calendrier Tindication des signes du
zodiaque, le changement des saisons, mais on les avance con-
sidérablement : ainsi le commencement du printemps est fuê
au 7 février. On y signale les [ours réputes malheureux par ces
mois : 4i dies cgcr ' it. Entête de chaque mois, est une sentence
qui sV rapporte : V. gr. pour janvier : «c Prima diez mcnsîs cl
sepiima truncat ut ensis ?► ; pour février : « Quaria subil mor-
tem, prosternit tertîa sortem >►. Après cette indication vient
l'énoncé du mois : m* en hébreu. 2° en grec. Les « régula* ^. si-
gnalées plus haut pour trouver les fêtes mobiles, ne manquent
pas non plus ici à la lin des mois.
On y rencontre aussi la mention de plusieurs faits hislori-
ques. A la tin de janvier, on lit : ^ Anna Domini MCCCCXC
fuit translalum corpus Bcati Anthonii abbalis de Monasterio
iMontismajoris ad Ecclesiam parochialem sancti Juliani de
y\ relate ». Au 23 avril : «« Egressio Noe de Archa )*. Au 22 août
est rappelé 1' « Ubitus Beaii Roslagni Câpre. Arelatensis ecclc-
siccpiscopi qui obiit sub anno Domini MGCCIII. » Une date
diirérenle est donnée par Saxi dans son Pontificium arelatense:
« Des astronomes décotivrirenl très anciennement en l'Egypte des con^
icllattons qu'ils prétendaient être nuisibles aax hommes: pour les fjire
connaître, on prit l'habitude de metirc dans les calendriers païens dcai
mois : < dics eger >. \h ne furent pas effacés dans les premiers calendrier!
à l'usage des chrétien».
- ?33 -
itus bcaii Roslagni Capra?, saricifie hujus Arelatensisecclc-
î« archicpiscopi, decimo LalenJas augusii i» [23 juillet]. Au
17 septembre : « Beatus Ludovicus Alamandi cardinaliîi Arela-
tensis quiobiilsub anno MCCCCL^^Xest le seul souvenir qui
soit donné au bienheureux Allemand. Dans ce Missel, il na
point d office, pas même dccommcmoraison. Dans le Bréviaire
imprimé en 1549, il en sera de même. Cet ostracisme, du sans
doute à ropposition du cardinal d'Arles au Pape lors du con-
cile de Bâie, devait durer jusqu en 1670. En celle année» l*Ar-
chcvéquc François de Grignan, sur les instances du chapitrei
^^t composer et réciter un office en son honneur ».
^B Parmi les saints mentionnés dans ce calendrier^ citons les
r suivants plus spécialement vénérés à Arles : Saint Lucien
1 (8 janvier), saint Julien (9 janvier), saint Honorât (16 janvier),
I saint Antoine (17 janvier), saint Paul, cvcque de Saint-Paul*
11
Trois-Châteaux (!•' février), saint Didier (1 1 février), saint Q)uc-
nin.évèque de Vaison (i5 février), saint Paul, évèque de Nar-
bonne (23 mars), saint Hilaire, cvéque d*Arles (5 mai), saint
Baudile, martyr de Nîmes (20 mai), sainte Marie Jacobé
(aSmaî), sainte Magdeleine(22 juillet). sainte Rusticule(( laoùtl,
saint Roch ( 16 août), saint Bertuire( 19 août)» saint Genès. mar-
tyr d*Arles (26 août), saint Ccsaire. évèque d*Arles (28 août),
saint Gilles, abbé (1*' septembre), saint Agricol, évèque d'Avi-
l gnon (2 septembre), saint Kerréol, martyr à Cavaillon (18 sep-
L lembre), saint Denis, second évèque d'Arles (goctobre)^ sainte
^piarieSalomé (23 octobre), saint Brice et saint Vêran (14 no-
vembre), saint Ruf, évèque d'Avignon (i5 novembre), saint
, Siffren, évèque de Carpentras (27 novembre), saint Trophime
(29 décembre)*
A propos de ce calendrier, voici quelques remarques que nous
V Guida cftristiana novtnima, Arles, n* 1928.
— 250 —
rere nobis. En bas» Jésus-Christ donnant les clcts à samt
Pierre.
A la messe de Pâques, au folio CXII, ces mêmes ornements
sont répétés. iFig. 4.)
F^our rordinairc de la Messe, voici ce que ce Missel renferme
de plus curieux. Le préirc commençait la Messe à la manière
usitée chez les Dominicains; il disait Au/er à nobis.,, et Ora
mus ie,,, au bas de lautel.
Le Canon est le même que celui d*au|0urd'hui, sauf quelques
légères transpositions ou changements de mots non essentiels.
A la tin de la Messe, rofriciani donnait la bénédiction au
peuple en ces termes : *t Benedicat %*os omnipotens et miscri-
cors Dominus f Pater et Ki f lias ei Spiriius f sanctus »« ou
bien en ceux-ci : • In unitatc sancti Spiritus bene f dicat vosPa-
lcretFilius5*Xela fait Je prêtre rcciiaill'oraison:P/acea//i6i...,
que Ion dit à présent avant la bénédiction. Au dernier Évan-
gile» à ces mots du prêtre : Initium sancti Evangelii secundum
Joannem, le clerc répondait : ^(jloriatibi Domine qui natuscst
de Virgine, succurat nobis hodic, et in omni tempore. Amen. 1»
L'Évangile terminé» le célébrant récitait les oraisons suivantes ;
<*Per Evangelia dicta deleaniur nosira delîcta. Te invocamu^.
te adoramus, te laudamus, te glorificamus* ô beata Trîniias. —
^. Sit nomen Domini henedicium. r. Ex hoc nunc et usque in
spéculum. Oremus. Protector in te sperantium, Deus. sine quo
nichil est validum, nichil sanctum, multiplica super nos mise-
ricordiam luam ut terectore, te duce sic transeamus per bona
lemporalia, ut non amittamusseterna,per Christum..,^I*eprè-
tre donnait ensuite une seconde bénédiction en prononçant ces
paroles : «« A subitanea et improvisa morte, et a damnationc
perpétua lî béret nos Pater ei FïUus etSpiritus sanctus. Amen,»
Quant aux principales fêtes, voici ce quelles avaient de par-
ticulier : Pendant l'Aveni, les fériés iv et vi de chaque semaine
- 237 —
avaient des épîircs ci des évangiles propres, A la messe de hi
Vigile de Noël, un acolyte en surplis récitait iom^édijtetneni
avantl'éphrelesquaire premiers versetsdii LXIhchapiired'Isaïc»
De même, à toutes les messes de la fèie, une leçon du même
prophète précédait Tépître ordinaire prise des épUres de saint
Paul K C'était vraisemblablement afin démarquer l'accomplis-
sement de CCS prophéties touchant Jésus-Christ cl de bien mon-
I ircr le rapport du nouveau Testament avecTancien. A la messe
^■e Minuit, le célébrani, après avoir communié sous les deux
^^Bpiccs, disait tout haut ce verset : « Notum fecil Dùininus sa-
^^iiare suum », auquel le peuple répondait : « Anteconspectum
i gcntium »•, ei, après avoir entonné tout de suite le Di'ua in arf-
^^mtorium, on chantait les Laudes. Le prêtre terminait la céré-
■ mon ie par Toraison qui était suivie du Benedicamux, chantée
par le Diacre qui Tassistait.
Pendant le Carême, lorsqu'on disait la messe de la féfîe, on
servait de chasubles de couleur noire : le jour des CcndrcSp
introduisait les pénitents dans I e^lisCp où le célébrant leur
isait un discours, leur distribuait les cendres et leschas^itdc
église ; il lavait ensuite les autels avec de Teau bénite pendant
ue le chœur chantait une antienne.
Le dimanche des Rameaux, 1 orticc commençait par une
on tirée du LXllI' chapitre d'Isaïe, après laquelle te chœur
antait en entier le verset : Christus/actUM ent pro nobit obe-
diens: ensuite, le diacre disait révangilc : Cum appropinquaM"
sei, lequel fini» le célébrant bénissait les rameaux par des arii*
sons qui meiiteraient d'être reproduites. Elles sont au folio
LVIL
Vendredi-Saint rfuîio ! XXVI! » \e\ impropèrcs ou repfo-
« Ces le^ûn 4a pr^fhète îui€ éuattÊt tiréca fom la ««•§ éë Mànoit
flo dioiMire IX% poor cdle île VAmi^m^ êm d^t^. L%t, m mÊm pmt cfllt
4» Joar^ 4a dM^. Lit*.
- 238 -
chus ciaiem chantés avant ïadoration de la Croix et et
iniercalésdes versets grecs : Agioso rAeoA-.., Le célébra ni s'éiani
déchaussé allait prendre la croix (non encore dévoilée), et en
avançant vers Tautel processionnellement avec ses officiers, il
chantait les impropères, disant d*abord : Popu/e meus.,, ; deux
chantres ajoutaient ; Agios o Tkeos..., le choiur répondait p;ir
Sancius Deus,.. Le célébrant reprenait le second verset desim-
propères, et les chantres et le chœur répétaient, les premiers :
Agios 0 Theos..., le second, Sanctus Detis,,., ei ainsi de suite.
Lesîmpropères terminés, le prêtre découvrait la croix comme
on le fait encore aujourd'hui. Le reste de roffice du matin était
le même aussi, avec cette difïérence que le prêtre, avant de
panir pour aller prendre le Saini-Sacrcmeni au rcposoir du
Jeudi-Saint, faisait la confession au pied de Tautel, comme aux
messes ordinaires.
Le Samedi-Saint (folio LXXXVH), on ne disait que quatre
prophélicsquiétaientsuivieschacuned'uncoraison.Onchaniâii
ensuite les litanies. Lorsqu'on était à l'invocation : Sancie Sic-
phane, on allait processionnellement aux fonts baptismaux, en
lesconiinuani. et quand on avait dit : Omnes sancti et sancte
Dei\ oratepro nobis^ on s'arrêtait ; et le célébrant chantait : Ut
Jontem istum bene f dicere digneris, le chœur répondait: Te
Rogamus audi nos, ce qui se faisait trois fois. Ensuite, avait
lieu la bénédiction des fonts baptismaux; lorsqu'elle était ache-
vée, on continuait les litanies» beaucoup plus longues que cel-
les que Ton chante de nos jours.
Pendant la quinzaine de Pâques, on ne disait l'office d'au-
cun saint, mais on le transférait après le second dimanche, s*U
s*cn rencontrait un pendant cette période réservée exclusive.
ment au mystère de la Résurrection. Cependant, le samedi
après Quâsimodo, on faisait la fête et on disait la messe en
rhonneur de la Compassion de la sainte Vierge.
La bénédiction du feu nouveau se faisait aussi le jour de la
Puriticaiion, comme le jour du Samedi-Saint* maïs avec des
I oraisons différentes, trop longues pour pouvoir être rapportées
j ici. Après les avoir dites, le célébrant jetait de Teau bénite sur
le feu en disant : « Benedîctio Deî Pairis omntpoientis, et Filii
et Spiritus sancti desccndai super hune ignem et mancat scm-
L_ per. Amen i». Ensuite» avait lieu la bénédiction des cierges au
^moyen d'oraisons suivies d'une préface qui se rapportait au
mystère du jour et qui passe pour un morceau de choix. A la
fin» le prêtre qui officiait jetait de l'eau bénite sur les cierges
que Ton allumait avec le feu nouveau pendant que le précen-
leur ou un chantre disait par trois fois : ^ Vcnîte et accedite»
aptate lampades vestras^ ecce sponsus venit, exite obvia m et n^.
Le chœur chantait ensuite : ^ Lumen ad revelationem... ^ et
le reste de la cérémonie s'achevait comme aujourd'hui.
Le Missel qui [nous occupe avait des préfaces propres pour
les fêtes de saint Jean-Baptiste, saint Augustin, saint Jérôme,
saint Roch et saint François d'Assise. A la messe de sainte
Marie-Madeleine et à celle de sainte Marthe, on disait la pré-
1 face des Apôtres.
l II y a une prose particulière à la fête de sainte Barbe.
IB A la tin du Missel, on en trouve un grand nombre pour les
F messes de plusieurs autres saints^ mais le prêtre n'était pas tenu
de les dire. Parmi celles-ci^ citons celle de saint Trophime:.
« Ecce pulchra canorum resonei voce... ^ au folio LXXllP*, et
1^ celle de sainte Madeleine commençant et Unissant par : ^ Jesu
^■[Cna venie. ... )» au fol, LXXIX, lesquelles ne sont pas sans
^^méritc littéraire».
* L'dbbé Faillon. au tome II de ses Monuments inéiiits, col. 5^3-594» 9
reproduit Iji prose en l'honneur de satnie Marthe : Ave,hfartHd gloriota.
it, dit il, se trouve au folio CCV du Missel d'Arles de i53o. Nous uc \*y
ifons pas vue
240 —
Le lourde la Transtiguration* on bénissaii les raisins ave
une oraison particulière que Ion réciiaii aussi à roftice.
Au commun des saints où commence une nouvelle folîota-
tîon, sont plusieurs messes particulièresqu'il convient de signa*
1er:
Au fol. XXX est une messe spéciale contre la peste rédigée
par ordre du pape Clément VI. Tous ceux' qui entendaient
cette messe devaient porter en mains un cierge allumé ci se
tenir à genoux pendant toute la messe qui devait se célébrer
pendant cinq jours. Le texte ancien en a éic publié et commenté
par J. Viard. iiibiuUhèqitc de l'École des Chattes, LXL 334-
338.
Au fol. XL sont deux messes ; Tune en l'honneur des cinq
saints privilégiés -.saint Denis, saint Georges, saint Christophe,
saint Biaise, saint Gilles, et Tauireen l'honneur des cinq saintes
privilégiées : sainte Marguerite* sainte Catherine, sainte Mar»
ihe, sainte Christincet sainte Barbe.
Au foL XLV est une messe pour Tàme dont le salut est dou-
teux, et voici un passage de la collecte qu'on y lisait : *t et si
plenam veniam anima ipsius obtinere non poiest. sahem vcl
inter ipsa lormenia quse forsitan patitur, refrigerium de abun-
dantia miserationum tuarum sentiat. ^ Il semble, à la lecture
de ce passage, que TEglise d'Arles était dans la croyance qu'une
âme condamnée aux peines de Tenfer pouvait y être soulagée
par les prières des Bdèles, sentiment aujourd'hui abandonné
par les théologiens. Au fol. LVII est une messe de qualuorde-
cim sanctis auxUiatoribus : saint Georges, saint Biaise* saint
Erasme» saint Vite, saint Pantaléon, saint Christophe, saiûl
Dcnys, saint Cyriaque, saint Acace, saint Eustache, saint Gilles,
sainte Catherine, sainte Marguerite et sainte Barbe.
Puis, au fol. LVIII sont les messes du trentenairc de saint
Grégoire, fort en honneur sous l'ancien régime, mais dont les
- 24r —
obligations étaient un peu dures à remplir pour le célébrant-
Qu'on en juge : « Débet sacerdos qualibei die. qua ipse est
celebraturus, invocare gratiam sprritus sancti* etdeinde dicere
nocturnum Hlius dtei» deinde sepiem psalmos peniteniiales
cum prccibus et sequentibus oratîonibus, post vero quam célé-
bra veril dicat vigilias morluorum, et hoc, omnî die, cum
magna devoiione et suorum peccaiorum confessione. Aliqui
vcrô dicunt totum psaherium usque ad psalmum : Dixit Do-
minus, et jejunani omnî die. »
Les oblii^'ations pour le prêtre chargé de dire les messes gré-
gortales. au nombre de treize (fol. LVIII v) n'étaient pas non
plus bénignes. Ces messes se célébraient pour les personnes
dans Tadvcrsîté ; l'officiant devait jeûner chaque jour ; avant de
monter à lauteL il avait à réciter les sept psaumes de la Péni-
tence avec les litanies et oraisons suivantes, à genoux; après le
Saint-Sacrifice» il disait les quatre Evangiles et, en récompense,
il recevait une gratification abondante en cierges, savoir :deux
pour la première messe qui était du premier dimanche de
l'Avent; deux autres pour la seconde qui était du jourdeNoél ;
trois autres pour la troisième qui était de l'Epiphanie; sept
^autres pour la quatrième du dimanche delà Septuagésime;
Icux autres pour la cinquième du dimanche des Rameaux ;
quarante autres pour la sixième de la Résurrection ; dix autres
pour la septième de l*Ascension; dix autres pour la huitième
de la Pentecôte; trois autres pour la neuvième de la Trinité:
dix autres pour la dixième de la Croix ; deux autres pour la
onzième de TAssomplion ; douze autres pour la douzième des
Apôtres ; neuf autres pour la treizième des saints Anges.
Un des trois exemplaires du Missel d*Arles que nous avons
signalés, celui de Louis de Molin portait au foL LXIU une note
manuscrite, de récriture même du vicaire générât Elle relate
\sL démarche faite, en 1614, par l'archevêque d*Arles pour conju-
COHOKiS, — 16.
^- 242 —
rer les sauterelles qui dévastaient le territoire. 11 est bon de la"^
sauver de l'oubli : elle a un intérêt historique et liturgiquc.
Nous la reproduisons en entier. On comprendra facilement ce
laiin : « Nota quod anno Domini 1614 et die 19 mai Reveren-
dissimus in Christo Dominus tlaspar a Laurentiis, archiepis-
copus Arelatensis. absoluta indulgentia quadraginta liorarum
quà populum Arelatenscm ad Deî misericordtam postulandam
incitaverat^proccsscritprocessionaliiercum loio cleroei populo
Arelatcnsi extra civiialcm in campum Elysium, in quo est dîvi
Pétri edicula, juxta quaiii protata scnicntia malediciionis
contra locustas fructus terre dévastantes, salis et aquar cxor-
cîsmo usus est, postea addidit hanc orationem, et conjuratto-
nem in hune qui sequilur modum. aspergens aqua benedicta
in modum crucis,
Tuere, quesunius. Domine sancie Pater, locum istum per
tui nominis invocaiionem, et hu jus aqua? aspersionem abomnî
nequitia volucrum, vcrmium, locustarum, torarum, marium,
pessimorumque animalium ac dœmonum; tuaque inetTabili
potentia nutrimenta in eis sita in eis illîbata permaneant et
illœsat qui in IVinitate periecia vivis et régnas Deus.
Conjuratîo genibus flexis Jacia,
Adjuro vos volucres» vermes. toras, mures, locusias» pessî-
maquc animalia, et spiriiibus immundos per Deum f verum.
per Deum f vivum, per Deum f sanctum, qui est Trinitas
sancu. t per B. Virginem Mariam, per novem ordines Ange-
torum. per sanctos propheias, per dudoecim nomina Aposto-
lorum» per sanctos Martyres et Contessores, per sancus Vlr-
— 243 —
gineset viduas, in quorum honore et virtute vobis pfaecipio ut
exeatis et recedatisab hoc territorio; mansioque vestra sit per-
pétua in terra déserta* et vasta solitudine, ubi nullae crealurae
Dei noceatis, in nomine Patris, et Filii, er Spiritus sancti,
Amfin.
Deindc redeundo caniatum fuit Te Deum laudamus » *.
On lit au bas de la dernière page du Missel de i53o les paro*
les suivantes qui nous apprennent quil a été imprimé à
Lyon : 4^ Missale hoc.consuetudini sancte Arçlatensis Ecclesie
aptum et accomodum. Deo annuentc, oplatam sumpsit perio-
dum in famatissimo Lugdunçnsi Emporio, sumptibus et im-
pensis venerabilium Dominorum ipsius Ecclesie, qui delibera-
tionc unitormi etconcordi dccreverunt novum exemplar hoc,
ante hac tenebrosum et non imprcssum, cudere, et de tenebris
luminosum acradiosum emittere,adlaudem Deioptimi,christi-
fcreque Virginis, ac divorum Stephani et Trophimi, necnon
sanctorum omnium. Si quid lucidum vel décorum in prefato
missali cernatur, sivecomperiatur; illi sit gloria cujus perfecta
sunt opéra, et qui opus imperfectionis non novit. Si verô quid-
piam erratum fuerit compertum ^ venia danda erit prime
excusioni ; siquidem in nuUo peccare, potius est divinitatis
quod humanitatîs. Homerus quandoque dormitare dictus est.
Dionysius vero de Harsy. calcographus probatissiraus, impri-
mebatanno ab orbe redemptoMCCCCCXXX, xiii octobris.
On ne s'attendait guère sans doute à voir le souvenir d'Ho-
mère dans cet explicil, qui, par ailleurs, respire un en-
thousiasme bien naïf.
Il nous reste à donner quelques détails sur l'impression de
* L. BoHNBMAHT, Op. Cit. , art. G. du Laurent, p. 2.
• Le Missel ne renferme pas seulement des fautes d'impression, mais
aussi plusieurs solécismes.
- 244-
ce livre. Un traité fut passé le i6 février iSig, entre Pierre Ray-
mond, sacristain, et Dominique Jaquet, bénéficier, de Téglise
d'Arles, et Jean Osmond, imprimeur de Lyon. D'après les ter-
mes de cet acte, ce dernier devait imprimer trois cents missels
à l'usage du diocèse, aux frais des anniversaires et quatre
cents bréviaires aux frais du Chapitre. Ces livres devaient être
semblables au Missel imprimé par le même, en i526> pour
lëglise d'Aix et dont un exemplaire fut remis au Chapitre aa
cauielam. Ils devaient être terminés dans le couranx de Tan-
née, avant la fête de saint Jean-Baptiste et portés à Arles aux
risques et périls de Jean Osmond, et sur les trois cents exem-
plaires, deux cents devaient être reliés avant la fête de saint
Michel. Au préalable, il lui avait été remis le manuscrit du
Missel d'Arles, dûment corrigé, auquel il avait à se conformer.
11 devait recevoir pour ses peines et pour chaque missel relié
cinquante gros en monnaie de Provence, et vingt-six pour
chacun des autres missels non reliés. Il ne lui était pas permis
d'en imprimer au-dessus du nombre fixé avec le Chapitre,
sauf six sur parchemin pour les chanoines. Il devait de plus
imprimer quatre cents bréviaires, sur bon papier, d'après le
modèle corrigé qui devait lui être remis, et faire ce travail au
prix de deux florins, monnaie de Provence, pour chaque bré-
viaire relié. On ne devait payer les missels qu'après la con-
fection des bréviaires, et on se réservait deux ans pour solder
le prix de ces derniers, savoir : la moitié Tan d'après la livrai-
son, et le reste l'année suivante. On lui donnait pareille-
ment à imprimer les livres pour les baptêmes, pour les proces-
sions, ce que nous appelons aujourd'hui rituels. Ce travail
devait être fait au plus tôt^ sauf à débattre avec le Chapitre
le nombre et le prix de ces divers livres d'offices. Le Missel
prêté comme modèle devait être rendu. Cet acte fut passé dans
la maison du notaire Guillaume Mandoni, en présence de Bo-
- 245-
niface Arbaud et de Dorât Calvi, clercs. Il fut approuvé le
lendemain par le Chapitre assemblé *.
Malgré les termes de ce traité, Hmpression des Missels ne
fut achevée, comme on Ta vu plus haut, qu au mois d'octo-
bre i53o sur les presses de Denisde Harsy mais par les soins de
Jean Osmond, libraire» qui fut le bailleur de fonds. La clause
relative aux bréviaires ne fut pas exécutée. Il n y a pas de bré-
viaire d*Arles imprimé en i33o. Celui dont nous allons nous
entretenir porte la date de 1549.
BRCViAme de 1^49
^P Ce fut Tarchevèque Jean de Kerrier qui dota pareillement
son Ef^Usedece nouveau bréviaire. Il se trouveà la Mazarine,
^^à la Méjanes,l*honorablc famille Marttn-Ragci, d*Arles,cn pos-
^rsède un exemplaire qui doit lui venir d'un membre de la fa-
mille, Pierre Véran, Tannaltste d'Arles bien connu. La biblio-
thèque d*Arles met à la disposition des lecteurs rexemplaire
de Tabbé Bonnemani. Il portecomme d'habitude son ex-libris.
daic celte fois du 12 janvier 1761, alors qu'il n était que sim-
ple clerc. G est un in-8" à deux colonnes, à caractères bien nets
quoique petits. Les rubriques et les initiales de chaque para-
graphe sont en rouge. Plusieurs lettres sont représentées par
des vignettes assez ordinaires.
Ce livre a pour titre : *« Breviarium recem ad usitm A rela-
tent i s Ecdesiœ^ Ex vetcri ac novo Testamentis : Tum ex Ho-
mitiis et Sermonibus sanctorum approbatorum dociorum, de
nopoper Rei'ercndissimumin Christo Patremac dominum Do-
• Cf. Galiia Chrnttann novhiimat Artes (1901), au n" 3o62. ou cet
acte en latin a été reproduit en entier^ d'après U minute originale qtai se
troave dans le « Cariulaire du Chapitre d'Arles » de Tabbé Bonncmaot,
I, p. 65-71-
246 -
minum Joannem Ferrenum. dktœ Arelatemis Ecctesiœ Ar-
chiepiscopum [wne meritum aùsolute insiaitratum est ».
Au-dessous de ces mots se trouve la marque du libraire Vas
Cavallb, représentani un vase au milieu de deuxchevaux dres-
sés sur leurs pieds» avec celte devise du livredes Proverbes:
Vas pretiosum labîa scientiœ. La page se termine par Tlndî-
cation habituelle : Venundaniur Aquis» in Palatio Regali pcr
Vas Cavallis Bibliopolam.M.D.XLIX. (Fig. 5.}
Au feuillet suivant commence laveriissement en latin par
lequel l'Archevêque rend raison des motifs qui Font pane à
donner ce nouveau bréviaire et dont voici les principaux. La
récitation du bréviaire était soumise à trop de règles qui échap-
paient à bien des inteltigcncest beaucoup de passages peu con»
formes à la Sainte Ecriture ou à renseignement des saints
Pères s'étaient aussi glisses dans la prière publique : les octa-
ves si multipliées se superposaient Tune 4 lautre ci rendaient
difficile le choix de Toflice cl jetaient le clergé dans bien des
embarras. Larchevéque, après une tournée pastorale, ayant
Irouvé un de ces vieux livres d'heures rédigé suivant les an-
ciens rites arlésîens s*cn servit très utilement pour son œuvre
de rélorme. Les antîennesjcs versets cl les répons furenlcon^
serves alin de ne pas remanier entièrement lancicn bréviaire.
Le calendrier fut plus explicite au sujet de Tindicalion deToh
lice. Le psautier fut réparti entre les jours de la semaine. Le»
k\ons, réduites à irois, furent un peu plus longues et lirccs de
la Bible ou des saints Pères, parmi lesquels figurent saint Je*
rôroe, saint Augustin, saint Ambroise, saint Grégoircv saint
Chrysosl<*ime, saint Bernard. Les légendes ou vies des Saints
furent celles du bréviaire romain.
Sa,\i, dans son Ponltficiitm arelalenMCt signale ces amélio-
rations apportées au Bréviaire aricsien en quelques mots expres-
sifs : *iBreviarium mendis et crroribus ut alias Pro-parens pur-
5fcùîarium rcccns
AD V S V H AREL ATEN.
fjs licxtcPiapjEx veter i ac nouo tcftamcn tisTum
€K Horafliji ôC Scrmonibusraac"lv^rani appro^
hatorum doclorum : de nouo per Rcuci cudilsi'
imtm m Chriftopatrcm acdommum Dominum
loauntîT) *-crTcrfri,di(flaf Aretaren licdcfjar Ar^
cbiepîTcoptimbeneiTiencSabroIutc inftauracu cft*
P^jsj f tfw InJtct locat'um tcrum ormimi qu^t
In todcrn continetutit.
V
h
j?
V E N V N D A N T \ n A CLV I S,
ùi Pahf io Regali pcr Vjs CâtàL '
li> BiGiiopoljiD.
M, D. KLi:..
- 248 —
^v'iX, nova m que in I or m a m anlea intorme rcdegit » arcli
piscopusj,
Le calendrier ne mentionne plus le *<dieseger» ni les sen-
tences et les règles placées au commencemeni du Missel de
i53o. mais nu bas de chaque mois on rencontre des quatrains
latins rentermani «« des régimes de santé, si l'on peut donner
ce nom, dit l'abbé Bonnemant^ à toutes les inepties qu'on y a
ramassées. Tel était le ridicule goût du temps. On en trouve
de semblables dans la plupart des Bréviaires ou Missels impri-
mes en France au commencement du xvr siècle. Il y a lieu de
croire qu'on ne les plaçoit dans ces sortes de livres d'église.
qu*afin de fournir aux curés de la campagne les moîens de se
rendre utiles à leurs parroissiens par la pratique de ces conseils,
soit pour prévenir les maladies* soit pour les guérir. On s^gil
que les ecclésiastiques se mêloient beaucoup de médecine en
ce temps-là. Au surplus les refiles qu'on donne dans ces qua-
trains pour la conservation de la santé ne sont guère dignes
d'attention. La médecine ne souscriroit certainement pa* à
toutes les sentences qu^ils contiennent sur cette matière » •.
Les autres particulariléiî sont les mêmes que celles des précé-
dents calendriers déjà signalés. Une innovation est la désigna*
lion du folio où rolîice est placé. Les indications astronomi-
ques sont également fautives et sont le fait d'un homme jhîu
instruit en cosmographie.
Le calendrier est suivi d'une table perpétuelle des lïtes mo-
biles, ensuite vient un index des principales matières conte-
nues dans le Bréviaire avec renvoi aux folios où elles son!
dans rintérieur du livre. Finalement se trouvent sept règles
pour apprendre à réciter l'office divin. La dernière page de
toute cette partie est remplie par une gravure assez mal faite
L. BoNNiMAMT : 0/7. cit., art. Jean .\ Fcrrîer.
— 249 -
"fëpresenlani Jesus-Chrîst en croix entre les saintes femmes,
encadrée elle-même par plusieurs moiifsd^ornements.
Au fol. I, commence la disposition du tiréviaire telle qu'elle
se voit encore aujourd'hui, du moins pour les parties impor-
tantes^ après la répétition de ce titre déjà vu : « Ad honorem
Domini nosiri Jesit Chrisli, ac beatissimœ virginis Mariœ
ejus malris. et beatorum Stephani protomartyris. ac Tro-
phhni hujus sanctœ Arelatensis Ecclesîœ primi fundatoris et
Episcopi patronorum ejusdem Ecclesîœ omniumque sancto-
rum 7^,
On remarque, dans ce Bréviaire, le Contiieor spécial àTE^Iise
d*Arles, avec l'adjonction des mots : saint Etienne et saint
Trophime '. Les octaves, si nombreuses dans le Missel de i53o,
disparaissent pour la plupart. On a conservé celles de la fête
de saint Trophime et de la Visitation de la sainte Vierge, mais
on a supprimé celle de la Conception. Les légendes sonicourlcs
et assez exactes d après le témoignage de l'abbé Bonnemant.
mais en très petit nombre. Pour les saints de TEglise d'Arles,
il n*y a que saint Honorât et saint H i la ire qui en aient. C'était
pousser un peu lom la critique» car» après tout, on ne trouve-
rait rien à dire aux actes de quelques-uns de nos saints de Pro-
vence, teisque saint Césaire, saint Genès et autres. Le jour de
TEpiphanic, on lisait, après Matines, la généalogie de Jésus-
Christ selon saint Luc, Bonncmant fait aussi cette observation
que la troisième lei^on de la Concepiion de la sainte Vierge est
composée de plusieurs passages des saints Pères qui ne prou-
' Il est aiDsi conçu : « Confiteor Deo omnipotenii Beatœ Mariœ sem^
^er Vir^int, beatts Stephano ei Trophimo e( omnibus Sanctis et tibi
Pater quia peccat^i nimis cogitatione uerbo ci opère : Sîen cutpa, mea
eutpa, mea maxima cuipa. fdeo precor beatam Sfariam lemper Virgi-
nem, beatox Stephanum <?/ f>ophimum omnes Sanctos et te Patertorare
pro me Dominum nostrum.
— 25o —
vent pas à la rigueur ^ rimmaculcilé », sauf deux qui, à la vé-
rité, sont formels, mais ne sont pas de saint Bernard et de saint
Augustin, auxquels on les attribue.
L*abbé termine l'examen de ce bréviaire par ces mots flat-
teurs si rares sous sa plume :
« Enfin, après un mûr examen de ce Bréviaire, on ne peut
disconvenir que Jean Ferrier n*eut de la religion, du goût, de
la critique ei de la sagacité » *.
Une note de la main de Bonnemant, écrite sur l'exemplaire
qui lui appartenait, nous fournit quelques détails sur Timpres-
sion de ce livre : 4c Lan 1547, '^ ^5 juillet. M»' d'Arles et le
chanoine Cazaphilète, au nom et comme procureur du Cha-
pitre, ont contracte avecques Maistre Vaschavalis, libraire
d'Ays, et lui ont donné à faire imprimer huict cens Brévieres.
apert par M» Anthoyne Surian, notaire à Saint-Chamas. •Ar-
chives du chap. d'Arles. Délibérations du 2 sept. 1642 jusques
au 7 décembre i55i, fol. 241 v«>.
Nous savons de plus que ce Bréviaire a été imprimé à Lyon,
en 1549, par Théobald Pagan. On lit au verso du folio 543,
le dernier du livre, ces mots en gros caractères :
Lugduni, excudcbat
Theobaldus Paganus
1549
Le chanoine Marbot. dans une note de la page 179 de sa
¥. Liturgie Aixoisc >►, nous apprend que ce bréviaire est d'une
composition analogue à celui du cardinal Quignonez.*!! nous
dit aussi, p. 214. que ce même personnage avait été charge en
i32o par le Pape Clément VU, de composer un nouveau bré-
I-. Bonnemant : Op. cit.. à l'article Jean X Ferrier.
— a5i -
viaire qui fut publié sous sa forme définitive en i538, et qu*ii
est beaucoup plus bref et plus littéraire que Tancien.
Peut-être serait-il bon d^ajouter qu'il existait un ouvrage
édité par le même libraire, sorti des mêmes presses, la même
année 1549 et contenant la nianièrede bien réciter l'office di-
vin. Malheureusement, nous ne connaissons ce livre que par
son titre imprimé que nous rapportons textuellement : 4^ Pétri
a Burgo Avenionensis ad venerabikis canonicos arelatenseis
de divino cuttu religiosé tuendo, sacrarumque literarum stu-
dio colendo epistola, quœ continet etiam summam commenda-
tionem codicis precum horarium recens excussi typis Théo-
baldi Pagani in usum diœceseos Arelatensisqui quidem codex
sua commoditate ad omnia munera Ecclesiastica aptissime
obcunda valet,
DiURNAux ET Matines DE i554?
Nous hésitons à parler de ces derniers livres liturgiques : il
ne paraît pas d'une manière certaine qu'ils aient été imprimés.
On n'en trouve nulle trace dans l'histoire ecclésiastique d'Ar-
les. L'abbé Bon nemant, si attentif à recueillir ce qui avait le
moindre intérêt pour sa ville natale, aurait certainement sauvé
de l'oubli ces livres en s'en procurant des exemplaires , ou
tout au moins en nous laissant quelques notes manuscrites à
leur sujet. Il a simplement inséré dans son Cartulaire du
Chapitre de la sainte Eglise d'Arles, t. I, p. 535 *, un projet
d'impression de ces livres, dont voici la substance : Le4noyem-
bre i553, Laurent de Brunet, vicaire général, agissant au nom
de larchevêque, et les autres chanoines de Saint-Trophime ;
« Cf. : Gaiiia christiana novissima, Arles (1901), où cet acte est repro-
duit en entier, au n« 3o66.
— 25a —
inioineAlbe.prévôt;GaspardAutric, trésorier; Antoine tcar
Antoine de Porcellet, Pierre Sanson, Auriac deBurgo, François
Vincenu Honorât Mandoûi, François de Varadier, Barthélémy
Gilles, Jean icard, assemblés en chapitre, convinrent avec Jean
Ravel» conventuel de la même église, de ce qui suit : Jean Ra-
vel fut autorisé à faire imprimer et à vendre, en quantité suffi»
santc, des Diurnaux et Matines, selon le rite de TE^îlisc
d'Arles, composés «t de bonnes lettres ^^ d'après le Diuraal de
Rome imprimé à Lyon, en 1547, par Vincent Portanarîs. It ne
pouvait demander plus de huit sous des Diurnaux reliés et trois
sous ei demi des Matines. L'imprimeur était également obligé
pour le même prix de faire relier et dorer cent Diurnaui cl
cent Matines pour Tusage du Chapitre. Il ne devait commen-
cer tout ce travail qu'après avoir obtenu la signature du grand
vicaire et du Chapitre. Cet acte fut dressé, à Saint-Trophime, par
le notaire Antoine Nicolay, en présence dV\ntoine Place, prieur
de Saint-Laurent, et de Trophemon Bronet, écuyer d'Arles, l'n
premier ajournement empêcha la réalisation de ces promesses
et tinalcmentt le 23 juin ï334, Ravel passait sa permission a
Masse Bonhomme, imprimeur de Lyon. Un second délai priva
pour toujours les prêtres du diocèse de ces nouveaux livres li-
turgiques, c*est du moins notre opinion,
M ne faut pas trop le regretter. Le pape Pie V, en etFei.parsa
constitution Quod a nobis, encore en vigueur, ordonna partout
Tadoption du bréviaire romain que le Saint-Siège venait de
refondre selon le désir du Concile de Trente. Le diocèse
d* Arles se soumit assez vite à cette décision, à peine vingt an^
après que Tordre en fut venu de Home. Ainsi l'atteste une
note du chanoine Jean Fcutrier : m L'an mil cinq cent hun
tante huit et le samedi vingt sixiesme jour de novembre, pre-
mières vêpres de TAvent, en la sainte Eglise d'Arles fut com
mencé Toffice de Rome, a Thonneur de Dieu, la Vierge Marie.
- 253 -
saincts et sainctes du Paradis, suivant le sainct Concile de
Trente et l*ordonnance sinodalle de M»' le Révérendissime
Silve de Saincte Croix, archevesque du dit Arles. Dieu nous
fasse la grâce de si bien le continuer qu'à la fin de nos jours
nous puissions jouir de la joye céleste » *.
Les livres liturgiques d'Arles avaient vécu. Peu à peu la
main destructive du temps et Toubli des hommes allaient faire
rares ces témoins d'un autre âge, au point de les rendre pres-
que introuvables. Il est permis de le déplorer. C'est un peu de
l'ancienne et illustre gloire de la vieille cité épiscopale qui s'en
est allée avec eux. Et combien serait-il souhaitable, avant que
ne disparaissent entièrement ces naïves légendes de nos saints
de Provence, ces attachantes hymnes et proses arlésiennes,
qu'une main pieuse les recueillit et les éditât de nouveau dans
l'intérêt de tous ceux que ces choses passionnent !
Abbé M. Chailan.
' L. BoNNEMANT : Op, cit., article Silve de Sainte-Croix, p. 6.
- 255 —
VII
LE VIEUX CHATEAU DE GRIMALDI
à Puyricard
Plans, Actes divers et Traditions locales.
Par M" Engteie HODCHART, membre de r\cadémie de Vaucluse.
Passant tous les étés dans une propriété maternelle qui fait
partie des assises fortifiées de l'ancien « podium » de Puyri-
i^W^
Raines de Grimaldi, Tue prise du sud.
card, où se trouve le château de Grimaldi, j ai été tentée
d'étudier ce joli coin de notre Provence.
Mes recherches m'ont donné une ample moisson de docu-
ments inédits. Laissant, pour le moment, de côté tout ce qui
concerne le pays de Puyricard, je me contenterai de résumer
— 256 —
ici, en quelques pages rapides, les nombreuses pièces que j'ai
glanées sur le château du cardinal :
Projets des architectes, dessins des voûtes, des escaliers, des
mosaïques et plan complet de Grimaldi, à l'époque où le pro-
verbe original qui inspira un chant connu devait avoir cette
forme :
< Let Paricarden
Soun viéa coamou d'aigo-ardènt !
Juegon ei bocho,
Soun castèu s'esbocho... »
Aujourd'hui, Taxiome a dû se modifier avec la chanson :
€ Lei Paricarden . . .
Jaegon ei boulo,
Soan castèu s'esboulo. . . »
Car le vieux castelasest à Tétat de ruine.
Le romain lui a laissé des fragments de poteries; les xiii* et
xiv* siècles, leur moyen-appareil ; et le xvir, quelques restes
de ses splendeurs.
Cette ancienne communauté de Perricard ou Puy-Ricard
était un podium élevé et fortifié * comprenant autrefois une
forteresse, le château des seigneurs du lieu (lequel était divisé
en deux parties, Tune à la famille des Baux, Tautre aux arche-
vêques d*Aix, co-seigneurs de Puy-Ricard) et quelques maisons
* Ce qui explique pourquoi l'ancien Ricardi s'appelait Puy, le village
actuel se trouvant dans la plaine. Le nom de Ricard lai vint peut-être de
son premier seigneur.
— 257 —
^habitation. Le tout était entouré de remparts et de bastions,
îont les vestiges existent encore.
Puyricard fut compris, semble-tih dans la concession que
tt Raymond Béranger de Provence en u3oaux comtes des
iux et appartint à cette importante maison pendant plusieurs
îècles.
La Statistique des Bouches-du-Rhùne nous apprend qu'en
[167 le château fut habile par Bertrand, et en 1289 par
laymond, tous deux membres de la famille des Baux*
Au XMi< siècle. Raymond des Baux était co-seigneur de Puy-
ticard. Il demeurait dans rnncicn château qui se trouvait sur
la hauteur.
Depuis la mort d'Klip des Baux et la révolte de François.
lue d*Andrie, la moitié de la seigneurie revint à la cour de
Provence*.
Au mv siècle, la seigneurie est donc partagée en deux par-
ties, dont Tune appartient aux Comtes de Provence après les
seigneurs des Baux, et Tautre, comme auparavant, aux arche-
équex (fA ix *.
Les Archives de FArchevêché nous apprennent que le roi
René donna à Vital de Cabanes, juge des premiers appels
d'Aix, le château de Puyricard.
Pierre de Cabanes abandonna à TArchevêque d'Aix, alors
>Ilivier de Pcnnard. en 1477, sa moitié de la seigneurie, don-
lëepar F<ené, en échange du château de Gravt\^on ^.
• Statistiqae des Bouches-du-Rhône.
» AlbabI-s, Gatlia Christiana, p. 61. Instrumenta. Arnaud de Narcès,
jtiu archcT^que d*Aii, en 1337, fit son lestameni et mourut en t3^8. en
>n château de Puyricard, où il s'était retiré pour échapper à Ja peste*
Arnaud H qui lui succéda et siégea dix ans» mourut aussi au château
l^e Puyricard. en i358.
* L'acte d'échange est contenu dans une ancienne charte des Archives
dti Chapitre d'Ail . « Acte passé le 1 o mars 1 477, la neuvième année du pon-
coHOKÂs — t 7
— 258 —
Les archevêques d'Aix, jusque là co-scigneursde Puyricard *,
deviennent seigneurs proprement dits, le jour de cet échange.
En !63o, le château ancien est presque tout démoli.
Le sieur Michaélis, dont la propriété se trouvait à un kilo-
mètre de là, loue ce qui reste du vieux château pour y enfer-
mer ses récoltes.
Mais en i655, la venue de M«' Grimaldi à TArchevôché
d'Aix fait casser le contrat.
***
Gérôme Grimaldi, archevêque d'Aix de i655 à i685, appar-
tenait à une des premières familles d'Italie qui possédait de
grands domaines sur le littoral *.
Le blason des Grimaldi était : « losange d'argent et de
gueules sans nombre ».
Né à Gênes, le 20 août 1597, tils de Jean-Jacques Grimaldi,
baron dcSaint-Féli, au royaume de Naples, de la branche des
Grimaldi-Cavalleroni, sénateur de Gênes, et de Hieronima de
Mari, ce prélat occupa dans Téglise les plus brillantes situa-
tions •*.
11 avait été nonce extraordinaire auprès de l'empereur, gou-
tificat dudit archcvesque, sous le règne de René, dans une audience par-
ticulièic du palais royal, en présence de plusieurs notabilités de la Pro-
vence. Ollivier de Pennard donne tout son domaine de Graveson et
compte encore 5oo llorins (environ 11.000 fr.). Le sieur de Cabanes
donne à l'Archevêque son fief de Puyricard, sous quelques réserves. »
* Kcclesia Podio Kicardo (l'église de Puyricard) payait à rarchevéché,
dans le synode tenu à Aix, en i23i, la redevance de 11 s. |iiii d. .
Au rôle des décimes du xiv' siècle, sa taxe était de lx s. (Arch. dép.)
' Le golfe de (irimaud, près Saint-Trope^y porte leur nom.
' Alban^s, (Jailia Christiana, diocèse d'Aix, p. 141, 143 et ss.
— 259 •"•
verneurdc Rome. Urbain VIII le nomma évoque de Silésie et
nonce apostolique de France. En 1643, il le comprit dans la
promotion de juillet et le fit cardinal.
M»"^ Grimaldi sacra Michel Mazarin, en 1645, lequel fut
archevêque d*Aix durant trois années.
A la mort de ce prélat, survenue en Cour de Rome, en 1648,
la France proposa immédiatement Gérôme Grimaldi pour lui
succéder. Le pape Innocent X, désirant conserver seul le droit
d'élire les évoques, refusa de ratifier l'élection faite par le roi K
Alexandre VII mit grand empressement à donner ses bulles
au cardinal (3i août i655).
En fin novembre. Monseigneur arriva en Provence, et son
installation eut lieu le 3 décembre suivant. Cet épiscopat mé-
morable dura trente années.
\l«r Grirtialdi aimait les pauvres qu'il visitait souvent. Ses
aumônes annuelles montaient à 3o,ooofr, *.
Jouissant d'une réelle fortune personnelle et d'un revenu
considérable, le cardinal fit construire le grand séminaire
d'Aix et conçut le projet, dit-on, de rebâtir la cathédrale de
Saint-Sauveur^ sur le modèle de Saint-Pierre de Rome ; mais
devant les difficultés^, il résolut de faire élever un château sei-
gneurial, à Puyricard, où se trouvaient quelques ruines de l'an-
cien.
Situé à proximité d'Aix, sur un haut plateau qui, par la
vallée de la Durance, reçoit l'air des Alpes, dans une position
* Le cardinal Grimaldi, qaoiqae muni de son brevet et de ses titres,
s'abstint d*en faire usage, par devoir de conscience, durant sept années,
tant que vécut Innocent X.
• FiSQUET, France pontificale.
' Le Chapitre s'y opposa, pensant n'avoir jamais les moyens d'entretenir
un tel édifice.
climaiérique exceptionnelle, Ptjyricard ciaii bien ceqùëTHtito-
rien Pition appelle «t un ton bon lieu » '.
I^imiiêc au nord par la colline de Trévaresse qui. de Vc-
aelles, fuit en pente douce jusqu'à Rognes, la vue s'étend lar-
gement vers la droite où, au-delà de la plaine d'Èguilles, celle
de Velau\ se fond dans la mer. A gauche cl dans le loin-
tain, estompée de vapeur claire» la montagne de la Victoire
dresse sa silhouette glorieuse. Au midi enfin» précisant Thon-
zon, le massif sombre d'Entremoni se détache sur la chaîne
bleue de r Etoile... ^
On conr>prend qu'en homme de goùi, le cardinal t'ùi tcnic
par ce beau site, d'autant mieux qu'il était, en tant qu'arche-
vêque d*Aix, seigneur de Puyricard.
Lin acte passe en iféh, entre le cardinal et les maçons Henri
iMouret et Pierre Mignet, indique la place qu'occupait Tancien
château ': Une autre pièce du 3r décembre i665, signée par le
cardinal et le sieur Bcnoist, parle de «i l'ancien village démoli»
qui était sur cette hauteur.
Donc, nous constatons que, lorsque M"' Grimaldi voulut
faire bâtira Puyricard, il n'y avait plus sur le podium ni vil-
lage, ni vieux château.
Il ne restait de la forteresse qu*une seule tour élevée au*
dessus des remparts ^ Elle entrait dans la ligne de fortilicjH'
tions qui comprenait, nous le savons formellement, la tour du
Puy-Sainte-Réparade, la tour de Puyricard, la tour d'Enire-
mont, la tour de la Keyrié, prés Aix.
' PjTîow. Ui Antiquités découvertes à Puy- Ricard tn ïôSj,
* Nous verrons CCI acte plus loin.
> Quelques-uns la désignent sous le nom de Tour de Iji Reine
ietinne, aunbution trop fréquente el employée avec plas ou rnoiai
d*eiftciilgde en Provence et dans le Comtai,
— 202 —
Pition, son contemporain, et après lui M. de la Tour
Keyrié * disent qu'en 1657 les travaux étaient entamés.
Nous ne saurions préciser. Mais, ce qui est certain, c'est que
le vrai point de départ de la construction importante est i665.
Cette année-là. Monseigneur fait venir d'Italie, ainsi que
nous rapprennent des t/oc«wcn/s inéditsde l'archevêché d'Aix,
son compatriote, le Génois, Giovani Batici Constanzo, archi-
tecte.
Celui-ci, ajoutent les mêmes actes, s'inspirant à la fois du
« Palais Mazarin à Monte-Cavallo, du Palais Médicis à
Monte Pincio à Rome e della Casa di san Pier dWrrcna, de
Gênes ^, dessine un plan complet et compose de nombreux
projets *.
Voici une curieuse note indiquant en Génois les différentes
parties du château.
Cette note est datée de i665, à primo :
1 . Il cortile verso levante,
2. La terassa verso levante»
3. II cortile verso mezzo giorno.
4. La terassa verso Ponente.
5 II cortile verso Ponente
6. Scala indeto cortile.
7. Sito dove si tieno le carosse.
8. Il cabineto contigo alla torre.
9. Scala per descendcre in cucina; la mezaria.
* Excursions aux environs dWix.
C Kscalier tournant à colonnes doubles,
j \ D Kscalier de i5 degrés.
E Kscaliers pour monter aux tours.
F Fenêtre cintrée.
I
— 263 —
10. Stansa nel centro délia torre.
1 1 . Caméra verso iramontana.
12. Il saloto délia parte di tramontana.
i3. Sala a palmi alla cornice ( volsono délia volia a palmi 12
e il saloto alto de palmi 20 alla cornice.
Il volsono d'jlla volta a palmi 10).
14. Scala macstra, sopra la logia.
i5. Logia innansi la sala.
16. La caméra verso Ponentc.
17. Il saloto di mczio in facia il cortile.
18. La prima stansa verso mezzo ^Morno (Le fenestre del
piano di sale sono fati in palmi 6 di luce consuoi
quadri di sopra. Le porte sono alte dieci palmi e large 5
de luce).
De vostro illustrissimo, reverendissimo... servitore,
Gio B^' CoNSTANZo, arch.
(Giovani Batici, en dialecte génois).
Quand les plans sont arrctcs p^ar l'architecte, Monsei^'neur
passe des conventions avec ses entrepreneurs.
\'oici un acte, relatant le prix fait de certaines parties de la
construction :
« L'an mil six cens soixante-cinq, le dis septième du mois
de novembre après midi, devant notaire, constitués en leur
personne, ont comparu Henri Moiirct et Pierre Migfiet,
nnaîtres-maçons de Jouques, se sont faits forts et promettent de
le satisfaire, à M*' Grimaldi, absent, et à M. Jean Roquebrune^
son intendant, conseiller à la Cour, de parfaire bien et conve-
nablement toutes les murailles et massonneries, crottes et
voûtes qui seront nécessaires pour la construction du château
de Puyrtcard que Son Kniinencc tii déjà commencer de bàiir
au lieu où était l'ancien château ^
«Comme aussi emploieront la pierrede iailte qutsera néces-
saire pour la bâtisse dudit château et feront le chemin à la
hauteur qui sera nécessaire par dessus le toit -\ le tout con\^-
nablement lait et assorti, et pour ce» moyennant le prix de
24 Hohla canne carrée des murailles de massonneriex réduites
à deux pans d*épaîsseur, à la réserve des voûtes et crottes qui
se mesureront suivant les épaisseurs qui se trouveront ^.
«Touic la muraille devra éire rcbouquéeavcc du bon mor-
tier, etc.. *
Le touriste qui passerait à Grimaldi et qui comparerait le
prix de revient de ces murailles et celui des maisons en carton-
pâte que Ion construit de nos jours, ne pourrait s*em pécher
dédire : « Heureux temps, où Ion obtenait de pareils monu-
uTcnis, au prix de 34 sols la canne carrée!,.. »
Nous trouvons un état de ce que coula le toisde mélèze.
venant des Alpes, pour le château du cardinal : 3J20 livres.
Le tout débarquait au port de Pcyrolcs et était transporté sur
des chariots.
Ln autre acte indique le compte total du bois employé
* Ûorn: les travaux sont entames dcjà. On les reprend sur un roeillear
plan. Monseigneur change d'cnircprencur,
* On sait que tes voilures accédaient à iâ hauteur du premier et Age.
par la terrasse du midi.
* Les murailles de pourtour ayant sept pans d*épatsscur« devaient coû
ter, d'aprts ce canage, trois fois ei demi 24 sols la canne carrée.
- 265 —
cet effet par le sieur Augustin Raynaud, charpentier, soit
3.563 livres '.
Les plus nombreuses pièces concernant le château sont
datées de i665.
La largeur du château était de 63 met. 5o. La profondeur,
sans compter la logia, 2y met, -
Par comparaison, d'après le plan, à l'échelle graduée, nous
obtenons 33 met. de la base à la terrasse supérieure. Les tours
atteignaient plus de 40 met. ^
Il a été question de 80 tombereaux ayant transporté la pierre
du P uy 'Sainte- Réparadek Puy-Ricard ♦.
Si nous en croyons la légende, un autre moyen de transport
plus ingénieux aurait été employé. Le cardinal* qui aimait les
ouvriers et occupa fort longtemps les gens de la localité à
cette construction, aurait fait établir une chaîne d'hommes
au-dessus de la Trévaresse et dans le vallon, sur un parcours
de plusieurs kilomètres. Les hommes se passaient rapidement,
de l'un à l'autre, la pierre toute taillée.
Cette chaîne vivante, d'après la tradition, aurait été placée du
Puy-Sainte-Réparadc à Puyricard, ayant à sa gauche les fermes
de la Denise, la Sibérie, au loin Ganai\ puh A Iphéran : à
droite, Pontier^ et plus bas Moussu Estiéni, lou Pastro e A//-
quéli.
Ce qui est certain, des commandes d'ailleurs en font foi,
c'est que, pour la Chapelle Renaissance attenante au château,
la pierre de Calissane a été employée ^.
* Documents inédits des Archives de l'Archevêché.
* On peut mesurer encore la partip nord de I*édifice.
* .Nous avons un plan exact de l'édifice dans les Pièces justificatives.
*■ PiTTON et, après lui, M. de Duranti la Calade dans les Excursions
aux environs d'Aix que M. de la Tour KtYRit fit paraître.
* Une note dC/iÔTO relate une importante commande du cardinal.
— 266 —
Cette chapelle qui mesurait 25 met. //2de long et r8 mèt.dt
large en comptant les deux nefs, était presque entièrement bàtic
en pierre de Calissane blanche et fine, au grain demi-dur, très
propre à l'ornementation.
Dans le chœur, sont encore parfaitement conservées des
colonnades avec leurs chapiteaux à feuilles d'acanthes, grandes
et petites, des bucrancs et diverses dentelures.
11 y avait trois nefs : celle de droite, démolie ou obstruée*,
et celle de gauche qui, bien qu'affectée à divers usages de
grange et d'écurie, est mieux conservée.
A l'extérieur, quelques pierres de Rognes, jaunâtres, in-
crustées de coquilles, sont mêlées à la construction. Maissouft
l'action de lair, elles se sont effritées.
En 1789, la chapelle était encore en très bon état. Sur k
dôme -, se trouvait la statue de la Résurrection du Sauveur,
laquelle, donnée au Chapitre d'Aix, est placée actuellemeot
dans les cloîtres de la cathédrale 3. Cette statue en marbreest
attribuée à Bernin.
Nous savons que Hcrnini, invité par Louis XIV, qui désirât
le consulter au sujet de la restauration du Louvre, vînt ea
France, on i(')55. Peut-être M*' (jrimaldi profîta-t-il de'sott
passage en Provence pour lui commander une œuvire
d'art ?... Peut-être aussi, ne le lit-il que plus tard, car Bef-
nini ne mourut qu'en 16H0 (cinq ans avant le cardinal).
' Celle-ci porte une inscription.
* Kai RIS ne Saint-Vincent (Manuscrits) cité dans sa notice sar Payri»
card, par l'abbc Roustan et, après lui, par M. de la Touk Kctrié.
* C'est là que nous avons pu la photographier.
r
— ;e67 —
268
Les dates peuvent donc coïncider. Quant à ]a facture, dk
rappelle assez, par le brio de rexécution et la richesse des dra-
peries, les autres œuvres de Bernini : soit le groupe de sainte
Thérèse avec l'ange à Saînie-Marie-de-la-Victoire. soit la sta-
tue équestre de Louis XIV, dont on a fait un Curtius^ près de
la pièce d'eau des Suisses, à Versailles, soit surtout le Longin.
de Saint-Pierre de Rome.
Aujourd'hui, le dôme de la chapelle s^ouvre tout grand sur
le ciel. A la place de la statue de Bernini, se penche un poétique
figuier, Tarbre fidèle à toutes les ruines, en Provence comme
en Arcadie.
En me me temps que le château et la chapelle s'clcvaicnt
d'autres constructions sur la hauteur :
L'une qui (igure sur le plan sous le nom de pfiarmaae et
que diverses notes désignent comme apoihicaireric, était
située au sud de la chapelle.
C'est la seule partie conservée K Le cardinal l'avait fait cons-
truire dans le but d'y faire distribuer des médicaments gra-
tuits à Puyncard* Par testament du i" septembre 16K4. un an
avant sa mort, rarchevéque dota cette maison de li nronn-jk
de Lignane*.
» Llle csi habitée iictucïlemciîi par la famille Piffard, de MarseUlc, pco-
priéiaîre des ruines.
» Lignanc rapportait soi&ante charges de ble', letquclles étaient pani-
gécs entre les pauvres de Puyricard ei du Foy-Sainie-Réparade,
In ratMccin cl une pharmacie étaient entretenus en faveur des indi-
gente. La viande et le lin^^c devaient âtrc fournis par le Séminaire {k i{tti
plus tard fut donné Lignane|.
L'apothtcaire du cardinal se nommait Pasiorcl.
— 269 —
Au Nord*Kst du châieau se trouvait la Glacière, Celle-ci
subsiste encore, sous l'aspect un peu agrandi d'une de ce^
cabanes en pierres sèches et de forme sphénque que les ber-
gers consiruisaieni dans les champs pour s'abriter en temps
d'orage.
Entre la Tour déjà citée, de construction plus ancienne que
tout le reste et la F'harmacie'* se trouvait la Bergerie^ dont les
vestiges se confondent avec les débris de l'ancien rempart. Le
cavage de la bergerie, rélévaiion des crottes et vuittes se fait, à
partir de 1666. La pierre de taille y est employée. Le travail
fait à cette bergerie, du 25 septembre iOf>r» jusqu'au dernier
jour de juin ifiôy, ne s'élcve pas à moins de i46(Jliï're}i if) sols -.
C'est dire que le cardinal n'épargnait rien pour que tout soit
bien conditionné.
Dans un quadrilatère situé au midi du château, entre la
vieille tour et la bergerie» existait une importante Orangerie.
L*Archevcquc en avait fait venir les plants de son pays. On y
accédait par un portique.
Au centre de l'Orangerie, se trouvait sur son socle, d'où
s'échappait une nappe d eau, une belle statue, grandeur natu-
relle, en pierre de Calissane, représentant la déesse Pomone,
Dispositions testamenuires du cdrdinâJ : « le désire, qu'en la maison
qae i*ai (au consiruire dans ce but à PuyricArd, un chirurgien apocht*
caireou un habile garçon en ce métier v (assc sa demeure.
« Je donne Lignane au Séminaire, à condition de dire une tness«deai
fois la semaine, dans l'église que j*ai fait rebâtir à Perricard. *
Le mot de rebâtir nous indiquerait que, sur cet emplacement de la cha-
pdté actuelle. s*en troDvait une autre antérieurement. Le chiifre 1546 sur
ane vieiUc pierre qui se trouve dans ta chapelle latérale de droite indi*
qoeriii peut-être ta date de la première construction,
* Voir le plan de l'époque aui Archives départementales.
* Noies des frais mentionnés dans les Archives de l'Archevêché d'Aix.
— 270 —
De la (iraperie qu'elle soulève s'échappent des grappes de rai-
sins K
Il est dit que le cardinal fit aussi élever à Louis XIV une
statue destinée à être placée dans le château avec cette ins-
cription :
LUDOVICOMAGNO
ECCLESIA AQUENSIS
* *
Pendant ce temps, l'importante construction se poursuit.
En 1671, Jean Jaubert, maître-maçon, expert du cardinal,
est chargé du canage des murailles. Certaines parties étant dé-
fectueuses, on les abat. Le 4 décembre 1673, des Italiens de
Gènes viennent carreler. Dans \e prix-fait pour le pavé de la
galerie, nous lisons : « Six livres, dix sols la canne, mais avec
la frise, cela coûtera davantage à votre Eminence. y^
Il existe un plan pour faire un pavé en carrés de marbre
« di ott' angli, come la logia di san Pien d*Arrena *. Ci-joint
un projet pour faire un lastricato (pavimentum) à la mode de
Venise 2.
Le 9 décembre 1074, canagc delà pierre de taille employée au
bordât.
En 1681, nouveau canage des murailles. Honoré Pourchier
fournit les tuiles de la toiture. Deux tours carrées dominent
l'édifice -K Des escaliers à l'italienne conduisent à l'étage
Klle est actuellement, bien conservée, dans le jardin da Clos des
Sources, h Puyricard.
* Dessin reproduit dans les notes.
3 11 restait encore une bonne partie de celle de l'Est, en iSSy. f Manus-
crits des contemporains. J
- 271 r-
noble (piano nobile). D'autres, à baluslres et à colimaçon, con-
duisent aux tours.
Du côté du midi se trouvent quatre grands arceaux et, au
centre, trois plus petits, reliés par d'élégantes colonnades sculp-
tées sur deux étages. Les portes-fenêtres qui donnent accès sur
les terrasses sont placées un peu en recul. Au troisième étage,
une rangée de douze fenêtres, très régulièrement disposées.
Au nord, celles du milieu, à tous les étages, sont gémi-
nées'.
Le cardinal-seigneur, qui a un goût très prononcé pour les
œuvres d'art, veut que ce château ne le cède en rien, par sa
magnificence, aux palais romains. 11 fait venir des artistes ita-
liens pour Tornementer. Le mode de peinture employé par eux
est quelque peu analogue à celui des fresquets actuels.
Nous retrouvons, dans les documents précités *, de curieux dé-
tails de leur procédé, avec le compte fait des peintures. Le
tout est écrit en génois. Nous avons essayé de^ les traduire,
en les résumant : « Pour blanchir la muraille, la dresser avec
une règle; \ajretasser avec une planche plate et propre, de
deux palmes de long. Passer au tamis de la chaux blanche,
vive, fort détrempée dans de l'eau fraîche. Cette chaux s*étend
sur la muraille avec la truelle, bien également ^ Mêler ensem-
ble du blancd'œuf et du savon détrempé. Avec un grand pin-
ceau, asperger de ce liquide la chaux fraîche encore ; vérifier
s'il n\ a aucune fissure. Ce travail doit être fait screpaturo
(rapidement).
* La légende a voulu dire que cette fastueuse demeure possédait autant
de fenêtres qu'il y a de jours dans l'année. Sans doute, l'on devait
compter toutes celles donnant dans les cours intérieures. Même avec
cette concession, nous sommes loin d'affirmer l'exactitude de ce chiffre.
* Archives de l'Archevêché d'Aix.
' Ceci est une sorte de stuccage.
^ 272 —
Chaque douze palmes au cadre carré, il faut meure demi-
livre de savon et douze blancs d'œufs, le loui bien battu et
allonge Là-dessus se font les fresques. >
11 est regrettable que nous n'ayons pu retrouver les détails
de ces décorations; les scènes représentées eussent ét^ inières-
santés *.
Tandis que les peintres décorent les salles, des tapissiers
posem les tentures -. Ceci prouve que le château a été, au
moins pour certaines parties de l 'édifice, terminé '. Près de
trente ans. Ion travailla à la construction de ce chàieau, pour
lequel le cardinal a dépensé, dit-on, deux millions.
11 le ïa si grand, peut-eire dans le but d'y tenir les conciles
provinciaux, dont il %'oulaii rétablir l'usage.
En i685, la monde M*^' de Cirimaldi arrêta soudain la rcah*
sâtion de ces beaux projets.
Les successeurs du cardinal ne jouirent pas de cette coos
iruction qui fut abandonnée douze ans, à la suite des démê-
lés relatifs à la nomination des évoques, entre la Cour et le
Saint*Siège Les archevêques de la Berchère et de Cosnac, dont
* Ll's modernes fresquets ne dessinent par avance aucun projet. Ut pei*
gaeni d'imagination, à priori.
* La trace des clous des tapissiers est encore rîsible k certaines parties
du chiteaû.
* H a, du reste, été habité par le cardinal. A la vente des meabtcsdi
M*" Gnmaldj, faîte en 1686, est reJalé : * In lit de damas rouge, prove-
nant de la chambre des Empereurs, au château de Puyricnrd. vendu Jti
procureur général de Bruecent treiie tivres »
273
de la ville d'Aix,
fut administrateur
roccupèreni pas '.
M'^ de Viniimiile, archevêque dAix, de 170H à 1729, dans
ri m possibilité où il se trouvait d^eniretenir d'aussi vastes cons-
tructions, désirait obtenir de Louis XIV l'auionsaiion de les
ahaiire. Dans ce but. i! lit faire par Vallon, architecte d'Aix,
un plan du château indiquant la partie à démolir ».
En 1709, un arrêt du Conseil d'Etat autorise Tarchcvêque
Vintimille du Luc à faire démolir la partie du château qui est
du côté du couchant comme ^ trop dispendieuse à entretenir
et menaçant ruine. » La même année ont lieu les enchères de
la démolition ■*. Toujours en 1709. arrêt du Parlement ordon-
nant que les experts examineront si la démolition d'une partie
du château n*entraînera pas la ruine de l'autre partie, — Con-
clusion des experts, disant qu*il y a menace de ruine totale.
Le 23 octobre 1709, une partie du château fut minée.
En lyit . nouveau rapport de Vallon, architecte de TArchevè-
que, attestant le défaut de solidité du château et l'impossibilité
de le rétablir.
La même année arrive entin un arrêt du Conseil d'Etat au-
jomant la démolition complète, sauf la chapelle, lapothicai-
* En 1691. sous M*' Bercbère, se <it le nivelage du puits de Font Cuberte
dont les eaux étaient à treize cannes en contre-bas du château. Le. pro-
priété Alexis eut droit reconnu k ïâ xurverse.
* Ainsi qu'il est indiqué dans le plan, la partie à conserver est teintée
en rose, celle à dénDolir est sombre. Liasse de Vallon : * Le château a été
entièrement comtruit, mais il n'est pas solide à cause de la méchante
qoaJtté de ia bittsse et des mauvais terrains qui la soutiennent. » Celle
décUration, à notre humble avis, semble être le résultat d'une comptai*
sauce d'architecte. La vérité est que rArchevèque. surcharj^é par ses
œuvres, ne voulait pas entretenir un monument devenu inotite.
' La première adjudication de la démolition, au sieur François Aubertp
qui nie cent cinquante livres.
CONUMJ» ~ 10.
— ^74 —
rerie et le lieu affecté à la distribution des viandes aux pau-
vres malades (3o août 171 1).
Encore la même année, selon des papiers de famille» les
bombardiers de M«' de Vintimille tirèrent sur le château plu-
sieurs coups de canon.
Enchères de la démolition *.
L'Archevêque, d'après Tarrêt précité, peut employer les de-
niers de cette vente, ainsi que les pierres provenant de la dé-
molition, soit au palais archiépiscopal, soit à ses fermes de
Puyricard *.
Plusieurs habitants de la localité se servirent aussi de cette
pierre de taille pour construire leurs maisons de campagne.
En terminant, disons que sous la Révolution, tous les' biens
appartenant à l'Archevêché furent vendus, comme nous l'ap-
prennent les actes faits en la maison commune d*Aix, le
28 février ijgi \
* *
Aujourd'hui, ce qui reste des splendeurs fastueuses du châ-
teau ducardinal présente Taspecid'une immense ruTne. Le nid
de l'orfraie et celui de la colombe y vivent dans une harmonie
au moins apparente.
fit, sur ces murailles dont le stuccage ingénieux des Génois
* C'est François Aubert, maître-maçon d'Aix, qui est de nouveau adja-
dicataire à huit cent vingt-cinq livres qu'il paie à l'Archevêque. Il accepte
de démolir, à condition d'avoir tuiles, fenêtres, portes de bois, poutres,
soliveaux et autres matériaux.
* l'ne partie de ces pierres alla encore au Séminaire. Une antre partie a
l'aile de l'Hôpital Saint-Jacques, dite des Convalescents.
' Là se trouvent consignés tous les prix des adjudications.
277 —
VIll
CURIOSITÉS NOTARIALES
par M. l'Abbé REQUIN, archiviste du diocèse d* Avignon,
Correspondant de l'Institut, membre d'honneur de l'Académie de
Vaucluse,
Par les mots curiosités notariales, je n'entends pas désigner
tout acte notarié, qui présente un intérêt au point de vue de
rhistoire publique ou privée; à ce titre, tous les actes des notai-
res ou à peu près seraient des curiosités. Tout le monde sait
aujourd'hui que les minutiers des artciens tabellions sont une
mine inépuisable pour l'histoire de l'art, de l'industrie, du
commerce, de l'agriculture, de l'économie sociale, des familles,
de la linguistique, etc., plus riche peut-être, à certains points
de vue, que n'importe quelle autre dépôt de documents, et
surtout plus vaste et plus varié.
Je veux simplement désigner sous cette rubrique les docu-
ments trouvés chez les notaires, qui renferment quelques dé-
tails piquants sur les mœurs, les coutumes, les usages de nos
ancêtres. Même en les restreignant par cette définition, je n'en
finirais pas, si je voulais vous signaler tous les documents
curieux que j'ai recueillis au cours de mes longues recherches
chez les notaires. Mais je tâcherai de me borner et de ne pas
abuser de votre bienveillante attention.
- 278-
Curieux certainement est cet usage consigné dans un aac
que le notaire intitule : Denunciaiio nopî operis. Un fait pour
en faire comprendre toute l'économie. Quand les^ Bénédictins
fondèrent leur collège à Avignon, à l'endroit où se trouvent ac-
tucllemeni Ihôteldes Postes, le temple prolestantet lefardin de
Saint-Marîial, ils établirent les fondations d'un mur tout à tait
sur les bords du canal de la Sorgue. Or, la propriété de ce canal
avait été concédée au Chapitre Métropolitain d'Avignon par les
comtes de Toulouse, Inde ira\ Les chanoines de Notre-Dame
des Doms viennent en délégation solennelle devant 1 ouvrage
nouvellement construit, lancent contre celui-ci trois piera^s,
font faire par^devant notaire un procès-verbal de leur démar-
che et intiment par la aux Bénédictins la défense de continuer
le travail commencé. C'est cet acte que le notaire appelle : De*
nunL'iaih not*i operis. Il se produit chaque fois qu*un parti-
culier construit un éditice sur un terrain en litige contre les
droits vrais ou prétendus d'un propriétaire voisin. A citer aussi
comme autre exemple d'un acte de ce genre, la protestation du
Chapitre de Saint-Sauveur par le lancement de trois pierres
contre Otton de Villari.quiavait fait peindre ses armes et celles
de sa femme, la comtesse de Villari. sur une maison du Cha-
pitre »•
Les testaments renferment quelquefois des clauses intéressan*
tes. Le futur défunt demande assez fréquemment que tous
ceux qui viendront assister à son enterrement fassent, au re-
tour des obsèques, un repas splendide dans sa propre mai-
son i. Plus chrétien et plus charitable est le testament de cctau-
* Rub.de Pierre Seneqtieni, ixki, r^iiS. — Voirausst an acte Uu mémt
genre, Rub. de Jean Bornili, 1469. f» 418. Étude Donnefort. notatre â Xa*
»Garlul. d'Ant. Agalhâcii, 1463, f- aH. Arch, départ- de Vaacluse» Food*
Poni, H" 40. D'après cet acte, viogi préires doivent célébrer la messe pouf
le lesiaieur le jour de ion décès et ensuite faire un repàt s^cundum cou-
— 279 —
tre qui veut qu'on donne un peu de la farine qu'il possède dans
sa maison et d'un tonneau de vin, cuilibetpenienti, à quicon-
que se présentera *. Un autre fixe lui-même le menu du repas
que feront les convives le jour de son enterrement: il veut qu'on
leur serve une épaule de mouton et si son enterrement arrive
un jour maigre, il ordonne qu'on remplace l'épaule de mouton
par son équivalent en maigre '. La plupart des testateurs de-
mandent à être ensevelis dans l'habit de Tordre qui avait leur
préférence et dont ils étaient tertiaires : Mineurs, Dominicains,
Carmes, Augustins, Observantins; d'autres veulent être enterrés
entre quatre planches clouées, preuve que tout le monde n'avait
même pas ces quatre planches ^i quelques-uns ont peur d'être
ensevelis vivants et prennent toutes sortes de précautions pour
éviter pareil accident, qui ne doit pas être d'une gaieté folle.
Curieux aussi est cet acte par lequel Michel Matheron,
secrétaire et ami du roi René, passe avec son cordonnier et
par lequel celui-ci s'engage à fournir à son noble client et à
toute sa famille des sabattes et des patins, moyennant la
somme de lo florins par an *.
Curieux encore est l'engagement pris par Guillaume Raym-
baud, jurisconsulte, qui vivait au temps du roi René. Il s'était
obligé à faire ce que les hommes de loi appellent tout le néces-
saire, pour la gestion des afl'aires d'un paysan, moyennant la
suetudinerr, patrum. — Rub. de Jean Vitalis, 1422, f« 10. Étude de Ruelle,
notaire à Aix. — Placentine de Saint-Elpide. fille de Jean, notaire, veut être
accompagnée à sa demeure dernière par douze pauvres que son héritier
fera dîner le jour de son enterrement. — Rub. d'Ant. Borrilli, i52 r, f« -jbj.
Étude Wartel, not. à Aix.
• Rub. de Gabriel Laurencii, 1469. f» iH. Étude Donnefort, notaire à Aii.
• Rub. d'Antoine Nyelli, 1490- 1494, f® 381. Étude Wartel.
* Cart.de Jacques Martini, 1425, même étude.
* Rub. de Jean Dupuy, 1457 (22 décembre). Étude Donnefort.
— 2S0 —
lourniture de 7 éminces d'avoine, que son client devait lui'
donner chaque année*.
Plus curieux encore l'abonnement à un tarif déterminé de
toute une commune à un barbier qui sobUge à raser tous
les habitants du sexe fort, à saigner, à arracher les dents c! à
soigner tout le monde en cas d'accident et de maladie, les bar-
biiers étant alors presque tous chirurgiens et quelque peu méde-
cins».
Il est bon de noter aussi la coutume du prêt du blé, que j*ai
vu surtout mise en pratique a Ai\ par les confréries de Saint-
Sébastien Cl de Notrc-Dame-des-Angcs. Au moment des se*
mailles, vers la fin septembre et surtout pendant le mois
d'octobre, ces confréries donnent a des agriculteurs pauvres le
grain nécessaire pour ensemencer leurs terres et ceux-ci s'en-
gagent à rendre ce qu'ils ont rci;u après la récolle, vers la Made-
leine, n ne me parait pas, d'après les clausesdu contrat» que les
confréries aient perçu le moindre intérêt; c'était donc un prèi
charitable. Cette gracieuseté était^clle réservée aux s^uls mem-
bres rie l'association ? Je l'ignore \
L n acte, d'une touchante moralité, qu'on voit souvent au
moyen âge et même beaucoup plus tard, est celui que les notai-
res appellent : Raïunciatio querek ou Réconciliation Deuxpac
ticuliers, souvent pour une cause futile, s'étaient pris de qu«-"
relie, en étaient venus aux mains, s'étaient blessés grièvement,
quelquefois même la mort s'en était suivie. D'où des divisions
' Rub de Jean Bornlli, 1470, f» 570. ttude Donoefort.
* Abonnement de tacommone du Puy-Sainte- Ré parade. Rab. de Pierrt
PonhaudL 3o mars 1460. — Id. par la commune de Puvioubicr. Rub, dt
J. Dapuy. 147980, r** it2. Étude Donnefort, nouireà AU, etc.
* Rub. de Dominique Girard, i534, f- 29^ eisuiv. Voir aussi Rub. d'An'
tome Bornlli, i5a2, (• 184-194. Étude WariçU Voir aussi ailleurs pasxim.
2Ï<Î —
!e^ riamcs terribles* Plus tard cependant, le temps ayant fait
>n œuvre ordinaire d apaisement, des amis conciliants 5*ctant
Itcrposés, les deux parties adverses finissent par s'entendre,
viennent se pardonner leurs torts mutuels et se réconcilient
par-devant notaire*.
Autre fait curieux, maisd*un tout autre genre. Les ^'ens qui
jie payaient pas leurs dettes étaient excommuniés. Or il arri-
lit quelquefois que les créanciers, après la mort de leur débi-
teur» exigeaient que son cadavre lût sorti) de la terre sainte du
cimetière et privédc sépulture chrétienne*. Quel remue-ménage
dans les cimetières, si on autorisait pareille mesure de nos
jours!
Un document qui m'avait étonné et. — pourquoi ne le dirais-
je pas, — profondément scandalisé la première fois que je
le rencontrai, fut la vente d'un esclave. Cet acte n'est pas rare
chez les notaires d'Avignon et à toute la région provençale.
L'un de nos doyens, le savant archiviste du Var^ M. Mireur, a
traité cette question de resclavagc en Provence, avec la compé-
tence qui te distingue ; inuiiled'insisier. Notons simplement en
passant: l'que la dernière vente d'esclave que j'ai rencontrée est
de Tannée 1777^; 2 que ces esclaves ne sont pas chrétiens,
mais Maures, Éthiopiens, Nègres ou Turcs (la conversion au
catholicisme libérait les esclaves *) et 3* enfin que ces esclaves
étaient devenus tels à titre de représailles contre les Turcs des
pays barbaresques qui venaient ravager nos cèles, piller nos
^^ Min« de Pierre SirpilloQ. i56a 1564. T* 6ï5. Etude de BeauUea, notaire
à Avignon
/ Mm. de Pons de Petri, 1440*1491, P, f^'iitî. 167, ao8 et 23f. Éitide
itic, nouire à Avignon.
[• Mm, de Nicolâs-lean- Baptiste Lescuyer 1777, f" 135. Étude Gras.
'* CartuU de François Morini, ft* i3 \ i4dcc, 1486). (• 1169- Étude de Beau-
UeQt oot. à Ayif^non.
— 282 —
bateaux et surtout s'emparer de nos marins et des habitants dc^
pays du littoral.
Il y aurait à signaler les actes rédigés en provençal, surtout
les inventaires, si utiles pour l'étude de cette lanijuc. Chez un
seul notaire d'Aix, je n'ai pas noté moins de 325 actes écrits en
langue vulgaire, comme ils disent, Quil me suffise de noter en
passant tout un ordre d'actes plutôt scabreux, où les détails foi*
sonnent et où Ton peut étudier de près les mœurs, un peu bru*
taies, du moyen âge. Ce sont les informations canoniques, les
enquêtes, les interrogatoires, les déclarations.
Avant de terminer, je voudrais signaler une série de con-
trats intéressants : c'est celle des promesses faites par-dcvani
notaires. Pour ne pas vous prendre trop de temps, je négligerai
les promesses d aller en pèlerinage à Rome, à Saint-Jacques de
Composiellc '. etc. Je passerai également sous silence b pro-
messe faite par un jeune homme de très bonne famille avi^
gnonnaise d'amender sa conduite, plutôt libertine, et de viiTt i
désormais plusrégulicrcment' ; de ne plus boire de vin (1421)^,
ou encore celle que firent — je ne sais pour quelle cause —
les maçons d'Avignon, en 1536, de porter un costume unifonne
le jour de l'Assomption *. Je m'en tiendrai simplement à dcux^
formes de promesses plus fréquentes et qui, pour éire fréquco*
ies,n*en sont pas moins fort curieuses : Promissto non ludendi
et Promissh sanandi — la promesse de ne plus jouer et la pro- ,
messe de guéri n
• Rub, de lacqucs Holoni, 140», f* 14!, Ktade de Ruelle. — Id.de Ftàn- .
gois Borrilly. >402, f« 4^, Ibid. — Id^ de Philippe Blaacardi, t46o-M69»
I» io*>. I
• Carttilaire de François Mortni, n* .... f* i32. ttude de Beaulseil« oo-|
laire h Avignon *l 16 mars i5n4).
• Rub* d'Éticnnc Chaulan* 1421, f" 46» Liude Donnefort, nouire à Ait.
*iMtn de Vincent, »335m536, f* 4*0. Élude Vincenn. notaire a Avignon.
— 283 —
Je n*irai pas vous faire une dissertation sur l'immoralité du
jeu ni sur la puissance et les conséquences désastreuses de cette
passion. Je mécontenterai de constater Tempire énorme qu'il
exerce sur le cœur de Thomme. Et si Ton peut dire : Qui a bu,
boira, on peut aussi ajouter : Qui a joué, jouera. Certains, ce-
pendant, doués d*un courage exceptionnel ou bercés de douces
illusions, ont essayé de se soustraire à cet empire souverain, et,
pour rendre leur promesse plus sûre, Tont fait constater par le
tabellion. Les jeux qu'ils s'interdisent le plus habituellement
sont les jeux de hasard, les dés et les cartes, quelquefois, mais
beaucoup plus rarement, les échecs et les dames *. Tous s'obli-
^'ent, en cas de rechutes, à une amende, parfois assez considé-
rable , quelques-uns s'imposent même des peines très graves,
témoin ce Juif de Roquevaire qui s'interdisait le jeu pendant
dix ans, sous peine d'un an de prison, au pain et à l'eau.
Ces sanctions si dures n'étaient ordinairement prises que par
ceux qui avaient l'habitude de jouer de l'argent, à Peyssu,
comme ils disaient par opposition aux joueurs moins invétérés
qui se contentaient de jouer al bagnats, c'est-à-dire de jouer
mouillé, c'est-à-dire de jouer les consommations, de jouer pour
boire, jeu qui ne saurait entraîner ordinairement de grosses
dépenses.
A ce propos, qu'il me soit permis de signaler une erreur de
lecturedanslesS^a/M^^rfeSain/- V/c/or de iSSy, aujourd'hui per-
dus, — erreur qui a trompé Ducange lui-même et qui a ensuite
trompéM. Henry d'Allemagne, dans son beau livre sur les car-
ies à jouer*. Voici le texte des Statuts, d'après Ducange : Quod
* Ces promesses sont trop nombreuses pour les indiquer toutes, je me
contenterai de citer : Rub. de Jean Allibert, 1430, f« 9, et de Jean Gau-
fridi. 1407, fo 6i. Étude de Ruelle, notaire à Aix.
» Les caries à jouer du XIV* au XX' siècle. Paris, Hachette, 1906,
tome I, p. 16.
nuUapcrsonna audeat nec présumât luderc ad laxilios ncC ad\
paginas nec ad essuchum^ce que rillostre savant traduit :« Il j
est défendu à quiconque de jouer aux dés (ad taxillosj, aux car- 1
les (nec ad paginas), ni aux échecs (nec ad essuchumj, Onj
pourrait peut-être donner aux mots pagine, paginarum le
sens de cartes, il me semble avoir vu une fois ce sens attribué]
par un notaire au mot paginœ, mais il est impossible de Xrt^
duire ad eyssuckum par e'checs, et il faut rétablir ainsi le vraij
sens de ce texte : «t Quod nulla personna présumât ludercl
ad taxillos nec ad bagnat nec ad cyssuchum >», c*est-à-dire qu'ilj
est défendu de jouer aux dés soit sec, soit mouillé. On pourrait
lire peut-être : Quod nulla personna présumât iudere adiaxitÀ
los nec ad paginas ad eyssuchufn, c'est-à-dire il est défendu
quiconque de jouer aux dés et aux cartes à Keyssu.
M. Camille Jourdan a signalé le premier le sens exact de ce
deux mots (bagnat et eysuch), dans le Ari//e/iix de l'Académie du
Var, nouvelle sérient. VI, p. 2K8, et M^Mireurradéiinitivemcn^
établi dans le Bulletin historique el philologique du Cowiié dt
travaux historiques et scientifiques (j885) — voir en particulie
les p. 8 et 9 du tirage à part. Tous les documents que j*ai irou^
vcs ne font que confirmer leur sentiment.
Enfin, j aborde la question des promesses de guérir, promit
sio sanandi*
On raconte que les Chinois ont une méthode très rationnel^
de payer leurs médecins, ils leur règlent des honoraires tant qu*i
se portent bien et cessent de le payer quand ils sont malades,
n'en est malheureusement pas ainsi dans les pays d^Occidenij
Toutefois, nos ancêtres, pour obvier aux inconvénients de
honoraires trop élevés, avaient soin de passer avec le médecif
le chirurgien, Tempirique ou le rebouteur qulls appelaient au*
près d'eux, un traité en bonne et due forme, par lequel II
statuaient sur ie prix à payer, en cas de guérison et seulemec
-— 285 —
en cas de guérison ; pas de guérison, pas de traitement». Il
faut ajouter, pour être complet, que dans certains cas particu-
lièrement graves, ils exonéraient l'opérateur de toute poursuite,
même si la mort de Topéré s'ensuivait*.
Les maladies et les opérations indiquéesdansces contrats sont
de toutes natures. On peut observer cependant qu'il s'agit plus
souvent de chirurgie que de médecine. Après les fractures de
toute espèce, viennent les polypes, les maladies des yeux, la
pierre, une certaine variété de cancer peu dangereux à condi-
tion qu'on ne le touche pas, appelé pour cette raison Noii me
tangere, qu'on guérit l'acilcment aujourd'hui avec les rayons
Rœntgen 3. Notons enfin qu'un barbier de Forcalquier promet
au maître de chapelle de Saint-Sauveur de guérir les enfants de
chœur de la Métropole, qui étaient atteints de la rasquette
(1488]*. s
Telles sont les quelques notes curieuses que j'ai cru bon de
faire connaître; prises en détail, elles ne présentent pas un
grand intérêt, elles amusent quelquefois et c'est tout; prises
dans leur ensemble, elles nous font mieux connaître la vie, les
mœurs, les coutumes de nos ancêtres. Or, tout ce qui touche
de près à ceux qui nous ont précédés dans la vie, a son charme
' Min. de Jean Lorini, 1448-1449, f« 87. Arch. départ, de Vaucluse,
fonds Pons, n» i38o. — Rub. de Bertrand Borrilii, 1437, f<> 210. Étude de
Ruelle, not. à Aix. — Id. d'Antoine Oiiveti, 1456, f» 49, ibid. — Rub. de
Barthélémy Bernard, 1452-3, f»2o3. — Rub. de Jean Lantelmi, 1442, f« 97.
Étude Wartel, nouire à Aix. -— Rub. d*Honoré Delamer, 1461, f» 206,
même étude. — Rub. de Jean Dieulofes, 1433, à la date du i3 octob.,
même étude. — Id., 1421-22, f® 76, ibid., etc., etc., etc.
* Min. de Jean Lorini. 1442-1443, f» 82. Arch. dép. de Vaucluse, fonds
Pons. n« 1376.
> Cartul. d*Étienne Chaulan, 1420, f» i5o, et Rub. de Paul Rostagny.
1421-1425, {• 5o. Étude Donnefort, not. à Aix.
< Rub. de Guill. Fabri, 1488, f» 44.
— 286 —
et son importance. Même dans ses menus détails, il exerce sur
les esprits qui aiment à réfléchir comme une sorte de fascina-
tion.
H. Requin,
Correspondant de V Institut.
- 287 —
IX
LES SCEAUX DE LA FAMILLE DE SAYOIE-TENDE
par M. J. ROMAN,
Correspondant du Ministère de t Instruction publique.
Le vendredi 6 avril 1906, vers trois heures et demie, je
fiânais à l*étalage des marchands d'antiquités de la rue de
Seine, en allant à Tlnstitut, lorsque quelques matrices de sceau
renfermées dans une vitrine attirèrent* mon attention. Plu-
sieurs d'entre elles étaient visiblement fausses et surmoulées;
sur une autre, je crus déchiffrer le mot de Tende qui ne
m*était pas inconnu. J'entrai dans la boutique et examinai
Tobjei; son authenticité n'était pas douteuse, et pour une
somme très modique, je devins propriétaire de la matrice ori-
ginale du sceau de Claude de Savoie,, comte de Tende, gouver-
neur et grand sénéchal de Provence.
Ce personnage est très connu, et les historiens des guerres
de religion en Provence, depuis Nostradamus et Louvet jus-
qu'au pasteur Arnaud, ont discuté le rôle considérable qu'il a
joué dans les troubles civils de cette époque. Il n'y a donc pas
lieu d'y revenir et de raconter une fois de plus les événements
auxquels il a été mêlé, les révoltes de Mouvanset de Flassans,
les sièges de Sisteron et la lutte déplorable qui surgit entre lui
et son fils Sommerivc, chefs de deux factions opposées. 11 me
suffira de donner sur la famille de Savoie-Tende quelques
— 288 —
détails généalogiques en rapport avec les sceaux de ses mem-
bres» et je décrirai, chemin taisant, quelques-uns de ces sceaux
non pas tous, car ils sont fort nombreux et la plupan n of-
frent entre eux que de légères dirterences, mais ceux seule-
ment qui sont les plus intéressants et les plus variés.
Le père de Claude de Savoie, comte de Tende, était René,
bâtard de Savoie, surnommé le Grand-Bâtard, Il était lils na-
turel de Philippe, duc de Savoie, et d'une noble demoiselle. Il
épousa Anne de Lascaris-Venti mille, dernière descendante de
la branche aînée de cette très illustre et très puissante maison '*
Parce mariage, il acquit les comtés de Tende» de Villars, de
Sommerive, ce qui le décida à venir ^c fixer en Provence* lî
ne larda pas à en être nommé gouverneur et il mourut en ïSîx
René, bâtard de Savoie, ne rougissait pas de rillégiiimité de
sa naissance, son sceau de ï5oH en est une preuve. En voici
la description:
éS/
^-^.
ml
N- 1. REYNE BASTART DE SAVU lE ..
Ecu à une croix, un filet en barre brochant ; timbré d'un
> Lsscaris poruit : de gtitutes à imc aigle à deux léte* cowoan/n, «i_
p^labaitté, rf'or. Vemimille poruit ' 4e gueulei an chef ^or.
— 289 —
heaume de face, cime d'une tête de lion dans un vol et. sup-
porté par deux lions.
Sceau rond en papier plaqué sur cire, de 46 mill. * .
Ce sceau est d'une conception purement italienne et rappelle
à s*y méprendre ceux des ducs de Savoie.
Après son mariage, René modifie son blason en écartelant ses
armoiries avec celles de sa femme. Voici le très beau sceau
dont il faisait usage en i5i5 comme gouverneur de Provence:
K*2.
N- 2. + R. B.D. SAVOIE. CDTE. DE V. E.D. T. GOVV.
DE PROVVE.
(René bâtara de Savoie, comte de Villars et de Tende,
gouverneur de Prouvence.)
Ecu écartelé, aux 1 et 4 à une croix, un filet ert barre bro-
chant, aux 2 et 3 contre écartelé, aux 1 et 4 à une aigle à deux
têtes couronnées, au vol abaissé, qui est de Lascaris, aux
* Bibliothèque nationale, Mss. Clairambaalt, T. i 34, p. 1943. Voyex :
DiHAY, Inventaire des tceaux de Clairambault, 0*8480.
coMORtf. — 19.
— 290 — .
2 et 3 à un chef, qui est de Ventimille; timbré d'une corde-
lière nouée en lac d'amour, accosté de deiix rameaux.
Sceau rond en papier plaqué, de 36 mill. *.
Après les sceaux du mari, il n*est pas inutile de décrire celui
de la femme, puisque c*est le mélange de ses propres armoiries
avec celles de son époux qui a été l'origine de celles que ses
descendants ont adoptées. En 1534, Anne de Lascaris- Venti-
mille, veuve depuis quelques années, faisait usage du très joli
sceau suivant:
'N*3-
^^ 3. ANNE. CONTESSE. DE. TENDE.
Ecu parii, au i aune demi-croix (pour une entière), un
demi filet en barre brochant, au 2 coupé (pour écarielé), en
chef à une aigle à deux tètes couronnées, au vol abaissé, en
pointe à un chef ; liiribré d'une couronne à dix perles.
Sceau rond sur papier, de 3i mill. ^.
Claude de Savoie, comte de Tende, fils des précédents, né
le 17 mars iSoy, mort à Cadarache le 6 avril i566, grand sé-
• Bibl. naiior. Pièces originales du cabinet des titres, T. 2655. do-s
sier 589O0, pièce 23.
* Bibl. nation, ibid., pièce ^3.
— 2()l —
néchal et gouverneur de Provence, colonel général des Suisses,
etc. n'accepta pas dans leur intégralité les armoiries de son
père; il leur fit subir une modification, légère en apparence,
profonde en réalité, dont le but évident était de faire disparaî-
tre le témoignage importun d'une origine illégitime; il rem-
plaça la barre de bâtardise par une bande, brisure quelconque,
qu'on ne pouvait pas interpréter d'une façon fâcheuse pour les
origines de sa maison.
Voici, par exemple, un beau sceau du comte de Tende,
appliqué à une quittance de 1 536, sur lequel les armoiries de
son père ont subi l'altération que je viens de signaler :
M*4
N- 4. CLAVDE : CONTE : DE : TENDE.
Ecu écanelé, aux 1 et 4 à une croix, un filet en bande bro-
chant, aux 2 et 3 contre-écartelé, aux i et 4 à une aigle à deux
tètes couronnées, au vol abaissé, aux 2 et 3 à un chef; timbré
d'une couronne de onze perles, entouré du collier de Saint-
Michel, avec médaille pendante sur laquelle on voit l'ar-
change perçant un dragon de sa lance.
— 39^ —
Sceau rond sur papier plaqué, de 40 mîll. '•
Le comie de Tende était à la lois, comme je l'ai dit» gouver-
neur et grand sénéchal de Provence ; pour ces deux offices, il
avait deux sceaux différents, dont sa chancellerie faisait usage
suivant la nature de Tacie à sceller.
Voici son sceau comme gouverneur :
S
^'^>
w
10
N-5*
N" 5. + SIGILL\M + GVBERNATORIS + PATRIE +
PROVINCIE.
Ecu semblable au précédent; timbré dune couronne sur
laquelle les perles sont remplacées par onze appendices en
forme de massue, entouré du collier de Saint*Michel avec me-
daille pendante sur laquelle figure Tarchange perçant UJi
dragon de sa lance.
Sceau rond sur papier plaqué, de 38 milI. '.
La couronne et le collier de Saini-Michel sont rendus par un
procédé assez sommaire.
•Bibliothèque naiionaUv Pièces originales, T. a655» dosnîef SâçTto»
— 293 —
Le sceau du comte de Tende comme grand sénéchal est
d'un travail très supérieur; c'est précisément celui qui donne
lieu à cette note et que j'ai pu acquérir dernièrement. En voici
la description :
N'6.
N- 6. + CLAVDE. DE. TENDE. GRANT. SENESCHAL.
DE. PROVVENCE.
Ecu semblable aux deux précédent^; timbré d'une couronne
ornée de seize perles, entouré du collier de Saint-Michel avec
médaille pendante, sur laquelle est représenté larchange per-
çant un dragon de sa lance.
Matrice de sceau rond, en bronze, de 40 mill. Au revers, un
appendice demi-circulaire fait saillie ; il est f)ercé d'un trou
rond et est destiné a être encastré dans un manche en bois,
consolidé à Taide d'une goupille transversale.
Cette matrice de sceau, dont la gravure est assez bonne,
paraît avoir servi fort longtemps; elle porte au milieu et au
bas des traces d'usure qui n'empêchent pas cependant de dis-
tinguer le type et la légende.
Le fils du comte de Tende, Honorât de Savoie, comte de
Sommerive, ne joua pas un rôle aussi brillant que ses deux
— 294 —
ascendants immédiats. Après avoir pris les armes contre son
père, dans le but probable de le supplanter comme gouver-
neur de Provence, il ne lui succéda pourtant qu'après sa mort
et il mourut lui-même en 1572. Il n'exerça donc la charge, tant
enviée, de gouverneur que pendant six ans seulement et ne At
rien de remarquable durant ce court espace de temps.
J'ai également trouvé son sceau, mais je le passerais sous
silence, tant il est insignifiant, s'il n'était un curieux témoi-
gnage d'une troisième évolution du blason de la famille de
Savoie-Tende.
René se qualifiait lui-même de bâtard et portait ostensible-
ment des armoiries de bâtard. Claude remplace la barre de
bâtardise par une bande; son écusson n'est plus celui d'une
branche illégitime, mais d'une branche cadette. Honorât sup-
prime toute brisure et arbore audacieusement les armes pleines
de la maison de Savoie ; le sceau suivant en est la preuve.
N" 7. Sans légende.
Ecu écartelé, aux i et 4 d'une croix, aux 2 et 3 contre-écar-
telé, aux i et 4 d'une aigle à deux tètes couronnées au vol
abaissé, aux 2 cl 3 d'un chef; timbré d'une couronne à sept
perles, entoure du collier de Saint-Michel avec médaille pen-
dante, sur laquelle est représenté l'archange perçant un dra-
gon de sa lance.
— 293 —
Sceau elliptique sur papier plaqué, de 25 mill.
Appliqué à une quittance de 1564 '.
Je n'ai garde d'attribuer aux sceaux précédents plus d'im-
p>ortance qu'ils n'en méritent. Au point de vue de Tart, ils
offrent un certain cachet d'élégance et de finesse, mais n'ap-
prochent pas des admirables monuments sigiilaires que le
moyen-àge nous a laissés. Au point de vue de la composition
et de la gravure, le sceau est en pleine décadence au xvr siècle.
Ils présentent, au contraire, un certain intérêt historique puis-
qu'ils émanent de cette famille de Savoie-Tende qui, pendant
plus d'un demi-siècle, a possédé, en Provence, une situation
prépondérante.
Je crois, au surplus, qu'ils sont inédits; je le crois, sans en
être certain, parce que je ne connais pas tout ce qui a été im-
primé sur la sigillographie en France et à l'étranger. Je les ai
cherchés vainement dans les ouvrages du regretté M. Louis
Blancard, dans ceux de Douët-d'Arq et de Demay, c'est-à-dire
dans les principales publications consacrées à la sigillographie
française. Je ne sais s'ils ont été publiés ailleurs.
* Bibliothèque nationale. Pièces orif;inales, T. 2655, dossier 58960,
pièce 65 .
iil
- 297
PRISE DES ILES DE LÉRINS PAR LES ESPAGNOLS
Par M. Marie BERTRAND,
Sous-Bibliothécaire- Archiviste de Cannes,
Cabiscol de l'Ecole de Lérins,
Secrétaire-correspondant de la Société d'Etudes provençales.
Après les historiens de Provence ; après les auteurs qui se
sont particulièrement occupés de l'histoire de Cannes et de sa
région, il semblait qu'il n'y avait plus rien à dire sur la prise
des îles de Lérins par les Espagnols en i635. Or, en compul-
sant les inventaires des archives du département des Bouches-
du-Rhône, je me suis aperçu que ces archives contenaient
nombre de documents encore inédits concernant ce fait im-
portant des annales de la Provence, entr'autres une intéres-
sante lettre de Louis XHI et le procès-verbal de l'Assemblée
générale des (Communautés de Provence tenue à Cannes au
mois de décembre i635.
La prise des îles de Lérins par les Espagnols ne doit pas être
considérée seulement comme le premier épisode de la f)ériode
française de la guerre de Trente ans ; elle était préparée de
longue date par nos er^nemisqui, suivant la tactique de Charles-
Quint, voulaient faire une diversion dans le midi de la
France en envahissant la Provence. Pour la réussite de ce plan,
- 2Cj8 —
il leur fallait une sérieuse base d'opérations et c'est ainsi qu'ils
avaient été amenés à jeter les yeux sur les îles de Lérins.
Dès son arrivée au pouvoir (1624), le cardinal de Richelieu,
on le sait, s'était attaché à la poursuite de trois projets : Abat-
tre l'orgueil et l'esprit factieux des grands: détruire la puis-
sance politique des protestants ; abaisser la Maison d'Autriche,
cette rivale séculaire de la France. S'acharnant à la solution
du deuxième de ces projets, il avait comme adversaires l'An-
gleterre, qui soutenait ouvertement les protestants, et l'Espa-
gne qui, malgré le traité de 1626, nous trahissait et favorisait
tout ce qui se tramait contre le puissant ministre. Dans ces
conditions, la Provence, par sa proximité delà frontière et l'é-
tendue de ses côtes, était surtout exposée; au mois de septem-
bre \C)2j, le gouverneur d'Antibes annonçait que vingt-un
vaisseaux anglais étaient mouillés en rade de Villefranche et
six galères de Gènes devant Monaco et que des levées de gens
de guerre se faisaient dans le comté de Nice, d*où urgence
d'augmenter la garnison de la place forte confiée à sa
garde '. Cette situation nécessitait dans la province un conti-
nuel mouvement de troupes - et l'adoption de mesures pour
mettre le pays à l'abri d'une invasion pouvant se produire à
tout instant.
L'année suivante 1. 1628). l'Kspagne jetait le masque et tra-
vaillait ouvertement, en Italie, à déposséder un prince fran-
' Archives du département des liouches-du-Rhône. C i5. (Assemblée
générale des communautés tenue à ^iix, le 11 septembre 1O2J).
= Je trouve dans les Archives du Département des HaucheS'du-Hhàne
(C. -'i3« et C hi\) que du 2Ù novembre au 3i décembre i63i, le ré^i-
meni de Vaillac fait séjour à (irasse, Vallauris ei Cannes; quatre compa-
fîriies sont à (îrasse, deux à Vallauris et quatre à Cannes. La province
rembourse a la première communauté i.23a' 10', 864" à la deuxième
et à la troisième i.;î8tV h'.
- 299 -
çais, le duc de Nevers, légitime héritier de Mantoue et de
Montferrat et Louis XIlI demandait à la Provence d'entretenir
à leur passage, en janvier 1629, deux mille hommes qu*il en-
voyait au secours du duc de Manioue *. L'horizon s assombris-
sait de plus en plus; le pays était accablé par les subsides à
fournir continuellement pour l'entretien des troupes et pour
les fortifications des villes les plus exposées, notamment celles
de Saint-Tropez et d'Antibes, où de nouvelles troupes étaient
envoyées *.
C'est au milieu de difficultés de toutes sortes qu'arrivait la
disgrâce du duc de Guise, gouverneur de Provence, et son
remplacement, en octobre i63i, par le maréchal de Vitry, le-
quel s'occupait activement de la mise en état de défense de son
gouvernement. Au printemps de l'année suivante (i632), il
était informé du projet des ennemis de tenter une descente sur
la côte et il allait visiter, accompagné du comte de Boulbon,
les places fortes de Toulon et d'Antibes ^ Mais le pays conti-
nuait à soufTrir des charges qui pesaient lourdement sur lui;
rien d'étonnant alors que le général des galères, probablement
à cause des mesures prises, ait écrit au Roi que le passage des
galères espagnoles ne causait pas d'inquiétude et ne devait pas
empêcher ledépart des troupes logées en Provence *.
Cependant, Richelieu ne perdait pas de vue son dessein
d'abaisser l'orgueil de l'Espagne et, en i633, il ordonnait au
* Archives du département des Houches-du Rhône, C i5, (Assemblée
des communautés^ tenue à Aix, le 2 décembre 16281.
' Ibid. C. 17, (Assemblée des communautés, tenue à Valensole, le
2 y avril i63o)y
Ibid. C. 19, (Assemblée des communautés, tenue à Aix, le 26 août
i63if.
* Ibid., C. 20.
* Ibid., C. 20
— 3oo —
sieur de Bouc, premier président de la Cour des Comptes de"
Provence, de ^ dresser une vetie figurée de îoute la côte ma-
ritime afin que sur cette figure il peut ordonner les fort ilica-
iions fiécessaires pour la défense du pays et empêcher la des-
cente des ennemis '. » Le sieur de Bouc visita la côte de Nice à
Arles, lit dresser la carte, et c'est d après ce document, qu'ac-
compagnait le rapport de M. de Seguiran, que Richelieu or-
donnaild élever les forti H calions des îles Satnic-Margueritcei
Saint*Hooorat et les autres ouvrages et redoutes de la côte. La
situation se précisait ; le cardinaL en 1634, avait décidé K
renvoi de la Reine ainsi que la rupture ouverte avec KEspagnc
et, au mois de juillet» ie maréchal de Vitry demandait à la
Provence des subsides pour faire face aux frais de la guerre ^
Rappelé peu après à la Cour pour justifier sa conduite, le
MaréchaK qui avait été remplacé par le marquii de Saim-
Chamond, revenait dans son gouvernement en janvier i535ci
ordonnait aussitôt, pour garder la côte, l'établissement de
postes à pied entre Toulon et Amibes ' : c'était donc sur cetitf
partie du littoral qu'on craignait lattaque des ennemis.
Tous ces renseignements, bien que n'intéressant pas direc-
tement la prise des îles de Lérins» ne sont pas inutiles- Ils
prouvent que, dès 1627, la Provence avait tout à craindre de la
part des Espagnols et que ceux-ci étaient bien décidés à rcii-
vahîr en se servant des îles comme base d'opérations.
C'est leiOavril 1 635 que Richelieu déclarait la gue^reà^cmp^
reurFerdmand M et auroi d'Espagne Philippe IV, parent et allié
de TEmpereur. A ce moment, la situation de la Provence ét«ii
* BouLHi, Chorographie de ta Propence, U II, p. Hg5.
* .4rc^rVc« iiu diéparttintnt des Htmches-du-Rhùnt, C, 11. f isxembfct
fçénéraie des communautés, ttnue à Apt, te 4 juillet f6S4i
* Ibtd, Q, 22, {AiscmbUx* générale des Communautés ten.
2 3 janntr i635).
tre brillante; le pays était épuisé par les charges quî
pesaient sur lui depuis tant d'années et, malgré les eftbris faits»
sesdélenses n*étaieni pas achevées et en état de résister à une
attaque sérieuse: «c La province, dit Aubenas *, était fort dé-
fraie de troupes régulières, les armées de la France se trou-
vant reportées au-delà des frontières. On y comptait quatre ou
cinq régiments, au plus, préposés à la garde de Marseille et de
Toulon» Force était de recourir à la Noblesse dont les volon-
taires s'empressaient toujours d'accourir, et aux mtlîces loca-
les, non moins promptes à sarmer pour la défense com-
mune * s*.
Le cardinal ne voyait pas ou ne voulait pas voir le véritable
état de la Provence et de la France et» poussé par les événe-
ments, il se lançait en aveugle dans celte guerre : «^ Richelieu,
écrit Michelet \ dit à tonqu^il avait assez d'argent» de troupes,
des places en bon état. Fontaine*Marcuil et d'autres disent le
contraire, et Tévénement ne prouva que trop bien qu'ils
avaient raison. II ne vit pas, ne prévit pas. Ce qu'il aurait pu
voir, c'était son isolement réel, combien il était haï, et le pro-
fond bonheur que tout le monde aurait à le faire échouer. Et il
oe prévit pas que l'argent manquerait dès la seconde année,
que la France, au lieu d'envahir, serait elle-même envahie...
Deux fois l'audace en choses improbables lui avait réussi.,.
Donc il se remit à la chance, dans cette guerre contre l'Espa-
gne, guerre contre la Reine, guerre contre la Cour, contre tous
* AtivCHÂf, Reprise des ftts de Lérins sur les EspagnolSfp, 6.
* Au mois de juin i6i\ l'eiTectif des iraupes restant en Provence se
composait des compagnies de chevaulégers de MM. de Viiry, de Vaia-
iroinc cl de Cabris ; des ré,i;imenis d'infanterie dti marquis de Vitry et de
MM' de .Montmeyan, de .Maillane et de Courbon, de VajJlac, de ta Tour
et de Cornusson. {Archivei du '^Département des Boucheâ-du-Rhâne,
■ MiCBiLtT, Histoire de France, i. XII, p. 96 6197^
ses ennemis. ^ Cette appréciation est fort juste ; elle nou^ptr-
met de ne pas admirer sans reserves le génie de celui qui fut
rinitiateur de cette centralisation à outrance dont nous souf*
Irons encore aujourd'hui.
La gue.Te dt'clarée, les hispagnols ouvraient aussitôt îcs ho!^
tilités et, dans les premiers jours de mai, le comte Badat. de la
ville de Nice, informait M. de Saint-Marc Chasieuil, seigneur
de Chàteauneuf-lez-Grasse, des armements faits à Naples en
vue de l'attaque des îles de Lérins. De ces deux îles, 1 une^
Saint-Honorat, était presque sans défense : l'autre, Sainie*
Marguerite, défendue par une garnison insurtisante enrermrc
dans le Fort Royal construit par Richelieu deux ans aupaia^
vant K
' Malgré les ordres donnés par Richelieu, les défenses des fies dt]
rins ne devaieni pas être bien i^érieuses ; en i^33, elles ciaiefit
nulfes si on en juge par le rapport de M, de Sé^uiran : « Le aSfëirnerifiJÎ.
étant parti du Cannai, serions passé a Tile Saint- Honorât, où ie
R. ï*. Dom d'Ubraye» abbé dudit monastère, nous auroU fait >oir toute 11
place, et aurions trouvé dans icelle : une moyenne «pièce de canont« <
bre de France, de huit pitds quatre pouces de longueur. a>ani detti|
mes. qui sont les armes de Tabbaye . trois petits vers en fonte» avec 1
doubles boîtes; trois arquebuses h croc, de fonte; une bombarde de^
et un pélard ; cent cinquante livres de grosse poudre et cinquante v
menue; cinquante boulets de moyenne: dix mousquets bien moat*
quatre hallebardes Je tout appartenant au monastère.
« Et.de là, serions passé à l'iie Sainte-Marguerite, où, en latsaDl II
visite de la forteresse, aurions trouvé dans te donjon dicelle : deux fau*
conneaui (couleuvrinesi, calibre de France, de vingt-cinq pieds de Ion-
gueur, aux armes de Claude de Guise, abbé de Cluny ; deux pier-
fer; sti arquebuses à croc ; quinze mousquets bien garnis et ni
vingt cinq piques; cinquante livrei de grosse poudre ; cinquante booleii
k fauconneaux: vingt cinq livres de balles de plomb et dix livres de
mèche: le tout appartenant h M. de Guise, ainsi que nous Ta dit le «ifur
Kiperi, qui commande ladite forteresse. {Documents inéJilx de f/
de France Correxpondance de Sf. de Sourdis. archepéqutde Hoi
F'
- 3o3 -
Châsteuil, aussitôt cette nouvelle connue, en donnait avis
au maréchalde Vitn'; celui-ci rendait sur-le-champ une ordon-
nance portant que les villes de Grasse et de Saint-Paul, avec
leurs vigueries, fourniraient deux hommes par feu, s'il était
nécessaire, pour la défense des côtes et plaçait les milices sous
le commandement des sieurs de Mons et de Chasteuil. Aussi.
aicbé V de Baift^on Us).
dès le premier moment, six cents hommes bien armés, divi-
sés en six compagnies, étaient rassemblés à Cannes *.
Le 20 mai, larmée navale d'Espagne paraissait en vue des
côtes de Provence ; le mauvais temps faisait courir les galères
jusqu^au cap Corse, où onze de ces bâtiments faisaient nau-
• BoucBE, Chorographie de la Provence , t. Il, p. 899.
Irage* Le 3i mai, le sieur Emeric Duscch, capitaine au régî*
menidc Cornusson» recevait du maréchal de Viirv* Tordre de
garder avec sa compagnie le château de Saini-Honoratei il as-
sistait, le 3 août, au passage devant Tile du reste de la floue
ennemie qui voguait jusqu'aux îlesd*Hyères *.
Retardée dans ses opérations, ce n'est que le ï3 septembre
que 1 armée espagnole, forte de vingt-deux galères et d un
brigantin. et commandée par le duc de Ferrandina, ie marquis
de Sainte-Croix et le chevalier de Brancassio, se présentait
devant Tîle Sainte-Marguerite. Un corps d'infanterie débar-
quait aussitôt et attaquait vigoureusement le Fort Royal. Con-
vaincu de la faiblesse de la place, dont il avait le commande-
ment, Jean de Bénévent, sieur de Marignac, capitaine au rc^i-
ment de Cornusson. capitulait vingt-quaire heures après, sans
aiiendre l'arrivée des secours promis par de Chasieuil. seul
commandant des milices par suite de la mort du sieur de
Mon s,
Chasieuil, au courant des mouvements de la flotte espagnole,
était accouru à Cannes et sa ^présence avait rendu le courage
aux habitants qui quittaient la ville dans la crainte de !wn
occupation par lesennemis* Sur ses conseils, on rem plissai! de
terre des bateaux échoués sur le rivage et on en formait un re-
tranchement pour la mousqueterie placée au-devant de h
ville ; un autre retranchement, formé avec des tonneaux pleins
de sable, était construit en face de la chapelle de Notre*Damc-
du-Bord-dc-Mcr. L*etTort principal de la résistance se portail à
* RcJAtion ât li pme des isles de Saiote-Margaerite et Saiot-Honorat
deLérins par les espagnols et de la reprise par les Français, tiret d'mm
/ournai comervi à Lérim et fait par un religieux qui était atort dam
ce monattire, {Archipei du Départetnent det Bouchts^du-Rhùnt^ f*mJb
Mcolajf, carton 1J9 i
- 3o5 -^
la pointe de la Croisette, où Richelieu, deux ans avant.
avait fait élever le fort de la Croix et des retranchements, dé-
fendus par une partie de la garnison d'Amibes et des milices
rassemblées à Cannes. Dans la matinée du 14 septembre,
deux cents hommes occupaient la ville et le lendemain leur
nombre était porté à sept cents K
Ces précautions étaient bonnes : le jour même de la reddi-
tion du Fort Royal (14 septembre)» les Espagnols faisaient une
attaque furieuse contre le fort de la Croix et s'avançaient
contre Cannes ; repoussés sur toute la ligne, ils se retiraient et,
abandonnant leur projet» ils rassemblaient toutes leurs forces
pour s'emparer de l'île Saint- Honorât. Le sieur d'Usech, ne
pouvant songer à résister à des forces si importantes, capitulait
le lendemain et n'obtenait pas des conditions aussi bonnes que
celles accordées à la garnison de Tile Sainte-Marguerite,
Dès ce moment, i5 septembre, les troupes réunies pour s'op-
poser à l'invasion des Espagnols en Provence étaient campées
à Cannes et aux environs ; elles se cpmposatentf outre la mi-
lice provinciale, des régiments de Vitry et de Courbon à douze
compagnies avec état-major, des régiments de Montmeyan et
de Maillane à dix compagnies avec état-major, et de deux
compagnies de chevau-légers du chevalier de Vitry '.
Ce même jour» les Procureurs du Pays envoyaient d'Aix
M. de Beaumont en poste à Cannes pour s*assurer s'il était
vrai que les Espagnols se fussent emparés des îles de Lérins ' ;
c est probablement sur sa réponse affirmative que le régiment
de Montgaillard venait, au mois d'octobre, de Tarascon,
prendre ses quartiers à Cannes * et que le 2 novembre les Pro-
* Bopcar. Chorographie de la Provence, \. Il, p. 900.
• Archivti du département des Bouches du- Rhône, C* a3,
^ md,.c. 614.
— 3o6 ^
cureursdu Pays décidaient de se rendre dans celte ville pour
prendre avec le gouverneur des mesures relativemeni à i'ar-
mée qui y campait *. Pendant ce temps, le maréchal de \'itn
ne restait pas inactif; il ordonnait aux ^^^ poudriers ^ de v«idrc
les poudres au prix ordinaire et dél'endait à tous autres de U
^Ksurmndre», Il dressait un règlement concernant la milice
de la Province et pourvoyait à la subsistance des troupes; >1
réquisitionnait des bois <f. pour la construciion de six cenU
gabions »> devant servir « au fort de la Croix t^; il appelait de
nombreuses compagnies à la garde du littoral et envoyait des
hommes armés à Gagnes avec mission d'empêcher qu'on fît
passer des vivres aux ennemis ^.
Tous ces préparatifs de résistance s'effectuaient sajis que les
troupes fussent inquiétées par les ennemis qui, redoutant Tar-
rivée d'une escadre française en armement dans les ports de
l'Océan, mettaient le temps à profit pour mettre les îles en étal
de défense : ^ Les espagnols, dit Papon S résolus de s y main-
tenir, tirèrent un plus grand avantage delà position des lieux;
ils creusèrent des fossés, firent des retranchements, élevèrent
des forts et apprirent aux Français, par leur exemple, que le
premier talent dans l'art de la guerre est de se précauiionncr
contre les attaques de l'enoemi, ^ C'est dans ces conditions
que s'ouvrait à Cannes, le 3o novembre lôSS, l'Assemblée gêné*
raie des communautés de Provence K
Dès l'ouverture de l'Assemblée, se manifestait cet esprit de
jalousie qui devait infiuer de façon si fâcheuse sur la marche
des événements; Tévèque de Sisicron et l'assesseur de Julian
• Papon, /ii$toire dt Propence, l. IV* p, 477.
* Archive X Ju département des lioucHei-dU'Hhône, C. iS.
— loy —
se disputaient le droit de répondre au gouverneur et cette con.
testation, sî peu opportune en présence des ennemis se forti-
^ant tranquillement dans leur coaquèlo (una foya incognita^
comme ils l'appelaient), éiail tranchée en faveur du premier.
Aussitôt après, les députés des Communautés, considérant que
le pays était accablé par les lourdes charges qui pesaient sur lui
depuis si longtemps et estimant que l'armée régulière, rassem-
blée à Cannes, sufhsait pour s'opposer aux attaques des Espa-
gnols, demandaient le licenciement de la milice provinciale.
t^ question n*étaît pas solutionnée et, en attendant, il était dé-
cidé que, nonobstant les règlements municipaux de Tarascon
Cl de Pertuis, leurs premiers consuls et à défaut les seconds
assisteraient aux assemblées. Puis le gouverneur, revenant à
la question militaire, demandait à la province d'entretenir en-
core pendant deux mois Karmée et les milices ; mais le pays
ne consentait à supporter ces frais que jusqu'au i5 jan-
vier i636 et ne maintenait que pour ce temps l'imposition de
quatorze sous deux deniers par Jeu et par jour levée pour
cette destination. Cette délibération était suivie peu après de
Tordonnance du maréchal de Vitry licenciant la milice.
Telles étaient les principales décisions d'ordre général prises
par les députés de TAssemblée générale des Communautés
ayant siégé du 3o novembre i635 au 5 décembre suivant.
La ville de Cannes ayant naturellement subi les conséquen*
ces fâcheuses de la situation, TAssemblée eut à s occuper de la
réparer dans ia mesure du possible.
Ledict sieur assesseur a représanté que la Communauté
de ce lieu de Cannes prenante requeste à iassamblée pour luy
donner cognoissence des grandes et excessives pertes quelle
supporte à l occasion de la descente de r armée espagnolle aux
isles deSainct-Honnoré et Saincte-Marguerite, quia obligé
r armée du rov de loger et camper dans ce Heu et son terroir.
^^o8 -
ie^ le quin^iesme de septembre dernier, laquelle armée leur
faict de sy grands ravages et dcgaslq, que le pays est oblig
d* y avoir esgard, puisqu'elle est arrestée en ce quartier pou
sa conseritation. N'y ayant pas de Vapparance que ce pauvre
lieu perde non seulement ses fruits et a fibres, qui est le seul
moyen de sa subsistance et négoce, maya encore qu'il wif
dépérir ses maisons, se commettre pieu sieurs larcins et
desordres, estant bien Juste que le pays en prenne compassion
et que tassamblee y délibère.
Sur quoy l'assamblée a délibéré que Monseigneur le gou-
verneur sera très humblement supplié que par son aucthoritè
tous ces désordres et ravages cessent comme aussy de faire
que par ses intercessions et faveur envers le roy, cesle pauj*re
communauté puisse avoir le rembourcement de tant de des*
penses qu'elle supporte *.
Ledict sieur assesseur a remonst ré qu'ayant Monseigneur
le gouverneur expédié ordonnance portant que la Commu-
nauté de Cannes fournira la despense d'un patron et dix ma-
rinniers pour un briganiin qui s'en va la nuict pour prendre
garde au dessain des ennemys. Et charge ladicte commumiuté
de Cannes rfV« supporter la despense de^ le huictiesmc nou*
vembre dernier pour en estre rembourcé par ordre du pays.
Messieurs les procureurs dudict pays qui se treuvent ici n'y
peuvent pas apporter leur consantemeni par beaucoup de rai-
sons et attendu la conséquance que ceste ordonnance portoit
au pays* Mays par leur attache auroient renvoyé ceste affaire
à la prochaine assamblée pour y estre délibéré. C'est ce que
ladicte communauté requter à présant.
Sur quoy IWssamblée a délibéré que ladicte communauté de
Cannes représentera le contenu de sa requeste aux prochains
' Voir à ce sujet \t% Archivts communain de Cannes, CC. 4S.
3o9 —
esiat^ pour y esfre pc' etilx prouveu en procédant aux gêné-
ralUs esgaliiationn.
L*hcureuse réussite du hardi coup de main lenté parles Es-
pagnols sur les îles de Lérins avait profondément impres-
sionné Richelieu et la Cour; au début d'une guerre mal pré-
parée, c était un échec qu*il fallait réparer à tout prix. Aussi
une activité fébrile régnait partout et, dans laitente de la re-
prise des îles, escomptée pour un avenir prochain, toutes les
mesures étaient prises dans le but de mettre la Provence à
l'abri de Tinvasion. Des investigations dans les archives com-
munales de nombre de cités provençales, notamment celles
que leur situation près de la côte intéressait plus particulière-
ment au succès de nos armes» fourniraient, à ce sujet, de très
nombreux documents '. Je dois me borner à signaler ceux
fournis par Aubenas * et à citer la lettre de Louis XI IK du
7 décembre ifiSS, prescrivant des armements pour chasser les
ennemis des îles de Lérins et donnant ordre de décharger les
lieux maritimes des impôts ordinaires. Voici donc cette lettre
qui, je le crois, n'a pas encore été publiée ' :
A NOZ TRES CHZnS ET BIEN AIMEZ LES PROCUREURS SINDICS
DE NOSTHE PAYS I>E pROVENCE*
De par le Roy, comte de Provence,
Très chers et bien aimez. Nous avons esté informez* tant
* Les Archipet communales de Cannes* dont la plus grande partie a
disparu» po^sèdeut le compte trésortire de t635-i656; il contient des
renseignements curieux sur les dépenses faites par la Communauté en
raison de li prise âe^ rtcs par les Espagnols. C'est tout ce qui reste des
documents intéressant cette époque si importante dans Thistoire de U
Gilé iAf^chit^ei communales de Cannes, CC. 44).
AuBiHÀS» Reprise des Hes de Lérins sur les Espagnols irÔSS-rÔ 3^)
p. 18 et suir,
* Archives du département des Bouches-du- Rhône, C, 986.
par le s' de Vallavez, député de nostre pays de Provence.
que de tous ceux qui sont particulièrement chargez de nosirc
service par delà» avec quelTe affection vous avez contribué à
tout ce qui vous a esté demandé de nostre pan dans les occa-
sions présentes>de quoy nous avons bien voullu vous tesmoi-
gner la satisfaction entière que nous avons et vous exhorter de
continuer à faire tout ce que nous pouvons attendre de vous
dans les charges que vous avez pour obliger noz subjecis de
nostre dict pays à concourir avec nous à toutes les choses né-
cessaires pour s'opposer aux desseins de noz ennemis et les
chasser des isles qu'ils ont envahies par la lâcheté de ceux qui
les gardoyent, vous asseurani que de nostre part il n'y sert
rien obmis. Et parce que nous avons recognù beaticoupde
bonne volionté dans les communautés des lieux voisins delà
mer pour fournir ce qui leur sera possible pour rarmemeni de
mer que nous avons résolu de faire faire, nous estimons quM
sera juste et nécessaire de les soulager autant qu'il se pourri
des autres charges du pays, attendu les fatigues et dcpcoscs
qu'elles se trouvent obligées de supporter pour esirc toujours
armées et en estât de se garantir des entreprises des ennemis.
Nous désirons doncque vous y ayez tout Te&gard qui se dcbvm
en justice. Et nous asseurants qu'en toutes occurenccs vous
continuerez de nous donner preuve de vosire affection à nostre
service nous ne vous en ferons celle-cy plus expresse. Donne
àSaint-Germain*en-Laye, le vu» jour de décembre H335.
« Louis *t De Vair ^
Cependant, malgré tous les efforts, la situation ne s'amélio-
rait pas ; les Espagnols continuaient à se fortifier dans les îles
elle î5 décembre, le marquis de Sainte-Croix partait pour
l'Espagne, laissant le commandement à Don Carlos Doria. Le
temps passait, rien ne pouvait être tenté contre les ennemis et
le 1" janvier i636, MM. de Baumettes et Bouche étaient dé-
putés à Cannes auprès du maréchal de Vitry et de Tévéque de
Nantes, que le Roi avait envoyé comme chef du Conseil de la
Marine, pour aviser au moyen de repousser les ennemis *. Ce
n'était pas cette démarche qui pouvait faire avancer les opéra-
tions militaires ; l'expectative continuait et il fallait entretenir
les troupes, armer des galères pour la défense des côtes. Cette
situation épuisait le pays de plus en plus et TAssemblée Géné-
rale des Communautés, tenue à Fréjus, le 7 février i636, était
obligée de voter 1.200.000 livres pour faire face aux frais delà
guerre '.
Il n'y avait rien à faire : le premier acte du drame était joué ;
le second allait commencer avec l'arrivée de l'escadre fran-
çaise qui, allant mouiller au golfe Juan et ensuite à Villefran-
che, passait en vue des iles le 10 août i636. Mais, il ne devait
pas se dénouer de sitôt; la jalousie et la mésintelligence entre
les chefs français se mettant de la partie, ce n'est que le
14 mai 1637, dix-neuf mois plus tard, que le drapeau de la
France flottait de nouveau sur les îles de Lérins reconquises.
Archives du département des Bouches-du-Hhône, C. 23.
Ibid., C. 2 3.
3i3 -
XI
OPPEDE AU MOYEN-AGE
et ses Institutions
par Lncien GAP, instituteur public à Oppcde.
Membre de r Académie de Vaucluse et d'autres Sociétés sapantes.
I — Sources.
Imprimés. — Dictionnaire historique, biographique et bi-
bliographique du département de Vaucluse, par le docteur
Barjavel (Carpentras, 1841-42, 2 vol. gr. in-8').
Istoria dellà citta dAvignone e del Comtado Venesino, par
Sébastien Fantoni-Castrucci (Venise, 1878, 2 vol. in-4<>).
Mémoire pour le Procureur général au Parlement de Pro-
vence servant à établir la souveraineté du Roi sur la ville d'Avi-
gnon et le Comté Venaissin par J.-P. François de Ripert de
Monclarj (1769, 2 vdl. in-8<>).
Correspondance administrative d* A ijonse de Poitiers, pu-
bliée par Auguste Molinier (Paris, 1894-1900, 2 vol. in-40).
Notes historiques concernant les Recteurs du cy-devant
Cowi/e- Venaiwin, par Charles Cottier (Carpentras, 1806, in-8"
de 440 pages).
Oppéde et ses environs, par Antonin Roussel (Avignon, 1901 ,
gr. in-80 de 74 pages).
— 3i4 —
Les Gascons en Italie, études historiques, par Paul Durrieu :
pages 107-171. Bernardon de la Salle (Auch, i885, i vol. gr.
in-8 de 111-279 P^g^s).
Saint Louis et Alphonse de Poitiers, par Edgard Boutaric
(Paris, 1870, 1 vol. gr. in-8»de 552 pages).
La France et ie grand Schisme d'Occident, par Noël Valois
(Paris, 1 896-1 901, 4 vol. gr. in-8<>).
Histoire générale du Languedoc, par dom Cl. Vaissette et
dom de Vie, édit. Privas (Toulouse, 1866-1905, 16 vol. in-4®).
Dictionnaire géographique, historique et politique des Gau-
les et delà France, par Expilly (Paris, 176370,6 vol. in-folio).
Manuscrits. — Histoire ecclésiastique, civile et politique
d'Avignon et du Comté-Venaissin, par Joseph Fornéry (Bibl.
d'Avignon et de Carpentras).
Polyptyque du Venaissin au Livre rouge du comte de Tou-
louse (Bibl. de Carpentras). .
Repertorium camerale (Bibl. de Carpentras).
Recueil de pièces extraites de la tour du Trésor et archipes
de Provence (Bibl. d'Avignon, mst. 2807).
Recueil de Massillian, diocèse de Cavaillon (Bibl. d'Avi-
gnon, mst. 2385).
Recueil d'Esprit Requiem (Bibl. d'Avignon, mst. 2879).
Pièces d'archives. — Archives départementales de Vaucluse.
série B.
Archives communales d'Oppède, séries AA i, 2 ; DD 2 ;
FF 1 ; GG 24, 28.
Archives hospitalières d'Oppède.
Archives communales de Cavaillon, série DD.
Archives communales dcChàieauneuf-Calccrnier, série AA.
— 3i5 —
II. — Oppèdedulir au XIV' siècle.
Oppède, commune de 1.076 habitants, canton de Bonnieux,
arrondissement d*Apt, département de Vaucluse, ayant joué
un rôle assez marquant au moyen âge, nous avons jugé utile
de faire connaître, dans ce Mémoire, l'histoire de cette localité
pendant cette période.
La première mention que nous ayons du nom d'Oppède se
trouve dans une charte du Cartulaire de l'abbaye de Saint-
Victor de Marseille * de Tan 1044, par laquelle Bertrand, comte
de Forcalquier, fait une donation à cette abbaye. Dans cette
charte, Wanthelme d'Oppède paraît comme témoin. Ce Wan-
thelme devait être un f)ersonnage important, puisqu'il figure
dans cet acte avec d'autres personnes de distinction.
Un siècle et demi plus tard, en 1182, Imbert d'Agoult et
Bérenger Raimond son frère, Guillaume Bermond et Bertrand
son frère, font hommage de leurs fiefs à Guillaume, comte de
Forcalquier, et parmi ces fiefs figure celui d'Oppède qui faisait
alors partie du comté de Forcalquier.
Ce fut sans doute envertu de la convention conclue en 1 195
entre les comtes de Toulouse et de Forcalquier ^ qu'Oppède
cessa de faire partiedu comte de Forcalquier pour être du mar-
quisat de Provence appartenant au comte de Toulouse. Nous
savons qu'en 1209 cette localité, munie d'un château-fort, était
un des domaines directs de Raimond VI qui, à cette date, le
céda à l'Eglise romaine, avec quelques autres châteaux, en ga-
rantie de sa promesse de combattre l'hérésie albigeoise. La
* Tome II, page 3. Cette charte est aussi insérée dans le tome V de
VHittoire générale du Languedoc, édition Privas.
- Mémoire pour le Procureur général, etc., tome \, pièces justificati"
y es, page i5.
- 3i6 ^
Sfdê du château d*Oppède fut alors confiée aux moines ^
Monimajour.
On sait que» par le traité de Paris de 1229, Raimond VU, fils
de Raimond VK dut céder au Saint-Siège le marquisat de Pro
venceou plutôt le Coinié-Venaissin. C'est, contraint parlalbrceJ
que Raimond VII avait fait cette cession, c'est parla force qu'il!
résolut de se remettre en possession de ce qu'il avait cédé à laj
Papauté. Mais avant, et pour donner une apparence de légalité J
à lacté qu'il allait commettre, il se lit délivrer par rempereurj
dWllemagne Frédéric II deux bulles, toutes deux de i235 : par
runej'tmpereur lui donnait l'investiture du marquisat de Pro*
vence cl, par Tautre» il commandait au seigneur du marquisat j
d'obéir au comte de Toulouse leur suzerain.
C'est alors que Barrai des Baux et Taurellus de Strata entré*
rent en campagne, s emparèrent de plusieurs places fortilîées,
entreautres decelled'Oppède (dont l'évéque de Ca va il Ion avait
alors la garde), sur Téglise de laquelle le légat du Pape jeta Tin-
terdit, ce qui n empêcha pas les généraux de Raimond VII de ;
faire rapidement la conquête de tout le marquisat.
Que se passa-t*il ensuite? Quelques historiens prétendent,
mais sans citer aucune pièce diplomatique à Tappui^que le Pape
rendit le marquisat au comte de Toulouse en 1243 ; d*auires
pensent que le Pape, ne pouvant empêcher efficacement le
Comte de récupérer le marquisat, lerma les yeux, en attendant
une occasion propice de s'en rendre déhniiîvement le maître
lUimond VU jouissait paisiblement du marquisat de Pro-
vence, lorsque le 2 des ides de février (12 février) 1245. par acte
rev'u par Hugues Krankenlenii, notaire public à L'isle *» il âc-
* Qututaife d/Oppède, n^ H Nous appelons ainsi le gros registre AA ï
des archives comrwunalesd'Oppède que Ton forma vers 1860 pir I4 nëuiiioit ^
de 6ç» pièces, dont t>S i^ur parchemin, ei que l'on munil d'une solide reiiurc
Nous désignerons ce registre par la mention CarL J'Oppède.
corda aux habitants d'Oppède Texemption du péage (
de Sabran *. Deux ans après, il confirma aux mêmes habitants,
le vil des ides d'octobre (9 octobre) 1248, l'acte par lequel Ai-
^geric de Clermont, son sénéchal du Vcnaissin, leur avait ac-
^Rdé» le 6 des ides de septembre (8 septembre^ 124G, les mé-
^H^Kivilèges et affranchissements que te comte de Toulouse
HW^Hccordés aux habitants de L'Isle en 1237. Par cet acte, les
habitants d'Oppède étaient déchargés de tout payement de la
leyde non-seulement dans leur village et territoire, mais encore
l dans toutes les terres de la domination du Comte, et de tous
péages, guesies, collectes et albergues. Le Comte se réservait
seulement les chevauchées et la juridiction qu'il avait dans ce
village. Mais ces privilèges ne furent pas admis par les Oificiers
de la Chambre apostolique du Comté Venaissin, et les habi-
^■its d'Oppède ne purent en jouir ^.
^■Raimond Vil mourut leij septembre 1249, laissant ses États
à sa fille Jeanne qui avait épousé, en 1237, Altbnse de Poitiers»
frère de saint Louis. Alfonse» déjà comte de Poitou, devint alors
comte de Toulouse et marquis de Provence.
^^^Devenu possesseur de provinces étendues, Alfonsc de Poitiers
pSf faire le relevé des droits et possessions qu'il avait dans cha-
cune des provinces soumises à sa domination. Le polyptyque
du Venaissin fut fait en i253; il se trouve à Paris aux Archi*
ves nationales et à Carpeniras à la Bibliothèque communale.
On y constate qu'a Oppède le Comte possédait la juridiction, le
château, le four, le droit de moudre son blé au moulin des
Hermiiants (moulin des Augustins de Sénanque), en payant
une poignée de blé pour chaque charge, et de nombreuses pro-
^^^ Cette eiemption fut confirmée aux habiunts d'Oppède par un décret
du vice-JégAt en date du 19 août 172^ (Arch comm. d'Oppède, AA2, folio 1).
* B»bL d'Avîj^noi), collect. MassUliaiïi mss- :t385, folio ï36 : Fornéry,
toœe l'\ mst. ;r7To. pages 33 7'32ë de la même bibliothèque.
^riéiés tenues par une soixantaine de censetaires; une qui
taine de personnes y possédaient des biens francs de cens
entre autres nobles Raymond de Aurafrigida, Gantelmc Bot
Guillaume de la Roche, Alfant Bonitace, Bertrand deTr
nés.
Outre les censés qu'ils payaient pour les maisons qu^ils >
paient et les terres quils cultivaient, les hommes d'Opp
devaient encore chaque année un jour, à la NoêLpour couf
le bois et rapporter à la maison du Comte; ceux qui n avai«
pas de bèie de somme n*étaient tenus qu a travailler un jour
couper le bois. Us devaient, en outre, une journée de travail i
carême pour la façon des vignes, une autre journée pour ia i
colle du foin, une lutre au temps de la moisson, une autre i
temps des vendanges, une autre enfin au temps des semaille
Les chevaliers et les fcudataires du Comte étaient seuls excmi
tés de ces six journées de travail. Les droits et possessions
Comte lui rapportaient annuellement 3o livres tournois cl
juridiction 20 livres tournois, au total 5o livres tournois.
A la morid*Alfonse(2i août 1271), suivie, trois jours apr
de celle de son épouse, tous les États du Comte de Poitiers ci (
Toulouse passèrent à Philippe le Hardi, roi de France,
neveu^ Le Pape réclama alors le Comté-Venaissin, mais le 1
de France Ht la sourde oreille. Enfin, au commencement
J274, le Venaissin fut remis au pape Grégoire X par Phitipp
le Hardi, et les habitants d*Oppède, réunis au nombre de ic
dans l*église paroissiale dédiée à Notre-Dame, prêtèrent
ment de fidélité à leur nouveau souverain le 1 1 des calendesd
* Parmi ces 209 personnes figurent noble Atfant Boniface, cticvihrr j
Rostaingdc Saumanc»bayle d'Oppède ; Bertrand deTrésémines. Kaimui
de Aurafrigida, Raymond de la Roque, chevaJier; Bertrand de Aumil
chevalier; Bertrand Raymond, damoiseau; Jean Iribolau, -^i^fi»
d'Oppède.
-3.9-
février (22 janvier) de la même année. Dans la même séance,
Rolland de Ménerbes, Alfant de Ménerbes et Bertrand de Mé-
nerbes firent aussi hommage et prêtèrent serment de fidélité
pour tout ce qu'ils tenaient et possédaient à Oppède *.
Oppède formait alors un des neuf bailliages du Venaissin.
Par acte du 5 des ides de février (9 février) de la même année
(1274), la garde du château fut confiée parle Saint-Siège à deux
chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, frère Augier (ou Eugène)
avec frère Foulques Rostaing pour compagnon '.
La même année, le jour des nones d'avril (5 avril), noble
Raymond de Maulsang, vicaire-général du Comtat, arbitre
choisi par le parlement de Ménerbes et celui d'Oppèdé, fit une
délimitation entre ces deux communes. Les seigneurs et d'autres
habitants de Ménerbes, ainsi que quelques habitants d'Oppède,
furent présents à cette opération. L'acte fut reçu par Hugues
Frankenlenii, notaire à L'Isle 3. Cette délimitation fut confir-
mée le 23 mars 1763 *.
Le 4 septembre 1281, Raymond Alquiérj', chevalier, et Ber-
trand Vitalis, marchand, procureurs de la ville de Cavaillon, et
Alfant Boniface, chevalier, et Pons Raymond, procureur de la
communauté d'Oppède, donnèrent pouvoir à Raymond Maul-
sang, chevalier, Guillaume Olive, chevalier de Saint-Jean-de-
Jérusalem, et Guillaume Aicard pour terminer les différends
entre ces deux communautés au sujet de leurs limites dans le
Luberon s.
Huit ans après, le 4 des nones de décembre (2 décembre)
* Mémoire pour le Procureur général^ etc. tome l, pièces justificatives ^
page Lxxx.
* Ibid., page cz.
» Cart. d'Oppède, n» i, et DD 2.
* Arch. communales d*Oppède, DD 2.
' Arch. communales de Cavaillon, DD i n» 3.
320
î 289, le parlement général d'Oppède, réuni au poruil Je]
place au nombre de 121 personnes, sous la présidence de Guil-
laume de Héginal. docteur ès-lois» juge du Comté Venaissin,
en présence de noble Gîraud de Ubra. vlce-gérent du Comut,
nomma noble Raymond de la Roque» chevalier, et Raymond
Lîffred d'Oppède» syndics ou procureurs, à Teftet de traiter avec
^ I^évèque de Cavaillon au sujet de la dîme, I/acte fut reçu par
Guillaume Rodulphe, notaire du Venaissin ^
Le iG février i3o2, Guy de Moniealcino» sénéchal du Comté
Venaissin, assisté de deux (et non douze) notables d'Oppëd^^l
Raymond de la Roque» chevalier, et Guigues Garnier, fît un
règlement pour Tusage de la montagne d^Oppède, ensuite du
partage tait en 12S1 de la montagne du Luberon, dont ces deux
communes avaient jusqu'à ce jour joui par indivis. Voîci en
substance ce que porte ce règlement : défense de faire des dé*
frichcmcnts ou rompues dans h montagne d'Oppède; ceux qui
en feront n auront pas le droit d'en défendre Tentrée au béuil
et il ne leur sera dû aucune indemnité si leurs récoltes soDt
mangées. Défense d y couper du bois et d'y faire du charbon
dans le but de les vendre, donner ou échanger hors du lieu*
Défense d'y faire des cendres appelées clavelades et d*y cueil-
lir des écorces. Tout habitant pourra construire une ramadc
(abri fait avec des branches et des feuilles) pour son troupeau
et en jouir pendant trois ans complets sans que personne puisse
rempêcher. Les pasteurs de la montagne pourront couper des
arbres pour leur usage et pour leurs chevreaux et agneaux quî^
à cause de leur faiblesse, ne peuvent suivre le troupeau. Tout
habitant d'Oppède pourra» pour son usage ou pour décoration
de son habitation, couper du bois etcueillir des rameaux. Toute
contravention aux dispositions qui précèdent sera punie d'une
• Cart. d'Oppède, n» a.
521 —
amende de 20 sols au profil de la cour que le Pape tient à Op-
pède. Le parlcmeni qui nomma les deux syndics fut composé
de 143 personnes, non compris les deux syndics. L'acte fut
reçu par le notaire Raymond Riperi *.
Par sentence du 3 décembre r3i4, Pierre Raynardi, juriscon-
sulte» procureur et avocat de la cour du Venaissin, commissaire
délégué par noble Bertrand Augier, juge majeur du Çomtat,
reconnut le terme posé au lieu appelé la Fourcbe-du-Puy-
Méjean comme séparam, sur le Luberon» les territoires d"Op-
pède et de Maubec. L acte passé à Pernes, dans la maison du
Juge, tut reçu par Guillaume Faraudi, notaire du Venais-
sin *. D'autres actes judiciaires eurent lieu les r\ 4. S, 9 et
î5 avril i3i5 sur le même sujet*.
Par jugement du 2 mai 1324, Bertrand Nocendi. vice-juge
majeur du Comtat(en absence d'Etienne de Videlhac,jui;c ma-
jeur et vice-recteur), tenant ses assises à Oppède. prononça l'ac-
quittement de Raymond BoUèguc, Alexandre Catalan et Ber-
trand de Trésémines, poursuivis pour avoir chassé sur le terri-
toire d'Oppède avec des chiens, des furets et des filets et avoir
pris deux lapins, contravention que les statuts du lieu punis-
saient d'une amende de cent sols. Cet acquittement fut pro-
noncé sur ce que le lieu où le délit avait été commis était limi-
trophe du territoire de Ménerbes où la chasse au lapin était
permise. Le vice-juge majeur fut assisté dans ce jugement par
Arnaud de Trians, seigneur de Talard, Chàteauneuf et Mont-
miral, maréchal de N. S. P le Pape et procureur et avocat de
la cour du Venaissin, Pierre Raynardi» jurisconsulte, viguîer
de la cour papale de Bonnîeux» et noble Raymond de Suxiis,
damoiseau, bayle eichàtelainde la cour papale d'Oppède. L'acte
* Cirt* d'Oppède, n*> 3.
• Ibid., D» 4-
Arch. commtinaled d*Oppède, FF 1, foL 3i 440,
coMOfita 21
^=^3o —
tant quesiîon de nos jours, était appliqué à Oppèdc plus de
cinq siècles avant nous.
Bernard de la Salle étant mort vers le 28 mai iSgi, comme
nous Tavons vu, le Saint-Siège reprît possession d'Oppêde qui
ne devait plus être inféodé jusqu'en i5oi.
Peu de temps après la mon de Bernard de la Salle, le vil-
lage d'Oppède fut pris par les troupes du vicomte Raymond de
Turenne. On sait que ce personnage, qui avait à se plaindre
du Pape, iui fit une guerre implacable et sema ruines sur
ruines dans le Comtat-Venaissin. Voici comment M. No^l
Valois ', citant une bulle pontificale du 1 5 décembre rSgS,
parle des actes de ce vicomte :
« Fréquemment, le sang coulait, comme à la prise de Vai-
son qui fut l'iruvre de Raymond lui-même. Visan, Pierre-
latte, Robion, Ménerbes, autres châteaux du Comial. dont les
gens de Raymond tentèrent de s'emparer» ne lui échappèrent
que grâce à la vigilance de leurs gardiens. Les châteaux d*Of>-
pëdc et de Beaumes tombèrent en son pouvoir : tous les habi«
lanis. hommes et femmes, furent emmenés prisonniers. De
nombreuses habitations devinrent k proie des flammes »,
Raymond ne (it aucun cas de la bulle d'excommunication
lancée contre lui et continua ses méfaits. Nous savons que ses
troupes s'emparèrent encore, entre autres, de Lafare, dans le
Comiat, et de Villars, près d'Apt.
Y a-i-il exagération» concernant Oppêde, dans la bulle pon-
tificale, ou bien les gens de Raymond attaquèrent-ils de nou-
veau ce village? Quoique en soit, voici ce que nousapprend
un document du 21 mai 1397.
Raymond Arnaud ♦ Jacques uarnier, Guillaume Florent et
d'autres ayant été arrêtés à Oppèdc et conduits en otage à
Roquemartine, par Jean des Moulins, dit Gratuse» un dt$
La France et te grand Schisme d* Occident, i, U, p. 33^*
323 -
-MicheL L'acte fut passé à Oppède
«in platea de ulmos^parle notaire Guillaume Riperi ^
Le II avril iSSg* le parlement généraLd'Oppède, réuni *< in
platea diai castri sublus ulmum ^ en présence de Guillaume
de Viainesio, bayle, et de Marc de Calma, clavaire, édicta de
nouveaux Uatuls de police complémentaires des précédents et
dont voici la substance : on ne chassera pas aux lapins sur le
territoire de la commune pendant un an à partir de la Saint-
André* Personne ne pourra, pendant ce temps, tenir à Oppède
desiurets, des chiens braques (entrants), des belettes, etc. Per-
sonne ne pourra, pendant le même temps, chasser les lièvres
aux filets* Ceux qui voudront chasser les lièvres sans filets
pourront le faire depuis le col de la Langue-de-l'âne jusqu^au
col du Deffens, mais personne ne pourra les chasser dans la
plaine, après la Saint-Michel. A partir de la même époque, il
sera défendu de tendre des lacs dans les clapiers ou dans les
vignes ou sur le passage du gibier. Défense de mener paître
ou de vautrer les porcs dans les boiies de la Riaille. On fera ce
qui a été ordonné par l'Eglise. — A ce parlement assistèrent
entre autres GeofTroi de la Roque, Guillaume de Ginhac, Gan*
tel me Bolin, damoiseau, Raylaud UtTred, Pierre de Flano et
Rostaing de Sabran, seigneur de la Tour de Sabran. L'acte
fut reçu par Pierre Canochi, notaire de L*lsle, et eut pour
témoins Jacques Giraud, vicaire de l'église d 'Oppède, Ray-
mond Bollègue, du Thor, et plusieurs autres* Dans cet acte se
trouve inséré tout au long celui du 2 des ides de février 1245.
dont nous avons déjà parlé -.
Le 2 juillet 1 340, le parlement d*Oppède accorda à Guillaume
Corrégati la permission de couper du bois à la montagne et
dans tes autres possessions communales pour les besoins de
* Cart, d'Oppèdc, n» 7.
• Ibid., n-8.
^ 324 —
la tuilerie que le d:t Corrégaii se proposait d établir près de
Saini-Jean, au terriioire d'Oppède, sous robUgation de fournir,
moyennani 5 sols» 5oo bonnes tuiles à la commune par four-
née. Cet acte fui reçu par le notaire Jean Edïn '.
En 1359, une procédure fui dirigée contre les habitants
d^Oppède par Jean du Grès et Astruc et Philili Caussin. frères,
juifs ei rciiiiersdes revenus tîscaux de la Chambre apostolique,
dans la Valmasque, à leffei de les faire condamner à acquitter
les droits de corvée, tenue et gerbaj^e» pendant les douze der-
nières années. Les habitants d Oppède se disaient francs de ces
droits et produisirent à l'appui de leur prétention un acte
du 9 février de Tan de T Incarnation i336, reçu par Ber-
trand Guillaume, notaire à Oppède. Le juge majeur, Laugier
du VaL concluait en faveiir des fermiers; mais le recteur,
Guillaume de'Rossilhac, considérant que ceux-ci n'avaient
nullement prouvé leur droit, décida que les habitants seraient
maintenus dans la franchise par eux prétendue jusqu'à ce que
des preuves plus concluantes eussent été produites devant la
cour majeure. L'acte fui passé à Carpeniras, le 7 scptcm*
bre i35g, par Elzéar Bramebaiaille. secrétaire de la cour ma-
jeure, en présence de Laugier du Val. Guillaume Mille, juge
des causes majeures du Comlat, Etienne Paucum et Jacques
Ludi» de Pernes *,
Le ^9 décembre de l'année suivante ( i36oh par acte re*|^u à
Oppède sur la place publique, par Bertrand fjuiilaumc, notaire
de cette localité, frère Jean-Ferdinand de Mérédia, de l'ordre
de Saint-Jean de Jérusalem* châtelain d'Emposte, en Espagne,
et capitaine général du Comié-Venaissin pourTEglise romaine,
accorda, à la communauté d'Oppède, une charte de privilèges
portant entre autres : défense aux étrangers de venir garder
Canul. d'Oppède, n»g»
Ibid., n* 10.
— 52^ —
leurs bestiaux dans le territoire d*Oppède ; ordre de murer le
nati de Valette et de tncttre derrière six hommes de garde
temps de guerre; permission aux habitants d'Oppède de
!haï>S€r toutes sortes de gibier dans leurs propriétés ainsi que
Bans les domaines du Pape, et défense aux étrangers d y venir
hasser sans la permission de la cour ; injonction aux gens
'Église et aux nobles de contribuer, loui comme les autres hâ-
tants d'Oppède. à la garde du lieu ; pouvoir aux hommes
'Oppède de garder les clefs des portes dti lieu. Cet acte*qui est
inséré tout au long dans un autre acte du r5 août i33i *, eut
ur témoin Bertrand Bodaud, damoiseau de Ménerbes, frère
uillaume de Lauris^ chevalier de Saint-Jean de Jérusalem,
récepteur de Roussilion, Raimond Eutrope, de Roussillon,
'îerreGuison de Robion, et Jean Botin.
Le ïS août i3G4Ja communauté, réunie en parlement géné-
K sous la présidence de noble Alfant DaureL châtelain du
u. transigea avec Gaucelin Botin, Bertrand Barbe et con-
sorts, au sujet du curage du fossé dans lequel passait Teau de
\n grande fontaine des prairies. Il fut convenu : i" Que tou-
R;s les fois qu'il serait nécessaire d^opérer le curage de ce fossé,
^ déblais seraient jetés sur les fonds riverains, mais de ma-
îère à leur causer le moindre dommage possible ; 2" Que ce
curage ne pourrait être fait depuis le premier jour de Carême
jusqu a la fétc de la Nativité de Saint-Jean-Baptiste; 3* Que les
riverains ne pourraient mettre obstacle à l'écoulement des
eaux en faisant dans ce fossé des barrages en pierres; 4^ Qu'ils
pourraient les détourner pour larrosage de leurs prairies ;
5* Que tout propriétaire pourrait faire abattre les barrages
u\ lui seraient nuisibles, lori^qu'il voudrait prendre de l'eau
• Cart, ii*Opptât, n* 53 2* feaiïle, et FF t, foL 40-43.
^— 326 ^
pour ses besoins ou pour larrosage de ses tonds. L ;
reçu par Bertrand Guillaume, notaire à Qppède ^
Le 21 mars 1370. uoe enquête fut faite par Pons Jean, furis-
consuhe, juge et vîguier de Llsle» assisté de Bertrand Guil-
laume, vice-chàtelaïn d'Oppède, ensuite de rincarcéraiîon à
Oppède de Guillaume Martin, de iMaubec, habitant de Lagnes.
et Isnard Garnier* de Saint-Christophe, bergers qui avaient
mené paître les brebis du Chapitre de Saini-Didier d'Avignon
sur le territoire d'Oppèdc. 11 résulte de cette enquête que le
Chapitre de Saint-Didier, comme seigneur de Maubec, ne pos-
sédait aucun pâturage à Oppède et qu'il n'avait pas le droit
d'y envoyer paître ses bestiaux. Défense fut faite, en conscf-
quence, à ce Chapitre^ de faire, à l'avenir, pâturer ses besiiâUTC
dans le territoire d'Oppède* Cet acte fut reçu par le notaire
Pierre Pranconi *.
Le 28 août j374» Pons Barthélémy ci noble Benrand Barbe,
dit Michoni, donnèrent quittance du prix des terrains qu'ils
avaient vendus à la communauté au quartier de Frigolel pour
rélargissementdu chemin public* L'acte fut reçu par Bertrand
Guillaume, notaire à Oppède ^.
III — Troubles du Schisme d'Occident et XV' siàcle.
Le village d'Oppède fut mêlé aux troubles qui marquent li
Hn du xn-* siècle et le commencement du xv* dans le Comui.
Il fut donné en fief au célèbre routier. Bernard de ta Salie,
natif non d'Agnani, comme le dit Barjavel \ mais bien dti
* Câft. dOppMf. H* H,
* Ibid., n* Il ; et FF. r^ fol, 44*50,
* Ibid-, n* i3.
* DUii^mnaire, t. 11, p. 390, art, Sâlle ( Bernard d« la).
— 327 —
diocèse d'Agen, comme l'a prouvé M. Paul Durrieu, d'après
un document des archives du Vatican.
A quelle époque? Nous n'en savons rien, mais probablement
à la fin de iSyS, ou au commencement de iSyg*. Cette inféo-
dation n'a été connue ni par M. Paul Durrieu, ni par M. Noël
Valois ; seul, M. Labande en a eu connaissance et a préparé
sur Bernard de la Salle un travail important qu'il a présenté à
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et qui paraîtra
probablement bientôt, il faut l'espérer, dans les Mémoires de
ce corps savant.
Bernard de la Salle, absorbé par la guerre contre les ennemis
de Clément Vil, ne pouvait s'occuper lui-même de ses nom-
breuses seigneuries. Par acte passé à Fondi, le 1 1 février iSjg,
par Pierre Gailhard, notaire d'Aix, il nomma pour son vicaire
et procureur général Guillaume de Cornac, archidiacre d'Aix,
auquel il donna pleins pouvoirs pour le représenter dans ses
diverses seigneuries et faire tout ce qu'un seigneur peut faire.
Cet acte très intéressant est inséré tout au long dans un autre
acte du 9 mars i383, dont nous parlerons bientôt.
Nous ne raconterons pas par le menu la vie de Bernard de
la Salle depuis sa prise de possession de la seigneurie d'Op-
pède, jusqu'à sa mort dans les Alpes dauphinoises, avant le
28 mai 1391, lors de la défaite de sa troupe de 5oo lances par
Jean III, comte d'Armagnac ; cela nous entraînerait trop loin.
Il nous suffira de dire que ce capitaine gascon avait de nou-
veau changé de conduite et emmenait sa troupe au service de
Jean Galéas Visconti, duc de Milan, lorsqu'il périt. Nous ren-
verrons donc ceux qui voudraient connaître les actions de
Bernard de la Salle, étrangères à Oppède, aux ouvrages de
MM. Paul Durrieu et Noël Valois, auxquels nous avons fait
M. Lat>ande pense qae cette inféodation eat lieu en i38).
- 32b -
de nombreux emprunts, nous bornant à faire connaître ici
les documents relatifs à Oppède dans lesquels il paraît comme
seigneur.
Le 27 février i383, par acte reçu par Hugues Barbier, notaire
de Ménerbcs, le Parlement général d 'Oppède réuni * in aula
Marquetî de Flanc ^ par devant Mathieu d'Abelhard, chàte*
lain et bayle d'Oppède pour haut et puissant seigneur mcssirc
Bernard de la Salle, seigneur du dit lieu, nomma pour procu-
reurs Marquet de Flano, Bertrand de Valréas. Pierre Plumcl.
Pierre Guillaume et Jacques Garnîer» Isnard de Florencit.
Raymond Uffrcd, Rostaing Framaud, Jean Etienne, Jacques
Catalan, Vassol et Etienne Chabaud pour poursuivre» devant
toutes cours laïques et ecclésiastiques, une décision sur la con-
testation qui s'était élevée entre la commune et les nobles qui v
résidaient au sujet du refus que faisaient ceux-ci de concou*
rira la garde du lieu '. Dans cet acte se trouvent les pouvoirs
de capitaine, châtelain, bayle et clavaire d'Oppède donnes à
Avignon le 14 décembre i382, par Guillaume de Cornac,
vicaire et procureur i^'énéral de Bernard de la Salle» à Mathieu
d^Abelhard. Furent témoins de l'acte, Antoine Monîcr» de
Robion ; Pierre Reynaud, savetier, de iMaubec; Jean Audoyn,
de Sisleron ; Raimond Ray nier, de Courthezon : cl Jean
Andras, de Robion*
Par acte du 9 mars i3S3, reçu par Hugues Barbier, notaire
de Ménerbes et passé à Oppède « m curtc fortalicii prefati
magnitki domini Bernardi de La Salla i^, (juillaumc de Cor-
nac, lieutenant et procureur général de Bernard de la Salle,
seigneur d'Oppède» assisté par Bertrand de Falgairal, chàic
lain de Ponl-de-Sorgues, rendu une sentence par laquelle
condamnait les nobles, domiciliés à Oppède, à concourir,
Ciri. d'Oppède, n* i5.
noi
:
— 329 —
comme les anciens ei les autres habitants» à la garde des por-
tes, murs et brèches du dit Oppède. Les témoins de lacté
furent noble Mathieu d*Abeihard, châtelain et bayle dOppède,
noble Alfant Daurel, Aicard Guigon. Pierre Nogayrol et plu-
urs autres habitants du lieu. Au bas de cet acte, se trouvent
scrés in-extenso, comme nous lavons dit* les pouvoirs con-
rés à Guillaume de Cornac par Bernard de la Salle \
D'après Barjavel % Bernard de la Salle accompagna la reine
Marie de Blois a Apt en i386 ; il est probable qu'il dut pro-
litcr de ce voyage pour venir à Oppède se montrer à ses vas-
saux et connaître celte localité.
Par délibération du 2i janvier tîgo, le Parlement gênerai
Oppède, réuni dans le ravelin de Sainte-Cécilet vendit le
quarantain de tous les grains et fruits à récolter et des gains à
liser pendant un an dans le lieu d'Oppède, à Henri Agar,
stier, habitant d'Avignon, moyennant 140 florins d'or de
sols pièce dont 5o payables à la fête de la Chandeleur, 43 le
premier jour de Carême et 45 le jour de Pâques. Il est à remar-
ier que cet acte reçu par Hugues Barbier, notaire de Méner-
s. qui est le premier de ce genre se trouvant dans le Cartu-
ired'Oppède, soumet au quarantain les gains et salaires réali-
par les cabaretiers, les hôteliers, les logeurs, les charretiers,
vendeurs de volaille et de gibier, les fabricants, les tailleurs,
les cordonniers, les possesseurs de censés et services» de lods
et trezains, etc. Furent seuls exemptés du quarantain le seigneur
d 'Oppède, le vicaire perpétuel du lieu* et Guy de Pestel. cosei-
gncur de Maubec, pour ce qu'il possédait à Oppède \ Cette
décision nous prouve que Timpôt sur le revenu, dont il est
♦ Cart- d'Oppkdt. n* 16.
■ Dictionnaire cité, i, II, p. 390» an. Salle iBcrntrd de U\,
* C«rt. d*Op(>ède, n* 17.
- 33o
tant question de nos jours, éiaii appliqué à Oppède plus de
cinq siècles avant nous.
Bernard de la Salle étant mort vers le 28 niai \3g\, comme
nous l'avons vu, le Saint-Siège reprit possession d'Oppèdcqui
ne devait plus être inféodé jusqu*en i5o[.
Peu de temps après la mort de Bernard de la Salle, le vil-
lage d'Oppède fut pris par ies troupes du vicomte Raymond de
Turenne. On sait que ce personnage, qui avait à se plaindre
du Pape, lui fit une guerre implacable et sema ruines sur
ruines dans le Comtat-Venaissin. Voici comment M. Noél
Valois S citant une bulle pontificale du 1 3 décembre i393>
parle des actes de ce vicomte :
< Fréquemment, le sang coulait, comme à la prise de Vai»
son qui fut Tœuvre de Raymond lui-même. Visan, Pierre-
latte, Robion, Ménerbes, autres châteaux du Comtat. dont les
gens de Raymond tentèrent de s*emparer, ne lui échappèrent
que grâce à la vigilance de leurs gardiens. Les châteaux d'Op-
pède et de Beaumes tombèrent en son pouvoir : tous les habi-
tants, hommes et femmes* furent emmenés prisonniers. De
nombreuses habitations devinrent la proie des flammes y^^
Raymond ne fit aucun cas de la bulle d excommunication
lancée contre lui et continua ses méfaits. Nous savons que ses
troupes s*emparèrent encore, entre autres, de Lafare. dans le
Comtat, et de Villars» près d'Apt.
Y a-t-il exagération, concernant Oppède, dans la bulle pon*
lificale, ou bien les gens de Raymond attaquèrent-ils de nou-
veau ce village ? Quoiqu'il en soit, voici ce que nous apprend
un document du 31 mai 1397.
Raymond ,\rnaud, Jacques uarnier, Guillaume Florent et
d'autres ayant été arrêtés à Oppède et conduits en ougc à
Roquemartine, par Jean des Moulins, dit Gratust, un dc^
* La France tt le grand Schisme d' Occident, i. If, p, JSg.
- 33i -
lieutenants de Raymond de Turenne. une convention fut
faite à Cavaillon, par-devant Véran de Brieude, notaire de celte
ville, entre la commune d'Oppède et Philippe Robert. Jean
des Moulins, dit Gratusc, et André-Noë Montrond, qui fai-
saient partie des bandes de Raymond, au sujet de la marque
que Gratuse prétendait avoir contre Oppède et ses habitants.
Des difficultés s^élevèrent ensuite sur la question du paiement
des i3o florins auxquels avait été évaluée Tindemoité due aux
prisonniers. Ceux-ci, de leur côté, se refusaient au payement
de leur cote-part dans le vinglain ou les vingiains, dont la
commune avait voté l'impôt- Rostaing de CarnioL procureur
de la commune, et Aniomc Vairéas, procureur des prison-
niers, de la volonté et consentement de noble Alfani Daurel,
EIzéar Arnoux, Hugues de Tresémines, Pierre Plumel, Gar-
nier Garnier, Guillaume Florent et EIzéar Fabre, prirent pour
arbitre de ce diiïérend Thomas de la Merlie, archidiacre de
Rodez (et non de Rouen), trésorier du Comiat-Venaissin.
Celui-ci décida que la commune fournirait iio florins de
rindemnité due aux prisonniers et que Gratuse et ses compa-
gnons seraient tenus d'acquitter les 20 autres ; mais que,
moyennant ce payement, les prisonniers acquitteraient, comme
les autres habitants, leur part des vingtains imposés. Cet acte
fut passé h Robion « in aula forialicii dicti loci * en présence
de Fornier Daniel, vicaire du dit lieu, noble Alfant Daurel et
Jean Andras, du dit lieu, par Simon Sal. clerc du diocèse
de Saint-Flour. notaire public, habitant à Robion K
Par acte du lendemain (22 mai iSgy), passé à Robion *f in
fortalicîi dicti domini * par Jacques Gilles, notaire à Joucas,
en présence de maître Simon Sal, notaire, Raymond Terrât et
Guillaume Bertrand, de Robion, Thomas de la Meriie, archi-
Ctrt. d Oppède, a' i8.
'332 -
diacre de Rodez, souscrivit, au profit d
ptîde, représeniée par Jean des iMoulins» dit Gratuse, Etienne
Chabaud et Restai ng de Carniol, une quittance : r de aoo flo-
rins ; 2« de 5oo florins ; 3* de 22 florins ; 4° de 1 5 florins ci
enfin de i3o florins, exposés à la poursuite du recouvrement
des précédentes sommes *.
Cette afl'aire était à peine réglée qu'une autre surgissait-
Réforciat d'AgouIt, chevalier de Rhodes, seigneur de Vergons»
nommé en 1398, par Benoît XIII, capitaine général du Corn-
tat, se saisit des Taillades la même année, ce qui est rapporte,
dit Fornéry -, dans la sauvegarde que le roi de France accorJâ
au Comtat le 3o décembre 1398.
Maître de cette localité, Réforciat d'Agoult la fortifia et en
fit son quartier général De la» il faisait des courses pour sur»
prendre tes localités voisines et rançonner leurs habitants, oc
négligeant aucun moyen de remplir ses coffres pour faire sab»
sister ses troupes, Oppède eut à souffrir de ce voisinage, ainsi
qu*cn fait foi un acte du 21 novembre 1399 dont voici la subs-
tance ;
Un poste de gens de guerre, commandé par noble Perrinct
du Four, capitaine de la Rogue d'Anihéron, connétable des
troupes des Taillades, enleva dans une de ses courses Jacques
l ffred d'Oppède et l'emmena prisonnier aux Taillades.
Celui-ci,voyantqu on torturait les prisonniers, trouva moyen,
une nuit, de s*évâder du plus haut point du château où il était
détenu. Il n*avait. disait-il dans sa requête, pas encore convenu
de sa rançon avec celui qui lavait capturé, ei n'avait pas pris
par serment rengagement de ne pas s'enfuir.
En apprenant cela. Perrinet du Four écrivit aux capitaines
et syndics d'Oppède, une lettre qu'il adressa à Praoçoîs de
• Mst> n* 54 j de la HibL de Carpeniroi, pa^o 4i5.
- 333 -
Conzié, archevêque de Narbonne et camérier du Pape, pour
réclamer 3o écus d*or pour la rançon du fugitif, menaçant de
prendre marque contre Oppède et de se payer au quadruple.
L ffred écrivit de son côté pour demander protection, protes-
tant contre l'illégalité de sa capture et contre ses concitoyens
qui menaçaient de le livrer à Perrinet s*il ne payait pas. Le
camérier commit cette affaire à Thomas de la Merlie, trésorier
duComtat-Venaissin,qui reconnut injuste la capture d'Uffred,
mais qui, pour éviter des malheurs, décida qu'il serait payé à
du Four i5 écus par Uffred et i5 par la commune, en réservant
à celle<i son recours contre Uffred pour être remboursée. L'acte
fut passé à Robion, dans le ravelin du portail, par Simon Sal,
notaire de ce village, en présence de noble Jean Botin, Ber-
trand Raffard et Guillaume Reynardi du dit lieu. Dans cet acte,
est insérée la lettre de Perrinet du Four, qui est en français et
dont voici la teneur :
« Chier e grant ami, je me recommande a vos et veullies sa-
voir que je me donne grant mervelhe de ce que vous ne maves
fait paier les xxx scus de quoy tant de foys vos ay script et saves
que je en ay fait coure devant aupeda et ay fait randre la prise,
excepté un cheval que je garde touiours pour cuider que vos
maportassies mon argent et je vous euse randu le cheval et
seray bon coursie que si il my convient coure autrefois, et je
neuse pas tant attendu ce ne fut pour ce que meser le senescal
raen avoit scrit quil me seroit paier pour quoy je vos prie et
requier que dedans quatre jours vous me ayes envoyé mon ar-
gent ouïe bayliesau bourc de la melee et vous en feres quite
ou autrement je vous promet que je feray en manière que le
denier vous coûtera quatre et de cy en avant me ternes pour
excuse, ce vous ne me fêtes reson encontinent, diou soit garde
de vous. Scrit au Puy-Sainte-Réparade, le xxii" jour de setem-
bre, de par Perrinet du Four »*.
* Cait. d'Oppëde, n* 20.
- 334 -
Pour ne pas être foulés davantage par les troupes des Tail-
lades, les gens d'Oppède firent probablement cause commune
avec elles. Ceci ressort de deux documents qui nous appren-
nent que les Oppédois avaient fait des courses sur le territoire
de Lauris.
Le premier de ces documents est un traité du lo mars 1400,
entre noble Jean de Cucuron, représentant le seigneur et la dame
de Lauris, et noble Gaucelin Botin, représentant la commune
d'Oppède, au sujet des dommages causés aux gens et à la com-
mune de Lauris par ceux d'Oppède, pendant et depuis la
guerre des Taillades. Il est convenu, par ce traité, que la com-
mune d'Oppède comptera à celle de Lauris, avant Pâques,
55 florins d*or et qu'elle fera transporter à ses frais dans celle-
ci sept tonneaux de bon vin. Les gens d'Oppède rendront éga-
lement à ceux de Lauris tous les bestiaux qui leur ont été pris,
ceux qu'ils détiennent encore et tous ceux ainsi pris qui
seront trouvés vivants, en quelque lieu que ce soit. L'acte fut
passé à Bonnieux par Jacques Ruffî, notaire de cette localité,
en présence de noble Imbert Geoffroy et Gilibert, habitants de
Bonnieux '.
Le second de cesdocumentscomplète le premier, dans lequel
il est question du dédommagement des habitants de Lauris;
c'est une sentence rendue le 9 avril de la même année 1400,
par Réginal Pétri, docteur ès-lois, juge de L'Isle, délégué à cet
effet par le Recteur du Comtat, contre la commune d'Oppède,
dont les habitants avaient fait des courses sur le territoire de
Lauris (et non Lagnes, comme le dit par erreur Y Inventaire),
en faveur du seigneur de Lauris qui avait obtenu à ce sujet
une marque contre Oppède. Par cette sentence, le Juge décida :
!• qu'Oppède serait tenu de payer 45 écus d'or au seigneur de
' Cart. d'Oppède, n« 22.
- 335 -
Lauris ; 2^* qu^Alfant Garnier. Guillaume Florent, Pierre Plu-
mel et leurs adhérents qui avaient fait dans ces derniers temps
des courses sur le territoire de Lauris, à l'occasion de la guerre
qui se faisait entre la place des Taillades et le Comtat-Venais-
sin, payeraient le restant de la marque du dit seigneur, se
montant cinq florins ; 3* que les gens de Lauris, qui, par Tirf-
termédiairedes susnommés, avaient recouvré les bestiaux que
ceux des Taillades leur avaient pris, leur en rembourseraient
la valeur, afin de les aider à acquitter la somme mise à leur
charge ; 4° si la commune d'Oppède était obligée, pour se con-
former à cette sentence, d'imposer une taille* elle serait répar-
tie sur tous en proportion des biens possédés par chacun
Lacté fut passé par Jean Bonicosii, notaire, nous ne savonsoù,
la fin de la pièce manquante
Reforciat d'Agoult, maître des Taillades, faisait la guerre,
disait-il, pour recouvrer les sommes que lui devait le Saint-
Siège. Il ne laissait passer aucune occasion de rançonner les
localités voisines. Un valet de sa maison ayant été tué par des
gens de Chàteauneuf-du-Pape, cette commune, pour s'éviter
des malheurs, transigea avec Reforciat et consentit à lui don-
ner en compensation 200 livres de 20 sols pièce, somme qui lui
fut, en effet, versée le i3 juillet iSgg*.
Il ne se faisait pasfaute non plus de donner asile, dans la for-
teresse des Taillades, aux ennemis du pape de Rome. Ainsi,
Antoine de Luna, qui abandonnait la Rectorie, vint s'y réfu-
gier en quittant Carpentras, en novembre iSgS '.
Comme on le voit, la place des Taillades incommodait fort
les localités voisines, et cette situation ne pouvait durer, d'au-
* Cart. d'Oppède, n« 23.
* Archives commanales de Cbâteanneaf-Calcemier 00 du Pape, AA i.
* Charles Cottixi, oaTrage cité, p. io3.
336
tant plus que Reforcrat d'Agoult ne se ravitaillait que <
ment.
Déjà, il y avait eu des pourparlers entre Reforciai et Be-
noît XIII ; enfin, une semence arbitrale du 23 mai 1399, ratifiée
le 26 par les deux frères d*Agoult et le 27 par le Pape, fixa à
6*000 florins Tindemnitéqui serait allouée à Reiorciat d'Agoulî
ei qui serait payée, savoir : 5. 000 florins par Benoît XIIJ cl
i.ooo florins par le Comtat» la ville d'Avignon ci le Sacré-
Collège, moyennant quoi la reddition de toutes ses places cl
l'évacuation de ses soldats étrangers auraient lieu dans quinte
jours. Benoît s*exécuta sans retard, le Comtat, la ville d*Avi*
gnon et le Sacré-Collège s'exécutèrent sans doute aussi, de sorte
que le village d'Oppède, par le départ de Forciat, départ qm
n*eui toutefois pas lieu avant le i3 juillet, se trouva débarrassé
des inconvénients résultant de son voisinage des Taillades*.
La iranquillitc et la sécurité étaient revenues à Oppcde.mais
ce ne fut malheureusement pas pour de longues années. Avant
de retracer Toccupation d'Oppède par Rodrigue de Luna, oous
allons faire connaître trois autres documents.
Le 4 août 1402, une enquête fui faite sur le droit qu avaient
les habitants d'OppèdCt et notamment Jean de FUux, Gull*
laume Isnard, Alfant Garnier, Guillaume Botin et consorts, de
faire rouir leurs chanvres dans toute la longueur du fosse dcî
Croies» droit contesté par d il! erents particuliers qui prétendaiem
que ce fossé devait être réservé pour labreuvage des bœufs et
vaches*
Par sa sentence du 8 août 1402 {et non 8 mars 1403), Rcgi-
nal Pétri, juge de L'ïsie, décida que la commune serait m^itit
tenue dans la possession de ce fossé et dans le droit d\ UÎR
rouir le chanvre. Le 1 1 du même mois» noble Alfant Daureli
* Noël Valois; ouvrage cité, t. 111, pages 217-318.
-337-
vice-bayle de ta cour d*Oppède, donna connaissance aux inté-
ressés de la décision du Juge, L'acte fut passé à Oppède, sur la
place publique, par Jacques Gilles, notaire de Joucas V
Le 20 juin 1404, Aimon Dalhc, vice-recteur du Comtat, ren-
dit une semence arbitrale sur une contestation survenue entre
la commune dXlppède et l'abbc de la Chaise-Dieu, comme sei-
gneur de la Tour de Sabran, lequel» contrairement aux statuts
d'Oppède, y avait envoyé paître des bestiaux dont les habitants
s*éiaient emparés et qu*ils n'avaient voulu rendre, malgré l*or»
drc que le recteur, Antoine de Luna, leur en avait donné par sa
lettre du 28 mai 1404, Il fut décidé que Jean de Gardelle, bayle
d*Oppède. ferait rendre les cinq moutons, lanesse et l'ànon
saisis par Rosiaing de CarnioL ancien bayle, et ses justiciables
àGuigue Marssatî, prieur de Saint-Palais (Sancti Paladii), dio-
cèse de Bourges, procureur de la Chaise-Dieu pour le domaine
de la bastide de Sa bran, et que celui-ci paierait les frais et s'abs-
tiendrait à Tavenir d'envoyer paître sur le territoire d'Oppède
des brebis ou autres animaux. L'acte fut passé à Carpentras
« tn piano rectoriatus», par Jean Aulanherî, clerc du diocèse de
Viviers, notaire à Carpentras, en présence de Jean Barihélcmi,
aussi nouirc à Carpentras, Guillaume de Prunis, de Mor-
motron, et noble Antoine Burgondion, de L'IsIe, châtelain
d'Oppède et procureur de Rosiaing de Carniol ^
Le 7 février 1408, par devant Etienne Chabaud, vice-bayle
de la cour dOppède, Rosiaing de Carniol et Pierre et Guil-
laume Ayceline se désistèrent de l'instance qu'ils avaient intro-
duite contre la commune d'Oppède pour la possession d'un
hermas servant de pâturage et de passage pour te bétail qu'on
allait abreuver à la fontaine de Codolozan et confrontant le
* Cart, dOppedtf» n»34.
coNaifei ^ 22
338
fossé et le chemin de Saint-Anioine et le chemin qui, de Caiail-
Ion, Kobion cl Maubec, s en va à Ménerbes. L acte fuipds>
la place publique d'Oppède par Jacques Gilles, notaire de j^^
cas, en préîience de Rostaing Chaberi, de Faucon, diocèse de
Cîap, Arnaud Petit, de Sainte-Jallc, môme diocèse» et BcrinuiJ
Catalan •.
IV. — Occupation d'Oppède par Rodrigue de Lmuu
fl y avait à peine dix ans que, Reforciat d'Agouk ayant éva-
cué les Taillades Ja tranquillité était revenue à Oppède, quand
de nouveaux malheurs fondirent sur ce village,
u Lorsque le pape Benoît XIII éioit parti pour Savone, il
avoil ordonnée Rodrigue de Luna, son neveu, de s'assurer de
la ville d'Avignon, en fortifiant le Palais et les autres postes pn>-
pres à lui conserver la ville. Il lui avoit associé un cxcellcni
homme de guerre» Bernard de Sos, vicomte d'Evoii. Les com-
mandants ayant encore introduit à Avignon de nouveaux ren-
forts catalans, ils furent en état d'occuper te Palais avec ia
deux autres forts qui éloient sur la roche des Domsja tour qui
est à la léte du poni, le petit Palais ei l'église cathédrale ^
« Rodrigue de Luna, en introduisant une forte garnison dam
le palais d'Avignon, s etoit saisi en même temps du château
d*Oppède( 1409)» qui étoit alors regardé comme une des plus
fortes places de la province, il y avoit laissé une fonc garnie :i
de Catalans, disent les actes de ce temps-là* Son dessein cuj.
avec ces troupes, de faire contribuer tout le Comtai et* parleur
moyen, tavoriser le passage de nouvelles troupeiqu'il aiteadoît
de Catalogne.
Cart d'Oppède, a* a6.
Fo»»ii»t« msL 547 de là Bibt. de Ccr^entfms. |
- 339-
« Pour mettre à couvert le Comtat-Venaissîn des courses de
ceue garnison, Jean de Poitiers, Recteur du ComXat, en vertu
des ordres qu*il avoit reçus du cardinal légat, disposa toute
chose pour bloquer Oppède, et pour disputer le passage aux
nouvelles troupes que les ennemis attendoient, il fit des levées
de soldats aux dépens du pays et forma bientôt un corps con-
sidérable, tant d'infanterie que de cavalerie, qui fut posté si
avantageusement que Tennemi n'osa pas l'attaquer ni pénétrer
dans le Comtat comme il faisoit auparavant. Ses soins s'éten-
dirent aussi sur les autres places exposées; par son ordre du
i3 oaobre 1410, il commit à noble François du Barroux la
garde du Barroux, Saint-Jean et Saint-Pierre de Vassols, le
cloître de Modéne, delà bourgade du Barroux, de l'hospice du
Groseau, de Serres et de Travaillan.
« Les châteaux de la judicature de Valréas furent confiés à«
la garde de Jacques Gay, Pierre Delphini et d'Albert Abellari :
c'étoient les châteaux de Boson, d'Asta (?), de Pierrelatte, de Ri-
cherenches, de Bolboton, de Boisset,de Sainte-Cécile, de Saint-
Pantaléon et de Saint-Roman de Malegarde.
« Et celles de la judicature de L'IsIe, où sont nommées Ca-
brières, Vaucluse, la Bastie (bastide ou Tour de Salsan), et Mé-
nerbes, furent confiées à la garde de noble Antoine Burgondion
et de Raimondon de Paceas. Cet ordre est adressé à Astoaudus
Astoaudi, conseigneur de Mazan, qui y est qualifié de « no-
bilis et potens vir » et de « domicellus » *.
Les sages précautions prises par Jean de Poitiers ne furent
pas inutiles ; la garnison d'Oppède continua bien à faire quel-
ques courses, mais elle ne put recevoir des secours.
« Je ne parle pas, dit M. Noël Valois*, d'une petite troupe
FoKiitiiY, mst. 647 de la Bibl. de Carpentras, pages S^g-bSo.
' Oavrage cité, t. IV, page 166.
— 340 —
de vingt à vingt-cinq cavaliers, conduite par les seigneurs
Etienne de Bacin ei Guichard de la Tour qui s'en vint de Sa'.
voie, au mois d avril 1411. pour tâcher de porter secours aui
Espagnols de la garnison d'Oppède. Ils furent laits prisonniers
à Caromb(Vaucluse), par Eudes de Villars, et emnffenésàCar-
pentras, d'où ils ne s'évadèrent qu'au bout de quatorze mois,
dans la nuit du 10 juin 1412 >».
Cependant, les frontières du Comiai n ctaieni point tran-
quilles. « Du côté du Dauphiné,on craignoit toujours uneînva*
sion des troupes du capitaine d*l£niremonts et autres associés.
|1 falloit entretenir à grands frais des garnisons dans tous les
châteaux et autres places sur la frontière; mais les principaux
officiers des troupes du Comtat ayant représenté au vicaire du
Pape que les troupes qu'on avoit mises dans quelques-uns de
ces lieux n'y étoient point en sûreté, comme à Richerenchcs, a
Saini-Panialéon et à Bolboion, on démolit ces lieux après en
avoir retire les garnisons, donc on renforça celles des autres
places ; du côté de la Provence on démolit Cabrièrcs ei la gar-
nison se mit à renforcer les autres postes et surtout les bordsdu
Rhône pour en défendre le passage aux troupes des capitaines
Sallemonc et d'Eniremonis, et comme, malgré le blocus d'Op-
pède^ la garnison ne laissait pas que de faire des counies, le
gouverneur (du Palais?), au commencement de 141 payant
proposé une trêve, elle fut acceptée pour le repos des lieux cir-
convoisins » '.
Pendant cette ircve, le roi de France intervint ei il y eut des
conférences de part et d'autre, en vue de la conclusion d*ui>
traité, «c Entin, ce fut par l'entremise de Pierre d*Acigné, séné-
chal de Provence, et de Philippe de Poitiers qui avoit amené
du secours afx Avignon nais, que le traité fut conclu le 3ô scp-
FonnÉHT, fflst. 1770 d 'Avignon, pugcs 697-^.
^34' -
3rede lan 141 u enire François de Conzie. archevêque de
Jarbonne, camérier du pape Jean XXI 11 et son vicaire général
CCI Étal; Jean de Poiiiers, évèque el comte de Valence et ck
^îe, recteur du Comiat-V^enaissin, et Constantin de Pergula, se-
rélaire du Pape, Du côié des assiégés, parurent Bernard de
Ds, vicomte d*Kvoli, et Rodrigue de Luna, Par le premier ar-
de» il fut stipulé que les assiégés pourroient envoyer trois per-
sonnes» avec chacune un valet, pour aller en Catalogne infor-
mer Benoît XIII de I*état du Palais et du château d'Oppèie et
pour demander du secours. 11 fut accorde que si dans cinquante
jours, il n'arrivait aux assiégés un secours suffisant pour faire
lever le siège, ils seroient tenus de rendre le Palais avec tous
les autres postes aussi bien que le château d'Oppède, et de vui-
der entièrement cet État, leur étant permis d'emporter armes et
bagages.
<t Plus que durant ces cinquante jours, il y auroit trêve entre
assiégés et les Avignonnais et entre la garnison d'Oppède
et les gens du Comtat. durant laquelle il seroit fourni en
payant aux ennemis des vivres et médicaments tous les deux
jours 1^*.
Tels sont le? principaux articles de ce traité que Ton peut
lir dans Fanioni^i. I, page 298, et dont plusieurs éuient rela-
fs à Oppède.
i Ce traité fut fidèlement exécuté de part et d autre. La garni-
>n d'Oppède, n'ayant pu être secourue, se décida à capituler.
|Lc 2a novembre 141 1, les gens de Benoît XIII évacuèrent le
Palais des Papes et le château d'Oppède; les uns retournèrent
dans leur pays avec un sauf-conduit du Roi ; les autres s'en-
gagèrent au ser\icc du duc Louis d'Anjou *.
' FoR^isf, mst. 2770 d'Avignon, page 6^9.
* \oét Valois, ouvrage cité. t. IV, pige 170. Dans la note 4 de la même
page» cet auteur dit : « J ai relevé plusieurs paiements faits par Benoît XIII 1
— 342 —
En évacuant Oppède, les gens d armes de Benoît XIII dévas-
tèrent et ruinèrent le château, qui fut ensuite remis en él^i par
les soins de Guillaume de Baux et de Jean de Cadard. comme
on le verra plus loin.
Après la reddition d*Oppède par Rodrigue de 1-una et ses
Catalans, Thistoire de cette localité perdant beaucoup de son
intérêt, nous allons raconter brièvement les faits qui s'y som
passés jusqu a Textinciion du Schisme d'Occident (1449 k ou
pluièi jusqu'à Tinféodation aux Meynier, en i5ok
De ï4(2 à 1436, la commune d'Oppède soutint un proccî»
contre les coseigneurs de Maubec qui prétendaient avoir le
droit de faire paître sut son territoire leurs bêtes bovines et ovi-
nes. Le procès, engagé en 1412 devant la cour d'Oppède, fut
perdu par les coseigneurs de Maubec* Guy de Pesiello» cheva-
lier, seigneur de Baransac, l'un d'eux, se pourvut en appel
devant la cour de' la rectorie du Comtat-Venaissin, en 1414
La procédure» suspendue en t4i6, fut reprise en 1418, puh en
1433 et enfin en 1436. Les intérêts de la commune furent
d abord confiés à Pons Chapelli et plus tard à Pierre V'alni.
ceux des co-seigneurs de Maubec à Jean Mostérii et, plus tard,
à Bertrand Boiini. Etienne et Jean de Bompuy, père et tiJs, de
Maubec, ayant succédé aux droits de Guy de Pestello. poursuî*
virent Taffaire en dernier lieu. Jean de Chalmeti, procureur
fiscal du Comiat-Venaissin, défendait les intérêts de la Cham*
bre apo«ïtolique et déposa des conclusions favorables aux inté-
rêts delà commune. Il produisit à leur appui : i" une sentence
arbitrale des r\ 4, H, 9 et 1 5 avril i3i5. de laquelle il ressorult
que la commune d'Oppède était en possession du droit de ban
dtirant les mois suivante, tux défenseurs d^Oppède ou du cblteAûde» ^ê*
pcs<Arch. du VâJ rcg. Aven. lAU» foi. 387 r», ago v». 3o8 v», 3igr«, J»f,
3a I r*. 3^ v). Je signalerai pariicaiièrement un don gracîetu de 4«ooo Ao*
rins d*or qu'il t]t, le 4 mars 141 a, au vicomte d'Evoli (IbUL, (ùU 88 ^| t«
— 343 —
et que quelques-uns des coseigneurs de Maubec avaient seule-
ment droit d'envoyer paître leurs bêtes à laine sur le territoire
d'Oppède ; 2' la charte du châtelain d'Emposte, du 29 décem-
bre i36o; 3-renquête du 21 mars 1370, de laquelle il ressortait
que la commune avait obtenu une sentence favorable contre le
chapitre Saint-Didier d'Avignon, alors coseigneurdeMaubec, et
dont les droits avaient été transmis successivement a Pestello
et à Bompuy. Le commencement du registre * manquant, on
ne peut savoir quelle solution définitive eut cette affaire. Tou-
tefois, comme les documents produits par le procureur fiscal
éuient favorables à la commune d'Oppède, il est très probable
qu'elle obtint gain de cause^.
Le 2 février 1420, le parlement général des chefs de famille
d'Oppède, réuni sous la porte du lieu, sous la présidence de
Siffrein Uffred, vice-bayle, donna procuration à Jacques Uf-
fred et Pierre Chabaud, pour souscrire, moyennant 742 florins
d'or, la vente passée par la commune à Jacquemin Tullia,
marchand d'Avignon, de la dîme des blés, raisins etautres pro-
duits du territoire d'Oppède, à percevoir pendant six années.
Cette aliénation eut lieu pour acquitter la cotisation imposée à
la commune dans la répartition des dettes du pays, savoir :
3oo florins d'or à (iuillaume Barthélémy, marchand d'Avignon,
et 242 florins 8 gros à divers. L'acte fut passé par Jean Scartti,
notaire à Bonnieux^.
Le 5 juin 1420, Jacques Uffred et Pierre Chabaud souscrivi-
rent, au nom de la commune, une obligation de 6 salmées
d'avoine, au profit de Pierre Alphant, licencié aux droits, de
* ArchÎTes commanale? d'Oppède, FF 1, petit in-folio de i58 feuillets,
dont plusieurs en blanc.
*Nous aTons analysé ci-devant les pièces des 29 décembre i36o et 21 mars
1370.
» Cart. d'Oppède, n* 27.
-344-
L*Islc. Laoïe fui passe à L'Isle par Jean Préposiu. fiouuc ac
cette ville \
Le 3[ mars 1433, le parlement général d*Oppède, réuni par
devant Jean Vallerii, capitaine et bayle d'Oppède, donna pro-
curation à Siiïrein UlTred et a Monei PlumeL d'Oppède. pour
gérer et défendre les i nie rets de la commune. L acte fui passé
sous le portail d'Oppède et reçu par Antoine Milo, notaire de
cette localité*.
Le Hî juin 1431:1, le parlement général» réuni sous le grand
portail d'Oppède par devant le bayle Jean des Moulins, donna
procuration à Monei Catalan et à Antoine Trésémines pourre*
présenter la commune dans toutes les affaires qu*ellc avait et
celles qu'elle pouvait avoir. L acte fut reçu par Antoine Milo,
en présence de Jean Valléry. vicaire perpétuel d'Oppède, ei
Raymond Liienne'.
Le 14 septembre 1439, le parlement général» réuni par un
mandement de noble Jean de Cadard, seigneur de Beau vezci.
châtelain d'Oppède, donna procuration générale à Jean Etienne
et à Jean Morlnas. dit Médicis. L'acte fut passé dans le château
d'Oppède par Antoine Milo, notaire de village, en présence de
Mathieu de Villebrame, châtelain d'Oppède, et de Nicolas Jou*
ben*.
Le ati octobre 1444* Antoine Trésémines et Elzé^ir tci*iud.
agissant comme syndics et procureurs d'Oppède, vendirent a
Pélegrin de Bunellis» marchand et citoyen de Carpeniras,
26 quintaux de laine bonne et marchande» pour le prix de
32 florins, payé comptant. L'acte fut passé à Carpeniras par
Pierre Valendi, notaire de cette ville \
« CifL d*Oppède, n' aS.
• Ibid., Il* 3o.
• Ibid.» n* 3i.
• Jbid., n* 5a.
• Ibid .n* 33.
^345 -
Le i() mai 1433, Jean Bouier de Maubcc vendit à la com-
mune d'Oppède, pour le prix de 4 florins d'or, une cave et un
cellier contigus, situés sous les mursd'Oppède, joignant le logis
de Monet Pomard et au-dessus du grenier d'Etienne Grivolat
et de la chambre de la CKariié. Lacté fut pissé sur la place
publique d*Oppèdc par Barthélemi Raymond, notaire de Ro-
bion, en présence de Matliicu de Villebramc, capitaine d'Op-
pèdc, et Guillaume Gilles, Jean de Flaux et Jacques Athenoux,
du même lieu. Le 28 janvier de Tannée suivante, la commune
fui investie de cette cave et de ce cellier par la Chambre apos^
loliqueV
Par acte passé à Oppède sur la place publique par le même
notaire, en présence de plusieurs témoins, enir'autres jc noble
Geoffroy Botin, le 10 décembre 1439» la commune d*Oppèdc.
représentée par ses syndics Jean Morinai, dit Médicis, et Juil-
lan Gilles, fit un échange de maison de l'hôpital d'Oppèdc avec
Hugues de Trésémines-.
Le lî décembre 1473, il fut passé une transaction entre Jac-
ques Perrin, clerc du diocèse de Eïourges. vicaire perpétuel de
l'cglisc paroissiale d'Oppède dédiée à la bienheureuse Vierge
Marie, et la commune d*Oppède représentée par Ekéar Cuni-
culij un des syndics. Gaspard de Carniol et Guillaume Ager,
sur la dimc de tous les fruits du territoire et la part que devait
prendre le vicaire perpétuel à Tentretienet réparation des orne-
ments de régUse. L'acte fut passé à Oppède, dans Téglise même,
derrière le grand autel, par Mathurin Peyron, notaire d*Oppède,
en présence de Michel Chambon, Pierre Bonoceti et Simon de
Brina, prêtres habitant le lieu d'Oppède^.
* Cart. d'Oppède, n* 34.
> Papiers de la Charité, parchemin non numéroté.
' ArchiTes communaJes d'Oppède, GG 24,
Le II mars 1476, la commune transigea avec Pascal Garnier
des Taillades au sujet des bornes qui devaient séparer les hcr-
mas communaux d'avec les terres et vignes du dit Garnier du
côté de la combe de Caveirane et de la fontaine des Fermiers.
L'acte fut passé à Oppède. sur le terrain contesté, par Maiht
rin Peyron, noiaire à Oppède, en présence de Jean Redonicr
bachelier aux lois, juge de la cour majeure de Llsle, Jean Co$^
tin et Jean Parent*,
Le 24 mai 1483, la commune constitua au profit de noble"
Thomas Busoffi, bourgeois d'Avignon, une pension de 10 Ho*
rins pour son capital de 100 florins. Cet acte fut reçu par Boni*
face de Blengeriis, notaire à Avignon. Le capital fut remboursé
le 28 mai i486 %
V.
Les institutions.
administration municipale — D'après les comptes consc
vés à Paris aux Archives nationales •* et reproduits dans THis
loire générale de Languedoc *, Oppède formait au milieu du
xm* siècle un des bailliagesduComtat-Venaissin, bailliage qui.
de 1357 à ia38, produisit au comte Alfonse 70 livres tournoK.
A la même époque. Oppède avait aussi un châtelain cl nous
trouvons en mai 1269 Tordre donné par Alfonse de Poitiers
à son châtelain d'Oppède d'aller faire ferrer ses chevaux à Avk
gnon ou à Tarascon 5.
Sous le gouvernement du Saint-Siège, le lieutenant ^ics j^d^x
> Can. d*Op|>«de. n« 16.
• Ibid . n» 37-
* I. 357. n* 6t, comptes de l*.innée nSj.
• Edition Priviu lomt \U\, p.
* Correspond, adininist. d'AtfORse de Poitiers, pitbliée pu Au^- MiM>
winm. H' 174I.
-347-
chef de toute Tadministration d'Oppède, porta le titre de capi-
taine châtelain et bayle ^
Mais ce fonctionnaire pouvait nommer lui-même un châte*
lain pour la garde du château et un bayle pour présider l'admi-
nistration municipale et rendre la justice ; il gardait pour lui
le contrôle de toute l'administration et rendait la justice quand
il ne se nommait point de bayle ou qu'il s'agissait de causes
importantes. Représentant du Pape, il était charge de la con-
servation et de la défense des droits et de$ intérêts du Saint-
Siège et assurait, en outre, le maintien de Tordre et de la sécurité
dans la commune.
Lorsque quelque intérêt communal était en jeu, le bayle
donnait Tordre au sergent de la cour, qui était pn même temps
crieur public, de convoquer le parlement des habitants du lieu.
Il était, nous Tavons vu, lieutenant du capitaine-châtelain et
pouvait nommer lui-même un lieutenant ou vice-bayle pour
le remplacer en cas d'empêchement.
Faute de documents plus anciens, ce n'est qu'en 1274, lors
de la délimitation entre Ménerbeset Oppède, que nous voyons
le parlement de cette dernière localité apparaître pour la pre-
mière fois.
Le parlement générai qui devait se composer, comme plus
tard, de tous les chefs de famille, n'avait pas de lieu fixe pour
ses réunions : il s'assemblait tantôt sous la grande porte du
lieu, tantôt sous l'orme, tantôt dans le château, tantôt ailleurs.
il décidait lui-même sur les questions qui lui étaient soumises
et nommait, s'il y avait lieu, des syndics, acteurs ou procu-
reurs. Pour que les décisions prises par le parlement fussent
valables, il fallait que les réunions se composassent au moins
des deux tiers de ceux qui avaient le droit d'y assister.
* Ce fonctionnaire recevait de la Chambre apostolique un salaire annuel
de 100 flor, dont 80 pour lai et ao pour ses lieutenants.
^ 348 —
Lorsqyll y avait à faire une transaction ou un compromis,
à opérer une délimitation de territoire ou un bornage de itf-
rains, à intenter ou à détendre un procès, à soutenir enfio ane
cause quelconque où l'intérêt de la commune était en jeu, le
parlement général élisait deux et quelquefois plusieurs syndics,
acteurs ou procureurs.
^^Les syndics, acteurs ou procureurs, ainsi nommés pour une
cause quelconque, étaient investis de tous les pouvoirs néccs-
saires pour mener à bien cette cause, et ces pouvoirs finissaient
avec la cause elle-même, c'est-à-dire que, la cause hnicv îctifs
fonaions cessaient.
Plus tard, les attributions des syndics devinrent plus stable*
et s*élendirent à tout ce qui intéressait la commune, et. vers le
milieu du xv* siècle» leurs fonctions devinrent annuelles. Ce
furent alors les syndics* au nombre de deux, qui faisaient con-
voquer le parlement général lorsqu'il y avait Heu de le réunir
Parfois aussi les syndics ou procureurs s'adjoignaient d'au-
tres personnes pouvant les aider dans leur tâche. Les personnes
ainsi choisies par les syndics ou procureurs prenaient le litre de
conseillers. C'est ainsi que, dans Tactedu 4 des nones de décem-
bre 1289. nobles Raymond Rainoardi et Alfant Boniface, che-
valiers, Pierre Raimbaud et Pierre Raimond m bonos viros •
figurent comme conseillers choisis par les deux syndics ou pro-
cureurs.
Nous n'avons pas trouvé trace de trésorier municipal pcn*
danî lepoque dont nous nous occupons; cependant, il devati y
en avoir un pour percevoir les recettes et payer les dépenses.
Or, comme dans ces temps reculés les pouvoirs n'étaient pâs
encore nettement séparés, le clavaire ou trésorier de la cour
papale d'abord, les syndics ensuite durent remplir celle fonc-
tion.
— 349 -
Nous avons fait connaître quelques procureurs au cours de
notre récit. Voici leà noms de quelques autres :
i3i4. Bertrand de Ginhac et Guillaume Uffred.
i356. Pierre Framaud, Michel Capus et Jacques Dassol.
1 356. Bertrand Garnier, Guillaume Garnier, Antoine Hugues
et Pierre Framaud.
1359. Pierre Chabaud, Pons Plumel et Hugues Aldebert.
i36o. Guillaume de Ginhac et Raymond Uffred.
1374. Guillaume Garnier, Hugues Raymond et Hugues de
Trésémines.
1399. Rostaing deCarniol et Etienne Chabaud.
Administration judiciaire. — Nous avons vu que le capi-
taine châtelain et baylc, lieutenant des Papes, était le chef de
l'administration du pays et spécialement de la justice. Il était
assisté dans ses fonctions judiciaires par un clavaire, un subs-
titut fiscal et un sergent ordinaire. Lorsque, au lieu de rendre
la justice lui-même, il la faisait rendre par le bayle, celui-ci
était assisté des mêmes fonctionnaires. Cet état de choses dura
jusqu'à rinféodation à Accurse de Maynier, en i5oi.
Quant au clavaire ou trésorier, il percevait les amendes infli-
gées par la cour et avait la garde des clefs du coffre où l'on
enfermait leur produit. Nous n'en connaissons qu'un seul, Marc
de Calma, qui paraît dans l'acte de i339.
Voici la liste de quelques capitaines :
1420. Guillaume de Baux.
1425. Jean de Cadard.
1433. Jean Vallerii.
1436. Jean de Cadard.
1453. Mathieu de Villebrame.
1460. Pierre de Cadard.
1479. Louis de Vassadel.
- 35o —
Voici les noms de quelques bayles ;
1274. Raimond de Saumanc.
i3o2. Alfanl RadeL
1397. SiiTrein Uffred.
1404, Rostaing de CaroioL
1404, Jean de Gardelle.
1435, Jean des Moulins.
Voici les noms de quelques vice-bayles :
1403. Noble Allant Dorel.
1408. Etienne Chabaud.
1420, Sîffrein Ulîred.
Les causes jugées par la cour papale d^Oppède pouvaient
être portées en appel devant la cour majeure de l'Isle, decelle<i
au vice-légat à Avignon, et du vice-légat à Rome.
Administration militaire. — Le châtelain avait la garde du
château et devait veillera sa sûreté et à sa défense. C'était lui qui
commandait la garnison entretenue dans le château même €t
les postes placés aux portes du village, postes dont celui du
portail de Valette, d après la charte de Jean-Ferdinand de Héré-
dia. châtelain d*Emposte» devait être de six hommes. Le châ-
telain était donc ce que Ton appellera plus tard un gouverneur
militaire.
Nous avons vu que, dès 1269, il y avait un châtelain à Oppède
Au début de la domination pontificale, il y en eut un auss»»
mais nous ne voyons pas que le château fût gardé par des
hommes d armes ; probablement, comme te conjectua* For-
néry, les habiunts du pays en faisaient la garde à tour de n5le.
Nous voyons que, plus tard, en i36o, en vertu de la charte
du châtelain d'Emposte, le portail de Valette doit être muré,
gardé à l'intérieur par six hommes en temps de guerre, et que
lous les hommes d'Oppède, unt roturiers que nobles et gens
^ 35i -
d'église, doivent contribuera la garde du lieu. Nous avons vu
aussi que les nobles d'Oppède qui avaient voulu s'affranchir
de cette obligation, furent condamnés, en vertu du jugement
du 9 mars i383 rendu par Guillaume de Cornac, vicaire géné-
ral de Bernard de la Salle, à concourir, comme les autres habi-
tants, à la garde des portes, brèches et murs d'Oppède.
Le château d'Oppède existait déjà en 1209, mais nous ne
savons, faute de documents, à quelle époque il avait été cons-
truit. Lorsque Rodrigue de Luna s'en empara en 1409, il dut
sans doute augmenter ses défenses. En évacuant le château, en
141 1, Rodrigue de Luna et ses Catalans le dévastèrent. Guil-
laume de Baux, nommé capitaine châtelain par Martin V en
1420, dépensa, pour y faire les premières réparations, 874 flo-
rins d'or (environ 10.800 francs) qui lui furent remboursés par
son successeur. Jean de Cadard, nommé en 1425. Celui-ci con-
tinua les réparations et y dépensa encore 2.800 florins (environ
35.000 francs). Ces dépenses furent constatées par un procès-
verbal d'expertise, dressé, le 26 novembre 1460, à la demande de
Pierre de Cadard, seigneur du Thor, fils et héritier de feu Jean
de Cadard, et les sommes dépensées furent remboursées par
le Saint-Siège au dit Pierre de Cadard *.
Pendant l'occupation d'Oppède par les Catalans, il y eut une
forte garnison au château. A partir de cette époque et jusqu'à la
Révolution, il y eut toujours un gouverneur et une garnison,
comme nous le prouvent plusieurs documents des archives
communales.
Voici les noms de quelques châtelains pendant l'époque qui
nous occupe :
1274. Jean Tribolati.
* Bibl. d'Avignon, mst 3879, folio 65. Ce folio est composé de quatre
feuilles de parchemin cousues bout à bout.
- 352 -
Frère Augier (ou Eugène) avec frère Foulques Ros"
compagnon.
. Berirand de Barras.
. Noble Raymond de Suxiis*
. Guillaume Deltenaris.
, AUant Boiin. damoiseau.
Noble Alfani Daurel.
Noble Maihieu d'Abelliard.
Antoine Burgondion.
Rodrigue de Luna.
Mathieu de Villebrame.
noms de deux vice<hâielains :
i328. Arnaud de Saint-Privai.
J370. Bertrand Guillaume.
Administration religieuse. — Pendant la période dont nous
nous occupons, Oppcdc était, au point de vue religieux, une
paroisse du diocèse de CavaiMon. Cette paroisse, dont IVglisc
devait être, plus tard, au milieu du xvr* siècle, érigée en collé-
giale, était alors un prieuré administré par un vicaire perpétuel
ou prieur « priore seu vicarii », lisons-nous dans le document
de 1289, Ce prieur ou curé, vu Timportance de la paroisse.
devait avoir un ou deux vicaires amovibles ou secondaires.
L'église paroissiale, sous le titrede Notre-Dame, eitistait dé|à
en 1235, mais nous ne savons ni quand ni par qui elle avait été
édifiée, Massillian ', Fornéry ' et Lapilly ^ ne donnant pas la
' BibJ. d'Avignon, rast ï3H5, foUo «36.
" BtbL de Carpentras, msts n" 549-550,
* Diçtionnairf géographique, historique et politique des Gaules et ée U
France, article Oppède ; — Manuscrit du même aateur sur Avignon et \e
Comtât-VenAi5sin« à la Bibl» d'Avigoon.
'date de sa construction. Au commencement du xvr siècle, plus
exactement en i5n, celte église est Jésignée sous le nom de
Notre-Dame de Dolidon ♦^ béate Marie de Dolidonis », Nous
avouons ne savoir nullement d'où vient ce nom de Dolidon ma-
ladroitement transformé en d'Alydon*
Cette église fut restaurée en 1547. De nouvelles réparations
furent faites en ï8i5, et en 1869» elte fut mise en l'état où elle
se trouve aujourd'hui.
Voici la liste des prieurs dont nous avons pu trouver les
noms pour la période antérieure à i5oî :
1274, Pierre Raymond.
i33q. Jacques Giraud.
1390. Pierre Sîger.
1436, Jean Vallery.
1473. Jacques Perrin*
Outre réglisc paroissiale, ii y avait de nombreuses chapelles
rurales dans le territoire. Le polyptyque du Venaissin au livre
rouge du comte de Toulouse» dressé en i253, fait mention,
article Oppède, de celles de Sainte-Cécile, Saint-Sébastien^
Saint-iMartin, Saint-Cassien, Saint-Anton in et Saint-Jean.
Celte dernière est signalée dans un acte du 2 juillet 1340 * et
celle de Sainte-Cécile figure dans des actes des i*r avril i3i5p
26 avril 1348,28 janvier et 3 novembre 1390, Celle de Saint-
Laurent appartenait jadis au prieur de Saint-Étiennede Méner-
bes et 6gure dans deux actes, Tun du 28 août 1487 et l'autre
du t3 octobre i5oo*
A ces sept chapelles, il faut ajouter celle de Saint-Joseph (à
côté de la mairie, reconstruite et agrandie en 1757)» celle de
r Hôpital et celle des Pénitents blancs. De ces dix chapelles, il
• Càti. d:Oppède. n' 9.
COKÛHàl ^3
- 354 —
ne subsiste plus, aujourd'hui, que celles de Saîni-Anionin» de"
Saint-Laureni, de l*Hôpital et des Pénîtenis blancs <.
Dans la période dont nous retraçons rhistoire, il y avait deux
cimetières à Oppède, celui de l'église paroissiale et ccloî de la
chapelle de Sainte-Cccile. En effet, dans le testament de Rav-
monde, épouse de Marc de Calvia» notaire à Oppède» du
22 mai 1347, on lit : « El eligo in sepulturam corpori meo in
ecclesie béate Marie de Oppîda in tumulo scu monimentum
suum meorum >. Dans celui de Jean Barbier, du 26 avril 1348,
on lit : ^ El eligo sepulturam corpori meo in cimenterie ecclesie
sancteCecilîe dicti loci in tumulo sive scpulturis domini patris
mei )*.
Institutions charitables. — L'Hôpital existait dtfjà au milieu
du xm' siècle ; il en est plusieurs lois question dans le Livre
rouge, article Oppède. En suite d'un échange conclu le to dé-
cembre J45q entre la commune et Hugues de Trésémincs.
rHôpital d'Oppède fut changé de place. Enfin, en [776. il fui
encore déplacé et installé dans 11 m meuble qu'il occupe encore
aujourd'hui.
Quant à l'oeuvre de la Charité, elle n est guère moins an-
cienne que rhôpital, ainsi que le prouve un vieil inventaire de
ses archives. Cet inventaire, dressé en 1778, signale aH docu-
ments sur parchemin, auxquels il faut en ajouter 2 qui, pour un
motif quelconque, ne furent pas inventoriés. De ces 3o docu-
ments» dont le plus ancien était de 1329, i3 seulement estis-
leiit encore aujourd'hui et vont du 22 mai 1347 au aHaoûtiSSS;
ce sont les numéros 2, 3» ii, ï3» 14. i5, i6« 24,^5, a6, 28 ci
ceujt des 10 décembre 1459 et 17 septembre 1548,
La Charité, qui était alors pour les pauvre:!^ ce qu'est
La confrérie des Pénitents blancs est al>olie depuis plus de Soattt.
- 355 -
aujourd'hui pour eux le bureau de bienfaisance, possédait déjà
des propriétés assez considérables en 1329, et, à partir de cette
date, elle reçut de nombreux legs, tant jusqu'à la fin du xiv* siè-
cle que dans le courant du xV et des suivants. Elle était admi-
nistrée par un bayle et 2 ou 3 recteurs, dont les fonctions
étaient annuelles.
Furent recteurs de la Charité :
1387. Hugues de Trésémines, Jean Etienne et Monet
Vassol.
1390. Noble Alfant Daurel et Pierre Plumel.
Fut bayle :
1399. Guillaume Uffred.
Autres institutions : Institutions financières. — Les seu-
les ressources de la commune étaient ses forêts et ses pâtura-
ges. Lorsqu'elles étaient insuffisantes, ce qui arrivait souvent,
on établissait le souquet (impôt sur le vin), la rêve (impôt sur
la viande) et le capage sur les bestiaux. Lorsque les dépenses à
faire étaient trop considérables pour que ces ressources pussent
suffire, on votait l'imposition, soit d un quarantin, soit d'un
vingiain, soit d'un dizain. Cest ainsi qu'il fut voté la levée
d'un quarantain en 1390. d'un vingtain en 1397, d'un autre
vingtain en 1399 et d'un dizain en 1420.
Le notariat. — Le notariat existait à Oppède aux xiv« et
xV siècle. Voici la liste des notaires d'Oppède dont nous avons
trouvé les noms pendant la période dont nous nous occupons:
1347. Marc de Calvia.
i356. Bertrand Guillaume.
1413. Jacques Gilles, clerc de Joucas (diocèse d'Apt).
1433. Antoine Milo, clerc de Pontvellin (diocèse de Vé-
létri).
- 356 -
1473. Mathurin Peyron,
1499, Léonard Peyron,
Inatitutions scolaires. — (I y avait des écoles dans diverses
communes du Comtat, dès le milieu du xiv* siècle. Les délibé-
rations et les compies d'Oppède ne remontant pas à Tépo^iic
du ^rand Schisme d'Occident, nous ne saunons dire, faute de
documentas! les écoles que nous voyons fonctionner en i5So
dans cette localité existaient pendant la période dont nous oou^
sommes occupés.
Institutions joyeuses. — Dans chaque localité du Comtat,
il y avait, avant la Révolution, les chefs des plaisirs qui diri-
geaient les danses et autres divertissements de la jeunesse lort
des fèies publiques Les chefs des plaisirs portaient des noms
divers variant avec les localités ; abbés de la jeunesse* abb^
de Malgouvert, abbés de Bongouvert, abbés de la Basoche,
princes d'atîiour. rois des bouviers, roi des vignerons, rois
des arbalétriers, rois des arquebusiers- Nous ne saurions dire
non plus, faute de documents plus anciens, si la compagnie
des arbalétriers et celle des arquebusiers* que nous %*oyon$
fonctionner à Oppède en i54*jet même en r536. cïistaicn!
pendant la période dont nous venons de retracer rhistoîre.
VI — Appendice.
Toponymie. — Le polypiique du Venaissin, dressé en ia53.
renferme, article Oppède, de nombreux noms de lieux-dits.
dont beaucoup portent encore les mêmes désignations dans le
cadastre actuel. Nous citons tous ces quartiers en mcitani
entre parenihcsc, à côté des noms anciens» les noms donnés
par le cadastre actuel :
Marquier» Acha, Gaviac, Furnis. Putheum novum» Crucem,
reiro Castèllum, Thorale rfourail», Causalonem (le Caulon),
Gencirac ((jeneiras), Combrès (Combrès), Praia, Briquna
(Brécugne), AIrico, Sainie-Cécilie (Saime Cécile), Foniainil-
las (Fontanille), TombarcI ( Tombereau), Casanova m (Case-
neuve), Foniem Hu^onis, Codalei (Coudourei), Fontem coo-
pcrtum (Font couverte). Poaracam, Tailhadas, Boisson redon,
Agasium, valle Berme, Saussum, Périssol (Pérussol), Barail
(Barraih, Caniaperdnx(Canteperdrix)»Conquas(les Conques),
Malperius (Malperiuis), Condamina (la Condamine), Jaubert»
S-"* Cassianum (Saint-Cassien)» Garrigam (la Garrigue)* Fon-
iem Corium, Ripam fraciam (Ribefache), S'"" Martinum
i Saint-Martin), Auream Vacam, Pérîer de Casauc. S*"" Sébas*
lianum (Saint-Sébastien), Rascassac, Chabergam» valle de
Fors, Corrososa (Courroussoudeu Podio rotundo (Pierredon),
Fontem pratum, Fontem de Auriolo» Vaicarolus, Rigaui
(Rïgouau)» S"** Antoninum (Saint-Antonin)»Carnave (Carna-
vci)t Podio Guererio, Boisseriam (les Bouîsserettcs), Ghaberta,
01ivarium« S^""* Johannem (Saint-Jean).
Les anciennes familles — Plus de i5o familles différentes
habitèrent Oppùde pendani les xnr, xiV et xv siècles. Les
principales de ces familles étaient celles de : de Boniface.de
Boiin. d*Aurafrigida, de Flaux, de Guigon, de Bompuy, d'Au-
neU de la Roque, Framaud» Valréas, Plumel, Catalan, Silves-
tre. Gavaudan, Garnier, Pélissier, Gauiier, Joubert, Corregaii,
Morinaii, Hugon, Guillaume. Trésémines. Ftorencii» Bonnet,
De toutes ces nombreuses et anciennes familles, seules celles
de : Pélissier, Silvestre, Garnîer, Molinas. Deflaux, [Bonnet,
Bompuy, Gévaudan résident encore dans la commune*
Toutes les autres familles habitant aujourd'hui Oppède sont
relativement nouvelles» ei les plus] anciennes d^cnirc elles,
-- 358 -
comme les Bruneau et les Piquet» ne remontent pas au dcli
du commencement du xvr siècle.
Biographie. — Outre Wanthelme dOppcde, dont nou
avons déjà parlé, nous devons citer encore» comme ayant \éci
pendant l'époque dont nous nous occupons :
Pierre Garin qui fut témoin, à Cavaillon. avec d'autres per-
sonnages de marque, à l*acte du 3 juin 1263, par lequel Ri^fi
mond Boslygon, juge du Venaîssin. tît une délimitation eni
Cavaillon et L'Isle L
Raymond d*Oppède qui fut évéque de Sisleron. de i3ioi
r326.
Bertrand Guillaume, notaire à Oppède. qui passa les acïc
de i356, i36o, i3(J4 et 1374 et fut vice-châtelain d*Oppcdc efl
iSyo. Par son testament du 7 juin 1387, il fonda une chapct
leniedans Féglise d'Oppèdc.
Noble Alfant Daurel qui fut capitaine d'Oppède en i36
vice-bayle en 1403 et fit donation d'une chambre et d'uni
vigne à la Charité d'Oppède, par acte du 17 novembre 1Î98.
11 appartenait à la famille d'Aurel qui existe encore aujour-
d'hui.
PopulatioD. — £n 1269, lors de la levée d*un fouage dans I
Venaissin, Oppède fut taxé 38o livres pour 168 feux *.
comptant en moyenne 4 personnes et demie par feu, la pop
lation de cette localité aurait été alors de 756 personnes; envi-j
ron. En 1274. lors de la désemparaiton du Comiat en faveu
du Saint-Siège, 209 personnes prêtèrent serment de tidcliié,
En comptant deux fois et demie autant de femmes ei d'enfanU
* Archives communatea de CavâUlon, DD i n* i
' Boî;taiiiCj Saint LquIm et Alfon$e de Poiiiers, pige 3i 1
— 359 —
que d'hommes, la population d'Oppède aurait été alors d'envi-
ron 73 1 habitants. Vers la fin du xiii* siècle, Oppède devait
donc avoir de 7 à 800 âmes.
En terminant ce Mémoire, nous nous faisons un plaisir et un
devoir de remercier publiquement M. Bruneau, maire d 'Op-
pède, et M. Piquet, secrétaire de la Mairie, qui nous ont faci-
lité notre tache : le premier, en nous permettant de puiser dans
les archives de la Mairie les matériaux de notre travail ; le
second, en nous aidant à identifier les noms de lieux.
Lucien Gap.
- 36i -
XII
L'Administration d'une commune de Provence
sous L'ANCIEN RÉGIME
SAINT-JEANNET (AIpes-MariUmes)
Par M. Joseph-Etienne MALAnsSÉN£,
Juge au Tribunal civil de Semur,
La commune de Saint-Jeannet (Alpes-Maritimes), que nous
avons prise pour base de cette étude, dut obtenir les franchises
municipales vers la fin du xiv* siècle, probablement de la Reine
Jeanne qui octroya beaucoup de privilèges aux communes
avoisinantes. Nos recherches dans les archives locales n'ont pu
aboutir à la découverte de la date précise de cette création, pas
plus que nous procurer des renseignements détaillés sur la
situation administrative de la période antérieure au règlement
de i63i. Les quelques documents retrouvés nous ont toutefois
permis d'établir qu a Torigine le Corps municipal de Saint-
Jeannet se composait de deux Syndics (scindici) chefs de la
communauté, d'un Clavaire (clavarius) remplissant les fonc-
tions de trésorier, de quatre Estimadous,de trois Regardadous,
detroisAuditours des comptes trésoraires, de deux Lumeiniers
ou Recteurs des * luminaires » de Téglise. Ces officiers, avec
l'adjonction des « plus apparans ^ du lieu, formaient le Con-
— 362 —
seil ordinaire. Le Conseil général, en outre des officie iv susiic
mes, comprenait « tous chefs de famille *.
Jusqu'en i63o. les réunions se tinrent en plein air, à la<i pk
cette du Saint-Esprit », patecq rocailleux, sttud jadis au non
du petit jardin contigu à l'ancienne église paroissiale, aujouf
d'hui espèce de parvis donnant accès au cimetière,
A celte date» la communauté, désireuse de plus de conforta^
bie et de posséder un local qui lui permit de braver tes intem-
péries, lit lacquisition d'un immeuble qu'elle atfecta au senic
d*HôieUde-ville. celui-là ménieoù les édiles modernes lienncfl
leurs doctes assemblées. Dès lors, le Conseil déserta la plac
du Saint-Esprit pour se réunir dorénavant dans la m maison
commune ^. -^^c Congrégé à son de cloche et à cry public », T
s'assemblait sous la présidence du sieur ^ bayle )• qui chaflg
au début du xvn^ siècle son appellation provençale en ccH
#t lieutenant de juges».
Dans la seconde moitié du xvr siècle, les syndics prirent I
nom de^tconsuls ^ (consouk), expression formelle de plu$d*ifi
dépendance. Le clavaire fut appelé le trésorier; les estimadous«1
les regardadous, les audilours devinrent respectivement tel
estimateurs, les regardateurs et les auditeurs. Mais si lesdési^
gnatîons se modifiaient, les anciens errements subsistaient.
Premier règlement municipal, 7 décembre 1631.
Ce fut le 7 décembre i63i que les pratiques de V ^ accou
tumée 1* firent place à un règlement municipal, dressé
M* Pugnaire, avocat à Grasse* Cet acte, homologue par
Parlement, après adoption par le Conseil, constitua, désormais
la charte locale
En vertu de ce règlement, le Conseil prenait, suivant Icscif
constances, le nom de Conseil ordinaire ou dû Conseil génir
— 363 -
Le Conseil ordinaire était composé de deux consuls, du tréso-
rier, des auditeurs des comptes, des regardateurs et des estima-
teurs, formant le nombre de douze, auxquels était adjoint le
greffier qui n'avait pas voix délibérative. Le Conseil ordinaire
« peut delliberer, disait le règlement, sur les affaires ordinaires
et accoustumées sans y appeler aucuns autres et pour les extraor-
dinaires n'excédant pas dix livres ». Le Copseil général com-
prenait les membres du Conseil ordinaire de Tannée courante,
ceux de Tannée précédente et. en outre, * vingt des plus appa-
rans intéressés » choisis par le Conseil ordinaire en exercice.
Ainsi composé, il pouvait compter quarante-quatre membres,
mais le règlement lui permettait de délibérer valablement avec
un minimum de vingt-quatre. C'est cette assemblée qui déci-
dait sur toutes les affaires importantes, telles que : impositions,
emprunts, litiges, etc., et qui procédait annuellement à Télcc-
tion des officiers municipaux, dénommée à Tépoque * la créa-
tion du nouvel Estai ^,
Règlement du 16 juillet 1671.
Ce règlement de i63i fut en usage jusqu'en 1671, bien que
déjà, en 1647,1e conseil eût manifesté le besoin de le modifiera
raison des grosses difficultés d'application résultant « de la peti*
tesse du lieu et des grandes alliances et parantages qui sont
entre les familles ^.
Le nouveau projet ne fut homologué que le 16 juillet 1671.
Il instituait les conseillers titulaires et suppléants et supprimait
un auditeur. 11 demeura en vigueur jusqu'à la Révolution sans
subir d'autres modifications que celles apportées par la création
et la vente des offices municipaux.
Création du Nouvel État.
L'élection du Corps municipal, appelée la création du Nou-
— 364 ^
vel Etat, avait lieu le 26 décembre dé chaque année, I.e Con&eil
général, «c après avoir ouy la Saincie-Messe ». se réunissait h la
Maison commune <c de Tauthoriié et présence du lieutenant de
juge et à la requestedes sieurs consuls ». Ces officiers, jusqu'en
i63i, proposèrent leurs successeurs et les autres membres du
Conseil à rassemblée générale qui les agréait par voie d'accla-
mation, le plus souvent sans !a moindre observation. Mais
dans la suite, les consuls présentèrent trois candidats pour
chaque emploi et 1 élection se tît <c à pluralité de voi:ç 5^, c'est»
à-dire à la majoritc relative et au moyen de ^ ballottes ?♦.
Après l'élection du Corps-municipaU venait celle des « Syn-
dics des forains possédants bien en La Gaude, résidants à
Saint-Jean net, pour assister aux comptes et delliberations du
Conseil dudit La Gaude ^*
ï^ Consuls, — Les consuls, appelés respectivement le pre-
mier et le second consul, étaient les plus hauts rr^agîstrals de
la communauté. Leurs fonctions équivalaient, à Fépoque, i
celles de nos maires ei adjoints actuels. Us convoquaient le
Conseil aux assemblées, représentaient la communauté en
toutes les occasions et prenaient ran^ç dans les cérémonies civi-
les et religieuses après les officiers seigneuriaux. Leur choix
devait s*effectuer parmi « les plus apparans 1», possesseurs d'au
moins 10 florins cadastraux au lieu ou son terroir. Les consuls
sortants ne pouvaient plus être nom mes à une charge inférieure,
ni être réélus consuls que trois ans après leur adminisiraiion
Lors de la constitution des communes dans la société féodale,
on donna, d'une façon assez générale* le nom de Maire oa
Mayeur fmajor) à celui des membres du Corps municipal qui
le présidait. Mais à Saini-Jeannei. cette innovation n intervint
qu'en lySj. Le second consul garda son tiire originel. Dès
tors» les deux consuls furent désignés sous le nom colleaif de
Maire-consuh.
Cest aussi sur le tard que les chets de U tnanîcipalite Saine-
Jeannoîse furent revécus d'iasignes. Le -i iaavier 1780* le sei-
gneur pnitîa de Leur présence dans son château de Tourrettes.
où ils étaient venus lui apporter leurs souhaits de nouvel an.
pour leur Eure part « qu'il désirait que la communauté se dé^
terminât à donner des chaperons aux sieurs cî>nsuls. tint pour
en rendre la qualité plus apparente que pour prévenir.en temps
de guerre, des însaltes et des mauvais traitemens, êunt d ail-
leurs notoire que le lieu deSaint>Jeannet est aussi considérable
que plusieurs de ceux qui en ont déjà décoré leurs consuls. >► Le
Conseil accepta la proposition *i avec reconnaissance » et sVm-
pressa de voter la somme de 200 livres pour Tachât de deux
chaperons en velours aux couleurs du seigneur marquis.
2'* Trésorier. — Bien que le règlement fût muet sur le choix
du trésorier, cet ofticier n en était pas moins élu de la même
manière que ses coliques. Comme son nom Tindique, il était
chargé de faire « l'exaction de la tailhe et autres impositions *,
En 1647, ses honoraires consistaient en quatre deniers et demi
par florin cadastral pour le droit de collecte des impositions
communales, et neuf deniers par florin pour l'imposition par-
ticulière des forains possédant biens en La Gaude. Faisons
remarquer, en passant, que les habitants de Saint-Jeannet dé-
tinrent presque de tout temps les deux tiers du terroir de La
Gaude. L'imposition particulière ayant été supprimée en 1666,
le droit de collecte fut successivement élevé à cinq deniers, en
i683, et à six deniers, en 1710. Mais déjà, à cette époque, les tré-
soriers élus annuellement, quelquefois illettrés, abandonnaient
leurs fonctions à des « exacteurs >► qui, moyennant leurs émo-
luments, se chargeaient de la besogne sous l'entière responsa-
bilité du Trésorier nominal. Cet état Je choses persista jus-
qu'en 1713, date à laquelle, devant le refus catégorique du tré-
sorier élu d'accepter l'emploi, on se décida à mettre l'exaction
366
de la taille aux enchères au rabais. Dès lors, la charge de tré-
sorier eut un caractère purement honorifique. Elle fui suppn-
mce d'une façon définitive quelques années après en tant
qu'inuuîé. Ce rôle échut à l'avenir à l'exacteur adjudicataire.
3* Auditeurs des comptes. — Ces officiers avaient mission
de contrôler la comptabilité communale. Ils étaient tenus»
moyennant une légère rétribution, d'assister à la reddition des
comptes du Trésorier ou Exaaeur, après en avoir fait eux-
mêmes l'apuration, le tout en présence et avec Tassisiance dc<
consuls ; à la suite de quoi, ils signaient ^ la sentence de clô-
ture )* qui fixait le reliquat. Au nombre de trois sous le régime
du règlement de i63i, ils furent réduits à deux par celui du
i6 juillet 1671» qui, en revanche, prescrivit d*éîire chaque an-
née au mois de mai un << adjoint ^, homme compétent pour la
vérification des comptes, chargé d'assister les auditeurs dans
Texercice de leurs fonctions.
4' Regardatcurs. — Les Regardateurs étaient chargés de la
police et particulièrement de la surveillance de la panateric ou
boulangerie et de la boucherie. Ils vérifiaient et « légalisaient
les poids et mesures des débitants et des particuliers. Ils te*
naient la main à ce que les adjudicataires communaux obser-
vassent leurs engagements de toute nature et, au cas de contra-
vention, en dressaient procès- ver bal.
5* Estimateurs. — Les Estimateurs constituaient les experts
agricoles de l'ancien régime. Ils devaient évaluer les domma-
ges causés aux propriétés par les bestiaux ou autrement et dé-
noncés par les #t campiers >> et « gardes-terres 1* . Ils vaquaient
aussi à l'estimation et au partage des biens particuliers, soit à
l'ammble* soit par autorité de justice.
6* Conseillers — Les Conseillers ne furent institués qu'en
— 367-
vertu du règlement de 1671. Ils étaient au nombre de six et
choisis parmi les « plus apparans et inihéressés )►. Leur rôle se
bornait à assister aux assemblées pour y < porter leurs opi-
nions delliberatives ». Ils prenaient rang immédiatement après
les auditeurs. En cas d'absence, ils étaient remplacés par des
conseillers suppléants élus au nombre de huit.
Vente des offices municipaux.
Un édit de Louis XIV d'août 1692 et un arrêt du Conseil du
7 octobre suivant érigèrent «en titre d'office un maire et des
assesseurs dans chacune ville et communauté du Royaume, y
ayant hôtel ou maison commune )►, avec réserve pour le Roi de
la faculté de nommer lui-même aux emplois qui ne seraient
pas acquis en échange de deniers sonnants. L'édit bursal pré-
cité maintint en exercice, à la tête de la municipalité de Saint-
Jeannet, les consuls del'année courante, jusqu'à ce que la Com-
munauté, ne voulant point d'administrateurs imposés, et dési-
reuse de maintenir ses anciens privilèges, fut à même d'acheter
l'office de Premier consul, au prix de cinq cent cinquante li-
vres, soit jusqu'en lôgS.
Le Conseil n'avait guère hésité à voter cette dépense, ne
pouvant soupçonner qu'il fût appelé à la répéter. Mais hélas!
CCS offices devaient être, avant 1757, supprimés, rétablis et ra-
chetés à quatre reprises, toujours dans le même but fiscal de
faire face aux embarras continuels du Trésor royal .
Par son arrêt d'août 1722, Louis XV rétablit la création et la
vénalité des offices supprimés en 1715. Saint-Jeannet fut taxé
pour sa part dans ces rachats a la somme de huit mille deux
cent cinquante livres, y compris les deux sols pour livre. La
commune put se libérer par la production des titres d'ac-
quisition des divers offices créés depuis 1686, au moyen de
368
ceriificats de liquidation délivrés par rinieadant. Ce
entraîna une dépense de mille huit cent six livres.
Après avoir de nouveau anéanti^ dès 1724, les offices mu-
nicipaux, Louis XV les ressuscita une troisième fois par son
édit de novembre lyîî. Une lettre du 12 novembre de lao-
née suivante» signée : comte de Muy, commandant en Pro-
vence» prévint les consuls que #t Tinteniion du Roy est qu*il ne
soit procédé à aucune élection d*offîciers municipaux» jusqua
ce que les offices que Sa Majesté a créés par son édit de 1733
soient remplis j» et, à cet effet, enjoignit de surseoir à la nou-
velle élection. Subséquemmeni, les consuls de 1734 lurent
maintenus par commission royale jusqua la tin de 1737. épo-
que a laquelle un arrêt du Conseil d'Etat ordonna qu*à partir
du i" janvier 1738, Inexécution de Téditdu Roi de 1733» por-
tant rétablissement des ottkes municipaux, demeurerait sus-
pendu tant qu'il n'en serait pas autrement décidé par Sa Ma-
jesté. Cet arrêt permit, en conséquence, aux communautés do
villes du Royaume de procéder, suivant les anciens règlement
à l'élection desofticiers municipaux. dont les charges n'avaient
pas été levées.
L'édit précité fut remis en vigueur en 1742. Le Roi nomms
de son plein gré et pour une durée illimitée les consuls et le
greffier qui furent solennellement installés par le subdéléguéde
rintendant.
Durant la période de 1742 à 1757,18 création du Nouvel Fiai
se borna à l'élection des auditeurs» regardateurs et estimateurs,
celle des conseillers ayant été interdite, et les consuls comme
le greffier exerçant leurs fonctions en venu de commissions
royales et pour 4t tant qu'il plaira à Sa Majesté j».
L^arrét du Grand Conseil du 21 mars 1757 mit fin â cette
situation irrégulière, en fusionnant les offices municipaux avec
le Corps de la Province, moyennant la sommedc 1.79845911-
vres, que les procureurs du pays s'empresscreni Je verser au
sieur Leclercq, chargé de la sxnte desd ils offices. Dans la repar-
ution de la somme globale, noire commune fui taxée à 85oti-
vres.
Le 26 décembre ïySy, la convocation au Conseil gênerai pour
la création du Nouvel Éiai eut lieu h cri public ei par ^ billets
delà pan de M. le Maires. L élection s'elieciua sou»; la prési-
dence du Maire-premier consul sortant, en conformité de 1 ar-
rêt du 2ï marsqui avait ordonné Texclusion des officiers royaux
définitivement etdesofficiersseigneuriaux provisoirement. Mais
rassemblée de la Province ayant décidé» l'année suivante, de
maintenir les prérogatives des officiers seigneuriaux, le lieute-
nant de juge reprit son droit à la présidence de toutes les as-
semblées. De 1757 à 1790, aucun changement n'intervint dans
lorganisaiion municipale de Saini^Jcannet.
Prestation de serment du Corps municipal.
Le Nouvel État, avons-nous dit plus haut, était organisé» élu
le 26 décembre. Son entrée en fonctions sopérait le i"*^ janvier
suivant. Mais avant de procéder a tout acte d'administratipn,
il devait se soumettre à la prestation de serment. Au début de
la première séance, le premier-consul sortant, *« suivant les or-
donnances de Sa Majesté, arrests et reglemansde la Cour ».re*
quérait le lieutenant de juge de recevoir le serment des nou*
veaux élus * pour procurer Tadvantage de cette communauté.
éviter leur domage, et user bien et duemant chacun en leur
fonction )•, Faisantdroit à la réquisition susdite, le Lieutenant
de Juge donhait ^ sermant à toute Tassamblée de bien et due-
mant chacun user à la fonction de leur charge, soit pour le
ser%'ice du Roy, interests de cette Communauté et du public ».
coftonâi 24
Namination et attributians des employés municipaux
Cette solennelle opération exécutée, le Corps municjpai uro-
cédait à la nomination des employés municipaux : greffier. —
valet de ville, — enterreors des morts, — sages-femmes, —
conducteur de l'horloge, — ainsi qu'à la nomination desrcclcunî
du <t Corpus Doniini )>. et des autres confréries de réglise
paroissiale et de Thôpital,
r Greffier. — Le greffier éiaii ordinairement un notaire du
lieu. Ainsi, en 1634. M' Antoine Artaud, notaire, fut nommé
aux gages ordinaires de 12 livres payés par la communauic
et 4 livres 10 solsjversés par les forains possédant bien en La
Gaude. Le greffier de l'année 164g reçut six écus, « à !a charge
de faire tout ce qui est accoustumé, qui est de prandre tous I»
actes consernant à la communauté et les mettre par abrégé
dans l'ordonnance de ladicte communauté, prandre les delli-
bcrations, adcister à lacuillettc du servisse, reditiondes comp-
tes du tresaurier, lever et mettre du cadastre terrier et donner
exiraicis de tous les actes et autres cenilïcatsqui conserncnî a
ladictc communauté, tout ce que le cas requiert »,
Lorsque les postulants étaient nombreux, le Conseil mettait
la fonction aux enchères au rabais, ce qui écartait toute pania-
lité. De cette façon fut accordée la charge, le i*' janvier 1704.4
Jacques Ranchier, aux honoraires de 5 livres « avec les amouK
lumens du greffe de récritoirc et obligation d'assister a la col»
lecic du service du bled et des figues, et de faire les rolles des
personnes et bestes que cette communauté est obligée aux (ot*
tificaiionsd'Antibes, moyennant Icsdits gages j». .
A la suite de Tarrét du Conseil d'Eiat du 3o avril 1709, met-
tant en vente les offices de «t secrétaires-greffiers des hostels de
ville et maisons communes » créés héréditaires par cdit du
- 371 -
mois de mars précédent, J.-B. Martin, sieur de la Vallette,
acquit l'oftice de Saint-Jeannet, mais en 171 1, la communauté
dut racheter celui-ci pour la somme de jb livres 10 sols.
L'arrèt de vérification des dettes de la communauté du
2 avril 1718 fixa définitivement les honoraires du greffier à
12 livres.
Après ledit de novembre 1733 et pendant toute la période de
1742 à 1757,1e greffier fut nommé comme les consuls par
commission royale. Dans la suite, on Télut après les auditeurs
des comptes.
Un édit royal de janvier 1704 avait inventé l'office de <c con-
seiller-contrôleur des greffes de hostels de ville et maisons
communes, des grefl'es de Tescritoirc et des commissaires aux
reveûes et logemans des gens de guerre », M* J -B. Laugier,
notaire, acquit Tofficede Saint-Jeannet par commission royale
du 14 mai 1704, après que la communauté en eut fait la fi-
nance. Cet emploi fut d'une durée éphémère, comme la plupart
des autres sinécures honorifiques créées, à l'époque, dans un
but essentiellement mercantile.
2® Valet de ville. — Le valet de ville, dénommé aussi « ser-
gent de ville » ou <c valet consulaire » était le fidèle serviteur
des consuls pour les affaires communales. Chargé de faire les
publications municipales et particulières «à cry public par tous
les lieux et carrefours du lieu )f, il était l'auxiliaire indispensa-
ble dans les adjudications si nombreuses avant la Révolution.
Jusqu'en 1715, le valet de ville fut l'un des quatre enterreurs
de morts ; mais à cette date, on le déchargea de ce cumul qu'on
ne trouvait plus compatible avec sa dignité.
Son salaire a subi de grandes fluctuations. Ainsi, nous
voyons, en i636, Jaume Martel, confirmé dans ses fonctions,
aux gages de 5 livres 8 sols; — en 1660, Sauvadour Bregon,
liommé aux appointements de 9 florins. L arréi de véritlcâtton
de 171K établit le taux de y livres.
Le Corps municipal de I année 1780, faisant preuve de gé*
nérosité, offrit au valet de ville, Jean Clary, huit pans d étoffe
en sus dé ses modestes gages. Ce serviteur modèle « attendu
son âge et ses Infirmités » résigna son emploi en novem-
bre 1790. Le 18 du même mois, le Conseil accepta pour ïion
successeur, François Rodrigues» fils, aux conditions suivantes:
<« il fera la fonction de valet de ville de cette commune, il pu-
bliera dans tous les lieux accoustuméset notamment au quar-
tier de la Lave et celui du Verger pour une durée de trois
années, aux gages de 12 livres par an en deux payements et
non par avance; il sera habillé, lequel habillement consistcn
en un chapeau, habit, veste et culottes, une fois seulement
pendant le susdit temps, et venant à discontinuer ses fonctions
dans l'intervalle, soil pour raisons de maladie qu autrement, îi
devra remboursera la commune le prorata du montant duJit
habillement. »»
3^* Enterreurs de morts.— Au nombre dequatre jusque vers
1740, les enterreurs de morts recevaient, en iG33, un salaire
annuel de 5 livres 8 sols chacun. Réduits à deux par la suiie.
ils touchaient, en rfiSy, 7 livres 16 sols. Le 24 janvier 1660. le
Conseil nomma les enterreurs ^ pour servir la Miséricorde et
enterrer les cors mors ^, aux gages de 8 (lorins. Ceux-ci furent
fixés à 32 livres par Tarrêide vérification. En 1780, L-B-Clant
à feu Louis et Joseph Tourdon furent accordés aux gages or*
dînaires, plus « trois cannes d étoffe, non compris d'autres
considérations que les sieurs administrateurs auront égard,
sous la condition expresse que la communauté sera obligée
de faire faire une bicrre neuve servant à y porter les cadavre»
dedans >* Cette bière, dénommée dans la langue du pays
-373-
« atloïc ». servait spécialement au transport des cadavres des
indigents l'on nombreux à celte époque. Leurs restes, comme
des carcasses d'animaux, étaient jetés dans la fosse, tout au
plus entourés d'un vulgaire linceuL
4<* Sages-fenimcs. — Jusqu'à la Révolution, la commune
de Saînt-Jeannet subventionna deux sa^es-femmes. Leurs
honoraires étaient plus que modestes* Pour preuve» il nous
suffira de dire qu'en i635 ^ Catharinette Ranchière et Jeanne
Malamaire furent contirmées sages -femmes aux gages de
3 livres chascune >^. En i665. Louisette Audiberte et Jeannette
Roustagne reçurent 6 livres. En 17H0. le Conseil accorda
pour* matrones » Jeanne-Marie Audibert, veuve Metlîret, et
Claire Colmars, aux honoraires de 12 livres chacune. Si ces
bonnes 4t commères ^ d'antan ne possédaient pomt un talent
obstéirical développé, en revanche, applîquaient-elles fort à
propos les secours de la religion dans les cas désespérés. Té-
moin cet acte de baptême : L*an 1^99 cl le 29*^ décembre a esté
ondoyé Trastour. lils de Jean et de Marie Trastoore» dans
rextrèmc nécessité et dans sa maison, par Antoneltone Euzière,
sage-femme, sçavoîr sur les fesses n*esiant pas encore sorti du
ventre de la mère, pourtant encore vivant. Signe : J* Fabry,
vicaire. »
5^ Huissier-audiencicr d'hôtcl-de-villc. — La commune de
Saint-Jean net, conjointement avec celle de La (iaude, acquit.
en 1694, lofTicc d'huissier-audiencier d'hôtel-de-ville, Vn sieur
Pierre Fouqucs» maître-tailleur d'habit, en fui pourvu moyen-
nant le payement au trésorier des intérêts du prix d'acquisi-
tion. Point du tout satisfait de son emploi pour juste cause, —
les trésoriers ne lui avaient fait dresser aucun exploit, ~ il
résigna ses tbnctions en 1703. L*abandon de cet office obtenu
par le versement a 1 Intendance de la somme de ïoo livres
-374-
n'empêcha pas l'intendant de réclamer «un augroeni de
Htiânce >^ au cours de 1704 et de faire même gager les Consuls
de La Gaude pour le même objet. Le Conseil de 1706 proic&ta»
mais tinalemcni il consentit, non sans regret, à payer U
taxe.
Comme le transport des huissiers étrangers occasion naît aux
habitants des frais considérables, la municipalité nomma, le
29 juillet 1708, à la fonciioni le sieur Paul Roustan. sur son
olFre de payer annuellement à la communauté la somme de
Il livres 12 sols et de signilier gratuitement les exploits de
cette dernière. Cet employé ne tarda pas à délaisser à son louf
la charge qui s'éteignit avec son titulaire*
& Conducteur de l'horloge. — Cet emploi était conHé d'Of-
dinaire à un artisan : menuisier, maréchal-ferrant. Le salaire
du conducteur fut toujours de 12 livres.
7* Recteurs des confréries, — Le Conseil désignait aussi
tous les ans les recteurs de la confrérie ou luminaire du* Cor
pus Domini ^, et à mesure des vacances produites par décès
ou démission, les recteurs des autres luminaires de l'église pa-
roissiale, ainsi que ceux de Thôpital et du moni-dc*piété* Ix>
Consuls élaicnt « juspatrons » de la chapelle Sainle*Barbc. Ix
Conseil choisissait le prêtre qui devait la desservir. CcluhCt
touchait de ce chef la censé annuelle de 3 livres.
8** Procureur et agent de la communauté près le Parie*
ment. — La communauté ayant une multitude de procès i
soutenir, le Conseil de Sainl-Jcannet décida, le 7 janvier 16Î7.
de nommer un procureur au siège de Grasse, aux gages Je
4CSCUS par an Le 26 juillet 171 «• le sieur Joseph-Noël Roux,
de la ville d'Aix, fut choisi pour agent chargé des atTaires de b
communauté au greffe de la Province, à celui de l'Intendance
- 375-
et autres bureaux, aux honoraires de 25 livres par an. La
charge fut retirée eniySoau sieur Isnard, fils, avocat, ♦'attendu
que la communauté n*a aucune affaire en procès ».
g^ Campiers et régents des écoles. — Le choix des cam-
piers ou gardes-terres était déterminé par des enchères qui
avaient lieu au printemps. Quant au régent des écoles, il était
agréé dans le courant du mois de septembre.
Poids et Mesures.
Après la nomination aux emplois municipaux, les Regarda-
teurs vieux remettaient aux Regardateurs modernes les poids et
mesures de la communauté dont ils étaient dépositaires et qui
servaient à leurs vérifications et inspections. C'est ainsi que le
6 janvier 1676, les regardateurs passèrent aux modernes :
4c un grosescandail|; trois petites ballances ; une livre et demy
livre de cuivre ; deux mesures d'estain pour l'huille, avec une
cassette; une peinte pour mesurer le vin, d'estain ; un panai ;
une cminc ponchude, pour mesurer Tavoine; un moutural;
deux marcs, pour marquer les mesures ; une dcmy-canne de
fer ; une couppe pour mesurer le vin ».
Police des Séances.
Le lieutenant de Juge éuit chargé de maintenir l'ordre et la
bienséance pendant les délibérations du Conseil. Nous citerons
deux cas originaux de pénalités infligées sur-le-champ aux
perturbateurs intervenus en Tannée i665.
S janvier i665.— * Attendu l'irreveranccd^Anihoine Barrière,
esunt venu au Conseil, aiant esté appelle par le valet de
vtlle, et faict plainte de ce que nous l'avions condamne k^h
3 sois envers les rcgardateurs pour lui avoir change risteoce
du vin et taict des mesures que cela estoii de la cognoissance
du Conseil et non pas de Nous, sans avoir tiré le chapeau ny
s'être mis en devoir. Nous» Lieutenant deJu^e, lavons con-
damne en 3 livres d amende, envers le Procureur juriJtciicrn-
nel, attendu son irreveranccî*.
7 juin lûûb. — « Kt de ce que Pierre Euzière, dit Louidol, est
entré dans le Conseil en collère et en jurant Dieu» auroit pris
un pot csiain que Jully Euzière» valet de ville qyy estoit assis
dans le Conseil lui avait gagé pour n^esire venu au Conseil,
que après ladicie gagerie, et le lui vouloir octer par force, à
cause de quoi avons condamné iceluy Euzière en 6 livr^
d amende envers le Procureur juridictiQnnel qui seront crtï-
plovées, Si^avoir : i livre lo sols à la Luminaire du m. Corpus
Domini )*♦ i livre lo sols à la Luminaire de iNosire-Damc du
Rosaire, et les 3 livres restantes à la disposition du Procureur
juridictionnel, avec inhibition et dellance audict Euzicre de
jurer Dieu à l'avenir dans le Conseil ny autres parts, ny huiter
de semblables violances à peine de 5o livres ^*
L*ancien Conseil clôtura ses séances, le 29 novembre J789,
sous la présidence du Lieutenant de juge, Claude Laugier, ci à
la requête des sieurs Louis Bérangcr, maire, et Jacques Allouch.
consuL
Comme on vient de le voir, l'administration municipale
de Saint-Jcannet à travers l'espace de quatre siècles, n'avait
subi que quelques modifications de détail qui ne lui avaient
ôlé aucun des caractères de son origine. Sans nullement pçn*'
ser à méconnaître les grands principes et les réels bienfaits de
la Révolution, il y a lieu de constater que ladoption par TAs-
semblée Nationale Constituante du svstème de ceniralisatioiî
— 377 —
et d'uniformité dans toute 1 étendue du territoire français,
anéantit Tautonomie communale en faisant disparaître les
statuts particuliers, privilèges et franchises qui, sous l'ancien
régime, donnaient à nos communes provençales une certaine
indépendance, dernier reflet du municipe romain.
J. Malaussène.
Saint-Jean net, le 28 juin 1906.
— 379 —
Xlll
L'ADMINISTRATION COMMUNALE
SOUS L'ANCIEN RÉGIME
à RIANS (Var),
par M. Edmond POUPÉi professeur au collège de Draguignan.
Correspondant du Ministère de ^Instruction publique.
Membre de la Société d'études scientifiques et archéologiques
de Draguignan.
L'établissement à Rians * d'un Conseil communal perma-
nent remonte très probablement au xiv« siècle, peut-être même
* Var. arrondissement de Brignoles, chef-liea de canton. Sous Tancien
régime. Rians dépendait delà vigucrie d'Aix, était < chef de vallée» avec
Artigues et Amirat. Ce dernier village ayant été détruit pendant les guer
res civiles du commencement du xv* siècle, ses habitants vinrent habiter
Hians qui était aussi l'une des communautés de Provence ayant droit
de députer aux États de la province. Elle fut chef-lieu de snbdélégation
depuis rétablissement de ces circonscriptions jusqu'en 1761, puis ratta-
chée à celle de Pourrières de 1761 à 1766, puis à celle de Trets. Affona-
gement : 12 feux, de 1471 à i663: 16 feux 1/2, de i663 à 1698 ; 18 feux, de
169X3 1731 : 18 feux 3/4, de 1731 à la Révolution. — Population : 3.29»
habitants (1670); 2.777 h. (1733) : 2.098 h. (1776); 8.204 !*• («79o) • '-^n h.
(içioi). — Armoiries : D'or à un lion de sable surmonté d'un lambel à
trois pendants de gueules. Ce sont les armes des Fabri qui furent sei-
gneurs de Rians. La commune les adopta en i63i. Auparavant, elle usait
des armes des d'Agoult, précédents seigneurs : d'or à un loup ravissant
d'azur armé. lampassé et vilaine de gueules. — En i63o, le Conseil com-
munal voulut faire usage d'armoiries particulières, où auraient figuré
« deux tours et à l'entour Rians avec un cordon ».
— 38o —
Kcactemuni a lannéc iSyo*. Auparavant ainsi que dans ot
nombreuses !ocalités du Provence, les allaires municipales
étaient réglées par le « parlameni », c'est-à-dire par l'Asscmblcc
générale de tous les chefs de maison, se réunissant seulcmetu
en cas de nécessité et déléguant à des syndics temporaires le
soin de poursuivre les affaires qui leur avaient été conliées.
Comme parmi les rares documents antérieurs au xvr sicclc
qui ont été conservés, aucun n a trait à [organisation munici-
pakt comme la collection des délibérations du Conseil ne
commence qu'en i36o, c'est donc seulement à partir de cette
date que l'on peut suivre avec certitude Tadministraiion com*
munale de Rians dans son développement et son évolution.
Le I*' janvier i56o, l'Assemblée générale des chefs de fa-
mille se réunit sous la présidence du juge seigneurial. Elle
avait été convoquée à son de trompe et par cent coups de la
grosse cloche de Téglise. Il fut d'abord procédé à l'élection de ,
trois Consuls^dont le premier devait remplir aussi les fonctioil^H
de trésorier ei le second celles de <c scripteur n, c'est-à*dirc de
greffier. Ensuite furent élus treize conseillers « nouveaux î*. t
compris les trois Consuls sortants qui, réunis aux treize (joa-
scillers •« vieux x>, formèrent le Conseil ordinaire de la commu-
nauté. La séance se termina par la nomination de trois «trac*
leurs de paix » en même temps recteurs deHiôpilaL de quatre
estimateurs et d'un «t laillicr ». Le procès-verbal ne donne au-
cun détail sur la manière dont s'effectuèrent les opérations.
A partir de 1364, quatorze conseillers nouveaux furent nom-
niés annuellement en comprenant toujours les consuls sor-
tants %
* Dans Ia séance du Conseil communal du 24 avnl i583. il eit quettion
de l'extraction d'mi acte du 14 janvleri379 chez Durand Robaud. noiaàl
à Valensolle*. ponani concession de « libcrics » par les seif^neurs en 1
veut de la communautés
* Séance du Conseil du 1" janvier 1564.
il ressort de la délibération que le Conseil ordinaire
dressa une liste de candidats cjui fut soumise à la ratilicaiion
de rAssemblée générale *.
En 1567, chaque Consul proposa deux candidats pour lui
succéder et le choix de l'assemblée dût se porter sur Tun d'eux'.
Tels sont les seuls renseignements que fournissent les docu-
ments sur le renouvctlemeni de la municipalité dans la
seconde moitié du xvi« siècle. Les élccitons curent lieu réguliè-
remcni, chaque année, le r' janvier, mais en suivant une tra-
dition plutôt qu'un règlement écrit \
Cet état de choses dura jusqu'en 161G, Au mois de décembre
de Tannée précédente, certains particuliers de Rians avaient
présenté une requête au Parlement d'Aix en nomination de
commissaire pour élaborer un règlement communal et obvier
ainsi aux « malversations n qui se commettaient « en la créa-
tion du nouveau estât et administration des afayresde la maison
conimanc}^. iMalgré l'opposition du Conseil municipal, le Parle-
ment avait fait droit à cette demande *, et le 9 janvier 1616» le
conseiller du Périer arriva à Rians pour présider au renouvel-
lement de la municipalité cl faire ratifier par rassemblée géné-
rale des chefs de famille un projet de règlement qu'il appar-
iait *• Le lendemain, dimanche 9 janvier, après avoir assisté
à une messe du Saint-Esprit, le conseiller-commissaire se rendit
dans la maison commune, où rassemblée générale avait été
convoquée. Avant de donner lecture des articles du règlement
proposé, il lit remarquer que ce que Ton demandait n'était pas
* Séance du Conseil du 1" janvier i566.
* Séance du 1" janvier 1567.
' Awant ir^iD, il n y avait « aulcung ordre ny règlement ». dit Julien du
Périer dans sob procès-verbal du 7 }anvieri6i6.
* Cf. séances du Conjeil du 14 décembre 161 5. 3. (2 janvier j6i6.
* U deacendtt à Tauber^ de la Masse,
- 382 ^
une «nouveautlê ains une poursuyie ires juste et raisonablt
pour meure un^» ordre et une police dans la maison comunc...
pour imiter en cella non ceulement les bonnes et grosses villes
voyre les plus moindres vilages ï» de la province.
Il fut décidé que le Conseil général ne comprendrait plus
désormais que soixante membres «* des plus aparenix, plus
gens de bien et plus aliévres î», et que ces membres ieraient
choix annuellement de vingi^quatre d'entre eux, y compris les
trois consuls sortants pour constituer le conseil ordinaire ou
*t particulier )♦.
Le rèf^lemeni ne spécifie pas de quelle manière seraient
choisis les soixante membres du Conseil gcnéraL 11 est proba-
ble que les consuls en exercice dressèrent la liste des soisaoït
citoyens les plus « allivrés *, et constituèrent ainsi ce conseil
qui. dans la suite, se renouvela par cooptation.
Quant à l'élection consulaire, clic devait s'effectuer de la
manière suivante : Les consuls sortants dresseraient une liste
de neuf personnes, avec l'assistance des six ^ plus anciens con-
seillers*, trois du premier rang, trois du second, trois du troi-
sième* Le premier consul désignerait au Conseil général le*
trois candidats du premier rang proposés pour lui succéder.
Trois boîtes, portant chacune le nom de Tun d'eux, seraiem
alors disposées sur le bureau *. Les conseillers viendra; ::■*
déposer successivement dans chacune d'elles un ^ fayoU L :-i
en cas d'acceptation, noir en cas de rejet. Le candidat qui nhJ'
nirait le plus grand nombre de haricots blancs serait élu, Lx
même opération se répéterait pour chacun des deux derniers
consuls et des quatre estimateurs.
Ce règlcmeni fut appliqué pour la première fois, le i" fin*
L^ projet de règlemeni ne prévoyait que t'usage d*un chi^iiu.
- 383 —
vier 1617. L'assemblée procâda aux nominations prescrites et
de plus fit choix d'un greffier.
Il ne semble pas que ce règlement ait contenté tout le
monde. A deux reprises, en 1621 et en 1622, le Parlement d'Aix
dut déléguer Tun de ses membres pour présider à l'élection des
consuls par le Conseil général *. Le nombre des membres de
ce dernier fut réduit à trente, par arrêt du i*' marsr de cette
seconde année.
A part cette légère modification, le règlement de 1616 resta
en vigueur jusqu'en i655.
Le 3o octobre de celte année, l'assemblée générale des
habitants se réunit sous la présidence de Louis d'Anielmy,
conseiller au Parlement d'Aix, commissaire-député *, pour
élaborer et voter un règlement nouveau. Homologué par arrêt
du 1 1 décembre, ce règlement, dans ses lignes générales, sub-
sista jusqu'en 1789. Modifié à plusieurs reprises au cours du
xvir et du xviii* siècle, il fut complètement et pour la dernière
fois remanié en 1772 ^.
Le règlement de i655 ne fit, d'ailleurs, que rendre plus expli-
cite le règlement de 1616, qui avait éubli un Conseil général
composé de membres inamovibles.
D'après le règlement de i655, ce Conseil comprit soixante-
trois membres, y compris les consuls. Leur nombre fut porté
à soixante-douze par le règlement du 6 janvier i656 ^, réduit à
56 en 1668 ', puis définitivement à cinquante en i685 ^.
' Présidence de Jean Vend du i** janvier 1621 ; de Faiamède de Suffren,
seigneur d'Aubes, du 6 mars 1622.
* Par arrêt du Parlement du ai octobre i655.
' Autorisé par arrêt du Parlement du 11 février.
* Klaboré par de Poarcieux, conseiller au Parlement.
* Par arrêt d'expédient du 1" mars.
« Par délibération du conseil du 18 lévrier homologué par jrrêt du Par-
lement du a5 mars.
- 384 -
Ce Conseil général complétaitje nombre de ses membres
par coopiation. le dernier dimanche de chaque année.
Le règlemeni de i655, comme celui de 1616, prévoyait l'eu-
blisscment d*un Conseil « particulier y¥.
Pour le constituer, après Télcaion des consuls» on ui^il
au son dix-sept membres du Conseil général qui^ ajoutés au*
trois consuls sortants et aux trois consuls nouveaux» tormaiem
un total de vingt-trois personnes. La présence de dix-huit de
ces conseillers suirisait pour rendre les délibérations valables*
Les membres sortants n'étaient pas rééligibles.
Ce Conseil *t particulier >> n avait pas qualité pour résoudre
les questions de grande importance, comme la poursuite dci$
procès, le vote d'emprunts dépassant 3oo livres ou d'imposi-
tions extraordinaires. Dans ces cas. la réunion du Conseil
général était nécessaire. La présence de trente conseillers cuit
exigée pour la validité des délibérations.
Conseil particulier et Conseil général administrèrent de con-
cert la commune jusqu'en i658. A cette date, le Parlcmc
d'Aix, par arrêt du r'* mars, décida que vingt-six conseille
suffiraient pour délibérer sur toutes les affaires de la commu-
nauté et supprima le Conseil particulier.
Ce nombre de vingt-six délibérants fut, à son tour, réduit
vingt en 1714 ' et à quatorze en 1756 '.
Aux réunions du Conseil, avait droit d*assisier, au moins
depuis 1616, le syndic des forains ou son substitut. Si icsvfi*
die siégeait en personne, il opinait après les consuls; son subs*
tituine pouvait le taire qu'après les consuls et les trois premiers
conseillers ^
1 Par délibération du C'>nseil du 17 juin^homotoguée pir arréi à% i
lemeni du 10 juillet.
* Par délibération du Conseil du 24 août 1755, homologuée par arréida
Parlement du it février I7^6.
* D'après le règlemeot de j6i6. le svndic ne ponvait opiner qu'âpre let
— 385 —
L'élection des consuls et des autres officiers municipaux
continua à s'effectuer le i" janvier *. De i655 à 1789, elle eu
lieu de la manière suivante :
Après l'audition d'une messe du Saint-Esprit, les membres
du Conseil général se rendaient dans la maison commune,
accompagnés du juge seigneurial et de son lieutenant. Les
portes restaient ouvertes de dix heures à midi. Elles étaient
alors fermées. D'après le règlement de i655, la présence de
trente conseillers était nécessaire ; à partir de 1772, celle de
vingt-cinq conseillers suffit. Après la prestation des serments
accoutumés, les noms des assistants étaient inscrits sur des
billets séparés, roulés et introduits à l'intérieur d'une petite
boule creuse, spéciale à cet usage. Chaque boule était mise
successivement dans le « vase du sort ^, en présence du con-
seiller dont le nom venait d'être inscrit. Cette opération préli-
minaire terminée, les boules étaient extraites du vase, comptées,
puis y étaient remises. Un enfant de sept ans au plus, «casuel-
lement rencontré », était introduit, et, le bras nu ou avec une
« cuillère » spéciale, tirait .sept boules pour nommer les « sur-
veillants approbateurs ». Ceux-ci prenaient place autour d'une
table séparée de deux « cannes » du bureau. Si, dans la suite,
l'un d'eux venait à être nommé consul, il était de suite rem-
placé par un nouveau tirage au sort.
Après la désignation des sept «approbateurs », l'enfant tirait
trois nouvelles boules qui désignaient les «< nominateurs ».
consuls et les trois premiers conseillers. En i685. les forains émirent la
prétention d'assister tous aux séances du Conseil et non seulement leur
syndic. Cf. Séance du Conseil du 3o décembre.
* In arrêt du Parlement, du 2 janvier ijSi, avait prescrit que les élec-
tions communales auraient lieu en décembre pour que tous les Conseils
fussent installés le i" janvier. Le Conseil communal de Rians resta fidèle
à l'ancienne coutume. Cf. Séance du Conseil du 3o décembre 1731.
COMORàf 26
— 386 —
dominateurs et approbateurs ne pouvaient entre eiLX être beaux-
pères, beaux-fils, beaux-frères.
Le premier nominaieur désignait ensuite un candidat aux
fonctions de premier consuL Les ^ approbateurs ^ jetaient une
4c balotte y^ dans Tun des deux va^es placés devant eux. suivant
qu'ils approuvaient ou désapprouvaient la proposition. En cas
de rejet, le ^ nominaicur * faisait une nouvelle proposition*
Si son choix était ratifié, le second et le troisième «t nomina»
ieurî# désignaient successivement un autre candidat aux mêmes
fonctions, soumis également à la ratirtcation des « approba-
teurs s#.
Les noms des trois candidats approuvés étaient inscrits sur
trois billets* introduits dans trois boules, jetés dans le vase et
le même enfant lirait au sort le premier consul définitir
Les mômes opérations se répétaient pour le second et le troi-
sième consul. !-es trois consuls étaient installés séance tenante
et prêtaient serment. Après l'élection des consuls, le Conseil
procédait à celle du greffier, des auditeurs des comptes, des
deux « allîvralcurs », des « peseurs s^, d'un estimateur qui
exerçait concurremment avec les consuls sortant de charge. Je
six « arbitres >*, des recteurs de l'hôpital. Quant au trésorier, A
n'était plus fonctionnaire municipal. Ce poste était délivré aux
enchères au particulier qui faisait à la communauté les propo-
sitions les plus avantageuses.
Le règlement de J772 resta en vigueur jusqu'à la RévoJi
tîon. A plusieurs reprises, en 1778, 17H3» 1784, 1785. il fut
question de le modifier, mais sans succès •.
Les consuls élus le 1" janvier 1789 restcreni ci» iS
jusqu'à rétablissement des nouvelles municipalités •
* SéAHCea du Conseil des ag novembre, 8 décembre 177H: al man rfQ\
j6 décembre 17M4; iK décembre 1785; 19 raari 1786.
- 387 -
par l'Assemblée constituante. Ce fut le 14 février 1790 que les
citoyens actifs de Rians se réunirent pour procéder aux élec-
tions. La nouvelle municipalité fut installée le 7 mars *. L'an-
cienne organisation communale avait vécu.
Séances du Conseil des a février, 7 mars 1 790.
— 389 —
XIV
DN OOTRAGE ANONYME DE DURAND DE MAILIANE
Par M. O. ARNAUD,
Docteur ès-lettres^ Professeur au lycée Mignet, Membre de la Société
(t Histoire de la Répolution française.
Un heureux hasard m*a fait trouver une brochure anonyme
de 60 pages qui est, incontestablement, de Durand de Maillane
et que je recommande à l'attention de ses futurs biographes.
Elle est intitulée : « Epître ou tableau mis en rimes des causes
et effets de la Révolution, dans ses rapports avec l'Assemblée
Constituante, avec des notes, en germinal de l'an X, par un
constituant, député des communes » *. Je crois que ce petit
ouvrage du représentant de la sénéchaussée d^Arles est abso-
lument inconnu : en effet, il n'est mentionné ni dans les ency-
clopédies (Didot, Michaud, Dictionnaire des parlementaires,
Dictionnaires de la Révolution. eic.\ ni dans la notice placée
en tète de V Histoire de la Convention, ni dans larticle de
Mathiez ^ ni dans le Dictionnaire des anonymes de Barbier.
Cet opuscule contient 5o pages de vers de huit syllabes sur
l'œuvre de l'Assemblée constituante, 3 pages d'introduction et
* Mon exemplaire, déchire' à la 1" page, ne contient pas le nom de rtm-
primeur. Cet ouvrage n*est pas à la Bibliothèque Nationale.
« La Révolution française, l. XXXIX.
— Sgo —
40 pages de notes. Les vers sont plats et pauvrement rimes * ;
mais Tintroduction et les notes ne sont pas sans intérêt; ce
sont comme des Fragments de mémoires écrits par un témoin
oculaire peu après les événements; elles nous donnent aussi
quelques éclaircissements sur la question de Tauthenticité de
V Histoire de la Convention.
Je dois d'abord prouver que cet ouvrage est bien de Du-
rand de Maillane. J'ai été mis sur la voie par cette mention
manuscrite qu on lit à la dernière page de mon exemplaire :
« par Durand-Maillane, député de la Constituante ». Ce n'est
certes pas là une preuve suffisante. Voici qui est plus convain-
cant.
L'auteur connaît particulièrement la situation de la Provence
à la veille de la Révolution (p. 62), il a été le condisciple de
Pascalis (p. 63), sa circonscription électorale touchait au Com-
tat Venaissin (p. 84), il a fait partie du comité ecclésiastique de
l'Assemblée nationale (p. 52), il a « coopéré )► à la constitution
civile du clergé (p. 53), il a proposé de soustraire le mariage à
l'autorité ecclésiastique (p. 79 et 80), il a été « conventionnel
du côté droit », après avoir été « constituant du côté gauche »
(p. 77). Kniin, ce qui est caractéristique encore, on trouve à
toutes les pages le savant canoniste, l'ennemi acharné des Jaco-
bins, le catholique convaincu et le mauvais écrivain au stvlc
embarrassé et incorrect.
Introduction; -. — <^ Le principal objet de cette esquisse.
touchant les actes de la première Assemblée Constituante, est
• M. Maihiez a public des fraf^mcnts d'un autre ouvrage en vers de huit
syllabes de Durand de Maillane, intitule' I.a prose rimée Ce petit poème
était aussi accompagné de notes, aujourd'hui perdues, {fbid., p. 3i5|.
' Los titres entre crochets ne sont pas de Durand de Maillane ; les
points indiquent les coupures.
- 39. -
de bien fixer Topinion sur les principes et sur les vraies causes
de la Révolution, attestées par dt(sic) faits dont on rend compte
comme témoin oculaire
« Il ne s agit proprement ici que du grand |procès entre les
ci-devant ordres de l'État ; ce sont les voies extraordinaires,
mais justes dans leur principe, qui ont conduit comme d'elles-
mêmes le Tiers-État à la plus complète victoire sur les deux
autres ordres beaucoup trop privilégiés.
« Je n'ai point à prévenir ici le jugement de mes lecteurs ;
mais je leur observe q.ue rien peut-être n'était plus nécessaire
que cette instruction, pour la défense non seulement de tout le
ci-devant Tiers-État, mais encore des députés des communes
dans l'Assemblée Constituante, sur qui l'on entend tous les
jours les mécontents faire tomber les excès ou les malheursde
la Révolution.
« Ces excès et ces malheurs sont comme étrangers à l'Assem-
blée Constituante, et ils ne détruisent pas d'ailleurs les princi-
pes fondamentaux sur lesquels elle éleva son édifice ; ils sont
tels, ces principes, que rien ne saurait prescrire contre eux.
S'ils sont nouveaux dans leur usage, ils sont de toute ancien-
neté par leur nature et leur justice ; ce que j'ai cru nécessaire
d'établir et de prouver dans les notes, où l'on trouvera aussi
des faits et des éclaircissements utiles au public.
« Je serais dans le cas de tracer un pareil tableau des actes
de la Convention dont j'ai été membre, comme de la première
Assemblée nationale; mais je n'en ai ni le goût ni le courage,
sans cependant y renoncer, d'autant moins que ce sera pour la
postérité la partie la plus piquante dans l'histoire de notre
Révolution » *.
* Cf. Histoire de la Convention nationale ou Mémoires de Durand
de Maillane (Paris, Baudoin. 1825). Notice biographique, p. x et xi :
« Ici se termine la carrière politique de Durand de Maillane (21 fév. 1798),
390 —
40 pages ''de notes. Les vers sont plats et pauvrement
mais l'iîitroduciion cl les noies ne sont pas sans inlérét; ce
soni comme des Iragmcnisde mémoires écrits par un témoin
oculaire peu après les événements; elles nous donnent aussi
quelques éclaircissements sur la question de l'authenticité de
V Histoire de ta Convention.
Je dois d*abord prouver que cet ouvrage est bien de Iju
rand de Maillane. J'ai clé mis sur la voie par cette mention
manuscrite quon lit à la dernière page de mon exemplaire :
« par Durand-Maillane, député de la Constiluanic ». Ce n'est
certes pas là une preuve su fi] santé. Voici qui est plus convain-
cant.
L*auieur connaît particulièrement la situation de la Provence
h la veille de la Révolution (p. 62)» il a été le condisciple de
Pascalis (p* 63). sa circonscription électorale touchait au Corn*
lai Vcnaissin (p. 84)» il a fait partie du comité ecclésiastique de
l'Assemblée nationale (p. 32)» il a <n coopéré )^ à la constitution
civile du clergé (p* 53), il a proposé de soustraire le mariage a
Tautorité ecclésiastique (p. 79 et 80), il a été « conventionnel
du côte droit ». après avoir été *t constituant du côte gauche ^
(p. 77). Enfin, ce qui est caractéristique encore, on trouve h
toutes les pages le savant canontstc, l'ennemi acharne des Jaco-
bins, le catholique convaincu et le mauvais écrivain au slylc
embarrassé et incorrect.
Introduction) ^ — «i Le principal objet de cette esquisse,
louchant les actes de la première Assemblée Constituante. e$t
* M. Mal h ici a public des frigtncnts d'un autre ouirrage en vcj» .jc nmt
sfllabw de Durand de MajHane. intitulé La prose rimét Ce petit pocmt
était aussi accompagne de notes, aujourd'hui perdues, [tbid,, p. ltb\^
* Les utres entre crochets ne sont pas de Durand de MaïUane • Its
points indiquent les coupures.
-39. -
de bien fixer Topinion sur les principes et sur les vraies causes
de la Révolution, attestées par dt(sic) faits dont on rend compte
comme témoin oculaire
« Il ne s'agit proprement ici que du grand |procès entre les
ci-devant ordres de TÉtat ; ce sont les voies extraordinaires,
mais justes dans leur principe, qui ont conduit comme d'elles-
mêmes le Tiers-État à la plus complète victoire sur les deux
autres ordres beaucoup trop privilégiés.
« Je n'ai point à prévenir ici le jugement de mes lecteurs ;
mais je leur observe que rien peut-être n'était plus nécessaire
que cette instruction, pour la défense non seulement de tout le
ci-devant Tiers-Etat, mais encore des députés des communes
dans l'Assemblée Constituante, sur qui Ton entend tous les
jours les mécontents faire tomber les excès ou les malheursde
la Révolution.
« Ces excès et ces malheurs sont comme étrangers à l'Assem-
blée Constituante, et ils ne détruisent pas d'ailleurs les princi-
pes fondamentaux sur lesquels elle éleva son édifice ; ils sont
tels, ces principes, que rien ne saurait prescrire contre eux.
S'ils sont nouveaux dans leur usage, ils sont de toute ancien-
neté par leur nature et leur justice ; ce que j'ai cru nécessaire
d'établir et de prouver dans les notes, où l'on trouvera aussi
des faits et des éclaircissements utiles au public.
« Je serais dans le cas de tracer un pareil tableau des actes
de la Convention dont j'ai été membre, comme de la première
Assemblée nationale; mais je n'en ai ni le goût ni le courage,
sans cependant y renoncer, d'autant moins que ce sera pour la
postérité la partie la plus piquante dans l'histoire de notre
Révolution » <.
* Cf. Histoire de la Convention nationale ou Mémoires de Durand
de Maillane (Paris, Baudoin, 1825} . Notice biographique, p. x et xi :
« Ici se termine la carrière politique de Durand de Maillane (21 fév. 179H),
— 390 —
4o pages de noies> Les vers soin plats et pauvrement rir
mais rintroducùon cL tes notes ne sont pas sans inlérèl; ce
soni comme des Iragmenisde mémoires écrits par un témoin
oculaire peu après les événements ; elles nous donnent aussi
quelques éclaircissements sur la question de rauthcnikiié de
Vilisloire de la Convention,
Je dois d abord prouver que cet ouvrage est bien de Du
rand de Maillane* J'ai été mis sur la voie par cette mention
manuscrite qu'on Ht à la dernière page de mon exempUin* ;
4i par Durand-Maillane, député de la Constituante *, Ce n'est
certes pas lu une preuve sulTisante. Voici qui est plus convain-
cant.
L'auteur connaît particulièrement la situation de la Provence
à la veille de la Révolution (p. 62), il a été le condisciple de
Pascalis (p, 63). sa circonscription électorale touchait au Corn*
tal Venaissin (p. 84), il a tait partie du comité ecclésiastique de
TAssemblée nationale ip. 52). il a « coopéré i» à la constitution
civile du clergé (p. 53)* il a proposé de soustraire le mariage à
l'autorité ecclésiastique (p. 79 cl 80), il a été ^ conventionnel
du côté droit *, après avoir été «< constituant du côté gauche »
tp, 77). En lin, ce qui est caractéristique encore, on trouve à
toutes les pa^cs le savant canonistc, lennemi acharné des Jaco-
bins, le catholique convaincu cl le mauvais écrivain au styk
embarrassé et incorrect.
Introduction I '- — *t Le principal objet de cette esquisse,
touchant les actes de la première Assemblée Constituante, osx
* M. Mftihies a (fuhlié des frA^mcnts à*%yn auire ouvrage en vers de tifi
syllabe» de Durand de Maillanc» intitulé La prast rimét Ce pciii(
était aussi accompagne de notes, aujourd'hui perdues, {fbid., p* 3i3).
' Les titres entre crochets ne sont pas de liurand de MaïUaae •
points indiquent les coupures*
- 39. -
de bien fixer Topinion sur les principes et sur les vraies causes
de la Révolution, attestées par deC^ic^ faits dont on rend compte
comme témoin oculaire
4i II ne s'agit proprement ici que du grand |procès entre les
ci-devant ordres de l'État ; ce sont les voies extraordinaires,
mais justes dans leur principe, qui ont conduit comme d'elles-
mêmes le Tiers-État à la plus complète victoire sur les deux
autres ordres beaucoup trop privilégiés.
« Je n'ai point à prévenir ici le jugement de mes lecteurs;
mais je leur observe q.ue rien peut-être n'était plus nécessaire
que cette instruction, pour la défense non seulement de tout le
ci-devant Tiers-État, mais encore des députés des communes
dans l'Assemblée Constituante, sur qui l'on entend tous les
jours les mécontents faire tomber les excès ou les malheUrsde
la Révolution.
« Ces excès et ces malheurs sont comme étrangers à l'Assem-
blée Constituante, et ils ne détruisent pas d'ailleurs les princi-
pes fondamentaux sur lesquels elle éleva son édifice ; ils sont
tels, ces principes, que rien ne saurait prescrire contre eux.
S'ils sont nouveaux dans leur usage, ils sont de toute ancien-
neté par leur nature et leur justice ; ce que j'ai cru nécessaire
d'établir et de prouver dans les notes, où l'on trouvera aussi
des faits et des éclaircissements utiles au public.
^ Je serais dans le cas de tracer un pareil tableau des actes
de la Convention dont j'ai été membre, comme de la première
Assemblée nationale; mais je n'en ai ni le goût ni le courage,
sans cependant y renoncer, d'autant moins que ce sera pour la
postérité la partie la plus piquante dans l'histoire de notre
Révolution ^^.
* Cf. Histoire de la Convention nationale ou Mémoires de Durand
de Maillane (Paris, Baudoin, i825). Notice biographique, p. x et xi :
« Ici se termine la carrière politique de Durand de Maillane (21 fév. 1798),
— 390 —
40 pages de noies. Les vers sont plats et pauvrement rir
mais riniroduciion ul les noies ne sont pas sans iniérèt ; ce
sont comme des tragments de mémoires écrits par un témoin
oculaire peu après les événements; elles nous donnent aussi
quelques éclaircissements sur la question de l'authenticiic de
V Histoire de la Convention,
Je dois d'abord prouver que cet ouvrage est bien de Du-
rand de Maillane, J'ai été mis sur la voie par celle mention
manuscrite qu'on lit à la dernière page de mon exemplaire :
« par Durand-Maillane, députe de la Constiluanic ^, Ce n'est
certes pas là une preuve sunisantc. Voici qui est plus convain-
cant*
L auteur connaît particulièrement la situation de la Provence
à la veille de la F^évolulion (p. 62), il a été le condisciple de
Pascalis (p. 63). sa circonscription électorale touchait au Corn-
Ut Venaissîn (p. 84), il a lait partie du comité ecclésiastique de
TAssemblée nationale (p. 52), il a *c coopéré » à la constitution
civile du clergé (p. 53), il a proposé de soustraire le mariage a
rauiorilé ecclésiastique (p. 79 et 80), tl a été * conventionnel
du côté droit î*, après avoir été <« constituant du côté i^auchc »
(p, 77), Enfin, ce qui est caractéristique encore, on trouve à
toutes les pages le savant canonisle» Tennemi acharné des Jaco-
bins, le catholique convaincu et le mauvais écrivain au style
embarrassé ci incorrect.
Introduction ^ — ^^ Le principal objet de cette e.Nquissc.
louchant les actes de la première Assemblée Constituante, «i
♦ M, Maihie« a publié de* fm^mcnts d'un «uirc ouvrage t,i vct* ,lv tunt '
lyllabcs d« l>urand de M ail Jane, mtiiutc Im prost rimée Ce peut poçinc
était aussi accompagnt! de notes, aujourd'hui pcrdtics. {tbid., p. $tby*
* Les titres entre crochets ne sont pas de [Jurand de Mailtane ; les
points indiquent les coupures.
-39. -
de bien fixer Topinion sur les principes et sur les vraies causes
de la Révolution, attestées par deC^ic; faits dont on rend compte
comme témoin oculaire
^ Il ne s*agit proprement ici que du grand |procès entre les
ci-devant ordres de l'État ; ce sont les voies extraordinaires,
mais justes dans leur principe, qui ont conduit comme d'elles-
mêmes le Tiers-État à la plus complète victoire sur les deux
autres ordres beaucoup trop privilégiés.
« Je n'ai point à prévenir ici le jugement de mes lecteurs ;
mais je leur observe q,ue rien peut-être n'était plus nécessaire
que cette instruction, pour la défense non seulement de tout le
ci-devant Tiers-État, mais encore des députés des communes
dans l'Assemblée Constituante, sur qui Ton entend tous les
jours les mécontents faire tomber les excès ou les malheursde
la Révolution.
« Ces excès et ces malheurs sont comme étrangers à TAssem-
blce Constituante, et ils ne détruisent pas d'ailleurs les princi-
pes fondamentaux sur lesquels elle éleva son édifice ; ils sont
tels, ces principes, que rien ne saurait prescrire contre eux.
S'ils sont nouveaux dans leur usage, ils sont de toute ancien-
neté par leur nature et leur justice ; ce que j'ai cru nécessaire
d'établir et de prouver dans les notes, où l'on trouvera aussi
des faits et des éclaircissements utiles au public.
^ Je serais dans le cas de tracer un pareil tableau des actes
de la Convention dont j'ai été membre, comme de la première
Assemblée nationale; mais je n'en ai ni le goût ni le courage,
sans cependant y renoncer, d'autant moins que ce sera pour la
postérité la partie la plus piquante dans l'histoire de notre
Révolution )> ^
* Cf. Histoire de la Convention nationale ou Mémoires de Durand
de Maillane (Paris, Baudoin, 1825). Notice biographique, p. x et xi :
« Ici se termine la carrière politique de Durand de Maillane (21 fév. 1798),
— Sgo —
40 pages de notes. Les vers sont plats et pauvrement rimî
mais l'introduction et les notes ne sont pas sans intérêt; ce
sont comme des fragments de mémoires écrits par un témoin
oculaire peu après les événements; elles nous donnent aussi
quelques éclaircissements sur la question de rauihentîcité de
V Histoire de la Convention.
Je dois d'abord prouver que cet ouvrage est bien de Du-
rand de Maillane. J"ai été mis sur la voie par cette mention
manuscrite qu'on lit à la dernière page de mon exemplaire :
#t par Durand-Maillane, député de la Constituante )>, Ce n*cvt
certes pas là une preuve suHi santé. Voici qui est plus convaia*
cant.
L*auleur connaît particulièrement la situation de la Provence
à la veille de la Révolution (p. 62), il a été le condisciple de
Pascalis (p. 63), sa circonscription électorale touchait au Com-
tat Venaissin (p. 84). il a l'ail partie du comité ecclésiastique de
l'Assemblée nationale (p. 52), il a #« coopéré » à la constiturion
civile du clergé (p. 53). il a proposé de soustraire le mariage à
l'autorité ecclésiastique (p, 7g et 80), il a été m, convcniionnci
du côté droit y^, après avoir été « constituant du côté gauche »
(p. 77). Enfin « ce qui est caractéristique encore, on trouve à
toutes les pages le savant canoniste, lennemi acharné des Jaco*
bins, le catholique convaincu et le mauvais écrivain au siyk
embarrassé et incorrect.
Introduction -. — ^ Le principal objet de cette c^quJS&e.
touchant les actes de la première Assemblée Constituante, est
* M. Mathiez a publié des fragments d'un autre ouvrage en vers dç huit
sfllabea de Durand de Mailfanc, mtiiuté La prost rimée Ce petit poème
était au»si accompagné de noies, aujourd'hui perdues, {ïhid., p, 5i5K
* Les litres entre crochets ne sont pas de Durand de MitUUne \ let
poinif «odiquent tes coupures.
- 39. -
de bien fixer l'opinion sur les principes et sur les vraies causes
de la Révolution, aiiestées par d^(sic) faits dont on rend compte
comme témoin oculaire
* Il ne s'agit proprement ici que du grand (procès entre les
ci-devant ordres de l'État ; ce sont les voies extraordinaires,
mais justes dans leur principe, qui ont conduit comme d'elles-
mêmes le Tiers-État à la plus complète victoire sur les deux
autres ordres beaucoup trop privilégiés.
« Je n'ai point à prévenir ici le jugement de mes lecteurs ;
mais je leur observe que rien peut-être n était plus nécessaire
que cette instruction, pour la défense non seulement de tout le
ci-devant Tiers-État, mais encore des députés des communes
dans TAssemblée Constituante, sur qui Ton entend tous les
jours les mécontents faire tomber les excès ou les malheurs de
la Révolution.
« Ces excès et ces malheurs sont comme étrangers à T Assem-
blée Constituante, et ils ne détruisent pas d'ailleurs les princi-
pes fondamentaux sur lesquels elle éleva son édifice ; ils sont
tels, ces principes, que rien ne saurait prescrire contre eux.
S'ils sont nouveaux dans leur usage, ils sont de toute ancien-
neté par leur nature et leur justice ; ce que j'ai cru nécessaire
d'établir et de prouver dans les notes, où l'on trouvera aussi
des faits et des éclaircissements utiles au public.
« Je serais dans le cas de tracer un pareil tableau des actes
de la Convention dont j'ai été membre, comme de la première
Assemblée nationale; mais je n'en ai ni le goût ni le courage,
sans cependant y renoncer, d'autant moins que ce sera pour la
postérité la partie la plus piquante dans l'histoire de notre
Révolution » *.
* Cf. Histoire de la Convention nationale ou Mémoires de Durand
de Maillane (Paris, Baudoin, 1825). Notice biographique, p. x et xi :
« Ici se tennioè la carrière politique de Durand de Maillane (21 fév. 179BI,
^^^2 —
Procession des États Généraux . — « C'e&i un faii
remarquable et qui fut trcb bien remarque qu a la procession
de l'ouverture des Etais Généraux, le 5 mai 17H9, le peuple qui
bordait la haie» qui remplissait les fenêtres^ qui était sur les
toits, tout le lorif; des rues, à partir de Téglise Notre-Dame pour
aller à Téglise de Saint-Louis» ne lit qu'applaudir, battre des
mains aux éclats, tant qu'il vit les députés du Tiers-Éiai dcHlcr
deux à deux devant les députés de la noblesse; des que ceux-ci
paraissaient, grand silence.
^ Ce sentiment du peuple à cette époque ne lut puim mantei
vré> il ne pouvait l'être, car les spectateurs étaient innombr
blés, leur vœu ne pouvait donc qu'être naturel» étant ainsi
spontané et unanime. C'est vraiment un sujet de profonde
méditation. Au premier instant des États Généraux, la nation
se montre, pour ainsi dire, telle qu'elle n'a cessé d'être dans
tout le cours de la Révolution
« Dans la disposition où étaient les esprits à la même épo-
que, ils s*oftensèrcnt d abord de nos costumes, du faste insu^
tant qu'on mit dans celui des nobles; ensuite, parce que ces
nobles ne voulurent pas se réunir a nous, ils s'en irritcrtni.
s*en aigrirent de manière à intéresser à notre in|ure ou à notre
vengeance tout ce qui tenait au Tiers-État, jusqu'aux gardes
françaises, d'ailleurs mal disposées, depuis la mort de M. de Bi*
ron, contre leur nouveau commandant, ce qui est encore une
de CCS circonstances inopinées qui ont comme décidé la Révo*
qui fat, dès ce moment, rendu h ses travaux de lunscontulte, a i^es detoirf
de mAgistral. Il commença, des lors, à rassembler aussi les maicKaot de
^cs Mémoirat sur ta Contient ion nationale... » On sait que M. Aolard
iU Rét^olutioH française, n'du 14 fév. igoo) n contesté l*aiithentiai^de
CCS Mémoires. Ce passage prouva que Crivelli. qui « les a revus ci mis m
ordre ». a réellement travaille' sui des noUs de Durand de Mâillaoe. Vmi
aussi MjiTiiie2. L c, p. H4 et suiv.
4k
- 393 -
lution ou ses succès ; car l'indisciplme de cette première troupe
fut imitée par les artilleurs qui refusèrent le service contre les
députés, aux critiques journées des i3 et 14 juillet; bientôt
l'armée fut contaminée par ces exemples, et tout ce qui d'ail-
leurs n'était pas noble, ne Ht aussitôt qu'une voix, qu'un cri pour
la liberté... Dès ce moment, le Tiers-État fut vainqueur, parce
qu'il n'est pas de force comme celle du peuple quand il s'ac-
corde pour l'employer ».
Séance royale du 23 juin 1789J. — « Par la disposition
des esprits parmi les députés des communes que je voyais, par
l'intérêt personnel que j'avais à la chose, j'ai toujours pensé
que si, dans la séance royale du 23 juin 1789, on eut entendu,
à la lecture qui se Ht de la déclaration du roi, un article qui
admettait tous les sujets du roi, indistinctement, à tous les em-
plois civils et militaires, selon leurs vertus et leurs talents, les
représentants du Tiers-État n'auraient pas été bien loin de se
rendre.
« Mais parce que cet article n'y fut pas, ils se seraient laissé
tuer dans la salle plutôt que de retourner vivre dans leurs pro-
vinces, eux et leurs représentés, dans le même avilissement.
« M. de Brézé vint donc vainement nous en donner l'ordre
de la part du roi. Mirabeau qui, pour s'accréditer, pour se
faire acheter..., prenait toujours la parole dans les causes ma-
jeures, se hâta de la prendre ici pour exprimer un vœu qu'il
voyait écrit sur tous les fronts, qu'il entendait même de tous
les coins... »
[Mirabeau . — « Un seul député de l'Assemblée Constituante
a été convaincu, après sa mort, du trafic non pas seulement
de ses talents ou de sa parole, ce qui est toujours un grand
tort, mais de la liberté même de la nation.
« Ce député est Mirabeau qui, lorsque le peuple l'idolâtrait
— 394 ^
pour son patriotisme, lui, le vendait, et ses droits et saTn>ertt,
par des marchés avec la cour dont on découvrit la preuve dans
larmoire de fer.
« J ai entendu la première lecture des pièces, où Ton vo)*!!!
un débat, tant sur le prix de la trahison, que sur la forme de
son paiement *.
« Qui n'aime pas la Révolution est pardonnable de ne pas
la servir ; mats se faire honneur de la servir, en la trahissant,
c'est un crime qui n'a pas de nom. Mirabeau n'en a été puni
que dans sa cendre que la Convention ordonna de faire exhu-
mer du Panthéon pour la jeter au vent.
<t J'observerai ici que cet orateur, dont on ne pouvait s'cm-
pécher d'admirer les talents, était si décrié par sa moralilc
que le côté gauche de TAssemblée était sans cesse en garde con-
tre lui ; il est arrivé plusieurs fois que ce ccMé la ramené à dc^
principes dont Mirabeau s*écartaiu sans doute à mauvais des-
sein. L'événement nous autorise maintenant à le croin; i».
iLa fuite du roi. Révision de la Constitution, La Hépublt-
que , — « Quand on revisa la première Constitution qui se iii,
non comme on l'aurait désiré, mais comme les circonstances
et les préjugés, que Ton avait alors beaucoup à ménager, per-
mirent de la faire, plusieurs parlaient de République, et
Louis XVI semblait y inviter à l'époque de sa fuite, par k
Mémoire qu'on lut de sa part à la barre de l'Assemblcc, et oà
Il déclarait nettement son aversion pour tout ce que nous tai-
sions de contraire a son autorité et a ses droits, qu'il entendait^
disait-il, conserver tels qu'il les avait reçus de ses pères.
• Cf, ffist. dt ia ^Coupent. : « On y d<*couvril (dans l'armoire de fer» des
pièces dont on »c sertit contre lui iLouis \\{\ dans son lugement ; d*ao-
tre« qui décelèrent le fâuz pttrioiisme de députes qui, lorsqu'ils œaii*
u«ient k p\us de it\e pour U liberté de li nition. travailiatent pour de
Tor à son esclavage », p 5ir
- 395 —
4c Mais le fruit n'était pas mûr, c'est-à-dire qu'alors les Fran-
çais, en général, n'étant pas préparés à la forme républicaine,
n'auraient pu sitôt l'adopter, ^itôt oublier et monarque et mo-
narchie. On aurait ainsi manque son coup pour le précipi-
ter... )>
Influence pernicieuse de Montesquieu . ~ « L'esprit des
lois parut vers l'an 1748. Dès cette époque, les Parlements qui,
jusque-là, avaient solennellement avoué, et plus d'une fois, ne
tenir absolument leur état et leur pouvoir que du roi, s'eslimè-
rcnt bientôt les représentants du peuple et lesorganes nécessaires
auprès du législateur, dont ils arrêtaient les lois comme à leur
grc, par le moyen de leur enregistrement, tandis que, d'autre
part, le roi qui n'était entouré que de nobles, pour qui, dit
Montesquieu, cest une infamie de partager le commandement
avec un roturier, n'a. depuis, cessé de faire tout pour eux, au
détriment, je dirai même, à l'anéantissement de tout le peuple.
« La première de ces lois, dont les autres n'ont été que la con-
séquence, sont (sic) celles qui, après avoir réglé la noblesse
militaire, établirent successivement des écoles, des collèges,
des chapitres pour tous les nobles, en les dotant largement de
gros bénéfices, tous composés du bien des pauvres..
« Dans ces chapitres, les nobles chanoines, pour n'être pas
confondus avec des curés et des vicaires dans l'uniformité de
leur robe noire, portaient des croix avec des rubans de cou-
leur. Les choses en étaient venues au point que le mérite le
plus distingué, la science la plus étendue, la plus profonde,
n'étaient pour aucun roturier un titre pour obtenir le plus petit
bénéfice consistorial, que dis-je? la plus petite pension sur ces
bénéfices possédés en commcnde. J'aurais, à ce sujet, des
épisodes à faire en preuve qui, tout à la fois, amuseraient et
scandaliseraient le lecteur; mais Dieu y a pourvu, et désormais
tous les ministres de son Église, indistinctement, débarrassés
de leurs anciennes ei dangereuses possessions, n'auront plus à
se faire honneur que de leur mérite et de leurs vertus...
« Enrîn, ce qui avail mis le comble à 1 injustice impolittque
du Gouvernement envers le ci-devant Tiers-Étal, c'est la loi
par laquelle on exigeait des preuves de noblesse pour être
olficierdans les troupes du roi, sur terre comme sur mer
*c C'était ià tout ce qui restait au Tiers-Etat de TancKiii^t
Constitution» échappé au rava^'e des ticfs, *t La Constitution
du Gouvernement français, disait MatbareK est si ciscellente
qu'elle n*a jamais exclu ni n*exclura jamais les citoyens nés
dans le plus bas étage des dignités les plus relevées -», Voili
donc la dernière porte qu'on avail fermée aux ci-devant rotu-
riers pour leur ouvrir, dans le service militaire, celle d'un inju-
rieux médaillon, ou d'un grade sous le nom plus injurieux
encore d'o/ficiers de Jorlune /...
*i Tout cela, je le répète* est Teflet insensible» indirect» mai>
réel des principes établis par Montesquieu dans son Esphl
des lois en faveur de la noblesse, au préjudice du Tiens-
État,., î> *.
* Il dît plus loin : « L'auteur de tEspru û^i U>ts>. panisau ue^ umit
seigneunauji. comme des prérogatives de la noblesse .. ». Il v turtit
encore à ^{Unerdart*^ ce petii livre. Durand de Maitlane du p^r exemplt
« Plusieurs cahier» d'assemblées batlliagereSt dont la mtenne était da
nombre* avaient chargé les députes de demander la vente dca biens immeu-
bles du clergé ^* Les cahiers du tiers de ta sénéchaussée d*AHcs éum
perdus, CCS lignc!E ont une importance documentaire. D'après Tautetir de
la notice biographique placée en téie de Vifixioirc de la CQn^rnihn^
Durand de Maillane aurait été, avec M. Scrvan. son compatriote, an des
principaux rédacteurs du cahier de la sénéchaussée d^^rlea {p. v). — On
trouve, p- r>ij et 70* une autre allusion aux cahiers.
— 397 —
XV
LA HUNIGIPALITË CANTONALE DE CASSIS
Sous la Constitution de l'an III,
par M. H. BARRÉ.
Bibliothécaire de la pille et de la Société de Géographie de Marseille.
Nous ne ferons pas ici l'éloge de la Constitution de Tan III.
Bien que ce fût un instrument trop délicat pour un peuple à
peine émancipé du joug delà Monarchie absolue et de la Ter-
reur, et encore plongé dans les ténèbres de l'ignorance, elle a
trouvé trop d'illustres apologistes pour que nous osions, après
eux, apporter à ses auteurs le modeste tribut de notre admira-
tion. Nous demandons, au contraire, en exposant la section
relative à l'organisation municipale des petits centres, à for-
muler quelques réserves le cas échéant.
Le département des Bouches-du-Rhône comptait, quand fut
promulguée cette Constitution, cinquante-cinq cantons. Parmi
ceux dont les chefs-lieux avaient moins de cinq mille âmes,
les procès-verbaux des municipalités n'ont été conservés
v^ue pour la circonscription de Cassis : notre choix ne nous a
cionc pas fait perdre de temps. Avant de donner un bref ré-
sumé des travaux de la minuscule assemblée, nous tenons à
remercier vivement M. Fournier, l'aimable et savant archiviste
auquel nous devons et l'indication et la communication
*_ 396 -
de leurs anciennes el dangereuses possessions, n'auront plus 1
se faire honneur que de leur mérite ei de leurs venus...
^ Enîiii. ce qui avait mis le comble à Tinjustice impoUlk|ye
du Gouvcrnemeni envers le ci-devanl Ticrs-Ètai, c est la loi
par laquelle on exigeait des preuves de noblesse pour être
officier dans îes troupes du roi, sur terre comme sur mer.
<t C'était là tout ce qui restait au Ticrs-Éiat de ranciconc
Constitution, échappé au ravage des ticfs. « La Consiiiaiion
du Gouvernement français, disait MaîhareL est si excellente
qu'elle n a jamais exclu ni n'exclura jamais les citoyens nés
dans le plus bas étage des dignités les plus relevées ». Voilà
donc la dernière porte qu'on avait fermée aux ci-devani roiu-
riers pour leur ouvrir, dans le service militaire, celle d'un inju-
rieux médaillon, ou d'un grade sous le nom plus injuricui
encore d'officiers de fortune /.,.
<t Tout cela, je le répète, est TelTei insensible, indirect, mais
réel des principes établis par Montesquieu dans son Esprii
des lois en faveur de la noblesse* au préjudice du Tictv
Èlat... » '.
* H dii pttis lotii . « L'Auteur de VExprit dei Lois, pArusan des ilfi
stigncuriaui. comme des prérogatives de la noblesse .. ». W y «unit
encore à fîUner dans ce petit tivre. Durjind de MailUne dit par exempte .
« Plusieurs cahiers d'assemblées bailtiagcres, dont la mienne était du
nombre* avaient charge les députés de demander la vente des biens imonea*
blés du clergé ». Les cahiers du tiers de la sénéchaussée d*Afie& <îtant
perdus. CCS lignes ont une importance documentaire^ D'après rauieiU' 4i
la notice biographique placée en létc de VHistoire df i^ Conrcntiùm,
Durand de MailJane aurait été, avec M. Servan* son compatriote* on ild
priocipaui rédacteurs du cahier de ta sénéchaus^e d'Arles [p. ▼!. ->' O»
trouve, p. 6n et 70. une autre allusion aux cahiers,
— 397
XV
LA HUNIGIPALITË CANTONALE DE CASSIS
V
Sous la Constitution de l'an III,
par M. H. BARRÉ.
Bibliothécaire de la pille et de la Société de Géographie de Marseille.
Nous ne ferons pas ici l'éloge de la Constitution de l'an III.
Bien que ce fût un instrument trop délicat pour un peuple à
peine émancipé du joug delà Monarchie absolue et de la Ter-
reur, et encore plongé dans les ténèbres de l'ignorance, elle a
trouvé trop d'illustres apologistes pour que nous osions, après
eux, apporter à ses auteurs le modeste tribut de notre admira-
tion. Nous demandons, au contraire, en exposant la section
relative à l'organisation municipale des petits centres, à for-
muler quelques réserves le cas échéant.
Le département des Bouches-du-Rhône comptait, quand fut
promulguée cette Constitution, cinquante-cinq cantons. Parmi
ceux dont les chefs-lieux avaient moins de cinq mille âmes,
les procès-verbaux des municipalités n'ont été conservés
v]Lic pour la circonscription de Cassis : notre choix ne nous a
Jonc pas fait perdre de temps. Avant de donner un bref ré-
sumé des travaux de la minuscule assemblée, nous tenons à
remercier vivement M. Fournier, l'aimable et savant archiviste
auquel nous devons et l'indication et la communication
— 3qo —
40 pages de noies, Les vers sont plats et pauvrement rimes * ;
mais riniroductioii et les notes ne sont pas sans intérêl; ce
sont comme des fragments de mémoires écrits par un tcmotn
oculaire peu après les événements; elles nous donnent aussi
quelques éclaircissements sur la question de lauthcnticitc de
Vllisioire de la Convention,
Je dois d'abord prouver que cet ouvrage est bien de Du-
rand de Maillane* J ai clé mis sur la voie par cette mention
manuscrite qu'on lit à la dernière pat"e de mon exemplaire :
« par Durand-Maillane, député de la Constituante s». Ce n'est
ceries pas là une preuve sutTisanie. Voici qui est plus convain*
cant*
L'auteur connaît particulièrement la situation de la Provence
à la veille de la Révolution (p, O2), il a été le condisciple de
Pascalis (p. 63)» sa circonscription électorale touchait au Corn*
lat Venaissin (p. 84), il a lait partie dti comité ecclésiastique de
TAssembléc nationale 1 p. 52), il a ^ coopéré * à la constitution
civile du clergé (p. 53), il a proposé de soustraire le mariaf;e à
l'autorité ecclésiastique (p. 79 et 80), il a été * conveniioanel
du côte droit ^, après avoir été «t constituant du côté gauche »
(p. 77). EnTm, ce qui est caractéristique encore, on irou^*^ à
toutes les pages le savant canonistc. rcnnemî acharné des Jaco-
bins, le catholique convaincu et le mauvais écrivain au styl
embarrassé et incorrect,
lotroductioii I '. — ^ Lq principal objet de cette c^^quissc?
touchant les actes de la première Assemblée Constituante, e>i
' M. iM«thie2 a publié àni rmgrïicnlïi d*un «utre ouvrage en vers de hiiM
syiUbes lic Durand de Maillanc, iniiiulé La prose rimée Ce petit poàmt
éïajt aussi accompagne de notes, aujourd*hui perdues. {Ibid., p. liSj,
' Les mrcs cnire crocbcts ne sont pas de Durand de Madlanc ; Ici
points indiquent les coupures.
- 391 -
de bien fixer Topinion sur les principes et sur les vraies causes
de la Révolution, attestées par d^(sic) faits dont on rend compte
comme témoin oculaire
* Il ne s'agit proprement ici que du grand (procès entre les
ci-devant ordres de l'État; ce sont les voies extraordinaires,
mais justes dans leur principe, qui ont conduit comme d'elles-
mêmes le Tiers-État à la plus complète victoire sur les deux
autres ordres beaucoup trop privilégiés.
« Je n'ai point à prévenir ici le jugement de mes lecteurs;
mais je leur observe que rien peut-être n'était plus nécessaire
que cette instruction, pour la défense non seulement de tout le
ci-devant Tiers-État, mais encore des députés des communes
dans l'Assemblée Constituante, sur qui l'on entend tous les
jours les mécontents faire tomber les excès ou les malheurs de
la Révolution.
« Ces excès et ces malheurs sont comme étrangers à l'Assem-
blée Constituante, et ils ne détruisent pas d'ailleurs les princi-
pes fondamentaux sur lesquels elle éleva son édifice ; ils sont
tels, ces principes, que rien ne saurait prescrire contre eux.
S'ils sont nouveaux dans leur usage, ils sont de toute ancien-
neté par leur nature et leur justice ; ce que j'ai cru nécessaire
d'établir et de prouver dans les notes, où l'on trouvera aussi
des faits et des éclaircissements utiles au public.
« Je serais dans le cas de tracer un pareil tableau des actes
de la Convention dont j'ai été membre, comme de la première
Assemblée nationale; mais je n'en ai ni le goût ni le courage,
sans cependant y renoncer, d'autant moins que ce sera pour la
postérité la partie la plus piquante dans l'histoire de notre
Révolution » *.
* Cf. Histoire de la Convention nationale ou Mémoires de Durand
de Mailiane (Paris, Baudoin, iSzS). Notice biographique, p. x et xi :
« Ici se termine la carrière politique de Durand de Mailiane (21 fév. ly^h
— 4Û4 -
tion sur la soriie des vins pour permeure de faire face aux pre-
mières exigences. Il n'y a pas irace de la réponse des adminis-
trateurs supérieurs.
Pour la première fois en l'an VII, la conscription ayant
succédé à la réquisitionne Directoire demande quatorze jeu*
nés soldats au canton. L'Assemblée répartit ainsi ce total en-
tre les communes : Cassis» cinq; Ceyreste, quatre ; La Penne,
quatre; Roquefort, un. Le 8 prairial, elle avisa les hommes
désignés parle sort pour passer de la deuxième et de la troi-
sième classe dans la première, c'est-à-dire dans l'armée active.
d'avoir à se présenter dans les vingt-quatre heures devant elle,
afin de recevoir leur ordre de route pour le chef-lieu du dépar*
temeni. La suite du procès-verbal nous apprend, dans le lan-
gage fleuri de l'époque, que les conscrits « restèrent sourds à
la voix de la Patrie *, 11 fallut mettre des garnisaircs pendant
trois jours chez les réfractaircs, ci ceux qui ne se rendirent pas
à l'appel à l'expiration de ce délai furent signalés au général
commandant la huitième division militaire pour être jugés
par contumace. C'était pourtant au moment où les Austro-
Russes avaient reconquis litalie et menaçaient Masséna, en
Suisse, tandis que les Anglais et leurs auxiliaires envahissaient
la Hollande,
Le M.» brumaire an V'III, l'Assemblée vota le dernier budl
cantonal : il s'élevait à 2,750 livres dont voici le détail
Juge de paix et gretlier^ traitement. i.ooo
Secrétaire en chef 60a
Quatre commis communaux à ia5 I , , 5oo
Frais de bureau 3oo
Frais de poste , loo
Félcs publiques 100
Garde Nationale sédentaire , . . i5q
Questions diverses. — Impôts généraux. — L*«r*
— 4o5 —
ticle (QO de la Constitution chargeait les adnainistrateurs can-
tonaux de la répartition des contributions directes et de la
surveillance des deniers levés sur leur territoire : à cet effet,
ils nommaient un receveur cantonal, représentant nos percep-
teurs actuels, et des receveurs municipaux. Ce n'était pas au
choix, ni à la suite d'un examen, mais par voie d'adjudication,
comme cela se pratique encore pour l'octroi dans beaucoup
de petits centres. En l'an VII, seule donnée fournie, le quan-
tum fut d'un sol par livre, après deux épreuves sans résultats.
En l'an V, l'Administration départementale demanda au
canton, à titre de contribution foncière, 17.029 l.en principal,
plus i5 centimes additionnels, soit au total ig.SSS I.; la con-
tribution personhelle, mobilière et somptuaire, comme on
disait alors, y compris 25 centimes additionnels, ne se montait
qu'à 5.849 1., soit en tout 25.482 1. ou 7 I. par tête en moyenne.
L'impôt sur les portes et fenêtres n'existait pas encore.
La répartition s'effectua comme suit :
Taxe foncière
Taxe persoaDellc
et mobilière
TOTAL
Cassis
5.882 I. 7 S.
2.934 I. 16 S.
8.807 1. 3 S
Roquefort . .
4.647
811 14
5.458 14
L* Penne..
5.454
1.208 10
6.662 10
Ceyresie
3.600
904 l3
4.504 i3
Les administrateurs s'étaient adjoint un habitant dans cha-
que commune comme auxiliaire et contrôleur.
Les registres ne donnent pas de détails pour l'an VI, proba-
blement n'y eut-il aucune modification.
L'année suivante, bien que les centimes se fussent élevés
de i5 à 171 /2. le total de la foncière ne dépassait pas 16.920 L
Roquefort subit une légère augmentation et les autres commu
nés bénéficièrent d'un dégrèvement, très fort à La Penne.
— 4^^ ^
r/l^taxc personnelle, mobilière et somptuaire avait été encore
plu!^ réduite, elle nelail que de 3*401 I. Cassis prit 2«035Lii
son compte.
Celte année*Ui apparut le luncisie impôt sur les portes et fe-
nêtres. Nous ne savons quelle l'ut la somme demandée au
canton; mais on voit, le 16 nivôse, le Conseil nommer quatre
conimissaircs pour Cassis et deux pour chacune des autres
communes, d relfctde préparer rétablissement de la taxe.
Le 20 messidor, le Conseil vota une réquisition de trois
cents quintaux, poids de marc, de paille pour Tarmêe d'Italie,
sous réserve d'une indemnité (ixéc par rAdministratioo du
département. Sur cent trente-quatre contribuables nominati-
vement désif^més, le plus fort imposé dut fournir vint^ quin-
taux ; puis viennent des quote-pans de seize, quatorze, douxe
Cl dix ; la très grande majorité ne devant que de un à quairt
quintaux. Il fallut livrer cent quintaux de blé, par fractic
variant de six quintaux, pour le plus imposé, à 1 4, pour le
j^rand nombre des détenteurs de grains. Le tout fut versé
magasin communal de chaque localité, reconnu par Ta
municipal cl dirigé sur Marseille par voie de terre.
I,e M tructidor. une circulaire rappela les receveun^ à
devoir ; il parait que la plus grande partie des impôts des 1
exercices précédents n étaient pas rentrés, sans préjud&cc* b»
entendu, du courant.
A la veille de disparaître, dans la séance du 14 prair
an Vlll.le Conseil établit le déficit détiniiif s'élevant à
près à la valeur d'un budget annuel ou *i.5i3 h : tl y avaïLai
chitrre^ ronds, J.ftja I* de dettes à payer sur les e\cruce». d»
ans V, VI, VU ci VIII ci 1.379 '* non encore versées parlo
percepteurs sur les deux derniers seulement.
On peut encore rattacher a cette section divers act& Màmi
nistraiifs qui a^ntraient à 1 époque dans les aliribottoft» «ia
— 407 —
municipalités cantonales. C'est ainsi que nous voyons celle
de Cassis mettre les madragues en adjudication, procéder à la
levée des chevaux pour larmée, nommer les titulaires deà dé-
pôts de poudres et salpêtres et recevoir les demandes en dé-
•^rèvcmcnt d'impôt.
Questions diverses, justice, police, etc. — Nous
relèverons et réunirons sous cette rubrique des actes divers
dont les uns se présentent trop fréquemment pour qu'on
puisse les spécifier à leur date, et les autres, au contraire, vu
leur importance ou leur rareté, méritent d'être énumérés dans
l'ordre chronologique.
L'Administration cantonale recevait les pétitions relatives à
la radiation de la liste des émigrés, délivrait des certificats de
résidence, faisait interner les aliénés et prenaient des mesures
pour empêcher l'élévation exagérée du prix des grains. Ce
sont là les faits les plus importants parmi ceux de la première
catégorie.
Pin abordant l'étude des actes de la seconde, nous voyons, en
l'an IV, l'Assemblée cantonale intervenir auprès du Directoire
départemental pour le prier de remédier au désordre qui résul-
tait de la démission du juge de paix et de ses assesseurs.
L'année d'après, elle intente un procès au canton de La
Ciotat, par devant le Tribunal civil du département, au sujet
des droits de compascuiié, parcours et vaine pâture que les
vieux usages avaient maintenus aux gens de Cassis dans les
4< terres gastes » de la grande commune voisine. Elle eut gain
de cause et les frais ne s'élevèrent qu'à 176 1., dont 60 1., pour
deux plaidoyers. Peu après, elle procéda à la nomination d'un
capitaine des ports.
Les adversaires du nouveau régime avaient arraché et fait
disparaître pendant la nuit l'arbre de la liberté planté en 1793 ;
4o8 —
rAssemblêe qui leur était alors. î>inon acquise, du moins fort
peu hostile, décida d'en rétablir un autre, quand elle dispose-
rail des tonds nécessaires à ce sujet. Elle ne se composait pas,
du reste, de contre-révolutionnaires bien redoutables, puisque
le 29 ventôse, le général Merle l'avisait de la levée de leiat de
sièfîe dans le canton, La lettre coniieni cette phrase bien carac-
téristique : « Désormais le doux régime constitutionnel poU-
« cera les habitants de Cassis qui s'en sont rendus dii^nes par
« leur entière soumission aux lois de la République.
La Municipalité comrrfande désormais aux troupes réglées-
Le H ihermidor. elle ordonne au lieutenant Fellcn, chef du dé-
tachement de Cassis, de fournir tous les canonniers disponi-
bles pour tenir garnison chez les contribuables qui n ont pa$
réglé le solde des exercices antérieurs à Tan IV. Il en est de
même le 29 du mois pour le commandant de la place d'Auba-
gne : il s'agit spécialement des contribuables de La Penne qui
n*ont pas versé leur quote-part pour lyqî et 1794.
Le 17 fructidor» elle organise la Garde Nationale sédeniatre
du canton ♦ sur le pied d'un bataillon de dix compagnies.
Cassis devait fournir une compagnie de grenadiers, une de
chasseurs, trois de fusiliers; La Penne, deux compagnies de (u*
sîlicrs ; Cej reste et Roquefort, une compagnie et demie cha-
cune. L*élcction des ollkiers fut fixée au 22 dudît mois.
Aucun document n'indique TelTectif des compagnies, miiis"
il devait cire bien faible, car en admettant celui des unités
de l ancien régime, soit quarante à cinquante hommes, on
arrive à un chiffre de quatre cent cinquante hommes co
moyenne, peu compatible avec une population totale de trois
mille six cent trente-huit habitants.
Nous sommes en Tan VI, Le i5 brumaire, ladjoint Mathe*
ron qui n'est pas encore révoqué et remplacé par Allemand,
fait, à la place de son maire, les perquisitions ordonnées par la
-4og -
loi du 19 fructidor chez les citoyens m non radiés de la liste des
émigrés >. Il est escorté par des canonniers réquisiîionnés,
mais on comprend aisément que cette visite se termine par un
procès-verbal de carence.
Le 2 pluviôse (21 janvier, v, s.), la nouvelle municipalité,
gouvernementale cette fois, célèbre lanniversaire ^ de la juste
punition du dernier Roi des Français »* Fonctionnaires, offi-
ciers et soldats jurent « Haine a la Royauté et à rAnarchic,
tidélité à la Constitution de Tan lll », On relève trente-deux
signatures, y compris les caporaujÉ» canonniers; parmi les
principaux personnages, en dehors des administrateurs, se
trouvent le capitaine commandant la garnison, le lieutenant
de port, lé receveur et le lieutenant des douanes, le directeur
des postes, un officier ministéneK etc.
f Le 4 pluviôse, le Conseil dresse procès-verbal de la déclara-
I tion d*un cultivateur dVVubagnc dénonçant comme déserteurs
I et assassins les deux frères Caya {sic) et les dcu\ frères Barry.
I Dans le reste de lexercicet nous les voyons nommer un
! Conservateur de la Santé, puis procéder, sur Tordre du Direc-
I loire départemental, aux visites domiciliaires exigées par la loi
^du 18 messidor.
^H !^ 4 brumaire an VII, on désigne, pour examiner les cons-
^Hrits. cinq pèresde famille ayant des enfants sous les drapeaux :
^its sont assistés du Commissaire directorial et dun officier de
. 2»anté. n'ayant tous les deux que voix consultative.
Le 2 pluviôse, nouvelle célébration de lanniversairc de la
mort de Louis XVÎ. Le procès-verbal comporte cette fois qua-
rante-une signatures.
Quelques jours après, passe une colonne mobile de cent
ngt-cinq hommes pour capturer les « brigands »», Les exi-
nces du commandant, surtout en matière de confiscation des
armes à feu» amènent une protestation du Conseil qui fait va-
loir que le canton compte cent cinquante de ses entants d t aP
mée d'Egypte» Ce serait une proportion vraiment extraordi-
naire, si elle est exacte.
Cela n'empêcha pas l*espriide révolte de gagner du terrain :
bandits ci insoumis devinrent si redoutables, surtout aux
acquéreurs de biens nationaux, qu*il fallut rétablir l'état
de siêi^c le 19 prairiaL Une seconde colonne mobile par
courut le canton sous la direction duxhef de bataillon Miguel :
elle comptait trente fantassins, autant de dragons et de hus*
sards et trois f^'endarnics.
Peut-être agit-elle avec trop de zèle, car le 20 fructidor, le
Conseil charge l'agent de Roquefort, sur la demande d'un habi-
tant de cette commune, daller demander aux administrateurs
d^Aubagne la mise en liberté dé deux inculpés de brigandago^M
sur le compte desquels on n'avait jamais reçu de plain(e. ^^
Dans la nuit du 26 au 27 fructidor, sur Tordre du directoire
départementaU les visites domiciliaires recommencèrent: les
agents municipaux, escortés par la Garde nationalect, au be^^otn,
par les troupes réglées, devaient arrêter les prêtres réfracta ires,
les émigrés» les embauchcurs, égorgeurs et brigands. La circu-
laire indiquait qu'elles pourraient être renouvelées dans le
courant de la quinzaine, mais rien ne dit dans les procès-ver-
baux que le t^it se soit produit.
Le 22 brumaire an VIII, les administrateurs se déclarèrent
en permanence, à l'exemple et sur l'invitation du directoire
départemental» pour faire rentrer rarrîéré des contributions des
ans V, VI et VIL vu la détresse de Tarmée d'Italie*
Knfin, le iS frimaire, les administrateurs prêtèrent à la Con
titution de Tan VI IL qui allait les supprimer» le serment exigé
par la loi du 23 brumaire. La formule était, au début* ainsi
rédigée : «Je jure d*étrc tidèlc à la République une etjinJîvisible*
fondée sur la liberté, légalité et le système représentaiiL î^ Elle
— 4H -
tut bientôt modifiée radicalement, mais cela sort de notre
cadre. Tous les fonctionnaires, civils et militaires, salariés ou
non, ainsi que les officiers ministériels, durent se joindre aux
membres du Conseil et Ion relève sur le procès-verbal plus de
cinquante signatures.
Ici s'arrête notre tâche. Nous le répétons, l'organisation mu-
nicipale d alors était bien avancée pour nos arrière-grands-
pères, mais ils n'en eurent que plus de mérite à s'acquitter de
leur lourde tâche au milieu des horreurs de la guerre civile et
de la lutte contre les deux premières coalitions. Adressons
donc un souvenir ému à ces braves gens qui, sans aucune
rétribution, consacrèrent à la chose publique un temps d'au-
tant plus précieux que leur vie était bien dure à gagner à une
époque de troubles sans cesse renouvelés.
-4«3 -
XVI
La Granie Fenr et l'orgÉsatioo le la Garle Natiooale
à MCanosq-ue en iTSg,
Par M. P.. H. BIGOT,
Professeur au Coiièf^e, Membre de la Société scientifique et littéraire
des Basses-Alpes»
Secrétaire<orrespondant de la Société d'Études provençales, •
Officier d'Académie,
I. ~ Les Brigands et la Grande Peur.
Le 3i juillet 1789, à la séance du Conseil des 72, les Maires-
Consuls annoncèrent qu'ils avaient reçu, par un exprès arrivé à
six heures du matin, une lettre des Consuls de Beaumont. Par
cette lettre, ceux-ci leur donnaient avis « qu'une troupe de
brigands avait dévasté le lieu de Cadenet et menacé d'en faire
autant aux lieux des environs », et ils demandaient des ren-
forts pour le secours commun.
Environ une heure après, ils avaient reçu des Consuls de
Sisteron, par un exprès que ceux-ci avaient dépêché à M. le
Comte de Caraman, une lettre par laquelle ils les informaient
qu'ils avaient eux-mêmes reçu des Consuls de Serres un avis
que la ville de Romans en Dauphiné avait été mise à feu et à
sang par une troupe de brigands.
Depuis le 27 juillet, en effet, le Dauphiné était en ébullition.
Les nouvelles les plus contradictoires circulaient dans la popu-
lation et l'énervaient. On savait que, successivement, la Bresse
et le Bugey s'étaient émus. On craignait que ces masses souIe-
414 -
vees ne s étendissent au-dehors de
porter le désordre et la désolation dans le Dauphinc. Aussi.
pour parer à un semblable péril, * les paysans s'arment, se
groupent, se concertent ^ *. Ceue émotion s'apaise assez vite
dans le Graisivaudan ci le Valeniinois, mais elle continue à se
propager dans les parties basses du nord de la province, entre
Bourgoin et la Tour-du-Pin. Là. les paysans, dérangés de leurs
travaux par lappel des privilégiés et furieux de voir s'écouler
en pure perte un temps précieux pour eux* écoutent complat*
samment les insinuations des meneurs qui se mêlent h eu\ ci
crient /i la trahison. Ils se précipitent vers les châteaux» en
brïllcnl quelques-uns et anéantissent quelques livres terriers.
La milice bourgeoise çl la maréchaussée de Lyon dispersent
assez vite ers bandes désordonnées.
Mais la nouvelle de ces désordres était déjà parvenue en
Hrovence. Successivement, Gap, BcllatTaire, Turricrs, Sisteron
étaient informées que 5 à 6.000 brigands ravageaient le Dau-
phiné et mettaient tout à feu et à sang sur leur passage. Elle
parvint à Seyne le même jour qu*à Manosque, Devant rim-
minencedu danger, ces deux villes prirent les mêmes mesures :
^ Il faut s'armer en diligence, envoyer le plus d'hommes pos-
sible sur les bords de la Durance pour tâcher de s*oppascr lu
passage de ces bandits. Expédiez vite des armes, des munitions*
des secours ». Telles furent les dispositions que prit le Con-
seil général de Seyne ^. Ne comptant que sur elle-même. Ma-
nosque prit aussitôt les mesures nécessaires. Ses Conseils per-
pétuel et annuel, après la lecture des lettres des consuls de
bcaumont et de Sisteron. décidèrent *t de former une troupe
bourgeoise pour la défense de la ville* et pour se porter pîirtout
* C Cauvin» La Grande Peur^ page 8.
* Arch munie* de Seyne rég. des déUbér., 4- câhier, n- a^.
géoéfAl du 9 août 1789.
— 4^5 —
où besoin sera)>. Dans cette intention, les consuls sont chargés
de faire publier, par toute la ville, à toutes les personnes en étal
de porter les armes, de se rendre au lieu qui leur sera indiqué
avec leurs armes pour y prendre les ordres nécessaires;
Le Conseil nomme ensuite M. de Brunet, lieutenant-colonel
d'infanterie, chevalier de Saint-Louis, pour commander la
troupe bourgeoise du consentement de M. de Sauteiron, ancien
maire et premier consul, à qui le droit en appartenait en qua-
lité de capitaine du guet. Puis, pour commander les différen-
tes compagnies qui seront formées, en qualité de capitaines, le
Conseil a nommé <c ledit sieur de Sauteiron, ancien officier
d'infanterie, capitaine du guet pour la présente année; M. le
chevalier de Villemus, chevalier de Saint-Louis ; M. de Champ-
clos, ancien lieutenant des vaisseaux, chevalier de Saint-Louis ;
M. de Loth, chevalier de Saint-Louis, ancien capitaine d'infan-
terie; M. de Raffin, ancien officier de cavalerie; M. de Gas-
saud, ancien officier d'infanterie ; M. le chevalier d'Audiffret,
ancien officier de cavalerie ; M. le chevalier de Gassaud, ancien
officier d'infanterie; M. de Gassaud, fils, pour aide-major ^.
MM. les Maires-Consuls et lesdits officiers étaient chargés
de composer la troupe ei d'en nommer les officiers et les sous-
officiers.
Enfin, le Conseil chargeait le Maire d'écrire au comte de
Caraman, commandant en Provence, pour l'informer de ladite
délibération et lui demander son autorisation.
Ces mesures de prudence furent régularisées par une lettre
imprimée des commissaires des communes de Provence et datée
d'Aix, 3i juillet 1789. Par celle-ci, ils les informaient que les
brigands répandus dans le Dauphiné et le Comtat-Venaissin
étaient peu nombreux. Mais il était prudent de hâter Tarme-
mcnt des compagnies bourgeoises. Pour cela, il suffisait d'en-
rôler les citoyens et d'en nommer les officiers, sans qu'ils quit-
4i6 —
tent les travaux de la campagne. Jls les avertissaient en même
temps que, sur les demandes dediflérentes communautés ainsi
que sur les ordres des commandants des troupes, il allait être
formé à Aix un dépôt d*armes et de munitions pour les com-
munautés qui en manquaient.
Le Conseil chargea les Consuls décrire au comte de Cara-
man pour lui demander six cents fusils avec leurs baïonnettes,
quatre quintaux de poudre et des balles en proportion, il les
chargea également de répondre aux commissaires des commu-
nes pour les prier de les aider à obtenir ces munitions ^
Et, le 19 août suivant, le Conseil décidait de demandera
M. le comte de Caraman « d'accorder a la communauté un
détachement de deux compagnies d'infanterie pour demeurer
en cette ville, tant qu'elle pourra avoir quelque crainte des
entreprises des brigands, à condition que le séjour de ceiie
troupe ne sera point à la charge de la communauté » ■.
II. — La troupe bourgeoise et le Conseil permaBeot.
Le 3i juillet 1789, le Conseil des 60 conseillers perpétuels
et des 12 prud'hommes avait désigné le Corps des officiers
de la troupe bourgeoise. Mais celle-ci ne fonctionna point avec
Tordre et l'exactitude désirable. C'est ce que le Maire Consul
déclare à la séance du 19 août :
« Sur les bruits qui s'étaient répandus dans la province des
dévastations faites par des troupes de brigands, le Conseil avait
nommé des officiers pour former ci commander une troupe
bourgeoise pour la défense de la ville en cas de besoin ; la for-
mation de cette troupe s'est ressentie de la précipitation avec
* Arch. comm. de Man. Ba. 23, n« 18a, Délib. do Conseil extraordinaire ,
1** août 1789, pp. 249-51.
* Ibid., Séance du 19 août, p. 263.
f
«
— 4«7 —
laquelle elle tut faite ; depuis lors, le service de la garde bour-
geoise n'a pu se faire avec Tordre et l'exactitude convenable ;
en conséquence, il serait nécessaire que le Conseil prît des
moyens pour remédier à cet inconvénient et pojir établir une
règle pour sa formation et le service de troupe bourgeoise.
« Sur quoi, le Conseil, reconnaissant l'importance d'établir
une règle pour la formation de la troupe bourgeoise, a unani-
mement délibéré d'établir un Comité composé de vingt-quatre
personnes prises dans tous les états des citoyens de cette ville,
lequel sera chargé et autorisé de dresser, conjointement avec
MM. les Maires-Consuls et M. de Brunet qui a été nommé
ci-devant commandant de la troupe bourgeoise, un règlement
pour la formation, le service, la police et la discipline de la
troupe bourgeoise, lequel Comité sera également chargé et auto-
risé de faire exécuter ledit règlement, lorsqu'il aura été ap-
prouvé et autorisé par le Conseil et de décider des contesta-
tions qui pourraient s'élever sur ladite exécution. Il a été
décidé encore que ledit Conseil sera amovible, de façon que
la moitié sera remplacée tous les quinze jours et, au premier
remplacement, les douze qui devront sortir seront pris, moitié
dans chaque état et tirés au sort, et, aux remplacements subsé-
quents, les plus anciens sortiront et seront remplacés par douze
nouveaux également pris dans tous les états ^.
Suivent les noms des vingt-quatre membres du Comité aux-
quels « le Conseil a donné tous les pouvoirs nécessaires pour
l'exécution de la présente délibération (du 19 août 1789), il a
été encore délibéré que sur ledit nombre de vingt-quatre mem-
bres du Comité, il sera pris journellement et à tour de rôle,
quatre membres également pris dans tous les états pour assister
MM. les Maires-Consuls dans les affaires relatives au service
de la troupe bourgeoise ^ ^
» Séance du Cons. raunicip., 19 août 1789, pp. 263 et suiv.
CONûRKà — 27
- 4ȕ^ -
Trois jours après, les membres du Conseil permanent déela
raient avoir travaillé a la formation des huit compagnies de U
milice bourgeoise et à un règlement pour Tordre» la police ci
la discipline de ladite milice. Atin de parvenir à la formation
de ces compagnies, ils ont dressé l'état de ïous les citoyens
propriétaires et domiciliés de cette ville et de tous les corps
d'états indistinctement. Ils ont fait la division de tous les
citoyens en huit compagnies qui peuvent être composées Je
Sf> hommes, y compris les ofiiciers. Ils ont compris dans chji-
que compagnie un nombre égal de tous les états de la ville
pour marcher tous ensemble, et sans distinction. Ils remeiient
sur le bureau le règlement qu'ils ont dressé pour la formation
et la disciplme de la troupe, ainsi que les huit états ou r6le.s de
tous ceux qui composent lesdites compagnies, afin que le Con-
seil veuille bien examiner le tout et approuver ou blâmer or
qui a été fait. Dans le cas ou il sera approuvé» le Conseil vou-
dra bien délibérer et consigner ledit règlement dans le regisin:
de ses délibérations pour pouvoir y recourir au besoin et en
ordonner lexécution dans tous ses articles, sauf de corriger,
modifier et reformer tout ce que le Conseil trouvera d'inutile
ou de superflu.
En agissant ainsi, la communauté opérait elle-même U
Révolution communale qui se fit ailleurs par la violence. Car
le Conseil permanent amovible de vingt-quatre membres, cuk
dans la séance du u» août 1789. reçut des Consuls ci de 1^
semblée municipale des pouvoirs assez étendus qui ne se limi-
laicnt point à la milice bourgeoise. En effet, le ConseîK âpre*
avoir vérifié Tétat des Compagnies et après avoir entendu la
lecture du règlement, de fixer la peine des contrevenants* de
corriger les abus» et de prononcer les pemes et amendes qijî
seraient infligées par eux. et, ce qui peut nous paraître pi
grave. * de connaître tout ce qui peut intéresser le bien, l'ordre
— 4»9 —
et la tranquillité publique, de vérifier les passeports et papiers
des personnes étrangères qui pourront arriver ou partir de
cette ville, de les faire arrêter et emprisonner, si besoin est, et de
prononcer sur leur détention et leur élargissement et générale-
ment de faire tout ce que le cas exigera pour la sûreté et la tran-
quillité des citoyens de cette ville; de correspondre avec les
communautés voisines et autres de la province, à raison de
troubles qui peuvent survenir, et agir de concert avec le com-
mandant de la milice bourgeoise pour toilt ce qui intéresse le
bon ordre de la ville, et la garde à établir, soit le jour, soit la
nuit, pour la sûreté des citoyens, et a délibéré enfin que le sus-
dit règlement sera enregistré dans le présent cahier des délibé-
rations à la suite de la présente et que connaissance en sera
donnée à la troupe qui doit être formée et qu'il sera même
publié par la ville ».
REGLEMENT fait par le Comité des vingt-quatre personnes
pour raison de ia formation d'une troupe bourgeoise, ser-
vice, police et discipline d'icelle en vertu de la délibéra-
tion de la communauté de Manosque du ig août ijSy.
Article i". — Il sera formé huit compagnies de milice
bourgeoise, composées indistinctement des personnes de tous
les états et citoyens propriétaires connus et domiciliés de la
ville.
Art. 2. — Chaque compagnie sera composée de 86 hommes,
y compris un capitaine en premier, un capitaine en second, un
lieutenant en premier, un lieutenant en second, deux sous-
lieutenants, quatre sergents et huit caporaux.
Art. 3. — Ladite troupe sera encore formée d'un comman-
dant général, d'un major, aide-major, un porte-drapeau, qui
— 422 —
ceux désignes en l'article dixième ci-dessus, en en prenant un
nombre égal dans chaque compagnie.
Art. i5. — Tous les officiers, après leur élection, seront tenus
de prêter serment en présence de MM. les Maires-Consuls,
relativement, et sur les objets mentionnés dans 1 arrêté de
l'Assemblée nationale du lo août courant, et les fusiliers prê-
teront également serment en conformité dudit arrêté.
Tel fut le règlement qui présida à Torganisation des huit
compagnies de la troupe bourgeoise et chacune à son tour prêta
serment selon le cérémonial prescrit.
III. — Le Serment.
Nous allons indiquer cet usage, ainsi que la composition des
susdites huit compagnies, d'après le procès-verbal conserve
aux archives :
« L'an mil sept cent quatre-vingt-neuf et le 23 août, dans
la salle de l'Hôtel-de-Ville de Manosque, en présence de
MM. les Maires-Consuls soussignés,
« MM. de Loth', chevalier de Saint-Louis, et Joseph Rochon.
capitaines en premier et en second ;
« Brémond et Richard, notaire;, lieutenants ;
^ Tassy et Honoré Arnoux, sous-lieutenants ;
« Jacques Rogon, Jacques Pausin. Jean-François Topin et
Jean Baptiste Alic, sergents ;
« Jean Turin, Joseph Rey, Jean Baile, Louis Avril, capo-
raux ;
' Baliliazar-Augustin de Loih. fils de Pompée de l.oih et d*Kiisabeih
Hesson, capitaine au régimenl d'Auvergne, chevalier de Saint-Louis, fat
mand à Marie-Gabriclle-Félicité-Donodéi, de l'Isle-sur-Sorgue, mourut en
18^)3 ou i«04.
— 421 —
seront commandes relativement à ce qui concerne le bien du
service, sans pouvoir s'en dispenser sous quelque prétexte que
ce puisse être, excepté pour cause légitime dûment justifiée,
à peine de désobéissance, d'amende ou autres peines, suivant
l'article 6 ci-dessus.
Art. io. — Nul des dits fusilers, excepté ceux au-dessus de
cinquantéans, ne pourra se dispenser de la garde pour le jour
et la nuit, quand besoin sera, et toutes les fois qu'il sera com-
mandé, sous les mêmes peines, en observant pourtant pour les
officiers que chacun doit commander à son tour, pour raison
de ce, il sera permis néanmoins à ceux desdits fusiliers qui
voudront se dispenser de la garde, de se faire remplacer par
tout autre de la troupe.
Abt. II. — Tout fusillier, depuis Tàge de 18 ans jusqu'à
40, sera tenu de s'assembler au lieu qui lui sera indiqué, et
toutes les fois que le cas exigera, pour s'exercer au maniement
des armes et aux évolutions nécessaires au bien du service et
de la troupe pour, en cas de nécessité, en faire usage pour la
défense du pays, sous les mêmes peines.
Abt. 12. — Chaque compagnie ne sera distinguée que par
Vin ruban uniforme qu'on mettra à la boutonnière de Thabitou
de la veste et chaque fusilier, en cas d'appel, sera obligé de se
ranger dans sa compagnie sans pouvoir changer ni intervertir
Tordre.
Aht. i3. — Nul officier ni fusilier ne pourra quitter son
poste pendant tout le temps qu'il sera de garde et sous les
armes, à peine d'amende ou autre peine suivant l'art. 0 ci-
dessus.
Apt. 14. — Dans le cas où l'on serait obligé d'envoyer des
détachements de la troupe aux villes et lieux circon voisins pour
leur prêter secours, lesdits détachements seront pris dans le
nombre de ceux exercés au maniement des armes et parmi
- 4=4 —
A la suite de ce vote, on dm procéder au remplacement de
ces Dflkiers à la léte de leur compagnie. C'est ce qu'on fil le
^ septembre.
IV. — La discipline. L'organisation,
Telle tut la composition de la troupe bourgeoise qui devait
veiller J la sécurité de la ville, ainsi qu'elle en avait prèle icr*
ment à rv\ssemblce municipale.
Aux main s des consuls» prèle rem également serment les mem-
bres du Conseil permanent de 24 août 1789). Us s*enga^caicnt
« à vaquer aux lo action s qui leur étaient con liées suivant le
dû de leur conscience» et à se conformer à ce qui est porté pjr
les délibérations du Conseil des 19 et 22 du courant »-
Le capitaine de Loth étant venu déclarer au Conseil pcr*
mancnt que deux de ses liommes% Pierre Crest, revendeur, et
Paul Constant, serrurier, ne s'étaient pas rendus à rinviiation
qui leur avait clé laite de monter la garde la nuit précédente,
le Conseil Ht appeler les refraciaireset les condamna chacun a
une amende de \ ingt sous «< applicable aux soldats qui corn*
posent la troupe qui a monté la garde, la nuit dernière »-
L'Assemblée profita de loccasion pour (ixer le taux de"
l'amende ordonnée par les articles six et dix du réglemcm,
Elle arrêta qu a l'avenir les amendes seraient lîxécs à trois
livres pour les ofticiers, à vin^'t quatre sols pour le* sergents et
vingt sols pour les caporaux et soldats. Au cas où ces dernier»
refuseraient de payer l'amende qu'ils auraient encourue, ils
seraient piis au corps de garde ou en prison pendant vingt*
quatre heures.
^La troupe bourgeoise n était pas moins sévère que le Con-
seil permanent, puisque le sous lieutenant de la premicrccor
pagnie, le sieur Arnoux, officier de garde pendant cette mi
nuu (du 23 au 24 aoiii 17H9)» vient déclarer « qu'en iaisjni la
patrouille avecquelques tusiïicrsde sa garde, il a trouvé dani.
une vieille masure apparienani à Joseph Dopicds, dii Rescas,
près le ruisseau de Saini-Mariin, u\v2 troupe de gens qui
jouaient aux cartes, ledit sieur Arnoux est entré, a saisi les
cartes et a fait prendre par les fusiliers un lapis et une chan-
delle de suif. Ils ont reconnu le sieur Nevièrc, teinturier, cl
Louis Donadie et n ont pu reconnaître les autres qui se sont
évadés cl qui pouvaient être au nombre de vint^t à vin^t-cinq ».
Ledit sieur Arnoux remit sur le bureau le tapis et les cartes.
n L'Assemblée, en approuvant le zèle de la troupe bourgeoise,
a de nouveau invite MM* les officiers de continuer leurs soins
pour découvrir les joueurs, afin d'entretenir le bon ordre et
prévenir les inconvénients qui résultent de ces sortes d'assem-
blées ^.
Enfin, pour se conformer à la délibération du 19 août, le
Conseil permanent de Manosque^dans sa séance du 3 septem-
bre 1789, décida de procéder au tirage au sort des douze mem-
bres sortants. Le procès-verbal de cette séaiKc indique com-
ment on procéda : « Il a été tait des billets dans lesquels ont
été écrits les noms de tous les membres dudil bureau, lesquels
billets ayant été mis dans une boîte, il a été arrêté et déterminé
que desdits billets il en sera tiré douze par un enfant, lesquels
cesseront d être dudit Conseil permanent et qu'il sera nommé
ensuite dou^e nouveaux membres, lesquels composeront ledit
Conseil permanent conjointement avec les personnes dont les
noms resteront dans la boîte.
* Tout de suite, il a été tiré douze billets dans lesquels se
sont trouvés les noms de MM. de Gassaud ; Lcth, notaire;
Jaume; Sauveur Mile ; de Loth ; Barthélémy Girard, ciergier;
Joseph Honde ; d^Audiffret de Beauchamp; Pourcin, chirur-
gien, Dupied et Jean-Bapti:>te Alic.
L25
H Ddns les bilJcls qui soni restés dans la btMU\ 4I
les noms de MM. Rochon; Hosonier; Robert; Pierre Girard ;
Giraudon; Duteil ; Dray; Magnan. boulanger: Claude Ma^nan;
Bouteille, médecin ; Chabricr; Chabran ei François Rey, les-
quels composeront le Conseil permanent conjointement avec
les douze personnes qui seront incessamment nommées «^'^mi^
remplacer ceux qui sont sortis.
« Tout de suite, le Conseil pcrnianeni a nnmmc: MM.de
Champclos. Richard, aine, Augustin Pierisnard, boulangtr,
Joseph Rey, père; Félix Bouteille; Serraire ; Jacques Chai
dony, tailleur; Joseph Alic ; le chevalier d'AuditlVei; Honnc
Paul» négociant; Nicolas Olivier, tailleur, et Mathieu Agnel ».
L'Assemblée décida également de procédera ce renouvelle-
ment le t5 et le dernier de chaque mois pour entrer en exer-
cice te lendemain. Ceiie décision aurait son etFet à panir <
i5 septembre.
Le 7 septembre, on procéda par voie du tirage au son au
classement des huit compagnies. On inscrivit sur huit biUcL"^
les noms des capitaines, on les pia*,'a dans un chapeau, on Ht
tirer au sort par un peiii enfant et on obtint l'ordre suivant :
i* Chevalier Dupin ; 2" M. de Railîn ; 3* M. de Gas&aud, aîné ;
4° M. de Sauieiron ; 5** M, le chevalier de Gassaud ; 6" M. de
Champclos ; 7*» M. Rochon; K* M. le chevalier d'Audiffa^t
C'est dans cet ordre que marchèrent dusornuis les cnmn.*-
gnics.
Le lendemain* K septembre» le maire ht procédera U prc^
talion du serment de la troupe bourgeoise et en dressa le pfé-
senl procès verbal :
m Sav^oir faisons, nous, Jean-Joseph Issautier. avocat en
Parlement, Joseph Nïcolay, bourgeois et Jean -Louis Lauiicr.
marchand-drapier, maires-consuls de Manosquc, lieutenants-
généraux de police, qu'en exécution de dîHércnls arrêtés de
~ 427 —
rAssemblée Nationale, ayant été formée en celle ville une
Milice Bourgeoise divisée en huit compai^nies et tous les offi-
ciers en ayant été nommés par leurs compagnies respectives;
en conformité du règlement dressé et rédigé par le Comité ou
Conseil permanent, approuvé par le Conseil municipal, le
19 du mois d août dernier et enregistré dans le registre des
délibérations, nous indiquâmes l'Assemblée de la troupe pour
ce jourd'hui, 8 septembre 1789, à deux heures après-midi, sur
la partie des Lices de la ville appelée la Plaine, près la porte
de la Saunerie, pour faire prêter serment à ladite Milice et
assister ensuite au Te Deum qui devait être chanté, suivant le
décret de TAssemblée nationale du 4 août, ce qui fut annoncé.
la veille et le jour, au son du tambour, de la trompette et à cri
public; ensuite de quoi, la troupe ayant été assemblée audit
endroit et rangée par compagnies ayant en tête leurs officiers,
un détachement de six hommes par compagnie, faisant en-
semble quarante-huit hommes, commandés par un capitaine,
un capitaine en second, un lieutenant et un sous-lieutenant,
s'est mis en marche vers THôtel-de-Ville pour venir prendre le
drapeau.
« Le détachement étant arrivé àM'Hôtel-de-Ville, nous lui
avons remis le drapeau, nous nous sommes mis à la tête du
détachement, revêtus de nos chaperons et nous nous sommes
rendus ensemble aux dites Lices, où la troupe était assemblée.
« Etant arrivés audit lieu, nous avons fait faire lecture à la
troupe de la formule du serment insérée dans le décret de
l'Assemblée Nationale du dix août et nous lui avons fait
connaître l'esprit et l'objet dudit serment. Après quoi, tous
les officiers, sergents, caporaux et fusiliers ont prêté serment,
la main levée en notre présence et à celle d'un grand nombre
d'autres personnes de bien et fidèlement servir pour le main-
tien de la paix, pour la défense des citoyens et contre les pertur-
— 4^8 —
bateurs du repos pubtic; les boîtes de la ville ont été tirées au
même instant. , ;., .n'
« Après celte cérémonie, nous nous e>ommes mis à la tête
de la troupe rangée par compagnies qui ont marché suivant
l'ordre et le rang qui leur avait été assigné par le sort, la
veille, et nous nous sommes rendus à la paroisse Notre-
Dame de Romigier, où, après avoir prononcé un discours ana-
logue à la cérémonie, M. le Curé * a fait la bénédiction du
drapeau et il a été ensuite chanté un Te Deum en musique,
après lequel on a donné la bénédiction du Saint^Sacrement.
4< La cérémonie faite, nous nous somnies rendus à THôtel-
de-Ville, dans le même ordre de marche et MM. les offi-
ciers du détachement y ayant déposé le dra]!>eau, nous
avons congédié la troupe et nous avons du tout dressé notre
présent procès-verbal à Manosque, dans la salle de THôtel-
de-Ville, ledit jour 8 septembre 1789. ^
La grande peur avait doté Manosque d'une Milice bour
geoise et d un Conseil amovible permanent qui constituait un
pouvoir essentiellement révolutionnaire.
P.-n. Bigot.
» M. Lambert.
XVII
LE CLUB RÉVOLUTIONNAIRE
r>e OAFlOtCS (Var-)
Par M. L.-G. DAUPHIN.
Pharmacien naturaliste à Carcès, Membre de la Société d'Études
provençales. Officier d'Académie.
La Société qui devait plus tard prendre le titre de Club révo-
lutionnaire de Carcès fut, à ce qu'il semble, lente à se consti-
tuer et n'eut jamais une grande influence sur la marche des
affaires du pays.
Dès le 3i janvier 1791, une démarche est faite auprès des
officiers municipaux de Carcès assemblés à THôtel-de-Ville
par Joseph Aubert, Gassier, fils du juge, Joseph Roumey,
Jacques Foussenq, Victor Perrin, Pierre Foussenq, Pierre
Arbaud, Jean-François-Grégoire Ambard, Antoine Rouvier,
M' en chirurgie*. Ils exposent qu'une société patriotique vient
de se créer dans cette ville sous le nom d'Ami* du peuple et
des Lois, avertissent les officiers municipaux qu'ils doivent
tenir séance dans la maison de M. Gaisicr, spécialement le jour
* Archives communales de Carcès : Registre des délibérations, tygo-
/7.9J, 2* cahier, p. 66.
L'he Cl autres qu'ils pourront vé^lm
ils reclament la protection et la sauvegarde de la municipaliit
et lui offrent de concourir de tous leurs pouvoirs dans tous les
aaes de patriotisme. Us signent avec les officiers tnumcipaui
sur te registre des délibérations.
Nous relevons parmi ces noms ceux de deux des pnncipau.v
notables» MM, Gassier, lils du Juji^e, et Jean-François-Orcgoia*
Ambard. ainsi que celui d'Antoine Rouvier, M'en chirurgie.
Ceci montre, et les faits le conTirmeront dans la suite, qu'ii
Carcès les Corps éius et les notables du pays furent les pre-
miers à adopter les idées nouvelles. Cela ressort aussi de ce
fait que les nieilleures familles du pays, telles que les Lambot.
les Perrin, les Ambard. les Fourncrv. etc., souscrivirent spon*
tanémcnt diverses somiTies, à la séance du Conseil municipal
du 1 1 novembre ijijo, où le Procureur de la Commune, Honore
Ambard, prêtre» desservant la commune de Vins, lit, avec une
chaleur toute patriotique, Télogedcs lois votées par rAssemblcc
nationale pour labolition des privilèges* j
Il faut croire que ce premier essai de Soctélé patnutiqui '
a'eut pas une longue durée, puisque nous trouvons encore, en
date du 4 août 1792 ^ une nouvelle démarche faite auprès du
maire et des officiers municipaux par Jean-François Mireur*
Guillaume Baraion, Antoine Rouvier, M'en chirurgie, et Honoré
Ambard, «< déclarant qu'ils sont bien aises de remplir les devoirs
m. que la Constitution et les lois réglementaires imposent au\
«ï citoyens qui s*assemblent et se réunissent en société pnthch
« tique. A cet effet, ils préviennent MM, le maire cl ofKcicni
<t municipaux qu'ils en ont formé une sous le nom des
«t Je la Liberté et la Léf(iilitL\ qu'ils s'^sseinhltTont
* Arch. com. de Carcès ^ Registre des détibérationu ij^Q-ij^S^f
Cihifr. p* 6.
r
c à un heure après rfiidy chez le sieur
1 - prient les subits maire et officiers muni-
. r bien leur accorder la cy-devant Chapele
rlancs pour servir à leurs séances, en se char-
. cruretien et ont signé ».
..::.anJe est accordée à Tunanimité.
:.)is est réellement fondée cette Société qui devait tenir H j
.:u un certain temps ses réunions dans la chapelle des
ijnis blancs. Le quartier où était située cette chapelle a
.:c jusqu'à nos jours le nom de « quartier de l'Assemblée >.
Lci 5oae7e/?a/rio/i^we ne s'occupait pastoujours, à son début,
oj questions (>olitiques, elle défendait aussi les intérêts géné-
Mux de la commune. Nous en voyons un exemple dans la déli-
Dcration du Conseil municipal en date du 26 octobre 1792 *.
Les citoyens Fourner\' et Gazan, en qualité de députés de la
Société patriotique, demandent au Conseil municipal la nomi- «X
nation d'un garde-champêtre supplémentaire, afin de garantir ^f
les récoltes contre le sans-géne des bergers, qui ne respectent .^>
plus les propriétés. : /
Mais quand les plus mauvais jours de la Révolution arrivé- ||^
rent, la Société patriotique prit le nom de Ciub révolution- )\
naire. L'arrivée à la tête de la municipalité pour Tannée 1793
de Jean-Joseph Lambot, juge de ce lieu de Carcès, sous la féo- i]
daiité, n'est pas du goût des patriotes, aussi est-il question
d'abandonner la chapelle des pénitents blancs qu'ils tiennent **
de la bienveillance de la municipalité. Ils décident de s'établir
au quartier de Sous-Ville, au premier étage de la Presse Publi- •
que, appartenant au citoyen Joseph Sauve. Celte salle, fort »
grande et bien éclairée par de larges ouvertures, simplement • /
blanchie à la chaux, devint le lieu de toutes les grandes réu-
• Arch -fom. de Carcès : Reg. des délib., ijgo-i';g3, 4* cahier, p. 46.
- 432 -
nions publiques pendant la tourmente "révoluiionnaire. Sur le
mur du fond, on lit encore actuellement le Décalogue républi-
cain suivant :
Commandements révolutionnaires de la Montagne.
Au peuple seul tu jureras
D'obéir religieusement.
Les Lois qu'il sanctionnera,
Observe-les fidèlement.
A tout roi tu déclareras
Haine et guerre éternellement.
Ta liberté maintiendras
Jusqu'à ton dernier moment.
L'Égalité tu chériras
En la pratiquant constamment.
Egoïste point ne seras,
De fait ni volontairement.
Les places ne brigueras
Pour les remplir indignement.
La raison seule écouteras
Pour te guider dorénavant.
Le dix août sanctifieras,
Pour l'aimer éternellement.
En républicain tu vivras,
Afin de mourir dignement.
Jusqu'à la paix tu agiras
Révolutionnairement.
Tous les suspects tu fermeras,
Sans le moindre ménagement.
— 433 —
Tout émigré qui rentrera,
Raccourcis-le moi promptement.
Les prêtres tu déporteras,
Loin de ton sol incessamment.
Dans les clubs tu ne recevras
Aucun moine, ni feuillant.
L'acquéreur tu poursuivras
E: le fripon pareillement.
Nulle foi tu n'ajouteras
Au serment d'aucun ci-devant.
Chaque jour au club te rendras,
Pour t'instruire solidement.
Homme libre? un des belles causes tu défends
Si tu observe ces commandemens.
Plusieurs patriotes des environs vinrent visiter les membres
du Club révolutionnaire et le conventionnel Barras y donna
des conférences à deux reprises différentes. Lors du passage de
la phalange marseillaise, des fêtes furent organisées par les
membres du Club. Excités par les discours des orateurs mar-
seillais qui trouvaient que les patriotes Carçois n'avaient pas
d'énergie, ils sortirent en foule du Club et se rendirent à !a mai-
son de Jean-Joseph Lambot, ancien maire et ancien juge de ce
lieu, avec des haches pour enfoncer la porte et se saisir de ce
citoyen. Lambot, averti, eut le temps de s'enfuir et se réfu-
gia au Bessillon, où un ancien serviteur de la famille, dit Tite
le bouilleur, lui portait des vivres.
Les vengeances des sans-culottes s'arrêtent à désigner au
Tribunal du Salut public deux citoyens, Jean Lambot et Victor
Perrin, qui, emprisonnés à Toulon, furent bientôt relaxés.
Tels sont les renseignements que nous avons pu recueillir
CONGRÈS — 28
— 4h —
dans les archives communales sur le Club révolutionnaire dt
Carcès. Il est très regrettable que le registre des délibérations de
cette Société n'ait pas été conservé, car on y aurait trouvé des
renseignements bien plus détaillés et plus complets sur son
organisation et son fonctionnement.
L.-C. Dauphin.
Carcès, le 20 juillet 1906.
-435-
XVIII
La Grande Peur et la création de la Garde Nationale
A CHATEAURENARD-DE-PROVENCE
(30 juillet 1789),
par M. Eugène DUPRAT,
Professeur adjoint au lycée d'Avignon^ Membre de l'Académie
de Vaucluse.
Les événements qui eurent lieu à Paris, à la suite du renvoi
de Necker, aboutirent, le i3 juillet 1789, à une révolution
municipale età l'institution d*unegardenationale. Après la prise
de la Bastille, les villes de province suivirent l'exemple de la
capitale. Mais ce fut surtout dans les campagnes et les commu-
nautés rurales que les troubles de Juillet eurent le plus de re-
tentissement. Une terreur soudaine, mystérieuse, inexplicable,
et dont le souvenir a persisté longtemps, se répandit à travers
la France, pendant la dernière semaine de ce mois. Partout, on
annonça l'arrivée de bandits qui s'attaquaient aux personnes
et aux propriétés. Villageois et paysans s'armèrent pour repous-
ser ces brigands, qui, le plus souvent, demeurèrent invisibles.
Seules, quelques bandes de vagabonds, vite dispersés, apparur
rent ça et là. Les, communautés effrayées n'en restèrent pas
moins sur la défensive. La plupart se donnèrent unemilicepour
combattre et une municipalité pour administrer. Puis, énervées
- 43" -
parratieote prolonf^'écdela solution quedevaieni leur apporter
les États Généraux, elles tournèrent leurs armes contre rennemi^
séculaire, la féodalité. Dans beaucoup de villages, on brûla le
titres, les châteaux seigneuriaux, on dévasta les propriétés des
nobles. Ce fut une révolution paysanne d'une sponiancité cl
d'une Ibrcc telle que rAssembIcc Nationale, dans la nuit du
4 août, dut consacrer la destruction d'un régime que la Grande
Peur venait d'ébranler si violemment.
-" f-;n Provence ' et surtout sur les bords de la Durancc '.la"
frayeur fut des plus intenses. Ce sont les événements auîtquels
elle donna lieu à Chàtcaurenard-de-Provcnce que nous nous
proposons de faire connaître ^.
Dans la nuit du mercredi 29 au jeudi 3o juillet, à trois heures
du matin, Marc-Antoine Bernard, maître en chirurgie, maire
et premier consul de Chàteaurenard, était avisé par une lettre
de la marquise Varadier de Saint-AndioK que des brigands
ravageaient Orange et se préparaient à envahir la Provence par
les bacs de la Durance. Le marquis de Valori *, beau^frère de
* Il est curieux de constater que. malgré l'abondance de documents
dans tes Archives dé parte mental es et communales, U Grande Peur et
ses conséquences aient complètement échappé â M. Viguîer, auteur des
Débuts de ta Hévùlution en Provence. ParisMarseiliCt 1895, io-8%
* Une lettre des Commissaires des Communes aui dépotés aux États
Généraux i$ic)t en date du 3t juillet 17H9, parte de villages entiers qo
s*en fuyaient,! A rc/nVi-jf départe rm^ntaU s dt^s Bouchts-du-Rhùnc : C. 1I8
<■• 207.1
* Les renseignements qui suivent sont extraiu surtoot de U délibéra*
lion du Conseil de ta communauté du 3o iuillet 1789 {Archiv€s Je ChJh
itaur<nard, BB. 37; Conseits detjHt à tjHy, Registre non folioté. 1
* l.ouis-Marc-Anioine de Valori, marquis d'Esiitty et de Lécé. raeitre
de camp du régiment de Bourbon et chevalier de fOrdre de Saint-Louis,
avait épouséi en 1781, Joséphine-Henrietic de Thomassio, fille atnéede
Joseph^f^Jtienne de Thomassin et sœur afnée de Joseph*Auguste de Tbo-
misain, marquis de Saint Paul et baron de Châteanrenard .
— 437 —
Joseph de Thomassin, marquis de Sainl-Paul et baron de
Château renard* recevait un avis pareil de Gaimard, juge de
Noves, par lettre #t écrite le mercredi, à onze heures do soir *.
Aussitôt, le maire til sonner le tocsin et battre le tambour par
les rues du village. M y eut* parmi les habitants réveillés en
sursaut, un moment de trouble et de confusion. Tout le
monde s'arma, cependant, et chacun *^ comme il le put i* *. On
leva, au milieu du #( tumulte >>-, une troupe d'environ deux
cents volontaires» sous le commandement de Florenl-Agricol
Rippcrt, conseiller, notaire royaU ancien soldat et sergent d'in-
fanterie ^, Puis, ces volontaires furent envoyés sur les bords de
la Durance pour défendre les approches du bac dp Chàteaure-
nard *.
L*expédîiion partie, les Consuls, assistés de Denis Vicary.
lieutenant de juge de iabaronnieet du marquis de Valori, se
hâtèrent de prévenir les communautés voisines *. Us avertirent.
' Le nombre de ceux qui s'ariTicrent de faî^ils dut être peu considcra-
We: les Consuls avouent, en effet, dans une lettre aux Coramissair*fs des
Communes qu'il * ne se trouve point d'armes pour armer la milice »
parce que « dans ce pays le seigneur a toujours ctë fort jatoui de la
chasse ». {ArchtPes des Boucfn^i'du-fihône, C. «.073, liasse 8». Lettre deâ
€<fnsuls de Chàltaun'nard du 5 aotU tj&th] — De mt^mc à Graveson, les
habitants s'armèrent de * bâtons, de fourches ci de quelques fusils en
mauvais état». \Àrchit^es de (Sraifeion.bU. 14. Conseil du So juiUet lySf),^
* A?€a du maire au Conseil du ]3aoOt. [Archives de Châtcaurenard*
* Kenseîgnemcnts fournis sur ce Ripperl p*ir une leiire du marquis de
Valori du 19 ianvier 17^0 aux Commissaires des Communes, \ Archives des
Bouches du-Hftône. C i3S2. TH;,)
* l'n arrêt du Fartement de Grenoble du a3 août 1681 avait établi ce
bac « depuis le terme faisant séparation du terrain de ChÂieaurenard
d'avec celui de l'isle de Barban, jusques en droiture du mas de Vinay du
Tapai lion »- {Archives de Ckdt. FF. 8, liasse. |
* Les termes employés dans la dvlibéraiion du 3o juillei donnent à
penser que les consuls de Graveson forent avertis par ccua de Château-
- 438 -
notamment, les Consuls de Tarascon, chefs de vigucrie. le
Gommandanl des iroupes royales stationnées dans celle ville et
le conne de Caraman, gouverneur de Provence. Le maire de
Malllane reçut leur avis le jeudi de grand matin * et cela dé-
montre avec quelle rapidité se propageaient les faux bruits ',
La lettre aux Consuls et au commandant des troupes de Taras-
con lut portée, sans doute, par le domestique que le marquis
de Valori envoya dans cette ville pour acheter de la poudre*.
Cependant, les volontaires ayant atteint la Durancc, Hrcnl
halte près du bac. Ceux de Flognonas et de Graveson vinrent
les y rejoindre *. Comme on manquait d'informations précises,
on décida d^envoyer des éclaireurs auprès des consuls d'Avi-
gnon. Les renseignements fournis par les Avignonnais oc con*
renard, bien qaUl ne soit pas resit! trace de cet ans et que U choie ne
soit pas dite ex pressé ment. {Archives de Graveson, BB, 14. Conuil dit
* Archives de SfûiUane, BB, 12» Conseils : Conseil du g aodt 178»)
■ A Xovc5, k Barbeniane^ a Graveson. h Maillane, la raêinc paniqae &e
produisit. A Nove;». les volontaires occupèrent les bonis de la Daranie.
^Archives de Xovesfnon classées) : Extraits de ta détibératiùn du Contett
de ta communnutê du td août i'^8*j.\ -^ k Birbcntane, les habilanls k
portèrent en armes sur tes rives de la Durancc et do Hh6ne. \Artkt¥€%
de tiarbentane: Conseils i j^j'tjHQ /tJonseil du a août.) A Gnivcson«itf
vinrent en armes sur les bords de la Dtir^acc. {Archive t de Orûpem*»
fiB. 14, conseil du 3o juîHet (7^9-*
' Les administrateur^^ tarasconais tirent saisir la poudre que ce domev
tique siHait procurée pour •• saiislalre les habitants qui en manquaient»*
\Lettre des consuls de i\irascon à ietix de (Ihàtêaurenûrd du i" ûoUt
1789, Arch. de Chat, D* (H, correspondant reçue t7^Q'f7a4'J Hcurcu.
sèment, Jcan-Picrnc Robin, deuxième consul, fournit^ ce jour-là» k ses
concitoyenSt pour it liirres q sols et J deniers de poudre qui» le css
échéant» eût permis aux Châtcaurcnardais de se défendre» (Comptes Ai
Jean iJuprat, trésorier en t jS*}. Arch. de Chat., GC 4. Comptes trétù-
ratres lyH^.f
* Cela parait résulter des termes de la délibération du Conseil de
Graveson da 2 août ^Archives de Graveson id, qui supra).
— 439 —
cordaient pas absolument avec ceux de la marquise de Saint-
Andiol. D après eux, trois ou quatre mille bandits tenaient la
campagne du côté du Gard et un régiment d^Irlandais déserteurs
parcouraient le pays, mettant les habitants à contribution. Ces
nouvelles, peu rassurantes, laissaient cependant espérer qu au-
cun danger immédiat ne menaçait Châteaurenârd. D'autre
part, les consuls d'Avignon, tout en conseillant à leurs voisins
de rester sur la défensive, s étaient engagés à les avertir à la
première alerte. Il devenait, dès lors, inutile de rester en ob-
servation sur les bords delaDurance. Les volontaires retournè-
rent dans leurs communautés après avoir laissé une garde pour
veillersur le bac*. Ceux de Châteaurenârd durent être de retour
assez tôt, puisque leur chef Rippert et les principaux d'entre eux
assistèrent à une assemblée tenue à THôtel-de-ville, à deux
heures de l'après-midi. En effet, l'émotion ne s'était pas calmée.
Un conseil extraordinaire, présidé par Vicary, lieutenant du
juge, se réunit pour organiser la défense. Outre les cléments qui
composaient ordinairement le Conseil de la Communauté,
c'est-à-dire les deux Consuls, les dix conseillers et les « hauts
allivrés », on y invita le marquis de Valori, le curé Mercier et
d'autres notables. Le maire Bernard rendit compte des mesures
prises et proposa d'établir une «milice bourgeoise», afin de
« rassurer les habitants, de veiller au maintien du bon ordre et
à la défense de leurs foyers et de leurs compagnes ». L'assem-
' La chose est certaine en ce qui concerne les volontaires de Grave-
son. Le Conseil Tota le 2 août le paiement « de trente journées em-
ployées pour monter la garde au bac de Châteaurenârd au sujet des bri-
gands, à raison de vingt sols chaque » plus quatre barrauds de vin. (Ar-
chives de Graveson, BB. 14. Conseil du 2 âot2/.) — A Châteaurenârd. il est
seulement question « du pain et du vin qui fut porté au bateau pour le
déjeuner des soldats armés qui s'y rendirent pour garder le passage de
la rivière. » (Conseil du 3o juillet.)
440 —
blëe. approuvant la conduite du maire, décida de
champ uneiiardc lormce des «< principaux habiunis, au nombre
de deux cents». M Jaurès, dans son Histoire sociaiisle. a î*ou-
ligné le caractère bourgeois des milices issues de la Grande
Peur' L*observaiion est certainement juste pour les villes.
Dans les Communautés, au contraire, il semble bien que.
même qualifiées de <* bourgeoises )*, ces compagnies — avant
l*instituuon des citoyem actifs — aient groupé des éléments
appartenant à toutes les conditions sociales *. Les Bourgeois, il
est vrai, s'emparèrent des grades, mais à Châteaurenard ei ail-
leurs, les nécessités du service tirent entrer dans ces corps* loyv
les habitants du village cl de la campagne »► sous une seule
condition d âge ^, En parlant des «t principaux habitants i>, le
Conseil n*cn tendait pas dire les plus riches, mats les plus popu*
laircs. La preuve en est que/parmi lessous-ofticiers, se trouvent
des travailleurs et des gens qui ne possèJeni rien. D'ailleurs,
plus que la richesse, les antécédents militaires furent pris en
considération. La liste des grades en fait foi *,
L*idée Je créer une garde armée dans la Communauti
appartient-elle aux Consuls de Châteaurenard ou leur lut-elli
suggérée ? En d'autres termes, la milice fut-elle à Châteaure-
nard une imtitution spontanée (^comme on disait alon») pro-
voquée par la (îrande Peur et due à initiative des Consuls ou
bien ceux-ci ne iircntils quobéir à des ordres supérieurs? Li
* iAtHts, Hisittirt xuciaitite, ijiig-i^yt, p. 374 et îiS.
' La circulaire adressée le 5 «loûi auA Communiiutds par kji Cooimisut-
rc!» Jes Communes de Provence, dit seulement que les K***«^**botif>;coiic>
ne « seront composées que des citoyens les plus sa^*es et tes plus prudenu ».
{\fchivex dcx H.JuHH,Al- i383. I' ïôg-a;©.)
^ A Ctmtedurenâfd, de iH à !)5 AmtConstUdu 9 aoùl); k MAitUoe»4t
iH a 60 ans ^Ctinseit du t6 aoûtf.
* Ainsi les deui chefs, le maior, Coni) fc Vétéran, AndrérifiYàlide, Ber-
trand le Grcnadïcr, etc.
^
— 441 --
correspondance des Commissaires des Communautés de Pro*
vcnce permet de résoudre celle queslion qui ninieresse pas
seulement Chàleaurenard, mais vise la (ormation de presque
toutes les milices de Provence.
Le 25 juillet Ï7H9, les Commissaires adressèrent aux villes et
Communautés du Comté une lettre circulaire recommandant
la levée d'une force armée ^ ^< Il serait prudent, disaient-ils,
m que les Communautés qui avaient armé une « garde natio-
« nalcï* ' la continuassent jusques après la séparation de TAs-
m semblée nationale... et que, dans les Communautés qui
* n'avaient point levé de Compagnies et qui peuvent en mettre
m. sur pied, on en format, si on le croyait nécessaire, ^ U sem-
blerait résulter de cette lettre imprimée que l'initiative émana
des Commissaires des Communes» si nous n étions instruits,
par les Commissaires eux-mêmes, que leur circulaire du 25 fut
imprimée sur ^ Vinvilaiiondes Députés de Provence aux Étais
Généraux^ ». Ces deux documents permettent donc d établir
facilement la genèse de la majorité des milices provençales.
Les Députes de Provence avaient assisté à la formation de
la garde parisienne. Krappés des avantages quelle pouvait
procurer, ils invitèrent les Commissaires, avec lesquels ils en-
tretenaient des relations presque journalières *, à provoquer
• Hecutii iics Circulaires ècriies par ta Commission Jts Commitsai'
r€S de Provence, composée de Baux, Phiiibert et Jugtar, Circulaire du
j!i imWeuii rchipes du B^-d^-Hh., C i383, f* 867-369.)
• De ce nombre était Marseitte, qui avait ea sa garde avant Paris. iVoir
Viiiuicn : Les Débuts de la Révolution en Provence, ch. v, p, 104 et ss.|
Evidemment pour le^ villes ei les Communautés qui avaient une garde
jivanl le aS jutUet. la question ne se pose pas.
• Ltttrts des Commissaires de ^Provence aux bépulés aux Etals Géné-
raux Lettre du 28 juitlei 171*9. iArcHives des *B -du Hh., C. i3^. f» 20JJ
• A ce momeni« ceuit Bouche qui était leur correspondant cl les tenait
au courant de ce qui se passait à Paris. (Voir VitiuiEt : Les Débuts de ta
Héyolution, elc, chap. ir, p. 34.)
p —
Misse me ni de gardes pareilles dans les villes (ju^."mrnunau'
tés de leur ressort. Les Commissaires rcpondircni assez molk-
ment à leurs désirs parleur circulaire du 25. Mais brusquement
survint la Grande Peur, montrant la nécessité d*êtrc armty
Dès lors» les Commissaires se lîrent plus précisants et lancè-
rent leurs lettres imprimées du 3i juillet et du 3 août *. Que
h rem les Communautés ? En général, elles adoptèrent les pro-
position s des Com mi ssa ires, mais, sauf de rares cxccptians. ne
les devancèrent pas '. Malgré la panique de la fin juillet, beaa*
coup attendirent, pour créer leur milice, non seulcmeni les cir-
culaires du 25 et du 3i juillet, mais encore celledu 5 août*. DW
très même n'y songèrent qu*en septembre *, après rapparition
du Règlement général pour la Jormalion et la discipline da
milices nationales, édicté le 25 août par les Commissaires des
Communes, En rc^le f^énérale, les Compagnies provençales
ne lurent donc pas l'œuvre spon lance des Communautés. Là
Grande Peur ne les lit pas naître, elle hâta seulement leur
établissenKînt. Mais il y eut des exceptions •''i et Chàteaufenard
* Hecueii des Circulaires^ etc. {Archives des 'H.-duHh , <;, iJs
Cl 270.)
* A Ail, où 5it^^âîcnt tes Commissaires des Communes^ U garde iflt
c discutée » dans le Conseil du 28 (uitlet. (Lettre de% CommiMsatres* . 4tf
Oèputés,,. du 7Kf /uitlet. {Archives dea B,^du-Hh,, C, i3Ho» f* 104J
' A Noves, Et miHce ne fut consuiuéc que dans le Conseil du 9 jiodt .*
à Qibanneii, dAos ceiui du 4 Jioûc ; à'Maillanet 11 proposition en fui (aile
jiu Conseil du 9 août et renvoyée k cetuï du 16.
* Fc) est le cas de Rognonas qui ne s'occupa de sa garde que le tj ftp»
x^mbTt* {-'îrchivei de Hognonas {non classces)* Cahier des rtgùtrtf if»
délibéraiionê de la Communauté de Hognonat de lyHS ûu 17 êtpttm
bre tjS^lk Tartscon. on auenditaussj le mois de septembre. (Ârckif&
de Tarascon, Conaeilê tj85 fjgo BU, 5a* Conseils de septembre t^^-^
* Montdraf^on. où U garde fut crece le 29 juillet , est une de cet exc^
tions, car U n*est guère possible que la Circulaire du 25 juillet y foi tm
vée k sg. Barbcniane semble avoir imité Châtcaurenard. L'nt iroop<
d'habitants fut dressée le 3o et fit des patrouilles les jours suiTtnu^ mus
F
— 443 —
paraît en être une. Les Consuls semblent avoir prévenu les
vœiiî des Commissaires en organisant leur milice avant même
davoir connu la circulaire du 25 juillet.
En effet, le procès-verbal de la délibération du Conseil, tenu
le 3o du même mois, ne fait aucune allusion à son contenu. C'est
q\ït, vraisemblablemcni, les Consuls ne Tavaient pas encore
reçue. Il ne faut pas oublier que ces sortes de missives étaient
adressées d'Aix aux chefs-lieu.x de la vigueric. Ceux-ci les fai-
saient parvenir au.^ Communautés de leur ressort. Or, il est diffi-
cile d admettre, étant données les difficultés de communication
a les habitudes administratives de cette époque, que la circu-
laire du 25 juillet soit parvenue en quatre jours seulement
é'Wx à Chàteaurenard en passant par Tarascon '. Elle n'avait
dailleurs aucun caractère d'urgence : son utilité n'apparut
bien démontrée ci expresse recommandation de /aire dili-
gence pour son envoi * ne fut faite qu'après les événements
du 3o juillet. Alors, les vigueries précipitent leurs expéditions.
Aiosi, à Cabannes, on reçut, en même temps, dans la journée
du 5 août, trois lettres imprimées : une du 6 juillet, celles du
25 et du 3i juillet^. A Chàteaurenard*, ces deux dernières parais-
cc n'est qae te 3 août qu'on créa la garde. {Archives de Barbent ane (non
dasseeih Main des Conseih 178g : Conseil du 2 août.) A Graveson, la
milrce fut crece le 3o dans un Conseil tenu à 4 h. du soir. {Archiires de
Grâifcion, BB. 14. Conseil du 3o iaîllet.)
' En admciuntquG les Commissaires aient fait effectuer les en vois sitôt
apr^ l'impression >
' ■ Vous aurc^ la bonté. Jit la Circulaire du 3i juillet, de faire parve*
mrsanâ délai aux Communautés de votre viguerie, un exemplaire ou une
copie de cette lettre et les exemplaires de celle du a5 juillet que nous
Toas avons adressés. *\A rchives des B.-du-Rh. Recueil, etc. C. 1 383, f' 169.)
* Archives de Cabannes Inon classe'es). Cahier des délibérations com-
mencé te 3f juin lyS^ et finissant le 1" septembre suivant. Conseil du
4 août.
* pies ne durent pas être envoyées de Tarascon avec la lettre que les
444 —
seni être arrivées ensemble ei dans les premiers joi
Leur réception à ce moment explique la lettre que le main:
Bernard écrivit le 5 août - aux Commissaires pour leur demie-
der des armes et à laquelle ceux-ci répondirent par Ten^'of de
leur troisième circulaire datée, elle aussi» du 5 aoûu EnHo. ^
toutes ces présomptions s'ajoute un argument qui nous partit
décis(*\ La délibération au sujet de la milice fut prise le 36 en
attendant «t l'ordre des supérieurs >►. On comprend niieu!i, dè$
lors, les moditications qu'on lui tit subir le 9 elle tS aoâc
pour I eiablir conformément aux instructions re^^'ucs, N'csl-ii
donc pas légitime de dire que» a Chàteaurenard, rinsticution
des Compagnies bourgeoises fut due à Tinitiativc de ses admî*
nistraieurs ? Poussés par les événements de la Grande Pcur«
sans doute aussi par l'exemple de Marseille, ils prirent sur ein
et sans attendre ni ordres, qi conseils, de se donner un corps
de troupe qui n'était, à vrai dire, qu'une force de police muni-
cipale.
LWssemblce, après avoir voté la formation de la milice^ s»
mit incontinent à l'organiser ; elle y apporta quelque inexpé-
rience. Elle décida qu'elle serait subordonnée au « Conseil
municipal ^ qui seul réglerait le service. Les Consuls et les
Conseillers n'entendaîeni pus abandonner une parcelle et
leur autorité. Les grades furent conliés à réleciion. NoUc
Denis de Villèle et noble Pierre Deleutre \ tous deux anaeos
Consuls Je ceue ville adressèrent le i" Août à ceux, de Châtcaufcfliftt
car U n*v est fait mention d'aucun envoi de ce genre.
' A Novc5, les circulaires, dont les Consuls annoncent la nîception 12
Conseil du it)août, paraissent être celles duli juillet et du 5âo«'
' l/onginal de cette lettre se trouve aui Archiyei dei fi.tiu-Hh-. •- - >-.
liasse 81- Elle porte en marge : ♦ répondu par l'envoi de U circnlauc An
5 aoât i»«
* Pierre Deleutre. ancien capitaine d'infanterie, chevalier de t*ordrefOfil
et militaire de Saint-Louis.
445
Sfficiers et « hauisallivrési» lurent nommés ^t chefs de corpî
ce qui iiiirotiulsait une t'àcheuse dualité dans le commande*
ment* Florent-Agricol Rippert qui, le matin, avait conduit
rexpédition des volontaires, fut choisi comme mafor 11 y eut
huit lieutenants : Guillaume-Baudilc Rousset, maître en
chirurgie ; Dominique Rollande, maître en chirurgie; Frans,^ots
Gîraud, propriétaire ; Jean-Claude Robert, propriétaire <t haut
jillivrc » ; Honoré-Joseph Mercurin, bourgeois ; François
Bruno Croze, notaire royal ; François-Xavier Darbaud, pro-
priétaire, et Joseph Delorme. négociant « haut allivré ^. Huit
sous-lieutenants : Loyaud Jils * ; Maxime Deleuze, marchand ;
Jean-Denis Bonioux, négociant; Louis*Alexis Deschamps, pro-
priétaire « haut allivré i»; Claude Marseille, marchand ; Charles
Autard, chirurgien ; RoHande» fils de Dominique, et François
Chaix, marchand ; puis, deux porte-enseignes: Auguste Man-
tonei et Michel- Honoré Crozc; quatre officiers majors : Joseph
Michel; Nicolas Gay, ménager ; Michel-Florent Gontier et Jo-
seph Chaix, hls de Joseph. Les huit sergents turent : François
Blanchin, cordonnier ; Pierre Aubert, charron ; Antoine Ber-
trand, dit le Grenadier ; Jean-Pierre Fournier, maître maçon ;
Véran Ramasse; Jacques Conil, dit le Vétéran ; Bon, tils aîné»
et Robert^ lils aîné. — Valérian Ourscière, travailleur ; le cha-
pelier du faubourg ^: Paul Bouscarle; André, dit Tin valide, de
Graveson; François Mistral; Antoine Gaillard, cordonnier;
Pierre Escombard et Roux, fils, serrurier, furent nommés capo-
mux. Enfin, Joseph Abeille, maçon* fut pris comme tambour
* Sans Jaute, Ctiades-Antoine Loyaud, maflre eo chirurgie.
* C'est peut-être Amy Ateiis. chapelier* ou, plus probablemem encore,
Jean Girard* aussi chapelier, qui assista comme soldat à une réunion de
la garde nationale tenue le 3 février 1790, (Arckitfts de Châitaurtnard ,
C&mseili ijga-iy^i^ série D, n» 1 tiit. Main courante des délibératiani
commencée U 1 féprier tjyo, Jiniisant le ^u du dii./
— 44^' —
tfii{or. Pour les soldatStrAssemblée, pensant qu'ils vîendraiem
s'enrôler en grand nombre, confia le soin de les choisir iun
Comité présidé par Vicary et comprenant les deux Coniiuls,
les deux chefs de corps et deux lieutenants '. Elle ne Hxa pi4
expressément un terme à rengagement des volontaires, mais,
du compte-rendu obscur de la délibération, il semble résulter
que les soldats, comme les officiers, pouvaient se retirer après
trois mois de service. En vérité, ce service n'était pas cocnpli^
que et nous savons par la lettre du maire du 5 août qu'il con*
sisiaiten inspections, le dimanche et joursde rète,eien patrouil*
les la nuit. La salle basse de rhôtel-de-ville, qui servait ordi»
nairement aux écoles, fut affectée au corps de ^arde'ettui
réunions des officiers et des soldats. Aucun insigne, auciii)
uniforme ne fut adopté, L'Assemblée décida seulement de faire
confectionner un drapeau « léger s», aux frais de la CommU'
nauté, qui devait fournir aussi la poudre et les balles. Mais si
Ton songea aux munitions, on oublia les armes, bienqaeh
Communauté n*en possédât que quelques-unes en mauvais
état. Ce ne fut que le 5 août que les Consuls, interprétant mil
la circulaire du 3i qu'ils venaient de recevoir, dematidèf0it
aux Commissaires des Communes de leur faire parvenir du
dépôt d'Aix environ 200 fusils. Ils souscrivaient d'avanccitotti
les arrangements faits pour en remboursera valeur.
Restait à régler la question de discipline. rAsscmbléc ne
s'embarrassa pas d'un code minutieux et rigoureux. EUeédida
tout d*abord la prison pour les soldats désobéissants^ puis die
• (Jesdeux lieutenanu étaient Roussel ei Robcn oncle fsîa-
* L'Assemblée décidn d'y faire placer un fauteuil pour l'ofHcier Je fll^
ei un lit de camp poitr les sotdiU 11 ftii payé, le i3 janvier iTgo.è IniMt.
tourneur, it) livres S sols 5 deniers pour 13 chattes et un liyieail dr»lia^
ë te co/ps de garde. ^Archives de C/iâUayrenard, CC ^xCumpItitréim-
rairt*: Cc^mptes de Jean Ùuprût, irésorier fn i7^$j
— 447 —
oublia cette pénalité et y substitua une amende de 6 livres pour
les soldats et 12 livres pour les officiers qui refuseraient de
faire leur service. Le produit de ces amendes devait être consa-
cré à des achats de munitions.
Dans le but d'obtenir les autorisations nécessaires, l'Assem-
blée vota l'envoi d'un extrait de la délibération au comte de
Caraman et clôtura ensuite la séance par la prestation du ser-
ment des officiers présents qui jurèrent d'être « fidèles au roi,
à la nation et' à la patrie y^.
La .Communauté de Chàteaurenard pouvait désormais se
défendre, elle avait sa milice. Aux yeux des habitants, ce fut
suffisant. Ils ne songèrent pas à restreindre les pouvoirs de
leur Conseil par la création d'un Comité de surveillance comme
le firent la plupart des villes. Ils ne cherchèrent pas non plus
à se soustraire à l'autorité supérieure, subdélégué ou inten-
dant.
Si le Conseil du 3o juillet fut composé au dehors des règles
habituelles, cela tient seulement à la gravité des événements,
à la nécessité pour le Conseil incompétent de prendre l'avis
d'anciens militaires et à la procédure suivie pour la nomination
des officiers. Mais l'administration communale ne se laissa
pas absorber ni contrôler par une Commission quelconque
comme à Tarascon * et dans d'autres Communautés de Pro-
vence *.
* A Tarascon, il n'y a pas trace dans les délibérations du Conseil des
événements de la Grande Peur. xMais, par contre, ^n Conseil du 3 août, on
forma uo Comité permanent « pour aider les Consuls dans tous les objets
d'administration dont ils sont chargés, entendre les différentes plaintes
des habitants ». {Archives de Tarascon, BB. 52 1785-1790. Conseil du
3 août.)
* Lettre des Commissaires des Communes au comte de Caraman du
9 septembre 1789 pour protester contre les Comités permanents établis
par certaines Communauté». {Archives des B.-du-Rh., C. i38i,f» 53.)
-44» -
Les «£ iriinquilles habitams >* * lic Chûteaurenard, pleins de
soumission envers l'auiûriié, monirèreni un égal respect pour
la propriété. Ils ne se portèrent ni à des violences contre les
personnes, ni à des attentats contre les biens*. Les Consuls.
dans leur lettre du 5 août, mentionnent #t la commotion que
le bon ordre et la iranquillité ont reçue ^, mais c'est la une
façon d'exprimer la frayeur de leurs administrés. Personne ne
se plaignait de troubles, pas plus dans la séance du 3o juillet
que dans celles des 9 et i5 août. Plus tard, le marquis de
Valori. agissant comme représentant de son beau-frcrc^Tho-
massin de Saint-Paul, sif^nalera * aux Commissaires des
Communes les vexations des Consuls, les arbres abattus.
48,000 livres d arrérages de droits seigneuriaux non payés;
mais CCS faits sont bien postérieurs aux événements du 3o fuit
let. Ils datent des derniers mois de l'année 1789. La dérérence
quon témoigna ce jour-là au marquis en l'invitant â assister
au Conseil ne prouve-t-elle pas qu a ce moment ses conci-
toyens entretenaient avec sa famille des rapports cordiaux ^
En résumé donc, une courte panique, une expédition sans
résultat et la création d*une garde bourgeoise, telles furent 1
Châteaurenard les conséquences de la Grande Peur.
L*émoiion des habitants ne fut peut-être pas sans excuse.
Par leur situation sur les frontières du Comtat, dont 11
rumeur publique faisait le quartier général des brii^ands *• ib
' A MaîUane, s'tl faut en croire une lettre du marquis de Mlt&o. eoiK
mandant en second la Provence, il y aurait en des troubles et des < envc»
prises, notamment sur les propriétés de M. de Maillane ». Le$ Cottliis
ment le fait ; (Archtpes de Maillane, Conteils BB. 12 : Conseil dit i6êCÛh)
* LeUrts des 19 et st janvier 1790, {Archiyes des B^du-Hh,, C. t^H,
f-* 87 Cl 88 I
* Ibid.
* Lettre des Commissaires des Communes aux Députés au& États Céné'
raui du Si (uillei. \Archiyex det B.-du-Hh., C.i38o» f* ao/. Voir aussHttfr
Circulaire du 3i juillet.»
— 449 —
devaient être plus que tout autres accessibles à la crainte. Sans
doute, il n'y eut ni bandits savoyards, ni irlandais déserteurs ;
mais, n'était-ce pas suffisant que des vagabonds fussent en nom-
bre dans la contrée pour avoir tout à craindre de leurs entrepri-
ses? Or, cette action des miséreux est indéniable, puisqu'àMail-
iane et à Barbentane \ ils furent l'objet des préoccupations du
Conseil. La fertilité du terroir de Châteaurenard et laisance
des habitants devaient les attirer. Enfin, dans un pays où les
produits agricoles constituaient la principale richesse et où
la propriété morcelée n'était pas exclusivement concentrée
comme ailleurs entre les mains de quelques familles nobles,
les menaces — si vagues fussent-elles — d'attentat contre les
biens et les récoltes ne pouvaient laisser personne indifférent.
La condition desChâteaurenardais les portait donc naturelle-
ment au respect de la propriété et à des mesures de conserva-
tion, de protection et de défense auxquelles la création d'une
garde nationale donna complètement satisfaction.
Eugène Di prat.
* A Maillane (Conseil du 9 août). A rapprocher de la lettre de M. de
Miran signalant des troubles (page 460, note i). A Barbentane {Conseil du
2aoûtK
CONiiRBS — 29
- 45. -
XIX
l)|ÏE PME D'HISTOIRE DES BAUX
en 1790
par .M. DESTANDAU, paslcur de TEglisc réformée, à Mouriès,
Correspondant du Ministère de l'Instruction publique^
Membre de la Société des Amis du Vieil A*'les,
Qu'il nous soit permis, avant d'aller plus avant, d'exposer
la situation historique du pays, au moyen de quelques détails
préliminaires.
Pierre Enavant et Charles-Joseph Manson sont de retour
de Paris, où ils ont représenté la municipalité des Baux auprès
de l'Assemblée Nationale, dans ses revendications contre le
prince de Monaco.
Les habitants du marquisat des Baux sont malheureux,
profondément troublés et divisés.
Un vent violent, d'une durée de treize mois consécutifs, ayant
rendu les semailles impossibles, occasionne une grande
disette. Il faut remonter aux sombres années de 1709 et 1710
pour se trouver en présence d'une semblable calamité.
L'hiver de 1789 a tué presque tous les oliviers et cette source
féconde de revenus est tarie pour plus de vingt ans.
L'ancienne église de Mouriès étant tombée de vétusté, les
marguilliers de celte paroisse en ont fait construire une nou-
velle, inaugurée et livrée au culte en 1782. On avait compté
pour payer l'édifice en question sur l'apport de récoltes abon-
liantes, mais Tin verse s'étani produil, la misère publique
particulière en ont été aggravées.
On continue à payer les dîmes au clergé et les redevances
féodales de«toate nature â (a maison étrangère de Monaco, doot
les princes sont marquis des Baux depuis ccni cinquante aii^
de par la volonté de Louis XML Et le procureur fondé du
prince qui est aussi marguiîlier de la paroisse, c'est le sieur
Manson» notaire, résident à iMouriès. L'exercice de ses fooc»
lions impitoyables le met journellemcni en contact avec
quelques maïheureux, ce qui contribue a rendre plus odieux et
insupportable à tous le pouvoir despotique et suranné qu'il
représente*
Commandant de la Garde Nationale» Jean -Baptiste- Benoît
Le Blanc, sieur de Servanes, adversaire de Manson, est élu
maire le i5 novembre 1790» par TAssemblée électorale réuaic
dans réglise Sainte-Croix de Maussane, Il a obtenu iqq suf-
frages sur 194 votes exprimés, malgré la violente opposition
qui lui est faite par le parti du sieur de Bournissac, grand pré-
vôt de Provence, dont les complices répandent les bruits les
plus alarmants dans le but d'intimider le peuple et d'étouffer en
lui le goût de la libené encore à son aurore.
Ce premier maire, véritablement républicain, entre dansli
mêlée des événements successifs qui se produiseniavec toute ii
fougue de son caractère méridional. Désormais, il fait siennes Ic^
souffrances de tous les opprimes et consacre à la défense de
leurs droits et de leurs personnes» dans un langage cntlamoié
et énergique, toutes les ressources et les forces vitales d'ua
cœur compatissant et patriote.
Ceci exposé, le procès^verbal dont il sera donné plus loin ait
long extrait, rapporte que la municipalité et les habitanttî des
quatre paroisses des Baux firent à leurs députés un accueil des
plus sympathiques et des plus enthousiastes.
-453-
Après les vêpres, les sieurs maire et conseillers qui avaieni
été convoqués^ dans la vieille chapelle de Maussanc, pour
prendre les dernières dispositions au sujet de cette fêle civi*
que, se diri|^cnt vers réf^lise Sainte-Croix, chacun ceint de son
écharpe^di^ipeau et tambour en tête, avec la Garde Nationale, au
son des cloches émues, lancées a toute volée et au bruit des
boîtes d artillerie. Pendant ce temps, les deux députés, partant
de Lescampadour» vont» eux aussi, a l'église, accu m palmes
d'un détachement de la même garde. Maire et conseillers les
attendent sur le pas de la porte ouverte à deux battants et, où
arrives* ils sont conduits à travers les rangs d'une foule com-
pacte, aux sièges d'honneur qui leur sont destinés au-devant
du maître-autel, Puis, chacun sV'tant assis et l'allégresse des
speaaieurs apaisée, le sieur iManson de Saint Roman, sur
l'invhation du maire, prend la parole et s'exprime ainsi, d après
le procès-verbal de celle remarquable journée :
« Messieurs, Vos députés extraordinaires auprès de Tau-
4( guste Assemblée nationale, arrivés cntin au terme de Thono-
m rable mission dont vous avez bien voulu les charger, vien-
« neni vous rendre un compte hdêlc. Des circonstances impré-
«t vues ont contrarié jusqu'à ce moment le vif empressement
M qu'ils avaieni de s'acquitter d'un devoir aussi agréable pour
« eux qu'il est cher et précieux à leurs cœurs. Les délais» longs
m cl imprévus qua éprouvés raffairedes Baux ont pu vous sur-
«^ prendre, La plupart des honorables membres de TAssemblée
<t iNalionale ont trouvé eux-mêmes plus qu'extraordinaire le
« retardement du rapport de celte affaire qui était depuis deux
m mois à Tondre du four.
4t Ce n a pas été toujours la surcharge Jcs a flaires pendantes
« au Comité des rapports, ni la fatalité des circonstances qui
« onl relardé la mission du décret de l'Assemblée Nationale, ce
« sont plutôt les moyens cachés/ les ruses toujours aaivcs et
— 454 —
constantes. Toutes les astuces imaginables oni éië mises ar
* œuvre pourcloi^ncr le jugeinent de celle aiïairc. Nous nous
^ luisons un devoir de vous instruire que les ennemis de notre
*t députaùon ont trouvé dans la personne d'un représentant ik
m la naiion un partisan zélc cl un aveugle défenseur. Ce pcr-
« sonnagc a joue un rôle odieux dans cette affaire. Votre
<s saf;esse et votre prudence prendront sa conduite cnconvidc*
« ration et vous jugerez avec équité s'il ne doit pas jouer un
«< rôle plus pénible et plus dangereux que le premier, devant le
« tribunal auquel la procédure pré votale a été renvoyée.
^ iSos cnneniis ont aiiecté de dire et de publier que latliin:
« des Baux ne serait jamais rapportée. Leurs vues étaient Je
< consterner et d alarmer tous nos bons citoyens. Mais, maigre
« tous ces bruits inquiétants, nous avons toujours compté sur la
^ justice du Comité des rapports et sur celle de laugustc
« Assemblée Nationale* jNous avons supporté, j'ose le diru.
* des dégoûts multiples ; mais nous détendions d'hon-
« nètcs gens, des innocents malheureux et désastreusemcnt
4i maltraités, et celte considération na ceisé de ranimer notre
*ï Vos députés extraordinaires ont partagé avec la plus vire
« sensibilité les maux, les horribles vexations, les étonnantes
« indignités que la plupart de nos concitoyens ont éprouvcy
* Ils ont donné des justes tribuis d'éloge et d admiration à U
« conduite ferme et modérée du digne ci «élé pasteur qui « û
«t bien jusiitié votre choix et votre confiance comme il a iii>*
« lilié dans tous les temps le choix qui Ta établi pasteur dit
m peuple*.
« La joie de vos députés a été vive lorsqulls ont appris ^
^ formation de la nouvelle municipalité et que le peuple du
* Protiiblcinent le Mt'ur Vtncuat, caré.
-433-
« Baux, ce peuple si sage, si honnête, que ses ennemis ne ces-
« saient de provoquer en le mallraiiant, n'a pas laissé de don-
« ner des marques d'estime et de confiance à ceux d'entre eux
« qui avaient souftert pour la bonne cause en les nommant
« aux places d'officiers municipaux. Nous avons appris, avec
« une égale douleur, les excès et les violences commises dans
* les assemblées primaires. Les plus grands dangers ont me-
« nacé notre patrie par d'indignes manœuvres. Votre sagesse
« et votre prudence. très chers et honnêtes concitoyens, vous
« ont, elles seules, sauve la vie dans ces journées périlleuses.
« V'os ennemis, après avoir obtenu les décrets les plus iniques
« contre plusieurs de vos honorables concitoyens dans la vue
« de les écraser sous le glaive pré votai, n'ont pas borné là leur
K malice. Ils ont fait toutes les tentatives imaginables pour
« occasionner par leur*? mauvais traitements une insurrection
^ populaire, afin de pouvoir justifier l'iniquité de la procédure
« prévôtalc. Pour se donner un maire et des ofliciers munici-
« paux de leur choix, ils ont jeté le trouble dans les lamil-
« les: ils ont calomnié les partisans du bien public; ils ont
« répandu partout une vaine terreur. Mais ces coupables et
4< extravagantes manœuvres ont échoué devant votre probité.
« Votre sagesse, votre modération, votre patience courageuse
« ont triomphé de tout, et vos lâches persécuteurs, chargés de
« la malédiction publique, n'ont eu en partage que la rage et la
<< honte du désespoir. Vous connaissez tous. Messieurs, la
^ délibération étudiée et odieuse, en date du 3o janvier, prise
*. par un Conseil renforcé de quelques citoyens antipatriotes.
« Kllc respire une joie barbare, elle est fondée sur une foule
4< de motions et d'arrêtés qui annoncent le despotisme et la
4(. vengeance. On y voit cette cohorte des décrets prévôtaux
4^ contre les meilleurs citoyens. Cette pièce n'a pas peu servi
* au succès de notre dépuiation. Après tant de souffrances et
456
lâmités, il était trop juste qu'un Décret favorable raoi-
•< mât vos cœurs Octris par Hiifortunc et par l'injuslicc et y
^ répandit la joie et une douce consolation ; voilà une prc-
<^ mière victoire. 11 en reste une seconde à remplir» laquellt;,
^ malfîrc lassurancedu succès» demande votre vigilance ci vo%
« soins, 11 sa*^it de confondre d'infâmes calomniateurs, de vtb
#« dénonciateurs, des cœurs haineux, vindicatifs» profanateurs
« de la vériics lâchement conspirateurs contre votre repjs,
*j votre honneur, vos biens- Celle seconde victoire vous inic-
« ressc en quelque sorte plus personnellement. Vos enncmi-v
* n'ont pas cherché seulement à plaire au parti de ransio-
#( cralie. C'était le moindre de leurs soucis. Ils ont agi, les uns
* par les vuesd'unc petite ambition d'un intérêt personnel ; l»
« autres pour satisfaire leur malice, leur rage forcenée. D'après
<« leur plan de conjuration et le calcul qu'ils avaient fait a leur
♦t ^Tc des événements, un arrêt prcvùtal devait déshonorer et
•< perdre le digne et honorable citoyen que vos suffrages vicn»
4< nent d'élever à la place de maire. Ses compagnons d'im
« fortune doivent être séquestrés, persécutés» privés de tout
« honneur et leur réputation llétrte» leurs biens dilapida.
« les vains projets de contre-révolution dont on émit
« menacé, lorsque vos prisonniers étaient détenue dans le*
« forts de Marseille, ont fortilié les criminelles espéranccî»
m de vos ennemis. Ils comptaient de consommer leur cxccra*
é ble projet, mais heureusement leur foie barbare n'a pys évi
^ durable et a fait place aux inquiétudes et aux remords dan*
« des âmes qui n'en paraissaient pas susceptibles, La lu^lice
m vous tend aujourd'hui les bras, et va vous venger cgaicmcitl
*t des maux quon vous a faits et de ceux qu'on voulait vouî^
« faire*
« Nous ne devons pas passer sous silence que TAssent-
m blée Nationales fait publiquement lapologic de la conduite
- 45? ~
sage et honnête qua tenue coii^iammeni le peuple des Baux.
Celte apologie l^it la fiétrissure de vos ennemis, autorise les
conseils i;ënéraux ei particuliers tenus dans l'intervalle du
26 décembre dernier jusqu'au 24 janvier dernier, lesquels
étaient injustement traités d'attroupements séditieux. Elle a
fait réloge des sages et utiles délibérations qui y ont été
prises.
4 II nous reste à remplir un devoir de reconnaissance de
concert avec vous. Le décret sur ralFaire des Baux, si long-
temps attendu, si vainement sollicité, a été prononcé sous la
présidence de iM. Barnave. C est sans doute au patriotisme
distingué, à la justice, à la justice héroïque de ce jeune de-
tenseur de la libené française et de la constitution nouvelle
que toute la France admire avec nous et que protège le
meilleur des Rois que nous sommes redevables de ce bien-
Idit dont nos ennemis voulaient nous priver et dont leurs
succès évidents à cet égard vous ont si longtemps affligés, et
ont paru étonnants à votre justice. Vos députés extraordi-
naires vous invitent à témoigner vos sentiments de recon-
naissance à ce digne représentant de la nation française.
M, Durand, de Maillane, dont vous connaissez tous les
bons offices quil a rendus constamment dans cette affaire.
QK^ritc à juste titre vos remerciements les plus afTectucux;
nous nous sommes toujours félicités d'avoir pour rapporteur
de notre affaire. M. Prieur, citoyen distingué par son pa-
triotisme, par son caractère de justice et d'humanité. Vos
député:» extraordinaires vous invitent avec instance à lui
témoigner de la manière la plus eïpressive votre reconnais-
sance pour les peines extraordinaires qu'il a prises et les mo-
ments précieux qu'il a dérobés à la multitude des affaires et
ausommcilpour les consacrer au rapport de cette affaire, dans
lequel il a mis tout le zèle, toute l'affection qu'on peut
^— 458 —
mettre dans une affaire peri,oniiclle ; jMessieurs Pnpulus cf
«* la Poule, auvqueb leur probité, leurs talents, leur patno-
c tisme ont acquis l'estime de la nation» se sont montres hau.
*t icmcnt vos défenseurs. Ils méritent de votre part des têmoi-
^ fioaf^es distinf;iiés de ^^ratilude. Nous avons Thonncur de
#« vous proposer d écrire encore incessamment aux muniopa-
*« lités de Valence, Montélimar et Vienne qui ont le même intérêt
^ que nous relativement aux biens dont le prince de Monaco
* jouit en France. Elles ont la mùmc préieniron que nous. If
«( même droit à exercer, la même disposition à réclamer contre
M ce prmce êtran^'er ; de leur proposer à se joindre à elles et
«t de supporter les frais que cette opération pourra occasionner
«t au prorata des revenus féodaux qui se perçoivent dans cha-
4c cunede sesdivcrses municipalités. Plusieurs députée, cntr'au-
¥. très ceuxde Montélîmar. poursuivront vivement le iu|;cnicni
*t de celte afTaire au Comité des domaines. Elle intéresse la
«t nation et, en particulier, un grand nombre de municipalités
« comme celle des Baux. L'harmonie, l'union, la concorde
« qui rê^mcnl aujourd'hui parmi tous les bons citoyens du
^ pays des Baux ont été fondées sur les principes sacres de U
« raison, delà justice* C'est le plus sur garant, laî^surance la
« plus parfaite qu ellei régneront toujours parmi nous et c'est
*t ce qui fera toujours la joie des bons citoyens et la douleur
•( de vos lâches ennemis. Le désir le plus ardent qu'il nou:>
M reste a vous témoigner, c'est de continuera être tnujouri
«< utiles à la patrie et de coopérer au bien public, c est le scn-
« liment qui règne dans nos c«eurs» cotTmie le vœu d'être du
•t nombre de vos citoyens. Nous vous prions d'en accepte
* les sincères hommages ».
« De vifs applaudissements réitérés dans toute rassemblée
ont succédé à ce rapport de M. de Saint- Roman. Lorsqu'il»
ont discontinué» M. Enavani, portant la parole, a dit
- 4^9 —
« Messieurs, Il est doux et consolant pour nous de nous
« retrouver, après dix mois d'absence, au milieu de nos frères
« et entourés d'amis que nous portons dans notre cœur. Jus-
« tement sensibles aux témoignages éclatants de votre con-
« tiance, au choix honorable que vous avez fait de nous, pour
« défendre auprès de l'Assemblée Nationale la cause de nos
•c concitoyens apôtres et martyrs de la Constitution. Je n ajou-
« terai rien au compte que M. de Saint-Roman vient de vous
« rendre de notre mission. Mais permettez-moi. Messieurs, de
« vous offrir ici un hommage public de nos sentiments. Les
« souffrances, les humiliations, les indignes traitements que
« des ennemis vous ont fait éprouver, nous ont rendus, pour
« ainsi dire, présents à vos assemblées. Nous avons partagé
« vos peines et votre juste indignation. Nous avons admire
« votre invincible et miraculeuse patience. Nous n'avons eu
« de consolations que dans l'espoir de vous être utile. Si le
« succès de nos soins n'a pas répondu aussitôt à nos vues, c'est
« uniquement la fatalité des circonstances qui Ta retardé. Il a
« fallu de la patience, de la douceur, de la modération, de la
« fermeté, pour surmonter enfin les obstacles qu'on nous op-
« posait de toute pan. Vous nous avez donné un exemple ad-
« mirable de toutes ces vertus parmi les calomnies et les excès
< où l'on s'est porté contre vous dans vos assemblées. Vos cn-
< nemis, tout abattus qu'ils sont, n'écouteront pas peut-être si
^ tôt la raison qui les condamne, mais il suffit pour les vain-
« cre de l'entière réunion de vos âmes, de vos volontés et du
« concert de vos efforts. C'est le dernier vœu qu'il me reste à
< former pour le bonheur public. Agréez, Messieurs, que je
« vous offre celui que je fais pour moi : c'est de vivre et de
« mourir citoyen actif de la municipalité des Baux, fidèle à
« votre exemple, à la Constitution dont la France attend son
« bonheur ».
« Le discours tini. de nouveaux applaudissements rciîercsj
se som (m entendre pour la seconde fois de louies les parliez j
de la salle. Lorsqu'ils ont discontinué, M. Jean-Bapiiste*Benoft |
Le BUnCp Maire, a repondu au^ deux députés en ces termo
« Messieurs,
« Quel bonheur pour moy d*ètre aujourd'hui lorganc de inci
concitoyens! Si la place à laquelle ils ont daigne m'élevcr et
m'honoranide leurconhance me Ikite inlîniment,c'«^ieficc '
jour surtout, où je suis chargé de vous assurer de leurrccon-
fiAissance et de ce que fe vous dots moi-même. Dès» Tinsuint
où vous apprites et nos malheurs et l'Injustice de nos înOines
persécuteurs, vous volâtes au de%*ani de c^e cofnmuoeqtii
vient se jeter dans vos bras pour vous prier de prendre b
défense de l'innocence opprimée et d aller porter ses josiei
fécLamatîons devant les augustes représentants de U oatioiu
Nulle considérttton particulière ne fut capable de vtmi êni-
ter. Vous sacrifiâtes vos propres affiaires ; vous voos amdé^
tes â ce que vous aviez de plus cber. Rien ne vous fttfoi ta-
possible, et vous n'envisageâtes que nos m^heurs cl hf^m
de voler au secours de vos concitoyens. Dans ce iocçsqoori
Pans que vous a occaskinné unt: affaire dool h poniwiii
vous donnait sans cesse l'espérance duoe cipédftioo poâf
et fizste et qui tout a coup s'évatioatssail convie l 'ombre de
Oés faoiô<nes qui scmblem sabaisser et disptf<ître decutf
une în^gination %i%Tment frxppée. \oi» crcnkg tosfOOB
umchct au v^mt de vos travaui et âc^ pâae» ^|oe fi9t
sîtiiaiioii ei la sensibilité de votre oocor %omi^ ùàimi epm'
i«r. cène douce tdée se perdait tooti OMipwCKaaevposf^
lAU plus que râxnenuine d les rcgrr:^
» dottier un mssum que u vi«r «sia^or «»
— 4^* —
malheurs, des cruautés eTcercées contre nous, n*ajuuidi inti
nîmeni aux peines que doit vous donner une affiire aussi
majeure et dont la discussion renfermerait de si grands inié-
rèis ?
« Nous gémissions dans les cachots, vous étiez notre unique
espérance. C'était à vous seuls à qui iniérieurcmeni nous
adressions nos vœux, C'était vers vous que nous élevions
nos mains appesanties par les fers de ta servitude, mais
dans nos situations les plus douloureuses, rien n'a jamais
pu abattre la fermeté de notre âme soutenue par les princi-
pes ci la cause que nous défendions,
•t Votre constance à ne pas désespérer du salut de vos con-
citoyens faussement accusés, à poursuivre la vengeance d'un
peuple cruellement outragé nous donnait chaque jour de
nouvelles forces pour supporter nos malheurs. Et, en eitet,
comment aurions-nous pu désespérer de voir triompher un
jour une cause aussi juste, défendue par deux concitoyens
également recommandables par les qualités du cœur et par
cette générosité rare qui est le caractère des grandes âmes?
* Vous n avez rien oublié. Messieurs, vous avez porté vos
soins sur tous les objets qui pouvaient donner de la recom-
mandation à une affaire qui devait manifester, aux yeux de
toute la France, Tinnocence des accusés et la perfidie des
accusateurs. Vous avez su jeter les yeux, pour en faire le rap-
port, sur un membre distingué de Taugustc Assemblée Natio-
nale (Monsieur Prieur), dont les qualités de cœur vous assu-
rassent autant dti succès que vous en étiez vivement persua-
dés par la justice môme de ta cause.
« Que de difficultés n'avez-vous pas eu à combattre! Que de
lenteurs inséparables lorsqu'on est à une distance éloignée
pour vous procurer les pièces essentielles qui constataient les
outrages, les atrocités, les fureurs effrénées de ces infâmes
— 4^2 —
* suppôts du plus cruel despotisme vis-à-vis d'un grand peuple.
« pièces qui étaient la preuve authentique de la violation de
« toutes les lois qui ont, en effet, excité l'indignation de cène
« auguste assemblée et provoqué la juste vengeance qui nous
* était due. Excuserai-je les lenteurs apparentes de la munici-
« palité à la tête de laquelle j'ai Thonneur d'être aujourd'hui?
« Je les excuserai sans doute, je rendrai même hommage au
* courage de ces citoyens actifs que rien n'a pu abattre pen-
* dant les longues séances de ces assemblées élémentaires que
« la mort môme, continuellement portée devant leurs yeux
« dans ce sanctuaire qui devait être l'asile respectée de Ta loi et
« où à chaque instant elle était violée et outragée, de ces ci-
« toyens que la mort, dis-je, et l'appareil menaçant des armes
« n'ont pu abattre ni décourager. Vous cesserez d'être surpris,
« Messieurs, si après de si rudes coups la municipalité a resté
* quelque temps immobile, suspendue entre la crainte et la
« terreur que lui avaient inspirées de pareilles atrocités.
« C'était donc en vous seuls, Messieurs, que la municipalité
« et nous mettions toutes nos espérances. Elles n'ont point été
« trompées. Porteur du décret le plus consolant et le plus juste,
« le moment n'est pas éloigné où le glaive, trop longtemps sus-
« pendu sur la tête de nos persécuteurs, est prêt à frapper les
« coupables.
« Recevez donc, Messieurs, les témoignages de reconnais-
« sancc qui vous sont dus à si juste titre. Vous voyez tous les
« regards de vos concitoyens réunis dans cette auguste assem-
* blée fixés sur vous. Vous lisez aisément dans le fond de leurs
« coeurs les sentiments qui les animent. Us n'oublieront jamais
* ce qu'ils vous doivent. Vos peines, vos soins seront sans
« cesse présents à leurs esprits et leur reconnaissance étemeik,
« en rappelant à leurs enfants la grandeur de vos bienfaits,
« sera un monument plus durable que ces statues et ces bron-
• ^s^^i ^ .isîe et ; irr^*::
• I*; -TiUr.anes cr. i.w^
miTtw ^JL tz 3nnai>.\.i.-t - -
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« ^Ltr* Je ûrrii. •- - . _ -.
« Le ijcccs qii ..- •.•' ,. .
p ^JJT eux . Lfi c ^ :.-._.. .
« ^litres foconua.-.a
* MM. Enavani et Saint- Roman. dépulés extraordinatrei de
« celte commune auprès de l'Assemblée Nationale, ont mis pour
*« obtenir le décret du vingt-six octobre derniers; sensibles au*
4( peines et soins qu'ils se sont donnés, aux fatigues qu'ils ont
^ souffertes et aux privations auxquelles ils se sont assujettis,
« non contents de la couronne civique que vous venez de Jcur
<t décerner, vous leur volez de sincères remerciements : vous
« leur donnez Tassurance la plus positive de l'estime ei de
4t ramiiié de tous les ciioycns patriotes de celte commune;
^ vous acceptez avec transport leur déclaration de vouloir être
* citoyens actifs dlcelle et de n'exercer le droit de citoyen
« dans aucun autre endroit. ^
«i Le Conseil, délibérant sur la réquisition ci-dessus du pro-
cureur de la Commune, la unanimement adoptée et a concédé
acte à MM. Enavant et Saini-Floman de la déclaration par eux
laite de vouloir être citoyens actifs de cette commune et àt
n'exercer le droit de citoyen daq^ aucun autre endroit, a ap-
plaudi et partagé les remerciements sincères que M, le Maire,
au nom du Conseil, a votés à ces deux députés sur la manière
distinguée dont ils se sont acquittés de leur mission qui leur a, à
si juste titre, mérité le laurier qui vient de leur être décerné et
lésa priés de vouloir bien revêtir le présent procès-verbal de
leur signature ; à quoi ils ont satisfait, après avoir remercié le
Conseil et toute la commune des honneurs qu'ils viennent de
recevoir et qu'ils ne peuvent attribuer qu'à leur zèle,
« (Signé) : Makson Saint-Roman Enavaxt,
« Ce fait, rheure tarde ne permettant pas de continuer les
délibérations, tous les membres du Conseil ont été accomp»-
gner MM. les députés jusqu'à la maison de campagne itilt
Lescampadou. où ils étaient logés, au milieu de toute la Gardt
Nationale qui était précédée comme auparavant de la musique
— 465 —
et au milieu encore des acclamations du peuple. Aprèsquoi, les
membres du Conseil ayant été reconduits à l'église paroissiale
Sainte-Croix, ils ont signé le présent procès-verbal avec le se-
crétaire de la municipalité.
(Signé) : Jean-Baptiste Benoit le Blanc, maire;
Derres, officier municipal ;
B. Bartagnon. officier municipal;
B. MoiîACDEL, officier municipal ;
A. Pai LET, officier municipal ; ^
Jean Clapiers, officier municipal ;
Gilles, officier municipal.
Blanc,
p' de la commune.
G. Flechon, notable ;
Pierre Verpian, notable;
André Giraid; Calixte Dirand nau.
André Bonnet, notable; J. Laigier ;
Jean Honorât ; Jean Griffe ; Jean
Vachier; Joseph Pai let; Nicolas Min-
GEAun; I. IcARD ; Isoard, secrétaire.
Dans la réunion préparatoire à cette fête civique, le Conseil
général des paroisses des Baux avait décidé que les détails de
la cérémonie et les discours prononcés seraient insérés au pro-
cès-verbal pour en perpétuer le souvenir. C'est pour répondre
à ce pieux désir et mieux faire connaître ces héros patriotes que
la relation complète des événements de ce jour a été donnée ici.
Encore quelques mots qui serviront d'épilogue.
Charles Joseph Manson deSaint-Roman, maire de Maussane
en 1793, est assassiné dans sa maison de Lescampadour dans
I a nuit du samedi au dimanche, 2 et 3 mars.
Pierre Enavant fut enfermé pendant 7 à 8 mois dans le châ-
teau de Tarascon. 11 finit ses jours à Aix vers 1814.
coMaucÀ — 30
— 4'>^» —
Jean-Bapiisic-Benoii l.c Blanc de I î'veaune, sieur de Sen'i-
nés. est emprisonnéau tort Saint-Jean à Marseille, où il êcrhTï
un très rcmarquabk plaidoyer prodomo sua. qui a été public.
Il mourut à Paris le 29 juin i822»rue Miromesnil, n* %^ vîvajil
obscurtimeni d'une pension \ iai^êrc que lui servait son genJfê,
Antoine-Fleury RévoiL maitrc des postes à Aix, I>îv Jours au-
paravant, sa pelile-tîllc. qui a\ait épouse Pierre Hcvoil, peintre
et fondateur de recule de Lyon, donnait le juur, dans la ville
d'AixJi Henri KévoiK architecte bien connu, correspondant dt
l'Institut, conitnandeur de la Légion d'honneur» qui a dote le
midi de la France, et, en particulier» la ville de Marseille, des
munificences de son génie par ses travaux à la Cathédrale et à
Notre-Dame de la Garde.
Cet artiste éminent s'est éteint le jeudi, i3 décembre !*)<•:, au
château de Servanes, ayant survécu de quelques années ;i ion
lils Georges, l'intrépide explorateur au pays des Somalis et oon*
sul à Bahîa. Son autre (ils. Paul, commandeur de la Légion
d'honneur, tour à tour résident à Tunis, Ministre au Maroc,
(jouvcrneur général de l'Algérie et représentant de la Franct
aux célèbres conférences d'Algésiras. est actuellement ambas-
sadeur à Fierne, Quant à M. Morel-Révoil» son gsndrt* archi-
tecte fort distingué, domicilie à Marseille, il a contribué A ren-
dre possibles ces fêtes littéraires en faisant partie du Comité
organisateur de cette belle exposition Coloniale,
Destaniui:.
— 467 —
XX
Quelques pages de l'histoire de la Marine Arlésienue
Les Marins d'Arles pendant la tourmente révolutionnaire
Par M. FA8SIN» conseiller à la Cour, membre de TAcadémie d'Aix,
Président d'honneur de la Société des Amis du Vieil-Arles.
I
Au début de la Révolution. la marine arlésienne vivait dans
une situation relativement florissante. Elle ne se ressentait
que laiblement du malaise général ; elle ne tarda point à bé-
néficier des nouvelles dispositions législatives édictées pour
favoriser l'industrie nationale : l'abolition des maîtrises et des
jurandes, la suppression des douanes intérieures, l'abaissement
des barrières qui arrêtaient les transits internationaux donnè-
rent de l'impulsion au trafic et aux industries maritimes. En
vérité, les troubles révolutionnaires vinrent bientôt compri-
mer cet élan commercial ; la guerre maritime, en amenant
le blocus de nos ports de mer, ruina la marine française ;
mais souvent, dédaignés de l'ennemi à cause de leur faible
tonnage et de la minimité de leur équipage réduit à 3 ou 4
hommes, nos petits navires d'Arles échappaient assez facile-
mentauxcroisières anglaises et continuaientleur cabotagesans
grand danger et avec profit, vu l'élévation des noiis. Il semble
même que, malgré les réquisitions et les levées de marins,
l'état de guerre ait, sous certains rapports, développé ce tra-
fic. En eff*et, par sa situation géographique et ses facilités com-
4*38 —
Ttierciales, la ville d\\rlcs élail naiurellemcni desij^ncc pc
servir^d'enirepôt aux immenses approvisionnements néccssai*
res aux armées du Midi. Depuis lon^nemps la prévoyance du
grand ministre Colben lui avait assigné ce rôle.
Par sa magnifique voie rtuvialc, Arles recevait en dëpùi.
dans ses vastes ma^^asins du Parc du Ho\\ les bois de la ma-
rine et de lartillerie, les munitions de guerre et de bouche*
les objets d armcmcni ci dequipcmeni, les fourrages, les
f^îrains cl même les chevaux, dont le rassemblement, or^nîsé
par le représentant Goupilleau ',se irouvail facilité par Tabon-
dance des pâturages. Tous ces approvisionnements ctaicni
charges, avec une fiévreuse activité commandée par les cir-
constances, sur les <e barques d'Arles s^, et dirigés sur Mar-
seille* Pori-La-Moniagne [Toulon ou d'autres ports de la càxt
méditerranéen ne, suivant les mouvements des armées et le*
besoins du service. Ce trafic donnait à la marine arlésiennc ci
a notre modeste port d'Arles une impulsion, une aniniatiaiit
un souffle de vie bruyant dans lequel s*étcignaient en quelqttt
sorte le grondement du minotaure révolutionnaire et, par mo*
mcnts, les cris de la laim, les plaintes des opprimés cl les san-
glots des victimes...
Ccst un coin de ce tableau qui se déroule sous nos veut, h
la lecture de quelques manuscrits inédits tombés en notre po$*
session t manuscrits contemporains des événements qu'ils rela-
tent et émanant de témoins oculaires et mdme, pour Tun d'en-
tre eu.v, d\jn pcrsonna|4C officiel. Nous sommes en mesure d*€it
garantir la parfaite authenticité*
L*un de ces manuscrits a pour titre : Cahier paur i estima-
•Voirie Carnet de Rou(c du Com*ent\onntl Philippe (HarUs-Ainit
GoupiiUtiu, publié d*apnès le matiuscrît înëJii par MM Miçhtl JùiàPtti
Giraud'Mangm, Nîooei, Debroas, igoS, ÎO'8.
— 469 —
tion des bâtiments chargés pour les armées du Midy. Il dé-
bute par le protocole suivant :
< Nous Dominique Bontoux et Jean Avignon, capitaines de
bâtiments de mer, Jean Bion et Antoine Magnan, construc-
teurs de bâtiments, experts commis, nommés d'office par or-
donnance du Tribunal de commerce rendue le 17 avril 1793,
à . nous signifiée le dit jour, pour procéder à Testimation des
bâtiments et agrès et apparaux des capitaines marins du port
de cette ville d'Arles, destinés aux transports des vivres et four-
rages pour l'armée du Midy, et chargés par le citoyen Destec-
que, fournisseur des vivres nationaux, après avoir prêté le ser-
ment en pareil cas requis pardevant les juges du Tribunal de
commerce, nous nous serions réunis pour procéder conformé-
ment à la susdite ordonnance aux faits de notre commission,
et nous serions transportés à bord de rallègeT-A c/iownaire,
commandé par le capitaine Biaise Bonafoux, où étant nous
aurions procédé ainsi qu'il suit, pour lui servir aller et revenir
de son voyage. En foi de quoi nous avons fait le présent rap-
port pour lui servir et valoir ce que de raison ».
Suit une estimation détaillée de tous les navires expertisés
par cette Commission.
Les rapports d'expertise sont au nombre de io5 ; ils concer-
nent 81 navires d'Arles ; les autres bâtiments qui en font l'ob-
jet appartiennent à des localités voisines, iSaint-Chamas,
Bcrre, Martigues. Marseille, La Ciotat' ; quatre ou cinq seu-
lement viennent de ports éloignés. La flotte arlésienne est re-
présentée par r)5 allèges, i5 tartanes et 1 autre bâtiment non
spécifié ; il ne faut pas croire qu'elle soit là tout entière ;
d'autres documents en notre pouvoir, notamment le manuscrit
de Pierre Giol, dont il sera parlé ci-après, attestent l'existence
d'autres navires momentanément absents. On sait d'ailleurs
qu'à partir de 1792, la flotte attachée au port d'Arles est allée
- 470 ~
sans cesse en décroissant, et cependant, le 6 floréal an XII.
elle comptait encore 92 bâtiments, suivant une déclaration of-
licielle délivrée à cette date par le sous-commissaire de marine
Roubin.
Si l'on observe qu'à la môme époque, 600 matelots d'Arles
servaient sur les vaisseaux de l'État, que plusieurs centaines
d'autres assuraient le recrutement des équipages pour les ba-
teaux de charge et de transports et la navigation fluviale, on
peut apprécier l'importance de la marine arlésienne aux mo-
ments les plus agités de la tourmente révolutionnaire.
11 est vrai que le tonnage de ces navires était généralement
très faible ; il n'excédait guère, en moyenne, 1 15 tonneaux ;
j'en trouve quelques-uns cependant qui atteignent 160 ton-
neaux et même 166.
Parmi les capitaines ou patrons qui commandent ces « bar-
ques d'Arles >►, plusieurs sont brevetés pour la navigation au
grand cabotage et au long cours ; la plupart portent des noms
honorablement connus dans la marine locale depuis plusieurs
siècles ; il en est qui vont jouer ou jouent déjà un rôle impor-
tant dans les événements politiques de la région. Quelques-
uns ont servi sur les escadres dans les combats pour l'indé-
pendance américaine ; nous pouvons citer, parmi ces der-
niers. Jean Reynaud, Honoré Pignard. Honoré Aubert, Am-
broisc Kcynaud. Pierre (jiol.
Si nous voyons plus tard la désertion sévir, comme une
sorte d épidémie morale, parmi les matelots d'Arles attachés
au service de l'Ktai. c'est à des influences politiques cl à la dé-
sorganisation générale plutôt qu'à un mauvais esprit qu'il fau-
dra en attribuer les causes.
In lait curieux à noter, comme indice de l'esprit public à
cette époque, c'est que. dans cette fameuse année 1793, de si
tragique mémoire. 4S barques d'Arles, sur les 81 mentionnées
— 471 —
plus haut, portent encore des noms empruntés au calendrier
catholique : la Vierge, sous ses multiples dénominations, et la
plupart des saints particulièrement vénérés dans les églises
d'Arles ont fourni leurs vocables à ces navires. Ces vocables se
maintiennent en plein règne de la Terreur, après l'abolition
du culte ; c'est seulement en Horéalan II (avril-mai 1794) que
nous voyons apparaître quelques changements de noms.
L'allège 5a/w/-.4gr/co/ devient alors, par une substitution
lacile. V Agricole : la Sainte-Anne va s'appeler désormais
VA mie tout court ; le Sainl-Honoré. abdiquant un titre qui
n'est plus de mise, et considérant sans doute qu'il serait exces-
sif", après avoir ainsi mutilé son nom, de se dire VHonorc,
abrite son changement sous un double vocable : Jacques-et-
Honoré. La Vierge de Cadero. changeant à la fois et de nom
et de capitaine, est devenue tout uniment le Cadero, et navi-
gue désormais sous cette dénomination élégante... Passons.
On a dit quesouventun nom bien choisi fait valoir les choses ;
les rapports d'expertise que nous parcourons en ce moment
pourraient le faire croire. En effet, ce Cadero, qu on n'estimait,
peu de temps auparavant, que 5.526 livres, en vaut mainte-
nant 7.522 ; VAnne est évaluée 1 1 .996 livres au lieu des 8.848
seulement qu'elle avait peine à atteindre avant sa laïcisation ;
le J acques-et'Honoré passe de 8.507 'i^'res 10 sols à 1 1 .694 li-
vres et Y Agricole, plus heureux encore, saule de 8.418 livres
à 12.945... et ainsi de suite.
On pourrait croire aussi que la personnalité du capitaine
n'était pas étrangère aux éléments d'appréciation ; certains pa-
piers de l'époque, qui ont passé sous nos yeux, mais dont
Icxamen et la discussion nous entraîneraient trop loin, auto-
riseraient peut-être certains soupçons. Mais nous restons inac-
cessibles à de pareilles suppositions, car nous ne saurions ou-
blier que c'était le moment où la vertu était «mise à l'ordre du
jour », sous le régime de l'incorruptibilité.
— 472 —
Il est probable, quoique les rapports d esiime ne \t dis«ïnt
poîm, que les évaluations étaieiu laites en valeurs d'assignats,
ei que la dépréciation toujours croissante du papier-monnaie
amunaii par contrc-coup une hausse relative dans Tapprécia-
tion des navirciJ. Il n'en reste pas moins, cependant , que la
u saule >* d'un prix à l'autre . entre deux expertist^s, peut sem-
bler un peu forte et un peu brusque.
Le cadre nécessairement restreint que nous a\ons dû noo5
tracer nousobli^^ea limiter là lexamen de ce premier manus
crit.
II
Le second des manuscrits qtie j ai sous les yeux au momefif
où j'écris est une sorte de livre de raison a l'usa'^e de I arma-
teur d\inc barque d'Arles dénommée IM iimTWc-Co/omAe, Il
débute par un chapitre ainsi conçu : Etat des dépenses faites
pour construire l*ailL\i^e appelée l'aimitble (jylombc, du part de
to2 tx 3o, t)4, anx tons ses agrès et appitraux, const'-iiitc i
Arles par Hianc fils aine, commencée le /*' fuin ijtjj et lan-
cée à Veau te t8 novembre même année ou le 28 brumairt
an Vh Hépnblicain. commandée par André Fapatier^ capi"
taine, d'Arles,
On y voit que le corps du bâtiment a coulé r>.2oo livres, que
la dépense totale s'est élevée à jS.iji livres 14 sols 6 deniers
y compris <( le moruani d'un dîner payé au charpentier etou*
vriers. suivant l'usage»*, soit 33 livres 10 s. . et la rctribii-
lion de 200 livres « pour les peines et soins du capitaine ».
La propriété du navire est divisée en 24 parts ou fucirâ/x.cc
qui met la valeur d'un quel rat à 54K livres i6:^ls4 dcaicf^.
Huit parts sont attribuées au citoyen Mathieu Lomiès: lô
_ 4/3
citoyens A. Guiadon. P. Servcl, J. David i:i F. Capdeville ont
chacun une pan ; les douze queirais restants appartienneni au
capilame. Mais à partir du tV vo\uif;e. commence le jii thermi-
dor an VL un changement survient dans la répartition de la
propriété ; Londès cède deux qucirots au capitaine. Nouvelles
mutalions en I an X: le citoyen Abraham Alphandéryacquiert
les six paris que possède encore Mathieu Londês et Tes revend
immédialemcnl à la dame Peyras.qui les rétrocède à son tour
Tannée suivante, a Jacob Alphandéry, frère d'Abraham. Puis
nous voyons, au cours des années suivantes, surgir de notr-
\eau\ actionnaires, parmi lesquels réapparaît Abraham Al-
phandéry; lasignaturc «David père eUilsî* remplace, sur noire
manuscrit, la signature « Joseph David î^ : Louis Servel prend
la place de P. Servel; la dame Capdeville, née Tnbnuîon.
succède ù un Capdeville jeune, et linalcmeni le capitaine Ka-
vatier acquiert par fractions l'entière propriété du bâtiment.
Nous avons vu que lequeîrat a été évalué, au début, 54H li-
vres ify sols ; c'est à ce prix que Mathieu Londès, le j 6 thermi-
dor an Vf. vend deux queirais au capitaine. V Aimable-
Colombe a fait Cinq vovages à ce moment-la ; sept moiset demi
se sont écoulés depuis ic début de son premier voyage ; le hé-
ncHcc net réalisé par les actionnaires, durant cette période, a
été de 84 livres 22 sols 8 deniers â la part ; à la fin du neu-
\ième voyage, 14 jours avant l'expiration d'une année com-
plète de navigation, les co-partageants ont louché r24liv. asols
2 denierspar queiral, et le voyage encours va leur donner» peu
de jours après, un nouveau revenani-bon de 12 livres : beaux
résultats, en vérilét qui font le plus grand honneur au navire
et au capitaine !
La seconde année de navigation se règle par un bénéfice net
de i3i livres 18 sols 3 deniers pour chaque queirat ; il n'y a eu
cependant que six voyages, et Ton a dû faire quelques répara*
lions au navire et augmenter ou améliorer le malérich
^^ — 474 —
cours de sa troisième année, le bàtimentn'a effectué qttt
quatre voyaf;es ; mais le rësuhai f^lobal ncn a pas tnoinhétc
irèi* fructueux ; il se chiffre par un produit net de 235 francs
7 sous 2 deniers. Le calcul se tati désormais en francs el fuin
en livres: le franc vaut une livre trois deniers, soit 20 sous
el un quart de sou.
L'avant-dernier voyai;e a été particulièrement heureux : un
fort charf;ement de « bleds et farines » pour Marstîille a donn^
lieu a un nolis de <_r. J25 fr. 10 s, ; il faut évidemmcni ramener
ce chitfrc à une niciindre valeur, en tenant compte de la dépré»
ciatîon des assignats, qui sont alors la monnaie courante ;
mais il faut remarquer en même temps que le fret alTcrcm
au précédent voyage n'excédait guère 5. 000 Irancs, celui
d*aupara\ant 2.800 francs, et que, par la suite, alors que les
assignats se déprécient de plus en plus, les frets voni égi^
lement en diminuant brusquement dans des proportions
énormes, comme on le verra ci-après. Si, d autre pan. loti
considère que. pour ce voyage exceptionnel, on a, exccpiion»
nellement aussi, assure le navire moyennant une pnmc dc
277 fr, 10 s. ( pour un trajet d'Arles à Marseille seulement, c*c$t
un peu cher), on est amené à penser que les risques de la
guerre ou ceux de la navigation (vu le mauvais ctat des cra-
bouchures du F^hône) avaient dû inHuer considérablement Mtr
Télé va lion du nolis.
La quatrième année d existence de VAimablc-Cohmbcc^
peu laborieuse cl surtout peu productive. Quatre voyage»^ dont
un aux embouchures du Rhône seulement, avec un produit
total de 46 fr. r3 sols 4 deniers pour chaque part ou 24^ de b
propriété, tel est le bilan de cette année. Mais à ce mnmeiît,
le navire a donné déjà un bénéfice net supérieur à ce qu'il a
coûté.
Les deux années suivantes (1802 et iKo3; donnent le* r^ul*
tats ci-après ;
— 475 — •
iRo2 = 6 voyages» gS fr. 4 sous 1 1 deniers par queirat.
iSo3 =^ 3 voyages, dont l'un, par suite d avaries, n'a donné
au navire que des pertes. Le résultat final se chiffre cependant
par un bénéfice de 33 fr. 6 sols 10 deniers à chaque part de
propriété : soit un peu plus du 60/0 du capital engagé.
Nous nous arrêterons à cette date ; aller au-delà serait sor-
tir du cadre que nous nous sommes imposé.
Je n'ai noté, jusqu'ici, que le revenu de la propriété ; voici
maintenant le gain de l'équipage dansles 32 voyages effectués :
La première année, chaque part entière de matelot a été
de 876 livres 10 s.
La seconde année 1.028 livres 12 s.
La troisième année 1.768 fr. 9 s.
malheureusement, pour les parties prenantes, en assignats
dépréciés.
La quatrième année — 375 fr. 10 sous seulement.
La cinquième année (1802) = 699 fr. 4 sous.
La sixième année (i8o3J = 410 fr. 3 sous.
Si nous comparons maintenant la rémunération du travail
avec celle du capital, nous voyons que tout .piatelot naviguant
à part entière a touché, en moyenne, un salaire égal au produit
de huit queirats, soit au tiers du revenu global du navire. Nous
laissons à des observateurs plus compétents que nous ne pou-
vons l'être le soin d'apprécier ces résultats.
III
Le volumineux document que nous venons de parcourir et
d'analyser n'embrasse que les dernières années de la période
révolutionnaire. Un « Ltpre de compte de dépanccs et projfits
de l'allège Saint Jean,,.comancées (sic) le 20 septembre 1772 »
va nous fournir des renseif^nenicnis analoguessur les premiers
temps de la Révolution.
Notre livre débute parle compte de la construction ei d^
dépenses de premier établissement :
Le maître charpentier a reçu, . .
On a dépensé pour trois repasdonnésaux
maîtres, selon Tusaf^e 3o lîv iK
Ona donné à M. le prieurquhi béni lal-
lège un honoraire de. 3 liv, ^
On a payé pour la déclaration a 1 ami-
rauté , , (} \i\\ n
El â divers fournisseurs ... 1.292 liv. 11 s. 5 dénient.
D'autre part» on a acheté, au prix de 1.282 liv, i5s., Ie5»a^rè$
cl apparaux d'un vieux bâtiment appelé N^oire-Dame de Bon-
Voyage, ce qui porte le revient de Tallège Saint-Jean au prix
total de 6.524 '^^'* 4 ^- ** ^•' ^^ ^^ queirat à 271 liv* 17 sols,
Le navire entreprend son premier voyage, avec un charge-
ment de blé et léf^umcs pour Toulon, le i5 octobre 1772. Ce
voyage rapporte à la propriété 3 liv. 12 s. par queirat et 47liv.
18 sols à chaque matelot naviguant à part entière.
L'année 1773 voit s'accomplir six voyages qui donnent un
prorit de 3o liv. 9 sols K deniers par queirat ; chaque matelot a
touché 234 livres.
En 1774. le Saint'-Jcan n'etîeciuc que* trois voyages; te
néike est de 18 livres 1 sol 4 deniers par queirat, et de 184 liv.
5 sols pour chaque matelot.
De 1775 a tjHH inclus, nous comptons 70 voydRcs, soil eo
moyenne 5 voyages par an. Pour toute cette périfxle. lesactkia-
naires du navire n'ont louché net, par queirat. que 38J li^-
7 sols 1 1 deniers ; la part entière d'un matelot a été Je 4.41011%%
il sols H deniers, de sorte qu*un matelot a gagné, à lui 3iruL
presque autant que la moitié des actionnaires! ; en d'autres t^"
- 477 -
mes, deux pans de matelot ont équivalu, très approximative-
ment, à l'entier rendement net de la propriété du bâtiment.
Nous arrivons à la Révolution. L'année 1789 paraît s'ouvrir
sous de meilleurs auspices : les six voyages effectués au cours
de cette année mémorable donnent aux actionnaires un profit
total de 28 liv. 19 sols 4 deniers par queirat, et à chaque mate-
lot un salaire de 3 10 liv. 6 sols 6 deniers.
1790. — 3 voyages seulement = 20 liv. 16 sols i5 deniers au
queirat. 210 liv. 4 deniers à la part de matelot.
1791. — 2 voyages seulement, dans les quatre premiers mois
de l'année = 17 liv. 5 sols 4 deniers par queirat, 171 liv. 10 sols
9 deniers à la part de matelot, tels sont les profits de ces deux
derniers voyages, terminés le 14 avril, après quoi le navire est
désarmé, inventorié, expertisé et vendu ; les quittances qui clô-
turent le manuscrit constatent que chaque actionnaire a reçu
102 liv. 4 sols 8 deniers par queirat « pour son contingent sur la
vieille barque ».
Nous avons vu que cette allège avait coûté 6.524 liv. 4 sols 6
deniers, ce qui mettait le queirat à 271 liv. 17 sols. Au cours de
sa navigation, qui a duré 18 ans et 6 mois, lequcirai a produit
504 1. 12 sols 10 deniers; après le désarmementeià la ventcdu
navire, il a reçu encore, comme remboursement intégral de sa
valeur, 102 liv. 4 sols 8 deniers. Le capital de 271 liv. 17 sols a
donc été amorti et a donné comme rendement net 335 I. 6 de-
niers,c'est-à-dire, annuellement, prcsdu 77«ducapital engagé.
C'est le 14 avril 1791 que « la vieille barque », le Saint-Jean,
a accompli son dernier voyage ; c'est le 18 novembre 1797 que
l'allège V Aimable Colombe, dont il a été parlé ci-devant, a été
mise à l'eau ; nos documents précités sont muets sur la période
de l'époque révolutionnaire qui s'est écoulée entre ces deux da-
tes ; c'est une lacune regrettable que ne comble point le pre-
mier manuscrit analysé par nous, et ce n'est point la seule.
-478-
malheureusement, que Ton ait à relever dans la présente notice.
Je ne puis me dissimuler ce qu'il y a d'incomplet dans mon
travail, en dehors même de ce vide que je viens de signaler. Je
donne ce que je peux ; j'ai annoncé « quelques pages » et non
une histoire. Je n'ignore point qu'une statistique, pour donner
des résultats sérieux, exige le concours de multiples éléments
de comparaison ; mon rapport se réduit en réalité à un élément
unique; cependant, même réduit à ce rûle modeste, il n'est pas
dénué d'intérêt ; du moins, il m'a paru tel et un conseil auto-
risé m'a confirmé dans cette opinion.
IV
Un quatrième manuscrit, rédigé, à la vérité, dans un autre
but et à un autre point de vue, va nous fournir des détails cu-
rieux sur les vicissitudes de la marine arlésiennc aux moments
les plus agités de la tourmente révolutionnaire. Cesi le «Jour-
nal des événements que le capitaine Pierre Giot. de la Com-
mune d'Arles, a essuyés dans la Révolution ». Il est en forme
de récit.
Au moment où s'ouvre la narration — c'est le 26 mars 1792
— l'armée marseillaise, conduite par Rebecqui et Bcrtin, arrive
à Arles pour y comprimer <; la rébellion chiffonistc ». Giot est
noté parmi les rebelles, il va. l'un des premiers,êtrc victime de
l'impiioyable répression :
^ Lundi, 2() marsiyq'i, sur les dix heures du matin ». nous
dit-il, — « une troupe de brigands qui étaient embarqués .sur les
six allèges venues de Marseille... et autres de cette ville d'.\rlcs.
siioi être venus à bord de ma tartane, la Marie-Françoise-
aniarrce à 'IVinquctailIc vis-à-vis la maison de M. Daity. ont
— 479 —
commencé à piller, dévaster, jeter à la mer (sic), touslesagrès,
apparaux, ustensiles et généralement tout ce qui se trouvait
dans la dite tartane et puis Tont faite couler au fond... »
Suit le détail des perles : « Éiat de ce qui m'a été volé à
cette époque... », etc..
1-c total se chiffre par 17.148 liv. Nous croyons queGiota
noté ses pertes un peu haut; mais il n'est peut-être pas sans
excuses. Grâce à d autres ressources et au crédit dont il jouit, il
parvient à se procurer un autre navire, * construit a neuf ici à
Trinquetaille », dit-il, et dans le courant de décembre 1792, il
reprend sa navigation, on pourrait dire son odyssée, avec un
chargement pour Martigues. A peine arrivé aux embouchures
du Rhône, il rencontre une flottille de cinq bateaux d'Arles,
dont les équipages comprennent ses plus mortels ennemis. Il
manœuvre pour les éviter, mais en voulant serrer la côte, il
échoue sur une plage. Il a été reconnu ; au lieu de secours, il
reçoit des injures et des coups de feu. qui, heureusement, n'at-
teignent personne.
— « Nous entendîmes ronfler les balles, dit-il ; je vous laisse
à penser si nous étions à notre aise; cependant, nous continuâ-
mes toujours à travailler pour se désachouer (sic). Heureuse-
ment, avec l'aide de Dieu, nous parvînmes à sauter cette barre...
Nous forçâmes de voiles; sur les trois heures de l'après-midi,
nous arrivâmes au Martigues 'avec le matelot Honoré Gar-
cia , comme deux fantômes, d'avoir échappé de ces maudits
scélérats... »
A Martigues, où il séjourne faute d'affrètement, il a vcntd'un
complot formé contre lui au café Frégier par des matelots jaco-
bins formant les équipages d'un convoi d'allègesqui va mettre
à la voile Renonçant au projet qu'il avait formé de se joindre
à ce convoi, il remet son départ au lendemain, rencontre en
mer une bourrasque épouvantable, est contraint d'abandonner
480 —
son navire qui s entr'ouvre et s'engloutit, perd une partie de 9es
hardcs et toute la cargaison, gagne la cùte à grand'pcine avec
son unique uiatelot (le lidèle [lonorc Garcin i, trouve un rcfu|{c
dans une cabane déserte au bùrd deFëtangdu Gloria, eiypass^
deux jours sans pain, transi de faim, d émotion et de troid.
C'était en lévrier 1793.
11 suppute sa pcrie.cn donne le détail ; calculée en numcraifV
les assignats subissant a ce nioment-lii une dépréciation <k
moiliéi. elle s élève a 10.926 liv. m sols. Elle est énorme pour
lui ; mais elle n*abat point son courage : il faut vivre, il a
temme et entants; il est actif, industrieux, et bien que signala
partout pour son indvisme, partout dénoncé, en quclquesorte
proscrit, il lui reste des amis, quelque crédit» et il trouve en-
core à s'employer.
Passons-lui la parole :
* Le vendredi, 12 juillet 1793. ù dix heures du nnatin, moi
et mon frère avons parti d^Arles avec une beue, jsorted embar-
cation , chargée des agrès pour un bateau que je faisob ccins^
truirc pour maître Calaman, au Martigues. Ce même jour,
nous sommes venus au Chapon. Le lendemain, ^mcdi i3t
nous sommes venus à la Tour-Vicillc pour venir prcmlrt b
mâture du pinquc catalan naufragé. Le jeudi, 18, dans la ma-
tinée* avons parti du Chapon pour venir au Martigues.Surlo
huit heures, avons été par le travers de la Tour de Saiiii-
Louis. On nous a crié d aller à terre ; nous avons obéi lout <k
suite.
« Sitôt être à terre, une troupe de brigands nous ont fait k fî*
site»., et m'ont conduit à bord du commandant des cinq ^
les qui étoieni venues a Arles pour canonner la ville d^
temps des Sections,., Il cotnmença à m*inierroger en me di-
sanl si je n'étois pas un des coquins de chiffonnier!^ qui
Nom qu'on donnait aui royalistes ei aui coAtre-révolutiOfifiàÉreJ'
— 4»» —
avoicni tiré le canon à ses confrères. Je lui reponds que non,
que je n'avois jamais porté les armes envers personne, et que,
si j'avois eu l'audace d'avoir fait quelque mal à quelqu'un, je
ne serois pas si imprudent de venir passer en plein jour ici.
* Comme j'ctois presque licencie, malheureusement pour
moi il vient le vieux scélérat de François M"" et autres bri-
«^'ands. pour dire à Pascal : « Commandant, nous en tenons
un bon, de ces coquins, il ne faut pas qu'il nous échappe ^.
Tout de suite on me mit en arrestation.
« Je vous laisse à penser quelle fut ma situation de me voir
entouré de quatre-vingts des plus scélérats d'Arles. L'un disoit
qu'il m'avoit vu au canon ; chacun disoit la sienne. Voyant
que jaurois bien de la peine à me pouvoirsauver,je commen-
çoi pour lors par dire à ces scélérats que puisqu'on m'incul-
poit d'avoir été au canon et qu'on m'accusoit d'être coupable,
du moins je les priois de vouloir bien laisser partir mon
frère. M. de Servane me répond que dans le moment il alloit
être licencié, mais que, pour moi, si je voulois avoir mon élar-
gissement, d'écrire à mes coquins à Arles pour faire sortir leurs
prisonniers. Je lui réponds que je n'avois aucun pouvoir dans
Arles et qu'il falloit être chef de parti pour obtenir une pareille
demande.
« Au même instant, on dit à mon frère de partir avec la bette
et qu'on alloit écrire à Arles pour prendre des renseigiK-
ments de ma conduite, et que si je n'avois jamais porté les
armes contre ses collègues, je serois regardé comme frère.
« Pour lors, M. de Servane me dit qu'il répondoit de moi
corps pour corps.
4c Sur le midi. Cadet Pascal vient m'offrir d'aller dîner avec
lui et son beau-frère Inginat; j'accepte l'offre. Heureusement
pour moi que le temps étoit calme ; il faisoit extrêmement
chaud. Tous ces brigands sortent de manger, le gros soleil les
CONHRÈS — 31
4^2 -
endormuii Je profita de cCtic occai^ion pour me s^iirt
cet miervalle que tous ëioient endormis, jusque le gardica
qu'on m avoit mis,
« rétais pour lors dans la cabane de patron Girard, qui fâî-
soit fonction d'intendant de sanié» avec Cadet Pascal ci sao
beau-frère Inginai ; c'est ce qui rit que mon gardien, rr^e voyam
avec eux, se pcnsoit quils ne me laisseroieni pas échapper.
Comme nous étions pour nous mettre à table pour dtner, ù*
dct Pascal éioil par derrière la cabane. Je fais semblant d*allcr
verser de IVau. Je vois Cadet Pascal, il me dii:« Allons man-
ger la soupe ». — Je lui dis que je n avois pas trop faim, que
le meilleur dîner seroit de me sauver, puisque je voyotjt que
tout le monde dormoit. Pour lors, il me dit de partir tout de
suite.
4k Je pars bien lentement, crainte que quciqu*un s'en aper-
çût. Sitôt être un peu éloigné, je double le chemin. Me voyant
a peu près à demi-lieue de distance, je me mis à courir ; ^tr»-
versa le Galéjon à la nage; je me misa courir derechef jusqu*!
Kos. Sur les quatre heures du soir, j arriva au Martigucs, ayant
trouvé mon frère qui prenoii Pentréc... »
A Martigues, Giot est dans une perpétuelleagiiaiîon; mille
craintes l'assiègent. Des avertissements terri tiants, parfois cnx^
nés. prématurés tout au moins, viennent traverser toute
démarches, C^est Tarmée de Cartcaux qui approche, les ;
broges arrivent à Saint-Chamas, ctc, L armée dépanemcntale
a subi un grave échec près de Lambcsc, elle se débande...
Mais Marseille tiendra bon. on peut s*y croire en sûreté...
— Vite, Giot prend un chargement de bois d'olîvter p^k
celte destination et s'empresse de faire voile pour Mars^Ji^
Ici encore, il va être intéressant de reniendre lui-même ra-
conter les péripéties de ce voyage :
* Le vendredi aS aoust, dans la matinct. |c ucLmuiu i nmn
- 483 -
bois et je vins placer mon bateau à la palissade du juge du Pa-
lais. Sur les deux heures après-midi, je me suis affrété
pour aller à Cette, pour porter M. Grellin et sa famille avec le
fils de M. Rey, négociant de Montpellier.
* Du moment que je travaillois à faire mes expéditions, j'en-
tends ronfler les canons des Sections de Saint-jaume et ceux
des Dominicains. Sur le port, grande fusillade du côté des
(îrands Augustins. Tous les petits bâtiments qui étoient par
ce parage s'étoient tous tirés au large. Dans ce moment, me
trouvant sur le quai, ne voyant plus mon bateau, je ne savois
plus où passer, attendu que de toutes parts on crioit : «Qui
vive ? »— Mon frère s aperçut que j'étoislàtout près lafontdes
Augustins ; au môme instant, il m'envoyoit la chaloupe pour
me prendre.
* Toujours les balles ronfloient de chaque côté ; heureuse-
ment, je viens à bord de mon bateau.
« Toute cette journée et la nuit, les canons et les fusils ont
tiré.
* Le samedi 24 dudit, toute la journée, on a tiré des bombes
à la Section des Dominicains. — J ai oublié que le vendredi, du
moment de la canonnade, la chaîne du port a été fermée, sans
laisser sortir aucun bâtiment ni bateau ; le samedi, on a laissé
tous les bâtiments étrangers qui ont voulu sortir, sans autres.
« Dimanche 25 aoust 1798, sur les dix heures du matin, Car-
teaux est entré avec son armée dans Marseille. II a fallu se
cacher pendant quelques jours, crainte de voir de nos scélérats
d'Arles.
« Au bout d'une dizaine de jours, voyant qu'il nV avoit nul
espoir de pouvoir sortir du port avec le bateau, la chaîne étant
toujours fermée, je suis venu au Martigues pour me mettre en
silreté.
« Après avoir resté huit jours au Martigues, on me dit que
4«4
la chaîne ctoit ouverte;
;ïens à Marseille. AyanTirouvé qttê
la chaîne éioit toujours fermée, qu on ne laissoii pas sonirscu-
IciTTcnt les bateaux ramiers ni aucun bateau pêcheur^ crainte
qu'on portât du monde à bord de la frégate anglaise qui, de-
puis vingt<înq jours, se tenoit aux approches de Marseille, le
lundi 23 septembre 1793, après plusieurs pétitions que noas
avions présentées au représentant Duras et à son secrétaire Al»
bitte, tous les bateaux ramiers et autres petits obtinrent la per-
mission de sortir du port.
«c Ce m^me jour, je fus content. Sur le soir, je ;*urtis dehors
de la chaîne, de même que les autres bateaux. Ce même jour,
il est arrivé plusieurs chaloupes d Wrles chargées de bic. En ar-
rivant à la consigne, crient de toutes ses forces que Dieu était
patriote, et plusieurs cris de Ça ira .
<t Dans cet intervalle, je iravaillois à me toucr pui,i Miiin
hors de la chaîne. Une des chaloupes d*Arles chargées de blé
vient s*cngager avec son gouvernail; elle avoit pris la mailleuc
qui me servoit i me toucr. Je n'osois pas lui crier de faire $Jit-
ter son gouvernail, crainte d'être reconnu; je n'osoî^ïkfxis seule*
meni paroîire ; je m'aperçus que c'étoit Nicolas Gîraud dit U
Sabre: pour lors, je lui crie doucement, de peur d'être entendu
des autres chaloupes, de faire sauter la maille qui éloît pri$c i
son gouvernail. 11 me répond : «. O louij, mon ami, je vais la
faire sauter)*. — Je fus très content de sa réponse; si malhc''-- '
sèment il se trouve une autre chaloupe qui fût engagée, i
perdu, attendu qui auroit crié « au coquin de chiffonnier ! »
il neo falloil pasdavantagc pour être guillotiné,
« Sitôt être dehors de la chaîne, il étoit presque iiuu ; je me
mis à bord des autres bateau \, attendu que le vent étoii h U
partie de TOuest petit frais. Je pria les patrons des bateaux de
ne me pas crier par mon nom, attendu qu'ils me crioienc a xoux
moment,de ce qu'ilsétoicntcontentsd'ètredehorsdelacbaine.
- 4^5 —
«Comme je leur avoisdressé toutes les pétitions, ils me regar-
doient comme^ un dieu.
«Il est un de cespatronsqui me demanda par quelle raison je
ne voulois pas qu'on me criât pour mon nom ; je lui réponds
qu'à tout moment il nous passoit des chaloupes d'Arles tout
près du bord et que, malheureusement pour moi, s'ils enten-
doient me nommer par mon nom,ilspourroient crier la force
armée pour me faire mettre en arrestation, attendu que je
néiois pas bienvenu d'eux. Pour lors, ce patron me répond
qu'il étoit bien fâché de m'avoir crié, de même que ses collè-
t;ues. que j'avois bien fait de les prévenir, et que je pouvoisêtre
tranquille, que si malheureusement quelqu'un s'asardoit de me
faire la moindre injure, « nous sommes une trentaine tout
dans k cas de les esterminer». Moi je fus très content et nous
soupàmes tous ensemble. »
« Le mardi 24 septembre 1793, à minuit, s'étani mis un peu
de vent au Nord-Est, je partis tout de suite... »
Le surlendemain 26 septembre, Gioi se trouve à Martigues ;
on lui propose de transporter à Toulon quelques émigranis :
« M. l'avocat Caudière, dit-il, me iît aller à sa maison ; il me
tii part de ses intentions, me disant qu'il seroil bien aise d'al-
ler à Toulon avec moi ; qu'il s'embarqueroit aussi plusieurs
de ses amis dont je connaissois la majeure partie, savoir
M. l'avocat Bourd in, Antoine le Poulit »... il donne le nom de
sept d'entre eux . « Nous fîmes notre plan qui fut d'acheter
('»o poid (sic) de bois de pin que Sibille, cafetier, avoiten maga-
sin, et laisser à la cale du bateau une large masqué pour pou-
voir mettre les provisions et les passagers. Je lis part de cette
expédition à mon frère, il consent tout de même. Je fus tout de
suite trouver Sibille pour traiter du prix du bois dont nous
fumes d'accord, je lui donne les arrhes et le lendemain matin
nous travaillâmes à aller placer le bateau tout près [de] son
mdf^asin. Ce même jour. M, lavocal me dît qu*il avoii ur
d avis de même que ses collègues. Je lut réponds qu'il h.
réllcchir plus lùL que c*ëloil me compromellrc, après toutes
les démarches que j*avois faît. d*avoîr acheté du bois à un pa*
iriote. cela pourrait bienlc Taire soupçonner. Il me repond que
jusquesâ présent tout lui paraissoit iratiquillc dans la ville, et
que même il n eloit pas mal venu du peuple. .,»* etc.
Gioi renonce donc a cette expédition et se rend à Saini<Ih4-
mas, où lattcnd un chargement de bois pour Marseille. C'est
là qu'il apprend, le 3 octobre, que deux de ses collègues, le
patron Pit'rre Rassia etle patron Favaticr, tous deux arlc^iciis
comme lui, se sont ^ perdus dans le f(olie de Marseille i^.
11 revienià Martigues, « sans savoir, dit-il, ce qui s'y prcpa*
roit » :
« Le lundi 7 octobre ijtjS. dans la matinée, nous nous dv
semblons une vingtaine d'amis pour aller dîner aux Capudns,
à Perrière* Sur les 10 heures du matin» la ville u été cernée de
toutes parts par f^oo brigands ramassés. J'ai travaillé & mesau*
ver, de même que tous les autres. Je suis venu a Ponicl a U
bastide de Jean-Pierre Fouque. A chaque instant, je voyois pas-
ser de pauvres fuyards qui cherchoieiil quelque gîte. Sur les
4 heures du soir, je me suis venu promener au château de
M.Guion.ayani trouvé son épouse tout éptorée craignant p" '
son lils \gnel. Nous causâmes ensemble.,, elle mollrit d
souper au château et coucher ; son mari avec son tîk scuni
laissé surprendre au Martigues, attcndoieni la nuit pour se tr*
tirer au château. Je remercie M'"" Agnel des honnèiclcsqu ''
me laisoil sans me connaître; je lui dis que puisqu cliw
mavoii oftert un lit je Tacceptois avec plaisir* et que Jean-
Pierre m'altendoit pour souper... Je vins chez Jean-Pierre;
nous soupàmcs ; dans le temps que je soupais. M*"* m'ctn
vojroit son domestique pour me dire qu'il y avoii plusieurs
-487-
patrouilles dans le quartier de Saini-Pierre [et que] crainte de
se compromettre, elle ne pouvoit pas me recevoir... qu'elle en
ctoit bien fâchée. Je lui réponds [que] je la remercie bien, que
son ami Jean-Pierre avoit des lits pour me faire coucher. Le
domestique s en va au château, la dame le fit retourner tout
de suite et lui dit de me dire qu'elle m attendoit, que je pour-
rois entrer par la petite porte. Sitôt avoir soupe, je viens au
château pour m'aller coucher; j'entends des bruits des chiens
et des chevaux ; c'étoit son mari avec son fils qui se retiroient
au château ; moi, croyant que c'étoit une patrouille, l'épou-
vante me prit, je vins me mettre au bord de la mer, dont je
passa (sic) une mauvaise nuit... »
A la pointe du jour, rôdant autour du château, Giot aperçut
M. Guion, s'en fit reconnaître et recueillit de sa bouche quel-
ques détails sur les événements de la veille ; très impressionne
par l'arrestation de quelques amis, il passe une partie du jour,
avec A^nel, « dans un souterrain, crainte de quelque pa-
trouille » ; puis, à la nuit, « du moment que tout étoit au club,
qui crioit, chantoit », il rentre dans la ville. Mais la. de nou-
velles tribulations l'attendent, il a peine â trouver un gîte hos-
pitalier ; il parvient cependant, à force de sollicitations, à at-
tendrir une bonne femme, la dame Detlaud, qui consent à
lui donner un abri ; le lendemain, dans la soirée, il vient cou-
cher chez un ami. Callamand. dont il prend confié avant le
jour pour se rendre à Port d^» Bouc ou à Fos.
Ce trajet ne se fait point sans nouveaux incidents ni
de nouvelles aventures : transes continuelles, journée pas-
sée à l'abri d'un rocher, rencontre d'un fugitif comme lui,
avec lequel, par mutuelle défiance, il joue en quelque sorte
à cache-cache ; dîner dans une auberge à Fos, en compa-
gnie de onze volontaires nationaux qui soumettent son
royalisme à une rude épreuve [^ à tout moment on me
prc*»ciUoii a boire à la.sanic des suns-culotlcs; je taiso)^
je pouvois pour les dispenser a me faire boire. cepend;ini
je soupa (sicj bien ou maK,. »*) — ,.. puis, rencontre d'un bon
gendarme à chevaK qui, devinant à ses allures que Giot n esf
pas un vaj^abond, mais un mallieuieux luf^ilif* s attache à le
rassurer en ati'ectant de ne pas le voir ; enlîn, en longeant te
bord de la mer, découverte d*une embarcation montée par des
amis qui. surpris ci elFrayés, cherchent d'abord à gagner le
large, puis ramenés par ses appels réitérés, s'empressent de
venir le prendre a leur bord» au momentoû paraissait, en com-
pagnie du gendarme, un attroupement dune soixantaine de
personnes que notre héros n'hésite point à reconnaître immé-
diatement pour des brigands. Jugez de son soulagement et de
ses actions de grâces !
Mais Giot ne siiit où aller : partout il se croit menacé danv
sa libeçié et même dans sa vie. Au milieu de ses perplexités, il
l'art réflexion que le parti le moins dangereux pour lui isi en*
core de revenir à Mariigucs, chez son ami Casiellan ; c est à
quoi il se décide. Arrivé, sur le soir, en vue de Terrièrc, l'ap-
proche d'une bande joyeuse et chantante le glace d crtPnoi ; il
se dissimule dans un coin. 11 passe la nuit dans la même
chambre que le bon gendarme, qui le reconnaît et lui témui'
gne sa sympathie et le plaisir qu1l a éprouvé en le voyam
échapper à ses ennemis. Lu gendarmerie révolutionnaire* *î
Ton en juge par celle de notire région, valait mieux que le
renom qu on lui a fait.
Nous ne suivrons point ce malltcureux (liui dan^ son cvpi/i'
circonstancié de ses pérégrinations si inquiètes et si tourmcfi
tces, pérégrinations dont chaque pas est marque par des ind-
denis de toute nature, parfois romanesques, presque toujour»
dramatiques- In volume y sunirait à peine et notre cadre est
restreint. Nous devons nous borner à un simple aperçu ; Ll,
- 489 -
narration y perdra sans doute quelque intérêt, avec le charme
et l'intensité d'impression des choses vues et vécues, quand le
narrateur en a été lui-même Tacteur ou le témoin ; mais nous
nous ctForcerons de racheter cette perte par un coloris moins
violent et plus exact, une peinture plus sincère desévénements,
déf^'a^ée des grossissements, des exagérations et des passions
inhérentes à ces sortes d'autobiographies.
Franchissons quelques jours passés à Martigues ou aux en-
virons dans des transes continuelles. Giot a tormé le projet
de se rendre à Toulon, puis il hésite entre Toulon, Mahon et
les cotes d'Espagne. Cependant, et à tout événement, « bien
aise, dit-il. de profiler du maximums, i! se ravitaille ample-
ment. Sur ces entrefaites, on lui propose de transporter à Tou-
lon, clandestinement, deux émigrants qui paieront bien ; Giot
accepte, attend durant quelques jours le moment propice, puis,
fatigué des hésitations et des lenteurs de ces futurs passagers,
se sentant surveillé, dénoncé peut-être, il met à la voile brus-
quement et se sauve, non sans courir de nouveaux dangers
auxquels il échappe par stratagème.
Il erre, à l'aventure et sans but, le long du littoral, et arrive
devant le grau d'Aigues-Mortes. où il se décide à aborder et où
de nouveaux sujets d'inquiétude l'attendent. Il endort, par
quelques menus dons, la surveillance soupçonneuse des gar-
diens de la redoute, parvient même, en les régalant, à se faire
proclamer bon patriote; mais, tremblant alors pour ses provi-
sions mises en danger par le robuste appétit de ces amis d'oc-
casion, il se hâte de déguerpir, vient à la tour de Constance,
où il rencontre un collègue, Pierre Naud, qui lui procure un
chargement. Le sous-chef des classes, M. Vaudricourt, à qui il
n'hésite point à confier le secret de sa véritable situation, lui
témoigne de l'intérêt, s'attache à le rassurer et consent à viser
son rôle; mais, le lendemain, un embargo général empêche le
départ du navire.
490
met a profit ce temps d'arrùi pour venir voir sa remiW
cri Ci marguc. au mas de Bord, puis revient à Aif^ucs-Mortcs,
où il trouve des com patinions d'in fortune, dont la preMrncc
atténue ses ennuis. Maïs il n est point encore « au bout de ses
peines», Des marins d'Arles, de vrais sans-culoUoî ccux-li,
qui se trouvent c^jalement à Aigucs-Mories. forment, aptes
boire, un noir conipioi contre lui. A g heures du soir, un bmvc
homme, patron Julien, de Beaucairc. vient le trouver couché
et l'aviser du nouveau péril qui le menace : on va %"enir le
pendre a laniennc de son na\ ire ! Gioi saule à bas du lit. yt
vet à la hâte, et. laissant son frère à bord, court passer la nurt
«t en rase campiif'ne ». Au petit jour, rùdant autour d'un mou-
lin, il lie conversation avec le meunier, lui donne ta main
pour radouber des toiles et Hnil par lui confier ses tcrrcuns. l^
confidence n*ètait pas sans danger; mais Giot a cette boftoc
fortune de rencontrer partout « de braves i^ens qui pcnxnl
comme lui ». Tels sont le meunier et les habitants des cabane
voisines. Il peut donc se rassurer, d autant que son frércac*
court avec des provisions et lui apprend que la nuit a été
me. et que, à bord du bateau, on na ^ ric" ^'» '^^ • 'M^.muIi»
dinquiétani.
Décidément, il est permis de croire que notre héros est ufl
peu prompt à s'cMaroucher; mais il se reprend viic- cl fc t^
voici de suite à son bord. Il y demeure, bloque par rcm^-"'
et toujours sur lequi-vive,du 25 octobre 1793 au 6 janviv:
A ce moment, <t vpyani que le pays commence a se jçilcc».
et ne voulant pas s'immobiliser plus longtemps. Giot k dcciik
à démàler son navire, débarque ses agrès et ses apparau^i m*^
menianément inutiles, réduit son biliimcni à Tétat %ii: pcn€lk.
et entreprend les transports par canal. Durant toute cdk
année 1794^ nous le voyons promener son bateau cliar|$é untdC
de sel. tanuM de \ in, de grains ou autres denrées», s^ur tociici
- 491 —
les voies navigables du Languedoc, depuis Beaucaire jusqu'à
Toulouse, toujours inquiet, toujours agité, toujours tremblant,
partout poursuivi par la haine des marins sans-culottes ses
anciens collègues, qui fréquentent les mêmes parages, — ré-
duits qu'ils sont, comme lui, par suite de l'embargo, à se rési-
gner à ce maigre trafic. Il est possible que parfois, au terrifiant
spectacle du règne de la Terreur, son imagination se surexcite
et s'e.xalte, qu'elle l'expose sans défense à des plaisanteries de
mauvais goût ; mais quand on suit dans tous ses détails sa
lamentable odyssée, on se sent pris d'intérêt et de confiance à
l'impression de sincérité qui anime et colore son récit.
Les événements du 9 thermidor le trouvent à Toulouse, où
il est inactif depuis plus d'un mois ; la chute de Robespierre et
la réaction thermidorienne auraient dù,semble-t-il,le rassurer
et le ramener dans sa ville natale; il n'en est rien. Mis en état
d'arrestation, a Agde, le 5 novembre, parce qu'il ne peut pro-
duire un certificat de civisme, il subit trente-neuf jours de dé-
tention; une lettre 'officielle, venue d'Arles, le fait mettre en
liberté; mais les frais d'emprisonncunent, ceux d'apposition
des scellés (sur son bateau) et de gardiennage, la perte d'une
partie de seshardes, pillées ou détruites, de ses provisions dis-
parues, de son fret impayé, etc.. etc., le jettent dans une véri-
table détresse.
Le mardi 23 décembre, il passe « toute la journée à Kronti-
gnan pour avoir un peu de pain ». Le lendemain de la Noël,
il arrive à Lunel. mais 4< il n'a pas été sans beaucoup de tra-
vail pour un homme seul». La neige est tombée avec abon-
dance durant la nuit.
Le 7 janvier 1795, (jiot peut enfin revoir sa famille et sa
chère ville d'Arles, où il n'avait plus remis les pieds depuis le
13 juillet 1793.
Il revient ensuite à Lunel reprendre son bateau, le ramène à
— 49^ —
Aifjucs-Mories pour le Fairti màtcr tt créera noii\*cJti. pitis
rclournc à Arles, ou les réquisitions de iranspori pour Tadmi*
nisiraiion de la Marine, irop peu rénuniérairiccs et trop exi-
geantes» selon luit le jettent dans de fréquentes colères et lui
attirent de méchantes affaires avec les agents de Tautoriie.
Passons rapidement sur les longs détails de ses dëméicîi è\tc
le commissaire des classes Varèse et le sous-chcl Gallois, qui
obtiennent de rOrdonnateur de Toulon des insiruclions jcvc-
res contre lui. i)n met «^ garnison » chez lui en son absence;
l'intervention d'un piquet de garde nationale «t chifToniHlc •
contraint le commissaire des classes â retirer le garni.siirt-
Mais Varèsc ne désarme point; il lait rapport de rincklcntl
son chef; lordonnaieur de la Marine {Najac) prescrit au»sit&l
de lui amener à Toulon, sous bonne escorte de gcndârmcrici
ce marin récalcitrant, pour le faire servir, par mesure discipli-
naire, sur les vaisseaux de Tttat. Giot se cache; il échappe dtll
perquisitions et aux recherches, mais il passe une terrible nurt
de Noël, dissimulé dans une paillasse, sur 'laquelle esi coudié
Tun de ses, enfants, tandis qu'une foule hostile asisiège sa mâ^
son et tente même d'enfoncer la porte. . Une voî&inc obli-
geante facilite son évasion. Il court se réfugier au ntas de Sutj.
d où, quelques heures auparavant* le fermier Lamouroui^ fl^
condé par ses domestiques qu'il avait armés, venait de répons
ser une bande de pillards.
Il faut lire in extenso ce récit impressionnant, anime. ^ , -
vers lequel on sent frissonner encore le vibrant scju^cntriki
dangers courus; nous regrettons de ne pouvoir le repfoJiii«
avec son ampleur et son abondance de détails ; le froid
résumé auquel nous sommes obligés de nous resf •
peut donner qu'une idée bien imparfaite de ce lab
sant. iracé, il est vrai, par une plume peu habile* mois ^igo^
reuse et singulièrement empoignante*..
— 493 —
Après quelques jours passes à Vllon de Sax\% (jiot se rend
à Tarascon, puis à Marseille, où il if^^^ve de l'emploi chez un
commerçant. Envoyé pour affaires! »»Ga va i lion, il trouve en
route « trois pans de neige », et commeil n'est pas « bien ha-
billé », il « pense mourir de la grosse froid ». il revient à Mar-
seille, où sa femme l'attend, retourne à Arles avec elle et passe
les fêtes de Pâques fort tranquillement. Malheureusement, il
n'a ^pas un sou»; il ne lui reste rien de trente livres emprun-
tées à son patron à Marseille ; un assignat de dix mille, que
son frère lui envoie d'Antibc* fort à propos, le tire d'embarras
pour un moment; Giot s'empresse de l'échanger contre «dcu.x
louis en numéraire ». C'est tout ce qu'il tire de ce papier ! Les
temps sont durs : son beau-frère Barrallier. fermier du Petit
Heaumont, chez qui il croit trouver un abri pour quelques
jours, le lui fait sentir par la mauvaise grâce de son accueil.
Il se hâte de déguerpir de ce toit inhospitalier, est mieux reçu
en Camargue, à Chartroiise, où le fermier, « maître Va-
chier». accepte ses services et lui procure la place de peseur
au Moulin de Boisverdun, C'est là que, durant quatorze mois,
(jiot va vivre désormais, avec sa famille, dans une tranquillité
et une sécurité relatives.
Cependant le calme s'est fait dans les esprits, les affaires
reprennent. L'n négociant de Tarascon, M. Gilles, «chef de la
maison des Radoubs», charge Pierre Giot de surveiller la cons-
truction d'une allège qui s'appellera la Marie-Thérèse et dont
notre marin aura le commandement.
C'est avec ce bateau que Giot va se remettre à naviguer à
partir du mois de mars 1799 jusqu'en avril 1801. A ce mo-
ment, la déconfiture de la Compagnie des Radoubs et la vente
forcée de la Marie-Thérèse lui font perdre son emploi.
Forcé de s'ingénier pour gagner sa vie et subvenir aux be-
soins de sa famille, il achète à Martigues « un petit bisque»,
— 494
construit avec tes débris d*un bàtinicni gènoîs naufragé*
* gréé bien mesquinemem ^.si mesquinement, que pourarri
a *t l'armer en plein, luus les voyages que je taisoîs« dit GioiJ
je mettoîs dessus ce qu1l ga^noil >». — Aussi ne tiirde*i-il psts
le revendre, ^ croyani bien faire ».
« (Quelques mois après. ajoiitc-tHl niélancoliqucmcni,
guerre reprîL le travail commença d'aller, je fu
ment» >*
Ce rctabtisscmeni du iratic maritime par l'état de gtiem
pourrait fournir, si l'on voulait épilo|»uer. un ample su jet de lé*^
llexions, Gioi ne s*y arrête i^uère : ce qui le préoccupe* c'est
rimpossibiliié dans laquelle il se voit d acquérir une autrefoo^
que. «t Ayant, dii-il, mes fonds placés d'une manière  ne pas
pouvoir les retirer...* cette coquine qui avoit notre argent et
mains a fini par nous emporter environ 1.800 fr... Depuisifoî«
je travaille à commander des bâtiments de Tun et de rauirc.
avec un bénéfice pécuniaire... >•
Ainsi finit le Journal de Pierre Gioi. On lui a Joint, sou» Il
même reliure, un registre de bord, incomplet, en mauvâhàsL
détérioré par une forte mouillure. Ce registre commcfHX a«»
12 août 1799; il s'arrête, par suppression de la dernière pifie»
trop abîmée sans doute, au 14 juin 1802 ; c*eHt d aillcumi celle
date que Giot cesse de commander un navire pour son profit
compte :
« Le mercredi, 9 juin t8o2. dit ce livre de bord, nous so«i»
mes allés chez M* Senez, notaire [à Toulon • passer t'actt de
vente. Le bateau s'est vendu a raison de 4^900 fr. Ce mèm
jour* j'ai débarqué mes effets et j ai congédié mon mâKbl
Chabcrt. Jeudi lo.dans la matinée, je suis allé poner m^' ^*^^^
à bord de François Burte... Dimanche 12, à dix bei/
matin, nous sommes arrivés à Marseille. MardL 14 }v
-- La suite manque; elle relatait pmKtblementlcrciCMirâ Ar
— 49' —
les] ; le reuillei a été déchiré ; il n'csi resté qu'un onglet pour
témoin.
A la différence des autres livres de bord que nous avons pré-
cédemment analysés, ce registre de Pierre Giot ne nous four-
nit aucun renseignement sur le résultat financier de ses voya-
ges : les dépenses, les recettes, les parts et profits du navire et
de l'équipage, souvent mpme la nature du chargement ne sV
trouvent point indiqués ; ils formaient sans doute la matière
d'un registre spécial que nous n'avons point ; celui que nous
possédons n'est qu'une relation de voyages avec indication du
temps, de la route suivie, des manœuvres effectuées et des inci-
dents du trajet.
Mais ces incidents sortent un peu de la banalité ordinaire de
la navigation au petit cabotage. On est en état de guerre; une
frégate anglaise croise en vue des côtes : fâcheuse rencontre
dont Giot va nous faire le récit :
« Mardi. 3i décembre 1799. Départ de Marseille sur lesneuf
heures du matin... pour venir à Arles..; à onze heures et demie,
avons doublé le cap Couronne... Sur les quatre heures et de-
mie, avons été par le travers de l'île Maire, à cinquante
toises de| distance. Le vent a resté calme. Peu après, avons
reconnu la frégate anglaise qui venoit du bord à terre avec k
vent au sud-ouest frais, bâbord amures, elle pouvoit être à
deux lieues [de' distance de nous. Au même instant, avons mis
la chaloupe devant et avons ramé de toutes nos forces pour
doubler l'île. Peu après, s'est mis un peu de vent à l'O. N.-O. ;
avons changé notre coutelas et avons cinglé la terre à cinquante
toises fde] distance. Le vent couloit tout le long de la côte, ce
qui nous donnoit plus d'espoir. Sitôt avoir doublcl'îlede Riou.
avons vu la frégate à un mille [de]distance dans le sud des isles
ayant toute sa voilure; elle] nous avoit déjà plus que*., le
* l.'ne légère déchirure du manuscrit a fait disparaître le root qui man-
que.
n. Pour lors, je m'clois décidé de eonceriavec ! 'équipage
d*emrer dans la calanque de Mori^iou qui nous éioii la plus i
portée, Heureusenieni, se sommes aperçus que ladite (fréj^alf
avoït resté en calme, avoii cargué sa gr^nd^voilc pour mcttrt
son embarcalion h h mer. Le venl couloil toujours le long de
terre* avons continué notre route... Sur les huit heures cl demie,
jionimcs entrés dans le port de Cassis. ^
^ Ce même jour nous avons [appris],., que, dans la matinée,
la frégate et la corvette anglaises êtoicnt a liées tout près de ladite
calanque de Morgiou]; [elles] sVioicnt aperçues qu'il y avoil
un convoi génois de huit pinques chargées de bled, lui ont en-
voyé sept embarcations que la frégate et la corvette avoiefit
bien armées. Les génois sont tous descendus à icrrc avec des
mousquets et autres armes [et] se sont défendus, puisque on
prétend qu'ils lui ont tué une douzaine d'hommes sans comp-
ter plusieurs blessés. La frégate s étant aperçue de celle ma-
nœuvre s est approchée de la calanquCt lui a lâche sa bordée
dont il y a coulé un des bâtiments à fond, chargé de bled : peu
après, a fait courir au large de même que la corvciic. »*
m Du dimanche 4 mai au dimanche i8, tous les jours, nous
avons vu la frégate qui nous faisoil la pirouette. Dans cet în-
K*rvalle, il y avoit dans le port cinq bâtiments de rÊui. j'avoiî
prié Garély de m'escorter jusque sur le cap Sicîé ; il me Jii
qu'il le feroii toutefois que la frégate n y seroii plus par ce pi»
rage : ce qui me décida de partir ce même jour, en vovant qot
ces escorteurs avoient plus de peur que moi. •»
m Sur les deux heures après-midi, se sommes aperçus que U
frégate éioit à trois lieues à larguer: le vent étoit h l'O. grand
frais, j ai parti tout de suite. Sitôt que la frégate s*esl aperçue
qu'il sortoit des bâtiments du port, tout de suite a viré de boni
A terre* Sitôt avoir eu doublé le cap Canaille, nous avons €»•
glé [vers] la terre; à trois heures et demie, nous 'sommes* co*
rrés dans la Ciolai... ♦
— 497 —
iNous ne suivrons pas le capitaine Giot jusqu'au bout de l'in-
terminable récit de ses tribulations; elles varient peu d'ailleurs.
A noter cependant ses démêlés avec l'administration de la ma-
rine à Toulon, administration peuplée, d'après lui, de « co-
quins ». Son bateau, portant un lourd chargement de canons
pour le compte de l'État, a échoué sur la côte ; à la demande
en indemnité qu'il présente à cette occasion, on répond par
une réclamation de môme nature pour un préjudice subi par
TKtat et dont on veut le tenir responsable. « Un coquin d'ivro-
gne » le rudoie, prétendant que tous les frais de sauvetage et
d'avarie doivent lui rester pour compte, et qu'il est déjà trop
payé par un fret de i8 livres par tonne. « Il a été mon plus court
de ne plus rien dire >, conclut mélancoliquement le pauvre
Giot. « Ils m'ont fait courir encore sept jours pour avoir mes
ordonnances pour mon paiement en papier. Pour me faire si-
gner ces ordonnances à Bertin l'ordonnateur, [il] m'a fallu faire
comme un voleur pour entrer à la conférence; [avec] ces co-
quins de gardiens, il n'étoit jamais possible de pouvoir en-
trer... »
On n'en finirait plus à écouter les jérémiades du malheureux
Giot. Elles commencent à la première page du registre, à la
date du 26 mars 1792 ; elles ne s'arrêtent qu'au bout du papier,
vers le milieu de juin 1802. Giot est manifestement un esprit
inquiet, un homme aigri par des tracasseries et des malheurs ;
il a été molesté, traqué, ruiné par des adversaires politiques ;
il a couru certainement de grands dangers... On lui doit cette
justice qu'il a tenu tète aux orages, et qu'au milieu de ses lar-
moyantes lamentations, son courage n'a point faibli, son carac-
tère est de bonne trempe. G est bien le type historique de l'an-
cien marin d'Arles, et c'est parla surtout qu'il nous intéresse.
Ses aventures elles-mêmes ressemblent singulièrement à bon
nombre de récits recueillis de la bouche de marins de la même
CONGRES — 32
- 498 -
époque. On peut y voir le tableau sincère deTexisience niouve-
mentée fait à la marine arlésiennc durant la tourmente révo-
lutionnaire.
Emile Fassin.
— 499-
XXII"»
LA SOCIËTË POPULAIRE DE TRETS
(Bo-acties - dxi - Rliône)
\12 juin 1799-2 germinal «n ///).
Par M. y. TEISSËRB, Instituteur pubUc k Trets.
Membre de la Société d* Études provençales.
La source essentielle des renseignements qui nous ont per-
mis d*établir la présente monographie est le Registre des déli-
bérations de la Société populaire qui se trouve aux Archives
de la commune de Trets.
Ce registre, recouvert en parchemin, mesure o"35 suro"225
et 0*045 d'épaisseur. La couverture pone au crayon bleu la
mention suivante : Registre du Club des Amis dt la Consti-
tution, lygi'i 3 germinal an III.
Il comprend 452 pages. Les 270 premières sont consacrées
aux procès-verbaux des séances au nombre de 287, et les
27 dernières sont utilisées, en partant de la fin du volume,
pour les comptes et l'inscription des membres de la Société ;
i55 pages sont en blanc.
Les deux premières pages renferment les loi noms des péti-
lîonnaires réclamant Tautorisation de fonder un club dans la
commune ; les deux suivantes, la transcription de la délibéra-
tion municipale qui accorde Tautorisation sollicitée ; à la page
5 commencent les procès-verbaux des séances du club. Les
■ Par suite d'erreur dans le classement des mémoires^ il n'y a pas de
n' XXI.
— 5oo —
pages 8 ei 9, à la suite du projet de règlement non trar
ont servi à l'insertion de l'acte d affiliation délivré par le club
de Marseille, le 24 mars 1792, et d'un procès-verbal du u sep-
tembre 1792; les pages ro à j6 sont restées en blanc, mais
raturées. Quelques feuillets sont détachés (pp, 17-18, 124*1354
i3c>i3î); d'autres manquent (pp, 117-1183 123-124).
La première séance du club a lieu le 12 juin 1791 ; la dc^
nière, le 2 germinal an 111. Après celle du 2 juin 1793, il y a
arrêt dans les réunions, le local de la Société est occupé par U
section trelsoise dVssence fédéraliste '. Mais le 14 septembre
suivant, leclub reprend ses séances en son lieu habituel qui lui
est rendu parla municipalité ; ce jour-làt il se réorganise pour
marcher résolument avec la Moniajîne et il exige de la muoi-
cipalité d'être ferme dans Texécution des lois.
L — Fondation. Durée. Dissolution.
Le 5 Juin 1791, sur une pcimon renfermant joï noms jc
^ bons patriotes >», demandant la permission de se réunir en
un club à Tendroit qui sera jugé bon et à Theure la plus 00a*
venable — pétition adressée au maire et aux officiers munici-
paux — le Conseil général de la commune de Trets accorde
l'autorisation sollicitée, et, pour montrer combien une pareille
démarche lui est agréable, décide de s'unir aux pétitionnaires
ct*de faire partie de la Société.
Le 12 juin suivant, à û heures du soir, dans la chapelle do
Frères pénitents blancs -, a lieu la première réunion des adbé-
* Le mouvement (éài^rùiUie h Trets fait robjei d'une fltiiS« %f
présentée au Congrès des Sociétés savantes (Mootpetliér. 1907^
* Celte chapelle se irouvitit près de ta mairie aciaelle. — Le
ta Société décide de tenir ses réunions dans la chapelle de ta I
aucune suite n'est donnée à cette dél ibéraiion.
— >0I —
rents pour consiitucr la Société. Chaque membre prèle le ser-
ment civique dont la formule est la suivante : Je jure de main-
tenir en son pouvoir la Conxtilution décrétée par l'Assemblée
\aiionale, sanctionnée par le Roi. d être fidèle à la Nation, à
ta Loi et au Roi /usquà la mort. On procède ensuite à Télec-
tion du bureau; puis deux commissaires sont désignés pour se
transporter à Marseille» afm d'unir la Société tretsoise avec la
Société marseillaise. Les Amis et patriotes de la Constitution
nouvelle de France, siégeant au Jeu de Paume; deux autres
commissaires sont chargés de rédiger une lettre aux Jacobins
de Paris, Amis de la (Constitution, pour contracter avec eux,
au nom du « cercle patriotique »j amitié et civisme.
Après le 2 juin ijgi, lors de la grande insurrection giron-
dine, utilisée bientôt par les royalistes, les sociétés populaires
disparurent momentanément: mais la reprise de Marseille par
Carteaux* par la défaite du fédéralisme, amena leur retour à
la vie. Le club de Trets» muet depuis sa dernière séance du
2 juin, reprend le cours de ses réunions à la chapelle des Péni-
tents, occupée par la section de la commune pendant deux
mois et demi. Le 14 septembre, il se réorganise sous l'impulsion
des panisansde la Montagne, un moment tenus à Técan^pour
continuer son œuvre avec une ardeur et une foi qu'avivent
encore plus les mauvais souvenirs de la contre<révolutîon.
La chute de Robespierre, au q thermidor» un peu plus lard la
loi du 25 vendémiaire an 111. provoqueront la tin des sociétés
populaires,
A Trets. le tableau * ôqs membres du club, exigé par la loi,
n'est jamais dresse, bien que les trots secrétaires aient été char-
ités de faire ce travail ; la société dure près de six mois encore^
* ivc tableau sera dresse s deux eictn plairez, l'un pour rigeol 1
do district* Tatitre poar l'agent national de la commuoe.
^ 5o2 —
mais; le i3genninal an I!I [2 avril lygSXarrive 1 arrét*^ du di?"
trict d*Aix qui la dis&out.
La demande d'autorisation, adressée à la m un ici pâli te le
5 juin \yi}\, porte formation d*un club patriotique dénommé
les Afnis rfc la Constitution. Ce même nom sera repris parle
club après le voie de la Constitution de ïygSfséanccdu 37 ven-
tôse an If). D ai Heurs, c'est le titre de la plu part des socicléspa*
pulaires, ainsi que de celle des Jacobins, la grande inspirairicc.
Après la proclamaiion de la République, la Sociclé prend le
titre de .Amfjç de la liberté et de rcgalité {H ocu 1792 an \}\
qu'elle conserve jusqu'au 21 mars 1793, ou elle le remplace par
celui de Société répulfhcaine et plus ordinairement, après le
14 septembre suivant, Société populaire ^
Dans la lettre de remercîments, insérée dans le Rcgistn! le
28 fructidor an 1 1 et adressée par la Société de Marseille au cldb
treisois au sujet du don de 291 livres pour la construction d'un
navire de guerre à offrir à la patrie, il est parlé de la Socitk
montagnarde de Treis,
\x calendrier républicain n'est employé qu'à partir 4u
2H brumaire an II.
Les proccs-verbaux portent, en outre, dès Je 24 scpl. tjtjfl
* Tan second de la République française une et indivisible»;
après le 28 pluviôse, on ajoute « impérissable m. ci au 19 rtortnl
#ç démocratique ^.
Il Organisatioa de la Société.
A la buiic du procès-verbal de la première ^ljulc. nc
inséré le Règlement pour f Assemblée patriotique de
* Ce utre est ojiifttgné dans TAcie d'Afliltatioii que le dub tretiois ^rcMc
à la Société patriotique de Boqucvaire.
- 5o3 —
Ynalheureusement, il ne renferme que Tart. r. qui définit le but
de la société : défense de la constitution, maintien de la liberté,
propagation des vertus civiques ; — et indique que quatre com-
missaires seront chargés par la société de dresser, pour être
discuté en séance de rassemblée, un plan de constitution, d'or-
ganisation et de police.
Le règlement a-i-il été élaboré et adopté? Cela est certain,
puisque, pour obtenir Taffiliation des Jacobins, il faudra le leur
envoyer. Mais, bien que, dans toutes les réunions, les membres
se conforment à certaines règles, il n'y a jamais trace du moin-
dre article statutaire. Cependant, les neuf pages blanches du
registre laissées à la suite de l'insertion de lart. i étaient sans
nul doute destinées à l'inscription de ce document qu'il aurait
été intéressant de posséder. Une délibération dira, plus tard,
qu'il a été fait lecture d'un règlement et que même on y a
ajouté quelques observations nécessaires (12 juillet i792\
Dès lors, pour avoir une idée de l'organisation de la Société,
pour fixer un certain nombre de règles admises et pratiquées
par l'assemblée, on ne peut que se reporter aux procès- verbaux
des réunions.
L'n portier (on l'appelle aussi concierge) est élu à la séance
du 7 août 1791. Il est chargé de vérifier les cartes de tous les
citoyens, membres, qui pénètrent dans la salle, « d'ouvrir et de
fermer les portes, de faire les proclamations requises et néces-
saires et d'obéir à tout ce qui pourra être commandé relative-
ment à ce qui intéresse le club ». C'est Jeàn-Baptiste Ouvière
qui est choisi et nous constatons qu'il occupe cette place pen-
dant toute la durée de la société ; ses émoluments sont fixés à
6 livres par trimestre que le trésorier doit payera la fin des
3 mois sur mandat délivré par le président ; cependant, à la
dernière réunion du club (2 germinal an III), Ouvière demande
i5 livres pour trois mois de salaire, soit 5 livres par mois, et la
société ûrdoïine que mandai de celle somme lui sera déli
iNoire poriier est en même temps fournisseur pour toui ce
qui est nécessaire à la Société, mais surioui pour la cire et U
chandelle. De plus, le i3 ni^ri 1793, il est désigne comme cl<v
clictier. afm de prévenir les habitants des orages qui pourraient
emporter les récoltes. Il s engage à remplir sa mission le jour
et la nuit, quand le temps le demandera, et, pour tout salaire,
il se Gontenlera * d'une qucic volontaire au temps des aira ».
Les délégations sont aux Irais du club. On trouve sur le
regislre qua Jean-Joseph Remusat et Pierre Mille, envoyés i
Marseille pour demander latliliation et qui ont employé quatrt
jours et quatre nuits à leur voyage, il est ordonné le paycmcitt
de la somme de 12 livres à chacun, à raison de 3 livres par jour.
Le mandat est délivré par le président Gasquet et pave pat
Bernardy» trésorier.
Les femmes et les enfants assistaient aux séances du club co
1793 et y occasionnaient des troubles, du tumulte. Dorénavant.
comme chcit les Marseillais, les femmes seules seront reçues et
le dimanche seulement (3i mars 1793). Mais le bruit n'en
cesse pas pour cela. La Société décide alors, le 7 pluviôse an IL
de leur donner un « quartier au ctrur de la salle ^ et celles qui
ne voudront pas s y placer seront exclues. — Plus d'une fois
le président réclame le silence pour la lecture de lettres reçues,
de papiers divers à communiquer. On ne peut sV-nlcndrc, e^^t-ll
dit dans un procès- verbal ; les femmes ne font que causer et
les citoyens sont inquiets de ne pouvoir entendre les motions •
on délibère de ne pas les admettre à cette séance (3o plu%id$e
an \\i Car il est nécessaire que la tranquillité règne dans b
salle des réunions, où nul ne peut pénétrer sans avoir pcc-
senté sa carte, sauf les volontaires de passage qui y reçoi-
vent bon accueil et même Taccolade du président h4gerffiînal
an II) et les femmes et les iilles qui ont libre accès, maiseii
gardant le plus profond silence (23 nivôse an 11),
— 5o5 -
On n^inscrira pas le nom de celui qui présente une motion,
à moins que 1 auteur lui-même ne l'exige ou que U Sociéic en
forme le vttu ; quant à la motion, il y sera délibère de suite,
carie motionnaire pourrait être prisa partie et alors plus d'un,
peut-être, n'oserait en présenter (3o décembre 1792)
Ine plainte, un jour, est déposée sur le bureau, La Sociétc
rappelle qu elle n est pas un tribunal et que toutes les plaintes
doivent être portées devant le Comité de surveillance (17 ven-
tôse an II). Auparavant, cependant, clic devait ré|?ler certaine
différends : le 23 novembre 1792, elleavaitétabli dans son sein
un Comilê d^ conciliation charge de «faire rentrer dans Tordre
tout citoyen qui» au mépris du décret qui a établi la liberté et
légalité, oserait y porter atteinte 1^; les opérations de ce comité
produisirent une salutaire influence dans la cité, comme il est
dit dans le procès-vcrbaK mais elle le supprima le 9 décembre
suivant, décidant que <t toutes les causes seront portées devant
rassemblée entière qui maintiendra de tout son pouvoir les
droits de la liberté et de ie^^^ali té, droits qui sont le plus précieux
apanage dont puisse jouir Thommej»,
La Société a fait faire des diplômes donnant droit j prendre
part aux délibérations, Eile les distribuée ses membres et aux
citoyens connus comme de zélés défenseurs de la Révolution
( 17 ventôse an H). Ce sont les certificats de civisme des sans-
culottes; ceux qui en sollicitent la délivrance doivent, au préa*
lable, dire à la tribune ce qu'ils ont lait pour la République
(2 tloréat an lli. Du 3o germinal an M au 5 vendémiaire an 111,
la Société a délivré 35«'> diplômes et les noms des possesseurs
sont tous inscrits dans les procès- verbaux rédiges entre ces deux
dates*
Mais les séances ne sont pas toujours suivies avec assiduité.
Des membres font la remarque que certains citoyens ne sont
venus à la Société que pour avoir un certificat, L ne délibéra-
— 5o6 —
tion est prise Je 6 prairial an IK pnurôter le diplôme u Le*jx
auront manqué trois séances et des commissaires Sioni n-tm-"]
mes sur-le-champ pour relever â chaque réunion les noms des
absents. — Les membres qui* au sein du club, se seront qu<"
reliés, encourront une amende que fixera rassemblée (27 jui^
lel 1792). De plus. « à tout malveillant irouvé coupable d*un
voL il sera ôté le diplôme et la cartes* el «t tout citoyen troublAât
lu séance sera exclu pendant trois mots )» (10 prairîal an II).
Aucune indication, cependant, ne permet d'établir que ces r^
f^les aient été enfreintes : le re^^istre est muet sur rapplicatioilâ
des membres des peines sus-énoncées.
Le 3i mars 1793, rassemblée décide que Touverturc de U
séance aura toujours lieu au cri de Vive la République fTem
citoyen convaincu de n'avoir point prononcé cela, sera aduM^
nesté à la première fois, exclu à la seconde.
A partir du 14 prairial an IL le président prononce Vire ta
République ! Vive la Moniagne I et fait répéter à haute voixk
cri par toute rassemblée. Au i(3 messidor suivant, c'est Viptk
République ! Vive la Montagne f Vivent les armées de la Répn*
/»//<yi/e/ au 23 thermidor. Vive la République f Vire la Mon*
tagne! Vivent les Sans-Culottes ! oi au 17 vendémiaire» Vin
la République! Vive la Convention !
Le 21 mars 1791, le Club vote la construction d une inbunc
à placer au centre de Tauditoire, de manière, est-il dit, à se faire
mieux entendre ; Pierre Mille est chargé du travaiL Elle est
remplacée par une autre, dont la construction est mise aux en*
chères, en décembre 1793, et que Ton pose contre un desmun
de la salle.
A la première séance, les adhérents à la Société ont prêté k
serment de soutenir de tout leur pouvoir la Constitution décft-
tce par TAssemblée nationale* d'être fidèle à la nation, i k hî
et au roi. jusqu à la mort. Tous les nouveaux membre;^, par l>
— 5o7 —
suite, sont tenus, à leur admission., de prêter ce même serment
civique, ainsi que les membres élus à chaque renouvellement
de bureau. Ce n'est que le 6 mai 1793 qu'une modification
apportée au serment apparaît. A partir de ce jour, les membres
du bureau jurent de vivre et de mourir en républicains ; le
S ventôse an II, ils jurent de maintenir la liberté et l'égalité, la
République française une et indivisible jusqu'à la mort et de
remplir avec exactitude leurs fonctions. Enfin, le 9 germinal de
la même année, le serment prend la forme suivante : « NoUs
jurons de maintenir la liberté et l'égalité et de mourir à notre
poste en les défendant ».
Le Club se réunissait généralement le dimanche, dans l'après-
midi ; mais, quelquefois, on trouve des séances à différents
jours de la semaine et accidentellement il y a trace de deux
réunions dans la même journée.
D'après les rôles des citoyens faisant partie de la Société, du
12 juin 1791 au 4 mars 1792, 267 inscriptions à 12 livres cha-
cune sont enregistrées. Le 11 novembre 1792, il y a un renou-
vellement de cartes à 6 sols l'une ; le 17 février 1793, on compte
1 16 inscriptions nouvelles.
Lorsque, en septembre 1793, a lieu la réorganisation de la
Société, les cotisations sont ù i5 sols par membre et l'on enre-
gistre d'abord 5y inscriptions, puis j5 sous la présidence de Si-
^noret, 140 sous celle de Roux, 14 au 3 germinal an II, 23 sous
la présidence de Bourges, 32 sous celle de Pourchier et i3 sous
celle de Roumieux. La liste d'inscription s'arrête là ; mais ja-
mais ne se trouve un tableau donnant pour un exercice les
noms des membres composant le Club, alin de rendre plus
claire la comptabilité insérée par les divers trésoriers dans les
dernières pages du registre.
La mort tragique de Le Peletierde Saint-Fargeau attriste les
patriotes de Trets. Dans un vibrant discours, le président Rey
5o8
ÏSnn^e ^ martyr ^, ^ l'âpôire de la liberté *; 1 assérnbi?^
cide que les dernières paroles de ce «généreux évan^^élisfe»
seront gravées sur la porte du local de la Société pour les rap-
peler à tous les républicains, et qu'une messe de Hequitm,
à laquelle on invitera la municipalité, sera célébrée sur le cours
le mardi. 4 février 1793.
Le 29 avril suivant» Mille, président, en son nom cl au nooi
de Couriot. de Marseille, otlrele portrait du convention nelcfnî
sera placé à la tribune de la Société.
Le 1 lloréal an II, il est décidé l'achat d'un tableau avec ca-
dre renfermant la Déclaration des droits de l'homme et du ci-
toyen, ainsi que de quatre statues de martyrs de la liberté.
Bouisson qui doit aller à Marseille, se charge de cet achat, mats
n'apporte que les bustes de Marat et de Le Pcleticr. dont le coùl
est de quarante livres.
Le 7 pluviôse an II. l'assemblée demande la conrectioo de
« deux bâtons aux trois couleurs y^ pour les commissaim
chargés du bon ordre de la salle*
Le 5 Horéa! suivant, est adoptée la dépense d'un «t bonnet de
la natinn y> pour le président.
IIL
Bureaux : Composition. Élection. Durée.
Les dix-neuf bureaux qui ont été constitués par la SociétiÉei
se sont succédé durant les quatre années de son existence.
comprenaient : un président, im vice-président, deux ou tn)i>
secrétaires et un trésorier. Bien souvent, au début de la réu-
nion, devant l'absence des membres élus, on nommait soit ua
président provisoire, soit un secréttire provisoire; quelquefois,
pendant un certain laps de temps, le président de la réunion.
toujours le même, prend [le titre de président dojficv. Aune
séance, aucun membre du bureau n'étant présent» Gasquct csi
élu président de rassemblée.
— 5o9 —
ordinairement, et suivant le règlement, le bureau est êiu par
rassemblée à la pluralité des voi^^. Dan:^ quelques renouvelle-
ments, à partir du 5 mai 1793. on remarque que le président
sortant propose son successeur et le vice-président; que ceux-
ci, le choix ratifié par les citoyens présents, prennent place au
fauteuil et que le nouveau président indique à lassembiée les
secrétaires et le trésorier-
Une seule fois, le bureau élu, conformément au règlement,
n entre pas en fonction et son remplacement a lieu à la séance
du lendemain. Voici dans quelles circonstances :
Le bureau, présidé par Frant^ois Bourges, a terminé son man-
dat. Lassembiée, le 3o germinal an IL nomme par scrutin à
la pluralité absolue des voix» J.-B" Durand, président, et Pierre
Pourchier» vice-président. Ce dernier n'accepte pas, alléguant
que ses affaires ne lui permettent point de remplir utilement les
fonctions dont on vient de l'investir, et, par un nouveau scru-
tin* Joseph Feissai est élu vice-président; Benoît Ferry et Joseph
Amalbcrt» le peintre, sont élus ensuite secrétaires ; François
Amalbert, trésorier. Maisc*est un bureau dont quelques mem-
breSjComme Ferry etF. Amalbert, ont été entachés d'incivisme
à une certaine époque. A la séance du lendemain, i floréaU le
citoyen Durand remercie rassemblée, lassure de tout son dé-
vouement à la République, mais ses affaires et celles que la
Société lui a confiées, le 20 du mois dernier, ne lui laissant
guère la liberté de remplir efficacement les nouvelles^fonctions
auxquelles il est appelé, il demande à être dispensé de les occu-
2r. Un bureau, entièrement nouveau, est élu alors, avec
*icrre Pourchicr comme président, et Tassy comme vice-
président.
La durée des fonctions est variable. Elle doit être en principe
de deux mois. Mais ce délai n'est point respecté, puisque
Gasquet, le premier président, occupe les fonctions pendant
Rnq mois; Miile, son successeur, pendant près de
et Rey, le cinquièmet qui, au bout de quatre mois de prési-
dence, demandant à être remplacé, est réélu, garde le fauteuil
pendant sept mois. Mille (2* fois), Fanion, François; Bour^
exercent chacun une présidence d*un mois.
Arrive, le 14 septembre 1793, la réorganisation de la Société.
C'est Rey qui est élu président et qui occupe ce poste pendant
trois moîSv Du 1 nivôse au 6 messidor an II, les présidences
suivantes se renouvellent tous les mois : Esiienne, Signoret,
J" Roux, F, Bourges, P* Pourchier, H. Roumieux, Ce dernier,
devant la faible assistance des réunions* accepte de garder son
poste plus longtemps. Ce n'est que le 4 vendémiaire an III
quil est remplacé et chaque mois on élit un bureau, dont les
présidents successifs sont Gieloux» François Baux. J* Roaict
François Bourges, qui exercera pendant pluviôse, ventûse.
jusqu a la dernière séance du Club, le 2 germinal an III.
IV, — OcGtipations.
Une des principales occupations de la Société est la présen-
tation à la municipalité, par des commissaires délégués, de
pétitions pour la solution d'affaires aussi bien d*ordre commit-
nal que d ordre national.
Le 23 septembre 1792, la Société invite la municipalité i
choisir pour marché* un jour par semaine comme c'était Tu^^
autrefois, un emplacement autre que la place de là chapelle de
la Trinité, car elle est trop humide.
Une deuxième pétition est présentée, le môme jour, deman-
dant que la forêt de Roquefeuil revienne à la commune. L*
municipalité, en s occupant activement de la chose, y est-il du.
méritera ainsi l'estime et la reconnaissance de tous les habf
lants. Car c'est une a il a ire importante et qui revient souvetu
r
~ 5ii —
dans les délibérations du club, Trets a le droit d*aller prendre
du bois dans cette iorèi ; le disirici de Marathon (Saint-Maxi-
min> veut vendre celle propriété ; la Société tient la main à ce
que la municipalité ne se laisse pas ravir ce droit, et même elle
lui demande d*obtenir en faveur de la Commune la cession
d'un petit coin, dans ce bois, à peu près de la valeur du droit
possédé *, iMalgré l'énergie de ses revendications, basées sur la
transaction de 1427 intervenue entre le seigneur de Roquefeuil
et la Communauté, Trets verra ce domaine vendu comme bien
national et l'aliénaiton de ses droits, faite en lySy, devenir
définitive,
La séance du 12 juillet rygi est consacrée à la fête nationale.
Il faut (surtout, dit la délibération, *, prendre les arrangements
possibles au succès de la Révolution, contribuer aux frais que
doit occasionner la plantation de Tarbre de la liberté surmonté
d*yn bonnet ^, symbole du bonheur après lequel nous soupi-
rons tous et dont nous viendrons à bout malgré les malveil-
lances qui s y opposent », Les membres non présents et dont
Fabsence n'est pas justifiée par des raisons légitimes sont rayés
de ia Société. — Le 14 juillet, Tarbre de la liberté s élève et porte
au sommet un bonnet en fer-blanc peint aux trois couleurs
nationales, dont le club règle la dépense s'élevant à 32 livres
3 sols \
Vers août 1792, les routes et les bois étaient infestés de bri-
gands. A la suite du vol à main armée dont est victime Mag-
delcine Gaubert sur le chemin d'Auriol, le 29 de ce mois, le
* Séance do 28 plufiôse m IL
1 Ce bonnet a dû Inspirer plus lard la demande faite par des clubistes,
à \a séance du 2$ géras mai an H, de rachat d'un chapeau tricolore à
placer au aeîn de la Société.
' Cette somme Tut payée de Is façon suivante : 27 livres 3 sols en mo-
nômes et 5 livres en assigaais.
L
y; !
¥'
\
club approuve et iransmei i^ la municipalité une pétition pi
les administrateurs de la cité de réclamer le rétdbHssecnem I
Trcts du bureau de renregîstrement éiablt à Auriol. Il (mi
valoir les dangers qu1l y a à traverser les bois (chemin de li
Scrignane") pour se rendre à AurîoK landis que Trcts est mieui
à portée des six communes suivantes à desser\'ir ; Pc^n;.-'
Roussel» Fuveau, Puyïoubier, Négrel et La Galinière.
Le président Thomassin de Peynier, Hls, baron de Trtls,
liabite Paris. Les patriotes iretsoîs ne cessent de s'occuper de
leur ci-devant seigneur ei d'en demander des nouvelles au club
des Jacobins, La section du Louvre exerce sur lui une active
surveillance. Le certificat de résidence qu elle lui délivre le
21 janvier 1793 est bon ; il n'a point émigré ; il n'est pas sorti
du territoire depuis 1781 et son plus long voyagea clé Ver-
sailles \
Cest l'époque où, pour circuler dans le pays, aller d une
ville à une autre* même pour des afiaires importantes, il est
nécessaire de porter sur soi un Certificat de civisme. Les sus-
pecis, d'ailleurs, sont dénoncés au Comité de surveillance éta-
bli dans la commune.
Mais la Société ne marchande pas son appui aux citOTeiis
arrêtés dont elle connaît rattachement à la Révolution. ^
Courtoi, mis en étal d'arrestation a Marseille, obtient de là
Société un cerliticat constatant son républicanisme, vcritaWc
témoignage fraternel qui le lire de la prison. — Bouchard, iuge
de paix à Pourriëres, a été arrêté par des délégués du Reprc*
sentant du peuple» La Société certifie que le citoyen Bouchard
« a toujours montré une àmc ferme dans f acquittement des
devoirs que la loi lui a imposés pour coopérer au triomphe Je
* Cet ren!(eignemcnf5 sur Thomassm. obtenus d«ft Jftcobioi. looi i
moniqués k )*«ssennbtée dans (a st'aoce da 2e avril 179S,
— 5i3-
la République » (18 brumaire an M). Aussi, le 12 frimaire sui*
vanu une dépuiation de Pourrières vient, en un patriotique
discours prononcé par l'un de ses membres, remercier le club
deTreis et lui remet une lettre de sa Société, constatant que le
certificat délivré a permis la mise en liberté de Bouchard.
Sur la demande des administrateurs d'Aix, l'assemblée
nomme, le 19 ventôse an II, six commissaires pour dresser une
liste des citoyens utiles à ta République « pour les missions
honorables, pour (amélioration de Tcspril public et démocra-
tique, pour Taposiolat révolutionnaire, pour les commissions
de subsistances, pour les places administratives, pour les fabri-
cations d*armes, pour les consulats maritimes, pour tes rela-
tions extérieures, pour le commerce, pour les manut^ctures et
pour ramélioraiion du premier des arts, etc, ^ Cette première
lisie, présentée à l'approbation de rassemblée le 3o ventôse,
comprend trente noms de citoyens sachant écrire. Mais on
demande d'y ajouter les noms de tous les sans-culottes capa-
bles, bien qu*illeitrés- Une nouvelle liste de cinquante-quatre
citoyens sera jointe à la première et on fait remarquer qu'il y
a en plus trois cents agriculteurs illettrés qui se sont montrés
dans toutes les occasions comme de vrais républicains et sans-
culottes, depuis le commencement de la Révolution jusqu a ce
jour (3 germinal an II),
Les deux ermitages de Saint-Jean et de Saim-iMichcl doivent
re vendus comme biens nationaux ; seulement le bois qu'ils
comportent est d'une telle nécessité Thiver aux habitants de
Trets pour leur permettre d'aller « broussailler s^, et le culte de
Saint-Jean est si profond dans le pays, que la Société délègue
_Jacqucs Icarden et Etienne Ribiès pour aller à Aix y poursuivre
enchères jusqu'à la délivrance délinitîve(7 novembre 1792).
)*ailleurs,ces commissaires seront indemnises pour leurs frais,
La vente a lieu. L'ermitage de Saint-Jean et ses aitenanoes
CQnnûta — aa
est adjugé à Icarden pour la somme de 35o livres ei celuHO
paye, au moment de Tachai, un premier acompte de 36 lirrcs
ty sols. En rendant compte de sa mission (séance du i3 jan-
vier 1793)» Icarden qui n était que mandataire se dessaisit de
la propriété en faveur de la Société ; celte dernière nomme Rcy
et Jean Brouchier pour recueillir les dons des citoyens jusqu'à
concurrence de 35o livres et les habitants de Frets devieodroni
ainsi tes possesseurs d'un bien qui leur est cher à plus d'un
titre. 1-e 3 mars suivant, Icarden demande à la Société le p^yt*
ment de ses trais; le 1 1, rassemblée nomme six con^missâires
qui assisteront à la rédaction de l'acte de cession « du tènetneHI
et ermitage de Saint-Jean >* en faveur du club. C'est là l'ori-
gine de cette propriété communale.
Quanta l'ermitage de Saint-Michel, il n'est point question
de sa vente. Ce domaine, d ailleurs, appartenait depuis loïv;*
temps à notre communauté et c'est par erreur qu*il avait été
considéré comme bien national.
V. — Quêtes, dons, travaux des champs.
Au milieu de la tourmente révolutionnaire, la charité ne perd
passes droits. Les récoltes sont faibles, le blé est très cher;
aussi les pauvres ne manquent pas à Treis.
La Société demande à la municipalité d'employer le reliqtoi
du blé du Mont-de-Piété au soulagement des malheurcui
(24 mars 1793) ; d'en acheter encore et, si les fonds manquent,
de faire un emprunt (26 mars i7q3). A la suite d'un dtscour^
pathétique de Rey sur la situation pénible des pauvres du payi.
l'assemblée émue ordonne une quête pour accorder de prompd
secours et cinq commissaires sont désignés pour recueîltir les
dons U9 mars 1793); les noms des donateurs seront publiai
iiu (loréal an 11 j. Quant aux pères de fi^niille dont les eDIints
in
^ 5i5 —
sont partis pour la dëiense de la patrie, la municipalité leur
disiribuera la somme qu'elle a retirée pour eux (8 ventôse an II).
Les %oloniaires malades qui séjournent à Thôpital devien-
nent assez nombreux ; il en passé continuellement. La Société
propose qu^une quêie soit faite pour leur donner les subsistan-
ces nécessaires (So-germinal an II). Cela ne peut suffire et une
péiiiion est adressée à la municipalité pour qu'elle s'emploie
par tous les moyens à venir en aide à ces malheureux (4 messi-
dor an I!). Un bienfaiteur de Ihôpital est à signaler : Courtot
a fait gracieusement placer un lit « avec tous ses agréments >►
pour les pauvres volontaires malades ou blessés (i i octo-
bre 1793)-
Les travailleurs, retenus souvent pour monter la garde, ne
peuvent se livrer utilement aux occupations nécessaires pour
subvenir à leurs besoins. Us pourraient être remplacés par les
vétérans dans raccomplissemenl de ce devoir patriotique
(20 avril 1793). La Société le souhaite. Mais, pour donner des
bras à l'agriculture, pour que les terres puissent être cultivées
et tous les travaux des champs faits, sur la proposition de Gas-
quet, une pétition est faite à la municipalité à l'effet d'obtenir
des représentants du peuple que la jeunesse de la ^ levée >►
vienne passer le quartier d*hiver dans son pays. Tout en s'oc-
cupant des champs, elle se livrera au maniement des armes et
rejoindra le bataillon à la première réquisition (19 nivôse an II).
Bien souvent, la Société demande l'entière application de la
loi du maximum.
Mais une pétition qui, si elle se produisait de nos jours, jet-
terait i'effroi parmi nos grands producteurs de cucurbitacés,
est celle que le Club adresse a la municipalité pour ^ inviter les
habitants à ne faire que cent trous de pastèques et cent de me-
lons, le reste des terres devant être employé à la production
des substances nécessaires ^ {2} germinal an II). Lesadminis-
L
é>
trateurs. en approuvani celle péiiiioa, ajuuiciu 411 n sc-r-ui pr
férable de couvrir les guéreis de haricots noirs (Délib. mun,,
23 germinal an II).
VI, — Fêtes : Fête de la mort du Roi ; Fête de TEtre So-
prême ; Le Temple de la Raison ; Les convois funèbres.
Dans la journée dtî 10 août 1792, de nombreux volontaires \
appartenant au Balaillon des Marseillais arrivé depuis peu
dans la capitale, ont péri. Aussi, sur l'initiative louchante Ju
club de Marseille, la Société de Trets décide de faire célébrer*
le samedi 9 septembre suivant, une messe de Requiem pour le
repos des âmes des citoyens décodés* A cette cérémonie, quatre
commissaires recevront les otîVandes pour les veuves et les
orphelins \ Mais deux jours après, suivant un arrêté du dé-
partement qui met à la charge de la municipalité la subsis-
tance due aux témmes et aux enfants des défenseurs de h
patrie, les commissaires désignes sont relevés de leurs fonc*
tions.
La mort de Louis XVI donne lieu, dans notre commune, à
une fête civique célébrée le dimanche 10 février 1793. Le 8,
Rey demande à la Société une réunion de tous Icii républi-
cains pour prêter au pied de l'arbre de la liberté le serment de
« vivre libre ou mourir en républicain » ; il fait appel aux sco-
* Dés le 1'' juiliet 1792» sur une lettre des Marsettlats, denuindAfit de
prendre les moyens nécessaires pour former cinq bômmes qui iront *
Paris défendre la Constiimion, le Club avaii présenté h la Mumcjpi^ *f
une pétition i'mviiani a ouvrir un renistre destiné à recevoir tes t
menis volontaires. Tout volontaire devait être muni d'un certitical U^ •*
municipalité; il serait payé suivant les lois par TAssemblée
• Séance du 4 septembre 1792.
-5.7-
timents de fraternité de l'Assemblée; il sollicite Foubli des
erreurs qui ont pu être commises par certains citoyens et
obtient la réintégration de quatre membres, Daniel de F€rr\\
François Audibert, Toussaint Feissat fils et François Amal-
bert, qui avaient été exclus de la Société, le 25 décembre der-
nier, pour leurs propos contraires à la Révrolution,
A 2 heures, sur le cours, il y eut un grand repas, et le soir
on alluma des feux de joie. L'union la plus parfaite ne cessa
de régnera cette fête, dont le succès tut tel que le lendemain
Rey décide la Société à en aviser le club de Marseille.
Le 7 germinal an 11, Ribiès» curé constitutionncL se
démet de la cure de Trcls. Il quitte le pavs, mais, de son nou-
veau domicile, il demande, te 5 boréal, à la Société populaire
dont il était membre, un diplôme de bon républicain qui lui
est accordé sous le n*» 109 ^
Le 20 floréal, selon le vœu de la Société, la municipalité
choisit la ci-devant paroisse pour le letnple de la Raison. Au-
cun objet du culte catholique ne s*y trouve plus; Targenterie
a été adressée à LHôtel de la Monnaie à Marseille et tes orne-
ments expédiés au district d'Aix.
I Le documeni suivant n'est sans doute point étranger aux démissions
de prêtres qai se produisirent à celte cpoque :
« Liberté, Egalité.
4 Extrait du registre de U Société répabUcaine des A ntipoJi tiques d'Aii,.
tf Du igplaviôse, Tan H de la République une et imp^nssabte-
< Sans cesse occupée à combattna les préjugés qui entravent J*opinion,
qttj l'empêchent de se manifester et qui maintient /sic/ Jes actions des
hommes, instruite qu'une fausse crainte retient encore un grand nombre
de ces illaminés nommés prêtres qui se croient et se donnent téméraire-
ment pour les interprètes de la divinité ; et convaincue que plusieurs
d'entre eux, éclairés enfin par le llambeau de la raison ei de ta vérité»
quoique reconnaissant qu'ils ne sont rien de plus que les hommes ordi-
naires, n'osent point en faire TaTeu public ni renoncer à leur prétendu
sacerdoce :
*'
' '
5Î
\
- 5i8 —
Le 20 prairial est célébrée la fête de l'Etre suprême. La mu-
nicipalité a fait annoncer la fétc, mais aucun programme n*a
été publié. Roumieu, président du club, invite le maire, présent
à la séance du 19, à faire connaître ce que les républicains doi-
vent faire ce jour-là. Rey entretient l'assemblée « du bonheur
que devait ressentir tout bon républicain de voir approcher le
jour où il devait payer à l'Etre suprême un acompte du tribut
qu'il lui doit ». Ses paroles sont applaudies et la Société, après
délibération, adopte le programme de la cérémonie :
« Une heure avant le jour, les tambours annonceront la
fête.
#c Tous les citoyens et citoyennes qui, dans l'enthousiasme
de la reconnaissance, seconderont le plan dont lecture a été
faite, se rassembleront et avec le Corps municipal et les mem-
bres de la Société populaire se rendront au Temple de la Rai-
son.
« Quant à ceux qui se montreraient froids à une pareille
cérémonie, l'assemblée déclare qu'elle ne peut les regarder
comme des frères, mais plutôt comme des fanatiques et des
ennemis de la Révolution ». •
« La Société des Antipolitiqucs républicains a unanimement délibc'ré
que les évêqucs, curés et vicaires qui, vo'ilant jouir du bénéHce de la Loi.
se dcmettraicni de leurs lettres de prêtrise, seraient déclarés avoir mérité
son approbation et son estime et que le présent extrait sera imprimé et
atHchc.
« Fait à Aix. le 20 pluviôse, l'an 2* de ia République, dans le heu des
séances de la Société
« Signé : Andr^., président;
« Manière, vice-président ,
« lienry Tourniavi, secrétaire.
* enregistré par ordre de la Société assemblée à Trets, le 27 pluviôse,
l'an 2* de la République française.
« Cartier, secrétaire provisoire »■
— 5i9 —
Ce jour-là, la Société tient deux réunions. Dans la première, à
son retour du Temple, clic accorde un «dîner honnête » aux
tambours qui ont battu le matin.
Le lo thermidor suivant, les membres du club, suspendant
la séance, se rendent, sur l'invitation de la Municipalité, au
Temple de la Raison, où Ton prêche, est-il dit, l'évangile de la
Révolution suivi du chant d'hymnes à l'Etre suprême ; ils se
retirent ensuite dans leur local et là ils entonnent des chan-
sons patriotiques.
La Municipalité a déclaré* champ de repos >► le ci-devant
cimetière ; comme il est trop près de la maison commune *, du
marché et de la Société populaire, elle choisit pour le rempla-
cer une partie de l'endos de l'hôpital *.
Les prêtres n'assistent plus, maintenant, aux enterrements;
c'est un représentant officiel de la commune qui suit le cercueil
jusqu'à la demeure dernière. Mais quelques absences de celu;-
ci ont été constatées et la Société demande à ce que la loi reU-
live aux cimetières soit entièrement exécutée, que l'offkitr
public, ou à défaut un remplaçant délégué à cet elFct. acco:r-
pa£,'ne toujours le convoi funèbre.
VIL — Affiliation.
Les premiers actes du Club, avons-nous dit, ont éit at jfot-
citcr raffiliation à la Société des Amis de la Comtiitctnm Xr
Marseille, ainsi qu'au Club des Jacobins. Plus ur^
' hepuis octobre 1793, la municipalitc, abandoniuff* e
I e^iise. est installée dans l'immeuble qu'elle possède*
aciuellci.
' Knclos du couvent des Observantins. aujoar^i sn 1
cour de l'dcole maternelle et propriété du Borcaa d»
DéIit>ération municipale. 34 germinal an II.
— 520 -~
20 mal 1792, on dccîde de s*affilier avec les clubs les plus voi-
sins et avec tous ceux qui en font la demande : Rousset,
Peynier, Kuveau, Rians, Periuis, Aubagne. Aix, Roqucvairc,
elc* Lorsque l^aiiiliation est accordée, chaque société délivre à
sa société sœur un acte qui le constate» et ainsi setablîssem des
liens d amitié, de civisme entre toutes les sociétés de ce genre
organisées sur notre territoire; une correspondance active
sY'chaiif^e entre elles.
Il arrivait souvent» auirctbis» que d anciennes rîvalitcs sépa*
raient deux pays voisins. Trets et Peynier avalent eu, avant U
Hévolulion, de longs procès; le désaccord entre ces deux com-
munautés s'était communiqué aux habitants, La Société de
Peynier envoie une délégation de neuf membres pour venir
solliciter l'aOîliaiion avec celle de Trets (10 avril 179a). Dion-
ville, qui en est le porte-parole, s'exprime en ces termes :« Les
citoyens de Peynier, ces voisins, vos frères ci vos amis» vicn*
ncnt vous prier d'oublier toute ombre d'animosité particulière
et individuelle^ s1l en existe. Quel plaisir, messieurs, plus doui
que celui de s'aimer réciproquement tes uns et les autres, quelle
force plus imposante pour soutenir notre liberté, que l'union et
la concorde. Comme patriotes, nous devons être unis éternel-
lement; comme hommes, nous ne formons qu*une seule e<
même famille; nousde\'ons être donc tous unis. El nous ve-
nons vous apporter, au nom de tous les citoyens de Peynier»
notre affiliation et le baiser fraternel s*.
Lafriliation est accordée, ce qui est le premier pas dans la
voie de l'union. laquelle se trouvera défmiiivemeni scellée à la
fin des deux démarches suivantes :
Un dimanche de mai, une députation de Peynier est venue
au sein du Club iretsois * renouveler ses sentiments d amme
* Séance da n mai 17(^1.
— D21 —
ei étouffer ainsi tous les diftérends qui avaient agité les deux
pays. Klle fut re^^ue avec toutes les marques d'intimité et de
fraternité dont sont capables de faire état les patriotes de Trets.
Et notre Club *, pour témoigner sa bonne volonté évidente à
^ s'unir pour terrasser tous les citoyens qui oseront donner la
moindre ombre d'inimitié contre la patrie», envoie à son tour
une délégation composée de Rey, juge de paix ; Remusat et
Gicloux Mathieu, à laquelle même pourront se joindre tous les
membres qui le désireront.
Les Marseillais répondent au vœu des clubistcs de Trets*. —
« Marseille,. le 26 mars, Tan 4* de la liberté. Frères et amis,
recevez ce pacte d*union et d*amitié que nous accordons aux
vrais soutiens de notre libertéet aux zélés défenseurs des droits
de l'homme : les sentiments qui vous animent, les principes
que vous suivez vous l'ont fait mériter ; nous ne doutons point
que votre persévérance ne serre toujours plus les liens qui nous
unissent. Pour vous prouver, chers amis, notre entier dévoue-
ment et l'intérêt que les Marseillais prennent et prendront tou-
jours à ce qui vous regarde, il suffira de vous dire que vos
désirs sont pleinement satisfaits. Nous sommes fraternellement
frères et amis. Signés : Allemand, Guinot, Jullien, Perrachc,
Allier, Féraud ».
Ft voici Pacte d'aifilialion contenu dans la lettre précé-
dente :
« Vivre libre ou mourir. — Comité de correspondance. —
District de iVlarseille. — Nous soussignés, président et secrétaire
de la Société des Amis de la Constitution, établie à Marseille,
tant sous ce titre que sous celui d'Assemblée patriotique, lan
premier de la liberté et le 1 1 avril 1790, en vertu de la délîbé-
« Séance du 20 mai 179a.
» Registre du Club, p. 8.
ration de celte société, en date du 24 tîiars 1792» avons doflné
acte d'affiiiation à nos frères de la société des Amis de la Coov-
tilution, établie à Trots, département des Boiiches-du-Rhônc,
Nous prions nos frères de tous les dcparlemenls du royaume*,
de les admettre en celte qualité, notre Société ayant arrêté pa-
reille admission pour tous les membres des sociétés de ce
^enrc. A Marseille» Tan 4* de la liberté et le 24* du mois de
mars 1792 ^. — Signatures les mômes que ci-dessus,
La Société de Marseille jouit d*unc fjrande iniluence sur U
nôtre. Bien souvent, cette dernière la consulte, afin que ses ac-
tes soient toujours conformes aux devoirs qui lui incombent
Depuis le 20 mars, notre Club possède Tactc d*afHliatioa Je
la Société aixoise, Les Amis de la Consltiulion, dit /es Ànth
politiques, siégeant aux Bernardines* Rcy, dans une harangue
enflammée \ avait engagé ses camarades à solliciter cette affi»
liation et cinq délégués setaiciil rendus à Arx pour présenter li
demande.
Cest avec une insistance toute particulière que le Clitb
^ L'acte d'atliliation accorde à la Société de Kuveau pût leClobdeTrrti.
porte de la Hépubiiquc. — Séance du i" nov, 1798. M en sera déforoitis
ainst pour tous Ic5 autres.
• Voici la motion présentée par Rey, juge de paix et membre de rift>
semblée :
« Frères et amis» jamAis il ne fut une occasion plus favorable qiM lad^
termj nation de tous nos concitoyens pour déconcerter cntierctntnt le>
ennemie de la Constitution. Il me parait que c'est là Je vieo f^^énérài* mif»
pour en donner des preuves non équivoques, nous ne devons pif nous
borner simpicmcfii â des paroles. Kn conséquence, sollicitons une affilia,
tion avec tous les clubs qui ont part â notre amour et à notre rtconnoit-
sancc.>, hé! comment pournez-vous différer plus longtemps de la de
CCIIC afrihaiion, à messieurs les amis de la Constitution, dits les \iilip
tiques, à Alt Ne vous entends souvent publier leur venu ri vauier leiF
patnonsme. M^lce là bien payer tout ce que vous letir devei? Mentei
one correspondance avec eux ; ils sont les vrais partisans île û Réveil»»
— 523 -
ircisoib demande son affiliation aux Jacobins. Il sollicite le
concours de la Société de Marseille pour aboutir plus tôt. Mais
les Jacobins observant religieusement leurs règlements, ne
pcu\eni aflilier une société qu'autant qu'elle a le suffrage de
deux sociétés les plus voisines affiliées à la leur, ou que trois
membres de la Société de Paris appuient la demande accom-
pagnée de la liste des membres et du règlement. Poutu, vice-
président, engage les patriotes, ses camarades, ù avoir de la
persévérance pour obtenir, dit-il. l'affiliation après laquelle ils
soupirent. Fabre rédigera une lettre aux Amis de Marseille
pour les prier d'intéresser à leur cause trois membres de
Paris.
Il arrive, enfin, cet acte tant désiré. Cest un fait dune im-
portance extrême pour les membres du Club tretsois. Une joie
dcliranie dut régner dans la salle à la lecture des deux lettres
qui accompagnaient Tacte d'affiliation, l'une des Marseillais,
l'autre des Jacobins. Le registre, lui-même, est en fête, car c'est
avec une écriture soignée et fîeurie que les deux lettres sont
transcrites, en consacrant une page à chacune d'elles. Il n'y a
pas de procès-verbal de séance, mais seulement bien en évi-
tion : CCS vertueux citoyens se sont toujours montrés les ennemis jure^fit
l'aristocratie. Kt toutes leurs actions sont pour vous une preuve bot
cquivoquc qu'ils ont juré sur la foy de leur âme, d'en détroire HiiBK..
au moindre reste impur capable de corronpre quelque citoyen. Jt obl
donc d'avancer rien de ir^p que de dire qu'en exprimant mon «k.
l'exprime le vœu ;;énéral, requérant de délibérer».
La motion est approuvée par acclamation : Si^noret, maire : fim^.
ex maire ; André l'ourcin, ancien procureur de la commuât kmm^^.
officier municipal, et (jautier, notable, sont désignés pour i
du Club aixois. développer les sentiments de l'assemblée ctaHii
tîiiation. — Séance du 14 mars 1792.
-524-
dence, ces mots : Affiliation accordée. L'acte, lui-même, o'^
pas inséré*.
Parmi celle pléïade de citoyens actifs et dévoués dont la So-
ciété à chaque instant réclame le concours et qu*eUe honore
de toute sa confiance pour les diverses ci importantes charj^
à remplir, deux noms surtout sont à retenir :
Rey, roraleur écouté de rassemblée, maire à deux reprises.
jufje de paix, notable;
Gasquet, l'administrateur ïélé. maire, commandant de U
Garde nationale, procureur de la commune, a^ent national
* Voici ces étn\ leures t
— M' les Amis de b Constitution k Trets, — Vivre libre oa mourir —
Marseille, le 27 avril 1793, l'an j( de la liberté.
Frères cl amis, c*€si avec bien du plaisir que nous vous faisons pisser
l'atltliation des Jacobins de Paris. No^ vœui s'accomplis5^ent toDS les
iours. parce que la famille de nos frères augmente selon nos cœurs, pttrot
que le bonheur de l'Empire et des patriotes dépend de l'union dont 001
diplômes ^oni le sceau. — Nous sommes cordialement, frères et amis^ls
membres du Comité de correspondance.
Si^nc : GuiitoT, pr<*sldent ; Goubdaw. secrétaire ; J.-B** Ptrià-Uii.
J. l£STItf(l»E.
— Séance du 9 avril 1792^ Tan 4' de b liberté. Société des Amis de U
Constitution séante aux Jacobins, rue Saint Honore.
Paris* ce 9 avril r79a» l'an 4* de la liberté.
Frères et amis, nous voyons avec satisfaction le xèle dont vont êtes aot-
més pour le salut de li chose publique. Le bot de noire institution étja*
de propager le patriotisme dans toutes les parties de TEmpire, toutes les
sociétés des Amis de la Constitution doivent s'unir par les liens de ta plm
intime fraicrniit!» et s'attacher à ne fermer qu'une seule et roénic fatntlïe,
afin de travailler de concert à assurer le triomphe des lots et de la Itbeni
Nous nous empressons de vous apprendre combien la Société a été An
tée de vous axordcrraililtation que vous lui avez demandée.
Heccvc/. frères et amis, l'assurance bien sincère des sentiments d^ettisit
et de fraternité que se doivent réciproquement tous les amis de U 'JU>ittU*
tntion.
Président. Carra Dtaïur; A. Jot» secréuAtt.
- 525 -
mort victime des passions politiques sous les balles des Égor-
geurs, le 23 frimaire an VIII, alors qu'il était président de *
l'Assemblée cantonale. i
Voilà, esquissé à grands traits, un tableau de mœurs locales -1
à propos d'un de ces clubs appartenant à la grande fédération
dont la tête était aux Jacobins et les bras sur tout le territoire '
français.
Trets, le 4 mai 190C. ;
V. Teissère.
1-
i
— 527 -
XXIII
Le Blocns le Marseille penilaBt la peste le 1728
Par M. le Dr AI«SZ4IS.
Professeur à t École de médecine et de pharmacie deMarseUUy
membre de la Société d'Études provençales.
La longue et terrible épidémie de peste qui, en 1720, après
avoir ravagé Marseille et la Provence, s'était étendue jusque
dans les Cévennes, le Vivarais et le Gévaudan, pouvait être
considérée comme éteinte dans ses régions d'origine, dès la fin
de Tannée suivante.
A Marseille, il n'y avait plus de malades depuis le mois de
juillet 1721. A Simiane, l'épidémie était terminée le 11 juillet.
A AHauch, le dernier décès eut lieu le i5 août; à Auriol, le
19 septembre. Dans d'autres localités, comme les Pennes et
Septèmes, les Pennes d'Aubagne, le fléau n'avait plus fait de
victimes depuis le mois d'avril. Vers la fin de Tannée, on pou-
vait croire la Provence délivrée de tout danger. Cassis était dé-
consigné le 29 octobre; Aubagne sortait de la quarantaine de
sanié, le 10 décembre.
A Marseille, les premiers mois de 1722 se passèrent, comme
dans les villes voisines, sans accidents et peu à f)eu l'activité de
SCS citoyens réparait le désarroi dans lequel l'affreuse période
écoulée avait jeté toutes les institutions, quand, au commence-
ment de mai, des cas de peste éclatèrent de nouveau.
" 528 -
Il semble que l'cpreave eût irempé les caractères, car cette
^ nouvelle contagion î^, comtTie on t'appela, ne produisit pas
répouvante et le désordre qui avaient accompagné rancicnne.
S'il y eut des défections regrettables, surtout, paraît-iK parmi
les chirurgiens, la plupart des hommes chargés des affaires
publiques firent leur devoir et, grâce à leur décision et à Tcncr-
gie des mesures prises» le fléau fut localisé et rapidement
éteint.
Dès le [I mai, M. Moustiers ', premier échevin, réunissait
le Conseil et lui représentait que * quelques morts précipitées
qu*îl y eut ces jours passés î», ayant fait soupçonner un retotlt '
de la maladie contagieuse dont la ville était délivrée depab
près de dix mois» MM- ses collègues et lui avaient pris lotîtes
les précautions possibles pour prévenir les suites d'un mal ù
dangereux.
L archiviste Capus^ termine par les lignes suivameSt qui ré- |
su ment la nouvelle contagion, le Registre de peste où soût
contenues toutes les pièces concernant Tépidémie de » 71*0 a
1722.
M Le renouvellement du mal contagieux n a point Imit de
progrès dans la ville, quoyqu'il ave duré depuis le mois de
may 1722 jusques au 16 du mots d'aoust suivant, ce n'a pas
esté une rechute de la première peste, mais une nouvelle peste
qui est venue d'Avignon. Elle a particulièrement paru dansU
rue de la Croix-d'Or \ où il y a eu plusieurs maisons infectées
* Arch, municipates. Reg. des Délibérations. 1** janv. t?»» p- 6a
* Arch. monjcipales. Registre de pcsie où sont contenues les «ïfdoih
niticcs de police faites par tes Kchevins* les Déhbéraiiont» Lettres du Kûi.
etc., et généralement tout ce qui a quelque rapport à ïu contagion de C*^
* Petite rue aJlioi actuellement de la rue Coutellerie à lame Chetalitf*
RûM.
^■^9 -
tais par la misL-r icordede Dieu et parles bons ordres quil y a
eu, le mal n'a pas tait de grands ravages, n'estant pas mort
dans trois mois que le mal a duré, deux cent cinquante person-
nés atteintes ou suspectes de la maladie contagieuse » *
Dès la reprise du mal, la ville rétablit les postes et les barriè-
res qui étaient destinés à exercer une étroite surveillance surles
communications avec lextérieur. Ces postes avaient été sup-
primés, car le 22 avril 1722, nous voyons une expertise Faite
par les sieurs Chape et Carlet, évaluer les dommages que la
barrière établie sur le chemin d'Allauch avait occasionnés h la
campagne de Jean Amphoux. Fixée à 404*12, savoir 25i'j2
pour la Communauté d^Allauch et i53' pour celle de Marseille,
rindemniié avait été payée par celle-ci, le 2 mai suivant ',
Dès le 10 mai, les troupes campées a la Chartreuse de Mar-
seille ', reprenaient les corps de garde et les barrières de Sep-
lèmes, la Gavotte, la Bégudc. Brayc de Camp» la Bastidonne,
Châieau-Gombert ei Lestaque *.
11 y avait une autre barrière au FriouL
Mais ce qui fut spécial à l'épidémie de 1722, c'est le blocus
du terroir de Marseille par une ceinture de troupes saines, en-
voyées par les Procureurs de la province et interceptant, du
côté de la terre, toute communication avec les pays voisins.
L'extension foudroyante du mal, en 1720, n'avait pas permis
* [.e même archiviste estime à 40.000, ou environ, tes victimes de l'an-
cienne coniagton à Marseille et dans son terroir.
> Arch municipales. Peste de 1720, année 1792, canon n" 10.
' Ces troupes comprenaient douze compagnies des régiments de Flandre
et de Brie.
* État général de ta fourniture du bois fane par la Communauté aui
troupes du Roy campées à ta Chartreuse ou détachées à diïîérenis postes
pour la garde des Barrières du Terroir depuis le 10 may 1712 jusqu'au
7 iaovier 1723. — Arch. municip. Peste de 1720, année i7aa, carton n* 10.
coHoais. — 34
53o
de recourir à cctie mesure, ou plutôt, c est sur la Duraact:
sant face à toute la Provence pestiférée, qu'avait été tardire-
ment établie la ligne du blocus.
Le nouveau loyer qui éclatait au printemps de 172a, daas
notre ville» fut rapidement éteint, mais il faut tenir compte*
pour apprécier retlicaciiédu blocus, des conditions particuliè-
rement favorables du moment, La virulence du fléau paratsssit
atténuée et surplace nos concitoyens Tavaieot attaqué avec
promptitude et énergie.
Les documents qui nous permettent de décrire le blocus de
1722 sont incomplets. 11 est à peu près certain qu'il fur ordonne
par riniendantde Provence, Le Brei, mais je n'ai pas trouve
dans nos Archives locales l'acte qui fixait la date de son éti»
blissement. pas plus que celle de sa suppression. On sait, en
effet, que les papiers de Le Bret, qui étaient sa propriclc,
comme ceux de tous les Intendants, ont été emportés par lui à
Paris et sont à la Bibliothèque Nationale, ^H
Nous avons, grâce à quelques pièces importantes, le tracé «
blocus et des détails sur son fonctionnement.
Ces pièces sont * :
r Le« Proces-verba! de la visite faite sur la ligne du blocits
de Marseille par M. le marquis de Bargêmc» premier procurtar
du pais» despuis le 5 juin jusques au lo dud. mois i/aa ^,
2* Un relevé, sans autre date que le millésime et sans signa*
turc, des baraques à faire le lon^ de la ligne du blocus. J*a» lieu
de croire que cette pièce^qui a peut-être été faite après untYisîtf
des postes, analogue à la précédente, est postérieure à la pr^
mière.
3* La convention pour la fourniture du bois ei de la peiUe
aux postes, du xvj juin 1722,
Archives dëpartementiles* C 910
53i --
4* Les insiruciions pour les employés au bureau de la santé
liabli par la Province à la barrière de Seplèmes,
Quand on jeiie les yeux sur une cane des environs de Mar-
seille, on voit que son lerroir^qui est bordé par la mer à l'ouesi
Cl au sud, est entouré du côté de la terre par une série de col-
lines plus ou moins importantes. A Test, c*est le massif de
Carpiagne, au-delà duquel est Cassis- H est séparé, au nord, par
la vallée de rHuveaune,du Garlaban, auquel font suite, trans-
versalement étendues vers Touest. la chaîne de TÉtoile avec le
pilon du Roi et les collines delà Nerihc qui se prblon^ent jus-
qu'aux Martigues, entre la mer et l'étang de Berrc.
La ligne du blocus s'étendait de Cassis aux Martigues, en
passant par Aubagne sur TRuveaunc, Allauch, aux pieds du
Garlaban, Stmianeau nord de la chaîne deTÉtoileJes Pennes
et Gignac sur le versant nord de la Nerthe. Carry, au bord de
la mer, sur le versant sud des mêmes collines.
Les postes étaient divisés d'après les terroirs qu'ils occu-
paient.
Le terroir de Cassis comprenait dix postes : au bout du
Port, à Notre Dame de Port-Miou, au Pas de la Reyne, à TOra-
toire, au vieux chemin de Marseille, au Valon, à la Confé-
rence, au four à chaux, au chemin d'Aubagne.au Mussuguet, *
Le terroir d'Aubagne comprenait onze postes établis du côté
de Cassis, à un autre endroit du Mussuguet, au col de la Ca-
i^brette, à la Girarde, au Veneau. au chemin de la Penne, au
Ireisseau, a la barrière d'Aubagne ; du côté d'Allauch, à TAu-
lône, au Pin, à laGrassiane, à RieusateU
Le terroir d'Allauch avait vingt-sept postes qui s'étageaient
^au pied du Garlaban et sur le plan méridional de la chaîne de
l'Étoile, Ils étaient situés : au Gourd de Roubaud. au-dessous
* On a conservé [ ortbûgrtphe qui se trouve dans les documents ciléi.
- 532 -
de la Treille, au valon de Marihclène, à Helon, à Babarrâu,
au-dessus de la Cluae, à lambn^ous. enire les 3 lus *ou lieux)
et le lambrigous, aux trois lus, à la langouste, à pont, au valon
de Saint-Jacques, au valon de Cauvîn, à la porche, à la bas-
lide du S' Brouillard, à la basiide de Tisseran. à la barrière de
la Bé^»ude, au-dessus de Jarret, au Mazage, à la Nonciadc, au
Gmiau, à Prentc^i<ardc, au-dessus de la Grave» entre la Grave
Cl le Grinoiier, à la lasse des rtouïdes, au-dessus de la lasse
des Houïdes; il y avait un dernier poste sans nom vers S»
miane. '
Le terroir de Simiane comptait sept postes distribues dans
le massif de l'Étoile : à la hauteur de la descente de Simi^ne;
au bout du vallon des HouFdes sur la hauteur, à la grande ci
à la petite Étoile» au plus bas coulei de*Sanguin, à la hauteur
de la commune de Garavagne» a la hauteur de Seplemcs de
Garavagne.
Sur le terroir des Pennes» on comptait seize postes échelon
nés entre TÉtoile et la Nerthe et fermant la principale rouie
d*Aix, Ils étaient situés : entre Simiane et Septèmes. dans U
plaine de Sepièmes, au-dessus de la chapelle de Septèmes, à k
chapelle dessus la barrière» à la barrière de Septèmes, au scih
lier de la Bedoule, auprès deTian sur la montagne, entre Tiaii
et la Gavotte, à la Gavotte, au Moulin du Diable» à la ni
gnedu Moulin du Diable, à la Grand-Gache, au clan de 4"..-.
gugne, au sommet de la montagne de la Margaridcite, ou
Bourbon entre deux petits chemins, à la hauteur de la dré Je
mou r rage.
Sur le terroir de Gignac, il y avatt dix postes. Les prc
occupaient la Nerihe: à la hauteur de la Monedière. au
du grand Vallon, au pas de Lcscalier, à la hauteur de Ck
hier, au Rove, Les autres longeaient la mer depuis le port de
la Courbière jusqu'à la Madrague de Gignac. Ils éuîeni ctiUi»
— 533 —
au port de la Viste, au port de Nioulon et à un « petit port où
il y a une cabane de pécheurs dit Méjean ».
La côte était gardée par trois autres postes sur le terroir de
Carr\% à Notre-Dame du Rouet, à Carr)' et à Sausset, et par
quatre postes sur le terroir des Martigues, à la chapelle Sainte-
Croix, à laCouronne, auportdeBouniou et au portduPouteau,
Les postes étaient occupés par des soldats d'infanterie du
Royal- Rossillon et des Arquebusiers, auxquels étaient adjoints
un certain nombre de paysans fournis par les communautés
voisines.
Chaque poste comprenait un, deux, trois soldats, dix ou
douze au maximum, que Ion renouvelait de cinq en cinq jours,
ei même nombre de paysans. Tantôt paysans et soldats étaient
en nombre égal, tantôt en proportion inverse. Aux barrières,
il n'y avait le plus souvent que des soldats, au nombre de dix à
douze.
En comparant les deux relevés de l'état des postes qui nous
sont parvenus, on voit que, d'une époque à l'autre, le nombre
des soldats et des paysans était assez variable.
Dans les petits postes, les soldats n'avaient pas de chefs ; ail-
leurs, ils étaient commandés par un sergent ou un officier. En-
fin, Royal-Rossillon et Arquebusiers alternaient avec les ter-
roirs. Ainsi, Cassis avait deux compagnies du Royal-Rossillon ^
soit soixante-quatre hommes, commandées par les capitaines
d'Outre et Nègre^, tandis que les postes d'Aubagne étaient
occupés par des Arquebusiers, sauf, cependant, la barrière de
Brave de Camp, où il y avait un officier et neuf grenadiers de
Royal Rossillon. Sur les terroirs d'AUauch et de Simiane, la
garde était faite par un bataillon d'Arquebusiers, commandés
par le capitaine Destorres; sur celui de Septèmes, par le Royal-
Rossillon ; sur ceux de Gignac, Carry et Martigues, par les Ar-
quebusiers, sous le commandement du vicomte de Lio.
I.
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-534-
Les postes étaient souvent installés dans des fermes ou des
bastides, surtout dans les parties de la ligne qui traversaient des
régions cultivées et habitées. Ainsi, entre Aubagne et Allauch,
dans la vallée de THuvcaune, où passe la route de Toulon, sur
cinq postes, quatre occupaient des bastides, tandis qu'entre
Aubagne et Cassis, on n avait trouvé que la bastide de la veuve
Coste. Sur le terroir d'Allauch, la plupart des postes étaient éta-
blis dans des bastides. Au gourd de Roubaud, on avait utilisé
une bergerie, dont le couvert avait seul nécessité quelques ré-
parations, d'ailleurs faciles, parce qu'il y avait des tuiles sur les
lieux. On ne retrouve plus de bastides jusqu'au Rouet, Carry,
Sausset et la chapelle de Sainte-Croix. Ailleurs, on installait
des tentes.
Dans son voyage, le marquis de Bargème indique que nom-
bre de postes doivent en être pourvus, car jusque-là, c'csl-
à-dire aux premiers jours de juin, les soldats étaient sans abri.
Dès cette époque, on avait construit en maints endroits, no-
tamment aux environs de Cassis, des baraques en pierres
sèches, couvertes de tuiles.
M. de Bargème signale qu'à certains postes, il est nécessaire
de substituer des baraques aux lentes, par exemple au Revau.
près de Cassis, parce que le terrain ne permet pas de planter
des piquets.
Il sembicque plus lard on aitcomplètementrenoncc aux tentes
«qui sont toutes en picsses par les grands vents », comme ledit
le second document que j'ai cité, et dont « les piquets ne seau-
roicnt tenir où elles sont portées » '. 11 est alors question, peut-
être à la suite d'une nouvelle inspection de la ligne, d'établir
* Ce document parait postérieur au voyage de M. de Bargème, patiqo'ïl
déconseille l'usage des tentes que le premier Procureur du pays préccMi-
saii encore.
--- 535 -
des baraques en pierre partout où il n'y a pas de bastides ou
de fermes. Le relevé anonyme indique le nombre des bara-
ques à faire, celles qui sont à réparer et celles qui servent.
La construction et Tentretien des baraques, au nombre de
quarante neuves et de six à réparer, étaient a la charge des
communautés « tant celles où la ligne passe dans leur terroir oïl
celles qui sont voisines de la ligne et qui aydaient les autres. »
Ainsi Aubagne avait 4 baraques à faire, i à réparer.
Allauch — II —
Gardanne, p' ayde — 2 — i —
Simiane — 4 —
Bouc, pour ayde — i — 2 —
Cabriès — i —
Les Pennes — 3 —
Marignane, p' ayde — 3 —
Châteauneuf,p'ayde — 3 —
Carry — i
. Martigues — i —
Chaque poste était pourvu de paille, de bois et d'un petit
tonneau ou barrique à tenir Peau. Les officiers avaient droit à
un lit consistant en « un matelas, garde-paille, traversier, lin-
seuls et couvertures ».
La fourniture de la paille et du bois fut assurée, à dater du
2o{uin, par les sieurs Jean d'Aubagne, Barnouin d'Aixet Michel
d'Ailauch, en vertu de la conviention suivante passée avec les
procureurs du pays, le 16 juin 1722, c'est-à-dire peu après le
retour de M. de Bargème.
Jusque-là, les postes étaient peut-être fournis par les loca-
lités voisines, mais je nai pas trouvé de renseignements à cet
égard :
m A esté convenu entre Messieurs les Procureurs du pays,
d'usé part, et sieurFrançois Jean, bourgeois du lieu d'Aubagne,
in.v^R': ♦ '^un* i;nnj. uî- ;. Tîer L'-TTur las: Aiiiru;iies.:3jnjaii:
ytoi*:, HM >i/it ti*:^ ?mn);^^os^î:?. uie ut -7:1 ?: au iMirromrjaKrcL
Wiiu ;* >p»iî. T ui^ftUw?:;; wuî- V\er^;>e2Ji^ es: Imiunsin; .tu lairs
M if.ti\7in#?ntnf' ♦iuH?rni;nr. li juinitiurt m il xuileL ^fira aiie^
sMv^ , *: t* ^f',* i'jvf >ir.i> ^vv*, jJir ji» jTn^vnc^L. i xi j: .rem isns
»? vu«»i»M >p' if -îî^^irw*. uu «:n lutvt a;ir ù TTumi^m il ii^rm <±l
^îr» .iij'^i4 V* yniM.'r't .!.vni mumûitiK t2s*i. îsuuîa& unira ivnu-
'«^ :iJ J^«;;*v: ;»»«^v4^v Jî:i;ti hvrwjiXi SX ^^linïaii. iimimrsr ^nihn--
vv**;- »•■; ;«.*** vin .iv '*'^;h.jw. Aubitiint:. AliamTtj £: SsniàiKSv
♦tn-fii ♦^'^vfjti*' j.'4i.r ^t'i'î-'t^un Ji:i J-^rcjcurrirr*' iu pFi^ ^a sera
1) »ft t j^vuf • h<r^<^^; y/l'a<j'' k 1/rJl pour thaqot lour. De pni sera
j>j»4 |>vt U< j.'fv^ 10' «r -y t.^i;/yn dt vjnl quatre ^ol<^ k quîntal sur
Je pu-j «jt ;, frw Lir-i. < j g m^ijfjf dt la li;;nc el cen.] iicai des olfiders
*,'Minfi<'tyUnt p>gf );^ \i\T^i^m.
êf '*f W « t-1 j/fol^ilx/iu» dn:+ sieurs Jean. Barnouin et Michel de
I ^*,t^ <7^ 4i'^}U^ 4H% oflKJcrs Cl soldais lad. fourniture de bois
«.< \ms\\K ^fH^ '\hkV\uk prétexte que ce soit.
^ 4* (k î>''>bli^*.*nl de faire l'avance du montant de lad. four-
-537-
niture pendant un moys.au boutduquel la liquidation^sera faite
sur le pied des reveûes et certificats comme est dit cy-dessus et
mandat expédié auxd. sieurs Jean, Barnouin et Michel, par
MM. les Procureurs du pays sur lequel ils seront payé et la
fourniture et payement seront ainsy continués de moys en
moys tant que lad. fourniture durera.
« 5* Si MM. les Procureurs du pays trouvent à propos de faire
fournir du bois aux postes du blocus qui sont sur les terroirs de
Simiane, Septèmes, Gignac, Carr}\ Chàteauneuf et les Marti-
gues, lesd. sieurs Jean, Barnouin et Michel seront tenu de faire
lad. fourniture aux prix et conditions^i-dessus convenus.
« 6* La fourniture des bois et paille commensera du vint de
ce mois, duquel jour lesd. sieurs fournisseurs seront payes.
« La presante fait double à Aix, ce seize juin mil sept cent
vint deux.
« Babgueme, p' p' du pays ;
« De Paule, C. d'Aix, p' du pays ;
« Cabnaud, Consul d'Aix, Proc. du pays.
« Jean, Michel, Barnouin *.
Les autres fournitures et sans doute le ravitaillement étaient
demandés aux Communautés les plus proches des postes.
Ainsi, M. de Bargème expédia de Marignane un ordre au
vicomte de Lio sur la communauté de Martigues, pour four-
nir au poste de la Madrague de Gignac. i lit et 2 barriques ;
au poste de Méjan, 2 barriques; au poste de iNiolon, 1 lit et
2 barriques ; au logis du Rove, 5 barriques, que Tofticier occu-
pant ce poste devait distribuer : 2 au poste de Corbière, i au
poste de la Colombière, 1 à celui du pas de Lescalier, 1 à celui
des buissesduGrahd- Vallon. LesConsulsdes Maaigues étaient
chargés de retirer un reçu de ces effets de ceux auxquels ils les
remettaient et de recouvrer le tout quand la garde du blocus
finirait, à « peyne d'en répondre en leur propre >►.
i Vs
' -S!
vm
10
-^ 538 ^
poste de la Corbicre, qui eu il situe prcs Au Houei. su
bord de la mer et émit dépourvu d'eau douce, la commune du
Rove avait re^^u I ordre de M* de Bar^'ème d*apportcr chaque
jour pour les soldats une charge d eau douce
Nous avons déjà plusieurs fois cité la tournet: dinspcciiof}
que fit le long du blocus le premier Procureur du pays; ilcfcl
temps de le faire plus longuement. Cetic tournée ne fui pro-
bablement pas la seule. Le procès-verbal qui en est conservé
in-exlenso aux archives départementales est întéres.^nt pour
rhistoirc du blocus.
«c François de Ponicvcs, chevalier, seigneur de Bargèi
Saint- Laurent, Bromes,Tournon etautres lieux, premier consul
d'Aix et premier procureur du pays, en suite des intentions de
M. le marquis de Brancas. lieutenant général des armées da
Roy en Provence, et suivant la délibération verbaliemcul
prise le 4 juin par les Procureurs du pays, partit d*Aix le Ico»
demain pour visiter les postes de la ligne du blocus, en com*
pagniede M. Jean-François Ricard, greflier en survivance des
États, suivis de Sébasucn iMangarei, trompette» serviteur du
pays. Ils allèrent coucher à Aubagnc, et le 6, après a%'oîr dtné
à Cassis, ils visitaient les postes du terroir et ceux d'Aubagne
jusqu'à la barrière de Brave de Camp. Ils couchaient à Auba-
gne et» le 7, visitaient, dans la matinée. les postes qui les
raient d'Allauch. Le capitaine Desiorrcs était venu les rc
dre dès leur entrée sur le lerroîr de cette ville et s'était ofFcrt de
les accompagner. Apres avoir diné et pris quelque repos i
Allauch sur les irois heures de l'aprcs-midy. ils poursutvaicnl
leur visite par le poste de Garrci et venaient « prendre leur
retraite au château du lieu de Simiane ». Le 8 juin, ils parcou*^
raient les huit postes du terroir de Simiane, puis ceux de Sep-
lèmes. Le diiter avait lieu a la barrière de Scptcmes, mailles
voyageurs ne communiquaient pas avec les postes qui 1 entoy^^
— 539 -
raient, parce qu'ils étaient gardés par des troupes du régiment
de Brie en garnison à Marseille. La journée était employée à
visiter le terroir des Pennes et, le soir, on couchait au château
des Pennes où le vicomte de Lio venait visiter les nobles voya-
geurs. Le 9 juin au matin, accompagnés par le vicomte, ils
inspectaient le terroir de Gignac, dinaient au Rouet et attei-
gnaient la côte à Courbiere. Ils passaient au port de la Veste,
où les habitants de Marseille venaient « journellement avec de
petits bateaux prendre du bois pour Tusage de leurs fours », et
après avoir suivi la mer jusqu'au Pouteau, ils allaient coucher
à Martigues.
« Le lendemain, lo juin, ils dinaient à Marignane, et arri-
vaient, le soir, à Aix, non sans avoir reçu de la part des Consuls,
dans les villes où ils s'étaient arrêtés, la visite et les devoirs
ordinaires ».
M. de Bargème, dans cette minutieuse inspection, avait
signalé de nombreuses améliorations à apporter aux postes,
qui étaient encore en bien des points dénués des ressources les
plus élémentaires : abris, eau potable, chauffage, couchage pour
les officiers, pour les soldats.
Il proposa quelques modifications à la distribution des pos-
tes. Ainsi, le premier poste des Pennes, au-delà du Moulin du
Diable, ainsi que le poste suivant de la Grand-Gache, devaient
être « divisés en deux pour raprocher ceux de la droite et de la
gauche qui étaient trop éloignés ».
Le premier poste du terroir d'Aubagne, du côté de Cassis, et
qui occupait la colline du Mussuguet, fut aussi trouvé trop
éloigné des postes voisins.
« Il conviendroit, dit le premier Procureur, que les hommes
qui servent ce poste fussent divisés, dont cinq seroient au Meu-
seguei, en rapprochant le poste du cotté du terroir de Mar-
seille, qui est bien éloigné, et les cinq autres sur la montagne
de la Cabreile. a lendroii qui fêpond au poste suivao
Girarde ^:
Dans le terroir de Cassis, qui n'avait primitivement que
neuf postes, celui qui confinait au terroir d'Aubagne, et qtii
sicgeait au pied de la moniagne du Bas-Sérenc. tut trouvé trop
éloif;nc ei un dixième poste, sur le Mussuguct, lut proposé. En
même temps, â la requête des Consuls, la li^ne du blocus cuit
rectifiée pour rendre aux habitants une grande étendue iJt
terrain qui leur ciaii très utile.
Le poste qui était au pied de la montagne du Bas-S^rcin. uw-
vaiiétre changé à la plaine qu on appelle Pinède. Les habi-
tanls de Cassis reirouvaieni ainsi la seule portion de leurlei^
roir qui leur fournil le bois «t journellement nécessaire pour
leur fourg â cuyre pain ^.
Cassis avait d autres doléances à présenter au sujet des prè»
tendons du sieur d*Omrc, capitaine d'une des compagnies du
Royal Rossillon.
La ville n'avait pas été comprise dans la répartition, qui
avait été faîte par les ordres de M. le marquis de Branca», dci
hommes que devaient fournir les communautés voisines du
blocus de Marseille. Cassis avait, en eHet, fourni des Komifld
pour le bateau qui, armé à l^ Ciotai, croisait la mer pour évi-
ter la communication des Marseillais. Le sieur d'Outre, potir
soulager ses soldais, obligeait néanmoins la communauté de
Cassis de lui fournir des hommes pour la garde des poMesqcii
étaient sur la ligne du blocus du bord de la mer jusques au
terroir d*Au bagne.
Ces exigences étaient d'autant moins justifiées qu'rl > «,a . -
Cassis soixante-quatre soldats» sans compter les oflkters G
qu'on ne détachait pour les postes que on^e à doujcc soldats
decmq en cinq jours,
« Le sieur d'Outre, ajoutaient les Cun^ub,
èoVntne éttiparé du Aiommandcineni du lieu, il dispose et
ordonne toui ce qui luy playt sur les seuretics qui sont k pren-
dre pour la conservation de la santé des habiians de la com-
munauté et» par là, il prive le Bureau de la Santé quelle a eta-
bly du droit que les habitans ont de veiller sur eux-mêmes à
l'instar de toutes les communautés de la Provence )*.
M, de Bargèrtie estima du reste que la communauté de Cas-
sis avait exagéré les dépenses. Elle avait établi au poste de la
Conférence, à raison de vingt sols par jour, un Intendant de
santé qui ne paraissait pas trop nécessaire puisqu il n'y faisait
autre fonction que celle de recevoir, deux fois la semaine, les
lettres qui allaient et venaient de iMarscille, M. de Bargème
chargea les Consuls de Cassis de supprimer cet Intendant
m pour éviter la dépense de ses journées ei d'en faire remplir
les fonctions sans frais et à tour de rolle par les Bourgeois du
lieu en leur consignant les précautions nécessaires pour recevoir
et donner les lettres 3^.
Tout n'était pas encore dit sur le sieur d'Outre. Cassis, pour
la vente de ses denrées, n'avait d'autre commerce que celui de
les vendre et débiter dans le port» au passage des mariniers qu i
venaient y aborder. Or» le sieur d'Outre privait la ville de cette
liberté, « quoyque les Consuls ayent offert de faire délivrer aux
acheteurs lesd. denrées qui ne consistaient proprement qu'en
vin avec les seureités convenables* c'est-à-dire sans communi-
quer et tout ainsi qui se pratique dans plusieurs endroits qui
sont long de la cote ^.
m De toutes ces représentations, conclut M. de Bargeme,
nous en avons chargé le présent procez-verbal pour en être
rendu compte à M. le marquis de Brancas et fait rapporta
l'assemblée de MM. les Procureurs du pays qui sera tenue
après le retour de notre visite 5>,
Une question d ordre plus général, dont llnspecteurde la
542 —
Province eut à s'occuper, est celle des barrièreii, c*esi4-
postes, au niveau desquels devaieni se concenirer, sous le con*
irôle le plus sévère, les communications el les transactions par-
tout ailleurs interdites.
Les barrières de Brave deCamp, près d'Aubagne. el d'Aliauch,
qui avaient été construites par les ordres des Echevins de Mar-
seille et qui éiaieni gardées du côte de celte ville, la première
par le régiment de Brie et la seconde par le régimeni de Flan-
dre» ne parurent pas au premier procureur «tsufiisammcnidispo-
sces pour la sûreté de la sanié>ducôtéde la Province* 11 ordonna
rétablissement d*une contre-barrière * opposée à celle de Mar-
seille par un fossé palleissadé tout le lon^ d'icelle. et au milieu
il y aura une porte grillée de bois qui sera fermée par une ser-
rure dont la clef sera gardée par flntendant de santé qui oe
l'ouvrira que pour faire passer au milieu des deux barrières ei
avec les seurettés convenables les danrées et marchandises que
les habîtans de la Provence vendront à ceux de Marseille. Pm
de lad. contrebarrière sera faitte une gariitede bois pour servir
pendant le jour à l'Intendant de santé »« Ce fonctionnaifc
n avait encore été nommé par la Province ni k l'une ni à I au-
tre de ces barrières. A Braye de Camp* la communauté d'Au-
bagne en avait établi un provisoire. Elle avait également fait
une baraque sur le chemin de la Barrière pour loger les gre-
nadiers. Le premier Procureur la fit rapprocher #t à vingt pas
loin tout au plus de lad. barrière 3».
A la barrière de Sepièmes, la Province avait déjà établi un
bureau de la santé. Quoique aux frais et dépens de la %'JUede
Marseille, ce bureau était bien distinct des employés que la
ville elle-même avait installés à cette barrière.
Voici comment devait fonctionner le bureau de la santé est*
bli par la Province '.
^ Insiruciîons prur les empïloyës aa Bureau de U santé éubll pi«r >• ^'^'
- 543 ~
Instructions pour les employés au Bureau de la santé établi
par la Province à la barrière de Septèmes, aux frais et dépens
de la ville de Marseille :
« r Le Bureau de santé sera composéd'un Intendant de santé,
d*un Controlleur, et de cinq employés dont les fonctions de
chascun deux seront cy après détaillées et leurs exercices com-
mencera demain 29* du mois de may 1722, duquel jour ils se-
ront payés de leurs apointements, sçavoir :
« Le S' Fenouil delà ville de La Ciotat, Intendant de santé,
a raison décent livres par| mois, cy 100^
« Le s' Aubert, controlleur yb
« Les s's Burel, Gras, Labassette, Aillaud et Eméric,
employés, à 45 livres chacun, le tout par mois . . . 225
400
« 2' L'Intendant de santé est chargé de l'Inspection géné-
ralle de la barrière, soit pour esviter toute sorte de communi-
cation, soit pour empêcher que les marchands et voituriers ne
se prévalent du concours des achepteurs pour surenchérir la
marchandise et préférer les uns aux autres.
« 3* Le Controlleur veriffiera les passeports et billets de
santé qui luy seront présantés et les visera et controllera si
besoin est les marchandises qui passeront par la barrière pour
raison de quoy et particulièrement tous les grains et grosses
marchandises, il tiendra un journal dans lequel il inscrira le
prix commun de chaque espèce.
« 4* Les employés seront postés aux avenues de la barrière
pour empêcher que personne ne s*y presante sans passeport ou
billet de santé qui leur seront prescrits par l'Intendant de santé.
« 5* En conformité des intentions de M. le marquis de Bran-
▼ÎDce à la barrière de Septèmes, aax frais et dépens de la ville de Mar-
seille. Arch. dépanem. C, 910.
^'
\
— 544 —
cas, Tofficier et soldais qui sont posiés entre les deux barrières
ne pourront en aucune manière passer ny communiquer co
desa pour quelle cause et prétexte que ce soit et, a cet effet, il
sera mis deux serrures et deux clefs à la porte de la d*« bar*
rière : lune en dedans et lautre en dehors. Les clefs seront gar-
dées, sçavoir : celle en dedans, par l'otHcier, et celle en dehors*
par riniendani de santé et ne sera lad^*^ porte ouverte que de
concert entre l'officier et Tlntendant de santé sur les cmdres et
M. le marquis de Brancas.
^ G" Pour esviter le concours, les marchandises seront receues
tous les jours à la d^*^ barrière depuis six heures du matin, jus-
qu^â six heures du soir, sans qui! y ait de jours fixe pour le
marché. ^H
m 7" Pour esviter toute sorte de contestation et contustoP
entre les vendeurs et les achepteurs, aucune personne ne pourri
délivrer sa marchandise que le marché naye esté auparavant
arresté et que l'Intendant de santé nen aye permis rexpédition.
Il sera néanmoins permis à toute personne de faire passer piif
lad" barrière, toute sorte de provisions, danrées et marchandi-
ses, a leurs parens et amys sans marché précédent sous Im^
pection néanmoins de l'Intendant de santé.
« 8" Il sera establi une ou plusieurs personnes, si besoin e&t»
pour mesurer les grains avec les chevalets et mesures de la pro-
vince qui seront mandés sur le lieu, auxquels mesureurs il
sera payé six deniers par charge, soit pa^ lachepieur ou par le
vandeur, ainsi quil sera convenu entre eux.
«( 9" L*lniendant de santé et le Controlleur et les employés
auront une attention particulière quil ne soit receu aucun
argent ni lettre ny papiers qu'ils ne soient dépouillés de toute
sorte de cordage et purgé par le parfum et vinaigre.
« Vu, bon et approuvé»
< Brancas j».
-545-
M. de Bargème constate, dans son rapport, que le personnel
établi par la Province exécute parfaitement les ordres qui leur
ont été consignés. Il n'en était pas de même des personnes qui
étaient « employées à lad. Barrière du coté de Marseille pour
recevoir et acheter les denrées que les habitans de la Province
y portaient » et il profita de son passage pour écrire à MM. les
Échevins de Marseille sur différentes plaintes qui lui avaient
été portées contre elles.
Il tit élargir le pont de pierre qui est au cabaret de Septèmcs
pour que les charrettes et autres voitures puissent y passer com-
modément et que le transport des denrées à la barrière fût faci-
lité. Toutes les fournitures n'empruntaient cependant pas
cette voie. Sur le grand chemin de la Gavotte, on avait fait une
petite barrière en palissade, munie d'une porte pour le passage
du bétail. C'étaient des soldats du régiment de Flandres, en
garnison à Marseille, qui avaient la clef de la porte et qui gar-
daient les postes situés sur la droite et sur la gauche de la bar-
rière. M. de Bargème se réserva « d'informer M. le marquis de
Brancas et M" les Procureurs du pays du peu de surette et des
inconvéniens qu'il y a que lad. barrière et les portes cy-dessus
soient gardées par des personnes contaminées ».
Telle est la rapide esquisse que les documents incomplets
qui viennent d'être rapportés permettent de tracer du blocus
que la Province maintint autour de notre ville sur une longueur
de plus de soixante kilomètres à vol d'oiseau, pendant près de
huit mois. Il est probable, en effet, que le blocus ne fut levé
que lorsque la ville elle-même supprima ses barrières. Or,
l'état de fourniture du bois faite par la ville de Marseille aux
troupes qui gardaient les barrières va du lo mai 1722 au
7 janvier 1723 *.
* Arch. municipales. Peste 1720, année 1722. Carton n* la
coiMnâs. — SB.
— 546 —
Cependant, dès le 19 novembre 1722, Louis XV* avait ordonné
qu'à dater du i*^*" décembre suivant toutes les lignes seraient le-
vées, sauf autour de Mendeetle long duConitat-Venaissin, dont
la garde ne cesserait qu'en janvier 1723. Peut-être notre ville,
eu égard à la rechute, fut-elle comprise dans cette exception.
' Arch. départ. C. 908.
— 347 —
XXIV
NOTES HISTORIQUES
Sur Fontaine-rÉvêque ou Sorps,
par M. de BRESG, membre des Académies d'Aix et du Var.
On a beaucoup parle, dans ces derniers temps, de Foniaine-
l'Kvèque. Celle belle source qui sur^'it dans le territoire de la
commune de Bauduen, canton d'Aups, arrondissement de
Drai;ui^man, a été acquise, il y a déjà quelques mois, par le
Conseil ^'énéral du Var. Elle faisait l'objet de bien des convoi-
tises. Comment ces eaux abondantes, claires et limpides
seront-elles utilisées? Personne n'en sait rien encore. Toutes
que nous pouvons constater, c'est qu'on délibère beaucoup.
alors qu'on exécute peu. Mais ce n est point de cela que nao.^
avons à vous entretenir aujourd'hui. Notre source qui csî mt
des plus belles de France a son histoire. Je viens sunuitMnssr
réclamer un instant votre attention pour vous la faire sdbbb-
renient connaître.
Sorps est le nom primitifde Fontaine-rÉvêque gt*,^Mif m
est encore donné aujourd'hui par tous les hahimiri Ae^ rusr
^es qui l'entourent. Nous verrons bientôt à qudéâu 'mtm ai
lui donna une nouvelle dénomination.
Auprès de cette source que les andoBinB
Sorpii. se trouvait, du temps desR€iiiiaii&.J
54H ^
\u\ fut plus tard abandonné. Son terroir appartmi [oujours
aux ëvèques de Riez qui, à la fin de l'Einpire romain, avaient
remplacé les gouverneurs de Province.
Une remarque que je ne puis m empêcher de faire, c'est que
si la Fontaine de Vaucluse, qui s'appelait aussi la source ou
fleuve tie Sor^ues, a été toujours plus connue, c'est sans doute
parce que Tillustre poète Pétrarque Ta chantée au xi\" siècle
dans des vers i m mortel s adressés à la belle et chaste Laure.
Pourtant, et je me hâte de le dire, Foniaioe-rÉvèque au micu,^
Sorps a eu dans le cours du xiii*^^ siècle son moment de célé-
brité, et c est dans la chapelle du couvent de Sainte-Caihcrinc
que saint Klzéar de Sabran vil pour la première lois sainte
Delphine de Signe qui y était élevée par sa tante» la prieure
Mabille de Flassans, Ce fait, meniionné par tous les auteurs
qui ont écrit sur saint Elzcar et sainte Delphine» est ignore par
tous les visiteurs de Fontaine-TEvéque (et ils sont nombreux)»
tandis qu'on ne peut aller à la Fontaine de Vaucluse sans eut
rempli de souvenirs de Pétrarque comme de Laurc que foût
revivre d'innombrables notices et photographies.
C'est à Sorps môme que passait rcmbranchemcnt de la voie
Aurélienne qui conduisait de Fréjus à Riez par Ampus, V'cri-
gnon et la plaine de Majastre. C'est près de Sorps.au conllueni
du Verdon» qu'on voit encore les culées imposantes de Tandcn
pont romain qui permettait aux voyageurs comme aux légions
romaines de passer d'une rive à l'autre, et à la peuplade des
Albîciens de communiquer plus facilement avec celle des
Véruciniens, ces deux peuplades importantes de lancienoc
Gaule,
Va des plus illustres prélats qui aient occupé le siège du
vaste diocèse de Riez, Foulque de Caille, originaire de Bn*
gnôles, fit construire auprès de cette source» en laSS, sur M
petit mamelon» un vaste monastère pour cent religieuses, sons
»;■:
A
m
ir
— 549 —
le titre de Sai nie-Catherine, et dans Tîle formée par deux
grands canaux, une abbaye de chanoines réguliers de Saint-
Augustin. Leur église était sous le litre de Saint-Maximet il i "
patron insigne de 1 église cl du diocèse de Riez. Ces chanoines
étaient charges de la direct ion des religieuses.
Le monastère de Sainte-Catherine, richement doté non seu-
lement par son fondateur^ mais encore par les comtes de Pro-
vence, cnir*autrcs par Raymond Berenger JV, de la maison
d'Anjou, jouit bientôt et pendant assez longtemps d*une grande
prospérité. On y accourait de toute la Provence et c'est dans ce
vaste monastère, placé dans un site vraiment enchanteur, que If
les jeunes lilles appartenant à la noblesse de la Haute-Pro- ;
vence recevaient une éducation soignée. Mais, en 1437, lesédi* /
fices des deux maisons tombaient presque en ruine, c'est alors ^
que Michel de Bouliers, évêque de Riez, obtint une bulle pour »
la suppression de labbaye des chanoines et fit de la maison de
Sainte-Catherine un prieure régulier soumis à la jurîdiciron
épiscopale. En 1499, lout fut réuni à la mense épiscopale
et il ne resta plus à Sorps que l'hôpital ou hospitium qui avait
été aussi établi par Foulque ei qui servait de refuge et de î
repos aux pauvres voyageurs.
En 1625, le siège de Riez fut occupe par un homme illustre
par sa fortune, mais plus encore par sa piété et sa vertu, Louis
Doni d'Attichy appartenait à une riche famille de Florence
alliée aux Médicis, Ce jeune évèque, parent de la reine de
France, Catherine de Médicis, et neveu du maréchal de Maril-
lac et du garde des sceaux du même nom, était plein de timi-
dité et aimait surtout beaucoup la solitude. 11 fut bientôt épris
de la beauté de sa source de Sorps quil visitait sans cesse, à
tel point qu'il prît la détermination d'y faire construire une
grande maison de plaisance, où il pourrait aller travailler,
prier, tout en bravant la chaleur de Tété, Bientôt les travaux
- 55o -
commein,aicnt cl il arriva de tous le
les. Avec les pierres de la maison
plus ifnponanies encore,du monas*
édiiia liaiis quelques mois une n
qu'il orna avec beaucoup de lu\c
précédait les belles pièces du rcv
des niches, construites à cet ellV
des douze dieux qui ornaient j;i
reste encore de beaux restes à
sur les farauds canaux qui en
pécher de i;rosses et cxcclk;.
en trouve encore aujourd'I.
de bj.ui\ jardins remplis
rames.
I .'historien enthousiaste
qui vivait sous répiscofv
ceue belle résidence dan ^
un véritable bonheur. 1\
restre. 11 se v;arde bien
plaque de marbre blan-.
K ^n \ \o\\ que c'est p;» .
le îioni de Sorps lui a-
i.i.ne 11 Nèque. Au i.
\.K^:\ J..vv.K-e ivir I '•■:•■
.;.. v!l^' i^'-nirra;! \" :■
* . ^ '..■.'. v\w; ;.'n N. ■'-,
: ..\:.:^ . i u'i viv -.
553 —
XXV
hîVENTION ROYALE
^e famith sous le règne de Louis XV,
A. Charles LATUNE. avocat,
de la Société d^Études Provençales.
ibord, ce litre peut surprendre. On ne conçoit
.ours, une intervention gouvernementale dans la
s citoyens. Sous l'ancien régime, au contraire,
lUS naturel, plus commun qu'une intervention
lesaffaires de famille. Cela lient au caractère paier-
lonarchie française, son caractère le plus saillant,
a ce point que La Bruyère a pu dire : <• Nommer un
Ju peuple, c'est moins faire son éloge que sa détini-
èrede ses sujets, le roi de France se croit tenu envers
)us les devoirs qui incombent à un père de* famille. Ses
confiants dans ses sentiments paternels, s'adressent à
ins les circonstances difficiles, comme à leur protecteur
-el.
Monarchie tient à honneur d'accueillir et d'examiner les
ites qui lui sont présentées. Elle s'efforce d'y faire droit
uc son intervention lui semble opportune Elle vient en
- 554 -
aux père?; de famille nccc5siteu\, elle pounoii îr^
lion ei à rétablissement des orphelins, elle accorde des fac. ...
aux commerçants dont les affaires sont dans le mara2>me ci dcv
secours aux cultivateurs qui manquent de fonds pour faire va-
loir leurs terres. Le roi n a pas seulement souci des intérêts
matériels de ses sujets; les intérêts spirituels des plus infimes
d'entre eux ne le laissent point indifTéreni. C'est ainsi qu'il 4
coutume de faire distribuer, chaque année» h « ces demoiselles
du bel air quelques sommes pour leur permettre de vivre
honnêtement et sans commettre de péchés» pvendani les joarv
saints qui précèdent la semaine de Pâques. *
Pour les intérêts de famille» surtout, les intcrvcnUans rova-
les ne se marchandent pas. On sait que la base de ranctenne
société française est la famille. Il n'est donc pas surprenant
que la Monarchie use sans compter de son autorité pour b
maintenir dans l'observation de principes qui font sa force.
1/autorité du pcre, la cohésion et la solidarité, unissant en*
ir'eux ses divers membres, sont les deux caractères princîpaut
de la famille d'autrefois. Aussi, dès qu'un sujet méconnaît l'au*
lorité paternelle ou menace, par saconduite.de ne pas faire
honneur aux siens, l'autorité supérieure sollicitée se permel*
elle d^inicrvenir.
L'intervention royale se traduit, suivant la gravité des ca$,'
par de simples admonestations ou par des ordres d exil oti
d'emprisonnement donnés par « lettres de cachet ».
Ces lettres de cachet de famille sont expédiées, le plus soo*
vent, pour réprimer des fautes de jeunesse ou pour 4paiîs@' Uo
querelles de ména|;c. Mais intervenir dans des dem-'-^
conjugaux est chose singulièrement délicate et rop|X)rtn
de rintcrvenlion royale, en cette matière, est parfois coolcv
table.
C'est le cas pour l'exemple d mtervention que je donne, mai»
- 555 -
que j*ai choisi, cependant, entre plusieurs, dans les Archives
de l'Intendance de Provence, parce qu*il m'a semblé intéressant
pour l'histoire des mœurs de l'époque.
Une jeune bourgeoise marseillaise, la demoiselle Belin, avait
fait la connaissance, à son retour des Indes-Orientales, d'un
gentilhomme portugais, le comte de Vellozo, capitaine dans*
les armées de son souverain. Elle est séduite par la bonne
mine et les belles manières de cet « hidalgo » de la maison du
roi de Portugal qui ne cesse, avec la grandiloquence habituelle
à ses compatriotes, de discourir sur les richesses et les belles
alliances de sa maison. Encouragée par sa famille, elle ne
tarde pas à devenir sa femme.
Dès le lendemain du mariage, il faut déchanter. La famille
Bclin s'aperçoit que Vellozo, dont la fortune a sombré dans un
tremblement de terre survenu à Lisbonne, n'était riche que de
titres et d'honneurs et que c'est la dot de la nouvelle épouse
qui va soutenir le train du gentilhomme. Cela ne fait pas son
affaire et. devant cet effondrement complet de ses espérances ,
elle a recours au remède suprême des familles affligées. La
jeune comtesse, grâce à l'intermédiaire de son frère, commis de
M. de Saint-Florentin, obtient, sous prétexte de fausses signa-
tures et de malversations de sa dot, une lettre de cachet pour
faire enfermer son mari aux Iles Sainte-Marguerite. Il s'évade
de cette prison et part pour Lisbonne, où il reçoit de la muni-
ficence paternelle des vêtements luxueux et quelques dia-
mants.
Il revient en France, chargé de ces débris de sa splendeur
passée, et informe sa femme de son retour, en la conjurant de
reprendre la vie commune. Elle lui répond par la lettre sui-
vante : « Je suis charmée, mon cher amy, de votre bonne arri-
vée de Lisbonne; si vous apportés beaucoup dargent de ce
pays là nous vivrons heureusement en paix et en tranquillitée. .
tl y a un accomodcmeni a faire pour finir louie caballc
vous voulcs remplacer les 7.000 livres qui manquent à nu
(ioi et rembourser les 5d louis qu'on a donné à M. de Mourîé&,
commis de M. de Saint-Florentin, pour obtenir la lettre
de cachet contre vous et 600 livres qu'on a dépensées, soit
en présens aux personnes qu'on a employées auprès Je
M, de La Tour et de son subdéîcgué ici. soil en frais de
voyage aux îles Saînte-Marguerilc, on vous obtiendra TOtrt
rappel sans que vous alliés à Paris dépenser encore de rar]$eot
et faire quelque pot pourry avec votre ambassadeur et %'0$
proiectionï» du r*ortugaK.. Prenés garde car vous avés icy
beaucoup des ennemis et tes Jésuites seroni les plus empressés
a meitre toui en œuvre pour vous nuire. Si %'ous voulés me
taire s^avoir Tendrori où vous êtes, vous ne risques rien visa
vis de moy, jiray vous parler et nous nous entendrons bien de
vivevoÎK. Voire petit se porte bien, il vous embrasse. Je suis
votre bonne amie et rtdelle épouse, ^
Au reçu de cette lettre. Vellozo lait connaître à sa femme qu'A
s'est retiré à Avignon pour y attendre, sous la protection de
vice-légal» leur réconciliation et la révocation des ordres du
roi (celait le nom donné par rAdministraiion de Tépoque «tu
leures de cachet). Elle ne va pas Ty trouver et se contente J^en*
tamer avec lui d'interminables pourparlers en vue d'uoc
reconciliation qu'elle souhaite d'autant moins qu'elle ne cc*^
dlniriguer a la Cour, par Tiniermédiairc de son l'rère, poof
solliciter de nouvelles rigueurs contre son mari.* Klle a éffi\o
ment recours k une autre protection puissante, celle do
Jésuites. Vcllozo, par contre, est leur adversaire déclaré. Il le»
tient, à tort ou â raison, pour la source de ses infortunes confit-
gales cl il emploie ses loisirs à les combattre, si Ton en crort ce
passage d*unc lettre de sa femme : « Restés tranquille et ne ^-
mes aucun projet ni écrit contre les pauvres jésuites. V^oi»
avés asses de ces afJaires sans vous mêler de celles dés
tnnocens accablés sous le poids de la vengeance des mé-
chans. s»
Veilozo qui ne se fie qu'à moitié aux bonnes intentions de
sa femme, adresse de son côté requêtes sur requêtes à l'inten-
dant et au ministre pour leur exposer que la religion de Sa Ma-
jesté a été surprise par des allégations mensongères, qu1l a
été lavé delaccusation relative à laffaire des fausses signatures
par un arrêt de la vice-légatured*Avignon et que, bien loin de
rien devoir à son épouse, c*esi elle qui détient tous ses biens ;
la personne de son fils, diverses créances, ses meubles de da-
mas, son argenterie, ses diamants, ses « pourcelaines ^ de
Chine, son * jonc des Indes )*, ses habits de velours, sa^ veste
d'or », ses dentelles de prix et entin, suprême injure, les insi-
gnes de I Ordre de Sa Majesté très fidèle, le roi de PorlugaL
son maître. Il commence en même temps, à ce sujet, devant le
Parlement d'Aix, un procès en revendication qui semble être
assez sensible à sa femme, puisqu'elle lui écrit alors pour le
conjurer de ne plus la ^ chagriner en Parlement », faute de
quoi, ajoute-i-elle, <^ je vais travailler à vous faire enlever et
enfermer pour le reste de vos jours et vous vous trouvères sans
le penser enveloppé dans des crimes d'État dont la protection
du Portugal ne sçauroit vous en tirer. * Impressionné par de
telles menaces et souhaitant vivement de *t ne plus rien avoir à
démêler avec une jeune femme protégée à la Cour par son
frère et à Marseille par ses amis », Vellozo envoie deux de ses
amis à Marseille pour transiger avec elle. Elle exige de lui une
procuration générale ^ pour être entièrement maîtresse de sa
personne », de son enfant et de tous les biens de son mari,
«moyennant quoy, elle cesseroit de le persécuter et luy en-
verroit de l'argent, trente-six livres par moy *. Désespérant
d'obtenir mieux, Vellozo souscrit à ces conditions et sollicite
de la Cour une révocation générale de lous les or
exf>édiés contre lui. Cette révocation lui est accordée, soas b
condition qull se retirera en Portu^aL dans le délai d'ui
mois.
Malheureusement pour lui, il est sans ressources poor
accomplir un voyage aussi coûteux et le temps passant saos qat
sa femme lui envoie ta pension promise, il ne peut que répcM*
dre à Tintendam qui le presse de partir : ^ Je n ay encore reço
aucun secours... Indiquez moy un moyen honorable Je sortir
de ma fâcheuse position. » Le comble est mis à son inforrunc
parla réunion du Comiat-Venaissin à la France. Son asile lux
échappe et de nouveaux ordres du roi sont aussitôt ei^fédiës
pour le conduire dans les prisons d'Avignon.
Au moment où ces ordres vont être exécutés, la fonufie âc
Vellozo tourne brusquement. L'ambassadeur de Portugail
Tavaii recommandé au duc de Choiseul qui lui obiieni b per-
mission de rester à Avignon. Dès lors, M. de Ltvr)', comnn
de M. de Saint-Florentin, et riniendani sMntéressetil à h
M. de Livry, en parcourant les lettres de la comtesse lit
Vellozo, est indigné « du ton de crédit qu'elle se donne »ci
surtout m. du fait calomnieux d'argent donné et de présens faits
à M, de Mouriés », au subdélégué de lintendant et aux po^
sonnes que Von a employées auprès de lui* Son indt|>ii
est partagée par l'intendant qui estime que « cette caUii..
auroit mérité une punition sévère » et envoie « chcrchcf cetu
femme » pour <t lui parler de M, de Livrj' d'une façon çonM>
nablc ». Cest au tour de Vellozo, maintenant, de parler c >
maître* U sollicite contre sa femme un ordre enjoigr;^"*
cctle<i « ou de vivre avec lui dans Tunion conjugale» ol
trer dans un couvent et lui remettre son fils, ses habits et uor
pension convenable»; puis, le ministre lui ayant octs
permission « de se rendre où bon lui bemblera ». il v*ai
- 559 -
Marseille, où tous deux conviennent de se réunir « pour vivr e
et pour mourir comme de bons époux ».
Celle solution si touchante allait être celle de ce petit drame
de famille quand M""* de Vellozo s*aperçcîit qu*au nombre des
nouveaux protecteurs de soh mari, se trouvent précisément
les jésuites qu'elle a' tant aimés autrefois et dont elle s*est dé-
tachée peu à peu, au furet à mesure qu'ils lui rendaient moins
de services. L'infortuné Vellozo, de retour à Avignon, tout
heureux de toucher enfin au terme de ses vicissitudes conju-
gales, y reçoit la nouvelle de l'effondrement définitif de son
foyer. « Je viens de découvrir vos manœuvres, lui écrit sa
femme, je suis bien aise de ne .point vous les laisser ignorer
afin que vous ayés à avenir un peu plus de ménagemens pour
moy et que vous sachiés que je puis quand je le voudrois vous
bien ranger dans le fonds d'une basse foce et faire bannir de
Marseille et d'Avignon avec vos charitables protecteurs. Ce
sont donc à présent les soi-disans jésuites qui sont vos
bons amis ?... La différence entre vous et moi est bien
grande, car j'aimois les jésuites tant que je ne les connais-
sois pas ; mais dès que les Roys nous les ont fait con-
naître pour des scélérats assassins voleurs perturbateurs et hé-
rétiques, je les ai détestés et ne les sçauroi regarder qu'en celte
qualité; quant à vous vous les avés toujours connu pour tel
quil sont pris party et écrit contre eux et servant votre Cour
vous êtes devenu aujourd'huy comme eux l'ennemi de Dieu et
des Roys... Ne comptés plus de vous réunir à moy, car je ne
veux point vivre avec un homme infâme comme vous, je
vivroi chés ma mère et sil me plaii den avoir des amis vous en
aurés passience, car ce n'est pas de vous que je recevroi la
loy... »
Cette lettre est la dernière du dossier. L'Administration,
sans doute, dut, alors, se désiniércsser des démêlés de ce mé-
- 56o -^
nage Quant à nous, nous ne pouvons qu'être étonnés qu'elle
ail donné aussi longtemps son attention à cette affaire qui,
sans l'intervention royale, se serait probablement réduite à un
peu de mauvaise humeur chez cette jeune femme qui, ayant
cru taire un riche mariage, s'était trouvée, au lendemain de
ses noces, en face d'un mari ruiné.
- 56i
XXVI
LA PESTE A ALLAUCH EN 1720
par M. J. MAUREL, curé de Valcrnes,
Membre de la Société scientifique et littéraire des Basses-Alpes.
Le 25 mai 1720, le « Grand Saint-Antoine », navire venant
de Tripoli sous le commandement du capitaine Chataud,
entrait dans le port de Marseille. Il y apportait le germe de
1 épouvantable fléau qui décima la population provençale dans
59 communes et fit, au dire de Papon, 247.889 victimes.
Des vieux quartiers, où les matelots avaient vendu leurs
pacotilles, le fléau eut bientôt envahi la ville entière et, dès le
mois de juin, il sévissait à Marseille et dans plusieurs loca-
lités voisines.
Le Parlement d*Aix, justement alarmé, édicta des mesures
pour conserver la santé publique dans les pays encore indem-
nes et pour la rétablir dans les lieux déjà contaminés. Il remit
en vigueur le règlement du 17 juillet 1629, le réédita, Taccrut
de diverses ordonnances nouvelles et enjoignit à toutes les
communautés de Provence de sV conformer \
^ Arrest de la Cour de Parlement tenant la Chambre des vacations,
contenant règlement sur le fait de la peste, da 17 juillet 1629. Aix. David,
imp. du Roi, 1720 (Arch. des B-duR., c. 904). Ce règlement, compre-
nant 127 articles, a été reproduit dans la Repue historique de Provence,
2* année, n' 2 et suivants.
CONGRES — 36
- 562
La petite ville d*Allauch, que son voisinage
ses rapports très fréquents avec cette cité exposaient grande^
ment au danger de la contagion, s'empressa de se conformer
aux instructions reçues et, le 4 août, le Conseil de ville assem*
blé autorisa les consuls à faire exécuter les mesures édictées
par les procureurs d'Aix. à la date du 3i juillet.
Tout d abord» un bureau de santé fut établi à l'Hôicl-dc-
ville pour statuer sur les cas urgents. On n'ira plus à Mar-
seille ; une barrière sera établie aux frais de la communauté
sur le chemin qui y conduit et les habitants qui veulent vcn*
dre leurs denrées pourront les y porter. Un arrêt de la Coar
leur permet d aller moudre leurs grains aux moulins d'Aub«-
gne. Il ne faut plus que les forains viennent faire des jachères
dans leurs propriétés ; ils apportent de Marseille du fumier
qui pourrait bien contenir le germe de l'infection ; qu'on ùsst
faire ce travail par les gens du lieu. Les passants seront ap*
préhcndcs et conduits aux inHrmeries pour y faire quarin*
taine A la messe qui sedit le dimanche à la chapelle de Saîot-
Jean sur le chemin d'Aubagne, deux gardiens seront en
parla municipalité pour empêcher toute promiscuiié a». ,
gens du dehors '. On dresse la liste des nécessiteux à sccv^u-
rir ; ils seront nombreux, grâce au blocus ; beaucoup ne
vivent que du produit de leur petit trafic journalier avec II
* Six jours de quarAiilaine sont imposés k ta femme Pinatet qai ivait
assisté il la messe k Château Go m beri, Pierre Michel cl Pierre PeUegns
qui sont allés à Marseille, sont enfermés h leur retour t le premier h !*(«*
tirmene ; Tautre. dans sa maison, et cela pour 40 jours ; défense û*en sor-
tir sans avoir été parfumé ; Us payeront, en outre^ une Amende de trtaie
livres. Javcll), de la Poncbe, a livé vu arrivant nuitamment de Haneinc;
on renferme chex lui et on mei deui gardes 1^ sa ponc l e Bts de S* Caaioia
qui /iVAit quitté Marseille en compagnie de sa femme pour se réfogitf
dans sa campagne, au quartier de la <!.iva1e. est impitoviblement •ih^iil
hors des limites du terroir
— 563 —
ville ou du prix de la journée qu'ils y vont accomplir. La com-
mune leur viendra en aide en leur distribuant un quintal et
demi de pain bis chaque jour, dans la chapelle de la Congréga-
tion des enfants, et sur la présentation d*un billet signé par le
curé. L'apothicaire Granet a ordre de se pourvoir de médica-
ments aux frais de la ville ; on aménage Tinfirmerie d'Esian-
gue ; on s'approvisionne de chaux vive et on choisit le quar-
tier des Trénières pour y ensevelir ceux qui succomberont
aux atteintes du fléau *.
Ces diverses mesures d'isolement et de préservation furent
prises du 14 au ig août, et le 20 du même mois, les procureurs
d'Aix consignèrent le lieu d'AUauch, « la santé des habitants
leur ayant paru suspecte ». Il semble que des précautions si
sages et si minutieuses auraient dû préserver des atteintes du
fléau cette petite ville qui, par son altitude et grâce à son air
pur, semblait pouvoir défier son approche. Il n'en fut rien,
hélas ! La peste y vint, on ne sait par qui, ni comment, fran-
chit ces trop faibles barrières, pénétra dans la ville, y sévit si
cruellement que, dans l'espace de moins de seize mois, elle
emporta plus du cinquième de sa population, soit i.023 victi-
mes sur 5.000 habitants 2.
C'est le 20 août que le fléau éclate, violent, terrible *. On
n'avait pas songé à se pourvoir de fossoyeurs, de corbeaux,
comme on disait alors. Vite on en loue trois qui logeront à la
* I^ femme de J^ Chappe y fut la première ensevelie. Etait-ce un cas
de peste ?
' La population d'Allauch qui s'élevait alors au chiffre de 5. 000 habi-
tants, atteint à peine aujourd'hui celui de 3.32o, en y comprenant les sec-
tions du Plan-de-Cuques et de la Bourdonnière.
' Cette date est celle donnée par les consuls dans leurs divers rapports.
Papon donne celle du j6 août. Il est probable que, dès le 16, des cas
s'étaient déjà produits, puisque le 20 août, la santé d'Allauch avait déjà
paru suspecte au Parlement.
Gardette, et d'où ils ne sort iront que pour accomplir kur
lugubre besogne, car il ne faut pas qu*ils communiquent au-
iremeni qu'avec les morts, Mats le local qu'on leur préparait
dans la citerne du château était ù peine approprié qu'il saû
faissa soudain et faillit ensevelir les maçons. Il fallut leur
truuv er une habitation plus solide et plus rapprochée ; on les
logea dans la chapelle du Saint-Enfant Jésus et on leur promu
4 livres par sépulture. Avec eux logeaient deux infirmier .
deu.\ inlirmières et un garçon chargés d'aller prendre à dom
cilc les malheureux atteints de la peste et de les porter au\
inlirmeries. Les premières tranchées sont creusées derrière la
chapelle de Saînt-Roch.
Mais voici les inconvénients du blocus. Le boucher ne
peut plus livrer la viande au prix stipulé dans le bail : par
suite de rinierruption des communications, il lui est imr---<-
ble de s'approvisionner de bétail, le pacage est plusdn
on augmente donc le prjx de vente qui sera de 5 sols Im livre
de mouton et 4 sols celle de brebis et de mcnon. D'autre pan,
tes propriétaires qui avaient encore leur vin en aivc «t
désiraient le vendre pour réaliser quelque argent et faire fiêCt
à la prochaine vendange, s'avançaient pendant la nuit jus-
qu'aux barrières et traitaient avec les négociants marseîlUh.
Il y avait danger de contamination. Le Conseil désigna trois
quartiers du terroir où il serait permis de porter le vin h ren-
dre : les quartiers du Cavau.de la Pouche et de Botfc : le
vendeur ne pouvait s y rendre qu'accompagné d*unc garde tl
d*un officier payés par lui. Des conditions analogues fureoi
imposées aux marchands de plâtre.
Ccpcndatïi, le iléau continuait ses ravages. L*apoihictiiv
Granct, spécialement chargé de soigner les pestîlérés^ icmbf
malade ; Jean Michel, apothicaire et chirurgien» le remplace,
mats pas à moins de 200 livres par mois, plus les médica*
— 565 —
ments. Les infirmeries sont insuffisantes. La maison de la
Charité, enclavée dans les habitations, ne peut guère être
affectée à cet usage sans grave danger ; on prend la chapelle
de Notre-Dame de Beauvezer, 26 août. Puis, pour ne pas
avoir à porter plus loin les pestiférés qui succombent, paraît-
il, en grand nombre, on pratique une vaste tranchée derrière
la dite chapelle et on y jette pêle-mêle les cadavres qu'on
recouvre d'une couche de chaux vive. Malgré cette simplifica-
tion du travail, les corbeaux ne peuvent tenir tête à la beso-
gne, ils sont surmenés ; il leur faut six livres par mort ; on
les leur donne. Bientôt, ils sont aussi terrassés par le mal ; le
second consul Camoin se fait autoriser par le Conseil à requé-
rir telles personnes qu'il trouvera pour ensevelir les pestifé-
rés ( i3 septembre).
Bientôt la désorganisation des services publics vient ag-
graver une situation déjà bien difficile. Affolés par la peur,
les intendants du bureau de santé ont quitté le pays ; presque
tous les capitaines et officiers en ont fait autant ; les soldats
se découragent, les gardes abandonnent les barrières, le bou-
cher ne veut plus fournir de la viande et, sans doute, visant
un plus gros bénéfice, débite tout son troupeau, tant lanat que
cabrun, à des négociants marseillais ; un échange journalier
de marchandises a lieu entre Marseille et Allauch, tant aux
barrières qu'à'traveçs champs ; une contrebande très active
met en contact continuel gens indemnes et gens contaminés ;
elle se fait de jour, de nuit, à travers champs, dans les cam-
pagnes, un peu partout. Ce fut pour y couper coun que, sur
la permission du vicaire général et officiai Villeneuve, on
publia et afficha à Allauch la parcelle de monitoire qu'on va
lire:
L Qui sçaura tant pour avoir vu que pour avoir ouï dire
- 566 —
que certain quidam fait la contrebande, ait à le révéler sous
peine d'excommunication.
II. Qui sçaura tant pour avoir vu que pour avoir ouï dire
que certains quidams prêtent leurs maisons pour cacher les
marchandises de contrebande, ait à le révéler sous peine d'ex-
communication.
III. Qui sçaura tant pour avoir vu que pour avoir ouï dire
que certains quidams font entrer de nuit des marchandises
de contrebande, ait à le révéler sous peine d'excommunica-
tion.
IV. Qui sçaura tant pour avoir vu que pour avoir ouï dire
que certains quidams prcncnt des chemins détournez avec des
mulets chargés, ait à le révéler sous peine d'excommunication.
V. Qui sçaura tant pour avoir vu que pour avoir ouï dire
que certains personnages ont été à la barrière pour prendre
des marchandises de contrebande et les recevoir de ceux qui
viennent de Marseille, ait à le révéler sous peine d'excommu-
nication. Signé : UABASSE '.
Sur ces entrefaites, le chirurgien Jean Michel est frappé de
la peste. C'est le second chirurgien qui succombe. Le valet de
ville se rend en hàie auprès de tous les tiutres chirurgiens de
l'endroit pour les supplier, au nom de la commune, de don-
ner leurs soins aux malades. Nul ne fut empressé à recueillir
une succession si dangereuse. « Ils se sont tous excusés sous
de vains prétextes, n'y ayant que Joseph iMichel, lils de Jean,
qui s'est présente >►. Tant il est vrai que les grandes calamités
ont pour etïet, en général, de laisser prédominer l'égoïsme et
r-zlrchivcx des B.-du-R.^ c. 909.
— 307 —
l'instinct de la conservation à un point qui efface parfois tout
autre sentiment ! Devant une mauvaise volonté si manifeste-
ment avérée et l'urgence de pourvoir aux nécessités de la situa-
tion, on laissa au sort le soin de désigner celui qui devait
occuper ce poste périlleux. Des quatre chirurgiens : Victor
Granet, Louis Mouriès, André Mouriès, J** Michel, ce fut
Louis Mouriès qui remplaça Jean Michel et aux mêmes
gages (21 septembre).
Le nombre des malades et des morts va toujours croissant.
Il faut maintenant une infirmerie à la campagne. Le moulin
à vent de Rollandin, au quartier des Roubauds, est transformé
en hôpital, tandis que trois nouvelles infirmeries sont créées
dans la ville, et encore ne sufîisent-elles pas à contenir tous
les malades. Deux médecins de Marseille viennent les soigner
qui coûtent à la commune plus de i.doo livres par mois, sans
compter les remèdes. A ce train, les ressources pécuniaires
s'en vont vite ; l'imposition est consommée et la taille ne
rentre pas, les fermiers ne payent plus et abandonnent.
Voici maintenant que le pain manque î Le sieur Caire,
consul, s'en va à la barrière de Roqucvaire pour acheter du
blé, mais il y va sans argent, comptant sur son crédit et sur
la situation malheureuse de sa ville pour attendrir les mar-
chands. Il demande du blé ; on lui en présente ; mais comme
il demande aussi un terme pour le payement, on lui refuse
l'un et l'autre, et Caire retourne désolé au sein de sa popula-
tion que le fiéau décime et que la faim abat (19 novembre). Il a
recours alors aux procureurs du pays. Dans une lettre des
plus attendrissantes, il leur dépeint la désolation des habitants
d'Allauch, les supplie avec larmes de leur venir en aide, s'ils
ne veulent voir disparaître ce malheureux pays. L'intendant
promit 200 charges de blé, des moutons chaque semaine et un
secours de 800 livres que Nicolas Cauvin s'empressa d'aller
recevoir à Aix. Ces secours précieuv apportèrent un all^c*
meni inomeatané à relfroyable misère qui éircîgnait le pav.s*
Nombrcjx sont ceux qui viennent souscrire des obligationv
pour une charge, une demi-charge, un quart de charge. Mab
il y a désordre dans la distribuiion ; des fraudes, des vols se
commettent; la police ne se lait plus. Dès le 3i janxie
on est de nouveau sans blé et sans argent ; le conseil poss
on dépôt de 3oo liv. ; il emprunte kooo liv. à Toussaint
André et emploie le tout à racquisilion de blé cl de quelques
menons. Car il faut, à ce moment, nourrir hoc quarantenai-
res, soigner i5o malades, payer un chirurgien ï6 livres par
jour, des gardes, des commissaires, etc. Le 7 mars, il Uui
recourir à un nouvel emprunt ; les tailles ne rentrent pas. el
il ne saurait être question de taire des exécutions. Voila main-
tenant que le chirurgien Mouriès vient de déserter lâchement
son poste. *i II s*est évade. » Caubct et Joannis viendront tous
deux de Marseille, « soigneront les malades, entreront avec les
corbeaux dans les maisons des pestiférés, présideron".
désinfection pour empêcher que rien ne soit celc de ce qui
devra être brûlé ^. Ils auront 100 écus par mois.
La peste sévissait depuis sept mois dans le paj's. Encrrà
par une lutte qui se prolongeait sans succès et dont ûcn fit
faisait prévoir le terme* la population manifesta le désir 4t
prendre une mesure extrême. Une quarantaine générale at
lument rigoureuse fut décidée ; les consuls furent auiorifi
à la faire durer aussi longtemps qu^ils jugeraient nécessaire a
à prendre tels moyens qu'ils trouveraient propres à enrayer
la marche du mai contagieux. La mesure était grave et néce*
sitart un ensemble de précautions, il fallait se pourvoir de
vivres, de remèdes, de provisions diverses, assurer la dtsiribn*
tron régulière des aliments et des secours en nature, pou rvotr
a la culture et à l'ensemencement des terres, établir enrin une
-569-
police forie ei rigoureuse qui, en empêchant toute communi-
cation, rendît proHlable la grande mesure d'isolement absolu
de laquelle on attendait la cessation du Iléau. Les consuls
Caire et Camoin se montrèrent a la hauteur de leur difficile
lâche; ils entreprirent et menèrent à bonne lin cette œuvre avec
un zèle ci un dévouement dignes des plus grands éloges. Ils
font entrer dans la ville 25o charges de blé. Comme il n'y vivait
que deux puits hors de renccinie pour fournir Teau aux habi-
tants» ils augmentent le nombre des tireurs et pourvoyeurs
d*cau qui seront au nombre de six, ayant chacun un mulei.
Neuf hommes sont chargés de porter les provisions dans cha-
que rue pour empêcher que personne ne sorte. Le rationne-
ment des pauvres comprend une livre et demie de pain et un
quart de pot de vin par jour et par lète. y compris les enfants ;
une livre de haricots le jeudi et le dimanche, de quatre en
quatre, avec Ivhuile cl le sel nécessaires. Au point de vue de
la police, la ville est divisée en quatre quartiers ; vingi-quatre
hommes sont chargés de garder jour et nuit les avenues pour
que nul ne puisse entrer ni sortir sans Tautorisation des
consuls. Un corps de garde sera chargé de faire la patrouille
toutes les nuits pour empêcher les vols et brigandages. Trois
ofticiers, ayant chacun quatre hommes en sous-ordre, seront
répartis dans le terroir pour en garder les frontières, faire
observer la quarantaine dans les campagnes, empêcher toute
communication d'une bastide à l'autre* Et comme les habî-
lants des lieux circonvoisins, ^ qui sont tous empestés *,
passent dans le terroir du côté de la Bourdon nière, et que
là, plusieurs habitants d*Allauch vont acheter des mar-
chandises pour les revendre dans la ville, un corps de garde
fut établi dans ce quartier, avec ordre de confisquer la con-
trebande et de punir sévèrement les contrebandiers. Pour
ne pas laisser les terres en friche et s'exposer à manquer la
- ^7^ —
récolte prochaine, il fu! décidé qu*on laisserait venîr^des in«-
letrers de Marseille, munis de billets de santé» dans le ictroif
dWllauch pour y faire les cultures de la saison et que les
fourniers pourraient y venir s'approvisionner de bois en i^e
faisant précéder d'un homme de conlîance. muni pardltcmeot
d'un billeï de santé.
Cette organisation une fois établie et ces mesures prises, tes
consuls firent publier la quarantaine générale. Elle commenta
le n mars 1721 et se poursuivit sans incidents, grdcc au
dévouement des uns et à la parfaite docilité des autres. Les
résultats obtenus jusulièrcnt rcfficacîié du procédé ; Cet,
après quarante-sept jours de ce régime, la quarantaine ^cot'
raie fut levée et «(laissa te lieu et son terroir san^ aucun malade
ni vieux ni nouveau » *.
C'était une Ncritablc renaissance qui se produisait. Après
tant de larmes et de deuil, après les appréhensions cruelle
qu apportait depuis longtemps chaque heure du jour et de U
nuit, après ce long emprisonnement volontaire de 47 jours, la
population d'AlIauch pouvait respirer à l'aîsc et se repreniiilà
espérer. On était au mois de ma», les beaux jours étaient rcï
nus. la campagne étalait de belles espérances.
Le premier soin des consuls maintenus en charge • fui de
parcourir le terroir pour se rend recompte de leiat général* On
procéda ensuite à la désinfection des locaux et des liardc^.
L ne escouade, composée d'un capitaine, d'un commissaire^ de
deux gardes, de six hommes guéris et de quatre femmes, se
porta dans les maisons où s'étaient produits des décès. Ija
• Arcniv. mumctp. d {ihiuçn. liciib, du ^^ âvril i-ii.
* t^Ar ordonnance du ab Avril, datée de bafbcntane. le premier Priû'
dent dcftnd aui hnbKdnis d'Allaucli de procéder au tiouv^) élit et nrnd
hommage aux consuls Caire et Camom qu'il confirme dans leur chJii;^.
Le bureau de santé fut également maintenu.
- 57. -
femmes balayent le parquet et les murs, les hommes échau-
dent les hardes, brûlent les paillasses, etc., parfument les
appartements qui sont ensuite blanchis à la chaux à trois
reprises différentes ^
Le 23 mai, la désinfection des maisons et des bastides est
achevée ; on constate avec joie qu'il n'y a plus de malades.
Mais «... nous avons quand même un extrême besoin de nous
garder, la peste étant toujours au terroir de iVlarseillc; Auba-
ine et Auriol étant toujours atteints. Les appointements sont
excessifs par rapport à cette communauté, mais il vaut mieux
payer des appointements que de voir mourir les habitants,
comme il vient d'arriver et faire de plus grandes dépenses » *.
Mais bientôt la joie fait place à de nouvelles alarmes, car
ce qu'on saluait comme la disparition définitive du fléau n'était
qu'une accalmie. Par l'effet, sans doute, du relâchement dans
l'observation des prescriptions sanitaires et de la trop facile
communication entre gens sains et convalescents imparfaite-
ment guéris, de nouveaux cas se produisirent vers les premiers
jours de juin. C'est à l'occasion de cette reprise imprévue que
rÈvéque de Marseille vint à Allauch, visita les malades, con-
sola les habitants et laissa une aumône de 200 livres **. Incon-
tinent, le bureau de santé prit des mesures sévères. Il fut décidé
que nul ne pourrait errer dans les rues après que le tambour
aurait battu la retraite, sous peine de 5o livres d'amende pour
les gens solvables et d'emprisonnement pour les autres. Les
* Pour les parfums ei la manière de les composer ei de les employer,
voir le règlement du 17 juillet 162g, articles lxx-lxxi-lxxii-lxxiii, etc.
Voir aussi le commentaire instructif qu'en a donné le docteur Alczais
dans la Revue historique de Provence^ 2* année, n» 1. janvier 1902.
* Archiv. municip. cT Allauch. Déliber, du 23 mai 1721.
> La Tisite de M" de Belsunce, à Allauch, eut lieu le b juin. Délib.
du 9 juin 1721.
572 -
assemblées furent inierdiies, les cabarets fermés, les cloaques
nettoyés, les fumiers enlevés cl jetés dans des fosses, et défense
fui portée, sous peine de di\ livres d'amende, d'en emretciiir
dans les rues. Quant aux approvisionnemenis d'eau, il fut arréié
que, pour éviter toute communication entre habitants, les pes-
tiférés guéris s'approvisionneraient exclusivement au puits de
Guiredon, les autres au grand puits* Va garde tut place
auprès de chaque puits pour faire respecter rarrcté. L'isole-
ment individuel fut mis en pratique ; dès qu'un malade était
signalé, le bureau de sanlê plaçait des gardes à la porte de sa
maison pour empêcher lui ou les siens d'en sortir. Cette me-
sure rencontra bien quelque résistance ; on congédiait les
gardes, on les chassait au besoin, «t... Il y en a qui semanci-
pcnt à 6ier tes gardes qu'on met à leurs maisons quand iU
sont malades. Ils ne pourront être Aies qu'en vertu d'une déli-
bération du bureau. A ceux qui ne voudront pas les soutfnr.
il leur sera permis de rester dans leur maison, à condition
que la porte en sera murée » *,
Le commandant de la ville de Marseille et d'Allauch, M. wîc
Langeron, chargea le médecin de Thùpital du Jeu de Mail de
venir soigner les malades, et l'archevêque d'Aix, Tintcadant et
les procureurs du pays envoyèrent un secours de 1.000 lîvro
à la ville d*Al!auch.
Celte première périodcdc la peste se termine au mois d août.
Elle a duré un an, avec une intermittence de trois moi^ en-
viron, soit du 1 1 mars aux premiers jours de juin. Les consub,
appelés à faire connaître la situation du pays, déclarent dans
un rapport du 21 août 1721 qu'avant la contagion, il y avi
dans le lieu d'Allauch ei dans son terroir environ cinq mil
personnes; que la contagion y a commencé leaoaoùl 1750
Archîv, municip. d*Àtiûuch. Délib. du 7 juillets
>epuis ledii jour jus:ju'au i" juin tyai, li y a eu mille deux
cents malades, dont neuf cents sont morts et trois cents sont
guéris. Depuis le r^ juin jusqu'au 3o,il v a eu vingt-un malades,
dont vingt sont morts et un aguéri. Au i*' juillet 17211 ilyavatt
dans les inlirmerics douze malades au bouillon et quatre
convalescentsàla ration. Du r'juilletau 10, il yaeu seize morts;
le 1 1, il restait douze malades ; !e dernier, il en restait quinze;
le loaoùt^ il en restait huit à Thôpital et sept aux convalescents;
le 2K il y en a quatre à l'hôpital et huit aux convalescents.
II y a eu à Allauch jusqu*à sept infirmeries, savoir : celles
de l'hôpital de la Charité et la Chapelle des pénitents pour les
malades du lieu ; celle du quartier des Roubauds pour les ma-
lades de la campagne ; celles du Saint*Enfant Jésus et ta mai-
son du sieur Baudoin pour les convalescents; la chapelle de
Notre-Dame du Château et le Jas, dit de l'Estangue, pour les
quarantenaires. 11 ne reste plus présentement que la susdite
phapelle pour les malades, celle du Saint-Entant Jésus et la
maison du sieur Baudoin pour les convalescents, ayant pris
les maisons de divers particuliers pour les quarantenaires*
Point de médecin, sauf depuis le 5 juillet dernier, celui en-
voyé par M. de Langeron, mais seulement deux chirurgiens
ei un apothicaire qui a composé et fourni les médicaments,
dou2e infirmiers, vingt infirmières. 11 y a encore présentement
trois infirmiers, trois infirmières et quatre corbeaux, mais il y
en a eu jusqu a huit. Le curé et les secondaires ont toujours
servi à confesser les pestiférés *. Il y a eu dans les infirmeries
* Vn des secondaires devait être le R. F. Siméon. observanttn. Une
délib^rttiori du tfi aodt tjtt nous apprend qu*i( servii « dans cette com-
munauté pendant la contagion, avant toujours confessé les pesiil'érés*
qu&nd jl a été appelé, s*étant exposé a beaucoup de dangers, ayant fait
ftesauniônes aux personnes nécessiteuses ». Il tomba milade« fut mts en
' qojraotAîne et denatnda qu'on lui payât au moins ses frais. Le Conseil
loi aiioaa 3o tivres.
- 374 -
environ cent lits pour les malades, cent draps de lit, cent che-
mises de nuit. On a usé environ dix quiniaux de mauvais
linge pour les plaies ; ei, comme il y eut un intervalle dVnv»-
ron cinquante jours sans morts ni malades et que tous cetii
qui étaient dans les hôpitaux avaient été mis en liberté chei
eux après leur quarantaine de convalescence, on avait tait
brûler la plus grande partie des matelas, paillasses, draps, çic.,
ne réservant que ce qu'il fallait pour garnir douze Hls. Il y a
eu, pour l'usage des infirmeries, cinq cents quintaux ou envi-
ron de pain, huit quintaux d*cau-de-vtc, deux cents miilcrolc
de vin (la millerole étant de quarante-huit pots), vingt milta
rôles de vinaigre, dix quintaux de riz, cinquante quintaux de
légumes, cinq cents quintaux de bois, dix quintaux de char*
bon. vingt mille sarments, dix quintaux d*huile, deux qat^
taux de savon, dix minois do sel et quâirc-vinL»i-di\ quiniâii
de viande à six sols la livre.
Après cet exposé, les consuls (ont connaître les divers objets
qui leur sont nécessaires jusqu'au 3i août. Ils demandent
quatre quintaux de blé, un quintal de légumes, dix livres Je
sel. Ils ne sauraient spécilier les remèdes dont ils pourront^
avoir besoin pour Thôpital, attendu que très souvent ei ;
les malades, il faut des remèdes dilférents. Us n*ont pas besoin
de draps de lit» chemises, bonnets» toile cirée, ni de médecin
M. de Langeron en envoyant un tous les jours pour visiter
maladcs.clsebornentàdemanderun quintal de /^ar/ wwi viottnî
pour désinfecter les hôpitaux, toutes les maisons el bastides
étant déjà désinfectées '. Le rapport se termine par cette artç
tation : «(Nous, consuls de ce lieu d'Allauch, attestons ï** nr
' Il y STaît te parfum doux cl le parfum tnoltnt le p«iftiQi
ëtau co{n|>os<^ d'une demi-livre de poix notre, de *âiidar*qiir, de csAù-
ph«oc et de soufre en poudre, d'une livre de goudron et d'Iiuiledt j
-575-
sent état véritable que nous avons fait le plus juste quil nous
a été possible, ayant été abandonnés de tout le monde dans le
fort du mal, ce qui a été cause que Ton n'a pas tenu une règle
certaine pour tout ce qu'on demande. Caire, .consul ;
Camoin, consul » ^
Le calme qui suivit cette période lugubre ne fut troublé que
par une déclaration subite et inopinée du mal contagieux dans
la campagne d'Honoré Nicolas dit TAmoulaïre. Quatorze per-
sonnes y sont soudainement atteintes; treize succombent.
M. de Langeron attribuant cet à-coup à la présence de hardes
contaminées qui avaient été celées, fit publier à son de trompe
que quiconque en détiendrait frauduleusement eut à les pro-
duire; et comme nul ne se présenta, il ordonna une visite géné-
rale, au cours de laquelle on désinfecta les hardes déclarées et
on brûla tout ce qui parut suspect (8 septembre 1721). M. de
Chaluy, nommé commandant à AUauch, arrive avec douze
hommes et un sergent, le corps de garde est rétabli, les mesu-
res générales de police, un peu négligées en ces derniers
temps, sont remises en vigueur et le calme revient dans la
petite ville. Du 20 septembre au r' novembre, aucun nouveau
cas ne se produisit; un seul décès eut lieu, celui d'un pauvre
malade depuis longtemps en traitement à l'hôpital *.
vrier, dit huile de cade. Le parfum violent, doat l'usage était plus répandu,
était composé de soufre, de poix-résine, antimoine, orpiment, arsenic,
cinabre, sel ammoniac, litarge, assa-fœtida, cumin, ouphorbe. poivre,
gingembre, son, le tout mélangé dans des proportions prévues. (D'Alezais,
op. cit,)
* Archives des Bouches-du-Rhône, c. 927.
* Le curé J^ Reynaud représente aux consuls «... que le cimetière a
été infesté par trois ou quatre morts pestiférés qui y ont été enterrés,
et comme l'Évéque de Marseille veut qu'on condamne tout cimetière in-
fecté, il prie les consuls d'en créer un autre ». On n'abandonna pas le
cimetière; on se borna à déterrer les corps suspects et à les porter à un
coin « avec un tas de pierres par dessus pour qu'on n'y touche plus ».
- 57*^ -
Soudain, un relour imprévu cclaie; le fléau qu'on crov^tiâ
jamais ccané s'abat de nouveau sur la ville ei trappe à coxàpn
redoublés. Du j"' au i3 novembre, dix personnes succom-
bent; du i3 au 20, quatorze nouveaux décès se produisent»
et du 21 au 3o, vingt-un pestiférés sont ensevelis, soit un loui
de quarante-cinq morts en trente jours, *c La peste continue
toujours, écrit Michel» à la date du 23 novembre. Nous somme;»
présentement sans viande et bloqués de partout* > Le com-
mandant veut réunir le bureau de santé : le bureau n'existe
plus. J*' Michel, son intendant, est mon de la peste ; Antoine
(luillon. autre intendant, est suspect de contagion ; le troisième
agonise. Que faire ? i)n revient à la mesure déjà pratiquée
une première tois avec succès et on prescrit une quarantaine
générale.
Le commandant fait entrerdans la ville laquaniitédc viande
et de grains jugée indispensable et établit rorganisation sui-
vante. Cinq hommes seront chargés de la distribution du pstlo,
viande, etc., à domicile ; un sixième devra parcourir les mes
après la distribution pour s'assurer que nul n'a été omis.
Deux hommes seront postés à chaque puits pour puiser Tcau i
force de bras, tandis que six hommes conduisani six mulets
charges de barils iront la distribuer dans la ville ; huit pour-
voyeurs seront chargés d'alimenter les campagnes ; les ci'*^
seront répartis par quartier dans le terroir, tandis que L
da(s garderont la ville et à toute heure de la nuit feront dei
patrouilles pour empêcher les vols et toute communicaUoD
habitants cntr'eux. Trois chevaux de piquet seront consftafl
ment a la disposition du commandant et de rinspcctcur.
Là quarantaine générale commença le i*' décembre i/si.
A lo date du \i\ le consul Michel écrivait : « 11 continue tâo*
jours daller bien dans ce lieu et son terroir; hier, il n'y eut
point de nouveau malade, il \ eut seulemcni un nuirt Jt? cVii
- 577 -
qui étaient à l'hôpital : nous espérons, avec Taide du Seigneur,
d'être bientôt sains >. La statistique va un peu à rencontre de
ces affirmations optimistes ; car elle nous montre quatre décès
du 10 au 20 et six décès du 20 au 3i ; elle nous apprend que,
le 20 décembre, il y avait encore douze malades aux infirme-
ries, que cinq y entrèrent du 20 au 3i.
La quarantaine produisit quand même de bons effets. Un
seul décès douteux survint encore le 4 janvier, et, le 27 du
même mois, Michel pouvait écrire en toute vérité à M. de
Canceris : « Il continue toujours d'aller bien et nous commen-
çons à respirer comptant vingt-trois jours sans avoir eu ni
morts ni malades, depuis le malade ambigu (sic) qui n'a point
eu de peste suivant toutes les apparences, et nous compterions
sans cela depuis 29 jours. Les chirurgiens qui trouvent leur
compte à avoir des prétextes de fairedurer la peste, condamnent
tous les malades qu'ils visitent et, si nous n'avions pas la pré-
caution de les faire mettre en despart s'il en survenait quel-
qu'un, il nous arriverait la même chose. Mais heureusement
tout le monde se porte bien et Thôpital va être vuidé dans
quelques jours ^.
Le i5 février, on mit en quarantaine ordinaire les chirur-
giens, les infirmiers et les corbeaux, tandis que la ville faisait
sa quarantaine de convalescence qui s'acheva le 18 du même
mois. Ce même jour commença la quarantaine de santé, pen-
dant laquelle les églises furent rouvertes et les offices célébrés
comme à l'ordinaire. Le 19 mars 1722, le consul Michel ren-
dant compte de Tétat sanitaire d'Allauch. écrivait : «...J'ai fait
vuider entièrement et sortir de quarantaine les chirurgiens,
infirmiers, infirmières et corbeaux et fait désinfecter toutes les
bardes qui avaient servi à l'hôpital, de sorte que nous n'avons
plus rien qui ressente la peste et nous pouvons compter de
n'en avoir plus aucune semence, car la communication est
COMORBS — 37
r- 578 -
plus grande que jamais et notre quarantaine de sanié, cotn«
mencée depuis le 18 février; nous pouvons compter, quand
elle sera (1 nie, avoir resté quatre-vingt-dix jours sans mon ai
malade et sans aucun soupi^on de peste ».
La communauté avait promis une gratification au\ mm-
miers et intirmièresqui se montreraient les plus zélés au cours
de la contagion. Mendie ei Vernei reçoiveni loo livres chacun;
Antoine Olive, 60 ; La Rousse, 60 ; Marianne Blanque, 3o.
On leur distribue, ainsi qu'aux corbeaux et aux orphelins. Ici
matelas et couvertures désinfectés, mais on leur refuse, par
mesure de sage précaution, plusieurs ballots d'h^biui, dcchc-
mises« de draps qui avaient servi aux inHrmerîes d*Aîx d que
celle ville leur envoie, car. disent-ils. ils n'ont pcuièirc pas été
sultisammeni désinfectés. Quant aux particuliers qui OUI
souffert dans leurs biens de n'importe quelle manière au cours
de la contagion, ils devront s adresser au sieur Caire, premier
consul, qui en entretiendra le bureau.
Au total et pour résumer, la maladie commença à Ailaudu
le 20 août 1720 et dura jusqu au 4 janvier lyaa* avec une in*
lermitience qui s'étendii'du 20 septembre au i*' novem*
bre 172Ï, Le total des malades durant toute cette
fut de i.33i et celui des morts atteignit le chiffre de i.ot3.
Les secours reçus furent : r 35o charges de bic (dont huit
perdues pour le transport); 2^ lo charges données par k Qui-
pitre de la Major, prieur du lieu ; 3* 475 moulons et 32
fournis parla ville d'Aix ; 4" 3. 800 livres avancées par le
rierde la Province; 5* t.ooo livres fournies par TArchc^
6* 200 livres fournies par TEvèque de Marseille.
D'autre part, les dépenses diverses pour pain, vin, légumes^
médicaments, linge, vinaigre, eau-de-vie. parfums, honoraires
des chirurgiens, corbeaux etc etc. s*clevâicnt. au 3o «fK
— 579 —
tembre 1 721, à la somme de 53.o55 livres, réduites à 46.433,
d'après le compte de Caire, consul (Camoin, autre consul,
étant mort). En octobre, il fut dépensé 1.096 1. 18 s.; en no-
vembre, 2.269 1.8 s.; en décembre, 4.194, ce qui forme Un
total de dépenses de 53.993 1. 6 s.
11 s'agissait maintenant d'obtenir la déconsignation du lieu
et la libre pratique. A cet effet, les autorités locales rédigèrent
l'acte déclaratif de l'entier rétablissement de santé qu'on va
lire :
« Cejourd'hui, 29 mars 1722, après-midi, M. de Malvia,
chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, commandant
pour le Roy dans ce lieu et terroir d'Allauch, sieur Pierre
Caire, premier. Consul, étant assemblés avec M. le vicaire et
les prêtres desservant celte paroisse, les intendants de la santé,
les capitaines et commissaires du lieu et terroir, les chirurgiens,
directeurs de l'hôpital et autres qui ont toujours été employés
pendant la contagion : le sieur Caire, premier consul, a repré-
senté à l'Assemblée que la santé, grâces au Seigneur, étant par-
faitement rétablie dans ce lieu et son terroir, il est de son de-
voir d'en assurer par acte authentique les personnes qui gou-
vernent si sagement cette province. Sur quoy, aux fins sus-
dites et en foy et témoignage sincère de la vérité. Nous com-
mandant, consul, intendants de la santé et autres, employés
pendant la contagion, vicaire et prêtres, desservant ladite pa-
roisse, disons et déclarons que la peste a commencé en ce lieu
et son terroir depuis le vingtième août 1720, qu'elle a continué
jusqu*au mois d'octobre 1721 et y ayant eu un intervalle dudit
mois d'octobre sans nouveaux malades, elle aurait recommencé
le I*' novembre eiduréjusquesau 4 janvier dernier par rechute,
auquel jour il tomba une fille malade qui, ayant resté jusques
au huitième dudit mois en départ, elle fut conduite aux infir-
meries ledit jour, n'y ayant eu depuis lors aucun mon ny ma-
58o
Tade ni mèmeaucim soupçonde peste, ayaai comnienc
raniaine de convalescence ledit jour huitième janvier, qui!
duré jusques au i8 février dernier sans avoir eu le moindre
soupçon de contagion, cl la quarantaine de santé depuis le
rS février dernier jusques à ce jourd'hui sous les ordres de
iM, le marquis de Pilles, commandant de ta ville de IMarsetlk
et lieux circonvoi&ins, pendant laquelle les éj^lises ont clé ou-
vertes, les offices divins célébrés à lordinatre et avec une très
grande communication sans quil y ait eu aucun soupçon* Que
les chirurgiens, infirmiers, courbeaux ont sorti do-quârzintataB^
où ils étaient depuis le i5 février dernier, le vingtième dup^H
sent mots, et comniunîquent dans le lieu et terroir depuis ledvi
jour; que la désinfection de Thôpital des quarantcnaires etdf
toutes les hardes qui y avaient servi pendant la pesuc a été
auparavant faite; qu'il n'y a aucune maison ou bastide ni- *' *
ait eu des malades qui n*ait été bien et duemcnt désim.
par fumée et blanchie par trois fois et que par dessus cela il i
été fait une désinfection générale de toutes les bardes qui se
sont trouvées dans lesdiies maisons ou bastides avec toute
rexaciuude possible en tel cas requise. En foy et témoigna^
de tout ce que dessus le présent acte a été signé et dressé Taii d
jour susdit et ont signé : Mauvia. commandant ; MiaïKL, llW-
pecieur général; Foiqie, intendant; Pinatcl, commandafit;
Ra^salh, vicaire; Blanc, prêtre desservant ».
Une fois ce procès-verbal expédié, la population dWllauch
attendit avec une impatience bien compréJiensible l*acte offi-
ciel du lieutenant général de Provence qui devait lut rendre là
libre pratique, permettre aux agriculteurs d aller et de rciiirt
aujt négociants de reprendre leur commerce. Cet acte de dé-
consignation fut rédigé à Marseille, le c^ avriU eienrqcistn^ à
AUauch. le i6du même mois. Le voici :
- 58i -
« Le marquis de Brancas, des comtes de Forcalquier, lieute-
nant-général des armées du Roy et de Provence, conseiller
d'Kiat ordinaire, chevalier de la Toison d*Or, commandeur de
rOrdre militaire de Saint-Louis, commandant pour Sa Ma-
jesté en Provence, Veu l'acte fait par les habitans du lieu
d'Allauch, le 29 mars dernier, accepté par le sieur Malvia,
commandant audit lieu et terroir, par lequel il paraît qu'il nV
a eu aucun mort ni malade soupçonne de contagion depuis le
4 janvier dernier; que la quarantaine de convalescence a esté
commencée le huitième dudit mois de janvier et finie le 18 fé-
vrier sans qu'il y ait eu aucun soupçon, et que la quarantaine
de santé a esté commencée ledit jour 18 février et a fini le
29 mars, pendant laquelle il y a eu une grande communica-
tion, les églises ouvertes et les offices divins célébrés à l'ordi-
naire aussi sans soupçon ; que toutes les maisons et bastides où
il y a eu des malades depuis le commencement de la conta-
gion, les hôpitaux et autres endroits désignés pour les quaran*
tenaircs et convalescents ont été désinfectés, parfumés et blan-
chis par trois fois : qu'il a été fait une désinfection générale de
toutes les hardes, linges et meubles apartenant à ceux dans les
m aisons desquels il y a eu des malades de peste; que tous
ceux qui ont servi aux hôpitaux sont sortis de quarantaine et
communiquent dans le lieu et terroir depuis le 20 mars sans
qu'il y ait eu le moindre soupçon, et enfin qu'il n'y a plus au-
cune semence de peste, Nous avons déconsigné ledit lieu et
terroir d'Allauch et permis aux habitants de commercer et fré-
quenter dans toutes les villes et lieux sains déconsignés de la
Province estant munisd'un billet de santé signé parles consuls
et secrétaire du lieu et visé par ledit de Malvia, commandant
audit Allauch, avec défense aux habitants quels qu'ils soient
de sortir sans avoir un semblable billet à "peine de la vie.
Défendons aux consuls et habitans des lieux où ceux
— 582 —
d'Allauch iront de les refuser, sous les peines portées par nos
ordres.
« Fait à Marseille, le 9 avril 1722. Signé :
« Brancas.
« Enregistré à Allauch, le 16 avril 1722. Signé :
« Michel » '.
* Archives municipales d'Allauch'. Vol. desdélib.de 1705 à 1723, conte-
nant 886 feuillets. Archives des B.-duR. cgoç. 927, etc.
- 583 -
XXVII
OBJETS ET RITES TALISMANIQUES EN PROVENCE
d'après les Collections du Museon Arlaten
Élude présentée par
MM. Louis ÀUBEHT et J. BOURRILLT
INTRODUCTION
Sans vouloir faire une élude complète, trop longue et peu
nouvelle, de toutes les pratiques qui, en Provence, ont pris avec
le temps une allure plus ou moins fétichiste (au sens 'ethnogra-
phique du mot), nous voulons donner, avec un essai de catalo-
gue raisonné des talismans f/^rèw/ compris dans les collections
du Museon Arlaten, une esquisse rapide des croyances popu-
laires, de cette espèce de religion clandestine qui s'est à toute
époque, en Provence, développée, obscure mais tenace, en marge
des religions officielles. Nous nous contenterons de décrire sans
parti-pris, sans cherchera juger (ce qui est bien inutile) ces
vieilles pratiques, legs vénérable de vétusté, et qui pour les
sceptiques doivent au moins avoir le charme des choses mou-
Brèu (Kom. brèu; b. lat. brevia : lat. proebia, amulette préservatif),
C est le nom générique sous lequel sont classes, dans une vitrine spé-
ciale (n" 26), les Talismans recueillis par le M. A.
— 584 —
ranicis. Quant à rechercher péniblement leur origine
c'ciit tort difficile el hasardeux dans bien des Ciis.
Aussi nous en liendrons-nous aux explications les plusnatti*
relies t*i à la classirication qui nous a paru la plus claire.
Les talismans qui nous occupciii peuvent à noire avîssc ran-
ger en deux grandes catégories :
/. — Résidus aiferé& et reconnaissabtcs des antiques rtlt-
gions ;
IL — Objets de conjuration, adjutoria, viatique^ ;»i t ^n
peut ainsi s'exprimer).
Les objets de celte dernière catégorie ont souvent des relai....»^
très étroites avec ceux de la première, mais leur riliaiion rdi*
gieuse n'est pas nettement établie à première vue.
L— Aux premiersàges dcnotre Provence, on ne peut douter
qu'il y ail eu une religion vraimeniauiochione ei même proba-
blement plusieurs. Les croyances métaphysiques de ces ancc*
1res primitifs devaient être assex rudimentaircst proches f
les de ranimisme professé par les peuplades fétichistes o .
que. Les Eléments, dont Thomme était bien davantage quau-
jourdliuile jouei, provoquèrent chex lui une terreur proronde.
premier siade d'idée religieuse.
Un reconnaît les traces de cette glorifrcaîion apeurée ei
sière des éléments dans les images de ces divinités retrouva
aux Baux, à Saini-Remy, à Noves, à Barbenianc.
Ce sont les représentations très frustes d*un Dieu formidi*
ble et cruel, d'un Moloch msaliable: — murtle et pattes dour
queue de hon, corps recouvert d'écaillés, û tient dans chacun
de ses gritles antérieures et dans les crocs de sa gueule un petit
enfant (Mo/tiî/re </e Sopes). La forme la plus populaire ckoe
Dévoratcur divinisé &e retrouve dans la Tarasque qui dut sym-
~ 585 —
boliser le génie malfaisant des eaux et dont la forme est très
exactement décrite dans Mirèio{c, ix, Syg, passim) :
La bèstio a la co d*un coulobre,
A d*iue mai rouge qu*un cenobre ;
Sus Tesquino a d*escaume e d'àsti à faire p6u [
D'un gros lioun porto lou mourrc,
E sièis pèd d*ome pèr mies courre.
Il reste aussi populaire sous le nom et la forme un peu mo-
ditiée du Drac, monstre ailé et amphibie, qui porte sur le corps
d'un reptile les épaules et la tête d'un jeune homme (Gervais
DE TiLBVRY. Otia Imp. ,111) \ C'est lui le vrai hérosde ce poème
du Rhône, où Mistral a fait ondoyer avec tant d'art la vie ethni-
que du fleuve et qui est aussi, comme toute l'œuvre Mistra-
liennc, un incomparable recueil de folk-lorc.
Mais à côté de cette divinité toute- puissante et inexorable, se
hiérarchisent d'autres divinités, personnifications des Éléments
aussi, mais plus douces, plus humaines, plus accessibles à la
prière, et qui souvent accordent à l'homme ce que refuse le re-
doutable Seigneur Dragon. C'est la troupe légère des Fées des
bois, des fontaines,
Amo vesiblo dôu campèstrc
qui se sont prises d'amour pour les fils des hommes lit qui, fair
blés déesses, ont pris à ce dangereux contact leurs passions folles. •
' Tous ces monstres ont trouvé place dans le légendaire chréiien pri-
mitif. Ce sont eux «que terrassent symboliquement (car ils figurent le pa-
ganisme expirant). S** Marthe à Tarascon, S. Ârmenuire à Draguignan,
S. Front à Pdrigueux, S. Victor à Marseille, S. Véran àCavaillon, S. Do-
nat à Sisteron, S. Chely en Gevaudan. Légendaire parallèle et compara-
ble aux cycles de la chevalerie Nordique, où les héros combattent avec
le même appareil les Éléments domptés (FEau, le Keu, les montres hor-
ribles) par la seule force de leur âme pure et douce.
— 586 ^
Elles vivent dans le perpétuel voisinage de ThumanrLL. ci raf
avec de longs soupirs, comme les Nymphes, dans les >{roitcs
profondes où lésa enfermées au premier tintement de VA ngtlm
la malédiction du Dieu n ou veau ♦ Leur culte cependant reste
vivacc : les Bonnes-Fonts, les forûis et les pierres où vont, dam
le Var, pour y accomplir certains rites, les amoureux. — les
dolmens qui, dans lesprit du peuple, leur sont encorcconsacrô
comme autel (la Pèirode la Fado.k Dragui^nan), sont ics vi-
vants témoins de leur survivance dans le sub-conscient de U
race*
La religion romaine» que l'administration de I^Empire im-
posa aux peuplades conquises (et dont le christianisme oab-
sanisappropria rapidement les rites) impressionna moins pn>-
iondemeoi leur imagination ; il en resta des pratiques cili
ricures de culte, mais non ce fond colore et vivant de Icgcndo
qui enrichissent notre tolk-lorc provençal : Les Fces^ les Tré*
ves^ les Dracif, Jean de IVurse, les Masques, et loyic la fouk
bruyante des Barbana, des Garafnaudo, di:s Esprits Janiaih-
ques qui grouille étrangement dans le chant VI' de Mtrèîo,
Il faut enlin faire aussi la part de ce qu'ont donné les divers
mythes étrangers qui, avec les premiers colonisateurs orientaux,
et plus lard avec les vétérans romains entrèrent en Provence:
nous voulons parler de ces mystérieux m}thes Solaires cl Ph*l*
liques» encore mal connus* dont on retrouve un peu partout
des traces nombreuses et signirïcaiives.
IL — Les objets compris dans la deuMcmc caiçit^inç que
nous proposons sont les objets de conjuration, les taliî^
mans proprement dits. Lhomme est guetté par des divinîtb
malfaisantes ; il a besoin d'être aide, il Icsi parfois ci recôo-
naît Taide surnaturelle. Mais cette aide ne vient pas san
plicattons, sans incantations et Thomme est ainsi amci^v j..
-587-
l'expérience à attribuer à telles pratiques, à telles formules des
vertus mirifiques. Certains objets, il Ta reconnu, lui ont porté
bonheur : ils sont de forme étrange souvent; ils l'ont frappé
par leur aspect, par les circonstances de la trouvaille, par leur
vertu propre, par leur rareté ; souvent aussi ce sont des
objets d'usage courant, des objets de première nécessité. Les
objets prennent une valeur, deviennent les condensateurs en
quelque sorte de quelque pouvoir supérieur et mal défini, mais
irrésistible. Ce besoin est de tous les âges : on a retrouvé dans
les cavernes et les abris préhistoriques des variolithes. des es-
cargots senestrogyres, des olives de métal précieux, des col-
liers,... dont l'emploi comme amulettes n*est pas douteux. Et
leur emploi comme ornement est très fréquent, même aujour-
d'hui.
- 588 —
ESSAI DE CATALOGUE RAISONNÉ'
I
Résidus avérés et reconnaissables d'antiques religioD.
A, — Religjons autochtones.
Les légendesdu Drac (F. Misiral, Lou Rose), — Il est figuré
dans la croix des Mariniers du Rhône, et sur un èatiotréc
lavandière desSaimes-Maricsdc la Mer.
La TABASQi't:. — Il en existe deux excmphurcii : l'un» très
réduit et très artistique, provient du couvent des Carmélilcs
d'Arles; l'autre qui est la reproduction très exacte, quoique un
peu moins f^randc que nature, de la Tarasque portée k la pro-
cession de S^' Marîhe, a Tarascon» par les Chevaliers de la
Tarasque*
Cuiie des Fées, — La iMAN-FAi»Ot sij^ne figurant un squo
letle de main ou de patle d'animal imprimé sur lecrcpi encore
frais d'une maison nouvelle. Cest un porte-bon h eu r»
Pouvoir de certains animaux :
a) La Salamandre (alabrcno) est réputée avoir le mauvais
a-il. de même que la \K\s&M^oiLacertaoceUatah
bi Lk LhZARi* est réputé l'ami de l'homme, il veille sur le
sommeil du paysan et lavertil de tout danger*
c) La TAt pk (Darboun). Les Fccs. par la malédiction divioe»
furent changées en laupes. L'Escudel qui sert à préserver
des maladies mtanliles» est un petit sachet d eloHc, sur lequel
on a cousu aux coins quatre pattes de taupes. Les pattes de
* Les objets dont il e&t parlé pa»$im »oni pour là plupart eofcrvcs
dans la vunne 26 ; voir aussi : Chambro tspousiro (visite à la JacmdQ}^
iûulo caUnéah ; Sah /txtaditru (Vitrine des barnachemenu de
A toi), panoplie de S. Nicolas, patron de la Manne fCroiii di Marine^/, 0^
— 5S9 -
taupes et celles du blaireau qui se ressemblent ("TemownJ sont
employées contre le mauvais oeil. On place aussi une peau de
blaireau dans le garniment des bêtes de trait (Prov., Gapençais
et B.-Lang.).
d) Le Serpent était un animal sacré (il représentait, chez les
Romains, le Genius loci, le génie protecteur.) La mue du
serpent (Peu de Serp) porte bonheur, et en particulier guérit
des maladies du sein. — lôu de Serp (Œuf de serpent), jade
ovoïde qui préserve de la morsure des serpents, fait gagner les
procès et découvrir les trésors (Marsillargues, Hér'*).
B. — Influence Romaine.
Nous ne rapporterons pas ici les rites qui sont passés dans la
religion catholique et ne sont pas particuliers à la Provence ;
et, d autre part, il sortirait de notre cadre de décrire en détail les
cérémonies et pratiques qui pourraient entrer dans cette caté-
gorie; nous nous contenterons donc d'en énumérer quelques-
unes. Le pain à incision cruciale (Pan Calendau), servi sur la
table du Gros Souper, tout le rituel et les accessoires de la
bénédiction des maisons, des champs (Rouguesoun) et des bê-
tes (Sant'A loi), les cierges de la Chandeleur (A^.-/).rf6M Fue nôu,
à iMarseille), les Rameaux chargés de fruits (on portait aux fêtes
d'Ariane et de Bacchus des rameaux d'oliviers pareillement
ornés), Carreto de lAgnèu (berceau illuminé pour l'agneau de
l'offrande des bergers, pour Noël : aux Baux, il est traîné par
un bélier enrubanne.) Fêtes de mai : Maio (belles de Mai),
Arbres de Mai, Bouquets de fleurs symboliques échangés entre
amoureux, Fôucado et Roumavage {ynajuma, à Rome).
Nous ne pouvons cependant passer sous silence certaines
médailles de saints où le concept religieux s'allie à queTque
vertu préservatrice :
Médailles de S. Georges, pour préserver les marins de la
tempête (do en Italie).
MédaïUen de S, Bene^ei, pour prcscivc^r la marson je u
foudre.
MédaillesdeS. Roch^^S. Roch, préservez-nous du Cholëm».
Médaille de S. Hubert, contre la peste, —etc.
C. — Cultes étrangers divers.
À) flyttie NOlaire ou Mylhriaiiiiie.
Feu de la S. Jean, batailles de scrpcniaux à Arles, et i Aîx.
La Bello Estelio, à Periurs.
Brandoun dôu Carboutu pendant le carnaval.
Le Taureau est le symbole du Dieu Milhra • ; on poumii
voir la persistance de ce culte dans la passion des pof^uUiioas
provençales pour tous les jeux de force et de ruse dont il est le
héros.
Le Soleil éiàh figuré symboliquement par une Rui k i .jv.
ire, six ou huit rais, que Ton retrouve fij^^urée frcquemmcfl
sur les objets usuels, tels que couteaux, fourchettes ei cuillers
en bois* sabots, etc.. que les bergers et les gardiens des
de Crau et de Camar/^uc burinent avec leurs couteaux (v. no-"
lamment un Battoïh ok Lavanuièhl des Saintes-Mariés de-
là-Mer : prisme triangulaire sculpté au couteau surmo5tc_
sur le manche d'une trgu ration du Drac ; Tune des faces
la roue du soleil à six rais, la croix des chevaliers de Mil
{ La légende raconte que le Drac s*était réfugie sous ks Mtf
mcnts du Grand Prieuré de cet Ordre, a Arles); l'autre itkcc^
porte l'Étoile de la maison des Baux).
H/ ilytheN |)liiilli«|ue»
Li Castetlel de la Sanlo-Baumo. Triangle composé de
cailloux allongés (symbolisant Torgane féminin) et d*un
F MisTKâL, Poémo dàu Rose, VIL tzi.
lou rond (organe masculin) placé au centre : il symbolise
l'union parfaite et consommée. — Les jeunes filles qui veulent
se marier vont accomplir ce rite sur le plateau du Saint-
Pilon. Si. Tannée suivante, en retournant, elles retrouvent le
signe inuct, Taugure est bon et il est possible même qu'elles
rencontrent leur fiancé prédestiné en redescendant la col-
line.
Ce rite était aussi pratiqué par les épouses stériles ou vouées
aux filles, qui élevaient les unes autant d*autels votifs qu'elles
désiraient avoir d'enfants, et les autres d'enfants mâles *.
Cj Aiitreii mythes, enlte cleM nombres...
Les trois nappes et les trois chandelles, qui éclairent la ta-
ble du Gros souper, la veillé de Noël.
Le chiffre 7, d'heureux augure.
Le chiffre i3, de très mauvais augure.
Division .
Objets de conjuration, adjutoria, viatiques.
A. — Objets ayant des vertus propres (réel-
les ou symboliques) qui les ont tait
choisir comme amulettes.
B. — Objets qui. par leur forme, etc., rap
pellent certains actes qu'ils peu-
vent Javoriser ou conjurer,
C. — Objets qui prennent leur valeur de
leur rare/e ou de \t\XT forme étrange.
* Le jea d'enfant appelé Castellet consiste à mettre à terre trois noix,
trois châtaignes ou trois noyaux qu'on couronne d'un quatrième, et à
abattre cet édifice avec un projectile de la même espèce. Erasme parle de
ce jeu dans ses Colloques ti Rabelais \ttiom(nt Chastellet.
ojef» a>ajii ilen %rrlit*« |ii*o|»roH (r<^ol1(«M au •ynnliolit
i|iii leN oui îitli rlitiiNii* roitioie aiiitilelle^
Le blé. C'esi un objet d'alimentation de première tfnpor->
tance. Le blé est symbole d'abondance, de fécondité. Sur laM*
ble du Gros souper, on dispose des écuelles où Ton a fjitt ger-
mer pour sainte Barbe des crains de blé : Blad df: Samo Barbo.
Le: pAfN HKNiT aux^^randes fêtes est panagé aux repas ci ap-
porte la bénédiction dont il s'est enrichî, à ceux qui en man-
dent. Il rêvât difJérentes formes, selon les y\\\aî*cs f/augasiù,
UHtrtîhado, torco, naveto.gau,,,)
Blal> ue Li no. Le soir, avant la moisson, les dmourctts
s'en vont seuls dans les champs de blé. La liancée coupe un
épi qu'elle mei nu coin des lèvres, et ils rentrent ainsi à la
maison de la jeune fille : — an culi ton blad de luno^ équtvaot
à dire : ils sont llancés.
Boi gi ET h'i->is IIÏ-: ur k. Dans la Gascogne, à Parville, près
de Moissac, les jeunes filles #llant à la messe portent au
temps de la moisson un petit bouquet d'épis de blé qu>Uei
ûrtVenl à leurs amoureux avant d'entrer à l'église; ceux-ci vont
alors attacher leur bouquet à la porte de la maison de la n'uoc
fille en guise de (ian»^ailles.
Choix d'épis* A Grisolles, près de Montauban, la porte iks
nouveaux mariés reste ornée pendant leur première année
de mariage d'une croix d'épis, comme symbole de fécondité
(d'% dans le Bazadais).
Les trois arbustes dont on bénit les branches le jour ck»
Rameaux sont: le bus, lk ul^bieiï (arbre consacré à Apc4lon).
i/oiJvic:R(il n'est jamais atteint par la tbudre : il est né du soJ
par la lance de Minervef.
On bénit à Berre, pour la fête de saint Ccsairc^ les i><cifii^
dont les femmes gardent ensuite les noyaux qui préicn'«t
d'une iniinité de malheurs.
- 593 -
Le millepertuis (erbo de la sani Jan, Trescalan) esi cueilli
le jour de la Saint-Jean. On le fait passer trois fois dans la
rtamme des feux que Ion allume ce jour-là, en criant chaque
fois : Sant Jan, la Grano ! Cela fait, orr le dispose en croix
que l'on attache aux p)ortesdes maisons ainsi préservées des ma-
léfices, de la foudre; il chasse les démons, guérit des blessures.
(Dans le Béarn, le Fenouil cuqWW pour la Saint-Jean a les mô-
mes vertus.)
Mandragore : Cest avec ses racines que les sorciers fabri-
quaient ce qu*ils appelaient la Man de glôri. Elle fait doubler
tous les jours l'argent que Ton met auprès (cft. le Mandagoi,
en Béarn).
Rose de Skhicho (Anasiaiica hierochuntica). On la fait étaler
dans l'eau sur la table du Gros souper, à Noël, avec le blé de
Sainte-Barbe: — on la place dans la chambre de Taccouchée,
aux premières douleurs : quand la plante est entièrement éta-
lée, l'accouchée donne le jour à un beau garçon (F. Mistral).
Germandrle fCa/amawrfr/e), préserve du tonnerre. Probable-
ment à cause de la ressemblance de sa feuille avec celle du
chêne, consacré à Jupiter tonnant.
Li soi'VET A la jACi do. Les amies de l'accouchée amenées par
la marraine du nouveau-né apportent les quatre dons symboli-
ques :
Le pain : pour que l'enfant soit bon comme lui ;
Le sel : qui lui apportera le don de sagesse ;
L'œif : pour qu'il soit robuste, sain et fécond ;
La uROUQiETo (Allumette, branchette de fenouil soufrée).:
afin qu'il soit toujours droit comme elle.
La crolx des mariniers Dr Rhône est surchargée de tous les
symboles delà Passion et de quelques symboles astronomiques
(F. Mistral : Lou Rose, I-VI). Elle est plantée à la poupe du ba-
teau.
COMdRÈS. " 38»
. - 594 —
Le crapaud (Lou crapaud tiro lou vérin). Il passe dans le
peuple pour être venimeux ; mais, placé sous le lit d'un fié-
vreux, il absorbe les miasmes de la chambre, se gonfle des ira-
puretés de lair et par conséquent purifie.
B) ObJeti4 qui, par leur forme, le lien où IN ont été (rtMnrés*
rappeileul certains acte» quMN peni^ent favoriser on c«b-
Jurer.
Objets contre le mauvais sort.
On conjure le Diable, les fièvres, les maladies des troupeaux.
les chenilles, les cafards,... et en général tout ce qui est malfai-
sant.
Les objets conjuratoires ont une vertu selon les matières
qui les composent ou selon ïa/orme qu'on leur a donnée; quel-
quefois la vertu d'un objet fait avec une matière conjurativc est
augmentée par la forme particulière qu'on lui donne.
aj .Malièreii conjurât 1%'eA.
Ambre, collier de grains d*ambre.
Corail, main fermée avec trous entre le médius et l'index.
Os, sachet d'os de mort, contre les convulsions des enfants.
Cristal a facettes ou a caboches.
6/ FormeH conJnralK'en.
I. — Objets pointus ou tranchants,
Pkiro de tron : Hachettes, pointes ou flèches préhistoriques
(âge de la pierre). La tradition populaire attribue leur originel
la foudre qui, en frappant les édifices, les arbres,... laisse sur le
sol une partie matérielle pétrifiée. Du reste, dès Tàgc de bronze,
la hache polie était un objet sacré. On donne aussi le nom de
Pèiro de tron aux aérolithes.
(2andelo I)k trevan, det d6u diable. Bélemnites.
Disv FEiPouNENco, DENT DE LA.Mi, dent de squale fossile sus-
- 595 -
pendue à une chaînette d'argent. On Tappelle aussi dent de pe-
RiCLE dans certains pays(de pericle, foudre.) Cest fa Glossope-
tra des anciens.
Coque poun, roump : — Pour conjurer le mauvais sort, on
pique un mou de mouton avec des aiguilles et on le tait ensuite
bouillir pour forcer le jeteur de sorts à retirer son charme ; on
obtient le même résultat en jetant des aiguilles dans un puits.
A Lourmarin (Vaucluse), on place une faux le tranchant
en l'air, contre la grèlc et les orages d'été.
La POINTE qui domine les cabanes en chaume : cette pointe,
dont l'usage remonteaux temps proto-historiques, sinon préhisto-
riques, aété postérieurement, sousTinfluence du christianisme,
remplacée souvent par la croix. Mais on rencontre encore les
pointes sur quelques cabanes. Elles préservent de la foudre et
du diable. (D^ Marignan.)
2. — Objets ocellés, stellaires ou lunaires.
Ces formes symboliques ont un pouvoir puissant contre les
maléfices et on les retrouve sur des quantités d'objets usuels :
par exemple, les lunes de cuivre à devises et ornements gra-
vés qui font partie du harnachement des bêtes de trait.
Les Astroïtes (P. de Sant-Estève), et les étoiles noires de
Digne (P. de Sant Vi.ncènt, encrinites).
On sait que la Rassado (Lacerta ocellata) est réputée avoir
le mauvais œil.
3. — Objets en forme de main fermée avec le pouce
inséré entre l'index et le médius, ou de main a index itipiialli-
giE(on a retrouvé des amulettes de cette forme dans les tom-
beaux étrusques) ou de cœur.
4. ~ Objets cruciformes (casso-diable) .
Chardon cruciforme, amulette découverte à Maillane par le
D' Marignan sur la porte d'une nftaison.
- 5cj6 —
Crous de paio, croix que font, avec deux brins de paille,
les paysans, pour garder leur bissac des fourmis.
Croix (signe de) que l'on fait avec le couteau à l'envers du
pain avant de Teniamer.
Croix de conjuration à formule, comme celle de la Pointe-
Afrique, près de Beaulieu (Alpes-M"'') contra fulgura et tem-
pestâtes. Elle porte la formule suivante (lySS) :
Crux est quam adore
Crux domini mccum
Crux mihi refugium
Crux mihi certa salus.
Chaque invocation est reproduite cinq fois dans chacun
des bras de la croix. La clef pour la lecture est le G qui se
trouve au centre de la croix.
Talismans spécifiques, topiques :
aj CollierN, braMHardM, lliratureA, ton«adeH«
CouLARET, collier de licelle de chanvre à i3 noeuds, contre
le croup.
Collier a (jrains d'amrre. Contre les convulsions des enfants,
le grain le plus gros est appliqué sur la partie malade au
moment de la crise.
Collier d'osier. Contre la maladie des chiens (Bas-LanîT»-
(Collier de bouchons (Coulas de siéure), pour faire passer
le lait aux chiennes et aux chattes (à Toulouse;.
(>AMRAROT. Hracelei de laine ccarlate contre les foulures des
poignets. Les premiers chrétiens portaient un bracelet sem-
blable, en signe de reconnaissance.
Torsade iriple en boyaux de chat. Contre les foulures et le
mal aux dénis.
-597 -
Anneau pour guérir les hémorrhoïdes, fait avec un clou
à terrer, du pied gauche postérieur d'un cheval entier : il faut
choisir les deux caboches du côté interne, en pariant du talon ;
le clou est étiré et travaillé à coups de marteau et à froid.
bj Pierreni.
PÈiRODE LA picoTo. Variolithe, contre le mauvais sort jeté sur
les troupeaux et, en particulier, contre la clavelée (picoto). On
place cette pierre dans la mangeoire, dans l'abreuvoir et même
dans les sonnailles comme matable.
Patlr de la. Agates colorées ou marbrées de blanc (Calàé-
doinc). Elles ont une forme globulaire. Portées par les nour-
rices pour maintenir abondante la sécrétion du lait et pour la
rétablir, si elle vient à se tarir.
PtiRO DE sang. Calcédoine rouge ou grenat, arrête et empê-
che l'écoulement du sang d'une blessure : par extension, favo-
rise le cours régulier des menstrues.
PÈiPO DE SEHP. Pierre dont les veines rappellent les teintes
de la peau du serpent : employée contre la morsure des ser-
pents et d'animaux venimeux.
Pkiro d'aiglo. Concrétion argileuse avec noyau interne déta-
ché qui fait un bruit en heurtant la pierre : favorise la gesta-
tion et la parturition. (Cpr. Piètre délia gravidan^a, en Italie.)
Pkiro veirenco. Pierres vitrifiées par la foudre ou toute autre
cause : on les plaçait dans les murs des maisons pour les pro-
téger de la foudre.
PÈiRO j)E Sassenage. Pctits cailloux de jaspe polis (de la
grosseur d'une lentille), que Ton trouve dans le Préciousié de
Sassenage (Isère). On les place sous les paupières pour net-
toyer les humeurs des yeux, ou en extraire les corps étrangers.
(Cpr. Petre di S. Liicia, en Italie.)
598 — .
cj ObJelA dU'erN.
QuEissAi DE BÈsTi. Molaifc de bœuf ou de mouton, contre
le mal aux dents.
Marron d'Inde (^sculus Hippocastanum). Se porte dans
la poche, contre les hémorrhoïdes (Bas-Languedoc).
Rhizome du gouet (Arum maculatum), d**.
Gousses d'ail. Contre les vers intestinaux (portées en collier
par les enfants). En Italie, il est de tradition que Taii cueilli
le jour de la Saint-Jean soit employé comme amulette contre
les vers des enfants.
CmvAU MARIN (Hippocampe) que les marins portent dan^
leur bonnet contre les accidents de mer et contre les maux
de tcte (à Marseille).
TiGNO. Cocon de la Mante religieuse pour les maux de dents
et contre les engelures (en prov. iigno).
Nids de mésange penduline (Debassaire, Piegre). Suspendus
dans les cabanes, les préservent de la foudre. Se retrouve
en Autriche et sur les côtes de l'Adriatique. (F. Mistral, Mi-
re io. Vil.)
Sachet d'os de mohi . Contre l'épilepsie.
Sachet de \n:t: ( Ruta grapeolcnsj. Pour favoriser l'accouchc-
mcni ; - cm ménagogue.
Dkvino-vènt. On emploie à cet usage le corps du mariin-
pccheur (Amie, bluicl), ou celui d'un malormat (pcristidiam
malonnat), poisson de mer qui a deux pointes (comme Jeux
cornes) sur la tèic. Le /.)cr//20-vé/i/ est suspendu par un îil au
plafond dans les cuisines des mas pour indiquer le tenip>et
l'élai hygroméirique de l'air. L'ntableaude Teniers nous mon-
tre un poisson devino-vènt [LLtuve de village. Musée de
Cassel;.
— ^99 —
CJ Objets rareA et qui preoDenl leur valeur de leur rareté
ou de leur forme étrange.
Tout objet rare (même chez les civilisés) prend une valeur
lalismanique. Nous bornerons notre liste aux objets renfermés
dans la vitrine 26 du Musée Arlaten :
Cacai.ai so BEBOussiÈRO. UcHx vcrmiculata senestrogyrc.
EspiGO BEsso. Épis de blé jumeaux sur la même tige : signe
de deuil ou de mort pour celui qui les trouve.
Amandes doubles. Portées dans les poches contre le mal aux
dents (Lourmarin, Vaucl.).
Noix TRILOBÉE (Nosc à 3 glauso) : préserve du tonnerre et de
la murène.
Trèfle a 4 feuilles.
Sors TROUÉS, portés comme amulette. Certaines monnaies
(écu de 5 fr. avec la vache, monnaies impériales romaines, me-
nue monnaie avec l'initiale napoléonienne); — dans le Gard,
les Bouches-du-Rhônc, les mères ou les bonnes amies des
conscrits cousent dans la doublure de la veste de ceux-ci des
dardeno pour leur faire tirer un bon numéro.
EscuDELETO DE S'*-Éleno. Monnaics du Bas-Empire conca-
ves ou bombées légèrement. Elles préservent des maléfices.
Peircsc rapporte que les Pénitents d'Aix les faisaient porter
aux condamnés à mort qu'ils menaient au bourreau.
6oi
XXVIII
LE COSTUME D'ARLES
par M. J. BOPRRILLT, d'Arles,
'Président de fEscolo Mistralenco.
On dit toujours : Le costume d'Arles se perd, il sera bientôt
rareic «irchéologique. Cette note pessimiste est exagérée, mais
il faut bien reconnaître qu'elle contient une part de vérité.
Le coi^iume arlésien est bien moins porté qu'autrefois;
mai^s, croyons-nous, ce qu'il a perdu en nombre, il Ta ga-
gné en pureté et en élégance, car il s*est formé, tel que nous
le vovoas aujourd'hui, peu à peu, graduellement ; il s'est,
par des transformations heureuses, des éliminations méthodi-
ques, débarrassé d'une surcharge d'ornements qui le faisaient
riche, mais un peu lourd d'allure. La ligne en est devenue
plus sobre, plus (ine. Nous ne voyons plus, le dimanche, sur
nos Lices, aux Arènes, d'amples jeunes Hlles, à la chapelle
«t gori;iesement ^ parées de bijoux, la tète ceinte du ruban floi-
lani dans le dos, Vèse à manches énormes et la robe évasée en
crinoline. Arles n'est plus riche; il n'y a plus ou il y a peu de
biiouv : les bijoutiers arlésiens ont du reste tout fait pour que
disparaisse le beau bijou provençal, orfèvri à Saint- Remy, et
lui ont substitué la pacotille parisienne. Mais la silhouette d'une
jeune artésienne est toute grâce, toute élégance, toute distinc-
tion, et chacun de ses gestes (étudié, qu'on n'en doute pas) est
un geste de reine, sure d'elle, à l'aise dans son costume.
602
Qu'elle meue sur ses épaules le chile brode» ou le châl
àombré d*hiver» celui-ci simpliHe la lif»ne, amonii les gestes; il
moule Tépaule et se serre au creux des reins par un gracicits
mouvemeni du coude qui ie laisse lâche ci boutTani sur la poi-
irine. 11 se creuse à la taille en plis chatoyants qu'un mouve-
ment déplace et accentue, avec le biais exquis d*une clé^ifite
d'Ouiamaro. — Qu'elle révèle le manteau somptueusement
garni de fourrures, c'est alors syr les Lices la ^Taviié d*UQe
(héorie de déesses : la démarche est lente, les groupes sassefn*^
blcni et s avancent en ordre harmonieux, sans ^jesies* avec b
seule humanité d'uo sourire. Mais au printemps, à I clc, lors-
que châles et manteaux sont rangés dans Te coffre de ckàrt^
ces statues divines s animent, se font femmes; toute la %ni'adti
de la race, charme et iinessc, reparaît : le dimanche aux Are*
nés, vers les plus hauts gradins pleins de soleiU elles aiment a
promener, à l'abri de Tombrelle qui les colore comme un au*
tel sous les vitraux, et lorsqu'elles se penchent* toutes frémis-
santés, vers le drame d'en bas, c'est avec tant d'émotion
qu'elles suivent le jeu de l'homme et de la bôic, elles ont, envi*
ronnées de lumière, une grâce si aérienne, qu'elles ^emblcnt
bien ne poser qu'en oiseau leurs petits pieds sur les dalles noi-
res. El sur les Lices, à la sortie dts Arènes, c'est une aoima-
lion de volière et dans le jour qui s*éteinl, quelque mirai;
précis, délicieux, comme l'évocation d'un rcvc déi'i f
liesse orientale et lointaine.
Mais entrons dans le détail, recherchons comment est né
ce costume et ce qu'il est aujourd'hui ^ Il serait difficile d*€Si
étudier les formes 1res anciennes; il t)e s'est pas crée spooG»*
* Nous a^ons titudir, d'une ftçon beaucoup plus complète qot DOtts 9i
le pou%cn^ faire ici, ces transformations du costume dans un irAVAiLare;
dessina qui paraîtra in ccssAin ment dins la Revue Félitrétmni.
— 6o3 —
nément : il y a toujours eu un costume d'Arles ; et ce qui
prouve qu'il a des origines profondes et antiques, c'est qu'il
est localisé précisément dans une portion historiquement
très importante du territoire provençal : le diocèse de l'ancien
Archevêché d'Arles. Le costume arlésien est, en effet, porté
dans soixante villages qui forment les treize cantons actuels de
cette ancienne circonscription : Arles, Tarascon, Saint-Remy,
Chateaurenard, Orgon, Eyguières, Salon, Lambesc, Saint-
Chamas, Istrc, les Saintes-Mariés de la Mer, Beaucaire et
Aramon. Bien que TArchevôché d*Arles ait été démembré au
profit de nouvelles circonscriptions, le costume s'est main-
tenu dans les cantons passés à Tarrondissement d'Aix ou
au département du Gard, malgré les barrières politiques et
administratives qui les séparent d'Arles.
Le costume arlésien, dans la forme où nous le voyons, n*est
pas très ancien : les premiers essais de transformation dans le
sens actuel datent d'une centaine d'années à peine. Le costurfie
qu'il a remplacé était tout différent : un corset très rigide (lou
cors) en damas, en soie brodée ou brochée ; un fichu de den-
telle ou de mousseline brodée, « en chenille >► f/a moudesto) ;
une vaste coiffe de riche dentelle, qui prenait toute la lèie et
ne laissait passer que quelques boucles de cheveux (recouleto);
un petit mouchoir (plechoun) prenant la coiffe au-dessus du
front et venant se nouer sur l'oreille gauche ou sous le men-
ton ; par dessus le cors, une espèce de casaque courte de taille,
à longues basques flottant en rubans (droulet); enfin jupe
courte s'arrètant à mi-jambes :tel était ce costume curieux et
riche assurément, mais où la grâce le cédait au pittoresque.
Il disparaît vers le commencement du xix« siècle pour faire
place à un costume plus étoffé. La coiffe s'entoure d'un large
ruban à fleurs vivement colorées et que l'on noue en ganses
énormes sur le devant de la tète. Le cors a disparu ; le drautei
Bu^si, La robe s*agrandil et s'allonge. — Puis, au\ et
de i85o. le ruban de lète se laii plus peliL On ne fait plusU
ganse, et peu à peu le bout se détache de la coiffe et floiic, La
mince marge blanche du Hchu de mousseline qui appa^^i^&ail
sous le fichu d'indienne s'élargit et devient la lar^c chapelle k
plis nombreux ci rc^'ulierSj d*une éblouissante blancheur.
qui, avec les dorures et les pierreries, fait le costume de ctm
époque si somptueux. Le ruban de léie s'étage sur la coiffe pluï
pciite, cl enserre les cheveux jusqu'au-dessus de l'oreille recou-
verte par les bandeaux « à la vierge »; le bout du ruban, co*
touré de riches deaieltcs, se détache et flotte mollement ius-
qu aux épaules,
La forme actuelle (et détinitîve, croyons-nous/, du costume
ne date que d'une dizaine uu d'une quinzaine d'années an
plus. La cAtipe//e s'est faite plus étroite, a plis rccti lignes. î<
réunissant tous à la ceinture. Le lichu qui, moulant le&épao-
les, en accentuait la chute, s'est redressé, Axé par des cpinglci;
il se croisait sur la poitrine, elles bouts venaient sarrèicf des
deux cèles de la taille : il se croise seulement à U ceinture ei
les bouis sont ramenés en avant et fixés avec des cpinj^le^, de
façon à former une espèce de cœur. Débarrassé de tous la
ornements inutiles, il se porte en général tout uni et non
brodé. Tout cela se détache sur Vcse noire à manches ctrouc».
La coiffure aussi a été transformée, par rapparition des
doubles bandeaux (rcpesset). Les cheveux, jusque-là sépares en
deux masses sur le front, se relevaient au-dessus de rortiUe
et se rejetaient ensuite sur la nuque : le revexsci consiste t
que les deux masses de cheveux prises plus haut sur j
sont lordues ensuite en dedans et enroulées autour du ^ -
de sorte que chacun des bandeaux se dédouble en une partie
plus lâche qui retombe de chaque côté
couvrir, ci une partie tordue et serrée qui
— r)o5 —
élégante sur la première. Le ruban, ne pouvant plus flotter lon-
guement derrière la tète, se raccourcit ; le peigne qui soutient
la coiffe et le ruban se place exactement sur le sommet de la
tète. La masse des cheveux est tout à fait détachée de la coiff'e
et supporte avec aisance le ruban, dont le bout reste ferme et
coquettement dressé. ♦• :..i '-' >i'p
La toilette d'intérieur (qui n*est plus guère portée à présent
que par caprice, dans les bals ou en carnaval), difl^ère de la
précédente par le grand fichu de percale très blanc, parle
tablier à ramage et la cravate, La cravate est une pointe de
toile fine entourant la coiffe et nouée sur le devant en oreilles
de lapin; elle se porte très petite et coquette avec ses deux
bouts brodés dressés en crête, en bericouquet : cela s'appelle
èstre couifado en Mirèio.
Le vêtement arlésien, /en principe, est fait d'une simple pièce
d'étoffe, non coupée, drapée, ajustée sur le corps, à l'antique * :
ainsi la jupe, qui est la pièce d'étoffe telle quelle, froncée sim-
plement autour de la taille; ainsi le fichu, carré d'étoffe plié
suivant la diagonale, plissé, et le plus souvent non ourlé;
ainsi le chàlc retenu au corps par les coudes et par deux épin-
' Il ne faut cependant pas qa'il y ait d*éqaivoque sur ce mot. Le vête-
ment antique est généralement flottant. Le vêtement arlésien est, nous
venons de le dire, un vêtement ajusté au corps. Un exemple fera mieux
saisir la distinction. Le péplum et la palla, retenus par des agrafes, lais-
sent, pendant la marche, l'air les enfler ou les plaquer sur le corps en
beaux plis sculpturaux : le châle, au contraire, est simplement placé sur
les épaules, et c'est un mouvement de coude qui le serre aux flancs. Le
vêtement antique est fait pour de nobles gestes, le costume arlésien est
beau par sa ligne même.
Une confusion plus grossière a été commise : le rapprochement injustifié
que l'on a fait de la coiffure arlésienne avec certaines couronnes murales,
attributs de divinités; il suffit de connaître la construction de la coiffure
arlésienne pour s'apercevoir de l'absurdité d'une pareille comparaison.
~ (>0«»
fjles aux épaules; de même le voile de mousseline bianche %\ut
Ion porte aux enierrements, aux processions, aux commu-
nions, et qyt rappelle d'une façon frappante les lignes àa
Jîammeum antique
Tandis que le costume arlésicn prenait de plus en p»uN u
caractère de vêtemcni traditionnel, se fixant chaque jour da-
vantage dans des règles étroites, le costume françars tendait de
plus en plus à la commodité, devenait le costume qu'on passç
rapidement, qu*on coule et qui ne doit pas ^'6ner : rc%'o]utU)û
dans la mode et le |:^oùi IVan^^ais due h des importations angio*
américaines. Forcément, les deux costumes, TArlcsien et le
Français, ont dû se développer en sens contraire, le premier
accentuant davantage son purisme, le second recherchant avec
la plus libre fantaisie tout ce qui pourrait donner au corps plui
d*aisance* et se pliant aux exigences nouvelles de la vie mo-
derne. Kn somme, dans te costume ancieû français et arlcsteUt
le trait dominant c'est la surcharge d*ornemcnts, de
noyant le corps qu*on ne soupçonne même pas; — dar, -
costume actuel, c'est d'une part la grâce impeccable de ÏA-k-
siennectdelautre, la préoccupation visible et constante dV-
commoder au corps Taisance ou le collant du vêtement ; cette
différence capitale entre les deux costumes a permis ;'i -
d'Arles de se développer d'une façon si royale, compara:. ^.
ment à celui ôqs damâtes qui, de la province, imitent avec un
mauvais goût fréquent les trouvailles parisiennes.
Ce qui lait aussi le caractère du costume d'Arles, c'csi ^
un vêtement ajuste. LVVrlésienne, au moyen d'épingles,
pose elle-mcme les plis de sa chape/te d du fichu; mit
plus ou moins haut sur les épaules, les plis donnent au fkini
un caractère différent d'élégance. Il en est de même du ^
qui, placé sans art, devient si aisément lourd ci dîsgmcicu>
— Go7 —
L'Arlésienne peut, par des modifications de détails insigni-
fiantes, imprimer à sa toilette un cachet particulier.
* if
Nous avons dit en commençant que, malgré sa grâce incom-
parable,le costumed'Arles avait une tendanceà disparaître: c'est
malheureusement indéniable. Il y a, — avec la disparition
générale de toute particularité locale, — d'autres causes aussi
lortes et aussi inévitables ; le symptôme le plus grave est la dis-
parition du costume d'intérieur (coiffure en cravate et fichu
blanc) et l'adoption de plus en plus généralisée, même hors la
maison, du caraco qui tend à remplacer Vèse et la chapelle.
Autrefois, l'Arlésiennese coiffait dès le matin « en Mireille >,
pour aller à l'atelier ou pour vaquer aux soins du ménage; le
lichu très blanc, croisé sur Vèse, donnait du cachet à cette toi-
lette. Une jeune fille, il y a seulement quatre ou cinq ans,
n'eut pas osé sortir moins attifée ; aujourd'hui, elle se coitîe
provisoirement en chignon et porte un caraco de grossier pi-
lou ou d'indienne ; cette mode, d'abord localisée dans la mai-
son, s'est généralisée, si bien que non seulement on sort ainsi
la semaine, mais que, dans certains villages, même le diman-
che, on va au bal ou à la promenade dans cet accoutrement.
Le corsage est si commode à mettre ! il ne manque que le cha-
peau pour que le costume soit celui de dame ; le pas est aisé à
franchir. Aussi voit-on non-seulement des jeunes filles qui, au
seuil de leurs quinze ans, hésitent à « prendre les coiffes >,
mais même des femmes mures qui, délibérément, abandon-
nent le costume qu'elles avaient porté jusque-là et qui leur ac-
cordait encore quelque beauté. Ajoutez à cela le préjugé absurde
qui fait que l'on trouve* mieux portées » les toilettes parisieB*
nés adaptées au goût provincial par de maladroites taiU
— ()o8 —
Ajoutez encore Texistence plus active, le sans-gêne des rela-
tions, tout le protocole de l'ancienne vie d*Arles qui disparaît:
vous avez là les ennemis impitoyablement ligués contre
le malheureux costume arlcsien et qui, sauf miracle, tinirom
bien par en avoir raison.
11 ne faudrait cependant pas se montrer non plus trop pessi-
mistes. En i863, Jacquemin, dans une tirade non dénuée de
littérature {Monogr.du Théâtre Antique, A\*-propos), prédisait
déjà la disparition imminente des monuments, de la vie publi-
que, du costume d'Arles, ses prophéties ne se sont pas très
bien réalisées : il faut être prudent pour prophétiser des ruines.
Le costume arlésien est moins porté, c'est vrai ; mais il y a
à cela une compensation : les Arlésiennes qui gardent le cos-
tume le portent très purement; elles forment une sorte d'aris-
tocratie de la race, gardienne de ce que celle-ci a de plus no-
ble : cet idéal de beauté et de grâce qui Taiguillonne. qui la
pousse et qui se réalise parfois. Peut-être le costume arlésien
va-t-il devenir seulement un vêtement de gala que l'on sortirait
aux grandes occasions. Devrait-on regretter qu'il dévie en ce
sens ? Nous ne le croyons pas. Il aurait moins à craindre
des influences étrangères pernicieuses, car il faut espérer qu'il
se garderait alors par une tradition invariable.
— tK)9 —
XXIX
Notes sur la Verrerie en Provence
par M. TAbbé ARNAUD ITAGNEL,
Correspondant du Ministère de t Instruction pubiique.
Membre de la Société de Statistique de Marseille et de la Société
archéologique de Propence.
Le but de ce travail est de fournir quelques éclaircissements
sur Tindustrie de la verrerie en Provence et particulièrement à
Marseille. Le lecteur y apprendra le nombre et l'importance
relative des manufactures avant la Révolution, la nature de
leurs produits et les principaux débouchés de leur commerce.
Il y découvrira, peut-être avec intérêt, à quelles difficultés
vint se heurter cette fabrication dans son développement au
xvni* siècle.
Malgré leur antiquité, les verreries lesplusanciennesdu midi
de la France ne peuvent pas rivaliser avec celles du Poitou, de
la Champagne ou de la Normandie. Elles ne remontent pas
au-delà du xiv« siècle et doivent leur existence à un certain
Ferri (on lit dans quelques chartes Féré). Il en établit deux,
Tune à Goult et Tautre en pleine forêt de Valsaintes, dans le
diocèse d'Apt. Le bon roi René s éprit d'enthousiasme pour
Tart de ce Ferri et lui accorda, comme marque de grande joie
et contentement, des lettres patentes de noblesse et toutes
sortes de faveurs et privilèges. L'heureux fabricant de Goult
devint ainsi le premier gentilhomme verrier de Provence.
COMOKÉf. - 39
5<
— Oio —
Ce paternel monarque lui acheta, loo florins, pour les offrir
à Louis XI, des verres moult bien varioles et bien peints.
Les ateliers de Goult produisirent des œuvres d art très ^^
marquables, à en juger par le verre du roi René dit à la Made-
leine. La pécheresse en décorait le fond, elle était à genoux aux
pieds du Christ, debout sur la paroi, avecTinscription en excp
gue dans le champ :
Qui bien boira,
Dieu verra.
Qui boira tout d'une haleine
Verra Dieu et la Madeleine.
Deux titres relatifs aux Fcrri figurent au registre Aquila, sous
le folio 39.
Le premier, du 14 août 1470, est en faveur de Benoît et de
ses fils Nicolas, Jean et Jacob, ainsi que de leurs descendants.
Ils sont et seront exempts de tailles, subsides, péages et autres
impositions quelconques dans le Comté de Provence, en con-
sidération des services rendus par leurs ancêtres qui ont exercé
depuis un siècle le noble art de verrier.
Dans la seconde charte, datée du i5 juillet 147Ô, le roi René
déclare que, sur les éloges qui lui sont faits de la verrerie de
Goult, il octroie gracieusement à maître Nicolas Ferri lofricc
de bon verrier avec la pleine et entière puissance des droits,
honneurs, libertés et prérogatives attachés à cette charge.
Divers membres de cette famille exercèrent cet art jusqu'au
r<évolution.on en retrouve à Marseille à la fin du xviii* siècle.
On trouve encore diverses mentions d'anciens verriers pro-
vençaux, nous en citons deux. Le 23 février i5oo. la commu-
nauté de Marseille paye à maître Michault, lo verrier, et à
maistre Humbert ^ per llll virials que a fach per las logu
1 «
- 6ii —
fl. XV'L et al dict Humbert per las treyihas que a fach per los
dïcts Ili! vidais fl. VU».
Selon toute vraisemblance, ce Michault était marseillais, si-
non d'origine, tout au moins de résidence.
Dans la secondé mention du temps du roi René, il est ques-
tion d'une somme de onze florins etsixgros «a cause d'achapt
fait de maisire Jehan Salvage, verrier de la dite cité d*Aix, par
vingt-neuf paulmes de verial par la chapelle du dit Seigneur a
raison de quatres gros le paulme et par la reparacion au dict
veria! su.
Ce Jean Sauvage travailla pour le roi René à diverses re-
prises.
Nous ne mentionnerons pas ici les verriers du Comtat-
Venaissîn qui font le sujet d'une étude en préparation.
Avant de donner quelques indications générales sur les ma-
nufactures provençales, il faut faire brièvement Thisiorique
des fabriques marseillaises. Leur situation exceptionnelle dans
ce grand port de commerce mérite de fixer davantage Talien-
tion.
La première verrerie fut fondée dans cette ville, en iSyS, par
François Debon. Elle fut construite près de la Poissonnerie-
Vieille, Cet établissement changea de propriétaires vers la fin
du xvi!' siècle. A la famille Debon, succède les Sallard, par le
mariage de Claude de ce nom avec demoiselle Thérèse.
Après la mort de son mari, Thérèse, veuve Sallard, conti-
nue la fabrication. Elle s'associe le sieur d'Escrivan, son neveu
par alliance, Tépoux de sa nièce Claire Debon.
En 1761, le fils de Thérèse Debon, veuve Sallard, présente
' Archives communales de Marseilh, mandat n» 66.
* Arch. départ, des ^Bouches-du-Rhône, B i657,'f»6i.
II
rii2
une requête pour obtenir Jii roi réiablisscment d'une n<
verrerie
Le sieur Sallard-Debon avait renoncé, dès sa jeunesse. I U
profession de ses ancêtres pour embrasser la carrière navale. Il
était parvenu au grade de capitaine de vaisseau, mats« ruiné par
les guerres ci les malheurs du temps, il aspirait après uncsîiiii-
lion lucrative.
Le 14 novembre i<jqq, un nommé Coulomb avait tenté Je
taire construire une verrerie sur les terrains alors incultes dcli
Jolieitc. mais les échevins en avaient arrêté aussitôt les ni-
vaux '.
La seconde manufaciurc devait être l'œuvre des Fcrri. mais
ils n'y réussirent qu'après plusieurs essais infructueux. Llpr^
mière tcniaiive remonte à 1718* A cette époque» les suppliaius
ne demandaient Tauiorisation que d'une toute petite vcrrcnc
La municipalîié d'alors s'y opposa, sous le fallacieux prétexte
que la fabrique des Debon suffisait aux besoins de la vilkct
que les médecins et les apothicaires y trouvaient loas les ifls-
truments de verre qui leur étaient utiles*
En 1743, nouvelle demande et nouveau refus. Cette fois, le
sieur de Ferri avait acquis, près de la rue Sainte, un icrrAioct
une ancienne fabrique à plomb, qu'il comptait convertir co
verrerie. Sur les plaintes énergiques du sieur d*Escrivaa» et
* Un gentilhomme de Moniterrat obtint dlienn JV, en irno, r^atcMii»-
lion d*diablir des fiibriqucs k Piirîs, Orléans, Rouen, C^en, Afi)cer%. Poé*
tiers. Bordeaui, Toulouse et Marseille. Cette dernière Tui elle foo*!^^
Malgré nos recherches aux Archives communales et départemenules et dâs
tes mifiQtes des nouires de Marseille, nous n'afons pu trooirer aocot
donnée sur cet intéressant problème. Nous n'avons pat été plus hesnat
au iiuietdu cdlèbre Antoine Cléricy. nommé, par brevet de Louti Mil.»
1641* grand maître de U verrerie royale. Cet \oto»nc Cléhc», meotiOdié
comme potier à Marseille avant son départ pour Paris.fabriqaj^t-y jurcfn
dans ses ateliers de Provence P
r
'- 61 3 -
succËSSEur des Debon, le Conseil d'État vint mettre échec à ce
projet ei le local fut loué à un fabricant de fafence. Quelque
temps après, il réussit cependant dans la réalisation de son dé-
sir et, avec l'agrément de Sa Majesté, installe des ateliers dans
le voisinage des jardins du Chapitre de Saint-Victor.
En 1770, le sieur Ferri de la Grange présente une requête
pour solliciter du roi la même faveur qu'avait obtenue son cou-
sin.
A défaut d'une origine marseillaise, il fait valoir son mariage
avec une demoiselle originaire de cette cité et les nombreux
immeubles qu'il possède dans cette ville. D'ailleurs, il ne s'agit
pas de créer une nouvelle usine, mais simplement de transpor-
ter dan^ ce grand port de commercecelle qu'il fait actuellement
valoir à Mimet. Après une longue attente, cet industriel obtint
enlin gain de cause.
Plusieurs suppliques avaient été adressées dans le même but
par divers particuliers pendant la première moitié du xviir siè-
cle. Entr autres, celle du sieur de Grou en 1727.
De 1760 à 1790, diverses verreries se fondent à Marseille,
celles de Gaspard-François Laugier en 1778, de Bourgarel en
1786. d€ Charirier Philippe et Compagnie en 1788. Ceux-ci s'in-
titulent fabricants de verres noirs et blancs, de verres à vitre,
cristaux et émaux de couleurs. Un nommé Rouvier fabrique^
en 1789. des verres polis et assortis propres pour le Levant.
L'usine la plus considérable était celle du sieur de Revelard
qui, suivant le témoignage de ses contemporains, avait ap-
porté en Provence le secret de faire des bouteilles noires, de la
plus parfaite qualité qu'on puisse fabriquer dans ce royaume.
Celte usine en produisait annuellement 800.000.
On lit dans un mémoire manuscrit de l'époque qu'il y avait
à Marseille, en 1784,, neuf petites verreries, brûlant par an
t3o.ooo quintaux de bois.
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-6.4-
Si l'art de la verrerie n'a pris à Marseille que peu d'extension
et n'y a eu qu'un développement tardif, faut-il accuser de mau-
vais vouloir les gentilshommes verriers ?
Le nombre de leurs demandes d autorisation est là, pourté-
moigner de leur désir ardent de fixer le centre de leur fabrica-
tion dans la grande ville provençale.
Si ces suppliques n'ont presque jamais abouti, la faute en est
à la municipalité marseillaise.
Rien d'instructif à cet égard, comme de lire fes délibérations
de la communauté relatives à ces demandes et de les comparer
à celles de la Chambre de commerce traitant des mêmes affai-
res. Tandis que les négociants mettent en avant toutes sortes
d'excellents motifs, en faveur de l'établissement de verreries
nouvelles et mieux outillées, les édiles combattent ce projet de
parti-pris.
Ils n'opposent qu'un argument contre à toutes les raisons
pour, mais ils le présentent et le font briller sous toutes ses
faces. Cette unique objection est le péril que court la ville de
manquer du combustible nécessaire au chautfagc de ses habi-
tants et à leurs autres besoins. Ce danger est rendu encore plus
sensible, d'un côté par l'accroissement rapide de la population,
de l'autre par l'extension de l'industrie. Or, on n'emploie pour
la confection du verre, que du bois à brûler et il en faut des
quantités énormes.
Malheureusement, la Provence est pauvre en forcis, il serait
criminel de ne pas en régler les coupes avec une sage pré-
voyance.
Les gentilshommes verriers ont une réponse ad hominem.
Klle se trouve dans toutes leurs réclamations.
Les manufactures de savon, écrivent-ils, les raflineries de
sucre et de soufre, les faïenceries et les tuileries se multiplient
tous les jours, sans que personne y voit le moindre inconvé-
i
i:
— 6i5 -
lîîênl et pourtant toutes ces fabriques font une consommation
immense de bois à brûler. Nous estimons donc, qu'une verrerie
de plus dans Marseille ne peut porter aucun préjudice à cette
ctté, puisqu'on n'y brûlera pas davantage de bois que n'en con-
somment deux, ou tout au plus trois de ces autres fabriques. ;
Loin de s opposer à la formation de ces dernières, on Ta faci-
litée le plus possible et Ton s'en est réjoui. .
La grande mortalité des arbres, en 1709, rendit les édiles pi
marseillais plus apeurés et, par suite, plus entêtés dans leur re- ■[ «
fus. S'ils font taire, au profit des faïenciers, la crainte que leur J
inspire le déboisement progressif du pays, c'est qu'il s'agit \
d'une industrie locale dont ils sont jaloux et fiers.
Quant aux savonniers, ils sont assez nombreux et assez puis-
sants pour s'être rendus redoutables, puis, leurs savons ne font-
ils pas la fortune et la gloire industrielle de la ville ?
Pour le malheur des verriers de Provence, leurs produits ne
jouissent d'aucun renom. La poursuite sans relâche, dont les
verreries sont Tobjetde la part de THôtel-de-Ville, tient peut-
èirc â d'autres causes. Cette fabrication, avec ses nuages épais
de fumée noire, est l'une des plus incommodes qui se puisse
imaginer, elle passait alors pour Tune des plus malsaines.
Sans partager le parti-pris de la miyiicipalité de Marseille,
lÉiaise montre sinon franchement hostile, du moins peu fa-
vorable au développement dé l'industrie verrière en Provence.
Dans rintérèt des agriculteurs, le gouvernement voulut arrê-
ter un déboisement funeste à la campagne provençale, dont il
devait augmenter la sécheresse déjà si forte. Les ministres qui
se succédèrent à la Marine craignirent de manquer du bois in-
dispensable à la construction des navires de guerre et des vais-
seaux marchands,alors plus qu'aujourd'hui leurs auxiliaires
obligatoires.
Avant de transporter le bois à leurs fabriques, les verriers
^ 616 —
étaient dans la nécessité rigoureuse de lesoumettreau contrôle
d'inspecteurs chargés officiel lem en i de reconnaître, s*il n*êtAii
pas utilisable pour les consiructions navales.
Dans ce cas, il était transporié d'oOice dans les chantiers Je
La Cioiau ou de Marti^ues, Sous Tempire de ces préoccupa
lions légitimes, lauiorité royale lit faire une enquête des plu^
sérieuses sur Téiat des verreries en Provence.
Les informations furent prises et communiquées à M, delt
Tour, alors intendant, par les subdélégués de ^on admioistri*
lion.
Les divers papiers, rapports et lettres, émanés de ces nutgil*
trats, forment un dossier conservé aux Archives départemtiï*
taies des Bouches-du-Rhône, fonds de riniendancc.
En réunissant les indications éparses dans cette correspon-
dance, on se fait une idée assez juste et assez complète dcU
fabrication du verre dans le midi de la France.
Les verreries provençales ne sont pas groupées dans une
seule ré^»ion, mais disséminées dans le pays. La plupart sont
situées à la lisière des forêts, loin des agglomérations urbai-
nes, excepté» bien entendu, celles établies à Marscttic méinc.
dont il a été déjà question.
Sans compter ces dernières, le nombre de ces tah
dans le cours du xvin*^ siècle, varie entre ro et i5. C .-^^-
celles d*Arles, de Mimet et de Peypin, dans les Bouchcvdi^
Rhône ; d'Artigucs, de Bagnols, de Cuers, de Varages, de
Masaugues, dans le Var ; de iMonfuron, de Simiane, de Vai*
saintes, de la Bastide-des-Jourdans, dans les Basses-Alpes. Il
taul (oindre à ces noms la labrique de Samt-PauL au loTWf
de Fayence, dans les Alpes-Maritimes. Quelquefois, plusicun
manufactures relèvent d'un seul directeur, ou plutôt d'iin^
seule famille. Un exemple typique est celui des cinq verrçfics
de Monfuron, Cuers, Stmiane» la Bastide des-Jounlaos â
Valsaintes, toutes sous l'unique direction de mattre Ferh.
r
i
— 6ï7 — ^
Après les Ferrî, ei à une grande distance* on peut citer. ^
parmi les i^eiililshommcsi verriers de Provence les plus connus,
les Buisson, de Bagnols ; les Gai ta, d Arti^ues ; les Douard,
d'Arles ; les Papon, de Peypin.
Pour ne pas être exposés à suspendre leurs travaux, faute
de combustible, ies maîtres-verriers arrcnlaieni une éten-
due de forêts plus ou moins vaste. Us y faisaient eux-mêmes f
leurs coupes de bois, suivant les nécessites de la fabrication.
Ainsi, Antoine de Buisson, propriétaire, en 1740^ de la manu-
faaurede Bagnols, prend à ferme pour deux ans ies solitudes
boisées du fief de Meaux. Ses bûcherons abattent le bois et les
mulets de la fabritjueen font le transport-
Les bâtiments des verreries sont très souvent d anciens
locaux que Ion transforme en les adaptant à leur nouvelle
destination.
Le sieur Papon achète en i/Sg, au marquis de Barbentane,
le château de la Destrousse. 11 loge son personnel ouvrier dans
les étages et installe ses ateliers au rezHie-chaussée el dans les
communs du château qu'il utilise à cet effet, l'ne installation
de ce genre est simple. Le seul point dcHcat est la construc-
tion des fours. De leur réussite plus ou moins parfaite dépend
le succès de renireprise. L entretien de ces fours, même savam-
ment construits, est une source de dépenses considérables. Ils
sont faits sur difTérents modèles : les uns, à une place ; d'au-
tres, à deux ou à trois.
Des fours servent à préparer et à Hquétier les matières pre-
mières, qu'on jette ensuite dans d autres, d'où les ouvriers les
sortent à mesure quMls les mettent en œuvre. La fabrique de
Varages en a trois de chaque espèce ; celle de Simlane en a le
même nombre, tandis que celte d'Artrgues n en a que cinq ;
les deux manufactures de Masaugues en ont huit chacune.
En dehors de ces salles de fusion, il v a les chambres, où les
— 6i8 —
ouvriers travaillent les pots au creuser; le laboratoire, les
magasins et les entrepôts.
Dans les usines où l'on brûle, au lieu de bois, du charbon
de terre, il n'y a d'ordinaire qu'un grand four. L'usine de
Peypin est sur ce type.
A l'exemple des fabricants de faïence, les maîtres verriers
ne sont pas des hommes de bureau, ils ne se contentent pas,
comme le font les usiniers actuels, d'une simple tournée d'ins-
pection hebdomadaire ou quotidienne, mais ils dirigent conv-
tamment leurs ouvriers en travaillant en commun avec eu.T.
D'ailleurs, les ouvriers sont leurs tils ou leurs frères, des
parents ou des amis.
Ce métier si dur, quoiqu'il expose celui qui s'y livre à un
labeur insupportable, est réputé profession libérale. C'est un
art dont l'exercice est réservé aux seuls nobles. Les Français
seuls peuvent travailler dans les verreries.
Un arrêt du Parlement d'Aix condamne Joseph de Buisson
à une amende de loo livres pour avoir reçu et employé dans
sa fabrique deux jeunes gens originaires de Lartha.
Les verriers font venir de Charlieu, près de Roanne, la terre
pour la confection des briques du four à fusion et des creu-
sets. Les sables employés pour la fabrication du verre se tirent
du terroir d'Aubagne et d'ailleurs ; les groizils, de Lyon.
Il est intéressant de savoir la nature spéciale des produits
manufacturés en Provence, leur nombre respectif. On apprend
ainsi comment se fait la répartition du travail à l'intérieur des
usines. In état descriptif des verreries de Varagesct de Bagnols
fait connaître les deux espèces de fabrication, dont relèvent
plus ou moins tous les ateliers méridionaux. Dans les uns. on
fait à la lois des produits tins et grossiers, des articles de lu.u
et de commerce courant.
Dans les autres, et ce sont les plus nombreux, on ne fabri-
que que des verreries communes.
— t IJ —
A Taiaopes. sept tiir^Turrr» Travaillant : Tmii> au ve-^
les quatre autTs;i> aii vtirrt iro^iitcr. de j nu leur vtrraar^- Béb
irois preniierb ou^rierb en tm. I un si^i un anirit^ louioin^
occupa a iauL h^ pittres c.mcîieb et enioi-vee^. uiliîi.-. qut i=:t
chandeiterb et Les ranau^^. bb beniiierb e: teiN vaÂe^ en xeiuî: Il
conCectionne ai^ssi kes dezonnmni^ îkiut II (ieisgr.. bi^ nuiit^rî^.
Ic5 carateb ci icb verres, a bairt taçonne^. Touff>UT> au iri-inic
artisie est contiiit ia îahricaiiOE âêiicau: eniri: muie^ aei^
rrmnenb» de chimie, œ phvsique ci ne cnrurijie Se> niQin^
habiieb loiu encore aeb iam^eb de lomci^ x^ranaeu^:^ e: air iiui-
les tormeii. des taceb et dci^ paremenii ai chenu née
Le second ou^Tier aiot son CJÎtex^le les fou^^ oe sunms^
na:ff . et les verrei: a boire tins sont sa si>e::iaiiLL 'juatu ati
troisième, il tan toutes tes verreries DÎanches commune^
^'olc^ conrmcnt as reparte îe iravaii de ia tabricattJii des.
verreries pn>ssieres.
Le premier ou^Tier tan les ou^Taxjes les mus dimcir^ Ct
sont les dames- lean nés. les ^3sses Dnuteihes rnnaes îM>irr la?
eaux, celles de torme carrée, don: ia contenance varit d une
a cinq pinies. les hexai,'onales a î usaire aes janareiierÀ te
bocaus de toutes dimensions pour ie^s rransnort> sur mer da?
nulles et des oi?vt;s de Pr^vL^nce II :at: encore d'immenses
récipients a î usa^e oes xjens de la campainie.
Le secon:! ouvrier mn les bouteilles rondes a laniilaLse....
Les deux dernierb tabriqueni des ^joneîets pour les mariBS
et de petites borne i lies pou^ les vovaireurs. anneiees ianirite&
de bœuts- Mais leur principal empio; est de taire des tnpeîtes
à liqueurs et a strops. Cette tab^ication. d'abord peu active.
devint très imnonanie vtrrs 17J.0 par suite du deveiorrDemeni
que prit a Marseille l'indu-^ne at la Dartumerie. au demmen:
des pari umeurs m^oi^. \ araaes exi>eduiiî annuellement dani»
cette ville 1 00. 000 to;)ettes.
— 620 —
Le mémoire sur la manufacture de ^agnols fournil des
renseignements complémentaires sur la fabrication du verre
en Provence. Comme le rapport précédent, il est daté de
Tannée 1740. Dans sa verrerie, le sieur de Buisson emploie
huit ouvriers, lui compris. Pendant les neuf mois de travail,
on y fabrique 45.000 bouteilles environ de 3 au pot. Ces bou-
teilles sont vendues à Nice pour les expéditions de vin muscat
et de liqueurs. On y produit encore annuellement 200 dames-
jcannes de 20 à 24 pots la pièce et 6.000 flacons à essences
qu'achètent les parfumeurs de Grasse. Il se fabrique enfin
40.000 verres à boire, partie fins, partie grossiers ; 5oo petites
bouteilles et 400 gobelets.
Dans cet inventaire, il n'est fait mention d'aucun article de
luxe.
La plupart des pièces de verre fabriquées en Provence se
débitaient sur place. Elles servaient surtout aux usages de k
vie domestique. Quelques-unes, candélabres, corbeilles ou
garniture de cheminée ornaient les salons bourgeois de l'épo-
que. D'autres enfin, telles ces petites cruches pour le baptême,
avaient une destination liturgique,
Marseille seule expédiait à l'étranger une part plus ou moins
considérable de ses verreries. D'après les statistiques de la
Chambre de commerce, les principaux débouchés commer-
ciaux étaient, au xvni* siècle, la Savoie, le Levant, l'Espagne
et ritalic.
En 1766, les fabricants marseillais recevaient des verres cas-
sés de Savoie pour une valeur d'environ 5. 000 livres, mais ils
y expédiaient 17.140 livres de leurs produits manufacturés,
verres communs et bouteilles. A cette même année, les expé-
ditions pour le Levant s'élevaient à la somme de 18.140 livres.
Il était intéressant, pour l'histoire de l'industrie en Provence,
de noter les caractères spéciaux de la fabrication du verre en
— 021 —
ce pays et de rappeler brièvement les luttes des geniilshom-
mes verriers contre la malveillance des magistrats locaux et
les craintes exagérées du pouvoir royal. Favorisés sous le bon
roi René, ils devinrent suspects sous Louis XV^ ei Louis XVL
— 623 —
XXX
NOTE SUR LES OBJETS D'ART
de tancien diocèse de Vence,
par M. 6. DOUBLET,
professeur de première au lycée de Nice, CorrcspKm.itint du Ministère
Président de la Société des Sciences, Lettres et À rts
des Alpes-Maritimes.
Le diocèse de Vence était un des moins ciendus de Tancienne
France. 11 comprenait les cantons actuels de Vence ' et de Ga-
gnes * quatre des huit communes de celui de Coursegoules \
deux des treize de celui de Saint-Auban *. ei deux des dix de
celui du Bar ». J'ai essayé de donner une monoi^raphie de cha-
cune de ses paroisses « : aujourd'hui, je voudrais brièvement
donner une idée de ce qu'il est resté de ses objets d'art
' Vence. Le Broc, Garros, Gattières, La Gaude et Saint-Jean nei.
* Gagnes, la Colle, Saini-Laureni, Saini-Papl et ViKeneuve'Loobei.
* Coorsegoules, Bezaudun, ^ouyon et Gréolières.
* Caille et Andon (dont Thoreoc fait partie) «
i Gourmes et Toorettes.
■ Ânn. de ta Soc. des Lett, Se. et Arts des K U. — Tome XVI, La
cathédrale de Vence (1898); tome XVI 1. La collé^^tale de Saint-Paul (tSogV
et le canion de Vence {igoo) : tome XVII I, Le c^inion de tZagnes (iqoxI et
le reste des paroisses (igoS).
En 1905, j'ai publié des additions et corrections (Nice, Makano).
124
offrent peu d'iniérôi au poîni de vue architfctti-'
raL La cathédrale éiaît, sous Louis XV, si nous en croyons un
rapport du chapitre à M"" de Lorry, « la plus pauvre enlise. C(
pourtant une des plus anciennes, du royaume ». Elle éufl
alors ^ si ruinée » qu'elle paraissait « avoir éprouvé la fumif
des protesianis >*. On dit qu'elle a été bàiie sur les restes d*on
temple de Diane ou de Mars, et que, sous les piliers» des idoles
ont Clé ensevelies par les chrétiens. Vers le milieu du xvn« siè-
cle, on voyait encore « dans la sacristie, qui est de la plus haute
anfiquité, une niche dans Tépaisscur du mur mîioyen avec le
sanctuaire, et dans cette niche un trou par lequel on prctctid
qu'on consultait la fausse divinité et qu*clle donnait ses ora-
cles i#. M*' Godeau» de TAcadémie française, le fit boucher»
Dans l'église de Saint-PauU qu'il éri^^ea en collégiale en iTAi,
on remarque la chapelle de saint Mathieu, construite par J.-B.
Barcillon, aumônier de la seconde femme de Gaston d'Orléans.
et celle de saint Clément, embellie par Bernardi, camcritf
d'Innocent XL
Quelques tableaux méritent d*être signalés, bcux sont dates
et signés. L'un est de Jean Darei et fut fait à Paris en 1661 :tI
représente saint Mathieu écrivant sous la dictée d'un Ange es
présence de saint Antoine de Padoue et du bienheureux Picrr?
de Luxembourg; il est dans la chapelle Saint-Mathieu 3e
l'église de Saini-PauL L'autre est de L. Griosel el fui ùit «
17H6 pour le Grand-Séminaire de Vence ; il représente k$
saints Charles Borromée et François de Sales qui présentoU
de jeunes séminaristes à la sainte Vierge ; il est au-Uessosio
maître-autel de l'ancienne cathédrale
Pour d'autres, nous n'avons que des attributions mcenaiil&
Dans l'ancienne cathédrale, un saint Véran bénisMani Its Ve^
çois est rapporté à Sauvan ; un saint Lambert l*cst in xniM
peintre ou à Sylvestre Bagnî. Dans l'église de Saint*Paul, ont
sainte Catherine ef Alexandrie, dont une visite*
Ion dit en 1699 que c'est «c une fort belle peinture ». et une de
iM"'de Bourchenuen I7ï6,quec*esi^yn original d'un fort bon
peinire3»»a été altri buée à Lebrun ou à Lemoine. Dans leglisc
du Broc, un saint Antoine et saint Paul ermite a été rapporte
à Tun des Canavesi ; un de ses coins garde les restes des ar-
moiries, que je n'ai pu déchiffrer, d'un évcquc ; une copie de
ce tableau esi dans Teglise de Vence,
Jignore quel est le blason épiscopal qu'on voit sur un Christ
en croix qui, aujourd'hui conservé dans la sacristie de celle-
ci, ornait la chaire a la fin du xvn* siècle, et je ne sais pas qui
fut Tauteur d'uuQ Descente de Croix qui, aujourd'hui conservée
dans régi îsc de Saint- Paul et ornée du blason des Villeneuve-
Thorenc, était jadis dans la chapelle rurale de la Gardeilc,
Signalons encore le vieux tableau de l'église de Toureties,
les saints Antoine, Pancrace et Claude: dans celle de Venccà
droite et à gauche de la chapelle Saint-Lambert, les peintures
qui ornaient, sous M*' Godeau» les portes en bois de ce qu'on
appelait *< le reliquaire w — nous dirions «t le trésor », — de la
cathédrale* un saint Véran et un saint Lambert ; dans la cha-
pelle de Notre-Dame du Peuple à Bezaudun. un triptyque figu-
rant la Mater omnium ou *l Vierge au manteau )*.
Passons aux sculptures*
La plus ancienne est le sarcophage romain où, dit-on, saint
Véran fut enterré. Ilsertd'auicl dans une chapcUede l'ancienne
cathédrale. Edmond Le Blant l'a cité comme l'un des types de
ces tombes païennes qui, « sans doute purifiées par la présence
d'un corps saint, ont vu s'accomplir des guérisons miraculeu-
ses j». On y voit des génies qui vendangent et foulent les raisins;
des dieux marins qui soufflent dans des conques (ce qui ht
croire à Tabbé Tisserand que les NerusH, dont Vence était le
chef-lieu, adoraient Nérée) ; deux bustes, des masques et des
caMcnàs. — 40
siriiîilcs, que M^"^ de Bourchenu appelait nu \vi
figures elornemcnrs gothiques >,
A Textérieur dccetie église, de curieuses plaqucsde I cpOi)ue
romane, qui poricni des entrelacs et des aigles. Sous le cfépî
des colonnes de la nef. on a trouvé, il y a quelques années, dei
motifs d'ornementation analogues et quelques fragments de
sculptures : un personnage tenant un polumen, cic...
L ancienne cathédrale possède aussi le tombeau où sâinî
Lambert fut enseveli ; on y lit six hexamètres laiîn^
Quelques ouvrages de bois sculpté sont rcnîatquauio
rVaborJ les stalles de l'ancienne cathédrale, exécutée.^ par un
Orassois, Ja^otin Bellot, de 1453 à Sy, placées d'abord autaur
de Tabside, réparées par l'artisic en 1495 et réédifïéesparluica
ijfj là où nous les voyons aujourd'hui, au bas de l cglisc, iim
la tribune. Les détails de ces sculptures sont encore Ibrtinic-
rcssanis, bien que le temps et peut-éirc la Révolution n'âietii
pas épargne ces stalles dont un évéquc disait en 1768, il coû*
vient de le rappeler, quelles étaient en mauvais état. Les dcat
premiêrcîi stalles à droite et à gauche servaient aux deux pnti*
cipaux dignitaires du chapitre, le prévôt et le sacrîstc ; cllci
ont» ainsi que celle du milieu qui servait à !'évèquc« leurdii»
ogival avec des baldaquins découpes à jour. Le dossier des
stalles hautes, rencorbellement, la frise, les accoudoirs et Ici
miséricordes témoignent d'un travail des plus curieux.
Dans l'église de Tourcites,an voit une boiserie du xv siècle
Lesdocuments apprennent que c'est un fragment d'un retnUc
jadis doré en partie, qui orna la chapelle de Noire-Daine du
Peuple près de ce village et fut brocanté au xix' siècle par «i"
des curés. L'ne visite de M*' de Bourchenu nuusdit qu'il rcprt-
sentait la vie de la Vierge* Il se peut que Bellot im ait été TaUi-
teur.
A noter, dans la chapelle des saints Anges de la c -
— 627 —
la vieille pçrte en bois de la prévôté ; elle est du xv* siècle, mais
otfre à sa partie supérieure une tête de Christ qui est plutôt
d'allure romane. Dans Tcglise de Coursegoules, un ostensoir
en bois où est « une relique de sainte Marie-Madeleine )►, of-
ferte et certifiée en lySi par M«' de Surian ; dans celle de Gar-
ros, une croix de bois où est une parcelle de la Vraie Croix,
donnée par un commandeur de Malte, Pierre de Blacas-Car-
ros, au xviic siècle; dans cette église et dans celle du Broc, des
reliquaires aux armes de cette même famille ; dans l'ancienne
cathédrale, un reliquaire en bois où sont les restes de saint
Lambert, authentiqués en 1776 par M«' de Bardonnenche et
non profanés lors de la Révolution.
Passons aux orfèvreries.
Le trésor de Saint-Paul, cache lors de la Révolution et re-
trouvé en i852, comprend des pièces fort belles. Notamment
trois statuettes d'argent repoussé au marteau, en partie dorées:
une Vierge du xiii« ou xiv siècle, dont le socle a contenu, selon
quelques évêques du temps de Louis XIV,4<du bois de l'écuelle
dont Marie se servait, venu de Lorette », un saint Sébastien et
un saint Jean-Baptiste qui datent plutôt du xV, un bras d'ar-
gent décoré d'une image de saint Antoine et. sur la base, de
l'inscription : Hoc est reliquiarium beati Anthonii factum
(^anno) MCCCCLX(die) VII mensis martii. En outre, un reli-
quaire d'argent en forme d'omoplate, qui aurait contenu un
os de l'épaule de saint Georges ; une croix processionnelle en
argentdoré du xi V siècle, où Ton voit, dans les quatrefeuilles du
devant : Dieu le Père, la Vierge, saint Jean, sainte Madeleine,
et dans le supérieur de l'autre face (les trois autres ont perdu les
plaques qui les décoraient) l'Aigle tenant une banderole où se
lisent, en caractères gothiques, le début et la lin du nom
Johannes : quelques reliquaires en cuivre.
Dans l'ancienne cathédrale, un petit coffret en vermeil du
r
— »)2^
Icv" siècle, orné de l'inscription Slancii} Blaxt\ de sç&nes relata
vesà la léfjende de saint Biaise, évéque de Sébaste, d'armoinc*
de je ne sais quelle taoïille. Dans 1 église du Broc, une croix pto»
cessionnelle d argent ornée d'émaux ; dans celle deGréolièrcs.
une croix analogue, non émaillée ; dans celle de Carros. oû
petit ostensoir d'argent sur le pied duquel est gravé le blasotk
de Godeau.
Signalons encoredans l'église de Vcnce la croix pectorale du
dernier évéque de cette ville, mort évcque dciNamur,
Pour terminer cette notice sommaire» il faut faire une place
a l'une desclochcsde Tourettes qu'une tradition locale attribue
aux Templiers et qui a Tinscription Vox Domini sonai : enfin
a un vieux tabernacle en bois qui est dans une des chapelles de
réglise de Saint-Paul : orné des armes de la famille de Won-
dis, il est de forme hexagonale, porte des peintures relativcjsà
l'Ancien et au Nouveau Testament, des inscriptions qui les ex-
pliquent, la date i5.g die 5 lunii {Vnn des chiffres est illisi-
ble), et passe pour avoir été décoré par Antoine de, Hondis»
peintre de Saint-PauK qui exécuta, pour les Observa niinsd'An-
libes, en i53q, un beau tableau, le Christ aur le xtiaire. qui
est aujourd'hui dans la chapelle de Thospice d'Antibes.
Je mt; permets de renvoyer les lecteurs qui désireraient plus
de renseignements sur ces divers objets et sur les autres qui.
moins importants, donnent d'ailleurs une idée de ce que le tous
petit diocèse de Vence posséda, aux monographies que j'ai fwî
paraître dans les Annales de la Sociéfé des Lettres, Scienctt ft
Arts des Alf>es*Maritimes et dans le Bulletin archéfAoKtqnt
du Comité des Travaux historiques de 1898.
Georges Doiblct.
Nice, juillet jl^Î.
— 629 —
XXXI
Les Hélailles frappées en Hiear lu Bal le Mm
Essai descriplif par le Baron OUIXiLIBBRT,
Secrétaire perpétue! de l'Académie J'Aix,
Vice-*Président de la Société d'Études Provençales.
Le plus illustre marin français du xvur siècle appartient à
la Provence. Le Baillf de Suffren eut une telle valeur excep-
tionnelle, il a conquis aux yeux du monde entier une gloire
si méritée que l'Empereur disait de lui, à Saintc-Hclènc. qu'il
avait un génie militaire égal au sien, et qu*on l'a surnommé
depuis le « Napoléon de la mer » '.
Suffren est originaire d'Aix, bien qu'il soit né au château de
Saint-Cannat, résidence d'été de sa famille, dans la commune
de ce nom, aux environs de la vieille capitale de la Provence *.
Le marquis, son père, était premier consul d'Aix et procu-
reur du Pays, en 1725.
La biographie et le récit des cxplpits de Tamiral de Suffren
ont fait l'objet de fort nombreuses études qui, de i8o5 à nos
jours, durant un siècle, exaltent, môme en vers, notre très
* La marine militaire en France sous le règne de Louis XVI, par
Lacouh Ga^et. professeur à l'École supérieure de marine. Paris, 1905.
* Les rues li'Aix, par KoixAlpheran. Imp. Aubin, 1845, t. l**, p. 644
et s.
- 63o —
célèbre compatriote '. Et ce n*cst pas seulement par des écrits
que des homma^'es solennels ont été rendus à sa mémoire.
Des monuments lui ont été élevés sur nos places publiques ;
combien de rues portent son nom ! Dans les musées, ses traits
ont été reproduits par des artistes renommés.
Les statues, bustes et portraits de SulFren sont décrits dans
un travail iconographique de Térudit écrivain d'art, notre
confrère regretté, M. Octave Teissîer.
Les médailles ne sont pas comprises dans cette icono/;ra-
phie.
Il nous a paru qu'un essai numismatique, à cet égard, avait
d autant plus sa place marquée dans ce Congrès, assemblé à
Toccasion del'Exposition Coloniale, qu'il rappellera les exploits
accomplis par un héros provençal dans les mers des Indes.
Cinq médailles ont été frappées en Thonneur de Suffren :
trois de son vivani, en 1784 ; la quatrième, en 1825 ; la der-
nière, 78 années après sa mort, en 1866.
La plus connue est celle des États de Provence ; elle figure
dans la plupart des collections publiques. Il n'est point de
cabinet d'amateur en Provence qui ne la conserve en belle
place.
La deuxième est beaucoup moins répandue ; l'aixois Gibe-
lin la composa et la dédia à son compatriote. On peut l'ad-
mirer à l'exposition de l'An provençal -.
If^norce du plus f^Tand nombre, et d'ailleurs excessivement
' Petite bibliothèque héraldique généalogique de la Provence, par
Kobirt-Kf.boll. ()llic:er d'AcaJdmie, membre de l'Acad. royale héraldique
italienne. Pisc, iSSi. n* >^«» à ^^4.
- Lex médailles et les jetons de l'roi'cnce, par M. Maurice KAiahAULi.
b -archiviste deb B.-du-K. Imp. Bertrand, à Châlons-s.-Saône. igo3, p. 10
et 12.
— 63i -
rare, est la médaille consacrée par les Hollandais à l'illustre
amiral tran^j'ais. Il n'en existe peut-être pas dix exemplaires,
le coin s'étant brisé à la frappe. C'est une œuvre dart superbe*.
Nou^ la reproduisons avec la précédente, en photogravure.
La quatrième médaille du Bailli de Suffren fait partie de
la i;alerie métallique des grands hommes français. On peut
facilement se la procurer. Le buste, à l'avers, est ^'ravé
d'après la médaille des États.
Nous lavons fait mouler en plâtre pour le Congrès.
Enfin la cinquième et dernière a été coulée par le fondeur
marseillais de la statue de Suffren élevée à Saint-Tropez. Elle
est plus introuvable encore que celle de la Compagnie Hol-
landaise ; elle a une valeur toute de souvenir et elle n'aurait
été établie qu'à trois exemplaires.
No^ recherches, à ce jour, ne nous ont fait découvrir que
ces cinq médailles en l'honneur du Bailli de Suffren.
La description détaillée de chacune d'elles complétera les
indications i^énérales qui précèdent.
L — MÉD\ILLh: DES ÉtATS Dt PpOVENCE.
Au droit ou avers : Buste de Suffren, à gauche, le cou nu.
les cheveux relevés sur le front, noués par derrière.
Kxergue : P. And. de Slffren S* Tpopez chev. des obd. du
poi 'iP. CROIX DE l'Opd. de S^ Je.xn de Jérusalem amiral de
I-'hance.
S i.iî nature de Du pré sous le buste.
Au rcvcfb : L ne couronne de laurier, fermée à la partie
* Sotice sur la médaille offerte au Bailli de Suffren par la C ' Hotlan-
Jaise des lndcs( orientales, Inip. Alfred Caron. h Amiens, mars i855.
H
532 —
supérieure par le blason de Provence, ei entourant cette légcûJt
en neuJ lignes :
Lm C\î' PHOri^UiK I IKINgt KMALK NUS | ^lOULittOl f» !
LiNDK IJÉI KNDUli | î»l\ COMBATS GLOKIEUX \ LES ETATîi DK r^
ONTDKCKRNK | cin-T£MiiDAiLLE | MUOCLXXxiv | . Diamètre ^4^ m '
limcircs*
II — MKDAtULE Dï*: G lUELl^ (Voit id photogrû]mr4)
A I avers, en exergue, à droite : sic aphëllit (c est ainsi qaî
aborde) et au plein : le bailli de SurtVen» valu à lanuqt:
casque» monté sur une galère aux armes de France, tou
lerre et avant d aborder cueille une branche au palmier iiujod I
la Victoire ailée, demi-vctue» qui vient le recevoir, amam sa î|
f^alèrc. Au pied du palmier, un vase à brûler des parfutr
lequel figure un chameau en relief. Dans le fond, i
des palmiers; au-dessous, en petits caractères rom^iin
ligne : Antonius Spiritus Ciibehn inv dedic. : et en l^tiftk I
G ALLO INDIA SERVATA ET AUCTA | DVCE PKT, AUD. DC Si
S. Tropez I AyiiséiXTiENsi Egi-, Hieros I Class. rcg. pnefi:
Au revers, dans une couronne de launer, t:cttc in^ '^
Civis ) AgLi-St\TiKNsïs I D» D, | Concivi oi^timo
vtcTO I MiKCLXxxtv | ; ct unc petite couronne de kitrier
dessoiis. Diamètre : 68 millim*
ill. MÉDAILLfC pE LA CoMPAGHie Hoti^AKOAIO îtl
InuES-OrIENTALES (VoirU phutograrurci
KH^ y voii a i avers une tête aliegorique a ^jlj
tant rindc sous la ligure dune jeune femme de . ._ _ -
quable. La coiffure est retenue par un réseau de perles; ék ^|
consiste en une tète d'éléphant« $ur le dcvanlj ii\xc sa tfOO'p
McdailLe dijdiéc pur rsprii-Anh-ini! riHU:LlN.
r
— 633 —
et ses défenses ; le tout surmonte d'une couronne ; une perle
longue pend à Toreille jusqu'au ras de la chevelure.
Sous le cou est un gouvernail antique, autour duquel s'en-
roule un rameau d'olivier, symbole de la paix conquise par
l'amiral.
On lit en exergue : Societas. indicana. orientalis. F/Ed. Belg.
Le revers porte au milieu d'une couronne d'olivier cette
légende sur huit lignes : Inclyto. | Viro. d. Suffren. | régis.
GALLLt. ARCHl | THALASSO. FORTISSI | MO. OB. C0L0N1AS. DE | FEN-
SAS. ET. SERVA | TAS. MDCCL | XXXIV. | .
Elle a été gravée par un artiste célèbre d'Amsterdam, Schepp.
sur le dessin» de l'archéologue François Hemsterhius, de
La Haye. Son diamètre est de 80 millimètres.
IV. — MÉDAILLE DE LA GALERIE METALLIQUE.
A l'avers, buste de Suffren ; la tète, à droite, est gravée
d après celle de la médaille des États de Provence ; costume
d'amiral avec épaulettes et grand cordon de Tordre de Saint-
Jean de Jérusalem.
En légende : Pierre André de Suffren. ^
Au revers, l'inscription suivante sur huit lignes, avec la faute
de l'année de naissance 1726 (alors que le bailli de Suffren na-
quit en 1729), NÉ I EN MDCCXXVl | A SaINT-CaNNAT | MoRT | EN
MDCCLXXXVIII I GALERIE MÉTALLIQUE | DES GRANDS HOMMES FRAN-
ÇAIS I 1825 I . Diamètre : quarante millim.
V. — MÉDAILLE COULÉE POUR l'INAUGURATION DE LA
STATUE DE SUFFREN A SaINT-TrOPEZ.
L'avers est la reproduction de celle des États de Provence,
buste de Suffren à gauche. Une différence existe dans l'exer-
- 634 -
gue : au lieu que le mot Jérusalem soit en toutes lettres, il est
en abréviation Jerus, et à la place des lettres alem se trouve
le mot vice précédant celui d'amiral.
SufTren n'avait, en effet, que le titre de vice-amiral. Le
savant numismate, M. Laugier, le regretté conservateur du
cabinet des médailles, à Marseille, inspirateur de cette médaille,
a tenu à être exact.
Le revers porte l'inscription qui suit en petites lettres, sur
six lignes : « La statue du bailli de Suffren, érigée à Saint-
Tropez en avril 1866, a été coulée en bronze à Marseille par
P^ Maurel, fondeur, d'après le modèle de M' Montagne, sculpt%
le 23 décembre i865 ».
Et en haut, l'écusson du bailli, portant les armes des Suffren :
4c d'azur au sautoir d'argent cantonné de quatre tètes de léopard
d'or, au chef de Malte ». Au bas, les armoiries de la ville de
Marseille. Diamètre : quarante-neuf millimètres.
Telles sont les médailles frappées à la gloire de l'illustre
marin que la Provence a donné à la France.
Si le nom de Suffren est rendu impérissable par la numis-
matique, il l'est encore par le poème de Mirèio. Qui ne con-
naii la ballade qu'a consacrée notre immortel génie proven-
çal, F. Mistral, au Baile Sufren que sus mar coumando ?
Cet hommage poétique vaut une vraie médaille d'art. Aussi
ne saurions-nous mieux faire que de l'évoquer en terminant.
- 635 -
XXXII
LE THEATRE A AIX
depuis son origine jusqu'à la Révolution,
Par K. Fortuné JULIEN,
Ancien Professeur à l'École des Arts et Métiers d\Kix,
Le ihcàire à Aix, comme dans toute la PVance, eut pourori-
^'ine les mystères, drames religieux dont les sujets étaient em-
pruntés à l'Ancien et au Nouveau Testament. Aux mystères,
vinrent bientôt s'ajouter les moralités, jeux, farces et soties^
pièces plus courtes et plus légères, dans lesquelles dominait
l'élément comique.
II serait impossible de déterminer exactement l'époque à la-
quelle, pour la première fois, des mystères furent représentés à
Aix. Mais ce qui paraît hors de doute, c'est que le roi René, qui
était, comme on le sait, grand amateur de fêtes et de specta-
cles, en avait fait jouer devant sa Cour. Un manuscrit, déposé
aux Archives des Bouches-du-Rhône et cité par M. Petit de
Jullcville dans son ouvrage sur les mystères, nous apprend
que « Jehan du Périer, dit le prieur, maréchal des logeys du
« roi, reçut, le 26 décembre 1478, 25o florins pour ses bons et
^ agréables services et aussi pour certain livre ou histoire des
<s Apôtres qu'il avait dressée et mise en ordre. »
Il s'agit, d'après M. de Julleville, du drame intitulé les Actes
— 636 —
des Apôtres, dont les auteurs étaient les frères Ernoul et Si-
mon Grcban (du Mans) et auquel Jehan du Périer aurait seu-
lement apporté des modifications.
M. de Julleville cite encore des farces jouées en 1584, et
dans lesquelles l'esprit satirique s'était tellement donné libre
cours, que le Parlement crut devoir intervenir en, décidant
« que les dits joueurs àe farces seraient ajournés en personne
« pour répondre sur ce qu'ils seraient interrogés ».
Il y a lieu de remarquer ici que \tsjarces étaient ordinaire-
ment jouées en plein air par des comédiens ambulants qui
étaient, en même temps, marchands de drogues. La place des
Prêcheurs était le lieu habituel de leurs exploits.
Les plus anciennes représentations théâtrales données à
Aix, dont on puisse parler avec certitude, sont de la fin du
xvi« siècle; elles eurent lieu à l'Archevêché et se trouvent rela-
tées dans le journal manuscrit de Foulques Sobolis, procureur
au Parlement (Bibliothèque Méjanes).
Des trois représentations dont parle Sobolis, pour l'année
1695, je ne citerai que celle du 24 juin, dont il fait, avec une
briève simplicité, le compte-rendu suivant : « Le 24 juin, jour
« delà Saint-Jean, a été joué un jeu à l'Archevêché parles éco-
« liers de la ville et enfans du sieur de Lafare et autres : VEn-
« fant vertueux et vicieux, lequel vicieux, après avoir dissipé
4c tout, s'est désespéré et le diable l'a emporté; et le vertueux,
4c le père le marie. Et ensuite, une y^rce à quatre personna-
ge ges : un savoyard, le second provençal, le tiers espagnol et
4c le quart français ».
Dans une brochure publiée en 1862, M. Joly, professeur à la
Faculté des lettres d'Aix, établit d'une manière à peu près cer-
taine que les /ewjc en question étaient deux tragi-comédies en
vers, composées par Benoet du Lac, gentilhomme dauphinois,
qui fufcnt imprimées à Aix sous les titres" : le Désespéré oX
— 637 —
Caresme prenant (La brochure de M. Joly et le volume de
Benoei du Lac sont à la Bibliothèque Méjanes).*On est surpris,
néanmoins, à la lecture des licences de langage qu'elles con-
tiennent, que ces pièces aient eu pour théâtre rArchevèché et
pour interprètes les écoliers et jeunes gens de la ville.
Le même manuscrit de Sobolis cite une représentation don-
née le 9 juin iSgô, dans l'église des Prêcheurs, où fut représen-
tée V Histoire des Mac habées.
Il est probable que, par la suite, d'autres représentations
comiques ou dramatiques furent souvent données, soit dans
les couvents, soit dans des maisons particulières; malheureuse-
ment, il ne s'est pas trouvé un autre Sobolis pour nous en con-
server la relation.
Le Parlement surveillait toujours les comédiens en plein
vent. 11 rendit, le lo décembre i632, un arrêt par lequel il leur
défendait « de monter sur le théâtre les jours de fête et diman-
^ ches, et les autres jours, d'y faire monter aucune femme ».
Les deux seules traces de spectacle que j'ai pu découvrir en-
core à ces époques lointaines, sont consignées, l'une par Porte,
dans Aix ancien et moderne, où il dit que, vers i65o, on se
permit de jouer des /arces dans lesquelles le gouverneur(comte
d'Alais) et son épouse étaient représentés de la manière la plus
ridicule ; et l'autre par l'historien de Haitze qui fournit quel-
ques détails sur une représentation donnée au couvent des An-
ciens Carmes, le jeudi-gras, 12 février 171 1, où fut jouée une
comédie satirique visant les Jansénistes et dans laquelle,
entre autres plaisanteries plus ou moins spirituelles, les mots
f^râce ejficace étaient traduits par grâce Jricassée. De Haitze
ajoute que, sur la plainte des assistants scandalisés, l'archevê-
que révoqua tous les pouvoirs de confesser et de prêcher qu'il
avait donnés à ces religieux et leur ordonna de faire sortir de
son diocèse l'auteur et les acteurs de la pièce.
— (338 —
Cette courte et très incomplète analyse des prcuiitris c%vuv,a
Aix, de reprësentaiions théâtrales nous conduit vers le com-
mencement du xvnr siècle» époque marquée par la création
d'une salle de spectacle.
Roux-Alphcran dit» dans les Rties d'Aix, que cette salle,
avait été dabord destinée, en lOtjo. à un /eu de patitsie^fm
transformée en théâtre vers les premières années du xviii* siè-
cle. Je n*ai pu découvrir aucune pièce officielle constatant c^oe
transformation, mats il est probable que des rcpréscntatkms
furent données avant le xviii* siècle, soit dans ce local sciitdaits
un autre; et, ce qui m'autorise à faire cette supposition, c'est
la défense faite, en ifiKr (c'est-à-dire dix-neuf ans a upara\'3m|w
au célèbre Campra, alors attaché à la Maîtrise, de coniint»er à
prendre part à dex représentations théâtrales (Man usent d»
Chapitre),
Quelle que soit la date exacte de la transformation éixfeuêi
paume en théâtre, nous n'avons une preuve officielle de Teiis-
tence de cette salle qu'au tnoment où, en 1756, elle est fermée
par ordre de lautoriié parce qu elle menace ruine.
M. le duc de Villars. gouverneur de Provence, ayant maot*
festé le désir de voir reconstruire le théâtre* une assocmton ic
torma entre le sieur Routier, archiieae, cl plusieurs habitants
de la ville, pour procéder a sa reconstruction,
L^ouvcnure de la salle restaurée cul lieu le »•* janvier 1758;
mais nous ignorons complètement la composition du spectadr
et les noms des artistes qui y prirent part*
Pour avoir quelques données certaines, il nous faut arrtvcri
l'année 1771,00 le célèbre tragédien Lekain vint, le ttiîiepteni*
bre, représenter Tancrcde (de Voltaire). Ce qui a le plus 4300-
trtbué â conserver te souvenir du passage de Lckatn« c'en
Torage épouvantable qui inonda la ville pendant la repriwfip
tation et qui transforma les rues en rivière:^, dan^ Ic^uclk^ on
— 639 —
voyait;roulcr différents objets mobiliers, entre autres les cuves
ser\'ant à fouler les raisins. Les contemporains désignèrent
cette soirée sous le nom de déluge de Lekain,
J'ai trouvé, sur Tannée 1777, d'assez nombreux documents
consignés dans un recueil hebdomadaire d annonces porunt le
titre de : AJ fiches de Provence (Bibliothèque Méjanes). Le nu-
méro du 24 février donne le compte-rendu d'une pièce nou-
velle, avec ariettes, composée par deux amateurs et intitulée :
la Coquette du village. Il est dit, dans cet article, que la pièce
est écrite correctement, mais qu'elle n'a obtenu qu*un succès
médiocre. Voilà, sans doute, une des premières pièces inédites
qui aient été représentées sur le théâtre d'Aix. Il est regrettable
que les noms des auteurs ne nous soient point parvenus.
On dit souvent que le public et les journaux attachent, de
nos jours, une trop grande importance à tout ce qui a trait au
théâtre et aux comédiens ; nous allons voir qu'au xviii* siècle
on ne se passionnait pas moins qu'aujourd'hui quand il s'agis-
sait d'apprécier le talent des acteurs et surtout des actrices. La
lettre suivante, insérée dans les Affiches, le 16 juin 1777. va
nous montrer la ville d'Aix divisée en deux camps ennemis par
la dispute des Desbruyériens et des Cressentins. Ces deux néo-
logismes furent créés pour désigner les partisans de M*** Des-
bruyères et ceux de M"» Cressent, les deux principaux sujets de
la troupe. Et commela mode étaitalorsaux parallèles, l'auteur de
la lettre commence par en faire un entre ces deux demoiselles :
« La première (M"* Desbruyères), plus fière d'étonner que de
« plaire, charme et ravit par tout ce qui tient aux effets subli-
me mes et aux grandes formes du chant, et son émulation s'ac-
« croît aux approches de sa rivale. Mais, s'il est un chant pour
4< rame, si le cœur n'a pas perdu tous ses droits, il est encore
« une place sur notre théâtre pour M"* Cressent... La réunion
« de ces deux actrices étouffera bientôt les cris des deux partis
— (340 —
<ï don( nos promenades et nos cercles retentissent *, C'est ceqtij
arriva, en ctïet, ei le numéro du 'i3 juin nous apprend que II
scène a rcuiii les deux artistes et que les troubles comlquesofif
cessé.
Quelques jours après, le 3o juin 1777, la villed'Aixeuinioii-
neur de recevoir la visite de Monsieur (comte de Provence €1
futur Louis XVHI 1. La réception fut brillante. Le cours avait
été magnifiquement décoré. Les marchands, au nombre de
quatre-vingts, s'étaient rendus, en corps de cavalerie, â quelque
dislance de la ville. Après un court séjour, le prince quitta U
ville pour y revenir bientôt; et ce fut à cette seconde \i$iie
qu'on lui montra les/ewxdela Fête-Dieu et qu'on donna, eo
son honneur* une représentation de gala, suivie d'un bal. Les
Affiches relatent ces fêtes dans le numéro du 14 juillet :^lt
« prince se rendit ensuite à la Comédie, dont la salle était ar-
*t listement décorée. Les dames de la première distinction
*^ s'étaient réunies dans les loges et aux gradins. Les comédietis
^ jouèrent L'Amoureux de quinze ans. Monsieur daigna ap-
« plaudir aux elTorts qu'ils faisaient pour lui plaire,.. La comè-
* die fut suivie d'un bal paré; le prince s'y rendit à onze lieu-
se res, à pied ; il accueillit tout le monde avec bonté ^ ^H
Les AJ fiches sont plus sobres de renseignements sur le ihélh
tre en 1778 qu*en 1777. Je trouve, cependant, à la date du
17 mai 1778» un article très élogieux sur M"* Sainval aillée
(dont le vrai nom était Alziari), qui venait de se présenter saw
la scène Aixoise ; << Enfin, M"' Sainval nous est conntie; la
* supériorité de ses talents n'est pas une chimère... Forte Cl
« énergique comme la DuméniK moins inégale qu>Ue : 5e
« dessinant avec autant de dignité, avec autant de gr2ce que U
^ Clairon ; exprimant la tendresse avec autant d*intérèt que li
«t Gaussin ; plus vraie et plus naturelle qu^aucune de cellesc^ui
« lonl précédée,., s» L -"^î^^l»" t ont î nue sur a^ ir*n lïithv rtimbk-
— t)4i —
que et se termine par un sixain exprimant les regrets que cause
le départ de la célèbre actrice.
En 1779, Monvel. artiste parisien, qui était acteur et atJteur,
obtint é*»alement un succès considérable en jouant plusieurs
pièces, notamment le Père dejamille (de Diderot).
Jacques-Marie Boutet de Monvel était, paraît-il, un excellent
comédien quoiqu'il eut un physique peu avantageux. Il brillait
plus dans la tragédie que dans la Comédie. Comme auteur, il
produisit : Y Amant bourru, les Amours de Bayard^ les Victi-
mes cloîtrées et diverses autres pièces. Il écrivit, en collabora-
tion avec Alexandre Duval, un certain nombre d^opéras, dqnt
le plus connu est Biaise et Babet, mis en musique par Dezè-
dcs. Knfin, il fut le père de la célèbre comédienne. M"* Mars
(Anne-Françoise-Hippolyte Boutet). Un biographe malicieux
ne craignit pas d'assur«r que c'était là son meilleur ouvrage.
Pendant l'été de lySS, une autre célébrité parisienne,
M"' Saint-Huberty, vint donner, à Aix, plusieurs représenta-
tions. M"* Saint-Huberty (qui s'appelait en réalité Antoinette
Clavel) était devenue, après la retraite de Sophie Arnould, la
première cantatrice de l'Académie de musique. Elle avait fait,
dans l'opéra, la même réforme que Talma dans la tragédie au
sujet de l'exactitude des costumes.
Une brochure, publiée par M. Mouttet, ancien juge de paix
et bibliophile distingué, donne quelques détails sur le séjour, à
Aix, de M"* Saint-Huberty. La célèbre cantatrice fut reçuedans
la famille Grégoire, dont le fils aîné, Louis Denis, devint secré-
taire de la musique de Napoléon, puis maître de chapelle de
Louis XVIII (C'est lui qui a noté les airs àts jeux de la Fête-
Dieu). Des représentations données par M"* Saint-Huberty, la
seule dont le programme nous ait été conservée, est celle du
23 juillet 1783, où elle parut dans le Devin du village (de
J -J. Rousseau) et le Tableau parlant (de Grétry). La phrase
COMGR&S. — 4 I
— 642 —
suivante, tirée d'une lettre adressée le lendemain, 24 juillet.
par M"" de Bardonenche au comte de Mirabeau, nous apprend
qu'elle avait joué auparavant plusieurs autres ouvrages de gen-
res différents. « Il est impossible d'imaginer — écrit M— de
« Bardonenche — qu'on puisse passer du rôled'A Iceste, dUphi-
4c génie, à celui de Colette, de Colombine, et y être aussi supé-
« rieure ». Cet éloge de M"* Saint-Huberty dut faire plaisir à
Mirabeau qui s'était épris de la grande cantatrice et qui, avec
son impétuosité ordinaire, avait manifesté son affection en
meurtrissant le bras de celle qui en était l'objet.
I-es agitations de la période révolutionnaire se répercutèrent
plus d'une fois sur le théâtre ; le public soulignait volontiers,
par ses applaudissements ou ses murmures, toutes les phrases.
tous les mots pouvant s'appliquer aux événements de Pépoque;
l'habit de livrée porté par un acteur donnait lieu à des troubles
si sérieux que l'autorité crut devoir prendre, le 29 novembre 1790,
une décision pour proscrire la livrée de la scène. D'autre
part, le décret de 1791 autorisant tout citoyen à créer un théâ-
tre en faisant une déclaration à la municipalité, fit naître, à
Aix, plusieurs réunions d'amateurs, dans lesquelles les jeunes
gens s'exerçaient à Tart de la déclamation. Enfin (et je trouve
ici un terme tout indique pour cette étude), le théâtre se trans-
formait, il entrait dans une ère nouvelle et passait, comme la
Société elle-même, de l'ancien au nouveau régime.
— 643 —
XXXIII
LE THÉÂTRE A MARSEILLE
PENDANT LA RÉVOLUTION
par M. Paul MOULIN, Membre de la Société d'Études provençales.
Membre du Comité départemental d'Histoire économique
de la Révolution.
Si vraiment, comme Taffirme Hugo, le théâtre est une chose
qui enseigne et qui civilise, il ne sera peut-être pas sans intérêt
d'étudier Tart théâtral, dans ses diverses phases, au cours
d'une période durant laquelle la société française, se transfor-
mant de façon si complète, évoluait vers des horizons nou-
veaux.
La fougue des populations du Midi, leur ardeur pour cette
Révolution dont Marseille fut, si on peut dire, l'un des boule-
vards, a dû avoir, pensions-nous, une intéressante répercus-
sion sur le théâtre. C'est afin de vérifier l'exactitude de cette
hypothèse que nous avons recouru aux documents contempo-
rains relatifs à l'art théâtral à Marseille. S'ils ne nous ont rien
révélé qui soit absolument remarquable, du moins avons-
nous pu y trouver quelques faits significatifs, qui sont autant
de manifestations intéressantes de l'esprit public en cette
ville.
Si le sujet de la présente étude n'est pas inédit, il n'en est
pas de même des documents que nous avons utilisés, et ncwî
croyons savoir, de source autorisée, qu'ils n*ont iamars été mil
en œuvre par ceux qui, avant nous, ont effleuré le même
sujet *,
Durant la période révolutionnaire, le Grand-Thcàirc de
jMarscille change plusieurs fois de nom. Llofluence des été-
nements politiques du moment s exerce môme sur ce point de
détail. Construit sur une partie de l*emplacement de Tar^nit,
ce ihcàirc est diri^x% en lyH^, par le nomme Beaussier, pour
le compte d'une Compagnie : la Compagnie Rabaud.
Beaussier était à la tête des théâtres de Marseille depuis de
longues années et, sous TEmpirc, on le trouve encore directeur
du Grand-Théàire. Il se crée, en tant qu'administrateur» uoc
grande popularité; mais il ne parvient point à faire fortune*
bien au contraire, ce qui s'explique par tes déboirci^ eonlioueU
auxquels les entreprises de spectacles, et plus particulîèremem
le Grand-Thcàirc, sont alors sujettes.
En 1789» l'entreprise du Grand-Théàtrc de iMarseîllc csi sol-
liciiée, auprès de M. de Beauvau, par un bourgeois de Pans
nommé Laurent Garet, lequel souscrivant aux exigences qu'oo
lui impose» réussit à prendre la suite de Beaussier, dooi le
mandat expire à Pâques*
Dans l'exposé des conditions, M* de Beauvau fait part i
Garct de son intention d'exiger de la nouvelle ad min istmtioji
du Grand-Théâtre qu'elle acquitte une redevance annuelle de
25.000 livres, en faveur des pauvres marins» en maintenant
toutefois celle de i5,ooo livres, que Ton est en usa^c de niwr
a l'Hôtel-Dieu de Marseille.
* Nous tenons h remercier ici notre sympathique ei bienTeillast
viste. M. J* Foornier, qui a bien voulu nous indiquer U source 4t 1
documents.
- 645 —
Laurent GareU plus jaloux sans doute de la préférence qu'il
sollicite que de l'intérêt des actionnaires, dont il est le simple
a^'ent, d'autre part, mal instruit sur les ressources de son en-
treprise et snar les charges dont elle est accablée, souscrit à
cette condition onéreuse.
Cette nouvelle administration, confiée à des citoyens de
Marseille et à quelques particuliers de Paris, entre en exercice
à Pâques 1789 *.
Les comédiens de M«' le maréchal prince de Beauvau font
l'ouverture du théâtre, le lundi 20 avril. Quelques instants
avant le lever du rideau, le public demande, à grands cris,
que le tapis d'honneur soit placé au-devant de la loge des
officiers municipaux ; on cède à ses désirs, pendant que l'or-
chestre exécute une marche entraînante.
Ce tapis, dont les volontaires de la Milice citoyenne de Mar-
seille ont fait l'hommage aux administrateurs, est aux armes
du Roi et de la Ville, unies par deux branches d'olivier et de
laurier ; elles sont brodées en bosse d'or et d'argent sur un
superbe drap bleu galonné d'argent. Au-dessous des armes,
on lit ces mots : Consulibus Patria votum.
Immédiatement après l'arrivée des officiers municipaux,
Malherbe, directeur de la troupe, tait un long discours dans
lequel il exprime sa joie de revenir à Marseille, où il reçut au-
trefois un si bienveillant accueil. Il fait également l'éloge de
M"' Ponleuil — actrice qui venait de faire, pendant dix années,
les délices des Marseillais — et promet de faire passer sous les
yeux des spectateurs les sujets les plus distingués de la pro-
vince-.
Pendant que la nouvelle administration du Grand-Théâtre
* Archives des Bouchcs-du-Khône, Fonds révolutionnaire.
* Journal de Provence, n» du 2"5 avril 178g (Biblioth. de la Ville).
^ 646 —
absorbe la plus grande pariie de ses fonds, par des acquisitions
considérables ei souvent inuiilcs, Bcaussier, livré k lut-inèmt,
n*a pas une «seconde de défaillance. Son Hair ctonnani lui taBL
concevoir le projei de faire une concurrence ctîrêfiée a cctie
entreprise. Il se promei de réussira loui prix et de surrr-"'-^
toutes les diflicultés avec lesquelles il se trouverait àux .
Il commence à faire construire à la rue Pavillon — sur ron-
placcTTieni d'un local qu'il avait fait acheter en sous-maîa.
en rySH" une nouvelle salle de spectacles, qui s*€Hivre cknui
ans plus lard» après maintes diHîculiés* Ce théâtre porte h u
naissance le nom de Thédtre des Variétés*
A l'occasion de rouveriure de cette nouvelle salle. Bonne-
ville, directeur, prononce un long discours ; ^ Ce nouveau
«« spectacle. dii-iL sera désormais consacré à la gaietë, h h fri-
m, volilé| il fera diversion à vos amusements et ne pourra que
« vous distraire des chefs-d'oeuvre tra^'iques et lyriques doai le
« Grand-Théâtre a la propriété exclusive. L'on a bien ^tMila
^ comparer ce lycée à une rose dans toute sa fraîcheur ; cent
M hyperbole outrée ne nous aveugle pas ; non. Messieurs, aussi
m modestes que l'humble violette, c'est elle que nous lâcherom
« d'imiter,.. )> '
Ix Journal de Provence, du 27 avril 1790» donne :iUf Yé
blissement les détails suivants :
«t I^ salle est enclavée dans une des îles de b Canoebicre d
^ n'olfre, extérieurement, rien qui annonce sa destinatiofi
*. Son entrée est dans la rue du Pavillon, On pourrait ^
« dant, par des acquisitions subséquentes, lui donner» y.
* des en tours isoles comtne la jurande salle de spectacle, i
*i moins une façade.
« L'entrée principale du théâtre offre un vestibule cîfcutairt
( Journal dt Provence, n> du 2t ^vrtl 1790 (tome \XV1I^
— 647 —
^ dans lequel se dégagent Tcscalicr du parterre H2t ceux des pre-
^ mières, secondes et troisièmes loges. Pour la sortie, il y a
« une seconde issue, dont la porte donne sur la place Necker.
¥, L'intérieur de la salle est très bien décoré et présente un
« ensemble à la fois agréable et majestueux. C'est un parallé-
« logramme d'environ huit toises de long, sur six toises et
« quelques pieds de large. Il est orné de seize colonnes isolées
« et cannelées, d'ordre ionique.
« La salle est généralement peinte en pierres veinées et tous
« les ornements, faits avec goût, sont rehaussés en jaune.
« On a évité d'éclairer la salle par des lustres suspendus au
« milieu, qui rendent les placés du fond excessivement désa-
« gréables.
« L'architecte ' a très bien senti qu'une lumière douce,
« distribuée avec égalité dans tout le pourtour, serait d'un
4^ effet plus pittoresque. Il a donc placé dans les entre-colonnes,
« des guirlandes de fleurs attachées sous l'architrave et qui
« suspendent des globes éclairés. L'effet de cette lumière fait
« seul l'éloge de sa distribution. »
Les qualités administratives de Beaussier, homme tenace,
familiarisé avec toutes les choses du théâtre, et, d'un autre
côté, admirablement secondé par Bonneville, sont, en grande
partie, cause de la déconfiture de la salle Beauvau.
Les actionnaires de ce dernier théâtre, qui redoutaient la
concurrence du nouvel établissement, ne tardent pas à s'en
plaindre, en même temps que de l'incapacité de leur adminis-
trateur, accablé sous le poids de charges considérables.
La redevance habituelle de i5.ooo livres, en faveur de
r Hôtel-Dieu, est bien acquittée, mais il n'en est pas de même
des 25.000 livres destinées aux pauvres marins, redevance à
laquelle Garet s'est imprudemment engagé à faire face.
M. Lcquin de la Tour.
fî48 —
I I. v.«w vCll
M. de Bcauvau, qu'on avait prie d'exonérer le îhéaii
charge nouvelle s\ étant refusé, l'admiaïstralion se voil
obligée de prier ses associés^ résidant à Paris, d'en SQUicilerli
suppression auprès du conseil du Roi '.
Au 3o mars ijijo. c'est-à-dire au terme Je la prcmicrc saison
théâtrale de la salle Beauvau, sous radminisiraiion de Garcf«
le capital de 80.000 livres est absorbe et les dettes de rentre-
prise s'élèvent a 155.207 ^ "J ^* L'avoir ne sY-lèvc qui
io5.0ï)2 1, 6 s., ce qui fait une perte totale, pour la premiift
année, de i3o.ii5 livres 1 3 sols.
Durant lu deuxième année, on ne perd que g^.%2H I.
i3 s. 1 d. Il est bon de faire remarquer ici que cctlc dcmiirt
saison théâtrale ne dure que six mois. Ce qui donne, pour um
période de dix-huit mots d'exercice, une perte de 22ù3j^ I.
b s. I d. *
Dans un mémoire, les action naifes de la salle Beîiuraa
s'expriment ainsi, au sujet de la. compétition de BcdUssicr .
«t Cette concurrence de plusieurs théâtres» et notamment celui
•i des Variétés» ouirc qu'elle rend le public très exi^ciini, nous
^ cause encore de plus graves préjudices. Il est de (ait que
*ï toutes les sommes que perçoivent nos ambitieux ri\*9UX
« sont enlevées à la recette du Grand-Théàtrc* Plus d'un tkR
4t des produits de Tenireprise du Clrand-Théâire se ir
*, diverti par un étabhssement que Ion croyait alors imj
«t ble, qui fut même proscrit par plusieurs juf;cmentss€ileaficb
#t et rendus en contradictoires défenses.
^ Nos ressources ont diminué, lorsque nos charités se
« vent aggravées ; et telle est d ailleurs l'influence d'un iJi
<t concurrent* qu'il nous assujettit au surcroît de déf
Archives ûc% Boucht5'du*ltbôDc. Foads révoluiionnAjrc.
> Ibid.
- 649 —
« qu'entraîne la nécessité de balancer ses eflForts. Encore, nous
K cslimerions-nous moins malheureux si, réduit dans le
« cercle que la municipalité avait tracé autour de lui, TEntre-
^ preneur des Variétés ne cherchait pas à dévaster notre pro-
« priété, en s'emparant des pièces qui nous appartiennent, en
« formant le projet d'établir sur son théâtre un opéra italien,
« dont il préconise déjà le succès» projet funeste et destructif
« de notre entreprise. ^ *
Les artistes, écœurés par une si mauvaise administration,
dont ils sont les premières victimes, ne font plus aucun effort
et mécontentent le public qui se porte de plus en plus vers le
théâtre créé par Beaussier, devenu <c Théâtre de la Nation ».
Ce dernier, avec le concours de Bonneville, fait de son
mieux et, avec sa fougue méridionale, ne tarit pas d*imagina-
tion. C'est ainsi qu'il donne, dans sa bonbonnière, des opéras,
des comédies, des drames et des pantomimes avec ballets. Les
d^ame^i, on le sait, eurent toujours U faveur du public mar-
seillais, qui se passionne à voir, à la fin de ces pièces, triom-
pher l'innocence et punir le crime. On joue même une pièce
intitulée Echo et Narcisse, qualifiée d'opéra, ballet, panto-
mime, comédie. Le Journal de Provence, du 7 octobre 1790,
dit au sujet de celle pièce : « On y trouve des paroles et de la
« musique, des paroles sans musique, de la musique sans pa-
« rôles et des danses ! >►
On lit dans le numéro du i3 juillet 1790, du même journal :
^ Les nouveautés se succèdent, au Théâtre des Variétés, avec
4< une rapidité incroyable. A un répertoire déjà peu connu, se
4c joignent les pièces nouvelles qui sont jouées sur les petits
« théâtres de la capitale, et qu'on monte presque aussitôt sur
* Archives des Bouches-da-Rhône. Fonds révoiationnaire. (Liasse
T-134).
— 6?n
« celle*ci.*Î^Srï?f;ard. le zcle de Bonncvillc. din
« spectacle, est partaiiemcni seconde par les acieurs qui corn-
ac posent hd troupe ci qui ne paraissent pas moins cmpnîi^^
«« que lui à captiver la bienveillance du public )»,
(lomme on le voit, Beaussier sait mettre au rebut les prèce^
usées cl en peu de temps en monte de nouvelle^i. Homme de
mise en scène, il sait éblouir le spectateur. Quant aux acieufi.
encoura^'és et payés, ils obéissent docilement aux ofxirei 4k
leur maître et remplissent consciencieusement leur rtfc.
Tout concourt, en apparence, à assurer le succès de son
atfaire.
Mn novembre 1793. le (irand-Thcàtre. appelé •< Lcpcllelterw.
reçoit le nom de « Théâtre Brutus 1», appellation bien en rap-
port avec lesprii du temps. Beaussier dirige, à celte épot^uc,
Icntreprise des théâtres de Marseille, puis abandonne h diwx-
lion de la salle Brutus à un nommé Quériau, qui vicnt.de l'on-
der une société en cornmandïtc. dont le capital est divisé en
quarante-six actions, sur lesquelles la nation en possède trcÎJC
Cette société est enregistrée au greffe du Tribunal de com»
mcrce, sous la raison sociale : Quériau et O* *
Le théàlre de la Nation, rebaptisé sous le nom de Thi
Républicain, reste sous la haute direction dWnLlri' IViussi
qui est également profuiétaire du local.
Mais une amélioration sensible du Grand-Théâtre &i
au Représentant du peuple Maignet Tidécde former.ail
de la nation, un monopole des théâtres de Marseille.
A cet effet, il lance un arrêté, en date du 17 llnréal 10 |I
(6 mai 1794)» ordonnant la réunion des deux thédtrcs en uqc
* Archives des Boudies-du*Rh6ne. Fonds du distnct. l^iod« ré^ol»»
tioniiâire*
/^
- 65i -
seule entreprise, laquelle sera régie aux frais et pour le compte
de la nation.
Beaussier, en raison de sa compétence adminisirative, est
nommé administrateur en chef; il lui est adjoint un ariistedra-
matique qui a la signature de l'entreprise '.
Devant la peine qu'il a à ramener un public qui avait, en
grande partie, déserté la salle Beauvau et, d autre part, en-
thousiasmé de son théâtre de la rue Pavillon, Beaussier néglige
l'affaire des théâtres réunis. Le représentant du peuple Jean-
Bon Saint-André ordonne alors la séparation des deux théâtres,
et Beaussier, administrateur en chef des spectacles de Mar-
seille, est prié de rendre compte de son mandata l'Agent na-
tional. Sa gestion compte du 20 avril au 29 septembre' 1794. Il
doit fournir à l'administration du théâtre Brutus un état justi-
fiant l'emploi des sommes qu'il a reçues par anticipation -.
Le jour même de l'expiration de cette entreprise, le sieur
Hugues, fondé de pouvoirs des propriétaires de la salle Beau-
vau — dont la natiqn est intéressée pour un quart — prie les ad-
ministrateurs du districtde faire recouvrer auprèsdel'adminis-
tration responsable, la somme de 24.000 livres, montant de la
location de cette salle pendant la période de la réunion des
deux théâtres \
La Société Quériau et C"* continue à gérer, pour son propre
compte, le théâtre Brutus.
Lntre temps, on procède à la liquidation de l'entreprise des
théâtres réunis. Le 9 vendémiaire an III (3o septembre lyçH)*
les sieurs J.-B*"Faure et Thourame, commissaires nommés par
' M. Ponteuil, artiste qui eut, ainsi que sa femme, une grande popula-
rité à Marseille.
- Archives des Bouchcs-du-Kliône. Fonds du district. Période révo-
lutionnaire.
^ Ibid.
neursdu Grand-ThéiUre de Marseille, auxquels'
une somme de iio.ooo livres, pour diverses pièces jouées an
6 avril au 3o septembre 1791 '.
Nous relevoni. à la date du 29 novembre 1791. un juge-
ment condamnant le Grand-Théàire au paiement de 2.53i L
5 sols, avec intér<}ts et dépens, en faveur du citoyen Juninicti
Samary. ancien caissier de la salle Reauvau. Cette somme
représente une partie du cautionnement qu'il avait versé en
raison de la nature de son emploi *.
Par jugement du 9 février 1793, le Grand-Théâtre est
damné à payer à (juillaume-François Favière. auteur drar
tique, la somme de 27.087 livres r5 sols, montant des rccciia
faites* à la date du i5 janvier 1793, pour les rcpréscniaiioas
de Topera Paul et Virginie. De plus, le produit des recettes.
pour les représentations dudii opéra, depuis le i5 [anvîer* je
de la plainte» jusqu*à la date du jugement, sera aiinbué
l'auteur. Favière déclare faire abandon à la nation du qujft
de cette somme.
Le 28 février 1793, môme ju^vnicnt» en tavcurde Mantsii
Champein. auteur dramatique, pour la somme de 3i vR^ Iîv.
16 sols '.
Le même Jour, André Grétr\% le célèbre compO!*itcur. a gain
de cause pour une somme de 122.535 livres 5 sols, pour diver-
ses pièces jouées sans son autorisation *,
' Archives des boaches-<ia*Hhône Jugements du iribatiâl du distn^t
de Marseille. Liasse i53.
« Ibid., même liasse
* Archives des Bouches-duKIiône. Jugements du tnbunûl Ji.
Marseille. Liasse r*^> Les pièces, jouées ians rnutorisation d-
sont les suivantes : Les amours de Boyard mu U Chtpatier Èânj p<Mr tt
iant reproche, pièce en quatre actes ; Le nouveau Doit Quickutie, opéfi
en deui actes: La Métomanie, opéra en on acte : Let Ùettet^ opéra es
deux actes,
' Ces pièces sant : !m Caravane du Caire, opéra en trois acici
— 655 —
Le 4 avril lygS, même jugement contre le Grand-Théâtre
en faveur de Tauleur J.-B'* Lemoine, demeurant à Paris, pour
une somme de 33.i53 I. i3 sols, sur laquelle il fait abandon du
quart à la nation. » *
l-e même jour, les Entrepreneurs du même théâtre sont
condamnés à payer la somme de 1 1.984 I. 19 sols, au célèbre
Caron Beaumarchais, auteur dramatique et littérateur, lequel
fait abandon du quart à la nation '.
Son drame, Eugénie, que nous citons en note, fut sa pièce
de début au théâtre, en 1767. Les Deux Amis, comédie égale-
ment citée, qu'il donna, pour la première fois, en 1770, n'eut
pas un très grand succès. Mais, en revanche, son Barbier de
Séville. qu'il transforma tantôt en opéra -comique, tantôt en
comédie, est devenu légendaire dans les annales du théâtre.
Quant au Mariage de Figaro, cet audacieux manifeste de
Tesprit nouveau contre les institutions ancien nés et qui répon-
Barbe-bleue, opéra en trois actes ; L'Amant jaloux, opéra en trois actes ;
Sy-iyjin, opéra en an acte : La fausse Magie, opéra en 00 acte: L'Epreuve
yillageoise, opéra en deaz actes ; La Rosière de Salency, opéra en trois
actes; Le Tableau parlant, opén en trois actes; Le comte d'Albert, opérsL
en trois actes : VAmi de la maison, opéra en trois actes ; Lucile, opéra
en un acte ; Le Rirai confident, opéra en deaz actes : Le Magnifique,
opéra en trois actes : Le Jugement de Midas, opéra en trois actes ; Les
Evénements imprévus, opéra en trois actes ; Les deux Avares, opéra en
deax actes ; La Nouvelle Amitié à l'épreuve, opéra en trois actes; Panurge
dans nie des Lanternes, opén en trois actes : Pierre le Grand, opéra
en trois actes. (Arch. des B.-da-Rh., même fonds, liasse 166^.
* Les pièces pour lesquelles il réclame sont les soivantes : Les Prétendus,
opéra en on aae ; Les Pommiers du Moulin, opéra en an acte. | Archives
des Boaches-da-Rh. Jugements du tribunal du district de Marseille.
Liasse 168.»
' Pour les pièces suivantes : Eugénie, drame en doq actes : Le Barbier
de Sévi lie, comédie en quatre actes : Les Deux Amis ou le Négociant de
Lyon, comédie en cinq actes : La Folle journée ou le Mariage de Figaro,
comédie en cinq actes lArch. des B.-dn-Rhône. même liasse^
b3< >
illc de la RcvMJv
daîi sî bien au besoin des esprits à l£
il demeura longtemps sans êire joue. Représeniê pour la prc^
mière-tois. au Théâtre-Français, à Paris, le 27 avril 1784. û
peut, à bon droit, eu é^ard à ses attaques contre Tandea Pt-
gime* cire considéré comme le précurseur du thêâire mod^rnt.
Kn cHei, parmi les personnages de cette pièce. U esc ai&c ic
retrouver en la personne du Comte Aimaviva, la perxonniti*
cation de la noblesse déchue, batouée par le peuple personoi-
fié dans Figaro, valet du comte, lequel n*cmploie aucune
forme pour lui répondre : ^ Aux vertus que vous exigez d'ua
domestique, combien iruuvericz-vous de maîtres dî^nod cire
valets? )». Et qui ne reconnaît dans le smistre HasUe la pcrsQQ*
nîficatïon de rintolcrance et de la persécution !
Le i3 avril lyyJ, le Grand-Théâtre se voit condamna
payer la somme de 39.025 livres 9 sols au ciioycn Nicoll
François Gaillard» auteur dramatique, toujours pour le même
motif ^
Le même jour, même procès en faveur de Danîan PhilidorT
pour une somme de 8.740 livres, sur laquelle il ahand
un quart à la nation '.
Nous relevons encore, à la même date, une somme de
8.338 livres 10 sols, à payer au fameux Etienne Méhul. pour
Euphmsine ou le Tyran corrigé, opéra en trois actes. L*au»
tcur du Chant du départ déclare faire abandno d'un ^nuri
* Les pièces jouées sitis son AOtorisatîon sont les suivAiitet ; Œdtpt à
Colonne, op<^ra en trois actes : Iphigénte tn Tauride, tragédie JynqMtn
quatre actes ; Chtmèneou le Cid, opéra en irois acie^ ; OûrdamuM, opéfi
en trois actes. (Archives desB. d.*RK. Jugements du tribunal du dtstsiet
de Marseille^ Liasse 16H.)
* Les pièces poar ie^queites tf réclame sonliLei Ffmmes f»ritirér«. ûpén
en un acte : Le Soldat magkifn.opérà en deux actes ; l.e
en un «cte : Le Martfchal-Ftrrant, opéra en deui actes
titr, opéra en un acte. {Archives des B.^duRh.» même tusse.)
- Ô57 -
en taveur de la nation « pour le secours de ses frères d'armes
qui sont sur les frontières pour la défense de la République ou
pour tout autre usage ».'
Quelques autres procès, sans importance, sont également
intentés contre les deux théâtres de Marseille. .Nous croyons
devoir nous abstenir de les énumérer ici.
Dans tous ces jugements, les administrateurs du Grand-
Théâtre sont condamnes par défaut, ce qui laisse croire qu'ils
avaient peu de confiance dans les moyens qu'ils auraient pii
faire valoir.
Tous ces désastres émeuvent l'insensible Maignet qui s'in-
téresse aux questions de théâtre et paraît se poser en régéné-
rateur de Part dramatique. Il s'instruit des causes de la
malechance qui semble avoir élu domicile dans la salle Beau-
vau. et pense que les nombreuses entrées de faveur, accor-
dées à ce moment, ne sont pas faites pour assurer des recet-
tes en rapport avec les frais considérables de l'entreprise.
C'est pourquoi il prend, le 6 août 1794, un arrêté par lequel
il ordonne qu'à l'exception des deux officiers municipaux qui,
aux termes de la loi, doivent assister aux spectacles, revêtus
de leur écharpe, aucun citoyen, quelles que puissent être ses
fonctions, ne pourra entrer au théâtre sans payer.
Tous les militaires et personnes y attachées, sans excep-
tion, auront également à payer leur entrée comme tous les
autres citoyens *.
Toutefois, afin d'atténuer cette mesure rigoureuse, on fait
donner, chaque décadi, une représentation gratuite. Mais cette
générosité est bientôt abolie, en raison du désordre qui règne,
à ces occasions, dans les salles de spectacle.
* Archives des Boaches-da-Rhône. ibid.
' Ibid., Fonds révolatîonoaîre.
COMGRÈS. — 42
— (358 —
On donne alors, de temps en temps, des représentations
au bénéfice des indigents.
Le icr janvier 1796, le Directoire exécutif ordonne aux
administrations théâtrales de donner tous les mois une repré-
sentation au profit des pauvres.
L'Hospice ayant sollicité le montant des représentations
des 7 et 14 mai 1796, la Municipalité en fait la demande aux
administrateurs du département qui défèrent à ce désir. Le
Ministre de l'Intérieur approuve d ailleurs cette mesure et
écrit, le 4 juillet « qu'on ne peut mieux faire que d*appliqucrà
l'hospice de l'humanité le produit de ces deux représenta-
tions ».*
Plus tard, un nouveau mode est employé par suite de U
loi du 7 frimaire an V, qui ordonne la perception, «pendant
six mois, au profit des indigents qui ne sont pas dans les
hospices, d'un décime par franc en sus du prix d'entrée aux
spectacles ».*
Les membres du Comité de salut public s'intéressent pa-
iement à l'art qui nous occupe; ils chargent la Commission
de l'Instruction publique, par un arrêté du 18 prairial an H.
de tout ce qui concerne la régénération de l'art dramatique et
la police morale des spectacles.
Le 23 juin 1794, alin de stimuler le zèle des auteurs et des
acteurs, cette Commission lance une déclaration imprimée.
dans laquelle clic exhorte ces derniers à apporter, dans la
' i.e (jrand-Thc\Atre rapporte 11.220 I. en assignats et ^09 1. 9 sols
»» deniers en numcraire.
i.e Ihcâtrc Républicain 1.657 I-.cn assignats et 119 I. 12 sols en namé-
rairc. «Archives des B.-du-Rh. Registre do correspondance du .Ministèrt
de riiiit^ricur. R. w 4'ib. f- 83.)
Archives des B.-du-Rh., ibid.
— 659 -
rénovation de l'art théâtral, leurs lumières, leur patriotisme
et leur génie.
4c Et vous, écrivains patriotes, disent-ils, qui aimez les arts,
<( qui. dans le recueillement du cabinet, méditez tout ce qui
« peut être utile aux hommes ! Déployez vos plans, calculez
« avec nous la force morale des spectacles ; il s*agit de
« combiner leur influence sociale avec les principes du gou-
4< vcrnement ; il s'agit d'élever une école publique où le goût
^ et la vertu soient également respectés. >
Les membres de cette Commission prient enfin les artistes
et directeurs de théâtres de leur adresser l'état de leurs réper-
toires ainsi que les manuscrits nouveaux qui leur seront
présentés ^
On devine aisément dans quel but ces manuscrits sont
sollicités. Les sujets, lorsqu'ils ne sont pas imposés, doivent
être en rapport avec les événements politiques du temps. C'est
ainsi que l'on voit apparaître pendant la Terreur les titres les
plus fantaisistes '.
Tout est poussé dans le sens populaire et révolutionnaire,
soit impérieusement, soit mécaniquement, comme par une
conséquence naturelle, comme un stimulant que l'on vou-
drait donner au parti qui lutte si formidablement.
Cette influence politique s'exerce même sur la distribution
des rôles aux artistes. En effet, le 6 août 1794, un arrêté
ordonne que le Comité d'administration des théâtres aura
« Archives des Bouches-du-Rhône. Fonds révolationnaire.
• En voici qaeiques-uns qui, par eux-mêmes, nous dispenseront d'ana-
lyser les pièces : La Guillotine d'amour, la Descente des cloches, Les
Peuples et les Rois, L'intérieur d'un ménage républicain, Encore un
curé, les Crimes de la féodalité. Le jugement du dernier des roi. Les
Souper des Jacobins, etc., etc.
— 66o-^
seul le droil de les distribuer, sans que les artistes puissent
refuser ni en réclamer aucun *.
Des chants patriotiques sont également entonoés par ofdft;
voici d'ailleurs le texte d*une lettre du Commissaire du Diiw^
loire exécutif près le département» adressée en date 4ii
19 germinal an IV, aux directeurs des ihëàires Bruius ti
Républicain, qui en témoigne :
<c Je vous adresse, citoyens directeurs, Conrormémem am
#( intentions du Ministre de la police générale, un exemplaire
« d'une chanson patriotique dont la musique et le^ exprts-
<^ siens sont faites pour réveiller, dans les cœurs de lous lo
•t Français, la haine des rois et du joug anglais, le «iHî-
«i ment de Thonncur militaire, Tespérance du calme hcureui
<t qui doit suivre nos tempêtes politiques,
<c Les paroles» si Ton eh excepte quelques légers chaof^
<^ mcnts, sont déjà connues ; mais lamour de la pairî** ' *<ir
« prêtera k charme de la nouveauté.
m, Je vous invite à la faire chanter tous les jours sur le thti*
trc que vous dirigez et à m*cn accuser réception j» *
La tnise en scène n'est pas oubliée ei il n'est pas . ^v"
dant la Révolution, de voir figurer sur la scène le ^nnstit
appareil qui prit le nom de Guillotin« membre de rAsscmbUc
Constituante,
Pendant 1 ciat de siège, la censure s'exerce également d une
façon impérieuse. Les pièces doivent, avant dette jouées,
recevoir l'approbation du chef militaire commandant ta pUct.
Il examine si elles peuvent être représentées, après s'être assoit
toutefois de Tinfluence du sujet sur les spectateurs.
* Archives dc$ Bouches -du- Rhône Fonds rcvoluûonnai/e.
* Registre de correspondance du Commissaire da Directoire 1
Rtg. n* i,<Ardt. des b.*da-Rh.).
— 66i —
l ne lettre du commandant Gons, adressée d'Aix, le 8 plu-
viôse an V, aux administrateurs du département, va nous
cditier sur ce point :
« iNous sommes encore trop près de la chute du Tyran,
4< dit-il, et trop de crimes ont suivi cette époque pour qu'un
« auteur puisse faire, sans dangers, le rapprochement de Tan-
« cien régime au régime actuel et amener des conclusions
« défavorables à ce dernier. La représentation de pareilles
« pièces doit être sévèrement défendue ; le prestige du spec-
4i tacle a trop d'ascendant sur une multitude souvent illettrée,
« souvent mal intentionnée.
4c Peindre la vertu aimable, intéressante et le vice hideux :
« voilà le but de la comédie !
« Aucune pièce n'est jouée sans un examen sévère de ma
4< part, et une force armée imposante est toujours dans la salle
« de spectacles, pour assurer la tranquillité. >►
A propos d'une pièce intitulée La pauvre Jemme, qui a un
f,'rand retentissement et qui est soumise à la censure du com-
mandant Gons, ce dernier écrit :
« Les personnes malveillantes, dont la commune n'est pas
4f, entièrement purgée, affectent de répandre des bruits alar-
me mants, afin d'empêcher les citoyens paisibles de se rendre
« au spectacle, prétextant que la pièce étant royaliste, les
« spectateurs le seraient également et qu'à la sortie le sang
4< des patriotes ruissellerait dans les rues.
4< Ces sortes de pièces, dit-il en terminant, sont précisément
<c de celles dont le Directoire semble ordonner la représenta-
« lion périodique. L'échafaud, sur lequel le tyran et les trium-
« virs ont péri, effraie le méchant et le conspirateur qui vou-
4< d raient essayer la même domination >> *.
Archives des B.-du-Rh. Fonds du département. Série L. Liasse T. 184.
- 662 —
Les conclusions qu'on peut tircr^de la combinaison des
quelques documents que nous avons analyses dans cette
étude apparaissent si vite et si nettement, qu'il serait pres-
que inutile d'en faire même une simple énumération. En effet,
il suffit du plus simple examen pour se rendre compte que si,
pendant cette période, le gouvernement a mis tout en œuvre
pour remonter le moral des auteurs, des artistes» et surtout
des spectateurs, c'est uniquement dans le but de servir ses
desseins politiques ; de combiner — comme Ta si bien dit
la Commission de l'Instruction publique — l'influence sociale
des spectacles avec les principes du gouvernement.
Cette façon d'art persécuté est, à notre avis, la cause qui
influença fâcheusement Tart dramatique en France, pendant
la Révolution.
Ce joug, annihilant, en quelque sorte, la liberté de penser,
est le fléau du théâtre à cette époque : il tue l'initiative et arrête
le talent en plein essor.
La postérité devait à l'art théâtral une revanche ; celle-ci.
durant le \i\^ siècle, a été belle et complète, car, aujourd'hui,
le génie peut se manifester sans entrave.
Paul Moulin.
— 663 —
XXXIV
Un Retable lispam le Féglise de Saist-Haiiiii
par M. Maurice RiaMBAULT,
Cabiscol de VEscolo de la Mar, Président de la Section,
Sous-archiviste des Bouches-du-Rhône.
Les Archives de la ville d'Aix contiennent dans la série II
une quarantaine de volumes de minutes notariales dans Tun
desquels j'ai relevé deux actes relatifs à un rétable, aujourd'hui
disparu, de l'église de Saint-Maximin.
L'existence de cette œuvre d'art est connue : on trouve notam-
ment dans la Notice sur l'église de Saint-Maximin. par L. Ros-
tan * : « M. de Peynier avait fait faire le rétable et la grille de
cette chapelle en i5.28, elle fut démolie en i65i lorsqu'on refit
l'escalier de la crypte», mais on n'avait jusqu'ici aucune indi-
cation ni sur son auteur, ni sur sa composition, et c'est cette
double lacune que permettent de combler les documents que
je crois intéressant de signaler au Congres.
L'auteur est un peintre établi à Brignoles, mais qui n'en
était pas originaire, car il est qualifié habitator ville Brinonie
et non simplement ^e Brinonia. Il se nommait Marc de Furno
et iM. Mireur a relevé, dans diverses archives du Var,des men-
tions relatives à cet artiste ainsi qu'à plusieurs de ses œuvres,
* 3« Édition, Brignoles, imp. Branet-Chabert, i886,pp. 117, n. i.
— tiG4 —
dont aucune n*a survécu ou pcut-èirc n*a été identifiée jus-
qu'ici K Je serais assez porté à le croire vénitien, d'iiprès^oo
prénom de Marc et diverses graphies italiennes comme roûi
écrit rncha. coiour écrit co/«r, ainsi qucd*après Temploiahon*
dant — peut-être même trop abondant — de Tor cl delà laque
fine', qu'il proposaiià son client et qui devait rappelerassez les
peintures byzantines dont Tinfluence a été si marquée sur Tan
vénitien. N'est-ce pas le vénitien Antoine Ronzen qui avall
exécuté le retable de Samblançay qui, aujourdliui encore, csl
une des perles de réglisc de Saint-Maximin ?
La description de l'œuvre à exécuter est sûrement le teauc
même du peintre, transcrit tel quel par le notaire ^ Olecsl rr-
di^'ée en une langue rappelant le aabir^ nù le français* le
vcnçal et Tilalien voisinent, parfois au détriment de la cbr
On peut cependant se faire une idée assez exacte de l'ensemble
* Marc de Furno avait peint : un retable pour lesAugosUns de Barfolt
(25 mai i53o. Arch, du Var. E 921, 2* partie, f* i35 v^); « un At
triomphe*., al davaiu de Tostal de la villa» de Brignolc^h^ Je
lirignolcs. série CC, compte deGuiK î^ermi, f" 76 v); et «afin atattcié-
cutc divers travaux de peinture au palais de celte ville (Ib.. cnmpte d'il
labre, t" 11 S). 11 nejit meniionné datis aucun des ouvrages publiés j
réglîscdeSaint'Maxifnin.parKostand, AlbanesouPcrnaûd Confeg« J*«dl«W~
ici tous mes remerciements à M. Mircur pour les prccK'Ux rct^ei^iieaims
qu'il a bien voulu madresscr à ce sujet avec %^ comptaisance hdbttoelle.
* * La laque fine a conservé son nom de Venise d'où elle foi d'aô
apportée , mais on la fatt aussi bien à Paris ; nous n'avons pas
d'y recourir. Elle est composée d'os de sèche pulvérisés que Ton <
avec une teinture de cochenille mestèquc, de bois de Brésil de f^enu»»
bouc bout tbh dans une lessive d'alun d'Angleterre calciné, il'ânviiîf^4t
natrum ou soude blanche ou soude d'Alicante, que l'on réduit 1
de trochisques > IGuanoi Et<crci.orâuie, v« La^ ne).
* Cette façon de procéder ciait dans ies habitudes dcs labdlioRa. C«t"
ainsi que j'ai pu donner a M. Labande, avec le texte (atm da tcsiantiil 4e
Tâutear du Petit Jehan de 5aintré, Toriginal proveftçal qui y étiii tmHà
joiai.
— 663 —
z»:*-r pcuToir reconnaître ce rétable au cas où. avant échappé à
la je^CTjaion.on le rencontrerait aujourd'hui, soit dans une
t:cl:se. sc>ii dans un musée, soit dans une collection particu-
lière. La présence des armes de la famille de Maiheron : d'azur
j une ryjk en poupe, d'argent, attachée à une antenne posée en
îj.hce. i^jT^ liée de gueules^ et accompagnée en pointe de trois
rfjche^$ dur sur une mer de pourpe, la présence des armes de
ia faTTîîlle de Matheron,dis-je, lèverait tous les doutes sur son
îdtauie.
G Jiilaunie de Matheron. petit-tîls du célèbre chancelier du
TOI René ti riîs de René *, à qui le bon roi avait servi de par-
rain. >*é:ait fait concéder, en i523, parle couvent de Saint-
Maxim :n. une chapelle et c'est pour la décoration de celle-ci
qu'iî avait commandé au peintre de Furno et au fustier Pierre
D:>r l'ouvrage sur la disparition duquel j'ai l'honneur d'appe-
jer votre attention.
PIÈCES JUSTIFICATIVES
I
PrefachnBproBobilietgeaeroso TtroGulkelao ■atharoû. ftliOBO
Mlisctgeaeroiu Reaati ■atharoai. aaioris dowaî de]
Addd que supra incarnationis Domini millesimo quingente-
' « Pronobili QuiViermo Statèaromi,de A^uis,titio mobilii 1{emati Ma-
ifiarcni, domtMrO Je Podio merio, datio unims capeile im eccUsia Samcii-
M SLUt^mi per priorem et Jraîrti cotu^emtms sibi comcesse Ad ilimm repa-
rzndum et fmudamdim ». 23 juijlct i525 <Arch. des Boocbcs-da-Rbône.
B^ iT. ^ 2Kk T^t. Ce GaiHaame de Maiheron a laissé peu de traces dans
l'bibXoiT^ h fit, le 21 octobre 1541. le dénombremeot de sa terre de Pey-
ii>cr Ib.. E. 790, f« 26 >, Cl fui premier cxmsal d'Aix en i53o, i55q et 1347.
maiis otî Toai qu'aniéneoremeni son principal litre, aax yeux des nui très
rruo2iaux et des souires. ëuii d'éire le fils de son père et qu'ils n ou-
z^jshJtni pas de ie lui donner dans leurs écritures.
simo vice^mo octavo] ' cl die décima mensis mariii.
eic. Quod discreius vir Marcus de Kurno, picior et habit
ville Brinonic, Aquensis diocesis, ccpit ad prefachium i^ivti
consiruendum cl dcpîn^endum nobri! el gcncroso scutiffern
Guilhclmn Matharoni. lilio nobilis fU^naii Maiharoni, damtni
de Podioncrio, quodam reiabulum sîve reiaulc' nucis sîvc et
noyero talhat altitudints duodectm et lar|^itudinis ocio palmo*
rum eiiam modis el formis ac cum ei sub pactis et cotivemîo^
ntbus infrascriptis :
Primo, de peindre et stoffer una ystoyra de la Maria Mafj-
dalena ei de Sanci Maysemin» d or brun, &a casubla ossi dw
brun aveques un drap d'or dessus et la Maria-Magdalcna lomt
daurée d or Hn lo plus riche que se porra ferre.
Item, derricr la dicta ysloyra, le tbuns dudit retable sera lout
d*or lîn brun tiré d'un drap d'or, dessus* de laça hou de vert
/tenK Icscabella dudit retable, s'est asavoyr las ysiorias qoc
hum de dins la dicta scabella, seront stoiïées toutes d'or bruni
et classées de laça tina et fines colurs tout anstns que a^apèr^
lient,
Itenu les pilhiés dudit retable seront tous dorés d or An bnjaf
et empli, le fons, de ftna laça,
llcrfu larquitrant dessus kdict retable sera tout J'asur de
dessus, dedans Tarquitrant, la Irisa, le fonsd'asiur tir
Item, la rocha que est dessus larquitrant sera toute dorcc
humbrée de colurs ^nsins qu'il apariieoi de fèrc.
' La noie rappelée ci-dessus <i« L. Kosfrtn pur tu u^ic Ltrttj- uu iia
An> fauted*a%oir tenu compte du siyledcritaarriiiuon qui reporte le
133H h ih'2U, nouveau style,
' Je signale i\u passage ce terme technique provençal de rtlûui*
ignore de Mistral et du F, Xavier qui ne t'ont pas fait figurer dans IrofS
dtcuonnaires.
— 667 —
Item, la Maria-Magdalena que est cochée dedans la bauma
sera iota daurée d'or bruni, le maniau d*or bruni.
Item, les dous an^^els que sont au bot de la bauma que por-
tent leurs armes chascun, seront dorés et stoffés ansins qu'il
s'apartient
Item, ungcrusilis stoffée ansins qu'il apartieni, ossi riche que
sera posible, au mitan du retable.
Item, una ftlaiurala hont seront les armes dudit noble Ma-
tharon.
Item, quod dictus magister Marcus.
Prefachio vero et nomine prefachii scutorum auri cugni solis
viginti quattuor solvendorum pcr hune modum videlicet, nunc
incontinenii.scutosauri cugni solis decem quos habuit manua-
Hier et recepit dictus magister Marcus de Furno ab eodern no-
bili Matharoni, in sex scutis auri cugni solis, testonis et solidis
turonensium, in mei notarii publici ettestium subscriptorum
presentia,precedenti numeratione continua realique et perfecta.
De quibus ipsum nobilem Matharoni et suos quictavit cum
pacioe/c... Et restantes scutos auri cugni solis quattuorde-
cim in fine dicti operis.
In pace etc.. Has autem etc.. Sub emenda etc.. De quibus
etc.. Obligantes dictus nobilis Matharoni omnia ejus bona
mobilia et inmobilia, presentia et futura realiter ; tamen dictus
vero magister Marcus se ipsum etc.. Omnia ejus bona, res et
jura quecumque mobilia et in mobilia, presentia et futura, rea-
liier et personaliter. Curie Camere régie ration um Aquensi et
aliis etc.. Renunciantes etc.. Jurantes etc.. De quibus etc..
Actum Aquis, in appotheca domus nobilis Honorate Del-
phine. Et magistri Guilhelmus Tornoys pcUiparius, et Guillel-
mus Marini, sartor, habiiatores Aquensium.
(Archives de la ville d'Alx, protocole de M' Gillet Bertrand,
Il 28, f" 186.)
Il
nU et geoeroso viro GuUlielmo MatliaroDi. ùlio no
Renati Matharoni» majoris domint Castri de Po
(ddic premissis» noium mi clc... Quod uiNcrctus ur
Petnis Disp, muniseriusci habitator ville SanctîMatH
mim^ Aquensis diocesis» bona cjus Adc gratis e/c.« per se d
siiQS hcncdes eic, confcssus fuit Kabui&sc ci récépissé a tiobïli
vtfoGuiihdmoMatharoni, filio nobiliset gencrosi Rcnati Ma-
tharofii* majoris domini castri de Podîonerio, prcscnii etc.. et
IQ dimiiiulione scurommdeccm et octoin quibus idem nobilis
Maiharoni eidem magrstro Disp tenctur preicxiu ei occaviooc
construciionis cuju&dam retabulî nucts, vidcliccl !»cutos auri
ciigni solis quïndecitn currcmcsrfc», quos habuit ci rcccpil, aï
dixit. in testonis et soUdîs turonensmm* de quibu^ tcneasct
reputans se idem magtsicr Peirus ab eodem nobîU Matharoni
tacitum ei contcntum, îpsum nobiiem Matharoni et $uos ac
omnia bona sua, res ei jura quccunque mobilia et inmobilîa,
prcscntia cl luiura quictavii et quict-ti cum oacio de nA uno-
rius pctcndo,
Hanc auiem etc.. Sub emeiKlarfc... De quibus etc.. Obli-
fçanîi omnia cjas bona, ncs et jura qoecunque, mobilia et m-
mribilia, prcsenlia et futura ncaliiçr tamen (>urie Camcrc rcR^îe
ration um Aqucnsium et aliis ric... Renuncians etc. Juratuc^
etc». De qurbus(r/t\.,
Actum Aquîs ubi supra et qui supfa.
<Irr. f- tHH.)
^
— 669 —
XXXV
ÉTYMOLOGIE PROVENÇALE
fARH SRHHEJO
par M. Edouard AODE, Membre de l'Académie d*Aix,
Secrétaire- Archiviste de la Société d'Études Provençales^
Conservateur de la Bibliothèque Méjanes,
L'expression Mar Sarnèio pour désigner la Méditerranée se
trouve consignée dans le Nouveau Dictionnaire provençal
français de Garcin, à l'ariicle : Mar.
Mar. — La Mer... Mar Sarnèio : Mer Méditerranée ou mer in-
térieure.
On la trouve également dans le Trésor du Félibrige de
Mistral.
Sarnèio, adj. La mar Sarnèio, mer Méditerranée, selon le dic-
tionnaire provençal d*E. Garcin.
Et Mistral ajoute, sous une forme très dubitative : « Serait-ce
une corruption du français cernée ? »
Mistral a raison de se montrer circonspect. La mer Méditer-
ranée, considérée dans son ensemble, n*a jamais eu de nom
vraiment populaire, pas plus en Provence que dans les autres
pays qu elle baigne. Les populations maritimes se sont toujours
bornées à leur horizon particulier et ont donné à l'étendue
d'eau qu'elles aviHcni sous les yeux le nom dcTî^gïoncorres-'
pondante. Généraliser fat l'aftaire des géographes. La mer
Méditerranée se compose^ en réalité, d'une multitude de mers
se rattachant toutes à un nom de terre, partie du coniinent ou
île : Marelberkum, Bakarkum.GaUicum, Ligusticum, T'Ait*
renufn, Sardouvu etc., etc. *. Actuellement il en est de mime et.
notamment en Provence on dit : la mar liou M ar lègue, de Star-
si/to, lie ToiilottfK c'est-à-dire les eaux du Martiguc, de Mar-
seille, de Toulon.
Je suppose que si Garcin, qui vivait dans le Var, à Dnigut^j
gnan. et ne s*est gutîrc occupé que du dialecte de son départe-^
ment, a entendu parler de la mar Sarnèio* cq iui par des
pêcheurs de Saînt-Raphaël ou de Saint*Tropez dont il était
tout proche* Il est donc naturel de chercher dans ces parages
le nom d'une terre d où Ton puisse tirer rélymologie. Or. les
eaux delà Corse, pour les marins provençaux, commencent au
large des îles d*Hyères et peut-être faut-il voir dans mar
Sarnèio, mare Cyrnœum, la mer de Cvrnos* Le nom grec de
Tîle se serait ainsi conservé dans une appellation maritime. La
plupart des vocables helléniques existant encore en F^rovençal
sont, du reste, relatifs à la navigation ou à la pèche ; noms de
(ilets. d'engins, d*agrès, de barques, de poissons* D*auirc pan,
le nom de Cyrnos n a jamais été oublié. Il fut sou%*cm em-
ployé par les poêles, depuis Virgile :
Fugiant Cyrneoa examina tua taxm
]uî.qu a Carducci:
,.Ja cirneia proie.
Il est encore populaire dans l'île. Mare Cirnèio est de
* Voir »ur ce point : Taàutœ in ClaMdii Hùltmœi geùgrayhmm
l*ih$» DidAf. tçoi. (Cotlection Didot.j
— 671 —
possible et nous amènerait directement à mar Sarnèio. —
(N'oublions pas que, dans le Var surtout, on dit couram-
ment marvèio pour mervèio).
On pourrait être tenté aussi de rapprocher Sarnèio de Sar-
dinia. La merde Sardaigne occupe pour les marins tout Tes-
pace entre l'île du même nom et les Baléares ; mais il y a des
impossibilités phonétiques à admettre cette étymologic.
La conjecture que j'avance ne serait une certitude que si
l'on pouvait retrouver un texte où il soit question de la mar
Sarnèio et que s'il était établi que ce terme est encore employé
par les marins corses ou provençaux. Le dictionnaire de Garcin
date de 1823 ; peut-être depuis cette époque le mot s'est-il
perdu. Il y aurait là une petite recherche à faire ; j'avoue
n'avoir pu l'entreprendre. Comme tous les auteurs de cette
époque Garcin n'indique pas ses sources, mais on sait qu'il
était très scrupuleux et très attentif. 11 se trompe rarement et
n'était pas capable d'inventer.
Il est assez plausible de croire que Garcin a recueilli ce
terme de la bouche d'un vieux pêcheur des calanques de l'Es-
terel, lequel, comme on le sait, géologiquement se rattache à
la Corse qu'on peut apercevoir de là par les temps clairs. Mar
Sarnèio ne serait pas le nom prqvençal de la Méditerranée,
mais simplement le nom de cette partie de la Méditerranée
qui s'étend de Saint-Raphaël à Calvi.
E. Aide.
- 673 —
XXXVI
ÉTYMOLOGIE ET ORIGINE
de roca, rocha, roche
Par F.-N. NIGOLLET, professeur au Lycée Mignet,
Trésorier de la Société d'Études Propençales,
Secrétaire général du Congrès,
Le nom féminin roca, que les Félibres écrivent roco, se
trouve, avec quelques variations de formes, dans la langue
populaire, non seulement de la région provençale, mais encore
de tout le pays qui s'étend des Alpes à TAtlantique V Dans la
haute Provence, l'Auvergne et le Limousin, le c est remplacé
par ch que les uns prononcent ts^ les autres tch : l'Auvergne
et le Limousin ont, de plus, assourdi To en ou et développé
* F. Mistral : Lou trésor dôu felibrige ou dictionnaire provençal-
français embrassant tous les dialectes de la langue d'Oc moderne ; Aix.
en-Provence, J. Remondet-Aubin. — L. Boucoiran : Dictionnaire ana-
logique et éty^mologique des idiomes méridionaux qui sont parlés depuis
Nice jusqu'à Hayonne et depuis les Pyrénées jusqu'au centre de la
France ; Nîmes, Bîldy-Rifîard, 1875. — G. Azais : Dictionnaire des idio-
mes romans du midi de la France comprenant les dialectes du haut et
bas Languedoc, de la Provence, de la Gascogne, du Béarn, du Quercy,
du Houergue, du Limousin, du bas Limousin, du Dauphiné ; Paris. Mai-
sonneuve, MDCCCLXXVII. — S.-J. Honnorat : Dictionnaire provençal-
QONORis. » 43
'après lui un son parasite e qui en consiîiue une sorte d'alld
gemeni rocha, rocho. rouecko. Dans la Gascogne, le Béarnais
et le Basque, il s*est développé un a devant le r initial (arrocQ, j
arroque, arroeaA conformément à une loi phonétique générale |
de celte région qui n'admet pas le rau commenccmeoi d^j
mots *.
La torme masculine roc, que les Félibrcs provençâUJi écri-
vent râ, est usitée aussi, mais beaucoup moins ; on lui préfère]
généralement Taugmcntaii f roca^ç^roMcai-, rouckas. D'ailkofS
rue subit, suivant les régions, des moditïcations analogues il
français ou dictionnaire de la langue d*Oc ancienne et moderne, i
d'un yocabulatre françaiS'proyeniial ,' Digne, Repos, 1*146. — Abbc /. Pfi»
tt.<»RiT«t : Premier essai d'un dictionnaire niçoit'/rani^aiM'iiaiiem ; NiCt, ]
Robdudi, 1894. — James BmiYN-ANtiREws : Vocabulaire /rançdis'mtni'^'^^]
nais : Nice, imp. Niçoise, 1877. — 1. A. Cuahrand cl A» uc Rocmaj i»*Al»j
r,i.uh : Patoi» des Alpes-t'utliennes (liriançunnais €t pallies vaudoistnà^i
en particulier du ijueyras: Grenoble, Maisonville, 1H77. — Diciiommmfwl
de la Propence et du Lomtat- Venaissin par une Société de gens de Icttrvi; J
MarseiUe. J. Mossy» MDCCLXXXV. — Abb^ V*iss»ni : Dictionnaire pâ^i
loix-françatx du déparlement de l'Àpeyron : Rodex, E, Carrére^ ilAj^ — 1
Abbé Gauv : Dictionnaire patois-français à Cusage du déptMrtemeni éMi
Tarn; t'^sires, Pajol, 1845. — J.Gou«i«ïfi : Dictionnaire patoiS'/riinimf A
Castres, C.Thomas, 1847. — i.-A. Viàite : Dictionnaire du p»xiaiâ ê»\
Haa-lAmousin fCorré^e) et plus particulièrement des enpirons de Ttttit,
Tulle, Drappeau, — Cisac-Mokcaut : Dictionnaire gaseon'/nitiçais,éi^
tecte du département du Gers: Paris, Dideron, MDCCCJ,X||K - AcH. Us*
CNAtPi ; Recueil de textes de t ancien d'alecte gaâcon, d'ûprH d€i 1
ments antérieurs au K\** siècle, suivi d'un glossaire: Paris.
1H81. V. Le&py : Grammaire béarnaise suivie d'un Mùcabmtmrm ^
çaii béarnais ; (^iiu, Vemnesc, iH5â, - M.-H*L Famuiï 'trr*
français-basque ; Bayonnc. h\ Caxals, 1870- — L. Piàî ; ^r? ^
français-occiianien donnant l'iquipaleni des mois franc aii dait§ twa tm |
diatectei de tangue d*Oc moderne: Montpellier, HerroeUn» 1S44.
» A. LucMAiitt De lingua aqmlanica: Pari», Hachcilc, i»/; , — Ef^ct I
sur les idiomes pyrénéens de la région française ; Paris, MatMMtimvi»]
iSyÇ* — 0.-W*-J VA» Ets r Grammaire comparée des di^îectet
ques; Paris, Msisonneuvc, 1879.
- 675 —
celles de roca : dans le Rouefgue, il devient rouoc ; dans la
Gascogne, arroc.
Ces noms ont pour synonymes, dans la région pyrénéenne,
le moxpena, peno, et, en particulier dans les dialectes basques,
peha, arkadia, gherinda. Ailleurs, ils n'ont pas de synonymes
à proprement parler ; car truc, clap, cair, quer désignent de
« grosses pierres )>, des « blocs de rocher », mais ne sont pas
synonymes de roc, roca. Toutefois, dans les Hautes-Alpes, on
emploie le mot bric, brec (ou, avec nasalisation, brtnc, brenc)
dans un sens très voisin de roc. Il en est de même, dans le
Dauphiné, le Vivarais et le Rouergue, des formes ronc, renc,
ranc, qui ne sont peut-être qu'une nasalisation de roc avec
altération de la voyelle.
Très vivants et très usités, roca, roc ont formé, dans la lan-
gue du midi de la France, un grand nombre de dérivés. Mis-
tral en donne une cinquantaine. Ils ont formé aussi des com-
posés, soit avec d'autres mots, soit avec les préfixes a, de ou des,
en. Ils étaient très usités déjà dans la langue des troubadours,
et ils avaient, dès lors, plusieurs dérivés et composés *.
A roca, roc correspondent exactement en français, soit pour
le sens, soit pour la forme, les substantifs roche, roc. Mais là
cette famille de mots s'est beaucoup moins développée. Outre
?'oc, roche et rocher, auxquels elle attribue la même significa-
tion, avec cette différence que la rocAe entre moins dans la
terre que le roc et que le rocher est ordinairement très élevé,
l'Académie ne connaît que l'adjectif rocAewx et le substantit
rocaille, avec ses dérivés rocailleur et rocailleux '. Toutefois
des lexicographes de très grande autorité admettent aussi les
* Raynouard : Lexique roman ou dictionnaire des troubadours ; Paris,
Silvestre, 1843.
* Dictionnaire de r Académie française: septième édition ; Paris. Fir-
min-Didot, 1878.
composés déroquer, dérocher^ dérochage ci enrocher, enrn
ment •-
Dans l^ancicn français, on trouve une dizaine de formes ié»
rivées de roc, roche, que la langue liiiéraire n*a pas adoptées:
telles soni rochal ou p*ocal, rocket, rochelle, rochërie^
rei ou rocheroi, rochet, rcchetle. racheter ou roquéier,i
U est à noter aussi que le moi rocheou roquescsi employé dans
le sens de 4t château fort, citadelle î», dans celui de « moue de
terre qui se forme en labourant >, et dans celui de * carncre
dé pierres ^. Du reste, ces formes et ces significations par
sent avoir été propres à certaines régions qui les ont conservi
jjsqu à nos jours *.
C'est que les patois du centre ei du nord onU en géoéfilt
aussi bien que ceux du midi, les mots roc^ roche, ou des tbf*
mes correspondantes \ Si» pourquelques régions, le^ ' -rcs
ne les doniicni pas. ccsi apparemment qu'on les a ..- rcs
comme des mots français ei par conséquent dépourvues dltt*
térét au point de vue dialectal *.
♦ E. LiTTiÉ : iMcttonnaire de ta Lmg^t(e française : Hïiris. H^ciu
rH8i. — Ad* Hat^ckeld €l Ars. Dahmstetc» (avec le concoor* Je M. Â9t
Tho«as) . Dictionnaire général lie ta langue /rançûite du commtna-
ment du X Vit" siècle ;usqu\i noâ jourt ; Paris, Delagrave.
• Fréd. OoDàfPOv Dictionnaire de l* ancienne langue frAn^^U^ €i ai
tùus ses dialectes du tX* au XV siècte; Paris, E, BouiUon, lît^i,
• C^mie Jauiisut : Glossaire du centre de la France : Paris, N Olâtt.
— E. bit (^.HàMiiuRic : Glossaire du Moryan : Paris, Cbampioo, «87^^
Ch. JoikT : Essai sur te patois normand de Bessin: Paris, Vicweg, •!
— Ohiplin : E$âa( sut le paloii lorrain des empirons du €omté dm ^m
de ta Boche : Sirasbourjt;, Je«n-Fr<d. Steîn, 1775. — Gnfg RotTtfcutJi {Ht
tionnaire français cettii/ue ou français breton ; Rennes, J. ViCir.
MDCCXXML— J. LoTH : Dictionnaire breton français dm éiatwcHie
Vanne% de Herre de Chatons: Rennes. Plihon ci Hcrv^. 1895.
* l,S* Onufito : Enai d*un glossaire des patois du Ly^simaiM^ fùHt
et BeâUfolais: Lyon. N. Scheuring. 18614. — t. FâVii : Gt&is^irw dm Ni
(ou, de ta Satntonge et de l'Aunisi Niort. Robin et L. Fâvre, 1867.
— 677 —
Un témoignage certain de la diffusion relative de cette famille
de mots, dans les différentes régions de la France, ce sont les
noms géographiques qui lui sont empruntés. Tous les départe-
ments n'ayant pas encore de dictionnaire topographique, on
ne peut établir un compte exact de ces noms, mais on peut s'en
faire une idée d après des ouvrages généraux. Les régions où
ces noms sont le plus répandus sont celle du sud-est, entre le
Rhône et les Alpes (ro départements), où Ton en cite 212 dont
5o communes ; celle du Plateau Central (10 départements), 194
dont 58 communes ; celle du Languedoc (8 départements), 157
dont 5i communes; celledela Charente et de la Loire(i i dépar-
tements), i35 dont 74 communes; et celle du Nivernais jus-
qu'au Jura (10 départements), 127 dont 41 communes. Les
régions où ils le sont moins sont, par ordre décroissant, celle
de la Bretagne et du Maine (6 départements), où on en cite 88
dont 32 communes ; celle de la Normandie, de TIle-de-France
et de la Champagne (i3 départements), y5 dont 42 communes ;
celle du sud-ouest, des Pyrénées et de la Garonne {10 départe-
ments), 65 dont 48 communes; et celle du nord et du nord-est,
depuis la Manche et la mer du Nord jusqu'au Rhin (6 dépar*
tements). 21 lieux dont 14 communes *.
Si nous sortons maintenant du territoire français, nous trou-
vons l'équivalent de roc, roca^ en Italie, en Suisse, en Espa-
gne, en Portugal, en Angleterre et dans les Pays-Bas.
L'italien a deux formes roccia et rocca ; celle-ci, aujour-
d'hui, ne s'emploie qu'au sens de « forteresse, citadelle »; mais,
au xiir siècle, elle avait également celui de « roche ». Il a dû
exister, à une époque lointaine, une forme masculine (rocco).
* GiNDBE DE Mahcv i Moupeau dictionnaire des communes de la France,
Pans. Garnier. ii*85. — Dictionnaire géographique et administratif de
la France, publié sons la direction de Paul Joanne; Paris, Hachette, 1902.
d*oLi est venu le diminutif roccAio {d'un lypc 'rocuiià,u , .ju^ .^
trouve déjà chez Dante. Il y a aussi quelques composées Je
rtycca cl de roccia. Mais roccia a un synonyme très usité, riif\
Les patois de la haute Italie n'ont pas ce mot» rupe^ mais ih
ont une forme correspondant a roccia ; dans la Lîguric. c'est
roka : dans le Picmoni, roca et roch ^ Le vénitien cl les dialcc*
tes illyriens ne connaissent ni roccia ni rupe : le vénîtico cm*
ploie comme équivalent ie mot croda '.
La Suisse romande a aussi des formes correspondant au fra~
^iL\s roc. rochCy cl on cite» dans celle région, une soixaniaine
de noms de lieu qui en soni tirés \
L'espagnol a le nom féminin roca, avec une dizaine de déri*
vés ou composés ; il emploie comme synonyme de roca le mot
pena qui a formé lui aussi à peu près autant de dérivée *. Ijc
' KiGOTiwi e Fankanï : Vocaboiario italiano delta Ungua j^+**4*ï,
migliiiio; G, Barbera. Fircnze. — C FfAttAfti et L Caccia i Grand «ft^/ron*
naire français italien et italiet\ français, nouvelle édition revae et >
rigéc par Arthur Angcli ; t'iiris* Garnier — Annibal A»<TOtii}ii : f}i€tp
naire itatient latin et français^ et Dictionnaire français Jùtin tt iialtfm^
y cditinn; Venise» \\ Piiieri, MDCGLIL — L.W. Blawc : VneaUi^nm
Jantesca n di^ionariQ critico e ragionato Jella diyina commidia di
Dante \lighicri. a' edizione; Firenzi:, G. Harbera, 1H77. — Christ. G*»-
ntia : Deux patois des Mpes-Maritimes | idiome* de Bordighera « 4e
Rcaldo) , Faris. -- M. PoffJSA : Vocabotario piemonttse-iiûiiamotTofio^,
C. Schicpaiio, iH4$,
* Gtus* Kotitio : Ditionario deldialetto Vêne^iano, 3* édition ; Veiwia,
Giov, Gocctiini. 1867. — Ardella Dii.tA UiLt4 '.Di^ionario italfamp-t^Uimi»'
ittirico; Hagusa. MDCCLXXXV,
* Ch. KttàP, M, BoPEt el V. Aîtingk» : Dictionnaire ^^éof^raphi^me i
la SuiJixe; Ncufch/ltcl, Attinger. 1906. — CharJtîi di Hocut : Ltrtkomtt
(teu dans la vattt*e Moutier^Granval tJura X^rrn 015), éttide toponjfsiiqiiê
Halle, Mm Nicdcrmcycr, tgof».
* K.CoioaA-BuMAiiLriTt : Diccwnario egpaùot'franceM ; l'aria, If^Kl
1901. — L i>K FonstCA : Di*:ti<*nnaire fran^atJi espagnol H eip^fmmt-
français; Paris, Hachette. 1870, — C-M. Gattil : fta tinuwi itr^ /r?^-
— 679 -
portugais a des formes exactement parallèles : roca ou rocha
avec son synonyme penha et leurs dérivés et composés *. Parmi
les dialectes de la péninsule, le catalan a non seulement les
formes qui se trouvent en espagnol, mais de plus le nom mas-
culin roc : le dialecte de Galice n'a que peha et ses dérivés ; on
ne cite pas non plus roca dans celui de Valence *.
L'anglais a le substantif rocA (roc, roche, rocher) et quelques
dérivés. Le mot rock y a deux synonymes, crag-et cliff. Parmi
les dialectes populaires du royaume, l'irlandais et le gaélique
ont aussi roc^ mais les autres dialectes néo-celtiques ne Tont
pas ; ils expriment l'idée de « rocher » par des formes dérivées
de car qui se trouvent également en irlandais et en gaé-
lique 3.
Le néerlandais a le substantif rois (roc, roche, rocher), avec
quelques composés et dérivés. A côté de rois, il a le synonyme
klip ^ Les autres langues germaniques, danois, islandais,
norvégien, suédois, ne connaissent pas le mot roc : elles expri-
ment cette idée par des formes correspondant à l'anglais cliff
çais espagnol et espagnol-français ; Lyon, Broyset, i8o3. — lesoro de
las très lengvas francesa italiana y espanola ; Genève. Ph. Albert et
Al. Pernet, MDCIX.
* J.-I. RoQUETE : Nouveau dictionnaire portugais-français ; et J. da
FoNSECA : Diccionario france!^-portuguei[; Paris. Aillaud et G", }Hjb.
* Joaquin Ksteve y J.Belvitges: Diccionario catalan'Castillano-latino ;
Barcelone, Tecla Pla, i»o3. — J.-G. Pinol : Diccionario gallego ; Bar-
celona. Ramirez, 1876. — J.-P. Fubstep : Brève pocabulario valensiano;
Valencia. (}. (jimeno, 1827.
' Flemikg et TiBBiNi : Grand dictionnaire français-anglais et anglais-
français; Paris. Didot. 1857. — VValier W. Skeat : An etymological dictio-
nary ofthe english /jn^Mag'e;Oxford,GIarendon press.MDGGGLXXXlV.
* K.BAMERS* : Nouveau dictionnaire de poche français-néerlandais et
néerlandais-français, 8' édit'on : Gouda, Van Gaor Zonen.
68o --
^t au néerlandais khp V Les mois de la famille r<»c ne se trou-
veni pas non plus en roumain *.
lix\ résumé, actuellement le domaine de cette fanitUe de
mots comprend la l-'rancc. une partie de la Suisse. lUtaiit*
TEspafîne et le Portugal, l'Angleterre avec Tlrlande et TEcos^
les Pays-Bas. En h'rance» elle s'est particulièrement développée
dans le midi et plus spécialement dans le sud-est ; elle n*y i
pas en général de synonyme, tandis qu^elle en a dans tous ks
autres pays.
Les linguisics qui se sont occupes de Ibrigine de rocû, cld<
ses équivalents ont émis^ à ce sujet, des opinions fort diver>e&.
II y en H qui le rapprochent du grec W>; (^accus. ^o*t'K %^
signifie «t fente, crevasse ^ \
D'autres le font venird'un adjectif latin rupeum {(ém, rupeami
employé une fois au iv* siècle par S. Ambroisc ou d'une forme
théorique *rupicum (fém. 'rupicam) qui ne s*cst trouvée jus-
qu'ici dans aucun texte *.
* D. S4WDEP5 : WérUrbuch der deutschen Sprache ; Leipiig, O. Wi
j;Kiid, 1H76. ^ Tricd. Klugk : EtymologUckcs Wârur^uck étr état
schtn Sprache: Sirassburg, Triibner, «87a.— Nmifeau dictionmûirt p»^
tattf français daptois et dunonfrançau ; LcipsiC* U. Hotuc. iflTt, —
f ramk och xvtttskt hatuHexicont cl Nyti sptn^ki och framsyM kânê-
Uxicon î Stcckimini, ft|erta« 1849.
* R. |>E PoitTHRiANT: DtcHonaru romano/rancesu ; Bucof e»ci« Ail« Vh
rich. t^3. — Th. Codresco : Oictionaru francexo romanti : Usij, Bac.
Romanti, 1859.
■ F. MisTHAL î Op cit^, «u inol toco.
* Fricd. Di6« : EtymQhgischti Wtirtcrbuch dtr romanischtm Spn-
chem Bonn, Ad. Mircas. i853. — Aug. Sciicixn : liictwnmMir^ d'éiym^
io^'te française d'après les réiultatt de la iciencé mùdttmt ; eii
édition; Parus. Maisonneuvc, 1H73. — Au^. Hricmki : Dicttonmsire éiyt
logique de ta langue françaUe; io*êdition , Paris, HeiscL — frAivc* Ta
KALur : Vocaboiario etimvlogico italiano: CitU di Çailcllo, ï. I^pi, <S
/
-- 68i —
Quelques-uns, s'appuyant sur ce que roc se trouve en irlan-
dais et en gaélique, et que le bas-breton roc'h se prononce avec
le ch guttural, le croient d'origine celtique K
Enfin, une quatrième opinion se borne à le rattacher au
latin populaire roccam. mascul. roccum, d'origine inconnue *.
L'origine grecque est peu satisfaisante, au point de vue de la
terme et du sens. En effet, on aurait dû avoir roga^ rota, roge,
si le mot vient de l'accusatif âtoya ; ou rois, s'il vient du nomi-
natif s('>;. D'autre part, le sens de * crevasse, fente ^ est tout
l'opposé de celui de roca, roche qui désigne une « élévation,
proéminence >►.
L'origine latine l'est encore moins. Sans compter ce qu'il y a
de fantaisie à forger, pour le besoin de la cause, un mot latin
qui ne se trouve dans aucun texte, on a remarqué depuis long-
temps que « les formes normande, italienne et provençale ren-
dent inadmissible l'étymologie de *rupea )>, et quant à celle de
'rupica, « les lois de la phonétique ne permettent pas une pa-
reille dérivation ^ \ Il est évident que le normand roque, le
français roche, le provençal et le portugais roca, rocha, l'espa-
gnol roca, l'italien rocca et roçcia viennent tous d'une forme
primitive roca ou rocca dont le c a persisté ou est devenu ch
suivant les régions, tout comme le normand vaque, le fran-
çais vache, le provençal vaca et vaçha, l'espagnol vaca, le por-
tugais et l'italien vacca sont venus du latin vacça,
Quant à l'origine celtique on a fait remarquer que le breton
' E. LiTTRÉ : Op. cit., au mot roche. — VV. Skcat : Op. cit., au mot
rock. - Alf. HoLDER : Alt celtischer Sprachschat^ ; Leipzig, Teubncr,
1891 1906.
' Gustav KôRTiNG : Lateinisch romanisches Wôrterburch ; Paderborn,
Fcrd. Schôningl. 1901 - Ad. Hatzfeld et Ars. Darmsteter : Op. cit.,
au mot roche.
* Ch. JuRLi : Op. cit. - G. Korting : Op. cit.
— 682 —
roc'h ei 1 an^^Uiii rock peuvent venir du fran<,'ais roc ci que Tir*
latidaiîi ei gaélique roc peut fort bien être emprunté à l'an*
^lais '
L opinion d'après laquelle toutes ces formes se rattacheot
au lypc bas-latio rocca est la plus raisonnable et la plus sûre.
tilc a lavaniage de ne s'appuyer que sur des faits ccrtâîiis.
Mais un point reste à éclaircir : quelle est l'origine et quel csï
le sens étymologique de ce bas-latin rocca? C'est à ces doa
questions que nous allons essayer de répondre.
Le mol rocciî est un de ceux que Ton rencontre le plus sou-
veni dans tes textes latins du moyen-âge, et cela depuis k
vir siècle. Il a. le plus souvenu le sens de « roche, rocher» ;
mais il signiiic aussi « citadelle, forteresse i>. Il est écrit tantét
roca. tantôt rncca, tantôt roc/ta. quelquefois rocka ou roccha^.
En particulier pour ce qui concerne la région provcn*;alc. on
trouve au \î^ siècle, non seulement la forme ;"oca, ou quelque-
fois rocca, dans la basse Provence, et rocha dans la haute Pro-
vence*, mais aussi la forme masculine Hocos ou H(kco$. nom
de lieu \ le diminutif rock^ta ou rokitta ou racheta \ laui^
* V. HiNiv : Lexique étymoiogiquê des termes Us plus UMUtHéMàfê*
ian moderne : Rcnnci* J. Phlioji et L, Htrvé, 1900. — WiUef-W. SttiT
Op cit,
* Du C4fiGe t Gknjiiirium mediae et infim^e iatinUaiiM: Pirb, F. DicM.
*8^5. — A If. HotULi : Op. cit,
* Cûrtulaire de l*abhaye de Saint Victor de htarseUle, |»iib. p^r Gmh
T&rd : Paris* l.ahurc. MDCCCLVIÏ , — n- 383, vers 1070 î In lerniôhQi
focA lUronc*.,; — n" 696, vers io5o . Subtu^ ipsdm roccam qae
mons Ccicus.,. î— n* 1067. février 1^43: btabet consoriescï lermtm
rocam naturalemî — n* 718, vers io33 : l'ositrula tic Rocha iUriUofi
sicul rocha lenet ., et alia roca. . ; — n* 26S. io33 : Bt rocâ qoeo^iiiA
nant Tremolone: — n- 684. io3i : Sîcm \ia vadit in foca.. > ; — n* 7M.
io5o : I squc in roca de Caiia; — p* 636, K, 9 : Colonica super roci,
* fbid^ — N* H^4, iujn I i35 . Iicm... Novilms. Rocco»» Oleyr»*, Porcâs.
-* n* ^43, juillet 1079 : Item... NovaliU... Kocos. Oleiras, PorciU.
' Itid, — N*a8g, toda : A mendie licut sut rokcu de Bono ; *— hp i A
- 683 ~
mcmaùf Rochaka, nom de lieu ', ei le dérivé Rocaria, nom de
lieu -.
On trouve aussi, du v» au xi* siècle, des noms de personnes
et de peuples qui sont évidemment dérivés de rocca^ ou plutôt
du masculin roccos, comme Roccon et Ruccon, noms d'hom-
mes; Rocula, nom de femme; Roclo, nom d'homme, Roccones
ou Ruccones ou Runcones, nom de peuple \
Pour la période du i" au v« siècle, on n'a/jusqu*ici, trouvé
aucun texte contenant soit le mot rocca employé comme nom
commun, soit ses dérivés. Mais les inscriptions ont fourni un
t^rand nombre de noms de personnes qui le reproduisent ou sV
rattachent évidemment. On trouve comme nom d'homme les
formes masculines Rocus \ Ruccus avec son composé 5e/io-
ruccus ^ et aussi Rocca *, lesdiminutifs Ruccon'' ci Roucillus*;
1046: Sicut slai rokitta de Bono ; — n" 179, janvier 1040 : In loco que
nuncupant a la rocheta super fluvium Khodani.
* Ibîd. — N^ôgô, io5o : In castrum qui vocatur Rochakt in valle sancii
Romani.
* Ibid. — N* i83, vers 1070 : ... totum pltnum in Rocaria.
' Alf. HoL(>LR : Op. cit. — Noiez que ce peuple habitait un pays nr^nta-'
gneux : Roccones montibas ardais undiquc consacptos per duces dcvicit.
* Revue archéologique, nouvelle série, 24, 1872, p. 58. —Alf. Holder :
Op. cit. — CIL. I. 48a.
' CIL, VII. Inscript. Britanniae latinae, i334, 44. — 76., xiii, Inscripl-
trium Galliarum et Germaniarum latinœ, 685: A. Acaunus Senorucci f.—
Alf HoLbER : Op. cit.
" CIL, xiii, 10002, 429. — Alf. HoLDCK : Op. cit.
' CIL, III, Inscript. Orientis et Illyrici supplementum, 11466.
* (l.^SAft, De bello civiii, III, 59, i : Rrant apud Cssarem in cquitum
numéro Allobroges duo fratres. Roucillus et Aecus, Adbucilli filii... : 79,
6 : Allobroges, Roucilli atque Aeci familiares, quos pêrfugisse ad Pom-
peium demonstravimus.
— 684 -
comme nom de femme, les formes féminines Ruca\ Rouca-,
et les diminutifs Rocula % Roccola * et Rocilla *.
De Rocus on avait tiré un gentilice dont la forme masculine
se trouve écrite Rocius *, Roccius \ Rucius * et Roucius *, et
la forme féminine écrite Rocia **^ et Roccia **.
De Rocius on avait formé le surnom Rocianus ", comme
Valerianus de Valcrius.
Peut-être le nom des Rucinaies, peuple des Alpes •', doit-il
être rattaché à la même famille de mots, ainsi que le 'Pouxo-
vtov, contrée de la Dacie **.
D'ailleurs que le même mot soit écrit tantôt avec o, tantôt
avec w, tantôt avec ow, cela ne doit point nous étonner.
Rien de plus fréquent. Comparez Totius^ Toutius ; Segusio,
ileYoû^Tiov ; Litumaros, Litoumareos ; Troccus, Troucillus,
* CIL, m, 10292.
» Alf. HoLDF.» : Op. cit.
' eu , X, Inscript. Brutiorum Lucaniae Campaniae Siciliae Sardiniae
latinae, 338a.
* Revue archéologique, 3* série, l. II, p. 32 5, — Bulletin épif^raphique,
t. III, p. 256. —Alf. HoLhER : Op. cit.
* CIL. VIII, Inscript. AJricae latinae^ 836o.
* (JI,, V, Inscript. Galtiae Cisalpinac latinae^ 5870, 6079. 81 25" : vi,
Inscript. urbis Homae latinae. 10*43 ;xiii, 534; 'v. Inscript. parieUrue
Pompcianae. 1243; vni. 5093 ; i. Inscript, latinae antiquissimae ad C.
Caesaris muricm, f^y ; x, n3o ; xi\\ Inscript. Latii Veteris latinae, ib^.
.547.
' CIL. XII. Inscript, dalliae Sarbonensis latinae, i536; viii. 6948
•* CIL, If. Inscript. Hispaniac latinae, 3654.
' CIL, XII, 386i.
'" CIL, v,587o; vi, 10243.
*' CIL, VIII. 7689:
•' (;IL, M. 1324. 1749 ; V, 2&')().
•" PiJNt, Ilist. nat., m, 137. - CIL, v. 7H1; ".
•* Pioi.feMKE. m, <S. 4.
— 685 -
Cocillus, Cticcillus \ etc. Il est hors de doute que rocca, roca,
roitca, ruca sont le môme mot gravé de manière différente sui-
vant les régions, les époques, les ouvriers.
Cela étant admis, on ne s'étonnera pas non plus que je rap-
proche rocca de la seconde partie du substantif latin verrûca,
composé de ver + ruca, Pline (32 à 79 ap. J.-C.) emploie ce mot
au sens de « verrue» et de * tache )> d'une pierre précieuse * ;
Horace (65 à 8 av. J.-C.) l'emploie au- sens figuré de « léger dé-
faut » et l'oppose à tuber qui était le mot propre en latin pour
désigner une « excroissance 5» ^^ Mais Caton (234 à 149 av.
J.-C), dans un passage qui nous a été conservé par Aulu-
(jcllect par Nonius Marcellus*, emploie verrt/ca avec le sens
de « lieu élevé, rocher proéminent ».
Or, quelques lexicographes considèrent verrûca comme em-
prunté par les Latins à la langue des Gaulois ^. Mais, à l'épo
que où Caton emploie ce mot, et, à plus forte raison, à l'époque
» CIL, III, 5066, 8337; XIII. 4, 1691, 1979; vil, i336»"; i336»'»; 1330»"^»;
et passim.
* Hist. nat., XX, 48, 4 : Ocimum verrucas misio atramento suloriotol-
lit : — XXXVl, 8. I : Verrucae sessiles ; —74. 2 : lllud modo meminisse
conveniai increscentibus varie maculis et verrucis linearumqae interve-
niente multipliciductuet colore, muiata sxpius nomina in eadem plerum-
que mutoria. ,
^ Sat. I, 3, 74 : Qui, ne tuberibus propriis offendat amicum, Postulat
ignoscei verrucis illins.
*/\. Gellii noctium Atticarum libri XX; ex recensione Martini Hertz,
ediiio minor altéra ; Lipsiae, Teubneri, MDCCCLXXXV ; — m, 7, 6 :
M. Cato iibris originum de Q. Caedicio, tribuno militum, scriptnm reli-
quit... « Censeo. inquit, si rem servare vis, faciundum ut quadringentos
aliquos milices ad verrucam iilam (sic enim Cato locum editum asperum-
que appellat) ire jubeas camque ubi occupent impores horierisque. —
Sonii Marcelli de Compendiosa Doctrina libri XX, éd. Wallace M. Lind-
say ; Lipsiae, Teubneri, MGMIII, vol. I : Verrucam positum pro edito
loco Caio Iibris originum, « Censeo, inquit», etc.
*t:. Châtelain : Dictionnaire latin/fançais ; PariSf Hachette, 1889.
— IkSlî -^
où se passait k kiu qu'il raconte icn 258* sous le consulii
d*A. Alilius Calatinus), c'est seuiement avec les Gaulois cisal*
pins que les Romains étaient entrés en relation. Ils firent U
conquête d'une partie de lu vallée du Pô» à la soiie de l'altaq.
des Boïenscl desGésalcs, en 325, qui se termina par la M>umu*
sion des Boiens, en 224, des Insubres, en 223-222» cl la foada*
lion des colonies de Modène, Plaisance et Crémone, en aiSe
Ils ne pénétreront dans la Gaule transalpine que près de cent
ans plus tard, lorsque, appelés au secours des Marseillais, \h
en profiteront pour sétablir dans la Provence maritime (i 54^
t22 av, J.-CO
Cest donc à la langue des habitants de la vallce du PÂ^c*e$t-
à-dire des Ligures, que les Romains purent eniprunicr -
mot et non a celle des Celtes qui habitaient la partie de U
Gaule comprise entre la Garonne, la Seine ei la Marne '♦ et
avec lesquels ils n entrèrent guère en relations qu'après la con-
quête définitive de la Gaule par César (58 à 5o av. J.*C.).
Un détail important à noter et qui prouve que $^errkca i
réellement appartenu a la langue parlée par les anciens hihi*
tanis de la Gaule cisalpine, c'est qu'il est encore usité aujoiir**
d*hui, sous la forme truga ', sur certains points de oetie
région, dans le val Cavargne, par exemple, avec le sens ik
4( proéminence de rocher * ou « rocher proéminent j*. Or. Arûfi
est une transformation très régulière de pcrruca, comme */ii-
gla, employé à Plaisance, cl brugueL à Bologne, dan^j k leos
* C^s^i*, Ùe bfih Gattico, L 1, i<a t Gatlia est omnts ilivUt ko fèrm
1res, quaram unam incoïunt Bcigae, aii&m AquitKii« lertiam qui i|
tingua Celtae* nostra Galli appellaotur .« Gallos ab Aqattaois
Humen,a Belgis Matroni elSequana dividtt.
• B. BiojiWLLi : Saggio sui diaUtti gaito*itaUci : Milano,
dt Gio, iH53: page r«î : HrUga, VjâïJ C[ifArgtit], piccolo prctnM»(»torKi
pra un monte.
— 687 —
de « pustule >, le sont de verrucula cl d'un autre diminutit,
' verrucellutriy inusité en latin *, et encore comme baruga,
barua (verrue) et brouilloun (pustule), usités dans le Gapen-
çais, le sont de verruca et d'un diminutif 'verruculonem
inconnu du latin.
Si, d'autre part, nous considérons l'origine des inscriptions
que j'ai citées plus haut, nous voyons que, sur une trentaine,
il y en a un bon tiers qui proviennent de la région comprenant
la (jaulc cisalpine et le revers occidental des Alpes jusqu'au
Khonc. Parmi les autres, quatre ont été trouvées dans le midi
de la (jdule transalpine, de Nîmes a Bordeaux, quatre sur di-
vers points de l'Italie, trois en Espagne, trois dans la Numidie,
deux en Pannonie et Dacie, une à Bibracte, une à Reims et une
en Angleterre. En sorte que, d'après les données fournies par
l'épigraphie, c'est sur les deux revers des Alpes, ou autrement
dit dans la région ligure, que les noms de personne se ratta-
chant à la môme fiJmille de mots que roca étaient le plus ré-
pandus. 11 est, du reste, tout naturel que des personnes origi-
naires de cette région aient séjourné ou même se soient établies
à demeure sur d'autres points de Tltalie ou de la Gaule ; un
tait certain, c*est que d'une part on a trouvé à Villeneuve-
d'Agen, la tombe d'un soldat appartenant à une cohorte d'Al-
pins -, et, d'autre part, à Lectoure, non loin de là, est gravé sur
une pierre tombale, le gentilice Rocius. Pour les noms trouvés
dans des régions plus éloignées, la Pannonie et la Dacie, la
Numidie, l'Espagne, ce sont très probablement aussi ceux de
soldats originaires de la Cisalpine. En effet, les mêmes inscrip-
* /d., Ibid., p. 253 ; — Brugla, Piac[entino], bollt, pùstula; — Bruguel,
Bol ognese\ pusîula, bolla. — Ailleurs, ce mot a perdu la gutturale mé-
diale g et il s'est développé à sa place une labiale/.* firu/W,Geii[eraIe];
— Hrù/oio, Ver[onese], bolla, pùstula.
* CIL, XIII, 922 : lui, Attonis, 61. | Icco. miles ex | cohor Alpinorom.
— cm —
lions nous font connaître rexisience d'une iegio Gallica
Pannonie-Dacie * et en Numidie *. et d'une cohors CathruM
en Espagne, précisément dans la Bétïque» où oni ihé irou*
ces inscriptions*, et qui plus est un pitum est grave sur]
monument de Valerim Rucius *. Il me semble donc
établi que le bas latin roca est emprunté à lalanguedcs peup
qui habitaient le nord-ouest de Tltalieet te sud-^t de la Gaulj
reste ù chercher quelle a pu être sa signification étymoloii;i«q
et primitive.
lin latin, Téquivalcnt de rùcûx, rUca, au point de %ut
racine, est le moi arcem, nomin. arx. Dans rucus, la voycH
s*esi Kxée par récriture après r. tandis que dans arcem elle*
avant, mais, sî Ton élimine de ruc-us la désinence a^^. a^&i
arc-cm la désinence em. on trouve dans les deux une racifl
r t\ Un phénomène absolument pareil s'est produit
nombre de mots de la famille indo-européenne, noiammcfl
dans le laiin umbilicus, le grec oat^sc^oc et le vieil irlandj
imblhi qui, de l'avis de tous les étymologistcs les pluscooif
lents, sont Téquivalcnt de Tallemand nabel (vha. nûb
ndK «ai'e/, anfjs* najela, ang^nayel, nord. /ja/7egoih. 'nai
sànsc. nàb/tila, nombril), et viennent tous d'une racine itM^
Or, le sens primitif de arcem est * hauteur, lieu élevé *►, qui] i
le plus souvent, même chez les auteurs de Tépoque impériak^j
» CIL. III, iai5 et i»6. 1117, igig, laoSî, etc.
*CIL, VIII, ai7« %6ij^ ig/04, àon), 5»»:<. 3»^7r 4^H»
* UL» II. 403. t»»7. nëo.
* CIL, II, 3654 -
* L,eo Mi/ED : Handbuch dtr grUchnchtn Biymatcgie : Lexf*^^
Hirset. 1901 Walier W. SittAT : Op. c*r - Fricd Iwttac r Op. <U
* Vitoitt (70 h Mj »v. J-'CK Oeorg, II, 534 ' R«rum facU ctt pmkMn-
rkmà Roma septem que una sibt muro circumdedit «n^cs. — Oriui (.^av
àiS âp. l.-Ci, âttiam., 1*467 : irmbrosa Pârnassi conftiitit arer - ^««^
"celui de «citadelle forteresse » est secondaire et lui est venu de
ce que les citadelles se construisaient toujours sur des hau-
teurs *,
C*est a k même racine que se rattachent le galois rhwg qui
signifie « proéminence >*, le gaélique ritcas cl l'irlandais rucas,
rocas, lie né.
Il y a lieu de rapprocher aussi rucus, ruca de la racine sans-
crite ruh. roh qui exprime Tidée de* s*élcver, monter 5». et que
Ton trouve dans rôhas. sommet, et avec une altération diffé-
rente dansrcVi. monceau, meule'.
On rattache généralement 1 adjectif grec îxpo;. àxQi, axtov,
qui signitic ^ élevé, qui est au sommet ; citadelle >► â la racine
ac exprimant Tidée de « pointe >». et cette étymologie est très
vraisemblable'. Cependant âxfoc pourrait être une métaihèse
pour 'atpxoc. qui se raiiacherail à la même racine que arcem *.
Q)uoi qu'il en soii de ce dernier point, il me paraît suffisam-
ment établi par le rapprochement du latin arcem^ et du sans-
crit roh que le sens primitif de cette racine r c était celui de
*t proéminence, élévation, hauteur >. Comme, d'ailleurs, on
trouve et ia forme masculine rûcus et la féminine rûca, on est
lTALiccs(25à 100 ap. h-C], Pun., V, 496 : Primus inexpenas adiil Tiryn-
ihtusarces jLes Alpesy. Stack (61 à^bap. J.-C), 7 Arér.J. 114: Abrupia
qiia plurimum arce Cithaeron occurit cceîo.
* M, BittAL et An. Baillt : Dictionnaire étymologique /tif tn • FaritJ
Hachette, 1886.
* A. BiRGAiowE : Manuel pour étudier /j tangue sanscrite : Paris, Vifr»"
wcg, 1884. — A.BfcUGAiGWK et V.Henhv Manuel pour étudier le sanscrit '
védique: Paris, Bouillon, 1890.
' l.eo Meyib : Op, cît — A, Bajlli : Dicliiintiaire ^ec-françats ; Pa-
ris. J tachette, i&gS*
* Fo^cELLiNi ; Diciinnnaire latin: au moi arx,
* l,e latin arçus, arc. se rattache peut être aussi à la même rêcine
et a été ainsi appelé à cause de sa forme « bombée, proéminente».
COKOmtS — 44
^
amené à conclure que ce mot était un adjeciif 'rucos 'rutâ:
*rucom signirïain « proéminent, haut, élevé ♦.
Il est tout naturel qu*on ail fait de ce mot un nom de pcr*
sonne, comme en latin dePaulus qui signîtiâit« petit i*, comme
chez nous Grand, Gros, Petit, a en allemand Gross, Kteinqm
sont devenus des noms de famille après avoir clé des noms de
personne.
Si nous revenons maintenant au moi perrùca. nous y tioii»
vons, outre ladjectif féminin ruca, un préfixe per. Or ce préfixe
ï'erest un de ceux dont I existence dans la langue des andtm
habitants de la Gaule est le mieux établie. On le trouve dam
les noms propres Verangetorix (k côié de Cingetanx)^ Ver-
cassit*ellaunus, Vercondaridubnus. Veriugodumnus, Higo^
perjîigus, Vernemetum, Vertigerno, Verlucio et dans les mots
vcrtragum^ et veractum*. Sa si|;ni!icatïon est paHattcineilt
établie aussi ; il a le même sens que le français sur dans surku*
main, surfin '. Xerruca était donc, pour le sens, l'cqui^'a*
lent du fran<,ais5wr(*7ej'</*
» Veriragum (nomin. pertragm) élAii le nom du < lévrier » chcj )<S
Gaulois, cl il signitUil < très agile *, — AiiiEN. Cynég*» lit» 4 j Aï tt
TToomxêtç xùvs; aî Fve>.ttxal JtatXouvrat asv ojÉiTiXYOi jttWf; »1
Aixatvûtt, iXX' (bç Tiûv KpTiTtxilîv «l Stinovot zirô tov ^tXoxovcK,
TT^ç «ôxÙTTjTOC. — MiiftTiAi,. XIV, 2tx). I : Non sibi »cd Dûmiao TcaMT
vertragus acer,
* De yrrac/wm {nom, yerjc/U4> est venu le mol garack fcompiar. trtck,
arr«cbé. de tractum, etc.) qui, dans tes Alpes, désigne tint « lemqoii
reçu un pretnier Ubour pour I4 préparer à éire enseinencée », «ta « jg^
ret » : de garach a cté formé le verbe grachar (donner an pnsitf
labour), dont lout/^j^jr isoulcvcrj est iynonymc.
* H. MoNiN : Monuments des tinciem idiomes gautois : Paris* E*Tli^
fin*— * A. D'AiftOis i>e JciaiMviLti, avec la collaboration 4e MM. E, EauaOU
et G. Doittu : Lei noms gautMs cHe^ César et HirHut: Parii^ fiiMÎllQS
— 691 —
Il â dû exister aussi une forme masculine *verrucos, et c*est
de cette forme, selon toute vraisemblance, qu'est venu le béar-
nais garroc (roc, rocher), par le changement de p en g.
Il reste encore dans la langue populaire des Alpes un autre
mot qui a la même origine et qui se rattache à la même ra-
cine : c'est l'adjectif rôgou[l] qui signifie « hautain ». Ce mot,
d'après l'analogie de nivou[r\, nuage, en italien nuvolo, et de
trebou l . trouble, au xi« siècle tribulum S suppose une forme
primitive roculum: c'est précisément le masculin de Roculam
que nous avons vu dans les inscriptions comme nom de per-
sonne. C'est aussi à la même origine que se rattache le fran-
çais rogue, fier*.
C'est probablement aussi à la même famille de mots qu'il
faudrait rattacher le français orgueil et ses équivalents pro-
vençaux orguelh, argualh, qui seraient des composés de org
(pour rog), avec le mot ce»/, prov. uelh, et signifieraient pro-
prement « œil hautain )> ou « regard hautain », comme le latin
superbia '\
***
En résumé, le bas latin roca ou rocca est un mot emprunté
à la langue parlée par les peuplades du nord-ouest de l'Italie et
du sud- est de la France ; c'est le même mot que rùca qui est
* Cari, de Saint-Victor de Marseille, t. II, p. 126, n* 779: Et sunt ter-
mini... : ab occidente, flamen Vaira usque Rivum Tribulum; ab aqui-
lone. de ip^o Rivo Tribulo usque in penna de Roca Rufa usque in Lara.
' Diez croit que ce mot vient de l'islandais hrock; Littré le croit plutôt
d'origine celtique ; Hatzfeld et Darmesteter lui attribuent une « origine
incertaine, peut-ctre celtique ».
' On considère généralement orgueil (au xi* siècle orgoill) comme € em-
prunté de l'anc. haut allem. *urgoli, subst. que l'on suppose avoir été tiré
de Tadj. urgol, remarquable, supérieur».
6g2 —
Félemeni principal du composé verruca emprunlé par fei
Romains, dès le m^ siècle avant notre ère, à la langue de li
même région. Son sens étymologique ou priîTiîiif est « bauu
élevé, proéminent x^.
Grâce à l'influence de la liitérature provençale du JE* Itt
x!n« siècle, ce mot a pénétré dès le moyen-âge en Catalogne
et par là en p]spagne et en PonugaK Comme la liitérature ili-
lienne se développa surloui, du xir au xiv^ siècle, dans lahauie
Italie et la vallée du Pô, le mot entra de bonne heure dans le
vocabulaire italien et» par adoucissement de c en ick^ y dc%tBi:
roccia, en même temps qu'il se conservait dans le parier
populaire sous la forme ancienne focca qui fut. à son h^^r
adoptée par la langue classique. J
D'autre part, soit par te latin, soit par le provençal, le mot
entra de bonne heure dans le français. De la il se répandit
dans tous les dialectes de la langue doïl et pénétra mime co
Bretagne, où ïa forme masculine roc, bien plus ancienne qa'oci
ne la dit, quoiqu on ne la trouve pas dans les monumenb
écrits avant le xvr siècle, est devenue roc h.
Le français roc est également passé en anglais, ou u apm
la forme rock, dané l'ancien anglais roccK Puis, de l'anglais, il
a pénétré dans irlandais et le gaélique où il est devenu roc.
D'autre part, le français roc/ie est entré dans le vocabulaift
néerlandais, probablement à une époque où le ch fran .
prononçait d'une manière voisine du provençal ei de . v ..
gnol ch. cl y est devenu rots.
J'ajoute qu'il en est de même, probablement^ debeaucoup^
mots que l'on qualifie de bas-latins. Parmi les mots nouvcaiu
qui s'introduisent sous nos yeux dans le français, il ^ —
comme baser, sa/uiionner, etc., qui soni formés des mu'
* A. HoLj&Éfi : Oji. cil., lu mot rocca.
— 693 -
existants dans la langue base, solution; mais il en est d'autres
tels que burnous, brandade, etc., qui sont empruntés de tou-
tes pièces à des langues voisines. 11 en est de même pour le
latin ; si des mots comme ausare, adbeberare,fontanea, sont
formés de mots déjà existants ausum (supin de audere, oser),
bibere, boire,/ow/e;w, source, et se rattachant à des racines bien
latines, il en est d'autres, et en très grand nombre, qui sont des
emprunts faits 3 la langue des peuples qui furent conquis par
les Romains.
Parmi ceux-ci, il y a certainement une part très considérable
de mots empruntés à la langue des peuples qui habitaient la
vallée du Pô et le pays compris entre le Rhône, les Alpes et la
Méditerranée, c'est-à-dire à la langue des Ligures, puisqu'il est
bien reconnu aujourd'hui que l'élément dominant de la popu-
lation de ces régions était,de cette race.
A mesure que l'on étudiera la question, avec les nouvelles
données historiques, on arrivera sûrement à se convaincre
que, dans les langues dites romanes, la majeure partie des
mots qui ne sont pas proprement latins ou dérivés de mots
latins sont des restes de la langue parlée par les anciens habi-
tants de cette région.
f 1 I
K,.Hiv
ï ■ •;■!
Sv.i'
— 695 —
XXXVJI
LE TENOR RICHELME, D'AIX
(1804- 1845),
par M. F VIDAL, membre de 1* Académie d*Aix.
SOMMAIRE DES CHAPITRES
Prologue.
Livre !•'. - L'Artiste.
l Naissance de Richelme. — Sa jeunesse.
IL Entrée au Conservatoire de Paris — L'Arlisle Lyrique ei Dra-
matique,
ni. Débuts de Richelme à TOpéra Comique et en Province.
IV. Apogée de Richelme au Grand Théâtre de Marseille. — Con-
certs spirituels.
V. Représentations à Aiz, parallèle entre Richelme, Audran et
Silvain. — Richelme, professeur de chant.
Livre II. — Le Citoyen
VI. Lou Castèu dôu Diable ou Villa Richelme. — Museon Sestian-
VII. Mariage de Tex-ténor à Lansargues, près Montpellier. — Mort
de Richelme à Nimes. — Sa famille.
VIII. Testament de Richelme et codicille. — Testament de sa nièce
veuve Millault.
IX . Funérailles de l'Artiste Lyrique et Dramatique. — Monument
Richelme au cimetière d'Aix.
X. École de Musique fondée par Richelme. — Hommage public
à l'artiste et au citoyen.
— 6f)6
PROLOGUE
La ville d Aix a été \c berceau d*une foule d'ariistes en uim
genres, peintres, sculpteurs, graveurs, musiciens. Harmi ceui-
ci brillent au premier rangCampra, Floquciet Félicien David.
élève de notre Maîtrise, encore très jeune. Leurs noms figu-
rent honorablement dans toutes les biographies ; Fétis eo
parie longuement et maints critiques ont consacre à plusieurs
d'entre eux des monographies fort intéressantes*'
11 n'en est pas de même de lartiste lyrique et dramatique
Richelmc, le ténor si applaudi, de i83o à 1840, sur les priocî*
pales scènes de France et en Belgique, à Liège.
On peut dire de celui-ci qu'il a lait miracle dans son pajn»
car à Marseille, notamtneni, le vaillant Cadet d'Aix a eu de
vrais jours de triomphe, à partir de ï83i.
Plus lard, quand le fameux ténor venait se îatre cniendrca
ses concitoyens, il était toujours accueilli avec cnthousta.soie
par tous, depuis le simple mélomane (on nait chanteur à Ahf
jusqu au dilettante le plus expert. Aussi, chacun des téinoiris
d'une aussi belle fortune artistique ne tarît pas au récit de tant
de mémorables soirées théâtrales.
Pourtant, ni la Biographie uniperselle des Musiciens, n\
d'autre:» publications analogues ne consacrent la moindre fio*
lice à ce Provençal doué de toutes les qualités d'artiste, à ce
vertueux compatriote.
Fier de nos gloires Ipcales — comme nombre d'Aîxois \a\u\i\
' Voir l8 Notice sur Fioquti, par F* Huot, parae der QÎèremetit, A«crf
Maitrise^ pur Tabbé Marboi. ainsi qae Jes diverses études sur F. ÙstéAt
par Ern. de Fonscolombc, Sylvain Saint-Ê:iieane et r^utcor de ccJle^
dans Lqu Prauptnçau*
- 697 -
du patrimoine intellectuel de la vieille cité, — à notre tour
essayons de tracer quelques lignes pour mieux retenir la douce
et expressive physionomie du cantaire si renommé, d'un
citoyen dont le nom est resté populaire dans toutes les classes
de la société.
La mémoire de cet enfant du peuple ne peut que nous être
chère, à cause de son magnifique talent et aussi à cause de ses
libéralités posthumes, mémoire heureusement conservée par
trois générations en ces trois derniers quarts de siècle.
Nous avons été grandement aidé dans notre entreprise par
l'amicale participation d'excellents Provençaux et de musiciens
d'élite. Les témoignages les plus probants de cette glorieuse
existence ont été recueillis dans les vastes collections de la
Bibliothèque Méjanes et de YArbaudenco^ et dans les feuilles
locales de l'époque, entre autres le Mémorial d'Aix. le Cygne,
la Provence, ainsi que dans le Messager de Marseille, le
Caducée, le Sémaphore, témoignages confirmés, augmentés
même par l'amène compositeur et musicographe marseillais,
M. Alexis Rostand.
L'abondance et l'exactitude des notes fournies par l'auteur
de VArt en Province Qi la spontanéité qu'il a apportée dans ses
communications, marquant les étapes lyrique^ de notre héros
au Grand Théâtre de Marseille, et ses nombreuses créations
sur cette scène de premier ordre, nous ont été on ne peut plus
précieuses.
De même, notre vieil ami le violoniste Julien (Fortuné), qui
travaille avec autant de compétence que de passion à une His-
toire du Théâtre d'Aix (il y a été violon-solo pendant trente
ans), nous a fourni obligeamment les plus justes remarques,
L'Ârbaudienne », bibliothèque provençde Paul Arbaud.
700
it K Son père, Jean-Pierre, était originaire de La Ce
hameau de la commune de Beauvezer, entre Casleilanc et Col*
mars; il exerçait la protcssion de cordonnier et avait épouse
une jeune personne de Gardane, Tesianière Anioineiie.
Tesianiero, Richêume, voilà deux noms on ne peut plus
provençaux, et Ion en trouve des variantes nombreuses, soit
dans le Dictionnaire de Lorêdan Larchey. soit dans le Tresm'
dôu Felibrige, de Mistral.
Le père Richelme, descendu de la montagne avec deux frè-
res, dontTun, cultivateur, s'établit à Saini-Maximin, eirautre,
aussi cordonnier, se fixa à Éguilles, ne parvint pas à retenir
son fils dans la confrérie de Saint-Crépin,
Queltjues Aixois croient, à ion, que le jeurre Richelme, tra-
vaillant dans la maison paternelle à Tàge de quin^ceans, aurtil
été entendu chantant devant l'établi, par des Messieurs qui
passaient dans la rue ; ces personnes, captivées par un si bd
or^jane, et se connaissant à l'an du chant, seraient entrée* pour
demander aux parents de leur confier 1 éducation du piccooe
virtuose, et, à cet effet, de l'emmener à Paris.
!1 n'en est rien de cette légende, comme d en existe tant sur
maintes cclébrités. La bonne recrue pour faire faire au (CUIW
homme des études musicales très sérieuses na pas plus él^
opérée dans la pauvre boutique du père Richelme que dins
un ma^asm de chaussures, ainsi que le croient certains mein»
bres de la famille.
A l'âge de vingt ans, l'aimable Sextien éianijaiigairt^aê
homme de peine à la fabrique de^ toiles peintes du Coloii*
' Oo Itt dans les ref;i$tres de l'état-civil : î)e XVI, N* a ; c'est la wêêêêê
presque en Tace decelfe où ^e trouve (e moulrn k hdîie Casierot^
* Ce vocable ucs caractéristique et très usiié p^r dos €ndianéti%t
inaprîmcars d'indiennes, manque dans le Trésor.
— JOl —
Rouf;c. sur les bords de Lar, chez MM, Ferraiid irèrcs; ces
industriels, patriotes ei gens de ^oùi, auraient présenté leur
jeune ouvrier à un de leurs visiteurs* atni des arts, qui 1 aurait
(6t acheminé vers la capitale, là où régnent en souveraines
Euterpe et Polymnie.
Celte version serait assez vraisemblable, mais nous avons
des preuves irréfutables pour dire que c'est un peu en amont
du beau vtaduc, sur la rivière historique, entre la « vieille
bastide » du roi René* les Infirmeries, et le pont des Trois
Sautew, que se révéla tout à fait le talent de lartiste.
Nous tenons de ses contemporains» — ah ! combien le temps
en a fait disparaître! —des détails précis sur les commence-
ments et le recrutement du « can(airei^;k Aî^.tous les anciens
le dési«<nent encore par ce vocable si topique.
Le fils de l'humble ouvrier de la rue du Bœuf était, dans son
jeune iigc, laveur de laines aux Trois-Sautets. établissement
existant encore et que dirigeait alors un Aixois très connu par
le surnom de * Lou Ma^^ot )#.
Le vaillant Richelme eut une vocation manifeste d artiste en
travaillant dans un site bien poétique» ayant pour seuls maîtres
les chantres de la nature, les trilles succédant aux trilles, les
roulades aux roulades. Les nombreux passants sur la route
d'Italie, les gens des quartiers voisins qui rentendaieni, s*arré-
laient soudain pour l'écouter; on Hnvitaii à venir se faire
entendre en ville les samedis soir et dimanches principale-
ment.
Il y avait alors à Aix des « chœurs » renommés, formés par
les Sylvestre, les Sylvan Saint-Etienne, deux bons musiciens;
celui dit Les Philistins surtout avaient eu de brillants succès,
ainsi que son rival Les Sans-Soucis. Tous les deux propa-
geaient le goût de Part, — ce qui s*esl perpétué jusqu'à nos
jours, grâce aux chefs, Manus Lapierre et Louis Gautier, par
Bœuf ^ Son père» Jean-Pierre, était originaire de La Conat
hameau de la commune de Bcauvezer, entre Castellane ci Col-
mars; il exerçait la prolcssion de cordonnier ei avait épouîé
une jeune personne de Gardane, Tesianière Antoineiic.
Tcstaniero, Ridwum^^ voilà deux noms on ne peut plus
provençaux» et Ion en trouve des variantes nombreuses, soâ
dans le Dictionnaire de Lorcdan I.archcv, soit dans le Tnvtr
dou Feiibrige^ de Mistral.
Le père f^tchelme, descendu de la montagne avec deux frt
res, dont l'un, cultivateur, s'établit à Saini-Ma\imin. ei Taulre*
aussi cordonnier.se lixa à Lguilles, ne parvint pas à retenir
son (ils dans la confrérie de Saint-Crépi n.
Quelques Aixois croient» a Lort, que le jeune Fiichelmc, ifan
vaillant dans la maison paternelle à Tâge de quinze ans« aurait
été entendu chantant devant rétabli* par des Messieurs qui
passaient dans la rue ; ces personnes, captivées par un si bd
organe, et se connaissante l'art du chant, seraient entrées pour
demander aux parents de leur confier Téducation du précoce
virtuose, et. à cet etfet, de l'emmener à Paris.
Il n'en est rien de cette légende, comme il en existe tant sur
maintes célébrités. La bonne recrue pour faire taire au fcunc
homme des éludes musicales très sérieuses na pas plus ésé
opérée dans la pauvre boutique du père Rrchelme que dfti»
un magasin de chaussures, ainsi que le croient certaine nitm^
bres de la famille.
A Tàge de vingt ans, l'aimable Sextien éxtinijaligairt^t/a
homme de peine à la fabrique de- toile» peintes du Coioa^
* Oa Ut dans les registres de rétat-civil : île XVL N* a ; ^cst là vùKOsm
presque en face de celle où se trouve le moulin k huiJe (^s&emt-
* Ce vocable trcs caractéristique et très usitcl par nos tndianûirttt/ê
imprimeurs d'indiennes, manque dans le Trésor.
7ot
louoe* sur les bords de Lar, chez MM, Fcrrand irères : ces
industriels, patriotes et gens de goCil, auraient présemé leur
jeune ouvrier à un de leurs visiteurs* ami des ans, qui l'aurait
t6t acheminé vers la capitale, la où régnent en souveraines
Euietpe et Polymnie.
Cette version serait assez vraisemblable, mais nous avons
des preuves irréfutables pour dire que c*esi un peu en amont
du beau viaduc, sur la rivière historique, entre la m vieille
bastide >* du roi René, les Infirmeries, et le pont des Trois
Sauiets, que se révéla tout à fait le talent de lartisie.
Nous tenons de ses contemporains, — ah ! combien le temps
en a lait disparaître! — des détails précis sur les commence-
ments et le rccrutementdu ^ cantairei^;k Aix,tous les anciens
le désignent encore par ce vocable si topique.
Le lils de l'humble ouvrier de la rue du Bœufétail, dans son
jeune âge, laveur de laines aux Trois-Sauiets. établissement
existant encore et que dirigeait alors un Aixois très connu par
le surnom de « Lou Ma^oi ^.
Le vaillant Richclme eut une vocation maniteste d*artiste en
travaillant dans un site bien poétique, ayant pour seuls maîtres
les chantres de la nature, les trilles succédant aux trilles, tes
roulades aux roulades. Les nombreux passants sur la route
d'Italie, les gens des quartiers voisins qui rcniendaient, s'arrê-
taient soudain pour 1 écouter; on Tinvitait à venir se faire
entendre en ville les samedis soir et dimanches principale-
ment.
Il y avait alors à Aix des « chœurs » renommés, formés par
les Sylvestre, les Sylvan Saint-Eiicnnc, deux bons musiciens;
celui dit Les Philistins surtout avaient eu de brillants succès^
ainsi que son rival Les Sans-Soucis. Tous les deux propa-
geaient le goût de Tan» — ce qui s'est perpétué jusqu'à nos
jours, grâce aux chefs. Marius Lapierre et Louis Gautier, par
700
Bœuf '. Son père» Jean-Pierre, éiaii originaire de La
hameau de la commune de Bcauve^er, entre Castellanc ci Col-
mars; il exerçait la profession de cordonnier et avaii épousé
une jeune personne de Gardane* Testaniêre Antoineile.
Teslaniero, Rkhèume. voilà deux noms on ne peut plus
provcn<;aux. et Ion en trouve des variantes nombreuses, soit
dans le Dictionnaire de Lorédan l.archcy, soit dans II- Treior
dôu Fclibrige^ de Mistral.
Le père Richelme, descendu de la montagne avec deux frè
res, dont Tun, cultivateur, s établit à Saint-Maximin* et l'autft,
aussi cordonnier, se lixa à ÈguiUes, ne parvint pas à retenir
son fils dans la confrérie de Saini-Crépin,
Quelques Aixois croient, à tort, que le jeune Rîchclme, im-
vaillantdans la maison paternelle à Tàge de quinze ans* auniit
été entendu chantant devant l'ciablt, par des Messieurs qtii
passaient dans la rue ; ces personnes, captivées par un si W
organe, et se connaissant à Tart du chant, seraient entrées pour
demander aux parents de leur conlîer I éducation du précooe
virtuose, et, à cet effet» de lem mener à Paris,
Il n en est rien de cette légende, comme il en existe tantsur
maintes célébrités, La bonne recrue pour faire faire au jeune
homme des études musicales très sérieuses n*a pas plus été
opérée dans la pauvre boutique du père Flichelmc que difis
un magasin de chaussures, ainsi que le croient cenain^ mmt-
bres de la famille.
A l'âge de vingt ans, l'aimable Sextien èiùnijatigairt^m
homme de peine à la fabrique dévoiles peintes du Oton^
* On jii dans les registres de réUtt-civU : Ile XVL N*a; d'eu U mauc
presque en face de celle oii se trouve le moatin à huUc (las^ero'l.
* Ce vocAblc très caractéristique et très ostlé pur nos rutfianairf.c
imprimeurs d'mdicnnei, manque dans le Trésor.
- 7ÛI -
Rouge, sur les bords de Lar, chez MM. Ferrand frères; ces
industriels, patriotes et gens de goût, auraient présenté leur
jeune ouvrier à un de leurs visiteurs, ami des arts, qui l'aurait
tôt acheminé vers la capitale, là où régnent en souveraines
Euterpe et Polymnie.
Cette version serait assez vraisemblable, mais nous avons
des preuves irréfutables pour dire que c*est un peu en amont
du beau viaduc, sur la rivière historique, entre la « vieille
bastide » du roi René, les Infirmeries, et le pont des Trois
Sautets, que se révéla tout à fait le talent de lartiste.
Nous tenons de ses contemporains, — ah ! combien le temps
en a fait disparaître! — des détails précis sur les commence-
ments et le recrutement du « cantaire»;à Aix, tous les anciens
le désignent encore par ce vocable si topique.
Le fils de Thumble ouvrier de la rue du Bœuf était, dans son
jeune âge. laveur de laines aux Trois-Sautets, établissement
existant encore et que dirigeait alors un Aixois très connu par
le surnom de « Lou Magot ».
Le vaillant Richelme eut une vocation manifeste d'artiste en
travaillant dans un site bien poétique, ayant pour seuls maîtres
les chantres de la nature, les trilles succédant aux trilles, les
roulades aux roulades. Les nombreux passants sur la route
d'Italie, les gens des quartiers voisins qui l'entendaient, s'arrê-
taient soudain pour l'écouter; on l'invitait à venir se faire
entendre en ville les samedis soir et dimanches principale-
ment.
Il y avait alors à Aix des « chœurs » renommés, formés par
les Sylvestre, les Sylvan Saint-Étienne, deux bons musiciens;
celui dit Les Philistins surtout avaient eu de brillants succès,
ainsi que son rival Les Sans-Soucis. Tous les deux propa-
geaient le goût de Tart, — ce qui s'est perpétué jusqu'à nos
jours, grâce aux chefs, Marius Lapierre et Louis Gautier, par
- 704 -
lit applaudir encore chaleureusement, chacun le félicîtanL Q
qui ne gâtait rien» dans ce salon d*artisies« c*esi que le futur
comte Ory. l'interprète glorieux de Zampa, de Robert te Dja-
Ne et de tant d autres chefs-d'œuvre, possédait un pM^sique
agréabie et avait un caractère charmant.
Voilà un brun Méridional qui ne larda pas à se faire pardon-
ner, — avec cetorganeau timbre délicieux, d*un diapason très
étendu, d*un charme indicible» — ^ l'accent méprisé de la lanf^c
maternelle, qy a Fimiiation de Castcl-Blaze* il a toujours partce
avec amour,
M. de Môntlaur lit donc» ce soir-là, une bonne recrue pour
la scène française, comme à peu près à la même époque
avaient été enrôlés d*autres concitoyens, les Silvaîn, les
Audran...
Bientôt Richcimc entra au Conservatoire de Paris, tr
22 avril 1S26, en qualité d'élève de chant, et fui admis au pcn*
sionnatje i5 juillet suivant. Il en sortit le 2 août 1829/ eircsti
par conséquent trois ans cl trois mois dans la célèbre Écok
nationale diri^w alors par Chérubin i. Il eut pour professeurs.
entre autres, Nourrit et Ponchard, ce qui se passe dccommcti-
taires.
Disons — sans peur et sans reproche — que le nom dci
ire héros... pacifique ne figure pas au Palmarès, de même qta
celui d'Audran, un autre Aixois célèbre dans l'art de chanter cf
de déclamer» alors qu'on y distingue, à la même époque* cdai
du Marseillais Bénédit : pourtant, celui-ci, chanteur à latlitiide
quelque peu l<iurde, et avec un organe quasi froid, ne putgeèft
♦ Voir la Biographte ttnivtrseiU dex Musicitns, relaunt k fichent
horo&copc de Cherubini à propos de notre iJ lustre ami , sans t'mtcrvefi-
tion de Ctaptsson, Mnrius Audran était renvoyé À Ail 00 à M«r>eiUc
reprendre s« truelle de nriAçOQ.
— 7o5 —
occuper les planches, à la salle Beauvau ou ailleurs, pendant
que ses deux brillants condisciples furent des inimitables
« Georges Brovvn » à Marseille, comme à Paris, comme à Aix,
où ils moissonnèrent des lauriers.
iMais sans obtenir palme ni couronne dès la première heure,
c'est déjà un succès d'être admis au Conservatoire, surtout
comme pensionnaire, et c'est un titre envié, lorsqu'on y a fait
de sérieuses études lyriques, dramatiques, — comme on peut
se flatter d'être élève de Técole des Beaux-Arts, de la Poly-
technique ou autres.
De six heures du matin à dix heures du soir, il travaillait
avec passion, et les éminents professeurs, de cette École supé-
rieure ne pouvaient que s'intéresser aux progrès d'un tel
élève.
D'une intelligence peu ordinaire, inlassable pour l'étude,
ainsi que nous le disions tantôt, il ne cessa de se perfectionner
en employant consciencieusement son temps, comprenant
bien que sa jolie voix ne suffisait pas, s'il voulait réussir au
théâtre, où il espérait arriver.
« Comme tenue et comme accent », disait le brave Cauvière
dans ses Tablettes Marseillaises *, « nul doute qu'il ne laissât
tout à désirer ». Mais les leçons parisiennes opérèrent en lui une
transformation complète pour le chant; il façonna son gosier
à toutes les difficultés de la vocalisation et se forma surtout une
voix mixte.
11 acquit les meilleures notions pour l'effet scénique et la
diction, en suivant assidûment les représentations de la Comé-
die Française ; de plus, il se fit instruire de seconde main par
ceux de ses camarades qui recevaient les leçons de Samson et
de Michelot; c'est ainsi que l'ancien laveur de laines parvint à
• Le Caducée, X, ibg, ss.
eONCRtS — 45.
— 7^ —
jouer avec aisance et succès les rôles d élégance et de distinc-
tion.
Nous verrons bientôt comment Richelme brilla sur la scène
marseillaise, après une saison, ou plutôt une tournée dans la
France du Nord, prélude de vrais triomphes dans notre Midi.
III
DÉBUTS DE Richelme a l'Opéra Comique et en Provïnce.
C'est ici le moment de se montrer pour celui qui, sans fan-
faronnade, est quelque peu sûr de lui-même, soit grâce aux
dons qu^il a reçus du ciel, soit par les ressources artistiques
qu'il a pu acquérir; ce n'est pas énormément redoutable d'af-
fronter pour la première fois les feux de la rampe, bien que le
public soit parfois inexorable.
Le droit « qu'à la porte on achète en entrant » de siffler,
maltraiter débutants, débutantes, voire des artistes de valeur,
n'est pas toujours ce qu'il y a de plus juste, de plus logique.
Ainsi Talma, l'incomparable tragédien qui avait été accueilli
assez mal à Marseille, par contre se félicitait grandement du
succès de ses représentations à Aix en 1818. *
A sa sortie du Conservatoire, en 1829, Richelme fit donc
hardiment une apparition à l'Opéra Comique ; il ne tenait
pas, lui, à contracter — là, pas plus qu'ailleurs — un enga-
gement de quelque durée, ses études l'ayant plutôt préparé
pour le grand opéra, et la puissance de son organe lui permet-
tant d'attaquer les œuvres lyriques d'un genre supérieur.
• Archives municipales. Lettre du maire Du Bourguet au Préfet do dé-
partement, que le violoniste K. Julien nous t'ait l*amitié de nous commu-
niquer.
— 707 —
Alors que, peu de temps après, notre concitoyen, Marius
Audran, réputé pour ce qu'on a appelé le genre demi-caractère,
s'y montrait sans pareil pendant de longues années, Richelme
rêvait d'autres horizons ; dès qu'il eut essayé son jeu charmant
et sa non moins charmante voix sur la scène parisienne, il
porta plus loin ses pas, tout heureux des débuts.
Il avait hâte de se produire dans son répertoire très varié au
Nord, au Midi surtout. Il alla d'abord jouera Rouen, à Lille,
deux centres où Tart est si en faveur ; il passa quelque peu la
frontière, à l'exemple de bien d'artistes français, et se fit vive-
ment applaudir à Liège, pays si sympathique au nôtre.
Puis, Jcsireux de se réchauffer au soleil de Provence, il des-
cend vers des cieux plus cléments, où il a vu le jour, où tant
de souvenirs l'attirent, où tant d'amis l'attendent. En route, il
ne manque pas de s'arrêter à Lyon ; là, on l'acclame, comme
on acclamait à la même époque, sur une aussi importante
scène, un autre brave Aixois, Silvain, surnommé « l'enfant
gâté des Lyonnais ^.
En tout lieu où Ton savait goûter les grands ouvrages des
maîtres français et italiens, Richelme captivait les spectateurs
par son jeu achevé, sa magnifique voix, sa diction élégante et
sa tenue irréprochable.
Mais, nous le répétons, — étoile filante, ~ il ne fit que pas-
ser dans la plupart des grandes villes, pour venir se fixer en
quelque sorte dans la deuxième de France ; là, du moins, il
pouvait trouver une situation en harmonie avec ses goûts, ses
facultés, ses moyens d'action.
Terminons ce chapitre préliminaire des pérégrinations artis-
tiques de Richelme par une anecdote assez curieuse relative au
théâtre d'Aix, anecdote que nous tenons d'un vieillard toujours
jeune et d'une faconde amusante. *
* M. Âlivon, membre fondateur du Cercle musical.
Au lendemain de son apparition à l'Opéra Comique,
ténor débouni se trouvant a Versailles» fui accosté, au momenf
où il descendait de voiture, par un cuirassier en f;arnison dans
cette ville, tout heureux de serrer la main à un «t pays )» a peu
près de son â^e.
Richelme, interloqué par les propos flatteurs du vaillant cavft*
lier, Aixoiscomme lui, feignit, dit-on, de ne pas le rcconnaîïie.
ce qui aurait froissé passablement Tenihousiasic compatriote-
Reconnaissant son erreur, paraît-il, l'artiste se serait bien
gardé, par la suite, de donner des représentations a Aix, dans
la crainte d\ine cabale suscitée, peut-être, par re\-cuirassier.
— un bourgaden de cœur, pouvons nous ajouter.
l/un de ses lils, M. X. T.» très honorable commerçant du
cours Scxlius, sait bien, comme nous, qu aucune crainte de
cette nature n*a point empêché Richelme de venir plusieurs fois
recueillir à Aix force bravos et couronnes, tant il était aime àt
ses concitoyens.
Malgré tout, le facétieux narrateur de ce fait incroyable per-
siste à dire — il n'est pas le seul — que l'artiste si aime ai
été siftlé ou bien ne serait jamais venu dans notre Capii
Aqueh tubo!
Pour le bon renom Sextien
Nous aimons n'en croire rien*
IV
Apogée de Richelmi: au Grand Théâtre de Maksollc
Concerts spirituels.
Le savant M Alexis Rostand, dans son livré $i •mére^'^î'ï-
si documenté, L'Arien Province^ la Musique à Ma*
s'exprime ainsi :
« De 1821 à 1827, tous les opéras qui furent écrits peiKUot
— 709 —
cette période brillante étaient représentés à Marseille dès qu'ils
étaient publiés. Dans les tableaux de troupe passent les noms
de Lafont, Peronnet, Richelme. »
Il débuta, le 29 octobre i83i, dans la Dame Blanche, par
le rôle de Georges Brown et créa sur cette scène de premier
ordre, la même année, les Deux Nuits ; en i832, le Comte
Or\\ Fra Diavolo, le Philtre, Zampa (qui, entre parenthèse,
eut un succès colossal), puis le Dieu et la Bayadère, la Dame
du Lac, de Rossini. Voilà, certes, un répertoire de début qui
promet. On l'entend ensuite, avec une faveur de plus en plus
marquée, dans la Fiancéey Jean de Paris, et tant d'autres
opéras qui ont joui d'une grande vogue.
Le 3 janvier i832, Richelme se distingua dans le Comte Ory,
Parlant de cet opéra singulier, qui réussit peu, il faut l'avouer,
dans le Messager de Marseille, Fabrissy (faisant autorité en
matière théâtrale), dit * : « Je m'explique le retard qu'éprouve
la deuxième représentation du Comte Ory par le mauvais
résultat de la première ; il ne faut pas le dissimuler, le semi
chef-d'œuvre de Rossini a succombé sous la faiblesse de nos
chanteurs, exceptions faites pourtant en faveur de M"' Folle-
ville et de M. Richelme. »
Il était la plupart du temps admirablement secondé dans ses
autres créations; en i833, Robert le Diable, son plus grand
\v\omp\\Qy ritalienne à Alger, le Pré aux Clercs, Guillaume
TelL et, en 1834, le Prisonnier d'Edimbourg, Marguerite
d'Anjou, Lestocq, le Revenant, ouvrages très différents de
style etwde facture.
On assure que le rôle d'Arnold, dans Guillaume Tell, était
écrit trop haut pour la voix de Richelme ; elle commençait
d'ailleurs à faiblir, surmenée par la terrible obligation de chan-
* N* do 1 1 janvier.
— 7'^ ~"
ter concurremment l'opéra comique et le grand opéra ; aurait-il
été sifflé (d'aucuns le prétendent) qu'il n'y aurait rien eu d'ex-
traordinaire ; les casse-cous chantants de Robert avaient ébré-
ché ses moyens vocaux. Dans un seul mois, il dut payer jus-
qu'à vingt-sept fois de sa personne et de son talent. ' Voilà ce
qui explique cette fin prématurée.
Avant d'analyser ce rôle si difficile, si ingrat, ouvrons ici une
parenthèse pour noter un fait qui a bien son prix.
Le « Robert » si réputé touchait jusqu'à mille francs par
représentation, — ce qu'on pourrait appeler de nos jours des
soirées réclames, — en même temps qu' «Alice > avait chaque
soir 840 francs, plus 40 francs pour accessoires. Cela nous rap-
pelle la somme fabuleuse allouée à la Malibran à cette époque,
chiflfre incroyable de 40.000 francs pour une seule représenta-
tion !
Avant le lever du rideau, Richelme confiait la somme ron-
delette d'un millier de francs à un bon Aixois, son ami fidèle,
M. Nègre : « Tè pai rejougne acô, vendras tout aro >, — tiens,
va bien renfermer cet argent, après tu reviendras.
Rien d'étonnant qu'un pareil surmenage n'ait brisé tôt les
cordes vocales du fort ténor : jamais^ acteur ne fui plus labo-
rieux. Il concourut en outre largement aux Concerts spirituels
de l'église Saint-Cannat, où, entre autres beaux morceaux, il
chanta l'air, puis le duo de Masaniello, celui dM rmide. Zampa,
Robin lies Rois.
Mieux qu'à tout autre on peut appliquer à cet artiste le
fameux distique de Pcllegrin :
Le malin catholique et le soir idolâtre.
Il dîne de Tautcl et soupe du théâtre.
Richelme était surtout admirable dans Zampa, d'Mérold.
' CxuviÈRt, Op. cit.
~ 711 —
pièce donnée pour la première fois,à Marseille, le 28 mars i832.
Il y parut dans le rôle principal qui fut plus d'une fois chanté
par des barytons ; il s'y montra parfait comme chanteur et
comme comédien.
L'artiste touchait à l'apogée de son talent quand il affronta
pour la première fois le rôle de Robert le Diable. Pour le fin et
gracieux ténor, bataillant avec une partition et un système
musical terriblement nouveaux, la mémorable soirée du 16 jan-
vier i833 fut un vrai Marengo, un superbe Austerlitz.
Bénédit, excellent juge, le constatait en ces termes : « Non
seulement Richelmc sortit de celte épreuve avec honneur,
mais il sut imprimer au rôle du chevalier normand un tel
cachet, que l'œuvre de Meyerbeer lui dut principalement sa
vogue à Marseille. » Elle eut i5o représentations, du jour de
la création par notre fort ténor jusqu'à son décès, arrivé sitôt,
hélas! en 1845.
Il nous faut arrêter un moment au chef-d'œuvre de Meyer-
beer, dont l'interprétation si fréquente fut fatale à Richelme
après avoir fait sa fortune artistique; ce qui fait dire vulgaire-
ment qu'il s'est << crevé » en chantant ces sublimes pages. Ici
nous laissons la parole au maître Fortuné Julien, notre vieil et
ami :
« Le rôle de Robert est écrit, d'un bout à l'autre, dans un
diapason très élevé ; mais le morceau le plus fatigant pour le
ténor et qui contient les notes les plus hautes est certainement
le duo du troisième acte, entre Robert et Bertram, commen-
çant par ces mots : « Des chevaliers de ma patrie >, et dans
lequel se trouve la phrase suivante qui est chantée deux fois :
Èl^ii
.jf-p.J-fz^.
g,Egfe
Slar - cboD^. Marchooi. Mar cDods, Je ne crain» rien dob, aoo. bob, oob. je ne
— 7*2 —
"îTDans Zampa, le rçle du ténor comient peu de noies é!c
et c'est pourquoi on le fait souvent chanter par un baryton On
y trouve pourtani un rc b aigu au duo linal du troisième acte:
mais cette note est toujours donnée en voix de léte.
h^^=f~
Qu4nd >t»UK • - (lu rer tt- tê nu *
*Outreceduo, les morceaux les plus importants du ix^tcsiom
le final du premier acte avec les couplets : « Que la vague êcu-
manie ». et Fair du deuxième acte commcn<;ant par « Toi, dont
la grâce séduisante, ^
l/heureux chanteur se faisait aimer de plus en plusp à prtu\x
une inoubliable scène de désordre, dont parlent encore bien
de vieux iMarseillais et de vieux Aixois qui en furent les
témoins,., ou acteurs : cette scène fut motivée par Tabsence
de notre compatriote.
On parle encore beaucoup du funesie engagement conlRictc
par Uichclmc de chanter consécutivement vingt cl quelques
fois le rôle meurtrier de ^ Robert ^, où il contracta une hernie
du poumon. Lorsqu'il eut lermmé, dit-on, il jeta sur les plan-
ches ce qu'il portait avec un geste de satisfaction indicible, iA
s'esquiva en sautant dans une voiture qui rattendaîi dcrrièn:
la salle. Après ce coup de scène inattendu, radministrauoa
aurait eu le bon goût d éviter à ce fameux Robert les co puis
du violon... municipal.
Harassé par tant de travail et d'émotions, en suite de certaio
hcuri dans Guillaume Tell, Richclme fut à Meu, en i836, et
reparut enHn à Marseille en i83H. « On put constater* dit
encore M, Rostand, qu'il ne pouvait plus aller. Il fut nàin*
moins admis, par souvenir de sympathie» mais dut résilier a4_
mois de février suivant. ^
-7.3
Représentation a Aix. — Parallèle entre Richelme, Audran
et silvain. — rlchelme, professeur de chant.
Si Richelme, que le ciel dota magnifiquemeni de toutes les
qualités d'artiste et de citoyen, était chéri des Marseillais, il ne
l'était pas moins des Aixois. Malheureusement, ils ne pouvaient
l'entendre que fort rarement, au contraire de son compatriote
et contemporain le « ténor en tous genres ^^ Silvain, qui avait
contracté un engagement sous la direction Chapus, privilégié
pour les scènes de Marseille eid'Aix en 1822-1823 *.
Les habitués de notre salle de spectacle (oh ! ceux-là peu-
vent être qualifiés d'anciens, et ils sont bien rares) disent et
redisent que lorsque l'interprète de tant de chefs-d'œuvre venait
s'y faire applaudir, on faisait queue de la statue du roi René
à la porte de la salle de l'Opéra *.
Au gré des Aixois, le chanteur si chaleureusement applaudi
ne venait que trop peu souvent, disons-nous; ce qui s'ex,pli-
que facilement par le surmenage de Tartiste dans le chef-lieu
du département, où se produisaient des manifestations de mu-
sique profane et religieuse, dans lesquelles il trouvait un dédom-
magement assuré pour tant de travail et de fatigue.
Aussi, c'est environ dix ans après que l'étoile brillait d un si
' Grâce à l'obligeance da fils de ce ténor très connu, le félibre Sikatn
Feraud, nous avons eu sous les yeux force engagements passés dans sa lon-
gue carrière, parmi lesquels on remarque celui-ci tout local, et celui con-
tracté avec Aug. Nourrit pour le théâtre royal français d'Amsterdani et
de La Haye.
* Une affiche annonçant une représentation de Richelme à Aix a été
retrouvée par M. Hipp. Guillibert dans les papiers de Roux-Alphéran,
mais impossible de la voir; c'eût été un documenta faire photographier.
— 7^4 -
vif éclat vers la Cannebière, alors que Richelme avait fett ses
adieux à la scène, chez nos voisins éprts d'an lyrique et dm*
manque, qu'il vint se taire eniendrc au public atxois pour la
dernière fois.
C*était le mardi 4 avril 1843» dans uo concert au ihéàtre, 10
bénéfice des sinii*trés de la Guadeloupe.— Les meilleurs iémot-
gna^es de ccue belle soirée arustiquc, philanihropique» nou»
les trouvons dans le compte-rendu qu'en fait ta Prvpence.
numéro du 9 avril suivant, duquel nous reproduison:» deux 00
trois alinéas : *
« Le concen donné mardi dernier, dans la salle du thcàirç,
en faveur des victimes de la Guadeloupe* doit faire époque
dans la ville d*Ai\, lani par l'éclat de la réunion brillante qui
fi*y était donné rendez-vous que par TefTet immense produtt
par les artistes qui ont concouru à cette solennité musicale.
^ On doit des remerciements à M. Kichelme pour la CQtn*
plaisance qu'il a mise à concourir à l'éclat de cette soirée. Il
s est fait entendre dans le duo de Guillaume Tell ci dao^
Tair de Zampa, Dans Tun comme dans lautrc morceau, il «
constamment captivé latienitûn des auditeurs,
« On reconnaissait la bonne école et les traditions des artis-
tes supérieurs dans cette manière de poser sa voix, d'^irticukr
le récitatif, de ménager les transitions de la voix de poitrine i
la voix de tête* en tin dans l'observa t ion exacte des moin^^^
détails. Aussi la foule a-t*elle fait comprendre à M. Riciii :
par ses applaudissements souvent réiiéréSi tout le plaisir qu'elle
avait à rentendre. )»
* Ce compte-rendu, sssex long feotlleton, n'est pa» »igné ; mi^ il 7 a
tout heu de croire qu'il es' dû «1 la plume de J. B. Gaut« très a»sido m
ri^prësentaUons tb^Mrales et ami de Ricbeime, Sylvain S«j<it Eiitiint.
Félicien tiavid.
-7.5- .
Ce soir-là. l'illustre chanteur, atteint d'un mal qui le minait,
achevait — en scène — sa carrière, plus tôt que de coutume,
et faisait ses adieux d'artiste aux concitoyens qui l*aimaient et
l'admiraient.
Il en était de même, vingt ans plus tard, pour un autre chan-
teur célèbre, Marius Audran, qui ne fut pas si tôt trahi par
son état de santé. Rappelons ici Téclatani démenti qu'il donna
à la parole de Cherubini, lui disant qu'Une ferait jamais rien.
Après avoir passé de longues années à TOpéra Comique, il vint
chanter à Aix la Dame Blanche, l'un de ses triomphes, comme
Richelme fit au concert dont nous parlons dans un de ses
triomphes, Zampa. ^
Tous les deux firent ainsi leurs adieux aux concitoyens en-
thousiasmés.
A partir de ce moment, l'un et Tautrc de ces Aixois renom-
més s'occupèrent de l'enseignement du chant, d'après les mé-
thodes des meilleurs maîtres français et étrangers. Quelle
aubaine pour les Marseillais d'avoir à leur succursale du Con-
servatoire un professeur tel qu'Audran ! La bonne chance
qu'avaient aussi les Aixois ou Cacalians, * si enclins pour l'art
de chanter, de pouvoir prendre des leçons de Richelme, lui
qui rêvait d'établir une École de Musique dans sa ville natale !
Le magnifique professeur avait alors un appartement rue
Villevertc, n" 26, et ses voisins étaient toujours ravis de l'en-
tendre. ^
QuanLau professoral, succédant à la carrière théâtrale, il n'en
fut pas de même de Silvain qui, lui aussi, appartenait à une
* Le sarnom provençal des habitants d'Aix, Cacalian, confirme exacte-
ment ce que nous écrivons : il dérive du verbe cacale/a, cacalia^ dit Mis-
tral, caqueter, causer joyeusement.
< M. Gondran, qui occupait le n" 24, avait fait une photographie de Tei-
ténor. dont M. Héraud a offert un bel agrandissement au Museon Sestian.
famille de travailleurs de noire ville. «^ Sans avoir rorganei
bien timbré et le jeu achevé de Richelme, ou le goût ei la di$»
iinciion d'Audran, SihMin s'était fait applaudir par sa voix
agréable et souple, étendue, son chant bien phrasé et son action
méridionale. *
F
I de Richclr
art si goûté de
* rere lomeau de Kicncime dans un art si gooie ae nos
lations, le ténor Silvain soulevait constamment ausst les bra*
vos du public fasciné. Comme lauirc, homme de très bonne
conduite» il avait su amasser quelque fortune ; malheureuse^
ment, un banquier de Gand lui avait fait disparaître une cen-
taine de mille francs et certain agent d'affaires de notre pavi
avait presque achevé de le ruiner au déclin de la vie,
Richelme n*a pas eu ces déboires et son château a pu ètrt
transmis à la ville, avec le dessein d'y établir un musée essen-
tiellcmcni local.
Ce parallèle de Richelme, d'Audran et de Silvain est on ne
peut plus édifiant au point de vue artistique et moral, et pour
ne parler que des ténors» dont A'\x semble avoir eu le mono-
pole, vers le milieu du siècle dernier, — ce qui a été parfaitc-
meni constaté, — nous pourrions non pas nous borner a
applaudir ce beau trio d'enfants chéris des Muses, mais
dun septuor d'Aixois.
Nous saisissons celte occasion que nous offre le p^^ '
Richelme-Audran-Silvain pour rappeler les noms dWr^
Jubclin. ' Nègre. Guiot, chanteurs couverts de bravos qui
* Le Mémorial, if» juillet 1H71, Nécrologie.
■ Le ic^nor Jubclin vreni de décéder à un âge avancé, Sa «11$ . irs bes*
rcua condisciples, MM. Ncgre et Guiot, se reposeni sur Icun Uoiiefl
cnue Touïoubre et Lar. Jubelin* élève du Conservatoire de Parti, ««»»
professt: le chant à rÉcole Nationale d*Ari. Nous avons consaci^ nM
anicte nécrolo>^iqtic à « l'ar Uste Ju bel in * dam le SatiQtmt «i5 iTnl
- 7»7 —
reteniissent encore à nos oreilles ei dont toutes les feuilles
locales enregistrent les éclatants succès.
On l'a bien dit, oui, Aix a le monopole des ténors, grâce au
goût inné des Sextiens pour Tart, et grâce à ses deux bonnes
écoles de musique : la Maîtrise et le Conservatoire ou École
Nationale que Richelme le beau premier a eu la généreuse
pensée de fonder.
Livre II. — Le Citoyen.
VI
Loi* Castèu dôv Diable, ou villa Richelme
« MiSEON Sestian ».
On reconnaît bientôt le bon citoyen qu'était le fort ténor
Richelme par son amour égal du travail et de l'art, de la fa-
mille et de la patrie. Cette seconde partie de la vie de l'infati-
gable travailleur va nous le montrer sous un nouvel aspect.
S'il avait un défaut, c'est assurément Vauri sacra famés dont
parle le poète, ambition légitime qui causa si tôt sa perte,
malheureusement.
Au lendemain de son apparition à TOpéra Comique, c'est-à-
dire au commencement de ses représentations à Marseille,
l'artiste achetait, en 1 832, de M"* Guibert, née Mitre, le do-
maine dit Castèu dôu Diable, appelé aussi Château Martelly,
nom d'un bénéficier de Saint-Sauveur. * Le tènement était
* Un peu au sud-ouest dudtt quartier se trouve celui du Gourg-de-Mar*
lelly. Les armes du chanoine Martelly qui figurent au-dessus de la porte
d'entrée (côté nord}, sont « d'or, à une fasce d'azur accompagnée en chef
d'une tête et col de vache, de gueules, posée en profil » {Noblesse de Pro*
vence, Reynier de Briançon). La famille Martelly, originaire de Pertuis,
compte plusieurs consuls ; le i*', en i53i, fut ennobli en 1637.
alors de 418 ares, ' et Richelme paya celte villa 24.000 francs
Elle est située au terroir d'Aix, quartier du Pigonet.
Le château Marielly avait appartenu précédemmenl au pro-
fesseur de la Faculté de Droit. M. Bouieîlle. aïeul de I1ion0-
rable doyen do barreau d'Aix ; il Tavaii vendu à M*"* Guil:
le 8 septembre 1H17.
Nous ne croyons pas devoir remonter au-delà du siècle dcr*
nier pour faire rhisiorrquc complet de la villa Richelme, vÛla
qui marquera dans les fastes de Thistoire locale en conservant
un nom qui nousestcher, — comme le jardin Ramboi iransraci
à la postérité un nom d'académicien, de philanthrope a ixoiî».
L'artiste se délassait dans son château, où. superbe, il avati
installé les siens, son vieux père, *
Heureux, trois fois heureux d'un enfant tel que lui.
Il y faisait de la musique, de la «t floriculture », avec délices,
et conviait ses amîs, la famille N^gre principalement, à par
f,'er son bonheur. — arrivé presque au comble avani Vi^i
trente ans,
Richelme, très enjoué, chantant, jardinant, se plaisail AJcha^
ger de fruits confits les arbustes qu'il plantait dans son éJeo,—
délassement poétique ; — il invitait ses visiteurs à cueillir pni*
nés. cerises, abricots dans les plantations qui subsistent encore
en partie C'est ainsi qu'il disait un jour à la jeune fille de
Tami Nègre «elle nous a rapporté laimablc propos) : d^'
poulido, aqueh boueno frucho (prends ce bon fruit gcniuic
fillette).
Ah l quel plaisir d'être soldât 1...
chanté avec iantdebrio« de gaîté, dans la Dame Blancht^^
• Par acte M' Beratid, transcrit le 4 mai t83a, vol* asa, ti« 3;.
' n avait déjà perdu sa mère, nous en reparteroniî plus loin.
— 719 —
iransformaii pour notre Georges Brown en celui de jardinier
improvisé. Mais, ainsi qu'on va le voir, TArt favori ne perdait
pas SCS droits, dans ce jardin d'Armide en miniature.
C'était un peu après 1840, alors que M. Amaud-Brunet était
4c privilégié > pour le théâtre d'Aix. Ce directeur habile, qui
était en même temps un excellent artiste, chantant aussi bien
les rôles de baryton que ceux de ténor, se trouvant un jour
embarrassé pour un ouvrage lyrique, se fit accompagner par
son pensionnaire le barvton Feraud, — fort applaudi de ses
concitoyens, — comme Test à l'heure actuelle Berone, un
autre Aixois, au théâtre de Montpellier.
Dès qu'ils franchissent le portail de la villa, les deux bons
chanteurs voient un homme occupé dans l'enclos, et, l'appro-
chant, lui adressent la parole :
— Brave jardinier, y aurait-il possibilité d'entretenir un mo-
ment l'artiste M. Richelme?
— Rien de plus facile, répond celui-ci (c'était en effet lui-
même, non reconnu sous le sarrau du travailleur); veuillez en-
trer au château. Messieurs.
Ils entrent, les deux visiteurs, par la porte du milieu, et le
faux jardinier par une porte d'à-côté ; prenant vite un autre
surtout, un autre couvre-chef, bientôt il se présente à eux.
Alors notre imprésario, — combien de bons souvenirs il a
laissés à Aix ! — prie le châtelain de lui donner l'interpréta-
tion de telle scène, telle phrase musicale d'un opéra, Zampa,
nouveauté pour son public assidu.
Richelme se mettant immédiatementau piano, invite Arnaud-
Brunet à chanter. Dès les premières mesures, le maître dans
l'art du chant l'interrompt :
— Ce n'est pas ça ! ce n'est pas ça !
Et il dit, lui, le morceau avec tant de virtuosité, comme on
sait, que les deux visiteurs prirent congé de Tex-artiste, aussi
ravis de son talent que de sa courtoisie.
On Ta souvent remarqué, autant Richelme savait avoir. €ii|
scènet des allures de gentilhomme, autant il ctaîi plein d<
bonhomie, au dehors, avec ceux qui rabordaient ou se trc
valent en contact avec ce parvenu si honnête.
C'est ainsi qu'entre ce vertueux citoyen et ses fermiers les 1
rapports dalfaires étaient des plus agréables L'un d eux. MixU j
Reynier, dont la tille avait épousé le « félibre de la Queîné».
Bonfillon, nous a raconté comment il avait passé d'heureui^j
années dans cette propriété du Château du Diable, qualîricatif I
démodé : es un bouçn bén. la crcmo dei bèn (c'est une bonne
terre, ce qu*il y a de mieux), disait-il. tant il se réjouissiit
d'avoir irailéavec un si charmant homme pour sa métairie de]
choix» *
Ouvrons ici une parenthèse pour dire que le tènemeni du '
domaine, à lepoquede la vente à Richelme» était de 418 axes;
il est aujourd'hui de 7 hectares environ, d*après le lestament
de la nièce. M"* Millault, qui l'a lé^ué à la Ville. * Ce damaioe
a été successivement agrandi parles propriétaires succédant as
chanoine Martelly ; un descendant sans doute de l'assesseur
d'Aix du même nom. qui se dévoua pendant la pesie de 1639, I
lisons-nous dans le bel ouvrage Notre-Dame de la Seds^ parle
chanoine Marbot.
Quant à lappcllaiion vulgaire de Castèu dùu DiaMe, il nt '
s*agit ici ni de contes de revenants, ni de faux-monnayeyfs.
Le nom de Castèu dùu Diable fCasiellum Diabolij, donné pif
le peuple, n'est autre chose que Taltération de Castntm dupbsÊk
^ Dtns Jes environs d*Aix* terroir du Tbolonet« est an «aife « Ctilmt
du Diable **dûau bon peintre Cécanc, — ce qui induit en tftear, fÊt-
lois, quelques personnes, confondant 1a propriété de ('un ef de risUt
artiste.
* kfjx minutes de M' MouravitiM mai iqoil
— 721 —
en français Château-Double, ainsi que Tatiesie le plus grand
des Provençaux. '
C'est un bâtiment en très bon état, aux portes d*Aix, par l'ou-
verture prochaine d'un boulevard faisant suite à la promenade
de la Rotonde ; ce boulevard évitera les dangers qu'offrent
journellement les rails du P.-L.-M., au passage à niveau du
Petit-Barthélémy, pour les deux cents ouvriers de la fabrique
d'Allumettes et les nombreux passants des quartiers voisins.
Ce sera, de plus, un embellissement de nos environs, à très
peu de frais, — avec l'attraction du Museon Sestian, — sans
compter qu'il est aussi question d'établir l'hippodrome sur les
terrains du domaine Richelme, avec Musée Hippique, — une
attraction de plus.
Cette belle voie d'accès partira de la grande porte de l'Asile
du Mont-Perrin, à la Petite-Rotonde, prendra une partie du
mur dudit établissement pour aboutir au centre de la Ma-
nufacture Nationale, dont l'agrandissement va étendre les
constructions jusqu'aux murs de l'enclos Richelme. *
Et là où l'artiste avait fait une espèce de Musée (au i*' étage,
dans la pièce du milieu (7 mètres sur 10) donnant sur le bal-
con, on y admirait sa riche garde-robe et accessoires, ainsi que
de magnifiques palmes, couronnes et partitions), dans les ga-
leries de cet autre château Borély en miniature, là, parles libé-
ralités posthumes et selon le vœu exprimé parla donatrice, —
nous ne voudrions, grand Dieu ! porter aucune atteinte aux
droits des héritiers, — on installera un musée essentiellement
* V. Trésor, àt Mistral. Des deux vocables : pas de iancie (anxiété)
n'a-i-on pas faitPas-des-Lanciers?
* Sar notre prière, Tagent-voycr M. Roure s'est empressé de dresser an
plan, sur petite échelle, de cette belle voie d'accès. Nos grands mercis. Ce
plan a été exposé dans la salle des dépêches du Mémorial cTAix, ainsi
que le portrait du ténor Richelme et une vue de sa villa.
COMORCS. - 46.
72a
MuseùffSëSïïan, à rinsiar deccuxde Limoges^ Naii€?t
Pau, etc.
Le député Enguerrand déposait un projet de loi, il y a peu Je
temps» pour la création de m usées de ce genre dan s les principaux
centres : l'antique et noble cite de Sextius n*est-elle pas toute
designée pour cela ? Répondant à l'appel du comité, collectioci-
neurs» artistes, littérateurs, voudront contribuer, nouscn avons
la conviction (d'aucuns Font déjà fait), à enrichir ces collectioiis
spéciales du Toui-Aix ancien et moderne, y compris les envi-
rons, depuis les Saliens jusqu'à nos jours : pièces et reproduc-
tions de monuments, de choses rares et curieuses du pay$f
morceaux de sculpture, peinture, littérature particuliers à ^\ix
et à la région.
Combien de doubles, d'objets de valeur qui encombrent îiÔÏ
vastes dépôts publics, sont relégués ou souffrent faute d*c$*
pace ? Les ressources ne manquent pas, sur ce sol fécond* Ht
vient-on pas de créer, sur remplacement de la bataille d'Aix*
à Trets, dans la maison commune, un petit Musée hisiofi*
que ? Il y a cinq ans, publiant une brochure, les Batnt Scx*
/fwjf/ nous formulions le vœu, en parlant de la propnélc Ri»
chelme» dernièrement léguée à la Ville, qu'on y groupe le plus
possible de souvenirs du pays.
En attendant Tinstallation, dans ses salles, de collections
offrant tant d'intérêt par leur spécialité tout aixoise, cU« se-
ront déposées à rétablissement thermal, M. Cailorini s'oi
empressé de mettre une pièce du grand hôtel à la disposition
d'un comité provisoire, dont M. le D' Garcin est l'âme. Nou«
sommes heureux d'ajouter que le premier magistrat de la cité,
' A ToccAsion de t'eiposition organisée dans le vaste p^rCf 0<^ te V9«*
vatt une viirine contenant tous les ouvrages sur nos eaui, ~ préiiét pif k
biol(Ophfcle \*. Arbiud.
— 7^3 —
d'accord avec bien des membres influents du Conseil, a ap-
prouvé avec enthousiasme le projet qui lui était soumis; par-
lant de la charmante villa : « En voilà les clefs », nous disait
M. Cabassol, ce Provençal de race.
Notre confrère de l'Académie, — Tartisie-peintre Villevieille
- a bien voulu nous donner une très jolie vue de la façade nord
du Château. — dessin d'une finesse exquise, d'une exactitude
rigoureuse. Ajoutons, tout reconnaissant, que le projet patrio-
tique d'une Pinacothèque Aixoise à la villa Richelme a eu une
bonne presse.
Eh ! ne pouvons-nous pas, à peu de frais, compter à Aix un
troisième Musée, alors que Marseille en possède sept,* y com-
pris le populaire Cremascle ! Cela n'est nullement une imita-
tion du Museon Arlaten, ou Panthéon Provençal, comme se
plaît à rappeler parfois son illustre fondateur; celui-là est,
dans le sens le plus large du mot, Ethnographique, tandis que
le Sesiian est surtout Aixois-Provençal.
Oui, grâce à la libéralité posthume de M— xMillault, • nous
l'avons à si bon compte, celui qui perpétue la mémoire d'un
célèbre enfant du peuple, bon artiste, bon citoyen, que nous
serions vraiment coupables de ne pas fonder à la Villa Richelme
le Museon Sestian \
* Beaux-Arts, Histoire naturelle. Archéologie, Numismatique, Musées de
Pèche, des Colonies, d'Anatomîe, ces deux derniers au Pharo. Nous pour-
rions ajouter le \fuseon Estrumentau de Prouvènço Aondé par M. de I.om-
bardon-Montezan.
* Veuve, sans entant, d'un officier d'administration. Une trentaine de
comptables furent installés à Aix, après la guerre de Crimée, et plusieurs
s'éprirent d'amour pour nos Sexticnnes.
' A l'heure où nous mettons sous presse, et depuis la visite d'an bien-
faiteur de la cité, M. Pécoul, un comité s'est formé et travaille avec pa-
triotisme à établir ce musée historique aixois, à l'instar du Carnavalet,
du CremasclCy du Museon Arlattn.
Ce comité est ainsi composé : président, M. Louis Gautier, artiste-
n
724
VII
Mariage de l ex-ténor a Lansargues, près de Montpellier.
Mort de Richelme a Nîmes. — Sa famille.
Richelme, qui, sans imiter Fernand dans la Favorite^
n'avait point fait le vœu de rester célibataire, comprenait bien,
ayant atteint la quarantaine, qu'il ne devait pas tarder davan-
tage à se marier et chercher une légitime compagne pour parta-
ger son bonheur et aussi les peines de la vie.
Il n*en était pas exempt, Tex-artiste, depuis le jour maudit
où il contracta, sur la scène de Marseille, en chantant si sou-
vent Robert, un mal qui ne lui pardonnerait pas. S'il songeait
au mariage, peut-être caressait-il le secret espoir de guérir
d'une hernie de poumon occasionnée par le trop fameux en-
gagement de jouer dans une trentaine de représentations suc-
cessives l'opéra redouté des forts ténors, où il s'épuisa ; — ne
répétons pas ici le mot d'une vulgarité sans égale.
Avant de se décider pour un projet matrimonial, Richelme,
espérant vaincre le terrible mal, va à Montpellier consulter les
lumières de la Faculté. 11 s'installe chez une dame Mira, *
maîtresse de pension, et fréquente l'établissement de bains
peintre; vice-présidents, M. Dobler, président de la Société des AmU
des Arts, et M. Roman, cabiscôu de l'Escolo de Lar ; secrétaire, M. Bi-
cheron, du Félibrige ; trésorier, M. Ducros, artiste-peintre ; conseillers»
MM. Alphonse d'Estienne, le professeur Faudrin, le D' Garcin et Tautenr
de ces pages.
Terminons en disant que M. Dobler a spontanément offert un local, aa
Pavillon Vendâme, où sont déjà déposés maints objets offerts au Muséon .
• Rue Couvert, 1 .
— 7^5 —
tenu par M. Dumoulin, personnes qui eurent xjltj^ frès grande
influence sur la destinée du malade veau dL^Ai^c-ea-Provence-
Tout d abord, pour ces personnes-là^ ce n'est pas tant
cure prompte de TAixois qui les préoccupe que son protnp
établissement dans une nouvelle famille. A cet effet, cotnp
nant ses velléités de se mettre en ménage, les deux ictï^
Dumoulin et Mira s'y emploient si bien que, sans pera
temps, elles ébauchent un projet d'union entre Rlcheitne e
fille d'un médecin.
Ah ! la bonne fortune pour le consultant: herniaire d'avoir
dans sa maison un disciple d'Esculape! Il va sortir de tous les
maux, et l'amour comblera ses vœux. Le voilà fiance a Made-
moiselle Antoinette-Marie-Agnès-Raymoncle-F'^''"^"de Bona-
maison, future ayant demi-douzaine de prénoms, comme une
princesse (ce qui est un peu théâtral, pour notre « comte
Ory >► dans ses débuts). Le père, originaire des F^y renées, exer-
çait la médecine à Lansargues et s'y était fixé depuis quelque
vingt ans.
En attendant la guérison du mal pour lacitaelle Richelme
était allé à Montpellier, il se marie dans Tarrondissemem, le
26 novembre 1844; au lieu de hâter le rétablissement du vail-
lant Provençal, son union avec une jeune et sémi ante Lan-
guedocienne ne fait que précipiter un dénouern^*^^ ^ ^*-
Parmi les témoins de ce mariage, on rem^t-<5^^ ^ pere de
notre éminent ami le baron de Tourtoulon, do^^^ *^ ^ ateau de
Vallergues était près de la demeure des Bonarnaison, et se
trouvaient en très bons rapports de voisinage. yVtis , combien
de notes exactes ne devons-nous pas au fondateur ^ ^ Société
des Langues Romanes sur le mariage de Richelï*^^ •
' Témoins à la mairie: Pierre Bertrand, banquier à Montpellier; Jean-
Pierre Marquez, receTeur-baraliste ; Jean Roasserain, s«^^ *■» André
Serières, les trois dernieis domiciliés^à Lansargues.
726 -
En se mariant, Richelme croyait-il à la probabihu
progéniture? 11 avait un frère aîné, Marius, peseur public.
mort beaucoup plus tard que lui, qui avait perdu un Bis» Gus*
lave, âgé de 20 ans, des suites d*une chute de chc%'âU et une
fille, la généreuse Sexticnne qui devint M^" Millault. L*cx-
artiste avait aussi une sœur, iM"'* Raymond» morte dcrnicre-
ment.
Ces divers membres de la famille avaient habité le cKâteau
en compaï^nie du père Richelme. qui y a fini ses jours, comme
sa peiitc-fille, la bienfaitrice de la Ville. La mère n*en avait
point joui, étant morte dans la maison paternelle du ténor, rue
du Bœuf, — de la peur qu'elle éprouva, disent les voisins, d'une
terrible épidémie de choléra, en i385.
M""* Richelme (de Lansargues) avait deux frères, mcdccms
comme le chef de la famille; Tun d'eux, le D' Bonamaison-
Masson, dirigeait ces temps derniers rétablisscmeni hydroihc-
rapiquc de Saint-Didier (Vaucluse),
I.a veuve Richelme, qui n'a j»uère passé que deux mois avec
son mari, est morte, n*ayani jamais eu d*enfanis. environ cin-
quante ans après, le 10 février 1892. Très peu de jours avant î»a
mort, l'artiste légua à sa femme une rente viagère qui fut con-
vertie en un capital de 3o à 40.000 francs, par suite d'un accord
entre M"*' Richelme et les héritiers de son mari.
Aussitôt après son veuvage, elle alla habiter Linsargues.
Avec la somme dont il vient d'être parlé, elle acheta un enclos
d*envîron quatre hectares (môme contenance que le fameux
Château du Diable), où elle fil construire une maison qu'elle
habita jusqu a sa mort, — maison qu elle avait eu la pensée
reconnaissante d'appeler éj^alcment Villa Hichelme, De cette
façon, il y en eut deux consacrant un nom aimé, celle de U
Provence et celle du Languedoc.
lisons que les branc
>mplei le plus possit
— 727 —
RichelmcdeSaint-Maximin etd'Éguilles, cJe tn^tiJC que celles
subsistant à La Combe, * ont laissé des rejetons dans le Var,
ainsi qu'à Aix et dans les environs, gens non voués à Vart que
nous sachions. <
Mais nous avons connu à Marseille, il y a quarante ans, un
luthier qui avait acquis de la réputation par ses violons, a los,
basses, type Richclme, — violons dont le prix variait entre
1 5o et 1 .000 francs, selon les fioritures orna n t la caisse ae ins-
trument. M- Demonucy, veuve du membre cie Vlnstitut, qui
honorait souvent l'Académie d'Aix de sa présence, possède un
de ces violoncelles richement sculpté, et le regretté Charles
Pourcel dirigeait l'orchestre avec un violon F^ichelme, ressem-
blant à la viole; il en louait la sonorité et la doviceur, comme
le rénovateur marseillais.
Celui-ci, mort naguère, a publié livre et: brochure sur la
Lutherie et le Violon ; ' il était fier, à bon d roi t • de sa parenté
avec le ténor aixois. Combien de gens aiment: a se quaJîfiçj.
cousins de quelqu'un qui s'est fait un nom d^^^ les lettres
sciences, arts !
Le ténor Riquelme qui, en novembre igo^* "^^ns-nous
• Le principal héritier du ténor Richclme. M. GiraucJ- J exploite une
fabrique de draps. Il est domicilié à Aix, chemin du J^ctit-BanhéXfijny^
avec sa dame et leurs deux charmantes filles.
« A Aix, existe une veuve Richelme, dont le mari était coinc"*'. rue Mi-
gnet, il y a vingt ans. La veuve Richelme, née Vallier, pe«*^ ^^ flatter d'ap-
partenir à deux familles historiques de notre ville : l'art»** ^ ^^ '^s ancê-
tres à elle; appariteurs-trompettes durant quatre siècles <Voî^ ^'^^^ d'Aix.
par Rodx-Alpbêraii).
» Études et observations sur la Lutherie ancienne ^' tnoderne, par
A.-M. RiCHBLME. 4 fr. — Renaissance du Vioion et de ses ii^<^^^SUts, par
le même. Marseille, imp. Duverger. i883. in-S". 2 fr. — 0^°* ^^ opus-
cule, on lit cette épigraphe caractéristique : « Le Luthier*» ignorant sur
l'acoustique des instruments à archet, n'est en réalité ci'-»***" ^''** ^''*r-
pentier. Richelme. >
dans El Impixrciai. se faisait chaleureusement applaudir au
«cTcatro Real »de Madrid, dans Apoh, n'est-il pas parent* lui
aussi, de noire Richelme?
Provençali Castillan, par b'en d'heureux hasards.
Sont deux frères dans la fraternité des Arts.
Maintenant que nous avons quelque peu dressé l'arbre gé-
néalogique du ténor si applaudi, revenons aux époux Richclmc.
sitôt séparés par la mort.
Peu de temps après son mariage, le malheureux artiste* ve-
nant à Aix pour atfaires, est aux prises avec un mal qui ne
lui pardonne pas ; il est obligé de s'installer dans l'hôtel du
Nord, boulevard Falguières, à Nîmes. Le pauvre malade ne
s*arrôie pas dans la patrie de Villaret pour sy fixer, ainsi qu'on
Ta prétendu, mais lerrassé par la soulîrance physique en pleine
lune de mieL
Il y a deux versions sur cette fin si prématurée. La première,
c'est que le frère, Mari us Richelmc, et le compagnon dévoué
qu'était M. Nègre, avisés de l'imminence d'un dénouement
fatal » partis immédiatement d'Aix, seraient arrivés a Nîmes
sans avoir la consolation d'assister leur cher Fcrdinand^Louis
à ses derniers moments.
La seconde version, bien plus probable, et que conlirment
des tails patents, c'est que le n*hn malade, dans une chanM^-^"
d'hAtel, se voyant perdu, aurait pressé le fidèle Aixois ici
de SCS triomphes, pour qu'il vienne le voir, ce qu'il fil inconti-
nent, en compagnie d'un autre ami, M. Blachet. Leii voilà
auprès du moribond qui leurdil : ^ Tenus, mci bèu, vaquito un
^oî/i'êni», donnant quelque objet d*art à chacun (va»l,i un sou-
venir, chers amis; : « anas mclèu guerre un capelan^que hqum
ifouéli esse entarra caumo un chin » (allez vile chercher un
prêtre, car je ne veux point être enterré comme un chien). Il
— 729 —
fut obtempéré sur-le-champ à ce vif désir cfun cc^f^^^ien bon
catholique» — ce qu'il avait déjà prévu dans so^ testament
olographe du 20 septembre 1843, — et il expira le r' février iS4^*
à midi.
Le matin même -de sa mort, Richelme fait un codicille au
susdit testament, pièce importante à bien des points de vue, e
que nous analysons dans le chapitre suivant.
VIII
Testament de Rjchelme et codicille. Testament
DE SA nièce, veuve MiLLAUI
Aussi bien en matière d'art qu'en affaires, F^ichclme était un
homme parfait; il Ta montré depuis ses prem ieres représenta-
tions à Marseille, où il fut reconnu artiste su^x^''*^"'"' jusqu'au
jour où il fit de sa propre main, d'une maniore impeccable, le
testament que nous avons sous les yeux.
L'artiste et le citoyen vont toujours de pair dans cette car-
rière brisée après une dizaine d'années de labeur et d honneur,
— temps souvent plus que suffisant pour qu'tjri industriel, un
commerçant arrive à la fortune, à l'aisance au moms, ce que
ne réalisent que trop peu d'acteurs de talent-
Se sentant déjà bien malade à l'âge de trente-neuf ans,
Richelme, le 20 septembre 1843 (jour annivers^i*'^ ^^ ^^ nais-
sance, seize mois avant sa mort), fit preuve cl tine sagacité,
d'un patriotisme exemplaires. Dans ses ultimes o>^P^^'^>Ons, il
désigne le Château du Diable sous le nom de Château Mar-
telly, ne se doutant pas que sa famille et ses conci oyens re-
connaissants l'appelleraient constamment Vill^ I<t<^ ^^^^e.
Il lègue cette villa, avec son tènement de terre, ^ ^^n frère
bien-aimé Marius, ainsi que tous les meubles ttï^^ ^nis et
autres. Suit un alinéa peignant bien son esprit f^'"' '^i, sqs
r3a
Dans le tesiamcnt de Richelmc, avec les parents ei 3
compris les pauvres» il y a aussi une amie non oubliée ; ^
<« Je lè^îue à Celay-Valbon, dite M"" Duvah artiste dramati-
que, la somme de 2.000 francs, et, en outre, ma garde^robe
d acteur * et accessoires de théâtre, etc. * ... ce qui constituail
son musée miniature au Château, selon le témoignage de cer-
tains anciens qui Tont admiré. , ; ^
Nous en sommes à Tan, à l'une des ckrntères dispositions
les plus intéressantes pour nous Aixois :
« Je lègue à la ville d*Aix, mon pays natal, la somme de dix
mille francs, à la condition expresse que son Conseil municipal
installera ou créera dans cette même ville d'Aix une Ecole de
Musique gratuite et à pcrpétuité...
« J'invite les amateurs de musique qui peuvent, a tnst que
moi et sans faire tort a personne, disposer d'une ccrtaioe
somme, je les invite, dis-je, à imiter mon exemple et à ùitt
des legs à la ville, afm de l'aider à établir dans son sdn une
brillante École de Musique. >^ ^^H
Voila une heureuse pensée pour Tart auquel Richelmc dd^
toutr et quelle dclicaiesse on voit chez lui quand il Invite te
musiciens à m imiter son exemple ! ^
Pour assurer davantage la destination de ces divers hgs, le
testateur n*a garde d'oublier son exécuteur testamen
M' Bonnet, notaire, Tun des prédécesseurs de Tobli.,^^.
M* Donnefort. Il lui lègue, n à titre d^amitic, une grande pen-
dule représentant Pétrarque à Vaucluse;)^ — suit la descnf^
tion d'une belle garniture de cheminée. Si cebronastdart jvait
été retrouvé, en 1874, c'eût été l'une des plus curieuses pièco
' Le costume de « Robert », qui n*est pas des plus hcht«, ftit fcadi
800 francs, par l*eniremisc du conirôïeur, L. Marun. Le prii atucbl m
jcouvenîr du tort ténor augmentait de beaucoup la valear de ce co%-
tumc.
-733-
exposées, à Aix, rue Cardinale, chez le promoteur du cin-
quième centenaire de Pétrarque. Quelle joie pour le majorai de
Berluc-Pérussis !
Terminons Texamen du testament Richelme, si curieux à
tant de points de vue; nous verrons que l'excellent artiste et
bon citoyen, en songeant toujours aux siens, ne s'oublie pas
lui-même pour le jour où il disparaîtra :
Ce jour presque éclaira ses propres funérailles,
disait Racine d'un autre personnage.
« Je veux que, dans quelque pays que je vienne à décéder, que
mes dépouilles mortelles soient transportéesà Aix ; je veuxaussi
que mon exécuteur testamentaire me fasse rendre les honneurs
funèbres convenables, et qu'il fasse faire un caveau de famille
pour y recevoir mes dépouilles, celles de mon père, de mon
frère, de ma sœur et de ses enfants; je veux aussi qu'on y trans-
portées pestesde ma bonne mère et ceux de ma nièce et petite-
nièce décédées, et qu'il dépense au moins pour cela 3.ooo fr. »*
Le légataire universel et l'exécuteur testamentaire de
Richelme ont scrupuleusement accompli ses dernières volon-
tés (ce que nous verrons bientôt) après son décès inopiné.
lia été fait un codicille in extremis à ce testament modèle, le
1" février 1845 ; Richelme a expiré ce jour-là, à midi. '
Entre autres dispositions, il y a celle d'un legs à sa femme
d'une « somme de dix mille francs, laquelle somme est la
même que j'avais déjà léguée à la ville d'Aix... > C'en est fait
de la création d'une École de Musique rêvée par lou Gan-
tai re !
Dans l'extrait delà délibération du Conseil municipal d'Aix,
du 7 février 1846, nous voyons que le Maire n'a eu connais-
Reçu par M* Mense, notaire à Nîmes.
7^4
sance du le/^s de ïo.ooo francs fait à la Ville, pour y établir uiir
École de Musique, que le 28 janvier (Richelme était mort de-
puis un an à peu près) ; mais que ce legs avait été révoqué par
un codicille. Nous n'avons pas à nous occuper des autres mo-
ditî cations.
Dans son testament, * la généreuse M"* Millault. imn^nî
l'exemple de son oncle si vertueux, n'a oublié, elle non plus,
ni parents, ni amis, ni serviteurs ; elle a mis la noble cilé
Scxtienne en possession de la villa Richelme et tènemenidfi
terre. La bienfaitrice aixoisc, de cœur et d*âme, a exprimé le
vœu qu'on établisse dans son ancienne demeure un mus«
spécial, — ainsi que nous le disons plus haut. Grâce à U niiof
reconnaissante, — la population Test avecelle» — la mémoire
d'un bon citoyen, mort sans postérité, est conservée à jamais.
Indépendamment de la Ville, le tambourinaire Andricux,
^ megïé ^ du château du Diable, hérite d*une pièce de terre au
quartier de Celony, — un ^bouquet)» encore à Timltation de
celui que l'artiste laissait â son jardinier, comme Ion sait.
M. Giraud (des Richelme par son aïeule) est le légataire
universel. Cl a hérité, presque en même temps, des biens de
sœur du ténor, M"" Raymond, décédéc il y a peu.
Un autre héritier de M"* Millault, M. Pardigon, au Ponl*
de-Lar, et dont la jeune enfant était la tilleule de notre bien*
failricc, a eu pour lot une pièce qui, si elle n'est pas d'une
importance capitale, est certainement un souvenir artistique
d'un grand prix : c*est le piano dont Richelme s'accompagnait
avec délices, en chantant des morceaux d'opéra, et qui lui ser-
vait pour ses leçons de chant.
Mais ici encore, fataliîé (comme pour 1 École de Mo5;iqo£):
* Du r4 RUii 1901, noutre Mouravit, le savaai bibltof»hilc. mtialirc dt
rAcadémie d*Aia.
-735-
cet insirumeni précieux, laisse à la campagne, près de Saint-
Pons, seciion des Mille, a été volé; il ne figurera probable-
ment jamais au Museon Sesiian. De nos jours, on vole les
pianos comme les coffrcs-ioriSj ad libitum.
Arrivons aux pompeuses funérailles de Richelme, à son
monument au cimetière Saint-Pierre.
IX
Funérailles de l'Artiste Lyrique et Dramatique.
Monument Richelme au cimetière d'Aix.
Ainsi que Richelme en avait exprimé le désir, dans son tes-
tament, ses dépouilles mortelles furent « transportées à Aix,
son pays natal », et des honneurs extraordinaires lui furent
rendus. Son frère, aussi bien que l'exécuteur testamentaire,
s'acquittèrent dignement de leur tâche, — et nombreux sont
les témoins qui n'ont pas perdu le souvenir de ces somptueu-
ses funérailles.
Voici d'abord ce qu'on lit dans le Mémorial d'Aix, du 19 oc-
tobre 1845 :
« On nous assure que les obsèques de notre compatriote
Richelme, ex-artiste dramatique, décédé, comme on sait, il y
a environ neuf mois, auront lieu, vendredi prochain, selon les
volontés du défunt ; cette funèbre cérémonie sera faite avec
quelque pompe. » Par ce simple fait divers, voilà les nom-
breux amis de l'artiste, la population aixoise invités à y pren-
dre part.
Il y eut quelque retard, d'après ce que dit la Provence du 26
du même mois, sept jours après l'annonce faite par le Mémo-
rial:
(• Les obsèques auront lieu demain (lundi, 27 octobre), à
- fiû -
"9 heures du matin, en réglise Saini-Jean extra-muras. Lécof^
tège partira de la Muie-Blanchc* >* A I époque, le chcmiit du
Petit-Barthélémy aboutissait presque au bas du cours Sextius,
et le château de Tartiste n'en était qu'à deux pas ; il est aujour-
d'hui à un demi-kilomètre de la Rotonde. '
Richclmc a fait, comme Ton sait, un noble emploi de la for-
lune que son talent lui avait acquise, et il s'en était réserve en
quelque sone une légitime et bien minime partie pour lut»
quand il ne serait plus de ce monde.
Le même journal, la Provence, dit dans le numéro suivi
(2 novembre), après la mémorable journée :
« Les obsèques de notre compatriote Richelmc oai eu lieu
avec pompe» lundi dernier. Le cercueil a traversé nos rues sur
un char funèbre. - La musique de la ville, qu'on a été étonné
d*y voir en costume, exécutait des morceaux decirconsiancc. »
Pourquoi cette réflexion d'une feuille locale qui avait précé-
demment annoncé que * Richelmc avait laissé une somme
pour le corps de musique de notre ville? ^ Cette symphonie
était sous la direction du maître Gaspard MicheU ce musicien
si populaire.
Continuons la reproduction du susdit article, en partie du
moins :
« Trois cents pauvres» toutes les oeuvres de bienfaisanccl
* En i856, la construction du chcmtn de fer a nécessité U déntlloil 1
ce chemin qui* au lieu d*aboutir h la grande auberge en qaesttoo, t^âm^nt
à ta Rotonde, au midi du Christ de la Mission.
* C'est de ce jour que date remploi des voitures mortoairts poor t/tA»>
porter les corps an champ de repos; le < corbillard *, d'abord résenré aui
personnes riches, n\i% grands* sert maintenant aussi bien à ceux d qu jai
indigents de l'hôpital, aux malheureux des hospices, moins tes teotiiffi
et panaches dont il est iturmonté aux enterrements de première classe.
- 73? —
un cortège d'amis accompagnaient Tartiste lyrique à sa demeure
dernière. L'absoute a été faite à l'église du Faubourg... »
La Société chorale Sainte-Cécile, sous la direction de Ma-
rius Lapierre, y dit un beau morceau funèbre de la composi-
tion de Hein, sur un psaume de David, — chant que la même
société, le jour de la fête anniversaire, a exécuté dernièrement
au cimetière pour la mémoire des membres décédés dans le
courant de l'année.
En sortant de l'église du Faubourg, le convoi funèbre pas-
sait par la rue des Cordeliers, si populeuse, la place de THôtel-
de- Ville, la rue de la Grande-Horloge; cet itinéraire, de l'ex-
trémité sud du cours Sextius à la partie haute de la ville, attira
une foule immense à la Cathédrale, là où fut célébrée, en
^Tande pompe, une messe mortuaire.
Le cercueil, découvert, comme c'était l'usage alors, fut placé
dans le chœur, et Ton entendit une femme du peuple tenir ce
propos, en s' exclamant presque : pamens, ço que l'argent Ja
Jaire (ce que fait faire l'argent, tout de même). Il faut croire
que cette femme-là ignorait tout le bien qu'avait fait le mort si
regretté, si honoré.
Musique, chants, messe solennelle ; char (inusité alors),
avec grands panaches, cocher en livrée, tentures argentées ; de
plus, un nombreux clergé, toutes les paroisses, les enfants de la
psalette et le chapitre métropolitain, faisaient de ce convoi un
enterrement de première classe dans la plus large acception du
terme.
C'était pour un homme de race plébéienne les obsèques
les plus somptueuses qu'on eût jamais vues, — n'ayant d'éga-
les que celles du cardinal Bernet, archevêque d'Aix, en 1844.
- Pour Richelme, aussi, affluence considérable : le plus petit
clergeon comme le plus vénérable capucin, en ce jour de
coNORÈs — 47
- 7^
triomphe posthume, rendaient hommage au vertueux cito\*ecï»
au bienfaiteur des pauvres.
Les journaux donnèrent des détails sur sa mort presque su-
bite, ses magnifiques funérailles, — cérémonie touchante dont
bien des personnes d*Aix d'un âge avancé ont conservé le sou*
venir.
Les restes de Richelme turent déposés dans un cicgant loaî-
beau de marbre blanc, — Avant d'en faire la description, voici
l'extrait des registres de la Cathédrale relatif à la cérémonie ;
4^, L'an Ï845 et le 27 octobre, ont clé célébrées en relise
Saint-Sauveur d'Aix les obsèques religieuses de M. Louts-
Ferdinand Richelme, âgé de44ans, * ancien artiste lyrique et
dramatique, époux de Antoinette-Maria-lgnacia-Éiéonore-
Fernande Bonaraaison, décédé à Nîmes, le 1*' février lâ^S,
transporté à Aix dans le cimetière Saint-Pierre et inhomé le
27 octobre.
* En foi de quoi, je soussigné, chanoine-curé (archipnêtrc) ai
dressé le présent acte.
<c Signé ; Reykaud, chan.-curc m.
On le voit, lancien comédien avait eu tous les honnetin
possibles et dans le temple de TArt et dans celui du Scigo^
En entrant au cimetière par le chemin de Saini-Pici
au fond de la première allée latérale, à gauche» se trouve k
mausolée de TAcadémie d'Aix ; presque contigu^ portAOt k
n* joo. est le monument de Richelmc, non pas grandiose, mais
d"une vraie élégance* De dimension ordinaire, ccnc tombe est
entourée d'une grille, et la pierre lumulaire porte rinscripcion:
A NOTRE FRÈRE LOUIS-FERDINAND RICHELME
ARTISTE LYRIQUE ET DRAMATIQUE
• Çcsi par erreur que Je registre paroissial porie 44 ans m lieu 4f ^
Richcime ava»t d ion décès 40 ans 4 mois jo jours.
La hauteur totale du monument est de3"2o; largeur i-8i ;
marbre blanc statuaire, pierre tumulaire Casais coquillier. On
y remarque artistement sculptée, en relief, une harpe d'un
beau tormat ; au pied de Tinstrument, adroite, se trouvent des
partitions, volumes oblongs, posés à plat, eti relief aussi et sur-
chargés de couronnes. A gauche de la harpe, vers le bas, sont
gravées sept portées de musique, avec notes en creux, portées
ainsi disposées : la i^«,chant; 2' et 3*, accompagnement; 4% chant
(suite); 5" et 6«, accompagnement encore, et la y*, chant seule-
ment, — heureux motif de décoration, qui doit être un des
thèmes favoris de notre héros. *
Au-dessus du socle décoré avec tant d'art, figure un large
tympan, où se trouve un très joli sablier d'une assez grande
dimension, symbole orné des ailes du Temps, — le tout cou-
ronné par une urne vraiment belle, avec crêpe pendant à •
droite.
L'ensemble du dessin de ce sarcophage est d'une correction
irréprochable, et l'exécution des divers motifs est parfaite. C'est
Tœuvre de deux artistes aixois, Bastiani-Pesetti, si connu, et le
professeur Olive, de notre école de Dessin. On peut dire que
le monument est l'un des plus remarquables de notre luxueuse
nécropole, qui compte tant d'œuvres d'art : en la visitant, on
a quelque illusion du Campo Sanlo de Florence, Sant Miniato.
Il y a une cinquantaine d'années, certaine feuille disait que
ce tombeau était surmonté d'un buste de l'artiste. Nos souve-
nirs ne précisent rien à cet égard. II se peut bien pourtant
qu'au lieu de la belle urne, il y ait eu Teffigie du « cantaire »
en terre cuite, peut-être pendant quelques mois, — œuvre fra-
gile, provisoire, qui n'aurait pas résisté aux intempéries de
l'air.
' Ces notes sont frastes : elles paraissent cependant reproduire quel-
ques mesures de Zampa.
— 740 —
C*esl précisément ce qui est arrivé presque en face du mona
tneni Richelme : en 1872» le tombeau des épôux Rouard ciah
orne d'un buste, par Ferrât, du savant bibliothécaire, — re»
production de celui qu'on voit actuellement dans le cabinet do
Conservateur de la Méjanes. Ce buste, gravement délcriorc des
le premier hiver, fut remplacé par une urne.
L'image de Richelme a dû avoir le même sort, si l'assertion
du journai marseillais est vraie. Nous allons voir comment on
pense bustifier le ténor renommé, les documents ne ferom pas
défaut pour le félibre du ciseau qui le fera revivre dans le mar*
bre.
En terminant cet avant-dernier chapitre de notre étude,
disons que la reproduction du monument Richelme par la gra-
vure, lecrayon, la photographie même, — on fait tant decar-
' tes postales illustrées! — est chose très intéressante, une pièce
à conserver dans les collections locales, surtout d'objets d an et
de curiosité.
Plusieurs concitoyens, l'habile photographe Jouven notam-
ment, s'en sont déjà occupes, comme plusieurs ont fait le pc»r-
traitde Richelme; de toute façon il vivra au-delà du tombeau.
X
École de musique fondés pah Richelme* — Hommage public
A l'artiste, au citoyen.
Vers 1S40, époque à laquelle Richelme faisait ses adieux lU
scène, — adieux suivis de quelques rares représentations, — il
v eut, en France, dans toutes les provinces, un grand mouiT*
ment pour l'établissement d'écoles de musique.
A Marseille, un musicien de valeur, Barsotti, en fondlil
bientôt une, qui devint prospère sous sa direaion ccluirécct
— 74' —
tut transformée en succursale du Conservatoire de Paris.
C'éiaiî au moment où la France musicale donnait une série
d'articles sur l'enseignement du chant, dus à la plume du pro-
fesseur Manuel Garcia, père de la Malibran.
Ces articles si judicieux, fruit de l'expérience d'une famille
de chanteurs, professeurs hors de pair, furent reproduits dans
les journaux des départements, et à Aix, par le Cygne, feuille
artistique et littéraire des plus estimées. '
Nous ne saurions résister au désir d'en extraire les deux ali-
néas suivants :
« Le chanteur qui ignore les sources des effets et les secrets
de l'art, n'est qu'un chanteur incomplet et livré à la routine. Il
faut que le talent soit développé de bonne heure par une édu-
cation soignée et une étude spéciale. L*étude seule, mais une
étude éclairée et opiniâtre, f>eut fixer l'intonation, épurer les
timbres. f>erfectionner l'intensité et l'élasticité du son. »
L'habile élève de Nourrit.de Ponchard, ce vaillant Richelme,
qui avait tant et si bien travaillé, — comprenait toute la valeur
de cet argument, lui qui voulait fonder une école de musique à
Aix. Mais poursuivons :
« De tous les instruments, la voix humaine est le plus fragile
et le plus délicat. Nous signalerons, dit encore le maître
Garcia, comme dangereux l'emploi fréquent des sons aigus
dans les registres de poitrine et de tête, la force inconsidérée
que l'on communiquerait à la voix, etc., etc.... »
C'est ce qui a été si funeste à notre interprète de Robert le
Diable dans les conditions que Ton sait, et dès les premiers
jours de 1 84 1, Tex-ténor ouvrait un cours de chant dans nos
murs, — ainsi que nous le disions dans un précédent chapitre.
Ces leçons de chant furent le prélude ou le prétexted'une cam-
' N** des 24 et 3i janTier 1841.
— 74Û —
C'est précisément ce qui est arrivé presque en face du mono
meni Richelme : en [872. le tombeau des époux Rouard était
orné d'un buste, par Ferrât, du savant bibliothécaîre, — re-
production de celui qu^on voit actuellement dans le cabinet da
Conservateur de la Méjanes. Ce buste, gravement détérioré dès
le premier hiver, fut remplacé par une urne.
L'image de Richelme a dû avoir le même sort, si l'assertion
du journal marseillais est vraie. Nous allons voir comment oa
pense bustifier le ténor renommé, les documents ne fcrom pas
délaui pour le félibre du ciseau qui le fera revivre dans le inif*
bre.
Kn terminant cet avant-dernier chapitre de notre étude,
disons que la reproduction du monument Richelme par la pi*
vure, le crayon» la photographie même, — on fait tant de car
'tes postales illustrées! — est chose très intéressante, une pièce
à conserver dans les collections locales, surtout d objets d'art cr
de curiosité.
Plusieurs concitoyens, l'habile photographe Jouven notam-
ment, s'en sont déjà occupés, comme plusieurs ont Tait le por-
trait de Richelme; de toute façon il vivra au-delà du tornbcau-
École de musique fondée par Richelme. — HoMiuQe HaoÇj
A lVutistc» au citoyen.
Vers 1840, époque à laquelle Richelme faisait ses adieoiii^
scène, — adieux suivis de quelques rares représen talions, -^|
V eut, en France, dans toutes les provinces, un grand 100
ment pour rétablissement d écoles de musique.
A Marseille, un musicien de valeur» Barsotti^ en fomfc'
bientôt une, qui devint prospère sous sa direction ëclarréc»ii
— 741 —
fut transformée en succursale du Conservatoire de Paris.
Celait au moment où la France musicale donnait une série
d'articles sur renseignement du chant, dus à la plume du pro-
fesseur Manuel Garcia, père de la Malibran.
Ces articles si judicieux, fruit de l'expérience d'une famille
de chanteurs, professeurs hors de pair, furent reproduits dans
les journaux des départements, et à Aix, par le Cygne, feuille
artistique et littéraire des plus estimées. '
Nous ne saurions résister au désir d'en extraire les deux ali-
néas suivants :
« Le chanteur qui ignore les sources des effets et les secrets
de Tart, n'est qu'un chanteur incomplet et livré à la routine. Il
faut que le talent soit développé de bonne heure par une édu-
cation soignée et une étude spéciale. L*étude seule, mais une
étude éclairée et opiniâtre, peut fixer l'intonation, épurer les
timbres, perfectionner l'intensité et l'élasticité du son. »
L'habile élève de Nourrit, de Ponchard, ce vaillant Richelme,
qui avait tant et si bien travaillé, — comprenait toute la valeur
de cet argument, lui qui voulait fonder une école de musique à
Aix. Mais poursuivons :
« De tous les instruments, la voix humaine est le plus fragile
et le plus délicat. Nous signalerons, dit encore le maître
Garcia, comme dangereux l'emploi fréquent des sons aigus
dans les registres de poitrine et de tète, la force inconsidérée
que l'on communiquerait à la voix, etc., etc.... »
C'est ce qui a été si funeste à notre interprète de Robert le
Diable dans les conditions que l'on sait, et dès les premiers
jours de 1 841, l'ex-lénor ouvrait un cours de chant dans nos
murs, — ainsi que nous le disions dans un précédent chapitre.
Ces leçons de chant furent le prélude ou le prétexted'une cam-
N** des 34 et 3 1 janrier 1841
- 74Û -
;*esl précisément ce qui est arrivé presque en face du monu*
ment Richelnie : en 1872. le tombeau des époux Rouard éuh
orné d'un buste, par Ferrât, du savant bibliothécairCp — tt^
production de celui qu on voit actuellement dans le cabinet dû
Conservateur de la Méjanes* Ce buste, gravement détérioré dès
le premier hiver, fut remplacé par une urne.
L'image de Richelmc a dû avoir le même sort» si Tassemon
du journal marseillais est vraie. Nous allons voir comment on
pense bustilîer le ténor renommé, les documents ne feront pis
défaut pour le félibrc du ciseau qui le fera revivre dans le mar-
bre.
En terminant cet avant-dernier chapitre de notre éliide«
disons que la reproduction du monument Richelme par la gra-
vure, le crayon, la photographie même, — on fait lani decif*
'tes postales illustrées! — est chose très iniéressanic. unepiict
à conserver dans les collections locales, surtout d'objets d'ifttf
de curiosité.
Plusieurs concitoyens, l'habile photographe Jouven noutn-
ment, s'en sont déjà occupés, comme plusieurs ont fait le por-
trait de Richelme ; de toute façon il vivra au-delà du tombeau
ÈcOLt DE MUSIQUE FONDEE PAR RiCUELME. — MOMMAGE
A L ARTISTE, AIJ QTOYEN.
Vers 1840* époque à laquelle Richelme faisait ses adteuitali
scène, — adieux suivis de quelques rares représentations, -
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A Marseille, un musicien de valeur. Barsottî, en fondait 1
bientôt une, qui devint prospère sou^^ sa direction écUirée,^
— 741 —
fut transformée en succursale du Conservatoire de Paris.
C'était au moment où la France musicale donnait une série
d'articles sur l'enseignement du chant, dus à la plume du pro-
fesseur iManuel Garcia, père de la Malibran.
Ces articles si judicieux, fruit de l'expérience d'une famille
de chanteurs, professeurs hors de pair, furent reproduits dans
les journaux des départements, et à Aix, par le Cygne, feuille
artistique et littéraire des plus estimées. '
Nous ne saurions résister au désir d'en extraire les deux ali-
néas suivants :
« Le chanteur qui ignore les sources des effets et les secrets
de l'art, n'est qu'un chanteur incomplet et livré à la routine. 11
faut que le talent soit développé de bonne heure par une édu-
cation soignée et une étude spéciale. L'étude seule, mais une
étude éclairée et opiniâtre, peut fixer l'intonation, épurer les
timbres, perfectionner l'intensité et l'élasticité du son. »
L'habile élève de Nourrit, de Ponchard, ce vaillant Richelme,
qui avait tant et si bien travaillé, — comprenait toute la valeur
de cet argument, lui qui voulait fonder une école de musique à
Aix. Mais poursuivons :
4c De tous les instruments^la voix humaine est le plus fragile
et le plus délicat. Nous signalerons, dit encore le maître
Garcia, comme dangereux l'emploi fréquent des sons aigus
dans les registres de poitrine et de tète, la force inconsidérée
que l'on communiquerait à la voix, etc., etc.... »
C'est ce qui a été si funeste à notre interprète de Robert le
Diable dans les conditions que l'on sait, et dès les premiers
jours de 1 84 1, l'ex-ténor ouvrait un cours de chant dans nos
murs, — ainsi que nous le disions dans un précédent chapitre.
Ces leçons de chant furent le prélude ou le prétexted'unecam-
* N** des 34 et 3i janyier 1841
i
- 740 -
C'est précisément ce qui est arrivé presque en face du monti*
ment Richelme : en 1872, le tombeau des époux Rouard éuîl
orné d'un buste, par Ferrât, du savant bibliothécaire, — re-
production de celui qu*on voit actuellement dans le cabinet dti
Conservateur de la Méjanes. Ce buste, gravement détériore dès
le premier hiver, fut remplacé par une urne.
L*imagede Richelme a dû avoir le même sort, si l'assertion
du journal marseillais est vraie. Nous allons voir comment on
pense busiifier le ténor renommé, les documents ne feront pas
défaut pour le félibre du ciseau qui le fera revivre dans le mar-
bre.
En terminant cet avant-dernier chapitre de notre étude,
disons que la reproduction du monument Richelme par la gra*
vure» le crayon, la photographie même, — on fait tant decir*
'tes postales illustrées! ~ est chose très intéressante, une pièce
à conserver dans les colicciions locales» surtout d objets d'art et
de curiosité.
Plusieurs concitoyens, l'habile photographe Jouven notini*
ment, s*en sont déjà occupés, comme plusieurs ont faîl k por-
trait de Richelme; de toute façon il vivra au-delà du tombeao*
École de musique fondée par Richelme. — Hommagc piiiuc
K L*ART1STE, AU CITOYEN.
Vers 1840, époque à laquelle Richelme faisait ses adieux À la
scène, — adieux suivis de quelques rares représentations, — Û
y cul, en France, dans toutes les provinces» un grand mooit*
ment pour rétablissement d'écoles de musique.
A Marseille, un musicien de valeur, Barsoiti, en fûndaif
bientôt une, qui devint prospère sous sa direction Lk:laim,if
— 741 —
fut transformée en succursale du Conservatoire de Paris.
C'était au moment où la France musicale donnait une série
d'articles sur l'enseignement du chant, dus à la plume du pro-
fesseur Manuel Garcia, père de la Malibran.
Ces articles si judicieux, fruit de Texpérience d'une famille
de chanteurs, professeurs hors de pair, furent reproduits dans
les journaux des départements, et à Aix, par le Cygne, feuille
artistique et littéraire des plus estimées. '
Nous ne saurions résister au désir d'en extraire les deux ali-
néas suivants :
« Le chanteur qui ignore les sources des effets et les secrets
de l'art, n'est qu'un chanteur incomplet et livré à la routine. Il
faut que le talent soit développé de bonne heure par une édu-
cation soignée et une étude spéciale. L'étude seule, mais une
étude éclairée et opiniâtre, peut fixer l'intonation, épurer les
timbres, perfectionner l'intensité et l'élasticité du son. »
L'habile élève de Nourrit, de Ponchard, ce vaillant Richelme,
qui avait tant et si bien travaillé, — comprenait toute la valeur
de cet argument, lui qui voulait fonder une école de musique à
Aix. Mais poursuivons :
« De tous les instruments, la voix humaine est le plus fragile
et le plus délicat. Nous signalerons, dit encore le maître
Garcia, comme dangereux l'emploi fréquent des sons aigus
dans les registres de poitrine et de tète, la force inconsidérée
que l'on communiquerait à la voix, etc., etc.... >►
C'est ce qui a été si funeste à notre interprète de Robert le
Diable dans les conditions que l'on sait, et dès les premiers
jours de 1 841, l'ex-ténor ouvrait un cours de chant dans nos
murs, — ainsi que nous le disions dans un précédent chapitre.
Ces leçons de chant furent le prélude ou le prétexted'une cam-
* N** des 34 et 3i jaoTier 1841.
— 742
pagne dans les feuilles locales pour la créaiion d'une École de
Musii^ue.
Voyons encore le Cygne à deux reprises :
« Hélas! un regret se mêle à toutes les joies... notre orches«
tre se meurt; qu'on se hâte d'ouvrir un cours gratuit de musî»
que vocale, ei, plus tard, instrumentale, autrement il n'y aura
plus d'opéra possible à Aîx, qu'en allant chercher des exécu-
tants à Meyrargues ou à Mimei. ^
Les rédacteurs de ce journal étaient hanlés par la même idcc
que Rïchelmc. et l'an d'après, ils y revenaient à propos d*unç
représentation delà Juipe :
4c Les chœurs, l'orchestre étaient maigres; on vous l'a dit
cent lois, La musique instrumentale est aux abois : ouvrez uat
salle gratuite de Musique» ou vous entendrez bieruôt sooocf
les funérailles de Fopéra. y>
D année en année, la question fait du chemin, et le 30 sep-
tembre 1843. dans son testament olographe, rémineni artiste
qui, dans la dernière saison théâtrale, habitué assidu. soulTrait
de cette pénurie, y insérait des dispositions importantes.
Dussions-nous nous répéter, en voici succinctement U te-
neur :
* Il lègue à la ville d*Aix, son pays natal, U somme de du
mille francs, à la condition expresse que son Conseil municipal
instituera une École gratuite de Musique. ^
Kt le patriote inspiré invite, avec une délicatesse exirème. ks
amateurs de musique qui peuvent, ainsi que lui, cl sans porter
préjudice à personne, disposer d*unc certaine somme, à faire
des legs a la Ville, afin de l'aider à ciablir dans son sein tmc
brillante Ecole de Musique. — Ce sont les propres termes de
cet amoureux de TAri,
Mais, il y a un mais ICI ; guère plus d*un an après cette
disposition du noble Aixois, le 1'* février, dans la malins .^
- 743-
jour où il expirait, un codicille détruisait le beau projet de la
création d'une École de Musique; la municipalité d'alors ne
parut pas trop s' intéresser au projet si caressé; elle laissa lescho-
ses où elles étaient, quand elle apprit, dans les premiers jours
de 1846, que le legs Richelme avait reçu une autre destination.
Ce ne fut qu'en 1849 V^^ Marius Lapierre, un admirateur
du ténor célèbre, reprit son idée et fit un cours de solfège gra-
tuit, dans une pièce de sa maison, près Téglise Saint-Esprit,
pour les enfants d'abord, puis pour les adultes; ce cours fut
bientôt doublé, triplé. Nos sages édiles, comprenant que r«art
de combiner les sons » ne devait pas manquer, dans la cité,
au faisceau de l'enseignement, accordèrent au vaillant fonda-
teur un local dans la rue Suffren, — mesure qui fut suivie, en
i856, d'une modeste subvention municipale.
Le Conservatoire d'Aix était fondé sous la généreuse initia-
tive du ténor Richelme; chaque année, la municipalité témoi-
gnait de son intérêt pour la nouvelle institution, et, grâce à la
bienveillante sollicitude de M le sénateur Leydet,un musicien
de talent, cette école si prospère est devenue École nationale de
Musique.
Les mânes du grand chanteur doivent en tressaillir; on y
compte aujourd'hui 3oo élèves et 12 professeurs, sous l'habile
direction de M. Poncet, professeurs, hommes et dames, les jeu-
nes filles étant admises à profiter de l'enseignement musical
gratuit. *
On ne peut qu'applaudir à tout cela, et en honorant la mé-
moire de Marius Lapierrc, rendons hommage à Richelme, qu*
a jeté les bases d'une École de Musique gratuite et publique à
Aix. En en faisant l'historique, Tun des élèves les plus distin-
* On en comptait 60 parmi les i3o cxécatants de la messe de Requiem
à la Métropole pour Tancien maître de chapelle Henri Poncet.
— 744 -
gucs. M. Auguste Giraud, prdsidcnl du Comité des fèics du
Cinquantenaire, n'aurait pas manqué d'associer la mémoire
du fondateur à celle de Unittateur Richclmc.
n ne reste plus qu'un desideratum pour le IusUl- ul-
école : qu'elle reprenne son titre primitif de Conservatoire et
devienne succursale du Conservatoire national de musique <^
de déclamation.
Maintenant» un hommage public est dû à I artiste, au citoyl^
dont nous venons d esquisser la vie si courte et si bico rem-
plie.
De quelle façon devons-nous honorer la mémoire de
Richclme, perpétuer son souvenir, montrer ce noble cœur aux
générations futures? La reconnaissance nous en fait un devoir
à nous Aixois, par les bienfaits de toute nature que nous lui
devons, — et les malheureux secourus par lui en trouvent un
témoignage irréfutable dans le portrait qu'on admire au Bu-
reau de Bienfaisance,
Ce portrait (nous l'avons décrit). Tun des meilleurs de cette
vaste galerie, où tant de philanthropes semblent revivre, est un
premier hommage de reconnaissance rendu à Richclme.
Avec cette œuvre remarquable de peinture, il en reste â Uirc
une de sculpture, le buste du ténor, — marbre qui a dû tigurcr
sur sa tombe* ainsi qu'il est dit au chapitre précédent. Ce
buste, nous le disions aussi» un artiste, son compatriote et ad >
mirateur, veut Texccuter, et Ton se demande s'il doit ètrt mis
en remplacement de la belle urne couronnant son monuiDCfit
au cimetière.
Non, beaucoup diront comme nous.
La place de ce buste est à Icntrée de notre ville, fièredesâ
enfants illustres, tels : le peintre des «t intérieurs m, Granct, sur
la fontaine Bcllegarde, et l'auteur du Désert, Félicien Dav*d.
ce glorieux fils adoptif, en face du kiosque de la musique.
— 74^ —
A rextrémité de la Rotonde, près du bureau d'octroi, au point
où va s'ouvrir le boulevard aboutissant entre la manufacture
d'allumettes et la villa Richelme, boulevard portant sans doute
le même nom, et rapprochantd*Aix en quelque sorte la nouvelle
propriété communale, due à la munificence des Richelme, là
est la place marquée du buste, hommage public à Tartiste et au
citoyen.
Aussi bien que dans l'une de nos rues très fréquentées, aussi
bien qu'à la porte des États, à THôtel-de-Ville, des inscriptions
en provençal,* commémorent des événements artistiques, lit-
téraires, la stance suivante pourra être gravée sur le piédestal :
A RICHELME
1804-1845
Lou bouen Richèume, Jièr « caniairei^^
Ténor coumo se n*ausè gaire.
Qu'en d* opéra fa mous tant bèi rôle a juga ;
Lartisto fasènt meraviho
Au Grand-Teatre de Marsiho,
Tambèn eicito sa patrio,
Repiéu dins aquest maubre^ aro glourifica.
' Les Féiibres de Paris n'ont pas fait différemment à Cavaiilon, pour le
grand musicien Castil-Biaze.
.5?
U I
r : I
747
XXXVIII
LA CONDITION DES HAITRES D'ÉCOLE
DANS LA RÉGION DE TOULON
Sous rAneien Régime
par M. L. BOURRILLY, Président honoraire de l'Académie du Var,
Inspecteur primaire à Toulon.
INTRODUCTION
Les débuts de l'insiruction populaire en France se confon-
dent avec l'histoire de TÉglise. Les premiers enseignements
ont ctc donnés à l'ombre des cathédrales et dans les monas-
tères.
Charlcmagnc coordonna et amplifia les prescriptions des
conciles de Vaison (529) * et de Tolède (53 1 et 633) -, Les chro-
niques nous apprennent qu'il attira auprès de lui Télite des
savants de l'époque et qu'il fonda l'école palatine ; mais l'un
de ses principaux litres à l'admiration de la postérité, c'est le
soin qu'il mita la diffusion de l'instruction parmi le peuple.
En 789, mille ans avant la Révolution, il publiait un capitu-
laire où il recommandait aux prêtres de recruter les clercs
' Q)nc. Vasense m, can. 1, 529.
' Conc. Tolctanam, can. i, 53i ; can. xxiv, 633.
— 74« —
parmi les enfants des serfs (seryiiis cofuiidonis mfanl
parmi ceux des hommes libres (ingenuorumjilios) et l'établis-
sement d'une école dans chaque cvèchc et chaque moriasièrc.
Son principal collaborateur, l'cvèque d*Orlcans,Théodulfc, va
plus loin et, en 797, il provoque un capitulairc, dans lequel les
curés étaient exhortés à tenir une école dans les villes et les vil»
lagts (Presbiteri per pillas ei pî'cos scholas habeant).
Mais cet enthousiasme pour rinstruction ne survécut pas au
grand empereur; une décadence complète des écoles suivit de
près sa mort et aucun de ses successeurs» après 1 emiettemeol
de l'empire, ne se préoccupa au moindre degré d*éclaircr le
peuple. On traverse ainsi trois siècles, où Tignorance était ^cnc»
raie, hormis chez les moines et quelques membres du clergé
séculier.
Un décret du concile de Toulouse, en io56, porte défense
aux laïques, sous peine de l'excommunication, déposséder ou
dc| retirer les fruits d aucun bénéfice ecclésiastique, pas même
de sacristain ou de maître d'école '.
En 1179, un canon du troisième concile œcuménique àt
Latran rappelle robhgation d'installer auprès de chaque caihc-
drale une école gratuite pour les clercs et les écoliers pauvres
et d'établir des écoles monacales et paroissiales. Les licences
d'enseigner ne devront être conférées, et à titre t^raluii, qu a M
maîtres instruits et di^^ncs Je remplir les fonctions d'ens
gnement *.
Le recueil des chartes de l'abbaye de Saint-Victor de iMar*
seille fait connaître quelle possédait au xr siècle une grande
partie de la région de Toulon, Il est probable, quoique nous
manquions de documents précis, que les moines de Six-Fours
' Conc. Tolosanum» can. vu t. io56.
* Conc. Lateranemc, can. iviii, 1179.
I
- 749 -
et d*Hyères, les prêtres séculiers qui desservaient les quelques
paroisses répandues dans le voisinage, s'étaient conformés aux
décrets des conciles. Certains auteurs laffirment, mais sans
apporter aucune preuve authentique. L'un d'eux dit que les
moines de Saint-Victor, dans un temps où le pays venait
d'être ravagé par les Sarrasins et restait en butte aux guerres
seigneuriales, s'enfermaient dans leurs couvents et que « seuls
dépositaires de la science de notre pays, ils se faisaient un
devoir d'éclairer le peuple et de le protéger» *.
En io32, Aicard, vicomte d'Arles, fils de Guillaume II,
vicomte de Marseille, de la famille des seigneurs de Cuers,
installe dans ce pays des moines de Saint-^^assien, dans un
mansus qui consistait en une vaste étendue de terre où se
trouvaient plusieurs grandes maisons d'habitation pour les
religieux occupés aux travaux agricoles et pour ceux qui étaient
chargés de l'instruction de la jeunesse *.
l. — Le recrutement des régents et les baux d'école.
Pour étudier les écoles populaires de cette époque du moyen-
âge où commence la vie municipale, les seuls documents que
nous ayons sont les comptes des clavaires, sortes de receveurs
chargés de la comptabilité communale. Leurs livres, où ils ont
inscrit au jour le jour les recettes et les dépenses, font connaî-
tre, le plus souvent sous forme de simples nomenclatures, les
faits municipaux de cette époque lointaine.
A partir du xV siècle, les contrats des municipalités avec les
maîtres d'école figurent souvent sur les registres des conseils
de ville ou les minutes des notaires.
* Annales de SiX'Fours, par M. le comte d'Audiffret, p. 49.
* Charte cix. — Collection des Cartultires de France. Documents iné-
diis sur l'Histoire de France, tome VIU.
- 75o -
L'2 14 mars 1427, une somme de cinq Horins est voicc à
Guillaume Peyrard, maître d'école gramniaticalc à Toulon,
Le I" juin de la même année, Guillaume Amie, prêtre de
Collobrières. est chargé de régir les écoles de Toulon pendant
six ans. durant lesquels le loyer de son établissement lui sera
payé; il n'est pas question d émoluments. Le régent Amie
étant mort avant Texpiration de son bail, il est décidé, pour
Tutilité publique (rey publiée), h i5 janvier 1433, qu*un local
sera donné à Pierre Gay, régent d'école grammaticale. Ce
maître dut exercer peu de temps, puisque le 25 septembre sui-
vant, le Conseil de ville accorde cinq florins à JauflFrct Dau-
phin, prêtre, pour la régence des écoles de grammaire pendant
l'année courante. La même somme est payée au maître d*ccolc
le 2 août 1442. Quelques années après. TOfiicier de la Cour
épiscopale réclame certains droits au prêtre chargé de rensei-
gnement. Le Conseil prend fait et cause pour le régent et dé-
cide de prier gracieusement Tévêque de se désister de la prohi*
bition faîteaux vicaires de continuer leurs cours. On ne iroui
pas trace de la décision de levèquc (juillet 1451), Dix ans pli
lard, le tils d'Antoine Ruffi, de Six-Fours, est choisi pour I
régence des écoles de Toulon ^
Le T2 septembre 1547, le Conseil de la Communauté de la"
Valette décide de faire venir un maître d'école pour bien ensei-
gner les enfants du pays^.
La régence des écoles était généralement concédée pour un
an commençant à la Sainl-MicheL en vertu de contrats pu-
* Registre du Conseil de Ville de Toulon, Archifes mojiicjpialc» :
BB. 36. f»' Su et 47 ; BB. 3;, (* 48 ; BB. 38, f- 33 , BB. 41. f- 6 ; BB. 4»
f** 9, 10 et 247.
* « Conseil h tengut lo i^ dé settembre 1547. L*aD et lo |0f ek-4mt»
esta congregjii lo vénérable conieUh daquest présent luech de tok ValtOi
- 7^> -
blicsdont nous possédons plusieurs modèles. C'était un mar-
ché à forfait qui s'établissait entre le magister et l'administra-
tion consulaire. On ne craignait pas d'entrer dans les détails
les plus minutieux *.
Le Conseil de ville s'entourait quelquefois de lavis des pères
de famille. Le 25 juin iSqo, le sieur Boissière, du Luc, est
nommé au Puget de Cuers, « après avoir prins le sentiment
des abitants qui ont des enfans à envoyer à ladite éscole et
qui ont été convoqués au Conseil » *.
Le choix du maître n'avait souvent d'autre garantie que sa
bonne réputation et ses services antérieurs. L'autorité ecclé-
siastique, forte des décisions des conciles et des édits royaux.
in Ihostal di Sant Esprit. Sount présents davtnt Moussa la luochtenent
do jagi : Peiré Possel... conseilbers ; qae, totiensen, ant desclarat et bor-
dinat que sera chosi ung magistré per enshenar los enfants dé la Villo,
dounant la comissien à moussons loas consus de rattrobar(le trouver) au
milhor proafit que sera per la Villo ».(Arch. communales de La Valette).
* Acte de régence des écoles par les consuls de la communauté de
Cuers en faveur des sieurs Dollonne et Laugier. — 25 septembre i658.
«... Ledit Dollonne sera tenu, comme promet de tenir sieur Pierre Lau-
gier, son second, d'enseigner la jeunesse de grammaire, lire et escrire
chascun par ordre de ce que pourront être instruit avec les paches
(conventions) suivantes : i* Qu'ils seront tenus de faire leçon matin et
soir à tous les cscolliers capables de la grammaire; dire leçons à tous les
escolliers de la Ville, comme fut toujours pratiqué sans rien prendre de
la dicte leçon ordinaire, faire d'exemples et enseigner à escrire : 2* Plus
que tous les dimanches et jours de festes, lesdits sieurs Dollonne et son
second convoqueront leurs escolliers dans le collège, et de là les condui-
ront à l'église pour ouïr la grande messe et vespres et les contenir dans la
dessance convenable et bonnes instructions à la dévotion. Comme aussi
marcher et conduire iceuz à toutes les processions, le tout avec soin et
fidélité. Ce bail est fait moyennant le prix et somme de lao livres, savoir
90 livres au dit Dolonne et '60 livres au dit Laugier second ». Arch. com-
munales de Cuers.
* Registre des délib. du Conseil mun. de Paget*Ville. — (Arch. dépar-
tementales BB. 16).
7>2 -
donnait son agrément à ces nominations qui ne devenaicttT
Jélinitives qu'après lapprobation de l evêque.
On appelait parfois un notaire pour passer le bail des
écoles '. Il arrivait aussi que la municipalité s'adres&aît
directement à levéque pour la désignation d*un maim
* Bail des escholks pour la communauté de Cuers. 1394. « l/ao raèi
cinq cens nonanie-qujiire et|le sixiesme jour du moys de octobre adfaQt
midy, sçachent tous que constitués en leurs personnes, par devant notii
notarrc royal soubsigné.témomgs soubsnommés.messire Jehan Birralfery.
docteur en médccinep messire Jehan Baffier, conseuL
Lesquels par eux et leurs successeurs et desquels ont dict avoyr ci
de ce taire, ont baillié à mestre Antoine Revest du lieu du Castdl
présent, acceptant, stippullant savoir le régime et gotivernement dei
esclioîes el jeunesse du dici Cuers, pour le tems etspassed'un an complet.
prochain et advenyr, comptable des le jour de saint Michel dernter ei
semblable jour fmissant* au saiayre et réchompense de trente e&cus sol k
soixante soulz pièce, payables par la dicte commune au thréxorter* ptf
icelle au dict mestre Kevest par quartenier de sept esc us et deray sol de
dicte valeur chascun a comencement avec paiche (accord) entre les dicts
sieurs conseuls et mesire Revest qu'il sera teneu de bien endoctrina U
dicte icunessc tant du dict Cuer que forains en toutcc piété et
religion comme aussy en bonnes lettres, la mener en Tesgtrse tous
dimanches et Testes, et les veillierà vespres.
Aussy que les dicts Conseuls luy feront avoir et tenyr les dictes eschol
le tems durant, que les baillicronià aulcun aultre. Lequel bail et toaies
les choses, au présent acte contenues ont promises avoyr aggréables, ftf>
mes et valables sans jamais y contrevenyr. h peine de payer tout despcns
qu'a fautte d^observaiions des choses susdites s'en porroient ensuytfe. El
pour ce faire et observer ils ont soabmis et obligé sçavoyr le dit mestft
Revest tous et chascuns ses biens et droicts présents et advenyr et (et
dicis Conseuls tous et chascuns les droicts présents et advenyrde la dkte
Communauté, aux cours de submissions de la ville d*Hieres et to«eiei
aultres de Prouvence.
Ainsins l'ont promis, juré et requis acte et publyë an dit Coers^ Pré-
sents i Mestre Jacques Caihalan, du dict Cuers, mestre Louis Hottitanft.
du Ueu de La Cadière. tcmoings requis soubsignés qui ont S<Ya escrr''*
El de moy Antoine Barry. notere rouyal du dict Cuers ensufic a. t
soubsigné. » (Extrait des minutes de M* Grisolle, notaire à Coers.»
- 753 -
l'école *. Mais, dans la plupart des cas, Tévèque ne (aisaii que
IliHer le choix du candidat présenté par le Conseil de la
communauté. Alors seulement pouvait avoir lieu rinstallaiion
officielle*. Le curé ou le recteur de la paroisse assistait générale-
ment aux séances du Conseil ei notamment à celles où Ion
s'occupait des régents La signature des curés sur les registres
des délibérations précède même celle des consuls et la pré-
sence du prêtre semble devoir assurer Tacceptation des propo-
sitions faites à 1 cvèque ou à ses vicaires généraux chargés de
représenter leur supérieur
Lorsque plusieurs candidats se présentaient pour la même
école» le plus capable était nommé après une sorte de concours
ou <t dispute » présidé par une Commission composée de nota-
bles. La dispute était parfois fort vive.
En i56i, le sieur Cyprien Coflre» de Toulon, se plaint aux
* A Messieurs les Consuls de Signes.
Monseigneur a reçu U leiire par laquelle tous tui demandez un raaftre
d'écote. It m'ordonne de vous répondre que si votre demande est pour
M. Borel, le père, il est fAché de ne pouvoir vous l'accorder, puisqu'il lui
avait défendu d'enseigner* et que les informations qu'il a prises sur le
fils ne lui sont pas favorables. On lui a dit que c'était un homme livré à
ses plaisirs et aux compagnies, et qu'il était toujours avec de:^ allés. Un
pareil exemple n'est pas favorable aai écoliers. D'ailleurs, on n'a pas en-
voyé d*aUesiauon de ses vie et mœurs donnée par M. le Curé. Cet article
te regarde et c'est sur votre demande et votre attestation que Monsei>
gnenr examine sa capacité. Il sera charmé de vous faire plaisir quand
vous lui présenterez des sujets capables.
A Marseille, le ib octobre 1743. Boyir, prêtre secrétaire. (Archives
communales de Signes.)
* Lettre d'autorisation d'enseigner à Soiliès Pont, du 17 août 1742 :
« L-ouis Albcn» évêquc de Toulon, suffisamment informé de la piété»
bonnes moeurs, etc., permettons au sieur Joseph Arbaud de tenir école au
Pont, lai enjoignant d'enseigner la doctrine chrétienne, le catéchisme da
diocèse, la fréquentation dts sacrements et les otHces de la paroisse
ttd'eti donner exemple .. > (Archives paroissiales de SoUiès-Poot. »
CÛMUiCi — 48
-754 -
consuls de ce que 1 on a arraché les conclusions qu*il avait i£*
chées sur la porte de la caihédrale ei qu'il est prêt à souteotr.
Dans les comptes trésoraires de 1612 * à Solliès. on trouve b
mention du paiement tait à deux avocats chargés par le lieute-
nant d'Hyères de venir présider le concours de régent des cco*
les. Et dans une délibérationdu Conseil de la même commune»
du 18 septembre j66r» on lit qu'attendu qu'on n*a pu «; de-
meuré d'accord du régent des escoles, tl y a lieu de les mettre
à la dispute ^ ' devant la personne qui sera envoyée par le
supérieur des jésuites de Toulon.
Les baux avec les magisiers, nous Tavons vu. n'étaient pas-
sés que « pour le temps et espace d'une année 3», mais, ils étaient
susceptibles de renouvellement avec le même titulaire s*il cofh
venaiiau curé et aux paroissiens. Parfois, le régent devait faife
un stage avant d'être admis détiniiivement \
Le choix n'était pourtant pas toujours entouré des meilleu-
res garanties; car «( la préférence, dit un texte du temps qui
ortre évidemment une certaine exagération, est loujoiiiî
accordée à ceux qui offrent leurs services au moindre prit et
qui lors de la convention payent le plus à boire à la commu*
nauté 1» *.
En 1667, plusieurs pères de famille et quelques conseillers
deCoilobrières protestent contre le choix qu'a fait la commit-
• Archives déf^artemcntiles.
• Ibiâ,
• Conseil du Ctslellct, du 12 jain 1757. « Le siear ieia £1^
tetme s'est présenté pour régenter les écoles pendant troi& r > .
voir sVI sera agréable aux habilans sauf ensuite h Tagrecr ou à le itt*
voyer. Pendant ce temps» le régent ayant donné des marqqes à>t^
homme capable pour Téducation de la jeunesse^ et comme H loMcit
l'approbation de M" l'Evéque de Marseille, il est nommé d^finittvcaicci v
(Arch. comm. du Castetlet.l
• MATHitu. VAncien régime dans ta province de Lorraine et Bifrm*
-755-
nauté du moins capa]3le, disent-ils, des deux candidats à la
régence des écoles et notifient leur protestation aux consuls par
exploit du 6 septembre de Veyrier, sergent royal du lieu de
Pignans. Les consuls répondirent par un refus catégorique à
la sommation qui leur était faite.
H. — Les traitements des régents.
L'extrême modicité des traitements des régents était un
grand obstacle à leur recrutement.
Nous avons relaté que Pierre Gay, de Toulon, recevait, en
14Q7, « les gaiges habituels de cinq florins par an », et avait,
en outre, la jouissance de la salle de classe. Ce traitement fut
porté ensuite à 12 florins; mais, en 1448, la caisse municipale
devait se trouver dans une détresse extrême, car, par délibéra-
tion du 17 janvier, défense est faite aux créanciers de la Ville
de demander l'argent qui leur est dû, les gages du maître
d'école sont ramenés à 10 florins et le loyer est laissé à sa
charge « attendu que la communauté est sans ressources >.
Cependant, on revient à des émoluments plus sortables, puis-
qu'en 1481, ils étaient de 20 florins. En i558, le recteur des
écoles, Jacques Beauseur.a juste le double, et dix ans plus tard
ils étaient portés à 120 florins. En 1621, la dépense des écoles a
considérablement augmenté. Elle était destinée à deux sortes
d'établissements : « iMl sera employé la somme de i5o livres
pour chacun des trois régents du collège à créer; 2» M. Mont-
mcjean, maître d'écriture, sera chargé, moyennant 100 livres
par an, « d'enseigner l'écriture et l'arithmétique aux pauvres
enfants de la Ville que lui envoiront Messieurs les consuls > *.
« BB. 48. f» 448; 54. f« 278; 53. f« 454 et 5ii ; 54, f 28, 408 et 556; 55,
f« 6 ei 71. (Archives communales de Toulon.)
En 1372, un iraitemeni de 7 écus de 4 florins pièce et t'
de la salle d'école sonl donnés au magisterdu Puget de Cuers,
ces émoUiments sont de 8 écus en 161 3.
La communauté de Bormes payait, en 1646, 12 écus à
Jacques Cotte, régent, et 8 â un aide. Celle du Castellci ciait
plus libérale : elle donnait, en 1694. 180 livres au régent Gas-
pard Manfroy et 100 livres à son adjoint, Marc Décu^is.
<c lieutenant de la jeunesse ^.
Nous pourrions multiplier les exemples, car les documcocv
municipaux abondent sur cet objet.
A lallocaiion municipale, à moins de stipulation contraire.
s*ajoutait une modique rétribution scolaire.
En 1787, le magister de Belgentier avait 100 livres de gages*
augmentés d*une rétribution de 8, i5 et 20 sols par mois selon
que les élèves apprenaient l'alphabet, l'écriture ou 1 arithmé-
tique. On n'ensei^'nait qu'une matière après l'autre.
Le conseil municipal de CoUobrièrcSt en 1714» 'désigae
comme récent « le sieur Honoré Ginouvès aux gages ordiiiai*
res de 60 livres que la commune accorde annuellement la
maître d'écolle, et par dessus cela se fera payer aux enfans qai
liront l'alphabet 4 sols par mois; à ceux qui liront te livrcde
Notre-Dame G sots; à ceux qui liront les livres et le françois
et qui commenceront à lire la BC H sols, et ceux qui liront cl
chirtreroût 10 sols, et enseignera les pauvres chariublemeot et
gratis... 1^ *
Mais non seulement les gages des maîtres d*école étaient en
général infimes ; ils étaient parfois très irrégulièrement payés.
1^ première prébende du chapitre de Toulon JevaîL «ui
' l>éhbérdttoii du Conseil de la commaaaaië deCollobriàfet, 4ii at iwi'
let 1714. {Archives manicipales.)
-757-
termes d*une ordonnance royale» être affectée à la formation du
traitement du régent. Or, le Chapitre paya une année seule-
ment et laissa ensuite toute la charge à la commune qui
réclama, en i6i3, devant le Parlement d'Aîx et obtint gain de
cause. Nous possédons la requête des consuls de Toulon et
l'ordonnance favorable du Parlement.
En 1606. le sieur Sigalon, régent de Collobrières, devait rece-
voir 12 écus de gages et un mandat de la moitié de cette
somme lui avait été délivré par les consuls; mais le trésorier
municipal, au lieu de s'exécuter, invita le régent à se faire
payer par quelques débiteurs de la commune qui avaient né-
gligé d'acquitter leurs impôts Tannée précédente. Sur la
plainte formelle de Sigalon* le bailli de Collobrières donna
raison à ce dernier, et, par exploit d'huissier, saisie d'un dne
lut opérée chez Martin Vallense, trésorier, comme gage de
larriéré dû au maître d*école *.
Si Texamen des documents municipaux permet de relever
de nombreuses négligences dans le payement des gages sco-
laires, nous ne saurions passer sous silence un acte de généro*
site qui est mentionne dans les archives de Puget-Ville et qui
* « L*an mil six cens sept et ït vingtième jour da mois de janvier en
vertu dti décret sy dessus par copie uxé par Monsieur le bailli de ce lieu
de CouUoubrières et à la reqneste de M* Antoine SigaEon, régent des
escolles dad. lieu, avoir faîci commandement en tel cas requis à Martin
Vallense, trésorier moderne, de payer dans trois jours la somme de six
cscas mentionés à la susd. requeste et depans aud. impétrant, lequel
parlant à son domicylle, et à la personne de sa femme qui a dict qui
navoient point d'argent pour payer led. mandat* Certi&e ]e sergant
rouyal aud. CouUoubrières sobssigné et prenant son dire pour refus...
Corne pour lors avoir pris un asne de po*l gns pour n'avoir trouvé au-
tre gage plus exploitable, et iceluy desplacé et mis en séquestre entre
les mains et pourvoyr de Louis Audibcrt, hoste dud, heu..« » Signé:
BbIjiond, (Arch comm, de Collobrières, 1
- 758-
fait honneur autant aux autorités locales qu a celui qui en ra!
le bénéliciaire*
En 1771» le Conseil de la comniunaLiié vota un secours an*
nuel de 90 livres à lancien régent Rostani qui, devenu îii'
firme, était dénué de ressources *.
IIL ' Interruptioa dans le service scolaire.
L'extrême modicité des gages et de la rétribution, les baux
annuels et l'instabilité qui en résultait pour les maîtres étaient
cause de la [dilTïcuké et des mauvaises conditions du recrute-
ment; ils étaient également la cause dUnterruptions fréquentes
dans le service scolaire et de la faiblesse de renseignement
En 1693, le Conseil de la communauté d'Evenos m^ donne
pouvoir aux consuls nouveaux d establîr une personne capa-
ble pour faire la régence des escolles de ce Heu, et ce, pendant
une année aux appointements n'excédant pas loo livres ». Ce
vœu ne lut pas suivi d exécution faute de régent. Il en arriva
de même Tannée suivante et jusqu'en 1706. De nouvelles et
* Délibération du 21 juillei 1771 . «»*. Le sieur Maire a dit que le sirur
Rosunl. ancien rcgenl des écolles, ayaol presque perdu la tue* ne po«-
vaut plus etcrcer la régence» a représenté qu'ayant pas de moyen
survenir à ta vie» il demande que la comunauic luy donne quelque ciio
pour se subsister* n*ayant pu s'épargner aucune chose dans le temt de u
régence quoiqu'il ayc agy avec toute rexactitude possible, requemr't i'*
délibérer,
« Sur la due proposition, te conseil, considérant la néceasité où setrosn
le sieur Ro&iant et de la manière qui a agy pour Téducation des enCiKiisêi
lieu, a délibéré de lui accorder, ta pie liurant, la somme de quairc-nnil'
dîi Uvres cliaque année payable en deui payements par avance, soa^ite
bon plaisir* néanmoins de Monsieur l'Intendant, le Conseil itoonaot poo*
voir aua sieur» Maire et Consuls d'envrjycr au dit Seigneur IniMdast
Teitrait de la présente délibération et le supplie de voalodr bien DM*
toriser. » (Arcb.comm. de Puget-Ville.)
- 759 —
longues interruptions eurent lieu de 171 1 à 1718-etde 1748 a
l'jd'j. De sorte que, de i683 à 1789, Técole-d'Évenos fonctionna
pendant 44 ans et fut fermée pendant 62 ; car, nous ne trou-
vons nulle part la mention qu'une école purement libre et
[)ayante ait existé pendant que la communauté retirait sa sub-
vention ou manquait de régents municipaux. Le 12 février 1769,
le Conseil général du Castellet représente aux Consuls que
« depuis quelque temps il n'y a point de régent d'escole, ce
qui donne lieu à la jeunesse de se pervertir,, n'ayant personne
pour les conduire et les éduquer*.
Le Conseil de Puget-Ville, à la veille de la Révolution, se la-
mente sur l'école de la commune, et il est bien obligé de recon-
naître que pour pouvoir assurer le service scolaire et faire un
bon choix, il ne faut pas hésiter à faire quelques sacrifices '.
IV. — Cumul de fonctions diverses avec la profession de
régent.
La situation extrêmement précaire des maîtres d'école les
obligeait à cumuler des emplois très divers en dehors des
fonctions d'église, d'école et de mairie. Le régent était conduc-
teur de l'horloge paroissiale à Puget-Ville et à Pierrefeu ; caba-
retier, étapier, trésorier de la commune au Beausset, où Termite
de Saint-Laurent fut chargé de régir les écoles en 1737.
Dans diverses délibérations du Conseil de Saint-Nazaire-du-
' Délibération du Conseil de Puget-Ville, du 27 février 1780:
« ... Le sieur Maire a dit qu'un des principaux objets de leur administra-
tion était de veiller à ce qui soit donné une bonne éducation auxenfans :
il voit, d'après plusieurs observations qui lui ont été faites, que le vœu pu-
blic, ni les intentions du gouvernement ne sont remplis au Puget. En
effect, chacun s'aperçoit que l'on voyait autres fois d'enfans bien jeunes
qui avoicnt profite des leçons qu'on leur avoit donné à propos et sa-
Var, relatives à la siluaiion financière» on remarque un article"
ainsi con<;u en bloc : u Honoraires des magistrats» récents des
écoles, vallci de ville» commis du piquet, entretien de Thor-
loge,')» La somme variait au-dessus ou au-dessous de 600 li-
vres. Il est probable que le régent remplissait plusieurs des
fonctions ci-dessus cnumérées.
D autres fois, les régents joignaient à leurs occupations très
diverses certains travaux manuels. Ils étaient vanniers, cor-
donniers» tailleurs» cultivateurs, etc.
Mais si la profession de régent fournissait rarement de quoi"
se suffire à celui qui l'exerçait, il est permis de croire que beau-
coup d'autres professions dites libérales n'étaient guère plus_
lucratives dans les petites localités.
Les comptes irésoraires de la commune de Solliès portent en"
1618 le payement de 100 livres de gages a un docteur en méde-
cine en qualité de régent des écoles ; ses fionoraires comme
docteur étaient de 45 livres seulement. L'année suivante, le
docieur-régent ne devait pas être en fonds puisquUl reçut un
à compte de cinq libres sur un quartier de ses gages.
voient (ear compte à l'Âge de ri ans, mieux qtion ne voit auiourd*huy h
ceoît de l^. Les principes de lecture et d'écriture ne sont pas moins ne-
gliglés, de sorte que sous pctj d'années on troupera à peine en ce lien six
penonncs qui sachent seulement signer, parmi cette pépinière d'en*
fanx qui doit un /our former ce conseit et régir cette Communauté*
Le sieur Maire sMtant occupé et ayant pris I*a?is de M. le Curé de ce
lieu, de plusieurs autres personnes de connaissance, pour découvrir d'où
vient celle diic«idcnce, croit qu'elle ne vient que de la modicité des gages
da régent qui ne sont pas sutlisans pour entretenir un maiire et un bon
maître.
En conséquence, il propose ao Conseil d*aQgmenter les gages du Régent
et de les porter .V3oo livres sans qu'il puisse exiger aucun salaire deséco-
liers, après en avoir obtenu l'autorisation de Monseigneur rintendtni ».
— Adopte.
(Arch. comm. de Puget* Ville. |
- 7^ï —
En i656, maître Louis Allamandi, docteur en médecine,
« régentait les écoles de SoUiès de concert avec messire Jean
Giraudi, prêtre >►.
En 1707, le Conseil de Collobrières n'admet pas que le maî-
tre d'ccolc soit en môme temps greffier du seigneur du pays»
par la raison qu'il ne peut remplir convenablement les deux
fonctions à la fois; et, après l'avoir mis en demeure de choisir,
il le remplace par un autre régent.
A Evenos» deux chirurgiens du lieu, Michel François et De-
lau Esprit, tiennent I école delà commune pendant vingt ans
(1730-1750), moyennant i5o livres par an V.
Les comptes irésoraires du Puget. en 1657. mentionnent le
payement de i5 livres fait à « Pierre Mouttet. sirurgien, pour
avoir servi de régent aux escolles du Plan ».
En 1767, le sieur Jean Gueit, régent d'Ollioules, est en même
temps conducteur de Thorloge. contrôleur et peseur de la
viande à l'abattoir.
V. — Gratuité de renseignement pour Les enfants pauvres.
Le principe de la gratuite pour les entants pauvres avait
été admis de bonne heure par beaucoup de communautés.
Dès le xvï" siècle, la gratuité paraît avoir été nettement éta-
blie a Toulon, par exemple, comme le prouvent divers actes
passés pourla régence des écoles. Ainsi un baildu i^'^^aoûl i658,
passé par les Consuls en présence du Chapitre qui fournit les
gages du régent Fulconis, tîxés à 120 florins, obligea ce der-
nière instruire les enfants de la ville ^ tant de bonnes lettres^
chascung pour son degré, que bonnes mœurs et au service de
Dieu gratuitement >».
Une délibération du Conseil ordinaire de la communauté
* DélibcrAtions du 119 mjii 1750. du 21 novembre 1744 et du rH juin)747.
(Arch. Comm. d*Évcno5.)
— j62 —
du Beausset, du 21 juin ir>26, porte que maître Claude Fulco-
tiîs s'engage à servir la communauté pour k prix de 45 livres.
Ledit Fulconis est accepté aux gages ci-dessus, moyennant
quoi il sera tenu de « bien enseigner les enfans que les pariî-
culiers luy envoyeroni sans qu*Hs soyeni tenus de rien payer,
ei ledit Fulconis sera tenu de trouver ses conditions pour son
entretien* »
Ce maître exerce ainsi pendant quatorze ans. Il devait être
nourri et logé par les familles; car on trouve dans une délibé-
ration de 1646 que maître Jacques Anihoine* régent de la
grande école du Saint-Esprit, recevra la somme de 36 livres
« oultre et pardessus les sallajres qu'on avait accoustumé de
luy donner pour franchir les particuliers de la nourriture et
maison quil luy donnoient i#.
Cet état de choses dura quarante années, et en 1686, les ga-
ges furent augmentés de i5 livres.
On a vu qu'en 1647, les deux régents de Bornes recevaient
un salaire de 48 et 24 livres ; mais c'est à la condition que ces
maîtres ^c seront tenus de prendre et enseigner les pauvres en*
fans orphelins quy vouldroni aller à lescollc sans luy faire n'en
payer ^.
Au Castelleu la gratuité absolue avait été établie par une dé-
libération du 25 octobre J739, portant que ^ le sieur Ginoux,
du diocèse d'Embrun, s'est olFerl de régenter les cscolles
moyennant 180 livres par an sans qu'il puisse rien exiger des
parensdes enfans qui iront à sonescolle m. Ce principe est rap-
pelé dans un règlement scolaire municipal du 17 juin 1742;
mais il ne put être maintenu à cause de la réduction que l'In-
tendant de la Provence lit subir aux gages fixés* En effet, le
I*' mars 1745, le sieur Joseph Barthélémy offrit de diriger Técole
aux gages de go livres (au lieu de 183) par an. « moyennant
quoy il seroit libre aux habitans de luy donner ce qu'ils trou-
veront bon >►. Il fut agréé à cette condition.
— 7^3 —
Le Conseil du Puget décide, le 27 février 1780, qu'il sera payé
à Tavenir 3oo livres de gages au régent sans qu'il puisse exiger
aucun salaire des écoliers.
La gratuité absolue, en dehors des écoles de charité, des
écoles pies, des écoles des filles pauvres de Toulon, — au sujet
desquelles nous sommes particulièrement documentés — la
gratuité absolue, disons-nous, n'est ainsi nettement formulée
que dans quelques localités ; mais il est permis de supposer
qu'elle existait aussi là où L'on ne trouve aucune trace de tarif
pour la rétribution et que l'allocation municipale avait partout
pour but et pour effet l'admission gratuite des indigents.
VI. — Le mouvement en fayeur de rinstruction.
Dans la seconde moitié du xviir siècle, le mouvement des
esprits s'accuse de plus en plus en faveur de l'instruction,
même dans les campagnes.
Ici c'est la requête des Consgls de Bormes demandant, en
1763, l'autorisation pour la Communauté de donner 3o livres
de gages à la maîtresse d'école, qui ne fera payer aucune rétri-
bution, et le refus de l'intendant. Nous publions la requête et
la réponse *.
Là, c'est le Conseil de Puget-Ville qui, en 1780, fait une
motion chaleureuse en faveur de l'instruction et se lamente
* A Monsieur le Président et Intendant :
« Supplient humblement les siears Consuls et la Commana«té de Bor-
mes ; remontrent que de toutes les dépenses que sont obligées de faire
les Communautés, il n'en est point de plus indispensables et de plus
utiles que celles qui sont employées à l'éducation delajeunese. C'est cette
première éducation qui développe les bons sentiments et qui est seule
capable de former de bons citoyens. Fautte d'one bonne maîtresse
d'école dans le lieu de Bormes, les pères et mères qui, d'ailleurs trop occu-
pés de leurs affaires particulières pour porter des soins assidus à Tins-
— 7^4 —
sur le irisic fiai des écoles de la localité ; ce^i ia muntciiuliic
du Revesi qui, en 1706, est désolée de n'avoir plus d'instilu-
leur depuis un an et qui fak l'impossible afin de se pourvoir
d'un bon maître * parce que le dellaui d'instruction de la jeu-
nesse est très préjudiciable au public»; c'est la communauté
d'Ollioules qui, en 1724, vote un traitement convenable au
régent et qui est disposée à ne pas ménager les sacrifices. «^ la
jeunesse de ce lieu, dit-elle» ayant un extrême besoin d'apren-
dre la vertu et les belles lettres qui leur procureront plus d'avan-
cement 3». Ailleurs, c'est Carnooles qui, en 1782, demande Tau-
tortsation de maintenir les émoluments du régent à r5o livres.
afin d avoir un maître capable et de bonnes écoles, ei n'obte-
nant pas satisfaction, proteste directement auprès du ministre
ifuction de leurs filks, sont obligés de les laisser languir dans l'ignoraoc^.
ce qui est un inconvcnient des plus dangereux et aaqaei on ne sçauraU
trop remédier. Aussi les suplians animés du zèle que tout bon adminis-
trateur doit avoir pour la pairie ont-ils assemblé un Conseil général de
la Communauté le sixième juin dernier qui a approuvé pour maîtresse
d*écolc! la demoiselle Hémérigdont les bonnes mœurs ci rcxpérience sont
connues et vu l'utilité d'en avoir une pour l*instruction et éduc^ition dCi
jeunes liUcs» a délibcré de lui donner trenlt livres di gag^s (outtgi tet
années, sans pouvoir exiger autre chose ... Une dépense de trente litres
iouues les années pour un objet aussi important n'est point assurément
d'une bien f^randc considération. Aussi les suptiansespèrcni-ils que Votre
Grandeur voudra bien en accorder la permission et ils ont« à cet effet,
recours à votre justice. *
« Signé ; Vrvfttet ».
Réponse négative de Tlntendant :
« La Communauté étant hors d*état d*augmenter ses charges» il a'jr a
pas lieu d autoriser la délibération dont il s'agit. Pesons deffences aui.
Consuls et administrateurs de faire payer aucuns gages h la matirc^^se
d*école des deniers de la Communauté» à peine d'en répondre en teur$
proprei et privés noms.
Fait h M%, le 8 octobre 1 76!. « Signé : Di Latooi w.
< Archives communales de bormes.^
des Finances, auquel Tlntendant, consulté, écrit Tétonnante
lettre qui suit :
4( Je dois,. Monsieur le Ministre, vous observer que cette
depanse étant à la charge de la communauté, le peuple y con-
tribue sans en proffiter, ce qui ne paraît pas juste. Ces établis-
sements ne peuvent être utiles qu'aux personnes aisées ; elles
doivent, par conséquent, pourvoir en particulier au traitement
du maître d*école. Non seulement le bas peuple n'en a pas
besoin, mais j'ai toujours trouvé qu'il convenait qu'il n'y en
eût point dans les villages. Un paysan qui sait lire et écrire
quitte l'agriculture pour apprendre un métier, ce qui est un
très grand mal. C'est un principe que je me suis fait, et je suis
parvenu à empêcher bien des établissements de cette nature
dans des lieux où ils tirent à conséquence. ,
« J'ai lieu de croire que vous adopterez cette façon de pen-
ser et que vous rejetterez la demande des consuls de Carnou-
les » *.
Le ministre approuva l'Intendant par décision du 14 novem-
bre 1782.
Telle était la situation de l'instruction populaire à la veille
de la Révolution, c'est-à-dire au moment où les États Géné-
raux allaient se réunir et formuler d'une manière énergique,
dans leurs cahiers, les aspirations de la Nation aussi bien sur
l'instruction publique que sur les autres branches de la vie
sociale.
L. BOURRILLY.
' Lettre de Tintendant de Proyence. da 26 juillet 1782, aa ministre Joly
de Pleury, contrôleur des Finances, en réponse à la communication d*an
mémoire de protestation adressé à ce dernier par la communauté de Car-
noules. (Arch. départementales.)
— 767 —
XXXIX
Les débuts de la science du droit en Provence ;
lOHANNES BLANCUS MASSILIENSIS
par M. Robert G AILIaEMfiR,
Professeur agrégé d'histoire du droit à CUniversité de Grenoble^
Membre de la Société d'Études provençales .
L'histoire du droit médiéval est partagée en deux par un fait
qui a exercé son influence sur toutes les branches de la vie ju-
ridique : la renaissance de l'étude et de l'enseignement du
droit romain. Jusqu'alors, l'Europe occidentale, le monde ro-
mano-germanique a vécu sans être conscient de son droit.
Dans les coutumes, encore si mal étudiées, du ix% du x', du xr
siècle, telles que nous les révèlent les documents de nos cartu-
laires, on trouve un droit très grossier et très barbare, digne
produit de cette f>ériode d'« anarchie spontanée ». Et cela est
vrai, non seulement pour les pays septentrionaux, pour l'An-
gleterre, l'Allemagne ou la France coutumière, mais même
pour les futurs « pays de droit écrit )►, pour l'Italie et pour la
France méridionale. Le droit des chartes provençales, aux xi«
et xii« siècles, est très loin du droit romain. C'est un droit cou-
tumier pauvre et archaïque, sans doute infiniment plus voisin
du droit apporté par les Germains que du droit des Romains
du Bas-Empire. Formalisme rigoureux des contrats et de la
procédure ; force des liens familiaux, se traduisant notam-
— 768 —
ment parTabscnce de dévolution lesta mcnla ire et par la néces-
sité du consentement des héritiers aux aliénations immobiliè-
res : teissont les traits de ce droit provençal du haut moyen-
âge.
Au cours du xit** siècle, au contraire, se produit une renais-
sance du droit savant ; on voit paraître des traités de droite où
le droit romain occupe une place plus ou moins large. Peu à
peu, sous l'action des théories juridiques des glossaieurs, les
coutumes se transforment et se perfectionnent. Cette romani-
sâtion se manifeste dans toute l'Europe occidentale, plus ra-
pide et plus profonde en Italie et dans la France méridionale,
plus lente et plus faible dans la France du Nord, en Allemagne
ou en Angleterre, tlle affecte, dans une mesure variable, tou-
tes les branches du droit ; elle fait revivre l'idée de TÉiat, de U
puissance publique exercée dans Tintérét de tous et pour le
<( commun profit ^ ; elle transforme la procédure, et substitue,
à la simplicité et au formalisme de la vieille procédure orale,
la complication savante de la procédure romano-canonique,
écrite et secrète. Elle fait reparaître les théories des furîscon-
suites romains sur tes contrats. Elle modifie même, au moins
à la surface, le droit de la famille et le droit successoral, fai*
sant renaître le testament, et disparaître la nécessité de la tau-
datio des parents. Il n est pas jusqu'au droit des (îefs et dc$
autres tenures qui ne fasse Kobjet d*une tentative d'adaptation
de textes du droit romain. Partout, il est vrai* cette romanisa-
lion rencontre des résistances plusou moins durables. En Pro-
vence, jusqu'à la Révolution, il est resté des traces des vieilles
idées médiévales, et notamment on relève encore, dans le
droit provençal des xvit» et xviii* siècles, des vestiges de Tan*
cîenne force des liens familiaux, comme le retrait lignagcr ou
Texclusion des tilles dotées de la succession paternelle. Mais ce
ne sont plus que des traits isolés.
— 769 -
L'Italie fut le berceau de celle rénovation de la science juri-
dique. Mais le mouvement ne tarda pas à gagner la France
méridionale. Dans la seconde moitié du xir siècle, on trouve à
Montpellier une école florissante de droit romain, où brille le
nom de Placentin. La Provence ne pouvait demeurer en
dehors de cette renaissance. Dès le milieu du xii« siècle, le droit
romain a fait, en Provence, l'objet d'études approfondies, et
nous avons un précieux produit de cette activité romanisante
dans un très intéressant ouvrage provençal, ' une Somme du
Code de Justinien, qui a été mis au jour dans ces dernières
années, qui est maintenant connu sous le nom de Lo Codi,
dont M. H. Suchier prépare une édition, et dont M. H. Fit-
linga déjà public une traduction latine, faite en Italie, dans
la seconde moitié du xii« siècle, par un certain Ricardus
Pisanus.
Le Codi, écrit en langue provençale, a, selon toute vraisem-
blance, son origine dans la basse vallée du Rhône ; il parle
plusieurs fois d'une île qui s'est formée dans le Rhône, de pê-
che dans le Rhône ; il cite, à litre d'exemples, des voyages à
Saint-Gilles, à Toulouse, à Montpellier. Dans le Codi, le pou-
voir suprême est aux mains de l'Empereur, et l'autorité régio-
nale est le comte, le cuens : tout cela s'applique au comté de
Provence, et ne peut concerner ni le Languedoc, terre de
France, ni le marquisat de Provence. Et, sans doute, c'est
dans le grand centre du comté de Provence, sur les bords du
Rhône, dans la ville d'Arles, que l'ouvrage a été composé.
M. Fitting a pu, de même, fixer la date de sa rédaaion : le
Codi a été fait pendant un des sièges de la petite ville de Fraga,
près de Lérida, sans doute pendant le siège dirigé en 1149 par
le comte de Provence, Raymond-Bérenger, et qui aboutit à la
prise de celte ville.
L'ouvrage est anonyme, semblable en cela à beaucoup d'au-
OMCfiU» " 48
— 17^ -
très œuvres [uridiques de la même époque. M. Fitling conjec-
ture qu il a été compose par un groupe de jurisconsultes arlé-
siens. Les traductions latines lui donnent, en effet, le litre sui-
vant : 5wwma ex omnibus libris legum a ptris prudent ibus
olim vulgariter promulgala. Et, poussant plus loin l'hypo-
thèse» M. Fitling imagine que le Codi a été fait sous les auspi*
cesdes princes de la Maison des Baux, désireux de se concilier,
dans leur lutte avec les Raymond-Bérenger, les sympathies im*
périales, à Taide d*un ouvrage juridique où les droits de l'Efn-
pcrcur étaient aussi hautement proclamés.
Les simiUiudes entre le Codi et un autre ouvrage du xii* siè-
cle ont cependant fait penser à mettre, à la tète de la vieille
école juridique provençale, le nom d'un jurisconsuUe qui fut
très célèbre, mais sur la vie duquel nous savons peu de cho-
ses : Rogerius* Antérieurement au Codi, il avait été fait déjà
des Sommes du Code de Jusiinien. L'une, la Summa Trecen-
sis, a été attribuée au fondateur de lécole bolonaise,à Irnerius.
Une autre Somme, révision de la Somme de Troycs, est duc i
Rogerius. Or le Codi oiTre. avec la Somme de Rogcrius, d«
ressemblances très frappantes. De plus, nous savons^ par un
texte d'Azon, que Rogenus a été le défenseur de la Maison des
Baux, dans le fameux procès soutenu par elle, en 1 163» à la
diète de Turin, devant TEmpereur Frédéric Barberousse,
tre lesRaymond-Bérenger. dont Buîgarus était Tavocat '. Aus
M, Fitting, puis M* Meynial en sont arrivés à penser que Ro-
gerius avait vécu principalement» non pas en Italie» mais en
Provence* Ils ont imaginé Texistence, à Arles, au xji* siècle
d'une école de transition entre les écoles italiennes et les écoI<
^ Ce passAgc d'une Uctura d'Aion 111 Codkem, V, t6, to, est rtfiroda
dins Savigny* Geichichte des rôm, Rechts im Miittlaltêr^ 1' éd,. Il
p. 194 et suiv.
- 77» -
de Montpellier et de Toulouse. Rogeri us aurait été le chef de
cette école, dont le Codiserait sorti. En réalité, ce ne sontlârque
des conjectures, et nous devons avouer notre ignorance sur ce
que fut cette première éclosion, en Provence, de la science du
droit romain *.
Au xui^ siècle, au contraire, nous connaissons Texistence, en
Provence, de nombreux juristes, les uns simples praticiens,
jurisperitij causidiciM^ autres professeurs de droit, projesso-
res legum. Il est un jurisconsulte, Bernardus Dorna, que Ton
place souvent en tête de la liste des jurisconsultes provençaux.
Bernard a composé, vers 121 5. une Summa libellorum^ un re-
cueil de formules d'actions, que M. Wahrmund vient d'édi-
ter. En réalité, Bernard ne doit, à aucun titre, figurer parmi
les jurisconsultes provençaux. Son ouvrage a été fait à Bolo-
gne, où Bernard éuit professeur. Lui-même n'est un proviu"
cialis qu'au sens large du mot. Il appartient, non pas à la
Provence, mais au Languedoc ; il a été, au milieu du xiii* siè-
cle, archidiacre de l'évêché de Béziers *.
Mais la Provence a possédé, au xui* siècle, un jurisconsulte
bien supérieur à Bernard Dorna, lohannes Blancus. C'est de
lui que nous voulons désormais nous occuper *.
■ V.. sur toas ces points, U préface de .M. H. Fitting à son édition de
Lo Codi, fUIle. 1906 : .MeyniaJ. SouwtUe Repue historique de droit, XXX
ciÇfoOt. p. "i^: R. Caillemer, Annales du .Vtii, XVIII 41906», p. 494.
' L Wahrmand, Quelien ^r Geschichte des rœmisck'kanonischen
Processes im Sfittelalter, I. Innsbrack. igoS: R. Caillemer. /. ci7., p. Sog.
' V., sar blancQS. la notice de M. V. Le Clerc, d^ns l'Histoire littéraire
de !a France, u X XI. p. 418 et suit., et l'étadede E. A. Laspeyres, Ueber
die Entstehung und atteste Bearbeitung der Libri feudorum, Berlin, i83o,
■;'. p. /S et saiv. •i.4dde : Karl Lehmann. 7)ai langobardiseke Lehnreekt,
Gôttingen, ivyj. passim: Tardif, Histoire des sources du droit français,
orttrine$ romaines, Paris, iïç»o, p. 374.
772 —
l
Nous ignorons les dates de la naissance et de la mon de
Jean. Le nom de Blancus, de Blanchi, de Btanqui, esi por
par de nombreux personnages provençaux. On le trouve déjà^
au xr siècle, dans des actes du cartulaîre de Sainl^Viaor de
Marseille *. On peut donc conjecturer que Jean appartenait à
une vieille famille provençale. Lui-même est Marseillais ; il
s'intitule civis Massi/ie^ Masisiliensis, et nous verrons qu'il
joua un rôle actif dans la vie politique marseillaise *.
Comme beaucoup d'autres jurisconsultes du iuii« siècle»
lohannes Bïancus est allé apprendre le droit en Italie. Cest lui-
même qui nous le raconte, et il nous cite ses maîtres. « domini
mei ».A Modène^ il a suivi les cours de Ubenus de Bonocursu
qui apparaît, comme professeur dans cette ville, dans destex-
» Cartulaire de Saint-Victor de Marseille, éâ, Guérard* I, tC 418 Un
io3S en¥.)« acte fait aui environs de Cavaillon : « Poncius Blâncus fîr-
mat ». N" 444 Ixi* s.| r Poncius filancus donne Téglise de Mejanac (Mail-
lane| à Tâbbaye de Saint*Victor N* 246 (io5o env») : parmi divers bieni
donnés à TabbAyc figure une terre * que fuit de pairimonio Pontiaiq^
BlancuiD v^. entre la Durance et le casiram Gontardutn (Gontard, arrofl
4issement d'Aji)* On trouve, vers 1076 tn« 5a8), un Deusde Blanco. du
côté de Saini-Antonin« H y a encore dans le même cartubire, t. Il, n* 1017
(la^iS), un certain Katmundus Blanc, maïs c*est un moine de Saînt-Savin
en Bigorre. — On rencontre aussi, h la fin du xui' siècle et au début da
iiv% d'autres personnages portant le nom de Blancus. et entre autres un
chanoine de Marseille qui porte te nom de lohannes Blancus. et qui <
peut-être le ftls do jurisconsulte, bien qu'il n*y ait aucune preuve h Tif
pui de cette opimoo. ///t«r. lia, de (a Franct, tac, cîLf
* Les éditions imprimées de Tœuvre de notre auteur écrivent t fUsm*^
chus. Mais son nom ftgurc dans les actes des 1 archives des Bouches^lu*
BbÔne et dans le ms, B. N., Lat. 4675, sous la forme de : Blancus.
— 773 —
les de i23i et de i236 *. Jean nous rapporte même certain en-
trelien, au cours duquel, interrogé par Uberius sur un point de
droit féodal, il fit une réponse qui lui valut, de la part de son
maître, une pleine approbation *. Blancus a été aussi l'élève de
Uberius de Bobio, également professeur à Modène vers 1284 *,
et de Homobonusde Crémone *. On trouve encore, parmi ses
maîtres, un certain magister G. Ricardus, qui modifia, nous
dit Blancus, la formule de serment que les évoques prêtaient au
pape, et y ajouta une promesse de ne pas sous-inféoder les
droits épiscopaux ^. Blancus a profité largement de son séjour
en Italie. Il a assisté à des disputationes entre feudistes. Il nous
rapporte des discussions qui ont eu lieu entre les docteurs de
Padoue, ou encoreentre ceux de Plaisance, de Milan et de Gré-
* Savigny, Gesch, des rôm. Rechts im Mittelalter, 2* éd., V, p. 148. Sa-
vigny dit même {p. 149, note^) que Uberius de Bonocursu a été profes-
seur à Padoue, d'après Laspeyres, Kntstehung, p. 80 ; et Laspeyres invo-
que, sur ce point, un passage de la Summa feudorum de Blancus, IV. i,
39. Nous croyons que le texte invoqué n'est pas aussi décisif. Blancus,
dans le passage en question, rapporte des disputationes qui ont eu lieu
entre les docteurs de Padoue» et ajoute que l'une des opinions en pré
sence fut aussi celle de son maître Ubertus de Bonocursu» dont il a été
l'élève à Modène : « cum quibus fuit dominus Ubertos de Bonocursu, ut
ab ipso andivi Mutine in scholis ejus ». Mais il ne nous dit pas formelle-
ment que Ubertus ait été professeur à Padoue et ait pris part personnel-
lement à ces disputationes.
* Summa feudorum, III, i, 43.
' Sa VIGNY, 0/7. cit., V, p. 144. Bethmann-Hollweg, Der Ciptiproxess des
gemcnien Rechts, VI, p. i5o et s. Cf. Summa feudorum, l, 3, 5o.
* Summa feudorum, I, 3, 53 et 64.
' Ib., I, 7, 9. Cf. Laspeyres, Op. cit., p. 80. Ce peut être Richard de
Wichou de Chichester, né en 1 197 (1 198), qui, après avoir étudié à Ox-
ford, à Paris et à Bologne, devint professeur dans cette dernière Univer-
sité, fut nommé en 1237 chancelier à Oxford, puis en i244évéqne deChi-
chester, ei mourut en i253. Cf. Ul. Chevalisb, ▼' Richard de Wich.
— 774 —
mone, sur des questions de droit féodal *. il connaît les statuts
locaux des villes de Tltalie du Nord, et cite maintes fois, en
particulier, les dispositions du statut de Vérone *.
Puis Jean est revenu à Marseille. Il y a exercé, pendant de
longues années, le métier d'avocat ; et nous dirons plus loin
rinfluence que cette profession a eue sur son œuvre, en lui
fournissant l'occasion multipliée d'observer le fonctionne-
ment pratique et concret des règles théoriques, en lui permet-
tant d argumenter, non seulement sur des questions d'école,
mais sur des cas et des procès qui s'étaient déroulés sous
ses yeux. Nous devons noter dès maintenant le rôle impor-
tant que Blancus a joué dans l'histoire de sa ville natale.
Une tradition, dont nous n'avons pu contrôler l'exactitude,
rapporte que, en 1240, Blancus fit partie d'une ambassade
envoyée à Rome pour négocier avec le pape le pardon de la
ville, et pour régler les difficultés pendantes entre la ville de
Marseille, l'abbaye de Saint-Victor et aussi les héritiers d'un
ancien podestat de Marseille, Hugolinus de Bologne *. Évi-
demment, Blancus était, dès cette époque, un des person-
nages en vue de la cité marseillaise. En 1243, nous retrouvons
notre jurisconsulte dans une députation où ligurent le viguier,
les clavaires et les syndics, qui vient annoncer à Tévêque la
soumission de la ville et lui demanderde retirer la sentence d'ex-
communication et d'interdit lancée sur Marseille. Et, dans cet
acte, Blancus porte, avec deux autres personnages, R. Rebollus
et Peirus de Ovellano, le titre de judex communis Massilie *.
• Summa feuiinrum, IV, 1, 3<j; 1,6, ::3.
« Ib., I. 4. g : 11, I. «7, m. 1.4J.
• Dictionnaire de la Prru'fnce et du (lomtat Venaissin, Marseille, i;^^
111. y iilanc fJeanj, — /ii^t. lit t. de la France, loc. cit.
• MtB^ et (jiiNi»ON. Histoire... des actes et délibérations,., de la muni-
cipalité de Marseille, 1, p. 43ti.
— 775 -
Mais c'est surtout au cours de la lutte entre Marseille et
Charles d'Anjou que nous relevons dans les textes le nom de
notre jurisconsulte ^ Après chaque soulèvement de Marseille,
nous le trouvons au nombre des négociateurs. Ainsi, en i252,
le 8 des kalendes d'août (25 juillet), il figure, qualifié de j'uris-
peritus, parmi les témoins de Tacte qui désigne les syndics
chargés de négocier un traité de paix avec Charles d'Anjou. Il
semble que Blancus ne remplit plus alors de fonctions judi-
ciaires, car il ne porte pas le titre de judex curie communis
Massilie, que le même acte donne à l'un de ses collaborateurs,
Andréas de Portu. Le lendemain, 26 juillet, lo. Blancus est à
Aix et se trouve parmi les témoins du traité conclu avec Char-
les d'Anjou ; cette fois, l'acte le désigne du nom de causidicus.
Le 3 des kalendes, il est encore à Aix et assiste à la lecture
solennelle du traité de paix. Le 2, c'çst-à-dire le 3i juillet, revenu
à Marseille, il reçoit la récompense de son rôle pacificateur.
Charles d'Anjou lui octroie une rente viagère de dix livres, à
percevoir chaque année, à l'octave de la Nativité, sur les reve-
nus du cointe dans la ville de Marseille. En échange, Blancus
jure au comte hommage et fidélité : c'est ce que les feudistes
appellent un fief-argeni, procédé commun au xiii« siècle pour
créer, sans concéder de fief foncier, des relations de vassalité.
L'acte, dont l'original est conservé dans les archives départe-
mentales des Bouches-du-Khône, fut dressé à Marseille, dans
la maison de l'ordre du Temple, en présence de l'archevêque
d'Aix -.
* V. sur ce qui soit, les pièces iustificAtives de Touviage de Sternfeld,
Karl von Anjou als GraJ der Propence, Berlin, 1888, p. 273 et suiv.
« Bouches-du-Rhône, B. 848 :
« Anno Incarnacionis Domini. M«.CO. quinqaagesimo secundo, ij.
kalendas augusii. Notum sit presentibus et faturis,quod nosRarolus, filius
Kcgis Francien cornes Andegavie et Provincie et Forc(alquerii) et niarcbio
- 776 -
A peu près à la oiôme date, nous trouvons des actes analo-
gues, par lesquels Charles d^Anjou gratifie d'autres personna-
ges qui, comme lohannes Blancus, avaient pris part aux négo*
cialions du mois de juillet. Le 3 des kalendes d*aoùl (3o juil*
let laSa), Charles constitue une rente viagère de 25 livres au
profit de Guillehnus Umberti, jurisperilus, civis Massilic:
le 4 des nones d^aoùl (a août raSa), autre rente viagère de
10 livres pour Guillelmus Chaberti, Jurispentus, cwis Massi-
lic : Tune et Tautrc « pro servicio * *.
De ces deux /un'sperili, Tun. Guillelmus Umberii, nous est
inconnu par ailleurs. L'autre, Guillelmus Chabeni, avait pris,
comme lo. Blancus, une part active dans la politique mar-
seillaise, et avait été mêlé aux événements de juillet laSa, On
le retrouve quelques années plus tard, quand, à nouveau» en
1257, Marseille s'insurge. Comme en 1252, Guillaume Oia*
PfOfincic» et nos Beairii uior ciusdern comtiis, eonimdem comitatuain
comitissa et marclvioQ(issa), dilccto et fideli nostra lohanni Blanco jaiis
pcrilo, ci VI Massîtie. pro scrvicio suo quod oobis i m pendit et proinitti
nobis in antea se facturum. damus el concedîmus deccm libras roonetc
rcgaltum annoi redditus ad riiam suam m octabia Nativitaiis Donuoi
«nnis singulis m redditîbus nostris Massîlie percipiendis. Pro dieu vero
donacione fecit nobis tdcm lohannes homagium et fidehtatem. Eu ad
m^iorcm huius donation is tirmitatem, prescntem cartam sigillorum nos-
irorum muniminc fecimus roborari, Acium iMassilie in doofio rnilicie Tcm-
plu presenubus ci vocatis testibus infrascriptis» videlicet venerabUi àfl
Xpo paire Phitippo Dei gracia Aqaensi archiepiscopo« et aobïlibtis fpîrii
Gmdonc domino Miliiaci, Hcnrko domino SoiUaci. Barrallo domino Bau-
dit et Symonc Bigoti, et Landcrico de Fîoriaco roilitibus, et Britono civi
Massihe« et me Alano. canonico de LusarcbiiSf notario pubhco predicio-
rum domjni comitls ei domine comitisse, qui, mandato eorum et dic
lohannia, banc cartam scnpsi et stgno meo signavî »* (Origioal,
jaunes. Le sceau manque.)
* B.-du Hbône. B, 3^^ La même liasse contient un acte do mênie ^
au protii de lohannes Viraudr. mais ceiai-ci est, non plus un /nrô^rtnii.
mais tiQ n*jt»tin c-tvi^ Sfiisitlie,
— 777 —
bert est parmi les négociateurs, avec d'autres jurisperiti,
G. de Burgala et Andréas de Portu *. Plus tard, Guillaume
Chabert, devenu un fidèle serviteur du comte, part avec le titre
de maréchal, en compagnie du vicaire de Charles d*Anjou,
dans une expédition en Italie '.
En 1262, quand, une troisième fois^ Marseille se révolte con-
tre Charles d'Anjou, nous retrouvons encore le nom de lohan-
nes Blancus. Il figure sur la liste des délégués choisis par la
ville de Marseille, ad tractandum et Jaciendum pacem, le
12 novembre 1262, et il vient à Aix, avec ses collègues, négo-
cier avec Charles le troisième des traités de paix entre le
comte cl la grande cité '.
Aucun de ces documents ne donne à lohannes Blancus le
titre de professer legum, et cela est d'autant plus significatif
que, dans ces mômes actes, d'autres personnages portent ce
titre, notamment Robertus de Laveno, qui figure avec cette
qualification dans les traités de paix de 1257 et de 1262 ♦, qui
appartient à l'entourage de Charles d'Anjou, et qui a joué un
si grand rôle dans les conseils de ce prince *. Sans doute, lo.
Blancus se contentait d'exercer la profession d'avocat et de
composer des ouvrages juridiques, sans enseigner lui-même le
droit, et ce sont ces ouvrages qui doivent maintenant nous
occuper.
II
Nous connaissons l'œuvre de lohannes Blancus mieux encore
* Sternf&ld, p. 299.
' Ibid.. p. 2o3, 229.
' Ibid., p. 3o2 et s.
* Irid.. p. 299, 3oo (legum professor^, 3oi /furis pro/essor), 307.
* Ibid.. p. ii8, i33. 140.
-778-
que sa vtc. Elle se compose de deux ouvrages, l'un sur les fiefs,
lâuire sur les exécuteurs lesta men la ires.
Nous possédons le texte même de la Summa Jeudorum, L*ou*
vrage a été édité à Cologne en 1564 ; on le trouve aussi dans le
Tractât us illustrium jurisconsultorum, édition de Venise,
tome X, première partie (1584), f'* 263 à 299, sous le lure de:
Epi tome Jeudorum, loanne Blancho Marsiliensi L C clans-
simo authore, in gratiam et singitlarem utititatem sludiosorum
nunc iterum excussa et innumeris in locis emendata. Nous eo
avons plusieurs manuscrits, dont l'un se trouve à MOnsier,
K* BibL, 1024, r^* 35 à 85, et deux autres à Paris, Bibliothèque
Nationale, Latin 4675 et 4678 *. Dans le manuscrit 4675, l ou*
vrage de lohannes Blancus occupe les f" 29 347. Le manuscrit
s'arrête au milieu du IV' livre, au commencement d'une phrase,
et la lin au texte est perdue. L'ouvrage est complet, au contraia*,
dans le manuscrit Lat 4678, où il occupe les f** : à 3o ',
La date de cet ouvrage ne peut pas être fixée avec certitude.
Il est, à coup sur, postérieur au séjour de Blancus en Iialic, ci
nous savons que, dès 1240, Blancus était revenu à Marseille.
D un autre côté, cet ouvrage parle des droits et de la situation
de l'Empereur en des termes tels <^ue Ion a pu penser qu'il ctaîl
antérieur a reffondremeni du Saint-Empire et à la mon de
• M. Jean Achc-r signak, dans le ms* de Parme. HH* I ^^7, ic
début de là Somme de BlancaSi f» 12 et f' t3, r*, col. K Nouvelle Re¥U€
historiqm* de droit f 11/16, p, iiS.
M Le Ms> Laf. 4675, indiqué par Lehmanni Das iangobardische Lekn-
rtcntt Gûtlingen, 1H95, p. 24. n* ëa, contient 48 fcuitlets (numérotés k
une époque réceutc|, ptus un feuillet de garde. On y relève : i" Le Uâité
de Joharmes Fa&olus, divi&é en seize quesUons : « Tractaturi de (eudts
primo uideodum est quid ait feudum. Secundo uode dicatur. Tertio de
forma luramenii tideliiatis.-. » et plus loin : « Peuduoi cjt coocetsio rei
pro tiomagio facta, ut Extrade Symo.. c. ei diligenti. £t in hoc ditfenab
emphiteost in qua non dcbctur homagium *. Seckkl, Zeitschrijl étr 5a-
— 779 -
Frédéric II. Blancus prend parti, en effet, sur les graves ques-
tions qui passionnaient alors les penseurs, sur la vassalité des
grandes puissances du monde les unes vis-à-vis des autres.
Iqipérialiste convaincu, il déclare qu'à son avis l'Empereur ne
relève pas du pape, mais lient de Dieu, directement, « impcrium
et potestaiem seu gladium ». Mais tous les rois et toutes les puis-
sances séculières relèvent de TEmpereur : « Reges vero habenl
régna ab Imperatore ». Ce passage a fait penser que l'ouvrage
était antérieur à i25o. Ailleurs, au contraire, au moins dans le
texte imprimé, Blancus nous parle du gouvernement de Char-
les d'Anjou, « domini Karoli comitis et marchionis Provinciae
et nunc régis Sicilium » *, ce qui nous reporterait à une épo-
que postérieure à 1264, date de l'attribution du royaume de
Sicile par le pape à Charles d'Anjou. De ces indications qui
semblent contradictoires, Laspeyres a conclu à deux rédac-
tions successives de la Summa feudorum, l'une avant i25o,
l'autre après 1264. La première de ces dates nous paraît
pigny-Sti/tung, Rom, Abth.j t. XXI, p. 253, n» 14. Cetrailé se termine au
1" 5, r. — 2« A la suite, sans blanc ni titre, vient un autre traité : < Quia
de feudis tractaturi sumos, ideo uidendum est quid sit fcudum et unde
dicator et a quibus constituatur tam ex ueteri quam ex nova consuetu-
dine ». Seckel, /. cit., p. 25o, 233, 262 : c est sans doute le traité de Pyleus
et de Jacobus Columbi. — 3« Aux f 7, r*, et suiv., se trouvent les con-
suetudines feudoruniy jusqu'au f« 28, v», avec la glose d*Accurse.— 4» Aux
f" 29. r», et suiv., jusqu'au f 47, v*», figure l'ouvrage de Blancus.
H. Le Ms. Lat. 4678 contient, relies ensemble : 1° La Somme de Blancus
sur les fiefs, du f** 2 au f» 3i, v, col. Il : « Incipit summa super libro fcu-
dorum a lohanne Blancho ciui Marsilliensi composita ». La fin de la col. II
contient des notes juridiques ; et le v» du f> 3i est occupé par des foi^
raulaires relatifs à une élection d'abbé autorisée et confirmée parfévêque
de Clermont. Aruernorum episcopus. — 2* Aux f- 34 et suiv., la tabula
magistri lohannis Caiderini super Policraticon que intitulatur de nugis
curialium et pestigiis phorum (Jean de Salisbury).
' Summa feudorum, II, i, 87 in fine.
— 78o —
trop précoce ei trop rapprochée du retour de Blancus en
Provence. Il semble, comme nous le verrons, avoir déjà der-
rière lui, au moment où il écrit sa Sumpna, une longue pratique
d'avocat. La présence, dans celle 5tim;;ia, de déclarations impé-
rialistes ne doit pas faire illusion : on en trouve du môme genre
dans maint auteur de la seconde moitié du xru* siccle> l*ar con-
tre, nous croyons que l'ouvrage est antérieur à 1164. Les deux
manuscrits parisiens ne portent» ni Tun ni lautre, les mots :
et Hunc régis Sicilium, qui ne peuvent être qu'un glossème
absent du texte primitif de Vd'Summa \ et celle-ci a du être
faite alors que Charles d*Anjou n ciait encore que cornes ei
marchio Provincie, Si Ton considère que le calme qui règne
à Marseille à partir de 1262 semble plus propice à la confection
d'un tel ouvrage que les troubles qui ont marqué les dernières^
années de la République marseillaise. Ton est conduit à penser
que Touvrage a été fait vers 1262-1264 - '1 serait donc conlcm*
porain de Tautrc ouvrage de Blancus, que nous retrouverons
plus loin.
Il est inutile de donner ici une analyse détaillée du iraité de
Jean *. De l'aveu même de lauteur, louvrage est une compila-
tion. Blancus déclare, dans son prologue, qu'il n a eu d autre
ambition que de réunir des développements épars cbfâ^ ses
prédécesseurs, et qu1l n'a fait que peu d'additions à ce qu'ils
' Lai. 4675, f' 40, V», coK \ : l^t. 4678, f 16» n, coL I.
" Il suffit de donner le passage du préambule où Blancus indiqae le
pbn qu'tl entend suivre (Ms. Lat. 4^75, t"" 29, r*, col. I) :
• In prîmo libro tractatur de fcadis. in qoa parte primo loco trâditnr
quld sft feudum stuc beneûcium et unde dicatar. et summatim traditur
que sunt ^ent'ra feudorum el ipsorum diffcrenctis et qii«f sri reod« lUtnrs
et qualuer coirsuetudmes reudorum fuenni rcdacte tti scriplis. Secundo
loco de Uétssallis et ipsoruin di^crenciis, Tercio toco quibus modii feo-
dum âcqmriiur. <Junrto loco de illis qut possunt rem in feudum duc»
-78.-
avaient écrit. En réalité, la 5wmma de Blancus est sensiblement
plus étendue que la plupart des Summae de ses prédécesseurs
ou de ses contemporains, et elle prend de ce chef, par l'abon-
dance et la variété des développements, une importance spé-
ciale \
D'ailleurs, même en tant que compilation, la Sommede Blan-
cus ne manque point d'intérêt. On sait que le fameux coutu-.
mier lombard, les Libri Feudorum, n'est pas arrivé du pre-
mier coup à la forme sous lequel on le connaît d'ordinaire. Il
a fait l'objet de révisions et d'additions successives. L'on y a
incorporé peu à peu des textes nouveaux, notamment des con-
stitutions impériales. Or, l'ouvrage de lohannes Blancus nous
montre l'utilisation persistante d'une forme des Libri Feudo-
rum antérieure à la forme définitive : la récension faite par
Quinto loco quibus res in feudum dare possunt. Sexto loco que res in
feudum dari possant. Septimo loco de sacramento fidelitatis.
« In secunda parte siue in secundo libro tractatur primo loco quibus
modis et in quibus casibus feudum amittitur. Secundo loco qualiter pos
sit feudum commissum uassallo auferri. Tercio loco ad quem feudum
commissum pertineat. Quarto loco de causis propter quas excusatur
uassallus si domino non seruiat. Quinto loco tracutnr de causis propter
quas dominus amittit ius dominii quod habet in feudo.
« In tercia parte Summe huius siue in tercio libro tractatur de successione
feudi, in qua parte primo tractatur quis sit ordo succedendi et qui' suc-
cédant uel succedere possunt uassallo et qui non. In secundo loco tracta-
tur qui possunt domino in iure dominii feudi succedere. Tercio loco trac-
tatur de quo feudo nulla est successio.
« In quarta parte huius summe siue in quarto libro tracutnr de conten-
tione feudi et qualiter iudicium feudi sit examinandum et terminandnm.
Subsequitur secundo loco eiusdem quarte partis tractatus de pace com-
ponenda et tenenda.
« Hiis ergo premissis... »
* M. Seckel a relevé, dans la Zeitschrift der Sapigny-Stiftung, Rom.
Abth., t. XXI. dix-sept de ces Summae pour le xiii' siècle. Il est vrai qu'il
fait figurer deux fois sur sa liste le même ouvrage, celui de Jean de Blanot,
|n" Il et 12 ). L'ouvrage de Blancus occupe le n« lo, p. 252.
lacobus de Ardizone. Son traité a clé depuis longtemps étu-
dié» à ce point de vue, par tous ceux qui se sont occupés de
déterminer les étapes de la formation du texte, par Dieck, par
Laspeyres, par Lehmano. Blancus s'écarte, sur certains points*
de la récension de la. de Ardizone. 11 incorpore déjà des
textes nouveaux que la, de Ardizone laissait en dehors du
Liber Feudorum* L'inceaitude où Ton était encore, quand
Blancus composa son livre, sur le contenu et les divisions des
Libri Feudorum, ont même conduit notre auteur, pour faci*
liter rétude des questions féodales, à (oindre à son ouvrage
un tableau de concordance entre ces développements et les tiir
des Libri, dont le nom changeait d'un manuscrit à lautre *.
L*ouvrage/de Blancus est encore, au point de vue du droit
provençal, i^articulîèrement intéressant. Blancus ne traite pas
d'une manière abstraite et purement théorique les questions
que soulève le droit des fiefs. Nous avons déjà signalé sa science
du droit des villes lombardes. Mais surtout, dans sa carrière
d avocat marseillais, il a vu naître bien des conllits, il a suivi
bien des procès» et il ne manque pas de nous signaler les cas
qui se sont présentés : « Hanc quesiionem, dtt-il souvent, vidi
de facto )». Il raconte qu'il a été consulté sur la sanction qui
s'attache au démembrement ou à la sous-inféodation du fief
par le vassal ** 11 signale à deux reprises le conflit qui a surgi
enire Tévêque d'Apt et un rir nobiiis du diocèse d'Apt, Bcr*
trandus Fiaymbaudus, sur le point de savoir si la concession,
par l'Empereur à TEvéque, du caput castri entraîne de plein
droit la concession du territoire et du suburbium de ce caji-
trum ' ; et aussi sur la question de savoir si le vassal qui intente
* V. sur toas ces points, que nous ne pouvons iriiter ici, iei oaTragei
de Laspeyres et de Le^mann cités pins htut.
' U 4» io>
-783-
contre son seigneur des actions infamantes ou injurieuses
encourt la perte de son fief K W discute longuement la validité
de lettres d'Innocent IV confirmant une concession à titre de
fief £aite par le comte de Provence au profit des moines cister-
ciens de Florac, et il se prononce pour la nullité de cet acte,
les Cisterciens ne pouvant, en vertu de leur règle, tenir un fief*.
Blancus raconte encore un curieux conflit entre les Templiers
et les chanoines de Pignans, au sujet d'un castrum commun
aux deux parties. Ce castrum fut détruit, et sa population se
sépara en deux groupes, Tun formé par les sujets des Tem-
pliers, Tautre par les hommes des chanoines. Les Templiers
avaient reçu du comte de Provence tous ses droits sur l'ancien
castrum. Ils continuèrent, après la scission survenue entre les
habitants, d'exercer sur les hommes des chanoines, pendant
de longues années, les droits comtaux, et, en particulier, ils per-
çurent Talberge. Un jour, ils voulurent accueillir un jippel
pour défaute de droit formé par les hommes des chanoines
contre ces derniers. Les chanoines contestèrent alors le droit
supérieur de justice des Templiers. Et Blancus donne longue-
ment, ici encore, les arguments en faveur de chacune des par-
ties en cause \ — Ailleurs, il indique avec soin des règles cou-
tumières en vigueur en Provence, et qui s'écartaient du droit
féodal de la Haute-Italie *. De tels passages sont infiniment
précieux. Parfois même Blancus prévoit des questions qui ne se
sont pas encore posées, mais qui peuvent se poser en Provence.
Par exemple, il se demande si, lorsque le comte de Provence
vend à ses bailes pour plusieurs années les revenus des terres
com taies, les adjudicataires peuvent percevoir sur ces terres le
droit de mutation appelé tres^ain.
* n, I
,55.
M, 5,
M-
» IV.
I, io5.
* II. I
,87.
On voit, par ces quelques exemples, que lohannes Blancus
ne recule pas devant lemploi de la lerminologie juridique pro-
vençale. Comme son prédécesseur, l'auteur anonyme du Codi«
Blancus ne craint pas de se servir, quand Toccasion s*en pré-
sente, des mots employés courammeni en Provence pour dés^
gner les actes juridiques, ti il est intéressant de retrouver che
lui ce mot de Jirmancia^ qui figure dans le Codi et dans de
si nombreux textes des cariuJaircs provençaux pour désigner
un engagement. « Sed quid, demande-t-il, si contra dominuni
(vassal lus) firmanciam fecit? >♦ V
L autre ouvrage de lohannes Blancus est perdu, ou, du
moins» nous n*cn connaissons aucun manuscrit *, Mais nous
savons en détail ce qu*il contenait. En effet, peu d années
après sa composition, le grand juriste français Guillaume Du-
rand, qui s est d'ailleurs rendu coupable de plusieurs plagiats
* 11, I, 54; — B, Nat., Lat. 4678, f* 14. r», coJ. II.
* M, A.TARDrF, Histoire des xources du droit français, originti romai-
nest p. 574, a prétenda que nous possédiODS» sous une forme rAJeunie, le
trtité de Blancus, dans un ouvrage qui figure, après ceux de lacobns de
Arena et de loannes I^cobus a Canibus« dans le Tractatut iHusirium
furiiconxuitorum, Venise, r584, VUI, 1^ T* (96 et suiv., sous le nom de
loannts i, C, ctarissimus. Mais ce traité, qui est fort court, ne saurait €Xn
rapproché do traité de Blancus. Les indications que nous donne fo^Aiidreic
sar t*ouvrage de Blancus lui sont inapplicables. Son plan d*ailleors est 1
dilTérent : [ : />e paria executorum appetiatione ; Il : De Ugitimis
cutoribmi III ; De testamentariis executoribus ; IV : Qui possint dur
executorcM in testamentii ; V : An midier pùssit esst fxecutrix; \l : Ùr
poiestate executorum : Vil : intru quod itmpus oporitai executionem
fieri ;\i\i : De ratione ab executoribus reddenda. Ce traité contient
d'ailleurs des citations d'auteurs postérieurs ^ Blancus, comme Balde.
Bariole ou Panormitanus,
-785-
du même genre \ s'est servi du traité de Blancus pour écrire
un large fragment de son Spéculum juris. Dans le titre De
instrumentorum editione, après s'être occupé de la forme
même des testaments, Guillaume Durand a consacré aux exé-
cuteurs testamentaires de longs développements, dans lesquels
il rapporte les opinions de ceux qui, avant lui, avaient étudié
cette institution, Ubertus de Bobio, Odofredus, Roffredus,
mais avec beaucoup de questions et de solutions nouvelles *.
En réalité, Guillaume Durand n'a fait ici que démarquer, sans
avertir le lecteur et sans indiquer une seule fois sa source, le
traité de Blancus. Le larcin nous est révélé par l'annotateur
du Spéculum juris, par lohannes Andreae, dans ses additions,
composées vers 1346 '. Il nous raconte que Blancus a écrit, sur
la matière de l'exécution testamentaire, un long traité, le plus
long qui ait été fait sur la question, comprenant quatre rubri-
ques (comme la Somme sur les fiefs), l'une générale et les trois
autres spéciales, et divisé en i35 questions. lohannes An-
dreae, qui évidemment a sous les yeux Touvrage de Blancus,
nous donne même une table de concordance entre le plan,
assez confus, de Guillaume Durand, et le plan, beaucoup
plus net, de lohannes Blancus. Il nous indique aussi, dans ses
notes sur chacun des versiculi de G. Durand, les passages ou
les expressions empruntés littéralement à Blancus. Il relève les
erreurs et les inadvertances de Guillaume Durand, qui n'a pas
toujours compris et qui, parfois, a fâcheusement défiguré les
solutions de Blancus, modifiant maladroitement ses expres-
sions : « Maie fecit auctor mutando >►. L'ouvrage de Blancus,
au dire de lohannes Andreae, aurait été commencé en 1262 ou
» Savigny, op* cit., V, p. 586.
• Spéculum Juris, I. II, titre De instrumentorum editione, 1 13, « Nunc
vero aliqua ».
5 Savigny, op. cit , V, p. 121.
CONGKiS — 60.
fil j i<i.> L paccdani atnsi d'une dizaine d annces CC
laume Dum nd, dont la première rédaciion se place \ers
12JI '.
L'ouvrage de Blancus commence par une étude du rôle con-
fié par le tesiaicur aux exécuteurs de son tcsiament, rôle qui
peut être plus ou moins lar/^e et qui peut comporter chez ces
personnages une plus ou moins grande liberté d'appréciation
(| I à 21 )* Cette première partie de l*ouvrage est faite de géné-
ralités et de déhnitions, Blancus, toujours soucieux d'employer
le langa^^e de la pratique, se serti pour désigner les exécuteur
du terme de gadiator, en usage alors en Provence \ U opf
les exécuteurs ordinaires, chargés d*une missioii précise cl
étroitement délimitée par ietestaieuti par exemple du paiemcni
d*un legs déterminé, aux commissarii à. larges pouvoirs, char-
gés de distribuer les biens du défunt, le mieux qu*ils le peu-
vent, pour le salut de son âme ; et il étudie les difticultés spé-
' Les cdilTons imprimées du Spvcuhtm juris porienl 1262, Mais le 1
nuscnf de la J3ibl« Nat. Latin 42601 qui contient les commentaires (
lohaonef Andreae sur le Spéculum, donne ici la date de M.CC LXI[I. —
Le passage qui nous iniëresse se trouve, dans ce manuscrit, au ^ ii9.
coi. II, ju^qu'iiu f* i'nj, v\ — loan Lie. a Canibus, dans son Tritctiitn
iiv extcutoribuK, donne aussi la date de iz6i au traité de Blancus. évidem-
ment d'après to» Andreae» V. Tractatus iîlustrium iurisconsufturumt
Venise. i5«4, VIII, *. T i85, v.col. IL
* Les formates du titre De instrumentorum eiiiiwnt\ qui eonticn[ pjcz^
sèment les passages rcbtifs aui eiécuteurs testamentaires^ portent
date de t^yt. Mais d'autres passages» situés aïKcurs, portent les dates de
ujoet de 1372, Savions, op. cU>, \\ p, 574 et 584» — M. Tupinr, His-
toire des iourccs du droit français, origines romaines, p. S74« rapporie
ta date de 1262 donnée par loannes Andreae. non pas au traité de Blancus,
mais au Spéculum de Guillaume Durand. 11 n\ a aucun mouTd admeitre
une telle inrerprciation, qui aboutirait à assigner au Specutur'
en contradiction avec tous les autres témoignages que nous i
^ Et non pas gardiatur, comme le portent souvent les textes jmprîaiéi*
Le gâdiator tï^ wadiaior est l'individu chargé d*cxécuter une disposition
morin causa, un ^adium.
- 7«7 -
ciales que sou4cvc l'institution de ces disiributores investis
d'une telle mission de confiance.
L'auteur examine ensuite les droits de Texécuteur testamen-
taire et les actions qu'il peut intenter : Peut-il poursuivre les
débiteurs de la succession ? Quelle est, à cet égard, sa situation
à côté de l'héritier ? Comment régler la condition des débiteurs
de la succession ou des détenteurs de biens héréditaires, ainsi
exposés à se voir poursuivis à la fois par rhéritier et par Texé-
cuteur ? Dans quel cas un paiement fait à l'exécuteur les libé-
rera-t-il vis-à-vis de l'héritier? Les débiteurs peuvent-ils, à leur
choix, payer l'héritier ou l'exécuteur? Devant quelle juridiction
l'exécuteur peut-il les poursuivre (| 22 et suiv.)? A ces droits
de l'exécuteur correspondent des obligations ; il doit, dans cer-
tains cas, fournir une caution à l'héritier, lui promettre de lui
restituer les legs défaillants ; il doit faire inventaire, il doit
enfin rendre des comptes. Ces questions des pouvoirs et des
devoirs de l'exécuteur peuvent se compliquer en cas de plura-
lité d'exécuteurs ; il peut se faire que quelques-uns d'entre eux
s'absentent ou meurent, et l'on doit se demander quels seront
les pouvoirs des présents ou des survivants ; il peut aussi se
produire entre les exécuteurs des divergences de vues, et il faut
rechercher le moyen de les résoudre. Ces complications font
l'objet des 5 5i à 66.
Puis, Blancus recherche les sanctions qui peuvent atteindre
l'exécuteur infidèle (§ 68 et suiv.) : Peut-on l'écarter comme
suspectas? Peut-on contraindre un exécuteur, quel qu'il soit,
à accepter ses fonctions, et, une fois qu'il les a acceptées, à les
remplir ? Et, si on peut le contraindre, par quel procédé, par
quelle action le fera-t-on ? L'auteur examine alors une célèbre
difficulté d'école. L'exécution du testament peut être entravée,
non seulement par l'inaction de l'exécuteur testamentaire, mais
par le fait de l'héritier institué. Qu'arrivera-t-il, en effet, si
- 788 -
l'hcTiticT institué refuse, de bonne ou de mauvaise foi, de faire
adition d'hérédité? Son refus fera-t-il tomber la nomination
de l'exécuteur et les autres dispositions testamentaires? Pourra-
t-on le contraindre à faire adition d'hérédité, et assurer ainsi
t'exécution des volontés pieuses du défunt? Cette question
amène l'auteur à étudier ces relicta ad pias causas, le vrai
domaine de l'exécution testamentaire médiévale, domaine où
l'institution a pris naissance et en vue duquel, dans toute l'Eu-
rope chrétienne, elle s'est organisée.
Ayant ainsi examiné en détail les droits et les devoirs de
l'exécuteur testamentaire, Blancus arrive à une étude plus large
et plus théorique, et en même temps à la question la plus déli-
cate et la plus importante de toutes celles que l'exécution testa-
mentaire fait naître. Il se demande (§ io5 et suiv.) quelle est la
condition juridique de ce personnage. Le droit romain classi-
que n'ayant pas connu l'institution, les romanistes du moyen-
âge ont essayé de la rapprocher de différents autres types juri-
diques connus et classés. Les uns voient dans l'exécuteur un
negotiorum gestor ou un procurator, c'est-à-dire un gérant
d'affaires ou un mandataire : situation inférieure et subordon-
née, qui n'explique pas les pouvoirs de Texécutcur, et qui, ne
lui conférant aucun droit réel sur les biens de la succession,
entrave singulièrement son action. D'autres, plus hardis, font
de l'exécuteur un véritable intermédiaire de transmission ; ils
rapprochent l'exécuteur particulier du légataire, et l'exécuteur
universel de l'héritier institué : les uns et les autres sont des
propriétaires momentanés des biens de la succession. Cette
dernière solution semble particulièrement favorable, lorsque
le testament ne contient pas d'institution d'héritier, mais seu-
lement des legata ad pias causas laissés aux soins d'un disiri-
butor. Toutes ces conceptions avaient leurs partisans et divi-
saient alors la doctrine, comme elles la divisent encore
aujourd'hui, lîlancus les examine et les passe en revue.
-789-
Vient une autre question, d'un intérêt théorique moindre,
mais d'un intérêt pratique très grand : Qui peut être institué
exécuteur testamentaire? Et Blancus se pose cette question
tour à tour pour une série de personnes dont les fonctions, le
sexe ou l'âge semblent faire obstacle à une telle vocation :
pour les moines, pour les chanoines réguliers, pour les abbés,
pour les prélats et pour les autres dignitaires ecclésiastiques,
puis pour les femmes et les mineurs de vingt-cinq ans (§ ii'i
et suiv.). L'ouvrage se termine par quelques paragraphes rela-
tifs aux exécuteurs légaux, qui interviennent quand il n*ya
pas d'exécuteurs institués par testament, et aux exécuteurs
datifs, qui sont nommés pour remplacer les exécuteurs testa-
mentaires que le défunt avait institués et qui ont disparu.
Tel était le plan de l'ouvrage de Blancus, dans la mesure où
les notes de lo. Andreae nous permettent de le reconstituer,
lo. Andreae ne nous dit pas où, dans cette suite de questions,
commençaient et finissaient les quatre livres dont l'ouvrage se
composait. Mais il nous en dit assez pour nous permettre de
juger combien l'ouvrage de Blancus dépassait en importance
ceux de ses devanciers ou de ses contemporains sur le même
sujet, lo. Andreae nous a laissé une bibliographie abondante
de la question ; il nous cite les travaux d'Ubertus de Bobio, de
RotTredus, d'Odofredus, de Jacobus Balduini, de Jacobus de
Ravanis, de Nicolaus Matarellus,de Cynus* ; mais ces auteurs
ne consacrent à l'exécution testamentaire qu'une courte glose
sur les constitutions « Nulli liccre » et « Id quod pauperibus >►
du Code de Justinien (C, I, 3, 28 et 24). Roffredus s'en occupe
dans un bref passage de ses Libelli juris civilis, Rolandinus
* Les éditions du Spéculum juris portent, dans celte liste, entre Rof-
fredus et Nie. Maih., Jacob. Bald. de Rau. Le Ms. Latin 4260 de la BibL
Nat., loc. cit., rétablit un texte intelligible en séparant les deux juris-
consultes, laco. baldo. et laco. de Ra.
- . 790 -
Bononicnsis dans quelques phrases de son Ars notaria cl de
ses Flores ultimarum voluntatufn, et c'est aussi à propos de
Yactio ex testàmento que lohannes de Blanosco dit quelques
mots de la question, dans son commentaire du titre de actio-
nibus aux Institutes. L*ouvrage de lacobus de Arena est le
seul, au xui* siècle, qui puisse, par son plan méthodique et par
ses développements, se rapprocher de l'ouvrage de Blancus;
mais il est sans doute plus court, et il est sûrement postérieur *.
Ce n*est pas sans motifs que nous avons insisté sur ce traité
perdu de lo. Blancus. Par le choix même d'un tel sujet, dé-
daigné des purs romanistes, laissé à l'écart dans lesSwwmaedes
glossateurs; par la richesse des questions posées au sujet de
cette institution, si vivante dans les coutumes médiévales,
on voit s'affirmer un trait qui nouS semble essentiel et qui
caractérise l'esprit de notre jurisconsulte : nous voulons parler
du sens et du souci de la pratique. Nous avons pu constater
directement, dans le traité sur les P^iefs, le goût de lo. Blancus
pour les applications positives des idées théoriques, sa préoc-
cupation d'illustrer sans cesse, par des exemples concrets, em-
pruntés à la vie du xiiP siècle, les règles juridiques qu'il dis-
' Sa VIGNY, op. cit.^ y, p. 405, indique deux ouvrages de la. de Arena,
l'un, intitulé De commissariis, qui figure dans le Tractatus universi juris,
cd. de Venise, t. Vlil, i* p., f» 194. v» ; l'autre, De exccutoribus ultima-
run. voluniatum, dont parle lo. Andreae dans sa note sur Guillaume
Durand. Mais il n'y a en réalité qu'un seul ouvrage, comme il est facile
de s'en convaincre en rapprochant les indications données par lo. An-
dreae du texte du Tractatus. L'Incipit (quia fidei commissariorum ou
quia commissariarum), le plan et les divisions indiquées parle. Andreae
sont exactement ceux du traité De commistariis. (« Primo silicet videa-
mus unde dicatur commissarius; Secundo, quis possit ordinari ; Tertio,
quis ordinare ; Quarto, quis sit eius etVectus et officium ipsius, quod m
medio, quod in fme. ») Savigny n'auraii-il point aperçu que les mois
commissarii et executores ultimarum poluntatum étaient synonymes et
s'appliquaient à une même institution }
- 79» -
cuteel dégage. Cette même préoccupation, ce même souci se
retrouvent ici, et, si incomplètes qu'elles soient, les indications
de lo. Andreae ne permettent pas d'en douter. Par là même,
lo. Blancus se rattache netteYnent à Iccole française. Déjà
M. Fittinfî signalait les tendances pratiques du vieux Code
arlésien, son dédain des questions purement théoriques '. Ces
tendances triomphent dans lo. Blancus. Et il semble vraiment
que le sens des réalités ait caractérisé, dès la première heure,
et bien avant la floraison de l'école des Bartolistes en Italie,
les productions juridiques de ce côté des Alpes.
On a pensé encore à lohannes Blancus pour d'autres pater-
nités. On a voulu voir sa main dans les Statuts de Marseille,
dont la rédaction coïncide, en effet, avec celle des ouvrages
de Blancus. Mais ce ne sont là que des hypothèses. Telle quelle,
son œuvre est déjà digne de figurer en bonne place parmi les
productions juridiques du xnr siècle. Dans sa grande histoire
du droit romain au moyen-âge, qui est encore et qui restera
longtemps l'ouvrage fondamental pour toute étude de la
science romanistique médiévale, Savigny a laissé à peu près
de côté lohannes Blancus, citant à peine son nom dans quel-
ques notes. Jean vaut mieux qu'une simple mention *.
lo. Blancus a fait école, et la Provence peut être fière de la
riche lignée de ses jurisconsultes. Blancus a trouvé de dignes
* FiTTiNG, Lo Codi, I, Inirod., p. 2 et suiv.
' Savigny. Ceschichte des r omise hen Rechts im Mittelalter, 2* éd.,
tome V, p. 149, note d., indique, de seconde noain. d'après Laspeyres, le
traité des fiefs de HIancus. Il connaît le commentaire de lo. Andreae
sur les passages de Guillaume Durand relatifs aux exécuteurs testamen-
taires, mais ne relève pas à ce propos (VI, p. 1 12, note p.) le nom de lo.
Blancus. Il cite seulement (V. p. 5S6) un autre passage de loannes An-
dreae, in Spec, lib, /, tit. De off. omn. jud., \ 8. où celui-ci énumcre les
divers larcins de G. Durand, et entr'auires celui qui a porte sur le traité
des exécuteurs de Blancus.
— 79^ —
continuateurs parmi les jurisconsultes provençaux de la fin du
moyen-àge, les Jacobus de Bellovisu, les Guillelmus de Fer-
rariis, IcsPetrus Antibolus, les Jean Guiramand, les Raymond
Puget*, les Bellus; ou encore ces professeurs avignonnaisdont
le renom s'étendait au loin, entr'autres cePetrusdeMuris qui,
en i38o, donnaità Avignon une longue consultation sur la loi
filio prêter ito *; ou surtout Tillustre Bertrand de Carpentras,
qui fut une des lumières de la science du droit a la fin du
xv siècle, dont Dumoulin faisait le plus grand éloge, et dont
le« ouvrages sont maintenant rarissimes ou introuvables.
Ceux qui mettront au jour, soit les œuvres de ces hommes,
soit des documents relatifs à leur existence ou à leur activité,
rendront de grands services, non seulement à Thistoire du
droit provençal, mais à l'histoire du droit médiéval tout en-
tier.
• Cf. Bibl. Nai., Latin 4559.
• Bibl. Nat., Latin 4549, f- 225, v», et suiv. ; f® 247 : « Hec lex fuit repe-
tita pcr nobiiem virum dominum Petrum de Mûris Icgum doctorem in
ciuitate Auinion., anno dom. m» ccc"* Ixxx, die Mil mensis octobr. »
Cf. les consulutions publiées par Chassaing, Spiciiegium Brivatense,
Paris. 18H6, n" 54 et 93. En 1266, Girardus de Verdello, Icgum doctor et
regens in cii'itate Avenionensiy donne son consilium sur l'inquisition
faite contre Bernard Aurellc, chanoine de Brioude. En »3oo, autre consi-
lium de Johannes de Consolino, utriusque juris profcssor, qui in pre-
senti in civitate Avinionensi Icgit Décrétâtes.
— 793
XLI
L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE EN PROVENCE
AVANT 1789.
UNE ECOLE DE VILLAGE
II. — La VERDitRE (Var),
M. l'abbéG. RETNAUD DE LTQU£S,curo du Puget sur-Âr^^cns,
Membre de la Société d'Études provençales d'Aix,
de la Société d'Études scientifiques et archéologiques de Draguignan.
et du Conseil Héraldique de France.
Kn présentant ce modeste travail, nous n'avons pas l'inten-
tion de faire l'histoire 4;énéralc de l'ensei^^nement primaire en
Provence. Nous voulons seulement apporter quelques maté-
riaux qui pourront servira celui qui entreprendra cet important
travail.
Déjà, il est vrai, nous avons fait un travail analogue sur les
écoles de xMéounes - et le renouveler semblait parfaitement
inutile au premier abord, mais les notes que nous avons re-
* Le mémoire XL n'a pas été renvoyé par son aateur en temps Toaiu
pour pouvoir tjire inséré.
• L'enseignement primaire en Provence avant ij^g. ('ne école de
village à Miounes, public par la Société d'Études de Dra^juif^nan, iqo3.
— 794 —
cueillies étant plus complètes et se rattachant davantage à l'his-
toire générale de renseignement, nous avons cru bon de les
faire connaître. Nous y verrons, en effet, des luttes assez vives
sur des questions qui, de nos jours, agitent encore les esprits,
ce qui prouve une fois de plus celte vérité que l'histoire est un
éternel recommencement.
Les archives de la commune ne remontant pas au-detà de
1 553, ce n'est qu'à cette date que nous trouvons la première
mention de l'école, quand le Conseil décide de «loer un maître
d'école ».
I. — Les zDaitres.
La nomination des régents ou maîtres d'école était le pri
vilège des communautés. Le seul diplôme qu'on leur de-
mandait était l'approbation de l'autorité religieuse *. L'édit
royal d'avril iGgS ne faisait que confirmer officiellement une
ancienne coutume quand il disait dans son art. 25 : « Les
régents des petits villages seront approuvés parles curés
des paroisses .... Les évcques, dans le cours de leurs visites,
pourront les interroger sur le catéchisme, s'ils l'enseignent
aux enfants du lieu, et ordonner qu'on en mette d'autres à
leur place, s'ils ne sont pas satisfaits de leur doctrine ou de
leurs mœurs, et même en d'autre temps de leurs visites, lors-
qu'ils y donneront lieu pour les mômes causes. » Cet article
conférait le droit d'inspection et de révocation aux évcques ^
' Kdit. de ddc. 1604 *• déclaration de mars 1666. févr. i(jt')j, avr. 1695.
* Certains «c modernistes », ignorants ou de parti-pris, pourront récrimi-
ner contre celle clause, mais le fait est réel et indiscutable, l/enseigne-
ment a toujours été la préoccupation de rKglisc. Je ne parle pas des éco-
les monastiques et épiscopales fort nombreuses au moyen âge, qui nous
ont conservé les chet's-dVeuvre de l'antiquité, et où clercs et laïques,
riches et pauvres, tous étaient admis, mais des écoles populaires que
- 795 —
Le régent nommé par le Conseil communal ei approuvé par
l'évèque tenait donc sa mission de l'Eglise et de la Société et
ce double contrôle était une garantie pour les familles.
Le Conseil des chefs de famille choisissait toujours un
homme «capable et intelligent », soit un étranger, soit le plus
souvent une personne du pays, mieux connue et plus facile à
surveiller. Mais cette nomination donnait lieu parfois à des
luttes très vives.
Les archives communales nous en donnent deux exemples
remarquables.
En 1634, deux candidats étaient en présence : Jacques Ro-
meuf, de La Verdicrc, et M« Pandouze, soutenu chacun par de
nombreux partisans. Pour éviter toute querelle, le Conseil re-
nonce à son droit de nomination et laisse toute liberté aux
parents, qui « loueront qui ils voudront ». Jean Gay attaque
cette décision, en réclamant « Ihintéret de la veusve et de Ihor-
phelin, qui ne peuvent payer un maître», et il propose son
candidat, M* Pandouze. Lespartisans de Romeuf protestent aus-
sitôt avec énergie * et l'affaire reste en suspens -.
La décision du Conseil était un acte de sagesse qui laissait
au temps le soin de calmer les esprits surexcités, mais le pre-
mier consul n'en tient pas compte et nomme Jacques Romeuf.
Aussi le 21 janvier suivant, le débat recommence plus ardent.
Trente-six membres du Conseil demandent l'annulation de
ce choix fait contre le vote du Conseil et malgré l'opposition
chaque curé de ville ou de village était tenu d'ériger dans sa paroisse (Or-
donnance des évêques d'Orléans. 797; Tours, 852; Toul, X59). Les con-
ciles confirment tous ces ordonnances et celui de Latran (1179) recom-
mande déjà la gratuité de l'enseignement.
* Un des protestataires^ Keynaud, sergent royal, s'y oppose en disant « în
quantum contra ».
« Arch. com. BB. 6.
— 796 —
du deuxième consul, d'autant plus, ajoutent-ils, que « Ro-
meuf a mal instruit et édifié la jeunesse ^, Les partisans de ce
dernier réclament l'approbation, mais n'étant que six et pré-
voyant un échec, craignant aussi une responsabilité pécuniaire,
ils s'en déchargent sur le consul en disant : « Q)ui la loué le
paye ». Leur sentiment est appuyé par cinq membres dissidents
qui demandent un autre maître que les deux en présence.
Les registres de délibération ne disent pas le résultat du vote,
mais il esta croire que Rosmeuf a été maintenu parle con-
sul, puisque nous le voyons toucher ses gages cette même an-
née i635.
En 1679, nouveau conflit. Le 9 juillet, Louis Marin, frère er-
mite de Notre-Dame de Basset*, demandela régence, s'olTrant
à « soutenir l'honneur devant n'importe qui ». Le Conseil
accepte cette offre, mais les consuls nomment un autre, André
Raynouard. Le 9 novembre suivant, le Conseil proteste contre
cette nomination. D'abord Raynouard <f n est pas approuvé
par M'* Philippe, grand vicaire, à cause de son ignorance»; en-
suite, c'est contraire « aux délibérations précédentes, qui de-
mandaient la dispute, d'autant plus que le sieur Jusberti s'offre
à la soutenir ».
Les consuls mis on cause répondent : i" que cette protesta-
tion est un acte d'aniniositc personnelle contre le régent qui a
fait condamner ces conseillers à lui payer sa nourriture ;
2** qu'ils ont attendu la dispute jusqu'à la Saint-Michel et que.
personne ne s'étant présenté, ils ont procédé à la nomination
comme d'habitude ; 3 enlin que Raynouard ayant été réi;eni
l'année dernière, il pouvait très bien l'être encore cette année.
' ^'.hapellf ruralcà i5»r>^ mètres Ju village, appelceaujourd'hui NoireDjîSi
des Ki^lisc'S. La irnditiori populaire la regarde comme la première paroisse
.ivaiii ijue la clmpellc du cliâlcau le devint. Klle était en erVet ic 5ic«=
d'un prieuré qui lut plus tard réuni à celui de la paroisse.
- 797 —
La discussion s*envcnimant, les consuls dcnuiiuicm au ju^t)
de faire sortir tous les protestataires, mais le Juf{e reluhiun, un
passe au vote et la conduite des consuls est approuvôf.
Ce fut la source d'un procès assez long.
Cette délibération, en ed'et, est attaquée par JuhIkmH, ti; liattuni
sur l'approbation de larchevôque et sur un urrél,(Mi mi liiviMir,
du lieutenant-général d'Aix. Il demande le rcrtlcrneni dt* luo I
de gages et la régence pour l'année prochaine,
Raynouard, qui n'est plus régent, a fait la màina dcmiiii<k'
et le Conseil du i3 octobre 1680 lui donne gaifi dir cau^. Jm^-
berti ne se tenant pas pour battu p^^ursuit sa réclamation, mm^
le Conseil lui répond de nouveau le 28 vrptcmbnr thKi '\u" la
régence est donnée ct.« quant au reM«,qu'iil ^ ^dr^r^vr ag li<rMi«<
nanl » *.
L'ârtaire se termînc Jâ : v>ut ^*i tnoim J';i 'ïHMf4^iOii> u *'h
parlent plus.
L'n troisième con:;/. i'z/ck «rrj iy^/- " v:i ;/*• ^ • #;?. / ';<
deux consuîï-
Lt M::on2 £ -ivrr.T^t K *. .'< ;.".V-'.* \- -. *'v t < " - ;*• ., ,' .
r-sr.s Z-. « :: tri-'' :ii.t t;->^/' >•,-*•:'•. -, ,/y ♦;;♦: i;.* •. ,* /•- '
I>t;VLi: ^îTAt 'M.' '/...t'.iV. .'. 'y,''..jt. «V> .* H.„ •.. .; ■ v*
Les '-'.'T ';!'.: Zit TjV"- lii .j'Ti >» v^-ï:*,' ■ H>i.i«." ^^«-...^irlv-- '.".*
Li'i'.-.^ : i.:':''v'-;i:.r.-:
- 79« -
I-c.Guré de la paroisse, l'abbé François Sallier, ayant été in-
sulté par le régent*, s'en plaint à Tarchevêque qui ordonne aux
consuls de renvoyer le sieur Jaumont, régent *.
Les Consuls obéissent et nomment Fouque comme régent;
mais au Conseil suivant du 14 octobre, une grande discussion
s*élève à ce sujet.
Les pères de famille ont remis aux consuls une pétition en
faveur de Jaumont. Mais si ses partisans sont nombreux, il a
aussi des adversaires. Le curé affirme qu'il est «indigne d'exer-
cer pour des raisons connues de Tarchevêque, pour les insultes
qu'il en a reçues, ainsi que Sallier,un autre prêtre». Pierre Sal-
lier, un autre opposant, parle contre Jaumont, mais Fouque
ignore le latin, et obligé d'envoyer ses enfants au dehors, il
demande la nomination d'un adjoint pour le latin.
Les consuls donnent alors lecture de la lettre de l'archevê-
que et le Conseil vote une députation de trois membres pour
allerà Aix supplier l'archevêque de revenir sur sa décision et
en tout cas d'approuver un autre que Fouque « absolument.
* Quelle était la nature de cette insulte ? les archives n*en parlent pas.
Elles disent seulement que le curé a été insulté chez lui avec un autre
prêtre.
- Lettre de l'archevêque :« M. le curé se plaint contre le sieur Jaumont
quia manqué au respect qu'il lui doit. Je sais d'ailleurs que ce maître d'école
n'a pas les lettres d'approbation, au moins qu'il en a de fort anciennes, qu'il
n'a pas fait renouveler, ce qui est contraire aux ordonnances du diocèse.
Aussi, Messieurs, je vous prie de ne plus soutfrir que le dit Jaumont re-
pente dans votre communauté. Je compte que vous aimez trop le bonorJrc
pour ne pas l'obligera discontinuer un emploi qu'il ne peut exercer sans
une approbation de Mgr l'archevêque, qu'il n'a point et qu'il s'est rendu
indigne par la manière dont il a usé envers le sieur curé, auquel il don
du respect. Je suis parfaitement. Messieurs, votre très humble et très obéis-
sant serviteur.
* L'abbé de Venge. Ai\. 2 octobre 1735. »
(Minutes de (^apus, net. La \ erdière). Liude de M' Berne, notaire.
- 799 -
incapable». Heureux de celte décision, les pères de famille s'en-
gagent à payer les frais du voyage des députes.
En attendant, Fouque réclame ses gages, mais le trésorier
les refuse, et le Conseildonne ordre aux consuls delui retirer la
clef de la classe. Le curé proteste contre cette décision et il dé-
clare que Fouque restera régent tant qu'il ne sera pas révoqué
par Tarchevéque.
Celui-ci maintient sa décision contre Jaumont et, pour con-
cilier les adversaires, il présente Franchiscou à la place de
Fouque. Le Conseil, tout en regrettant le départ de Jaumont,
« à cause de ses bons soins pour la classe *, demande au moins
qu'on le remplace par #c un homme agréable aux paroissiens »,
ce qui n'est pas le cas de Franchiscou, #c enregistré aux classes
maritimes, n'ayant pas le temps, pouvant être appelé ailleurs,
n'ayant jamais enseigné, sachant à peine lire et étant sans do-
micile».
Les opposants répondent que Jaumont #cwe sait pas écrire,
qu'il a beaucoup de défauts essentiels et qu'il ne s'approche
jamais des sacrements ». Protestation de ses partisans qui af-
firment qu'il est bon chrétien, et ils déclarent en outre que
Franchiscou est malade et ne peut exercer.
Enfin la discussion est close et on passe au vote. Sur treize
votants, il y en a cinq pour Franchiscou contre quatre non et
quatre abstentions. Franchiscou est donc accepté, malgré une
nouvelle protestation de quatre opposants.
L'affaire semblait finie, mais il n'en est rien. Jaumont reste
en fonctions et le 28 janvier 1732, l'archevêque envoie une nou-
velle lettre aux consuls \ordonnant à Jaumont de partir dans
' « M" l'Archevêque veut bien, Messieurs, ne pas s'apercevoir que vous
avez renvoyé le maître d'école auquel il avait donné ses lettres. Mais
son intention est que vous renvoyez incessamment le sieur Jaumont et
tout autre maître d'école qui s'ingérera à montrer les enfants. Un des se-
— 8oo -
les huit jours sous peine d'y être contraint par la force, et pour
donner à toutes les inimitiés le temps de se calmer, il déclare
que Tccole sera régie par les prêtres de la paroisse jusqu'à
Saint-Luc, c'est-à-dire pendant toute cette année.
Les consuls ne s'opposent pas aux ordres de l'archevêque,
mais, disent-ils, lorsqu'il saura tout ce qui s'est passé, il verra
que le désordre ne vient pas du sieur Jaumont. Aussi propo-
sent-ils au Conseil une nouvelle députation à Aix pour Tinfor-
mer des « bis bis » et le prier de garder Jaumont.
Le notaire Gaze essaie de concilier tous les adversaires en
nommant un autre régent, tout en payant une indemnité à
Jaumont et à Kranchiscou, mais sa proposition est repousséc
môme par les partisans de Franchiscou qui « a leurs enfants ».
— « Cinq ou six », répondent les Consuls.
La députation est votée, mais elle n'obtint aucun résultat ;
car, en mars, nous voyons Franchiscou assigner la commu-
nauté enpaiementdedeux cartiersde ses gages. Le Conseil s'en-
tête dans sa résistance et il ne recule môme pas devant un pro-
cès. Cependant, sur l'avis de son avocat et grâce aux démar-
ches otricieuses du prieur; M'* de Verne, il accepte une tran-
saction qui accorde à Jaumont 3o l. de gages et 60 à Franchis-
cou '.
condaires (Je la paroisse régira les écoles jusqu'à la Sain:e-Luce et dans ce
lemps-là vous pourrez trouver un maître pour vos écoles, qui soit an
grc de la communauté et qui ne soit pas un sujet de division. Si le sieur
Jaumont est encore à La Verdière dans huit jours après que vous aurez
reçu ma lettre, M*' l'archevêque prendra les voies convenables pour
l'en faire tirer et il aura pour cela des ordres. J'écris à M. le Curé et lui
mande de me certitier la sortie du sieur Jaumont.
* Je suis très parfaitement, messieurs, votre très humble et très obéis-
sant serviteur.
< Abbé DE Ven- E. vicaire f^thivrai,
* à Aix, le 23 janv. 1732. »
• i3 liv. de gages et ^5 de taxe à Iranchiscou.
— 8oi —
La paix régna dès lors dans le pays, mais cette lune assez
vive nous montre que ce Jaumont, «m* ès-arts libéraux», avait
acquis une grande influence sur les parents, soit par son carac-
tère soit par sa méthode d'enseignement. Il tint les écoles pen-
dant près de vingt ans. Bien souvent, il est vrai, des plaintes
s'élevèrent contre lui, soit à cause de la taxe scolaire qu'il aug-
mentait à son gré (lySo), soit à cause de ses absences répétées.
Il perd alors la confiance des parents qui lui retirent leurs en-
tants pour les confier aux prêtres de la paroisse et par deux fois
on demande son changement à l'archevêque qui chaque fois
répond par un refus '. On se résigne alors et il faut croire aussi
que Jaumont fut plus fidèle au règlement, car la contiance re-
vint et il resu encore de longues années à la tête de l'école.
II. — Monopole.
En principe, il est vrai, l'enseignement était libre, mais la
communauté éublissant une taxe scolaire sur tous les éco-
liers, afin d'augmenter le traitement du régent, elle avait
intérêt à soutenir le maître officiel contre tous ses concur-
rents. C'est pourquoi, dans presque tous les contrats de ré-
:;ence. nous voyons la clause suivante : « Sera permis à nul
a'Jtre d'enseigner les enfants ^^ijij». ou cette autre : « Les pa-
rents seront obligés de lui confier leurs enfants soubs peynes
den paier la taxe et nourriture diceluy, comme les autres en-
fants » ■ 173H-Î772L
Malgré cette défense, il arrivait souvent que deux, trois éco-
' <>tte dc'marche des consais paraît un peu étrance quand 00 se rappe'le
les événements de 1732. .\ussila réponse de l'archevêque est pleine d'iro-
n.e : * On arj c^nunî de Jjtimont. dii-îl, et d'ailleurs je n'ai pas de
poste à [u: donner »
I.e C:/3seiI i-i-i. compris r probablement, car il n'insiste plus et Jau-
-T-ont re-îte i son poste.
* GOSMES — 5 I
— 802 -
les étaient en présence. Le régent officiel protestait alors, le
Conseil s'occupait de l'affaire et il en résultait quelquefois des
luttes très vives. Les archives communales nous en offrent
quelques exemples.
En 1678, le régent Raynaud se plaint de la concurrence,
n'ayant que treize enfants, qui, dit-il, sont obligés de payer
double. Le Conseil donne ordre aux consuls de poursuivre les
écoles libres et, si le procès est perdu, on fera payer la taxe aux
enfants des autres écoles.
L'affaire ne fut pas très sérieuse et probablement il y eut un
arrangement. Mais, en i68i,clle prend un caractère plus grave.
Le frère Louis Marin, ermite de Notre-Dame du Basset, tient
une école où il réunit plus de vingt enfants. Les consuls
voyant qu'à l'école publique il n'y a que #c quelques petits »,
et que par suite la taxe qui était de dix à douze jours de nour-
riture monte à un mois ou deux, demandent au Conseil de
taxer tous les enfants.
Un grand débat s'ensuit. Malherbe, notaire, dit que cette
proposition est ridicule, parce que « l'enseignement étant arts
libéraux », les parents sont libres de s'adresser à qui ils veu-
lent.
« Soit, répondent les consuls, mais l'usage veut qu'il n'y ait
qu'une école, pour aider les pauvres obligés de payer la nour-
riture et par conséquent, ou les autres régents doivent s'abste-
nir, ou les enfants doivent payer la taxe. » Le Conseil est encore
plus sévère, car il vote la taxe générale et ordonne en même
temps la fermeture des autres écoles.
Fort de cette délibération, le premier consul se rend chez le
frère Louis pour la lui signifier et lui demander le rôle de ses
élèves, mais il est mis carrément à la porte.
Au Conseil suivant, le débat recommence alors. Le notaire
Malherbe, protestant une seconde fois, objecte que le régent
- 8o3 —
n'étant pas approuvé, ne peut exercer, d'autant plus qu'autre-
fois il était parti avant la fin de son engagement.
« Le contrat est passé, répondent les consuls et s'il y a lieu de
se pourvoir,ce n'estpasà la communautéà le faire, maisaufrère
Louis, à qui d'ailleurs on peutadresser le même reproche d'in-
constance, puisque, il y a quelques années, il a abaodonné son
ermitage pour y revenir maintenant. >►
Le Conseil renouvelle sa précédente délibération et menace
le frère Louis de le poursuivre devant Tarchevêque. Quant à la '
taxe demandée, en l'absence des pères de famille, on la renvoie
à un prochain Conseil qui la repousse (28 décembre 1681) ^
Frère Louis a-t-il quitté? Nous l'ignorons, mais nous voyons
un peu plus tard le sieur Bernard,' régent officiel, quitter son
poste. Il est vrai qu'il a mis à sa place M~ Albanelly.
Quelques années plus tard, en 1690, nouvelles plaintes du
régent qui n'a que cinq à six enfants. Le Conseil du 23 juillet
établit la taxe générale, ordonne sa publication et charge le
régent « d'aller voir les parents pour les prier aimablement de
lui donner leurs enfants >►. Les autres écoles seront poursui-
vies.
Les parents protestent et réclament leur liberté. C'est un
abus d'avoir plusieurs maîtres, répondent les consuls : « Si on
en veut un, qu'on le garde chez soi, c'est un droit *.
En 1760, nouvelles plaintes. Le Conseil, fidèle au principe
du monopole, ordonne au régent de se faire approuver dans
les quinze jours et, en attendant, il avise les prêtres d'abandon-
ner l'école. Protestation des parents, le contrat étant nul, puis-
que le régent n'est pas approuvé. D'ailleurs, les prêtres ont
cinquante enfants et le régent cinq seulement, étant incapable,
ce qu'on offre de prouver.
* Arch. com, BB. 9.
-7 804 —
III. -- Résidence.
Comme on le voit, les régents étaient absolument dépen-
dants du Conseil communal. De plus, ils étaient soumis à
certaines obligations. Les principales étaient l'éducation reli-
gieuse, dont nous dirons un mot plus loin, et la résidence.
En cas d*absence ou de retard #c aux heures accoutumées »,
les consuls avaient le droit d'en nommer un autre «à ses dér
pens ». C'était une obligation essentielle que l'on remarque
dans presque tous les contrats. Aussi, en 1682, nous voyons
M" Devaux qui, avant de quitter son poste, met à sa place son
confrère, M'' Albanelly. En 1703 aussi, sur les plaintes des
parents contre le régent Rbmain Sicard qui « ne réside pas,
est un jour ou deux ailleurs et ne conduit pas les enfants à
réglise», les consuls le somment d'observer les termes du con-
trat.
En lySo, encore nouvelles plaintes contre P. Jaumont qui
donne des vacances répétées, n'est pas assidu à l'heure, ne fait
dire qu'une leçon, son Hls ou un des pensionnaires faisant
dire les autres, ce qui introduit aux jeunes étudiants un fort
mauvais accent. Jaumont refusant de se rendre à ces protesta-
tions, les enfants sont retirés de l'école.
IV — Programme.
Le programme de ces écoles primaires n'était pas charge
comme celui de nos jours. La lecture, l'écriture, l'arithméti-
que, la f^rammaire, voilà les grandes lignes ordinaires de ce
programme'. Peu Je chose, c'est vrai, mais pour nosagricul-
* « Les approbations des rcgenis ne mentionnent guère que ces bran-
ches de renseignement et les livres dt pédagogie usités à celte époque
gardent le même silence sur les autres. .. On apprenait à lire noo seule-
— 8o5 —
leurs et artisans d'autrefois, c'était suffisant et on ne demandait
rien autre.
En 1780, un candidat à la régence offre d'ajouter la géogra-
phie, Vart raisonné du blason et « même lire et écrire ». Pour
lui, paraîi-il, la lecture et l'écriture n'étaient qu'un accessoire;
cependant, il fut accepté.
Souvent, on y ajoutait le latin (i683), non pas probablement
la langue elle-même, mais au moins les rudiments (1734). Cette
science du latin, générale dans presque toutes les écoles, était
hautement appréciée à La Verdière, où on réclamait toujours
un maître qui sût le latin. C'est ce qui explique l'existence des
écoles rivales quand le régent l'ignorait et aussi laffluence des
élèves quand les prêtres tenaient l'école.
Pourquoi cette science? dira-t-on ; c'est facile à comprendre.
La foi était encore profonde dans toutes les familles, tout le
monde remplissait ses devoirs religieux et, à l'église, on unis-
sait sa voix aux chants des offices. En connaissant le latin, on
prononçait mieux, sans estropier les paroles, comme aussi on
comprenait un peu ce que l'on chantait, ce qui était un grand
avantage pour tout le monde.
L'école était en effet confessionnelle et l'enseignement reli-
gieux était une des premières obligations du régent. Partout,
en efTet, dans les actes de contrat, avec la civilité *, nous voyons
ment rimprimé, mais des manascrits fort difficiles quelquefois » [Vint-
truction primaire en France avant 178g, par l'abbd Alai.n. — Revue des
Questions historiques, année j8j5, p. i34).
Cette lecture des manuscrits s'est conservée longtemps encore après la
Révolution. Je me rappelle encore avoir eu dans mes jeunes années un
livre classique intitulé « Lecture de manuscrits » qui était composé de
toutes sortes d'écritures, même microscopiques.
* « Leur fere oster le chapou à toutes sortes de personnes Ihors qui y
passeront au-devant et empêcher que les enfants ne se battent parmy
eux ». Contrat du 3 octobre 1672. (Thomas, not.), étude de fieme, net.,
La Verdière.
— 8o6 —
robligation de conduire les enfants à Téglise les jours de fêle
(i6a6), de leur apprendre la vertu (1686), de les instruire de la
foi chrétienne, faire dire les heures, matin et soir, le catéchisme
le samedi (1727-1731), de les conduire tous les jours à la messe
(1736).
Les parents tenaient beaucoup à cette obligation et maintes
fois nous voyons des plaintes au Conseil à ce sujet (i 703-1750).
Les heures de classe étaient de sept heures du matin à dix
heures et de midi à quatre heures (1689).
V. — Traitement.
Le traitement du régent était composé de deux parties :
une somme fixe, variable selon les années, et une taxe sco-
laire payée par les parents ou la communauté.
I . Traitement fixe, — Dans nos recherches aux archives com-
munales, nous avons pu à peu près établir Téchelle de ce traite-
ment ' :
4 écus en i557, 4 florins en i563, 2 écus en i568, 3 florins
par mois en i573, 24 écus en iSgS, et 20 en iSgg. Cette der-
nière somme de 60 livres devient le tarif ordinaire et ne varie
presque plus, sauf quelques exceptions comme en 1679, où elle
monte à ip livres, en i685 où elle descend à 46 et à 40 en 1 733.
Kn 1768, le régent n'ayant que quatorze enfants, le Conseil lui
accorde 36 livres, soit (/) au total. Il est vrai que la taxe est
diminuée d'autant.
Souvent le régent cumulait plusieurs fonctions : vicaire -,
médecin, remonteur de l'horloge ; ce cumul lui faisait alors un
' Arch. corn.. BB. i et suivants,
- Vin 1554, deux prctres : (Ilaude Arbaudi et Honoré Gaze, s'engagent à
tenir l'école, a charge de chanter à l'église et de dire les messes du pur-
gatoire. I.e traitement est alors pris sur les aumônes du purgatoire. (BB.
— 8o7 —
traitement convenable. Mais le principal de ce traitement était
la taxe scolaire soit en argent soit en nourriture.
2. Taxe. — En iSSy, le Conseil accorde au régent 6 écus
pour sa nourriture. En i563, un père de famille s'engage à le
nourrir pendant un mois et demi, un second, pendant quinze
jours et les autres alternaiivcmcnt. En 1679, le régent demande
4 sous par jour et 7 sous en 1717 et 1731.
Cette taxe rapportait 3o écus en 1608; 60 en 1680; 90 en 1689;
42 en 1707; 126 en 1716, 1720, 1723, 1727, 1728; 86 en 1725;
84 en 1733 ; 140 en 173 1, 1735, 1736, 1739, 1753 ; 186 en 1732 ;
io5 en 1751 ; 96 seulement en 1763.
Quel était ce chiffre de cette taxe scolaire? Nous trouvons les
suivants :
1 557. — Les petits, i sou par mois ; les grammairiens, 2 sous '.
1686. — 3 livres ceux qui apprennent à lire, et les autres, taxés
selon le rôle et leur capacité.
1689. — 3 livres par enfant s'ils sont trente. Plus nombreux,
la taxe sera diminuée; moins nombreux, elle sera
augmentée.
1695. — 5 sous par mois ceux qui n'écrivent pas ; 7 sous 1/2^
ceux qui écrivent '.
1707. — A cause de la cherté des vivres, le Conseil vote une
augmentation de taxe de 3o livres '.
1743. — Les enfants à l'alphabet, 3 livres ; au latin et français,
4 livres ; à l'écriture, 5 livres ; à l'arithmétique,
6 livres. La taxe devait être faite tous les trois
mois. Si elle n'atteint pas le montant du quartier
des gages, la communauté y suppléera comme aussi
elle bénéficiera du surplus.
« Arch.com. BB. i, i56.
• Ibid. BB. 9.
• Ibid. BB. II.
- 8o8 —
Cette taxe d'argent ou de nourriture n'était pas toujours
facile à retirer. Bien souvent, il y avait des protestations et des
refus qui entraînaient des poursuites contre les rcfractaires.
Nous en trouvons plusieurs exemples.
En 1679, le régent fait condamner plusieurs parents à lui
payer sa nourriture.
En 1731, c'est le trésorier communal qui recueille l'argent de
la taxe et cherche à contraindre les parents. Ceux-ci protes-
tent, mais le Conseil donne gain de cause au trésorier*. Au
Conseil suivant (17 juin), les consuls eux-mêmes protestent
contre la taxe officielle, contraire, disent-ils, aux intérêts de la
communauté qui est obligé d'en supporter le denier et de faire
les frais de l'exaction. » Ils proposent donc un autre régent qui
s'engage à faire l'exaction de la taxe à ses risques et périls. En
entendant cette proposition, les parents retirent leurs plaintes,
voulant garder le régent dont ils sont contents, et, pour éviter
toute difficulté, ils acceptent de payer la taxe, même avec les
frais d'exaction, ^c voyant avant tout avantage de la jeunesse »
et le s' Jaumont « méritant bien quelque considération * *.
La taxe était donc une règle générale et nous voyons plu-
sieurK fois le Conseil y soumettre même les enfants qui fré-
quentaient les autres écoles.
Plus ou moins forte selon le nombre des enfants, il ne faut
pas croire cependant que cette taxe fût un impôt onéreux qui
rendît l'école impossible aux nombreuses familles. iNon, la
f^ratuité de l'école pour les pauvres était de principe général;
souvent le Conseil communal en rappelle l'obligation soit en
votant une augmentation de gages, soit en acceptant un nou-
* Le 3 juin 1731 .
* Arch. corn. BB. i3.
— 8o9 —
veau régent. Et pour qu'il n'y ait pas d'abus de la part du maî-
tre, il est toujours spécifié dans les contrats que renseigne-
ment sera le même pour les riches et pour les pauvres.
On protestait bien quelquefois contre la taxe, mais c'était
plutôt contre son exagération ou contre la manière de la
recueillir. Ce qui semblerait le prou ver, c'est qu'en lySo, comme
nous venons de le voir, les parents qui protestaient, l'accep-
tent volontiers, même avec les frais d'exaction à leur charge,
afin de garder leur régent.
Le Conseil qui votait la taxe scolaire avait aussi le droit d'en
dispenser, mais il usait rarement de ce droit, et le seul exem-
ple que nous trouvions, est, en lySS, l'exemption du clerc de
l'église, « étant toute la matinée occupé au service de l'église
et souvent môme l'après-dîner, devant suivre les prêtres dans
l'administration des sacrements» *. Cette e.xemption ne fut
pas votée pour un temps, mais pour toujours.
VI. — Local.
L'école se tenait toujours à la maison commune. Le Con-
seil tenait à ce local et veillait à ce que le Régent s'y confor-
mât. Cette obligation était même insérée dans beaucoup de
contrats.^En i656, M"* Devaux, le régent, tient l'école dans
la chapelle des pénitents. Il est probable qu'il trouvait ce local
plus commode et plus facile pour lui, mais le Conseil proteste
et l'obligea revenir à la maison commune.
Bien plus encore, en lySo, à cause de la guerre, les Conseils
doivent être beaucoup plus fréquents. Fidèle à son principe, la
Communauté abandonne la maison commune comme lieu de
ses réunions, et « pour ne pas déranger les écoliers )>, elle loue
* Conseil do a3 févr. 1738. Arch. com. BB. la.
— 8io —
une chambre du village pour y tenir ses assemblées *. Ce sys-
tème dura deux ans.
Le mobilier était sommaire : des bancs et des tables, dont le
régent était responsable, devant empêcher « que les enfants
ne les rompent ». Il ne devait donner la clé à personne, surtout
à la jeunesse « pour y aller classer *, à cause que rompraient
tous les bancs et tables, oultre que cela n'est pas séant et que
l'école n'est point destinée pour des danses »'.
VII. — Titulaires. -- Noms et qualités.
i553. Antoine Rolandi.
1554. Honoré Gaze, ^ , Ils s'engagent à chan-
1 1 cil s«9 .
Claude Arbaudi, S ter à Téglise.
iSSy. Pierre Vincens, de Varages.
i563. Clément Baudoin.
1568. Antoine Roset, de Monestier-de-Saint-Chaffrey.
1595. J. -Baptiste Blanc.
1597. Jean Delphin. \
1599 Guillaume Serpollet.
1600. Louis Taxil, 1602, 1606.
1601. Auguste D., de Trets.
1607. Joseph Vachicr.
1608. Philippe Bcrnardy, 1619.
i(')26. Claude Reynaud.
i()35. Jacques Romcuf, delà Verdicre, 1033, 1035, i638, 1639
1642, i()5o, 1658, 1659. 1660.
i656. M"Dcvaux, prêtre \
' Arch. com. BB. i3.
* Danser.
* C.ontrat du 3oct. 1672. V. appendice.
* H tient I école à la ciiapcile des pénitents, mais le Conseil proteste.
— >ÎC —
int*7. J.-B. SeîTouiiet.
1Ô71. Honore Maihi eu.
M' André Bernard, prèire, de Saini-Eiienne-dc-Croix
1Ô72, 1673. 1676. if>S2, i(vS3.
1674. Jean Barjoiion. de Treis.
1675. M** Cadei Renie, prèire. 1671^ 1677, 1071).
167S. André Raynouard, 1Ô79, i6S3.
1680. Pierre Millau. i685, i6SC\ liiSj.
iti82. M'* Albanelly, prêtre, remplace M'* Bernard.
ii)S4. Noblet. 1687, i()S8, 1689.
1688. Laugier, de Monifori, i(>90.
1693. Colombi. iCïç^,
1696. Jean Lancement.
1697. M'* Lance, diacre.
i()99. Sauvan *.
1700. Lazare Digne, de Bargemon, régenta Quinson.
1703. Romain Sicard.
1704. Jean Denain, chirurgien delà Verdière. 1723. i7a.S, 17^0,
1727, 1734, 1736.
1707. F^ierre Daudet, de la Koquehrussanne, 1708, 1709, 1710.
171 6. Joseph Gaze.
1725. Joseph Gaze. ) ., , .
^ , .5 Se partagent le iriiiieineni
Jean Denain. )
1728. Paul Jaumont, de Cadenet *, 1731. 1739, 17.1*^, i7.|.|,
* Kn 16K7, s'abscntant, il meta Sti place M" Albanelly.
< En septembre i^xyj.nn propo:»^ Lau>(ii'i, aiiavn n^^eni tW ifii^o, mai»
trop vieui et ignorant le latin, le» parcnu le refusent ci aco'ptttni l.u/uic
Digne.
* Son contrat du 27Juilk't 1727 porte setga^oa iKO livic», plu* ïvnînntt
de ses meubles et de se^ hardes «^ui v^nt a \.» f jotai <Miiiufr» ',apu«,
noi. La VtHbiERK.)
C'est le seul qui soit. re^K: i,i Jongtinrjpb vn loii«:iivii», «t il jouiMëK
d'une grande influence-.
— 8l2 —
1745, 1746, 1750, I75I, 1752, 1753, 1756, 1763, 1765,
1766, 1767, 1774, 1775.
1731 . Joseph Fouque, démissionne deux mois après '.
Franchiscou César, de Marseille A.
Paul Jaumont *.
1733. François Rigaud, de la Verdière, 1734.
1735 André Rey, de Puymoisson, apprendra le latin à tous.
1736. Jacques Thomas, même obligation.
1737. Joseph -Ambroise Audibert, de Trets.
1751 . Joseph Fouque.
1775. Louis Desgleises.
1776. Cavalier, de Barjols.
1779. Grisolle *, mort en avril 1780.
1780. Segond, de Riez.
VIII. — Pilles.
Il est rarement question d'une école spéciale de filles; il
faut donc croire que Técole était mixte. C'est ce que nous re-
marquons, d'ailleurs-, dans presque tous les villages, où l'école
de filles ne fait son apparition certaine que vers la fin du
xvir siècle ou le commencement du xv]ii''\
La première fois que nous en trouvons mention à la Ver-
dière est en ]()S4, où, sur l'ordre de M'" d'Oppède et des prieurs,
les consuls demandent une école de filles, avec une charge de
blé pour traitement, mais le (.onseil rejette la proposition *.
Le projet est repris en 1707, a la suite d'une mission donnée
' V. plus haut la luUc entre le Conseil et TArchevêque d'Aix.
■ « Il écrit aux consuls pour fere voir son caractère. ». Parle-i-il de sa
calligraphie ou bien supposet-il les consuls savants en graphologie ?
' A Méounes, on en trouve la première mention en it")73.
* .\rch. com. BH. g.
- 8i3 -
par les Pères de la Doarine Chrétienne et pour se conformer
à la sentence de visite archiépiscopale du 7 septembre 1698, à
charge cependant d'enseigner gratuitement les pauvres. Cette
fois, le Conseil adopte la proposition et on nomme Anne-Thé-
rèse Daudet, fille du régent, aux gages de 3o liv.
L*école des filles est fondée et elle durera jusqu*à la Révolu-
tion ; on peut dire qu'elle était nécessaire. Le village qui
comptait alors plus de 2.000 âmes * pouvait fournir uri contin-
gent d*élèves assez fort, les familles étant fort nombreuses,
c'est ce qui explique l'insistance de TArchevèque et du prieur,
ainsi que celle du marquis d'Oppède, seigneur du pays.
Le Conseil qui ne voyait pas volontiers, sans doute, cette
innovation, et aussi peut-être par mesure d'économie, réduit
les gages à 25 liv. en lySg et l'année suivante il les supprime
complètement. Aux protestations de l'Archevêque, il répond
4c que ce n'est pas l'usage ^, sauf depuis un an ou deux et que,
d'ailleurs, les intentions du roi et de l'Archevêque ne s'appli-
quent qu'aux étrangers et non aux gens du pays (1" novem-
bre 1734). Le Conseil cependant obéit aux ordres de l'Arche-
vêque et rétablit le traitement, puisque la même institutrice de
1737 exerce encore en i74i,aux gages de 36 liv. avec la taxe
des enfants en plus.
La liste des institutrices n'est pas longue à dresser, la même
exerçant le plus longtemps possible. On doit supposer aussi
que la régente étant souvent la femme ou la fille du régent, on
ne la mentionnait pas particulièrement.
Les Arch. Com. ne nous signalent que trois noms :
1707. Anna-Thérèse Daudet, fille du régent.
1733. Françoise Thomas, elle exerce jusqu'en 1745, année de
sa mort.
1745. Euphrosine Capus.
* D'après Achard, la commune dtait affouagée à 4 feux 1/2.
— 8i6 -
Fais et publie aud. Verdierc en la mayson de moi noi|airc] en pre*
sance de Jehan Baptisic Brun, m^' chirurgien ei Honoré Souche du
à. Verdiere requis et signe qui a seu*
Et de moi Thomas not- '.
APPENDICE
Comme suite à notre étude sur l'école de la Verdiere ci pour la
compléter sur certains points, nous donnons quelques no&es brèves
sur les écoles de Barjols au xvi' siècle ".
CheMicu de vigueric et siège d'une riche collégiale. Barfols étail^
une cité importante od les écoles florissatent.
Comme partout, le régent était nommé par la Communauté» mail
ce droit de nomination était limité, car il était partagé avec le prèvâ
du Chapitre» à qui seul incombait la charge de payer tes gagc^ du
régent. Les deux autorités intervenaient donc dans le contrat.
Les élèves étant très nombreux, !c Règeni devait toujours avoir un
« bachelier », c'esi-â-dire un adjoint pour Taider. Tous les contrats
de cette époque lui en font une obligation (i566, fSoo, iSyo, 15;^),
Pour éviter des abus probablement, on oblige le Hégenl^ à exercer
« personnellement » et non par un « tiers » (r538) ; il devra aussi
« enseigner en commun et non tenir « cambrado t ou classe particu*
liêre chez lui (iSyo, 1579).
Le programme était le môme que celui des autres écoles : • booo
letre et mœurs, fere les besoins ordtnères » (ï575}, « Tari de Ifti
grammaire et autres sciences habituelles à Tecole, fere et publie
tous les jours les normes à Taccoutumée » (ihyg)^
Le régent devait aussi enseigner le latin. « exercer en composHj
lion 1» (i56ô), « fere dire les heures, comme est de coutume et cbc
raisonnable » (1S77). La conduite des enfants à Téglisc les )Oltn
voulus et « aux processions t^ en portant € ses matines * est aussi la
règle comme partout ailleurs.
* Minutes de Thomas» not. La Verdiere 167a, foL 596, étude de M* Deme.
not. Saint Julicn^l.a-Verdière.
• Arch. diîparL Var. Artnircs civiles, série E.« t. L i* série complémeo^
la ire.
— 8i5 -
chaque jour ci le samcdy le catéchisme les mener el conduire à
Teglise feies ei dinrjanchesà la grandmessc et vêpres Meur enseigner
la civilité, teur fere obter le chapou à toutes sortes de personnes
Ihors qui y passeront audevant et empêcher tani que sera de son pou-
voirque les d.enûnis ne ce baiicni parmy eux. Bref de frre ei user en
tout comme bon père de famille et fere une actuelle residaace à la d.
escolle ' et enseigner les enfants chascung suivant leurs capacités
tant riches que pauvres indiferement sans aulcung supori ni coni-
▼ance tant grands que petits. Pour les peyoes et travaux du d,
M* Bernard le d. temps durant les d. conseuls au nom de la d. corn**
ont promis de luy donner pour ses gages ta somme de soixante escus
qui luy seront payes par cartons de troys en troys moys et ouUre et
par dessus les d. soixante livres les d. conseuls promettent luy fere
avoir sur les enfants qui luy seront mandes leur nourriture pour
toute Tannée suivant la taxe et regallement qui sera fait par tes d.
conseuls sur le rolle qui sera donne du nombre des enfants que le
d. M* Bernard aura sous luy chascun d*iceux à proportion de travail
et âge. Ëc sera permis à nul autre d'enseigner des enfants publique-
(meoij dans led. lieu. Ayns ne pourront les pères ni mercs diceux
mander ses enfants qua Icscollc du d. M« Bernard soubs peynes den
paier lataxe et nouriturediceluy conforme[ment|aux aultres enfants,
déclarant le d. M* Bernard avoit la clef de lescolle qu*esi la maison
de ville promet la randre à la fin de l'année el fera conserver les
tables et bancs de la d. escolle et empêcher que les d. enfants ne les
rompent ne pourra donner la clef de la d, maison de ville à aulcunes
personnes que Ihors quon y vouldra assambler le Conseil luy est
deffandu très expressément de la bayller à la jeunesse pour y aller
dasser à cause que rompraient lous les bancs et tables oultre que
cela n'est pas séant et que la d escolle nest point destinés pour des
danses, ce que le d, Bernard a promis d'observer ayns promet lesser
tes tables, bancs» portes, fenêtres ei serrures en letai qucst de pre-
sant.
Et pour observer ce que dessus tes d. consuls ont oblige les biens
et rantcs de la d. com*" et de s, Bernard ses biens presants el adve-
nir.
* Les enfants seront conduits à la messe tOQsles jours {«756-1737).
' Le Régent « résidera à la maison de ville qui sert d'école • (ié33).
(
— 8i9 —
XLII
LA TAXE DU PAIN A MARSEILLE
h la ffio du Xlir siècle
par M. Ad. GRÉMIEUX, Professeur au Lycée de Marseille,
Chargé (fun cours d'histoire de ta Révolution française à la Faculté
des Lettres d'Aix.
Le document que je me propose d'analyser devant vous est
une délibération prise par le Conseil général de la ville de Mar-
seille, le 3 avril 1270. Il est contenu dans un registre conservé
aux archives communales de Marseille et intitulé Liyre des
Statuts, C'est un volumineux in-folio de parchemin, à la reliure
fatiguée, aux feuillets annotés de renvois et de gloses, dont les
marges sont parfois ornées de dessins à Tencre, de forme un
peu primitive et destinés probablement à servir de commen-
taire illustré au texte écrit à côté. La description sommaire que
je vous fais de ce registre vous le montre différent d'un autre
plus fameux, que connaissent bien tous les érudits marseillais
et que nous avons tous revu avec satisfaction à l'exposition
d'art provençal. Le Livre des Statuts a pourtant la même des-
tination que le Livre Rouge, s'il n'en a pas le cachet artisti-
que. A mon sens même, il est plus précieux, puisque le Livre
Rouge ne renferme qu'une partie des statuts de Marseille, tan-
dis que celui-là ajoute aux cinq premiers livres un sixième
livre, encore inédit, qui nous met à même de connaître les
additions faites à la législation fondamentale de la Républi-
que marseillaise ci de constater ainsi au juur le jour le déve-
loppement incessant de la vie publique et de la vie privée de
cette déjà grande et importante cité.
Mais ce sont là des considérations générales qui trouveront
bientôt leur place ailleurs et sur lesquelles je m'en voudrais de
retenir ici plus longtemps votre attention sollicitée par une
toule d autres questions également intéressantes.
Le document, qui va nous occuper et dont rimportancc
économique ne vous échappe pas* est donc, à proprement
parler, un de ces nouveaux statuts que le notaire de la Com-
munauté inscrivait au jour le jour à la suite de ceux qui cons-
tituaient les cinq premiers livres.
Ce statut — le 65* du VI* livre — est intitulé De Re^imine
Panis et Pastc. Il se divise en plusieurs parties de dimensions
inégales.
La première partie, de beaucoup la plus longue, est en lalin :
c'est une sorte de procès-verbal dressé par des hommes compé-
tents enregistrant les variations du poids du pain et de ta pâte,
suivant les variations du prix des grains.
La seconde partie est placée sous la rubrique Preconisatio .
après un préambule en latin, elle consiste en une criée en
langue provençale, homologuant le procès-verbal ci-<le$sus.
Le tout est complété par une troisième partie en latin, placée
sous la rubrique De eodem et sans numérotation spéciale, ce
qui indique que ce n*esi qu'un complément des deux docu-
ments précédents. C'est une ordonnance prise en t273.au nom
du roi de Sicile, par le viguicrde Marseille, qui prescrit les con-
ditions dans lesquelles doit se faire la vente du pain et les châ-
timents infligés à ceux qui contreviendront à ces dirlérenu
prescriptions.
Nous sommes donc en présence de lensembie des mesures
législatives qui ont régi à Marseille, pendant la période sîci-
— 821 —
tienne et peut-être au-delà, le commerce de la boulangerie. Il
vaut donc la peine de soumettre ces documents à une étude
détaillée.
I
La première partie en est la partie essentielle. Ses auteurs
Vont subdivisée en deux morceaux, placés sous les rubriques
suivantes : i* De Regitnine partis et paste, rubrique à la fois
générale, s'appliquant à l'ensemble du document, et particu-
lière, se rapportant aux matières contenues dans la première
partie, c'est-à-dire au régime du pain proprement dit; 2* Ratio
Poste, s'appliquant au régime de la pâte non cuite.
Notre statut se distingue de bon nombre d'autres, inscrits
dans le VI' livre, en ce que la délibération n'est précédée d'au-
cun préambule renfermant les divers considérants qui ont
attiré Inattention du viguier et du conseil et qui ont dicté leur
délibération. Il débute avec la sécheresse d'un procès-verbal,
mentionnant la date : « Anno ab incarnatione domini nostri
Jésus Christi M^COLXX*, lïr mensis aprilis ^{Van de l'incar-
nation de Notre-Seigneur Jésus-Christ 1270, le 3* jour du mois
d'avril) et la présence du vice-viguier « existente domino Gre-
gorio, vice domino vicario Massilie^pro illustrissimo et invic-
tissimo domino nostro Karolo, regeCeciiie^, rappelant la for-
mation d'une commission « super examine ponderis panis
vendendi », composée dudit viguier et des six prud'hommes,
Pierre Guillaume, Pierre Voidier, Adam le Boulanger, Giraud
de Bochet, Raymond de Lodève et Jean l'IUumineur. C'est le
résultat des opérations de cette commission qui est consigné à
la suite et qui forme la partie essentielle de notre document.
Les six prud'hommes ont commencé par se rendre un
compte exact de la quantité de pains cuits que pouvait donner
une quantité déterminée de grains, soit une cmine de grains.
- 822 —
Achetant donc du froment, ils Font d'abord fait rcduirc en
farine, dont ils ont fait faire du pain de trois qualités, pain
blanc, pain mëjan ei pain complet (panis albus, panis média-
nus^ panis cum loto); au cours de ces différentes opérations.
ils ont soit;neusemcnt évalué les pertes ou déchets qui en sont
le résultai. Ils ont aussi évalué la somme qui devait être attri-
buée au boulanger pour son bénéfice. La conséquence de ces
deux observations a été que, quel que soit d'ailleurs le prix des
grains, il faut ajouter à celui-ci» pour fixer le prix du pain et pour
chaque éminc de crains, une somme de ti deniers représen-
tant 5 deniers pour les déchets et 5 deniers pour le bénéfice du
boulanger, celte somme resuint d ailleurs la même pour les
trois qualités de pain.
Cette première opération faite, les six commissaires ont aussi
arrêté qu'il ne faudrait tenir compte pour l'évaluation du poids
du pain d autres fractions d onces que du quart, de U demie
et des trois quarts, comme aussi qu*on ne tiendrait compte dans
les variations du prix de Téminc de blé, entre deux et cinq sous
de royaux, que des variations de trois en trois deniers au-delà du
sou* ceci peut-être bien plus pour la commodité de leur calcul
que pour l'avaniage du consommateur.
Vm possession de ces différents éléments d appréciation, les
six prud'hommes ont pu arrêter le tableau du prix du pain,
suivant les variations successives du prix des grains, en partant
du prix le plus élevé. Ainsi, leur décision a pu être prise une
fois pour toutes et s'appliquer à plusieurs années successîvesî,
contrairement a ce qui se passe de nos jours où la taxe du pain
est fixée pour une courte période de quinze jours seulement.
Pour établir ce barème, nos commissaires ne se sont pas fiés
à leurs seules lumières. Us ont fait appel à la compétence bre-
vetée d'un maître calculateur, maître Jean de Mora « magtster
et dQ<tor numeri albaci )>, Sur leur ordre, celui-ci * corn pu*
tiiPiiet tam suptascriptum quam inf raser iptum computum ad
— 823 -
instantiam predictorum fecit et composuit et ad œternam me-
moriam in scriptis redegit^ (a compté et, sur la prière des sus-
dits, a fait et dressé les comptes ci-dessus et ci-dessous et les a
mis par écrit pour être éternellement conservés).
Le tableau dressé par M* Jean de Mora comprend trente-six
paragraphes, groupés trois par trois et portant alternativement
les rubriques suivantes, avec de légères et insignifiantes va-
riantes dans leur forme, « Depanealbo; de pane mediano;
de pane cum toto, cum toto, cum toto de pane ».
Chacune de ces rubriques fixe le prix du pain, suivant les
variations du prix du grain, ce dernier prix étant successive-
ment pour rémine de 5 sous ; 4 sous 9 deniers ; 4 s. 6d. ;4S. 3 d. ;
4 s. ;3s. gd.; 3 s. 6d.;3s. 3 d.; 3 s. ;2S. gd.; 2s. 6d.; 2S. 3d. ;
2 s. ; 21 d. (dans ce dernier cas, on ne fixe que le prix du pain
complet, de même que lorsque Témine de blé vaut 5 sous, on
ne fixe que le prix du pain blanc et du pain méjan).
Pour arrêter dans ces différents cas la valeur du pain, les
prud'hommes n'en fixent pas, à proprement parler, le prix, mais
ils en déterminent le poids. Aujourd'hui, c'est le prix du pain
qui varie proportionnellement au prix du blé, le poids restant
le même : ainsi, un kilogramme de pain vaut o fr. 35, o fr. 37,
o fr. 40 centimes. Autrefois, à Marseille du moins, il n'en était
pas ainsi. Le prix^u pain ne changeait jamais et c'était, au
contraire, le poids qui variait suivant le prix du grain. Ainsi,
on faisait trois sortes de pains, le pain d'un denier (denariata
panis), le pain de deux deniers (dupplerius) et le pain de quatre
deniers (quartenarius). Donc, pour une même somme d'argent,
l'acquéreur n'avait pas toujours une même quantité de pain.
Cette différence a peut-être pour cause l'inexpérience du public
de cette époque en matière de poids et, au contraire, la signifi-
cation précise que devait avoir à ses yeux l'expression de pain
d'un, de deux ou de quatre deniers. L'institution de prud'hom-
mes peseurs du pain, dont l'existence est mentionnée par notre
— 824 -
troisième documcni (rordonoancc du viguier de Marseille de
1273), nous paraît confirmer cette hypothèse.
Quoiqu'il ca soit, les boulanf;ers avaient dans le tableau de
M* Jean de Mora. des indications sutTîsammcnt précises pour
que ni leurs intérêts ni ceux des consommateurs ne soient lèses»
par les incertitudes ou les erreurs de calcul qu auraient pu en-
traîner les changements peut-être fréquents du prix du pain.
Ils savaient, au contraire» fort bien à quoi s'en tenir et ils ne
pouvaient pas, par la suite» alléguer pour excuse rignoranoc.
Le poids du pain blanc que le boulan^^er devait lournir à sa
clientèle pour un denier {denariaia panis albi), ou pour deux
et quatre deniers, variait donc ainsi* suivant que rémine de
grains valait Tundes prix précédemment indiqués entre 5 sous
et 2 sous.
i>K L'avise 1
POIDS UV PAIX ϻE
POmS ou PAIN DE
I denier
2 de ai ers
4 deniers
1 denier
a tienters
4 denien
5 sous
-1 i. f4 d,
4 S. h à.
4 sous 3 d.
4 sous
3 5. g d.
3 s. il d.
i3*"'" 14
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ï' 12* 1/2
3" i V
3' 4* ^/a
S, 10
6', « %*
7'^
De même, nous pouvons dresser les deujt tableaux suivants
pour le pain méjan cl pour le pain complet.
t. PAIN MÊJAN.
PHIJt
POtDS n\] PAIN DE
PRIX 1
POIDS DU PAIN DE
ÛF. 1 'àMl.'tE
j denier
1 deoicrE
3 denieri
DE L'ÉMIKS !
1 denier
2 deoîert
s deniers
5 SOUS
1' 1
2'
4*
3 5. 3 d. '
1' 6* 1/2
2' l3'
5" I 1 ' i
4 S. i* d
é6-"
33
4*4*
3 sous
V 8*
3' !•
6 1'
4s. 6 d.
1' I- 3/4
2» i* 1/2
Vr
2 $. a d.
2 s. 6 d.
1' g* i/J
3'4-
6't»
4 s. 3 d
r 2» 1 2
2' 5-
4' 10-
1' 11* r/4
V r '/«
7*
4 sous
1' 3' 1/4I
2' 6-13
iir '
1 s. 3 d.
1' i3- l'i
y 12-
7'H-
3 s t>d
1' 4» 1/4
■' 5' J/4
2' «* j/i
a »ous
2' r
4* !•
»'4'
3 s. h d.
»' iO^ 1 2
y6"
— 825 -.
3. PAIN COMPLET
PKIX
DE L'iMINE
POIDS DU PAIN DE
PRIX
del'émine
POIDS DU PAIN DE
I denier
3 deniers
3 deniers
I denier
3 deniers
3 deniers
5 SOUS
3 s. 3 d.
l'iO*
3;5-
6' lo*
4 S. 0 d.
I' 3* 1/2
2' r 1/4
4'i4*
y2*
3 soas
1' II» 1/2
3*8-
7' '•
4 s. 6 d.
IQ« 1/4
/5»
2» 9- 1/2
2 s. 9 d.
2 s. 0 d.
1' i3« 1/2
3' 12-
g:r-
4 s. 3 d.
2' lO»
5' 5»
2' 1/2
4' !•
4 soas
r ey
a' 12»
5'9^
2 s. 3 d.
2'3^
4' 6-
8' 12-
3 S.9 d.
3 s. 6 d.
I' 6^3/4
2' |3» 1/2
5' 12-
2 SOOS
2' 5* 3/4
4' II' 1/2
5*3-
9'8-
I' 8« i/?
3'2-
6'4-
21 deniers. 2' 9*
10' 6»
Certains Marseillais ou, plus exactement peut-être, certaines
ménagères marseillaises, aimaient mieux faire cuire elles-
mêmes leur pain, soit parce quMls pouvaient en diriger la cuis-
son à leur goût, soit parce qu'ils y trouvaient leur avantage.
Dans ce cas, ils pouvaient se procurer de la pâte toute prête
chez le boulanger. Notre document contient, en effet, sous la
rubrique /îa/ioPas/e, les différents prix auxquels sera payée la
pâte suivant les différents prix du blé.
Les prudhommes et M* Jean de Mora ont d'ailleurs procédé
pour la pâte comme pour le pain. Après avoir estimé le rende-
ment en pâte d'une émine de blé, ils ont également fixé à 1 1
deniers par émine la part de déchets et le bénéfice du boulan-
ger et ils ont dressé le tableau du poids de pâte que le con-
sommateur obtenait pour un denier, deux deniers et quatre
deniers, suivant que l'émine valait de 5 sous à 2 sous pour le
pain blanc et le pain méjan, et de 4 sous 9 deniers à 21 deniers
pour le pain complet.
Notre texte nous fournit donc les trois tableaux suivants,
séparés sous les rubriques : « 1 Ratio Paste. — De pasta alba.
— 2. Hec est ratio de pasta mediana. — 3. Hec est ratio de fa-
ciendum panem cum toto. »
Dressons à notre tour les trois tableaux ci-dessous, que nous
pourrons comparer avec ceux relatifs au prix du pain établis
précédemment:
— 826 -
I. PATE DE PAIN BLANC
fUlX
POIDS DU LA PATE DK
fiU GRAIN
POIDS
DE LA PATL DE
1 dctiicr
3 deniers
3 deniers I
ï dceicf
3 deniers
î dcnifti
3 sous
.5 — 1/2
i3—
4' 6*
3 S. 3 d.
25 1/2
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4 s. 0 d.
i?*" 1/4
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3 sous
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4 S. 6 d.
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1 s, Q d.
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.' .3- 1/4
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7* a-
45. 3 d.
i' 4"
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4 sous
ao*
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a s. 3 d.
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2J
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5'9-
2 sous
2' ?" »/4
1' 7" »/a
9'
3 s. r» d.
.2 1/4
44^* '/3
5'ir
2. PATE DE PAIN MÊJAN
wnix
DU G«UIH
POIDS DK LA PATE Dfcl
rurx
l>U tiflAIW
POIDS DE LA PATE DE
1 denier
I denier»
3 deniers
I dénier
a deniers
î dtoiers
5 sous
17" *' i/i
35*
4* lo-
3 S. 3 d.
a3-
3, V
6' 10'
4 s. 0 d.
4 s. 6 d.
18' i/a*
3r
4' "4'
i sous
a6*i/t
>*8*
f 1-
190
38- 12
5' 2"
'À s, Q d
a»" i/i
57
/ «• ./a
7'9-
4 s. 3 d
ÎO"
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a s. 6 d.
3o*3/4
S' y
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5'9-
2 s- 3 d.
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S'ia-
3 s, g d.
22" 1/4
44- .2
5,M-
a sous
2' 5- 3/4
4' II» i/j
Ç»*Q'
i s, è d.
23' r/3
47"
0,4-
3. - PATE DE PAIN COMPLET
PRIX
DV ORAIN
POIDS DE LA PATE DE
DU OaAlK
POIDS DE LA PATE Dï
1 denier
3 Jcnier»
3 deniers
1 denier
a deoïers
3 deoîcrt
4 S. cj d.
4 s. b d.
22" 1/2
4V
6'
2 sous
a' a» 12
4' 5-
8' ro*
33- 1/2
3? 4" 1/2
6' 4- '
a .%. 9 d.
a s. 6 d.
a- 4- 3/4
4' 9' >/a
5' i/a- ,
9*4'
4 s. 3 d.
.' 9* 3/4
6' Q*
a' 7- 14
to' 1*
4 sous
^y 3/4
3' 6*
6' i3*
a s. 3 d.
a' lo- 1/4
5- b i/a
10' li*
3 s. 9 d.
a;- 1/4
3' y 1/2
7' 4"
3 sous
a i3v»3/4
5' !*• ï/a
rV 5- ija
11* 10*
3 s. 6d.
ao-
3' 13-
g:;i"
21 deniers
3' »• 3/4
!*• ICT
? s, 3 d.
a'^o- 1/34' i*
Si nous comparons ces trois tableaux avec les trois tableaux
précédeats, nous constatons d'abord* en ce qui concerne le pain
blanc, que la quantité de pâte obtenue pour 1 denier est supé-
rieure à la quantité de pain- obtenue pour la même somme.
Ccst la conséquence naturelle de l évapora tion produite pcn*
dam la cuisson dune partie de Teau mêlée à la farine pour la fa-
— 827 —
brication du pain. Les auteurs du barème de 1270 ont tenu
compte de ce fait, puisqu'ils donnent pour un denier 3 onces
1/4 de pâte de plus que de pain quand Témine de grain vaut
5 sous. Mais la différence entre le poids de pâte et le poids de
pain blanc donné pour un denier va en augmentant à mesure
que le prix de Témine de grain diminue. Ainsi, quand il tombe
à deux sous, tandis que le pain d'un denier pèse i livre 12 on-
ces, I denier de pâte pèse 2 livres 3 onces 1/4, ce qui, réduit en
onces (ici la livre est de i5 onces), donne respectivement 27 on-
ces de pain contre 33 onces ef quart de pâte, soit 6 onces 1/4 de
pâte de plus que de pain.
La différence relevée entre la taxe du pain méjan et de la
farine de pain méjan est un peu moins forte. Dans le premier
cas — celui où le grain vaut 5 sous Témine — , le boulanger ne
donnera pour un denier que 2 onces 1/2 de plus de pâte que de
pain ; et quand le prix du grain sera tombé à 2 sous Témine, il
donnera 4 onces 3/4 de plus de pâte que de pain.
En ce qui concerne le pain complet, au contraire, la diffé-
rence entre le poids de pain et le poids de pâte vendus pour un
denier est plus considérable. En effet, dans le cas d'extrême
cherté du grain, soit 4 sous g deniers, elle est déjà de 4 onces,
et elle s'élève à 8 onces 3/4, quand la valeur du grain tombe à
21 deniers.
Il y a donc eu une augmentation de la perte du poids subie
pendant la cuisson, quelle que soit la qualité du pain, et cette
augmentation a toujours été dans un même rapport pour cha-
cune de ces trois qualités de pain blanc, méjan ou complet.
Pouvons-nous dire maintenant que cette différence soit due
exclusivement à l'évaporation de l'eau produite pendant la
cuisson ? Dans ce cas, les boulangers de Marseille du xur siè-
cle auraient eu l'habitude de faire cuire davantage leur pain,
quand le grain était bon marché que lorsqu'il était cher, et les
— 828 —
auteurs de la taxe auraient changé en loi ce qui n^auran eic
tout d'abord qu'un usage.
Nous savons cependantaujourd'huiqu^un pain bienfait doit
contenir de 28 à 3o '/„ d'eau au soriir.du four, le pourcentage
variant d ailleurs avec la température dw lieu* et quHI a perdu
pendant la cuisson i6»5o 7,. de liquide. Ce sont là, nous a
affirmé le spécialiste auquel nous nous sommes adressé, les
principes de la]:>anîrïcation contemporaine. Ainsi 100 kilogram-
mes de farine représentant environ 166 hectolitres de blé de
bonne qualité, produisent de 120 a 1 35 kilogrammes de pain.
Il nous serait diilîcile de trancher à peu près complètcraeni
cette question de la fabrication du pain, posée devant nous par
les différences de poids que nous avons relevées entre le pain
cl la pâte vendus pour i, 2 et 4 deniers» si noire document ne
nous permettait de calculer et d'établir nos prévisions sur dc^
quantités plus considérables que celles qui nous ont été four-
nies par les tableaux précédemment analysés. En effet, avant de
procéder à la taxation proprement dite du pain et de la pâte,
les six prudhommesct le maître calculateur» Jean de Mora,ont
fait deux opérations préalables qu'ils ont répétées pour chacune
des trois qualités de pain et de pâte livrés au commerce p^r les
boulangers de Marseille. Ils ont cherche quelle quantité de
pain et de pâte pouvait produire une émine de blé, Lexpc-
rience ainsi faite leur a fourni les résultats suivants :
Une émine de grains à cinq sous produit 62 livres 1 1 onces
de pain blanc bien cuit (Etjecerunt primo fieri panem albui
et pondcraverunt panes unius eminc bette cocium LXll Hbras'
et XI itncias), et 72 livres de pain méjan (Ex hac emina an-
none /ecerunt fieri panem medianum et panes de dicta emina
bene cocti ponderaperuni LXXI/ libras., ,) De même» uncémîne
de grains à 4 sous 9 deniers produit 83 livres 5 onces 1/2 de
pain complet (Emerunt... aliam cminam Jrumenti que costi-
— »29 —
lit IIU'^^ solidos et iX denanos... et indejeceruni fieri panem
ad totum et panes qui inde exierujit ponderapcrunt LXXXIII
iiàras et V uncias et mediam...)
Les commissaires agirent de mèmcpourla tixaiîonduprixde
la pâte. Ils trouvèrent qu une éminc de grains à 5 sous pro*
dutsait 7X livres ei 8 onces de pâte de pain blanc (Ponderave-
runt pastam unius emine ad faciendum panem album et int*e*
nerunt quod ponderabat LXXVIII libras et VIII uncias) ei
83 livres 4 onces 1/2 de pâte de pain méjan (ponderaint pasla
unius emine de pane mediano in fiumma LXXXI libras, et
propter augmentum eminarum jungimus II libras et II II un-
cias et dimidiam, et ita pondus in summa per totum LXXXIII
libras et III uncias et dimidiam). Enfin l'émine de grain à 4 s.
9 deniers produit 98 livres 4 onces t/2 de pâte de pain complet.
(Quatuor solidos et IX denariosjuit empta emina annone ad
faciendum panem eu m loto..* et ponderapit pasla unius emine
LXXXX VI libras et addiderunt II libras et II II uncias ei
dimidiam pro creissemento vel augmento emina bladi .J)
Ainsi, ces différents chiffres, 62 livres 1 1 onces de pain blanc
et 78'. 8 onces de pâte, 72 livres et 83', 4 onces 1/2 de pain mé-
jan et de pâte, 83^ 5 onces j/a et 98^ 4 onces de pain complet
et de pâte, nous donnent respectivement une perte produite par
l'évaporation de 25,j85 "/» pour le pain blanc, de 15,648 V,
pour le pain méjan, de 17,92 7- pour le pain complet.
Si les chiffres ne sont pas absolument identiques à ceux qui
nous ont été fournis par tes praticiens contemporains, cela
provient de ce que les procédés de fabrication de la farine et
|cs procédés de fabrication du pain se sont sans doute quelque
peu transformés entre le xiii*^ et le xx' siècle. Il n'y avait pas au-
trefois la même régularité de fabrication que nous constatons
aujourd'hui. Le pain de première qualité^ contenant moins,
d*eau que les deux autres* devait être plus cuit Au contraire.
- 83o —
le pain méjan était le moins cuii des trois, puisque la paie ne
perdait à la cuisson que 15*648 7,. C*éiaii d^ailleurs peut-être la
la seule différence entre le pain de deu^iième qualité et le
pain blanc, puisqu'ils paraissent avoir été faits avec des grains
de même prix. Quant au pain complet, plus cuit que le pain
méjan (17,92 7„ au lieu de 15,648 7.). mais moins cuit que le
pain blanc, il se distinguait encore des deux par les grains dont
il provenait et qui étaient, leur prix le prouve» de qualité infé-
rieure.
III
Nous avons encore à présenter, à propos de cet imponant
document, un certain nombre d'autres observations relatives
au prix et au poidsdcs grains et du pain, observations qui nous
permettront d'établir une nouvelle comparaison entre le xiu*
siècle et notre époque.
Et tout d'abord, Texamen rapide de nos six tableaux nous
fait constater combien le cours des grains pouvait varier à cette
époque, puisque les auteurs de ces tableaux ont dû envisager
des prix variant entre 5 sous et 2 sous l'émine.
Pour nous faire une idée exacte de ces variations, cherchons
à déterminer la valeur de 1 emine et la valeur du sou, en poids
et en monnaie d'aujourd'hui. Un guide de premier ordre nous
permettra d'ailleurs de faire un rapide calcul : c'est louvragc
du regretté Blancard, Essai sur la monnaies de Charles /••.
L emine était à Marseille au moyen âge la mesure de cif
cité la plus usuelle. Elle parait d'ailleurs avoir eu, dans cetie
ville* une valcursupérieureà celle qu*elle avait en d'autres loca-
lités de Provence. Blancard (p. 349) observe, en etfct, que
m rémine était un demi-seiier i^, et comme le setier contenait
23^90 ou 38 à 40 litres environ, Témine aurait contenu 1 1^
ou 19 à 20 litres. Mais il constate aussi ailleurs (op. cil,, p. 43i)
^ 83i -
que « la mesure usitée pour le blé, à Marseille, en 1264, était la
charge ; la charge se divisait en émines, à savoir : en sept émi-
nes au maximum et deux au minimum. Après le xiii* siècle, le
rapport de la charge à Témine fut fixé de façon sans doute à
consacrer Tusage ; mais, peu à peu, ce rapport perdit une par-
tie de sa justesse et, à la fin du siècle dernier (xviii* siècle), la
charge marseillaise contenait 154 litres 76 et Témine 38 litres :
la première n'était donc plus un multiple exact de la seconde ;
cependant, elle Tétait à i/5o près. Ce i/5o perdu par Témine à
travers les siècles, je n'ai pas hésité à le lui restituer, par ce fait,
à en porter la contenance au quart exaa de la charge, c'est-à-
dire à 3i litres 69 ». Nous allons examiner si, avec les données
fournies par notre document, nous pouvons confirmer ou infir-
mer cette hypothèse.
Nous avons déjà indiqué que les six prud'hommes achetant
une émine de blé en avaient tiré 62 livres 1 1 onces de pain blanc.
Ce poids représente environ 29 kilogrammes 946 grammes de
pain. Blancard établit, en effet* que la petite livre marseillaise
de 12 onces équivalait à 38i*'892. Or, les tableaux de M* Jean
de Mora nous le montrent, il s'agit ici, non de la livre de
12 onces, mais de la livre de i5 onces, dont le poids, en tenant
pour exacts les calculs de Blancard, doit être naturellement de
Ml gT.n X «^^ c'est-à-dire de 477»'365. Ce rendement de 29^946 à
l'émine équivaut à un rendement de 77*399 de pain à l'heao-
litre. Or, il est établi, aujourd'hui, qu'un hectolitre de blé pro-
duit 77*^477 de pain de première qualité. Ainsi, en 1270, le
rendement était sensiblement le même qu'aujourd'hui, du
moins en ce qui concerne le pain blanc, puisque, pour ce qui
est du pain méjan et du pain complet, le rendement était res-
pectivement, d'après les barèmes de nos six prud'hommes et
de M« Jean de Mora, de 34*^370 et de 35^oo6 à 1 emine de 38 li-
tres. En outre, les calculs que nous venons d'établir, en sui-
- 832 -
vatit les indications fournies par noire document, confirmcm
les calculs de Blancard sur la valeur de rémrne de Marseille.
Ce sont encore les recherches du même auteur qui nous per-
mettront de fixer la valeur de la monnaie qui était en usa^â
Marseille à la fin du \m" siècle et d'établir ainsi le prix du
pam et celui du blé, trouvant là une différence profonde eniç
les prix du xiii* siècle et ceux de Tépoque contemporaine.
La monnaie en usage à la fin du xni' siècle était le roy^al
coronal ou menu marseillais. On la décomposait pour U com-
modité des comptes en denier, sou et livre, le sou renfermaoi
12 deniers et la livre 20 sous, A la suite de modifications sur-
venues dans le courant du xiu* siècle, à une date que Blancar
ÛKcùi 1253, la valeur intrinsèque du denier de royaux coronais
se maintînt jusqu'en i283 à o fr, o663o.
Les boulangers de Marseille vendaient donc des pains de
i denier ou o fn o663o, de 2 deniers ou o fr. i326o et de 4 de-
niers ou o fr. 26520, Mais ces chiffres ne représentent pas U
valeur exacte de la marchandise vendue, puisque le poids du
pain vendu, i, 2 et 4 deniers, variait avec le prix des blés» Ainsi,
pouro fr. o663o, le consommateur recevait tantôt 421*^5, tan-
tôt SSg"' de pain blanc, tandis que, pour la même somme, U
recevait» en pain méjan, 477»'365 et 98r»*'573, et, en pain com-
plet, 589*' et 1^241. Si nous prenons, comme prix moyen de
rémine de grains, le prix de 3 sous 6 deniers, nous avons res-
pectivement les trois chiffres suivants représentant le poids du
pain de 1 denier ou de o fr. oô63o pour chacune des trois qua-
lités, 564*'88ïï ; 644*^4420 ; 747«'8709* c'est-à-dire que.
aucune des trois qualités, le poids n'atteint un kilogramme.
Nous aurions cependant une idée imparfaite de ces prix si
nous n*ajouiions pas ici quelques indications sur ta valeur rela-
tive ou pouvoir d'achat de la monnaie en usage à cette époque.
D'après Blancard, celle valeur serait respectivement deo fr. 3<>
— 833 —
pour le denier, 4 fr. yS pour le sou et gS fr. 19 pour la livre de
menus marseillais, c'est-à-dire que, pour une quantité de pain
qui n*atteint jamais un kilogramme, les Marseillais du xnr siè-
cle étaient obligés de débourser une somme équivalente à celle
qu'ils déboursent aujourd'hui pour se procurer un kilogramme
de pain.
Là ne s*arrête pas, d'ailleurs, la différence que nous avons à
relever entre le régime de la boulangerie au xin* siècle et le
régime contemporain. Nous avons surtout à constater les gran-
des variations du prix du blé au moyen âge. En effets si nous
nous reportons aux tableaux que nous avons transcrits, d'après
Jean de Mora, nous constatons que les commissaires chargés
d'arrêter la taxe du pain ont dû envisager treize conditions,
suivant que Témine de blé valait de 3 sous à 2 sous de royaux
coronats, et même 21 deniers seulement pour les blés de qua-
lité inférieure, c'est-à-dire de 3 fr. 978 à 1 fr. 59120 et i fr. 39230,
en valeur absolue et de 23 fr. yS à 9 fr. 5o et 8 fr. 3 16 en valeur
relative, pour Témine de 38*69, soit entre 10 fr. 28, 4 fr. 11 ou
3 fr. 34 en valeur absolue et 62 fr. 5o, 24 fr. 57 et 2 1 fr. 88 pour
l'hectolitre en valeur relative. Or le blé ne vaut aujourd'hui
que de 18 à 20 francs l'hectolitre et l'effort du produaeuret du
consommateur, aidés parfois par les gouvernements, est de le
maintenir à un prix uniforme.
Ainsi, ces importantes variations de prix expliquent combien
il éuit juste que Tapprovisibnnement de leur ville en grains
préoccupât les administrateurs marseillais. Pendant longtemps,
cette préoccupation a été presque exclusive. Les Statuts de
Marseille sont remplis de prescriptions à ce sujet et les déli-
bérations du Corps de ville sur cet objet se renouvellent inces-
samment depuis le moyen-âge jusqu'à la veille de la Révolu-
tion.
Cependant, à Marseille, port de commerce où il était relati-
COlKmÈS — 63
- 834 -
vemcnt facile de se procurer des blés étrangers, destinés à remé-
dier à l'insuffisance de la récolte locale, très faible d'ailleurs,
la situation ne laissait pas que d*étre difficile, comme en témoi-
gne le document que nous venons d'analyser. Que dire du reste
de la France où, aux difficultés locales, résultant des imperfec-
tions agricoles, venaient s'ajouter des difficultés extérieures,
provenant des péages, des droits et des prohibitions établis sur
les grains de provenance étrangère. Ainsi s'expliquent les di-
settes dont eurent à soufl'rir maintes fois les populations du
moyen âge et dont les Marseillais ne pouvaient être préservés
que par la sollicitude et les prescriptions de leurs magistrats
municipaux. La taxe établie en 1270 nous montre; mieux que
les délibérations d'ordre général précédemment mises au jour,
combien étaient légitimes les mesures prises par le Corps de
ville pour préserver la cité de la disette et les citoyens miséra-
bles des spéculations des marchands de grains et des boulan-
gers.
— 835 -
XLIII
HUILES DE TMSIE ET HUILES DE PROVENCE
PAR
M. Ernest LACOSTE, Membre de l'Académie d'Aix.
Au cours d*un récent voyage en Algérie et en Tunisie, j'ai
été frappé du développement considérable que prennent dans
notre colonie nord-africaine certaines cultures qui, il y a peu
d années encore, étaient particulières au Midi de la France, et
plus spécialement à la Provence.
Je ne parlerai ni des céréales, dont la culture, déjà prospère
à répoque romaine, faisait de la Mauritanie le grenier de
Rome ; ni de la vigne, dont l'extension, chaque année plus
considérable, s'alliant à une meilleure application des métho-
des scientifiques de vinification, a fait des vins d'Algérie de
sérieux concurrents des nôtres, victimes d'une crise déjà an-
cienne; je ne dirai rien du figuier, qui trouve en Algérie sa
terre de prédilection, mais dont les produits sont presque tota-
lement consommés sur place, constituant un appoint notable
dans l'alimentation des indigènes; ni de l'amandier, quoique
sa culture s'étende et que, moins éprouvé par les gelées du
printemps, il puisse devenir un danger pour le commerce
aixois, surtout dans une année aussi mauvaise que celle que
nous traversons; l'amande d'Afrique, généralement moins fine
que celle de Provence, ne semble pas devoir être pour elle une
rivale redoutable.
Mais la culture qui s étend 1res rapidcmeni dans une grande
partie de nos possessions nord-alVicaines, c'est celle de l'oli-
vier; si elle n*esl pas encore une menace immédiate pour la
région provençale, elle peut le devenir quelque jour, en Tunisie,
notamment ; d'autant plus qu*cn Provence, où beaucoup d'oli-
viers ont cté arrachés, leur culture décroît sensiblement.
Celle similitude entre les productions de ces deux rivaj
français de la Méditerranée, d*où, fièrement assises sur leurs
collines ensoleillées, Marseille et Alger se regardent en sœurs
prêtes à se jalouser, s'explique facilement par la grande ana-
logie qui existe entre la nature des terrains de la Provence cl
des plaines du Nord de l'Afrique, par la parité du climat et en-
!in par la colonisation qui a amené dans ces pays des peuples
de même sang latin, français, notamment provençaux, italiens
et espagnols : habitués aux cultures de leur sol natal, ils s'y
sont livrés dans leur nouvelle patrie où ils se trouvaient dans
des conditions semblables à celle qu'ils connaissaient déjà.
En Algérie, Tolivier est cultivé dans une proportion rclali-
vement restreinte; nous en avons vu cependant des champs
assez considérables dans le massif de Tlcmccn, notamment
à Mansourah ; de même aux abords de Tizi-Oujtou et de
Beni-Mançour* Outre ces cultures, j'ai trouvé de très grandes
étendues couvertes d'oliviers sauvages, dont la plupart sont
greffés et commencent en certains points A donner des résul-
tais appréciables : je signalerai les vallées de rOued-Djcrei de
rOued-Zeboudj, aux abords de Miliana, divers points de la
Grande Kab) lie, et la vallée de la Seybouse, entre Hammam
Meskouiine ci Duvivier. La tradition veui qu'une partiede ces
sauvageons proviennent des plantations qui existaient à l'épo-
que romaine ; les huiles de Mauritanie, sans avoir b finesse
de celles de Campanie que vantent Horace et Pline^ étaî
alors l'objet d'une exportation importante.
-837-
Quoi qu'il en soit, la production totale de Thuile en Algérie,
qui atteint actuellement environ 280.000 hectolitres, sert sur-
tout à la consommation locale et ne semble pas appelée à in-
fluer notablement sur le marché européen, d'autant plus que
ces huiles sont loin d'avoir la finesse dégoût de nos huiles de
Provence.
11 n'en est peut-être pas tout à fait de même en Tunisie, où
Tolivier semble appelé à un très grand avenir. Le sol d'une
grande partie de la Régence, moins accidentée que l'Algérie,
se prête à une extension presque indéfinie de cette culture, qui,
déjà très florissante sous la domination romaine dans la Vêtus
Provincia et dans la Byzacène, où l'on retrouve encore des rui-
nes d'huileries antiques, s accroît chaque année rapidement.
Avec une surface et une population inférieures à celles de
l'Algérie, la Tunisie atteint, comme production totale d'huile,
un chifi're assez voisin de celui de sa voisine, soit environ
25o.ooo heaolitres, dont un tiers s'exporte en France. Les sta-
tistiques ne sont pas faites partout avec une précision suflï-
sante pour qu'on puisse évaluer avec assez* de certitude la
superficie cultivée en oliviers ; mais le voyageur peut jus-
qu'à un certain point se rendre compte de la grande impor-
tance de cette culture. Entre Tabarka et Souk-el-Arba,
entre cette dernière localité et le Kef, on traverse un grand
nombre de vastes domaines en olivettes; il en est de même
quand on se dirige vers Bizerte. soit par le Bardo, soit par la
Marsa ; de même aux abords de Zaghouan et dans la région
du Kef, notamment à Trestour, à Tcbourtouk, à Feriana,
centre d'anciennes huileries romaines.
Mais c^st dans la région au sud du Cap Bon, l'ancienne
Byzacène, que se trouvent les plus importantes cultures : à
Fondouk-el-Djedid, la voie ferrée traverse une véritable forêt
de très beaux oliviers, en plein rapport, au nombre de près de
— 838 —
uSoo.ooo ; plus on approche de Soussc, I ancienne Hadrumètc,
plus on est entouré d'olivettes; une partie du vaste domaine
de l'Entida en est complantée; Kalaa-Kebira, Ralaa-Srira*
Akûuda, Hammam Soussc dressent leurs silhouettes d'un
blanc éblouissant au milieu de forets d*oliviers; chaque village
â ses hoileries. Cest la principale culture de Sousse ei de son
Sahel ; en allant à Kairouan, c'est encore cet arbre qu'on
retrouve jusqu'à Oued-Laya, et enfin, plus au sud encore,
Sfax est entourée de plus de i5o.ooo hectares renfermant plus
de 3.00O.0OO de plants, en partie en plein rapport, et on en
plante chaque antlée.
En présence d'une telle extension de cette culture, exteasiaQ
qui, avec le temps» peut s'accroître encore, il est permis de se
demander quelle répercussion peuvent exercer, dans un avenir
peut-être prochain, les huiles de la Tunisie sur le marché géné-
ral des huiles, marché où la Provence occupe une place impor-
tante, mal^'ré les circonstances qui, depuis un certain nombre
d'années, ont amené à restreindre la culture de l'olivier et
même à la faire disparaître dans quelques communes.
L'olivier» en Tunisie, atteint des proportions beaucoup plus
considérables que chez nous, et son feuillage, d^un vert beitt*
coup plus foncé qu'en Provence, parait Tindice d*unc force de
vcgeiaiion notablement plus intense. Mais cette supcfjorilè
s exerce souvent au détriment de la qualité du fruit ; c'esl
ainsi que dans le Var, où Tolivier est généralement plus vigoil*
reux que dans Farrondissement d'Aix, Thuile est moin^
estimée et sa valeur marchande est notablement inférictirte à
celle des huiles d'Aix.
Les huiles tunisiennes ont une assez mauvaise réputation
comme huiles de table, on leur trouve le goût de fruit trop
prononcé, et comme huiles de friture, on leur reproche tiiic
odeur très désa^^reable et on se plaint aussi qu'elles consom-
ment beaucoup plus que nos huiles fines.
— 839 -
Ces reproches ont du vrai, quoique! y ait huiles tunisiennes
et huiles tunisiennes ; j'ai goûté, un peu exceptionnellement
peut-être, des huiles comparables, sinon aux produits supé-
rieurs d'Aix, aux meilleurs du Var, ayant légèrement le goût
du fruit, ce goût qu'un certain snobisme, malheureusement
un peu répandu même en Provence, semble Vouloir interdire
à l'olive, pour favoriser une foule d'autres plantes oléagineu-
ses; mais ces huiles dont je parle ici n'étaient que peu fruitées
et prouvaient que, même sous le climat chaud de l'Afrique du
Nord, même avec des oliviers majestueux, remplis d'une sève
ardente, on peut obtenir des produits supérieurs. Le choix des
plants et des greffes, l'aménagement intelligent des arbres, les
méthodes de culture et d'engrais conformes aux données de la
science moderne, ont déjà donné des résultats fort apprécia-
bles ; et enfin, sur certains domaines, on a commencé à renon-
cer à l'habitude d'attendre la maturation exagérée de l'olive, et,
au lieu de la ramasser à terre, on la cueille, sur certains points,
juste au moment où la qualité n'est pas compromise, sacri-
fiant intelligemment un peu de la quantité.
L'écueil pour nous. Provençaux, dans cette concurrence, gît
dans le prix de la main-d'œuvre, excessivement basse en Tuni-
sie, où les meilleures huiles peuvent se vendre sur place à
0 fr. 70 ou o fr. 80 le kilogramme ; rendues en France, on peut,
et j'en connais des exemples dans les Basses-Alpes, les avoir à
1 fr. 25, prix inférieur à celles du Var, et ajortiori à celles de
la région aixoise. Outre le bas prix de la main-d'œuvre, la
constitution de vastes domaines est évidemment plus favorable
au bon marche du produit que la petite propriété. Il est vrai
que, même en Tunisie, la main-d'œuvre est sans doute appelée
à renchérir, mais comme, en France, elle suit toujours une
progression ascendante, l'écart variera peu.
Ces questions, sur lesquelles j'appelle modestement l'atten-
— 840 —
tion de nos agriculteurs, n'ont rien cependant qui puisse les
alarmer, étant donnée la supériorité incontestable des produits
de notre sol ; mais les huiles tunisiennes, surtout améliorées,
peuvent entrer quelque jour pour une forte proportion dans
les usages industriels, et même, les meilleures, dans les coupa-
ges que l'on pratique partout si largement.
— 84r —
XLIV
UÉn les Synllcats Agricoles les Alpes et k FroTeoce
et son ceinrre,
par H. de MONTRIGHER, vice-président de 1 Union.
L'union des Syndicats dos Alpes et de Provence est une des
manifestations les plus efficaces et les plus fécondes de Tesprit
de décentralisation et de régionalisme, de ses ressources et de
ses résultats.
Créée en 1895, avec 37 Syndicats, l'Union compte aujour-
d'hui près de 280 Syndicats et ligue autour de la bannière du
solidarisme le plus étroit près de So.ooo adhérents.
Cette imposante armée de travailleurs de la terre, source de
toute richesse, propriétaires, régisseurs, fermiers et ouvriers •
agricoles, fidèle à sa devise, a substitué à la lutte, l'union pour
la vie.
Une organisation générale de coopératives de crédit, d'achat
et de consommation, de production et de vente et d'assurances
mutuelles de toutes espèces, aboutit à une véritable socialisa-
tion volontaire des moyens de production, suivant la formule
collectiviste ; et l'apprentissage mutualiste ne cesse de s'étendre
et de se développer par des fondations nouvelles : Assurances
mutuelles contre l'incendie, la grêle, le gel et la mortalité du
bétail ; Assurances sur la vie; Mutualités pour secours en
cas de maladies ; Caisses de retraites ; Enseignement agri-
-^ 842 —
cole; Concours ; Prix ; Livrets de Caisse d'Epargne pour les
cours d'apprentissage.
Uâgent technique qui, parmi les paysans et les ruraux, lient
la plume, établit la comptabilité, rédige et convoque, c est le
plus souvent l'instituteur primaire. Ce collaborateur modeste.
mais le mieux qualifié de l'éducation sociale, peut ainsi don-
ner libre carrière à sa belle et noble lâche, et semer largement
le bon grain de la science et de la morale sociale dans un ter-
rain propice et qu'il a pu lui-mômc approprier de longue
main.
La coopérative sous ses diverses formes réalise le programme
économique et social de la société nouvelle.
l'aile concilie et résume dans une union d'une haute portée
morale et pratique» les intcrèls diverycnis, mais non opposés,
du capital ei du travail, en utilisant également leurs actions
complémentaires, mais en affranchissant le travail du joug de
la tinance.
Le crédit agricole, les coopératives de consommation ci les
coopératives de production, sont les trois institutions néccssai*
res à la vie des syndicats professionnels, tels que les a consti-
^ tués la loi du 2 avril 1884.
Les caisses de crédit rural de chaque syndical ont pour bas^
de leur fonctionnement la garantie illimitée des risques, en-
dossés par tous les coopéraieurs affiliés à une même caisse
Les premiers fonds sont alloués à titre de prêt par les caisses
d'épargne, dont les pouvoirs ont été largement étendus par la
loi des 12 avril et 29 décembre igo*}.
Les Caisses Locales servent d'intermédiaires entre les coo-
pcraicurs et les caisses régionales, pourvues de dotations de
TEtat par la loi du 3i mars 189g.
Les associations coopératives de consommation ont suivi U
développement de l'œuvre syndicale : elles loniieni un t nnuiîtv
— «43 —
ment nécessaire à Inaction commerciale des syndicats, tant au
point de vue matériel qu'au point de vue moral et social.
Les coopératives locales ont pour objet le groupement des
intérêts syndicalistes pour Tachât des matières premières et en-
gins nécessaires aux travaux agricoles, et des articles de con-
sommation pour les associés. Telles, les boulangeries syndi-
cales qui se sont heureusement développées dans notre région
provençale.
Les coopérativies locales ont pour complément les coopéra-
tives régionales, groupant en un seul faisceau, par un orga-
nisme commercial approprié, tous les syndicats d'une même
région.
Les syndicats locaux ne sont pas suffisamment armés par
la loi de 1884 pour se défendre utilement contre les variations
des marchés et des cours commerciaux. Il en va autrement
d'une coopérative, mandataire vis-à-vis du commerce des syn-
dicats locaux et servant de lien à ces fondations éparses par
une communauté d'action et de méthode.
Telle a été l'œuvre utile et puissante de la Coopérative agri-
cole des Alpes et dé Provence, dont le siège est à Avignon, et
dont les services à l'agriculture provençale sont universelle-
ment connus et appréciés.
Le Syndicat Agricole du Comtat, affilié àl'L'nion et à la Coo-
pérative des Alpes et de Provence, a créé une agence d'infor-
mations et d'expériences qui peuvent être d'un grand secours
pour la vente et les débouchés des produits agricoles et notam-
ment des fraises et des primeurs.
L'action coopérative pour la vente des produits du sol se
heurte aux o'ostacles créés par les intermédiaires et le com-
merce que l'œuvre syndicale tend à abolir.
Cependant, les crises périodiques que subissent les produits
agricoles, et notamment le vin, ne trouveront de remède que
-844-
dans Tapplication rationnelle delà coopération en grand, qui
écartera les aléas de la spéculation et des coalitions financières.
Les coopératives ont été utilement fondées pour la vente de
rhuile d*olive, des amandes, des conserves d'abricots, des câ-
pres, des lièges, des cocons, de la fleur d*oranger, des citrons,
du lait, etc., etc.
Mais les associations syndicales et coopératives ont abouti
encore à un résultat aussi heureux pour les producteurs que
pour les consommateurs, celui de dénoncer les fraudes, d'assu-
rer la fourniture des seuls produits garantis naturels, et de toute
sécurité comme qualité et mesure, de favoriser l'authenticité et
la probité dans les échanges commerciaux.
Résultat dont il faut s'applaudir et proclamer bien haut au-
tant au point de vue économique qu'au point vue moral et so-
cial.
Les coopératives et les fondations mutualistes qui en décou-
lent, contribuent enfin à rapprocher les hommes et i susciter
entre eux les liens de solidarité sociale, confondant par un
même élan fraternel l'intérêt personnel et l'intérêt d'autniî,
dans une ère nouvelle de paix, de travail, de justice et d'amour.
- 845 -
XLV
Mes MoBoppUpes snr la CoQcentration Mnstrielle
dans la Régrioti d'Alx
Chapellerie et Cordonnerie
par M. Albert SGHATZ,
Professeur agrégé des sciences économiques à t Université
d'AiX'Marseille.
préfacp:
Les étudiants en Économie politique (cours de doctorat) de
la Faculté de Droit d'Aix, réunis en salle de travail par
M. Schau, ont procédé, durant Tannée scolaire igoS-igoô, à
Tétude monographique de la concentration économique dans
quelques industries de la région d'Aix. Les deux monogra-
phies sur la chapellerie à Aix en-Provence et la cordonnerie à
Pertuis qui font l'objet des communications de MM. Georges
Mer et Eugène Curet, sont détachées de cet ensemble plus
vaste ; il convient, pour les apprécier, de les replacer dans leur
cadre. C'est à cette seule intention que le professeur à qui in-
combait le soin de diriger, durant leur dernière année sco-
laire, le travail des deux auteurs, se croit obligé d'ajouter quel-
ques lignes aux pages qui vont suivre.
L'enseignement dans nos Facultés de Droit tend de plus en
plus à revêtir deux formes distinctes : le cours, d'une part, c'est-
— 846 —
ÎHJire l'exposé impersonnel de ce que nous estimons cire la
vérité scientifique — ; la conférence et la salle de travail, d autre
part, c'est-àndire le contact direct du maître avec les éiudianis.
permenant la discussion, le libre et contradictoire examen et
aussi le travail en collaboration, dans tout ce qu'il a d^insiruc-
tif et d'éducateur pour les uns et les autres. Si réel est le bcsoq
dont cette tendance est Texprcssion que simukanémcni, soa
des formes diverses, MM. Joseph Delpech pour le droit public,
Cézar-Bru et Morin pour le droit privé, Robert Caillemer pour
rhisioire du droit, et le signataire de ces lignes pour 1 économie
politique, ont tenté d'instituer à la Faculté de Droit d*Arx, ce
rapprochement du professeur et de ses auditeurs. L'économie
politique qui dut jadis au doyen Alfred Jourdan son intronisa-
tion en Provence et qui fut si vaillamment défendue par lui,
appelle nécessairement aujourd'hui ce rapprochement. Trop
longtemps cette science est restée dans le domaine des ihcorics,
des abstractions et des lieux communs ; trop longtemps, elle
a été desservie par l'absence d*espnt philosophique ei de cul-
ture générale de certains économistes, par rincuriosité, mol
oreiller pour les tètes bien faites, ou Tindifférence dcdai^'ncuse
de gens qui faisaient profession de renseigner. Il faut qu'aux
étudiants qui sont à la veille de quitter la Faculté, il soit dît^
une dernière fois, l'importance de cette science, sur laquelle
ils ont pu, comme tant d autres, légitimement se méprendr
L*enseignement économique doit donner à ceux qui accep
tent sa discipline le sens du réel et faire une large pli^ce i 11
méthode qu'on appelle réaliste. Sans doute, ce n est pasli toute
la science et il est un domaine où la pensée s élève au-dessus
des faits pour les mieux comprendre et les plus complètement
embrasser. C'est, à notre sens, Tobjei des Cours d'économie
politique, où l'examen d'un problème donné permet les j^éoé-
ralisations et les conclusions scientifiques, du cours d'histoire
-847-
des doctrines économiques, surtout, où l'évolution des systè-
mes est reconstituée dans son développement logique et où se
dégage la philosophie des divers aspects des états sociaux suc-
cessifs. Mais à ces recherches désintéressées du vrai et du géné-
ral qui constitue seul la science, il faut une base solide et qu'on
ne saurait trouver que dans Texamen attentif des faits. Notre
salle d'études économiques, si modestes que soient ses débuts,
est un essai tenté pour répondre à cette nécessité. Il serait cer-
tes téméraire de pronostiquer, dès maintenant, son avenir et
nul, moins que nous, ne se fait illusion sur les résultats obte-
nus. Je lui dois, cependant, certaines satisfactions d'ordre pro-
fessionnel, qui sont les meilleures récompenses de notre car-
rière : des sept étudiants qui ont suivi mes cours de doctorat à
la Faculté, aucun ne s*est dérobé au surcroît de travail que je
leur proposais ; tous ont tenu à collaborer à l'œuvre commune
et tous m ont paru y prendre intérêt.
Le principe une fois pose, il fallait choisir un sujet suscep-
tible de se prêter à des recherches collectives. 11 m'a semblé
que rétudedela concentration industrielle répondait assez bien
à cette nécessité et que la région d*Aix fournirait à notre étude
des éléments d'information intéressants. Aucun problème n'est
plus caractéristique de l'évolution économique contemporaine ;
des monographies locales sur ce sujet avaient, à mes yeux, le
double avantage d'éclairer une question théorique complexe
et d'appeler l'attention de mes étudiants sur des faits tout pro-
ches, en les intéressant au milieu où ils vivent. J'ai choisi, pour
amorcer l'entreprise, et au gré des convenances de chacun, les
sujets suivants : « l'industrie des huiles et savons à Aix, Mar-
seille et Salon î>, « le commerce des amandes et la confiserie
à Aix»,« les charbonnages de Gardanne et Fuveau y^, « l'indus-
trie des produits chimiques dans la région de l'étang de Berrc
et de Gardanne », « la minoterie et la fabrication des pâtes
alimentaires à Aix et Marseille ». « la chapelle
À les survivances de rindusiric à domicile dans la région d'An
et de Permis ». Les communications de MM. Mer eiCuret sont
le résultat partiel de ces deux dernières éludes L'une complé-
tant lautre, elles donncroni, j'espère, une idée suffisamment
exacte et du problème généra! propose et des procédés de re-
cherche» et aussi de l*activité intellectuelle que jai cherche à
développerchez nos étudiants en économie politique. Je souhaite
à celte activité naissante le bon accueil que mérite Tertort dc-
siniércssé vers une culture plus complète de jeunes intelligen-
ces qui ont, je tiens à le dire, travaillé, pendant toute celte
année, courafîeusement et sans défaillance. Ni mes auditeurs
ni leur maître ne s'attendaient à être aussi promptement invi-
lés à rendre public refîortqulls avaient tenté. Cest un honneur
que nous devons à l'aimable et flatteuse insistance de M. Val-
ran et que nous n'acceptons ni sans confusion ni sans inquié»
tude.
MM. Mer et Curct apportent une contribotjon mtércssant^
au problème de la concentration économique. Ce problème csi
à l'ordre du jour comme tous ceux qui se rattachent immédia-
tement a la doctrine collectiviste. Karl Marx et ses disciples
ont jusiemeni attiré lattention sur ce pîïénomène corrélatif des
progrès de la grande industrie» En eifet, le collectivisme con-
clut en faveur d'un régime économique où les instruments de
production seront employés, soit par leur propriétaire travail-
lant seul, soit, pour ceux qui ne sont pas susceptibles d'une
exploitation individuelle, par la collectivité. Dans ce régime,
par conséquent, les instruments de production cesseront, en
grande majorité, d'être propriété privée et de fournir à leurs
détenteurs un m. revenu sans travail )»« cesseront d'être des
m capitaux »» au sens marxiste du mot. Comment se réalisera
cet état de choses? Les uns, ce sont les révolutionnaires,
-849-
tendent y arriver par l'expropriation avec ou sans indemnité.
Les autres, confiants dans les nécessités inéluctables du maté-
rialisme historique et de l'évolution économique, se bornent à
constater que cet état nouveau se réalise peu à peu de lui-même,
que la « catastrophe » d'où sortira la société collectiviste future,
pour être moins prochaine que le croyait Marx, n'en est pas
moins certaine. Cette réalisation progressive du collectivisme
est précisément Teffet de la concentration économique de Tin-
dustrie, du commerce, des établissements financiers, c'est-à-dire
de cette indéniable transformation des petites entreprises indi-
viduelles en entreprises colossales, des petits commerces en
grands magasins, des petites industries individuelles et locales
en grandes industries. L'expropriation ne ferait que créer avant
l'heure une société collectiviste que le machinisme et le progrès
industriel rendent, chaque jour, plus prochaine et plus inévita-
ble. Quand toute la production, dans tous les ordres, sera con-
centrée entre les mains de quelque magnat du capital, milliar-
daire ou directeur de trust, la vieille société capitaliste sera à
la veille d'enfanter la société nouvelle.
Nous n'avons pas à nous prononcer ici sur l'opportunité de
cette transformation, ni sur le bien-fondé des espérances qu'elle
suscite. On peut ne pas souhaiter l'avènement du collectivisme ;
on peut contester que la concentration soit aussi rapide et uni-
forme que certains disciples de Marx l'affirment, et montrer
que, réelle en cenains domaines, elle est contre-balancée en
certains autres par la survivance et même la multiplication des
petites entreprises. Il n'en est pas moins vrai que la marche
générale des choses rend de plus en plus instable la condition
de cenains producteurs indépendants. MM. Mer et Curet le
constatent pour les industries provençales étudiées par eux.
Ils prennent, si l'on peut dire, sur le fait, la métamorphose de
la production. Leurs conclusions concordent d'ailleurs et elles
CONGRES — 64
— 85o -
sont d'autant plus intéressantes qu'elle:
tries très diftérenies quant à leur nature et quant à leur impor-
tance. La luite désespérée du métier manuel contre la confec-
tion mécanique se poursuit et, pour n'être pas aussi complet
en Provence qu'en d autres régions plus industrielles, ce triom-
phe de la machine n'en est pas moins définitif pour la chapel-
lerie à Aix, prochain pour la cordonnerie a Pertuis.
M. Georges Mer, après avoir recherche dans le milieu géo-
graphique et rhisioire les causes qui peuvent expliquer h
prospérité qu'a connue jadis à Aix Tindusiric de la chapellerie,
s*attache à expliquer sa décadence rapide. Klle tient, avant
tout, à la substitution dû la machine au travail manuel. L'ou-
vrier aixois a été autrefois, dans la chapellerie, un ouvrier
d'élite et une manière d'artiste. Il ne s'est pas résigné à abdi-
quer devant les machines que Hngéniosiié des inventeurs ci
des constructeurs a peu à peu introduites dans les opérations
les plus compliquées et les plus délicates de la fabrication du
chapeau, M. Mer oppose les procédés anciens aux procédés
actuelletnent employés, et montre, avec la plus grande préci-
sion et de fa<^on très intéressante, Tenvahisscment progrcssit
de la machine. Dans la seconde partie de son mémoire, il
étudie les conséquences de cette transformation de rindustrîc,
quanta la production, qui s'est considérablement restreinte
n'occupe guère plus de 200 ouvriers, quant aux débouches qij
se sont peu à peu fermés faute d'adaptation rapide des pro*
ducteurs aux nécessités de la concurrence nationale et étran-
gère, quant aux ouvriers enfin dont les salaires ont baissé sensi-
blement. L'industrie de la chapellerie se meurt à Aix. Elle ne
sera bientôt plus qu'un souvenir ajouté à tant d'autres*
M. Kugène Curet n*esi pas de ceux qui considèrent rÉcono*
mie politique comme une littérature ennuyeuse. Il en fait uoc
littérature fort agréable cl l'étude de la cordonnerie à Penuis
— 85i -
lui sert de prétexte à un tableau plein d*humour et de finesse
de la vie provençale. Il ne laisse pas cependant de fournir des
éclaircissements utiles à la question de la concentration indus-
trielle en Provence, et ses conclusions viennent à l'appui des
conclusions de M. Mer. Il ressort, en effet, de Tenquêie de
M. Curet que la survivatice de la petite industrie dans la cor-
donnerie de Pertuis tient avant tout à l'action énergique de ce
qu*un sociologue appellerait une individualité forte, servie par
ses qualités propres et par les circonstances. La prospérité de
cette industrie fut donc essentiellement contingente. M. Curet
l'explique avec esprit et il complète son étude par une enquête
monographique sur la condition d*un des travailleurs em-
ployés par l'industriel à qui Pertuis est redevable de sa réputa-
tion en matière de cordonnerie. Il conclut en annonçant la fin
prochaine de cette industrie et, comme M. Mer, il en voit la
cause à la fois dans les conditions externes de la production et
dans le défaut d'adaptation des producteurs.
Ces constatations, très finement analysées et solidement éta-
blies par MM. Mer et Curet, seraient de tous points confirmées
par les autres monographies de notre salle de travail. La fabri-
cation de Thuile entre, elle aussi, dans la phase du machinisme
de plus en plus perfectionné; l'industrialisation met aux prises
les producteurs respectueux des traditions et les novateurs
hardis, et les premiers avouent leur impuissance grandissante.
La confiserie et la minoterie se concentrent dans quelques
grandes maisons merveilleusement outillées, dépossédant peu
à peu les petits fabricants. La grande industrie gagne du terrain
là où elle lutte ; elle triomphe sans combat dans les charbon-
nages et dans la fabrication des produits chimiques.
Quel sera Teffet de cette évolution ? Quelles sont, dès main-
tenant, ses conséquences, quant à la condition des travailleurs
et quant à la prospérité nationale? On ne saurait répondre com-
plètement à ces questions sans dépasser le cadre voloniaîre-
ment restreint et délimité de ces communications, qui doiveni
se borner, sur ces points, à quelques indications. Mais, de la
simple constatation des faits, une leçon se dégage. La vie éco-
nomique devient, de jour en jour, plus complexe et la lutic
pJus ardente. L'avenir appartient aux hidîvidus et aux peuples
qui savent s adapterau milieu nouveau où s'exerce leur activité,
qui, par conséquent, prennent souci de le connaître et compren-
nent la valeur et la portée d*une solide cokureéconomique. L'in-
dustrie provençale a-t-elle pleinement satisfait sur ce point aux
nécessitésdu temps présent ? Il ne serait pas inutilequc la qiyïs-
lion soît. à tout le moms, posée et les études de MM. Mer ei
Curei peuvent appeler sur elle raticntion. Je ne saurais leur
souhaiter de meilleur succès ni de plus mérité. Sans doute* ce
ne sont pas là des travaux définitifs : à des travaux d'étudiants,
il convient de ne pas reprocher quelques lacunes et quelque
inexpérience, mais, s'il était besoin de solliciter pour eux Tin-
dulgence, le souci de précision scientifique de Tun, la verve
amusanie de Tautre, la curiosité cl la vivacité d'esprit qu'ils
attestent tous deux rendraient l'indulgence facile.
Albert Schate»
l^rof^tseur agrégé des Sctcncfs écùnomi^net
à rUnivtr&ité dWix-Mûrttilie.
Aix-en-Provence* juillet 1906.
— 853 —
INTRODUCTION
Il y a, dans la région d'Aix, progrès de la concentration in-
dustrielle, mais survivance de la petite industrie. Il est intéres-
sant de saisir sur le fa*it la marche de cette évolution et d'en
opposer les effets dans une grande et dans une très petite in-
dustrie
La chapellerie, en pleine prospérité, il y a moins d'un demi-
siècle, dans la ville d'Aix et des environs ; la cordonnerie qui,
à la même époque, faisait la renommée de Pertuis, petite bour-
gade à moins de vingt kilomètres de notre ville, nous ont
paru dignes de faire Tobjet d'une étude de ce genre.
Aujourd'hui, les grandes fabriques de la vieille chapellerie
aixoise ont plus ou moins disparu devant la concurrence de
l'étranger. L'industrie cordonnière, de son côte, nous paraît
être à Pertuis en pleine décadence.
Nous avons voulu simplement et brièvement marquer les
causes et les conséquences économiques de ces faits.
It'Industrie de la Chapellerie à Aix,
par M. Georges MER, licencié en droit.
Lauréat des Concours de licence et de doctorat de la Faculté de Droit
d*Aix.
Si l'on est unanime à reconnaître qu'à Aix l'industrie de la
chapellerie a connu une période de prospérité indiscutable, on
ne s'accorde pas moins à constater son déclin sensible depuis
une trentaine d'années. Celte décadence est le résultat de cau-
ses profondes, dont les conséquences économiques sont impor-
— 854 -
tantes. I) appartient a une étude monographique» qui ne man-
quera pcut'éire pas d avoir une portée plus générale, de recher-
cher et de dégager celles-là, de signaler et de constater ce)lcs<u
n, — LES CAUSES DE LA CRISE
L*état de toute industrie dépend de plusieurs facteurs. Une
entreprise est plus ou moins iavoriséc par le milieu où elle s cta-
blii ; elle est en relations constantes avec sa propre histoire :
ancienne dans le pays elle s*adaptera moins facilement aux
perfectionnements qu'apporte le progrès industriel ; enfin et
surtout, elle est en rapport étroit avec le mode technique de la
production: une modification dans* Touiillage, la substitution
du trava il mécaniquedc la machine à l'habileté manuelle de l'ou-
vrier peut entraîner la décadence rapide d*une industrie qui se
lige dans la routine, par instinct traditionnel et par économie
mal comprise.
L'industrie de la chapellerie n'échappe pas à Tiniluencc de
ces trois éléments: le milieu, l'histoire, le progrès industriel.
La ville d*Aiît offre à l'industrie de la chapellerie plusieurs
avantages.
Par sa position géographique» elle peut établir de faciles com-
munications avec les pays étrangers. Voisine de Marseille, elle
se trouve en relations avec ceux qui importent les matières
premières nécessaires à la chapellerie. Par cette voie, arrivent
les poils de Perse, du Pérou, par là aussi ceux des Echelles du
Levant, L^exporlaiion se trouve, de même, favorisée : autre-
fois, Aix pouvait vendre ù l'Espagne et à ritalie ; aujourd'hui,
elle porte encore ses produits dans 1* Amérique du Sud,
Aix» enfin, depuis rétablissement de la grande ligne de che-
min de fer Paris-Lyon-Marscille, rayonne sur toute la Fn
Desservie elle-même depuis longtemps, clic est, d'autre part.
- 855 —
la tète de plusieurs lignes secondaires. Cette facilité des com-
munications n*a pu que profiter à la chapellerie ; la création du
service des colis-postaux, en 1892, Ta d'ailleurs rendue plus
appréciable. Aujourd'hui, toutes les expéditions de chapeaux
s'opèrent par ce mode de transport; un colis de 10 kilogram-
mes peut contenir 24 chapeaux impers ou 36 chapeaux sou-
ples emballés dans des boites en carton retenues par des bâtis
de bois léger*.
Outre lavantagc permanent résultant de cette situation, il
est d'autres ressources qui n*ont pu exercer sur la chapellerie
aixoise qu'une influence passagère ou qui ne se sont révélées
que plus tard.
Autrefois, tous les environs d'Aix étaient boisés et, à travers
les collines, les chasseurs devaient trouver un gibier facile, ce
qui permettait aux chapeliers d'obtenir le peu de poils qui leur
était alors nécessaire, de première main et à bon marché.
Aujourd'hui, au contraire, si l'on a conservé dans l'arron-
dissement d*Aix un culte profond pour la chasse et si le nom-
bre des chasseurs y est un des plus considérables, par rapport
au chiffre de la population (il est délivré plus de six mille per-
mis de chasse par an), c'est bien plutôt pour satisfaire, par ce
sport, un besoin d'activité et peut-être aussi parce que le Pro-
vençal trouve là comme un prétextée des récits d'exploits ima-
ginaires. En même temps que le gibier tendait ainsi à devenir,
de plus en plus, un mythe, les besoins de la chapellerie aug-
mentaient de telle sorte qu'aujourd'hui, on peut dire que tous
les poils utilisés par les usines àixoises sont demandés à
l'étranger.
Aix, enfin, doit son antique renommée, môme son nom, à
* Le prix du colis-postal de 10 Lil. étant de i fr. 23, le transport de
chaque chapeau revient ainsi de o fr. o35 à ofr. o55.
— 85h —
rexisicnce d cau\ ihcrmales. Il se pcui que ces eaux aient
éié une sorte de rovclaiion pour ritidustrie de la chapellerie à
ses débuis, ci que les chapeliers aient trouvé dans la chaleur
decciieaux un moyen d'améhorer le feuirage,
En tout cas, rcxistence deceseaux n exerce plusaujourd'huî'"
aucune mlîuencc sur i'indusirie de la chapellerie à Aix; elle
ne crée aucun avantage en faveur des usines aixoises qui peu-
vent se procurer la chaleur cl Teau chaude par des moyens
moins primitifs.
Cependant, si la chapellerie aixoise ne trouve plus dans ce
eaux le privilège dont elle a peut-être prohté autrefois, en
revanche, elle a su utiliser Ténergie des eaux du canal du
Verdon. Depuis que Ce canal a été creuse, la ville d'Aix oflrc
à Tindusirie une puissance hydraulique dont on peut, sans
beaucoup de frais, tirer parti. Aussi, quand MM. Gianoiti et
Gasiâud ont fondé la « Société Nouvelle de Chapellerie
aixotse )», ont-ils abandonné l'ancien local qu occupait U
vieille fabrique pour construire leur usine en contre-bas de la
montée d'Avit^non et emprunter ainsi la force motrice à Icau
lombanl d'un canal dérivé du Verdon par une chute de 8 mê^^
très de hauteur.
Les ressources qu'autrefois surtout, la ville d'Aix ofTrait à
l'industrie de la chapellerie permettent d'expliquer qu'elle s'y
soit installée d*assez bonne heure *.
C est sans doute de Marseille que sont venus les prcmie
* Nous ne fiiisoiis. h ce point de vue hisioriqtjc, que de très brèfet
observations. Nous viendrions trop urd et trop loin «près M. Valno»
professeur aa lycée d'Aix^ docteur es-lettres, sur les conseils bienvetllmnts
de qui nous nous sommeîi permis de faire cette coramunicanon. M. VaJrén.
en effets SI nos renseiKnements sont exacts, dou donner 4U Congres 11
primeur de ses recherches sur l'histoire des méiicrs en Provence
avAnt 1789.
-857-
ouvriers chapeliers. Cette ville, en effet, donnait asile à cette
industrie depuis longtemps. Un mémoire rédigé vers 1735 ren-
seigne sur son état de prospérité à cette époque. « Il y a dans
Marseille, y lit-on, plus de 3. 000 ouvriers employés aux fabri-
que de chapeaux. Le principal débit de ces chapeaux se fait
pour les pays étrangers. Il s'y envoie de Marseille plus d'un
million de livres chaque année, or il s'y consomme tant pour
les chapeaux envoyés à l'étranger que pour ceux débités ailleurs
plus de 100.000 écus par an de poils de lapins et de lièvres. ^
Cependant cette prospérité se trouva menacée, quelques années
après, par une mesure du contrôleur général des finances prohi-
bant l'introduction de la lie du vin. C'est^ce que signale une
protestation des fabricants de chapeaux : « Les fabriques de
chapeaux se sont très fort multipliées dans Marseille ; elles
fournissent des chapeaux à l'Italie, à TEspagne et aux îles
Françaises. Cette branche d'industrie etdu commerce donne du
pain à une foule de citoyens et de grands avantages au public.
Mais cette fabrication ne peut se faire sans le secours de la lie
du vin. Depuis longtemps, la lie du vin qui procède du terroir
de Marseille est insuffisante. On en fait venir de la province
soit par mer, soit par terre. Jamais on n'avait eu l'idée de
prohiber l'introduction de cette matière. Cependant le fermier
des fermes s'oppose aujourd'hui à ce transport sous ce prétexte
que Marseille est ville étrangère. Mais Marseille est une ville à
part et séparée du corps de la province sans être étrangère du
royaume » (3o novembre 1773) ^
Cette mesure douanière n'a peut-être pas été sans influence sur
l'établissement de la chapellerie à Aix, où elle ne pouvait être
applicable. Il se peut encore que les ouvriers chapeliers soient
* Ce document, comme le précédent, est signalé dans V/npentaire des
archives historiques de la Chambre de Commerce de Marseille, pp. 461
et 452.
— 858 -
venus chercher dans cette ville un peu de l'indépendance et de
la liberté que» sans doute» leur refusait la corporation marseil
laise. dont la discipline, plus ancienne, devait se faire sentir
plus étroitement, La vie aussi y était moinschère* etlesdébou-
chés du marché local, assez larges grâce à la fortune de la no-
blesse et du parlement* Avec cela, les relations restaient faciles
avec les pays étrangers.
En tout cas, Toriginede la chapellerie à Aix remonte âss«
loin* car, si, dans les règlements de police de 1569 et de ifi4Îp
il n'est pas parlé expressément des chapeliers, tout au moins
leur était applicable la défense faite parlarticle 63 de m Tarrcst
sur la police de la vSle et cité d'Aîx du 6 septembre 1569 >>. «de
ne brûler charbon de pierre hormis charbon de Languedoc sous
peine de So livres et confiscation du charbon ^. Un arrêt du
parlement du 20 octobre 1768 dut, en effet» intervenir, sur la
requête des fabricants de chapeaux, pour lever la prohibition
et permettre l'usage du charbon de pierre sans aucune resiric-
lion.
Enfin, dans son livre si curieux sur T histoire des « Rufts
dWix ^, Roux-Alphéran mentionne parmi les voies les plus
anciennes la rue « deis Capeliés 3#, où, suivant lui, devaient
être rassemblés tous les compagnons du métier.
Jusque vers 1875, la chapellerie a connu a Aix une grande
prospérité* Le chapeau aixois jouissait d'un tel renom que les
fabricants parisiens étaient venus établir dans cette ville plu-
sieurs usines, de manière à faire profiter leurs produits de la
marque aixoise : les maisons Haas et Leduc, notamment,
avaient à Aix des succursales très importantes qui employaicm
plusieurs centaines d'ouvriers.
Il n'en est plus ainsi actuellement ; la décadence est venue
rapide, foudroyante et. au moment où nous donnons la der-
nière main à notre étude. c*est presque une oraison iuncbre
- 859 -
qu'il nous faut écrire. A notre sens, la principale cause de
cette ruine réside dans le progrès industriel qui s'est accompli
dans ces trente dernières années et dans la concentration ca-
pitaliste qui en a été la conséquence.
Etablis depuis plusieurs siècles peut-être à Aix, les chape-
liers ont souffert d'avoir une histoire. Leur industrie n'a pu
s'assimiler les perfectionnements modernes aussi vite que les
fabriquesqui se sont créées à l'étranger en même temps que ces
perfectionnements étaient découverts. L'habileté manouvrière
de l'artisan aixois a cru pouvoir triompher de la vitesse méca-
nique du travai^l anonyme, et ce fut son erreur.
Le machinisme moderne, en effet, a pénétré dans l'indus-
trie de la chapellerie comme dans toutes les autres. Il est utile,
à cet égard, de mettre en lumière l'évolution delà production
d'abord manuelle, puis aidée d'outils rudimentaires, enfin mé-
canique.
Le chapeau est fait d'un tissu de poils agglomérés et entre-
lacés. Avant la construction proprement dite du chapeau, il est
donc indispensable de faire subir diverses préparations préala-
bles aux poils qui entreront dans sa composition. En premier
lieu, on procède à r« arrachage » et au « coupage ^,
L*« arrachage »se faisait autrefois à la main. Assis sur un
petit tabouret, 1'* arracheur )► étend la peau sur un chevalet, le
poil en dehors; pour l'y fixer, il se sert d'une corde de chanvre,
dont les extrémités, terminées par une boucle, sont passées
sous chacun de ses pieds. Il enlève le jarre avec une plane à
double tranchant.
La peau est alors remise à la « repasseuse ^ qui achève d'ar-
racher le poil que la plane n'a pas pu enlever. La repasseuse
travaille assise, tient la peau assujettie entre ses genoux et un
objet fixe, et emploie un couteau à lame droite emmanchée à
la manière d'un tranchet de cordonnier.
— 86o —
Une balle de castor peut être ainsi arracF
deux jours. Lu peau, d'abord bailue avec des baguettes qui en
font sortir la terre, est à ce moment donnée à Vm arracheuse»
qui, rebroussant et coupant le poil avec un couteau semblable
à celui de la repasseuse, enlève le poil grossier moins adhérent
que le poil plus fin.
Alors la peau est soumise à une opération destinée à donner
la qualité feutrante aux poils ou à Taugmcnter C'est le « secrc-
tagc >, :?ppelé de ce nom à cause du mystère dont il était en-
Lourc à l'origine et du soin jaloux que les corporations mettaient
à garder leur ^ secret »,
La peau est étendue sur rétabli» le poil en dehors, et, avec
une brosse de poils de sanglier qu*il tient par un manche et
qu'il trempe Icgèrcoicni dans une terrine contenant la prépa-
ration, l'ouvrier frotte à plusieurs reprises les parties de la pcaii^
qu'il veut sécréter.
Les peaux sécrétées et séchées sont remises aux « coupcu-
SCS »* La coupeuse travaille debout devant un établi sur lequel
est étendue la peau. Avec une petite carde ou #t carrelet », elle
décatit le poil encore colle, puis avec un ^ couteau », sorte de
ciseau à lame oblique, elle le coupe à la racine.
Il ne reste plus qu'à ^ baguetter » et « carder » le poiL Ces
deux opérations sont dans les attributions du « cardeur », A
lorigine, la première quia pour but de séparer les poilsqui ^q
sont pelotonnés dans les tonneaux où on les a renfermés après
le coupage^ se faisait à Taide de simples baguettes maniées
habilement par 1 ouvrier. Mais vers 1760, un instrument est
imaginé qui facilite la lAche : c'est le <i violon». Il est composé
ordinairement de seize cordes dxées, à égales distances les
unes des autres, à une de leurs extrémités à un barreau de bois
attaché au mur par deux crochets, et à l'autre extrémité à une
tige de bois courbé perpendiculairement^ à laquelle est un man-
— 86i —
che long de 60 centimètres. L'ouvrier, debout, prend Tinstru-
ment à deux mains par le manche et frappe les poils entassés,
à coups redoublés, au moyen des cordes de l'instrument* '
Le cardage peut commencer. Il consiste à ouvrir les flocons
de poils qui n'ont point été séparés par le violon à Taide de
deux instruments appelés* cardes » qui, munis de pointes, dU
visent les poils.
Le poil étant ainsi préparé, on peut commencer la construc-
tion du chapeau qui comprend trois moments : la préparation
des capades, l'assemblage des capades, la mise en forme du
chapeau. Jusque vers i865, toutes ces opérations se faisaient à
la main ou à Taide d'instruments rudimentaires.
Les « capades » sont les parties dont se compose le chapeau
qui en compte ordinairement quatre, d'égales dimensions.
La capade est obtenue à l'aide de « l'arçon ». L'arçon est une
perche de 2"5o de long, terminée à une de ses extrémités par
une pièce de bois en forme de bec de corbin et à l'autre par
une planchette rectangulaire percée à jour, le « panneau ».
Fixés d'un côté à la perche, le bec de corbin et le panneau sont
reliés de l'autre par une corde que l'on peut tendre plus ou
moins au moyen de diverses chevilles placées au revers de la
perche à hauteur du bec de corbin. La corde est mise en jeu
par la « coche », fuseau en buis dont chaque extrémité est ter-
minée par un bouton arrondi.
Au moyen d'une corde attachée au plafond, l'arçon est sus-
pendu à quelques centimètres au-dessus d'un établi couvert
d'une claie d'osier fin qui laisse passer les poussières que con-
tient le poil. L'établi est accolé à une fenêtre et encastré entre
deux cloisons d'osier qui se courbent un peu l'une et l'autre
vers le haut pour retenir les poils qui se dissipent.
L'ouvrier passe la main gauche dans une poignée de cuir
fixée au tiers de la longueur de l'arçon. De la main droite, il
— 862 —
tient la coche, accroche la corde de Tarçon avec le bouton, la
tire à lui jusqu'à ce que, glissant sur ta rondeur du bouton, elle
échappe et se mette à vibrer.
L'ouvrier combine les mou%^ements delà coche de deux ma-
nières différentes, suivant qu'il « bat » ou #t vogue * Tétoffe de
la capadeV
L*ouvrier commence par battre. Dans ce but, il place le poil
qui doit entrer dans la capade au milieu de rétabli, y fait entrer
la corde de Tarçon et, à grands coups de coche, la met en jeu ;
ainsi les poils se séparent les uns des autres et s'éparpillent sur
l'établi.
Alors l'ouvrier vogue rétoffe, c est-à-dire qu'au moyen des
vibrations de la corde de Tarçon, il transporte les poils de la
droite à la gauche, les y rassemble, puis manœuvre Tinstru-
ment de telle sorte qu'après avoir fait voler en l'aîr les poils aux
flocons très subtils, il les envoie se déposer sur la droite dans
un espace d'une certaine grandeur qui affecte la forme d'un sec-
teur de la dimension de la capade. Encore, dans cette sorte de
tir à l'ar^^on, l'ouvrier doit-il avoir soin d'amasser plus de poils
au sommet du secteur que sur ses bords. Le dessin est ensuite
rectifié avec le «. clayon », sorte de petit treillis en osier serré,
surmonté en son milieu d'une poignée» et le poil se trouve ras-
semblé en une masse floconneuse d*un demi-mètre de hauteur
environ. Il s'agit désormais de * feutrer » le poil, c'esi-à-dire
de rapprocher tous les poils et de multiplier entre eux les points
de contact.
Un premier feutrage, encore timide, est donné au moyen
du clayon que l'ouvrier appuie d'abord légèrement, puis plus
^ Ci^Lte manœavrê onginj^le de Tarçoo nous A été eipUquée, dans ses
pittoresques détails, par M- Esquier, ch:f de fibrication à la Société
aonTclIe de chapellerie, qui ï*a. prâùquée JuI-mémeT U n'y a guère pJasde
trente ân?« d^ns Tune dt^ usines itxoises.
— 863 —
fortement sur le poil amassé dans le secteur. La capade ressem-
ble alors à un morceau de ouate triangulaire.
Le feutrage s'accentue quand l'ouvrier « marche la capade
avec la carte ». « Marcher la capade avec la carte», c'est la cou-
vrir d'un carré de cuir et presser dessus avec les deux mains,
qu'on applique successivement sur toutes les parties, des deux
côtés de la capade alternativement, jusqu*à ce que le feutrage
soit suffisant.
Quand on a obtenu, de la même manière, quatre capades,
on peut procéder au « bastissage » du chapeau.
Bastir le chapeau, c'est assembler les capades par le feutrage.
Le bastissage a lieu sur une table placée en face d'une fenêtre.
L'ouvrier étendant la « feutrière », morceau de toile légèrement
humide, déploie sur elle une des capades et la couvre d'un mor-
ceau de papier épais ou « lambeau » plus petit que la capade,
mais de même dessin qu'elle. Les bords de la capade sont
rabattus sur le papier, puis la seconde capade est appliquée sur
la première et rabattue de la même manière. L'ouvrier marche
alors les deux capades jusqu'à ce qu'elles soient intimement
liées. On a ainsi une sorte de sac pointu que les deux autres
capades vont servir à doubler et à renforcer. Dans ce but, l'ou-
vrier « décroise » le sac, c'est-à-dire que ses arêtes se trouvent
déplacées et viennent au milieu, tandis que celui-ci passe au
bord '. La trorsièmc capade est appliquée sur le sac ; celui-ci
est retourné et la capade rabattue sur lui ; puis on pose la qua-
trième capade, on retourne le sac et on rabat de la même ma-
nière. On remet le lambeau et on marche, jusqu'à ce que le sac
définitif soit adhérent dans toutes ses parties.
* Le décroisemeat a pour but de maintenir une répartition de poils
sensiblement identique sur toutes les parties du chapeau. C'est en effet
sur les arêtes primitives qu'avaient été rabattues les deux premières capa-
des.
^ 864 —
la niitic en tûrme du chapeau déÉ
par la <c foule ».
L'appareil qui scn à ia foule ressemble assez à un lavoir. Le
bassin est représenté par une chaudière posée sur un tourneau
en maçonnerie. Sur ses bords se irouvcni les * bancs )» de tbulc
ou planches inclinées sur lesquelles l'ouvrier foule le feutre.
Le bastissagc est trempé dans le bassin qui contient de Tcau^
mélangée à de la lie de vin. L'ouvrier l'y enfonce, Vy remue*
le retire et le presse sur le banc avec un rouleau de bois ou
«t roulei >*, autour duquel il l'entoure- Et il foule ainsi un cer-
tain temps, en décroisant de temps à autre le bastissagc. Jl
foule d*abord mollement, parce que le feutre est encore lâche,
puis, avec plus de vigueur à Taide de « maniqucs 9, vieilles
chaussures dont on a retranché les talons et une partie de rem-
peigne.
La foule prend fin au bout de quatre heures environ, lecht'^
peau est alors en «c cloche »* Il s agit de le « dresser ^, c*esc-i*
dire de lui donner la forme définitive. La cloche est «t mi^een
coquille ^. diminuée de hauteur, puis posée sur la <t forme »,
sorte de morceau de bois cylindrique, à diamètre variable, sui-
vant les pointures.
Le chapeau est ensuite teint, puis «c apprêté ^, ou enduit
d'une gomme destinée à lui donner une résistance plus grande.
Cl» quand il est sec, « l'approprieur 3*» après Tavoir brossé avec
de Teau froide, le repasse avec un fer chaud. Il ne reste plus
enfin qu'à le remettre à la ^tgarnisseuse 1» qui met la coifleei
pose le ruban.
Telle était, il y a à peine cinquante ans, la manière de fabri-
quer k chapeau. Toutes les opérations étaient faites A la maia,
ou à Taide d'instruments rudimcntaircs. Il y avait ainsi un véri-
table art de la chapellerie et il devait être pittoresque, l'ouvrier
- 865 -
dont le jeu de Tarçon était une vraie stratégie, ou le compagnon
employé à l'assemblage savant des capades. Les mouvements
étaient si complexes, le maniement des outils si délicat, que
l'on pouvait difficilement concevoir Tintervention des machi-
nes. Et cependant, là comme ailleurs, la substitution du
mécanique à l'habile s'est produite, ingénieuse et générale.
Dans son numéro du i" août 1862, Le Moniteur de la Cha-
pellerie signale l'apparition de machines à étirer, à couper les
peaux, à souffler les poils, de tondeuses, de presses pour les
bords des chapeaux. Mais il ne s'agissait encore que d'instru-
ments perfectionnés, plutôt que de véritables machines.
Un premier progrès fut réalisé par l'arçon mécanique dû à
l'invention de M. Caillet, industriel à Séez.
L'arçon était composé d'un gros cylindre, à l'intérieur duquel
se trouvait un grand ventilateur muni de coches qui pinçaient
neuf cordes à boyaux traversant le cylindre. Le poil, entrant
d'un côté du cylindre, se trouvait vogué par les vibrations des
cordes et porté par le ventilateur intérieur vers la sortie où se
trouvait un deuxième ventilateur plus petit qui distribuait le
poil sur la table d'arçon d'une manière uniforme à travers une
rangée de cordes à boyaux à peine touchées par de f)etites coches.
Sur le fond de cette table, formé d'un châssis en toile métal-
lique assez fin pour arrêter le poil, reposait le moule destiné à
produire le bastissage. Un courant d'air, produit par les venti-
lateurs placés au-dessous de la table d'arçon, attirait les poils
sur le châssis métallique.
En 1866, l'arçon mécanique put être adapté à un moteur à
vapeur ou hydraulique.
Depuis, les progrès ont été rapides et aujourd'hui l'industrie
de la chapellerie utilise un outillage des plus perfectionnés.
Nous devons à Taimable et précieuse obligeance de M. Coq,
ingénieur-constructeur à Aix, dont nous n'avons pas craint
CONORÉ.S — 66
1
— 866 -
d'abuser, les divers renseignements que nous allons fournir
sur l'état actuel de la technique de cette industrie.
La peau sèche est d'abord humectée pour l'assouplir, puis
passée dans deux fourches de fer qui rappellent celles dont se
servent les gantiers pour ouvrir les doigts des gants : la peau
s'écarte et on la fend à l'endroit du ventre. Puis les peaux sont
soumises à l'arrachage du gros poil et au secrétageque l'on fait
encore à la mam. M. Maumey avait construit une machine
destinée à faire mécaniquement le secrétage^ mais l'appareil ne
s'est pas répandu.
Vient alors le « rancletage » qui consiste à ramener tous les
poils dans le même sens, en faisant passer entre deux rouleaux
garnis de laine, les peaux dont l'extrémité se prend entre un
cylindre et une brosse.
Le coupage est obtenu par une machine composée d'un cy-
lindre portant des lames qui prennent la peau et en coupent
les poils par petites largeurs.
Le soufflage du poil est la dernière opération que nécessite
sa préparation. On fait usage d'une machine dont les organes
lancent à grande vitesse dans un conduit le poil qui s'ouvre et
se débarrasse de ses impuretés avant de tomber en flocons dans
une chambre où on le recueille. La souffleuse se compose d'une
toile sans fin, sur laquelle est déposé le poil qui se trouve pris
entre deux cylindres et envoyé par un batteur dans un conduit
horizontal puis vertical qui revient sur lui-même dans une
chambre.
Après ces manipulations préparatoires, le poil passe par plu-
sieurs machines avant de devenir un chapeau.
C'est d'abord la bastisseuse. Le poil posé sur une toile sans
fin est pris par deux petits cylindres et présenté à un hérisson
animé d'un mouvement circulaire qui divise les poils en pro-
duisant un véritable arçonnage. Une deuxième toile sans 6n
— 867 —
les conduit à une nouvelle arçonneuse, d'où ils sont lancés sur
un cône récepteur, percé de trous, placé sur un porte-cône animé
d'un mouvement lent autour de son axe. Un ventilateur aspirant
produit un vide sous le cône et favorise l'arrivée des poils sur
ses trous. Lorsque le cône est couvert de la quantité de poils
voulue^ on fait arriver, sur le cône qui continue à tourner, une
pluie d'eau bouillante, au moyen d'un injecteur adhérent aux
parois de la chambre métallique qui contient le cône.
Le bastissage est enlevé du cône et porté au simoussage. La
simousseuse fait passer le bastissage entre deux rouleaux où
circule de la vapeur et le ballotte dans un mouvement de va et
vient.
Après le simoussage, le bastissage peut être foulé. Il existe
pour cette opération des fouleuses mécaniques. La fouleuse se
compose de deux séries de cylindres superposés, entre lesquels
on place les bastissages. Ces cylindres possèdent à chaque étage
des mouvements de rotation en sens inverse, et un mouvement
alternatif de va et vient. Pendant le foulage, le mouillage est
opéré par un courant de vapeur qui entraîne l'eau à une tem-
pérature voisine de lOO".
Le chapeau est en cloche. Pour le dresser, on met la cloche
sur un appareil qui a pour but de faire le fond du chapeau.
Il se compose de dix ailettes en bronze retenues au repos au
nr.oyen d'une bague en caoutchouc. On place la cloche sur les
ailettes ainsi réunies, puis on écarte les ailettes, en même temps
qu'un robinet envoie de la vapeur sous la cloche.
De la machine à dresser les lôtcs, la forme passe à celle à
dresser les bords. La cloche étant posée sur des lames qui on^
la forme, dans leur ensemble, des bords du chapeau, on la
couvre avec d'autres lames qui ont la même disposition, mais
tombent dans les intervalles laissés par les premières. La ten-
sion qui en résulte produit retirage des bords qu'un courant
de vapeur facilite.
-c chapeau esi séché à l'étuve, puis poncé mécaniquement.
La ponceuse consiste en une cuve en tonte à l'inicrieur dcj
laquelle est une forme en bois lîxée sur un pivot et garnie d'util
manchon en feutre. A Taide de roues et d*engrenagcs, cette
forme est animée d'un mouvement rapide de rotation. Pendant
qu'elle tourne, une femme appuie sur le chapeau pose sur la
forme un tampon en caoutchouc, dont le dessous est garni de,
papier émcri ; sous l'action de ce papier» le duvet de chapeau^
tombe en poussière et se trouve attiré par un aspirateur appli-
qué contre le porte-chapeau. Le dessus une fois ponce» oo
enlève le chapeau de la forme, on le pose dans ta matrice en-
dessous et on ponce de la même manière le dessous.
Le dressage définitif du chapeau est obtenu au moyen d'une
presse dont îes matrices sont la reproduction de la forme qu'on
veut donner au chapeau.
Les chapeaux sont enfin bordés à laide de machines à cou-
dre.
Tel est> rapidement esquissé dans ses traits généraux. Tétai
de la technique de Undustrie chapelière. Ainsi qu*on a pu le
constater* la substitution de la machine à Touvrierest presque
complète. Les effets généraux de cette transformation ont été
considérables. La production a pris un caractère nettcmcni
capitaliste ; le compagnon et l'artisan ont dû céder le pas à Tin-
dustriel détenteur de capitaux puissants. Les machines nou-
velles exigent des locaux spacieux ; surtout leur achat constitue
une dépense de première mise importante, puisqu*ei le approche
de 25.000 francs, d'après les catalogues de iM. Coq, H en est
résulté aussi un accroissement considérable de la production.
Avec la machine à brosser les peaux, une femme seule peut
brosser jusqu'à i.5oo peaux par jour, La coupeusc permet de
couper 1*200 peaux par jour, la soullleusede soutHer 100 ki*
losde poils par jour. Avec la bastisseuse* on obtient de 400 à
^ 869 —
5oo bastissages par jour que, dans le même temps, semousse
la semousseuse. La production journalière de la fouleuse est
de 25o chapeaux, celle de la ponceuse d'une centaine. Ces
effets généraux à l'industrie de la chapellerie n'ont pas été sans
s'accompagner d'effets particuliers, dont souffre et meurt au jour-
d'hui l'industrie aixoise.
§ II. — LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE
L'action de ces diverses causes aexercé une profonde influence
sur l'industrie aixoise de la chapellerie. Les progrès accomplis
dans la technique ont fait des fabriques d'Aix les victimes d'un
renom qui leur conseillait la routine, en même temps qu'ils
élargissaient la production et donnaient aux pays étrangers
la possibilité de se suffire et même la tentation de venir concur-
rencer les produits français sur notre propre marché national.
On peut étudier ces conséquences, au regard de la chapelle-
rie aixoise, à trois points de vue, quant à la production, quant
aux débouchés, quant aux ouvriers.
r Quant à la production.
Vers 1875 encore, la situation de la chapellerie était très pros-
père à Aix. On y comptait plus de douze fabriques, dont quel-
ques-unes très importantes. La maison Coupin, installée sur
les bords de l'étang de Berre, occupait quinze cents ouvriers;
la maison Leduc, à Aix, environ quatre cents; la maison Haas,
de trois cents à trois cent cinquante. Il est loin d'en être ainsi
aujourd'hui.
Ce n'est cependant pas faute d'avoir lutté, avec courage et
intelligence parfois. Les premiers en France, MM. Coq et Dra-
gon établissent, à Aix, en 1862, une bastisseuse mécanique qui
devait être la machine de l'usine, tandis que l'arçon mécanique
de M. Caillet ne pouvait être employé que par les petites entre-
prises. De son côté, M. Leduc achetait à la maison Rochet son
brevet d'inveniion de l'injecteur à eau chaude ei deux
machines éuieni installées dans son usine dès 1867,
A rKxposïiion universelle de 1867, M. Haas, dont une usine
fonctionnait à Aix, avait même Tingénieusc idée de rassembler
les diverses machines alors inventées. On voyait, d'abord, la
bastisseuse Coq, vomir de ses bouches béantes les poils tnfinî«
ment divisés qui venaient se fixer, en s'enchevétrantsur le cône
aspirateur. Puis le cône passait à l'ouvrier simousseur qui le
couvrait d*un manchon de flanelle et le posait sur la plate-
forme de la bâche d'immersion Coq qui, mue mécaniquement,
permettait à l'ouvrier d immerger etde remonter le cône. Puis,
le cône passait à la fouleuse Mossani pour être remis à rouvricr
dresseur qui, celui-là, travaillait presque exclusivement à la
main. Le chapeau mis à l'étuve était ensuite poncé par la
machine Coq.
Néanmoins, c'est à peine s'il existe maintenant trois usines;
deux seulement méritent» à vrai dire» ce nom.
C'est d*abord la «t Société nouvelle de chapellerie aixoise i>,
dont l'usine est installée aux flancs de lu montée d'Avignon.
en contre-bas du canal du Verdon, A son origine, il y a quel-
ques années, lout le bâtiment était aflecté à la chapelicric ;
actuellement, une partie abrite l'usine d'acide carbonique
liquide.
La fabrique est installée en un seul rez-de-chaussée divÎM*
par une large et longue allée centrale qui donne accès dan% les
ateliers. Un vitrage autour de chacun de ces ateliers donne jour
sur Tallée centrale. De la sorte^ un coup d'œil embrasse tous
les services, ce qui supprime les surprises et assure plus cfti-
cacemcnt une discipline qui, évitant les occasions de sévir,
écarte mieux les sources de conflit.
L'usine peut marcher onze mois de Tannée à la force hydrata
lique et un mois à la vapeur pendant le chômage du canal du
- 871 -
Verdon. Elle n'use, d ailleurs, pas de cette faculté et s'immo-
bilise en même temps que le canal : le mouvement de ses
affaires s'est trop ralenti pour permettre d'augmenter les frais '.
La « Société nouvelle de Chapellerie » se tient au courant
des progrès de la technique et s'efforce, par ce moyen, de con-
quérir à nouveau la suprématie autrefois incontestée du cha-
peau aixois.
C'est, en second lieu, l'usine Milliat qui fabrique le chapeau
de laine. Située dans l'intérieur même de la ville, rue d'Entre-
castaux, elle renferme la plupart des machines modernes. L'ou-
tillage nécessaire à la fabrication du chapeau de laine diffère
peu d'ailleurs de celui employé pour la fabrication du chapeau
de feutre. La souffleuse seulement est supprimée et la bastis-
seuse remplacée par la carde qui arrache la laine et Tentoure
sur deux cônes, dont les deux bases sont en face l'une de l'au-
tre. Lorsque les deux cônes sont garnis de laine, l'ouvrière
coupe l'étoffe entre les deux cylindres et le cône de laine est
posé sur un nouveau cône de fonte, sur lequel, par un Système
de levier, descend un cône creux de fonte. Après avoir subi ce
premier feutrage, la cloche de laine passe par les machines uti-
lisées pour le chapeau de poils.
C'est enfin l'atelier installé parM.Cabassud dans la traverse
Notre-Dame. Cet atelier ne fonctionne que quelques mois de
l'année, plus particulièrement en été. Il n'y a là aucune ma-
chine; les ouvriers, au nombre d'une quinzaine, travaillent à
la main. Ils reçoivent d'ailleurs, tout préparé, le bastissage
conique qu'ils soumettent à la foule et renvoient dressé à Paris
où le chapeau est terminé. Ils fabriquent plus spécialement le
* Nous devons des remerciements particuliers à M. Compazieu, direc-
teur de la Société nouvelle, qui s'est mis à notre entière disposition, sans
aucune crainte, et a bien voulu nous faire connaître et nous communiquer
la « littérature » sur la chapellerie.
-872-
chapeau de temme; cet article seul assure une rémunération
suttis;jiue a l'ouvrier qui travaille à la main, par la fantaisie^
qu'il e^ige.
Telles sont les seules usines qui fonctionnent actuellement à
Aix. Elles n occupent guère plus de 200 ouvriers et ne doivent
pas donner un chilTre d'affaires dépassant 5oo. 000 francs. La
concentration des entreprises n*a pas eu pour conséquence la
prospérité de l'industrie : la cause en est peut-être au rétrécisse-
ment et à la fermeture des débouchés.
2'* Quant aux débouchés :
Tandis qu'à Aix, comme en France» on répugnait à substi-
tuer au travail ntanuel la production mécanique* les pays étran-
f;ers organisaient chez eiu, de toutes pièces, Tindustrie de la
chapellerie.
Cettcdouble constatation, révélée par Le? A/on //eeirrfe /a CAa*
pelkrie^ dès 1864, est confirmée par les statistiques fournies
par l'Administration des Douanes.
Le Moniteur de la Chapellerie, dans un relevé de la vente
des arçons mécaniques Caillct, signalau le lèlc de l'étranger.
Le Mexique et le Brésil y figuraient en bonne place (n' du
{*' octobre i864)»
En i865, le même journal recommande des souHlcuscs que
fabrique déjà l'Allemagne. En 1867, il relève les médailles ob-
tenues par l'étranger à l'Exposition universelle.
Il constate, en revanche, la résistance du Midi à Tadoption
des machines. « Le Midi, dit-il, est le plus rebelle à la substi-
tution de la machine au travail manuel. 5>
De fait, la maison Coq» d'Aix, fabrique surtout pour Téiran-
ger. M. Coq nous montrait» au cours de notre enquête, une
bastisseusc perfectionnée qui lui était commandée par Vienne»
des matrices en fonte qui allaient être expédiées au Mexique.
Aussi bien, les statistiques douanières éclairent la décadence
-873-
de l'exportation des chapeaux français. En 1879. la valeur des
produits exportés atteignait io.38o.o57 francs. En 1890, elle
n'est plus que de 7.728.556 francs et en 1904, pour les chapeaux
de poils, de 975.562 francs. En 1882, on exporte encore 100.000
chapeaux en Allemagne, 190.000 en Angleterre, 92.000 au
Mexique, 149.000 au Brésil, 187.000 dans la République Argen-
tine. En 1896, cette exportation ne s'élève plus pour TAUema-
gne qu'à 4.200, pour l'Angleterre 5. 200, le Mexique 36o, le Brésil
i.i5o. Et ce sont la les anciens débouchés du marché aixois.
Les principaux pays importateurs du chapeau fabriqué à
Aix étaient, en effet, ceux d'Amérique. Or, c'est là qu'est né le
principe de l'outillage mécanique en chapellerie. Par ailleurs,
rinstallation de cette industrie y était particulièrement favori-
sée par l'existence de droits de douane très forts perçus à l'épo-
que où le chapeau était tenu pour un objet de luxe. Le jour où
la production mécanique devint possible, l'industrie de la cha-
pellerie s'installa presque immédiatement et spontanément, en
quelque sorte, dans ces pays qui profitaient des taxes fiscales
d'entrée et du bas prix de la main-d'œuvre.
D'autre part, Aix, comme la France, éprouva plus de diffi-
culté à adapter sa fabrication aux progrès mécaniques, par
suite de la fantaisie qui dominait la forme des chapeaux. Cha-
que chapeau ayant comme une sorte d'individualité, on ne
pouvait confectionner une matrice, coûtant une cinquantaine
de francs, spéciale à chacun d'eux. Les pays étrangers, au
contraire, s'accommodaient des séries, ce qui permettait l'em-
ploi de matrices uniques pour un grand nombre de chapeaux.
Enfin l'organisation commerciale française est défectueuse.
Les fabricants sont obligés, à défaut d'éducation suffisante des
voyageurs de commerce français, de s'adresser à des intermé-
diaires, à des commissionnaires en exportation. Ceux ci cen-
tralisent les commandes et y satisfont de telle sorte que le fabri-
cant ne connaît pas la destination dernière de ses produits.
n
- 874 -
Certains ont songé à échapper à ces intermédiaires en s adres-
sant directement à des voyageurs étrangers, à défaut de voya-
geurs français. Ils nous ont dit leurs mécomptes. Il leur arriva
trop fréquemment de ces aventures qui provoquèrent en 1868
cette circulaire de la maison de Verrier de Paris, où elle préve-
nait les personnes qui s'adressaient à elle pour demander des
échantillons qu'elles eussent à en envoyer le montant.
3' Quant aux ouvriers :
Les causes qui ont entraîné la décadence de la production
aixoise n'ont pas manqué d'exercer une influence considérable
sur le sort des ouvriers.
L'introduction du machinisme dans la chapellerie a aug-
menté ce que Karl Marx appelle Y armée de réserve des travail-
leurs. Les patrons ont pu remplacer les ouvriers que leur
habileté rendait exigeants par des apprentis sans expérience.
Ainsi l'usine Coupin, que les ouvriers en grève avaient dé-
sertée, forma 1.200 ouvriers nouveaux en quelques semai-
nes. C'est cet état de choses qui fit admettre en 1861, par les
ouvriers chapeliers, dans leur société, les apprentis au même
titre qu'eux-mêmes, de façon à les englober dans la grève.
Les femmes aussi purent être employées, plus généralement
qu'autrefois, à la fabrication des chapeaux.
Aussi le salaire diminua-t-il de façon considérable. A l'arti-
san qui ne manquait pas de fierté et qui gagnait jusqu'à i5 fr.
par jour, a succédé l'ouvrier, simple manœuvre, qui reçoit
4 fr. tout au plus les jours où l'on travaille, l'ouvrière dont
le salaire ne dépasse pas 2 fr. 5o '. Aussi 900 francs, i .000 francs
« D'après des renseignements que nous avons recueillis, les ouyriers
employés à l'usine Milliat ne toucheraient qu'un salaire inférieur ; mais
il nous a été impossible de contrôler cette assertion auprès de M. Milliat
qui s'est refusé à nous répondre, estimant € que la question des salaires
ne releyait pas du domaine de la science ».
-875-
au maximum, tel est le budget de l'ouvrier chapelier, à Theure
actuelle. Et cependant, tandis que le taux des salaires s'abais-
sait, le coût de la vie haussait, la puissance d acquisition de
l'argent diminuait.
L ouvrier chapelier est engagé à la semaine. Un usage spé-
cial est pratiqué pour l'embauchage. L'çuvrier retire au siège
du Syndicat qu'ont organisé les ouvriers chapeliers, une carte
dite de présentation. Avec cette carte, il se présente au plus
ancien de l'atelier, au « goré» et celui-ci le présente à son tour
au patron ou au contremaître.
L'ouvrier est payé à la semaine. Il n'est opéré aucune rete-
nue sur son salaire par le patron. Les Compagnies d'assurances
contre les accidents n'exigent que des primes très modiques,
les risques étant assez restreints.
Les ouvriers chapeliers aixois ont organisé une mutuelle,
dont la plupart font partie.
CONCLUSION
Nous avons essayé de dégager les causes de la décadence de
l'industrie de la chapellerie à Aix, et nous avons cru pouvoir
dire qu'elle était due à la concentration capitaliste des entre-
prises avec toutes ses conséquences. A l'heure où nous termi-
nons cette modeste ^tude. la ruine de l'industrie de la chapel-
lerie à Aix paraît irrémédiable : la Société nouvelle de cha-
pellerie vient de fermer ses portes et de licencier ses ouvriers.
Notre ville semble ainsi perdre à jamais ce qui lui fut une
source de prospérité. Qu'elle s'en console, en gardant le sou-
venir : son musée d'antiquités s'est enrichi d'un vestige nou-
veau.
G. Mer.
- 876 —
ri
li'industrie de la Gçjr^Dnnerie à Pertuis
par M. Eug. CUBST, Avocat à la Cour d'Aix.
INTRODUCTION
Lorsqu'il me fut aflirmé que Pertuis, à Theure aauclhe, pos-
sédait deux fabriques de chaussures « conséquentes ^ et que.
d*ailleurs. il y a à peine vingt ans, la bourgade jouissait dans
l*industrie cordonnière d'une réputation assez établie* pour
avoir songé un instant à placer un soulier ferré dans sesarmoi'
ries, i*éprouvai la surprise d'un Nemrod provençal qui chas^
sant le moineau, en un quartier bien connu, tomberait tout i
coup sur une bande d'oiseaux des iles.
Je croyais posséder mon Pertuis. Je le tenais pour un bourg
un peu mou, sommeillant au soleil dans rengourdissemeni des
bonnes digestions. Son heureuse population secompose« en
eflet, d agriculteurs et de commerçants.
Les premiers vivent sur un sol béni, parmi de vastes labours,
des vignes et des prairies quasi-naiurclles. La Durance, pr les
alluvions et l'humidité dont elle enrichit le terroir» permet au
riverain de cueillir les jours sans fatigues vaines. Quand il a
fait ses semailles, taillé ses ceps, tauché son foin, notre paysan,
aimé des Dieux, croise ses bras, en attendant une récolte inévi-
table.
De leur côté* les commerçants ne sont pas à plaindre. Par sa
situation géographique. Pertuis est le centre d approvîsiooi
ment de tout le versant sud du Luberon. Chaque vendredi
- 877 -
vingt villages envahissent ses places publiques, ses auberges,
ses cafés, ses magasins. Hebdomadairenient, ses marchands
reçoivent ainsi la manne bienfaisante des ruraux et, grâce aux
recettes du vendredi, ils fument la pipe les autres jours de la
semaine.
Ces mœurs paraissent en opposition directe avec les exigen-
ces de la vie industrielle. Et, de prime-abord, l'existence d'une
industrie prospère en un pareil milieu peut être considérée
comme un paradoxe d'une enflure toute méridionale.
C'est pourquoi j'ai voulu me renseigner aux sources. J'ai
reconnu tout d'abord qu'en ce moment^ les deux fabriques,
moins « conséquentes » qu'on le prétendait, tendent visible-
ment à une disparition fatale ; et ensuite que si, vraiment, après
la guerre, l'industrie cordonnière a joui à Pertuis d'une vérita-
ble prospérité, elle a dû cette prospérité uniquement à l'activité
ingénieuse d'un homme que les circonstances ont d'ailleurs
merveilleusement servi.
§ 1.— LES ORIGINES DE L'INDUSTRIE CORDONNIÈRE
A PERTUIS
En ce temps-là, établi à Chàteau-Queyras (Hautes-Alpes), le
père de Jean Bertrand rendait à la République d'obscurs ser-
vices de cordonnerie. Cet homme excellent, qui possédait huit
enfants et quelques arpents de terre maigre, ne répugnait pas à
s'employer pendant les mauvais jours d'hiver au ravaudage des
vieilles chaussures.
Or, il advint aux environs de 1840 que M. Bertrand mourut.
Ses filles étant mariées, les gendres firent procéder au partage
de Théritage. A cause de sa santé délicate, J. Bertrand ne s'était
jamais livré aux rudes travaux des champs. Mais comme il
— 878 —
témoignait d'une singulière prcdilectîon pour le cuir fauvv ci
la poix odorante, d*un commun accord la famille tut aban-
donna les instruments du père et cent écus de bon argent pour
les premiers besoins de son industrie.
Alors J. Berirand réfléchiL 11 se dit que si la clientèle de
Châieau-Queyras suffisait à nourrir approximativement un
cordonnier agronome et sobre, il y avait chance qu'avec elle,
un spécialiste éprouvât des désagréments. Et cherchant des
cieux plus cléments, le jeune cordonnier vint s'établir à Pertuîs,
sur les rives de la Durance.
Dès son arrivée, il put entrer au service du maître de la
4c Boite d'or t^ qui possédait un magasin de chaussures dans la
Grand'Rue. Mais il fut bien entendu qu'il travaillerait à prix
fait et dans son domicile. Le patron en usait ainsi avec ses
ouvriers, tant pour s'éviter la peine de les surveiller que pour
être sûr d*obtenîr, en échange des salaires payés, de véritables
services. En un mot, il manquait de confiance dans leur zèle
et leur activité.
J. Bertrand se mit à travailler. En vingt-quatre heures, il
acheva ce que d'autres mettaient trois jours à accomplir, parce
qu*îl apportait à l'ouvrage une conscience et une ténacité mon*
tagnardes.Le propriétaire de la « Botted'on* demeura confondu
de celte promplilude. 11 la signala avec de gros rires aux habi-
tués du ^ Grand café Thomas ^, partenaires habituels de sa
quadrette quotidienne.
La capacité de travail de Jean Bertrand fut un sujet de con-
versation tout comme Tattitudc deGuizot et les chances d'ave»
nir de la République, On en parla non seulement dans les
buvettes et le dimanche, chez le coiffeur, mais encore sous la
colonnade du grenier public, où tant de bons citoyens vicn*
nent discuter, chaque jour, les affaires publiques. La tonnelle
de Taubcrge, sous laquelle il travaillait, devint un but de pile*
-879-
rinage. Et lorsqu'il eut osé chausser de neuf et avec succès un
gros marchand de la rue Colbert, dont le pied droit était affligé
d'un concélèbre, insensiblement ThommedeChâteau-Queyras
conquit dans sa cité adoptive la réputation d'un maître-ouvrier.
« La Botte d'or » ne riait plus, parce qu'à petits coups et à
ses dépens, J. Bertrand arrondissait sa clientèle. La jalousie du
vieux négociant, les incidents homériques qui accompagnè-
rent le développement de cette rivalité, achevèrent de mettre le
jeune homme en vedette. Il prit un lieutenant. Il loua une
boutique, place Mirabeau. Et comme les affaires prospéraient,
il entra dans la catégorie des commerçants et orna sa porte d'une
enseigne.
Le jour où il lui parut que sa situation financière était con-
venable, il résolut de s'octroyer le repos dominical. Il acheta
un fusil, prit un permis et fît venir un chien de la montagne.
Il mit à chasser beaucoup de méthode, de ténacité et de con-
science. Et une grande renommée cynégétique l'auréola bien-
tôt.
On vit le notaire et ses amis, nemrods d'une insuffisance
notoire, lui frapper sur Tépaule, entrer dans sa boutique pour
le consulter et finalement en faire le grand directeur de leurs
parties. Il avait ainsi conquis la bienveillante amitié de la
haute bourgeoisie.
Par l'intermédiaire du notaire, il fit la connaissance d'un
sieur Diouloufet. Diouloufet s'honorait de tenir à Aix un maga-
sin considérable de chaussures, fabriquées à Marseille. Or, à
son dire, le fournisseur phocéen était en train de le jouer. Il
faisait entrer tous ses cuirs pourris dans l'épaisseur des semel-
les. Si bien qu'à la moindre fatigue, les dites semelles s'ou-
vraient. Ce gros négociant réclamait aux dieux réunis un cor-
donnier consciencieux et capable.
Des pourparlers s'engagèrent entre lui et J. Bertrand. Et
— 88o —
quand ce dernier se fui procurer le personnel ci les caprtaut
indispensables, un contrat authentique fut signé, aux termes
duquel J. Bertrand dcvaiu chaque année, fournir l\ Dioulnufdi
plusieurs miHiers de grosses chaussures.
Et voilà un incident qui prouve que J, Bertrand étau jimc
du ciel et qu'il dut au hasard de franchir le cercle restrciiu de
la production locale.
Deux ans plus urd» le propriétaire de la « Botte d*or ^ mou-
rait* Les quelques ouvriers qui travaillaieni pour lui à domicile,
proposèrent à noire homme de le servir aux mêmes condition!^.
Au nom de la veuve* le notaire offrit de lui vendre le fonds qui
comportait avec sa clientèle locale certains villages de TArdè-
che. Ayant réfléchi, il accepta d'augmenter son chifîVe d'affaires
D'ailleurs, le bon vent de la fortune ne cessait de gooflef , de-
puis plusieurs années, les voiles de sa nacelle.
Tout d abord» à Aix, sa réputation s^éiait affirmée : successi-
vement plusieurs maisons de chaussures qui se partagent ta
clientèle ouvrière de la ville avaitnt fait appel à son habileté
reconnue. Et pour les satisfaire, il retenait à Pcauis toute une
petite colonie de cordonniers piémontais. nomades qui cher-
chent fortune au sud de la France. Il songea qu'il trouverait
aisément un complément de personnel à Marseille et un déb
ché nouveau dans les départements des Alpes, dont il était orî^
ginaire et où des membres de sa famille vivaient encore. El
son projet réussit merveilleusement après qu'il se fut décidée
entreprendre quelques petits voyages aux environs de Brian-
çon. Digne et Barcelon nette.
Alors, il songea à se marier. Le notaire s employa à loi Iroth
ver une dot convenable. De simple compagnon de chasse, le
fabricant de chaussures était devenu pour lui ua bon clieot.
donc un ami. J, Bertrand, marié, se jugea digne de fréquefiier
le Grand café Thomas Cet établissement, semblable à
- 88i -
aquarium, développe les glaces de sa façade sur la place du
Quaire-Septembre. Et il reçoit, trois fois le jour, l'élite de la
cité et le peuple arrogant d& voyageurs de commerce.
J. Bertrand connut autour d*une table de marbre M. Mar-
rot qui représentait une importante soierie lyonnaise dans le
midi de la France et l'Algérie. M. Marrot était un grand chas-
seur devant TÉternel et il fut bientôt pris de sympathie pour
J. Bertrand qui, lui aussi, honorait particulièrement la divine
Diane. Il lui révéla qu'à Blidah, par exemple, et dans d'autres
petites villes d'Algérie, les populations, pour la chaussure,
étaient exploitées par des Italiens qui livrent à des prix fous de
la pacotille. Il se faisait fort, au cours de ses tournées, d'abou.
cher le fabricant de Pertuis avec les marchands algériens. Et
Jean Bertrand s'étant laissé convaincre, un essai fut tenté qui
réussit pleinement.
En 1880, il se trouvaitainsi à la tète d'un commerce considé-
rable. Il était devenu notable dans la cité, conseiller munici-
pal, officier d'Académie. Et il ne sortait plus en bras de che-
mise. Son fils courant sur ses dix-sept ans, décrocha le diplôme
du brevet élémentaire. Escomptant la puissance de ses relations
politiques, J. Bertrand souhaitait le voir promu à la dignité de
professeur du collège. Et il appela un de ses neveux à sa suc-
cession éventuelle.
Un jour qu'à pas lents, sur le chemin du Saint-Sépulcre, il
discutait ses affaires avec le notaire, celui-ci s'étonna de voir le
dauphin renoncer à la couromie pour une fonction, somme
toute, plutôt modeste. Et J. Bertrand développa les motifs qui
lui avaient dicté sa décision.
Tout d'abord, il prévoyait la décadence de son industrie flo-
rissante. Le machinisme. progressait chaque jour. Des usines
nouvelles à Avignon, à Nîmes, fabriquaient entièrement le sou-
lier à la machine. Ces maisons allaient inonder le marché
CONGKK8 — 66
— 883 —
réj^ional de leurs produits muliiplîés. Leurs capitaux, une fois
amortis, les prix baisseraient nécessairement dans des propor*^
lions si considérables que la vieflle école ne pourrait plus
lutter*
Incontestablement* rien n*em péchait J. Bertrand de suivre]
l'exemple des Avignonais et des Nîmois. Mais comme le sou^
lier fait à la machine est rien moins que solide, il sérail promp*
lemeni abandonné par sa clientèle qui est économe et ne veut
pas être dupée. Il lui faudrait donc chercher d'autres débou*
chés, créer de toutes pièces une industrie nouvelle.
Or, quarante ans d'activité» une étoile constante, lui avaient
permis de faîredeséconomiessufiisantes, une véritable fortune
pour le milieu. Il possédait une vigne, un verger» des bbours,
maison â la ville et maison aux champs.
Arrivé au seuil de la vieillesse, il n'allait pas compromciirc
ces résultais par Tachât de machines, rétablissement d'un local |
approprié et les frais énormes du commerce moderne. Il se sen-
tait, en outre, incapable de diriger son fils vers des voies qu*il
ignorait.
Un autre obstacle s opposait d'ailleurs à la réalisation locale
d'un pareil projet. Pertuis» en effet, se refusait à fournir uo
ouvrier à la cordonnerie. Pour faire face à ses engagements, ic
patron se voyait obligé de recruter son personnel parmi les
Italiens débarqués à Marseille. Les rares indigènes qu*au cours
de sa carrière J. Bertrand put embaucher» montrèrent iau$|
une capacité de travail însuftisanic. Il dut renoncer, dès ses
débuts, à les payer à la journée et a les employer chc2 lui.
Mais le travail à la tâche lui-même ne produisit pas de bril-
lants résultats. Voyant la population boire le soleil la moitié
du jour sur les places publiques» les ouvriers ne résistaient pas |
à la tentation de se mêler à elle. Ils estimaient cependant que
leurs salaires étaient insuffisants et, en i86(j. ils voulurent oblc*
- 883 —
nir une augmentation par la grève. Mais le mouvement échoua
et les cordonniers-amateurs s'éparpillèrent.
J. Bertrand n'avait point celé son intime satisfaction de cette
solution extrême. Quelques années plus tard cependant, il dut
reconnaître que le recrutement piémontais devenait lui aussi
plus difficile. Ces montagnards, mangeurs de poulenta, après
quelques années de vie marseillaise, en arrivaient à être exi-
geants. Ils trouvaient sur les quais, par exemple, des besognes
chaque jour mieux rétribuées et pour lesquelles il n'est point
demandé de capacités particulières D'autre part, les politiciens
s'emploient avec un zèle apostolique à faire leur éducation. Et
J. Bertrand trouvait moins facilement que jadis des volontaires
heureux de vivre à Pertuis, pour un salaire quotidien et moyen
de 3 francs 5o. Ce salaire, il ne pouvait, d'ailleurs, songer à
l'élever du moment où la concurrence des machines allait l'obli-
ger à baisser peu à peu ses prix.
Pour toutes ces raisons, le vieux cordonnier prophétisait la
décadence prochaine. Il espérait toutefois que ses clients mon-
tagnards seraient encore assez longtemps fidèles à sa maison,
pour que son neveu puisse, sinon s'enrichir, du moins vivre
plus aisément qu'à Château-Queyras, ce qui n'est pas difficile.
I II. — CONDITION DES TRAVAILLEURS
On m'a indiqué que M. Prat cumulait les fonctions de
concierge au collège et celles de cordonnier. Je suis allé le voir
espérant qu'un fonctionnaire — si modeste fût-il — de l'Ins-
truction publique comprendrait plus aisément les causes pro-
fondes de mon apparente indiscrétion.
M. Prat a bien voulu me renseigner. Il nourrit contre sa
profession de vieilles rancunes. Et il l'accuse de maintenir
— 8R4 —
ceux qui l'exerceni dans la plus noire des misères. En ce qui
le concerne, avani d'entrer dans 1* Administration, il habitait le
premier étage d'une maison obscure et humide, sise au cœur
du vieux Pertuis. H y accédait par une rue large à peine d'un
mètre ci dont le centre était occupé par un ruisseau noir.
Les déjections des riverains alimentaient seules ce ruisseau
qui, ne voyant guère passer de l'eau que les jours d'orage,
nourrissait habituellement l'atmosphère de printanières sen-
teurs.
M. Prai dormait dans une chambre sans ouvenures et qu il
aérait par la porte donnant sur le palier. Il iravaillaii dans sa
cuisine* Vhiver, pour profiter de la chaleur de son petit Ibur-
ncau, cl en toute saison, du jour gris distribué par sa fenêtre.
Son mobilier des plus sommaires se composait d'un lit, de
quelques chaises de paille grossière cl d*une table boiteuse, sur
laquelle il déposait sa poix et ses outils.
Ces outils — clous, formes en buis, irancheis. marteaux.
pinces, poix, saindoux, ligneul — lui étaient fournis par le
patron, Il n achetait lui-même que les soies de sanglier qui
servent d'aiguilles et il consacrait à ces achats environ dix cen-
times par semaine.
M. Bertrand lui livrait à la fois les empeignes, les tiges et les
semelles pour deux paires de chaussures. Et lorsque M, Prai
rapportait l'ouvrage achevé, il recevait en échange les matériaux
nécessaires à des confections nouvelles.
En travaillant dix heures par jour» il était arrivé quelquefois
à monter une paire et demie de grosses chaussures. Mais pour
obtenir ce résultat, il lui fallait faire ^des dépenses énormes'
d'énergie. Rien n'est, parah-il. plus pénible que le métier du
cordonnier. Plié en deux sur sa chaise, obligé de faire des
efforts musculaires considérables pour coudre des semelles ,
très épaisses, il fatigue ses bras, ses jambes, ses reins et sa ictc.
- 885 —
Aussi, la plupart du temps, M. Prat prenait-il quelques heu-
res pour se dégourdir les muscles et boire sur les places publi-
ques un peu de ce soleil, indispensable à la vie des Proven-
çaux. Les besoins d'argent réglaient d'ailleurs son zèle. Quant
au patron, connaissant les habitudes d'un personnel imbu des
doctrines démocratiques et du sentiment très vif de son égalité
de droit, il contemplait ces pauses d'un œil serein. Il ne lui
vint jamais à l'idée d'établir ces retenues de salaires, ces
amendes que, dans les villes, des industriels réactionnaires
suspendent au-dessus de la tète de leurs ouvriers, sous'le falla-
cieux prétexte d'assurer une production régulière.
Mais si les ouvriers de M. Bertrand disposent de leurs per-
sonnes, M. Bertrand, lui, dispose seul de la caisse. Et en vertu
d'un tarif clairement établi, l'ouvrier se trouve payé à forfait,
aux conditions suivantes : )
«•
Une paire de souliers forts (hommes) 3.5o
— — (femmes) 1.70
— fins (hommes) 4.25
— — (femmes) 3 . 5p
Article courant 2 80
Somme toute, M. Prat arrivait à gagner normalement
90 fr. par mois.
Là dessus, il lui fallait d'abord payer sa « pension > du
Cheval Blanc, qui a la spécialité de nourrir quelques cordon-
niers et toutes les mouches du canton pour le prix de 45 francs
par mois et par tête d'homme; le loyer. 8 francs par mois
(chambre garnie) ; le barbier, l'entretien du linge et le blan-
chissage. Et quand il était allé le dimanche faire sa partie de
boules à « l'Eden » ou danser au son de la boite à musique au
cabaret « du vin sans eau », dont l'enseigne cabalistique
0-20-100-0 passe pour un modèle du genre, M. Prat. tàtant
« 886 ^
son gousset vide, se trouvaii apte à mieux comprendre les poli-
ticiens avignonais qui s aveniUrcni parfois à Pertuisi pour y
répandre la bonne doctrine.
Sur les conseils de ces messieurs, les cordonniers» en iSgo.
se mirent en grève. Ils espéraient* par le progrès des mœurs et
des idées sociales, voir réussir le mouvement qui, irenlc ans
plus tôt, avait si piteusement échoué. Et iis demandèrent avec
des clameurs une augmentation de o fr. 40 centimes par paire.
Les patrons offrirent o fr, i5 et, après quelques jours de dis*
corde, les ouvriers furent trop heureux d'accepter la proposi-
tion.
Les étrangers se louèrent vivement, dans des réunions pu»
bliques, de ce résultat qui évidemment éiaii minime, mais qui
marquait l'ouverture d*une ère de progrès. El ils demandèrent
aux ouvriers de se syndiquer. d*opposer à l'abominable capital
les forces réunies du prolétariat, afin de voir bientôt révolus les
temps nouveaux dont parlent les oracles. Le prolétariat omit
de suivre ces conseils, lorsqu'on lui demanda de verser chaque
mois, a litre de cotisation, une somme qui dépassait de beau-
coup raugmeniation de salaire concédée et d'abandonner
direction du Syndicat aux initiateurs étrangers que l'cxpé*
rience rendait seuls capables d exercer le haut commandement
à celte heure.
M* Prat eut vite compris que les quinise centimes d'augmen-
tation constituaient un progrès plutôt illusoire. Dauirc part,
comme les mœurs à Permis, d'une simplicité biblique, per-
mettent le tutoiement entre le patron et Touvrier, M. Bertrand
eutloccasion d'expliquer à M. Prat que le salaire paye par lui
était lextréme limite des concessions possibles.
Une paire de chaussures pour hommes se vend, par exem-
ple, au consommateur H fr 5o* Le môme article pour femme.
7 fr, 3o; pour enfant, 4 fr. 5o. De ces sommes* si Ton déduit
- 887 -
les prix de façon, soil 2,80, 1,70, 1,20 — les fournitures et dé-
chets: 5,90, 4,95 et 2,70 environ, reste à peine une moyenne
de o fr. 60 pour les frais généraux (peu élevés) et le bénéfice.
Et M. Bertrand estimait ce bénéfice à peine suffisant pour lui
faire préférer les soucis du travail au repos complet.
M. Prat, comprenant fort bien que la cordonnerie était une
maîtresse ingrate et qu'il n en tirerait rien de plus, se mit
alors en devoir de révolutionner sa vie. Et il prit sa petite bas-
tille, d'abord en se mariant, ensuite et surtout « en faisant de
la politique ».
Par son mariage, il crut devoir réaliser certains profits. Les
mercuriales permettent de constater que les denrées alimentai-
res sont à Pertuis à de très bas prix. M. Prat recommandait,
d ailleurs, à sa femme de s'adresser non pas aux boutiquiers,
mais à ces petits propriétaires qui vivent sur leurs terres et qui
cèdent très volontiers lesproduitsqu'ilsneconsomment pas, afin
d'avoir de quoi payer le tabac et l'absinthe de l'heure verte.
Quant à la viande, elle se trouvait aussi à bon compte, dans les
triperies qui débitent aux vieux quartiers de la ville les pièces
que la bourgeoisie distinguée ne mange pas. Et M** Prat arri-
vait ainsi à nourrir le ménage sans dépasser de beaucoup le
prix que son mari payait jadis à Thôtesse du Cheval Blanc.
D'ailleurs, M. Prat, estimant que sa femme devait travailler
comme lui-même et ne point prélever sur ses salaires person-
nels les cotonnades rouges et les indiennes dont ces dames
usent beaucoup, l'invita tout d*abord à « coudre des tiges »
pour le compte du patron. Ce travail est assez facile. M"* Prat
y employait les moments où elle n'avait pas à laver son linge,
à balayer sa cuisine et à préparer son repas. Elle gagnait ainsi
I fr. 5o par jour, ne paraissait pas dans la rue et évitait de se
mêler à beaucoup de commérages.
Lorsqu'elle fut experte dans Tart de coudre ensemble deux
^ 888 —
pièces de cuir, M» Prai ne craignit point de (envoyer au domi*
cile de M. Bertrand piquer deti claques à la machine. Ces
jO'jrs-là, M* Pral surveillait lui-même la marmite en travail*
lant à c6té du fourneau et sa femme rapportait le soir un salaire
de -j francs à 2 fr. 25.
M. Prat commençait à constater de grandes améliorations
dans sa vie, lorsqu'il eut l'occasion d assister a une révolution
municipale. Une opposition s'élant formée contre rédilité, il
prit fait et cause pour les opposants. Durant la période électo-
rale, il recruta d^s adhésions dans les campagnes, distribua les
bulletins de ses amis et menaça congrùmcnt les adversaires
du garde champêtre, gardien vigilant des règlements de police
rurale. On le récompensa de ses loyaux services en rintrofi
sant, après le succès, porte-clef du collège de la commune.
Fonctionnaire municipal, M, Prat reçoit pour tirer la cloche,
huit fois par jour et pour ponerà la poste le courrier du princi-
paU un traitement annuel de 375 fr. Il est logé, lui et sa famille.
tl se chauffe au charbon communal, lu bien qu*il travaille en-
core — modérément — à la confection des chaussures, il c&timc
s*ètre évade du prolétariat de la cordonnerie.
Ils sont ainsi quatre ou cinq princes parmi les chevaliers de
la poix — cordonnier-concierge — cordonnier-aygadier — cor-
donnier petit propriétaire. Les autres, le gros de la troupe, se
compose aujourd'hui encore de piémontais résignés. Ils peu-
plent tradittonnellement le quartier de Saini-Peîre, sous les
ruines des remparts. La plupart sont célibataires et Ton peut
les dénombrer, les jours de beau temps, alors qu'aux coups de
midi, ils croquent devant le Cheval Blanc des boudins» de^
oliveji et des figues sèches*
M. Bertrand en employait soixante, il y a quinste ans. Au^
jourd'hui, quarante à peine demeurent à son service qui vîveût
la vie étroite que M. Prat menait avant d'entrer au collée.
^ 889 -
Moins favorisés que leurs camarades de la cordonnerie mé-
canique, qui, mieux payés, plus instruits, groupés d ailleurs en
syndicats, voient chaque jour s'améliorer leur situation maté-
rielle et morale, ces ouvriers attendent dans la résignation la
plus complète, soit un improbable mieux-être, soit Toccasion
d'abandonner leur industrie pour un métier moins ingrat.
5 III. - ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE
Je me suis présenté chez M. Bertrand, neveu et héritier du
fondateur de la dynastie. Et je Tai prié de me dire dans quel-
les conditions il fabrique les souliers qui pendent par grappes
le long de ses murailles et des poutrelles de ses plafonds.
M. Bertrand, après avoir manifesté une surprise énorme de
me voir prendre quelque intérêt à la question, m'a indiqué :
Primo, — Qu'il s'occupait uniquement de la confection des
grosses chaussures et qu'il n'était jamais entré en concurrence
avec les industriels dont la spécialité consiste à rendre élégant
et pointu le pied de l'habitant des villes.
Secundo. — Qu'ayant succédé à son oncle, il recueillit, avec
l'atelier, la clientèle et qu'il continuait à servir les habitants de
l'Ardèche, des Alpes et de certains coins d'Algérie, contrées
diverses, où l'indigène, par lagrâced'uh sol caillouteux, ignore
l'escarpin de bal et la bottine vernie.
Tertio, — Que son chiffre d'aff*aires se fait sensiblement
moindre que celui de son oncle. De 200.000, en 1890, il était
passé, en 1895, à 180.000, puisa iSo.oooen 1900, et enfin au-
jourd'hui à 120.000. Que cette diminution devait être attri-
buée, tant à la concurrence des cordonniers de Barjols (Var)
qu'à celle de M. Scaralura qui s'établit à Pertuis, en 1890, et
emploie aujourd'hui une trentaine d'ouvriers. Scaralura tra-
vaille aux mêmes conditions que Bertrand. Il fait environ
80,000 fr. d'affaires. Mais les patrons de Barjols ont sur le
Pertuisiens d'incontestables avantages. Tous leurs ouvriers
sont des autochtones à la Tois agriculteurs et cordonniers. Les
produits quils tirent de la terre nourricière les rendent moins
exigeants pour le salaire et. de ce chef, les industriels du Var
économisent en moyenne o,5o sur le coût de production d'une
paire de chaussures. Cette économie se traduit par une dimi-
nution de prix qu'apprécie évidemment la population de la cam*
pagne.
A Barjols comme à Pcrtuis» les ouvriers travaillent d'ailleurs
de la même façon. Le soulier qu'ils produisent se compose de
deux pièces de cuir qui» réunies» entourent le talon et se termi-
nent par deux oreilles lacées sur le coup de pied (ce sont les
tiges). Une empeigne enveloppe le dessus et les côtés du pied*
La plante du pied repose sur une double semelle. Et un talon
de cuir complète la chaussure.
Chaque maison possède degx ou trois coupeurs. Armés du
iranchct, banded acier terminée par un angle aigu dont un côté
porte une lame, le coupeur découpe dans la pièce de cuir, éten-
due sur une table, les tiges, les empeignes et les semelles.
Les tiges sont livrées aux couseuses. Elles joignent les deux
pièces par une couture qui mohtc du talon à Tcxtrémité supé-
rieure du soulier- Les tiges cousues sont réunies aux em-
peignes par les piqueuses qui font, dans ce but, sur Icsdeu
côtés, une couture à la machine. Cette machine est en tout point
pareille à la machine à coudre des tailleuses, saut cependant
que les rouages sont moins délicats et que l'aiguille, destinée <
traverser le cuir, est plus résistante. Les trous qui serviront
lacer le soulier sont alors faits à la pince emporte-pièce et les
œillets placés a la machine.
A ce moment,* ledessus du soulier >► n a plus qu a être ajusté'
— Sgi —
à la semelle et c'est à cette besogne que s'emploie l'ouvrier cor-
donnier proprement dit. Il opère avec du ligneul, ficelle enduite
de poix, après avoir laissé tremper et battu le cuir, pour l'assou-
plir et « serrer son grain ».
Lorsque M. Bertrand eut achevé ces explications, je lui fis
entendre que ses collaborateurs travaillent selon des préceptes
vénérables, puisqu'en 1767, ils étaient déjà célébrés par le sa-
vant traité de M. de'Garsault^ Mais M. Bertrand, qui cultive
les jardins de l'Ironie, me demande avec un sourire si la façon
d'utiliser nos dents, par exemple, avait souvent varié au cours
des âges et si on songea jamais à les remplacer par un appareil
masticateur. A son sens, le procédé dont parle M. de Garsault
doit être tenu moins pour vénérable que pour excellent, puis-
qu'il put résister aux outrages du temps et aux révolutions du
machinisme
Sans doute, l'apparition de certaines machines, telle que la
machine à coudre les semelles, purent faire croire à la dispari-
tion prochaine de la confection à la niain. M. Bertrand n'igno-
rait pas que son oncle avait conçu à ce sujet les craintes les plus
vives. Mais la pratique avait donné tort aux innovateurs. Et si
les bottines continuent à être fabriquées de cette manière, de-
puis longtemps on a dû renoncer à la confection par la machine
des souliers de fatigue. Les produits de la machine ne résistent
pas à l'usage. Et la couture faite par la machine ne saurait être
comparée, au point de vue de la solidité, à la couture à la main.
La machine, en effet, unit les pièces de cuir en les traversant
d'un fil à chaque « point ». L'homme, non seulement forme
des « points » par la réunion de deux fils poussés en sens in-
* Sans doate, en 1767, on ne possédait ni la machine à piquer les claques,
ni celle qui perce les trous et place les œillets. Mais il faut reconnaître
que ces machines sont loin d'accomplir les opérations essentielles de la
confection qui sont demeurées invariables.
V
verse» mais encore ces deux fils s'entrecroiseni et forment nœud
au milieu de la semelle.
D'ailleurs, d'une manière générale, le machinisme laissait
i\L Bertrand dans Tindifférence la plus complète* La spécialité
de saclienicle lui inierdisait de songer aux produits peu résis-
lanis et il n avait point à se préoccuper de la rapidité dans la
production. Il voyait d'autant moins de motifs de se hâter qu'il
arrivait à satisfaire la demande avec des ouvriers célèbres par
leur nonchalance.
Trouver des débouchés nouveaux ? Les bénéfices réalises ne
Tencourageaient pas à entrer dans cette voie. Concurrencé par
Barjols qui produit à meilleur compte ; dans rimpossibilîtc ab-
solue d encourager et d'étendre son personnel par une augmen-
tation de salaire* prévoyant le moment où Touvricr ferait dé
faui : M, Bertrand se comparait avec humilité à un mulet de
labour qui sillonne sans espoir une terre ingrate. A son sens,
l'industrie cordonnière à Pertuis se meurt d'une anémie pro-
fonde et on peut, dès maintenant, prévoir sa complète dispari-
tion.
CONCLUSION
Au moment de clore cette petite enquête, je dois rendre hom-
mage à la parfaite sincérité des déclarations de M* Bertrand.
11 est vrai — et cela se conçoit sans peine — que le recrute*
ment du personnel devient chaque jour plus difficile* En ce
moment, vous ne trouveriez pas un seul apprenti à Pcnuisci
on ne se souvient pas d'en avoir formé durant ces vingt der*
mères années. Le père de famille se soucie peu d engager son
lîls dans une voie où le pain quotidien est si difficile à gagner.
Il est vrai que le patron ne peut songer à augmenter ses salai*
res. Pour vivre, il est arrivé à limiter strictement ses bënélices.
- 893 -
11 se trouve en concurrence avec des industriels du Var qui
produisent le même article que lui, à meilleur compte.
Le cuir, d'autre part, augmente constamment de valeur.
L'automobilisme, le vêtement de sport ouvrent de nouveaux
débouchés à la tannerie. Les guerres récentes ont d ailleurs
raréfié la production. Si bien qu'à moins de hausser leurs prix,
ce qui comblerait Barjols de joie et leur ferait perdre encore
une partie de leur clientèle, les Pertuisiens peuvent prévoir un
amincissement nouveau de leurs gains étiques.
Mais à ces causes de marasme indépendantes de leurs volon-
tés, nous pouvons en ajouter d'autres,dont ils sont entièrement
responsables : je veux parler de leur manque absolu de sens
commercial. Ils ont la haine de la réclame, des voyageurs, de
l'association, des conditions du commerce moderne. Et tandis
que je recueillais ces interviews, je rapprochais, malgré moi,
leurs récriminations de celles que Tante Manon adressait aux
Chemins de fer, s'il fi^t en croire Paul Arène, et des diatribes
lancées par le meunier de Daudet contre la minoterie à vapeur.
La constatation paraîtra invraisemblable à* ceux qui savent
combien la vallée de la Durance se pique en période électorale
d'un amour intense du progrès. 11 faut croire que ce sentiment
généreux se dépense si complètement tous les quatre ans que,
pendant les intervalles, le Pertuisien n'en trouve plus une
bribe à introduire dans le train-train ordinaire de sa vie.
1
> ■ ■.
— 895-
XLVI
LA GRISE DE U GORDOMNERIE A lARSfiULB
vers 1T89
par O. TAXiRAll, Piofessenr aa Lycée Ifignei,
Corregpoudamt dm Minisière, ComseiiUr du comwmerce extérieur,
Secrétairt général de U Société ^Études propemçMia.
La cordonnerie marseillaise avait, an xviu* siècle, grande ré-
puation : ses articles alimentaient une exponation importante
et continue ; ils étaient dirigés vers les colonies d'Amérique ;
ils y étaient recherchés avec une préférence particulière.
Vers la fin du xxur siècle, ce commerce spécial s*alanguii ;
il souffrit d'une crise industrielle ; le mal fut niôme assez grave
pour inquiéter la corporation; elle constatait avec Inquiétude
le ralentissement de la fabrication ; elle était effrayée du ma-
laise au point de craindre que le marché colonial ne se fermât
devant elle : ses clients ne seraient-ils pas tentés de s'adresser
à d'autres fournisseurs ?
La cherté de la vie avait causé cenç crise : maîtres et garçons
expriment cette même plainte, les maîtres dans leur délibéra-
tion du i8 mars 1789, les garçons dans leur délibération du
39 mars, quelques jours après.
Les doléances des garçons ne sont pas une simple constata-
tion ; elles sont complétées, précisées par un vœu explicite ; ils
demandent une réforme : c'est que « la ferme établie sur le
pain et la viande soit éternellement abolie. »
— 896 —
La cherté de ta vie était suivie de deux effets, dont, par inci-
dence* les maîtres avaient à supporter le contre-coup : les mar-
chands de cuir avaient dû relever leurprix de vente ; peut-être,
d'ailleurs, ëprouvaient-ils quelque difficulté d'approvisionnc-»J
ment ; il est à présumer que si la viande était chère, c*csl"
qu'elle était rareje bétail manquait. Le paysan ne faisait pas
plus d'élevage que d'agriculture. Quoiqu'il en soit des circons-
tances particulières, un fait est certain : dans la même délibé-
ration où les maîtres se plaignent de la cherté des vivres, ils scj
plaignent de la cherté des marchandises : elles ont augment
de 60 0/0.
Tandis que la cherté des vivres faisait hausser aux marchands
de cuirs leur prix de vente, elle faisait hausser aux garçons lej
prix de leur travail : ils exigeaient des salaires plus élevés, iW
allaient jusqu'à les imposer aux maîtres. Dans la même déli-
bération, les maîtres enregistrent cette situation : ils protestent
contre !a prétention de leur imposer un prix de façon.
Hausse sur la matière première, hausse sur la main-d'œu-
vre, telles étaient les conséquences que, par suite de la hausse
sur le prix 4iu pain et de la viande, les maîtres cordonniers
avaient à subir.
Le résultat de ces deux causes, c'était la hausse de Kaaiclc'
lui-même au détriment du consommateur, sans pro6t pour le
fabricant ni pour l'ouvrier : les maîtres déclarent ^ qu1ls ven*
dent un tiers plus cher, sans bénéfice accru )*.
La surélévation des prix de la chaussure, telle était la cause
manifeste du ralentissement dans l'exportation de cet article,
telle était la cause qui resserrait sur un des marchés de Mar-
seille son commerce colonial, ses échanges avec nos établisse-
ments en Amérique.
De ces deux faits, le renchérissement de la matière première
ou le renchérissement de la main-d'œuvre, il semble que ce soit
cette dernière qui ait le plus agi sur la cordonnerie.
- 897 -
Le contrat de travail soulève dans cette industrie des ques-
tions, provoque des réglementations, appelle des réformes qui
remplissent les documents parlementaires et corporatifs de
répoque.
La lutte est réelle ; les intérêts sont inconciliables ; deux par-
tis sont en présence; ils se traitent en ennemis; leur système
est la défensive ; chacun combat avec son tempérament, l'es-
prit déclasse. Radicaux absolus, les garçons demandent, obéis-
sent d'ailleurs au courant général de Topinion, l'abolition des
maîtrises. Conservateurs, jaloux de leurs privilèges, invoquant
la protection de l'État législateur, les maîtres demandent la
création, l'organisation, le fonctionnement du bureau de place-
ment.
C'est par cette institution, inspirée par le patronat, que la
crise de la cordonnerie marseillaise offre un intérêt plus parti-
culier.
La pensée qui dirigea les maîtres dans ce système de préser-
vation contre les agissements des garçons cordonniers est con-
tenue dans deux arrêts du Parlement d'Aix : l'un, du i6 jan-
vier; l'autre, du 5 avril 1781.
Une corrélation si étroite unit ces deux dispositions que l'on
est en droit de voir dans l'arrêt du 16 janvier les motifs mêmes
de l'arrêt du 5 avril. La rédaction, d'ailleurs, est explicite : l'ar-
rêt du 5 avril est la confirmation de l'arrêt du 16 janvier.
Il semble bien, sans que l'on puisse relater le fait en ses dé-
tails circonstanciés, qu'une organisation raisonnée, concertée
des garçons cordonniers pour imposer aux maîtres une réforme
dans le contrat de travail fut la cause originelle et effective de
la création d'un Bureau de placement.
D'après l'arrêt du 16 janvier 1781, « il sera défendu aux gar-
çons de s'assembler, de s'attrouper, d'établir des impositions
entr'eux, de nommer des syndics-trésoriers ou collecteurs de
COHORkS — 67
-899-
oreilles même, pendant leurs délibérations, les agitations de
ceux qui demandaient des réformes aux cris : du pain, du
pain ? Une révolution, entreprise par le Tiers-État, la bourgeoi-
sie, le patronat, ne pouvait avoir que l'idéal social d'une classe.
Une société démocratique pouvait seule élever le but et élargir
le champ des réformes.
A l'organisation illicite de la résistance, la corporation op-
posa la réglementation légale des conditions du travail : ce fut
Tinstitution du Bureau de placement des garçons cordonniers.
Par Tarrét du 5 avril 1781, les premiers des maîtres établis-
sent un bureau de placement.
Les garçons arrivant dans la ville de Marseille devronts'adres-
ser à ce bureau, demander un billet et se rendre dans les vingt-
quatre heures chez leur patron. En cas de changement, le gar-
çon devra prévenir le patron en temps ordinaire, huit jours
d'avance ; dans les périodes des quatre grandes fêtes, le délai
sera de trois semaines.
La demande devra être rédigée par écrit et adressée au pré-
posé de corps du Bureau de placement. Lorsque les garçons
quitteront leurs maîtres, ils de\Tont se présenter au Bureau, se
faire inscrire et demander un billet de placement.
Comme dans les cas précédents :
Si les garçons contrevenaient à ce règlement, ils encourraient,
pour la première fois, une amende de trois livres ; pour la se-
conde, une amende de six livres ; pour la troisième, un empri-
sonnement de quinze jours.
En s'inscrivant. les garçons doivent déclarer leur véritable
nom. prénom, lieu d'origine, à peine d'un mois de prison.
Ils ont des droits à acquitter : cinq sols à leur arrivée ; tioîs
sols en cas de changemenu Le Bureau sediarge de faire porter
sac ou crépin à l'atelier choisi.
Ces droits, comme les amendes, servircmt à réuUissement
et à la manutention du Bureau de fdacemeoL
C est une obligation iniporative pour loiis les garçons de se'
faire inscrire au Bureau ; sinon, ils doivent quitter la ville sous
peine de quinze livres d'amende et, en cas de récidive, cinq
jours de prison.
Les premiers oni le droit de faire saisir et conduire lesconire-
venanis. Ils s obligent à ne point prendre de garçons arrivani
ou remuepteds, s'ils ne sont pourvus d'un billet, sous pemc
d amende de vingt livres. 11 leur est défendu de payer aux gar-
çons plus de vingt sols pour la façon de souliers finis ordi-
naires, s'ils fournissent le logement ; plus de 22 sols dans le
cas contraire.
Celte réglementation prolégeaiilcs maîtres contre la mobilité
de la main-d œuvre, contre les spéculations des employés sur
l'employeur à l'occasion d'une presse, contre les supercheries
ÔQS saboteuf^s qui roulent d atelier en atelier* contre les reven-
dications excessives de salaires, contre les détaillances ou les
calculs de concurrences.
Quel compte tenait-on des conditions du travail pour le gar-
çon ? On ne fixait point le maximum d'heures de travail ci ce-
pendant, on iixaitun maximum de salaire ! On prévoyait d<
coniraveniions, on édictait des peines pécuniairement plus gr«J
ves, des amendes plus lourdes pour le garçon que pour le maî-
tre. On ne prévoyait point en cas de conflit de mesures concilia-
trices : l'ouvrier n'avait qu'à changer, déguerpir ou subir la pri-
son ; d*arbilrage, point.
Si Ton remarque, d'une part, 1 appareil du Bureau de place
ment et, d'autre part, lattitude du Syndicat des garçons, la cor-
poration apparaît comme une citadelle renforcée contre un a&-^
saut.
En exprimant le vœu de voir les maîtrises abolies, les gar
çons cordonniers voyaient en elles une Bastille qu'il fallait dé-
molir Us y ont réussi. Leur victoire ne leur a pas profité^ peut-
— 901 —
être la défaite a-t-elle été utile à leurs adversaires : garçons et
patrons ont conquis la liberté du travail, les patrons ont perdu
la liberté d'association, les garçons ne Tont pas obtenue. Li-
bres, sans pouvoir s'associer, les travailleurs n*oni pu suppri-
mer le salariat, ils sont retombés sous la loi du capital.
Faute d'étendre la liberté d'association des maîtres aux gar-
çons, en proclamant hautement cette vérité comme un droit
naturel aussi imprescriptible que la liberté individuelle, la Ré-
volution, œuvre d'une autocratie nouvelle, a entretenu la riva-
lité des classes et perpétué le schisme social.
— 9^3 - -
XLVII
La pêche des éponges en Provence
par Jules COTTE, professeur à l'École de médecine de Marseille.
Les côtes de la Provence sont fréquentées depuis fort long-
temps par les pêcheurs de corail, et les palethnologues sup-
posent que le corail provençal a pénétré dans Tlnde après les
conquêtes d'Alexandre. Il n*en est pas de même en ce qui con-
cerne les éponges et je ne crois pas que, avant ces dernières an-
nées, des recherches sérieuses aient été faites le long de nos
rivages au sujet de la pêche de ces derniers animaux.
Un négociant marseillais, M. Crozat, a récemment employé
des scaphandriers à explorer la région qui s'étend entre les
golfes de Marseille et de Saint-Tropez, et il a constaté qu'elle
est assez uniformément spongifère ; seulement les individus
qui y vivent sont, à son avis, trop disséminés pour que l'on
puisse y délimiter des bancs à proprement parler et pour que
la pêche y soit lucrative. Les scaphandriers qui ont travaillé au
renflouement de VEspingole possédaient des chapelets d'épon-
gés et de fort belles branches de corail récoltées par eux. Les
pêcheurs du port de Saint-Tropez ramènent de temps en temps
des éponges, accrochées aux hameçons des palangres ou arra-
chées au moment de la relève des tramails ; parfois ils trou-
vent sur les plages des squelettes d'épongés, qui ont été déta-
chées du fond par quelque tempête. Au petit port de Cavalaire
— 9^4 —
les pécheurs m ont fourni des rcnscignemenis analogues, mais
la vente des éponges ne leur rapporte» à eux aussi, que des
somncics insigniliantes. Un coup de veni d'hiver a jetc sur ta
côie de Marseille, près du Laboratoire Marion, un individu de
Euspongia irregularis var. wio///o/* LenJ. S gros comme le
poing, fixé sur une Arca barbata: quand un pécheur nous l'a
apporié. le squelette de l'éponge était encore englué par les tis-
sus en putréfaction, le mollusque était encore contenu dans sa
coquille ; il n'y a donc aucune supercherie possible à cetégarj.
Il est par conséquent bien établi que les côtes provençales
sont spongiièrcs. Reste à apprécier Timporlance économique
que pourrait y avoir la pêche des Spongiaires. On ne peut son^
ger â utiliser chez nous comme engin de pèche la foëne, qui
exige un pénible apprentissage et dont le maniement, qui est k
peu près impossible au-delà d'une quinzaincde mètrcsde profon-
deur, n'est rémunérateur que sur des bancs assez riches ; ladra-
gue,qui doit éviterles fonds rocheux, nepeut pas être employée
bien souvent, elle non plus. On serait donc fatalement amené
à recourir au scaphandre, ce qui demanderait une mise de fonds
assez élevée et obligerait à risquer des frais de campagne, dont
la rémunération resterait fort problématique.
Une autre considération dont il faut tenir compte, c*cst que
les éponges qui vivent sur les côtes de Provence ne sont pas
d'une vente très facile. L'éponge équinc ou pcnisc ytiippos*
pongia equina elastica Lcnd.}» d'un écoulement toujours as-
suré, y est rare. On y rencontre surtout la chimoussCf ou fine
dure du commcrcQ {Euspongla ^inmcca Schulze), dont les dé-
bouchés ne sont pas des plus considérables, et qui d'ailleurs
n a pas dans nos régions, bien souvent, une souplesse suffisante
» Voir G. DAUftoiiJt, P, Stéhun, J, Con» et F. Vâf«^4%ti, L'indmirit
des Pèches aux Cohnict. Marseille. Barlatier éditeur, 1906.
— 9^5 —
ei une bonne régularité de forme. Ce sont des raisons analo-
gues, je le rappelle, qui ont fait abandonner en Corse la pèche
des éponges. J*ai eu cependant en mains des exemplaires de
fine dure, rapportés par des pêcheurs de Saint-Tropez, et qui
étaient d assez bonne qualité. Un certain nombre d'oreilles
d'éléphant (Euspongia officinalis lamella Schulze) ont été ra-
menées du Lavandou par les scaphandriers de M. Crozat ; les
pécheurs de Cavalaire et de Saint-Tropez en prennent aussi,
parfois de fort belles dimensions. Quant à Tindividu à*Eusp.
irregularis mollior, dont j ai parlé plus haut, il appartient à une
variété qui ne fournit actuellement aucune sorte commerciale ; la
fermeté de son squelette ne permettrait pas de Tutiliser pour la
toilette, peut-êtrecependant quelques applications industrielles
lui sont-elles ouvertes.
Il est donc probable qu aucune entreprise sérieuse ne peut
être tentée actuellement et que les seuls pêcheurs d'épongés, en
Provence, seront pendant longtemps encore les scaphandriers
pêcheurs de corail, à qui le hasard fera rencontrer des éponges
ayant une valeur marchande appréciable ; à moins toutefois
qu'une heureuse chance ou des recherches scientifiques ne fas-
sent connaître l'existence d'un banc suffisamment riche pour
que la pêche y soit rémunératrice.
XLVIII
Simples notes sur un vieux plan de la ville d'Arles
datant de 1 T4T
par Honoré DAUPHIN, Promoleur et Fondateur de la
Société des Amis du Vieil Arles.
Le hasard m'a fait découvrir dans un grenier rempli de pape-
rasses, de cartes et de croquis cadastraux, un curieux plan de
la ville d'Arles que je crois être l'un des plus vieux qui soient,
j'entends : qui soient parvenus jusqu'à nous, qui soient con-
nus. Il porte la mention que voici, dans un angle :
Dessigké (sic) PAR Pierre Coesar de Meyran, 1747.
L'ouvrage est orné, au fronton, d'une banderole avec ces
mots : Plan de la Ville d'Arles, et cette banderole est cou-
pée au milieu par un cartouche surmonté d'un heaume empa-
naché et de drapeaux ou de fanions à fleurs de lys. Au centre
du cartouche, naturellement, la dextre en l'air, le classique
Lion d'Arles.
Travail quasi tout au trait rouge. Une teinte rose plus ou
moins foncée le colore, dans l'ensemble. Il est à l' « eschelle ^
de cent toises et mesure o^go de large sur i^io de long. Gros
papier carton collé sur toile et, malgré quelques cassures et
quelques petits hiatus aux plis les plus fatigués, en état suffi-
sant de conservation.
— 9^8 -
"A part l'indicalion relative à réchclle, nulle autre note mar-
ginale que celle-ci : « Arles est à 23"5o* de longitude et 43*40* de
latitude s*.
Mais si incomplet qu'il soit, le plan Meyran appelle mainte
considération intéressante. Vous me permettrez de les expo-
ser ici^ Messieurs, Elles ont trait surtout aux changements
survenus dans la physionomie générale de la vieille cité aric-
sîenne depuis le milieu du win* siècle jusqu'à nos jours.
Nous ne connaissions guère jusqu'ici, pour notre ville, que
le plan dressé par M, Guillaume Véran en 1843 et celui dressé
par M. Auguste Véran en 1871. Ccsi donc de ces deux ouvra*
ges que nous serons probablement conduits à rapprocher le
plan de Picrre-Cœsar de Meyran, au cours des lignes qui vont
suivre.
Ce qui frappe surtout le /égard, dès le premier coup d*ccH,
surnotre plan de 1747, c'est I absence de toute indication rela-
tive au Théâtre antique. A vrai dire, à cette époque, rien n'émer-
geait, de cette ruine somptueuse, sinon les «t fourches de Rol-
land î». je veux dire les deux colonnes du scenium. On sait que
le déblaiement du Théâtre date seulement de i833.
Une deuxième remarque importante a trait à la ligne de rem-
parts continue dont la ville» â cette époque, était ceinte» tant du
côté Rhône que du côté terre. On pense bien que cette ceinture
devait être des plus disparates : remparts romains, sarrazins,
murailles moyennageuscs, se succédant les uns aux autres,
sans harmonie. Pour laspcct général de cette ligne de ^ forli*
fications )#, il faut se rapporter à ce qu'en écrit Anibert, en 1760,^
c'est-à-dire à l'époque de Pierrc-Cœsar de Meyran.
« Les fortifications n^étaicnt pas bien considérables alors
(sous ta Ligue). Elles ne consistaient» comme nous le voyons
encore, qu'en une simple muraille flanquée de tours à Tanti-
que, les unes carrées» les autres rondes, et de quelques plate-
formes terrassées sous le nom de « boulevards » ; le tout entouré
d'un petit mur en façon de faussebraye et revêtu, aux endroits
où le rocher manquait, d'un fossé dont il ne reste plus rien.
Du côté du Rhône, la rivière servait de fossé et les seuls ouvra-
ges qu'il y eût étaient le « boulevard » de Vers, espèce de plate-
forme terrassée et la Tour de la Roquette. Les portes du côté
de terre étaient couvertes d'un ravelin ou de quelque ouvrage
équivalent, mais en général on n'y voyait aucune de ces fortifi-
cations régulières qui sont aujourd'hui seules en usage. »
En 1747, on ne pénétrait donc dans la cité que par des portes,
lesquelles avaient nom :
Du côté de la terre :
La Porte de la Cavalerie,
La Porte de Portagnel,
La Porte de Laure \
La Porte de Marcanôu,
La Porte de la Roquette *.
Du côté de l'eau :
La Porte de Vairs,
La Porte de Raosset,
La Porte Saint-Jean,
La Porte du Port,
La Porte Saint-Martin,
' Laare aa lieu de L'Aure, comme de nos jours. L'erreur, on le voit,
Tient de bien loin.
* L'emplacement des diverses portes, côté terre, est assez facile à recons-
tituer par tout le monde, de nos jours, sauf toutefois celui de la Porte
de la Roquette. La Porte de la Roquette est marquée sur le plan Meyran
en face de l'actuelle Rue Taquin, non loin de la Triperie, que nous nom-
mons à cette heure le bâtiment de TEcorchoir.
— 9^*^ —
La Porte Saini-Louis,
La Porte du Pont,
La Porte Saini-Laureni,
La Porte Notre-Dame,
La Porte Sainte-Croix,
La Porte des Salins,
La Porte de Ginive (sic).
Poursuivons noire promenade. Sur remplacement actuel du
cimetière, à Kesi de la cité, le plan Meyran nous indique des
plantations quelconques avec, au centre, une glacière. On aper*
çoit, plus loin» l'amorce de ce qui constituait jadis nos ^Champs
Elysées i^, dont tant de gens se font une idée si fausse. C'était,
en réalité, un immense terrain vague, très inégal et montueux,
semé de tombeaux, empêtré de ronces, et dont une toile du
peintre Félon» conservée au Musée Rëatu, nous a laissé un
aperçu significatif, car la dévastation de nos <* Champs Elysëcs i>
ne date guère, en somme, que de la création du chemin de
fer et des ateliers du P.-L.-M. Il est dommage que notre plan
s*arrêie presque après Saint-Pierre de Favabregoule, dénomme
par l'auteur du travail : Saint-Pierre d*Aliscamps (>/cy. Plus
haut, au nord du Mouleyrès. le rempart inachevé et la porte
de Villeneuve, démolis sans motif il y a bien peu d'années.
F^evenons au sud. Voici le canal de Craponne, tel que nous
le voyons aujourd'hui, longeant la Croizière, le clos d'Aulanicr
(jardin de la Charité, de nos jours) et les Carmélites (ractucUe
Charité). Ce nom de la Charité, nous le voyons bien sur notre
carte, mais ce n'est qu'un peu plus bas, au midi de Craponnc»
et M, de Meyran lattribue à un immeuble sis, de nos jours»
vers Touest du Haras.
Plus loin, vers l'ouest toujours» les Carmes déchaussés et
le Moulin du Tombant, tels que nous les voyons encore. A
signaler enhn une grandecour pour le bois, sur remplacemeat
- 911 -
actuel des chantiers Tardieu, ce qui prouve que les dépôts de
charpentes ont, depuis bien longtemps, élu domicile en cet
endroit, le long du fleuve.
Franchissons le fleuve. Voici un moulin à vent, dont il nous
souvient d'avoir vu les restes, au bord du chemin dénommé par
M. de Meyran : « Chemin allant en Camargue». Voici Saint-
Genest. Puis, au bord de Teau : Le Parc, que nous connaissons,
et un grenier à sel, d'où vient sans doute, pour ce quartier, le
nom de quartier de la Gabelle. Signalons enfin, de ce côté, une
grande maison, dite de M. Noguier, longeant l'actuelle rue de
Nîmes.
Soit que les noms de rues fussent parfois mal indiqués à
l'angle des artères, — soit que M. de Meyran ait négligé de les
lire, — soit aussi que telles rues fussent sans état-civil, nous
trouvons, au plan Meyran, plusieurs voies désignées de la
façon suivante : Rue allant aux Capucins, Rue allant à Four-
ques, etc. Ce qui n'empêche point de trouver, parallèlement à
ces voies, une rue dite Rue des Capucins et une rue dite Rue
de Fourques.
L'église des Capucins, dont il s'agit ici, n'est autre que
l'actuelle église paroissiale de Trinquetaille. Le nom de Saint-
Pierre que porte actuellement cette paroisse était alors l'apa-
nage d'une église disparue et qui, sur le plan, correspond à un
point de la ligne actuelle de nos quais, vers le bout de la rue
des Cuiratiers, dénommée Rue de Bourdelon sur notre carte.
Mais il y a encore, par là, une autre église de Saint-Piepce.
M. de Meyran nous l'indique sous le nom de Saint-Pierre-le-
Vieux et en marque la place vers le cimetière trinquetaillais,
vers le quartier dit alors de « la Ponche » * . Et ne quittons point
* Aujourd'hui, la Pointe de Trinquetaille. Le cimetière dont nous par-
lons est tout récent.
— gi2 —
ce faubourg sans signaler ce mot : vigne, vigne, vigne, à tous
les points cardinaux du Delta. En 1747, la vigne, déjà, règne en
Camargue, cette vigne dont la tache verte finira, et combien
désastreusement, par absorber, par submerger notre terroir
malheureux !
Il sied, maintenant, de rentrer en ville. Rentrons-y I Mais
abstenons-nous de toute halte superflue. Les causes de distrac-
tions sont multiples. Ne nous laissons point distraire et courons
droit aux saillantes particularités. Une visite méthodique, rue
par rue, édifice par édifice, hôtel par hôtel, nous conduirait, en
effet, trop rapidement hors des limites tracées à ce simple tra-
vail de topographie arlésienne.
Franchissons donc le ravelin de la Cavalerie, dont nous ne
voyons aujourd'hui plus trace, et dirigeons-nous vers le quar-
tier arénois. Voici le corps imposant des Arènes. Leur énorme
mur d'enceinte figure sur le plan, avec la masse des construc-
tions parasites qui, tant à l'intérieur qu*à l'extérieur, Técrase.
Ce sont les arènes pittoresques de jadis, les arènes d'avant la
restauration *. — Au bas de la porte Nord, ce mot : La Crotte.
Il s'agit sans doute de l'ouverture du couloir donnant accès aux
substructions des Arènes.
Par la rue Saint-Michel de l'Escale, mettons le cap mainte-
nant sur la Rue de « M. de Romieu ». La rue de M. de Ro«
mieu correspond de nos jours à la partie de la Rue Diderot
comprise entre le planet de Saint-Charles et le Rond-point des
Arènes. En face l'Hôtel de Romieu (actuellement Hôtel de
Luppé),se dressait alors l'église des Cordeliers, démolie depuis.
C'est sur remplacement de l'église des Cordeliers que se dresse
aujourd'hui le Pensionnat Saint-Charles.
Nous parlions à l'instant de THôtel de Luppé {aliàs : Hôtel
' Voir les gravures du temps.
-9.3-
du général Miollis). De tout récents travaux nous ont permis
de nous rendre compte que le petit jardin sis au nord de Tim-
meuble n'est qu'une partie de voie publique désaffectée et que
le dit jardin constituait, en partie, autrefois, le tronçon d'une
petite ruelle bicoudée allant de la rue Saint-Michel de TEscalle
à la rue de Loinville. Le plan de 1747 corrobore absolument
notre observation.
Si des ruelles ont disparu, d'autres, depuis 1747, se sont
créées ; mais voilà que nous retombons dans le détail et que
nous allons, de nouveau, franchir nos limites.
Signalons rapidement ceux des édifices civils ou religieux
que M. de Meyran fait figurer sur sa carte :
r Sainte Luce, sur l'emplacement actuel des magasins de
fer Bizalion.
2' La Trouille, qui n'est sur la carte que dessinée, sans au-
cune dénomination quelconque.
3' Saint-Claude, sur l'emplacement actuel du magasin de
ferblanterie Brun (place Voltaire).
4' Sainte-Claire, que l'auteur place dans la rue de M. d'Es-
toublon (actuellement rue de Grille).
5* Saint-Jean, ou le Grand Prieuré, bien connu.
6" L' Hôtel-Dieu, là où nous le voyons encore.
7* Sainte-Croix (La salle du Lion d'Arles actuelle).
8* Les Tr/niVa/re^ (Magasin d'Antiquités Volpelière, rue de
la République).
9* Saint-Laurent (Magasin Numa Montel, de nos jours).
10" La Visitation (^Usine à laines Dupuy).
II* Saint-Martin (Magasins Mistral-Bernard).
12* Saint-Paul,
i3' L'immense vaisseau des Dominicains (ou Prêcheurs),
derrière l'actuelle Usine hydraulique.
14* Sainte-Anne (Musée lapidaire actuel).
i5' Saint-Césaire (Église Saint-Biaise de nos jours).
CONAIIfiS — 58
- 9»4 -
iiV' Lex Augustin^ (I^L^Îse paroissiale Saini-Césairc aujour-
d'hui).
17' Les Carmes (sur remplacement de lactuelle rue des
Carmes).
18" Les Pénitents noirs (en face de Tenirée actuelle du TH»
bunal de Commerce, rue de la République).
rg" Les Jésuites (Chapelle du Collège actuel).
20* Les Cannélites (i'aciuelle Chariic, sur l'Esplanade).
2ï" l^es Recollets (aciucllemcnl la nouvelle École primaire
supériciire, hier encore les Dames du Car met).
Sans parler de Saint-Trophime, de La Major et de Saint-
Julien-Saini-Antoine. de rHAicl-de-Ville, de rObélisque ei du
couvent de rOraioire.
Quant aux cimetières, mentionnons le cimetièp^e pieux, sur
remplacement actuel d'une partie de la place La Major, Un
autre cîmelière est encore marqué à remplacement actuel de U
cure de cette paroisse ou dans le jardm limitrophe» à côté du
jardin cl de Tc^lise de la Madeleine.
M. de Meyran indique plusieurs cloîireSi à part celui 41 du
Chapitre >► (Saint-Trophime). Ce sont ceux des Carmes, dépen-
dant du couvent des Carmes, tout proche de Tactuelle rue Ro-
tonde ; dcs.t ugustins, à côté de raciucllc église de Saint-Césaire ;
des Pères Pointus, proche la rue actuelle de Chiavari et sur-
tout celui des Dominicains, stupidement démoli pour hirt
place à une usine hydraulique*
Les considérations sur les noms de rues nous entraîneraienf
bien loin. Abrégeons :
Il y a d*abord les rues à dénomination provençale :
a) La Rue des Capelans \ plus tard Rue des Préircs, avant
de devenir Rue du Cloître.
* Le pUn Meyrtn indique encore une «atre Rue âtt Capettms: oetie
dernière porte aii)ourd*iiiit le nom de Rue des Cbinoinea (qiimrtMr <
riliiitare».
-9>5-
b) La Rue de la Monède, actuellemeni Rue de la Monnaie.
c) Lai Rue des Batejats, actuellemeni Rue des Baptêmes, ou
plutôt Rue Renan, depuis le dernier remaniement fâcheux des
noms de nos vieilles rues.
d) La Rue Bourgnôu, de nos jours Rue de TAmphithéâtre.
e) Le conduit de la Mariegalo, aujourd'hui Rue des Marti-
gaux.
Sans parler de la Porte Marcanôu, etc.
II est une rue pour laquelle nous demanderons la permission
de nous étendre un peu plus. C'est la Rue Taquin. L'honora-
ble M. Fassin. dans son Mwsee(i874, n" 32, p. 256), donne de
l'étymologie du mot Taquin une version ingénieuse. Mais il
n'est nullement question de la Rue Jaquine dans sa Chronique^
Or, c'est le nom que M. de Meyran accorde à la Rue « Taquin ^.
Dès lors, nous croirions plutôt que M. Ca/ est étranger à la
chose. De la Rue Jacquine, le peuple aura vite fait de dire
Taquine, et Taquine ou Taquin, ma foi !... — C'est très res-
pectueusement que nous*nous permettons cette glose et le très
érudit fondateur du Musée et du Bulletin archéologique d'Ar-
les voudra bien nous pardonner, si nous errons.
Mentionnons maintenant, d'une plume rapide^ quelques
noms de rues pittoresques absolument abolis :
i) Les Quaire-Cantons, de la Rue Neuve à la place Saint-
Roch.
2) La Juifverie, à l'extrémité de la Rue du Lau.
3) La Rue de Jouguet, Rue du Grand-Couvent, à cette
heure.
4) Le Planet de Boussicaud, actuellement Planet d'Anayet.
5) La Rue de la Pucelle, rue qui disparut totalement lors
du déblaiement de la place de La Major.
Et les rues dont les noms se sont modifiés, rectifiés ou défor-
mes (sait-on ?) :
— yïo —
a) La J^ue du Saladlm (hier encore, Rue Poussaladou)»
b) La Rue du Planet de Boudenon (actuellement, Rue Bdu-
danoni), etc.
Encore quelques remarques avant de clore ces lignes :
Le pont de Bateaux était, en 1747. placé dans Taxe de la Rue
des Capucins de Trinquetaille et, côté Arles, dans Taxe de
rextrémité de l'actuelle Rue du Pont,
La grande cour du Collège des Jésuites (Hôtel de Castelane-
Laval) semble coupée en deux par une muraille séparativc.
Et eniin un gros pâté de consiruclions obstrue une grande
partie de la place Royale, actuellement place de la République,
Le rempart ïniercepiaii d'ailleurs alors toute communication»
sur ce point, avec l'Esplanade, laquelle Esplanade, très irrëgu-
lièrc, n'était ombragée d'arbres que depuis la porte Marcamu
jusqu'au Rhonc. le soleil sévissant sans merci sur la ^ prome-
nade )»du chemin de Crau.
11 y aurait encore et encore bien des choses à dire à propos
de ce plan de [747, pourtant si incomplet. Nous aurions voulu»
du moins, pouvoir le mettre sous vos yeux, car^peui-^ircen te
voyant, auricz-vous excusé mes ennuyeuses longueurs et ap-
poné plus d'indulgence à ce pâle et quelque peu incnh.'rt'nt
commentaire*
Honoré Daupiubî.
•
Arles-sur-Rliônc» 2h juillet 1906.
- 917
Nouveau procédé de désinfection rapide et à sec
des objets solides
par L. PERDRIX, Docteur ès-sciences,
Professeur de chimie à la Faculté des Sciences de Kfarseille,
I
Le méthanal (aldéhyde formique) se transforme facilement,
à la température ordinaire, en une substance blanche cristal-
line, appelée trioxyméthylène (ou polyonxméthylèné). Cette
polymérisation est d*ailleurs un fait général, qui se manifeste
chez tous les composés présentant la fonction aldéhydique.
Inversement, lorsqu'on chauffe à sec du polyoxyméthylènc, il
donne du méthanal gazeux. — Le phénomène est réversible et
rentre dans la catégorie des transformations allotropiques.
Si, en effet, on chauffe en vase clos et dans le vide du trioxy-
méthylène bien sec, à une température déterminée, 2%^, par
exemple, on constate qu'il se produit du méthanal jusqu'au
moment où la pression est équivalente à 32"" de mercure,
puis la tension reste stationnaire, si la température est cons-
tante.
Inversement, si Ton ajoute du méthanal de façon à produire
une augmentation de pression, l'excès de gaz se transforme en
trioxyméthylène et la tension de 32°" se reproduit rapidement.
Le mémoire XLIX a été publié par l'auteur.
— 9i8 —
Le phénomène est donc entièrement semblable à ce qui se
produit avec le cyanogène et le paracyanogène, la vapeur de
phosphore et le phosphore rouge, la vaporisation des liquides
en vases clos.
Les tensions de transformation qui caractérisent l'équilibre
du système « trioxyméthylène-méthanal )►, aux différentes tem-
pératures, sont les suivantes :
Températures.
Tensions de transformation.
Températares
TensioBS de iransforBallna.
-4*
7"""
42°
6o~
0'
8"
45*
67-
3-
9"
48-
77"
6-
ii"~
59-
i3o--
t3°
17-
70-
210""
i8»
21""
8i»
326"
28°
32-
86-
393--
36°
44"
98»
559-
38*
48"
too-28if.r)
; 583"
La courbe représentative de ces résultats a une allure sem-
blable à celles qui représentent généralement les transforma-
lions allotropiques. — Remarquons d'abord que, à 36^, par
exemple, la tension (44"") est quatre fois plus forte qua 6^
(il"'"). La proportion de gaz dans une atmosphère confinée
pourra donc être quatre fois plus forte à 36" qu'à 6". Il en sera
nccossaircmcnt de même de l'action antiseptique. Il en résulte
que, au point de vue de la désinfection par le méthanal, il y
aura iniérct à élever la température ; et que, toutes choses éga-
les d'ailleurs, la désinfection doit être plus rapide en été qu'en
hiver. — En cruire, l'accroissement rapide de la tension de
transformation explique, étend et surtout précise nettement
lidce émise par Poitevin que ^ l'élévaiion de température aug-
mente considérablement le pouvoir bactéricide de l'aldéhyde
î«^rmique *. \ 100 . en eîTei, la tension limiie du méthanal est
- 919 -
27 fois plus forte qu*à i8'. Si l'on considère, en outre, que beau-
coup de germes supportent mal la chaleur seule, on est conduit
à penser que Faction du méthanal doit être beaucoup plus éner-
gique aux températures élevées ; puisque, à l'action de la cha-
leur, vient s'ajouter celle du gaz, dont la proportion devient de
plus en plus considérable. Les résultats expérimentaux confir-
ment pleinement cette conclusion.
On ne peut songer à augmenter la proportion de méthanal
dans une enceinte, en employant une solution, le formol, par
exemple. Les tensions de vapeur d'une solution de formol
sont, en effet, bien inférieures à la somme des tensions de la
vapeur d'eau d'une part, et du méthanal de l'autre, comme le
montre le tableau suivant :
Températures.
i8o
280
360
38°
42»
450
480
5oo
Ce fait est d'ailleurs général ^ une solution ammoniacale,
renfermant une proportion considérable de gaz, n'a guère, à la
température ordinaire, qu'une tension de 12 V" de mercure
environ, tandis que le gaz ammoniac liquéfié possède, dans
les mêmes conditions, une force élastique de neuf atmosphères.
— Il en résulte que les solutions de formol, au point de vue de
la désinfection, ne peuvent guère fournir de méthanal que par
évaporation du dissolvant ; l'excès d'eau est donc, pour la stérili-
sation des germes, plutôt unobstacle qu'un adjuvant. Ces résul-
tats ont un intérêt pratique et méritaient d'être signalés.
T«Mlons aaxima
de U vapeor d'eau-
TnsioQt de U«MfonD«Uoo Tt.tioBt de le vepear
da lrio>jm«tb;tl«De. d. foraol.
i5—
21 —
22-"
28"
32—
34-
44—
44°"
48—
49—
48"
53"-
61»-
60—
65-"
7'""
67-
74"°
83-
77""
86-
gi'"
84-
94°°
— 9^0 —
II
t.a tension de iraasformation du trioxymcthylène en nnéiha-
nal à ioo<*n*aiteignant que 583""t cest-à-dire les 3 4 environ
de la pression atmosphérique» il était donc possible, a priori,
de concevoir un système bien clo:>, permettant d'exposer des
objets solides à Kaction du gaz antiseptique à cette température.
Lappareil que j'ai imaginé dans ce but se compose d'uoe
étuvc fermée en cuivre, de forme cylindrique» entièrement en-
tourée d'une double enveloppe remplie d'eau pour chaulTage à
loo*, sans régulateur. La double paroi antérieure est traversée
par des lubes cylindriques horizontaux en laiton, ouverts cxic-
ricuremeni dans l atmosphère et intérieurement dans la cham-
bre centrale. — Dans chacun de ces tubes fixes, ghsse par frotte-
ment doux un tube mobile, dont le diamètre extérieur est cxac*
tcment du môme calibre que te diamètre intérieur du tube fixe-
Une portion du tube mobile est échancrée comme suit ; elle est
coupée suivant deux génératrices du cylindre situées dans un
plan parallèle au plan de symétrie horizontal et légèrement au-
dessus de ce dernier; puis, la partie supérieure est enlevée au
moyen de deux demi*sections droites, Tune antérieure, l'autre
postérieure. Il reste une gouttière, formée de la partie inférieure
du cylindre, et dans laquelle sont percées plusieurs ouvertures,
pour olfrir au gaz une pénétration facile ; cette gouttière est fer-
mée, à Tavant comme à l'arrière, par un disque de laiton soudc«
qui obture complètement la partie principale du tube mobile.
Les longueurs respectives de la gouttière et du tube fixe sont ,
calculées de telle sorte que» quelle que soit la position du tube
mobile, îl n*y ait jamais communication entre Tintérieur de
réluvc Cl l'atmosphère extérieure ; la fermeture est, en effet,
assurée parte disque métallique antérieur quand la gouttière
est dans lappareil, et par le disque postérieur quand la gout-
tière apparaît extérieurement ou est complètement au dehors ;
— 9^1 —
un butoir empêche la sortie du tube mobile. — Ce dernier et sa
gouuière constituent un véritable tiroir, au moyen duquel les
objets à stériliser sont introduits ou retirés, sans que les va-
peurs antiseptiques se répandent au dehors. Un bouton per-
met de les manœuvrer comme des tiroirs ordinaires ; des tiges
de laiton guident leur course et assurent Thorizontalité. Le
tiroir du bas, dont la gouttière est restée pleine, reçoit du trioxy-
méthylène destiné à produire le méthanal pendant la chauffe.
L'appareil porté à loo', Tobjet est placé dans Tune des gouttiè-
res, introduit dans la chambre par fermeture du tiroir, main-
tenu le temps voulu au contact du méthanal, enfevc par une
manœuvre inverse ; et les opérations peuvent être immédiate-
ment et indéfiniment renouvelées.
Un autre stérilisateur, fondé sur le même principe, présente
deux gouttières à chaque tiroir, l'une à l'avant, l'autre à l'ar-
rière : la sortie de l'une produit l'introduction de Tauire. Cette
disposition est plus avantageuse au point de vue de la solidité
et de la facilité de construction.
Ces deux appareils fonctionnent des journées entières sans
émettre la moindre odeur de méthanal, sauf, bien entendu, au
moment de l'ouverture d'un tiroir, le gaz de la gouttière étant
alors répandu au dehors; mais la quantité en est toujours mi-
nime, même à loo'.
III
Grâce aux appareils précédents, il m'a été possible de main-
tenir des germes microbiens, à loo', et pendant des temps
exactement déterminés (à une seconde près), dans une atmos-
phère saturée de gaz méthanal, c'est-à-dire à une tension de
583^". J'indiquerai maintenant mes résultats expérimentaux.
r Des carnets de papier, à couverture épaisse et toile au dos,
comprenant huit feuillets, sont badigeonnés intérieurement et
extérieurement, sur toutes les pages et dans les plis de ces pa-
922
avec de l'eau des égouts de Marseille, Ils sont ensuite
chés, puis exposés dans le mcthanal à ioo% pendant des temps
déterminés. On les abandonne quelques jours entre deux assiet-
tes flambées, pour permettre la diffusion complète du gaz qui
les imprègne à la sortie. Ils sont ensuite découpés ascptiquc-
ment, puis introduits par petites portions, mais tout entiers,
dans des tubes contenant du bouillon stérilisé; et ces derniers
sont maintenus dans une étuve à 38^ et examinés de jour en
jour pendant six semaines consécutives.
Il ne s*csi produit aucune culture après une exposition d'une
minute au contact du gaz antiseptique ; tandis qu*un carnet
témoin, chauffé cinq minutes à loo* sans méthanal.a altéré ra-
pidement tous les tubes correspondants. ^H
2^ Devant un semblable résultat, je résolus d opérer sur l^F
spores les plus résistantes à la chaleur, celles du bacillus subti-
hs. Des carnets furent trempés entièrement dans une culture
de subtilîs avec voile, culture d'ailleurs impure et renfermant
toutes sortes d'autres germes. Après dessication et séjour dans le
méthanal a ioo% j'obtins les résultats suivants : a trois minutes
d*exposiiion, 20 0,0 des tubes étaient contaminés; mais à trois
minutes et demie, quatre minutes, cinq minutes» etc., tous nés-
lèreni stériles»
3" La môme expérience fut répétée avec de vieux morceaux
de drap, de tlanellc, de tissu Rasurcl, contagionnés de la même
façon ; le résultat fut identique.
Restait à examiner la question de la facilité de pénétration da
gaz antiseptique ; les expériences suivantes furent efTecttiées
dans ce but :
4* Des morceaux de flanelle contaminés par le subtilis impur
sont plies dans de petits carrés de papier à filtre, supcrposésdtx
par dix dans un autre morceau de même papier* qui est fermé
et ficelé en croix. Après exposition dans le méthanal a loo*, oa
les abandonne huit jours dans le laboratoire pour U ditfasioa
— 9^^ —
complète de Talcléhyde ; puis, on les met en tubes. Il y eut en-
core destruction complète des germes à quatre minutes de sé-
jour dans le méthanal à ioo<>.
5* Du coton hydrophile, trempé dans une culture de subtilis
et séché a 35" sans avoir été pressé, est découpé en lanières.
Celles-ci sont enroulées sur elles-mêmes, fortement tassées, puis
entourées de papier à filtre et ficelées en croix. — On les met au
contact du méthanal à ioo% pendant des temps déterminés ; on
les abandonne huit jours dans le laboratoire ; puis on les dé-
coupe aseptiquement eton les meten tubes. — Après cinq minu-
tes d'exposition, il ne se manifesta aucune culture; la stérilisa-
tion était complète. — Un paquettémoin, chauflfé vingt minutes
à loo* sans méthanal, avait altéré tous les tubes en vingt-quatre
heures.
6* Du sable fin, fortement imprégné d*une culture impure de
subtilis, desséché ensuite, est mis en paquets de i gramme cha-
cun, comme les morceaux de flanelle de Texpérience précé-
dente. On empile ces paquets dix par dix ; puis on les enferme
dans du papier a filtre ficelé en croix.
20 o/o des tubes ensemencés, après une exposition de trois mi-
nutes dans le méthanal à ioo% furent contaminés ; après quatre,
cinq, six minutes, etc., la stérilisation était encore complète.
7" Un essai identique fut effectué avec de la terre glaise infec-
tée de la même façon. Celle-ci fut pulvérisée et traitée comme
le sable dans Texpérience précédente. — Dans ce cas, le temps
nécessaire à la stérilisation est un peu supérieur (six minutes
au lieu de quatre). Cela s'explique si Ton remarque que les in-
tervalles compris entre les particules de la terre pulvérulente
tassée constituent de véritables espaces capillaires, dans lesquels
le mouvement des gaz est lent et pénible.
En résumé, la pénétration du méthanal à loo** est extrême-
ment rapide et son pouvoir antiseptique également. Le métha-
nal, en eflfet à cette température, peut être considéré comme
^ 924 —
un gaz parfait, très éloigné de son point de liquéfaciion (-2]') ?
et comme il a sensiblement la même densité que lair, sa dit-
fusibilitc est du même ordre,
Lorsqu on effectue la stérilisation au moyen d'eau surchauf-
fée à ïi5'i20», il est souvent difficile de faire pénétrer la vapeur
dans les interstices de la laine et du coton ; et l'on doit pro-
duire par instants de brusques détentes, afin d'entraîner les
dernières parcelles d'air emprisonnées : la vapeur d*eau, en
effet, comme tous les gaz voisins de leur point de liquéfaction,
présente, à cette tempéra mre. une certaine viscosité. Le méiha-
nal, par contre, se trouve dans des conditions extrêmement
différentes; il peut agir d'une façon plus énergique, d'abord
parce que» en sa qualité de gaz parfait^ il est plus pénétrant ;
ensuite, parce qu*il possède une antisepsie propre, cequi n*existc
pas pour la vapeur d'eau.
En résumé, sMl s'agit d'objets que l'on peut introduire dans
une enceinte close» l'appareil cindessus décrit est susceptible de
rendre de grands services, à cause de la sécurité qu'il présente.
Je la stcrilisarion certaine qu elle permet et de la rapidité ave
laquelle les opérations peuvent se succéder.
J'ai constaté, en outre, que les étoffes de soie des nuances les
plus délicates, les couleurs* les encres de toutes espèces, le pa-
pier le plus blanc, ne sont nullement modifiés par une exposi-
tion de cinq minutes aux vapeurs de méthanal sec, à ioo*. On
peut donc utiliser ce stérilisateur, par exemple, pour ta dé*
sinfection des livrets de Caisses d'épargne au moment éts dé-
pôts, des livres, des instruments de chirurgie pendant les opé-
rations mêmes, des objets de pansements, des ciseaux et bros-
ses de coiffeurs, etc. Il est possible de réaliser également un
semblable modèle à coulisses formées de deux cylindres glis-
sant Tan dans l'autre pour la désinfection rapide des objets
de grandes dimensions, comme matelas, étoffes, vêlements» cic,
L. PtRùRIX.
925 —
LI
U BOTANIQUE à AIX-EN-PROVENCE
depuis la seconde moitié du XVI* siècle
— EXTRAIT -
Par Alfred RETNICB, Botaniste.
I
En remontant assez haut dans les annales d'Aix, nous ren-
controns les premières traces d'un mouvement botanique vers
le milieu du xvi« siècle. Plus anciennement, personne n'avait
songé, en Provence,à cataloguer les plantes alors connues sous
le nom de « simples » ; leur connaissance se .confondait avec
celle de la matière médicale. Quelques livres, de peu d'impor-
tance au point de vue actuel du mérite phytologique, témoignè-
rent d'une tendance vers l'étude moins intéressée des végétaux
et vers l'ébauche d'une liste de toutes nos espèces indigènes
considérées en dehors des propriétés thérapeutiques. Je citerai
en première ligne : Hugonis Solierii medici in II priores Aetii
libros Scholia, 1549, par Solier (de Saignon, Vaucluse) ; Stir^
pium Adversaria, iSyo, par Lobel et Pena (ce dernier né à Jou-
ques, arrondissement d'Aix) ; BrieJ Traité de la Pharmacie
provençale familière, iSgy, par Constantin (médecin à Aix) ;
en seconde ligne : Pinax Theairi botanici, 1623, par Gaspard
Bauhin; Historia naiuralis Plantarum, i65 1, par Jean Bauhin;
etc. ; publications où sont enregistrées, décrites, parfois figu-
— 9^6 —
rêcs, beaucoup de plantes constimant lu ionj Je noire lAph
végétal.
Au xvrr siècle, la botanique rurale continua à être en hon-
neur et gagna encore plus de terrain lorsque Aix eut donné le
jour à Tournefon. L'Université de la capitale de la Provence
avait, à cette époque» comme titulaire de la chaire consacrée à
renseignement de la Res herbaria^ Fouque, coUègue de Gari-
dcL Quoique ce dernier fût seulement professeur d anatomie,
c'est néanmoins à lui que les Procureurs du pays confièrent le
soin de rédiger une Histoire des Plantes qm naissent aux en-
yironsd'Aix, 171 5. Grâce à la popularisation des Systema Na-
turœ et Species Plantarum de Linné» le recensement tlorisii-
quede la Provence entra en voie de progrès sérieux ; le Flora
Galloprovîncîalis, 1761, par Gérard, ne tarda pas à paraître,
Quelques années après, Aix eut pour professeur de botanique <
son Université Darluc, à qui nous devons VHistoire naturelle
de la Provence^ 1782-1786. Plus modernement, le Catalogue
des Plantes des environs dAix, 1H71 . par de Fonvcrt et Achin-
tre, a mis le sceau à la précision scientifique désirable.
Outre CCS auteurs d'ouvrages où se résumèrent les connais-
sances phyiologiques successivement acquises, il est juste Uc
rappeler les noms des vaillants pionniers apportant, au cours
de trois siècles, leurs contributions à l'œuvre commune. De
Beaumont» Joannis, Bertier» Lieutaud, Robineau de Beâulicu,
Teissier, etc., à Aix ; de Suffren, de Rainaud, de Paul de La-
manon, à Salon, etc., montrèrent le chemin suivi par de nou-
velles recrues, dont Témulation s activa en voyant la pléiade de
botanistes qui se révélaient, d'année en annécp soit dans lc>
autres arrondissements des Bouche$-du-Rh6ne, soit dans les
quatre départements voisins : Vaucluse, Basses-Alpes, Var,
Alpes-Maritimes.
Quoique Aix n'ait pas été leur ville natale* |e vais mettre en
lumière, auunt que ie comporte b |vnuv:o vIo NisVuns'^Ux^
trois botanistes dignes de notre synu\Ath\e cvMuVAtcrncUc v'iw-
cun d'eux n a pas séjourne une ei:ale durée do loinjw d,^UN l^
ville du bon roi René : malgré cela« il sutiu que leurs iumun no
rattachent plus ou moins au mouvement soicntiiu^uo lo\ <^I|
pour qu'ils aient droit à un souvenir. l«;t curieuse (vmivHUiUUO
qui les signale est la suivante : ils ap(\irtenaient i^ des Oixlie^
monastiques. Tout débat contemporain sur les vttux rcliHUHix
et la sécularisation étant strictement tenu à l'tVan. nuiih
n'éprouverons qu'une surprise assez naturelle : ces diNcipIcii (A
robe monacale) de la païenne déesse Flore émicnt, le prtMuliT,
Minime, le second Cordelier, le troisième (^upucin !
II
Vers lôSg.Tourncfort fit, à y\ix, souk les nuspiieti t|e(i«ii*|i'l,
la connaissance de Charles Plumier; laissons la paroh'/i l'aninn
de Y Histoire des Plantes qui nainnent aux cnvitonn if Ai*. ',
« Le R. Père Plumier, natif de Marucille, de l'OrdM* iU*% M«
« nimes. qui avoit étudié la boUifiifjutf <rfi |t;ilMr vAi% l'illtitOtf
« Paul Boccone, vint au couvent d'Ai;;, Ay«»i ;i(/pru *\^^' \u
« m*attachois fort à la bouni'^ii<r, il ni'' \>n'4 d<' h; *oh4*éif^-
4c dans nos campagnes pour lui 'Uitftfftfif^f U*% lA^ttti^i, Un |/J'k.
« rares, ce que je fis asve/ Vyuv«;rit. h: i*n \ft'^*ni»i t-tt ffftifi^-
« temf>s la connoissancç d<: M- d*' '( v<jf/*^f'//*, 'j<^< î>* 'fw-^
« par occasion en c/ttt '»"iit. h^tj ^it M-«//«if 4 t^ft y/'*// ';*t
« Alpes. Le Père V\um'\t^ v-x^i^jt ♦vt.'^ju, *f> ^***V/*'«î>*f/* *»*a
« les deux intt^î*:urt fctrfi-itf: v*^ ^t^i/Zi^A ^i^/Wikt *%^ *•/«**•
« viile. toutes uf/i 'jAtt *f f^/i ^i î" *•/< « *>?./*> u M**/*»*
— 9^8 —
La botanique n*est pas redevable» chez nous, au Père Plu-
mier, de nombreuses indications d espèces* Disons loatet'ois
qu*il aurait rencontré dans les Basses-Alpes, VAlchemilla al-
pina L* *t II m*apporta, dit Gandel, celte plante qu'il a voit
« trouvée aux environs de Manne, s» Par «c environs î», il faut
entendre une distance assez grande (Di^ne» au plus près) :
quiconque connaît le village de Manc ne pourra croire à Tcxis-
tence de ladite Alchemille à une si faible altitude. Le P4
Plumier, toujours d'après GaridcL observa dans le bois de II*
Sainte-Baume le Malope malacoides L. Rien de moins certain :
le R. Pêrct ayant séjourné au monastère de Bormcs (Var)«a dû
faire une excursion dans les Alpes- Maritimes et donner, par
lapsus de mémoire, la Sainte-Baume comme habitat de la mal-
vacée prise vers Grasse.
Nul n*ignore que le Père Plumier s*illustra plus tard par ses
voyages en Amérique, à la suite desquels il publia de savantes
descriptions de nouveaux genres et espèces.
in
En 1889, R€vt4e Horticole et Botanique aes Bouches-du*
Rhône, j'écrivais : <* L'isnardta palustris L. fut cueilli, pour la
« première fois.cn Provence, à Agay,prèsdc Fréjus, parunca-
« pucin dont on aimerait à lire une biographie plus longue que
<t ce que dit Gérard, dans son Flora Galloprovinciatis : Fra-
M ter Gabriel, capucinus, rei herbariœ cultor inclylus, variis
m, itineribus in Italid, Gallopropinciâjelicitersmceptis.de
«t historia naturali benê mer i tus, ^
Trois ans après, ma curiosité fut grandement satisfaite parla
Note que M. H. Duval, de Lyon, a publiée dans la Feuilk
des Jeunex Naturalistes, numéro du i" décembre 1902. Cette
Note a pour titre : Contribution à lUistoire de la Botanique
— ;i20 —
en Prorence : Le Frire GahrieJ. capucin ba^Unisie prorençaJ,
Voici ranaîvse de ces documents inespérés :
Attaché en qualité d'apothicaire au couvent des capucins
d'Aix, le Frère Gabriel dut récolter des simples pour le service
de la pharmacie et ces fonctions lui inspirèrent sans doute le
goût de la botanique. 11 commença un herbier et osa commu-
niquer ses récoltes à Gérard, à Séi:uin,àGouan.à Linné même.
Le président Latour d'Aijjues, riche a<;ronome et amateur
éclairé d'histoire naturelle, semble avoir été le mécène de cet
humble moine. Les documents entre les mains de M. Duval
embrassent une période de quatorze années, de 1757 à 1770,
Les citations de Villars laissent supposer que le Frère Gabriel
mourut antérieurement à l'époque de la rédaction du Flora Del-
phinalis < 1 786 ) et de V Histoire des Plantes du Dauphiné i 1 789\
Lettres de Latour d'Aiguës â Seguin. — 21 juin 1757 :
« Le Frère Gabriel est parii il y a environ quinze jours
« pour aller faire une ample collection de plantes dans nos
« montagnes, surtout à Barcelonneitc. Je crois que M. Lin-
« naeus la engagé à faire cette tournée. Ce n'est pas encore un
« grand botaniste, mais il y par\'iendra et il a déjà assez de
« connaissances pour rapporter du bon »
14 juillet 1758 : « Le Frère Gabriel est aussi en tour-
ne née ; il monte dans nos montagnes par la route de Grasse
« après avoir e.xaminé tout le pays des Maures et de l'Esterel.
4c Vous voyez que notre province commence à cultiver la bota-
« nique qui, depuis Tournefort, y dormait profondément »
20 janvier 1762 : « Nous [Latour d'Aiguës et le Frère
« Gabriel] allons incessamment travailler à l'arrangement de
« mon herbier, ce qui ne sera pas une petite besogne »
14 novembre 1763 : « Le Frère Gabriel est aciuelle-
« ment à moi. J'ai obtenu du Provincial qu'il ne fut dans son
« couvent que surnuméraire, moyennant quoi il va prendre U
4L surintendance de mon jardin >►
COKMlt— 69
22 novembre 1763 : ^t Je profile de Toccasion pot
n vous envoyer Touvrage de Gérard* N ayant pu trouvcr^dal
#t un nouveau déménagement, mon exemplaire, le Frère <
« briel a bien voulu qu*il fût remplacé par le sien J'ai rc
<^ le catalogue de mon lierbicr [Laiour d'Aiguës avait commu^
*(. nique ce catalogue à Séguin par Tentrcmise de Gauan|.
«( Frère met à part pour vous à mesure qu*il range ; ainsi.
« diîicontinuant plusce travail, vous serez bientôt servi
« y a un Gramcn que le Frère croit être décrit seulement par
4( Schreuchzer et qui sera sûrement bon pour ragriculture,
^ aussi nous proposons-nous de le tirer* cette année, des bois
« de la montagne de la Sainte-Baume où il est commun;
^ c'est celui que nous croyons, ce doit être» de cet auteur.
« Gramen hordeaceum monlanum spica strigosiori^ breviu
m, aristatd [Scheuchz,, Agrost., p. |6 ; Elymus europœus L.|
« Je ne vous dis rien de la part du Frère, attendu qu*il est alh
^ en provision de plantes chez un de mes amis, à cinq lieue
«( d'ici, pour en rapporter des vertes de son jardin et des
m. pour mon herbier...... »
17 septembre 1767 : #t Le Frère Gabriel est reçu aui
« Cordeliers et attend les bulles pour sa translation* après quoi
<* le voilà tranquille »
i«' novembre 1767 : « Enfin le bon Frère Gabriel est
m décapuciné, il est novice Père Cordelicr dans un couvent
« qu'ils ont ici. Il est fort content et sera définitivement a
m, nous. ^
26 août 1770 : « Mon herbier' est tout en désordre*
* Darluc en parie Ainsi : « L'herbî^r de M. le Président 4e UToiir d
« gués contient les plus betles plantes de la Provence en quinae icrai
« cartons, dassdes selon le xysième sesuel de Von Linné, avec qiun
« de plantes du Levant, des Pyrénées et de Caycnne. » (HiiiQire /
rtiit (ÉÉ la à^r^utnctj
Saà
-93. -
« n'ayant pu être fini par le Frère. Il est composé, non de
« rherbier de Tournefort, mais d'une partiequi lui avaitappar-
« tenu et ensuite à Garidel,de là à M. Lieutaud et enfin à moi.
« J'y ai joint celui du Frère »
A ces extraits de lettres, M. Durai joint des renseignements
supplémentaires :
Gouan, dans la préface du Flora Monipeliensit préface da-
tée du 14 septembre 1764). cite le Frère Gabriel parmi le» bo-
tanistes à qui il doit plusieurs espèces nouvelles : « Ntcnon
« eximii floraecultores... et Frater Gabriel, capucinus* quibui
« omnibus plures novas species debemus. »
Dans le même ouvrage (1765 Je Frère Gabriel est citéàrani-
cledu Stackys maritima : « Hancetiam circa Massiliam tt S.
«Tropez vidit et mccum communicavit crudiiissîmu» et gène-
^ rosissimus Frater Gabriel capucin us. »
Uàns ses Illustraîionts 1773,, â l'article Laraltra wuiri-
tima^ Gouan fait mention encore du Frère Ghbrïtl : « In hono
« meo c seminîbusa ciarissimoGerario missiscrtnit anno :yVj.
« Ex Fratrc GabrieUt ctiam pro Laraitra irîMa habut-
4L ram. »
Viilars die en trois endroits k Frère Gibntl :
!• ♦ Sinapis ermcuûies. in anis *rt versuris fcuis. Moiioî;.
« ctc- Caractère fftrairif^r tmcartri L. omciao gauiet er p^C/
« eo forte Gcrardas e Fraitr Oairit: ia:bueri-2t. .^ ic OsJjV
provindi reperieniî: ? » flura Dtlpkinaln^,
2" 4L Hypericum hrtsupif'Jium- Le frert rjSLi^jtû. ^.atpacin,
« savant botanisLe d'Aix- gu- avah*:-* i*rt *'*:it-j'>r'i a;v*r., Litîi*:.
41 donnait âœtieplaait jt s vît. c Hyptriium ^sdhfrr'jnf^iiait.
« il lie la comfc^ndan »i i^t:. ;/y Cv^ii L . ^-^ t vtt •^'^^ i«
« moitié pi us coimeL. :x»i^rri:et. xn Strjr; *::: :,'.r;rr :*»: «n ^^^
41 taksplia iaa|5 îT. piiri 'j:.^*r.i, » tini^j.'t iti /'^anie* an
Z>tfirfinie.y
3<» «t Je dois ajouter encore que le Frère Gabriel, capucin*
^ qui avait des relations avec Linné, a laissé dans ses herbiers.
«. qui sont entre les mains de M. le Président de lu Tour d*Ai-
« gués, votre Salix sericea sous le nom de S. Lapponum L.,
« mais il reste à savoir si! le tenait de Linné, de la haute Pro-
* vence ou même du Ùauphiné.'^fffist.de.^ PI. du naup/tîné^
[V
Cest vers ifiSo que vint en Provence le Père Eugène, d'Aci-
nonay {qu'il ne faut pas confondre avec un autre Père Eugène
dVjrigine espagnole, fondateur précisément du couvent des
capucins d'Aix). Le botaniste, religieux de l'Ordre de Saint-
François, duquel j ai à parler, fréquenta assidûment Casta-
gne ; c'est lui qui l'a assisté à Montaud-les-Mîramas, en i858,
a son lit de mon. En 18O2, le Père Eugène était encore h Aix,
Derbès disant (préface du Catalogue de Castagne) : *c Le Père
Eugène explore les environs'd*Aix avec une infatigable acti-
vité. ^ Il a dû partir pour Grcst (Drôme) peu de temps
après 186a, car, en février-mars 1867, il découvrit dans cette
ville son Crocus cristensis P. E. et il préparait déjà un Catalo-
gue des plantes des environs de Crest K Ses herborisations
autour d'Aixdurèreptdoncprobablement une dizaine d*ânnccs*
C'est à Marseille, au couvent de la Croix-de-Reynier. doai il
était le Père gardien, qu'il est mon ; à celte époque (vers 1
il avait cessé d'herboriser,
M'étant adressé, afin d'avoir des renseignements plus détail-
lés sur le Père Eugène, à mon honoré confrère, M. l'abbé Hcr-
vier,de Saint-Étienne (Loirei, possesseurde son herbier, je n'ai
* VEtudt lift rieun, 5* t^dition. i»;^, par Tabbé Oriol, c<mtieiit, i
sappl^ment du tome prt'mier, une liste de 16 espèces de la Drôme* '
touniquée par le « R. P. Eugène, capucin a Creit »,
- 933 -
pu savoir davantage que ce qui suit. Le Bulletin de la Société
Botanique de France, année 1868, a publié une Note du Père
Eugène, dont le préambule dit : « Nous ajoutons une petite
« liste des plantes des environs d'Aix, où nous avons herborisé
4c longtemps en compagnie de notre ami regretté, M. Castagne.
« Dans son intéressant Catalogue (1862), M. Derbès a déjà
4c mentionné une partie de nos travaux sur la flore d'Aix, mais
« un petit nombre d'espèces que nous avons récoltées nous-
« même ne sont pas mentionnées dans son Catalogue ^
D*une lettre que m'a écrite obligeamment M. Tabbé Hervier,
j'extrais : « J*ai beaucoup connu le R. P. Eugène. Il m'a sou-
« vent entretenu de faits qui montraient toute l'amabilité et la
« cordialité de ses rapports avec les botanistes aixois. — Mon
« herbier général d'Europe contient l'herbier du Père Eugène
« renfermant en 3o cartons environ la majeure partie des cspè-
« ces françaises et surtout les espèces de la Provence récoltées
« par le Père Eugène lui-même ou par MM. Huet, de Salve,
« Honoré Roux, Castagne, etc. En outre, un herbier du Dau-
« phiné, en 10 ou 12 cartons, comprend les espèces de la
« Drôme et des Alpes réunies par le Père Flugène, avec le con-
« cours de MM. J.-B. Verlot, Burle et Borel. »
De Fonveri et Achintre, dans la première édition de leur
Catalogue, iSyi^ citent le Père Eugène pour Melilotus parvi-
jlora Desf. « clos des Capucins )^, Centaurea melitensis L.
4c c( .aux secs à Roquefavour )^. Honoré Roux, Catalogue des
Plantes de Provence, nomme une seule fois * le Père Eugèneà
L. Legré prétend, dans le journal La Croix de Marseille, numéro du
a juin 1901 : « Un capucin du couvent de Marseille fui l'ami et le compa-
« gnon fidèle d'Honoré Roux ; il s'appelait le Père Eugène. Le Catalogue
« des Plantes de 'Provence a souvent enregistré le nom de ce religieux
« parmi ceux desdivers botanistes provençaux. » Le Père Eugène, relève-
ra i-je, n'a appartenu au couvent de Marseille que dans sa vieillesse impro-
1
— 934 --
propos AtBifora testiculata L. « Aix : à Saint-Antonin ; Père
Eugène. » Huet {Catalogue des Plantes de Provence, 1889) a
inscrit une cinquantaine de plantes plus ou moins rares qu'il
avait reçues du R. Père.
Parmi les récoltes aixoises du capucin botaniste, je note: «Po-
« lygala rosea Desf. : bords de TArc, près du pont; Potentilla
« opacata Jord. : colline des Pauvres ; P. villijera Jord. : col-
« linc des Trois-Moulins ; Lythrum gracile DC : Aix ; Mi-
4< cropus bombycinus Lag. : Montaiguet [adventice ?] ; Car-
« duus australis Jord. :. colline des Trois-Moulins; Hieracium
4< prœaltum Vill. var. decipiens : A'ix ; Thymus Chamœdrys
« Fr. : collines d'Aix. » M. Tabbé Hervier m'a promis de véri-
fier si ces plantes sont contenues dans l'herbier du Père Eugène
et si elles sont exactement déterminées.
pre à le rendre « compagnon fi Jèle » d'Honoré Roux citant son nom une
seale fois. M. l'abbé Hervier m'a écrit : « Quant aux rapports d*Honoré
« Roux avec le Père Eugène, je les ignore : il ne m'a jamais parlé de lai
« comme étant un de ses compagnons de courses à Aix ou ailleurs et je
« crois plutôt à des relations amicales d'échanges entre eux. »
J
-935-
LU
UNE VIEILLE CITÉ PROVENÇALE
Les rues et les quartiers d'Apt.
Essai de restitution topographique et toponymique.
Par M. Fernand SAUVE, de rAcadémie de Vaucluse,
Secrétaire-Correspondant de la Société d'Etudes provençales à Apt.
Avant que progressivement disparaissent, sous la poussée
des exigences de la vie contemporaine, les derniers linéaments
de la physionomie de nos villes de Provence, il n*est pas sans
intérêt de fixer, aussi approximativement que possible, laspect
des vieilles rues où tant de générations se sont agitées et de
rappeler les anciennes dénominations — bizarres parfois,
mais toujours logiques et pittoresques — que les habitants
leur avaient accolées.
Il m'a paru d'autant plus utile de tenter cette restitution
pour la ville d'Apt, à travers laquelle les alignements n'ont
sévi que fort tard, qu'il n'existe aucun plan gravé ancien de ses
voies publiques; le seul document cartographique qui ait pu
être utilisé ici est un plan manuscrit, dressé en 1779 par M. de
Duron, ancien officier de cavalerie retiré à Apt, qui occupa ses
loisirs à figurer le tracé des rues avec une scrupuleuse exacti-
tude; ce géomètre improvisé avait en vue d'indiquer à l'admi-
1
- 936 —
nistraiion communale d'alors les améliorations à apporter à la
circulation publique.
C'est d après ce document que j'ai tenté de reconstituer les
lignes de la cité Aptésienne du moyen âge, en m'aidant des
documents municipaux et surtout des actes notariés, ceux-ci
extrêmement abondants et remontant jusqu'au milieu du
XIV- siècle.
Je dois d'abord poser en principe que, pour Apt, le tracé des
voies publiques ne paraît pas avoir suivi celui des voies de
l'époque gallo-romaine ; la vérification est peut-être difficile,
étant donné que le sol antique se trouve enfoui à une profon-
deur moyenne de 4 à 5 mètres; cependant, partout où les dé-
couvertes fortuites ont permis une comparaison, la non-concor-
dance des deux tracés a pu être constatée.
Sur la configuration des rues du haut moyen âge, j ai cru
prudent de m'abstenir, les documents étant absolument insuffi-
sants et ne permettant qu'une restitution purement hypothé-
tique.
Telle que nous la montrent les actes de i35o à 1400, la ville
se trouve à ce moment entourée de remparts- et bordée de
fossés qui la limitent dans un périmètre presque absolu, au-
delà duquel les maisons ne s'égaraient qu'à regret, sauf au
cours des xii* et xiu* siècle, époque de réelle prospérité, où un
vaste faubourg occupait, à l'ouest de la ville, les deux rives du
Caulon. Mais en i35o, à la suite des incursions de bandes
armées, de la peste, des inondations, il ne reste plus, de celte
annexe urbaine, que des casais, des amas de pierres, quelques
jardins dont leurs propriétaires se défont à vil prix.
Donc bien avant la fin du xiv* siècle, les rues de raggloméra-
tion, déjà fort étroites, devinrent encore plus exiguës, afin de
faire place aux nouvelles habitations et aux deux grands mo-
- 93? -
nastères des Carmes et de Sainte-Croix, obligés d'cmigrer de la
banlieue dans la ville ; les paysans — qui formaient la presque
totalité de la population — durent, d'autre part, abandonner
les campagnes et demeurer en ville; on conçoit combien peu,
dans de telles conditions, importaient la régularité, la propreté
et la largeur des rues à des gens qui ne supportaient pas l'en-
trée des charrettes dans leur ville et qui sacrifiaient tout au
besoin immédiat de se mettre, avec leur famille et leurs mai-
gres ressources, à labri d'un coup de main.
Si Ton ajoute que douze églises importantes et sept cimetiè-
res se pressaient à l'intérieur des remparts, on comprendra que
la surface laissée à la circulation devenait des plus restreintes;
aussi ne faut-il pas s'étonner si, en 1784 encore, les plus gran-
des rues n'atteignaient pas, sur certains points, une largeur
supérieure à deux ou trois mètres et si la traversée de la ville
d'une porte à Tautre constituait un problème des plus compli-
qués.
Encore, à cette époque, les rues étaient-elles désencombrées
de tout ce qui, au moyen âge, les transformait en emporta
permanents. Au xiv* siècle, les appendices fixes ou temporaires
qui entravaient la circulation étaient légion : tables de bou-
chers, d'épiciers, de savetiers et de changeurs, auvents, esca-
liers extérieurs, montoirs, marchepieds, puits publics et privés,
oratoires, sans compter les étages en encorbellement soutenus
par des corbeaux en pierre ou des poutres à saillies façonnées.
Tout le monde connaît le type de nos anciennes boutiques :
leur entrée constituée par une ouverture à centre surbaissé
était formée de trois parties : au milieu, une coupée ouverte
entre deux bancs de pierre à hauteur d'appui, s'avançant plus
ou moins dans la rue : c'était le jpor/maow.
Dans le haut, les volets de ces boutiques s'ouvraient pour
abriter du soleil; dans le bas, ils s'abaissaient pour former éta-
^ 938 -
lage. Mais les marchands ne se contentaient pas de ces instal-
lations ; la rue était encombrée par leurs tables en maçonnerie
ou en charpente, accolées aux maisons et considérées dans les
actes comme de véritables immeubles par destination. Le
nombre et les dimensions de ces appendices augmentèrent à
tel point que le Conseil dut exiger, en i386, qu'on laissât au
moins entr eux le passage pour une brouette de foin !
Les décisions se multipliaient sans résultats et au xvi* siè-
cle, la situation de la voie publique n'avait que peu varié; en
i5o3, la ville dut notamment obtenir un arrêt du Parlement
ordonnant la suppression des auvents plus ou moins ouvragés
qui surmontaient les boutiques et les portes des maisons.
Cet aspect de la rue aptésienne était permanent : mais les
jours de foire et de marché, tout ce qui demeurait libre était
pris par les tables mobiles installées par les drapiers du Lan-
guedoc, qui apportaient les étoffes de « France », par les
merciers et les couteliers venus d'au-delà du Rhône; parles
marchands de volailles qui prenaient possession de la Poulas-
serie, tandis que la vieille Juiverie, le Septier, la Poissonnerie
étaient occupés parle commerce du blé et les poissonniers des
Mariigues et de Berre.
***
Traverser la cité dans de telles conditions devenait, je Tai
dit, un véritable problème : seule, la rue du Chemin, où se
trouvaient des hôtelleries, était assez large pour permettre la
circulation des mulets chargés à bât ; mais lorsque les rela-
tions commerciales eurent pris quelque importance, au
xvii« siècle, les véhicules durent contourner la ville et em-
ployer des raidillons, impraticables aujourd'hui, pour, des rou-
tes d'Avignon et de Marseille, atteindre celles des Alpes €t du
Dauphiné; ces difficultés n'existaient pas au moyen âg«» car
-939 -
des décisions municipales nombreuses, en i382, 1384 et 1409,
notamment, interdisaient rentrée des charrettes à Tintérieurdes
remparts ; les édiles iirent même placer aux portes principales
des piquets reliés par des chaînes, afin d'assurer Tobservation
de leurs ordonnances sur la circulation des rares véhicules qui
s'aventuraient alors jusqu'aux remparts.
L'exiguité des rues de nos anciennes villes était aggravée par
l'ignorance des règles de l'hygiène publique : on a bien tenté,
il est vrai, en choisissant çà et là quelques exemples de déci-
sions prises par des édiliiés, de démontrer que celles-ci, dès le
moyen âge, ne méconnaissaient pas les principes généraux de
la santé publique ; il n'en demeure pas moins établi, par l'exa-
men de la situation de la voirie, que toutes les villes, sans
exception, avaient des rues d'une saleté repoussante K
A Apt, où les documents sont parfaitement affirmatifs, nous
voyons se perpétuer jusqu'au milieu du xix* siècle, l'usage de
Jaire du fumier sur la voie publique; la chaussée, au-devant
de chaque habitation, formait un cloaque, dont les voisins dis-
posaient à leur gré pour le dépôt des immondices ; il est égale-
ment vrai que, dès le xiV siècle, les privilèges de la ville rap-
pellent qu'il est expressément interdit de procéder ainsi depuis
Pâques jusqu'à saint Michel * ; mais la tolérance permanente
éuit la règle, puisque la défense de faire femorassas dans les
rues est sans cesse renouvelée * et que la commune est obligée,
pour permettre le passage de la procession de la Fête-Dieu, de
procéder au curage des rues de la ville * ; le terme est suffi-
• Voy. pour les détails relatifs à la propreté des rues en France au
moyen âge : Eulart^ Sîanuel d'archéol. civile et militaire^ p. 239-140.
• Lîpre rouf^e, Arch. com. AA i,art. lxxxiv.
' Ordonnance du baiIed*Apt. 29 novembre i326 et nombreuses délibé-
lations.
• Délibération du 27 sept. 1417, Arch. com. BB. 14.
— 940 -
samment expressif. On défend enfin de faire des dépôts de
fumier dans les lisses intérieures ou près des remparts *, afin
d'empêcher surtout la destruction des murs par Thumidité *.
Cependant, à certaines heures difficiles, les médecins exigè-
rent (3o octobre 1410), sousla crainte d'une épidémie de peste,
le nettoyage des rues; les édiles défendirent le jet des balayures
(scobelhiéras) iur la voie publique (1415) et ordonnèrent par-
fois que celle-ci serait balayée tous les samedis (i382, 1413).
Mais ces prescriptions ne furent obéies que très peu de temps,
les termes même employés par les édiles le démontrent suffi-
samment.
Celte situation, nous l'avons dit, n'était pas spéciale à Apt :
les criées de Toulon (iSSy) ordonnent « de non amolonar
formerassas per las carriéras » et obligent d'enlever les dé-
pôts, en été, tous les samedis (art. xxu) ; les statuts de Raymond
Bérenger pour la ville d'Aix ' défendent de faire du fumier
dans les rues, mais autorisent la sortie du fumier sur le pavé
pendant deux jours, avec obligation de le porter aux champs
le troisième jour; les leges municipales d^ Arles {i 162-1202) in-
terdisent le jet des balayures et des cendres et défendent aux
habitants de... se satisfaire dans les rues, exception faite pour
les enfants âgés de moins de 7 ans (art. xli); à Marseille, le
viguier Jacques Aube, dans sa criée du 20 novembre i363,
ordonne aussi le balayage : « Que tota persona fassa nedegar e
escobar sa frontiara cascun sapte e juzieus cascun vendrcs » *.
A Piolenc, l'interdiction est singulièrement atténuée par la per-
mission octroyée de laisser stationner le fumier pendant dix
* Livre rouge, art. ctij.
* Délibération du 14 avril 141 3, relative aux lisses et aux places de la
Bouquerie et de Saignon et ordonnant le balayage hebdomadaire.
* Ch. GlKAUO, Op, cit., t. II, p. 22.
* Publiés par A^. Conio, dans Reyue historique de Provence, 1901, p. 566.
J
— 941 —
jours; le balayage hebdomadaire est également ordonné *; les
statuts de 1 184 et i25i de la ville d*Avignon sont plus précis
encore : ils défendent de déposer « pondus superfluum, pur-
gando ventrem » dans les rues, sauf dans les lisses et sur le
Rocher des Doms '.
Or, réiat de choses constaté au xiV siècle ne s'était pas mo-
difié à la fin du xviii* siècle; en 1784, le chevalier Duron, qui
projetait la modification des rues au point de vue des aligne-
ments et de l'aisance des communications, n'osait pas exiger
la suppression du fumier dans les rues, parce que, dit-il, « le
terroir en exige une grande quantité » ; il demande cependant,
comme correctif, qu'il soit interdit d'arrêter l'eau dans la rue *,
que Ton ne fasse plus de cloaques dans les maisons * et que les
dépôts de fumier soient enlevés la veille des fêtes et dimanches.
Ces desiderata nous renseignent assez sur l'état réel de la
voirie urbaine d'Apt à la veille de la Révolution : aucun pro-
grès n'a été fait dans le sens de la propreté depuis le xiV siècle ;
mieux encore, la lettre suivante nous prouve que les rues prin-
cipales étaient encore transformées en cloaques en lygS :
« Liberté, égalité, fraternité.
« Apt, le 2 frimaire an III de la République française, une et
indivisible.
« L'Agent national près le District à la municipalité d'Apt.
« La liberté de faire du fumier dans les rues de la commune,
• Sutats de Piolenc, dans Mélanges de C École de Rome, 1904, p. bj,
publiés par G. Bourgue.
• Stat. d'Avignon.
* On arrêuit Teau dans les rues afin de faire détremper plus complète-
ment les herbes, le buis et la paille étendus sur la chaussée.
* Les cloaques intérieurs qui servent de réceptacles pour les immon-
dices de plusieurs maisons voisines ont subsisté ; malgré les règlements,
Apt compte plus de 200 de ces foyers d'infection dissimulés à l'intérieur
des maisons.
'- 94-
citoyens, a dégénéré en une licence si insoutenable» qu'en
temps de pluie surtout, îi est impossible, même en plein jour,
d y passer sans se mettre de Teau et de la boue jusqu'à mi«
jambe, à cause des nombreuses stagnations qu*accasionneni
les las de paille qui se font presque jusqu'à chaque porte. En
conséquence, je vous invite et vous presse môme de faire exé-
cuter la loi sur la police municipale, en prenant les mesures
convenables pour faire jouir tous les citoyens du droit de pas-
sage libre au moins dans les principales rues. Salut et frater-
nité, Payan ^»
Les exigences de l'Agent national, on le voit, ne vont pas
même jusqu'à demander le nettoiement des petites rues : c'est
que Vhabitude est invétérée et qu'il faudra encore un demi-
siècle pour la déraciner complètement; une lettre du maire
d'Apt, en date du ry juillet 1817, avoue que non sculcmcni
les habitants font encore du fumier sur la voie publique, mais
encore que celle-ci est toujours librement parcourue par les
porcs et la polaille.
On conçoit qu'avec de pareilles coutumes, le pavage ne fm
pas d'une utilité évidente; tout au plus arrêtait-il — dans une
proportion restreinte — les infiltrations dans le sol ; leseaui,
contaminées par le fumier des rues et des cloaques intérieurs,
se rendaient directement à la nappe d*eau souterraine qui ah*
mentait les nombreux puits publics et particuliers utilisés par
la population jusqu'au milieu du sîècledernier ';on juge quelle
devait être la pollution de Teau potable ! Aussi ne faut-il pas
s*éionncrsi les villes de Provence étaient endémiquemeni* pen-
dant le moyen âge, périodiquement jusqu'au xvm* siècle, déci-
1 l.€9 principaux puits publics étaient situés : Flâce d^ l'Êféchl, pl«oe
di£ U CâthédrAle. rue Puits-de-Biaot, Paitsdes Allemandi, des QoâtTtt»
Poulies, du Scpticr, du SiiînuPierre,
— 943 —
mées par des épidémies de peste ou par d'autres maladies aux-
quelles, faute de connaissances, les médecins donnaient ce
nom.
En parlant du pavage des rues d'Apt, je me suis servi d'un
terme impropre : celui qui convenait à Apt comme dans toutes
les villes provençales était le calladage, fait de cailloux ronds,
plantés droit dans le sol et laissant entr'eux des interstices suf-
fisants pour rendre la marche pénible et même dangereuse. Ce
procédé était général autrefois dans le Midi ; à Avignon, bon
nombre de rues secondaires sont encore pavées ainsi ; a Apt,
les pavés cubiques en calcaire dur ont remplacé les cailloux
dans toutes les voies, à quelques exceptions près.
La plus ancienne mention du calladage des rues d'Apt est
du 7 mai i38o : les édiles décident d'envoyer chercher des pa-
veurs à Avignon pour réparer les rues et callades et ordonnent
que les habitants contribueront à la dépense, selon la longueur
des immeubles qu'ils possèdent bordant la rue: le 2g mai i383,
l'opération était loin d'être faite, puisqu'ils décident « quod
omnes carrer ie dicte civitatis calladcntur )► ; quoiqu'il en soit,
le pavage fut exécuté en partie au moins : un compte munici-
pale 1599, mentionne une grande superficie dépavage effec-
tué par Valentin et Pierre Larthier frères, « paveurs du lieu de
Gendreville en Lorraine > et répartit la contribution à payer
par chaque propriétaire. On trouve encore de nombreuses en-
treprises dépavage au cours du xvii* et du xviir siècle.
Telle fut la physionomie générale de la ville d*Apt depuis le
XII* siècle, au moins, jusque vers le premier tiers du siècle der-
nier. Depuis i83oet surtout après la démolition des derniers
tronçons des remparts, la vieille cite a rompu sa ceinture, s'est
élargie en faubourgs importants et tend de plus en plus, sous
— 944 —
la poussée d'une immigration constante^ h se prolonger dans
le sens est-ouest de la %'allée.
I.es modifications apportées depuis un demi-siccle et plus
dans la topographie urbninc n'en ont pas moins change l'as-
pect général des rues : celles cî, du moins les principales, ont
perdu leurallurc personnelle et pourront, sous peu. ressembler
parfaitement les unes aux autres. On permettra h quelques*uns
de ne point trouver très heureuse celte métamorphose ; les re-
gretsquepeut inspirer la disparition de tout ce qui faisait le pitto-
resque de nos anciennes villes, de ce qui leurdonnait un cachet
spécial sont superflus; je sais combien on a facilement raison
— en apparence — de Texpression très souvent renouvelée de
ces regrets : des qu'un ami du passé artistique de la province
pose la question, les mots d'hygiène, de nécessités commercia*
les, de vie moderne - et depuis peu d'automobilisme — sont
invoqués, absolument comme si, au nom de la voirie et de se*
règles sacro-saintes, toute su perOui té artistique devait être ban»
nie, comme si l'hygiène interdisait ks grandes et belles fenê-
tres à meneaux, les arcatures élégantes, les vastes portes d'en-
trée, la décoration inspirée par le talent — parfois même le
génie personnel — du constructeur.
Or. en même temps qu*au nom des nécessites respeciaDie>
de rexistence contemporaine les rues étaient élargies, que de
nouvelles artères permettaient la libre circulation de l'aîr et de
la lumière, on ne songeait jamais à réserver certaines parties
qui eussent laissé à ces rues anciennes un caracicrc personnel;
propriétaires et édilités se sont ligués, semblc-i-iU pour le
triomphe de la banalité, de ta ligne droite et de la monotone
symétnc,
La caserne, ennemie de rindividualité, scrait-etle là syiiibo-
lisation de la société future ? Les maisons modernes tendraient
à le faire croire.
— 945 —
On a démoli sans compter ; on a créé des voies sans souci
aucun de Testhéiique; des jetées rigides de pierre, des bâtisses
cubiques à balcons uniformes, à façades insipides, ont rem-
placé à peu près généralement les maisons à type individuel,
les encorbellements, les vieilles sculptures, les enseignes fan-
taisistes, les gargouilles élégantes; avec ces dernières, ont dis-
paru les courbes ménagées dans le tracé des rues pour éviter
les vents violents et les rigueurs estivales.
Je répudie, après beaucoup d'autres qu'on a accusés som-
mairement de vouloir conserver les vieilles rues au détriment
de la santé publique, l'imputation de défendre un état de
choses préjudiciables à la société moderne; il n'y a pas d'objec-
tions à faire aux agrandissements, aux percées nouvelles; mais
il y en a de sérieuses à opposer à Tabatage, fait sans discerne-
ment, de ce qui constituait la parure de nos villes ; il ne faut
point — c'est entendu — laisser périr nos chefs-lieux par dé-
faut de circulation, mais il ne faudrait pas davantage les tuer
en les uniformisant : les touristes s'éloigneront insensiblement
de nous lorsqu'ils sauront que le niveau a passé partout et que
leurs yeux seront désagréablement écarquillés par des perpec-
tives droites, des rues monotones que n'interrompront plus les
harmonieuses constructions du passé; le temps fait lui-même
une œuvre assez néfaste pour que l'on aide à son lent travail
de destruction.
Les travaux d'édilité dont nous sommes tous partisans peu-
vent se faire sans estropier à jamais la physionomie d'une
ville ou d'un monument; rien n'indique, bien au contraire,
qu'il soit indispensable de tout faucher pour embellir nos cités
modernes *; le problème a d'ailleurs été posé et résolu théori-
Voir sur ce sujet : Robioa» LŒupre d'enlaidissement au XIX* siècle^
dans Repue encyclopédique du 27 novembre 1897, p. 989.
CONORÈS— 60.
quemenu il reste à nos assemblées le soin de le mettre en pra-
tique, à moins que le goût public ne soit assez anéanti pour^
qu'il n*en sente pas la nécessité '.
Le quartier consiuua u .ibJ/d, vl:s le haut moyen à^c, la'
division essentielle de nos cités : constitué par des j^roupcs
d'habitations sises autour du château, de la citadelle, de rêvé-
ché ou d'une abbaye, il fut pendant longtemps* jusqu'au
.xin** siècle peut être, le seul à r^x-cvoirunc dénomination à peu
près (ixe; nous savons qu'à Apt ces quartiers, connus sous le
nom générique de bréoiis, du bas-latin brève, étaient au
nombre de quatre : les bréom de la Boucqueric et du Miun,
sous la juridiction épiscopale, les bréous de Saint-Martin ci de
Saint-Pierre, appartenant à diverses branches de la famille
seigneuriale de Siniiane,
Dès le XIV' siècle, cette division s*estompe graduellement cl
n*estdéjà presque plus usitée par les rédacteurs d'actes publics
et prives; en i35o, déjà tes noms de rues ont fait leur appart-
lion» chaque i* carreria i», chaque «t place ^, « andronnc ^ et
<t canton * ou coin a rc<;u, du peuple seul et sans intervention
administrative, sa dénomination, issue des relations jourtia-
lières, du besoin de préciser dans les actes privés, de plus en
plus nombreux, la situation des immeubles, dcN boutiques^
ainsi que le domicile des «contractants.
I*our le peuple, Tadoption d'un nom n'était soumis h aucune
règle fixe; il n*en était pas moins vrai que certaines dctermi*
* M. Clerc, profcsscui ;i * univcrAild d'Ai* Marseiiie, i résumi: ^«n^ «r
conférence faiite je t!»fiévner ifpy, h Marseille, et en les ippliquâfit àortt
tilïe. les données de M Cam, Sïilc mr VAn de bâtir Iti r itl
serait k citer de cet ouvrage et de ta conférence de Ténidit cor,
du iDua<ie Dorély.
- 947 -
nations avaient plus de poids que les autres : on peut d*abord
remarquer que les noms de saints, tant en faveur lors du
baptême général des rues en i8i5, furent fort peu employés
au moyen âge et les rues Saint-Pierre et Saint-Castor sont de
réelles exceptions.
Dans la nomenclature des noms adoptés avant i35o, deux
groupes principaux se distinguent avant tout :
r Ceux venant du nom d'une famille bourgeoise, riche ou
commerçante, dont le domicile se trouvait fixé dans lartère
qu'ils désignaient : par exemple, les rues de Beyssan,de Cama-
ret, des Biords, des Siuecii, des Guiards, des Bompards, des
Garins, des Renulfes, des Roberts, etc.
Et 2" ceux adoptés par suite de la concentration, dans cer-
tains quartiers, d'une industrie ou d'un commerce local. Le
fait était d'ailleurs général en F'rance. C'est ainsi que la ville
d'Apt avait sa place du Sepiier, ses rues de la Poulasserie, de
la Sellerie, de la Sabaterie, du Mazel, de la Triperie, des
Muraires, de l'Epicerie, des Verriers, des Poissonniers, de la
xMercerie, de la Draperie, etc.
Les dénominations qui ne faisaient pas partie de ces grou-
pes étaient dues, soit à la topographie et à la forme de la rue,
telles : la Careyrassa, la rue Droite, la rue Neuve, la rue du
Chemin ; soit à un monument ou à une institution, comme le
Costel — lieu des exécutions judiciaires, ~ les rues du Petit-
Four, du Four de la Lauze, de l'Horlogc-Vieux, du Puiis-dc-
Bizot; soit enfin à des causes très variées : c'est ainsi que la rue
des Toulousains^ la Juiverie, la Canonengue et probablement
la rue des Garses devaient leur appellation à la résidence des
marchands deToulouse, des juifs, deschanoines et des « dames
vagabondes )►, ainsi que s'expriment les comptes des clavaires
aptésiens ; c'est ainsi encore que la rue du Lion ^or avait reçu
son nom d'une auberge à enseigne monumentale, que la rue
— 94» -
des Gebelins ou des Génois rappelait rinternement de plusieurs
partisans dans un immeuble qui leur avait été assigné par le
juge d'Apt, etc.
La première série de noms de rues, celle due aux noms de
famille était appelée à disparaître par suite de l'élimination de
ces dernières; quelques-unes subsistèrent parfois sous une
forme corrompue, comme la rue des Stuecii, devenue rue des
Suisses ;Iqs noms de métiers eurent une existence plus prolon-
gée : la Poulasserie, la Sellerie, les Muraires existaient encore
à la fin du xviii« siècle, ainsi que la rue de la Sabaterie, devenue
rue Sabathery, forme d'un nom d*homme; les appellations
ducs à d autres motifs : Juiverie, Puits-de-Bizot, Charivari,
Costcl ont enfin résisté aux changements.
Vint une heure où les édililés crurent agir sainement et
contribuer à faire disparaître les traces du passé en suppri-
mant les sculptures, les armoiries et une partie des archives —
en remplaçant également les noms anciens des voies publi-
ques. En 1792 et 1793, la rue Saint-Pierre, le Postel, la rue
Cathédrale, les places Saint- Martin, du Septier. de Sainte-
Croix, de l'Évêché, de la Bouquerie,le faubourg des Cordeliers
devinrent respectivement : place de la Révolution, place Na-
tionale, de rUnité, des Sans-Culottes, de TAbondance. de la
Montagne, de la République, de l'Égalité et de la Liberté ; ces
noms durèrent à peu près le temps de la Terreur ; mais la me-
sure prise en l'an II permit aux réacteurs de i8r5 d'imposer à
ces places les noms de place du Roi, place Française, place du
Culte, des Royalistes, Bourbon, place Royale, faubourg des
Bons-Enfants et faubourg de la Joie! et d'aggraver, en 1826,
cetie transformation par une hécatombe de noms anciens rem-
placés aussitôt par des termes politiques et religieux : c'est à ce
moment que furent inventés la rue des Capucins, de la Sous-
Préfecture, de l'Évêché, Traversière, du Séminaire, des Mar-
- 949 —
chands, Saint-Auspice, des Pénitents, des Récollets, de la Pro-
vidence, de Sainte-Ursule et aussi la rue de TEgout !
Tous les partis ont donc contribué successivement -à donner
à nos voies publiques des noms d*une banalité sans égale
lorsqu'ils n'étaient pas ridicules.
Oui, il eut fallu conserver les anciennes désignations : on
dira vainement qu'elles ne rappellent plus rien ; mais les rues
des Recollets, des Pénitents, de Sainte-Croix, de Sainte-Ursule,
des Quatrc-Ormeaux, ainsi dénommée parce qu'un platane
végète péniblement entre ses pavés, ne rappellent également
rien, au sens strict du mot. Et dès lors, pourquoi avoir con-
servé la rue des Quatre-Poulies, la rue Puits-de-Bizot, la place
du Postel, la rue des Muraires, etc. ?
I^ vérité est que les pouvoirs publics ont voulu imprimer,
là où ils le pouvaient le plus aisément et à peu de frais, la
marque de leur autorité; il en est résulté une impression d'in-
cohérence absolument désagréable et une tendance à l'oubli de
tout le passé local.
Mais le fait existe, et je crois qu'il est inutile de résister à une
tendance qui est générale ; il ne nous reste plus, en regrettant
ces mutilations inutiles et souvent inintelligentes, en voyant
disparaître la personnalité de nos cités, qu'à faire revivre sur le
papier la physionomie ancienne de leurs rues et de leur ter-
roir, tout en fixant aussi exactement que possible les ancien-
nes dénominations que nos aïeux, épris des vocables savou-
reux, leur avaient données.
Fernand Sauve.
(Résumé d'un Mémoire, avec plan de restitution de la ville d'Apt
au moyen Age et en 1784.)
^
— ^5o —
COMMUNICATION DE M. CH. VINCENS
Le résumé suivant de la communication de M. Char-
les Vincens (p. ii3, n" 7) ne nous est pas parvenu en
temps voulu pour être inséré, à sa place.
Dans sa communication sur La Coopération et les Sociétés
coopératives de consommation à Marseille, M. Charles Vin-
cens a voulu étudier Tune des œuvres sociales qui sollicitent
le plus, aujourd'hui, l'attention des économistes — surtout
dans les grandes villes.
Il a tout d'abord défini la Coopération, qui est l'union lé-
gale et pacifique de toutes les petites forcés pour en faire une
grande; il justifie cette définition par un exemple tout per-
sonnel, et qui, à Milan où tout est coopératif, lui ouvrit les
yeux sur le caractère, la portée et les avantages du système.
Ne pouvant s*étendre sur ses diverses formes ou applications,
M. Charles Vincens a négligé les Sociétés de Crédit, formées
par ceux auxquels le crédit n'est pas nécessaire, c'est-à-dire
par des capitalistes qui, dévoués au bien social, renoncent à
l'intérêt de leurs actions pour l'appliquer à la diminution do
l'escompte du petit papier, refusé par les grandes Banques. Il
n a pas parlé davantage des Sociétés de production, qui ne
sont pas encore assez expérimentées dans notre pays et qui,
pour la plupart, reposent sur une utopie, par exemple, sur le
principe dangereux de « la mine aux mineurs >►. — Mais il a
étudié spécialement les Sociétés de consommation, forme la
plus directement et pratiquement appropriée aux besoins de
tous : ces Sociétés ont pour base la suppression du rouage oné-
-95i -
reux — et inutile— de Tintermédiaire, mettant siinsi le pro-
ducteur directement en contact avec le consommsàt:eur et il en
résulte, au profit de Tun comme de l'autre, une not^ible écono-
mie. En outre, achetant en gros des denrées Je borgne qualité
et de poids sincère, ces Sociéléeles vendent à leurs membres à
un prix inférieur toujours à celui du détail; et \sl différence,
après payement des frais généraux, est répartie au prorata des
achats de chaque sociétaire dans Tannée.
Après avoir rappelé le succès des « Pionniers de Roch<jale >►
qui, depuis un demi-sièçlc d'existence, ont déjà réfxarti 4-^ nijl-
lions de francs entre leurs sociétaires, M. Charles ViiK^^ns a
passé en revue la création des Sociétés similaires en France, où
elles eurent quelque peine à être encouragées et. appréciées,
malgré le merveilleux développement qu'ellesavaient prispeui
peu, après l'Angleterre, en Allemagne, en Dancm^ar le, en Suisse,
en Italie ; et, après avoir eu soin de démontrer l'énorme di/K-
rence qu'il y a entre le Collectivisme, qui met en ooonmun les
richesses acquises par quelques-uns, — de sort:e qiJ« les fai-
néants seraient entretenus par ceux qui irayaill^*^^» ^^ ^
Coopération, qui crée, par les dépenses de tous, la ricJn^^^ com-
mune, M. Charles Vincens fait l'historique de c:es oooperati-
ves, de ces associations fraternelles, nées de ce senti men c r
lien qui est la source de tant d'améliorations socî^'^^'
Nous ne pouvons suivre ici l'intéressant conférenoer ans
son exposé de l'organisation de ces Sociétés, con fcyrtn^ a oi
de 1867, remaniée par celle de i8j3. Quelques— «^^^^ ^ ^^"^
formées, à l'origine, avec dix membres seulem^*^^*
chacun 25 fr., quelquefois moins ; leur succès a an^^ **
très sociétaires. Administrées avec intelligence, écori<^
les frais, et dévouement, elles sont peu nombreu^^^
Marseille, mais toutes prospères, quel que soit l^"-^*" ^ ^ ^
moins d'importance; le groupement de cenaines
^uires, dans
L
1
<iS HOHORIFIQOES
Le BureaL iu C: nç-es avait îaiî un certain nombre de
prop*:»siîi':»ns pour les palmes scadémiques. Ces proposi-
tions ont été accueillies avec bien vei 'lance par M. le Mi-
nistrede l'Instruction pur:;que. «Jn:ê:én«immés oiïic*»ers
d'Académie :
Al"* Eu^^énie Hoicîi^pt. de jAcaiémie ie Va u ci j se :
MM. J.-B. AsTiEF. de 1 Esco^o de la Mar ;
Marie Bertrand, de j'îLcoie de Lérins. sojs-biblioihtcaire
de la ville de Cannes :
Ch. Latine, de la Société d'Études provençales, avocat
à Marseille :
J.-M. NïCOLLET, de la Société dÉtudes des Hautes-Alpes,
juge de paix à La liâtie-Neuve - Hautes-Alpes >.
co:CKÎ.s — 6i
— 956 —
Arnaud d'Agnel, 9, 25, 28, 57-69,
72,76, 96, 117-129, i56, 190, 609-
628.
Artaud, Adrien, 3i.
Artigues (Var), 68, 69, i53.
Arvemes, 53-55.
Association des sylviculteurs de
Provence, 28-3i, 37.
AsTiER. Emile. îk8,3i ; — J.-B., 3i,93,
903.
Aubanel, 140-1.
Aubignosc, 89.
AuBERt, Louis, 3i, 93, 583-599-
Aude, Edouard, 3x, 100, io5, 669-
671 ; — D' Philippe, 28, 3i.
Aunol, 5o, 5i.
Auiels-cippeschrétiens de Provence,
70, 187-206.
Auvergne, 52.
AuziviziAR, Clément, 32, 194, 197-
Aveyron, 68.
Avignon, 52, 62, 95.
Avocat à la cour d'Aix, 34, 36-38.
Banquet, 9^ 25.
Baou-Koux, 170.
Baoussé-Roussé, grottes, 45, i53.
Barcelonette, l'enseignement à B.,
106, 119.
Barbty, D', 28, 32.
Barré, 83, 397-419.
Basses-Alpes, le coup d*Etat dans
les B.-A., 89.
Bastille, 76.
Biumes-de-Venise, i58.
Baumo dôu Luce-; — dei Peirar, i54.
Baus de l'Aubesier, i53.
Baux, les —en 1790, 84, 45i-46ô ; —
marquis des B.,44»
Belim. Recteur, Président du Con-
grès, 7, 10, 22, 25, 27, 28, 32, 41-
44. 74, 77, 104, 107, 116-118, i3o.
Belzunce, évêque de Marseille, 76-7.
Bérard, V., 176.
Berbères, 66.
Bérétins, 71.
Berhard, D', 28, 32.
Bernard de la Salle. 80.
Berre, étang de B., 5o.
Berthonye, R. P. La, 110.
Bertrand, Marie, 32, 70, 77, Sa, 89,
198, 297-3n, 953.
Bibliothécaire de Cannes, 32, 39,
Bigot, Paul-Henri. 32, 83, 87, 4i3,
428.
Blancus, lohannes, 107, 767-792.
Boii, 62-3.
Borély, musée, ao3.
Botanique à Aix, ti5, 925-934.
Bouillon-Lahdais, Louis-Paul-Ma-
rie, 32, 96-7.
Bourges, chanoine, 32.
BooRRiLLY, Joseph, 32, 93, 583 599,
601-608; — L.. 32. 106. 747-7^;
— V.-L. 32.
Bout de Charlemont. Marie- Hippo-
lyie. 32, 66.
Braunau, décret de, 107.
Brémond. consul à Jérusalem, 78.
Bresc, Louis Sigaud de, 33, 88, 54"-
56o.
Briançon, 49- *
Brignoles, 102, 190, 194-198, «>4-
Bronzes, i58.
Bruguier-Roure, 32.
Brun. Antoine-Prosper, 87.
Brutus, 67.
Bulletin d'adhésion, 23-4.
Buoux, i58.
Bureau du Congrès, 7, 8, 19, 23, 28,
57.
Cadenières, quartier de Carcès,6o-i.
Caille (Alpes-Mar.), 161.
Caillemer, Robert. 28, 33, 106-188,
767-792.
Caillol de PoNCt, 33, ii3.
Camargue, plaine de la, 5o.
Camau, Emile, 33.
Camous, Louis, 33, 72-3.
Cannes, 62, 71 ; — histoire de - 207.
Carcès, anneau trouvé à — . 60-1,
129-134 ; — club révolutionnaire
de — 83, 42flH434-
Carnacéen, 68.
Carsignol, Henry, 33.
à
Cassis, 397-4"- *
Castirll, D* Julien, 33.
Catoriges. 63, 208-9.
Cauvin, C, 29, 33.
Cavaillon, 5i.
Celtes, 47. 49. 5i, 62, 63, 65.
Celio-Galls, 66.
Centrons, 208.
César, 55, 61, 67, 72, 207-215.
Cévennes, 5i, 54.
Chabestan, i58.
Chailan, Marcellin-Manin, 33, 73,
217-253.
CuAiLLAK, Marias, 33, 77-79, 169,
187, 202.
Chapellerie, à Aix, 112, 853-875.
Chaperon, Jules, 33.
ChablesRoux, Jules, 6, 9, 19, 25,27,
4i, 117, 121, i3o-i46.
Ch«rvf, Ldon, 8, 33.
Châteaurenard, la grande peur à
-. 83, 435-449-
Chemin de fer. Compagnies de, 8,
23,24.
Chevalier, Joseph-Alexandre-Tous-
saint, 33, 93-4.
Chio, vice-consul de, 79.
Chorges, 209.
Circulaires, 18-26.
Clauzel, p., 29.
Clerc. Michel, 33, 57-59, 71-74. laS,
126, 157.
Clément VII, pape, 25o.
Club de Carcès, 83, 429-434 ; — de
Toulon, 84, 85.
Cogolin, 70.
Colle-Basse, Dolmen de, 61, 159, 160.
Collection, Cavallier et Jusbert, 167.
Colonies préphocéennes, 71, 72.
Comanus, 49-
Comité d'initiative, 6, 18, 19 ; —
d'organisation, .6, 7, 19, 20-23, 28-
3o, 56 ; — d'histoire économique
de. la Révolution, 643.
Commani, 67, 70.
Complots de Marseille et de Tou-
lon, 88.
957-
Compte-rendu financier, 147, i48.
Concentration industrielle dans la
région d'Aix, 845-901.
Congrès provençal, 5,6, 10, 18, 117-
129.
Conseil général des Bouches-du'
Rhône, 7, 147.
Conseiller à la Cour, 35.
CoNSTANS, Léopold-Eugène, 34, 79-
81.
Constitution de l'an 111,83, 397-411.
Consulat do Jérusalem, 78, 79.
Convulsionnaires de Pignans, 76-7.
Coopération et Sociétés coopérati-
ves de Marseille, ii3, 950-952.
Cordonnerie de Pertuis, 112, 876-
893; — crise de la— à Marseille,
ii3, 895-901.
Corse, sociétés savantes de la, 3o.
Costume arlésien, 93.
Cotisation, 21, 25.
Cotius, 63.
Cotolendi, Ignace. loo-ioi.
Cotrone. 174-176.
CoTTE, Charles, 34, 58, 60, 66-72, i5i-
i58; — Gaston -vl/^er/, 34, 68; —
Jules, 34, ii3, 903-905.
Coup d'État, 89-90.
Crémieux, Adolphe, 34, m, 819-834.
Crousillat, Antoine-Biaise. 9^.
CuGNY, Léon, 29, 117.
CuRtT, Eugène, 34, 112, 876-893.
Curiosités notariales, 73, 277-286.
Dames, 22.
Dauphin, Honoré, 34, ii4» 907-916;
-" Louis-C., 34, 60, 68,69, 83,429-
434.
Dauphiné, 52.
Davin, Paul-Marie, 34, 100, loi, 104.
Déciates, 62, 207.
Decoppet, Emmanuel, 34.
Décorations, 953.
Déboisement en Provence, ii3.
Délégués, 6, 7, 19, 28-30, 39.
Délires, E, 29.
Delpech, Joseph-.\ntoine-Laurent
34, 107-109.
— 958 —
Deputazione, 3o.
DcLMAS, Jacques, 34*
Denys d'Halicarnasse, 177.
Disinfection, nouveau procédé de,
ii5, 9ï7-92^-
Destandau. Abel, 34, 84, 4di-466.
Digne, 119.
DoLLiEULE, Frédéric, 34-
Dolmen de Colle-Basse, 169, 160.
Don ATI. F., 34.
Donnus^ 63.
Doublet, Georges, 219, 3^, 98, 99.
Drageo.m, 39.
Draguignan, 119.
Droit, science du —, 107, 767-792; —
personnel de la Faculté de —,
107-109.
Ducange, 173, a83.
DupRAT, M.,34, 83, 435-4^9.
Durand de.Maillane, 8a, 389-396.
Ecole, des arts et métiers d'Aix.
685 ; — libre des sciences politi-
ques,37 > —<*« médecine et de phar-
macie, 3i, 34*36, 527, 903-905 ; —
maîtres d'— , 747-7^«
*^gyp^e, 65 ; — silex de V —, 106-
157.
Electrum ou ambre jaune, 63.
Emigrants, Ii4-ii5*
Enseignement, à Arles, 1 10; — à Bar-
celoneite, 106 ; — dans la région
de Toulon, 106 ; — à Trets, iio;
— à la Verdière, 100, 793-817.
Entremont, 52.
Eponges, pêche des -,ii3, 903-905.
Escolo, de Lar, 3o, 3i, 36, 39 ; —
de Lérins, 3o, 3a ; — de la Mar,
29, 3i, 38, 663; — Mistralenco,
30-32,34, 601 ; — de la Targo, 3o.
Espagne, 63,65, 66.
Espagnols, prise de Lérins par les
— 77.
Esierel, 118.
Etat-Major, carte de T— ,65.
Etats-généraux de Provence, 392-
393.
Etrusques, 63.
Etymologie, de Mar Sarnèio, 100,
669-672 ; — de roca, loi, 673-693.
Exposition coloniale de Marseille,
5, 18, 21 ; — Administration de
r— 18;— carte d'entrée à T— .aa-
26.
Eze, 71.
Faculté de droit. 28, 33, 34, 38 ; —
des lettres, 34, 35, 819; — des
sciences, 9, 22, a5, 37, 39, 917-
Fassin, Emile, 35, 84, 467-498.
Favaric, 202-204.
Falgairolle, Prosper, 35.
Financier {compte-rendu), i47'^*
FoMCiN, 7, 27.
Fontaine-rEvêque. 88, 54;-â6o.
Forcalquier, 89, 119.
Fbrtis, Jean-François de, 101.
Fos, 61, 62, 170- 185.
FouRNiER, Joseph, 19, 22, 20-29, 35,
41. 47. 77, 81, 82, 89, 97, 104. i<^»
ii5, 117 ; — Paul, 107.
Francs, 48.
Fraxinet, 71.
Fréjus, 70, 209, 212.
Fuveau, seigneur de, io3.
Gaffarel, Paul, 35,88.
Galls, 65, 66.
Gantllmi d'Ille, 29, 35, 2o4-
Gap, Lucien, 35, 75, 81, 3i3-359.
Gap, ville, ii4t ii5.
Gapeau, 70,
Garcin, 70, 162.
Gard, 68.
Gardanne, 700.
Garde nationale, de Châteaarcnard,
435.449 ; — de Manosquc. 4'^
4a8.
Garonne, 5i, 55.
Gassin, monnaies trouvées à— ,?>*
Gaule, 53, 65.
Gaulois, 52, 53.
Gazan, 187, 198.
Gelu, Victor, 93.
Gènes, 62, 66.
GÊRiN-RiCARD, comte Henri i>*»^'
35, 58, 66, 70, 71. 107, i87'**'
GsH.MANET, Frédéric, 35.
Gésates, 63, 63.
Ginni, mulcis ligures, 63.
Glano,64.
GoBY, Paul, 35, 61, i5i. i59-i65.
Graiocèles, îM)8.
Granet, 39.
Grande peur, à Châteaurenard. ii5,
435-449 ; — à Manosquc, 413-428.
Grasse, 61.
Graveson, 207.
Gravures, 60, 206, 219,225, 229, 235,
247, 255, 261, 275, 290-294.
Grecs, 5i, 53, 176.
Grimaldi, cardinal. 73,255-275.
GuÊBHARD, Adrien, 35.
GuENDE, Charles, 35.
Gué» IN, 29.
Gvks, Antoine, 35, 94.
Guillaume de Cabestaing. 94.
GuiLMBERT, baron Hippolyte, 29, 35,
70, 84, 86, 87, 89. 99, 101,629-634.
Hecrel, 118, l32.
Hellènes, 48.
FloucHART. M'" Eugénie, 35, 73, 255-
275, 953 ; — Victor-Aurélien, 35,
114.
Huveaunc, 5o.
Huiles de Tunisie et de Provence,
III, 835-84© ; — - huile d'olive en
Provence, 112.
Hyères. 70, 77.
Ibères, 65, 66 ; - Ibéro-Ligures, 68.
IiiBERT,D' Léon, 36.
Industries, 845-901 ; — Voir chapel-
lerie et cordonnerie.
Ingauni,62.
Institutions communales. .354-356,
364-377,379-387,397-411.
Insubres, 63.
Intcmelii, 62.
Intervention royale dans uncafTairc
de famille, 88, 553-56o.
Jansénisme en Provence, 76.
Jarrie, g. de, 36.
Jaubert, Dominique,36, 94 ; — col-
lection, 167, 168.
959 -
Jérusalem, relations avec Marseille.
78, 79-
JOLEtUD, 29.
Joseph, le père, 79.
JuMEN, Fortuné-Toussaint, 36, 99,
635-642.
JuLLiAN, Camille, 25, 36, 4?-^^» i^^»
191
ICymris, 65.
Labande, L.-H., 7, 25, 27,29, 35, 4»,
44-47, 117, 118.
La Bâtie-Neuve, 114, ii5.
Labicnus, 208.
Labroue, Henri, 36, 84. 85.
Lacaze-Duthiers, 29, 36, 100, 109,
ÏIO.
La Ciotat, 67.
Lacoste, Charles-Ernest, 29, 36,
III, 835-840.
La Celle, 190.
La Crau, 62, 177; — d'Aubagne, 5o.
Lh Gayole, 202-204.
Lagncau, D', 66.
Lamanon, 52.
Languedoc, 5i, 55.
La Penne, 71.
Latunf. Charles. 36,88, 89.553-56i,
953.
Laval, D' Victorin, 36,8o.83, 88.
La Verdière, 110,793-817.
Le Blant, 187, 2o3.
Le Luc, 212.
LÊOTAKD, Jacques. 29, 36.
Lèques, bataille des, 67.
Lérins, îles de, 77, 297-311.
LiEUTAUD, Auguste, 36.
Ligures, 47-49, 62-66, 70, 71, 177,
208, 673-693.
Ligurie, Ligustique, 48, 62-64.
Lingurium ou ambre jaune, 63.
Liturgiques, li/rcs, 73, 217-253.
LivoN, D' Ch., 36, 57, io5.
Livres liturgiques, 73, 217-253.
Longchamp, musée, 70, i53.
Lorgucs, 102.
Lozère. 68.
Lubéron, 52, i52.
— <A> -
.:^ PfeuT et
31 «1. 63.
^ 4« Mitit^lére de
C*j4. #7: — Arc de-
r,3fe|C^; - Ctuirobrede
^ — Commerce. 47-
- ^vaipABCS» dit ; — Consulat
^9, j»>i; — coopération,
^•^^^ osTtlo n ne ne » n 3,895-
-. Mm^romgi, 819; » livie
MHB» itt, $19, «33 ; — me-
yiBK^ It M. HM; — mou*
Sli; — pcflue de ijait, Bj,
^; -- njtfîoiis âvtfc Jéfusa
^; — taxe da pAln. m.
un* 307-^109*
. 36; — David, l5t$,
AtfMK, Pittt. »• ^^ 39* ^7* 7^^.
MiiÉifin GoilUumc de. 99. 663-068.
Itons. oiOQiAgiïc des* 5ap 70» 71,
Hmmis. Mtdid, «rchevéque d'Ail,
tnf4na>*« 4« hitJU de SuHrcn, 6,
jH^Oiiefratiéc. i3, 63, 100.
Mep, Georges^ 3;, ua, ft53-«»7S.
Messine, consuUt de, 7^
MtYfc», Paul. So.
MhtiEL, Joseph, 29. 37.
MiLtr, MariC'Jérômc, 37.
Ministre de l'Instruction publique.
7, a5, 27, ^3,
Mirabeau, 3^4-
MrRErv-SA!«s, Joaquin, ag, 37.
MiUfeUR. a8i.
M (SI n Ai, Frédéric, 7, 37, ga, uo,
i35-j39» 149-146.
Monaco, Congres de« 71, 176; —
musée, 4^ ; — pnocc de, ?oir
Albcri V\
Monnaies, 65, 70; — massai lotes
61. 1289, i«f»-i7o; — romajnc3,
lit, 164-5, 177, i85.
MoNwt, Jean, 37,
Moot-Cenis, 208.
Montesquieu, 395-6.
Moûigardin, u5.
MonLmajor. OH-if.
MoNiKicMta, uh, 37, m, a4t*l4^|.
Mora, Jean de, *taa-ti33.
MonàL, adroimsiraieur d« TÊxpo^
sition* 4t<
MwatL-Hiivoii., ag.
MoRTiLLtr. 157,
Mosaïques» 65»
Moulin. Paul, 37, ^7, 91, 96, 9^^, 100,
64^-663.
Mounar, Ferdinand, 37, 70, 51,
MUULLK, i58.
Musée, Borély, ao3; — Loo^himp,
TU, 103; — Arlaten, «83.
Nann, Î9.
Nfln5, Archives de, 84.
Narbonne, 54, 55.
Nasidiu», 67.
Nice, 71, % 90, 95» 96; — . Afv*Mi«
de Thoipice civij, 73-3.
Nkollkt, H.-N.p â-io, a^, ati^ 37,
61-63, 74, »a. «3. 94, 99, 109. tio.
1 17. 126. 673-693 ; - X.M., 37, u4»
Ntmcs, 90.
— 9^1 —
Noël, fétcs de, 93-4.
Œgitna, 207.
Olive, huile d', iii-iia.
Oppède, 80, 313-359.
Oppidum, 68.
Orange, 98.
Orgon, 5a, 200.
Osmond, Jean, libraire, 344-5.
Oxybiens, fia, 7a, ao7-ai5.
Pain, taxe du, m, 819-834.
Paris, voyage de Toulon à P., 110.
Pary, Léon, 29, 37, ii3.
Paul III, pape, 7a.
Pélissanne, 64-5.
PcLLissiEB, Henri, 37, 112.
Pennard, Olivier de, archevêque
d'Aix, 257.
Perdrix, Louis-Léon, 37, ii3, ii5,
Périodicité du Congrès, 5, 19, 25,
118-129.
Penuis, 52, i52; — Cordonnerie,
112, 876-893.
Peste, 87, 89, 527-546, 061-582.
Peyresc, correspondance de, 79.
Peyssonnel, famille, xoi-104.
Phéniciens, 71, 176.
Phocéens, 47, 49, 5i, 67, 70.
Photographie documentaire, ii3.
Pigoans, 76-77.
Pillard (d'Arkaï), 37, 64, 65, 71, 72.
Pisavis. 64, 65.
Pô, habitants de la vallée du P.
62-65.
Poupfc, Edmond, 29, 37,75,82, 379-387.
Pranishnikoff, Ivan, 38.
Préphocéen, voir Colonies.
Présidents, du Congres, 2a, 25 ; —
d'honneur, 8, 27; — des sections,
8, 58-1x5 ; ■— des sociétés savantes
de Provence, 18.
Professeur, au collège de France,
36 ; — à l'Ecole de médecine, 34-
36; — à la Faculté du droit, 38;
— à la Faculté des lettres, 37 ;
— à la Faculté des sciences, 37-
39 ; — aux lycées, 33-34.
Programme du Congrès, 6, 8, 11-17,
19» 24.
Provence, autelscippes, 70, 187-206;
— avant l'histoire, 60, i5i-x58;
— déboisement, ii3-ii4; — droit,
107» 7^-792 ; — émine de, 83o ;
— éponges, ix3, 903-900; — pre-
miers habitants, 65, 66;— huiles,
III, 835-84© ; — Ligures, 48; —
Noël, 93, 94; — olivier, 112; —
syndicats agricoles, m, 841-844;
— talismans, 93, 583-599; — ver-
rerie, 96, 609-628 ; - vie intellec-
tuelle, 1 17-129.
Puits-du-Plan, 61, 162-164.
Puy-Ricard, 73, 255-275.
Quariates, 207.
Raimbault, Maurice, 29, 38, 57, 91-
94. 99, 663-668.
Raison, temple de la, 88.
Rampal, Auguste, 38, 79, 101-104.
Rance-Bourrey, Antoine-Joseph, 38,
95. 96.
Rancher, François, 95 ; — Joseph-
Rosaiinde, 95-96.
Reboisement, ii3, 114.
RfcBOULET, capitaine, 38, 104.
Redortières, 64, 65.
Recteur de l'Académie, voir Belin.
RiQUiN, abbé, 38, 73, i37, 277-286.
Révolution française, 82-86, 389-
525, 643-662.
Reynaud, Félix, 38.
Reynier, Alfred, 38, 115,925-934.
Rians, 82, io3, 379-387.
Richelme, ténor, io4) 695-745.
Rigabe, 68, i53.
Riou, i56,
Rhône, 5i, 52, 62, 118.
RiFERT DE MoNTCLAR, marquis Fran-
çois le, 38.
Rivière, Jules, 38.
Roca, rocha, roche, étymologie et
origine, lox, 673-693.
Rognes, 188, 189, 202-204*
Romains, 47? 54, 55, 63,64, 70, i63.
Roman, Joseph, 38, 74, 287-295.
— 9^2 —
Roquebrussanne, x53.
Roqaeroasse, 68, 69.
Rossi, Girolamo, 38.
Rousset, 189, 190.
Roussillon, Marguerite de, 94*
Roux-Alpbéran, loi.
Sabata, 62.
Saïda. 78-9.
Saint-Abpoman, Raoal df, 7, 37.
Saint-Cézaire(AlpesMaritinies),6i,
159-160.
Saint-Honorat, îles de^ 198, 199, ao4.
Saint-Jean (fort), 76.
Saint-Jean de Bernasse, 64.
Saint-Jean de Garguier. 5o.
Saint-Jeannet, 81, 95, 361-377.
Saint-Martin de la Brasque, 157.
Saint-Maximin, 70,99,663-668.
Saini-Nicolas (fort), 76.
Saint-Sauveur de Manosque, 87, 88.
Saint-Remy, 44, 97, i43.
Saint-Zacbarie, 191, soa, 204.
Sainte-Croix, de Salon, 65.
Salie, Bernard de la, 3^7-346.
Salmon, 68.
Salon, 64, i90-i94« 904.
Salonet, 191.
Saiyens, 5i-54, 6a.
Sarcophage, 160-164.
Sarrasins, 71.
Sault, 59.
Sauve, Fernand, 38, 105,116,935-949.
Savoic-Tende (famille), 74, 287-295.
Sceaux, 74, 287-295.
ScHATz, Albert, 38, 112, 845-862.
Schisme d'Occident, 81, 326-338.
Séance d'ouverture, 8, 24; —de lec-
ture, 22, 66-115; — de clôture, 8,
117-146; — générale, 116.
Secrétaire général du Congrès, 22,
673; —trésorier, 22; —delà So-
ciété d'Études des Hautes-Alpes,
37 ; — de la Société d'Études pro-
vrnçales, 3i, 39; —correspondant
de la Société d'Études provença-
les, 5, 28, 3i, 32.
Sections, 8, 23, 58-ii5.
SftGA II D, Charles-Marie- Joseph, 38.
Segobriges, 49,
Sémaphore de Marseille, 78.
Sénons, 60, 63.
Sépultures préromaines, 67-8.
Servian, 3o, 57, 91, 96.
Séuzc, ^3.
Siagne, 162.
Sigoyer-du-Dou, ii5.
Sisteron, 49*
Six-Fours, 199.
Smyrne, consul à S., 103.
Société populaire deTrets, 499-625.
Sociétés savantes, ayant adhéré au
Congrès, 3o-3i ; — archéologique
de Béziers, 3o ; — archéologique
de Provence, 29, 3i, 34. 609 ; —
archéologique de Montpellier, 99,
3i ; — des architectes, 29, 3o ; —
de i'Algérie, 20 ; — des amis du
Vieil Arles. 29, 3o, 34-36, 38, 217,
457, 4^*907; — des Alpes-Mariti-
mes, 29, 3i, 34, 35, 38, 39 ; — des
Basses- Alpes, 29, 3i, 32, 37, 4i3,
56i ; — de Cannes, 28, 3i, 32, 39;
— de la Corse, 20 ; — de Dragui-
gnan. 29, 3o, 37, 38, 379, 79^ ; —
de l'Espagne, 20 ; — de Géogra-
phie de Marseille, 29, 3i, 32, 35,
36, 38, 397 ; — des gens de lettres,
3i ; — des Hautes-Alpes, 29, 3o,
36, 37-39 ; — d'histoire de la Ré-
volution,28,3i, 32. 389 ; — d'hor-
ticulture, 29, 3i ; — de l'Italie, 90;
— Ligure, 3o; — de Provence,5-7,
18,20,22; —d'Études Provençales,
5, 6, 18, 28-39, 4i3, 4*9. 499. 527,
629, 643, 669, 673, 895. 935 ; -
des sciences économiques, 3i ; —
de Statistique de Marseille, 26-28*
3i, 32, 35, 601; — de Tunisie, 20.
Solymes à Sospel, 71.
Sorgius, 88.
Sospel, 71.
Statistique des Bouches-du-Rhône,
128 ; — du Var, 162.
Statuts de Saint- Victor, 283-4.
— q63 —
StraboB» 6a-€$, 171-17^
Soelteii» ao6^
Soffreo, boiUi de, 99, Caf^S»^
Sfise, 63.
Sjmbrîi, €3w
Syl^vîdaltcors de Provence, 39 ; —
Revoie des S.» ii3.
Syndicat agncoie, de Rastia, '3^ ; —
de ProTeace et des Aipesy i3a,
Talard, ii4, iiS.
Xalismuiiqacs, Objets et rites, 93,
Tarascon, Crypte de T., 900.
Xaïuioi, 63w
XanroentniD, 67.
Tcissftsc, Victor, 3Sj 8»4, iio-iii.
Tenue» s5.
Tericias, 64-
Tliéitre à Aiz, 99, 633-^ ; — à
Mârseiiie, 99, €43, 669.
Théocrite, 171, i^4-
Tombeao, tlb^.
Topographie et toponymie, ii3.
ToaioD. aa, 71 ; — dab de T., 84 ;
— complots de T., 88 ; — maî-
tres d*école, 106,747-7^;— Toyagc
deToaloD à Pans, 110.
Touloabre, 5o.
Toorres, i9B.
Transpadane, C3.
Trébooios, 67.
Trets, 33, 8ô-6« iio, m» 499*ôa5.
Tnmolas, 69»
Taoïsic, ti4^ii5, 157: ^huiles de T.»
III, 835-840 ; —Sociétés de T.» so.
L'oiTcrsité d'Aix MaraeiUi», 3J, 35»
845.
Val-de-Gond. «ô.
Valderoore* 61» i<io^i64.
Vaientiiu, sarcophage des> 61» i6o>
i«4.
ValAbiasi, Isidore, 3^, 64* 65.
Valsas, Gaston^ 39» ^7, fo»^ tts»
113,895-901.
Vas Cavaliis, hbraire. 9/^3^
Vasaeui. 39, 170^
Vatssièiie, 39.
Verrerie, 96.
VABBtaa, D' Eagene, 39, 6S>, 89» 90 ;
— PaaI. 39.
Vermca, Temicos, 101.
VkSisKK, Hcnh 01, 39.
Vidal. 39, io4, 696-749.
Vienne, 55.
Vieos, poodingaes de, i5i .
Ville-d'Aykay, l'-colonel ds, 39, 7s,
ao7-ai9.
Viilefranche, 73.
VmcAHs, Charles, 99, i8, 3o, 39, loo»
ii3, 95o>^.
Vintimille, 69 ; — de V., archeTé<
ques d'Aix, 973-4.
Voconces, 908.
Volqaes. 5i, 54.
Voie romaine, 161.
TABLE DES GRAVURES
I. — r>axi8 le texte.
Anneau trouvé à Carccs. 60.
Autels cippes chrétiens, 206.
Iles de Lérins, 3o3.
Marque de Gilbert de Villiers, 229.
Page du bréviaire de lôoi, 219.
Page du Missel de i53o. 235.
Ruines de Grimaldi, 255, 275.
Sceau d'Anne, comtesse de Tende, 290.
Sceau de Claude de Tende, 291, 293.
Sceau du Gouverneur de Provence, 292.
Sceau de René, bâtard de Savoie, 288, 289.
Sceau sans légende, 294.
Statue attribuée à Bernin, 267.
Titre du bréviaire de i549. ^4?-
Titre de l'office de la Sainte Vierge de i52i, 225.
Tour de Puy-Ricard, 261.
XX. — Hors texte.
Dolmen de Collebasse ou du Bois d'Amon h Saint-Cézaire (Alp.-Mar), 16a.
Sarcophar;c Romain du Puiis du-Plan à Saint-Cézairc. 160.
Médaille orterte par la C" Hollandaise des Indes-Orientales, 632.
Médaille dédiée par Ksprit-Antoine Gibelin. 633.
TABLE DES MATIÈRES
Introduction 5
Documents officiels 1 1
Programme du Congrès, 11-17; — Circulaire du Comité d'initiative
aux Sociétés savantes, 18-19 > ~~ Circulaire aux membres des So-
ciétés, 20-23; — Circulaire avec programme du Congrès, 24 26 ;
— Délégués officiels, Présidents d'honneur, Bureau, Comité
d'organisation. Sociétés ayant adhéré au Congrès. Membres des
Sociétés ayant donné leur adhésion personnelle, 27-39.
Procès-verbaux dés séances 41
Séance d'ouverture, 41-56;— Allocution de M. Belin, 41 44;—
Allocution de M. Labande, 44-47; — Etude de xM. Jullian, 47-36.
Séances de lecture des mémoires, 5 j-tib ; —Archéologie, 58-74 ' —
Histoire, 75-90; — Langue et littérature provençale: Folklore;
Familles; Beaux-arts, g 1-104;— Sciences économiques et sociales;
Sciences physiques et naturelles: Géographie, io5-i i5 et 950 952.
Séance générale, 116.
, Séance de clôture, 117- 146; — Discours de M. Arnaud d'Agnel,
118-129; — Discours de M. J. Charles-Roux, iSo-i^ô.
Compte-rendu financier 147
Mémoires 149
La Provence avant l'histoire, Ch. Cotti i5i-i58
Photographies inédites du dolmen de Colle-Basse, à Saint-
Cézaire ; Documents photographiques concernant le
. sarcophage des Valentins de Valderoure ; Tombeau
de Puits-duPlan à St-Cézaire ; Monnaies romaines
trouvées à St-Cézaire (Al p.-Mar.): Monnaies massalio-
tes provenant de l'arrondissementde Grasse, Paul Goby. 159-170
Note sur SlTOULaXîavYj et Appendice, G. de Manteyer. 171 -i85
Autels-cippes chrétiens de Provence, C" de Gérin-Ricard. 187-206
Passages de César et d'Antoine chez les Oxybiens,
de Ville d'Avray 207-215
Les livres liturgiques d'Arles au xvit siècle, abbé Chailan. 2 17-253
Le vieux château de Grimaldi à Puy-Kicard, M"' E.
HoccHART 255-275
- 966 —
Curiosités notariales, abbé Requin , . 277-230
Lessceaux^ de ia familk' de Savoie-Tende^ J. Roman . . 3^-20
Prise des îles de Lérins par les Espagnols, M. Bcrtrand. 2g7-3it
Oppède au moyeivâge et ses institutions, L. Gap* . . ^iS-ISg
L'administration d'une commune de Provence sous
l'ancien régime : Saint- Jeannet (Alpes -Maritimes),
J.-E. Malaussème - . 36i'377
L*adrainislraiion sous l'ancien régime à Rians iVar),
Ed* Poup/: 3?9-3ë7
Un ouvrage de Durand de Maillane, G. Aiwâuo. • . JBç-BgG
Lamunicipatité cantonale de Cassis sous la constituiton
de l'an Ht. M. Baihé. . ........ 3^-4rJ
Lfi grande peur et Torganisation de la Garde nationale à
Manosque en 1789, p,-H. BiGor. ...... 413-4*8
Le club révolutionnaire de Carcès (Var), L. C. DArfMit*. 419-434
La grande peur et la création de la Garde nationale à
Châteaurenard'dc-Provencejîo juillet (789)» E, DuraAT. 435-449
Une page d'histoire des Baux en 1790. DtsTANDAU. . . 4S1-466
Quelques pages de l'histoire de la marine arlésienne :
Les marins d'Arles pendant la tourmente révolution-
naire, E, Fassim. 467-49$
La Société populaire de Trets (Bouches-du^RhÔoe),
V. TKiss^fts 499-Sa5
Le blocus de Marseille pendant la peste de 1712, D' Alc-
ZAIS. .....,,. 517-546
Notes historiques sur Fontaine-l'Evéque ou Sorps, de
Bi»i8c ♦,.,.... 5^7 552
Une intervention royale dans une affaire de Umille sous
le règne de Louis XV, Ch. Latoni. 55t.56o
La peste à Allauch en 1720, J. MAURit . . . fiôi-S82
Objets et rites talismaniques en Provence d'après ici coi
leciions du Museon Arlaien, L. AuiiraT et J Boct-
liILtY '-^'^.■l'buv
Le costume d'Arles, J. BouaatLL^ t.:.i r*>.
Notes sur la verrerie en Provence, A*NAti> j/Aûnul, . <<^4}%
Note sur les obiets d'cirt de l'ancien diocèse de Vence,
G, DOLfULET. ..,*......,•,- 633-028
Les médailles frappées en l'honneur du biiUi de Sof-
fren, baron GtitLibcuT. ....«**.*• 629^34
Le théâtre it Aii depuis son origine iusqii*à la Révolu-
lion» F. JULIEK , . 635^2
Le théâtre à Marseille pendant laRévotution« P. MouLtn. h^t^^
Un rétable disparu de l'église de St-Maiimtn, M. Ram-
»*tJLT. , , , , f'^l-KKj
f^ymologic provençale, Mar Sarneîo» Ed. Auds, '7*
Etymologie et origine de roca, rocha, roche, F *N. NicoLkiT o;i ô^l
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Le ténor Richelme d'Aix, F. Vidal. . . . . . . 695-745
La condition des maîtres d*école dans la région de Tou-
lon sons l'ancien régime, L. Bourrilly 747-765
Les débuts de la science da droit en Provence : lohan-
nes Blancus Massiliensis^ R. Caillbher 767-792
L'Enseignement primaire en Provence avant 1789 : Une
école de village, La VerdièrejVar), G. Reynauo ds Ly-
QU£S 793-817
La taxe du pain à Marseille à la fin du xiii* siècle,
Ad. Créhilux 819-834
Huiles de Tunisie et huiles de Provence^ E. Lacoste. . 835-840
Union des syndicats agricoles des Alpes et de Provence,
et son œuvre, H. de Montricher 841-844
Etudes monographiques sur la concentration industrielle
dans la région d*Aix : Introduction, A. Schatz. . . 845-852
L'industrie de la chapellerie à Aix, G. Mer 853-875
L'industrie de la cordonnerie à Pertuis, E. Curet. . . 876893
La crise de la cordonnerie à Marseille vers 1789, G. Valran. 895-901
La pèche des éponges en Provence. J. Cotte. . . . 903*905
Simples notes sur un vieux plan de la ville d'Arles daunt
de 1747, H. Dauphin 907-916
Nouveau procédé de désinfection rapide et à sec des ob-
jets solides, L. Perdrix 917-934
La botanique à Aix-en-Provence depuis la seconde moi-
tié du xvr siècle, A. Rbynibr 925-934
Une vieille cité provençale : Les rues et les quartiers
d'Apt ; Essai de restitution topographique et topony-
mique, F. Sauve 9^5 949
Distinctions HONORIFIQUES gSS
Table alphabétique des noms de personnes, de lieux et
des matières gSS
Table des gravures 964
Table générale des matières gôS