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Ma
BIBLIOTHfCA
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Y'
l 4']'-' :
CONSIDERATIONS
LES DROITS
PARLESQVELS
LA NATVRE A REI-
G L E' LES
MARIAGES
Vil M or SE AMTB,AtrT.
A S A y M F K,
Chés ISAAC DESBORDES,
Imprimeur & Libraire.
^M. DC. XLVIIL
UICI lOTWCrA
U-cf\^
A MONSEIGNEVR '
LE G O V X;
SEIGNEVR DE
LA BERCHERE,&c.
Premier Presidentav-
Parlement de Grenoble.
ONSEIGNEFR,
%>4yantily d dcf-ja long-temps,
cvn grand dejir de donner quelque têmn-
gnage au public ^ tant de ï'eflime extra-
ordinaire que te fais de^ojlre excellente
yertu^cpie durejjentiment queidjdc
a2.
E P I s T R E
thomeurde voflrc bonne "volonté enutù
ptoy^ilafallHouei'ydyc apporté plus
de ctrconJpeÛïon au "vn autre n^eufiefié
oblige défaire. Si d'n^n ccflêy M o N-
s E I G N.E V R , ie "VOUS eujfe offert
"vn hure plein de ces controuerjes qui
nousfeparent en la Religion j autant que
çeufl eflê ojn prejent dign e de ma condi-
tion y autant peut eflre l'cufl on iugemal
conucnahle a laprofejjion que /vous fai^
tes. Si de lautre i eujfe choifi quelque
matière de cette Jurijprudence^ qui con-
fifle en ladecifion des Loixy ou dans It
droiéi eflahlipar les Couftumes ^ par
les Ordonnances jcomme on ny euflrien
trouuê a redire eu égard a la qualité que
"VOUS portés Je ne doute aujf nullement
que la plus-part ne l'eujfentpas eflimee
également feante a la mienne. Enfin^
MONSEI G l^E'VKyfitcuJfe taf
ché de traitter quelque fuj et tiré de U
Philo fophie ou des mies lettres j parce
Dedicatoîre.
^ue ce font chofesqui ne je font f oint de ^
cUrêes pour l'vne ny pour l'autre desR^e*
tiglons y ^ aue d ailleurs elles font indtf^
ferentmentbien 'venues dans nos eflu^
des j (^ dans 'vos Palais ^ leujfcàla
lierité moins eu de peine à excufer le
deffein de le vous dédier. Mais ie ncfçay
fi ceufl ejlévne chofè agréable a lagra-
deur de ^ojlre génie ^ que ïay connu
fort êlcué au dejfus de ces ouurages qui
n'ont pour matière que des mots ^ ou af
fc^fortable à monaagef0 a mon in^
clination , qui déformais nes'ajufleplus
âuec les fubtilités ç^ les gentille jf es de
L'Efcole. Ce hure que i'ofè'vouspre^
yewffr, MoNSElGNEVR > éuitera
tous ces inconueniens. Car tant s' en faut
me ie m*y fois propofê d'y faire des re^
marque s y ou d'y donner des reigles fur ce
mi eflde l' élégance du langage^ en quel-
que idiome que ce fit ^ que ie n'y ay eu
mtrefoinfinonde me faire entendre en
a 5
Epistre
mu langue naturellcyjkns aflreindremon
fiile aux loix de t éloquence de ce temfs.
Sts'ily a quelque choje delà Philofo^
fhie mejlê Je ne crois pas qtiily ait fer-
fonne qui s'y entende ^ qui nappercoiue
aifcment que t'y ay fui tant que tay
peu cette j-a,çonJcoldJ}ique, qui fubtilife
trop les chojeSjOuqui berijje d' épines les
objets de la raijon, ^t^fantaufujet du
liure en gênerai , i'aduoue qu'il eji en
partie de Théologie , en partie de lurif-
prudencCj dont il pourrait fembler que
l njne excède beaucoup ma portée ^ f0
que l'autre effort différente des occupa-
tions ordinaires d'^un perfoîinage qui
tient de père en fils la première place dans
■vn Parlement. Adais ny en l'vne ny en
l'autre ie ne puije rien d ailleurs que des
Jvurccsde la nature mui efl commune a
tout le monde ^(^ qui n c fert pas moins
de haie aux reuelatwns des ^pojires,
çpuaux rcfponjcs des Sages :, c3r aux''
O * I C A t O r k eJ
Ediflsdes Prêteurs, Et comme poHvf étire
le lurïjconjulte , ainfiquc ic l'ayfait en
ce liure, il nef (tut me confiderervn peu
Joigneujcment les chofes y^vjcr rai-
fonnablement de (on e jf rit :, four iuger
des matières de Théologie aue ïy traittc^
il ne faut au y porter attentiuementja
fenjec , (^ y employer fon bon Cens*
èh^nt à 'VOUS ,MONSEIGNEVR,'
tout le monde fcMt que fi vous prcnés la
peine de lire ce petit ouurage ^ponr en
examiner les fentimens ^ njousy appor-
ter es vnc intelligence fiib lime f0 ÇotiHC-
rainement èpuree ^ oui donne toufiours
des y^rrefls^à quelque choje que vous U
vieillies appliquer. Pour moy. , fi celuy
que -vous en prononcerês y m'cjlfauom-
ble 3 ie ne crains pas le iugement que les
autres feront de la. mienne ^^ con-
•fentiray volontiers quelle demeure fatifi
faite de fc s propres produÛions, Cenefl
f^ (cuiement fiir les fleurs de lis que
A a.
ï P I s T R Ç
'VOUS rendes des deci/ions Jî equitMes]
au elles ne peuuentr eflre contredites par
ceux me [mes me 'vous condamnes. Par
tout ailleurs il paroijl tant de lumière ^
de iuflice en njos opinions j, que ce que
VOUS' aués eflime digne de njojlre appro^
hation , doit auoir celle de tous les hom-
mes. Adais quelque dejlin qu'ait mon
trauail ^ tefpere ,MoNsEIGNEVR,
que vous me feres la faueur d'y conjt-
aérer laffcBion ^ la reucrencc auec
laquelle ic. le "vous offre, VajfeÛion a.
pour motif la fouuenance des obligations
queie "VOUS ay. La reucrence^naijf a la
"Vérité de la conjidcration de vofire di-
gnité y que nous deuons refpeclercom''
me "vn caraÛere uiuant de lapuijjancc
Royale. Mais ie confejje , M o N s B l-
GK EVR , quelle ne tire pas moins fon
origine de la connoijjance que lay de
voflrc 'Vertu j, qui nia toufiours en cela
paru au dejfus de njofire dignité y quelk
Dedicatoire^
éi eclané extraordinaircment d.tns l'ob-
fcm-ctjfement de l'autre. Il cflfcm eftre
plus heureux de ne foujfrir iamais d'e-
clipfc en la fplendcur de ja condition;
mais il ejl indubitablement plus glorieux
d'y en auoir foujfert quelque tempSy
quand parla grandeur de (on courage
on s ejl maintenu au deffus du choq de ce
quon nomme la fortune. Et îay touf-
jours creu que les accidens de la nature
de ceux qui vous font arriués jjont com-
me des ombres , qui releuentle lujlre des
vertus dont l'Hifloire des grands hom •
mes ejï colorée. Si nous auions accouflu-
Wf j MoNSEIGNEVRj de publier
quijoyit eeux a qui nous voulons offrir
nos labeurs ^ auant quon y voyc leurs
noi?is imprimes /le 'ne parlerais pas icy
de mon chef feulement y toute la ville de
Saumur aurait vne grande part en cet-
te lettre. Car comme vous y aues laijje
vne infinité de traces de vojlre bontés
Epistre
on y confèmc aujjînjn meruc>licupmenp
doux jouucnir de t honneur de "Vbtjlre
cvnncijjancc. Et bien que le rétoihLjTe-
mcni qui uotis a rendu la place que njous
occupés Jï digncmety ait mis prejque tou-
te la France entre njous CjT* nous :,jt ejt~
ce que des honncjles gens quijonticy^
^ que vous fçaués eftre en bon nombre^
îl n'y en a aucun qutncvous aitprefent ,
en Jon cœur ^ & qui ne ramené conti-
nuellemc/itla douceur de vojlre conuer-
fation en (a mémoire. En cff^cél ^ on m
fçauroit ajjés admirer auec quel tempé-
rament "VOUS y méfiés la courteïfie (^
la grauité ^ dent hvne retient dans le
relpePc qui efl dcu a njos eminentes qua-
lirés y l'autre laignc p puiffamment les
'affeéîions ^ qu'on s en troHue inconti-
nent lié :, comme d'-vnc cfpece de char-
me. Pourmoy, M O N s E I G N E V R, ic
conte foumnt entre les princïpiau^ bon-
' heurs de md vie ^ la grâce que vous m'a.-
Ded I cÂtÔir e;
fies faite de me receuoir a "vojlre- com-
munication _, OH ïay ojcu les lumières
naturelles de te [prit j les ornemens ac-
quis dujcauoir y les vertus intcllcfrueU
les j les belles malités morales j larare
jiijjifance en toutes cbojcs j aucc vne elo-
cjucfice graue f0 dizncde'vojlrerangy
difputcr le prix de t excellence , (^don-
ner enraiement njne finzulicrc admira-
tion. 'Aiais ie crains au cjj aj/ant de
'Z'ous rendre vne Partie de la loïianie
cjae ton doit a 'vos njertus ^ ie n'en of-
fenfe njne mi leur donne a toutes vn
mcrueiReux emhelhffcment. C'ejl celle,
M O N s E I G N E V R , ^/« «(? ffjtiffrant
pas volontiers mon s'eflende bien an
long jiir la recommandation des au -
très 3 êuite tant au elle peut mon faffe
mention d'elle , cy qu'on la nomme par
fin nom. D-e forte qu'au lieu que dans
lesintcrcflsd'autruy ^ çy par tout ou il
faut rendre a chacun ce quib-ty appdr-
Ep I s T R ,E
tient ^njous monftrês "vn fi h ei exemple
d'vnemflice inuariMe^ quand il s'agit
de njom me fine j ^dela gloire de voflre
nom j cette vertu qui nousimpofefilcn-
ce y engage noftre oheïfiance dans vnç
ejf>ece d'iniquité. Ad ais puis qu elle njouê
efl agréable ^ il faut quelle Jeit ouloUa-
ble 3 ou innocente y ç^ ainfi jfians en
craindre blafme de ferfonne , ie la com-
mettray en me taifant, le nadjoufieray
donc rien a cette lettre y finon que iefuis
nseritablementj^
monseignevr;
Voftrc trcs-humbk àc trcs*^
abcïflant feruiteur^
AMYRAVX
De Saiïftim" «îc ij. Aouft^
TABLE DES C O N^
SIDERA TlON s.
CONSIDERATION L
^ue c'ejl que Droit de nature, Pag, i.
CONSIDERATION II.
Si le mariage ejl du droit de nature,
Pag. 73,
CONSIDERATION III.
Sï le mariage dt'vnauec njne „ efidu
droit de nature. P^g» ^59'
CONSIDERATION IV.
Si four rendre le mariage légitime^ le
droit de nature veut que l'objet [oit
choifthorsde U confanguinité O" i$
TABLE.
lU^nïié. Pag. 107^
CONSÎDERATION V.
lufques ou la nature a eJlcnduU con-
fanguinïté ^ l'a^nitépour empcf-
cher les mariages, Pag.zSy.
CONSIDERATION VI.
Sùly a des degrés de confanguinitê &
d'afjinite dont on fuiffe dijpenjèrj
C^ a qui la dijpcnjation en ap-^
partient, Pag. 3^7.
Fin de la Table.
ADVERTISSEMENT.
QVifera tant foit peu ds réflexion Tur la
corruption du ficelé , ne trouuera nulle-
ment étrange que Ton écriue des liures de la
nature de cèluy-cy. La débauche ne s'eft pas
arrcftéedansla Conuoicife, & ne s'eft pas con-
tentéed'infcder les meurs i elle a faifi iufqucs
àTincelligence des hommes , Se peruerti les
plus intimes Se les plus fpirituels de leurs fen-
timcns. De forte qu'au lieu qu'autrefois après
auoir commis le péché en cachette, au moins
on le condamnoit en public , aujourd'huyle
vice monte deifus le théâtre, &ofe s'égaler ou
fe préférer à la vertu. Car en difant que toutes
chofes font indifférentes de leur nature , Se que
iadiftindlionqu onymet, n'eft qu'vne niaife
couftume des peuples, ou vne fine inuentioii
des Legifiateurs , il ne laiilc à la vertu aucun
véritable auantage en fa beauté naturell e , pen-
dant que quât à lui il fe prenant de ceiuy qu'il a
dans le déreiglement de no&*S||>petits. C'eft
pourquoy il eft necelfaire d'examiner bien par-
Jticulieremét de qu'elles différences le droit na-
turel des chofes les a feparées,&: pour rendre
l^YÏedes henvnçs djlfemblabls de celle des^be».
ftes , tafchei- de leur faire comprendre qu autf 0
eft l'inclination de la fenfualicé , & autre le iu-,
gement de laRaifon.Ie voudrois que les beauît
efprits dont nous voyons tant de productions
beaucoup moins vtiles en ce temps , y em-
ployalîent leurs bonnes heures , & qu'ils ne
iaillaflent pas ces matières à ceux qui ont leurs
demeures attachées dans les Prouinces,ou s'ils
ont quelques bonnes penfées , ils ont de la pei-
ne à les énoncer. Puis qu'ils ne le font pas , ils
doiuent prendre nos efforts en bonne part, ôc
cKcuIer il noftrc langage n'eft pas dans la iuftef'
fe de leur éloquence. le fupplie le Ledteur,
de fupporter 1 e mien , & de corriger les princi-
pales fautes de l'Imprimeur, fuiuant l'Errata
qu'il en trouuera à la fin de ce liure. Les autres
fe corrigeront allés d'elles mefmes, s'il y vfc
de fon équité.
POrR .APPROBATION.
CE liure a efté veu &:approuué
par <|faix qui en auoyent le
droit. Les tefmoignages en font Cliq-
ue les mains de l'Auteur.
CONSIDERATIONS
SVR LES DROITS
PAR LESQVELS LA
NàTVRE a REGLE LES
MARIAGES.
CONSIDERATION L
P//e cefl que Droit de Nature,
E que Toil nomme commua
ncment du nom de Droit,
eftlareglcdelaiufticc &dô
l'honncftcté qui eft dans les adions
des hommes. Or n'y a t'il que trois
principes à qui on puifle rapporter
A
% Des Droits des J^driAges
Torigine de rétablifletnent de ce
Droit, & de l'irittitution de ces rè-
gles. Le premier efl:Dieu,qui décla-
re en fa Parole ce qui eft de fa vo-
lonté. Le fécond elirhom me, qui
entreprend de faire les loixqu'ilefti-
me ncceffaires pour le gouucrne-
ment & la conferuatio delafocietc.
Le troifieme finalement eft la natu-
re des cliofes , qui nous fournit d'el-
le-mefme les enfeignemensde lafa-
çpn en laquelle nous deuonsagir ,à
ce que nos a6bions foyent réputées
bonnes & honneftes. Quant à
ce qui eft du Droit duquel Dieu
nous a donné les conftitutions en
fa parole , ceux qui la reconnoiflent
pour eftre d'origine celefte,commc
font tous ceux qui font véritable-
ment Chreftiens , n'ont pas beau-
coup befoin d'autres inftrudions
cncétégard. Pour ce qui eft de ce-
Confderation première, 3
luy que les hommes eftabliflenc
cux-mcfmes pour rentretenement
de leurfocietè , comme chaque ré-
publique en di(po(e par fès loix,
chaque honnefte homme s'y affu-
iettitaufli volontairement , fans fe
beaucoup enquérir de la iuftice de
la chofeen elle mefme. Mais quant
à ce qui eft de celuy de la nature^ily
a des gens qui n'en reconnoiflent
du tout point, ôc qui veulent que
toutes chofes foient indifférentes &
indéterminées d clles-mefmcs , de
forte qu'il n'y ait point de différen-
ce entre le vice &: la vertu , finon
celle que l'imagination des hommes
y a mife. Chofe qui mérite bien
qu'on l'examine diligemment , &
qui peut beaucoup feruir à Tefta-
bliffement & à reclarciffcment de
la religion mefme.
Pour le faire, il me femble qu'il
A t
4 Des Droits des ^J^arlages
cft neceflaire de voirfî rhomme eft
naturellement deftiné à quelque
fin , & fî pour y paruenir la nature
luy a donné les facultés lefquelles
y font necefTaires.Car s'il eft deftiné
àvnefin qui foit certaine & déter-
minée^ & fi la nature Ta doiié des
puiflancesneceffairespoury parue-
nir, d'autant qu'il n'y peut parue-
nir autrement que par les opéra-
tions de ces facultés , il faudra ne-
cefTairement que ces opérations
aycnt des règles certaines & déter-
minées de mefmes. Ainfi de la con-
noiffance de noftre fin, refultera la
connoiflance des Droits qui doi-
uent régler les opérations de nos
puilîances. Qui que ce foit qui ait
formé le monde , (car nous com-
mençons à raifonner contre ceux
qui doutent s'il a efté créé de la main
de Dieu J il appert manifeftement
l
Conjideration première, 5
que toutes les parties en ont efté de-
ftinées a de certaines fins. Car les
corps fimples, comme les Elemens,
ont des qualités fi propres a fc méf-
ier les vncs aucc les autres , qu'on ne
peut pas douter qu'ils ne foyent
deftincsexpreiTément à la produ-
ction de ceux qui font compofés*
Entre les compofés il cft clair, pour
ne parler point maintenant des au-
tres , que les plantes font ordonnées
pour i'vfage des animaux. Tant de
qualités & medecinales ,& princi-
palement alimenteufes, ne leur ont
point efté données pour néant. Et
comme ainfi foit qu'en vne plante
toutes les parties cofpirent à la pro-
duction de fon fruit,&ne femblent
eftre faites que pour cette fin , ôc
que le fruit ait ordinairement deux
chofes^rvnc eft la qualité alimen-
tcufej&rautrcle gcrmepropre pour
A I
6 *Des TDroits des JidarUges
la génération d'vnc autre planrc
quiluyferarcmblable,& qui pro-
duira aufli puis après des fruits de
mefme condition , il eft hors de
doute que la nature a eu pour but en
cette forte d'ouurage,& la nourri-
ture des animaux prefens , & Ten-
trenement de ceux qui font à venir,
afin d'en perpétuer ainfi les efpeces.
Pour ce qui eft des animaux, on ne
peut douter que ceux qui font de-
ftituésdelarai(bn,neferuentàccux
que la nature en a pourueus. Car
nous vfons des cheuauXj&des mu-
letSj&des bœufs^à: généralement
prefque de toutes les autres beftes,
pour les neceflîtés & les commodi-
tés, & mefmes pour les voluptés &
les contentemens de cette vie. Et
que les vfages que nous en tirons
foyent conuenables au defl'cin de
îa nature ,c'eft chofc trcs-éuidente
Confderation première. j
principalement par deux raifons.
La première cft que les belles onc en
la ftrudturc de leurs corps,& en tout
l'ordre de leurs facultés 6c de leurs
parties, des marques indubitables
qu elles onteftc faites pour cela. Car
le dos des cheuaux eil fî iuftement
fait pour porter les hommes ^ que
vous dirics, tant ils s'ajuftentbien
cnfemble , qu'ils ne compofent
qu vn mefme animal ; d où eft , ce
femble , venue l'imagination Ôc la
fable des Centaures. Et la force &
patience des bœufs , monftre que la
nature les a deftinés au trauail. Se
particulièrement à tirer , foitpour
le tranfport des grands fardeaux,
foit pour la culture de la terre. Ec
quand nous ne regarderions à autre
chofc qu'à la corne des pi^ds de ces
deux fortes d'animauxj& la manière
en laquelle fgrtanc & s'engendranc
A 4
8 *Dcs Droits des<JMdnagcs
de rextremité des parties qui font
merueiileufemêtfenfibles^ellcabou
ûc pourtant & fe termine ai mfen-
fibilité , iufquesà ettrc capable de
receuoir les doux àc les fers , afin
d'eftre d'vnc plus ferme & plus du-
rable defenfe^nous en iugerions in-
continent, fi nous ne voulons eftre
aueugles,cjue lanature, quelle qu'elle
foit , auoit deftiné ces animaux aux
vfages aufquels nous les employons.
Car fi elle n'eufl: eu efgard qu a eux,
les pieds de tant d'autres animaux
qui ne font pas formés pour nous
fcruir comme ceux-là, nous mon-
trent affés qu'il n'eftoit pasbefoin
qu'ils en enflent la plante fi dure,
L'autre raifoneft, que cette intelli-
gence & cefte induftrie que la na-
ture nous a donnée par deflus les au-
tres animaux , paroift manifefte-
ment faite en leur égard pour Içs
Confidcration première, <>
gouuerner & leur commander. Vcu
que nonobftanc leur grande force
& leur grande férocité , il fe trouue
en eux vne certaine docilité 5 qui les
rend capables de nos commande-
mens , de forte que ne pouuans eux
mcfmes régler leurs mouuemens,
ils permettent neantmoins que
nous les reglions^ô^ que d'erratiques
& vagabonds qu ils feroyent autre-
ment, nous les reduifions à quelque
ordre ^ à quelque forme qui leur
conuient mieux, cette docilité qui
d'vn cofté eft en eux, & celle indu-
ftrie de la régler & de la former qui
eft en nous de l'autre , ne peuuent
cftre ainfiajuftées par la rencontre
du hazard^ & faut neceflairement
qu'il y ait du deflein de la nature.
Toute fubordination fi bien agen-
cée , & qui produit de fi beaux ef-
fcts,&ficonftans,pourlacompo-
y
I o Ves Droits des Mariages
fkion de chofes extrêmement diffé-
rentes en la conftitution de leur
cfi:re,cfl: vn argument indubitable
de Toperation d vne intelligence,
qui vife à quelque raifonnable fin.
Refte donc l'homme , que deux
chofes entre les autres,demonftrent
neceflaircment auoir efté deftinc
par la nature à quelque but. La pre-
mière efl: que fî elle s'eft propofé
quelque but en la production de Tes
autres ouurages, il n'y ^ point d'ap-
parence de raifon qu'elle ne s'en
foitdu tout point propofé encet-
tuicy, qui efl: fans comparaifon le
plus excellent de tous. La féconde,
que toutes les parties defquelles
l'homme efl: compofe, ont chacune
leur fin particulière. Et quand nous
ne regarderions en luy aune chofê
que la main, il ne leroit point be~
foin d'cftrc fi fcauant ni fi habik;
Conjtdcration première ii
que Galicn s'eft monftré en la def-
cription qu'il en a faite au commen-
cement du hure de vjk parttum^ pour
reconnoiftre que s*ell vn admirable
inftrument , exprefTément dcftiné
par la nature,pourferuir par fes fon-
drions ôc fes mouuemens aux def-
leins &auxmtentions de la raifoii.
Or faut il neceflairement qu vnc
chofe , de laquelle chacune des par-
ties eftcompofée pour vne certaine
& cuidcnte fin^foit elle mefmCj con-
fiderée en gênerai , deftinécà quel-
que but. Car 1 intelligence qui fe fe-
ra déployée en la formation de cha-
cune des parties j ne fc fera pas ou-
bliée en la conftitution du tout^
Que fi quclqu vn vouloit dire, que
l'homme eftant la plus excellente
de toutes les chofes du monde , eft
auflî par confequent la dernière de
toutes les fins , à laquelle toutes au-
Il DesD roits des Ma rUges
très cliofes regardent & fe termi-
nent^ au lieu que quant à elk^ elle ne
regarde ni ne fc rapporte a aucu-
ne autre fin , il feroit aifë de mon-
ftrer la vanité de cette penfée. Pre-
mièrement, ce quinousafaitiuger
que les autres chofes font deftinécs
à certaines fins , eft que nous les
auonsveuës douces de certaines fa-
cultés & de certaines propriétés,
dont les vfages ne fe terminent pas
en elles mefmes , mais regardent
quelque chofe qui eft au dehors.
Pource que comme en regardant
la conft rudion d Vne fcie, & la figu-
re de fa lame, 6c la difpofîtion ainfi
renuerfée &alternatiuede fes dens,
nous voyons bien qu'elle eft faite
pour d'autres chofes que pour ce
qui la concerne elle mefme ; ainfi
en regardant dans les plantes les
qualités alimenteufes quelles cm
Conjtderation première. ij
6c donc elles ne fe ferucnt point , &
d^s, les animaux des formes & des
mouucmcnsqui ferucnt ifànscom-
paraifon plus à nos vfiges qu aux
leurs, nous iugeons de rncfmes que
ccschofes ont leur fin hors de leur
cftre propre. Or voyons nous que
l'homme eft ainfî compofé. Car
pour ne parler point maintenant de
{es fens, qui font autant de feneftres
ouuertes en dehors pour auoir la
connoiflance des choies fenfibles
qui s y prefcntcnt , cette haute &
fublime intelligence dont la natu-
re la doué 5 ayant des fondions dc
des o perations qui paffent bien loin
au de là des vfages de la vie prefente,
paroift manifellemét formée pour
vacquer à la contemplation de tou-
tes forces d'objets tant fenfibles
qu'intelligibles. Puis après , puis
que Ihommeeft pourueu d'vne fi
14 2)fj Droits des AI aridges
hautc&fi capable intelligence , il
faut neceflairement que cette na-
ture , quelle qu'elle foit, quiluya
donne fbn eftre, en foit douée aufG.
Et pource que la caufe, en telles for-
tes de productions , eft toufiours
plus excellente que fon efFe6t:,& que
pour les autres ouurages de cette
nature, il paroift qu'il y a en elle
vnc intelligence à laquelle toute la
capacité & toute la fublimitc de cel-
le de rhommenatteintpas,ilnya
nulle apparence que nous eftimions
l'homme eftre la fin de toutes les
autres chofes qui luy font inférieu-
res, à caufe de fon excellence, & que
neantmoins nous n'eftimions pas
queriioramemefme ait d'autre fin
hors de luy , puis que hors de luy il y
a quelque autre chofc encor,laquel-
leeft incoparablemcnt plus excel-
lente. Finalement,ce qui eft la fin de
Confderation première, ij
toutes autres chofes ôc qui n'a point
de fin lîors de foy,a laquelle il fe rap-
porte^doit élire fouuerainemét par-
faiâ: , & n'auoir befoin d'aucune
autre chofe pour fa propre félicité.
Car ce qui eft la fouueraine fin de
toutes cnofes , eft aufli leur foiiue-
lain bien ; & ce qui eft le fouuerain
bien de toutes chofes doit eftre
fbn propre {buuerain bien à luy
mefme , ôc n'emprunter point fà
félicité d'ailleurs. Il en eft de cela
à peu près comme des mouuemcns
fouf ordonnés les vns aux autres,
où on monte d Vn mouucment à
Tautre , iufquesà ce qu'on foit venu
à vn premier moteur, qui quant à
luy ne fe remue point, & quiiouït
d'vn profond repos en luy- mefme.
Or eft il clair par l'expérience que
l'homme n'cftpas fon propre fou-
uerain bien. Il l'eft fipeu,quillc
t (j i)cs Droits des ^^Aridges
cherche par tout ailleurs qu'en luy
mefme , & qu'il ne fçait pas bien
certainement , fi quelque intelli-
gence fouuerainc ne le luyreucle,
en quoy fon fouucrain biencon-
fifte,&eft encore après a Icchoifir
entre tant de diuerfcs opinions que
les Philofophes ont eues fur ce
fujet.
Eiftant ainfi pofc que Thomme
a vne fin hors de luy mefinc jà la-
quelle il faut qu'il tendc^examinons
vn peu en quoy elle peut confifter.
Dans les chofes artificielles, ceft de
la nature de la fin que Touurier tire
les règles de la conftrudion des
chofes lefquelles y tendent , & par
lefquelles il y faut paruenir. Com-
me s'il faut couper quelque chofe,
l'ouurier, pour le faire, compofe vn
inftrument tranchant. Et s'il faut
non couper proprement, mais fcier
quelque
Conjtâeration premldre, t-^
quelque matière dure, qu on vueil-
Icdiuiferfclon certaines lignes feu-
lement jlouurier en compofelm-
ftrument de telle forte , que comme
la fin a requis qu'il fuft ainfi com-
pofé , ainfi Touuragc mefme dé-
couure quelle eft la fin à laquelle on
le deftine. Partant dans les chofes
naturelles qui font compoféesauec
beaucoup plus d'intelligence que
ne font celles de l'art, on ne fqauroic
mieux reconnoiftre quelle eft leur
fin que parleurs opérations, &par
les facultés qui leur ont eftc don-
néespour les faire. Que fi on y re-
marque diuerfes facultés, dont dé-
pendent diuerfes opérations , on en
peut recueillir qu elles font ordon-
nées pour diuerfes fins, mais en telle
fac^on pourtant que l'inégalité des
facultés , ôc de l'excellence de leurs
opérations , marque d*entxe cçô
B
i8 Des Droits dezS^driage
fins quelle eft la plus excellente Ô^ la
principale. Quoy que comme Ari-
ftote la remarqué , la nature a eu
cette fagefle de deftiner chacune
choie à vne feule fin, à ce qu'elle y
dêployaft fes opérations auecplus
de vigueur : & de plus, cette puif-
fance abondance éc fertihté en fes
produdios^de n'auoir point befoin
d'employer vne mefmechofeàdi-
uers vfages. Voyons donc quelles
font les facultés de l'homme &
quelles leurs opérations. L'homme,
comme il paroit , eft compofé de
deux parties, l'vne corporelle & vi-
iible , qui a beaucoup de reffem"
blanceà celle des autres animaux:
l'autre fpirituelle& inuifible^quiTe-
Icue par la faculté de raifonner au
deffus de toutes les autres chofes du
monde. Or ell il bien vray que cette
partie corporelle a fes facultés^
Confîderafion frcmîerél ty
dont chacune a fes fon6tions. Les
vncsdeilinéesau mouuement , les
autres au fentiment, & s'il y a enco-
re quelque autre chofe decette na-
ture Maisileft indubitable que ce
n'eft pas de là proprement , qu'il
faut tirer connoiflance de fa fin.
Premièrement, parce que,quelle eft
la nature du fujet, telle ^ auffi Tex-
ccUence de fes facultés, & des opé-
rations qui en dépendent. Il faut
donc que puis que cette partie fpiri-
tuelle qui entre en la compofition
de Qoltre eflre, eft infiniment plus
parfaite & plus excellente que l'au-
tre, fes facultés foyent plus excel^'
lentes aufli, &,plus excellentes pa-
reillement les opérations qui en
procèdent. Puisapres^pourcequc
ce corps auec toutes les puiffanccs
f^ui raccompagnent, eft bien vnei
pajrtieeiTentielle denoftrecftreàU
2.0 Des Droits des À^afiage
vérité, mais ncantmoins , c'eft en
telle fa^on quil cft fous-ordonncc
à refprit , comme ce qui fert, a ce
quieftferuij&ce qui obéît a ce qui
commande ; en cette comparaifon
lefprit fcmble aucunement tenir
lieu de fin a l'égard du corps , & le
corps tenir lieu de chofe laquelle/
cft: deftinée. Il faut donc venir à la
confideration des fa cultes de Tame.
Or voyons nous qu'il y en a de deux
fortes. Car les vnes font tellement
meflces auec le corps, qu'où bien
elles font defl:inccs à fa fubfifi:ance,
comme la vertu qui efl: employée à
le nourrir , & à conuer tir les alimens
en fa fubfliance , ou bien au moins
les peut on appeller corporelles au-
cunement , comme efl la faculté
animale , qui fournit au corps le
moyen de fe feruir de fes organes &c
de fes fentimcns. Les autres fem-
Confdcnxtïon première. zi
blcnt bien à la vcritc auoir quelque
bcfoin du corps- & de fes inftru-
mcns^pourexcrccrleurs fondions
& leurs opérations , mais ncant-
moins elles font en celafeparces du
corps j quelles ne font point em-
ployées à fa conferuation , ni à faire
qu'il exerce les fienncs quanta luy:
mais vacquent & font employées a
Tentour de certains objets, qui font
abftraits&feparésdu corps duquel
nous fommes compofés , ôc mefmes
quelque fois éloignés de toute au-
tre matière fenfîble ôc corporelle.
Or ne faut il pas douter que cette
dernière forte de facultés ne foit en
l'homme beaucoup plus excellente
que les autres, pour ce que c'eftpar
elles proprement que nous fommes
hommes ; au lieu que quant aux au-
tres nous les auons communes auec
les animaux dcftitucsdelaraifon.
B 5
ai DesD rohs des Al aria Te
C'eft donc de la connoiflance de
ces facultés que refulte la connoif-
fance de nollre fin. Si nous nous
conlîderons bien nous mefmes,
nous trouuerons que ces facultés
font deux en nombre , ou au moins
que ficen'eft qu'vne mefme facul-
té , elle exerce deux diuerfes fortes
d'opérations, félon les deux diuer-
fes fortes d'objets fur lefquels elle
fe déployé. Car il y a certams ob-
jets qui ne nous prefentent autre
chofe que la nature deleureftreà
contempler , de forte que quand
nous en auons acquisla connoiifan-
ce nous en demeures là, la nature de
l'objet , ni la connoiffançe que nous
en auons ne nousobligeat àaucunc
forte d a 6t ion. Comme fi ie recher-
che quelle peut eftre la caufe de l'é-
clipfedelaLunc, & qu après auoir
bien raifonné , ie trouue qu'elle fe
Confideration première. 23
fait par l'interpofition de la terre
cntr'cUe & le Soleil , ayant acquis
cette cognoi{rancej& l'ayant éta-
blie en mon efprit deflus de bonnes
demonftrations^ ie ne paffe pas plus
outre y & ne m'applique à aucune
adlionen conlequence. Mais il y a
certains autres objets, qui nous pre-
fentent tellement la nature de leur
cftre à contempler,qu ils nous obli-
gent à certaines a6lions&: à certai-
nes opérations, après que nous en
auons acquis l'intelligence. lufques
àtelpointquelaconoiflancede l'e-
ftre de l'objet ne s'acquiert propre-
ment qu'à caufe de l'opération qui
s'en enfuit, de forte que l'opération
doit eftre eftimée tenir lieu de fin
&efl:re plus excellente. Et que cela
foit ainfi , il en appert par l'expé-
rience de tous les Arts , foit qu'ils
laiflent après eux quelque ouura-
B 4 ~
14 *^^^ Dmits des JHaridges
gcqui fubfifte , comme larchitc-
durclesbaftimcns^foit qu'ils n'en
laiflent point , comme l'arc de ioiier
du Lut où de la Guittarre. Car on
n'apprend l'art de iouer du Lut
que pour en iouer , ni Tart de
l'architedure que pour baftir. Et fi
quelqu vn apprend l'art deTarchi-
tedurcfansdefTeindebaftir, il tire
l'architedure hors de fa naturel
d'entre les arts ,& en fait contre fa
propre & naturelle conftitution,
vne fcience purement & Ample-
ment fpeculatiue. S'il lapprenoit
entant que c'eft vnart, ilfaudroit
necefiairemeut qu il cufl deffein de
le réduire en pratique. Or comme
i ay dit cy deflus que pourauoir la
connoifTance de la propre fin de
l'homme par la confideration de (es
facultés , ilfalloit choifir entre fcs
diuerfes facultés lesplus excellentes,
Conficration Première, 15
ainfi di-je maintenant qu'après
auoir trouué fcs plus excellentes fa-
cultés ^ilfautpourtrouuer lavraye
fin de rhomme regarder a leurs plus
belles opérations. Car comme fi
l'excellence dVncheual confiftcen
la force & en l'agilité de fes mouue-
mens,fans doute les plus excellens
de fcs mouuemens feront ceux qui
feront employés dans les occa-
fions les plus nobles &les plus vti-
les tout enfemblerde forte que fi ces
occafions les plus belles & les plus
nobles font les militaires, la propre
fin d' vn excellent cheual fera de fer-
uiràrhomme& dele porter dâs les
occafions de la guerrrc. Ainfi fi l'ex-
cellence d vn homme confifte en
Tvfagedefes facultés raifonnablcs,
quife déploycnt ou en la contem-
plation ou en Tadion , les plus bel-
les contemplations & les plus no-
%6 DesT> roits des Mariages
blés adions feront celles qui feront
employées fur les fujetsles plus di-
gnes & les plus nobles d'eux mêmes.
Et partant il faut cncor voir quels
font fes objets lesplus dignes 6«:les
plus beauXjfi nous voulonsbien dé-
terminer de la nature denoftrefin.
Nous auons veu cy-deflus que
l'homme eft la fin des choies qui
quant à l'excellence & à la dignité
font inférieures à fa naturej&: de plus
que la principale excellence de
l'homme confifte en ce qu'il eft
d'oiié d'intelligence & de raifon.
C'eft donc cette faculté de l'intelli-
gence qui l'éleue fi haut audeffus
de toutes les chofes qui n'en ont
point y qu'elle luy donne lieu de fin.
& aux autres chofes, lieu de celles
qui y font deftinées. Nous auons
veu auflî que l'homme eftant doiié
d'mtelligence \ il faut neceffaire-
Conjtderat'wn première. 17
ment que la nature , quelle qu'elle
foit, qui l'a produit, en foit douée
aulTij & mefines d Vne intelligence
qui non feulement furpaffe celle de
l'homme d'autant que lacaufedoit
furpafler fon effet , mais encore
d'autant que les autres effets de cet-
te intelligence là , furpafTent la di-
gnité des effets de l'intelligence hu-
maine. De forte que les plus belles
ôc les plus nobles opérations de l'en-
tendement humain , feront celles
qui feront employées a la confide-
ration de ces deux objets, chacun
félon la nature de fa dignité 5c de
fon excellence. Partant la fin prin-
cipale de l'homme confîftera a con-
noiftre cette fouerainement intel-
ligente nature qui l'a formé: ôc c'eft
ce que nous appelions Dieu. A quoy
vous pouucs adioufter comme
pour fin fubalterne&qui eftcon-
iS Des Dmn des t^artages
tenue dans la principale la connoiC-
fancc de l'homme mefmc ,foit que
chacun le regarde «n foy ^ ou qu'il
le regarde en autruy , ce que com-
munément on appelle le prochain.
Et pource que , comme i'ay dit cy
deffus , il y a de deux fortes de con-
noiflances, Tvnc qui incite d'elle
mefmeà quelque aâion,& l'autre
non , il faut encore voir de quelle
nature eft celle dans laquelle nous
mettons la fin de Thomme.
Or pour ce qui eft de la connoif-
fance qui a pour objet cette fouue-
raine intelligence, lachofe femble
eftre fans difficulté. Pource qu*clle
lie peut eftre bonne , ni telle qu'elle
doit eftre ,fi elle n embraffe auffi
fon objet tel qu'il eft. Or doit il
çftre confideré en tous les égards;
c'eft à fcauoir abfolument en luy-
mefme ; puis après entant qu'il a
Conjtderation première. 19
<î«nncrcftre à toutes chofes ; & fi-
lialement entant qu il les conferuc.
Confidcré en luy mcfmc , puis que
c eft vnc fouucrainc intelligence, &
laquelle necefTairementcft accom-
pagnée de toutes autres fortes de
vertus comme nobles àla conftitu-
tiondcfon eftrcj elle mérite en ces
égards de l'eftime & de Thonneur,
de la part de ccluyqui luy eft infé-
rieur. Car fi les beftesauoyent quel-
que intelligence de leur eftre, & du
noftrc quant & quant , nous les efti-
merions obligées de reconnoiftre
auec honneur l'emincnce de noftrc
nature au deflus de la leur. C'eft
pourquoy encore qu Epicure ait dit
des chofes non fauflcs feulement,
mais abfurdes & contradid;oires,
quand il a nié la Prouidence , &c
neantmoins reconnu vne diuinité,
Cn'atilpaslaifle de dire la vérité.
30 Ù es Droits des Aiariages
que pofé que la Diuinité ne gou-
uerne point le monde par faProui^
dence, elle mérite pourtât de l'hon-
neur à caufè de Texellence de fa na-*
ture. Or honneur eftla defFerence
que l'on rend à quelqu'vn à caufe
defon eminencefoit en qualité foit
en vertu -, & toute telle defFerence
eft vne a6tion. La conoiflance donc
de la Diuinité en cet égard , tire vne
adionenconfequence.Conlîderée
entant qu'elle eft caufe de l'eftre de
toutes chofes , elle induit encore
d auantage à ladion. Car outre que
toute caufè mérite^ entant que telle,
de l'honneur de la part de fon effet,
pource qu'elle a des degrés d'émi-
nenceaudefTus de luy, lacommu-
nicatio de l'eftre eft vn bien inefti-
mable , qui requiert de la gratitude
de la part de celuy qui la reçeu. Or
gratitude eft vn mouuement de re^
& __. ._ .._, ,. .. jj
Conjïderation première. 51
connoiflance ^ conjoint auec vn
reflentiment d'obligation enuers
celuyquonf^ait cftrefon bienfai-
d:eur ^ & ce mouuement, pour eftre
bon &: receuable , doit eftre pro-
portionné à la grandeur du bien
fait mefme^en yobferuant quant
& quant les degrés d'égalité ou d'i-
negalité qui fe trouue entre celuy
quiarecjeu le bien , & celuy qui Ta
fait, Car cette confideration adjou-
fte beaucoup à l'obligation de la
gratitude , ou en diminue beau-
coup demefme. Etcemouuement
là n'eft rien autre chofe qu'vne
adion de nos efprits, entant qu'il y
aeneuxvne certaine faculté qui ne
fe contente pas de la nue &fimple
connoiflance de fes objets. Confî-
derée entant qu elle conferue l'cftre
qu ellea donné , la Diuinité induit
à i'aition encore ie ne fcay com-
51 'T>e$ Droits deSt:^Jariagcs
ment plus efficacement. Car outre
qu'elle mérite cet honneur qu'on la
reconnoifle pour eftre celle de la-
quelle nous dépendons , ce qui en-
cloft en foy de la reuerence & du
lefpeâ:, l'amour que nous portons
à nous mefmes nous fait dehrer no-
ftre conferuation , 6c le defîr de no-
ftrc conferuation nous porte neccf-
fairement à auoir recours à l'objet
que nous f(^auons certainement en
pouuoir eftre la feule caufè. Ainfî
la nature des cliofes nous apprend
que la connoifTance delà Diuinitc
nous induit à quelque a6tion, & à
quelque opération de toutes nos fa-
cultés raifonnables , entant que tel-
les , & que c'eft en cela que confîfte
noftrefouueraine fin.
Quant à ce qui eft des hommes,
nous les pouuons confîderer ou en-
tant que fuperieurs j où entant qu e-
gaux:
Conpderation première. 33
gaux : fuperieurs di-je , ou égauxj
foir en la nature, foit en la police jcar
il y en a qui nous font égaux , ou fu-
perieurs en l'vn & en l'autre de ces
égards. Or pour ce qui eft des fupe-
rieurs, la mefme raifon qui nous a
cy deffus fait conclurre comme
nous auonsfait,eu égardàlaDiui-
nité , nous fait icy conclurre de
mefmes que leur fuperioritc méri-
te du refpcâ:. Vniuerfellement le
monde Faduoue en ce qui regarde
la fuperiorité des pères deflus les
cnfans , &: qui voudroit difpenfer
les enfans de l'honneur & du refpedb
cnuers ceux qui les ont engendres,
feroit eftimé pire quafiqueles be-
ftesfauuages. Et de ce que la nature
cnfeigne en ce quiejftdcs pères , oa
peut , nonraifonnablement feule^
ment, mais ncceffaircment inférer
ce qui cocerne les autres fuperieurs.
C
^4 "ï^^-f IDroits des AdariageS
Car ledeuoirdes enfansenuers les
percs n'eft fondé qu'en la fuperiori-
té,& partant par tout où il y aura fu-
periorité , il y aura deuou'd'hon^
neur&derefpecldemefme. La dif-
férence ne confiftera qu'en ce que
rvneft peut eftre plus grand que
l'autre : ou en ce que l'vn eft abfo-
lument inuiolable en vn certain
objet 5 pource qu'il eft naturel , &
que ceîuy qui vne fois a cftémon
père, ne peut , finon par la mort,
ne l'eftre pas : l'autre peut eitre non
abfolument immuable , pource
que les relations de fuperieur &
d'inférieur en la police fepouuans
changer j chacun peut commander
&obeïr à fon tour ^ comme dans
les republiques populaires. Ainfî
de l'honneur qui eft deuàlaDiui-
nité , nous defcendons raifonna-
blcmcnt à celuy que nous deuons
ConfiderMÎon première, 35
aux hommes nos fuperieurs j feule-
ment y aura t'il d'ifference en Tcf-
pece de Thoncur^àcaufe de la dillan
ce mfinicqui eft entre ces deux ob-
jets, le dis refpece, & non les degrés.
Car Ihonneur qui eft deu aux hom-
mes, peut bien différer en degrés,
cnefpece non ; pourceque ce Ibnt
tous des hommes & des créatures,
qui quils foyent Mais quant à
l'honneur qui eft deu à la Dminitc,
il n a peu différer de celuy qui eft
deu aux hommes , quant aux de-
grés feulement > il faut abfolument
qu'il diffère en l'efpece mefmc.Pour
ce qui eft de ceux qui font égaux,
puis qu'ils ne nous font pointfupe-
rieursninous à eux, nous ne pou-
uons pas tirer d'argument foit da
leur cminence foit de la noftre,
pour monftrerque nous fommes
obligés d'exercer enucrs eux quel-
C 2.
^6 Des Droits des tJ^ariages
ques allions. Mais neantmoins la
chofeeft claire d'clle-mefmc , car
ils ont vnmefmeeftre que nous , &
font conftitués en vnemefme ex-
cellence de nature. Or eft il que
nous aimons naturellement nottrc
eftre ; ôc par confequent naturelle-
ment nous deuons aimer le leur.
Seulement y doit il auoircette dif-
férence entre cux&c nous, que Ta-
mour que nous nous portons, eft le
premier, & l'autre vient après. Ua-
mour que nous nous portons eft la
mefure deceluy que nous portons
à l'efti'e de nos prochains , ôc non
celuy que nous portons à nospro
chains la mefure du noftrc. Car au
refte ce que nous aimons noftrc
eftre, cen'eftpas proprement pour
ce qu'il cft à nous, m ais pour ce qu'il
eft aimable. Et ce qui eft à nous,n'y
adjoufterien lînonlordrc&laprc-
Confideratîon première. 3^
rogatiue de pafTer deuanr, âc de fer-
uirdercgieà celuy que nous deuôs
auoir pour les autres homes. Mais à
quoy faire tous ces raifonnemens
pour monftrcr que cette connoil-
îàncc tirencccffiiremcnt après ioy
latSlion? Certainement nousauons
monftré cy deffus , qu'au moins à
regard de Tintellcd: , la connoif-
fance delà Diumité eftla fouuerai-
ne fin dç l'homme. Ou donc il faut '
que la Diuinité foit aufli la louue-
rainc fin de l'homme à l'égard de la
volonté, dont lesfondlions & les
opérations confident en ce quei'ay
cy deffus appelle a6tion j ou la vo-
lonté de l'homme n'a point de fou -
ueraine fin. Or eftil contre toute
forte de raifon quel'homme ait vne
fouueraine fin à l'égard de fon intcl-
le6t,& qu'il n'en ait pointàl'égard
defa volonté. Premièrement pour
38 T) es Droits des Mariages
ce que l'intelled eft la plus excel-
lente partie de nos âmes, dont par-^
tant 1 autre doit fuiure la condi-.
tion. Puis après pourceque la vo-
lonté dépend de rintelled en fes
opérations. Or eft il abfurd & mal-
accordant auec foy mefme ^ que la
volonté dépende de l'intelleft , &
lintelled: de la Diuinité comme de
fa dernière fin , 6^ que neantmoins
la volonté ne dépende pojnt de la
Diumité en cette qualité. En fin
comme la perfe6lionderintelle6t
côfifte en fes plus belles opérations,
^ fes plus belles opérations en la
contemplation du plus excellent
objet 5 la perfection de la volonté
doit pareillement confifter en fes
Elusnoblesadions, 6c fes plus no-
ies a6tions en ce qu'elle dé-
ployé fes afFe6tions fur la meilleure
&la plus aimable de toutes les cho-
C onjidcration première. 39
fcsquiluy peuuent élire prefentees.
Par meime raiion noftreprocham
cil vil ob.)ec qui doit exciter les
mouuemens de les opérations de
nollre volonté , puis qu'cftant pro-
polcirintelleâ; , l'intelledy trou-
ue des qualités qui luyfontiuger&:
prononcer qu'il n'eft pas de la natu-
re de ceux de la connoiiTance fpe-
culatiue defquels on fe contente pu-
rement j mais de ceux qui induifent
naturellement à l'adlion par l'entre-
mife de la connoiiTance. Refte donc
que nousvoïonsfi cette mefmena-
turequinousa amenés iufquesicy,
nous pourra encore conduire iuf-
ques à l'intelligence des règles fur
lefquelles fe doiuent former ces
actions & ces opérations de nos fa-
cultés raifonnables.
Certainement que la nature le
doiue faire ^ c'eft chofe , trop éui-
C4
40 T)cs Droits des çJMaridgcs
dente par la raifon Car li elle a eu le
foin de le faire pour les facultés des
chofes qui font beaucoup moins
excellentes que l'homme ^ & à l'é-
gard defquelles il tient lieu de fin, il
n'y a pomt d'apparence qu'elle fe
fuft 11 fort oubliée en ce qui le con-
cerne. Dans les plantes nous voyons
qu'il y a certaines règles eftablies
parla nature à chaque efpece, félon
lefquelles elles fe doiuent conduire
en leurs opérations. De forte que fî
vn poirier produit vue noix , on
tiendra cela pour monftrueux , &
s'il produit vne poire d'vne autre
forte que la fienne, bien que cela ne
foit pas tenu pour j(i monftrueux^
pour ce qu'il n'a pas paffé d'vne eC-
pecc en l'autre , fî dit-on qu'il a
dégénéré ^ ou , quoy que c'en foit,
on trouue la produdion eftrange,
pour ce que là nature l'aaoit deter-
Confderatwn Première. 41
miné à vn autre fruit. Dans les ani-
maux deilitués de la railon, vous
voyez ces règles de la nature encore
plus expreflement determmées , à
mefure que l'el-tre des animaux eft
plus excellent que celuy des plantes.
Car fi vne vache fait vn poulain^
ceft vn prodige qui cftonne^ &:
pour lequel on preparoit autrefois
des expiations. S'il naiil vn veau
auec des ailles j tout le monde en eft
raui en admiration, comme dVne
merueillcufe extrauagance de la na-
ture. Et quoy que dans le refte de
leurs opérations les animaux ne for-
tentdutout point hors de leuref-
pece 5 fi eft ce qu'il y a certaines re-t
gles naturellement cftabliesà leurs
ad:ions& à leurs facultés 3 qui font
qu'on les dit bonnes ou mauuaifcs,
félon qu'elles s'y conforment ou
qu'elles s'en éloignent. Selon ces rc-
41 Des Droits des tJMarlages
giesvn boeuf doit eftrcfort & pa-
tient , autrement il ne vaut rien; vn
cheual viftc & vigoureux , autre-
ment on le rejette comme inutile;
vn chien doit auoir laiambebon-
ne, & le fentimcnt exquis , autre-
ment ileft rebuté par les chafleurs, |
& ainfi des autres. Et qui diroit |
qu'en ces chofcs la conftitution des
facultés efl; indéterminée par la na-
ture, & qu il elt indiffèrent qu vn
cheual foit vifte& vigoureux , ou
non , feroit eftimé n'eltrepas afies
enfonbon fens. En Tvfagede ces
facultés mefmes , quoy que natu-
rellement bien conftituées, il y a
certaine fa<^ on ^certaines règles ou
mefuresdes mouuemens, dans la-
quelle confîfle leur bien ou leur
mal 5 leur vertu, di-je ,ou leur vice.
Car fi de deux chenaux également
villes ô^ vigoureux, Tvn court dou-
Confderation première. 43
cernent & rondement , & l'autre a
le train rucle& incommodant, on
dira de IVn abfolument quil eH:
bon, & de l'autre on ne le dira pas,
pource qu'au fli n'eft-ilbon finon à
certaine forte de gens , que la
force naturelle de leurs corps ou
l'accouftumance à rendus moins
fenfibles à ces incommodités.T anc
il eft vray que la natureaefténon
feulement foicrneufc , mais mefmes
fcrupuleufe à déterminer les règles
defquelles dépend le bien ou le mal,
le vice ou la vertu des facultés ou des
mouuemens des animaux. L'hom-
me donc eftant fans comparaifon
plus excellent qu'aucun d'eux , au-
roit il efté tellement abandonné de
la nature,que de n'auoir receu d'elle
aucune détermination des fîenncs?
l'ay dit cy deflus que l'homme eft
compofé d'ame & de corps , & que
44 ^^^ Droits des Apanages
le corps eft des parties qui le com -
pofenc la moins excellence de beau-
coup. Cependant il eil certain que
la nature a déterminé de certaines
règles fcs facultés ôc les opérations
qui en dépendent. Premièrement, ■)
en ce que lesorcranes où elles refi-
dentneleconrondent lamais. Car
iamais homme ne vid des pieds, ni
ne marcha des yeux. Et s'il cftoit ar-
riué à quclquVn d'auoir les yeux où
il a les pieds, & les pieds ou il a les
yeux, onappclleroit cela enluy vn
prodigieux renuerfement de la na-
ture.Puis après, en ce que ces orga-
nes ont certaine façon d'exercer
leurs fondions, hors des termes de
laquelle leur nature eft violée. Car
il vn homme auoit les iarrets plies
en auant , Se les o-enoux releucs en
arriere,bien qu'il peuft aucunement
marcher, fi eft- ce que fon allure fe-
Confderdtion première, 45
rok incommodée & non naturelle.
Que fî cela lobligeoit à marcher
pluiloft en arrière qu'en auant, nul
ne nieroit que l économie de la na-
ture ne faft en cet é^ard troublée en
fcs mouucmens j & Icroit eftimé in-
fcnfé qui tieadroit cette imperfc-
{kion pour naturellement indiffé-
rente. Si donc la nature a eu foin de
régler les mouuemes de nos corps,
auroitelle oublié de nous prefcrirc
la fa(^on de laquelle il faut que nous
rcelions&compofionsceuxde nos
efprits? Maisconfiderons-les vn peu
de plus près en eux mefmeSj& voyos
premièrement s'il y a quelques rè-
gles naturelles, félon lefquelles l'en-
tendement doiue conduire fes ope-
rations , en recherchant la connoiC
fance de fes objets. Certainement
pour ce qui eft des objets de la pure
eonnoiffancc defquels l'entende-
4^ T>es Droits des^Iàriages
ment demeure content fans pafleK
outre à l'adion , il n'y a perfonne
qui puifle nier que la nature mefme
a prefcrit certaines loix félon lef-
quelles l'entendement doit agir fur
eux, autrement ils ne font rien qui
vaille. C'eftdccesfources-làqu'A-
riftote a puisé les règles qu il nous^
donede bien raifonncr^&ilnc les a
pas forgées à fa fantaifîe.Et qui vou-*
droit nier que Teuidence de la véri-
té qui paroift dans les demonftra-
tions, refultaft de la nature des cho-
fes mefmes , 6c affirmer que natu-
rellement il n'y a nulle différence
entre vn paralogifme & vne bonne
ratiocination^il faudroit neceflairc-'
ment qu'il euft la ceruelle renuer-
fée. Si cela eftoit il n'y auroit nulle
différence naturelle entre lesfagcs
& les fols, & pour croire cette extra-
uagance , il faudroit certes eftre fol
Conjtderation première. 47
^ non pas fage. La vertu donc de
l'operacion de Tentendement en cet
égard, eft de confidcrer fon objet,
&de raifonner deflusdetelleoude
telle fa^on y &c la vertu de la fciencc
&:dela connoifTance qui refulte de
cette opération , eft fa conformité
auec la nature de l'objet mefme. Et
au contraire , le vice naturel des
opérations confifte , en ce quelles
s'écartent des règles que la nature
prefcritj&levicequien refulte, eft
que l'opinion que l'entendement
coçoit de fon objct,ne s'accorde pas
auec fa nature. De là il eft clair quel
iugcment nous deuons faire des
opérations de l'entédement , quand
il contemple les objets , qui outre la
connoiffanccdeleureftre, incitent
à l'acStion. Car puis que l'objet eft tel
de fa nature, que no feulemé t il doit
cftre confideré comme ce qui pre-
48 DesD roits des Àdarlages
fente vne certaine vérité à connoi-
ftre à l'entendement , mais auffi
comme ce qui doit inciter la volon-
té àvne certaine forte d'adion^ la '
vertu de la connoifTance que l'en- ;
tendementenaura^confiftcra enfa
conformité aucc l'objet en tous ces
deux égards j & le vice au contraire
confifteraen ce que l'entendement
iVapprehendera pas fon objet fous
ces deux relations. Cotrarieté entre
ces deux fortes de connoifl'ancc qui
eft naturelle clairement, puis qu'el-
le dépend de la conftitution natu-
relledel'objetmefme. Or comme
la perfedion de la connoifTance
quand elle eft conforme à fon objet
eft déterminée par la nature j auftî
les opérations de l'entendement
par laquelle il paruient à cette con-
noifTance, doiuent-ellcs dépendre
de certaines règles naturellement
déterminées.
Conjideration première, 4^
déterminées. Gar ces connoiflan-
ces ôc ces conceptions de nos efprits
font des images des chofes mcfmcs.
Pofé donc que deux Peintres aycnt
entrepris de peindre le beau Nireus,
& que l'vn le reprefente au naïf ^ &
l'autre le peigne fi mal _, qu'il le faifc
reflembler à Therfite , la différence
qui fera entre ces deux tableaux dé-
pendra 5 non du iugement de celuy
qui les regardera, mais de leurpro-
pre conftitution à eux-mefmes. Et
pareillement la différence qui aura
efté entre les coups de pinceau , &
entre les traits Se les lignes que les
deux Peintres auront faites, aura
efté dans la chofe mefmc, & non en
l'imagination feulement de ceux
quilesaurontveus trauailler. Ainfi
les ratiocinations qui ont produit
vne fauflc opinion , auront efté fai-
ces elles-mefmcs contre les règles
D
j o Des Droits de çj^arïages
prefcrites par la nature. Décela i]|
s'enfuit mamfeftcment qu'il y aauCl
fi des relies naturelles félon leC'
quelles il faut conduire les â6tion{|j;i
de la volonté , qui dépendent de c^jL
iuo;emens de l'entendement. De»
forte que qui ne les fuit pas , parle
^contre les loix de la nature. Et cela
li prouuc par ce que la volonté eft
vne faculté qui dépend deTenren-
dément. Car fi j pour exemple J'ob-
jct de la Diuinité fe prefente à moy
comme digne d'honneur , ainfi
qu'indubitablement il eft , & que
mon entendement par de bonnes
^ raifonnables opérations paruien-
ne iufquesà le connoiftre tel qu'il
cil: 3 & à fe perfuader viuement&
profondement qu'il eft véritable-
ment digne d'honneur , ou il faut
que deflors ma volonté le porte ef-
fediuement.à l'honorer , ou fi elle
Conjideration première, ji
nes'y porte pas, elle ne dépend pas
de cette faculté fuperieure qu'on
appelle Mntelligence: comme fî en
deux roues fubordméeslVne à l'au-
tre , la fubordination n'efl: point
telle, que l'inférieure fuiue necef^
faircment le mouuement de celle
quieft audeffus^onnc peut pas di-
re véritablement que l'vne foir de-
pendâte de l'autre. Mais cela paroi-
llra encore plus nettement parvne
autre raifon. Quand nous difons
que l'objet de la Diuinité , pour
exemple , eft de la nature de ceux
qui incitent à vne action, nous vou-
lons dire deux chofes. L'vne , qu'il
incite à vnc certaine forte d'adion
déterminée, comme eft l'honneur:
fautre, qu'il incite l'homme à agir
ainfi , &r non proprement les facul -
tés qui font en l'home. Car l'hom-
me eft le principe qui agit^ bien que
D 2.
52. Des Droits des Mariages
fcs facultés foyent les chofès pail
rentremife defquelles il agit , (elonl
que les objets Imcitent. L'hommeï
donc agifïant par (a volonté , fi {
Tobjet l'incite à vne certaine fortci
d'adion naturellement determi-j
née, comme à honorer Dieu , il y al
certaines règles déterminées parla;
nature pour lesaâ:ionsdelavolon-;
té de l'homme-, autrement il y au-
roitdes règles pour les a6tions de
l'homme, & fi il n'y en auoit point
pour les adions de fa volonté , qui
fontchofes diredemcnt contradi-
ctoires. Or cequei'ayainfi prouuc
des a6lions qui regardent la Diui-
nitéjfe doit pareillement entendre
de celles qui regardent le prochain,
puis que le prochain eft aufïi vn ob-
jet qui de fa nature porte à certaines
actions réglées & déterminées. Et
véritablement ie m'eftonnc com-r
Confderation première. 53
ment il y peut auoir des gens qui
reuoquent en doute des chofesqui
fontd'vnefi euidente vérité. Caril
n y a perfonne qui ne puifle aifé-
ment comprendre qu'il faut confî-
derer en l'homme trois chofe di-
ftmd:ement. Les facultés, qui font
l'entendement &la volonté ilesha-
bitudes, qui font la conftitution des
facultés, félon laquelle elles font en-
, clines à vne certaine forte d'a6bion,
pluitoft qu'à l'autre ; & les opéra-
tions de adionsqui procèdent des
facultés , mais qui font conformes
aux habitudes, defquelles les facul-
tés mcfmes font reueftuës. Qua^^
aux facultés, il n y a nulle doute que
leur eftre eft certain &c determiné,&
différent par fa nature mefme de
toutes autres fortes d'eftre. Telle-
ment que quand nous difons , vn
homme, & vn chetal , nous preten-
D3
^"4 Des Droits dcs^Aiarlages
donsdire deuxcliofès , non diftin-
d:es feulement , mais elTentiellemcc
différentes , en ce que l'vne a la fa-
culté de la raifon &: delmtelligen-
ce , & l'autre ne l'a pas. Comme
donc CCS deux natures fonteffen-
tiellement différentes , aufliy a t'il
certaines recèles de la conftitution
de leur eflre , qui fonteffentielle-'
mentdifferentespareillement. De
forte que fi les animaux ie faifoyent
en les lettant en moule , il faudroit
neceffuirement que le moule dans
lequel l'homme iè formeroit , fuft
véritablement différent de celuy
dans lequel lechcual prendroitfon
eftre. Ce qui eft proprement auoii:
desloixde fa conftitutiô naturelle-
ment differentes.Pour ce qui eft des
habitudes il en eft tout de mefme..
Ca r non feulement celles qui appar-
tiennent à diucrfes facultés font na-
Confidcration prcmicre. j^
turcUement differcnccsj comme au-
tLcsfont les habitudes de lentende-
menc, Vautres celles des parties in-
férieures de noftre amc ; mais celle
dVne meime faculté font&diuer-
fes ô^mefmcscontraires.Comme en
lentendement, non feulement ces
deux vertus qu'on appelle prudence
& intelligence , font diuerfes en-
tr'ellcs&a l'égard de leurs objets &
de leurs operations,mais la pruden-
ce, ôi l'imprudence font des habi-
tudes directement oppofées. De
iorte que fi les habitu des fe iettoyéc
en moule pareillement^ ilferoit ab-
folument impoflible qu'vn mefme
\ moule peuft feruir à la formation
de deux qualités (i contraires.Ce qui
eft proprement auffi auoir fesloix
déterminées par k nature. Enfin,
pourcequi ell des opérations ji'ay
défia dit qu'elles fiiiuent la nature Ôc
D4
5^ DesD roits des Mariages
la condition des habitudes donc
elles procèdent. Car il n'eft pas poCr
fîble qu Vne adion d Imprudenco
procède de la prudence, ni que l'im-
prudence en produife vne d autre
nature qu'elle mefme. Corne donc
c'eft la nature mefme des chofes qui
détermine ces deux habitudes, c*eft
aufli la nature mefme des chofes qui
en détermine les opérations. Ce-
pendant comme la perfection &
l'excellence de l'homme , à compa-
rer fes facultés aueç les facultés des
autres animaux ^ n'eft pas vnauan-
tage imaginaire j mais réel & natu-
rel , qui a (on fondement en ce qu'il
eftdouéd'mtelled:^ Ainfi la perfe-
ction ô^l'excelience de l'homme j à
comparer fes habitudes les vnes
auec les autres y ne fera pas vn auan-
tage imaginaire, mais réel & natu-
rel, qui aura fon fondeniLent en ce
iT
Confideration première. yy
qu'il a certaines habitudes de pru-
dence, defagefle, de vertu, que les
autres n'ont pas. Et finalemcjit la
perfection 6c 1 excellence de l'hom-
me confillera en ce qui eft de fes
opérations ^ en vne chofe non ima-
ginaire , mais réelle encore ; c'cft
qu'il agit conformément à ces ha-
bitudes de vertu, ce que les autres ne
font pas. Derechef il n'y a perfon-
ne qui ne puifle aifément de la com-
Faraifon des parties , defquelles
homme eftcompofé , à les confe-
rer Tvne auec l'autre, reconnoiftre
que comme il y a certaine perfe-
6bion naturellement déterminée
pour le corps , ainfî y en a t'il cer-
taine autre naturellement deterini-
riée pour l'efp rit. Et l'appelle main-
tenant perfedion du corps , celle
qui confifte non pas feulement à
guqir tous les membres qui font ne-
58 TDcs Droits des zJ^ariages
ceffaires pour fa conflrudion , 6c
dans chacun de Tes membres toutes
les puiffances qui font neceffaires
pour leurs opérations , mais auffi
celle qui confifte en la légitime
conformation de chacune de fes
parties, 6c en leur décent & raifon-
nable agencement & compolîtion.
enfemble , d'où refulte ce qu'on ap-
pelle la bonne mine, (S^ la beauté.
Car encore qu'il y ait en la beauté
certaines petites particularités ,def-
quelles on doute fi elles font du
droit de la nature pu non, & où les
iugemens font fi differens que vous
diriés que la chofe en elle mefme
eft indifFerentc, comme d'auoir les
yeux bleus , ou de les auoir noirs, fi
eft-ce qu'il n'y a perfonne fi cnnemy
de cette crcance,que la nature a cer-
taines règles déterminées qu'elle
fuit en la côpofition des chofes^ qui
C on fi aération première, jp
n'aduouëj corne ie lay dicailleurseii
quelque lieu, que Nireus &c Achillcs
clloyeuc naturelleméc plus beaux
queTherfîce, ainfi qu Homère les
nous décrit cous. Et figurés vous
qu'vnnain euil la tefteaulligrofle
qu'il faudroic pour élire propor-
tionnée à la ftature de Hercules,
ôc les bras auffi petits qu vn Pig-
inée , refchine du dos tournée en
arc , le ventre extraordinairement
eminent , les ïambes grefles &c
tortues > afTeurément il ne fera pas
neceflaire de beaucoup raifon-
ner pour conclure que naturelle-
ment ileft laid, principalement fi
auec cela il a les traits du vifage ou
detrauersou confondus, &: la cou-
leur de la peau diuerfemenc érnail-
lée. Aulieu que la beauté, principa-
lement quand elleefl: excellente, fe
fait d abord cftimer 04 admirer , 3c
<>o Des Droits des t^ariages
donne, mefme fans autre connoif-
fance, & fans autre raifonnement,
la première naiflance à l'amitié &c à
la bien-veillance. Que fi le corps,
qui eft de beaucoup la moindre par-
tic de noftreertre, a cette forte de
perfedion fi naturellement déter-
minée j ce feroitchofeeftrangeque
lame mefme n'en euft point , ôc
qu'il luy fuit indiffcrent d'eftre con -
ftituée comme elle a efté en Socratc
ou en Phocion , ou comme elle la
efté en Néron ou en Sardanapale;
dtCont queTeftimeque nous fai-
fonsdelavertu desvnSj&ladmira-
tion en laquelle nous l'auons ^ ôc
l'horreur que le vice des autres cau-
fe à nos efprits , ne vienne point
d'ailleurs que de la faintaifie ou de
l'accouftumance. En fin iln y a per-
fonne qui ne puiffe tirer les mefmes.
raifonnemens de la comparaifon
Conjidcration première^ ^i
des facultés de lame iVne auec l'au-
tre. Car Ivne, corne i'ay dit^conjQfte
en intelligcnce,&: l'autre envolonte
& en appétit. Or laperfediô delm-
telligenceconfifteenlacônoiflance
de laveritéjlaquelleverité a fon eftre
déterminé par la nature.Car ce n eft
pas chofe arbitraire j ou qui dépen-
de de l'imaemation des hômes.fi vn
triâgle doit auoir trois angles égaux
à deux droits, ou non jc'eftvne
chofe d'vnc vérité confiante, im-
muable & éternelle. Ce n'eft pas
chofe arbitraire ou qui dépende de
l'imagination , s'il y a eu vn Iules
Cefar ou non ; c'eft vue chofe qui
pource qu elle eft faite &c aduenue,
ne peut en fac^on quelconque ne l'e-
ftre pas , non pas , comme difoit
Agathon autresfois , par la puiflan-
ce de la Diuinité mefme. La vérité
donc ayant fon eftre déterminé par
62. Des Droits des Aiariages
la nature, la connoifTance qu on en
a eft pareillement déterminée , &c
par confequent la perfedion de
l'entendement , qui confîfte en cet-
te connoifTance j déterminée encO'
re. De forte qu'entre vn entende-
ment bien imbu de la connoiflance
de la vérité, ôcvn autre qui en eft
entièrement io;norant,ou tout à fait
préoccupe d'opinions erronées , il
y a vne différence qui ne dépend pas
de noftre imagination , mais de la
nature des chofes mefmes. Com-
ment feroitil donc pofTible qu'il y
euft naturellement quelque chofe
déterminée à eftre la perfection de
noftre intelled: , & qu'il n'y en euft
point pour eftre la perfedrion de
nos volontés & de nos affeâiions?
Que la nature, di-je , nous euft quat
aux connoiffances de rintelle6l:,in~
finiment efleués au deffus de la con-
Conjîderation première, 6^
dition des autres animaux, & que
quant à ce qui eft de nos ad:ions^clle
les nous eull lailTées indifférentes,
comme aux belles brutes ?
le n'adiouceray plus à tout cela
que deux confiderations.L'vne,que
la nature a donné à l'homme vne in-
clmation manifefte à la Religion,
l'autre, qu'elle nous a tous formes à
la locieté : de forte que l'homme
n'eftpasfi toll animal raiionnable,
qu'il ne le foit pareillement politi-
que.Or pour ce qui eil de la premiè-
re de ces inclinatios.elle cft claire en
ce que nonfeulemtles nations po-
lies &;cultiuées de quelque ciuilité,
mais les plus barbares mefmcs , en
ont retenu quelque fenriment. De
façon qu'il ny a iamais eu aucune
foc le té d'homme, qui ait vefcu fous
quelque forme de gouucrnemcnt,
pour imparfaite ôc barbare quelle
64- DesDroitsdesAdarîages
fuft , qui n ait eu quelque reuercri-
GepourlaDiuinité, & quelques rc^
gles pour luy en donner des témoi-
gnages. Ce qui ne peut eftre venu
d'ailleurs finon de ce que i'ay re-
marqué cy defTus , que l'homme
pour aueugle & corrompu qu'il
foit , n'a peu qu'il n'ait apperc^eu
cette vérité ^ qu'il y a vne intelligen-
ce infiniment éleuée au defl'usdela
fienne , qui fc fait connoiftre en
toutes les parties de l' vniuers , & qui
mérite que toutes autres chofes l'ho-
norent. Car encore qu'il fe reneotre
en chacune de ces focietés , quelque
peu de particuliers qui peut eftre
prennent plaifir à aller contre ce
commun fentiment , cela ne doit
pasempefcherquenousne croïon^
qu'il vient de quelque impreffion
de la nature. Comme encore qu'il
naiffe des monftres, la nature ne
laifle
Confderatïon première. Cf
laiffe pas pour cela d auoir détermi-
né les efpeces des chofes. Et encore
qu'il y ait certains corps humains
d'vne température fi particulière &
fi extrauagante, qu'ils ne fc peu-
i uent nourrir finon de poifons ou
de leurs propres excremens, il ne
Is'enfiiit pas non plus que la nature
ne fi)it caufe de cette proportion
qui (è rencontre entre les facultés
de nos corps , qui font deftinées à
leur nourriture , &: les bons fucs ^
les qualitez alimenteufes des cho-
fes. De cela donc iinfere deux con-
dufions. L'vne, que rendre hon-
neur à la Diuinité eft tellement du
droit de la naturc,qu il ne peut eftre
\ indiffèrent de ne luy en rendre pas.
Car puisque l'eftre de la Diuinité
n'cft pas arbitraire 5 mais d'vne na-
ture excellente , &: qui mérite de
l'honneur, 6»: que la reuelation que
E
(;6 Des Droits des a^ariages
la Diuinité donne de foy n'eft pas
arbitraire auflî, mais fi claire & fi;
manifefte qu'il faut que les hom-
mes la reconnoiflent, l'honneur qui;
dépend de cette connoiflance ne
peut eftre arbitraire ni indifférente:
non plus 5 c'eft la nature mefine
qui nous enfeigne à le luy rendre.;
Ainfi qui ne le luy rend pas ^ pèche
contre le droit de la nature. L'au-
tre conclufion eft, qu'il y a certai-
nes règles eftablies par lanature/e-
lon leiquelles il nous faut condui-
re en luy rendant cet honneur, de
forte que fi nous ne nous y con-
formons pas, nous péchons contre
la nature encore. Car tout objedt
qui mérite de Ihonneur, équipât
confequent oblige ceux qui luy
font inférieurs à luy en rendre,don-
neluy mefmela mefurc de cet hon-
neur, en partie en la nature de fe s
Conjtderation première. Cy
quâlités,en partie en leurs degrez &
en leur étendue. Pour exem pie , fi
les vertus militaires font d'elles
mefmes plus excellentes que les ci-
uilcs & les politiques, Cefar (ans
doute a mérité plus d'honneur que
Ciceron. Et pource qu'entre les
vertus foit politiques, foit militai-
res, il y a des degrez ^ fi les vertus
militaires ont efté plus eminentes
en Cefar qu'en aucun autre Capi-
taine, Cefar mérite de 1 honneur,
non feulement plus que Ciceron,
mais encore plus qu'Alexandre.
Ainfi ce fera Cefar luy-mefme,qui
en partie en la qualité de fes vertus,
en partie en leur degré fureminent,
donnera lamefure, &: par manière
de dire, la tablature de Ihonneur
qu'on luy doit rendre, &qui ne le
luy rendra pas ou conuenable à la
qualité de fes vertus, ou propor-
E i
(J8 T)es D roits des Maridges
tionné à leur grandeur , péchera
contre ces mefures. Puis donc que
laDiuinité fe manifefte aux hom-
mes, & qu'en elle fe reueler&ma-
nifefter fes vertus , &c fcs proprie-
tez , n'eft qu vne mefme chofe, au-
tant qu'elle nous en donne de re-
uelation, autant nous donne t'ellc
de règles, &de la nature de Thon-
neur,& de la fa(^on de laquelle nous
le lui deuons rendre ) règles qui puis
qu elles dépendent de la conftitu-
tion de noftre obje6t , & non de
noftre volonté, font naturellement
inuiolables. Quant à l'autre confi-
deration , cette inclination que
nous auons naturellement à la fo-
cieté, eft encore plus abfolument
vniuerfelle ; &c a efté bien dit par
Aritlote autrefois , que qui ne l'ai-
me pas , il faut qu il foit plus
qu'homme^ puis que non plus que
Confideratîon première, Cs>
Dieu il n'a point befoin du com-
merce ni de là communication
d'autruy, mais (iiffit à foy-mefme
pour fa propre félicité : ou moins
qu'homme^ puis que non plus que
lesbefteSjiln'a point cette inclina-
tion , foit à goufter le contente-
ment de la focieté, foit à commu-
niquer à autruy pour le foulage-
mcnt de fa neceffitc, les choies que
quant à luy il poffede. Or fi Tin-
clination à la focieté^ eft de la na-
ture, la focietè fans doute eft de
la nature encore. C'eft à dire,
qu'il eft, non du droit pofitif éta-
bli par leshommesj qu'ils puiflent
abroger quand il leur plaira, mais
de Tinftitution de la nature mefme,
laquelle eft inuiolablc , qu'ils
viuent en quelque focieté. Et fi
la focieté eft de la nature , il faut
que les chofes qui font neceffaires
E3
yo T)es Droits des ^lariagcs
pourfa conferuation, foyent delà
nature pareillement. Car ce qui
donne Teflre aux chofes, efl cela
mefme qui les conferue. Comme
ce n'eftpas de'hazard, mais de l'art
& de Imduftrie qu vne machine
artificiellement compofée de plu-
fieurs pièces a eftè conftruitepour
certaines opérations & certains
mouuemens, auffi n'eft-ce pas du
hazard, mais de l'art & de l'indu -
ftrie encore, qu'elle Te maintient
en fon eftre , & qu elle continue fes
mouuemens. Or peut -il y auoir
diuerfes chofes neceffaires à la con-
feruation de cette focieté ; mais il
n y en a point qui le foit plus ma-
nifeftement que cette vertu qu'on
appelle la luftice , & cette autre
chofe qui eft neceflaire pour l'ad-
miniftration de la luftice , c'cft à
f^auoir , l'ordre conjoint auec au-
Conjîderation première. yi
torité. Permettez à l'injuftice &
à la violence de régner, la iocieté
cft rainée j ôc les hommes s'entre-
mangeront comme bettes lauua-
ges. Laiflez les hommes en vne
abfoluë égalité , de forte qu'il n'y
ait aucun qui ait autorité deffus
l'autre , comme les hommes font
naturellement compofez, la pluf-
part fe laiflcront emporter à leurs
partions, & ainfi Tinjudice & la vio-
lence régnera. Partant ou la fo-
cieté des hommes n'eft pas du droit
de la nature , &de fpn inftitution,
ou la Iufl:ice& l'ordre qui la main-
tient, 6c qui la fait fubfifter , eft
du droit de nature. Or eft - ce af-
fez d'auoir prouué qu'il y a vn
droit de nature. Mon deflein ne
me portant pas à examiner parti-
culièrement tous les fujets dans lef-
quels il fe répand > mais feulement
72i T^es Droits des tJ^arUgcs
à rechercher comment il règle la
conjonétion de l'homme auec la
femme, ie pafTeray maintenant \
vnç autre Confideration%
73
CONSIDERATION
SECONDE.
Si le mariage efl du Droit de Nature^
f0 comment,
VI confiderera lame de
l'homme attentiuemenc, il
y reconnoiftra aifémenc
trois fortes de puiflances. Car les
vnes font abfolument raifonnables,
comme l'entendement ô^ la vo-
lonté j les autres abfolument irrai-
fonnables , & fur lefquelles il ne
femblc pas que rcntendcment &
la volonté ayent aucune jurifdi-
ûion , comme font les facultés vi-
74 O^-^ Droits des Mariages
taies, quiparoifTent au mouuement
du cœur & du pouls, & les natu-
relles qui feruent à la nourriture &
à la feparation des excremens ; ÔC
les autres finalement d'vne nature
aucunement entremoyenne, pour-
ce qu'elles n'ont point d'intelligen-
ce & deraifon en clles-mefmes à la
vérité j mais neantmoins elles font
fujettes à l'empire de la raifon , &
font naturellement capables de luy
obeïr. Or quant à celles qui font
abfolument raifonnables , ce dcfir
qui porte les hommes & les femmes
à fe conjoindre n'y peut pas eftre
rapporté, comme s'il y refidoit. Les
intelligences qui font entièrement
feparées de la matière , n'en font
point touchées ; & au contraire ,
nous le voyons dans les belles que
la nature apriuées de la raifon. Par-
tant ces facultés abfolument raifon-
Conjtdcration féconde. yj
nables de l'homme, ne doiuenticy
dire confiderées (mon entant que
les autres dépendent de leur em-
pire & de leur gouuernement. Pour
le regard de celles qui font abfo-
lument irraifonnables , i'ay dit qu'il
ne femble pas que l'entendement
& la volontéj ayent dcllus elles au-
cun pouuoir. De fai6t ^ fi l'efto-
mach defire de la nourriture, vous
aurez beau raifonner alencontre,
vous ne le ferez pas taire pourtant.
Et la force de la raifon pourra bien
aller iufques -là, que de vous faire
porter la faim patiemment, mais
neantmoins elle ne la vous oftera
pas, &n'y aura difcours ni médi-
tation qui accouftume iamais vo-
ftreeftomach à fe pafler d'aliment.
Et de mefme nul effort de ratioci-
nationnepeutnihafterni retarder,
foit l'élaboration du chile dans le
^C Des Droits deçJMdriAges
ventricule, foit l'attraétion qui s'en
fait par les veines mefaraïques, foit
la fanguification qui fe fait dedans
le foye, foitladiftribution du fang
par les veines, &: fon aflimilation ,
comme on parle, auec toutes les
diuerfcs parties du corps, foitla fe-
paration qui fe fait des ferofitez du
fang par l'entremife des rongnons,
foit en fin cemouuementdcs inte-
ftins qu'ils appellent periftaltique,
quifert àTexpulfion des plus gros
excremens de l'aliment. Toutes
ces chofes là font abfolument hors
de nodre puiffance.Etneantmoins
pourceque l'homme eft vn animal
raifonnable, & que la raifon a eftc
mi(è en luy comme le gouuernail
dansvnnauire, ou le cocher furvn
chariot , il conuient fans doute à
la conftitution de fon cftre , & à
Tcxcellence de fa nature , d'étendre
Confderatïon féconde. 7-7
tant qu'il peut fur toutes ces chofes,
le eouuernement & l'autorité de fa
railon. De forte qu autant qu'il fe
peut, il rende en foy raifonnables
les chofes mefmes qui ne le font
pas. Car c'eft le propre ô<:le natu-
rel des chofes fouuerainement ex-
cellentes &: efficacieufes , de trans-
former autant qu'il eft polïible en
leur nature, toutes celles auec lef-
quelles elles ont communion. Voi-
la pourquoy ie ne me feruiray que
de cet exemple. Encore que la na-
ture ait également aflujetti les hom-
mes & les belles à la neceifité de
rendre les excremens de leurs ali-
mens, fi eft- ce qu'en la fa^on de
le faire, les hommes ont toufiours
eftmié qu'ily dcuoit auoir entr'eux
& les beftes beaucoup de diftm-
6tion. C'eft pourquoy au lieu que
les beftes le font indifcrettement
yS DesD roîts des Mariages
en tous temps , & en tous lieux ; les
hommes ont^ s'ils peuuent, certains
temps & certains lieux déterminez
pour cela, afin de ne pécher point
alencontre de la bien-feance, qui
conuient naturellement à des ani-
maux doués de raifon, de laquelle
les autres animaux ne peuuent auoir
aucune intelUgence. Et qu'en cela
ils (uiuent les enfeignemens de la
nature, il en appert afles, en par-
tie par la confîderation de lachofe
en elle-mefme, pource que toute
telle excrétion a quelque chofe de
deshonnefle, en partie par la façon
mefme de laquelle elle a compofé
nos corps. Car comme dans nos
corps elle a recule le plus loin de nos
narines, & caché le plus profonde-
ment qu'elle a peu , l'endroit par
lequel nous nous defehargeons du
plus fale de no5 excremens, afin que
Confîdcrdt'wn féconde, jf
les fon6tions de nos fens n'en fuf-
fentque le moins qu'il fe pourroit,
offenfees , aufli a t'clle voulu par
là nous donner à entendre que
nous ne deuons pas en céc égard
auoir moins de fom de ceux
auec lefquels nous entretenons fo-
cieté , pour compoler en quelque
fac^on vn mefme corps, qu'elle en a
voulu elle mefme auoir de nous, en
cet agencement des parties qui
nouscôpofent Et de fait, fi la mala-
die nous empefche d'y obferuer cet-
te honneftetéjnous en auons du dé-
plaifir ; fi la folie ou la frenefie en
ofte la connoiflance à quelqu vn,
nous en auons compaflion^comme
dVne marque qu'ayant perdu IV-
fage de l'entendement, il n'en fait
plus les fonctions honnefl:es& rai-
fonnables Et fi nous voyons quel-
qu'vn qui fans vne abfoluë neceflî-
Sô D es Droits des Mariagfs
té, néglige ces règles de rhôncfteré,
ou qui volontairement vfe en cet
égard de la licence de laquelle les
beftes vfent , nous nous offenfons
de fon impudence , & auons de
l'horreur de ce qu'il (e priue luy-
mefme de l'vfage de fa raifon, &
imite la brutalité des chofes qui en
font deftituées.Quand donc cet ap-
pétit de la conjond:ion de l'iiom-
me &^ de la femme enfemble, feroit
de lanature de ces facultés abfolu-
ment irraifonnableSj, encorey au-
roit il certaines reglesày obferuer,
fi nous ne voulions nousabbailTer
audedous de l'excellence de noftre
nature, 6c renoncer à la prerogati-
ue d cftre animaux doiiés deraifon»
Et véritablement il ne fe peut pas
nier , qu'il n'y ait en luy quelque
chofequi a de l'affinité auecles fa-
cultés qui font deftinées à lexpul-
îîou
Confderation féconde, gi
lîon des excremens : d'où vient auflî
qu'il y a en luy quelque obfcenicé,
fur laquelle , pour la cacher , il con-
uient a l'excellence de la nature hu-
maine , d'étendre le manteau de
Ihonnefteté & de la bien-feance.
Mais neantmoins très aflcuremenc
cen'eft pas à cette forte de facultés
que cet appétit fe rapporte. Dequoy
on pourroir alléguer diuers argu-
mens. Car premièrement, comme
ainiî foit que ces facultés qui font en
nous non raifonnables en elles m eC-
mes , mais neantmoins capables
d'obeir à la raifon , ayent ce chara-
6tere certain & indubitable, qui les
difccrnedes autres, qu'encore qu'il
ne foit pas abfolument en noftre
puiflance , & qu'il ne doiue pas
mefmes eftre en noftrevolonté d'en
efteindre tout à fait les mouue-
niens , pourcc que lespaiTions nous
F
St D es Droits des Afariages
font naturelles, & que Dieu eft au-
theur de la nature, îî eft-ceque ces
mouuemens là , s'ils font ou trop
languides j ou trop vehcmens,peu-
uent eftre amenés & réduits à la mé-
diocrité par l'effort de la raifon, de
mefmes tellement gouuernés, fi cet
effort de la raifon s'y déployé (ou-
uent & de bonne forte , qu'ils en
viennent par l'accouftumance à ne
s'émouuoir que quand il faut 6c
comme il faut, ôc encore auec la
modération conuenable.f^Pouuoir
que nous n'auons du tout point del-
fus ces autres facultés dont nous ve-
nons de parler ) cet appétit peut
eftre gouuerné de la mefme fa^on,
ôcreceuoirles mefmes impreflions
& les mefmes habitudes. Aufli n'y
eutiliamais de Philofophe moral,
qui traittant des vertus de tempé-
rance ôc de continence, n'aie range
donfidcration féconde. Çj
'cet appétit entre les chofes dans
lefquellcs cette vertu peut auoir
lieu. Puis après, bien qu'en certain
égard cet appétit femble auoir quel-
que affinité auec ces facultés defli-
nées à la fepatation des relies des
alimens j fîeft-ce quen vn autre
égard il enefl: infiniment différent.
Car en lafeparation desexcremens,
la nature n'a autre but que de dé-
charger l'animal de ce qui luy eft
nuifible. Cela fait , Texcrement ne
produit rien qui foit d'aucune vti-
litè. Icy la fin propre à laquelle la
nature tend, eft la génération d'vn
autre animal femblable, afin de le
perpétuer en refpece s'il ne le peut
eftre en fon indiuidu. Ainfi ces au-
tres defirs de fe parer d'auec foy fes;
cxcremens, font purement & fim-
plement naturels, &:dépendansdes
facultés naturelles, c'eft à dire, nu-
F 2.
84 T^esT) roits des Àdariages
tritiues feulement. Cettuy-cy cft
proprement vn defir animal^&qui
conuient à 1 animal en tant que tel.
Or eft - il bien vray que dans les
animaux deftitués de la raifon,ces
appétits font merueilleufèment ef-
frénés. En l'homme ^ ils doiuent
eftre fujets à la raifon , aufli bien
que les autresappetits,qued ailleurs
nous auons communs auec les be-
lles. Finalement, lesmouuemens
de ces autres facultés ont leurs cau-
fes purement &: fîmplement inté-
rieures, foit en labondanccj foit en
la qualité de l'excrément, qui pic-
que ou qui charge les vaiffeaux qui
le contiennent. Au heu , que les
caufes des mouuemens de cet appé-
tit icy, font aufli, voire mefme prin-
cipalement externes , &con(îftent
en la reprefentation des objets , que
la nature a rendus capables de les
Conftderahon féconde. Sy
exciter Or efl: il bien vray encore
que danslesanimaux defticués de la
raifon. ces mouuemens font mer-
ueiUcufement puiflans : pource c|ue
leurproprceftantd'exciterla facul-
té par Tentremife de Timaginatioa
qui les reçoit , &: n'y ayant en eux
aucune faculté au deffus de celle de
l'imagination qui la règle , & qui la
gouuerne , elle fe lame tout à fait
faifir de l'objet , fi ce n'eft que la
douleur des coupsy en engendre vn
autre , qui le reprime &: qui en dimi-
nue &: affoiblifle l'efticace. Mais
parce qu'en l'homme il y a vne fa-
culté fuperieure à l'imagination, de
l'opération de laquelle doit dépen-
dre l'efficace des objets qui s'y reçoi-
uent comme c'eft a elle à vfer de (on
raifonnement^pour ne permerrre
pas à fes objets d'agir deltas h f\a-
taifie , finon au lieu , au temps , & en
^s*.
^6 Des Droits des e^^rrAtefi"
la médire qu'il faut , aufîi eft-ce
d'elle que dépend le gouuernemenc
&Ia modération de rappetitmef-
me. Cet appétit donc eft de la natu-
re de ceux qui font fujets à l'empire
&c au crouuernement de la raifon.
Orla.ffe-je icy à part tous les autres
égards, félon lefquels la raifon doit
vier de ce ficn empire pour gouuer-
ner cet appétit j pour marrefter au
principal , qui eft le chois de l'objet
qui luycft deftmé pour fe conten-
ter.
Et premièrement , à peine y a t'il
aucun fi brutal , & en qui tous les
fenrimens de la nature humaine
foyent tellement éteints, quinere-
connoifî'e bien qu il ne luy eft pas
permis d'en chercher ailleurs que
dans l'enceinte de fonefpece. Les
beftes mefmes n'en cherchent pas
volontiers ailleurs , ôc fi elles s'ac^
Confideration féconde. S7
couplent de diuerfes efpcces pour la
génération des hibrides, ce n'eft pas
la plufpart du temps de leur inftin6t
ni de leur mouuemenc , c'eft par
Tinduftrie de rhonime. Or com-
me lene voudrois pas dire que les
hommes pèchent en les accouplant
ainfi , pource que les belles mefmes,
quand elles lefont, ne pechentpas,
le chois qu'elles font de leurs objets
dépendant d Vne nature brute ab- ^
folument,&par confequent inca-
pable de pécher : aufli dirai je pour-
tant que ces coniondions là font
contre les loix& la difpofition de
la nature. Dequoy elle mefme nous
fournit vn argument , en ce qu elle
n'a pas voulu que les animaux hi-
brides, & produits de cet accouple-
mentjfufl'ent capables d'engendrer,
afin de ne confondre paslescfpeces
des animaux, qu'elle a voulu de-
F 4
88 *Des Drohs des ^larUfrcs
meurer perpétuellement diftin aies.
Or fi elle n a pas voulu que les efpe-
ces des beltes fe côfondiflent , quoy
qu elles conuiennent toutes en ce
qu elles font deftituées de la raifon,
beaucoup moinsa t'elle permis que:
refpcce de Thomme fe meflaft auec
celle de la belle ^ c eft à dire, la rai-
fon auec ce qui n'en a point.De fait,
bien que les animaux hibrides ne
conftituent aucune efpece propre-
ment , ainfi dite en la nature, ( car
toute efpccc proprement dite a la
Vertu de fe perpétuer , ) fi eft-ce que
ni la nature ne les reiette pas hors
de fon enceinte comme les mon-
ftres , ni la police des hommes ne les
eftim e pas inutiles à leur focieté . On
en tire du feruice.comme des autres
animaux que la nature a deftinés à
l'vfage de Thom me. Mais quant à ce
qui naiftroit de la copulation de
«.«.<
Confderation fccondc, S^
riiomme auec les beftes , ni il ne
fc^auroit eftre aucune forte de mon-
ftrefi terrible ni fi prodigieux , ni
la focieté humaine rie la pourroit
fouflfrir , foit comme partie de fon
corps, ou comme inltrumentde-
ftiné à fes commodités &àfes vfa-
ges. Ainfilefaudroitil exterminer.
Or quelle peut eftre la conjondtion
dont le fruit eft digne d'horreur &
d'abomination , finon damnable
& abominable elle mefme ? loignés
à cela qu'en toute conjondlion foit
politique foitnaturelle , mais par-
ticulièrement dans les conion6tions
naturelles, les chofes conjointes ont
telle communion eufemble, qu'el-
les s'entre-communiquent en quel-
que fac^on leur eft r€,& dcuiennent
cntr'elles ce que (ont lesparties en
la compofition dVn tout. Or bien
que les parties en tant que parties
pQ Des Droits des Adarîages
ayeni chacune fa nature particulier
te, de forte qu'on ne peut pas dire
quelepied entant que pied, fbit la
main en tant que relie , fi e(l-ce
qu'entant qu'elles fe ioignent fi
étroitement pour la compofition
dVne feule chofe, elles ont vne cer-
taine nature commune , félon la-
quelle elles font aufli vne mefmç
cîiofc en quelque fa^on. D où eft
venu ce terme de 1 Ecriture en la
matière du mariage, que Ihomme
& la femme ne fontqu'vne mefmc
chair^ ôç cette loy vniuerfelle en
toutes les polices de la terre, que
telle qu'cil la condition du mary à
l'égard des autres hommes, telle eft
à peu prés la condition de la fem-
me à regard des autres femmes, à
caufè de cette communion fi étroi-
te , qui les fait en quelque fac^on
vn tous deux. Quand donc nous
Confideration féconde. 5)1
n'aurions point d'égard à l'horreur
de la nionîtruofité du fruit, la con-
jondiion d'elle -rnefme eR mon-
Itrueufc ', non en ce qu'elle éleiie
les belles à la condition des hom-
mes ( car cela ne fe peut J mais en
ce qu'elle rabbaille l'homme à la
condition des belles; ce qui ne fe
peut faire lans crime contre les loix
de lanature,& la dignité de la rai-
fon. Et ce crime eft de telle atro-
cité j que celuy qui l'a commis s e-
ftant tiré hors de la nature des hom-
mes, s'eft luv mefme iu2;é indio-ne
de tenir aucune place en leur to-
cieté. Ainfi eft- il du droit de la
nature, que l'homme fe contienne
en fon efpece, en ce qui eft du chois
de fon objet. Palfons outre
Comme ainh foit qu'en Teipece
des hommes il y ait deux fexes, c'eft
chofe indubitable qu'ils ont efté
5)1 Des Droits des Mariages
faits IVri pour l'autre, & que la con-
jondion de deux indiuidus de met
me fexe, cft contre les loix de la
nature 6<: delà raifon. Car premiè-
rement cet appétit là nous ayant
elté donné par la nature pour la
procréation delà lignée, puis qu'il
eft clair & èuident qu'il elt contre
l'inftitution de la nature , qu'il fc
produife rien de tel par la con-
jonction d'vn mefme fexe , il eft
clair &éuidentde mefme quela na-
ture la défend. Car c'cft détour-
ner vn appétit, &diuertir les ope-
rations qui s'en cnfuiuentjde la fin
à laquelle elle les a deftinèes. Puis
après, veu que l'amour de lafocie-
té & de fa conféruation eft naturel-
le à l'homme , ces copulations y
contreuiennent , pource qu eftans
inutiles à la procréation, il ne tient
pas à elles que la race des hommes
C onfîderation féconde, 53
ne fe tarifle , & que par confequenc
U focicté ne perifle tout à fait. Car
il eft bien vray certes, que celuy qui
ne fent point cet appétit qui porte
les hommes à la génération, &:qui
parconfcquent ne defire point cet-
te conjon£l:ion dont elle dépend,
n eft point neceflairement obligé
à la rechercher , pour prouigner
Tefpece des hommes & en conferuer
la focieté. La nature ne luy en
ayant point donné le defir, il nela
fruftre point de Tqs intentions, s'il
ne recherche point la fin pour la-
quelle elle le donne. Mais quant
à celuy qui le fent , pource que fé-
lon rinftitution de la nature, il eft
donné pour la génération , il pè-
che contre le droit de fes loix s*il le
perd en des objets, dcfquels il eftaf-
feuré par la mefme difpofition de
la nature , qu'il le perdra inutile-
5)4 ^^^ Droits des tj^ariages
ment, ôc qui n'ont point efté deftî-
jiéspar elle pour le rédrc frudueux.
En fin^quandon n'auroit point icy
d'cgard àlagenerationj& qu'on n'y
confîdereroit autre cliofe finon que
cette conjon6l:ion eft vn remède à
l'incontinence , préparé pour le
foulagemèntde la fragilité liumai-
ne , par la iouyffance de la volupté,
la feule coftitution des objets mon -
ftrc aflés que ces deux fexes ont eflé
deftinésTyii pour l'autre feulement.
Car la nature a mis dans le fexe fc
minin non feulement les parties ne-
ce (Taires à la génération 5 mais des
attraits à la volupté quine font nul-
lement en l'autre. Ou s'il y en a
quelques vns en l'autre fexe , ils ne
font naturellement capables d'ex-
citer ce defir finon dans les femmes
feulement. Si les hommesenfont
alluméslcsvi^senuers les autres, h
Confideratîon jèconde. ^f
nature mefme crie que cela eft con^
tre fon inftitution , &: contre lare
ligion de Tes loix. Aufïi a ce pè-
che quelquefois efté puni des fiâmes
celeftes mefmeSj& bien qu'il ait efté
trop commun parmi les Grecs ôc
les autres Payens , & qu'entre quel-
ques vns de ceux qui portent le nom
deChreftiens il n'y en ait que trop
d exemples, nul fieclene futiamais
pourtant fi vniuerfellement coi-
rompu, qu'on ne l'ait iugé & appel-
lé contre nature. Mais toute que-
ftion n'eft pas encore vuidée. Car il
refte de fcauoir fi après s'eftre inuio-
lablement determmé , &c à fon efpc-
ce , & au fexe différent du fien, pour
le chois de fon objet , l'homme eft
obligé par les loix de la nature,de (e
déterminer encore à certains indi-
uidus, par cette forte de confente-
met 6c d'obligation qu'on appelle
^6 Des Drohs des cy^ariages
mariage. Car il y en a quelques vns
qui ont pené à fe perfuader que la
paillardife foit deféduc par le droit
de la nature , & Platon mefme vou-
loit introduire en fa Republique
toute forte de comunauté. Or pour
commencer par Platon , bien qu il
ait creu que la communauté des
femmes pouuoit auoir lieu en la
République , il n'a pourtant pas
condamné le mariage comme con-
traire à la loy de nature &àlaraifô.
Et partant il a penfé vne chofe ex-
trêmement raifonnable,& à laquel-
le nul ne peut refîfter , que quand la
nature n auroit point expreffémenc
prefcritquonfe mariaft, c'eft à di-
re qu'on fedeterminaft pardespro-
meflesinuiolablesà de certains ob-»
jets, fi eft-ce qu elle ne la point dé-
fendu auflî , &ainfi , qu'il eft per-
mis ôc aux hommes & aux femmes
defc
j Confderatïon féconde. «j^
ide fe déterminer de la force , fi ils
itrouuenc des objets qui s'y obligent
réciproquement. Et de là s'enfiii-
uent neceflairement deux cbofes*
L'vne , que le vrolement n eft pas
permis par les loix de la nature. Car
la liberté de choifir fdn objet pour
Inenchanger point, encloftneceC-
fairement ert foyla liberté de rejet-
jter la conjonction de celuy qui né
nous plaift pas. Celuy donc qui par
la force nous rauit cette liberté,
nous ofte ce que la nature nous a
donné , Se pèche contre fes règles;
Et le péché eft d'autant plus grand,
que la chofe qui nous eft rauie eft
plus eftimée de nous , & de pluâ
grande importance , principale-
ment en deux fâchons. LVne^ qu'en
toute autre violence par laquelle les
hommes oftent les vns aux autres
leur liberté , la tyranaie pourtant-
G
5?8 DesD roits des Mariage s
me lailTetelqueiefuiSj&nemefai
point deuenir vne partie dVn autre
que i'ay à contre-cœur de en lior
reur. Au lieu qu'en cette conjon
6tion, comme nous auons veu cy
defluSjCeux qui font conjoints de
uicnnent partie l'vn de l'autre. D
forte qu'il arriue parce moyen e;:
quelque façon que celle à qui la vio
lence a efté faite fe haïra elle mef
me j & au lieu que la nature a vou-
lu tremper cette conjondion dan
les affed:ions les plus ardentes ôcle
plus véhémentes qui foyent , la vio
lence les trempera dans vne hain(|
implacable. L'autre eft^que lacon-[(
jonâ:ionquife fait par violence n<l
l.iiffepas quelques fois de produire
la creneracion. Or de la s'enfuiueni
des inconucniens tres-confid éra-
bles. Car premièrement vne fem-
me demeure ainfi malgré Qu'elle Cf.
C on fiderMion féconde. jp*^
ait, aftreinte aux incommodités de
la gro{refle& de l'éducation, à quoy
elle n'a point deu eftre obligée , iî-
non par vn confentcment volon-
taire. Puis après , comnie ainfifoit
que ce qui foulage ordinairement
cesincommoditésjfoit latendrefTe
desaffediôsdes mères enuers leurs
enfans, il efl; extrêmement difficile
qu'elles ayent ces tendreffes pour
ceux qu elles ont con^eu par vio-
lencercar nous auons naturellement
toute forte de contrainte en telle
horreur , que la haine s'en répand
mefmes deffus les chofes qui en ont
efté produites Et ainfîlamerenon
feulemét demeure chargée de beau-
coup de foins&de trauaux fans con-
folation, mais mefme eft aucune-
ment réduite à cette neceffité , de
(èntir efteindre en elle les afFeâ:ions
de la nature , & conuertir (es ten-
BIBLIOTHECA
0(tavi©n»»V
loo Des Droits des ç^arhges
drefles en haine & en indignation.
Enfin, pource qu'il eft de ladifpo-
fîtion de la nature , que les pères &
les mères laiflent leurs biens à leurs
cnfans, fi par la loy de la police ceux
qui naiflent deviolement fiiccedent
au bien de leurmerc, celuy quil'a
violée , luy a donné vn héritier mal-
gré qu'elle en euft ; ce qui n'eftpas
de l'équité ni de laraifon. S'ils n'y
fiiccedent pas , l'ordre de la nature
demeure troublé par ce moyen ; &
la nicrc outre l'iniuftice qu'elle a
fouiferte en fii perfi^nne, re(^oit en-
core ce defauantage ^ denelaiffer
pasfelonladifpofitionde la nature
l'héritage de fi^n bien à fi)n enfant.
L'autre chofe qui s'enfiiitde ce que
le mariagCjS il n eft commandé, au
moins eft il permis parla nature,
eft que l'adultère cft contre fesloix.
Et cela conftepremierement de ce-
Conjidcration féconde. lor
luy qui fe commet entre vne per-
fonne mariée, 3c vne qui ne l'cil: pas.
Car la perfonne manée viole la ioy
qu elle auoit donnée auparauant,de
denefe conjoindre pouit à d'autre
objet. Or la violation de la foy , ôc
encore folemnellement donnée en
chofes efquelles on la peut donner,
cft contre le droi6b de la nature. Ec
la perfonne qui ne l'eft pas ofte à ce-
luy au preiudice duquel l'adultère fe
commet,cequiluy appartient, non
feulement fans fon confentement,
mais 5 comme il eft neceflairement
àprefumer, contre fa volonté bien
certaine ôc bien véhémente. Ce
qui eft contre la iuftice :, ôc la iuftice
eft du droi6l de nature , comme
nousauonsveu. Puis apres,il confie
encore &: en plus forts termes d? ce-
luy qui fe commet entre perfonnes
qui font mariées des deux coftés.
G 3
îoi Des Droits des Aï ariagcs
Car ainfi il y a des deux coftés& vio-
lation de foy,& iniuftice. EtàlVa
& à l'autre vous pouués adiouter
cette condderation , qu'on fup-
pofeàceluy aupreiudicede cjui l'a-
dultère fe commet , desenfans qui-
ne font pas fiensj pour auoir la pei-
ne ^lefoin de leur nourriture & de
leur éducation j &les introduire en
fa fuccefTion , contre toute forte dç
raifon&deiuftice.
Mais voyons vn peu fur quelles
raifons Platon a fondé cette com-
munauté des femmes. Si,difoit il,
les femmes &: les enfans eftoient cô-
muns j il fâudroit que les biens le
fuffent aufli3& fi les biens l'eftoyenr,
on auroit tranché dans la racine la-
uarice &c l'ambition de ccnx qui
veulent poffeder plus que les autres,
ê^fenuie de ceux quinepofledenç
pas tant. Or eft-ccordinwemenç
ConfiderMion Jccondc. lo 3
de ces deux fources que viennent les
defordres ai les feditions dans les
Républiques. Derechef , dic il, ft
toutes chofes eiloyent communes,
^mefines les femmes (5s:lesenfans,
toute la republique n'eftant qu vne
famille j il y auroit entre tous les ci-
toyens autant d'aftedion &: d'ar-
deur de bonne volonté , qu oa en
void ordinairement entre les frères
&les fœurs en vne mefme mai(or.
Au lieu que les affections eftans rcf-
ferrées dans les familleSjOu au moins
dans les parentés^ comme les maria-
ge les compofent , le relie des ci-
toyens font eftrangers les vns aux
autres, 6c par conlequent fort peu
affectionnés entr'eux. Quant à la
première de ces raiions , le ne me
contenteray pas de d ■ re que la com*
munautédes biens ellablolumenc
impoffible à introduire dans lesRe-
G4
ÏG4 Des T)mts des Àdariaies
publiques 5 ni, comme Ariîtoterd
fçmarqué, qu'elle rendroit les liom-
pies negligens^comme on void pat
expérience que les chofes que Ion
pofîede, ou que Ion doit folliciter
en commun, font ordinairement
abandonnées, chacun fe repofant
deflusfoncompagnône diraymef-
|ne qu'elle eft contre le droit de la
nature. Car les biens font pour la
nourriture èc la fubfiftancedesin-
4iuidus particuliers, èc la commu-
nauté ne fe nourrit point autre-
ment, finon que tous les indiuidus,
chacun en fon endroit, ont de quoy
viure. Il faut donc neceffairemenc
que le bien qui fe recueillera d Vn
champ commun, fe diuife entre les
particuliers , & ainfi encore que le
fonds foit commun, les fruits en
feront diuifez pourtant. L air mef-
ge que nous refpirons, qui ell la
Conjideration Jecande. 105
thofela plus commune du monde
après la lumière , fe diuife par la
reipirarion ^ & à mefure que le lac-
lire dans mon poulmon^ilperd fa
condition de commun, Ôc me de-
uient particulier &c propre. Et fi
quelqu Vn m'empefchoit de 1 atti-
rer à moy, ou pour le diuertir ^ ou
pour fe le vendiquer, il feroit en
cela contre le droit delà nature^qui
me donne cette partie de lair qui
eft la plus prochaine de moy, pour
le rafraichifTement de mon poul-
mon. Il y a plus. l'eftimeque la
diuilion du fonds mefme, eft du
droit de nature , eu égard à lacon-
ftitution des chofes humaines. Car
peut cftre n'eft-il pas impofïible
qu'en vne communauté de vingt
ou trente perfonnes feulement, vn
fonds puifle eftre tellement pofTedé
par indiuis, que les fruits puis après
io6 "Des Droits des z^drlagcs
fe diuifent aux parciculiers , fans
qu'il arriue du defoidre, pource
qu'il ne fera peut-eflre pas extrê-
mement difficile de proportionner
en la diftribution,la melure du fruit
à la mefure du labeur que chacun
aura pris en la culture. Mais en
vne République toute entière, où
les eftatsô*^ les conditions des hom-
mes font a différentes , où les vns
font Laboureurs , &: les autres
Soldats, & les autres Marchands,
& les autres Magifl:rats,& les autres
feruiteurs, foit des Soldats , ou des
Magiftrats, ou des Marchands en-
core, quel moyen y a t'il de telle-
ment adjufter & proportionner les
chofes, que ceux qui ne labourent
point, re-cueillent & partagent les
fruits de la terre pofledée par in-
dmis,auecles Laboureurs, & que les
Laboureurs participent ou au gain,
Confideration féconde. 1Q7
des Marchands, ou aux gages des
MacTiftrats,ou à lafolde & au butin
des Soldacs,auec telle proportiô que
persône ne fe puiile plaindre que l'é-
galité ny ait pas elU gardée? Et fi ce-
la eft impofllble en vne République
quia toutsô peuple en l'enceinte de
Tes murailles, & tout fon territoire
trois ou quatre lieues à lentour,
comblé le lérat'il plus encore dans
les grands empires ? le dis donc qu'il
eft du Droit de la nature , que cha-
cun poffededela terre ce qu'il en a
iuftement de légitimement acquis
parles voyes railbnnables , ôc qui
donnent vniufte tiltreà lapoflef-
fion deschofes. Or fila commu-
nauté des biens n a point de lieu , le
fondement fur lequel Platonvou-
loit baftir la communauté des fem-
mes & des cnfans n'en a point
non plus. Et fi la poffelTion des
io8 Des Droits des A^ariages
biens delà terre par portions diui-
fées felôlesiuftes tiltres qu'on en a,
eftdu droit de nature , la diuifion
& pofTefîion particulière des fem-
mes & des enfans , félonie iulle til-
tre de mariage par lequel on (è les
efl: acquis, eft du Droit de nature de
mefme. Ce que ie prouue par ces
raifons. Premièrement , l'homme
& la femme font tellement rendus
parties l'vn de l'autre par cette con-
jonélion^qu'ilsnefont envne cer-
taine façon quVne mefme chofe
Et s'ils ne font qu'vnc mefme
chofe , il eft du Droit de nature,
qu'ils communiquent aux biens
Tvn de l'autre, ce qui ne peut eftre
files femmes font communes,&:les
biens diuifés aux particuliers. Puis
après , il eft du Droit de la nature
que les pères nourriifent leurs en-
fans , ôc que les enfans lucc^dent au
Conjideration jeconde. lop
bien de leurs pères. Or comment
cil- ce que cela fe fera fi lesenfaas
font communs , de forte qu'il foie,
comme il fera, impoflible abfolu-
ment de les alïigner chacun au père
qui les a engendrés rEn fin^fi la iuftc
pofleifion d vne chofe quei'ayac-
quife , la rend tellement mienne
qu'il foit contre le Droit de la natu-
re de m'en dépofTeder, ou delà vou-
ioirpoffederauec moy communé-
mentjCertesleschofesqueiacquiers
ou de mon trauail ou de mon ar-
gent, ne font pas tant à moy, que la
femme que ie me fuis acquife par
cette conjondièn , ni que les cn-
fansquienfont procédés. De for-
te quil fera encore beaucoup
plus contre le Droit de la nature^
que quelqu'vn me les olle, ou pour
les polfeder communément aucc
moy , ou pour me les rauir tout à
iîô T>es Droits des aJ^Iariages
fait. Que fi quelquVn difoit icy qu'il
n'eft point contre le Droit de la na-
ture, quVn autre vienne auec moy
iôiiir en commun du bien que ie
pofrcde,pourueu que i'y confente^
& qu'il en fera ainfî de la commu-
nauté des femmes &: des enfans,
pourueuque tous y apportent leur ;
contentement , il y a deux chofes à
refpondre. LVneque nousprefup-
pofons icy ce que aousauons prou-
ué cy deifus , que la diuifion des
biens eil; du Droit de nature. Ot
n'implique t il pas contradidtionà
la vérité 5 qu'vn homme en admette
deux ou trois autres à la poifeifion
de fon bien par indiuis^ô»: que neât-
moins les biens demeurent en quel-
que façon partagés & diuifés. Car
s'ils font indiuis entre ces trois , au
moins font ils diuifés à Tégard de
tous les aucres.Mais d'admettre vni-
Conjideration féconde. tn
ueifellement tout le monde à la
coinunautédemesbiens3& neant-
moins les pofleder en particulier jCe
font chofes entièrement répugnan-
tes &conrradi6loires. Or veut Pla-
ton 5 non qu'vne , ou deux , ou trois
femmes, foyent communes à deux
ou trois hommes feulement j mais
qu'elles foyent communes indife-
remmenr.Comme donc ie ne fcau-
rois par le droit de la nature , don-
ner de confentement à l'abfolue
communauté de mes biens, ainfî
^ie n'en f(^aurois donner à l'abfolue
communauté des femmes Se des en-
fans. La féconde eft, que l'homme
parlaconjondion auec la femme,
fe l'acquiert en telle fac^on , auela
femme (e l'acquiert auili au réci-
proque. De forte que le mariage
n'acquiert pas feulement au mary
ivti certain droit qui luy oblige fa
uz Des Droiéîs des Mariages
femme ; la femme y en acquiert
aufli vn qui luy oblige fon mary.
Et bien quily ait vne grandiflime
différence entre la relation des en-
fans au père , & celle de la femme au
mary, en ce que la relation de la
femme au mary cft en quelque fa-
<^on d'égalité :, au lieu que celle des
enfansau père eft d'inégalité toute
entiere.Ia nature pourtant ne laiffe
pas d'auoir conftitué certains droits
entr'eu x , contre lefquels le père pè-
che s'il les viole. Car pour exemple,
vn père ne peut pas defauoùer & re-
jetter vn fils fans bonne raifon,
quand il n a commis aucune defo-
beiffance ni rébellion , & s'il le fait,
il pèche contre les droits delà natu-
re. Ni le mary donc ni le père n'a
pas tel droit deffus fa femme ni def-
fusfes enfans,pour donner de tels
confentcmens., quVn Seigneur a
delTus
Confiàcration féconde, 115
deflus fon héritage, fur lequel il a tel
droit que l'héritage n en a point du
tout defl'us luy j mais dépend ^ pour
cequieftd'efirepofledédeluy j ou
de ne Tellrc pas, de fa volonté tou-
te pure. Ainfi ne peut on donner
ce confentement, fans difpofer des
chofes qui ne font pas en noflrc
puiffance abfolue , fans violer la iu-
ftice,6^ par confequént fans pécher
cotre les droits de la nature.Poutce
qui eft de la féconde raifonde Pla-
ton , autre eft Taffedion que nous
portons à nos concitoyenSjentanc
que ce font nos concitoyens, & au-
tre celle que nous portonsà nos pa-
rens, à caufe de l'affinité ou de k
confanguinité. LVne eft fondée fur
cette confideration , qu eftant tous
dVn mefme corps politique j qui
tend à vne mefme félicité politique
demefmc, nous deuons touscnâ-»
H
114 Des Droits des <iJMarîages
cun en fon endroit contribuer à ce
huty&c par confequent eftre bieni:
d'accord les vns auecjes autres , &i
nous entre-vouloir & procurer du
bien. L'autre ne dépend pas de là,
niais de ce qu'eftant defcendus d'vn \i
niefmeeftoc^nousfommesen quel-
que fac^on vn en luy, & ^ comme dit
l'Efcriture, chair de la chair, &os^
des os les vn s des autres. C'eft a dire,i
que nous auons entre nousvnetellç
communion de fang, qu'aimer nos
parensj c'eft en quelque fac^on ai-
mer noftre propre chair & nous
niefmcs. Or eft il bien vray que plus
on peut rendre cette aiFecStion poli-
tique inuiolable, & plusenreuient
il de bien à la focieté; mais il faut
que ce foit par des raifons ^ des
confiderations prifes du but auquel
la police tend , qui eft la félicité de
la republique, dans laquelle celle do
Conjideration féconde, 115
chaque citoyen eft enclofe. Pour ce
quieftde l'affedtionquivient de la
confanguinité,clIe n'y eft pas ne-
ceflaire Mais quand elle y appor-
teroit quelque vti lité, tant s'en faut
que la communauté des femmes y
contribuaft, qu'elle y eft directe-
ment contraire. Car les affedtions
que le mariage engendre font ou
deconfanguinité , qui feprouigne
par lesenfans 5 ou d'affinité , qui lie
auec nous les parens des femmes
aufquelles nous nous conioignons
par mariage. Pour ce qui eft de la
confanguinitéj ni les pères ne peu-
uent auoir de vrayes affedtions pout
leurs enfanSj ni les enfans pour leurs
pères , s'ils ne s'entreconnoifTent
point. Or comment s'entreconnoi-
ftroyent-ils en cette naiflance fî
confufe,& fi indéterminée quivicnc
delacomunautédes femmes ? Cela
H X
ii6 D es T)roits des Maria^^es
donc eft retrancher les affedioni
de confanguinité dans la racine.
Quant aux freres,ils ne fe reconnoi-
(Iront frères que de mère feule-
ment , fi au moins l'éducation leur
permet de fc^auoir de quelle merc
ils auront efté enfantés. Et pour ce
qui eft des oncles & des coufins ger-
mains, ils n'auront aucune con-
noiffanceles vns des autres , finon
extrêmement tenebrculè , impar-
faite, & douteufe, ce qui ruine en-
tièrement lafFedion. Pour ce qui
eft l'affinité^comme on dit que ceux
qui pafTent p;vr les hoftelleries en
voyageant , font beaucoup de con-
noiflances, & peu d'amis, pourcc
quel amitié ne s'acquiert que parla
conuerfation dVn temps afles con-
fiderable , ainfi pourroit on bien
dire que ceux qui fe ioignent à plu-
fieurs femmes, font beaucoup d af-
Conjtderation féconde. ny
finîtes , mais qui ne font fuiuies
d'aucunes affections , pourcc que le
fréquent changement les empcichc
de s'enraciner. Comment de s'en-
raciner? La communauté des fem-
mes les empefche de germera de
naiftre en fa^on quelconque. Car
fila femme à laquelle ie me con-
joins^eft née dans cette communau-
té j ne connoiflant point fon père,
ie ne connoiftray point fes parens
paternels, & bien que ie connoifle
là mère , ie n'auray ppis plus de con-
noiflance de fes parens maternels
que des autres. Que fi quelqu'vn di-
foit icy pour Platon,qu encore qu o
ne connoifle pas fes plus proches, fi
iqait-on en gênerai qu'on eft tous
parens, il fera aifé de luy refpondre
que les parères vagues & indctermi-
nées,&:defquelles nous auons peu de
diftin6te connoiflance , n engen-
1 18 DesD roits des. Mariages
drent aucune affection 3 & que meA
mes les parentés certaines , à mefure
qu'elles s'éloignent, les laifTentef-
facer déteindre tout à fait. De for-
te qu'en vne republique tant foie
peupopuleufe^oùla communauté
des femmes auroit lieu, la parenté
n'auroit pas dauantage de vertu
pour créer de rafFe6lion:,quela con-
iideration de cette commune con-
fanguinké,quilie tous les hommes
entr'eux, en produit maintenant
entre ceux qu^ ont cette créance,
que nouslommes tous formés d'vn
mefme fang , & defcendus d'vn
mefmepere.Ce quin'empefchepas
les querelles entre les ellrangers, ni
lesfeditions entre les concitoyens,
entre qui neantmoinsil eft impof-
fîble que cette ancienne parenté ne
fe foit renouuelée par diuerfes al-
liances, le dis donc au contraire.
Confderation féconde, iip
que la détermination de certains
objets, auec qui on le conioigne,
eftplus capable de contribuer à ce
qu'il y ait aftcdbion &: bonne intelli-
gence entre les concitoyens, que la
communauté des femmes. Pour ce
que les parentés eftans dillin6les&:
dilHn6tement connues , chacune
redouble les affedions entre ceux
qui s'entiretiennent par le fang^ 6c
les alliances qui fc font de parenté a
parenté , les lient eftroittement les
vnsauec les autres. Mais confide-
rons la cliofe vn peu de plus prés^ &:
voyons fi la conjondlion de l'hom-
me & de la femme hors le maria^-é^
eftabfolument illicirepar ledroi6t
de la nature. Cette conjondtion
donc, difent les lurifconfultes, eft
ordonnée pour deux fins L'vneeft
la procréation des enfans \ l'autre
eft le foulagement de la fragilité
H 4
no Des Droits des ty^^ritiges
qui paroift en l'incontinence de
^^on^mc , par la iouy fiance dVnc
légitime volupté. Or quant à ce qui
clïde la première, dmerfes raifons
nous induifent à croire que le droiç
de la nature rend le mariage necef-
faire en cet égard. Premièrement,
Te^jccellence de noftre eftre au def-
fus des belles , requiert neceflaire-
ment qu'il y ait quelque diftmdion
entr'elles àc nous^ pour la procréa-
tion de nos enfans. S i donc nous les
femons indeterminément en tou
tes fortes d'objets, qu'elle différence
yatilençet égard entre nous & les
belles f Puis après, le père & la mè-
re concourent tellement à la géné-
ration ^ que le père neantmoms y
cft confideré comme la principale
caufe. Si donc il eil du droit de la
nature ^ comme aucun ne le peut
nier, s'il ne veut cftre redargué pat
Confiderdtion féconde. iti
les belles mefmes, que l'engendrant
^ime ce qui eft engendré de luy.ces
affedions naturelles doiuent eilrc
au père &: en la mère égale ment.Or
comment le trouueront elles dans
les pères jS ils n'ont point de certai-
nes connoiflances que tels ôc tels
foyent leurs enfans ? Et comment
enpeuuent ilsauoir s'ils (e meflent
indifféremment auec toutes fortes
d'objets, qui feront aufli communs
à vne infinité d autres? Entre les be-
lles, à la vérité les malles ne paroif
fent pas auoir ces affeâ:ions comme
les femelles. Mais c eft pource que
n ayans point de raifon , ils n'ont
point d'objet determiné,ni decmi-
noiflancc de la production de leur
femçnce. Que fi la nature leur auoit
donné quelque cftincellc de raifon
ôc d'intelligence , ils feroient tout
çç qu'ils pourroicnt pour auoir
lit Des Droits des Mariages
quelque certitude du fruit quils au-
loyent engédré Et pource que cela
ne fe peut autrement que par la dé-
termination de certains objets, ils
cilayeroien t à fe les aftedler particu-
lièrement par quelque efpece de
mariage. Puis donc que l'homme
a receUj non vne étincelle feule-^ ;
ment, mais vne grande abondance
d'intelligence & de raifon, il dé-
générée ferabaifle infiniment au
deffous de l'excellence de fa natu-
re, s'il néglige d'auoir vne certaine
connoiffance de fon fruit. En troi-
fîefme lieu, outre ce que les affe- -
(Sbions naturelles portent ceux qui
engendrent à la nourriture de ce,
qu'ils ont engendré, le droit de la .
nature les y oblige , quand ils n'y
feroient pas fi afFe6tionnés. Et de
cela elle nous a fourni vn enfeigne-
ment indubitable j en ce qu'elle a
Conftderatïon féconde. 1x5
donné des mammelles aux fem-
mes , qu'elle remplit elle mefme
de leur propre fang , elabouré de
telle force , qu'il ferc à ces créatures
«ncore cendres, d'vn merueilleufe-
nient excellent & conuenable ali-
jiienr. De manière qu'elle a vou-
lu _, non qu'elles nourriifent leur
fruit feulement , mais qu'elles le
nourriffent de leur propre fub^
fiance. Or ce qu'elle a pratiquç
à l'endroit des femelles, eil vn en-
feignement indubitable aux martes,
du deuoir auquel ils font obligez,
car ils ne font pas moins auteurs de
l'eftre de leur fruits qu'elles \ Ôc lî
la nature les a defcliargezôc de l'in-
commodité de porter eux-mefmes
leurs enfans dans le ventre, &: de la
peine de les nourrir de leur propre
làng , ils n'en font que plus étroi-
tement obligés d'employer l'indu-
114 "Des Droits des Q^arlages
ftrie de laquelle la nature les a pour^
ueus , à fournir à la merc , qui ne
peut trauailler pendant tout ce
temps, dequoy faire du fang pour
nourrir leurs communs enfans, &"
reparer la fubftance qu'ils empor-
tent. Deuoir au refte duquel ils ne
fè peuuent acquitter , s'ils n*ont
point de certaine connoiflance qu«
tels & tels enfans leur appartien-
nent 5 & ainfi ils manqueront aux
affedions de la nature, ôi commet-
tront vne injuftice quant ôc quant ,
en ne fourniflant point aux enfans
ce qu'ils leur doiuentj&laiflant à la
mère cette charge toute entière, au
lieu que par le droit de la nature
elle n'en deuroit porter que fa part.
Finalement , comme nous auons
veu cy-defTus, l'homme eft né pour
la police, 6c pour la religion , & doit
auoir naturellement des incUna*^,
Conjtderation féconde, ti$
tions pour la conferuationdervne
ôc de l'autre ; pource que l'vnc eft ce
qui luy communique la félicité
dont il eft: capable en la terre , &
l'autre luy donne lafleurance de
celle qu^il peut defirer au Ciel. Et
derechef, pource que IVnea pour
but le bien des autres hommes fes
femblables, aufquels il efl; obligé
par beaucoup dedeuoirs>, & l'autre
a pour objet la Diuinité, à laquelle
il efl; tenu de toutes chofcs. Or ces
inchnations ni ces deuoirs ne fe ter-
minent pas enfaperfonne, ilspaf-
fent aufii iufques deflus fes cnfans,
&$'il eft tenu de les nourrir pen-
dant leur basaage, il eft encore
plus obligé de les inftruire^quand
ils font capables dmftru6i:ion5à ce
qu'ils puiffent deuenir tels qu'ils doi-
ucnt eftre pour s'acquitter de leurs
deuoirs en tous ces deux égards, ô^
Il (> DesD roits des Ad aria les
o
paruenir à la iouiflance de 1 Vne &
de l'autre félicité , que ces deux for-
tes de focieté, politique & religieu-
fe, promettent. Et comme cette in-
ftitution eft propre à l'homme à
caufe de l'excellence de (a nature, au
lieu que la nourriture par le fang, &
les autres chofesdeftinéesàcela,luy
eft commune auec les autres ani-
maux , la nature qui nous a faits
hommes, nous a encore beaucoup
plus eftroittement obligés en cet
égard , quelle n'a fait en l'autre , en-
tant qu'elle nous a faits animaux.
Or comment s'acquittera l'homme
de ce deuoir fî fa pofterité luy eft in-
connue ? Le mariage donc eft abfo-
lument du droit de la nature, eu
égard à la première de ces fins.Reftc
la féconde, fur laquelle nous auons
à faire diuerfes confiderations. La
première eft que la nature doit eftrc
Confderation Jccondc, nj
confiderée en deux manières jc'eft
à fçauoir, entière ôc vuide de vice &
de corruption i &c puis après, alté-
rée par quelque deprauation. Or
quelle que foit la caufe qui nous a
produits en eftref& nous auons veu
cy defTus quil faut que ce foit la Di-
uinité j il n'y a point de doute qu el-
le nous a produits en ce premier
eftat. Elle eft trop bonne, trop Tagc,
trop fainâ;e,& trop puifTante, ayant
deflein de créer vne nature , dont
Texcellencc des facultés leleue in-
finiment au deflus de toutes les
autres vifibles , pour la créer, non
imparfaite feulement , mais en-
core corrompue & vicieufe. Or
en cet eftat de perfection ^ à
proprement parler ^ iln'ypouuoit
auoir d'incontinence, tous les ap-
pétits corporels eftans entièrement
aflujettis a la raifon. Ainfi la fin
Ïi8 T>es Droits des ^dria^es
de la conjoncSVion de l'homme aued
la femme, euft efté vnique pour la
génération des enfans j &c partant
cette féconde n'eft que fubalterne,
&c furuenuë par laccident de la
Corruption , de laquelle la nature
humaine eft altérée. Si donc le ma-
riage eft abfolument du droit delà-
nature, eu égard a cette première
fin^de fac^on que hors de luy la con-
jon6tion de l'homme & de la fem-
me foit entièrement ilUcite, il n'y
peut auoir aucune raifon que cette
fin fubalterne , qui n'eft venue que
par l'accident de la corruption, la
rende légitime & non vicieufe. Il
faut que la chofe demeure telle
qu'elle eftoit en elle mefme, & que
s'il y furuient quelque chofe de
nouueau , ce foit la liberté d'vfèr
du mariage pour la volupté, au lieu
quauparauant& félon la première
iufticution
Conjîderation féconde, 115)
inftitution delà nature, iln en fal-
loir vfer que pour la procréation de
la lignée. La féconde efl:,que quand
^ne chofe a deux fins , l'vne princi-
pale & plus naturelle , l'autre qui
i'eft moins , il ne conuient pas à
i'inftitution de la naturejors qu'on
i la connoilfancedel'vne&del'au-
:re de ces fins, d'y fuiure la moins
principale, à l^entiere exclufion de
:elle qui I'eft dauâtage. Pour exem-
ple, la nature a mis dans les viandes
deux chofes : l'vne eft, la qualité
ilimenteufe qui les rend capables
Je fuftenter nos corps : l'autre eft
la douceur du gouft ^ qui cha-
LoiiiUe de quelque volupté quand
jnen vfe. le dis donc que fi la na-
ture ne nous défend pas en cher-
chant dans lesalimensnoftre nour-
riture, d'y auoir par acceflbire quel-
que égard à la volupté , au moins
I
I
0
11
130 TDes Droits des Aiariagcs
certes nous défend elle d'y auoit
tellement égard, que nous n'yfaf-
fions aucune confîdcration de no-
flie nourriture , & du befbin que
nous en auons. Autrement c'cft
pcruertir la dcftination de la natu-
re, & conuertir en principal ce qui
n'cftoit que Taccefloire feulement
& faire fi peu de cas du principal^
que mefmes on n'enfaffe pas vn ac-
ccflbirc. Veu donc que la princi-
pale & plus naturelle fin de la con-
jon6tion de l'homme auec la fem-
me , eft la génération, la nature
nous défend d'en vfer fans y faire
aucune confideration delà généra-
tion, & des enfans qui en peuucnt
naiftre. De fait, quiconque fe con-
joint à vne femme hors mariage, (c
met en vneuident péril d'encourii
tous les mcoucnicns que nous auon!
cy-delTus remarqué dépendre dV
ConfderatUn féconde. 131
ne eeneration vague & indecermi-
n / ri
née. La croifieme Conuderation
eft, que quand la nature nous au-
roic permis de ne regarder en cette
adion finon à la volupté feule-
ment , fi eft - ce que puis que nous
femmes hommes, cette volupté de-
uroiteftre fujette au gouuernement
de la raifon. Car elle eft de la natu-
re de ces chofes fur lefquelles nous
aaonsveucy-deflus que la raifon a
delà domination. Orbienquela
raifon doiue déterminer des autres
circonftances qui doiuent régler
l'vfage de cette volupté , comme eft
le lieu, le temps, l'occafion, & le*
autres chofes femblables, fi n'y en
a t'il aucune en qui il luy conuien-
ne tant de faire paroiftre fon intel-
ligence dans les règles de ce qui eft
honnefte & beau, quela détermi-
nation de l'ob j et. Non feulement
I 2.
1
Cl
13 1 Des D roits des JUarUocs
parce qu'en toutes les allions mo
raies elle a principalement égard;
la nature de l'objet, mais encore
pource que quand elle n'y auroi
pomt tant d'égard dans les autre
aurions morales 5 elleyendoitauoi
vn particulier en celle cy. Et la rai
fon en eft , que de toutes les circon
fiances dont lobferuation ou h
négligence peut contribuer quel
que chofe à rendre cette a6lion 01
bonneftc ou deshonnefle morale-
rnent , il n'y en a aucune ou qu
nous approche, ou qui nous reçu
le tant de la nature des beftes, que
la détermination ou l'indetermina
tion de l'objet. Car il n'y a rien qu
témoigne tant en cela la brutalité
&la feniualité des chenaux , que der
hennir & de s'emporter vniuerlelle
ment à toutes rencontres. La qua-
triefme finalement eft, que ceux!
il
C onjtdcnttion féconde. 135
|ui fe conjoigiiearj le font, ou à in-
cntion dauoir des eufans ^ ou à in-
:cnaon leulemenc de contenter
CUL" conuoitife par la volupté. Si
j'elt à intention d'auoir des en-
LvAs, ceft de l'inllindt Ôiàxi mou-.
Liemenc de la nature qu'il arriue,
ique tous ceux qui font ailociés
en la production de quelque ou-
urage^acquierent par cette commu-
nication certaines aftedlions , qui
demeurent, mefmes après l'opcra-
ition. Les collègues dans les char-
ges, ceux qui trauaillent enfemble
idans les ouura2:es des Arts, &:o-ene-
ralement tous ceux qui contribuent
chacun de leur part à la produdion
de quelque effe6t confîderable , en
y vniffant leurs foins & leurs tra-
uauXj y vniiTent aufli leurs afFeôtiôs
&leurs incUnatiôs enfemble. Or eft:
la génération des enfans , fansdif-
13
ÎJ4 '^^^ Droits des Adariagcs
ficultéjlc plus bel ouurage du mon-
de. Et partant , il conuknt aux
mouuemens de la nature, que ceux
qui fe conjoignent pour y contri-
buer , y acquièrent des affedions
réciproques , qui demeurent per-l
manentes , melmes après l'ade de
la génération. Et ce d'autant plus,
que dans tousles autres ouurages lesJ
ouuriers ne ioignent que leurs foins "
de le trauail de leurs mains, au lieu
quen cettuy-cy l'homme & la fem-
me deuiennent en quelque façon
vne mefme chofe entr'eux ^ ôc s'v-
niffent tellement en leurs enfans,
qu ils n'y compofent abfolument
qu'vne mefme perfonne , dans la- ^
quelle ils fe font prouignés égale-
ment. Et véritablement la nature
parle icy merucilleufement haut.
Car dans les perfonnes raifonna-
bles^ auant cette coniondion , il y
Conjtderation féconde. 13J
' a de merueiUeufement ardentes af-
fections , & qui iurpailent les forces
ôild véhémence déroutes les incli-
nations du monde. Et depuis la con-
jondion , cesafFe6tions demeurent
Il fermes , &c fi confiantes dans le
mariage , qu'il n'y a point de ii
eftroit lien dans la (ocieté de tout le
f^enre humain. Or en ces conjon-
cl:ions vagues, & qui changent fou-
uent d'objet, ni il n'en eft, ni il n'en
peut pas élire ainfi. Quelque ardeur
qu'il y ayt dans les aftections auant
la conjondlion, elles demeurent en-
tièrement éteintes après , & mefmes
fe toui^nent afles fouucnt en haine
&: en me(pris , ce qui eft dired:e-
ment contre la difpofition de la na-
ture. Si ce n eft point à intention
d'auoirdesenfansj mais feulement
pour aflbuuir la conuoitifejpuis que
toutauflî toft quelle eft afTouuie,
14
13 <? Des Droits des JMarïages
ceux quife font approches fefepa-
rentauflîvuidesd'affedion que les
animaux delhtués de la raifon,
( quoy que les Naturaliftes difenc
qu'entre quelques vns il y a quelque
elpece de mariage , comme entre
les tourterelles, & les clephans )&
que feparés qu'ils font de la forte , ils
Viennent après pour les mefmes rai-
fons, à fe coupler auec d'autres ob-
jets , & puis à d'autres, & puis à d'au-
tres encore fans dil1:ina:ion& fans
arreft , iene voy pas qu'elle diffé-
rence il y ait en cet égard entre les
hommes ôiles bell:es,qui n'ont auilî
point d'autre but en leurs adions,
que laffoumiTement de leur vo-
lupté, &n ont point d'autre règle
pour le chois des objets auec lef-
quels elles la veulent affouuir , que
celles que leur fournit vne paffion
erratique & {ans iugement, ou vnç
Confideration Jccondc, 137
rencontre fortuite Ôc vagabonde.
Veu donc que comme le Tay re-
marqué diuerfes fpis , la conjon-
dion de 1 homme ôc de la femme
lie de Tvn à lautre vne ii étroite cô -
munion, qu'ils deuienncnt en quel-
que iorte partie l'vn de l'autre réci-
proquement, elle ne peut eftre ainii
volage, indiicrecte, & ians arrell, 6c
dépendante de la volupté , comme
de lonvnique fin , que première-
ment chacun ne s'abaifle bien loin
audelîous de la dicrnité de Teftre
que Dieu luy auoit donné. Puis
après qu'il ne fe deshonore encore,
eu Te faifant volontairement os des
os de chair de la chair d vne perfon -
nequis'eil ainfi auilie bienloinau
deflbus de l'excellence de fa nature.
Partant foit que Amplement on y
recherche des enfans , foit qu'on y
aitaufliégardàla fragilité humai-
i^S Des Droits des Aîariages
ne, félon le droit de la nature cette
forte de coniondrion doit eftre en-
tre les objets déterminés ik choifis
auec meureté de iugement , & refo-
lution de demeurer ferme en l'cle-
d:ion quî en a vne fois elle faite.
Maintenant il nous faut parler du
nombre de ces objets, &: voir s'il cft
permis d'en auoirplufîeursenmel-
me temps , ou fi n'en auoir qu'vn
eft de la difpofition du droit de na-
ture.
»35>
fil fi\ ti\
CONSIDERATION
TROISIESME.
Si le mariage d'ojn auec ojne cFl àa
'Uroit de Nature.
L faut examiner quatre
queftioRs en cetteConfi-»
deration.Sil eft permis d'a-
uoir plulieurs femmes fiiccefime-
ment les vnesaux autres, quand les
premiers mariages ont efté diflous
par la mort. S il eft permis d*en
auoir plufîeurs fucceilmement les
vnes aux autres fans mort^ le maria-
ge cftantdiffous par lediuorce fèu-
îtmcnt. S'il eft pcrm.is d'en auoir
140 Des Droits des (J^'^y'tages
plufieurs en mefme temps, mais
d'inégale condition, les vnes fem-
mes & les autres concubines. Et en
fin , s'il ell permis d'en auoir plu-
fieurs en melmc temps, toutes éga-
les en condition. Or quant à la pre-
mière de ces quefl:ions,queIques vns
ont autrefois condamné les fécon-
des noces entoures fortes de per~
fonnes,comme Tertullien,& main-
tenant il y en a encore qui ne les ap-
prouuent pasen certaine forte de
gens, tels que font les Miniilres de
l'Eglife. Ce qui fans doute a cité auf
fi le fentiment de plufieurs en lan-
tiquité. Pour ce qui ell de Tertullic,
très afleurement il n'a pas bien con~
fideréce qui eft du droit delà dif-
pofition de la nature. Car puisque
le mariage eft conftitué pour ces
deux fins , l'vn la génération des
enfans , l'autre , le remède à l'ia-
Confideration troijiejme. 141
continence, fi la mort d'vne pre-
mière femme oftoitàfonmary qui
(uruir , ledefir d'auoir des enfans,
ou fi elle luy donnoit le don de con-
tinence, peuteilrelobligeroit elle
en quelque manière à ne fe rema-
rier pas. Mais puis qu'il peut arriuer
quelemary fiiruiuant, demeure par
ledecésde fa Femme, pour ce qui
regarde ou le befoin ou le defir d'a-
uoir des enfans , au mefmeeftat au-
quel il cftoit lors qu'il s'eft marié
premièrement , il elt de la difpofi-
tion du droit de la nature qu'il y
pouruoyc auffi de la mefme fac^on.
Car tout ce qui peut empefcher que
la conjondVion d'vn homme auec
vne femme foit licite , les circon-
ftances du temps , du lieu , èc s'il
y en a encore quelque autrc,y eflans
obferuées, confifte au chois de lob-
jet. Et n'y peut auoir de vice au
14 i T^es Droits des tJHariagcs
chois de lobjet, fînon ou qu'il cfl:
vague & indéterminé ^ ou qu'en-
core qu'il foie déterminé comme le
mariage le requiert , par les affe-
(Stions &par la promefTe, fi eft-ce
que celuy qui le choifit n'eft pas en
fa propre puiflance. C'eft à dire ,
qu'eftant défia conjoint à vn autre,
il n'eft pas le maiftre de fon corps ,
puisqu'il l'a engagé ailleurs par la
foy de mariage. Or icydefi^rmais
nous fiippofons que l'objet eft dé-
terminé comme il faut. Et quant à
e(keen fa propre puiflance, à la vé-
rité tandis que la femme vit, le ma-
ry n'eft pas le maiftre abfolu de fon
propre corps; mais elle morte, qui
peut douter qu'en mourant elle ne
l'ait laifle en vne liberté toute en-
tière ? La mort deftruifant l'eftre
de laperfonncj détruit auffi toutes
fes relations, & annuUe toutes ces
Conftdcration trolfcfme. 145
fortes de liaifons & de communions
qu elle pouuoit auoiren la vie. Or
ce que ie dis du mary , doit eftrc en-
tendu de la femme pareillement > la
raifon en eftant tout à fait fembla-
ble. Ce n'eft pas qu il n'y ait icy
quelques bienfeances à obferuer,
qui pource que ce font des bien-
feances , font aufli en quelque fa-
çon du droit de la nature. Caren-
cor que la mort diflolue le lien du
mariage en vn moment , il n eft pas
de rhonneftcté pourtant , qu'elle
diflolue en vn moment les afFe^bios
& le fouuenir de l'alliance précé-
dente. Naturellement lesamitiésj&
toutes forces daffedions bien & lé-
gitimement contrariées, nes'abo-
liflcnt que par trait de temps, &nc
fe détachent finon lentement
des facultés de nos efprits ou elles
seftoyent attachées, C'eft pouf;^
Î44 -^^-^ DroiÛs des Mariages
quoyileftde 1 honnefteté delana-
ture , de laifTer écouler quelque
temps raifonnable auant que de fc
remarier. Et les femmes y font en-
cor plus obligées que les hommes,
pour deux railbns. LVne, que la na-
ture leur doit auoir donné plus de
retenue en l'accomplifTement de ce
defir. L'autre qu'il eft neceflairede
fçauoir s'il ne refte point en elles
quelque fruit de la conjondtion
précédente. Car Ci le mary a laifTé
fa femme enceinte, pourccqu'il re-
uit dedans fon enfant, & que tan-
dis que l'enfant eft au ventre, il n eft
réputé qu vne mefme chofe auec la
mère, elle demeure encore en quel-
que fac^on vne mefme chofe auec
fon mary, iufques à ce que l'enfant
eftant feparé d'elle parlanaiffance,
tous ces liens coiugaux qu'elle auoit
auec fon mary, foient rompus. De
forte
ConfideTcttlon troîfejme. 145
forte que c'eftauec beaucoup defa-
^e (le qu'on a eftabli ces conftitu-
tions Ecclefîaftiques , qui défen-
dent aux femmes les fécondes no-
ces , iufques à ce qu'il (e foit paffé
vn temps affcs raifonnable pour fai-
re connoiftre entièrement fi elles
font enceintes ou non. Mais cette
bienfeance obferuée , il ne peut
refter de doute que par les loix de
la nature , le fécond mariage ne foie
permis. Car quant aux fpeculations
queTercuIlien fait là deffus^ccfont
pour la plufpart ieux de fon efprit,
& s'il y en a quelques autres qui ne
méritent pas abfolument ce non de
ieux,tantyaqu elles n'ont aucune
folidité confiderable. Ors'ileftdu
droit de la nature indifféremment
pour toutes fortes de gens, qu'il foie
permis d'auoir plufieurs femmes^
pourueu qu'on les aie fucceffiue-
i4<î Des D roits des Addriages
ment ^ ie ne voy point de raifori
pourquoy on doiue priuer de cette
liberté ceux qui font employés au
minifterede l'Eglife , pourcequd
le miniftere de l'Eglife de foy ni
n'empefche pas en eux le befoin , ni|
néteintpas ledefirdesfecodesnop
ces. l'aduoue que comme en toutes
autres chofes , en cellecy encore no-
tamment, ils doiuent vfer de plu^
de retenue & de circonfpe6tion que
les autres, à caufè de la granité de
leur chai ge.Ie ne nie pas mefm e que
i\ abfolument ils fe pouuoyent paC-
ferde mariage, il nefuftplus expé-
dient pour eux ,afin de sacquiter
des fondlions de leur miniftere plus
alaigrement, de renoncer non feu-
lement aux fécondes , mais mefmes
de s'abftenir des premières nopces
Mais puis que le defir d'auoir des
enfanseft naturel, iln'eft pas con-
ConJiJeration troïjicfme. t^y
uenable aux loix de la nature de leur
en ofter la liberté , fi eux-mefincs
n'y renoncent volontairement. Et
puis que cette forte d'incontinence
eil: vnc efpece de maladie y à la gue-
rifon de laquelle le mariage a efté
deftiné , s'ils n'en font pas guéris , il
ne femble pas non plus eftre de l e-
quitéde la nature y delespriuerdu
remède. Auflî fcait on bien dans
quels inconueniens l'ordre Eccle-
fiaftique eft tombé , pour auoir en
cela voulu fuiure des loix qui ne
s'accordent pas auec les difpofîtions
delà nature. Venons maintenant à
la féconde queftion.
Pource que le diuorce a efté per-^
mis entre les Grecs & les Romains,
natiôsquifemblent auoir le mieux
reconnu ce qui cft des droits de la
nature, comme il paroiftpar les li-
ures qu'ils ont écrits de la Philofo-;
148 T^cs Droits des ^^artages
phie morale , & par la lurifpruden-
ce qui a donné tant de réputation
principalement aux derniers , il
pourroit fembler à quelques -vns
qu'il n'y a rien qui en choque la dif-
pofition en cette couftume qu'ils
ont pratiquée, de fe remarier après
s'eftrefeparésd'vne première fem^-
me^pendant qu'elle eft viuante Et
pource que Dieu mefme l'auoit
ainfi permis parmi le peuple d'I-
fraël 5 il pourroit fembler encor que
k iugement qu'ils en on fait,auroit
efté confirmé par l'authorité de
Dieu mefme.Mais pour ce que lefus
Chrift par reftabliflement de la re-
ligion dont il eft auteur , a condam-
né le diuorce j excepté celuy qui (è
fait pource que l'vn des conjoints a
violé fa foy, il faut neceffairement
que ce qu'ilenaordené foit fondé,
ou bien fur ce quil a voulu donner
I
Conftderation troifefme. 149
à ceux qui fuiuroyenc fa religion,
desregles de leurs deportemenSj qui
éleualient leur faiiicteté au délias
de la meiure 6c de Tellenduë de cel-
le qui eit prefcrite par la nature , oa
qu yayanc dans le diuorce quelque
choie contre le droit de nature , il
ait voulu réduire l 'S chofes aux ter-
mes de leur origine, &: de la premiè-
re antiquité. Or trois raifonsnou-s
font voie manifeftement que c'eit
I fur cette féconde confideration
! qu'il a fondé fa deftenle de feparer
: le mariage par le diuorce , excepté
i en cas de violation de lafoy. L vne
I efl: qu'il dit aux luifs que Moyfe
i le leur a ainlî accordé à caufe
i de la dureté de leurs cœurs. C eftà
dire, que s'il n'y euft point eu de
mauuaife difpofition dedans le
cœur des luifs, & encore mauuaife
difpofition déterminée & comme
K3
ijO TDes T) roits des Àdariages
iiiuinciblc^Ie Legiflateur en cuft dif-
polé autrement, il faut donc que
cette conilitution air efté accom-
modèe^ non aux droits de la natu-
re, de laquelle fî lesluifseuffentfui^
ui les mouuemens par la raifon :. ils
n'euflent point eu befoin de cette
loyj mais à la prudence politique ,
qui permet quelquesfois vn moin-
dre mal pour en cuiter vn plus grâd^
ou qui ne pouuant retrancher
le mal tout à fait , le limite & le
rétreint entre certaines bornes , à
cequil nedeuienne pas pernicieux
à la focieté. Et comme ainfî loit
qu'il y ait de deux fortes de permif-
fîons d'vne chofe ; l'vne , qui la
rend licite, de forte que celuy qui
la fait ne pèche point i l'autre, qui
confifteen vne certaine indulgen-
ce, qui déclare feulement que s'il
jrriue à quclquVn de la faire, pour
. C onfideratien troijicfme. iji
quelques raifons politiques on ne
le punira pas^cette permiilion a deu
eitre de cette féconde maniere.C'eil
que Dieu en qualité de Legiflateur
(3c de Magiftrat particulier de cette
République, déclare que tels&: tels
diuorces demeureront impunis, en
ce qui regarde les peines eftablies
par les loix politiques feulement ,
i ms neantmoins prejudicier entant
que Dieu& luge de toutlVniuers^
aux premières inftitutions de la na-
ture. La féconde raifon eft ^ que
lefus Clirift dit qu'au commence-
ment il n'en eftoitpas ainfi. Ceft
a dire, qu'il veut qu'on regarde à la
première inftitution du mariage^
idon que ce mefmcMoyfenousen
a fait le récit. Et de fait, cela pofé
que ce récit eft véritable, comme
lefus Chrift & ceux àqui U parloic
lefuppofoient tel, le premier ma-
K 4
iji Des Droits des ,JMariagcy
riage a deu dire non feulement le
modèle de tous les autreSj mais en-
core le tableau danslequel les droits
naturels qui le concernent, nous
ontefté reprefentés. Car d'vn co-
fté l'homme & la femme n'ayans
point encore de mauuaife difpofi-
tion en leurs efprits^iln ejftoit point
befoin que Dieu y vfaft de cette
condefcendance politique, dont il
a vfé enuers les luifs. Et de l'autre,
eftant l'auteur de la nature, il con-
uenoit à fa Sageffe qu'il inllituaft
le mariage ablolument félon les
droits qu'il y auoit ellablis. Puis
donc qu'il conjoint l'homme & la
femme , vn auec vne, pour eltre
chair de la chair ;, àc os des os l'vn
de l'autre, & cela fi étroittement
qu'ils ne conftituent qu'vne mefme
chair j il eft affés clair qu'il nous
veut donner à entendre, que cette
Conjtdcration troijîcfrne. 1J5
coii'ondion ell abiolument infe-
parable^ iî ccn eft pour le cas donc
lelus Chnlt fait mention , mais
dont il n elloit m necellaire ni à
propos que Dieu donnait alors au^
cunc lignification ^pource qu'il ne
le faloit pas meimc ibupçonner en
cette intégrité de la nature. La
troilîelme hnalement eft^que la na-
ture mefme y parle afles claire-
ment. Car premièrement il y a cet-
te diiierence entre le mariage j ôc
toutes les autres alliances que les
hommes contrarient enfemble,
quelles qu'elles foient^que dans les
autres il n'y interuient rien autre
chofe qu'vn confentement de vo-
lonté. Or toutes communions con-
tradées par le feul confentement
de la volonté/ont fans doute poli-
tiques. Et comme elles fcfontcon-
iradées par le confentement mu;^
i5'4 Des Droits des M anazes
tuel de deux diuerfes volonccs, la
voye. naturelle de les diflbudrcj
comme difent les Iurifconfultes,eft
par le confentementdemefme. En
celle-cy au contraire il interuient
vne certaine a6lion qui la rend phy-
lîque & naturelle. Or les commu-
nions & liaifons naturelles ne fe dif-
loluent pas par le confentement des
volontés '■, il faut neceflairement
que ce foit par quelque chofe natu -
relie de melme. Comme donc en-
core que le père & le fils s'accorda!-
fentenfemble de icparer cette cô-
munionj& d'éteindre ces relations
qui font entreux, (î demeurent-ils
tels pourtant \ telle chofe ne dépen-
dant pas de la difpafition de la vo -
lonté de l'homme : Ainfi encorq
qu vn mari & vne femme s'accor-
daflent à n'eftre plus tels refpedi-
uement, ils ne laifTeroient pas de
Conjideration troïJieGnc. ijy
Tcflre pourtant 5 leur communion,
entant qu'elle eft naturelle, ne dé-
pendant plus déformais de leur con-
lêntement. Et comme il faut cjue
ce foit la mort qui rompe le lien
de nature qui eit entre le père ^
l'enfant j il faut pareillement que
ce foit la mort , ou quelque autre
chofe qui ait mefme efncace que
la mort, qui rompe la communion
qui ell: entre le. mary àC- la femme.
Et de cela s'enfuit manifeiLcment,
fans que i'en aduertiife, que la répu-
diation qui fefait parl'vne des par-
ties fculementjfans le confcntemcnt
de l'autre, eft encore moins iufte,
félon la difpofition de la nature,
que n'eft le diuorce qui (è fait
volontairement des deux coftés.
Car fi le marine peut reprendre le
droit de fa liberté, bien que fa fem-
me le luy rende par fon confeh-
1^6 Des Droits des Apanages
tement, comment le reprendroit H
IcgitimemeiiC lors qu'elle le retient
& qu'elle y refiite. Puis après, nous
allons monftré cy defïus que la
nourriture & Téducation des en-
fans , regarde le père ôc la mère
communément, & eil j ce femble^
clair que c'eftnon feulement com-
munément mais abiolument par
indiuis encore. Car comme ils fe
font tellement prouignés en leurs
enfanSj qu'il eftimpoflible de di-
ftinguer mefme parla penfée ce qui
y eft du père , & ce qui y eft de la
mère; & derechef ^ comme les en-
fans font à eux de telle fac^on que
chacun d'eux les polfede tous en-
tiers, & d'vn droit qui ne peutfouf-
frirde partage j ai nli lesdeuoirs par
lefquels ils font obligés à leur nour-
riture, & à leur éducation, fontin-
diuifiblespareillement,®ardent
Confideration troijtejme. 157
de cofté & d'autre les enfans tous
entiers , fans diftindion quelcon-
que. Orell le diuorcediredemervt
contraire à cela. Car ou bien il faut
en fe feparant , partager les enfans,
ou bien il faut qu'ils demeurent en
la charge de l'vn feulement. Le pre-
mier eft contre les droits de la na-
ture, puis qu'il partage ce qu elle a
voulucftre indiuis. Lefecondl'cft
encore plus, pais qu'il tranfporte
tout à vn ce que la nature auoit vou-
lu cftre commun a touslesdeuxen-
femble. Entroifiefmelieu , fî ledi-
uorce , hors la caufe de l'adultère,
cft permis par le droit de la nature,
ou il faut qu'il foit abfolument ôc
vniuerfellement permis^pour chan-
ger de femme tant 3c fî fouuent que
l'on voudra , ou il faut que cela foit
limité à certain nombre de fois , au
delà defquelles il ne foit pas permis
158 D es Droits des (JMariages
de répudier fa femme. Or quant à
ce premier, i'eftime que la nature
crie hautement à l'encontre. Car s'il
eft permis à l'homme de Répudier fa
femme à toute occafion^il doit eftre
pareillementpermisà la femme de
répudier fon mary. Bienquil y ait
quelque inégalité entre le nlary&: la
femme en leur conjon6lion , fî ne
va t'elle pas iufqu'à tel point, que de
donner au mary cette liberté, pour
la dénier abfolumenc à la femme.
Or en cette grande légèreté & in-
conftancede Tefprit humain, & en
cette grande précipitation de cour-
roux qui fe trouue en IVn & en l'au-
tre fexe , ne vaudroit il pas autant
ou que toutes les femmes fuffent
communes,comme Platon le vou-
loit , ou que la nature n'euft du tout
point déterminé l'objet de cette
;;^dion ^ ce que nous auons pour-
Confderdtïon troijiefme. 159
tant veu clairement cy deffus qu'elle
a fait y que d'auoir ouuert la porte
à cette licence fi déréglée ? Et
quand on ne voudroitpas o6troyer
aux femmes la mefme liberté de
répudier leurs maris , au moins ne
leur f(^auroit-on ofter celle de fe re-
marier, quand elles auroient efté
répudiées. Car de quelle iuftice les
maris auroient- ils le pouuoir de ré-
pudier leurs femmes malgré qu'el-
les en euflent, pour en époufer d'au-
tres deuant leurs yeux, pendant que
celles qu'ils auroient répudiées de-
meureroient obligées à garder per-
pétuellement leur vefuage? Ainfî
pourrôit-il arriuer que tel homme
auroit eu trente ou quarante fem-
mes viuantes en mefme temps, &
que d'autre cofté telle femme au-
roit eu trente ou quarante maris
viuans en mefme temps de mefmcs.
î<jO Des Droicis des Jldariages
Ce qui approche fi prés denauoir
point de règle certaine au chois de
ion objet en cette conjonâ:ion, que
c'eft quafi vne mefme chofe. Pour
ce qui eft du fécond^ fi le diuorce
cft du droit de nature vne ou deux
fois, il r,efl: vingt ou trente pareil-
lement, &c ne f(^auroit-on ni pré-
cisément déterminer ou la liberté
d'en vfer fe deuroit arrefter, ni ren-
dre de pertinente raifon pourquoy
il auroit efté déterminé de la forte*
Que fi quelqu vn vouloit dire que
pour çmpefcher ces defordres, il fe-
roit nccelfaire que Tau to rite du Ma*
giftrat interuint , afin de iuger des-
iuftes & légitimes caufes du diuor-
ce , & d'en régler l'vfage , de forte
qu'on n'en abufaft pas^il feroit ai-
sé de luy monftrer que ce remède
n'eft pas fuffifant pour arrefter le
cours de la maladie. Car il n'y peut
auoir
Conjidemtion troifefme. i^i
auoir que deux caufcs pourquoy le
Magiftrac iugcaft le diuorce légiti-
me. L'vne eft l^adultere de la fem-
me, & l'autre fà mauuaife humeur
, incompatible auec celle defonma-.
Iry. Pour ce qui cft de l'adultère,
nous auons déjà dit, que lefusChrift
raexcepté,& nous verrons cy-:ipres
j comment c'eftvne m fte^ légitime
caufe de diuorce. Pour 1 au cre, qui
dVn codé aura égard à l'mfirnuté
&à la fragilité du fexe féminin, &
de l'autre à l'humeur tyrannique&:
violente de beaucoup d'entre les
hommes , verra clairement que qui
auroit vne fois ouuert la porte à
cette lurifprudence, de permettre
le diuorce pour de telles occafions,
la Lune, par manière de dire :, ne
changeroit pas plus fouuent de fa-
ite, que les femmes changeroient de
Imaris, & les maris de femmes. Ce
L
i(Ji Des D roits des Mariages
qui eft manifeftement contre la dif-
pofitio de la nature. Ouy mais, dira
icy quelqu vn,Icfus Chrift permet le
diuorce quand on a violé la foy de
mariage,&par cofequent il n'en efti-
me pas le lien entieremet indiflblu-
ble. Et s'il peut eftrc diflbut pourvnc
telle occafion , pourquoy ne k
pourroit il pas eftre pour d'autres-
La raifon en eft aifée à rendre. Nouî
auos dit cy deflus que le mariage efl
vne communion naturelle , qui fait
rhommc ô«:la femme vne^nefme
chair. Celuy doc des deux qui com-
met adultère, en fefaifant vne m ef-
me chair auec vn autre , rompt en-
tant qu en luy eft le lien de commu-
nion qull auoit auec la partie auec
laquelle le mariage l'auoit conjoint.
Car il ce lien n'eftoit rompu par
cettte adion, celuy qui la commet
feroit en mefme temps vne mefm(
Confderatïon troïftejme. i^
chair auec la perfonne auec qui il
cft marié , & auec celle auec qui il
commet adultère. Or eft-il qu'il ré-
pugne à la nature qu'il foit vn auec
tous les deux j ces deux là eftans tel-
lement diuifés quant à eux qu'ils
ne font du tout rien l'vn à l'autre. Ec
de plus il répugne encoràlanature,
que cette forte de conjon6lioii al-
liant tellement deux pcrfonnes en-
femble , que celuy qui fe donne à
l'autre , fe donne fans aucune refer-
ue& tout entier, il demeure enco-
re neantmoins fans referue ôc tout
entier à celuy auec lequel il auoit
contracté mariage. De forte que
c'eft tout à fait conformément aux
loix de la nature , que lefus Chrift a
défendu le diuorce pour quelque
I autre caufe que ce foit^^ que néant-
moins il a permis à qui voudra d'eu
Yfcrpourla caufe d adultère.
1(^4 ^^^ Droits des J^ariages
Quelques vnes de ces raisôs com-
battent non feulement le ciiuorce^
mais auffi le concubinage jqui eft
la troifiefme queftion que nous
auons à exammer. Mais néant-
moins 51I nous en faut icy faire vne
confideratio particulière. Ce qu'A-
braham n'a point fait de difficulté
d'auoir vne concubine , eft vn
exemple qui pourroit fembler eftre
de merueiUeufement grand poids,
pour faire iuger la chofe permilè
par le droit de la nature. Car ce per-
fonnage a remporté de rares témoi-
gnages d'vne finguliere vertu, &c la
choie en eft dautantplus confîde-
rable , que laccointance d'Abra-
ham &c d'Agar, &la naiifance d'iC-
maëlquieneftiffujOnt ferui de ty-
pe & dereprefentation àdeschofes
qui concernoyentla religion, fans
doute par la difpofition de la volon-
Confideration troificfme. 16^
té de Dieu mefme. Ce que Dauid,
pcrfonnage félon le cœur de Dieu,
^'Saloinon^Pnncedoiiéd'vnemer-
ueilleulè lapience, non ieulemenc
ne s'en font point abllenus , mais
mefmes ont eu des concubines en (î
grand nombre^eit capable de beau-
coup aider à confirmer ce foupçon,
que ce n'eft pas chofe à laquelle la
nature ait vne fi grande Ôc fi in-
uincible répugnance Et véritable-
ment il ne faut pasnierqu iln'y ait
de la dillindtion entre les diuers .
droits de la nature. Carileneilà
peu près de Tes inftitutionsdans les
choies morales , comme des loix
qu'elle a eftablies dans les phyfi-
ques. Comme Ariitote l'a remar-
qué , ily a dans la Phyfique certai-
nes chofes y qui fiDnt dites naturelles
abfolument, parce qu'elles ont vne
certaine caufe fi abfi^Iument deter-
iC6 Des T>Yohs des Mariages
minée , qu'il n'y ardue iamais de va-
riation ni de changement. Poui
exemple , c'eften tous lieux, de en
tous temps que les chofes pefantes
defcendent en bas, & que les légères
montent en haut. Que s'il arriue
que les chofes pefantes montent en
haut par violence , c'eft diredleméç
contre la nature, entre laquelle ôc la
violence iln y a iamais d'accord. Ec
Il derechef il arriue que les chofes
pefantes montent en haut pour éui-
ter le vuide , ce n'eft pasàlaveritc
contre cette loy plus vniuerfelle de
la nature , qui veut qu'entre toutes
les parties du monde,ily aitvnein^
uiolable vnion , mais ncantmoins
c'êft violemment en leur égard,par-
ce que leur nature particulière eft
d'aller vers le centre. Mais il y a cer-
taines autres chofes qui sot dites na-
turelles, pource qu'encore que leur
Conjîderation troificpric. i6y
caufcne foit pas iî ablolument dé-
terminée par la nature , qu'il n arri-
uc quelques fois 3c mefmes affés tou-
ucnc autrement que ne porte leur
inftitution , & cela fans aucune vio-
lence j fi eil-ce que la difpofition
commune de ordinaire de la nature
eftau contraire , 6i que ce qui s'en
excepte , tombe en quelque irré-
gularité. Comme il eft naturel à
l'homme de le feruir .de la main
droite pluftoft que de la gauche,
quoy qu'il y en ait quelques- vns
ambidextres , ô.: encore beaucoup
dauantage de gauchers. En quoy il
ne leur eft fait aucune violence.
Car les ambidextres le peuuent eftre
par l'abondance delà chaleur natu-
relle 5 qui peut également fournir
des efprit« a Tadion & au mouue-
meat des deux coftés. Et les gau-
chers peuuent deuenir tels par la
L4
ié8 Des Droits des tJMarlages
couftume, qui attire les efprits &
laforce du collé gauche, combien
que la nature les dcttine pluftoft
pour la droite. Or ne fc^auroit-on
iamais accouitumer vnç pierre à
monter contremont, nxàfetenir
fufpenduë en l'air, après qu'on l'y
aiettée Pour donc appliquer cela
aux chofes morales, il y en a quel-
ques vnes tellement eftablies par
lesloix de la nature, qu'elles font
abfolument &: entièrement inuiola-
bles. Comme , pour exemple ,
qu'il faut honorer & refpeder la
Diuinité. Et y en a certaines au-
tres efquelles on ne fcauroit aller
contre fon inflitution, fans tom-
ber en irrégularité de mefmesrmais
neantmoins la faute n'en cftpasen
fi haut degré qu'eft la violation de
ces droits, que la nature a eftablis
.djnc façon beaucoup plus indif-
Conjideratien troificfme. j^c^
penfable. Etla raifon decclan'eft
pas malaifée à rendre.Comme Dieu
cil lacaule de toutes les choies qui
o;it elle , ôc qui exiftent veritabie-
ment dans la Phylique &c dans la
Morale, aulii en elt-il la mefure
pareillement. De forte que cha-
cune ypoffede autant deltre non
feulement quil luy a pieu de luy
en donner, mais encore les deo-rés
de Texcellence de fon eftre, à pro-
portion de ce qu'elles s'approchent
ou scloignent de celuy de Dieu.
Comme donc les chofes qui font
fimplement,reprefentent Teflrede
Dieu en vn degré feulement, Scel-
les qui viuent, en deux, 6c celles qui
fentent en trois, Scelles qui enten-
dent, en vn degré plus eminent que
toutes les autres : Ainfî yat'il cer-
tains degré-s en la reprefentationde
lafainéleté de Dieu,de laquelle tou-
f
170 T>es Droits des Adariages
tes les cliofes bonnes dans la Mora- 1
le font des images j de force que la
pieté enuers Dieu eft bonne en vn
louuerain degré, & Temporte ds
bien loin fur la charité enuers le
prochain^ &: dans les deuoirs delà
charité enuers le prochain, le ref- 1
pe6l & robeiffance aux parens^lem-
porte de bien loin (iir les autres. Et .
ainlî confequemment. Or fi la
bonté qui confifte en la conformi- ;
té aux loix de la nature, a fes degrés^ -.
le vice qui confifte en la repugnan- 1
ce aux loix de la nature, a fes degrés !
de mefmes. l'oferay donc bien di-
re hardiment , que l'adultère com-
mis auec vne perfonne déjà liée par
mariage , eft incomparablement
plus contre les droits de la nature,
que le concubinage d'Abraham , & 3
ne mettray pas mefmc ce concubi- 1
nage au rang de la fimple paillar-
k
Conjideration troijicjmc. 171
dife^filemotdepaillardife fîgnifie
cette vague & indéterminée con-
jonction qui ne fe fait que pour la
volupté ieulemcnt :, fans aucune
obligation de foy , ni aucune re-
folution de confèruer à l'aduenir
des afFedlions réciproques. Neant-
moins cette diuerfité de degrés
n'empefche pas que le mal ne foit
«lal à*le confîderer en foy , nique
cette forte de conjondlion^^qui ad-
joûte vne concubine àvne femme
leeitimeme foit contre les droits de'
la nature. Carpremierement,com-
me ie l'ay dé)a rçmarqué^ cette c5-
munion qui fc contraàe au maria-
ge, fait que l'homme fe donne tout
entier à là femme, & la femme tou-
te entière à fon mary. Non par la
promeffe feulement, mais parlV-
nion phyfique & naturelle , qui
vient en confequence de lapro-
171 TDes Droits-des Ad ar'm^
inefTe. La nature de l'adion mef-
melemonilre Carcen'eft paspour
la phyiîque iculement, mais auiïi
pour la morale , que la nature a
voulu que ce que l'homme fepare
de foy mefme en cette conjondtion,
fuil ex|:raitvniuerfellement de tou-
tes les parties de fon corps. Oreltil ,
tout a fait abfurd que Thomme le
donne tout entier à l'vne , te puiar
^pres tout entier à l'autre, & que
toutes ces deux donations puiffent
eftre valables également.Que fi cet-
te raifon condamne le concubina-
ge d'Abraham , il condamne en
plus fort termes celuy de Dauid, &
celuy de Salomon encore beau-
coup d'auantase. Pource qu'il con-
uient moins a la nature que 1 liom-
mefe donne tout entier à cent qu'à
deux femmes feulement. Puis après,
dans le mariage bien 6c legitmie-
C onfidcration troîjtejme, lyy
ment contrade , bien qu'il y aie
quelque inégalité entre le mary^i
la femme, à caufe de l'excellence du
fexe,fi eft-ce que la femme appro-
che de la condition du mary, &par
confequent de Tégalité^toutautant
quefon fexele luy peut permettre:
D'où vient qu' Ariftote dit que dans
le mariage le aouuernement eft au-
Tunement Ariilocrarique,&:diuife
entre le mary d: la femme auec éga-
le authorité, pour eftreadminiftré,
en ce qui regarde le dehors de la
maifon^ par le mary , & en ce qui
regarde le dedans par la femme.
Que s'il y a quelque chofe ou il f oit
befoin de leurs deux aduis conjoin-
tement, s'ilss'y accordent j la refoJ
lution, & l'exécution qui en dépend
eft fondée fur l'authorité de leurs
deux fuff rages, qui y font confide-
rés , non comme cgnfultatifs feule-
îy4 "^^^ Droits deSzJMarïages
ment , ainfi qu'on parle, mais com-
me decififs conjointement. S'ils ne
s'y accordent pas , Tauantage du
mary confîfte en cela ^ que fon fuf-
frage l'emporte, comme fi l'excel-
lence du fexe , & la plus grande me-
fiire de prudence qui T'accompa-
gne , luy donnoit deux voix,au lieu
que la femme n'en a quvne.Come
en certains gouuernemens Arifto-
cratiques,la voix du premier Con-
feiller , ou du Prefident eft contée
pour deux. Or dans le concubina-
ge, où il y a inégalité entre la con-
cubine 6c la féme légitime , la con-
jon6lion auec la concubine n'éleue
point fa dignité ; & tant s'en faut
qu'elle l'approche de l'égalité auec
le mary , que mefmes elle demeure
bien loin au defTous de la condition
de la femme légitime. Or eft il fans
doute que cette égalité que produit
Confiderdtïon troifejme. 175
le mariage bien & légitimement
contradté ;, eft du droit de nature.
Car elle dépend de ce que par le
mariage , Miomme & la femme ne
fontqu'vn. Partant l'incgalite qui
fera entre la vraye fcmme^ &c la con-
cubine, fera contraire à ce droit, &C
par confequent illicite & illégitime.
Finalement, c'eft auec fort bonne
raifon , que les lurifconfultes ont
décidé, que le fruit fuiuroitle ven-
tre. C'eftà dire , que la condition
dcsenfans fuiuroit celle de la mère,
quand il fe trouueroit inégalité à
fon defauantaore entre elle ôc fon
mary. Ainfî dVn homme libre, &
dVne femme efclaue , naifTent des
en fans fcrfs. Pource qu'encore
qu en-la génération l'homme foie
confideré c5me le principal agent,
fî eft-ce que le fruit eft toufiours
plus certainement attribué à telle
1-16 Des Droits des Atarlages
mère qu'à tel père. loint que com-
me en la conjond:ion de deux pro-
poficions en vn fyllogifme^ il eft
de la difpofîtion des loix de la vé-
rité , que la conclu (ion qui s*en
produit 5 fuiue la moins neceflai-
re, ainfîen laconjonétiondedeux
perfonnes pour la génération, il eft
de la difpofition de la nature, que
la condition dn fruit fuiue la qua-
lité de celle qui eft infeneure.Pour-
ce que la caufe peut bien eftre meil-
leure que fon efFe6t, maisleffeét
ne peut pas eftre meilleur que fa
caufe. Ainfi le père peut bien
eftre de meilleure condition qu©
fon enfant ^ mais l'enfant ne peut
pas eftre de meilleure condition
que fon père ni que fa mère. Que
s'il arriue que d'vn homme efcla-
ucj Ôc d Vne femme libre, naiflc
vn enfant de libre condition, cela
fe fait,
Confideration troijîejme. lyj
fc fait , non fclon la difpofidon
des loix de la nature , mais felôa
celle de la police, enfaueur de là
liberté. Comme ainfi foit done
qu'il eft des inclinations naturelles
des hommes, de laifftr leurs enfans
non feulement de mefme condi-
tionauec eux, mais deJeur en pro-
curer, &c de leur en acquérir vnd
meilleure s'il eft poflible , c'eft
contre ces droits que le mary fe
joint à vne concubine , dont la
condition empefche que les enfans
ne puifTent égaler celle du père qui
les a engendrés. loint que la na-
ture voulant, qu'entre les enfanâ
dVn mefme père , il y ait dé l'égali-
té , les enfans de la femme légiti-
me & de la concubine cftans iné-
gaux , la nature demeurera encore
violée en cet ép-ard.
Pour ce qui eft de 1 exemple d'A-
M
178 TDes Droits des ^Jariages
braham , il ne s'enfuit pas fi cett<
faute a efté tolérée en luy , que c»
n'ait pas efté vne faute pourtant
& elle a efté d'autant moindre en f;
perfbnne, qu elle ne feroit mainte
nant en qui que ce fuft^ que le
droits de la nature sot à cette heun
beaucoup plus éclaircis parcesdi-
uines inftitutions de lefus Chrift
qui ont ramené toutes cliofes
leur première origine. Et quanti
ce qui eft du type à quoy il aplci
à Dieu que cette conjon6bion ai
ferui, il ne rend nullement la clio-
fe légitime en elle mefme. Nor
plus que le premier péché del'hô
me ne laifle pas d'eftre péché, quoj
qu'il ait ferui de type à reprefen-i
ter Tobeiflance de Chrift ^ par la-
quelle il a racheté le monde. LîI
matière de la figure, qui eft vicieu-
fe en elle mcfme^&quiconfifte
Confideration troifcfmf. îy^
vue mauuaifc a6tion,cft de l'hom-
me , qui en cft l'auteur. Les traits
& les Imeamens dans Icfquels il (c
void quelque crayon & quelque
ombre des chofès futures, qui de-
uoient eftre reuelées en vn autre
temps, font de la conduite de la
prouidencc de Dieu, qui laifle tel-
lement aller les hommes à leurs
confeils , qu'il fe referue l'autori-
té de prefider deflus toutes leurs
adions, pour s'en feruir, comme il
fait toufiours bien& fagement, à
HUuftration de fa vérité, de fa fa-
geffe, & de fa gloire. Pour le re-
gard de Dauid & de Salomon, ils
Font d'autant plus blâmables que
na elle Abraham, qu'ils viuoienc
cnvn temps plus illuminé^ ne fuft-
ce que des rayons de cette diuine
Sapience que Dieu leur auoit com-
muniquée à tous deux , & particu-
M*
i8o Des D roi fi s des Adarîages
lierement audernicrj&quc neant^
moins ils (e font encore fanscom-
paraifon égarés plus loin que luy
hors des termes de la nature. Car
il eft fans doute plus clair dans fes
cnfèignemens, qu il n'eft pas per-
mis de fe donner à plufieurs cen-
taines de concubineSjOutrela fem-
me légitime qu'on a déja^ qu'il n'eft
clair qu'il n'eft pas permis de fe
donner à vne concubine toute
feule.
Refte la queftion de la poly-
gamie , en laquelle on a diuerfes
temmes toutes de mefme condi-
tion. Si les raifons qui combat-
tent le concubinage n'eftoient pri-
fes que delà confîderation de l'iné-
galité qui fe rencontre entre la
femme légitime & la concubine, &
entre leurs enfans, ou il nousfau-
droit aJuoiier que la polygamie
. Confdcratîon troifcfme. i8i
; qui n'induit point Tincgalité, n'eft
pas défendue par le droit de lana-
; turej ou il nous faudroit chercher
dans les fources de la nature, quel-
ques nouuelles raifons pour l'atta-
quer. Mais nous en auons alkgué
quelques-vncs qui en monftrent
le vice également. Car pour exem-
ple , quand nous auons dit que la
nature refifte à ce qu vn homme
fe donne tout entierà deux ou trois
diuerfes perfonnes, cela exclud la
polygamie,de quelque fa(^on qu'el-
le foit, aufli bien celle qui eft auec
égalité^ que celle qui eiiauec iné-
galité entre les femmes. Toutesfois
ie fcray encore icy quelques confi-
derations. L'vne eft, que fi vous
permettez à vn mary d'auoir plu-
ïîeurs femmes, il n'y a nulle rai-
fon d'empefcher que les femmes
îi'ayent plufîeurs maris. Or ou-
M 5
lît 'Des Droits des Mariages
trc que cela equipolle , ou peu
s'enfaut, àla communauté laquel-
le nous auons reiettée comme
manifeftement côtraire aux droits
delà nature , il mettra encore en lat
République vne eftrange confu-
lion. Pource que le mariage don-
nant à la femme la qualité du ma-
ry, felouque fon fexe le peut per-
mettre^ autant que la femme aura
de maris, autant aura t'elle peut
cftrede différentes qualités incom-
Î)atibles lesvnes auec les autres. Or
a nature aime l'ordre ^ & deteftc
la confufion. L*autre eft ^ que le
mariage eftant inltitué & pour la
génération des enfans , èc pour
remède à Imcontinence , posé
qu'il ne foit pas permis à la fcm- ;
me d'auoir plufieurs maris, com-
me au mary d auoir plufieurs fem- I
mes^ni la licence eifrcnéc de l'hom- '
Confideration trotfepnc, 1S5
me ne luy permettra pas de gar-
der au nombre aucune modéra-
tion, puis cjue ce fage Salomon en
cil venu iulqucs à prendre fept cens
femmes & trois cens concubines
en mefmc temps , ni la nature des
hommes ne permettra pas que i'v-
ne ni l'autre de ces deux fins ob-
tienne fon effe6b en toutes. Or
outre que cela eft plein d'incon-
ueniens, &tire quafi neceflaire-
ment après foy les adultères, il eft
contre le droit de la nature de pri-
ucr fesinftitutionsde leur fin, & de
les rendre fruftratoires. La troi-
fiefmc eft, que quand on netom-
beroit pas en ces inconucniens ,
on n'en euitcroit pas vn autre.
C'ett que fi le mary de quatre-
vingts ou cent femmes, a tout au-
tant d'cnfans d'elles qu'elles font
capables d'en porter, il fera quant
M 4
ij84 Des IDroiÛs des Mariages
a luy incapable de fournir à leur
nourriture, ôc à leur éducation,
à laquelle neantmoins nousauons;
veu cy deuant qu'il eft obligé par
les loix de la nature, Ainfi en fau-
dra t'il venir à la pratique des
Turcs, qui permettent à chacun
d'auoir autant de femmes qu'il en
pourra nourrir , & non d'auantage.
C'eft à dire , qu'il faudra que ce
foyentlesreuenus de fes terres, qui
le déterminent au chois defesob-
jets, & non la raifon ôc l'honnefteté
naturelle. Ce qui eft vne inftitutio
vnpeu plusquedemibarbare.Que
fi vn homme riche viet après auoir
époufé quantité de femmes, à tom-
ber en calamité^ il faudra auoir re-
cours au diuorce , dont nous auons
cy defllis marqué les erreurs & le^
vices contre la nature. Laquatrié-
ipe finalement ef^ , que comme IVr
Confîdcratîon troijtejme. iSy
nion naturelle que le mariage con-
traire entre le mary & la temme,
elt la plus eftroitte qui fe puifle
imaginer, aufli doit eftre fans dou-
te 1 vniond'afFedions qui raccom-
pagne, la plus eftroitte & &: la plus
inuiolable. Car il n'eftpasconue-
nable que la nature conioigne li
cllroittement& fi inuiolablement
leurs corps, <S: que la lailonne foit
pas capable d'vnir de mefmes leurs
âmes. Or ie vous prie comment eft-
ceque les affections du mary pour-
ront élire fi grandes,&: fi véhémen-
tes enuers cent ou fix vingts fem-
mes tout à la fois ? LesPhilofophes
mefmes n'ont ils pas reconnu que
quant aux amitiés vulgaires, ciuiles,
&: populaires , elles peuuent bien
cmbrafler grande quantité d'ob-
jçts \ mais que quant à ces intimes
ô^ véritables , qui méfient & qui
it6 Des Droits des Mariages
confondent , par manière de dire,
les hommes en vn , il eil impofli-
blc qu'elles fe diuifenc de la force?
Or auront ils beau parler de l'ami-
tié tant qu'ils voudront , fi ne fe-
ront ils iamaisque cette grande
égalité & conformité d'humeurs àc
d'mclinations, qui la concilie entre
deux hommes, doiue auoir plus de
puifTance deflus leurs efprits, pour
amener toutes leurs affections aie
fondre enfemble, pour ne faire
qu'vne ame d'eux deux , que la
nature & la foy en doiuent auoir
pour lier celles du mary & de la
femme , àc les noiier d'vn nœud
non perdurable feulement , mais
abfolument indiuifiblc. De plus,
comment cft-ceque chacune de
ces femmes en particulier pourra
auoir pour fon mary des affedlions
aufli tendres :, & auffi véhémentes.
Conjîderation tmfiejme. 1S7
que fi elle le pofledoit toute feu-
le, vcu qu'il eft entièrement un-
poffible qu'elles euitent l'émula-
tion, & que l'émulation ne pro-
duife le débat, & que fur le debac
le mary ou ne partage inégale-
ment fes inclinations , ou ne (oit
foupc^onné par lesvnesde lesauoir
inégalement partagées à Tauanta-
ge des autres ? le conclus donc
que le mariage d'vn auec vne , Ôd
encore indiflblublc, hors la caufè
de l'adultère , eil du droit de la
nature, & ne voy plus rien qui ap-
partienne à cette matière finon
vne queftion feulement. C'efl
qu'on peut demander , fi pour
rendre la conjonction de l'hom-
me & de la femme légitime, il fuf-
fit qu'ils fc donnent réciproque-
ment la foy , ou s'il y eft encore
bcfoin de quelques autres obfer-
i88 T>es2) roits des Adariages
uationSj comme font ce qu'on ap-
pelle les fiançailles & les époufail-
les publiques, Ô: les autres cérémo-
nies lefquelles ontaccouftumé de
fe pratiquer en ce temps. Car il
fembleque ces chofes n'ayât point
eu de lieu du temps des Patriar-
ches, comme il appert parleurs
liiitoires, elles ne font pas du droit
de la nature, & que par confequent
on s'en peut bien diipenfer. Pour
bien retbudre cette queilion , ic
penfè quil faut confiderer le ma-
riage en trois fâchons : Première-
ment, entant que l'homme & la
femme fe conjoignent purement
& Amplement pour fatisfaire à ce
defir naturel d'auoir desenfans,&
de. remédier à la fragilité humai-
ne- Puis après, entant que leur fo-
cieté , & les enfans qui s'en produi-
fent , font non feulement vncpar-
Conjtderation trotftefme. \%^
tic, mais la première 6c plus fon-
damentale partie de la Républi-
que, & que l'homme y doit rap-
porter fes avions entant qu'il eit,
comme on parle, animal né pour
la focieté. Et finalement, entant
que leur communion &les enfans
qui s'en produifent^ font partie
& font la pépinière de cette autre
police religieufe , en laquelle on
fert laDiuinité , & que l'homme
y doit pareillement rapporter ks
allions, eu égard à ce qu'il a vn en-
tendement capable de laconnoif-
fanccdeDieu, commedefafinder- -
niere & principale. Si donc vous
coniidercs le mariage en ce premier
égard, il faut diftinguer entre les
perfonnes qui fe donnent la foy l'v-
ne à l'autre. Car il y a certain âge 6C
certamcftat auquel les hommes ne
font point encore en leur propre
15?» "Des Droits des çyfdaridges
puifsace 5 ni maiftres dcleursa^tios,
mais font en la puifTance d'autruy,
comme des pères, Se des raercs, des
tuteurs &c des curateurs , & s'il y a
encore quelque autre (emblable au-
torité de laquelle on dépende en
en cette occurrence. Et y a certain
âge & certain eftat auquel on ne
dépend point de l'autorité d au-
truy , mais de la difpofîtion de (a
volonté toute feule. De plus ce pre-
mier âge peut encore eftre confide-
ré en deux périodes. Car il y a le
temps qui cil au defTous, & le temps
qui eit au deiTus de la puberté. Pour
ce qui eft du temps qui eft au def-
Tous de la puberté ^ il eft de la cou-
ftume de toutes nations, d'ofter à
ceux qui font en cet âge , la liberté
de leurs adlions, & de tenir pour
nulles les obligations dans lefquel-
les ils s'engagent, foit de parole/oit
Conjideration troifejme. i^i
^d'cffedt. Et la raifon de cela fc tire
delà diff^fition de la nature mcf-
me. Car les opérations de qui que
cefoit , ne doiuent point eftre te-
nues pour parfaiteSjiufques à ce que
les facultés dont elles procèdent
ayent acquis leur perfection. Et les
facultés ne peuuent eftre prefumées
auoir acquis leur pcrfeâion ^ iuC-
quesàce que la chofe mefme dans
laquelle elles refîdent , y foit parue-
nue. Orne peut elle eftre prefumée
y eftreparuenuë iufque à ce quel-
le foit capable de produire toutes
les opérations que la nature luy a at
Cgnées, & particulierementles plus
' confidcrables. Puis donc que la gé-
nération eft la plus belle opération
de l'homme , entant qu'il eft ani-
mal, &quiln'eft point capable de
la génération auant l'âge de puber-
cé , fes facultés ne font pas encore
ipi Des Droits des Aï arUgcs
alors eftiméeseftrevcnuGs à laper--
fedlion conuenable.poolproduire
des aâiions qui foyent véritable-
ment obligatoires. Or ce que la lu-
rifprudence de tout le monde a dé-
terminé pour toutes fortes d'adtios
qui peuuenteftre produites par les
enfanS:, doit eftre particulièrement
appliqué icy , puis qu'il eft queflion
nommément de cette opération de
laquelle ils ne font point encore ca-
pables. Car qu'elle apparence que
celuy qui n'a point encore la facul-
té d'engendrer, ait la puiiTancc de
determmer abfolument de l'objet
auec lequel il faut qu'il engendre?
QiKint au temps qui eft au deffus de
la puberté, la chofe eft plus difficile.
Car nous prefuppofonsque Ihom-
mee liant capable d'engendrer, à la
perfediondefon eftre, & par coiï^
fequent de fes facultés. Partant lei
operatiojttô.
Confidcration trot fie (me. 19^
opérations drlesconfentemensqui
; en dépendehCjdoiuentjCC femble,
. eftre tenus pour valides & obliga-
• itoires.
. i Neantmoins il faut icy diftin-
( guer deux fortes de perfection,
j L'vne s'eftend iufques à produire
[ telle ou telle opération, mais non
1 pas encore auee toute la force &
; toute la plénitude conuenable à la
. nature. L'autre s'eftend non feu-
' lement iufques à laproduârion de
l'opération , mais auflî iufques à
luy donner tous les degrés qui la
Tendent acheuee & accomplie fe-
I Ion la nature. Or eft-il bien vray
; qu'au deflus de laage de la puber-
té y les facultés raifonnables qui
font en 1 homme, ont ailes deper-
jfedionpour produire leursopera-
j tiens en ce premier degré : mais
<juant au fécond, elles fi'y peuuenÊ
• N
194 -^^^ Droits des Alarmgès
pas encore atteindre. Voila pouj
quoy (^'a efté chofe fag'ement efta
blie par les loix , qu'on permett
aux ieunes gens quelque chofe e
cet aage là , pourueu qu'elle r
foit pas de grande importanc
Mais que quant à celles qui for;
de confequencc^on nelesremet^
pas abfolument à la conduite c:
leur raifon j la raifon,en cet âgi>
ayant encore, à caufe de fa fo-
blefle , befoin d'eftre gouuernée :
affermie par quelque prudenc
plus grande & plus expérimenté.
Et delà viennent les emancip;-
tions, Ô^les claufes qu'on y appc-
fc. Il y a donc deux raifons qi
lî-ionftrent qu'il neft pas conuf
nable , que le mariage de cc\%
qui font venus en cet âge là^ s's
ne font point encore paruenus :l
temps auquel leurs facultés pei-
Conjîdemtten troifcfmé. j^J
%ent produire leurs operatios auec
'Htoure forte de plénitude, dépeiT-
^'de de leur volonté. La première
^' 'cft , que contrader mariage eft vnb
^ichofe de fingulierement grande
^'importance, & plus qu aucune au-
'^itre de la vie , après le chois de k
^'religion. Et partant elle leur doit
^icftre interdite , comme les autres
r adions qui font iugécs confidera-
blés. Et s'il n'eft pas permis à vn
àeune homme émancipé d'ahenef
la moindre partie de fon domai-
-ne auant Taage de màiorité, fans
le confenteraent de fes parens,
pource qu'il eft ptcfumé nauôir
•pas encore alTés de raifoli ni de
conduite pour cela, comment luy
'pourroit-il eftre faifonriablement
permis de safifener, s'il faut ainfl
• dite , luy mefnie,^ & dé faire dona-
' ti^ïî dé fè pcrfôiî/ie toute entière ?
157(3 Des 7)roitsdes t^ triages
La féconde eft, qu'outre queclia
que chofe a fon temps prefix &dc
terminé par la nature , • pour ac
quérir fa perfecfLion , ce qui em
pefclie principalement que la rai
fon n'ait en cette ieunefle toute)
conduite neceffaire, eft qu'en ce
aage là plus qu'en aucun autre, oi
eR fujet à Pemotion de fes pa(
fions. Et d'entre les paflîons, cet
te conuoitife eft peut eftre dansk
ieunes gens la plus turbulente d
toutes, De forte que quand le
partions donneroient en cet âg
là quelque moyen à la raifon d'à
eir faeemcnt en autres occafions
en celle cy , du chois d'vn objet
elles ne le luy peuucnt pas permet
tre. Apres cela ie ne fais point d
difficulté de répondre, que pou
rendre le mariage bon & légitime
il n'eft befoin que de la foy de
Conjîdenttîon troijicjme. i^j
deux concradansj pourueu qu'on
y obferue les bienleances conue-
nablcs. Car le mariage eîtanc vn
tait qui concerne tellement la per-
ionne qui le contrarie , que neant-
inoins toute fa parenté y eil in-
tcreflee, il eft raiionnabie qu'elle
y donne fon approbation. Qoe fî
elle n'y eft abïolumentneceflaire,
au moins certes eft-il du deuoir
de la demander. Sur tout y faut-il
faire grandiffime confiderationdu
père & de la mère de celuy qui s'al-
lie de la façon. Car outre les au-
très comme m finies raifons qui
nous oblio-ent à toutes fortes de
rcfpedts & de déférences en leur
endroit, cette confidcration eft
en cette matière fouuerairieinent
imporcante^que le mariage de leurs
en fins leur donne des héritiers
qu'Us nauoient point auparauant.
N 5
jt^Z IDesD roits des zy^ariages
pr quelle apparence d'introduii
quiconque ce foit en leur famille^ l
leur doner des héritiers fans leur ce
fentemétflleftdonc neccflaired
l'auoir, au moins certes iufques à t<
point, que fi on ne le peut obtenir
rautorité de lapuiflance politiqu
y foit appellée , laquelle aprç^ auoi
pris connoifl'ance du différent qi:;
eft entre le père & le fils en ce
égard , le règle par vne raifon fiipe
rieure , qui ne ibit point fuiette à 1
paflionni delVnniderautre. C
quia eftétresfagemenntainficon
ftituéparlesloix. Si vousconfide
rés le mariage en ce fécond égard
il n'y a nulle doute qu'il n y failh
quelque folemnité dauantage. Cai
les enfans naifl'cnt pour fuccedei
au bien de leurs peres^ &poureftrc
membfesdela republique & auoij
part en tous fes priuileges ôc en tous
Confdcrat'ion troificjmc. 195)
ifes droits. Diuerfes raifonsdoii-
iques, lefquellesil iVcil pas bcloin
i d expliquer icy, voulans que ce foie
iraucorité publique & fouueraine
iqui règle les fucceffions des parti-
culiers, &: les droits dontellesde-
I pendent , il faut necelfairemenc
i qu elle ait connoilTancc de ceux
encre les mains de qui elles tom-
bent , &: par confcquent qu'elles
foyent informées & de leurnaif-
lance & de leur eftat , fi par raifon
<S: nature ils iont capables de telles
(5^ de telles (licceflions , ou non.
Qnant à ce qui regarde les priuile-
ges de la république , pourquoy &
comment feroyentadmisày parti-
ciper ceux dont la naiiTancc occul-
te Ôiclandeftinecacheroit la con-
dition ôcTeftat ? Eft-il de Tordre de
la nature j qu'aucun corps tclqu eft
j çeluy de la République ^ reqoiue en
' N4
2.00 "Des Droits des Mariages
foy quelque partie , fans s'ellrc bier
informé fi elle s'y ajullera bien, &
fi elle n a point quelques qualité'
quilaluy rendent plulloftnuifiblc
que profitable? Il faut donc que le
Magiftrat.à qui ladminiflration
de la Republique eft cômife, pren-
ne connoiflance des mariages.pour
f^auoir s'ils ont efté bien & leo-iti-
mement contrariés , & pour con-
noilire les enfans qui en procèdent.
Pour ne rien dire maintenant de ce
qu'outre linrereft du public, dont
il eft depofitaire, il eft encore coiv
feruatcurdeccluy des particuliers,
& obligé de pouruoiracc qu'il ne
fc faffe rien à leur def^eu , qui leur
apporte du dommage. De là s'en-
fuit qu'il y doit auoir quelque in-i.
terualc entre la promefle du maria-
ge, & fon accompliifement^ à co
fjuc non ics particuliers feulement^
Confideration troificfme, loi
mais encore le magiftrac , ait le loi-
iîr d'en élire inform c, par les voycs
lefqucUes il iugera luy meime expe-
dicnres&railonnables. D'où Vien-
nent les proclamations en lieu pu-
blic, afin que perionnen'en puilFe
prétendre ignorance. La première
f)romefledonc eil ce qu'on appel-
e fe fiancer , & regarde le futur;
laiflant la cliofe en tel eftat^ qu'il eil
encore en la puilTâce du Magiibat,
s'ilenadebonnesraifons, del'em-
pefclier& de la rompre. Lafecon-
deeftjCe qu'on appelle s'époufer,
qui regarde le preient5& qui rend
la choie alors comme abioluinenc
indiiîoluble- le dis ^ comme abio-»
lumcnt. Car elle ne l'eft pas encora-
à 1 égal de ce qu'elle cil quand le
mariage cft conibmmc. D'où de-
{)cnd ia folution de cette queRion,
Il c'cft le fimplc coJifeHtement des
loi T}ùs Droits des glanages
parties qui fait le mariage , ou fi
pour le paracheuer il ell abfolu-
menc necefiaire qu'il interuienne
conjondion. Car la promeffe du
prefentjapres tous les préalables ne-
ceflairesbien &: légitimement ob-
ferués , allie tellement les parties
contrariantes enfemble , qu'elles
font naturellement en droit IVne
&rautre,de fe conioindre légiti-
mement. Et en cela fait elle le ma-*
riage, ce que la promefle de futur
ne fait pas. Car pour s'eftre donne
parole de futur, on n'eft pas encore
abfolument dans le droit de venir
à la conjonction, l'autorité publi-
que n'y ellant point interuenuë.
Et la promeile deprefenteftindif-
foluble pour quelque caufe que ce
foit , fi ce n'eft ou qu abfolument
Tvne des parties foit incapable de
mariage,ou qu auantla cofomma-
Conjtderation troïfiejme. 103
tionellefedonneàvn autre. Car
cette dernière caufe , comme nous
l'auonsveucy deil'us, rompt le ma-
riage mefmes confommé. Et cette
première monftre quelespromef-
les ont efté nulles. Pour ce que
les promefTes font de fe conioin-
dre pour auoirdesenfans^ &pour
remédiera la commune fragilité,
& par confequent font fondées (ur
la fuppofition qu'on peut auoir
des enfans, ou au moins que cette
alliance remédiera à la fragilité de
la nature. Cette prefuppoiition
donc fe trouuant fauife, le fonde-
ment de la proraefle eft ruiné , &:
par confequent la promefl'e mefme
tombe à terre. Mais la conion-
ftion fait le maiiage , non com-
me ce qui donne le droit de s'ap-
procher j mais comme la chofc
mefn^e à UqucUe on a droit par la
204 ^^-f Droits des Mariages
promeffe. Finalement , fi vous
confijerés le mariage en ce troi-
fîéme égards diuerfes raifons obli-
gent à quelques Gcremonies autres
que les iimples promefTes , & pour
ce qui regarde les pères , & pour ce
qui regarde les enfans. Pour ce qui
regarde les pères premièrement.
Car cftant du deuoir de cette fo-
cieté reîigieufe , de pouruoir au-
tant qu'en elle eft , à ce que les
loix de la politique foient bien &
légitimement obferuées, c'eft àel-
lesà prendre connoiflance s'il y a
efté Citisfait j afin de retrancher de
(à communion ceux qui ne s'y af-
fujeccilTent pas , &: d'élongner au-
tant quelle pourra, defoy, leblaf-
mc de la dciobeïflance. loignés
à cela que la conjonction & habi-
tation de rhommeauec la femme,
eilant (candaleufe , iî elle n'eft le-
Confderdtïon troifejmc. loy
gitime, c'cit à la fociecé religieufc
à prendre connoifTance de fa le-
gitimité, afin qu'il n'arriue point
de péché contre laDiuinitèjnide
fcandale qui ofFenfe ceux quiTho-
Dorent. Pour les enfansaufli. Car
pource que cette focieté religieufe
aufTi bien que la politique a fes pri-
uileges & fes auantages, qui ne doi-
uent pas eftre diftribués témérai-
rement, il eft de fa cohnoilfancc
de difcerner qui font ceux à qui
la diftribution en doit eftre faite.
Ce qui ne fe-peut fi les mariages
n'eftoient fondés finon deffus des
promeffes clandeftines, & defquel-
îes on n*euft point donné de con-
noifTance ni de certitude au pu-
blic. En fin , puis que le mariage
eft de l'inftitution de la nature, èc
que le fruit des inftitutions de la
nature dépend de la benedidion
iù6 Des Droits des z^^rtages
de fon auteur, les pères & les mè-
res eftans membres de la foeieté
religieufe, & lesenfans qui en pro-
céderont le deuant eflre , il n'y a
rien de plus raifonnable , ni de plus
conforme aux loix de la nature
mefme, finon que par la commu-
ne voix de cette focieté, foit obte-
nue iabenediâ:io deDieUj tantfiir
les perfonnes qui cotradtent maria-
ge, que fur celles qui en doiuét eftre
procréées par la génération. Que
Il toutes ces chofes n'ont point
efté obferuées aux mariages des Pa-
triarches, c'eft que ni la police ciui-
le , ni la police religieufe^n auoyent
point encore cette belle forme
dans laquelle nous les voyons en ces
derniers temps.
CONSIDERATION
QVATRIESME.
Si pour rendre le mariage légitime , le
droit de nature veut que l'objet fait
choifihors de la conjanguinite (^ de
l'ajjinitê.
gj^^ lEN que toutes les queftios
Sl^^- précédentes méritée qu'on
^„w..=^^<( Icscôlidere attentiuemenr^
& qu'on les examine foigneufe-
ment, fi ne les ay-je quafi entrepri-
fesque pour feruir de fondement
& d éclarciiTement à celle-cy,la plus
difficile de toutes fans doute, & fur
laquelle il me femble que les Théo-
,lo8 T) es Droits des Ai arlat^s
logiens , les lurifconfultes , & les
Philofophes ont le moins trauaillé,
quoy que fon importance & fon
obfcunté reqiiiflent afles qu'ils y
employaflent leur méditation éc
leur pêne. Trois cliofes principale*
ment ont fait dire à quelques vns,
qu'il eft douteux fi la nature en a
nen déterminé , & qu'il y a beau^
coup d'apparence que ce qu'on
eftime les mariages que l'on appel-
le inceftueux , c'eft à dire contra-
riés auec fes parens en vn trop pro-
che degré , illicites & vicieux, eft
du droit pofitif feulement, & non
de l'inftitution de la nature. Le pre-
mier eft, que les loix que Dieu mef-
me en a données , font couchées au
iiure du Leuitique,dans lequel eft le
corps des conftitutios ceremoniel-
les qui eftoyent pour le peuple d'if-
raël feulement, &quinedeuoien^
durer
Confideration quatriefme. zO^
Jurer que quelque efpace de temps.
La féconde eft , qu'il y a eu des Nat-
ions qui n'onc point faitdediffi-
nilté de contradber des mariages
lans les degrés de parenté qu'on
ippeilederendus,& mclmes qui loc
îftimés les plus facrés& les plus in-
liolables, comme du pereàlafille>
k, du fils à la mère , ainfi qu'il s'eft
)ratiqué entre les Perfes Car fî cela
doit du droit de la nature, il y a
pparence que toutes nations leuf-
cnt également reconnu. Latroifié-
ne finalement, que les raifons que
on a iufques icy alléguées pour
nonftrcr que cela eft du droit de
iature,font fi foibles &c fi peu con-
laincantes , que tout ce qu'on en.
onclud , doit eftre merueilleufe-
uentfufpe6t,pource qu'en toutes
utres chofes , quoy qu'il y en aie
le beaucoup moins importantes
\ O
zio Des Droits des Aï driazcs
qa'on ne s'imagine celle-cy , 1
droit de la nature eft fi clair ^qu
ne peut eftre reuoqué en dout
Ainfi ne veulent ils pasabfolumer
que ces mariages foyent permis ir
différemment ^ ils aduoiient qu'
y peut auoir quelques raifons pou
quoy la puifTance Politique ou E^, .
clefiaftique les defcde.Mais pour <i, -
que le droit de nature y eft à leur ad „,
uis ou nul;,ou extrêmement obfcui ,
ils veulent que la mefme puiflani
qui deffent ces mariages puiffeil i
difpenfer de l'obferuation de |
defenfe , bc rendre ces mariagi ,
légitimes ou indiffcrens. '<
Or quant à la première de ces ra-
for s , on la peut aifément réfuter Cl
diucrfes manières. Car premier»
ment , fi tout ce qui eft défendu ci
commandé dans le Leuitique y e;
de droit pofitif feulement, ôc efti-
I Confdcratîon quatrie/me". ni
bli pour quelques perfonnes , ^
pour quelque temps, ridolattie fe-
ra de mefme condition , car elle y
eft aulTi défendue. Or comme la
, nature nous apprend a adorer la
' vraye Diuinité , auffi nous ap-
' prend elle à n'en adorer qu vnef
^ & par confequent elle défend pa-
'reillement de rendre Thonneur
qui luy eft deu , aux chofes qui
ne pofledentpas véritablement la
I nature diuine. Puis après, ficela
' cftoit de droit pofitif feulement,
'd'où eft - ce que les lurifcon-
fuites Tauroient appris^ veu qua
,Rome , & en Grèce , on n auoit
aucune connoiflance Je cette loy
particulière que Dieu auoit établie
parmi fon peuple ? Certainement
il faut que (^'ait efté la nature mef-
me qui le leur ait enfeigné ; & dé
fait il n'y a aucune nation d'entre
O X
liL Des Droicls des Mariages
o
celles qui mettent diftindlion en-
tre les objets du mariage parla pa-
renté, qui encore qu'elle n'ait au-
cune connoifl'ance de la parole de
Dieu, ne rapporte fes loix en cet
égard aux inftrudions de la nature.
En troifiéme lieu, Dieu mefme
m onftre alTés à quoy il regarde dans
les loix qu'il en établit , puisque
dans la préface, &: dans la clofture
du lieu où elles font contenues, il^
dit exprefsément que ces conjon-
<5tions font abominations, qui ont
efté commifes par les habitans de
Canaan, àc à caufedefquelles il les
Veut exterminer de cette terre. Car
pourquoy n'ayant point de con-
noilîance de fes loix , & la nature
n'en ayant point établi en cette
matière , telles conjondions en-
tr'eux auroient elles efté abomi-
nable&l Et de dire que la dcfcftfë
Confideratlon quatriefme. 115
en auoit efté faite à leurs prede-
ccflcurs^ & que Dieu les veut pu-
nir de ce qu elle a eité ou oubliée,
ou négligée ; outre que c'ell deui-
ner vne cholè dont on n'a lumiè-
re quelconque, il n'y a pas gran-
de apparence ni que Dieu leur euft
défendu ces mariages ii fcuere-
ment, (ans que la nature de la cho-
fc luy en fournil!: aucune railon,
ni qu'il euft imputé aux defcen-
dans Toublianced'vne inftitution,
qui ne fe pouuoit conleruer vn
bien long temps , puis que la loy
n'en auoit point efté donnée par
çcrit, & qu'elle n'auoit point de
racines en Tefprit humain par les
(cntimens de la nature. £n vn
mot , l'air &: la fac^on de laquelle
Dieu prononce ces loix , & la qua-
lité de celles aucc lefquelles ii les
mefle, monftre afsés quiln'eftpas
O3
ai4 T)esT)roits des Adariages
queftion là de cérémonies feule-
ment, mais de chofe qui eft telle-
ment mauuaife de foy, que Dieu
l'a en vne horreur & en vne dete-
ftation extrême. Et ce que ces loix
font écrites au Leuitique , mon-
ftreroit pluftoft l'atrocité de ce qui
y eft défendu. Car comme ainfi
foit que la loy fuft composée de
trois parties : C'eft à f(^auoir j. des
çommandemens moraux, conte-
nus dedans les deux tables j de ceux
qui cocernoient le feruice de Dieu \
éc finalement de ceux qui regar-
doient la police ciuile, les deux ta-
bles eftoient comme la racine & le
tronc de toute la loy y la loy Leui-
tique & la Politique eftoient com-
me les deux maiftreffcs branches
qui en fortoient, & qui fe répan-
doient puis après en vne infinité
d'ordonnances particulières. Et
Conjtdcration quatricfme. iiS
cela de telle force, que comme la
première table regarde l'honneur
que la nature nous oblige de ren-
dre à Dieu, la loy Leuicique s'en
produit, pour expliquer particu-
lièrement la faconde laquelle il s'y
faut prendre. Et comme la fécon-
de table regarde les dcuoirs qui
nous obligent à noftre prochain,
la loy politique en naift^pour don-
ner vne defcripcion plus particu-
lière des chofes efquelles ils conii-
ftent. Puisdonc que cescomman-
demensqui concernent les maria-
ges, ne pouuoient entrer ni enlV-
ne ni en l'autre de ces deux tables,
à caule de leur multitude ck de leur
longueur, (car Dieu n'a pas lUgé
à propos de mettre plus de quatre
commandemen-s en l'vne, de plus
defixen l'autre) il filoic neceflai-
remént qu'ils entraflent en l'vne de
04
ti6 Des 'Droits des AfarUges
ces deux maiftrefles branches qu
s'enproduifent. Partant le maria
ge ayant égard à la focieté politi-
que Ô^ à la locieté religieufe pareil-
lement, il femble que Dieu ait vou-
lu que ces loix qui le règlent en ce
quieft de la détermination de 1 ob-
jetj fuflent pluftoft écrites dans le
corps de celles qui concernent la
religion particulièrement , que
dans le corps de celles qu'il a éta-
blies pour la focieté j afin que tout
le monde iugeaft, qu'encore qu'en
cette forte de péché le prochain
foit intéressé, iî veut- il, tant l'a-
trocité en eft grande, qu'on le ré-
puté en quelque façon auoir efté
fait contre luy mefme. Mais au
refte , & politiques &ceremonicK
les, & naturelles èc non naturelles >
toutes fortes de loix font rappor-
tées en ce liure là , comme il ap-.
Conjideration quatriejme. 217
pert notamment par les chapitres
dix-neufîéme & vingtième jôc par-
tant cette première raifon n a pas
mefme la moindre apparence de-
ftre folide & conuainquante.
Pour ce qui eft de la féconde, fi
cette queftion icy le decidoità la
pluralité des voix , il n'y à point de
doute que ladefence des mariages
inceltueux ne paffaft pour naturel-
le. Car pour vne ou deux nations,
peut eftrc, qui n'ont point mis de
diltindtion entre les mariages ince-
ftueux & non incellueux, combien
cft grand le nombre de celles qui y
en ont mis en tous les fiecles ? Et
s'il faut pefer les voix^ & non pas
les conter, de combien doitpreua-
loir le lugement des Grecs &:des
Romains par deilus celuy des Per-
fes? le dis donc que comme encore
qu'ilfefoitpeut eftre trouuéqueU
2i8 Des Droits des Mariages
ques republiques parmi lefquelles
les femmes auoyent entre mains
Tadminillration de la fouueraine
aucorité j ilne iaiffe pas d'eftre du
droit de la nature que ce foyent les
hommes qui commandent : Ainfî
encore qu'il fe foit trouué quelques
nations qui n'ont point mis de dif-
férence entre les parens, & ceux qui
ne le font pas, il ne laiffe pas d'eftre
du droit de la nature qu'on en faile
diftinâiion dans les mariages. Deux
chofes donc ont eftécaufe de Ter-
reur des Pcrfes, & des autres natiôs,
s'il y en à encore quelque autre qui
fe foit éc^arée des droits de la nature
en cette matière. L'vne eft que danst
les Eftats Monarchiques on a touf-
joursfaitvnmerueilleux eftatdela
perfonne & du fang des Rois : com-
me aulTi de leur coftè les Roys ont
toufiours eu vne merueilleufe paP
Confideranonquatricjrnc. 119
fiondelaifler leurseftatsà leurs de-
fcendans qui feroyent iflusderace
royale. Ainfi ont-ils prétendu , &
les peuples ont volontiers conien-
tij qu'il leur fuft permis quelque
choie de plus qu aux autres dans
les mariages. Si donc le dérè-
glement de leurs afFe6lions les a
f)ortés à des objets que la nature
eur euft défendus, ou fi toute leur
confanguinité eftoit réduite à fi
peu, que s'ils fe fulTent abftenus
des degrés défendus, ils eulTentelté
contraints de fe mefailier, comme
on parle, d^ de prendre femme hors
de la Mailon Royale , on a creu
que la raifon d'Eftat^ ou l'affedion
du Prince le pouuoit bien empor-
ter fur les droits de la nature. L'au-
tre eft, que tels exemples paffent
aisément parmi le peuple; dequoy
les Princes mefmes fotit afsés con-
iio Des Droits des Mariages
tens , afin qu'il ne paroill'e rien
d'extraordinaire en la nailFance de
leurs enfans; & la couilumepeu à
peu etiace tellement lesenieigne-
mens de la nature , qu'il n'en relie
plus i la fin aucun icntiment. Com-
me il a paru dans la paillardile , &
dans la polygamie, dans le diuorce,
& généralement dans toutes les
choies que nous auons cy deflus
veu ertre condamnées par les droits
de la nature, & qui neantmoins ont
eu fi grande vogue entre plufieurs
nations.
Pour ce quiefl: de latroifiefme
railon ,i'aduouë que quelques vnes
des chofes que l'on a iufques icy
alléguées pour caufes de la prohibi-
tion des mariages inceftueux , ne
font pas telles qu'on en puifle clai-
rement & nettement inférer qne ce
foit la nature mefme qui l'ait faite.
m
Corjjidcration quatriejmc.
Quelques vns onc dit que fi on
n'imprimoic dans les efprits des
hommes Thorreur de ces conjon-
ctions, la conuerfation continuelle
des frères auec lesfœurs,&: de tous
ceux généralement qui habitent en
vne mefme maifon , produiroit in*
dubitableméc beaucoup de fcanda-
les. Cela eft bien dit,&:la prudence
n'emDcfche pa squ'on nVfe de telles
precautios. Mais puis qu'on ne fait
point de difficulté de permettre aux
pères & mères , qui fe font ioints en
fecodes nopces,de marier enfembJe
les enfans qu'ils ont eus refpe6tiue-
ment de leurs premiers lits , quoy
qu'ils les ay ent éleués en vne mefme
maiso onnepeutpasprefumerque
cette précaution fafTe vn droit in-
uiolable de la nature. Et de fait,qui
s imagineroit qu'vne chofe indif-
ierentc & licite d'elle mefme, deuft
lit Des Droits des tj^aruges
eftre tenue & défendue comme
exécrable, pource que fi onlaper-
mettoit, l'intempérance ou l'im-
prudence des hommes en feroit
peut eftre naiftre quelques incon-
ueniens ? Quelques autres, com-
me S. Auguftin , ont eftimé , que
Dieu a voulu parce moyen proui-
gner la charité & la diledlion par-
mi le genre humain, au lieu qu'elle
demeureroit renfermée en quel-
ques familles , fi les proches parens
auoient la permiflion de (e marier
cntr'eux. Car pourquoy vn père
iroit-il chercher parti pour fes en-^
fans hors de famaifon^s'ilentrou-
uoitdefortablesenfa maifon mef-
me? Celaeft bon encore : & nous
auons veu cy-deffus que ces allian^
ces ferucnt à la paix de larepubli-^
que, & à la conferuation de lafo-
cieté. Mais fi à prouigner ainfi les
Conjtderat'ton quattrepne. 115
amitiés par ces alliances, il fe trou-
uevn plus grand bien, il ne s'en-
fuit pas de là que la conjondtipn.
entre proches parens fuft vn mal,
& encore vn mal digne d'eftre efti-
xné abominable. loint que les na-
tions qui n'ont point eu de vraye
connoiflance de Dieu , ne fèmblenc
pas auoir eu ce foin d'épandre &
de faire pulluler les amitiés, quand
elles ont fait les loix touchant les
mariages. Ariftote en allègue vnc
raifon quifemble contraire. C'efl:
qu'il faut qu'il y ait de la médio-
crité en laffedion, aufli bien que
dans les autres habitudes de nos
âmes. Veu donc que laconfan-
guinité en engendre déjà, fi on y
adjoûte encore celle que cette
conjonction produit, elledeuien-
dra excefliue. Mais il a eu tort
d'auoir peur dececofté-là. Defoy
114 ^^^ Droits des Mariages
le mariage deuroit engendrer dô
fore grandes ai fort véhémentes
affections : mais le vice & la cor-
ruption du monde eft fi grande ^
qu'il feroit fouuent bien befoin
quelaconfanguinitéjfi elle y peut
quelque chofe^introduifift & affer-
mift la bonne intelligence dans les
mefnages. Adjoûtés à cela que s'il
n'y a point d'autre raifon,ie veux
qu'il y peuft auoir quelque excès
en TaffeCtion , fi eft-ceque cela ne
pourroit rendre la conjonction di-
gne de deteftation & de haine. Car
feroit - ce vn crime que la nature
deuft auoir en exécration , fi le
mary aimoit vn peu trop ardem-
ment fa femme? Plutarque dit en
quelque lieu , que les loix ont ainfi
pourueu au fupport des femmes
qui font mal traittées parleurs ma-
ris. Pource que fi elles n auoient ||
poiftP
I Confderatwn quatncjme, zz^
point d'autres parcnsquelesparens
de leurs maris, elles ne fc^auroient
à qui fe plaindre. Certes pour eftre
parens de leurs maris ^ ils ne laifl'e-
roient pas d'eilre leurs parens auflî,
ni parconfequent d*auoir de bon-
nes inclinations pour leur defen-
fe. Et au fonds, celle qui feroit
afTeurée d'auoir vn bon mary,
pourroit - elle donc époufcr Ton
propre frère ? Que di~je , frère?
Puis qu'il eft naturel auxperesd'ai-
mer ardemment leurs enfans , le
père pourroit ainfi époufer celle
qu'il a engendrée. Car elle ne
pourroit iamais auoir meilleur ni
plus affedbionné mary que fon
propre père. Et neantmoins c'efl:
vne conjondlion que la nature ab-
horre. A quoy vous pouués adjoû-
ter que quand la nature a conjoinc
le mary &: la femme pour la gêné-'
P
iz6 Des Droits des cJ^artages
ration des enfans, elle n'a pas far
cloute voulu prefumer qu'ils s'ci
tf -f battroient , ni prendre fes mefi
rcs (iir cette prefuppofîtion , poi
déterminer les loix qui render
leur coniondion licite ou illicii
félon elle. En fin, dans les mai
uais ménages il femble qu'il fo
pluftojft de la prudence^que la fen
me fe plaigne aux parens de fc.
miry, qu'aux fiens, pource qu'j;
luy doiucnt eftre moins fufped;
de palïion dz de partialité pour el].
Mais quoy ? ie veux que ces raifoji
là ne concluent pas bien forti-
ment j s'enfuit-il delà pourtant qu
la nature n'en ait point eu d'autre?
La mefure de noftre connoifTan»;
eft-elle donc neceffairement la m -
furc descbofcs mefmes ? Combici
yen a t'il dont nous n'apperceuoj;
les raifons que fort conrusémeni,
Confideration qudtrïejrne, iiy
GUI ne laiflent pas d'engendrer de
fort ardentes & véhémentes émo-
tions en nos âmes ? Vn excellent
.tableau nous rauit en admiration j
,& neantmoins bien fouuent nous
ne fc^aurions dire nettement ce que
nousy trouuons debeau, ni quel-
les perfections nous y touchent*
Tous les peuples de la terre ont efté
viuement & profondement per-
faadés de l'mimortahté de leurs
cfprits , & neantmoins à pêne les
raifons en peuuent-elles eftre bien
nettement exphquées par les Phi-
lofophes mefmcs. Si donc nous
n'entendons pas icy la voix de la
nature hautement ni diilmde-
ment , il faut croire que c'eft la
fiirJité de nos efprits, 6i non le dé-
faut de fa voix qui en eftcaufe. Et
quand fa voix y feroit d'elle mef-
•mc obfcure d>c douteuie^il vaudroic
P %
1
ii8 Des Droits des tJ^ariages
pourtant beaucoup mieux s'abftc
nir de ces conjonàions j de ped
de violer fes loix, que de s'y porj
ter^fous ombre que nous ne voyonj
pas affés clairement lesraifons q
les nous défendent. Car comm
en vne accufation dont les preuucî
font ambiguës , les mclinationsdc
riiumanité nous doiuent pluftofi
porter à abfoudre qu'à condam
ner, pource qu'il vaudroit mieux
abfoudre le coupabIe,que condam-
ner iniuftement l'innocent; Ainfi
en l'obfcurité des raifons fi la na-
ture défend Imcefte ou ne le dé-
fend pas, nous luydeuonsce re-
fpect de nous abftenir pluftoft des
chofes qu'elle nous permet, que de
nous licencier à celles qu elle nous
peut auoir défendues. Mais écou-
tons icy vn peu attentiuement la
voix de la nature, ôc v oyons fi nous
Conftdcnttîon matriejme, ii^
a pourrons difcerner. C'eftelle,
%: non pas feulement Ariftote, qui
lous apprêd qu en toutes les choies
jui ont de l'analogie de de la corre-
pondance lesvnesauec les autres,
:e qui ell le plus emment, Se qui
:ientle fouuerain degré , doit eitre
;onfideré , non comme la règle ôc
amefureleulement , mais mefmes
ordinairement comme la caufe &
origine de toutes les autres. Ec
)our ne fortir point hors des cho-
cs morales, ni des enfeigncmês que
a nature nous y donne :, fi ie veux
:onnoiftrele vice, de toutes les in-
:emperances qui fe commettent
lans la vie , ie n'ay point de meil-
eur ni de plus afleuré moyen d y
procéder , qu'en confiderant ly-
ireffe au plus haut point de fon ex-
remité. Là donc ie remarqueray
notamment deux chofes. L'vne eft^
Pi
2-30 T>esT)roits des Adariagcs
la caufe delyurefre, quieftl'excé
en vne certaine volupté du gouft
L'autre effc fon effe6t, qui confilb
en ce qu'elle ofte tout à fait à 1 hom
me l'vfage de la raifbn, Lepremie
rend ce vice d'autant plus chaftia
ble, qu'encore que tous autres ex
ces dans les voluptés corporelles
foyentà blafmer, dautant qu'elle:
doiuent eftre toutes gonuernée;
par la raifon „ ôc retenues entre le:
termes de la modération ; cellec)
eftant des plus groflieres , & qu
nous approchent le plus de la con-
dition des belles , doit eftre fujettc
à fon empire d vne fac^on particu-
lière j & pluftoft ramenée audec^à
de la médiocrité , que portée au de
là de Tes limites. L'autre le rend dau-
tant plus horrible, que tous les au-
tres excès des voluptés nous laiffent
quelque vfage de la raifon : ôc s'ils
Conjideration quatriepnc, 131
la nous oftent , ce n cil que pour vn
momencjen cettuy-cyi'ccliplequi
5'cn fait eil fouuenc de longue cu-
rée. De force que comme s'il falioic
élire conuerti en pourceau , il y au-
roit moins d'horreur à Tell re pour
vn moment feulement, qu'àreftre
l'efpace de quinze ou vmgt ansj
ainiî s'il faut perdre IVfage de la rai-.
fon par quelque volupté , il y a
moins de mal aux voluptésquila
rauiifent & la rendent en vn in-
ilant/s'il n y a rien dauantagc dans
le péché qui s'y cornet) qu'en celles
qui la retiennent long temps après
l'auoir dérobée. De là il eft défor-
mais aifé de reconnoiftre quel iu-
: gement on doit faire de tous les ex-
cès ôc de toutes les débauches ^ qui
le commettent dans le vin. Car fé-
lon qu'elles s'approchent plus ou
moins de ces deux maux qui pa-
P4
x^t Des Droits des Alartages
roiilenc & en la caufe & en l'effei
plus ou moins auffi font elles con-''
damnables, & dignes qu'on lésai
en haine & en aueriiô. Et cela a Iiei
en toutes autres chofes pareille-
ment. Il faut donc voir d'entre le:
inceltes qui e(i: celuy lequel a le
plus d horreur & d'atrocite , & er
examiner les raifons ^ afin de re-
cueillir de là quel iugement il fau-
dra faire des degrés de l'atrocité de;
autres.
Celuy que tous les hommes oni
toufiourseule plus en horreur, eH
fans doute celuy qui fe commet en-
tre le père & la fille , ou cequieft
Guafi mefme chofe , entre la mère
èc foh fils. Aufli eft-ce celuy dont la
defence eft au liure du Leuitique,
efcrite à la tefte de tous les autres.
Car après cette prohibition vniuei-
felle 3 & dont la fandion s'cftend
Confidcratîon quatricjine. x^
(ieflus cous les inccllcs en gênerai,
Nul ne s'approchera de celle qui cflja.
proche parente ^ le fuis h Eternel y Dieu
voulant defcendre au particulier,
dit , 77/ ne dé couuriras point la njergon-
gne de ton père j m la vcrzpngne de ta
mère ^ ^c. Comme fi c citoit là,non
le plus horrible detouslesinceftes
feulement, maisaufli la fource d'où
leur vice & leur atrocité découle.
Orn'yat'ilpas vn de ceux qui dif-
courent raiionnablement de cette
matière ; qui n allègue à ce propos
quelesenfansdoiuent durelpeàà
leurs pères & à leurs mères , &: qu'il
eft violé par cette conion6tion.
Puis quand il eft queftion de dire
en quoyconfifte la violation de ce
refped:, ils en tirent l'explication
de ces mots ^découurir la njergongnc^
àcaufedeTindecencede la nudité,
indécence laquelle eft dautant plus
234 ^^^ Droléîs des Mariages P
grande & plus vicieufe , que la per-
Ibnne deuant laquelle on Ce décou- ||
ure mérite de l'honneur & du ref-
pe6t' A quoy on ne manque pas
d'alléguer cecte obferuation qui fe
trouue dans Valere Maxime,qu'en-
tre les Romains il n'cftoit pas per-
mis aux enfansde fe baigner auec
leurs pères \ fans doute à caufe de
l'indécence de leur nudité. Afin
doncdevoiriufquesoù va la force
de cette raifon , il faut examiner
comment la nudité eft naturelle-
ment indécente. Car fi la nature dé-
fend l'incefte à caufe de ce qu'il y a
de deshonnefte en la nudité il faut
que la nudité elle mefme foit natu-
rellement deshonnefte. La nudité
donc doit eftre confiderée ou en
l'eftat de la nature laquelle cft en
fon entier , ou en l'eftat de la nature
.depuis qu'elle foit corrompue ^ ^
Confidcrdtïon auatriepnc, 235
qu'il ert arriué du defordre en fes
affedions.Or eft-ilbien vray qu'en
l'ellat delà corruption , il elt des-
lionnefte à l'homme de dccouurir
les parties que la nature a deftinées
à la génération. Pource que du
delordrequieft dans les autres par-
lions, il n'en paroift, quand elles
s'emeuuent, aucune marque dans
le corps j 11 ce neft quelque peu,
quand elles font extraordinaire-
ment excitées. Comme il arri-
ué en la colère, alors qu'elle nous
tranfporte iufques à des mouue-
mens &: à des adions qui (ont
bien loin au delà des termes de
Texcellencede la nature de l'hom-f
me, 6c de la modération qui luy
conuient. Au lieu que comme ces
parties font le fîege de la plus tur-
bulente de toutes les conuoitifes,
aufïi nionftrcnc- elles incontinent
z^6 T)es Droits des ^JMaridgcs
les émotions qui s'engendrent en
la concupifcence alcncontre de la
raifon. Mais figurons- nous la na-
ture en vne telle intégrité, qu'il n'y
ait aucun trouble dansles affed;ios,
& que les moindres émotions qui
s'y forment , foient abfolument
foumifesà la domination de la rai-
fon j conmie il n'y auroit point en
ces parties de marques de ce def- \
ordre , auffi n'y auroit -il point fans
doute de honte ni d'indécence en
leur nudité. Et c'eft ce que l'hi-
ftoire de la création de Thomme
nous enfeigne. Si donc la raifon
de la prohibition de l'incefte cft
en Tindecence de la nudité, les in-
celles ne font défendus que depuis
la corruption du pechéj& ils n'euf-
fent point eu de lieu en l'eftat de
l'intégrité delà nature. Or com-
me l'inftitutiondu mariage prece-.
Conjideratiun qHatriefme. 137
de la corruption du pechc, auffi
fans doute les loix de la deternii-
nation de Ton objet , précèdent-
elles la deprauation de noftre na-
ture. Et certes fi découurir la ver-
eon^ne eft vne cliofe honteufe èc
deshonnefte d elle-mefme,elle l'eft
auHibiendansIesconjonétions lé-
gitimes que dans les inceftueufesj
Et ncantnioins perfonne ne le croie
ainfi. Si découurir la ver^oncrne
dans les coniondtions légitimes
n'efl: pas deshonnefte, il faut que
ce qu'il l'eft dans les conion6lions
inceftueufes , cela ne vienne pas
d'elle mefme, mais de la nature de
la conjondlion. La coniondion
donc eftant deshonnefte , la dé-
couuerture de la vergongnc qui
l'accompagne le dénient auflî j de
forte que c'cft l'incefte qui rend en
ce. cas la nudité indécente , cane
1^% T)cs Droits des çJMdrïdges
s'en faut que Tincefte foit incefte
& vicieux par l'indécence de la
nudité. Ceux - là ont approché
beaucoup plus près de la vérité, qui
ont dit qu'il n'eft pas à propos de
méfier diuerfes relations les vnes
auec les autres , &quienontad-
jouté cette raifon , qu'il s'en enfui-
uroit neceflairement du defordrcj
pource que Çi vous mariés la tante
auec le neueu, le neucuferalTujet-
tira parle mariage, & ainfi celle qui
doit tenir lieu de mère , & auoir
parconfequent vn rangconuena-
ble à fon de^ré , deuiédra inferieu-
reàceluyqui fe l'affujettit. Oreft
il que la fuperioriré,& l'infériorité,
en ces relations de la tante au ne-
ueu, font du droit inuiolable de la
nature , & par confequent on pè-
che àlencontre d'elle , fi on les def
truit. C'eft là, à mon aduisjl'en-
Conjtderation ma,trïéfrne, 139
trée à Texpli cation de cette difficU
le queftion, pourueuquefur cette
obferuation nous faffions deux
confiderations importantes. Uvne
eft , que comme amfi foit qu'il y ait
de deux fortes de relations entre
parens, les vnes qui portent égalité,
& les autres ineo-alité auec elles,
ceux qui mettent cette raiion en
auant , ne confiderent icy que celles
qui confti tuent les perfonnes iné-
gales, de forte que les relations qui
• jfbnt entr'elles ne fe peuuent mefler,
fans fe dcftruire l'vne l'autre : ce
quelesloix delà nature ne permet-
tent pas. Pour ce qui eft de celles
qui rendent les perfonnes égales,
ou au moins qui n'y mettent point
de notable ineo-alité ; ilsne rendent
point la raifon pourquoy elles ne
fè peuuent mcflerenfemble en ceux
à qui la nature a dcfcndula conjon-
2.40 Des Droits des M arîagéi
€tion , comme entre le frère & k
fœur. Car fî vous les mariés enfem-
ble, ils tiendront chacun fon rang
naturel , pource que Tcgalité qui
lî'eft de la qualité de mary & de
femme, s'accordera fort bien auec
celle qui eft fondée en la fraterni-
té. Et quant à l'inégalité du fexe, la
lùperiorité fe trouuera toufiours
au mary comme elle eftoit au frère,
& l'infériorité en la femme, com-
me elle eftoit en la fœur auparauit.
La féconde confiderationeft, que
quand ceux qui parlent ainfi,pro-
pofent l'exemple de la tante & du
neueUj ils rendent bien par la fu-
jettion à laquelle on foumet celle
c|uidoit eftre fuperieure, la raifon
du defordre qui eft en cette coii-
ion6lion. Mais veu que fi vous
mariés le père auec la fille, en ce
mariage chacun ce femble, tierl-
dra le
\
Conjtdcpation quatriejrne. t^i
ira le rang que la nature luy afli*
Tnc félon ces deux relations, dau-
:ant que le père qui eft naturellc-
nent fuperieur, deuenant mari,
ifTujettira y & que la fille qui eft
laturellementinferieure^deuenant
emme , fera aflujettie, ou il faloic
iduoiier que la conjonction du pe-
e & de la fille, de l'oncle & delà
uece,eft légitime ; ce que lanatu-
e a en horreur; ou il faloit rendre
a raifon du defordre qui fait que
:ette conjondiion eft illegitim^e.
Afin donc de refpondre à ces
lifficultês, il nous faut icy foigneu-
ement examiner quatre chofes*
Premièrement, quelle relation le
nary & la femme ont entreux, &
pelles en font les dépendances^
iecondement, quelle relation il y a
;ntrele père & l'enfant ^ & quelles
es fuites qui en dépendent. En
i4^ Des Droits des Aîdriages
troifiéme lieu, s'il peut conuen-
ou non aux loix de la nature, qi
ces deux diuerfes relations de ma
& de père, ou de femme & d'ei
Fant, auec leurs confecjuences^ton
bent en vn mcfme fujet. Et en fii
Il parlesloixdelanature elles n
peuuent tomber, que c'eft qui se
peut recueillir au regard des autr
relations, ou qui y ont de l'anale
gie, ouqui en dépendent. Orpoi
ce quiefi:dupremier,bienqu'ent
rhomme Se la femme qui font coi
joints ensemble par mariage, il
ait de rmégalité , tant en la no'blc
fe du fexe,qui donne au mary bcai
coup d'auantage, en ce qui eft c
la prudence & de la force du raifoi
nement, qu*en la génération me
me,oii il eft confiderécomme prii
cipal agiflant, fi eft - il clair qiîc
nature nousapprend que les enfau
ConJiJcration matricfme. 143
qui fe produifent de leur conjon-
âion, font leurs cnfans également.
Et pour ce qui eft de leur educa-'
;ion , Ôc de l'adminiftration de la
:amille , ou il leur appartient con-
ointement , ou s'il fe partage, il
e partage Ariftocratiquemcnt, en
ittribuant à la femme ce qui re-
garde le me(nao;e, à l'homme ce
|ui concerne les affaires du dehors.
i)e forte que comme les fujers en
m gouuerncment Ariftocratique,
cgardcnt l'autorité fouueraine de
aquelle ils dépendent^comme refi-
lente dans leSenat tout entier; ainiî
la l'adminillration de la famille,
es enfans & les feruiteurs regar-
dent l'autorité à laquelle ils font
liTujettis, comme refidente dans le
Tiary &dans la femme conjointe-
ment. AulTi les appellent-ils père
^ mere> ôc maijftre Ôc maiftreffe
144 Des Droits des AîarUges
également. Mais comme lî dedan
le Sénat mefme il arriue qu'il y ai
entre ceux qui lecompofent,quel
que diflentiment, la partie où il y î
le plus de voix l'emporte , pourc(
qu'on ne peut pas autrement iu
ger de quel cofté il y a plus de pru
dence & de raifon , fînon par L
nombre des voix ; ainfi quand i
arriue de la diuerfité d'opinion
entre le mary & la femme , pour C(
qui eft du gouucrnement de la mai
fon, l'aduis du mary le doit empor
ter. Pourcequenepouuant pasiu
ger de la prudence par le nombru
des fiifFrages, il en fautiuger pa
l'auantage du fèxe , qui naturelle
ment donne celuy de la raifon. E
cet auantage équipolleàla plurali
té des voix. Or n'eft - il pas mal
aisé de monftrer que cela eft d(|
rinftitution delà nature. Car pou
Conftderation qmtriefme. 14^
ce qui cil de 1 inégalité du fexe ,1a
feule conformation du corps, la
force des membres, la majeité de
la prefence, & les autres auantages
le monftrent fî euidemment^ qu'il
n'ell fujet à aucune conteftation. Et
qu'en vn corps beaucoup plusaua-
cageufement composé, la nature
ait logé vne raifon plus forte, plus
accomplie, & plus exavSf e,c'eft cho-
fe raifonnaWe en elle mefme, & fî
la nature eult fait autrement , elle
n euft pas obferué la fagefle ôc les
proportions qu elle garde en tou-
tes autres fortes d-e fujets Que s'il
fe rencontre des femmes qui ayent
1 entendement meilleur que quel-
ques vns d'entre les hommes, com-
me il ne le peut pas nier qu'il ne
s'en trouue quantité, c'eft à peu prés
comme nous auonsditcy- deffus,
qu'il fe trouue des gens qui ont la
i4^ DesT) rohs des Mariages
main gauche plus vigoureufe qu
la droite, & plus habile en fes mou
uemens ; quoy qu'il loit de l'infli
turion de la nature au contraire
Mais quant à cette égalité qui naif
de leur mariage & de leur conion-
«Sion, puis que la nature leur don-
ne à peu prés pareille autorité def
Jusleurs enfans,il faut que leur con
dition foit à peu prés pareille de
mefïnes. Car fî deux hgnes qui fe
terminent fur vn mefme poinâ: ,
s'éleuent au deffus de luy peu s'en
faut également, il ne peut pas y
auoir grande différence en leur:
étendue. Partant , pour me feruir
encore de la coparaifon des mains^
comme quand nous les ioignons
enfemble pour leuer vn mefme
fardeaUjOU pour compofer vn mel-
meouuragc^nous leur attribuons
reffe(^ (qu'elles produifent à peu
' Confidcration qHatriefme, 147
^rés égaleaieat , pource qu'encore
nie la dfoice y contribue quelque
rhoie de plus.li ell-ceque ia gau-,
:he n'eli; pas vn mltiument qui luy
.oit fous- ordonné , mais vnecauis
J;:; niefmc ordre cn: de mefme rang
auec cllci ainfi en la conionclion de
l'homme &c de la femme pour la
crencration j 6^ l'éducation des en-
fans, bien qu'il y ait raifon pour^
quoy le mary y foie plus coniîde-
rc , il eft-ce que la femme eft vne
aide qui luy ell coniointe , pour
eft re tenue comme vne caufc de
nature toute (emblable.
Venons à cette heure au fécond
point. La mefme nature qui a enfeir
gné cette vérité à Ariftote , que le
mariage conftitue vn gouuerne-
inent Ariftocratiqueparle moyen
de l'égalité , luy a encore appris
qu'entre le père ôc l'enfant il y a vne
0^4
148 Des Droits des Mariages
relation tout à fait différente. Ca
au lieu que la femme eftvne cauf
conjointe auec le majry, pourl
génération &c le gouuernement
l'enfant eft l'effeâ: qui feprodui
de leurs concours , & qui ne peut er
façon quelconque auoir raifon n
nature de caufe. C'eft pourquoy h
mefme Philofophe dit que lautori
té du père de (fus l'enfant, eft Roya
le. De fait, pour ce qui eft de la naif
fance& de la génération , l'enfant
dépend abfolument du père , le pè-
re ne dépend en aucune façon de
l'enfant: le père donne l'eftreà ce
qui eft engendré deluy,lefils au
contraire te peut rien contribuer à
la conftitution de Teftredeceluy
qui l'engendre. Comme donc les
Cieux font dits régner furlescho-
fes inférieures & elementaires,pour
ce que tout ce que les choies ele-
Conjîderatien quatricjme, 149
mentaires font 5 elles le font paria
force des caufes celeftes, au lieu que
les Cieuxnerecoiuentrien du tout
des créatures d icy bas : ainiî peut
on bien dire que le perc règne def-
fus fon enfant jpource que tout ce
que l'enfant eft , il le tient de luy , ôc
qu'il ne luy confère du tout rien
pour la fubfiftance de (on eftre.
Quanta l'éducation , l'expérience
nous monftreafTés que lors que les
cnfans viennent au monde, ils font
long-temps qu'ils n'ont du tout
point Tvlage de laraifon ; &: pen-
dant ce temps-là ils dépendent ab-
folument du foin de leurs pères.
Quand la raifbn commence à poin-
dre en eux , elle eft long-temps fi
imparfaite , ôc fi languilfante , &
fi lujetteàlaconuoitifc quilaflîege
de tous codés j que fans la conduite
de laraifon du père 5 qui leur com-
i;o D es Droits des Mariages
mande auec vne abfoluë èc entière
autorité , ni pour lors ils nepour-
royent agir raifonnablemenc , ni
pourl'aduenir il neieroitpas pof-
lîblequelaraifon fefoiraall telle-
ment en eux, qu'elle ne demeurait
très -imparfaite & très- mutilée.
Comme donc nous difons quel en-
tendement a l'empire defTus les ap-
pétits, & qu'il les gouuerneabfolu-
ment, comme s'il en eftoitlemo-
narque , ainfî pouuons nous bien
dire que la raifon du père règne def-
fusceile de l'enfant, hc qu'elle a def-
fus elle vne autorité monarchique.
Vne chofe pourroitauoir icy quel-
que difficulté \ Tçaiioir, fi le gouuer-
nemcnt Royal du père deflbs l'en-
fant, dure encore après le temps
deftiné à fon éducation , & lors que
la raifon eft deuenuë fi forte en luy>
quefes avions peuuent cflreabfo-
Conjîdcration auatricfmc . 151
lumentremifes à fa propre condui-
te. Car pource que cet empire ell
fondé deflus la neceflicé du gou-
uernement, il femble que legou-
uernement cefîelors qu'en ceilcla
necellité , d^ que le gouuernemenc
cédant , l'empire ceflcde mcfmc.
Icy donc il faut apporter vne di-
ftuidlion. Car ou bienTenifcint qui
cil venu à cefte maturité de raiion,
demeure encore en la maiion de
fon père, & ne fait point de famille
à part j ou bien il s'eft feparé,^: par
le mariage il fait vne famille nou-
uelle. S'ileftence premier eilat , il
n'y a nul doute que quelque ma-
turité que fa raifon ait acquife par
le temps ^ neantmoins l'autorité du
gouuernement du père & de la mè-
re dure encore en fon é^ard. Car il
eft encore réputé comme membre
dcla.famille dans laquelle il cit ^ &:
^.ji Des Droits des tt^Jariages
par confequent fujet aux loix par
lefqucUescile cft gouuernée. Oreft
il que lé gouuernemenc de la famil-
leàlégard du chefeft vn gouuer-
nemenc iouuerain , &:qui ou bien
eft formé iur le type de l'aucorité
Royale , ou qui , comme il ell plus
vray femblable 5 à donné par le mo-
delle qu'il en prefente , fa première
forme à la Royauté. Ainfi donc que
dedans les monarchies il y peut
auoir des lujets qui ont les vertus
propres au gouuernement , peut
cftre en aufli haut degré que ceux
mefmesqui lontaflls deflus le trô-
ne , qui neantmoins dépendent ab-
folu'nentdes loix derÈftat, parce
que leur condition ne les efleuepas
au de (Tus du nom de fujets: De mef-
mcs dedans les familles il y peut
auoir des enfans qui ont autant de
prudence ôc de raifon que le perc
C on f aération quatrîejme, 25-3
& la mère en ont , &: ncantmoins
ils n'ont nulle part au gouuerne-
mentj pour ce que leur condition
ne les efleue point au dcflus de la
qualité d'enfans. Pour ce quieft
de ceuxquifefontfeparés, les loix
des Romains ont voulu quenon-
obltant le mariage j ils fuflent en-
cor en la puifl'anee paternelle. Tant
cette fage republique a creu qu il
falloir attribuer à l'autorité des pè-
res defTus leurs enfans. Mais quand
nous n'irions pas fi auant ^ il ne laif-
fcroitpasd'yauoir icy deux chofes
indubitables. L'vnc^que ce que les
enfansfontjilsle font de par leurs
pères. EulTent ils vefcu cinq cens
ans 5 tant y a que l'origine de leur
cftre a dépendu de leur génération.
Et bien quil y aittantolt fix mille
ans que le monde cft créé , fi n'a t'il
du tout rien perdu de cette relation
254 I^^^ Droits des t^ triages
par laquelle il fe rapporte à Dieu,
comme l'effet à facaufe. L'autre,
qu'encore quVne autorité ôi vne
puiflance cefle à l'égard de fes fon-
étions , la dignité pourtant ÔC
l'honneur de la puiflance ne cef-
fe pas , principalement fi ce que
les fondrions en ont cefle, cela vient
de ce qu'elles ont amené au point
deleurperfecStio les cliofes fur lef-
quelles cette puiflance auoit eûé
eilablie. Car il y a notamment de
trois fortes de chofes dont les fon-
élions dcftméesà vn certain effedb
cefl'ent, lors que l'effedta efté pro-
duit. Lesvnes font celles qui tien-
nent feulement lieu de moyens en
la main de la caufe eflficientej au lieu
que l'effed tient lieu de fin en fon
intention. En telles natures de cho-
fes, lors que la fonétion cefle , il ne
demeure aucune disinité àlmftru-
9
Conjîderamn tjuatrïefme. 255
ment, pour ce que la fin eft plus ex-
cellente cjue luy en toutes fâchons.
Ainfi après qu'vn palais eftacheué^
on en ruine les chafFauds , & quand
la voûte eft conftruice , on en met
le cintre bas. Et fi le palais ou la
voûte auoyent du fentiment de
leur eftre , ils les ruineroyent eux
mefmes, fans pécher contre lesloix
dclanature.Pourceque la dignité
de la fin engloutit tout ce que d'ail-
leursil y en pourroit auoir dans les
choies qui font fimplementmoyés.
Les autres font celles qui tiennent
lieu de caufe efficiente, & dont Tef-
fe6t ne peut élire proprement la
fin. Caronnedira iamaisque l'ef-
fe6i foit la fin de fa caufe. On dira
bien que l'effeâ: eft la fin de quel-
ique faculté &: de quelque propriété
laquelle eft en la caufe: mais la fin
-de la caufe , non. Ncantmoin<s
1^6 T>es Droits des Ma rïagts
pource que la caufe ni Teffed n'eft
point doué de raifon, &quedvn
cofté la raifon eft la feule chofe qui
eft digne de l'honneur , & de l'autre
la raifon eft la feule chofe capable
de le rendre, auffitoft que les fon-
ctions de ces caufes là ceflent^tous
les fentimens de la relation qui eft
entre la caufe & l'effed ceflent auffi
pareillement. Ce quife void mani-
reftement ainfi ordonné par la na-
ture dans les beftes. Car pource que
Tinftindt que la nature a donné à
vne poule , pour auoir foin de fes
poulets 5 &: que Tinftindb que la na-
ture a donné aux poulets pour
obeïr à la voix de la poule & pour
l'aimer^eft feulement pour le temps
qu'ils ne peuuent ni fe nourrir, ni fe
conduire ,nife défendre eux mef-
mes ; tandis que ce befoin dure , ces
inftincSs durent auffi, Vient-il à
ceffer?
Confiicmtion cjuatriejmc, z^y
cefferPCes inftinds cèdent de met
mes ^ ôc tous les relTentimens s'en
cftcignent abfolument. En quoy
nul ne dira que ni la poule ni les
pouflins commettent quelque cho-
fecontre les droits de la nature. Car
ce qui eft de fon inftitution j n'eft
point contre fes droits :&: ce qui
cft vniuerfel & perpétuel en fes ou-
urages, eft de fon inftitution fans
doute. Les autres font celles qui
non feulement tiennent lieu de
câufe efficiente , mais qui auflî ,
pource qu elles font doiiées de rai^
fon, font coniointes auec dignité.
Et de celles là, bien que les opéra-
dons & les fon6bions viennent à
f.efler, pource qu'elles ont parfait
es chofes aufquelles elles eftoient*
deftinées^fieft-ce quele$ relations
en demeurent,coniointement auec
les relTcatimens que ces relations.
R
ij8 T)es 'Droits des Adariages
produifcnr. La raifon donc eftant
d'vncofté Tobjec de l'honneur, &
de Tautre , ce qui feul eft capable
de le rendre, il eft de Tinflitution
de la nature , qu'entre ces chofes
qui ont de telles relations qu'il j
en a entre le perc & le fils, la digni-
té demeure d'vne part, àc le refped
^ l'obeïffance de l'autre. Que s'il
fe rencontre entre les beftes quel-
que trace & quelque image de ce-
la , ce n'eft pas à dire qu'il y aii
proprement ni de telles relations
ni de tels reflentimens. Ce fom
feulement autant de icuxde lana-
ture,& comme des emblèmes dan
lefquels elle veut donner aux hom
mes des enfeignemens des chofè i
qui conuiennent à leur raifon.
Pour ce qui eft delà troifie(m(
queftion ,il femble que déformai
elle n eft pas mal-aifee à refoudre
Conjiderapion quatriefmc. 2^9
Car les relations qui , comme i'ay
(dit cy defîus, portent égalité auec
elles , tirent fans douce des confe-
quences qui fe peuuent accorder
enfemble , & qui ne fe choquent
nullement. De forte que plufieurs
fe peuuent rencontrer en vn mef-
me fujet , fans que les fuites qui en
naiffent foyent détruites , fînoa
qu'il y ait quelque autre chofe qui
cmpefcheleurconjondion. Ainfi
dans la police vn mefme homme
peut eftre fans difficulté Roy & pè-
re de fes enfans ,& vn mefme hom-
me enfant & fujet de fon père tout
enfemble. Pource que les fondios
qui dépendent de la qualité & de
père & de Roy , ne fe trauerfenc
point IVne l'autre, maiss'entrai-
dent pluftoft mutuellementj & que
les mouuemcns d'honneur, de ref-
ped 6c d'obeilfance , qui depen-
Rz
i6o Des Droicls des Àdariazcs
dent de la qualité des enfans & des
fujets, fontde nature fi femblables,
quils fe conjoignent admirable-
ment bien, pour fe rapportera vn
mefiiie objet. Et pour tirer quelque
illuftration deschofes d'efpcce dif-
férente , s'il y pouuoitauoir quel-
que relation véritable entre vn
homme & vn clieual , toutes celles
cy s'accorderoyent fort bien en-
femble en vn mcfme iujet, d'eftre
mairtre. du cheual , & efcuyer , 6l
gendarme tout enfcmble- Entant
que maillre^il vferoit de (on cheual
comme fien ^ entant qu'efcuyer 51I
en vferoit bien & félon les règles
du maneige ; tentant que gendar-
me , il rapporteroit ce bon vfage a
vne plus noble fin , qui eft de feruir
dansles occafionsdela guerre. Et
en cela tant s'en faut qu'il y ait quel-
que chofe qui choque la diipofi--
Confdcrdtion matriepric. i6i
tion de la nature , cjue comme il ap-
perr , tout cela s'accorde mer-
ueillculcmentbien. Mais les rela-
tions qui portent inégalité ou con-
trariété enrr'elles ^ ne peuuent pas
raifonnablement tomber en vn
mefme fujec. Ainfi dans la police
vn mefme homme ne içauroiteitre
tout enfemble (ujet 6c fouuerain
magiftrat. Car en qualité de fouue-
rain magiftrat il faut qu'il com-
mande & qu'il gouuerne^ & en qua-
lité de fujet il tàut qu'il obeiffe&
qu'il foit gouuerné. Cela donc
eftantabfolument incompatible &
contradictoire , il faut neceflaire-
ment quel'vne de ces qualités ccde
à l'autre, & que la relation de magi-
Itrat l'emporte pour gouuerner &:
pour commander, ou que la rela-
tion de fjjet preualc pour eftre fu-
jet au gouuernemct. Et danslafjb-
R3
i(j t Des Droits des Adaiiages
ordination des chofcs d'efpecc
différente, il en efl: de mefmes. Car
pour me feruir du mefme exemple
que l'ay cy defTus apporté, en la
conjondion de l'homme & du
cheual , il faut que l'homme d e--
meure homme pour manier , &c le
cheual,cheual, pour eftre manié.
Etfî vousvouliés ioindreces deux
efpeces enfemble, la nature s'y op-
poieroit^ & ne pourroit fouffnr que
vous formaffiés vn monllre tel
qu'on s'imagine les Centaures. Puis
donc que nous auons fuppofé cy
deflus, que la relation de mary éc
de femme eft d'égalité ^ &la rela-
tion de père & d'enfant d'inégalité
très grande , &: que ces deux rela-
tions tirent après elles des confe-
quences, non fi diuerfes feulement^
maisencore fi contraires, vous ne
kspouuésconjoindre parle maria--
Conjtderation quatriejrne. x6^
ge, fans ruiner ablolument ou l'vne
ou l'autre , contre Texpreffe dilpo-
fîcion de la nature. Car fi en ma-
riant le père auec la fille, vous vou-
lés qu'il garde l'autorité paternelle
qu ilauoit auparauant ^ la fille de-
uenant fa féme n'acquerra pas cette
égalité que le mariage donne à la
femme auec fon mary. Ce qui eft
contre la difpofition du droit natu-
rel. Et fi vous voulés que la fille de-
uenant femme acquière cette éga-
lité que le mariage doit donner, il
faudra que le père deuenant mary,
perde fon authorité paternelle. Ce
qui eft contre le droit de nature en-
core. Inconueniensquifetrouuent
apeu près femblables fi vous mariés
lefilsaueclamere. Car ou bien il
faudra que la mère conferuant l'au-
torité que la nature luy donne, le
mary ne trouue pas dans le mariage
R 4
2,^4 ^^s TD^oîts des Mariages
le rang qu'il y doit auoir. Ou bien
il faudra , s'il y veut prendre fon
rang, que la mère perde celuy que
la nature luy donnoit en cette qua-
lité de mère. Or qui confiderera
bien attentiuement l'importance
de la chofe ^ remarquera aisément
que non feulement cette conjon-
(Sion eft illicite ; mais que d'entre
les coniondions illicites, c'eft celle
où il paroift plus d horreur &d'a-
rrocité. Caria puiflancc paternelle
cftfouuerainement refpe6i:ablej &
ne peut eftre le moins du monde
violée fans vn grand péché. Aufli
Dieu la t'il tellement recomman-
dée , qu'il a voulu que ce fuft le pre-
mier comandement de laTable où
ilacompristousles deuoirsdesho-
mes les vas enucrs les autres,&î qu'il
full feul honoré dVne promeiffe
particulière, pour monftrcr queK
Conpdcration quatriefrne. 16$
le confideration il en faifoir. luf-
qucslà que ne donnant point d'au-
tre commandement en cette loy
touchant ledeuoir des fujets enuers
leurs fuperieurs , quoy que ce foit
vnechofefi facrée& li inuiolablc;,
il a voulu que l'honneur qu'il attri-
buoit à l'autorité paternelle , fuft le
type de celuy qu'on rendroit à tou-
te autre fuperiorité. Or file refped:
qu'on doit à l'autorité paternelle
efttel qu'on ne le peut négliger ni
violer , mefmes par vne (eule ac-
tion, fans vn grand péché, que doit
on penferdescontradsparlefquels
on fait vœu & promeffe folennelle
d'y renoncer abfolument pour tout
le refte de fa vie ?
Refte le quatrième poinâ:. Ou-
tre cette maxime générale, laquel-
le i'ay déjà remarquée , qu'en tou-
tes chofes qui ont de l'analogie en-
léè Des Droits des Maridgcs
tr elles, celle qui tient le premier
& le plus haut degré , eft la caufe
de toutes les autres, diuerfes rai-
fons doiuent faire pcnfer, que s'il
y a quelque chofe de deshonnefte
& de nacurellement vicieux dans
les autres conjondtions défendues^
cela découle de mefinefourcejC'eft
à (^auoir, de la violation de cette
authorité. Et premièrement , la
raifon commune delaprohibitioïi
' de ces mariages , telle que Dieu
mefme & les hommes l'allèguent
en leurs loix ^ eft qu'il y a entre
les perfonnes qui les contractent,
vne trop proche parenté. Or lapa-
rente , foit proche, foit éloigné©,
ne confifte finon en cette vnion,
par laquelle plufieurs perlonnes
font vnies en vn commun principe
de rorimne de leur eftre^ duquel ils
font defcendus par la génération
i
Confderation quatriejme. i^y
Car les hommes ne font point pa-
ïens entr'eux , finon en ce qu'ils
font faits d'vn mefme fang; Ôi ce
fang là neft point vn, finon en-
tant qu'il eft defcendu d'vnleul,
<S: qu'il vient d'vne mefme veine.
Or eft- ce vne vérité commune &
ordinaire en la bouche de tout le
monde, (|^e ce qui eft la caufe de
la caufe, eft auffi la caufe del'effed:.
De force que fi la caufe du vice de
1 mcefte eft en la feule parenté, 3c
la caufe delà parenté, en ce feule-
ment qu'on eft defcendu d'vn mef-
me père , le vice de l'incefte dé-
pend de là mefme neceffairement.
Ainfi faut-il qu'il y ait dans le vice
de ces conjon6tions, quelque cho-
fe qui correfponde à ceîuy que
nous auons remarqué entre leper#
^ l'enfant. Cependant , celuy qui
fe commet entre le père ôc l'enfant.
2. ^8 Des Droits des t^arhges
^onfîfte en la violation de cette
autorité. Et partant dans les au-
tres confanguinitésTincefte a quel-
que relation à cette violation. De
plus, tous ceux qui ont iamaisbien
attentiuement coniidcré ces ma-
tières, ont toufîours mis vne très-
grande différence entre la con fan-
guinité qui fe continue en ligne
droite, du père au fils, du fils au
petit fils, & à l'arriére fils encore,
& ainfi confequemment : & celle
qui fe prouigne en ligne collaté-
rale, des deux frères à leurs enfans,
qui par ce moyen deuiennent cou-
fins germains, &: de ces confins ger-
mains à leurs enfans, qui deuien-
nent iffus de germains. Car quant
à celle -cy, elle s arrefte fi toft pour
ce qui regarde la légitimité ou illé-
gitimité des mariages, que iamais
aucun n'a fait difficulté de marier
Conftdcration quatricfme. 16^
.{liemblc les iflbs de germains''-'-
pource qui eft des germains,ii quel-
ques vns en ont fait fcrupule, Ccft
à tort, puis que la Loy de Dieu ne
le défend pas, ÔcqueTanciennelu-
rifprudence le permet , laquelle a
elle puisée des fourcesde la nature
mefme. Mais quant à l'autre, ou
bien elle fe continue iufques à per-
pétuité , comme c'cft l'opinion de
h plufpart des lurifconfultes , ou
.ui moms s'auance t'elle fi auant,
qu'elle pafle de bien loin les degrés
de la confanguinité collatérale. De
forte que fi Abraham a engendre
Ifaac , &c Ifaac lacob, &:Iacob lo-
feph, &:Iofeph Manafsé , & MaJ
nafsé EliaKim, 6c qu'EliaKim en-
gendre Anne; puis après, qu'A-
braham viue encore lors qu'Anne
eft bonne à marier ; bien qu'ils
foient éloignés l'vn de l'autre de
lyo ^cs Droits des zJ^ariages
jQx générations, fieft-ceque tout
le monde cftimeroit leur conjon-
ùiion inceflueufe. Or ce qu'elle fe-
roit telle vient fans doute de ce que
l'autorité paternelle fe prouigne&:
feconferue, ou toufiours , ou au
moins vn fort long temps par cet-
te ligne là. Et partant ce que les
mariages ne font point défendus
entre les confanguins en ligne col-
latérale beaucoup plus prés de leur
commun efl:oc,cela vient de ce que
la confanguinité s'éloignant de cet
cHoc paternel dont elledefcend,
l'image de l'autorité paternelle fe
va diminuant , & les cbaradteres
s'en effacent. En rroifîéme lieu,
ie n'examine pas à cette heure le-
quel de ces deux incultes, du frère
auec la fœur, oudel oncleauec la
nièce, &: de la tante auec ie neueu,
a le plus de degrés d'horreur ôc d a-
Conjtderation quatrieprie. i^i
crocicé.-mais tant y a que corne nous
auôs vcu cy-deffuSjle defordre cotre
nature qui cft en la coniond:ion de
la tante auec le neueu, vient de ce
que la tante eftant , entant que tan-
te , naturellement fuperieure , le
mariage l'affuietit à fon neueu , Ôc
ainfîluyfait perdre le rang que la
. nature luy a ordonné. Où cette fu-
perionté de tante n'eft confidera-
txle, iinon en ce qu'elle a quelque
reffèmblance à l'autorité maternel-
le,&quellecn tire quelque chofe
par communication. Et partant
c'eft encore le mefpris de l'autorité
paternelle ôc du refped qu'on luy
doit, qui rend ce mariage condam-
nable &c mceftueux. Et par mefme
raifon ce fera la mefme chofe qui
rendra illicite la conjonction de la
tante auec le fils de fon neueujpour-
cc qu'encore que le fils de fon nçueii
171 Des IDroits des Mariages
s'éloigne dauantage d'elle, fieft-cc
que cette participation & commu-
nication de l'autorité paternelle, fe
prouigne iu(ques-là & encore beau-
coup plus auant , à l'imitation de ce
qui fe fait en la ligne qui eft abfolu-
ment directe. Et dans les mariages
qui font inceftueux , non plus à
caufe de laconfanguinité , mais de
l'affinité , il en eft de mefmes. La
belle fille ne peut époufer fon beau
père, ni la belle mère fon beau fils,
pource que lalliance ou affinité
imitant la confanguinité , elle les
oblige à des deuoirs différons & in-
compatibles, félon la différence des
relations qui font entre le père &
l'enfant. Or fi c'eft-là la nature de la
caufè de la plufpart des inceftes , il
faut que ce foit la nature de lacaufè
de tous. Car pourquoy & comment
eft-ce que des conjonctions efti-
mccs
I
Conjideration matriejhie. ty^
méesvicicufès demefme fac^on ^ &
qui n'ont quVn nom comun pout
defigner la nature de leur vice , au-
royentdes cau(èstoutà fait diffé-
rences de leur defordre Si de leur
iniquité ? Cettes bien qu'il y euft
diuerfès fortes de diuorce , ee fe-
foyent pourtant toufiours mefiries
DU (èrablables caufes qui les ren-
iroyent illégitimes & mauuais,
;omme les diuerfes forces de poly-
gamie ont deseaufes communes de
eur illégitimité. Eteneflainfi de
outes les autres différentes efpeces
le péchés quifepeuuent commet-
te dans la matière des mariages. Il
' a feulement vne chofe<fjui peut
lonnerde la peine. C'eft qu'il y a
ertains mariages entièrement in-
eftueux , qui (ont entre des per-
onnesdonc les relations font en
)arfaite égalité , 2w ou par confe-
S
174 TDcsDroits des Apanages
quenrne paroiftpas cette autoritc
paternelle , comme du frère auecL
fœur 5 du beau frère auec la bcll<i
fœur,c*e{làdire , du mary auec L
fxur de fa femme, &r tous ceux qu
peuucnt eftre femblables.Ceux qu
parlent le plus raifonnablementdi
ces matières , difent que le maria
geeft défendu entre telles perfon
nés, pource qu elles s'entredoiuen
de l'honneur & du refped , leque
eft violé par la conjon6bion matri
moniale. Cela eft bien dit : mais i
faloit expliquer en quoy confift
cet honneur , & quelle en eft la eau
fe. Car ilv a d'autres gens qui s'en
tredoiu^t c^e l'honneur , à qd
pourtant il n'eft pas défendu de (
marier enfemble. Et partant il fau
qu'il y ait quelque chofe de particu
lieren cet honneur, que le frère ^
la fœur s'cntredoiucnt , qui leu
Confderàtton quatriefme. %*fç
défende cette coniondion. Ils (c
doiuentdonc de Thonneur entant
qu'ils font frère 6^ fœur, &ne font
trere &: fœur finon entant qu'ils
' font defcendusd'vn mefme père.
Et partant cet honneur qui leur dé-
fend de fe marier enfemble , dé-
pend de là mefme , & s'y doit rap-
porter. Or quel honneur peuuent-
ilss'entreporter en cet égard, finon
, qu'ils voycnt l'vn dans l'autre l'ima-
ge & la reprefentation de ceux qui
les ont engendrés y & qu'ils n'y en
peuuent voir l'image & la reprefen-.
tation,qu'ilsnyapperçoiuentauf-.
fi quelques rayons de cette authori-
té paternelle qui leur doit eftre fï
augufte & fi vénérable ? Comme
donc la principale raifon qui nous
oblige de nous abftenir de tremper
nos mains dans \z farig des hom-
mes, eft qu'ils font l'image de Dieu^
S 2,
i-^ïî ^es Droits des Mariages
&C qu'en eux nous nous Tentons
obligés de refpeéter le modèle &c la
caufe qui les a produits âuec quel-
ques traits de fa reprefentation;ain-
fi la principale & peut eftre l'vnique
raifon qui nous empefche de nous
conioindre en ce degré de confàn-
guinité, eft que nos frères & nos
fœurs portent l'image de noftre pè-
re commun , ôc qu'en eux nous
nous eftimons obligés de refpedter
encore l'autorité de ceux qui les
ont engendrés auec tant de traits
de leur rcffemblance. Et cela me
femble encore fort clair par deux
raifons. La première eft , qu'on
n'eftime nullement licite dépoufer
fon oncle. Et bien qu'il foit licite
d'époufer fon coufîn germain , fi
eft-ce que quelquesvnsy liefitent
Se penfent que la chofe n'cft pas
fansfcrupule. Mais quant aux cou-
C onjldcration quatrîejrhe. 177
fins iflus de germains, nul n'en fait
fait aucune difficulté. Sans doute
pource que cette image du père
eitant plusviue & plus récente en
celuy qui eft immédiatement en-
gendré de luy , elle s'efFace & perd
beaucoup de fa couleur dans la fé-
conde génération i & encore plus
dans la troifiefme. Pofé donc
qu Efaii engendre Eliphaz , & Eli-
pliaz Marie j & que laçob engen-
dre lofeph , lofeph regardant Efau,
y void encore l'image de fon ayeul
Ifaac , fi viuante ôc fi récente, que
s'ilauoit vne tante engendrée dl-
faac également, il eftimeroitladc-
uoir honorer & refpefter comme
voyant en elle vn rayon de l'autori-
té de fon grand père , & croiroit
pécher contre la nature s'il (e ma-
rioitauec elle, pour ce que le ma-
riage la reduifant à l'égalité , cette
S3
tyS Des Droits des Mariages
lumière de l'image & derautoritc
paternelle y feroïc violée. Mais s*il
vient à regarder Eliphaz , pourcc
qu'entre Ifaac^, qui eit la fouche de
fon efl:re,& Eliphaz , Efaù eft en-
tre-moyen 5 il n'y reconnoift plus
cette image fi diftindement.Il y en
void bien encore afles pour le re-
connoiftre pour parent , mais non
pour Teftimer fi re{peâ;able qu à
ttizc occafioniltiénepourabfolu-
mentiîlicite & inceftueufela con-
jonction qui la terniroit aucune-
ment. Ainfi s'i) faitfcrupule de
contrarier mariage en ce degré,
c eft fcrupule feulement , ce n'eft
pas horreur & deteftation de cette
coniondion , comme fi la rcucren-
ce à l'autorité paternelle y çftoit
entièrement renuerfée. V^Çï^^-i^ ^
regarder Marie , laquelle ^eftç en-
gendrée par Eliphaz, alQrsilyvoid
Confier action qtta.tricfme, 179
fi peu de refte de cette image de Ton
ayeul,qu'ilnefera diflicuité quel-
conque de répouler ; beaucoup
moins delà faire époufcr à Manaf-
jé fonfils,quine luy fera point au-
trement parent, que comme lesifr
lusde germain le lont l'vn à l'autre.
Ainfi eil-ce du refpcd: à l'autorité
paternelle que cela dépend , ref-
pectquieft ou n'eft pas inuiolablc
en cet égards félon que les marques
&: les rayons de cette autorité font
prés ou loin de leur fburce. La fé-
conde eft , que dans les générations
politiques , s'il faut ainii parler , s'il
vauoit diuersdeo-rcs , il en arriue-
roittoutdemefmes. CarnvnRoy
crée deux Ambalfadeurs feparé-
ment , il faut qu'ils fc refpe6bent
IVn Tautre , à caufe de l'autorité du
Prince quilesa créés, & laquelle re-»
lui t en la perfonne qu il enuoye. De
S4
28o D es Droits des Mariages
fa(^on qu'il ne faut pas qu'ils agiP-P
fenc l' vn enuers l'autre de la mefme
façon qu'ils feroyent enuers ceux
c|ui n'ont du tout point de relation
ni de caradere femblable. Ainfi le
doiuent ils honneur /^ reuerence
rc{pc6fciuement , & s'ils ne fe le ren-
dent au point que requiert l'image
de l'autorité dumailtre, laquelle
cft fraifche & viuante en eux , ils
pèchent contre les loix de la police. •
Pofédonclecas, ("car iefuis obligé
de faire de telles fuppofitions , & ie
prie le lecteur de le trouuer bon,
pouree que ie nay point en main
d'autres exemples ) que ces deux
Anibafladeurs vinflentà créer deS'
fiibftitutsQU des agens , pour les
employer aux mefmes affaires qui
leur ont efté commifcs , bien que
}e Prince leur en ait donné l'auto-
jûé, bien quccçfoycnt les mefnies
Confideratïon qudtriepne. t%i
affaires qui ontefté commifesà ces
Ambafladeurs , que cesfubdele-
gués traittent, bien que peut eftrc
ils foyenc auffi capables que les
Ambafladeurs mefmes de les bien
gérer, fi ett-ce qu'il s*en faut beau-
coup que le charadtere du Prince
foit fi viucment empraint en leurs
perfbnnes. Voila pourquoy ni les
Ambafladeurs n'honoreront pas
chacun de ces fubftituts à l'égal de
ce qu'ils s'honorent réciproque-
ment, ni les fiibdelegués ne fe ren-
dront pas entr'eux l'honneur que
les Ambafladeurs fe doiuent ren-
dre l'vn à lautre. Que fi cesfubde-
legués 5 félon le pouuoir que les
Ambafladeurs leur en auroyent
donné , venoyent encore à en
fubdeleguer de leur part, alors l'au-
torité du Prince en s'éloignant fi
loin de fon principe, fembleper-
iSî, Des Droits des Mariages
drc tant de fa vigueur, qu'à peine
feroit elle reconnoilfable. Et dans
la ligne diredtedeces générations
politiques le Prince conferueroic
bien fon autorité non fur les Am-
bafladeurs feulement , mais aufli
fur ceux qui auroyenc efte fubdele-
gués par eux. Mais dans l'autre , à la
troifiefme génération à peine les
collatéraux fc refpe6teroyent ils
plus les vnsles autres. En fin cette
confideration tirera à mon aduij
tout à faitlaqueftion hors de dou-
te. S'il y a naturellement du mal en
la conion6liô du frère auec la fœur,
il ne^canfifte pas en ce que c'eft vne
conion6tion d'vn homme auec
vne femme j car elle eft toute telle
en cet égard que celles efquelles on
ne trouue du tout rien de vicieux.
Il ne confifte pas aufïî en ce que les
circonftances qui doiuent eftre ob-
Confdemtion quatriejme. 183
feruées pour rendre le mariage
honnefte ôc légitime y ayent elle
oubliées: car on les y peut obfer-
uer, & nouspouuons icy prefuppo-
fer qu elles y ont elle gardées. Il
faut donc quil confifte en quelque
erreur de iugement, & en quelque
deprauation d afFeâ:ions , qui luy
a fait porter ce defîr d auoir des en-
fans Jequcl eft honnefte &legiti^
me de foy , deflus vn autre objet
que celuy qui luy eftoit raifonna-
blemcnt déterminé par la nature.
Que manque t'ildonc à cet objet,
pour faire dire que celuy qui le
choifit pour cela ,fe foit trompé en
fon iugement, & qu il ait eu fes af-
fedionsdeprauées? Ouqu'ya t'il
en cet objet qui empefche que l'ele-
dbion n*en foit légitime ? Ce n'efl:
pas la nature de l'oDJeticar c'eftvn
indiuidu du genre humain 3 &par^
lS4 'T^cs Droits des ij^ariages
tant celuy qui le choifit ne fort
point hors de fon efpece. Ce n'eft
pas le fexei car nousprefuppofons
que c'eft la fœur qui cft defirée par
le frère ; &: partant il n y a rien con-
tre les droits de la nature en cet
égard. C'eft qu elle cft fa fœur , c'eft
à dire en vn mot , iffue imuaediate-
ment d'vn mefme père. Or ne peut
on confiderer cette relation qu'en
deux façons. Ou bien entant qu'el-
le conftitue égalité entre le frère &:
la fœur , en ce qu'ils ont vne mefmc
nature laquelle ils tiennent d'vn
mefme eftoc, de forte que fi vous
les comparés entr'cux ^ il n'y a rien
en l' vn qui ne foit en l'autre , excep-
té la diuerfîté du fexe. Ou bien en-
tant que ces relations de frère ôc de
fœur fe rapportent chacune de fon
cofté à vne tierce qui leur eft égale-
ment fuperieure , c'eft à fçauoir cci -
Confideration quatrîejme. igj
le du père. Si vous la confiderez
en ce premier égard , elle ne peut
d elle-mefme empefcher que cette
conjonction ne foit légitime. Car
y ayant égalité entre le mary & la
femme , ôc de mefmes égalité en-
tre le frère & la fœur, iln ya rien
dans les fuites de fes relations qui
empcfclient qu'elles ne fe puiflent
fort bien accorder en vn mefmc
fujet. Maisfi vousla confiderez en
la féconde , pour ce qu'alors le frère
neconfidere plus en fa fœur ce qui
les conftitue en égalité , .mais les
charaderes &:les rayons de la rela-
tion du père, auec lequel il cft en-
tièrement inégal , il ne peut penfer
à lepoufer fans faire tort à la reue-
rence qu'il doit à l'autorité pater-
nelle. Car il doit refpedber fon perc
& fa mère iufques à tel poind j qu'il
porte les tcfmoignages de fon rcC-
2.^6 'Des Droits des ty^arldges
pcd non deflus leurs pcrfonncs
feulement, mais encore defTusles
perfonncsquicn font immédiate-
ment defcenduës. Ainfi le vice qui
eft au mariage de l'oncle auec la
nièce ^ &: de la tante auec le neiieu,
confifte en la violation de l'auto-
rité paternelle , dont l'oncle & la
tante ont vne notable participa-
tion : &c le vice qui eft au mariage
du frère auec lafûeur, confifte en
la violation de la mefme autorité,
dont chacun d*eux^ortc fur fon
front la reflexion & Timagc.
CONSIDERATION
CINQJ/IESME.
liijqucs m la nature a eflendu la con--
Janguinite f0 l'afinitê^ pour cm -
ùe [cher les mariages,
*A cfté ingenieufemcnt &
iudicieufement tout en-
femble, qu'on a appelle les
fuites des confanguinités èc des af-
finités , des lignes , pour ce que
comme vne ligne n'a qu'vn traitj
la continuation de la confànguini-
té,qui va dVn feul eftocà fesdef-
ccndans, n'a qu vn trait de mefmes.
Et bien que peut cftre cette façoil
2.88 Des Droits des çS^artages
déparier foit née de ce que vou-
lant difpofer en ordre ceux qui
s'entretiennent enfemble par la
confanguinitéjOna tiré vne ligne
defTusfon papier, fur laquelle oti û.
appofé les perfonnes qui dépen-
dent les vnes des autres , cet artifice
pourtant ne lairîe pas de s'accorder
aueclanaturedelachofe& auec fa
vérité. C'a efté ingenieufement
encore qu on a diuile ces lignes en
direde , collatérale ^ àc meflee. Car
la directe , eft la fuite du père à l'en-
fant , & de l'enfant à fon enfant , &
ainficonfecutiuement.chacun fuc-
cedant diredement à fon père , &
engendrant auflî celuy qui diredc-
ment luy doit fucceder. Quant à la
collatérale , on la peut regarder en
deux façons. Sivoiislaconfîderez
precifément en elle-mefme , elle eft
auffidircde^&s'eftendde mefmes
que
Co?ifideràtïon cînatiiefme, %%c)
que l'autre par le moyen de la gcne<
ration. Mais fi vous en comparés
deux enfemble, elles feront collaté-
rales iVne à l'autre , pource qu'elles
n'entrent pas l'vne dans l'autre, mais
courent&seftendent à cofté. Car
ayant leur principe en vn mefme
z&oc, ellesfe diuifent dans les frères,
5: fevont continuant en leurs enfans.
Ainfi la reditude de la ligne fe dit
1 l'égard de 1 eftoc , félon que chacun
remontant, va droit à la fouche de
laquelle il eft defcendu. Mais la col-
lateralité eft entre ceux qui font def-
cendus dVn mefme eftoc,non entant
qu'ils y remontent tout droit, mais
entant qu'ils fe regardent les vns les
autres. La meflée tient des deux^com-
me eft celle de la confanguinité qui
eft entre les oncles & les neueux. Caïf
leneueu eft en lio;ne direde à leur
commua eftoc , c'cft à dire à fort
T
ipo *^^^ Droits des tJHariages
grand père 5 qui eft également le pei:
de fon oncle, àc le père de celuy qui 1
engendré. L'oncle cftoit au père c
fon neueu en ligne collatérale. Ma ;
pourcequeToncle eft demeuré en i
place j & que quant au neueu il e
defcendu au deflbus de celuy qui 1*2
uoit engendré , fon oncle ne le pei
regarder ni venir à luy que par vne 1
gne oblique, meflée de la direfte l
de la collatérale tout enfemble. L
raifon en eft qu'ils ne font pas IV
deflbus l'autre, comme le père & Ter
fant : ne l'vn directement à cofté d
l'autre , comme les deux frères ; mai
en partie deflbus & en partie à coftt
ce q ui fait que la ligne n eft ni collatc
raie ni directe proprement , mai
qu'elle tient en fon obliquité quelqu
chofe de IVn & de lautre. Néant
moins i'cftimc qu'il cuft efté plus i
propos de ne faire que deux lignes
'Con/tiieration çinquîefme] î^
iVne dircde , & l'autre collatérale^
^qui elle mefmc eft dircde auflî , fi
vous la confiderésàpartj&coilate»
raie, fi vous la comparés à celle à co-
fté de laquelle elle s'eftehd. Puis après
on euftdiuifé la collatérale en égale
& inégale , félon les diuerfes fitua-
[ionsdesperfonncs& des generatiost
Car proprement l'oncle ne va point
au neueu par d'autre ligne que pat
:elle qui remonte à fon père , & puis
:edefeend à fon frère, & de fon frerc
i celui qui en a elle engendré. Efaii,
ii- je, ne va point à lofeph finon ert
partant par Ifaac fon père , &en def-
:cndant d'Ilàacàlacob , & delacob
i lofeph lequel en eft iflu. Ainfi eft
len ligne collatérale auec luy , mais
mejale pourtant , en ce que celle qui
dent d'îfaac àEfaii n^aqu vn decrréi
m lieu que celle qui vient d'îfaac à lo^
Teph en a deux. En fin c'eft auectres^
Ta
ss>% Des Droits des (J^dria^es
one railon qu'on les a diuifées en cei
tains clegrés,pource que par les degré
on monte & on defccnd, & que d'ail
leurs lesdegrés ont accouftumé d'eftr
également diftans les vnsdes autrej
Car en la ligne direde , qui eft la mai
ftreflede toutes^vous pouuès confidc
rer vn mefme home ou entantque pe
rCjOu entant que fils.Si vous le côfide
rez entant que fils j comme en mon
tant par vn efcalier vous allés dupre
mier degré fur lequel vous aués mar
ché , à celuy qui eft au deflus imme
diatemcnt , & de cettuy-là a vn autre
&decettuy làà vn autre encore, iuf
ques à ce que vous (byés venu tout ai
hautoùilnya plus à monter: de mef
mes de celuy que vous confidere;
comme fils, vousre'môtésàfonpere
& de fon père au père de fonpere, 6
de cettuy-là a vn autre , iufquesà c*
que la ligne fc termine, foie en la ve
Conjtderation dnamejrric. i^jp
rite de la chofe, corne en la généa-
logie de ChriltjOii fàinCt Luc re-
monte iniques i Adam , foie en vo-
llre connoifTance ^ qui après vn
certain degré ne trouueplus les tra-
ces de ceux par lefquels il faudroic
aller iufques au commun principe
de tous. Car il n'y a homme en la
terre qui puifTe fuiure les degrés de
la généalogie iufques là. Si vous le
confîderés entant que père ; ne plus
ne moins qu'en defcendant par ^n
ctcalier vous ne vous précipités pas,
mais vous allés de meimes de degré
en degré , ainfi allés vous en fuiuant
les defcendans , de génération en
génération , Ôc à diltances égales.
Car ces diftances ne fe mefiirenc
pas par le temps , mais par le nom-
bre des perfonnes qui ont elle en-
gendrées fuccefliueméc les vnes des
autres. Quant à ces autres lignes
T5
%p^ Des Droits des Mariage
çoUaterales.çonfidereçs entant qu(
celles, & obliques ou mçflees de;
deux , s'il y en pouuoit auoir aucu-
ne, ce mot de degré ne leur con,
uient pas fi bien , & s'y pourroii
trouuer de l'irrégularité d'auâtage
Neantmoins pour quelques reffem
blancesqui fe trouuent entre les di-
ftances des confanguinités 5< dej
affinités entr'elles, onaaufli appel-
lé ces diftances du nom de degrés,
Orn'eft-çe pas mon intention d'e-
xaminer cette rnatiere fi particu-
lieremem que quelques autres ont
fait j ni de comparer l'ordre des de-
grés que Icsluçifconfiiltcsont fui-
ui , auec celuy qui ^ efté eftabU par
les Papes, & fuiui par les Canoni-
ftes, Mondeffein cft feulement en
continuant furies erres fur lefquel-
lesi'ay marché iufquesicy, d'exa-
ffl^:?î5Q5C|tç conôderation trois
--vy .
Conjîderation ctnqfiîcfme. i^.y
queftions importantes. La premiè-
re,iufques oiifelon ledroit de na-
ture, fe peut eftendrc dans la ligne
diredeje refpedde l'autorité pa-
ternelle , pourempcfcher le maria-
ge entre les afcendans & lesdefcen-
dans. Lafeconde,iufqucs ou natu-
rellement cela fe doit eftendre dans
la ligne collatérale , foie qu'on la
confidere comme égale & inégale,
ou qu'on y en adjoute vne autre
meflee j car cela n'a aucune impor-
tance pour noftrc queftion. La
troifiefme, file droit de nature eft
auflî bien pour l'affinité, que pour
la confanguinité,& s'il faut faire pa*
reil iu^ement de Tvn que de l'autre.
Or quant a la première de ces
queftions, on la peut encore pro-
pofer en deux manières, félon que
ie voy qu'il y a deux opinions fur
ce fuj«t. Car il y en a plufieurs qui
T 4
%^6 IDes Droits dvs Adariages
eftiment que dans la ligne dire61:e.
la confanguinité d'entre les afcen-
dans & les defcendans 5 défend la
eon)onâ:ion à perpétuité. De forte
que fi Adam viuoit encore main-
tenant , & qu'Eue full morte , il ne
trouueroit pas auec qui fe marier
légitimement en toute la terre. Les
autres eftiment que naturellement
cela ne va pas fi âuant, &qu'auffi
bien en la ligne directe qu'en la col-
latérale la confanguinité fe termi-
ne à certains degrez^ mais qu'a la
vérité elle s'eftend plus loin en la
direde. Puis quand il eftqueftion
de définir iufques où elle peut aller
pour rendre le mariage légitime ou
noii:, ils eftiment que cela dépend
de la mefure de la vie des hommes ;
de forte quautresfois 5 lors que les
Patriarches viuoient pluficurs fie-^
çles ^ les degrez défendus alloient
C onjtdcration cinautefme. %^-j-
plusauant, & cette écroitte con-
fànguinité comprenoit beaucoup
plusdegeneratiôs. Mais que main-
tenant elle en comprend moins,
pource que la nature ajufte cela à
la longueur de la vie des hommes,
& à la durée de la vertu generatiuej
laquelle eft en eux. On peut donc
ainlî propofer la queftion en deux
feçons. S'il eil du droit de nature,
que tandis qu vn homme vit , il luy
ibit défendu de fe marier auec Tes
defcendans. Ou bien , s'il eft du
droit de nature, pofé que la mort
ne fuft point venue au monde,
que la confanguinité qui défend les
mariages, dure à perpétuité dans la
ligne diredte. Si nous la confîde-
tons en cette première manière :,&
que nous ayons égard feulement à
la durée de la vie telle qu'elle eft
d ordinaire maintenant, on pour-
15>S IDes t>roits des Mariages
roit dire que le droit de la nature
en cela dépend de ce que la vie de
riiomme ne peut eftre fi longue^
qu'elle p^iffe au delà des gcneratios
dans les degrez defquelles fe con-
ferue lautlioritè paternelle en tellç
forte, qu'elle ne peut eftre violéqr
fans péché. Car le terme ordinai-
re des longues vies, eft defoixante
& dix ou quatre-vingts ans.Or pen-
dant ce temps- là qu'y peut-i4auoir
finon deux ou trois générations
tout au plus? Et qui feroit fi en-
nemi du refpeâ: & de l'authorité de
ceux qui nous ont engendrés, que
depenfer, fi Dieu nous a conferué
noftre bifayeul , qu'il foit, pource
que c'eft noftrebifayeul, fi reculé
de nous, que nous ne le deuions
plus reconnoiftre pour eftre l'ori-
gine de noftre eftre, ni plus le re-
céder en cet égard? Mais s'il n'y
Conjtderation cincjuiefme. i^p
ïiuoit que cela^ce feroit pluftoft vne
rencontre qu vn defTein de la natu-
re. Pource que la nature ayant dé-
terminé la durée de cette çonfan-
guinité iufques à trois générations,
il feroit depuis arriué par quelque
accident que la viedeThommene
feroit pas de plus longue durée. Po-
fé donc qu vn homme vefcuft cent
cinquante ans, comme il s'en trou-
ue des exemples dans les hiftoires,
de forte qu'il vift iufques à la cin-.
quicfme ou fixiefmc génération,
cette çonjon6lion en ce degré ne
luy feroit pas défendue parle droit
de la nature. Il eft vray qu'on peut
dire qu'encore qu'on viue fi long
temps, il ne s'enluit pas que la ver-
tu generatiue fe mamtienne aueç
la vie, ni qu'après auoir veula cin-
quiefmeoufixiefme génération de
fo enfans, on ait befoiri de fe re-
50 o Des Droiêl s des Mariages
marier encore. Maisaufîî peut-on
rcfpondre que fî vn homme a de la
vigueur affés pour viure cent cin-
quante ans, il y a beaucoup d'ap-
parence que la faculté d'engendrer
îè conferue long temps en luy : &
qui plus eft, iln'eft pas dit que la
vertu de la génération, & Tappetit
de la conjondtion foient entière-
ment infeparables, de forte que la
dernière ne puifle fubfifter fans l'au-
tre. Enfin , bien que la nature fem-
ble auoir determmé aux femmes vn
certain temps pour engendrer , lî
n'en a t'elle point déterminé aux
hommes de telle fac^on , qu'on leur
puifle défendre le mariage fous
prétexte de tel ou de tel âge. Et quad
ily auroit quelque temps clairemét
défini pour cela, ce que le maria-
ge leur feroit défendu alors , cène
feroiç pas pource que tel ou tel ob-
Cojijtctcratton dnquïefmc, 301
jet fuft illégitime , à caufe de k
confanguinité ou de l'affinité^ mais
pourcequ'abfolument le mariage
âuecquique ce foit , ne leur feroit
pasconucnable. Que fî le nombre
des degrés dans lefquels la confan-
guinité fe proutgne , fe multiplie &
s augmente à proportion de ce que
leshommes viuét plus long- temps,
de forte qu'a ceux qui ont autrefois
vefcu fix oufeptccnsans , ilaitefté
défendu de fe marier auec leurs
defcendans,iufques après la ving-
tiefme génération ^ ily a certes fujet
de s'eftonner de cette difpenfation
de la nature. Car puis que comme
nous auons veu cydefTus , ce qui
empefche la conion6tion du père
auec fon enfant , eft le refpe6l: de
l'autorité paternelle , comment
cft-ce que pour ceux qui ne viuent
que quatre-vingts ans , la nature a
56t Des 'Droits des tj^^rikges
limité le refpcd de rautorité pateti
nelle a trois ou quatre générations,
& que pour ceux qui viuct huit cens
ans, elle le prouigne iufques a vingt
ou trente générations toutes en-
tières ? Mais quelle que foit cette
dilpenfation , elle nous ameinc à
confiderer la queftion en cetto
féconde manière, & à refoudre que
la confanguinité qui empefche la
légitimité de la conjonftion , eft
perpétuelle en la ligne directe. Ce
que ie prouue par deux raifonsm-
dubitables. La première eft tirée de
rhypothefè de ceux là meûncs qui
font dans cet autre fentiment. Car
fi la nature a déterminé le nombre
des degrés de confanguinité qui
rendent la coniondion illégitime
auec les defcendans , à la mcmre de
la vie de chacun, elle la fait , fans
doute , pource qu elle ne ^uloiC
Conjîdcration clntjuiefmi, ' 303
pas qu homme viuant fc conioi-
gnift par mariage auec fes defcen-
dans en ligne directe. Pofé donc
que l'homme euft vefcu deux mille
ans , il ne luy euft pas cfté permis de
fe remarier ainfi après deux mille
ans \ Ôc quil en euft vefcu dix mille,
après dix mille non plus ; & s'il
euft vefcu à perpétuité , à perpétui-
té il en euft cfté de mefmes. Or
pourquoy l'auroit elle ainfi voulu,
finon pource qu à perpétuité cette
forte de conjonction eft illégitime?
La féconde eft , que fi vous permet-
tez à vn trifayeul, ou à tel autre que
vous voudrez, d'époufer fa petite
fille en la fixiefme génération , le
mariage la fait en quelque faqon
égale auec cduy qui lepoufe. Or
outre que cette grade inégalité d a-
ge répugne auffi en quelque façon
acettc égalité de condition, il s'en
304 JPu Droits des Mariages
enfuiura vn inconuenient irreme^
diable. C'eft qu elle deuiendra fu-
perieure à fori. perè & à fon plus
prochain ayeul, iufques au degré le
plus proche de celuy auec qui elle
cft mariée j quoy que Tordre de la
naiffance j & le droit de lagenera-
tiojla leur rendift félon les loix de la
nature , abfolument inférieure.
Venons à la féconde queftion.
il y a entre la ligne directe Ô^ la li-
gne collatérale, desreffemblances
& des différences dignes detonfit
deration. Et pour ce qui eft des ref-
femblances , il y en a vne notable
entre la hgne direde & la Hgne col-
latérale inégale, ou metoyenne &
meflee , fi vous la voulés ainfi nom-
mer. Oeft que quelle que foit la,
propagation de confanguinité qui
s y fait 5 elle imite la direfteen cela,
qu elle eft perpétuelle , & qu'elle nç
fe termine
Confi aération dnauiejme. 305
fè termine pas à certain nombre de
générations. Et les raifons de cet-
te perpétuité Font à peu près fem-
blables aux précédentes. Car fi la
natiKe s'accommode à la durée de
la vie deshommeSj pour prouigner
la confanguinité prohibitiue de la
conjonction fi loin, que pour lon-
gue que foitla vie, l'autre la furpaC
fera toufiours,il eft plus que raifon-
nable qu'il en foit de mefines à l'é-
gard des oncles & des tantes. De
forte que fi vn oncle venoit à viure
dix mille ans, & iufques à perpé-
tuité, la nature continùeroit touf-
jours cette propagation, pour em-
pefclierà perpétuité cette conjon-
ftion, comme difproportionnée Ô^
deshonnefte. Puis apres^ quand cet-
te propagation de la confanguini-
té ne fe feroitpas de la fac^on, tou-
jours ce defordre s'enfuiuroit-il de
3 o ^ Des D roits des MarUges
cette forte de conjondion , que
l'oncle eftant fuperieur au neueu,
il reft auflî à larriere-neueu , & à
celuy qui vient de l'arriere-neueu
encore, & en fin , à la fille qui naift
de cet autre arriere-neueu. Et quant
à la fille, elle eft naturellement in-
férieure & à celuy qui la engendrée
immédiatement, 6c à ceux qui ont
engendré fon père. Si donc elle
vient àefpouferfongrandoncle,le
mariage la reduifant aux termes de
l'égalité auecluy, la rend fuperieu-
re à tous ceux à qui elle eftoitau-
parauant inférieure parle droit de
la nature. Ce qui eft vn defordre
manifette, commis alencontre de
fes loix. Mais cela paroiftra encore
mieux, fi nous venons àobfèruer
les différences qui font entre ces
deux lignes. Or y en a t'il deux
tres-confiderables. LVne eft celle
Confideration cînmiefme, 30'^
du refped: que fe doiucnc les ptr-
fonnes lefquelles y font confli-
tuées. Car en la ligne djredtc, le
refpedt que l'enfant doit au père ,
eft ab(olu , <fka pour vray & abfola
objet, la perfonne du père , & la
perfonne del'ayeul, & la person-
ne du bi(ayeul , &: celle du triiayeul
encore ; pource qu'en elles relide
véritablement la fuperioritt & l'au-
thorité paternelle. Comme en cet-
te fubordinationd'AmbafT.ideurs,
dont i ay cy-defTus propofé l'exem-
ple , le dernier fubdelegué honore
celuy qui l'a eltably , pource qu'il
void en luy de la fuperiorité à fon
égard, & honore de mefmesla per-
fonne du Roy qui la crée , pource
qu'il y en void auffi. Mais en la li-
p-ne collatérale , le refpedt que les
collatéraux fe doiuent 1 vn à l'autre,
cft relatif, &n'a pas proprement 14
V a.
5o8 Des Droits des Marîdges
perfonne à laquelle il fè rend pour
objet , dautant que ce n'eft pas en
elle que la fuperiorité a fon propre
fîege. Il fc rapporte à leur com-
mun principe, comme à fon vray,
naturel, & dernier objet, qui a en
foy la fuperiorité , & qui la com-
munique aux autres. S'il y a quel-
que autre forte de re{pe6b pour
quelques qualités qui leur fontper-
fonnelles, &: qui refident en eux
proprement, il n'empefche nulle-
ment le mariage , s'il n'y a de la
confanguinité. Ceftle refped deu
à la feule confanguinité qui rend la
conjondlion illégitime. Puis donc
que ce qu'on appelle refpedt & hon-
neur , reo;arde fon objet comme
quelque chofe de fuperieur,chacun
des collatéraux ferefpe6bant com-
me parent , il faut qu'ils confîde-
rent cette fuperiorité ^ non en la
Confédération cinqmcjhie. 309
perfonne collatérale proprement,
: mais en celle en qui elle a (on iîe-
; gCj qui elt leur commun principe.
L'autre différence eft en ce qu'en la
ligne direifle, les relations qui font
entre lepere&: l'entant, (ont iîm-
ples:de luperiorité, delà part du
pere^auec le droit &:rauthorité de
gouuerner : d'inferiorité^de la part
de l'enfant, auec obligation d'hon-
neur ôc d'obeïflance. Dans les
collatéraux il y a deux relations
meflees. L'vne eft celle de fupe-
riorité, à caufe du principe duquel
ils font defcendus , qui leur com-
munique Ion image , 6c félon la-
quelle chacun des collatéraux doit
de l'honneur à fon collateral^à cau-
fe de l'authorité paternelle qu'il re-
prefente. L'autre , celle d'egalitè,
entant qu'ils font collatéraux , &
d'vne condition à peu près pareil--
V 3 "
3IO T>es Droits des zy^ariages
le. Car dans les lignes dans lefquel-
lesvous les conftituez, vous les pou-
uez confiderer ou bien félon qu'ils
fe rapportent au père , en quoy la
fapenorité paroift, ou bien en vne
ligne tranfuerfale, qui fait qu'ils (e
regardent IVn l'autre directement^
ôc visa vis , comme ils font repre-
(entez en ceDiacrramme,
Ifaac
[
û~"' — lacob
Car la ligne qui les conjoint en
Ifaac , fait que lacob doit confide-
rer Ifaac 6c EfaiijCommefice ne
ftoitàpeupresquVne mefmecho-
fe j à caufe de l'autorité paternelle
qui refide proprement en Kn , &:
dontHmage reluit en l'autre. De
Conjidcnttion cinqmejme. 311
forte que lacob honore Ifaac^com-
meceluy qui eft le propre ob;ec de
fon relped &c de la vénération, à
caufedelafuperiorité quirefide en
fa perfonne ; ôc honore Elaii d'vn
honneur comme relatif;, à caiile de
rimage de cette fuperiorité qu'il
porte. Efaii d'autre collé en doit
faire de mefme à l'égard de lacob,
ôc pour les mefmes raifons en pareil
degré , excepté ce qu'il y peut auoir
d'inégalité entr'eux à caufe du droit
d'aifneffe , duquel il faudra dire
quelque chofe cy après. Mais la li-
gne tranfuerfale,qui fait qu'ils s'en-
tre-regardentvisa vis, monftre l'é-
galité qu'ils ont entr'eux en vn au-
tre égard : c'eft que véritablement
ils ne font point procédés 1 vn de
l'autre, &: que la nature lésa collo-
ques entant que frères en mefme
rang. Ainfi il y a des relations mef-
V 4
3u "Des Droits des AdarUges
leesen eux ; & de la refultent mani-
feftementdeux chofes. L'vne eft,
ce queie difois tantoft de la relation
qui eft entre l'oncle & le neueu,
ç'eft qu'elle fe prouigne à perpé-
tuité, comme celle qui eft entre le
fils & le père. Pour ce que la ligne
en laquelle eft loncle , nedeiçen-
dant pas iufques au neueu , le ne-
ueu qui dans ce Diagramme eft
ioleph 5 ne Ifaac
peut bien confî- Ç ^^ ^
derer fon oncle ' .. - ^ ' .
T^r •• r tlau lacob
Eiau , Imon ou
I
enlapcrfonnede lofeph
fan aycal Ifaac, duquel ils font de-
fcendus comme dVn commun
principe, ou en laperfonne de fon
père lacob ^ duquel ils ne font pas
defcendus tous deux à la vérité,
mais en qui neantmoins il eft obli-
ge de l'honorer. Ç^i" lacob mefuie,
Conpdemtion cinquîcfme. 335
a deu honorer Efaii , à caufe du
rayon de l'autorité <Sc de i im.ige pa-
ternelle. Or eil; il bien raiioiinabie
que lacob ait tranlmis cette obli-
gation à fon fils Ioleph,& qu'en
cet égard loleph honore Eiaii de
rnefme. Et de plus ^ la nature ayant
fî eftroittement conjoint Eiaii &
ïacobj qu'ils ne font quafi qu vne
niefme chofe à caufe de la proximi-
té de leur fang ^ lofeph ne peut
coniiderer fon père commeildok
auec honneur ôc refpedt , qu'il
n honore Efaii de mefme. N'y ayat
donc entre lofeph & Ef.iii auciMic
eealité, ni aucune liî^ne tranfocrfi-
le qui f;ifle qu ils fe regardent vis à
vis en vnefituation pareille, il n'y
en aura non plus entre Eiaii $z les
cnfans de lofeph , ni entre Eiaii &
lesenfansdesenfans de lofeph , ôj
ainfi iufques à l'infinité des gcne-
3i4 -Df^ Droits des J[darîages
rations fubrequentes. L'autre chofe
eft^que dans la ligne collatérale
cgale , dans laquelUe il y a^ deux re-
lacions méfiées , celle de fuperiori-
té , qui fe confidere à l'égard du
commun principe^ (e va naturelle-
ment affoibliflant jà propornô de
ce qu'on s'éloigne dufujetoù pro-
prement elle refide : au lieu que
l'autre relation d'eo:alité fe confer-
ue & fe fortifie. Ce qui fait que tan-
dis que cette image de l'autorité
paternelle eft proche de fa fource,
comme dansles frères immédiate-
ment iffus d Ifaac ^ elle l'emporte
par delfus la relation de l'égalité , &:
empefche la légitimité de la con-
jondiion. Mais quand elle s'en ell
éloio-nee.ens'affoibiiflant &:fe di-
minuant comme i'ay dit , & l'autre
fe conferuant&fe fortifiant , quoy
que peut eftre il en refte affes pour
Confderation cinquïcfme. 315
obliger à reconnoiftre quelque pa-
rente, fîeft-cequec'eft en telle fa-
çon qu elle n'empefche pas que la
conion6tion entre des perionnes
réduites à vne fi grande égalité , ne
foit légitime. Relient donc icy
deux difficultés. L'vne, comment
cela fe fait que cette image de l'au-
torité paternelle va s'efFa^ant en s'e-
loignant. L'autre , iufques à quel
point elle fe maintient en alFesdc
vigueur , pour empefcher que la
coriiondtion ne foit légitime ^ &:
quand elle commence à eilre telle-
ment effacée, qu'elle ne l'empefche
plus légitimement. Or quant à la
première de ces difficultés, il faut
icy mettre grande diilindion entre
la propagation deschofes abfolues
en elle mefmes , & la propagation
desrelatiues. Quant aux abfolues,
elles fe prouignent toutes entières
^i6 Des Droits des tj^ariages
par la génération foit naturelle, fbk
politique. Naturelle premiercm et.
Gar tout autant d'autorité qu'vn
père a deffus fan enfant , tout au-
tant en aura ee fils là deffus l'enfant
qu'il engendrera , &cetroiGefme
deiïus vn quatriefme, iufques à l'in-
fini ; & iamais cette autorité ne s'af-
faiblira par la propagation. Politi-
que aufli. Car lautorité Royale eft
toute telle en la perfonne qui règne
auiourd'huy , qu'en celle de celuy
qui la précédé ^ & fera toute telle
encore en la perfonne de celuy qui
viendra après , de quelque façon
qu'il luy fuccede^foit parla naif-
fance,ou par rele6tion:, ou en quel-
que autre manière que ce puiffe
eltre. Mais quant aux relatiues,
pource qu'elles ne fe communi-
quent finonauec quelque diminu-
tion de ce qu elles font en leur prin-
Confideration cinquiejme. 317
cipe , il cft de la difpofîtion de la
nature qu'à mefurc qu'elles s'éloi-
enentdeleur fource ,elle s'aillent
aufTi aflfoibliflant & diminuant pa-
reillement. Pource que le premier
principe d'où elles découlent y ne
les peut communiquer toutes en-
tières , & ne les prouigne qu'auec
quelque déchet de leur ettre àc de
leur vigueur j celuy qui ne les a^ par
manière dédire, que par emprunt,
les comuniquera beaucoup moins
entoutelaforce&en toute la me-
fure dans laquelle il les a receuifs.
Fay cy deflus nommé ce que les frè-
res doiuent refpcâ:er les vns dans
les autres 5 de ce nom de reprefen-
ration & d'image , & ne penfe pas
qu'on puiffe employer vn terme
plus propre pour cela. Teflime
donc qu'il eft à propos que nous
voyions fi dans la nature , & dans
3i8 Des Droits des zy^arîages
les arts, & dans la police encore, oii
ilfetrouuera des images &desre-
jSrefentations, ce que ie dis ne fc
trouuera pas véritable.
Pour commencer par les chofes
naturelles, la lumière eftvneinia*
ge des corps lumineux,& celle mef-
me du Soleil, n'eft autre chofeque
l'image de fon corps, lachofedu
monde la plus, &peut eftre la feu-
le véritablement lumineufe d'elle
mefme. Or cft-il certain que cette
image là ne fe communique point
fi grande aux autres corps qui la
rec^oiuent , qu'elle eft dans celuy
du Soleil , comme il appert de là
Lune , dans laquelle elle eft fàns
comparaifbn plus imparfaite &
plus blafarde. De la Lune elle fe
refpand tellement deffus les autreâ
corps mferieurs , qu'il ny en a au-
cun qui par la reflexion qui s'y ert
C onftderation c'mqmefme. 315^
fait, la rende en pareille mefure de
force & de fplendeur , qu'elle eft
dans le corps delaLunemefme. Et
s'il y auoic quelque autre corps op-
pofé à la terre, fur lequel la lumiè-
re que la terre reçoit de la Lune^
peufl: rejailir, elle y feroit encore
beaucoup plus fombre & plus ob-
fcure qu'elle n'eft en la terre mef-
me. Dans les arts il en eft ainfi»
Vn portrait fait fur le naturel, eft
vnouuragedu Peintre à la vérité,
mais c'elî aufli en quelque fa^on
l'ouurage du vifage naturel dont le
Peintre a voulu reprefenter l'ima-
ge. Pource que c'eft luy qui a mis
dans l'efprit du Peintre l'idée de ce
qu'il eft, & qui par l'entremife de
fon pinceau la imprimée dedans le
portrait. Mais ni l'idée que le
Peintre en a conceuë, n'eftiamais
entièrement égale au naturel ^ ni
32.G Des Droits des Mariages
celle qu'il imprime dans le por-
trait tiereprefen te iamais parfaite-
ment ce qu'il en auoitconqeu en fa
penfee.Ainfil'iniagequ'jlenadans
la fantaifie eft auec déchet du natu-
rel , & le portrait qu'il en fait eft
auec déchet de ce qu'il en a dans la
fantaifie. Qu/vn autre peintre faffe
après vn autre portrait du mefme
vifage deflus ce premier là , il ne
{çauroit fi bien faire qu'il le tepre-
fente entièrement, & y aura encore
enfonouurage quelque defeâ:uo-
fitéj plus grande que dans l'image
précédente. Qu^vn troifiefme pein-
tre trauaille fur ce fécond portrait,
l'idée du naturel y fera encore
moins bien reprefentée,& ainfi à"
mefare que les ouurages s'éloigne-
ront de leur principe, cette image
ira tellement fe diminuant & s'efFa-
çant, qu en fin à peine y demeurera
Confderatiôn c'mquiejhic. ^iî
t'il aucun trait qui luy reffemble.
Dans la police finalement il en va
de mefmes.Car les officiers qui font
crées immédiatement par le Roy,
repre(entent bien fon autoritéimais
ce n'efl: pas en la plénitude en la-
quelle elle refide en fa perfonne.
Et pofé que ces Officiers ayent là
puiiTance d'en créer d'autres, l'aii-
torité du Roy y paroiftra à la vé-
rité, mais ce fera beaucoup moins
encore qu'en ceux quiauoient efté
crées par luy immédiatement; 6c
ainfi confecutiuement elle fera tel-
lement afFoiblie en ceux que ces
féconds auront inftituez,quà pei-
ne y fera t'elle reconnoiflableo
Pourquoydonc en cette prbpaéa-
tionde la confanguinité dans lalU
gne collatérale , n'arriuerôit -. il
poirtt quelque cb.ofede fcmblable^,
X
^11 Des Droicls des Mariaz^s
•puis que cette conlanguinité n'efl
rien finon l'image de l'authôritt
paternelle_, & quelque rcfplencleu]
qui en reluit fur les enfans ? El
la raifondecelane femblepasmaL
aifee à rendre. Siauec fa lumière
le Soleil communiquoit fon pro-
pre corps , de forte qu'il engen
draft vn autre Soleil^ce fécond So-
leil auroit autant de lumière que le
premier, & le troifiefme, que ce
lècond engendreroit, autant enco^
re. . Si l'image du vifage que 1
Peintre reçoit en fonimagination^
auoit la mefme force qu'a la fc-
mence que la femme reçoit en con
ceuant , comme celle-cy produit
vne nature toute femblablc à celle
de l'engendrant j celle-là produi-
rait vne idée parfaitement égale au
naturel mefme. Si le Roy creoitl
Confideration cinquîejrne. 51J
vn Officier qui fuft Roy comme
îuy , comme il y a eu des Rois & des
Empereurs qui en om alîocié d'au-
tres auec eux au Royaume & à
l'Empire , ce fécond Roy âuroit
égale autorité auec luy,& la pour-
roit communiquer égale à vn troi-
fiefme Roy, lequel il créeroit en-
' core. Mais toutes ces chofes ne (e
prouignent point elles mcfmes
réellement ; ce font leurs images
feulement qu'elles communiquent.
Ccft àdirejclles neproduifentpas
des chofes de mefme nature auec
elles, elles fe contentent de répan-
dre feulement leurs images & leurs
reprefentations fur d'autres fujets.
Rendons s'il eft pofïible la chofe
comme vifible en Texemple d'Ifaae
&dc fes en fans.
314 '^^^ Droits des limages
ifaac
lacob Efàil,
I _ I
lofepli, Eliphaz
Manafle Teman.
En ce Diagramme lofeph confi-
derera en fon père l'autorité pater- |
iielle toute entiere^pource qu'elle y '
eft telle en fon égard , qu'elle eil en j:
Ifaac à l'égard de lacob. Pourcc
que Ifaac engendrant lacob :, ôc le
produifanttoutfemblableà foyen
ce qui regarde lofeph, f car lacob
eno^endre lofeph tout de mefmes
qu'il aefté engendré par Ifàac fon
père) l'autorité paternelle n'y fouf-
Confideration cwquicfme. 311
frc diminution quelconque. Au
lieu qu Eiciii ne la coniiderera en
lacob que comme vne image Ôc
vne choie relaciue ieulement,pour-
ce qu à 1 égard d'Efaii liaac n'a
point engendré lacob , entière-
ment iemblable à foy , c eftà dire
auec la nature ôclà qualité de père.
Car lacob n'engendre point E(aii,
au lieu qu'il engendre ïoieph. Ni
lacob ne la confiderera non plus
finon diminuée ôc relaciue en Eiaii,
au lieu qu'Eliphas la confiderera en
Eiaii toute pleine &: toute entière.
I-ofeph & Eliphas ne laconfidere-
ront non plus IVn en l'autre finon
fortaifoiblie, (5s: beaucoup moin-
dre encore qu^clle n'eiloic en lacob
Si en Efaii quand ils s entreregar-
doyenc. Manafle &Temanla re-
connoiftront encore beaucoup
moindre l'vn dans l'autre & ainii
■ X3
3 2.C Lhs Droits des Mariages
confêcutiuemenc ceux qui vien-*
dront après eux jiufques ace qu'en
fin elle fe perde tout à fait.
Pour ce qui cft de la féconde de
ces difficultés , deux chofcs font icy
fouuerainement confiderables.L V-
ne etl , que dans les loix que Dieu
a données au dix-huidiefme du
Leuitique, pourladefignation des
degrez prohibez dans la confan-
guinité, ilne défend point la con-
jondtion entre les coufins ger-
mains, ôc en fuite de ce que cela
n'eft point défendu, il s'en trouue
en la parole de Dieu des exemples
depuis la Loy donnée. Or auons
nous veu cy-deflus que les loix du
Leuitique en cet égard, font del'in- :
ftitution de la nature , Se non du
droit pofitif De forte qu'il y à
grand fjjet de croire , que Dieu
qui eft l'auteur de la nature, & qui
Conjideration ànquiefiit, 317
en fixait tous les tcnans ck les abour
tifùns, nous a voulu donner à en-,
tendre que ce rayon derautlioritc
paternelle, qui rciuic dedans Icsén-
fans, s'arreltc là precifémcnt^pour
cequieildefonefficace à rendre les
mariages illégitimes. Car pour lé-
reilc, il eft certain que la confan-
guinité Ce prouigne plus auanr,
comme pour ce qui ell des autres-
deuoirs de parenté, ôc melmes du^
droit des fuccefllons, dequoyie.,
n'ay point entrepris de parler en ce
traître. L'autre chofe confidcra-
ble icy eft, que par les loix des lu-
rifconfulres le mariage d'entre les
frereseft défendu j comme auiïlce-
luy d'encre l'oncle <Sc la nicce ,^ & la
tante & le neueu.Car quant à ce que
Claudius fit valider ce mariage par
ArrcftduScnat,afin qu'il peuft el-
poufer fa nièce , fille de Gcrmani.^
X 4
3i8 Ces Lirons des Mnrîages
eus, c'eft vne cliofc extraordinaire ^
entreprife contre les droits de la na-
ture , que les Romains auoient ob-
feruez lufques alors , àc qui a elle
corrigée par les Empereurs fuble-
quens, & par le conientement des
Xurifconlultes. Ce qui eft encore vi^^.
argument que la nature leur auoit
appris que ces mariages lont ince-
ftueux. Mais quanta ceux d'entre
les coufins germains, il en a bienau -
trefois eftè fait quelque fcrupule-
entre les Romains j mais néant--
moins cette opinion , qu'ils font=
permis, Ta vniuerfellemeut empor--
tè par le confcntement des fages.'
Ainfi n'en eft- il refté doute quel-
conque ni hefitation entr'eux. Eu
quoy femble encore paroiftre l'iiv;,
ftitution de la nature , & ce dau-'
tant plus clairement, que les lurif-
confultcs natioienc du tout point
C onjidcration cinquielme, 319
oiii parler de laLoydeDieu,&n'a-
uoienc pu receuoir d'elle aucun pre-
j-ugé pour en difpofer de la {orie.
Certainement ce ne peut clbe par
hazardqu'Ufè foit rencotré li gran-
de conuenance entre Dieu Ôi eux
en cet égard. Il faut que Dieu aie
ainlî donné fes loix conformémenc
à la nature, pour ce qu'il en eil l'au-
tlieur j de que les lurifconfultes
l'ayent ainfî ordonné, pource qu'ils
en ont apperceu quelque raifon en
la mefme nature encore. Quelle
donc pourr.oit elle eftre ? Pour la
trouuer, iecroy qu'il fera à propos,
de repaffer fur les exemples que l'ay
cydeffus mis en auantde la propa-
gation des chofes relatiues dans la.
nature, dans les arts, ôi dans la por-
lice humaine ; pour ce que de là,
nous tirerons quelque éclaircilFe-
mcHtpour noftre fujct. Et ie prie.
«o J^cs Droits des Aiarîaf^eî,
encor icy le lecteur de trouuer bon-
nes ces reflexions, pour ce que ie ne
voyrien de plus commode pour
riiluftration de ce que ie veux due.
Cette communication de lumière
qui fe fait du Soleil à la Lune , elt
de telle forte , que quand la Lune la
nous rcnuoye deflus la terre , nou&
l'appelions , non la lumière du So-
leil , mais la lumière de la Lune..
Non quefi nous auons égard à foa
premier principe, ce ne foit la lu-
mière du Soleil ; mais pource qu'il
n'eft pasdeladilpofition de la na-
ture 5 que nous recourions aux
principes plus éloignes ^ quand
nous pouuons regarder aux pto-
cliaincrs caufesdes effcds dcfquels
nous Tentons l'eflicace. Qlie le lec-
teur me permette donc de me figu-
rer icy qu'il y a vn Soleil qui ie no-
me Ifaac , deux Lunes dont l'vne ,
Conjidcratiên cinquiefme, 331
s'appelle lacob ôc lautre Efaii , &c
dcuxterresjdonc i'vne qui s'appelle
lofcph re<^oiue la lumière de lacob.
Se l'autre qui s'appelle Eliphaz , re-
(joiue fa lumière d'Efaii, félon cet-
EÎiphas
le dis que fi lacob regarde vers
Efaii, il dira quUvoid dans Efaii îa
lumière de la Lune à la verité,pour-
ce qu'elle y refide alors: mais il dira
auflî que c'eft la lumière du Soleil
331 T>cs Droits des ^^arïdges
qui y refp lendit j& fi Efaii regarde
vers lacob , il en dira de mefme.
Pource que & Tvii & laucre rec^oïc
immédiatement cciic lumière du
Soleil. Mais fi lofeph regarde
vers Eliphaz , 6c Eliphaz vers lo-
feph , alors Tvn dira quilvoid en
fon collatéral la lumière d'Efau,&:
l'autre qu'il void en fon collatéral
la lumière de lacob, quoy que l'vne
^ l'autre defcende du Soleil Ifaac.
Mais pource qu'elle ne dcfcend à
Eliphas & à lofeph que par l'entre-
niife d'Efaii & de lacob , & que la^
nature ne veut pas qu'on fiute aux
cau(ês reculées , quand on fepeut
arrefter fur déplus prochaines , il
conuiétàfa difpofition &qu'ilsen
oenfcnc (S< qu'ils en parlent ainfi.
Si donc cette lumière eft l'image
de l'autorité paternelle ^ n'eftant
plus tant confideree en lofeph ^
Conjtdcratton cinamefm'e. 335
enEliphaz comme procédante d'I-
faac que comme procédante de la-
cob éi d'Efaii, elle n'y doit pas auoir
pareil cffcd; qu'elle en a en lacob &
en Efaii , perfonnes qu'îfaac regar-
de imincdiatemenc , & fur lefquel-
les il répand prochainement fa lu-
mière. La mefme chofe fe peut illu-
ftrerparla confiderationdece^qui
arriue dasles arts. Car le portrait qui
eft fait fur le naturel , eft le portrait
ou l'image de l'a chofe reprefèntee.
Celuy qui eft fait fur cettuy -là, por-
te bien à la vérité Tim âge du vifage
qui y eft reprefenté :m ais tantya,
comme on a^accouftumé de parler,
c eft le premier qui eft le portrait
original , cettuy cy n'en eft feule-
ment que la copie. Et s'il eft permis
de parler en termes deTccolejab-
folument& par foy mefme , c'eftlâ
copie dVn original j pourceque \t
334 "^^-f Droits des (J^anages
peintre a eu deflcin de rexprimer;
par accident, c'eftHmage deceluy
que loriginal reprefente , pourcc
qu'il eft arriué ainfi que cet origi-
nal que le peintre a voulu expri-
mer, auoit les traits, & le teint, &:
les lincamens de cevifage. Donnés
donc, ( car i'efpere qu'en ceschofes
pour lefquelles ie ne puistirerde-
clairciflement d'ailleurs que de ces
fuppofitionsjon me permettra de
les faire J donnés , di-je à deux ori-
ginaux tirez fur vn mefme vifage,
delaconnoiffanceôd du fentiment
de r origine de leur eftre , ils s'entre-
honoreront reciproquemét^à caufc
de Timage deceluy qu'ilsreprefcii-
tent. Maisdonncza deux copies
tirées fur ces deux originaux, quel-
que intelligence de ce qu elles fonr>
pour ce qu elles rapportent leur
cftre immédiatement chacune à
Confâemtîon cînquiejmè, 355
fon original^ & que ces originaux
ne font point alternatiuement la
caafe de leur propre exiftcnce , &c
que la première & commune cauft
de leur exiftence j qui eftle naturel,
eft reculée d'elles , éc ne vient à elles
que par l'entremife d'autruy , elles
nepeuuentauoirentr'clles les mef-
mes reflentimens qu'ont les deux
originaux,quandils feconfiderent
refpeâ:iuement Tvn l'autre. Finale-
mctlamefme chofeparoift encore
dans la police.Car ces deux A mbaf-
fadeurs créez immédiatement par
le Roy , refpeâient chacun en fon
compagnon le charadere & Tau-
thorité du Roy, qui y reluit clai-
rement, pource qu'elle en eft im-
médiatement decoulee. Au lieu
que leurs fubdeleguez, s'ils en font,
quand ils viennent à confiderer
qu'ils n'ont point de commun prin-
53<j Des T>roitsdes ty^drîages
cipe de leur inftitution, finon efloi-
gné, & qui ne leur infpire lauthori-
té que par l'entremife de ceux qui
lesontfubdelegutzfeparémentjS'e-
ftiment bien obligez de refpe6ber
chacun celuy qui l'a créé, & en fa
perfonne 1 authorité du Roy enco-
re ; Mais quant à s'entr'honorer
rcfpediuement, bien qu'ils le faf-
fent, fi le font- ils pourtant beau-^
coup plus foiblement que ne font
les deux Ambaifadeuris , en qui
l'impreflion du charadtere de l'au-
torité du Roy, eft prochaine & im-
médiate.
Rcfte la troifiefme queftion
touchant les affinités, fi pour elles,
auffi bien que pour les confangui-
nités, il y a quelque droit eftably
par la nature, Icy donc il faut
tonfiderer premièrement le fonde-
ment dcsafiinites. Secondement,
les
Confideratïon clncmkfme, ^y^
le's affinités mefines, & les relatiom
qu'elles portent auec elles. Et fina-
lement les reflexions de ces affinirés
là , àc iufqucs où elles fe peuuent
eftcndre par le droit de la nature,
pourempefcher la legitimitede la
Gofi^ondtion. Pour ee qui eft du
fondement dei affinité, c'cille ma-
riage, qui n'eft pas proprement af-
finité iuy- mefme entre les perfon-
ncs qui le concradent, mais la caufe
de toutes les affinités lefcjueUes en
defcendent. Et de ce mariage nous
auons dit cy- de (Tus qu'il fait les
perfônnes qui le contractent , &
Vnes entr'eiles , & vnes en l'efFedl
que leur conjondtion produit, à
fçauoir leurs en fans. Vnes, dy-je,
non d'vnion politique feulement;
ce qui confille en quelque cônjcn^
<àion d'affections & de volontés , 1
tâufe de la com.munion de ccitai-
338 T>esT)roïts des Adariages
nés loix , & de la focieté qu'on a en
quelques certains auantages. Mais
dVn ion naturelle aulïi , ce qui con-
fifte en la participation de mefme
chair & de tnefme fang. De forte
que comme fî les mains auoyent
quelque intelligence & quelque
fentiment de leur eflre^ iin'yau-
roit pas feulement vnion politique
cntr'elleSjen cequ elles fe ioindroyét
enfemble pour la production d'vn
mefme ouurage par vne cômune
operatiôjElleslèroyentencorevnes,
co me el les font, parce qu'elles parti-
cipent a mefme fang , à mefmes ef~
prits,&àmefmevie.Auflirhômeô<:
la femme ne (ont pas feulement vne
mefme chofe en ce qu'ils fe conjoi-
gnent volontairement pour la pro-
du6tiô de mefmesenfans^maisaujffi
en ce qu'ils deuiennent effcd;iuemét
participans de la chair 6c du fang
Confideratïon cinauiejme. 335)
IVn de l'autre. Encore y a t'il cette
différence entre ces deux commu-
nions, que les deux mains ne font
que quelques vnes des parties du
tout qu'elles compofent, & donc
elles dépendent comme telles i il y
en a encore plufieurs autres qui ne
font pas ni moins nobles, ni moins
' necejl'aires. Au lieu que l'homme
& la femme font tellement vn en-
femble , qu'il n'entre rien qu*eu3c
en leur communion, &: qu'ils font
les feules parties de ce tout lequel
ils compofent De cette vnion ,
pour venir au fécond pôin^b^naif-
lent les affinités, & les relations qui
en dépendent: naiffent,dy-je, c'eft
à dire, fe prouignènt naturelle-
ment^ car cette propagation eftaf-
feurément du droit de nature.
Pourceque fi la confano-uinitcqUi
Ieft entre lofeph &Dina, êilnatu-^
340 Des Droits des A^arUges
relie, en ce qu ils font frère & fœur.
produits dVn mefme père, ôc créez
dVn mefmc fang, &: fi la conjon-
ction entre Sicliem ôc Dina.eft na-
turelle encore , en ce qu ils font
mary&femmej il faut neceffaire-
mentque la liaifon entreIofeph&
Sichem , laquelle fe produit de ces
deux communions, foit naturtUt
de mefmes, ou bien qull ne s*cn
produife du tout point. Ornyâ
t'il point d'apparence de dire C€
dernier. Car comment le mary &
la femme pourroicnt-ils eftre £
étroittement conjoints, qu'ils m
deuiennent quvn, fans fe rendre
îvn l'autre participans des relationj
que la nature leur auoit aupara^
uant acquifes^Cettes ils engendren
tellement leurs enfans conjointe
ment, qu'encore que ni Tvn ni l'au-
tre ne foit la feule caufe de la pro-
la
î
Confierai ion cinqulejme. 341
duâiion de leur eftre , ôc qu'ils y
ayencleur part égalemeni, iî eft-
te que la confanguiniié de la niere
d vn coiié 5 ôc laconfanguinité du
père , de l'autre, te prouigne dans
îa perfonne touxe entière de leur
çnfant. De forte que IL on y pou-
uoit diltinguer ce qui y eft .du pè-
re d'auec ce qui y eft de la mère ^
ôc leconfijderer diuisément,cequi
y eft du père demcureroit partici^
pant de la confanguinité de la me-
1X3 & ce qui y eft delà mer^, par^
ticipant de la confanguinité du pè-
re de mefmjes. Ainfî les frères du ,
perc ôcdela mère font oncles à la
perfonne toute entière de Tenfaîit
-ègalemeHt; & la raifonde cela eft,
que ce qui y eft du père 3c de Ll me-
-re y eft tellement eo^ijoint , qu'il
4ie compofe quVne m^fme^chofe.
Puis donc que dans leur enfant^
Y3
342' 1)6$ Droits des Ai ariages
ôc entre eux niefmes encore, à caufe
de leur fi étroite communion , le
mary &c la femme ne compofent
qu vne mefme chofe, il eft du droit
de la nature pareillement, que les
confânguinités du mary fe comi
muniquentàla femme par affinité-,
^quejesconfanguinités de la fem-
me fe communiquent au mary de
mefme forte. Or font ces côfangui»
nités là ou bien en ligne direéte^,
ou bien en ligne collatérale.- Et
derechef celles qui fonten ligne
direde, font ou afcendantes, com^-
me fi du fils vous remontez au pe^
re i ou defcendantes , comme fi di^^
père vous venez au fils & au petit
£k.; Et celles qui font en lignecol-
-latérale, Xont, ou en ligtjie égale-,
feommc fi -^us-compâïrez le frè-
re auec la foewr , ou en ligne inega*
le, comme fi vous comparez l'oncle
C or f aération cinquïcime. 3 43
auec la mccc,& U caïuc auec le
neueu.. Tels donc que font dans la
coniangumité , qui le procrée par
la génération , les droits de toutes
CCS relations , tels doiuentils élire
pareillement dedans l'affinité en-
core, Ainfi il ne doit pas eftre per-
mis au beau père d'épouier la fille
de iafcmine , pour ce qu'il eft de-
uenu fon père par le moyen de ralfi-
nité , ôcque leurs relations de maiy
ècàc femme, de père &:de fille, ve-
nansàfe meiler ckà le confondre,
elles s'entreruineroyent, &détrui-
royent également les confequen-
cesquien dépendent. De mefmes
il ne doit.pas eftre permis à l'oncle
d'épouier la nièce, ou à la tante fon
neueu, non plus qu'en la conlan-
guinité ^ pource que les relations
de fuperiorité & d egalizé ne (e peu*
uent non plus méfier fans s entrer.
Y4
.544 ^^^ Droits des tJ^ariagfs
dtilruire; ce qui eft contre la difpo-
fition du droit de la nature. Et fi-
nalement il ne doit pas élire permis
au beau frère d'époufçr la belle
fcEur/c'ellàdire, lalœur de fa. fem-
me défunte 3 pourcc qu'cltans par
l'affinité deuenus frère ôc fœur IVn
à lautrêjUs fe doiuent refpetliue-
ment confiderer , comme portans
quelques traits & quelques rayons
de Tautorit^ paternelle , laquelle
ieùr doit eftre en vénération inuio^
Libie réciproquement. Refte le
froifiefme j^ oint, qui femble auoir
é^ là difficulté dauantage. Car luf-.
ques icy nous n auons confi.dcré ces
affinitcZjfinôn comme dire^es de
i m m ediates entre beau-pere & bel-
le fille, beau frerc ôc belle fœur,c eft
à dire , qui ont elpoufélc frère oui
iâfoeur IVn de l'autre , &: oncle ôc
îiicce, ou tante &:neueu,oàlcvrçr.
Conflderation cinaukfme, 345
lations font telles qu'il cft aifé de
reconnoiflre qucleneftle droit na-
turel. Mais il y en aencore quelques
autres qu'on peut appeller réflexes,
pource qu'elles ne font pasdire6i:e-
ment entre ceux qui font conjoints
par mariage èc leurs proçhesçon-
fânguins, mais entre ceux qui font
plus éloignés, de forte que la rela-
tion y fait vn pli,& de direâ:e ^
immédiate quelle eftoit, deuienc
réflexe & reculée. Pour exemple,
Piei-read vn premier lit engendre
îianne, & Marie a d'vn autre pre-
mier litengendrélacob. La femme
de Pierre & le Pier ^«^— . Mx
mary de Marie re f^\\ } ne
cftans morts, x;;^^*^^
il viennent à fe I \
marier enfem. leannc lacob.
ble en fccon-
desnopces. Ainfi-fccontradeaffi-
34^ '^^s Droits des glanages.
nité, non pas fc ulem ent entre Pier^
re & lacob, comme de beau pcre ^
beau fils ^& entre Marie &Ieanne,
comme de belle meie à belle fille,
mais aufll entre leanne 6c lacob,
comme d vne certaine forte de
beau frère entr'eux. . Derechef,
Jacques &Re- lacques Renée
née font frère 1 1
& fœur. lac- .; • r> t /
r r Henriette Barnabe
ques eipoule ..jr/Uiir
Henriette , & Renée époufe Barfia-
bé. Ainfife contracte affinité, non
pas feulement entre Henriette &
Renée , comme entre deux belle-
fœurs., mais auffi entre Henriette
&Barnabé, comme entre vne cer-
taine forte de beau frère dr.de belljb-
fœur encore. Car qu'il ny ait du
tout point d affinité dans le premkr
exemple entre leanne àc Iacob,c eft
chofe à laquelle le commun fenti-
ConJtJeration cinquicfme. ^^y
ment des hommes eft contraire. £c
la raifon véritablement y elt con-
traire pareillement. Car puis que
Marie eft mère de Iacobj6<: que lea-
ne eft fille de Pierre , il iemble qu'il
conuient à la nature & à la raifon,
que puis que Pierre ôi Marie, font
mary 6c femme , ôc par le mariage,
'^ cJeuenus vn , que leanne &c lacob
foyent en quelque façon fœur &
frère. Et qu'il n'y en ait du tout
point entre Henriette & Barnabe
dansle fécond exemple , c'eft cho-
fe à laquelle ne confcntiranon plus
le commun fentiment des hom-
mes. Car dans le lancraee ordinaire
du monde y Henriette & Barnabe
s'appellent fœur de frère , 6c fem-
bleque la nature & la raifon veu^-
4ent aufli qu'ils le faflent.Car fi lac-
qucs eft fait vne mefme chofe auet
Henriette,^ qijie Barnabe &Rc-
34^ T^cs Droits des tJMarUges
née foyent faits vne mefme choie
entr'eux, il Temble quelacques &
Renée eftans frère & fœur , Hen^
rictte & Barnabe doiucnt eltre au-
cunement frer.e ôi fee^ur. as mtixnc.
Et lur ces deux exemples on en
peut former quantité d autres. On
peut donc icy demander fi comme
il n'eft pas permis par le droit; de la
nature j qiiQ ceux qui font en pareil
degré d'affinité que font lacques èc
Barnabe , fe puiiTent marier cnfen^
ble, il n'eft pas permis .non plus qùç
Barnabe ôc, Henriecte fe consi-
gnent par mariage. Et derechef, fi
comme il n'eft pas permis que
ceux qui font en paresil degré d'aJH-
nité que font lacob & Pierre , co|i-
tra6tent mariaecentr'eux Ja mef-
me nature défend la conjondtion
entre lacob 6c lanne. Pour rçfouv-
dre cette queftion , il fauc tirer
Confiderati&n cimHiefmç, 349
quelque lumière dé ce que nous
auons dit cy deflus touchant les
confanguinitez & les propagations
des rayons de rautorité paternelle.
Car comme nous auons obferué
que celle qui fe fait immediate-
mcntdu père au fils, & à l'autre fils
encore, c'eft à dire , aux deux fre- .
ïes 5 quand il eft queftion de les
comparer entr'eux , eft de toute
autre confideration que celle qui fe
fait du grand pcre aux petits fils,
ceft à dire aux coufins germains,
quand il les faut comparer enfem-
ble, pourcequelà elle eft immé-
diate ou prochaine , icy elle eft •
médiate ou reculée ^ Ainfi faut il
faire grande diftinâ:ion entre l'af-
finité qui eft entre Pierre^ lacob^
lacques & Baruabé , darxs les dia-
grammes de cy de (Tus , (Se celle qui
eft entre lanne & lacob , ài Hcn-
35© Des Droits des Alariages
riette & Barnabe encore. Pource
quelVne eft prochaine , immédia-
te & (iireâ:e ^ ôc Tautre éloignée,
médiate &c réflexe ou indired:e.
Car Pierre eftant fait va auec Ma-
rie, va immédiatement à lacobj au
lieu que leâne ôc lacob ne viennent
l'vn à l'autre finon mediatemêt par
Pierre & par Marie , pource qu'ils
font vn enfemble. Et lacques ^Bar-
nabe vont encore immédiatement
l'vn a l'autre, pource que Barnabe
& Rence ne font qu Vnj& que là
ligne de Renée à lacques eft immé-
diate. Au lieu que l'affinité ne va de
Henriette à Barnabe , finon par
l'entremifedela ligne qui eft entre
Renée & lacques. Sidoncdansles
confanguinitésla nature a mis tel-
le diftinLtiô entre ces cliofes, qu'el-
le a voulu que le droit qui rend la
tonjondion illégitime ^ ne s'cften-
C onfdcration cincjHiepne. jji
diflpas au delà de ce qui eft pro-
chain & immédiat j dans les affini-
tés elle fuiura la mefme raifon, &
fe terminera pour ce qui eft de ce
droit, dans l'affinité dire6i:e& im-
médiate. Et véritablement pour ce
qui eft du premier exemple, il y a
icy vne cho(è fort confiderable.
C'eft que quand lanne & lacob
font nés , Pierre & Marie n eftoyent
point encore conjoints enfemble;
de forte qu il n'y auoit entre lacob
6c lanne aucune forte d'affinité.
Quand Pierre 6c Marie font venus
àfe conioindre , leur vnion à bien
peu acquérir vne très eftroitte affi-
nité entr'eux & les enfans l'vn de
l'autre refpeâ:iuement : pource
qu'en vertu de leur vnion ils font
tenus corne vne mefme cliofe feule-
ment. Carl'aâiedeleurconjonârio
avnea6tiuitéprefcnte,parlc moyé
5^2. Des Droits des çJMariàges
de laquelle 1 affinité s'eftend de
Pierre fur l'enfant de Marie & de
Marie fur l'enfant de Pierre /& en-
gendre ces relatios qui empcfchent
la conjonction. Mais quant à ce qui
eft de leurs enfansentr*euX5fi iV-
^ niôn de Pierre &: de Marie a quel-
que vertu pour les allier ^ il faut
qu'elle foit en quelque façon rêtro-
àctiue fur la génération précéden-
te par laquelle ils les ont produits,
poùrce qu il n'y peut rien auoir
dans leurs enfans que ce qu'ils y ont
prouigné par elle , &c quand Us les
ont engendrés ils n'y ont rien pro-
uignéde tel. Car ce que Pierre dé-
nient beau père à lacob, c'cft pour-
ce qu'il entte en k communion de
Marie, entre laquelle & fôn fils il
yadef ja vné relation acSluellement
exiftenre, &quine commence pâS
d'eilte à l'heure de ce fécond m^ria-
.. , * ge. Mais
Cohfî^O'atîàn cînqHÎçfmi, ^^y
gc. Mais ۍ que lannciSc lacob de-
uiennenc bcau-frerc& bellç-feur
cntf eux , ce ncft finon parce
qu'en leur égard la conjondiorî de
Pierre & de Marie a vjie vcrcu rer-i
tra-admc deflus leui; precçdençe
generacipii , pour donner à kurs
cnfans des relatios qu'ils n*auoyen(l
point lorsqu'ils les ont engendrés,)
Or y a t'il grande diffetence entré
les vertus rétro -adiues , & les G|^G^-!i[ ,
fcsqui fe rencontrent icy. Çarceçtçl
communion qui eft entre Pierrçôi,
Marie, pQurçe quelle eft namrÊUei^
peut bien produire dc^rejationis na^^
turellcS: , &: qui çftabUflent ,:dc5
droits naturels entre Pierrç & la*
cob. Mais lés vertus ret;ro-ad^iuçç
femblent auoir vn^ffç'^^ G>^iJ.^
politique feulement. Gânl eft çOn*^
çrç l'orf drç deU nature^ que les c^uf*
fes naiurpUes agiflent ou deuajii
3^4" Des Droiâs dcsMutrîagés
q^è »^'éxiftcr aduellcmeiit / ou
furies temps qui ont précédé leur
cxiftexicè. Mais quant aux caufcs
ciuiles &: morales , elles peuuent
bîèh agir'dè la façon. Pour ce qui
eft^u lecoUkd exemple , il y a enco-^
rtytic autre efaofc qui femble n'e^"
ftl;^pàs de moindre confideration.
G*e« que félon la difpofition du
dpoit 5 les relations directes & les re-
ftéîéè^ ont en truelles vne rncrueiU
lêufëment grande différence» • Car
éfitîc deux àflocics il y a 'efrroitte»
eôrtimuniôrt pour les chôfes dé
leur foc leté; Mais entre itï^oy ôc laf-;
fbcié de moh affôdié'i il ii y en a paiS?
dé mcfmcé.Leg:^^. ff.de re^listurih
Ehtr« moy & mèn affrknclïî il y s^
vïii^res-étroirte rélation:entre moy
Â^^taffrahchi^^ dé mon affranchi,
il' n^ri eft'p^' de mefeés nôffplus/
Dëforte que fî par tèftàment i'ay
Conjidemtion ctnqukfme. ^^jj»
donné Quelque chofc à celuy «jut
iaymi^en liberté, il ne s'enfuit pAs
de là que ic laye donné de mefmes
I a celuy que mon affranchi y atitâ
mis j Leg. lo/.ff. de nj^rb.fgnif. Ce
! qui monftre que les fages qui ont
cftabli ce droit y ont mis différence
entre les relations dire6l:es& les ré-
flexes, & n'ont pas eftiméqu'vne
relation ea produife d'autres necet
fairement ^ ou fi elle en produit,
qu elles foycnt de mefme vigueur
& de mefme efficace auec elle. Or
icy il y a quelque cnofe de fem-
blable. Car par le mariage de lac-
ques & de Henriette ^ Renée àt
Henriette deuicnnent bien eftroitr
tement alliées à la vérité. Mai^^uc
cette relation en produifevn^ au-
tre entre Henriette & Barnabe , qui
foit dVne égale vertu y c'efl ehofe
quih*eftpasde ïi, difpofitionde la.
^^6 Des Droits des Mariages
nature. Et de celaic nedirayrieri
davantage; parce , que de ces exem-
ples on peut tirer efclarciffement
;pour tous les autres.
â.-
'^a^f!):
..„-.; 4^1
cric €T9 sn)(fT>> sn) êni s^
iO
:)D3^:
i
• (.
jD Yj.
t
I
im
CONSIDERATION
s I XI E s M E.
S'ilji a quelques degrés de conjàngui-^
ntté ^ d^ affinité dont on putffe dif-
■ ^. penjcr^ (^ a qui U dijfenjmon en
^ appartient,
E V X qui difent que les de-»-
^rés de confanguinité &
d'affinité font du droit de
nature^^: qui adiouftenc que neant-
moins ileitenla puiflince deDiea
dendifpenfcr, poarce qu'il eft au-
teur de la nature, & que tout Ma-
giftrac fouuerain a le pouuoir de
difpenfer de robferuation de fes
3jS Des Droits des Mariages
proprcsloix , s'engagent dans vne
difficulté beaucoup plus grande
que de prim'abord il ne lemble.
Car quant à cette maxime fî çom-
mune^que toutLegiflateur a le pou-
uoirde difpenfcrde robferuation
de fes propres loix , elle ne peut
eftre véritable , finon qu elle foit
bien entendue. Les Princes fouue-
rains font de deux fortes de loix.
Dans leftabliflement des vnes ils
ne font rien qu'expliquer ce qui eft
du droit de Dieu ôc dç la nature, le
confirmer de leur autorité, & dé-
noncer alencontfe de la transgref.
fion la pêne politique qui yéchet,
comme ils le iugent expédient pouf
la conferuation de l'eftat ôc deJa re-
publique. Dans leftabliflement des
autres ils difpofent feulement des
cbofes qui font indifférentes de
kurnaturç,&en ordonnent com-
Conjtdenîtion fxi efme. ^59
meilsiugencàpropospour le bieîi
delafociecé. Or quant à celles cy , il
n'y a nulle douce qu'ils n'en puif-
fcnc abfolumcnt difpenrer quand
bon kurfemble. Car puis que la
chofecft indifférente de fà nature,
la faire ou s'en, abftenir ne peut
eftre ni bon ni mauuais, fînon en-
tant qu ilell commandé ou défen-
du par la loy du Prince. Vient il à
abroger l'autorité de fa loy ^ La
cliofe retourne à fa première natu-
re , & le fujet renient en fa liberté
d'en vfer, ou de n'en vferpas, à ffi
volonté. Qoant aux autres , il y a
de deux fortes de difpenfe de Tauto-
ritédes loix. L Vne eft prefuppofec
donner la faculté & le droit de fai-
re quelque cliofe , de forte qu abfo-
lument en la faifant on ne pèche
point. L'autre ne donne pas la fa-
culté ni le droit de faire l'adion
Z4
5^o . ^es Droits des JUarîages
dont il s*agic , & n*empefche pas
qu*elle ne (oit mauuaife en elle met
meifeulementeiledeclare que pour
quelques bonnes raifôns^ s il arriuc
àquelquVn de la faire ^ il ne fera
pas puni par le Magiftrat. Or
qUanc à cette féconde lorte de dif-
petife ,nous voyons bien que Dieu
en a vféquelquestois dans les cho-
çes qui font du droiç de nature^
comme quand il a permis les diuor-
ces parmi le peuple dlfraél. Car la
loy qu'il a donnée pour cela, eftoit
vneloy politique, qui ne tegardoit
paslachofeau fonds, pour la ren-
dre bonne & licite par Ion autorité^
mais qui regardoit feulement la pé+
ne politique , laquelle Dieu rclaf-
choitpour de bonnes raifpns, le-
ftat de la Republique ne permet-
tant pas, que Dieu punift alors en
qualité de Magiftrat le diiiorcc de
Conjideration fxîe[me. * ^Ci
la femme & du mary , qui autre-
ment félon le droit de la nature de-
uoit élire puni , à peu près comme
ladultere Mais pour ce qui eft de
la première ^ non feulement il fem-
ble eftre clair que les hommes ne
peuuent difpenler desloixdc Dieu,
mais mefmes il y a tresgrande dif-
ficulté à comprendre comment
Dieu pourroit vferde cette difpen-
fation en ce qui regarde les droits
de lanaturé. Carnousauonsveucy
dcflus qu'ils s'appellent droits de la»
nature , pource que c'eft la nature
deschofcs mefmes, & non l'auto-
i^ké du Legiflateur qui les determi-
ne,en cc^ue nousappellonsla Mo-
rale. Or eft il bien vray que c'eft
Dieu qui eft l'auteur de toutes les
chofes qui exiftentau monde , &
que s'il le veut , il leur peut ofter
Texiftencc qu'il leur a dojnnéc. De
$6i Des Droits: des Mariages
force qu'il ne detneurerok s'il luy
plaifoit aucune fubftanceen TV-
niucrs, ni par confequenc aucun
accident réellement cxiftant en
aucune fubftance. Mais quant à
l'effence mefme des chofes, com-
me on parle , c'eftà dire, quant à
la nature qUi s'exprime par la défi-
nition , & quant aux rapports &
auxconuenances , aux diftcrences
& aux diffemblances , qu'ellespeu-
uent auoir les vnes auec les autres,
c eft vne chofe tres-difficile & tout
à fait impoffible à comprendre,
comment cela dépend de la li-
bre volonté de Dieu. Car autre eu
la dépendance félon laquelle toutes
cliofes fe rapportent à la Diuinitc^
çntant que nous laconfiderons en
foneffencc, Vautre celle félon la-
quelle elles fe rapportent à Calibre
volonté. En ce premier égards tout
Confideratîon ftxicfme. 3^3
eftre , quel qu'il (bit , découle necet
fairemenc du fouucrain , ôc eft
comme vnerefplcndeurdelon ef-
fcnce. En ce fécond , il elt , comme
i'ay ditjimpoiïiblede comprendre
que la libre volonté Diuinefoit la
caufe de tout ce qui eft. Prenons
quelques exéples hors de la Mora-
le. Il dépend abfolument de la libre
volonté de Dieu , de permettre
qu'il fub lifte aucune fubftance
triangulaire en TVniuers. Mais
quant a la définition du triangle,
que c'eft vne figure laquelle a trois
angles égaux à deux droits , fi vous
diliés à vn Géomètre qu'il dépend
de la volonté de Dieu , de faire fi
bon luy femblc par l'autorité de
quelques loix , qu il y ait des trian-
gles qui n'ayent pas trois angles, ou
que ces trois angles ne foyent pas
égaux a deux droits, il' troutieroic
5^4 J^^^ Droits des Mariais
que ce fèroit vne propofîcion ex-
trauagante. C'ejft chofe certaine
encore que fi Dieu vouloir il n exil-
teroit a6tuellement aucune caufe
efficiente , ni aucun efFedt dansl'en-
ceinte de ce qu'on appelle la Phyfi-
que communément. Et néant-
moins pour ce que c'eft vnechofc
abfolument déterminée par la na-
ture, que dans la Phyfique lacaufe
efficiente précède Teffedt, ou en or-
dre de temps, ou au moins en or-
dre de nature, fi vous diiiésà vn
Philofophe que Dieu peut faire que
l'efFeâ: (oit antécédent à fàcaufc ef-
ficiente, iltiendroitcela pour vne
propoficion erronée , & indigne
dVn homme de bon fens. Oreltil
qu'il femble que le droit naturel
n'eft pas moins déterminé dans les
chofcsMorales.quedanslaGeomc-
trieôc^ dans la Phyfique,^ qu'il n'eft
Confderationpxtefme. 5^5
pas plus certain dans laGcometric
cju'vn triangle a trois angles égaux
à deux droits , ni plus inuiolable
dans la Pliyfique <ju vne eaufc eft
antécédente à fon cfFcâ: , qu'il eft
certain & indifpcnfablc dans la
Morale & dans la Religion , qu'il
faut que la créature intelligente ho-
nore fon Créateur , & quelle s'a-
donne à la vertu. Certainement fi
leschofçs eftoyent bonnes ou mau-
uaifes feulement pource que Dieu
les a commandées , fa dcfenfe & fon
commandement leué , la nature
des chofcs fcroit leuee de mefmes>
& de bonnes & mauuaifes qu'elles
eftoyent par le commandement &
par la dcfenfe ^ elles deuiendront
indifférentes comme elles eftoyent
jiaturçUçment. Et qui plus eft. Dieu
aura le pouuoir d en faire des con-
(Utu.tiQA^ contraires aux preceden-
5^(> i^es Droits dcsAîarîagei
tes , de forte que haïr Dieu de tout
fon cœur, ôc haïr fon prochain au^
tant quon s'aime foymefmej dc-
uiendront chofês bonnes ôc fain-
éles en vertu du commandement.
Ily a donc beaucoup plus de rai^
fon de dire que Dieu les a com-
mandées, pource qu'elles font bon-
nes en elles mcfmes, ou défendues
pource que d'elles mefines elles font
mauuaifès. Gomme il y a beaucoup
plus de raifbn de dire que Dieu a
voulu que la terre tint le milieu du
monde., pource c'eft relemént le
plus pefant, que non pas qu'elle eft
deucnuë T élément le plus pefantj
pource qu'il a pieu à Dieu qu'elle
tint le milieu du monde. Cepen-
dant il y a certaines chofes que nous
auonscy dcfTus {uppofecs& demô-
ftrees eftre du droit de nature, dont
Dieufemble auoàr xnanifeftamënt
Confderationfxtefme, j6y
difpcnfé. Comme dans les confan-
guinitez y il a difpcnfé de la prohi-
bition du mariage dufrçrc aucc la
fœur , danslcscommenccmensdu
monde -, car il a falu neceflairemenc
que cela fe foit pratiqué entre les
cnfans d'Adam. Et y en a certaines
autres dont il ne s'cft pas contenté
de difpenfcr, il les a commandées
ce femble contre le droit naturel,
comme dans les affinitez , le ma-
riagie du frère puifné auec la femme
de (on frère aifiié decedé, que nous
àuons dit cy deffus eftre auiïî des
chofes que la nature a défendues,
reftîme donc que pour ce qui eft
delà première de ces difficultés, il
feut diftingue^ entre les diucrfes
fortes de droit de nature. Car il
yavn droit de nature qu'on peut
àppellei: intrinfequc aux: xhofcs
mefmes, & s'il faut que le i^petc
3^3 T)€S Droits des Adaria^s
encore ce terme, abfolu : Et il y en ai
vn autre qu on peut appeller exté-
rieure relatif. Lç droit intrinfequè
& abfolu eft celuy qui refulte du
rapport que les chofes ont naturel-
lement entr'elles ^Si vous venez
à lesçonfiderer prçci{ement,§d non
entant qu elles dépendent de telle
ou de telle autre chofe , dont elles
portent l'image & le caradere. Et
tel eft le droit de nature qui eft du,
percàTenfant ,& del'enfantau pè-
re. Car en les rapportant ainfi l'vn x
l'autre , vous n'aués égard à aucune
autrechofe qui foit au dehors d*euxj
& vous terminés abfolument 1*^
comparaifon que vous en faites^
dans l'enceinte de cette confidera-
tion , que l'vn eft père ,& l'autre eft
fils. Le droit extérieur & relatif eft
celuy qui refulte du rapport qUçles
çhoîe^ Qnt entrellçs , iî vous y ene§
a les
C û njîderation fîxiejme. ^ép
aies confiderer entant qu'elles dé-
pendent de quelque autre chofe
quieft au dehors , dont elles por-
tent l'image & la reffemblanee. Ec
teleft le droit qui eft entre les frè-
res 5 confiderez entant qu'ils por-
tent l'image de l'autorité paternel-
le j chacun en fon endroit. Car en
les rapportant ainfi iVn à l'autre,
vous auez principalement égard au
principe dont ils font defcendus, ôc
ne termmcz la comparaifon que
vous en faites, finon dans l'enceinte
qui comprend le père qui les a en-
gendrez. De forte que le droit qui
eft établi entr'eux, ne vient pas in-
trinfcquement de leurs perfonnes^
il naift du commun principe du-
quel ils font ifl'us. L'vn donc a fa
racine dans les perfonnes mefmes
pour lefquelles la nature l'établi t^ 5c
ne fc répand que fur elles j L'au-
Aa
370 ThsTyroîts des Mariages
tre a fâ racine hors des perfonnes
pour Icfquelles il eft eftabli, & ne
les regarde ni ne les oblige finon
entant quelles dépendent d Vn
commun eftoc 3 & qu'elles en tirent
leur eftre. Or que cette première
forte de droit foit abfolument in-
difpenfable j & la féconde ^ non,
i*cftime qu'on le peut prouuer^pre-
mierement par les chofes de la reli-
gion, puis après par celles de la po-
lice Ceftvn droit abfolument éta-
bli entre Dieu & la créature, qu'il
faut quelle l'honore, & que quâtà
luy il foit honoré. Et comme il n'eft
iamais arriué, aufli ne peut il iamais
arriuer que Dieu di(pen(è la créa-
ture de l'honneur qu'elle luy doit
de cette facjon là. C eftoit vn droit
relatif eftabli de par Dieu par-
mi le peuple d'ifraël ,' qu'on euft
l'Arche de l'alliance en grande ve-
Confderat'ponfxîcjme, 371
heration, non à caufe de r Arche en
elle mefmc , mais relatiuement à
Dieu , lequel elle reprefentoic, &
de la prefence extra-ordinaire du-
quel elle eftoit vn tefmoignage.Or
n'y a t'il aucun qui puifTe douter
que Dieu , s'il eull voulu , n'euft
bien peu difpenfer quelqu Vn par-
mi le peuple d'Ifrael , d'honorer
l'Arche en cette qualité , & de luy
rendre les refpcâsaufquelsles au-
tres Ifraëlites eftoyént obligez en
cet égard. Pourquoycèla? Pource
que cette difpenfe n*abolit pas véri-
tablement le droit naturel ^ quieft,
que la nature honore Dieu 5 feule-
ment fait- elle qu'à l'égard de celuy
à qui la difpenfe eft faite, l'Arche
n eft plus vne image de la prefence
de Dieu , & ne refplendift point des
rayons & des cara6teresde fa gloi-
re» Dans la police onvoidle lera-
Aa i
372. T>€S Droits des Mariages
blable. C'eft vn droit abfolu établi
entre le Roy & Tes fujets^ que le Roy
commande & gouuerne , & c efk
vn objet dVn honneur ciuil , le plus
grand que les hommes puiflent t
rendre àaucune perfonne d'icy bas. l
Or de ce droit là lesRoisnedifpen-
fent iamais ^ & il" répugne dire dé-
nient a la qualité de Roy qu'ils en
difpenfènt. Mais c'eft vndroid re-
latif cftabli entre tel officier duRoy
&: fes autres fujets, que ceux cy ho*
notent celluy-là, & qu'ils reuerent
en luy l'autorité du Roy & fbn ca-
, radcre. Or n'y a t'il perfonne non
plus qui puiffe douter qu'il ne foit
tn la puijGfancedu Prince, dedif-
penier quelqu'vn de reconnoiftre
aiuf fou caractère en tel ou en tel
officier , quoy que les autres qui
- font en pareille condition , le luy
doiuent rendre. Pourquoy cela en-
Confldemùon fxiefme, 373
core ? Pource que cecce difpenfa-
tion n'abolit pas le droïc abiolu du
Piince fur fou fujet , fcjlement
faic-elie qaa l'égard de celuy àqui
ladifpenle ell donnée , cetoiHcier
ne porte pas le caractère du Prin-
ce. Or fi cela clt dans la religion &
dans la police , il peut bien eftre
dans la nature pareillement. Ceft
que Dieu n'aie iamais difpenfé au -
cun àc ne puille iamais difpenfer
qui que celbit d'honorer fon père
bc fa mère : mais bien de refpeder
en fon frère ou en fa fœur l'autorité
paternelle iufqu'à ce point, que de
s'abilenir de la conjondion matri-
moniale a caufe d'elle. Cequin'eft
pas abolir Tautorité paternelle a
l'endroit de fon enfant \ mais feule-
ment empefcher qu'elle ne reluife
pour luY de telle ou de telle façon,
dans fa fœur ou dans fon frère.
Aa3
374 Des Droits des Mariages
Il eft vray qu'il fe prefenteky
vne difficulté. Ceft qu'en l'exemple
que i'ay cy deiTus propofé pour la
religion, le chois de l'Arche, pour
y faire reluire les rayons de la pre-
fence de Dieu, a efté de fa pure vo-
lonté. De forte que luy eftant abfo-
lumenc hbre de choifir ou de ne
choifir pas cette Arche , pour eftre
1 objetde cet honneur relatif qu'on
luy rendoit en elle , il luy a efté hbre
pareillement de terminer la corn-
inunication de ces rayons de fa pre-
lence & de fa gloire , à tel degré que
bon luy fembloit,& delcs rendre
obligatoires ou non pour la défère-
ce de l'honneur à l'égard de telles
ou de telles perfonnes, ainfi que bo
luy a femblé. Dans l'exemple que
i'ay propofé de la police , il en eft
tout de mcfmc. Car le chois de telle
perfonne pour en faire vn officier.
Conftdcranon fixicfm e. 57 j
cicpendanc de la libre volonté du
Roy, lia ce femble dépendu de fa
libre volonté pareillement , de la
rendre refpedable ou non à telles
ou à telles perfonnes.En la quetlion
dont il s'agit, lien va autrement.
Ce que le hls porte l'image de l'au-
torité paternelle, cela ell de la dé-
termination de la nature descho-
fes, qui ne communique point fes
rayons à ceux que le père n a point
engendrés , mais qui les communi-
que neceflairement à ceux qu'il en-
gendre, &:quice femble auifi par
confequent ne permet pas quayans
efté effediuement communiques,
lefrereoulafœur foyent difpenfez
de les reconnoiftre. Icy donc il faut
encore adtouter deux chofes. La
première ell, que comme dans le
premier établiflement d'vne Répu-
blique ôc dVne focieté, il fe fait des
Aa 4
37^ -E)^^ D roi Si s des Mariages
cliofes qui font eflimees bonnes &
Icgicimes alors _, à caufe de la ne-
ceflîté, pource qu'il n'y a point en-
core d ordre bien & lecritimement
eftabli ; lefquelles puis après font
condamnées par l'ordre public,
quand la fociecé a pris fa bonne ai
légitime forme. Ainfidans la pre-
mière conftitutionde la nature, &
nommémét en cette partie quicô-
cerne le genre humain , il a peu fe
faire des chofes qui n'ont point efté
mauuaifes, pource que la neceflité
le requeroit , qui puis après font
condamnées par l'ordre naturel,
depuis que la nature a reçeufa con-
ftitution pléne & parfaite. Qu^il fe
fafle quelque chofe de tel dans la
ccnftitution des Republiques, il en
ap^^ert. Car au commicncement
que les hommes fe font affemblcs
pour former entr'eux desCités,d où
Conjîderarion fixiefme. 377
eft venue la vocanon à celuy quii a
le premier entrepris , d^laucorité
de donner desloix à tout le relie?
Certes il femble qu'il n'en auoic
point. Cependant tant s'en faut
que celafoit trouué mauuais^qu on
l'eitime quafi héroïque. Maisneat-
moins la neceflité ne fubdftanc
plus, les chofes font tellement re-
mifesà la conduite de l'ordre pu-
blic ^ que qui voudroit entrepren-
dre rien de tel fans vocation , (èroit
ellimé vn brouillon &c vn témérai-
re. Pourquoy donc nelcrat'il ou
cxcu(c ouapprouué, qu'en l'eta-
bliffementde la nature il foit arri-
ué quelque chofe defemblable ? Et
véritablement que la nature mef-
me dans le commencement de la
formation de fes ouurages , faflc
des chofes 6c fuiue des routes, qu'el-
le condamne &:qu elle abandonne
37S Des Droits des J^ariages
lorsque fesouurages font. parfaits,
il en appert allés par la dJuerfe fa-
çon dont elle nourrit vn cnfam de-
dans &z dehors le ventre. Car de-
dans, elle le nourrit par le nombril,
pource qu'il eft encore imparfait,
&quelaneceflîtéle veutainfî. De-
hors , elle eft fi ennemie de cette fa-
çon de luy donner l'aliment, quel-
le commande abfolument qu'on
enétouppela voye.La féconde eft,
qu'autre chofe eft de commettre
vn mal de gayeté de cœur, ôc autre
chofe d'obmettre vn bien pour en
procurer vn autre beaucoup plus
grand ôc plus confiderable. C'eft
vn crime contre la nature que de
iettervn homme dans l'eau pour le
faire noyer :& vn autre crime qui
approche de celuy-là , de ne le fau^
uer pas, fi vous le voyez périr, lors
quevousenauéslapuiflance. Mais
Confderamn fxiefmc, 375)
fi vous voyés en mefme temps tom-
ber en l'eau vn honnefte homme
de condition priuee, & voftrc Prin-
ce, foubs legouuerncment duquel
vous viués j & que ne vousellanc
pas poflîble de les fauuer tous deux^
il foit neantmoins en voftre pui(-
lance de fauuer iVn ou l'autre,
fi vous abandonnés celuy qui e(l
de condition priuee pour fauuer le
Roy j non feulement vous nielles
pas accufé d auoir négligé contre
l'humanité naturelle , le faluc de
cettuy-là, mais fi en cette occurrcn -
ce vouslefecouriés, on nefc^auroit
vousexcuferd'vne efpecede parri-
cide contre voftre Prince. Dieu
donc enreftabhffcmentdc la natu-
re auoit ces deuxchofes dcuancles
yeux j ou de laiffer ncglii:;er le ref-
ped: que le frère doit naturelle-
ment à fa fœur , à caufe d Vn rayon
38q D es Droits des Mariages
de rautorité paternelle qui y reluir,
où de créer pour la propagation
du genre humain encor vn autre
homme odvne autre femme qu'A-
dam & Eue , dont les enfans n'a~
yant point de confanguinité auéc
ceux d'Adam , fe peulTent plus lé-
gitimement allier. S'il euftprefcré
le fécond, pource que tous les ho-
mes ne fullent pas defcendusd'vn
mefme cftoc , ils n'euflent pas eu
çntr'eux cette vniuerfelle confan-
guinité j qui les conjomt en tous
lieux & en tous temps , 6c qui doit
renouueler en eux des fentimens de
charité & d'humanité, à toutes les
fois qu'ils s'entre-regardent. Pour
ne rien dire maintenant de l'image
que cette économie porte de la
perfonne de lefus Chrift , &: de la
communion que nousauonsauec
luy , comme le Saind Apollre la
Confiderdtlonfxiejmc. 38Ï
remarque. Or n eftoit il pas fans
comparaifon plus raifonnable, que
les enfans d'Adam , en conferuant
le refpeâ: abfolu qu'ils deuoyent à
faperfonnejobmiflentpour le cc-
mencement le refpe6l relatif qu'ils
luy deuoyent porter chacun en la
perfonne de fon frère & de fa fœur,
que non pas que nous euflions per-
du ce bel argument de la charité &
de l'humanité que nous nous entre-
deuons, lequel procédant de cette
vniuerfelle confanguinité , à luy
mefme ^ comme ila efté remarqué
cydeffus , vne manifefle relation
à l'autorité paternelle? Et dans la
Phyfîque cette mefme nature nous
apprend qu'elle n'a pas cela abfolu-
menten horreur en la Morale. Car
il eft du droit de la nature dans la
Phyfique , que les chofes pefantes
tendent en bas , & que les légères
ifit T>cs Droits des <J^ària^es
montent en haut : & s'ilen arriuc
autrement, ceft contre la difpofî-
tion de fes ordonnances. Néant-
moins il eft aufli du droit de nature
que toutes lés parties du monde en-
tretiennent entr'elles vne parfaite
vnion , Ik qu'il ne fefaffe point de
Vuidenide rupture entre les mem-^
bres qui le compofent Et quand il
arriue qu'il faut neceflairementjOU-
qu'il fe fafle du vuide en la nature,
OU que les chofèspefantes montent
en haut, ce droit particulier de la
conftitution naturelle des chofes
pefantes ,cede au droit plus gênerai
du defir de 1* vnion, ôc la conferua-
tiondu tout l'emporte fans aucune
diflicultéfur les inclinations parti-
culières de telle ou de telle partie*
En quoytant s'en faut que l'ordre
de la nature foit eftimé renuerfé,
qu'il y paroift vne mcrueilleufe-
Conjtdcràtion Jtxiefme. 383
ment belle économie pour la con-
feruation de fon eftre. Hors de là,
fi Teau montoit contremont , on
l'eftimeroit vn prodige. Or eft cet-
te vniuerfelle confanguinité que
noustirosdVn mcfmeeftoc, com-
me cet appctitdc IVnionj cereC-
pe6l: au rayon du nom paternel, eft
commelmclinationd aller en bas,
dans les chofcs pefantes. En fin,
i'adioufteray encor cette confide-
ration icy aux précédentes. Com-
me ainfi fbit que la conionftioa
du mary auec la femme, fi^it vne
action externe, elle doiteftre,com-
mc toutes les autres , iugee bonne
ou mauuaifè (elon la conftitution
de rcfprit qui la produit. Or cft-il
que la conjond:ion du pcreà 1 en-
fant ôc de l'enfant au père, ne fe
peut faire fans corrompre la confti-
tution de leurs elprits. Parce que.
3^4 Des Droits des tj^darta^es
comme il a efté veu cy deffus , il
faut neceflairemenc ouqucleiprit
de l'enfant le dilpofc à perdre le ref-
ped qu'il doit à Ion père , en fc fai-
îànt égal à luy , ou que l'efprit du
père fe difpofe à ne rendre pas à cel-
le qu'il époule, l'amour coniugal
qu'il luy doit , en luy refufant l'éga-
lité à laquelle le mariage l'appelle.
Mais comme quand Dieu a com-
mandé à Abraham de tucrfon fils,
il a peu fe difpofer à Texecuter, &
l'euft peu exécuter ejfFe6tiuement,
il le commandement euft perfeue-
ré, par pure & fimple obeifTance,
fans lien diminuer pourtant, quant
àladifpofitionde fon efprit,defes
affedions paternelles. ( Car il pou-
uoit bien aimer ardamment fon
enfant , & neantmoins faire cette
violence à fon amour, quant à l'a -
<^ion extérieure , pour céder au
com-
Conjideration (txiefme] 38^
mandement. J Ainfî, fî Dieu, pour
les raifbns que l'ay touchées cy
deflus , a commandé aux enfans
d'Adam de fe marier entr'eux , ils
ont peu le faire pareillement , fans
corrompre la bonne confiitution
de leurs âmes. Car quant à leurs
perfonnes refpe^tiuement , ils ont
peufedifpoferà fe rendre Tamour
coniugal auquel l'égalité de la rela-
tion de mary & de femme , & de
frère & de fœur, les appelloit con-
jointemét.Et pour ce qui eft du ret
peâ: auquel ils eftoyent obligez
cnuers Adam , qui les cmpcfchoic
d'en retenir la penfee inuiolable-
mcnt, encore qu'ils contracSbaffent
cette alliance entr'eux par pure &
fimpleobeïflance? Orfoitdifpen-
fe/oit commandement, ( Car celuy
qui leur à peu commander s'ils n'y
pcnfoyent pas , leur en a peu don^
3?^ Des Droits des fjkfariages^
nerla difpenfe s'ils y pcnfoyeiit;&
fi,iufqueslà , ils cftoyent retenus
de Tcxecurer par refpcâ: à limagà
de l'autorité paternelle. ) Soit , di-je^
difpenfe ou commandement, il eft
icy {lngulierementàobferuer,quil
n y a que Dieu qui puifle donnet
de telles difpenfcs , ny faire de tels
commandcmens , &c que puisque
non feulement il ne les a iamais faits
quVne fois feulement, maisque de-
puis il a fi feuerement ôc fi conftam-
ment défendu de telles conion-
dios , il faut que les raifons qu'il en
a eues alors ^ ayent efté tout à fait
fingulieresàcetempslà, & à l'eftat
imparfait du mode & de la nature.
Pour ce qui eft delà féconde des
difficultés que i'ay cy deffus propo-
fees , ie voy que pour la refoudre,
quelques vns ont recours aux types
& aux figures , ôc difent que Dieu
Confderationfîxiejme, ^^j
a égard à ce que noftrc Seigneur le-
fus eftantmort, il luy deuoiceftre
fufcité vne grande lignée, fuiuant
ces mots 5 Me voicy , i^ les enfans
aucTDieu m'a donnes. Or ne veux- je
pas examiner fi les rapports qui doi-
uent eftre entre la figure & la chofe
figurée, s'ajuftent fort bien icy. le
defire feulement qu'on me permet-
te d'y faire vne confideration. Ce
n'eft pas chofe étrange , ni qui puit
fe donner du fcandale à qui que ce
foit , que Dieu n'empefcliant pas
par l'efficace de fon Efprit & de fà
prouidencc ^ qu'il fe faife quelque
chofe contre les loix de la nature &
du deuoir , il en gouuerne neant-
Hioins tellement l'éuenement^qu'il
puiffe feruir de figure pour repre-
fenterleschofes à venir. Nousen
auons vn exemple bien illuftre en
a coniondion d'Abraham &: d' A-
Bb *
388 Des Droits des Mariages
gar^donc le faind Apoftrc tire de
diuinemenc beaux enfeignemens
allégoriques. Mais que Dieu com-
mande cxprcflemcnt qu il fe faflc
quelque chofe contre le droit &
rhonnefteté de la nature , fîmple-
mcnt afin d'y éftablir quelque ty-
pe pour laduenir , c'eft chofè qui
pourroit à bon droit fèmbler au-
cunement eftrange. On ne peut
blafmer Dieu qu'il permette le pé-
ché , puis qu'il n'eft pas tenu de
rempefcher. Mais qu'il comman-
de pour vne chofe fi libre qu'cft
rétabhffemcnt d'vntype, ce qui
de fa nature eft mauuais , c'cftcc
qui peut donner quelque trouble à
la confciencc.Quoy?N at'ilpas aC-
fés de fageflc & de puiflance , pour
trouucr des types dans les chofes
bonnes & indifférentes de leur na-
ture , fans auoir recours à celles qui
Confderatiôn Jîxiejmc, 38^
font naturellement mauuailes?
Ceux là donc à mon aduis qmc vifé
plus droitau but, qui ont dit , qu'il
a efté ordonné, qu'en cas dedetaut
de lignée, lepuifné épouferoit la
vefue de fon aifné defund:, pour
quelques raifons particulières , qui
côcernoyentla république d'ifraël,
ôc la police par laquelle elle eftoit
gouuernee. Mais il euft efté bien
neceflaire qu'ils euflent expliqué
cnquoy confiftoit cette raifon par-
ticulière , ôc comment la police y
pouuoit eftre intereflee. Qui confi-
dercrala republique d'lfrael,com-
me elle fut conftituee au premier
cftablilfement de fes loix , y remar-
quera aifément deux chofes. La
première , que l'autorité paternel-
le y eftoit en fouueraine recom'
mandation. Ce qui paroift en ce
que, commeiay remarqué cy def-
Bb 3
55?o T)€S Droits des ç^aruges
fus j le précepte qui la recomman-
de auoit elle mis à la tefte de tous
les autres commandemens de la fé-
conde table de la loy morale, & en
ce que chaque famille eftoit telle-
ment conftituce^que le père y auoit
quafi vn pouuoir ablolu fur fes
Icruiteurs & fur fes enfans. La
féconde , qu'encore que l'image &
la rcfpicndeur de cette autorité
paternelle, fe jépandift , comme
elle fait naturellement, fur tous les
enfans dVnemcfme maifon , d'où
dépend la prohibition de leur ma-
riage , fi cil-ce que cette autorité
paternelle reluifoit d'vne fac^on in-
comparablement plus illuflre &
plusreconnoiflablc en laperfonne
deTailné , que non pas en celle de
tous les autres. De lotte que Taifne
efloit comme vn autre chef de la
faeiillcj d'où vient que Prcmicmé
Conjtderatîonftxtcfme. 391
en la langue Hébraïque , fignifie
quelquefois Seigneur c3^ Ocm.na,^
tenr^comccn ces mots, qui imitent
le ftUe des Hebrieux, Chrift efi le
premterne de toute créature : &:quel-
quesfois rohujle &cpmjfant, ÔC armé de
force ç;^ d'autorité , comme en ceux-
cy , le premier né de la mort, Pource
donc que le premierné eftoit défi
grande confideration en ifraël par
linftitution & la couftume de cette
police, & qu'au rcfte mourir fans
enfans eftoit vne calamité eftimec
beaucoup plus grande parmi ce
peuple là , qu'elle n'a iamais efté en
aucune autre nation, Dieu voulant
conleruer autant que faire fepou-
uoit,le nom de l'aifnc, & en ce nom
le refpeâ:& la recommandation de
l'autorité paternelle , à voulu que le
plus proche de fes frères qui luy
furuiuoyentjluy fufcitaft de lapo-
Bb4
3:^2, J^es Droits des Mariages
fterité , laquelle porioit fon nom,
& venoic à la fiicceilion du père
auec le tiltre &: les auantagcs de fait
nefIe,&envnmot^ jreprefentoit
comme s'il eull encore actuelle-
ment efté viuanL Car pource que fa
vefue gardoit encore en fon vefua-
ge la relation de ccluy qui eftoit dé-
cédé ^lautorité delaloyy interue-
nant , les enfans qu'elle auoit du
frère qui luy fuccedoit immédiate-
ment, pouuoyent auec grande ap-
parence de raifon jau moins quant
àl'effe6lciuil&: politique de la fuc-
cefïîonjreprefcnter laperfonne de
celuy qui auoit elle le premierné de
la famille. Et que c'en fuft là la rai-
fon, il en appert aiîez de ce que ce
n*eftoyent pas feulement les frères
qui eftoyçnt obligés d'époufcr la
vefue de l'aifné de la famille par
rautorité delà loy , mais aufli^a
Conjtderatîan Jtxicfme. 35) ^
défaut de frères , les plus proches
parens , afin de conferuer le nô &c
Tautorité de la pritnogeniture , &c
de garder au reftcvne règle certaine
en la diuifion des biens.Or tant s'en
faut qu'en cela l'autorité paternelle
ait efté ou violée ou négligée , qu'il
n'yarienqui la recommande tant
que cette inftitution. Cependant,
bien que les raifons de ces deux dit
penfes foyent fi manifeftes 6c fi per-
tinentes y iene laifleray pas pour-
tant &d'adjou ter ôc' de repérer icy>
qu'il n'y auoit que Dieu fèulà qui
peuft appartenir le droit de les don-
ner. Car comme danslaPhyfiquc,
il n'y auoit que luy feul,ni qui peuft
exactement iuger de combien de
degrez d'importance l'appétit de
l'vnion entre les cliofes qui compo -
fent le monde, Temportoitliir les
inclinations particulières des cho-
35^4 ^^^ Droits des <J^ (triages
fes légères ou pefantes> ni qui dan?
la rencontre &c le conflid: de ces
deux inclinations , peuft donner
aux chofes pefantesla vertu de mô-
teren haut, & aux légères cellesde
deicendre vers le centre : Ainfi
dans les chofes Morales il n'y a eu
queluy non plus qui aitpeuiugcr
aflez exadement de combien de
degrés d'importance eftoit la caufe
qui 1 Induifoit à la difpenfe ,au del-
fus de celle qui le pouuoit empef-
cher delà donner , ni qui ait peu
octroyer à fes créatures raifonna-
blés le pouuoir ^ lautorité de paf-
ferpardeffus cette forte de droits
qu'il auoit établis en la nature. Joi-
gnes à cela que les raifons qui l'ont
induit à difpenfer du droit de natu-
re en ce premier exemple, n'ayant
lamais eu ^ ne pouuant iamais
auoir lieaqu'v.ne fois, ce qui fait
Conjidcration fxiefme, 35)5
c]u*au{Iî nous ne voyons pas que
Dieu air iamaisdilpenféde laiprte
fîiion cette fois là feulement , ce
fcroir vneaudacieufcj téméraire, &
tout à fait peruerfe imitation de fon
adion , que de la vouloir tirer ea
confèquence. Et quant à ce qui eft
du fécond , s'il a pieu à Dieu que
l'autorité paternelle reluifift dans
la république dlfraelen laperfon-
ne de l'aifné , au delà de ce que por-
te la difpofîtion precife de lanatu^
re , ce qu'il y auoit de plus eft de
droit pofitiffeulementjô^a dépen-
du delà pure volonté de Dieu, qui
l'a ainfi ordonné pour des raifons
fans doute importantes , mais dont
leiugement appartient à fa feule fa-
pience. Comme donc il n'y a hom-
me enla terre , qui ait le droit &
Tautorité de donner aux enfans , ou
àlVa deux , plus de rayons de la
35?^ Des T>roks des Mariages
puiflance paternelle , que la natu-
re mefme n en donne parle moyen
de la génération , aufli n y a t'il au-
cun qui fous ce prétexte, ait le droit
& l'autorité de difpenfcr des de-
uoirs de la nature, en ce qui eft de
cette affinité qui empefchela con-
jon6tion auec la femme de fon
frère.
Qupy donc ? dira icy quelqu vn:
n y a t'il rien en cette matière des
mariages , dont les hommes puif-
fent difpenfcr? Et fi cela eft ^ quel
iu^ement doit on faire de tant de
dilpenfes, qui fe donnent depuis fi
long-temps , & par l'Eglifè Se par les
Princes? C*efticy la dernière que-
ftion que ie me fuis propofé de
traitter , & pour l'explication de la-
quelle il eft befoin d'examiner deux
chofes. Premièrement ^ quelles loix
peuucnt eftre faites par les hom-
Cenjtderation fxiejme. 397
mes, pour là prohibition des ma-
riages que le droit de la nature n a
point defeftdus. Secondement , à
qui il appartient de les eftablir ^ &
par confequent d'en donner auflî la
difpenfe. Or quant à la première de
ces queftions, on en peut tirer quel-
que éclairciflcment de laconfîde-
ration de Teftat de la nature , & de
la conduite de la Prouidence qui la
gouuerne. Car dans les chofesef-
quellesilnya point eu defujet de
craindre que l'ordre de la nature
vintàfe détraquer, la Prouidence
s'eft contentée de donner a cha-
que partie du monde, laconftitu-
tion de fon eftre, fes mouucmens,
fes fonctions , ôc fes opérations par*
fâitement bien réglées, fans autre
précaution d'aucune chofe hors
d'elle meûne , qui feruifl; a la con-
feruation de fon eftat. Comme
35)8^ *T>es Droits des Ai. triages
pour exemple , dans les Cieux, là
PLOuidence a mis vne nature fi con-
fiante, vn ordre fi permanent , &
des mouuemensfi bien réglés, qu'il
n*a point falu apporter d'autre cho-
fe pour les conferuer , finon les in-
telligences qui les meuuent,ou, fi
vousletrouués mieux ainfi,lana-
turelle forme qui leur a eftè don-
née , fur la conduite de laquellela
{àgefle de la Prouidence prefide ef-
ficacement. Ainfi depuis le com-
mencement du monde iufqu'à
maintenant , leurs courfes fe font C
vniformément maintenues fous
Fautorité & dans la règle desloix
qui leur ont efté prefcrites , qu'il n'y
eft point arriué dedefordreni d'al-
teration. Mais en celles ou il y a eu
quelque occafion de craindre du
dérèglement , elle y a apporté des
foins tout à fait particuliers , à c«
Confdcrdt'wn fxiefme. 55)9
que les loix de la nature ne fuflcnc
point transgreflees. Pour exemple,
fi la mer n'euft point efté fujette a
d'autres mouuemens qu'à celuy de
fon flux & de fon reflux , pource
qu'il eft déterminé par la nature ,&
qu'il ne fe peut iamais dérégler^
au moins d'vne facjonqui foit tant
foitpeuconfiderable,iln'euft point
cfté befoin que la Prouidence mift
alentour d'elle des cofles fi hautes
&fi releuees que celles que nous y
voyons.Il euft fiiffi feulement qu'el-
le luy euft creufé fon Ii6t comme
elle a fait , & qu'elle luy euft donné
vne eftendué capable de la rece-
uoir , lors qu'elle vientàs'épandre
iufquesoula plus haute de fes ma-
rées peut atteindre. Mais parce
que la mer eft fujette à l'agitation
des vents j qui la porteroyent beau-
coup plus loin que ne fait fon mou-
400 T)es Droits des Mariage
uement naturel , (î la Prouidence
n'y auoit donné ordre, elle a efté
renfermée entre des coftes, comme
entre de grands ram parts j qui ne
l'empefclientpas feulement de s*a-
uancer fur les terres plus qu*il ne
faut , mais bien fouuent la contrai-
gnent Se la reflerrent plus à 1 eftroit
c|uene deuroit^ce fcmble , porter
l'abondance de fes eaux , ôc le mou-
uementqui luy a efté donné p^r la
nature. Et cette fagefle delà Proui-
denceaefté imitée par la prudence
des hommes en diuerfes occurren-
ccs.Pource que le monde ne fe pou-
uoit maintenir, finon eftantdiuilé
en diuers focietez , il a falu baftir
des villes dans lefquelles elles fe re-
cueilIiiTent Et pour la nourriture
de leurs habitans j il a fallu qu elles
ayent eu chacun leur territoire (e-
paré,dont les fruits fuiTcnt portés
dans
Confiderdtlon fxiejme. 401
dans la ville , &: conleruez pour la
nourriture des citoyens. Si donc les
hommes ne fc laiflbyent point em-
porter à leurs paflions, ce feroit af-
fez pour cela d auoir quelque légè-
re defenfe contre lesiniures de lair,
& les incurfions des belles fauua-
ges, & , fi vous le voulez encore
ainfi 5 contre les fecrettes entrepri-
fes des larrons. Mais parce quel'in-
juftice & la violence portent les
hommes a d'étranges extremitez,
il a fallu outre les fimples murailles,
faire des foflez bien profonds, &:
des remparts bien forts & bien éle-
uez, & porter les dehors & les for-
tifications bien auant dedans les
terres , qui autrement eu/Tent efté
vtilement employées à la femence.
Or font ces dehors &: ces defenfcç,
autant de précautions préparées
cotre la pafiion qui porte les hon^-»
Ce
402. Des Droits des Mariages
mes au de là des termes de rinftitu-
tion de la nature. Dans Icsloix poli-
tiques il en eft de mefmes.ll eft fans
douterlerinftitutionde la nature,
que les hommes fe relafchent&te
diuertiflent quelquefois de leurs fc-
rieufes occupations à quelque jeu,
afin que comme vn arc quia efté
quelque temps détendu^, en eft plus
fort & plus vigoureux lors qu'on
vient aie retendre , Tefprit s*eftant
vn peu relafché par la récréation,
apporte plus d'allegreffe à fes ope-
rations quand il y retourne. De
plus, il n'eft pas abfolument contre
les loix de la naturc,(au moins com-
me plufieurs le veulent eftimer/
qu'il prenne quelques vues de fes
récréations dans les diuerfes ren-
contres du hazard, dont la variété
& la bio-arrure eft merueilleufe. Et
firhommene fe iaiflbitpoiiittrop
Conftderation Jîxiejme. 405
aller à fa paifion ,ilncferoitpoint
neceflfaire de faire là deffus des loix
qui le reglaflent. De luy mefme il y
apporteroit aflez de règle & de cir*
confpecâion. Mais parce qu'il ne
garde aucune modération dans les
jeux , &que nommément il arriue
le ne (cay comment, que ceux qui
font fondez fur le hazard 5 le trans-
portent ordmairement bien loin
au delà des bornes , <^'a efté vne fa-
ge précaution aux legiflateurs , que
de les défendre abfolument, afin de
retenir pluftoft les hommes au dec^a
de ce que la nature permet, que de
leur laiffer l'occafion de s'empor-
ter comme ils feroyent autrement,
bien loin au delà de fes loix, & de
ce quelle ordonne. Dans la mede^
cine on pratique le femblable. Car
on ne fe contente pas d'ordonner
des remèdes à ceux qui font mala-
Ce 2.
4-04 Des PmtsdesAdànages
descffeétmement ; on donne auffi
despreferuatifs à ceux qui ne le font
point encore. Et bien que s'il n'y
^upitpointde péril oude prendre
du mauuaisair , ou de tomber en
quelque inconuenient , on n'obli-
geroit pas les hommes, foit à Tv-
fage des preferuatifs , foit àl'exaéli-
tude du régime , par lefquels on va
au deuant du mal pour s'en ga-
rentir , fi eft-ce que quand on eft
menacé de ces dangers, on ne feroit
-pas cttimé bon & prudent méde-
cin j fi on n'y pouruoyoit de la for-
te. Dans la Morale ^ Ariftotedit,&:
la nature mefine l'apprend , qu'il
fiifiît de ramener les paflîonsàla
médiocrité 5 & que c'eften cela que
confifte la vertu qui lesgouuerne.
pt neantmoins lemefmePhilofo-
phe nous aduertit,qi4epource que
nous fommes naturellement en-
Confderatioh fixlejme. 405
clins à la volupté, d: que nous nous
portos beaucoup pluftoftàl'excés,
que nous ne demeurons dans le dé-
faut , il elT: plus expédient de nous
réduire par l'exercice, à vler moins
de la volupté que la nature ne nous
permet, afin de nous retenir plus
aifément dans les bornes qu elle
nous donne. Comme quand vne
plante fe courbe trop au Midy, on
la tire vers le Septentrion , dautant
' que fa naturelle inclination la ra-
mènera toufiours allez au milieu,&:
que fi vous vous contentez de la y
redrefferjclle ne s'y pourra pas te-
nir ferme. C'eft pourquoy il dit
qu'encore que la volupté ait , com-
me Hélène , de grands attraits, ôc
qui empefchent qu'on ne domc
trouuet étrange que les jeunes gens
s'y 1 aident amorcer, ainfî que Paris
auoit fait ; fi vaut il mieux la rea<-
Ce 3
406 Des Droiâs des Mariages
uoyer tout à fait, félon le confeil
des plus vieux , & des plus fagesde
Troye. Ce qui eft proprement
faire vn peu plus que la nature des
chofes ne veut, afin de pouvoir
bien exécuter ce qui eft de fes or-
donnances. En vn mot , comme les
luifs , lors qu'ils prefcriuirent de ne
bailler que trente neuf coups pour
quarante, difoyent qu'il faloit met-
tre vne haye alentour de la Loy,
afin qu'on ne vint à la violer plus
aifément , & qu'on ne paffaft le
nombre des quarante , ainfi eft il
expédient d arrcfter la conuoitife
de l'homme vn peu au deçà des
droits de la nature , dans la matiè-
re dont il s'agit , afin quellene s^è-
mancipepasau delà de ce qu'elle a
voulu nous eftrehonnefte & légiti-
me, l'ertime donc que C'a eftéauec
beaucoup de prudence qu on a de-
Conjtdcration fxïefme. 407
fendu quelques mariages , non
parce que d'eux mefmes Us fuf-
fenc mauuais , mais parce qu'ils
auoifmenc de trop près ceux qui
font mauuais , 6c qu'il n'y aqu vn
pas gliffam d'eux à la violation des
droits de la nature. Ce que faind
Auc^uftin a fagement remarqué en
quelque heu de fes liuresdela cité
de Dieu. Seulement feroit il à déli-
rer qu'on y eufteftéplus retenu, &
qil on neuft point ellendu la cho-
fe fi loin , qu'on en a défendu quel-
quesvns^ qui tant s'en faut quils
approchaffent trop prés de ce que
la nature défend dans les confan*
guinitez&: dans les aftinitez , quils
ne font pas mefmes compris dans
l'enceinte de ces noms , pour fi
loin qu on les prouigne. Deux cho-
fcsdonc font icy fingulierement a
obferuer. L'vne , que ceux à qui
Ce À.
4o8 T)ès Droits des M^îages
l'autorité d'eftablircesloix appar-
tient, filTcnt telle confidcration des
droits de la nature en cet égard,
quilsne reftreignilTentpas trop la
liberté quelle nous a donnée. Car
comme il y a de la témérité & de
l'ofFenfe contre le refped: que
nous luydeuons, non feulement fi
nous n'obferuons pas fesloix, mais
mefmesfi nousnefaifons &n'efta-
blifTons toutes celles qui font rai-
fonnablemét neceffairesà cequ'on
les obferuc : aufli y a t'il de la tyran-
nie à nous rauirce qu'elle nous a
accordé, lorsqu'il n'y a point de
péril d'en malvfer,ni de commet-
tre d'ofFcnie alencontre d'elle. Et
{èmble qu'elle nous aducrtit aflez
d'elle mefme , que ce feroit affez
que la précaution de noftrc pru-
dence defendift le mariage dans les
dcgrez qui font les plus proches
Confidcmt'wn Jixicjnie.' 4C9
de ceux qu'elle mefine a défendus^
ôc qui les touchent immédiate-
ment y afin de ne mettre pas hayc
deflus haye alentour de la Loy , &
de n'y amonceler pas des précau-
tions inutiles.L'autrCj que lors qu\l
faudroit relafcher quelque chofb
de ces loix , &c donner difpenfe de
leurs obferuationsj on le fill: de telle
façon, qu'on cuitaft toutfoupçon
d'auoireu plus d'égard à Ion profit
particulier, qu'à la reuerence qui
elldeuë aux mftitutions de la na-
ture.
Pour ce qui eft de la féconde de
ces queftions , à qui il appartient de
faire ces loix & d'en donner les dit
penfes , il n'y a perfonne qui ne
fcache la différence qu il y a entre
donner fon aduis fiir ce qui ell du
droit, &r armer cet aduis de ce nom
de Loy, pour en rendre lobferua-
4TO Des7)roîtsdes ty^ariages
tion inuiolable. Pour IVn ^ il ne
faut que de la prudence 6c de là
connoifTance de la nature descho-
fes feulement. Pour l'autre ,. il faut
de la puiflance & de lautorité -, ce
qui ne vient que de leminence de
quelque charge que l'on a foit en
l'Eglife , foit en la République. Et
quanta ce qui ell: de donner aduis
fur ces loix , puis que nousauons
monftré cy deffus que la nature
nous a donné fes enfeignemensaf-
fez particulièrement fur toutes les
chofes qui concernent le mariage
èc fes dépendances, ôc que d'ailleurs
la conjon6tion de l'homme auec la
femme , pour la génération des en-
fans , regarde d'vn cofté la religionj
ôc de l'autre la focieté politique , les
PhilofopheSj&lesTheologiens,&
les lurifconfultes peuuent bien
auoir chacun leur part en Pexamen
Confideratïon fixiefmc. 411
de cette matière, à cequelesloix
en foyêt ellablies auec plus d'intel-
ligence & de circonlpettion. Les
Philolophes 3 parce que c'eftàeux
^ à bien entendre ce que c'eftquede
la Morale , & iufques ou s'eftendent
les inftrudions qu elle nous donne,
pour conduire toutes nosa6tionsà
la voirtu. Les Théologiens , parce
que Dieu ayant en fa Parole déter-
miné de ce qui eft du droit de la na-
ture en cet égard, ils doiuent mieux
que les autres entendre les caufes àl
les motifs de cette détermination.
Et dautant que d'ailleurs cette con^
fultation qui concerne les précau-
tions qu'il faut apporter à ce queles
Loix de Dieu & de la nature foyent
inuiolablement obferuees, dépend
en grande partie de la connoifTance
de ce qui peut leruir à édification,
ils y] doiuent eftre entendus, com-
4n Des Droits des Apanages
iiie ceux à qui la charge delapro^
curera efté particulièrement com-
mife.Lcs lurifconfultes finalement,
parce qu'outre que la lurifpru-
dence eft tirée des fources de la na-
turcjôv: n'cft rien finon vne appli-
cation des reglemens généraux de
Ja Philofophie Morale , auxchofes
& aux actions particulières , des-
quelles toute ladminiftration &la
conduite delà vie des hommes dé-
pend, c'cfta eux a iugerde ce qui
peut apporter ou du dommage oi|
delVtilitéau public, d autant que-
ftans perpétuellement occupez
dans les affaires de laviejlVlage ôc
l'expérience des chofes leur y ac-
quièrent des connoifTances , que les
autres ne peuuent pas auoir en vn fi
haut point. Amfi feroitil befoin
que les ordonnances quife font à ce
itijet j fulTent formées en desaf-
Conpderat'îon fxicpfie. 41$
fcmblccs j dans lefquellesily cuft
des sens verfés en toutes ces fcien-
ces. Quant à ce qui eft de leur don-
ner l'autorité & le nom de Loy,
pourcequeles loix ne font rien fi-
non les communs réglemens faits
en chacune focietc pour fon gou-
uernement , par l'autorité de la
puiflance fouueraine qui y eft éta-
blie 5 il n y a nulle doute que toute
focieté qui fe gouuerne par Ten-
tremifedc quelque puiffancc, n'ait
droit de fc conftituer àelle mefnie
des loix en cet égard, entant &pout
tant que le mariage la concerne.
Puisdoncque nous auons pofé cy
.deflus que le mariage a égard a la
focieté religieufe, & à la focieté po-
litique, Pvne & l'autre doit auoir (es
loix pour telles conjondions, afin
qu'elles ne fe faflent que bien ôc
légitimement. Et d'autant que tou-
414 T^^^ Droits des Adariages
te loy ordonnée pour le gouuer-
nemcnt d Vne focieté , eft confti-
mee auec dénonciation de peine,
chacune de ces deux focietezpeut
àc doit armer ces loix de la fandion
qui porte denqnciation des pênes
qu'elle a puifTance d'infliger , & d5t
lautorité luy a cfté raifonnable-
ment commife. Partant, la focieté
rcligieufe eftant toute fpirituelle,
doit icyeftablir des pênes lefquel-
les concernent Tefprit , telles que
font les cenfures & les excommuni-
cation s j & la focieté politique re-
gardant plus particulièrement le
corps , doit eftablir des pênes de
mefrae façon , c'eft à dire qui con-
fident en priuation de biens &
d'honneur, &j fi le cas y échct,en
pertemefmedelavie. Pour ce qui
cft delà relaxation oudeladifpen-*
fe de la rigueur de ces loix , on peut
• Conjiderationfîxiefrne. 415
faire deux demandes. L'vne , s'il eft
iufte qu'il s'en faffc quelquesfois:
L'autre , à qui il appartient de les
/aire. Or quant à la première , puis
que les loix desquelles nous parlons
ne font point autrement du droit
de la nature , fînon en ce que ce
font des précautions que l'on ap-
porte pourfaconfcruation, ôc que
l'on n'apporte ces précautions fi-
nonàcaufe du péril qu'il y auroit
autrement que les inftitutions de la
nature ne fuffent pas allez religieu-
fement obferuecs,fi par l'attentiuc
côfideration des circonftances des
chofes , il fe trouue que de la dif-
pcnfe de ces précautions il ne relul-
te point de péril pour ce qu'il y a de
naturel dans les loix du maria^e.ou
qu'encore qu'il y euft quelque pé-
ril, on y puife aifément remédier,
il en eft de celles- cv comme de tou-
^6 Des Droits des tt^îarîages
tesautres loix qui ne font pasfon-
decs en vn droit inuiolable , c cft
que ceftuy- là en peut difpenfer, qui
a puilTance de les faire. Car puis que
ces loix ne font eftablies que fur la
raifon de IVtilité qui en renient, IV-
tilité ceifant, ou la puiffance qui les
a eftablies y pouruoyant par quel-
que autre voye également, ilny a
nulle neceifité dans la nature des
chofes, ni nulle obligation de leur
cftabliiTement , qui empcfche que
la puiffance qui les a conftituecs,
nen l'cl^fclie l'obferuation félon
les occurrences. Seulement y peut
on apporter cette circonfpe6bion,
que pource que les fréquentes rela-
xations équipollent quafi à l'abro-
gation d Vneloy, ou fi elle n'y équi-
pollent entièrement, en fin pour-
tant elles la tirent en confequence,
il eft de la prudence de ceux à qui
apparticiit
Confiderati&n fxiejme. 417
appartient cette adminiftration, de
donner ces difpenfes & ces relaxa-
tions le plus rarement qu'il fe peut
faire. Car fila nature de la loy faite
^our précaution, eft telle , qu'elle
puifle fouffrir de fréquentes rela-
xations, elle n'a pas grande vtilité
enfoy ,& par confequentelle peut
bien ou n'eftre point eftablie , ou
cftre entièrement abroeee. Mais
s'il en reuient vne fi grande vtilité
qu'elle approche de laneceflité^les
fréquentes relaxations ne peuuent
eftre fans préjudice du public , &
par confequent elles font condam-
nables.Pour ce qui eft de la féconde,
il eft du droit commun de la nature
6i de tous les hommes, que ce foit
ceux à qui il appartient de faire les
loix , qui difpenfèntdeleurobfer-
uation , &qui relafchentdela li-
gueur des dénonciations lefquelles
Dd
4 iS Des T>rohs des Mariages
y font attachées. Car puis que les
loix font ordonnées pour legou-
uernemencde lafocietéj&lcgou-
uerneincnt pour fa confèruation,
s'il cft permis a quelques autres qu à
ceux a qui ce gouuernemcnt appar*
tient , de difpofer des loix à leur
fantaifie , il faut faire eftat que
Tordre &:le gouucrncment eftren-
uerfé , & par confequent la fbcietc
ruinée. Partant , puis que nous
aaons pofé cy deifus , que la focicté
religieufc, auflî bien que la politi-
que, a l'autorité d'eftablir certai-
nes loix pour ce qui regarde les ma-
riages 5 & de les foûtenir de certai-
nes fan6lions_,& de la dénonciation
de certaines peines, il eft conuena-
ble à nos principes que nous déter-
minions qu'elles ont , chacune en
fon endroit, l'autorité d'endifpen-
fèr, en y apportantes circonfpe-
Conjtderation Jixicfme. 419
étions & les égards qui font necef^
faires,non feulement pour le con-
tentement des particuliers , mais
auffi principalement pour l'vtilité
du publiCj&: pour l'édificatio com-
mune. De forte que quand la focie -
té religieufe difpenfe de ces loix,
,çlle exempte des peines fpirituelles
qui font en fi puiflance. Et quand
la focieté politique le fait , elle
exempte de celles qui font ordon-
nées pour le corps , ôc qu'ainfî elles
n'enjambent point l'vne fur l'au-
tre , & n'entreprennent point fur
leschofesquine font pas de leur
iurifdidion.
Icy finira y-je par la folution dV-
nc difficulté y quifemble bien im-
portante. Qupy donc?dira icy quel-
qu'vn-.silarriue contention entre
ces deux lurifdidions Aque l'vne
vueille difpenfer , ôc que l'autre ne
Dd 1
42 o T^es Droits des z^arUges
Jeyueille pas, quel moyen de ter-
miner ce différend , ou laquelle des
deux le doit emporter par deffus
l'autre ? Nous auons iufques icy po-
fé,quecesIoixque nous appelions
de précaution , ne font de 1 inftitu-
tion de la nature , finon autant
qu elles (ont vtiles pour ièruir à la
conferuationdefes droits. Et par-
tant elles font de chofès qui de leur
nature font indifférentes, & qui de-
uiénnent bonnes ou mauuaifes feu-
lement par les circonfl:anceS:,&: par
l'autorité du Legiflateur qui les éta-
blit. Or efl: il bien vray que les per-
fonnes priuees& particulières, font
obligées de s'affujettir aux loix que
la focieté religieufe ordonné tou- 1.
chant l'vfage ou rabftmcnce des l
chofes indifférentes de leur nature. \
Car dVncoftéil eft de la modeftic ;;
de chacun des particuliers, d'auoir
Con flJemùon fxicfhj e. 411
cette opinion, que ceux à qiu la
conduite de cette îbcute reLif icuic
eftcommite, ont vne plusgrci/iJ.e
mcfurede prudence, pour ic,g':rijr
les dmeries circonitances dcsoc-
currences,decequi eil expédient,
&quipeutreruiraedification.C'eft:
pourqaoy j necomprifTent ils pas
entièrement la raifon de Iiconiti-
tution de l'Eglife en telles chofes , il
cft de leur deuoir de luy déférer au-
tant en telles occafionsj que les en-
fans défèrent à leurs mères en beau-
coup de chofes , pource qu'ils ont
cette bonne opinion d'elles, qu'el-
les ont plus de fageffe &c plus de rai-
fon qu'eux. Et de l'autre collé,
quand les perfonnes particulières
auroyent vne pleine connoifiaace
que l'Eglifc fe feroit trompée en
quelquvne de fes conftitutionsen
cet égard , fi doiuent-ils cela a la re-
Ddz
42.L Des Droits des çSMa^nnies
uercnce de l'ordre que Dieu a eftaJ
blien cette focietè , que pour des
chofes indifférentes en elles mef-
mes^&dontilsfe peuuent fort ai-
fémentabftenir, ils ne remuent pas
la tranquilité de la focieté toute en-
tière , & ne donnent pas de mauuais
exemples dlrreuerence & de rébel-
lion. Car l'Eglifeeft comme le mé-
decin de nos âmes. Si le médecin eft;
fufpeOidempoifonnement, il faut
regarder de bien près à ce qu'il or-
donne, afin de ne mettre pas fa vie
en vn manifcfte péril.- Si après y
auoir bien diligemment pris gai de,
il fe trouue que véritablement au
lieudemedeciner , il empoifonne,
il fe faut retirer de deffous fon gou-
uernement , & commettre le foin
de fa vie & de ^à fanré à vn autre.
Mais s'il fe trouue qu'au fonds il
donne de bons remèdes & neceffai-
ConfdcrAîlon fxiefme, 4^3
res fclon Tare , dont le malade retire
vn foulage ment manifefte ^de for-
te qu'il n'y ait rien à redire en fa pra-
tique , finon qu il charge fon mala-
de de trop de petites ordonnances
inutiles , ou au moins qui ncpro-
duifenr pas beaucoup d'cffe<S^5 c*eft
trop d'impatience que de le rcjet-
ter pour cela j le bien qui en vient
au principal, mérite bien qu^on en
endure quelque peu de chofe en
racceflbire. Mais quant à cette au-
tre focteté à qui eft commiferad-
miniftration des chofes politiques,
^ quant aux puiiiances fouuerai^
nés, entre les mains defquelles Dieu
a mis l'autoritc en depoft , il y a
vue merueilleufe différence. Car
pour ce qui eft de l'opinion de pru-
dence, elle peut en ces chofes cftrc
aufli grande en la puiflance Politi-
qu'en rEcclefiaftique:&: bien fou-
Dd 4
42-4 ^^^ Droits des Mariages
uent il y a au gouuernemcnc des
Eftats, des gens beaucoup plus en-
tendus au iugemenc des circonftan-
ees particulières des chofes qui fc
prelencent, qu'il n'y en a entre ceux
qui font aflis au gouuernail de la fo-
cieté qui a le foin de la conferua-
tion delà pieté. Qupy que c'enfoit,
les affemblees des peuples dans les
Democraties.IesSenats dans les Ari-
ftocratieSj&danslesMonarchieslcs
Confeils des Rois & les Rois mef-
mes, doiuent eilrc prefumés ne cé-
der en rien du tout aux pcrfonnes
Eccleliadiques , en ce quieft de la
prudence & de la fageffedu gou-
uernement. Et pour ce quiell de
la reuerence de Tordre , diucrfes
chofesnous obligent à dire , qu'en
cette occafion la puifTance l'ecu-
liere doit prcualoir. Première-
n)ent5 puis que la puiffance com-
Confideration fxhjnie, 41 ^
mife à l'E^jUle e-l toute fpirituelle,
& qu'elle ne peut vanger la rebei-
lion coai.iiifc aienconcre de les
loix , finon par les ccnfures Si les
excommunications, & que la puif-
fance ftculiere elt armée de torcc
&: de violence pour faire exécuter
fesvolontez , ileft de la prudence
del'Eglifede céder au plus fort, cC
de faire taire fes canons , où ceux
de la puiflance fouueraine ton-
nent. Car queferuira de fulminer
des excommunications, lors que le
louuerain Magiftrat foudroyera
tout de bon ceux qui luy feront re-
fîllance? Puis apreSj il efl: de ion de-
uoir encore,à le prendre parla con-
fcience. Certes dans les chofes que
Dieu & la nature ont inuiolable-
mcnt eftablies,(î la fouueraine puiC-
fance nous veut obliger à les violer,
il s'y faut oppofer par remonflrâces
42 ^ T)£S Droits des Jldarldges
faites auec toute iorte dliumilitér
&fi on ne la peut fléchir y foufFrir
plutoft peiTecution j &fc monftrer
inuincibleenfa patience. Les Apo-
ftres nous ont appris àc par leur
exemple 5 & par leurs propos, & la
nature medneconfent à leurs enfei-
gnemens, qu'il vaut mieux obeïr à
Dieu qu'aux hommes. Mais quand
ileft queftion de chofes qui font
indifférentes de leur nature^ & où
Dieu ne nous a point donné d'ex-
prefle déclaration de fà volonté^
l'autorité dont il areueftules puif-
fances fuperieures qui gouuernent
les Eftats , nous doit eilre en telle-
recommandation , que qui que
nous (oyons ^ nous leur rendions
vne pléne & entière obeïflance. Ce
n'eft pas qu'on ne leur puiflere-
monftrer^ou le dommage qui en
peut reuenir aux particuliers ^ ou le
Confderation fix'iefme. 42.7
péril qu'en encourt l'éditication
commune. Etcclas'eft ainii prati-
qué en tous les fiecles. Mais où la
voix de la remonftrance ne produit
rien , il ne refte à l'Eglife en telles
occafions fînon la gloire de l'o-
beïflance. En fin , s'il eft en queU
que façon de la difpofition de la
nature , qu'on vfe de quelque pré-
caution pour empefcher & dans les
mariages , & ailleurs , la violation
de fes loix, il eft encore plus de Im-
ftitutionde la nature^ 6c de la vo-
lonté de Dieu ^ d'apporter toutes
lortesdefoins&de coniiderations,
àcequelatranquilité & del'Eglife
&:dela République ne foit point
troublée. Or ne peuucnt ces deux
focietés entrer enfemble en con-
flid:, qu'elles ne perdent également
leur repos jcnlaconferuation du-
quel gift la félicité de celle-cy, ôc
4iB Des T)roïts des tjfdariages
en fa perturbation :, la ruine ôc le
reriuerfement de la pieté de l'autre,
le conclus donc que ces deuxpuif-
fances doment donner leurs difpen-
fes conjointement. Mais que foit
qu'elles s'accordent 5 celle qui ert de
la puifl'ance fecuîiere eft toufiours
de beaucoup fliperieure en autori-
té i foit quelles ne s'accordent pas,
les difpenfes ou les defenfes de TE-
ftat j le doiuent par toutes raifons
emporter par deffus celles de l'E-
gUfe.
FIN.
■"yjïuvcfsitag
BlbLIOTHOCA
Oftaviens>*
EKK^TA.
PAge zG. lin. 1 8 . Itfes fin , &:.
Pag. 19. lin. 7. Itfés au lieu de conimcno-
blc , conuenables.
Pag. jo. lin. 7.auli?ud?parle,///V/pechc.
Pag. J9. lin. 10. A/^^rcfpine.
Pag.ii6.lin. U-'/^S dcTaffinité.
Pag. 234. lin. dernière //y <v s' eft coil-ompuc,
Pag. 240. lin./. /?/^Miaift.
Pag. 34<5. lin. 7. //^f beaux frères.
La Bibliothèque
Université d'Ottawa
Éckéonce
The Library
University of Ottawa
Date due
v^