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LITTÉRATURES POPULAIRES
■TOUTES LES ?{AT10NS
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PBOVERBES, DeVlNETtES
TOME XXXII
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NOTE TO THE READER
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■89!
11
•3
•/Aie/ie^ tS^e£¿n' c^rívc/ta:
¿t*i£été^ au^ trotí^o oiJs.Z' o-tiiC} a-
iefO efiíen>c¿te.
!.lcí2
Le Caire, i5 ocíohre i8g3.
í'^v^^^^v^^v'
FOLK-LORES EN ÉGYPTE
f
LORSQUE i'at commencé i m'occupcr de la
question dea Con les popula i res en vogue
de no3 jours ea Egypte, j'ai d'abord íté frappé
de la grande variété dís thimea sur lesquels
conteurs et conteuses brodent á rinfini.
]e n'ai pas tardé h m'apercevoir que les
invagions auccessives de l'Egypte, depuia des
tnilliers d'annéea, par des peuples de civili-
sations et de provenances si différenles don-
naient une explication tris rationnetle de
cette fécondlté et de cette diversité dan3
l'imaginfltion des enFants de la valles du Nil.
j'fli suivi et répdté mes observations et je
su¡3arrivc i étahlir la división suivanle qui
ma paratt tout k fátt satisfaisante.
k
LES FOLK-LORB8 EN EGYPTE
D'aprés cette división, tous les contes popu-
laires en Égypte rentrent dans quatre
groupes principaux.
Dans le premier groupe se trouvent les
contes qui ont été introduits en Égypte á
la suite des immigrations des peuples de
TAsie.
On y releve Tinfluence syrienne, mésopo-
tamienne, turque et surtout per sane, dont la
civilisation, depuis Tantiquité, depuis Tere
musulmane surtout et jusqu^á nos jours, a
été constamment dominante dans toute cette
partie de l'Orient.
On peut rattacher á ce groupe les contes oü
¡es dives, les djinns, Tesprit du mal et Tesprit
du bien, Dieu et Satán, les anges et les
démons, jouent un grand role. La croyance
fondamentale de ees contes est la croyance
manichéenne.
Dans tous ees contes, les femmes sont
blanches comme le lait et belles comme le
soleil ou la lune : leurs noms sont choisis de
préférence par mi des adjectifs persans indi-
quant une qualité physique ou morale.
D'un autre cóté, ees contes ne s'entendent
LES F0LK-L0RE8 EN ÉGYPTE
généralement que dans les villes, et, le plus
souvent, ils sont narres par des personnes de
provenance étrangére, ou ayant, k quelque
degré que ce soit, des liaisons avec des
familles asiatiques, ou bien encoré deseen-
dant d'esclaves blancs des deux sexes d'ori-
gine asiatique.
L'influence grecque ou européenne, qui
donne origine au deuxiéme groupe, se denote
par rintroduction dans les contes, d'animaúx
tels que la chévre, le bouc, le paon, etc.,
presque tous des animaux sacres du paga-
nismo qui, chez les Chrétiens, et, par suite,
chez les Musulmans, sont devenus des ani-
maux immondes ou enchantés, voués h
TEsprit du mal. Rarementces contes fínissent
sans rintervention d'un animal dont on peut
rattacher Torigine k celle de son congénere
du Panthéon grec ou romain.
Le troisiéme groupe est celui qui nous
vient des Árabes nómades, des Juifs et méme
des Berbéres des déserts de TOuest, c'est-á-
dire des Sémites en general. lis sont toujours
k tendance, en ce sens qu'ils se rapportent á
une pratique qui est devenue religieuse.
LES FOLK-LORBS EN EGYPTB
Ainsi des contea entiers roulent sur 1^
oircoticisionv, sur la répudiation, sur le péi&ri-
nag^, ele.
En general aussi, lorsque, pour les besoins
d^ la cause, quelqu'ün doit intervenir, c*est
ttMJJours Dieu, TUnique, le Trés-Haut, lo
Tout-Puissant, etc.
II y a aussi des qualités et des^ défáuts,
des vertus et des vices qui forment- la base-
de ees conte8,ce sont: la patience, la bonté, la-
douceur decaractére, etc.; lacolére, Tenvie, la-
méchanceté...
Le quatriéme groupe nous vient des Négres-
de rAfrique céntrale.
Ici, le rdle principal échoit á la Goule.
Q\i'est*-ce que la Goule? II est bien difficilede
le definir : c'est un étre complexe; elle est
tout et n-est ríen.
Le Nil, qui submerge tout un viilage et
noie hommes et antmaux^ est la Goule< •
Le chasseur d'esclaves, qui attaque- un
viilage, en tue les- hommes et en enl6ve les'
enfants, estla Goule*
La Goule est le fleuve qui inonde, Tincendie
qui devaste^ letorrent de pluie^ etc.
LES FOLB-UHUV WM iSSm,
L^ Goule est Húppopotaat -msiasís^iíSíviL m
crocodile feroce.
L.a Goule est TAnbe ct le Tisx m^Bgfc
mais blaacs, volem -fraürm, ii«:im le
femmes et de gmricn.
EUleest teniMe. cfle est firrpTtinfcujt js^
contes oü elle fi^^iizie ae parksir :^pt ni, «iOi^
versé, de lapts, de vois ct ¿t saansfai^^sf:
Eln general^ les eossltü ósism. ^-^ix^a. *\ac
propagés par les esdáii^a itsq^t:^ i*^ íeivsí
sexes.
Outre oes qoatre ^roop» ¿í u\artss* -uinr ut
peut retrouver ks Of^áo» ¿¿^^ e» liv»-
sions que nous TCDosa ctSáíZ>l:r tí, i^u yítve
TE^pte de nos yofox% sae iussix^jn:^^ í^t^íbOj/s:*
il y a aussi cruz di» n Tsi.í:uv!ti'Jt 'Sti^ ív^mjí:
et une Nuits átm ourds^ ¿ KytJiír. < >^w]^
Zeid El'Hílalí et d'&tttjv» x^uxos» >'jr> <«» vn
écríts, qoi alors se nrfitaa Jtjjr v^vr^isk MtifUt^
et peuvent dércnjl£r j¿^ sñms^xi-.í^'w't it;t
plus sagaces et ks p.i^ ^ocússxct.
J'aí eoteodu d23» k» '&;IÁ3afi?t> {«¡.t -i^^fííM^
oü Alehemet Alj Fndbaí (X^^«' tmasti., ?^'it;>J4^
^t HanMín ' Erracjaaíd ^^ >.j' ^tísi:^,, é^tu
quelque Padba cu q^iiir>^;tf: ^(«t^ ^w /vm^
LES FOLK-LORES EN EGYPTE
était substitué au vizir Barnek et k Abou
Nawas; il en était ainsi de tous les person-
nages des Mille et une Nutts.
Le conteur se posait en historien, on
Técoutait avec une bonne foi absolue. Tout
cela était si na'íf et si dénué d'artifíce qu'il
m*a été impossible de pouvoir apprendre de
i'individu lui-méme d'oü il avait tiré ce oonte
et comment il Tavait appris.
Ainsi, M. G. Maspero entend sur les borda
du Nil un fellah répéter un conté qui luí
parait étre une réminiscence d*un des contes
pharaoniques qu^il a traduits. II note le conté
du marinier, puis, á forcé de volonté et de
patience, il remonte k sa source. Un enfant,
qui avait lu le conté dans la traduction de
Maspero, Tavait narré chez lui et, de bouche
en bouche, ce méme conté, avec des variantes,
était revenu k Maspero par un marinier des
bords du Nil.
D'ailleurs, je n'ai, quant á moi, jamáis
entendu un conté populaire rappelant de prés
ou de loin Tantique Egypte, á moins que ce
ne fút une réminiscence des légendes de ees
temps recules de la Haute-Égypte, oü les
LES FOLK-LORES EN EOYPTE
Afrites, sous forme d^animauz, chacals,
chiens, singes, etc., vivent dans les Birba,
anciens temples ou grottes funéraires en
ruines. A 2^gazig, j'ai entendu un conté oü
TAfrite était un chat : faut-il voir lá une
réminiscence du cuite du chat á Tell-Basta,
la Bubastis des anciens }
Ce qui distingue certainement les contes
égyptiens que je crois autochtones, c'est que
la race conquérante y est toujours toumée en
ridicule ; le Ture de nos jours joue toujours
le role de bafoué ou d'épouvantail. Genérale*
ment, c'est une femme ou un enfant qui se
moquent de luí et le rendent la risée de Tau-
ditoire.
II est á remarquer que la ruse et la fourberie
sont des preuves d'intelligence et de fécondité
d'esprit.
Dans les cas oü le Ture sert d'épouvantail,
pour excuser la terreur qu'il cause aux
Égyptiens on s'arrange de fa^on á ce que de
hauts et puissants personnages aient eu peur
de lui.
Voici un spécimen de ce genre de contes :
(( Dieu crea Adam et Eve et les pla^a dans
8 L,ES ^0LK-L0aE6 JEN ibGYPTiE
te Paradis, avec défease de manger du fruit
défeQdu.
» lU eja maQgére];i<t.
» Dieu leur eavoya un expré^s pour leur
diré 4e sortir du Paradie, aiasi qu'ü avait été
conv^nu en cas de désohéifisance.
)) — Bien, dit Adam.
JD -r Bien, dit Eve.
» Mais iU continuérent á jouir ^des .délic^
du ParadijB.
)) Au bout d^un cef tain tempe, DLeu s'étant
informé, apprit qu'il9 étjiient enoore daos le
Paradis.
)) T- Ne les a-^t-non pas ayertis qu'iU devjatfenit
en sortir ? demanda Dieu á un de ses aidesr
de-camp.
» -^ Si fait, luí fut'il répondu, mais ils p/e
sont point sortis.
i¡> — Allez de nouveau, dit-il á un huiaeier,
et dites-leur de déguerpir.
» L'huissier part.
» -:- O Adam et Éve, leur crie-t-il, Pieu you^
renvoie du Paradis, sor tez I
» rr Eh bien I quoi, es^tril dpnc si pressé;
laisse-nous faire nos préparatifs, lui dit Adam.
.■,'■.' _ ' . ■ ■ ■» — — ^— ■ ■ ! ■ I ■ »■ ■ 1 1 —III
e^i]^^K)írter nos e^fets I dit ^v:e.
» Une querelle s^f^f^uívk.
p L'huissi«.r rc^ourna vfrs JPá&u et luí
raconta cp qm s'.^tait pasaré : rpppj^ijjkQO
d'^am et d'£v^ atinsi que .l|i q^prejüle.
» Dieu appela le ^^as t^rc Timour ^bn.
>> -t- AUee, .dit-il, m^ nacetíre «e fígtapi^ á la
porte du Paradis.
» D^ áque 1^ c^wsks fult arrivé h Ijbl ó^t^pwrfi
dia co]aple déspbéi§8ant, ü crjift :
» — Oh lá I Adam !
» -r Me vpicj.
» T~ Pre^^s ta Uv^fo^ f t SQrs d'ici.
» Hadk, f pb^k.
» Et Adam et Ey^ sprtir^n^ du ParadUt
tout ñus, parce qu etant au bain, iU n'eureaí
pas Ip temps de s'b^^bilkr. »
Une autre marque caractéristique de ees
Qontes, c'est que, de tous les personna^^es
qui s'y m^uyent, c'^st touiours la femme qui
p8t la plius int^JUig^te; füt-elle siinple ou
naive, elle fínit touiours par avoir raison h la
loDgue, d^ méme qqe pVst toujours á «He
qu'échoit le beau role.
/
10 LES FOLK-LORES EN EGYPTE
Un dernier trait, enfin, c^est que, comme
les étres humains, les bétes et les choses
pensent, parlent et agissent.
(( Le moustique se posa sur les hautes
branches du dattier pour se reposer.
» Une fois reposé, il dit au dattier : Tiens-
toi bien, je vais m'envoler.
» Le dattier lui répondit : Je ne t'ai pas
senti te poser sur moi, et, si tu n'étais pas si
prés de mes oreilles, je ne t^aurais méme pas
entendu parler; tu peux prendre ton vol sana
que je m'en aper^oive.
» Le moustique s^en alia tout dépité. »
II est plus que probable que ees contes se
sont répétés de siécle en siécle, en se trans-
formant ; selon Tesprit de la religión régnante
et de la nationalité du conquérant.
Cependant le fond méme n'a pas áü
changer.
Ce fond, comme je Tai déjá dit, me semble
se restreindre aux trois catégories suivantes :
I. — La critique du pouvoir constitué, quel
qu'il soit.
II. — L'admiration, le respect et Tamour
de la femme.
LES P0Z.K-LORES EX áGIWE II
III. — Lacroyance cnTáme oniveneDe, se
nanifestant dans toute la nature, ou la
:royance au Panthéisme.
11 arrive souvent que des coates rentrant
ians les quatre premieres divisions que fai
6tablies, et dont Taspect et rordoonanoe
genérale indiquent la proveaanoe ctrangere,
se trouvent étre transformes en coates ayant
absolument le caractére de ceux que i*ai
appelés autochtones, et méme de ceux écríts,
tires des Mille et une Xutts^ ou d*aatres
recueils analogues.
II faut en chercher la cause dans la tour-
nure d^esprit, le caractére et les penchants
des É^ptiens et surtout dans Taptitude
qu'ont tous les peuples á s'appropríer et á
adapter á leur langue, á leurs moeurs et á
\eurs usages tout ce qui leur plait chez les
autres nations.
G'est aussi dans les coates de ce genre qu'il
faut rechercher les réminiscences de Tanti-
quité.
Ua peuple qui, de tout temps ou du moins /
9LU3SÍ loin dans le passéqu'il nous soit permis
de remonter, a été gouverné et tyrannisé par
LES F0LK-L0RB8 EN ÉGYPTE
Ainsi des contea entiers roulent sur la
oircoticision, sur la répudiation, sur le pélet-i-
nag^f etc.
En general aus«i, lorsque, pour les besoins
de la cause, quelqu'un doit intervenir, c'est
toujours Dieu, rUhique, le Trés-Haut, le
Tout-Puissant, etc.
II y a aussi des qualités et des défáuts,
des vertus et des vices qui forment la base
de ees contes, ce sont : la patience, la bonté, la
douceur decaractére, etc.; lacolére, Tenvíe, la
méchanceté...
Le quatriéme groupe nous vient des Négres
de TAfrique céntrale.
leí, le role principal échoit á la Goule.
Q\i'e8t*-ce que la Goule } II est bien difficile de
\t definir : c'est un étre complexe; elle est
tout eC n*est ríen.
Le Nil, qui submerge tout un village et
noie hommes et animaux^ est la Goule<
Le chasseur d'esclaves, qui attaque un
village, en tue les^ hommes et en entéve les
enfants, est la Goule.
La Goule est le fleuve qui inonde, rinceadie
qui devaste, lé torrent de pluie, etc.
LES FOLK-LORSS EN EGYPTE
La Goule est Thippopotame monetrueux., Itt
crocodile feroce.
La Goule est T Árabe et le Ture négriers,
mais blancs, voleurs d^enfants, tueurs de
fejntnes et de guerriers.
Elle est terrible, elle est impitoyable : les
contes oü elle figure ne parlent que du saqg
versé, de rapts, de vols et de massacres.
En general, les contes de ce groupe soot
propagés par les esclaves négres des deux
sexes.
Outre ees quatre groupes de contes dont on
peut retrouver les origines d'aprés les divi-
sions que nous venons d'établir et qui pour
TEgypte de nos jours me semblent exactes,
il y a aussi ceux due k Tinfluence des Mille
et une Nuits des contes d'Antar, d'Abou-
Zeid El-Hilali et d^autres contes publiés ou
écrits, qui alors se mélent aux contes inédita
et peuvent dérouter les observateurs les
plus sagaces et les plus patients.
J^ai entendu dans les villages, des contes
oú Mehemet Aly Pacha (XIX* siécle) rempla-
gait Haroun - Errachid (VIII* siécle); ou
quelque Pacha ou quelque poete du jour
LES FOLK-LORES EN EGYPTE
était substitué au vizir Barnek et á Abou
Nawas; il en était ainsi de tous les person-
nages des Mil le et une Nuits.
Le conteur se posait en historien, on
Técoutait avec une bonne foi absolue. Tout
cela était si na'íf et si dénué d'artifíce qu'il
m'a été impossible de pouvoir apprendre de
i'individu lui-méme d'oü il avait tiré ce oonte
ct comment il l'avait appris.
Ainsi, M. G. Maspero entend sur les bords
du Nil un fellah répéter un conté qui luí
paralt étre une réminiscence d'un des contes
pharaoniques qu'il a traduits. II note le conté
du marinier, puis, á forcé de volonté et de
patience, il remonte á sa source. Un enfant,
qui avait lu le conté dans la traduction de
Maspero, Tavait narré chez lui et, de bouche
en bouche, ce méme conté, avec des variantes,
était revenu á Maspero par un marinier des
bords du Nil.
D'ailleurs, je n'ai, quant á moi, jamáis
entendu un conté populaire rappelant de prés
ou de loin Tantique Egypte, á moins que ce
ne fút une réminiscence des légendes de ees
temps recules de la Haute-Egypte, oü les
Afrites, sous forrae d'animauK, chacals,
chiens, singcs, etc., viveot daoa lea Birba,
aneiens temples ou grotces funérairea en
ruines. A Zagazig, j'ai enteodu un conté oíi
l'Afrite était un chat : fauC-¡l voir lii une
e du cuite du chat á Tell-Basta,
Ce qui distingue certainement lea cantea
égyptiens que te crois autochtones, c'est que
la race conquérante y est toujours tournée en
ridicule; le Ture de nos jours joue toujours
le rdle de bafoué ou d'ípouvantail. Générale-
meat, c'est une femme ou un enfant qui se
moquent de lui et le rendent la risée de l'au-
diCoire.
U est k remarquer que la mse et la fourberie
sont des preuves d'intelligeace et de fécoaditó
d'cBprit.
3 oü le Ture sert d'épouvantail,
la terreur qu'il cause aus
s'arrange de fagon á ce que de
lanta personoagea aient eu peur
Dans Íes
Egyptiens
hauta et pi
de lui.
Voici un spécimen de ce genre de contes :
« Dieu crea Adam et Eve et les pla^a dans
I
8 L,ES P0LK-L0RE6 £N £GYFT£
te Paradis, avec défease de manger du fruit
diéfeQdu.
» lia en maagérent.
» Dieu leur eavoya un exprc^s pour leur
diré de sortir du Paradla, ainsi qu'il avait été
conv^nu en cas de désobéifisance.
)) — Bien, dit Adam.
JD TT Bien, dit Éve.
D Mais ila continuérent á jouir ^ies .délices
du Paradifi.
» Au bout d'un certain tempe, Dieu a'étant
informé, apprit qu'ila étaient enoore dans Le
Paradis.
» T- Ne les a-^t-on pas ayertis qu'ik devajient
en sortir ? demanda Dieu á un de ses aidesr
de-camp.
» — Si fait, lui fut'il répondu, mais ils p^
sont point sortis.
» — Allez de nouveau, dit-il á un huiasier,
et dites-leur de diéguerpir.
» L'huissier part.
)) -:- O Adam et Éve, leur crie-t-il, Dieu you^
renvoie du Paradis, sortez I
» -r £h bien I quoi, est-il done si presaé;
laisse-nous faire nos préparatifs, lui dit Adam.
ji -^ V«m-il doAC qw aous pariiose «ans
emiporter nos efieta 1 dií Éve.
n Une querelle B'<WBuÍvk.
¡) L'huisaier retourna vprs Üi.eu -et lui
raconta c.e qui B'.ótail paseé : l'pppoeitiqo
d'Adam et d'iEve wnai que la qiíf reUe.
» Dieu appela le cawaa t^rc Tímour Agí».
V -r- Allee, dii-il, me mettre w couplp A la
porte du Paradis.
n Düa que ie tawae fut arriv¿ ¿ la d«Biei»r«
4u couple désobé¡$eanT, i.l cri^ :
» — Oh lá 1 Adam 1
» -r Me Voici.
» TT- Pf'ends ta fEmín^ et Gors d'ici.
« Hadir, j'pb^is.
» Et Adam et £vf sortirent du Paradü,
tout ñus, pares qu'.étaot au bain, ils nVurent
pas le temps de s'h^biller. f>
Une autre marque caractéristique de ees
contes, c'est que, de toua les personoagee
qui s'y meuvenc, c'est toujours la íetame qui
^ la plus intellig^te; füt-elle simple ou
naive, elle finit toujours par avoir raison k la
longue, de méme que c'est toujoure k «lie
qu'échoit le beau role.
CXI
23
10 LES FOLK-LORES EN EGYPTE
XJn dernier trait, enfín, c^est que, comme
Íes étres humains, les bétes et les choses
pensent, parlent et agissent.
(( Le moustique se posa sur les hautes
branches du dattier pour se reposer.
» Une fois reposé, il dit au dattier : Tiens-
toi bien, je vais m'envoler.
» Le dattier lui répondit : Je ne t'ai pas
senti te poser sur moi, et, si tu n^étais pas si
prés de mes oreilles, je ne t^aurais méme pas
entendu parler; tu peux prendre ton vol sans
que je m'en aper^oive.
» Le moustique s^en alia tout dépité. ))
II est plus que probable que ees contes se
sont répétés de si6cle en siécle^ en se trtas-
formant ; selon l'esprit de la religión régnante
et de la nationalité du conquérant.
Cependant le fond méme n'a pas dü
changer.
Ce fond, comme je Tai déjá dit, me semble
se restreindre aux trois catégories suivantes :
I. — La critique du pouvoir constitué, quel
qu'il soit.
II. — L'admiration, le respect et Tamour
de la femme.
in. — La croyance en'l'áme uaiverselle, ss
manifestaQt dans toute la nature, ou U
croyance au Panthéisme.
II arrive souvent que des contea reatrant
dans lea quatre premiares divisions que i'ai
ítablies, et dont l'aapect et l'ordonnance
genérale indiquent la provenance ítrangÉre,
se trouvenc étre traaaformés sn contes ayant
absolument le ca rae té re de ceux que j'ai
appelés autoehtoaes, et méme de ceux ¿crits,
tires des MtUe et une Xutls, ou d'autres
recueils aaatogues.
II faut en chercher la cause dans la tour-
nure d'eaprit, le caractire et les penchants
des Égyptiena et surtout dans l'aptitude
qu'ont tous les peuples á s'appropríer et 6
adapter á leur langue, ¿ leurs moeura et á
leura usages tout ce qui leur plalt chez les
autrea nationa.
C'est aussi dans les cantes de cegenre qu'il
faut rechercher les rémiaiscences de l'anti-
quité.
Un peuple qui, de tout temps ou du moina /
aussi loin dans le passí qu'il nous soit permia
de remoater, a été gouverné et tyrannisé par
12 I.S6 F£>LK-I.eaiES EN áCYPTE
des «étraogers^ «st naturellenient «nclin á
]K>ircir see maltres, ainsi que ses iuges, et U
tache de le faire aussi epirituidllement que
poftsible.
O a peut 8e rendre un compte exact du peu
de f^spect que ce peupk a pour ses jiiges et
ses admimstrateurs par ce fait que, méme de
nos i^urs, les voleurs, les assassins et autres
criminéis, sortis ou evades de prison cu du
ba^ne, ne sont pas mis au ban de la société.
Au üontraire, on les re^oit, on leur fait bon
accueil, on s^allie méme avec eux, et, au
besoin, onles prot^e. lis bénéfícient de Tidée,
¿ort enracinée dans le peuple, que le Maitre,
k Gouvernant, le Ju^ sont des tyrans qui
condamnent, á tcrt et á travers, ianocents et
coupables, et ees derniers profítent de la pitié
du publ:^ envers les premier s.
Quant aux femmes, il faut, je pense,
chercher Torigine du respect dont elles sont
entourées dans celui des anciens Egyptiens
pour la Mater famtltce.
L^origine du Panthéisme est facile á
saisir.
II faut bien se garder de confondre les
eonisa oti l'oa parle de Pharaoa avec csax,
provenant de L'aatique Égj^jite.
Le Pbaraon est uae iatroducLÍan biblique.
im.koranique ea Égypte; si on en parle, c'est
toujourB dans le sens du' mauvais Pharaoni
du tempa de Moise, et il n'a ríen de commun
avec lesiPharaoiiB'de l'ancieaae Égjrpta.
A ce propos, on raconte :
o Pharaon traitait les Égyptieas- &vec. la
irius grande ^rigueur.
uMoisealla le voir et luidit :
» — O Pharaon I pourquoi crraoiiiseMm
aiasi le pwple ?
u Pharaon ne répondit pas. II ordOiinai
qu'oa prlt deuK fois quaranterats, qu'on les
enferm&t dans deui saca en cuir et qu'on les
appurtát devant Iu¡.
» Lorsqu'on apporta les deux sacsde cuir
conté nant chacua quarante rats, Pharaon <
commanda qu'on déposát un dea saca k terre.
It fit prendre l'autre par qustrc homraes-
vigoureuK et leur dit de le secouer )usqu%
» En quelques minutes le sac déposd' á-
terre fut percé de quarante trou» et les
U.-Í
14 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
quarante rats en sortirent et se sauvérent,
tandis que le sac qui était remué était intact
dans toutes ses parties. »
Ne sent'on pas dans ce conté l^influence
biblique et koranique ?
Et Pharaon ne traite-t-il pas le peuple
comme ce peuple a été habitué d'étre traite
depuis des milliers d^années ?
Ne sent-on pas, en outre, Tinimitié du
peuple contre ses gouvernants, dans ce trait
que si Pharaon n'était pas puissant et par-
tant intraitable, le peuple le détruirait, lui,
Pharaon, le sac représentant Pharaon, et les
rats le peuple ?
Dans le méme genre, on raconte encoré -
« Autrefois le peuple d'Egypte était spiri-
tuel, léger et délié d'esprit, car le pays était
couvert de pistachiers et le fond de la nourri-
ture du peuple était la pistache.
)) Pharaon vint ; il s'apergut qu'il ne pour-
rait se rendre maitre des Égyptiens que
s'il alourdissait leur esprit.
» II ordonna d'abattre tous les pistachiers
et fít remplacer la culture de la pistache par
celle de la féve.
\.m
" Le peuple mangea des f¿ves, son esprit
s'alourdit et Pharaon put alora le gouverner á
son gré. »
Ne voit-on paa ici le désir du peuple de se
disculper des conquftes successíves de
l'Égypte par lea Étrangers ?
Y a-t-il lá une r¿min¡3cence du tempe oü
l'Égypte était boiséc ou bien de Tintroduction
de la culture de la f¿ve dans ce pays ? Ou
encoré du terops OÜ l'Égypte était libre et
prospere par elle-méme et au profit de sea
ha bi tanta ?
11 faut encoré que j'attire ici l'atteatioa sur
la croyance généralement rípandue; que le
lecteur des MilU et une Nuils éprouve un
malheur personnel daña le courant de l'aaaée
OÜ II a lu ce livre. Cette croyance est entre-
tenue, et non aans succÉs.parles lettréset les
gens religieux, Mais, malgré cette croyance,
ou plutót cette superstition, les contes des
i\fi7/e etune Nuits sont tres connua de tous ceux
qui,parplaisir ou par métier,aiment á conter.
Je suppose que c'est préciaément á cause
de cette réprobatioD quasi religieuae qu'aucun
: se pique d 'exactitud e lorsqu'il
/
tÓ LES' Í-OIK-LOREV en EGYPTfe
rép6te une de (íes histoifes; Cc^ sont dónc
gféñéraienltent les contes'tiiréí de ce recúeil'qui-
subissent les transformations áóút ndU^^
VénortS de parler et qü*il faut attribüéf á la
toürnure d'espnt des Ég<^i«nst
II serait impossible^ vu lUmportanee d^*'
thémet^ qu'oü parvientie 4 reunir la coHection
dMi cOñtesi popolftires* de^ TEg^te. Tant de*
itibés' dififérentes y ont látase lee traces de
léVirpasdagei tatít dé- race» dl£Blrdht^ y'dofttv
dbpuiS' tant de- eiéeleer en cómitíunicatiohd'
constantes et journaliéres de vie et d^ídéét-
d^üne'rlvédb Ni! á l'autre; méme de Tutí á
l^autrebord d'ün canal, les théhies déft'cdnted
efe vo^'u^ peüvent changer.
Au- Caire, méme les límites' des- quartief-sr-
líteüVént sotlVéiit étre consideréis- comtne'
HnüiteS'de tel ou tel thémé de conté.
Les élres qui se meuveüt dans les contei*
Ifctivetít'étreléís mémes et changer dé forme.
Kiii^i le « Affité »\ le diable, le lutin, d¿
I i Je ne cofVfMiis q^ueles pabücattonssDivantbs
des coates populaires égyptiens- en Europe :
I* Cóntés árabes modernesi, recueillis et traduits
píftí*GóíHaum€Si>itTA-BBYV Leyde, i88?;
nos jours est d¿peint á l'lixbékieh habilH d'un
pantalón nojr et coiffé d'un chapeau haut de
forme de meme couleur, c'est-i-dire qu'il i,t_ j
représente un Européen. O: :
A Sayída Zénab, le diable sera un Ghüzz C2 f
ou Ture; á Hassanyeh, ce pourra Stre un 5£ 2
Arnaute (Épirote) habíllé de rouge; au vieuK ~~
Caire, ce aera un Ntgre; k Boukk, un ^ :
Saldien; tandis qu'ailleurs ce aera peut-étre S¿ ;
un Maugrabia v¿tu de blanc (Berb¿re des ^ £
Cotes de l'Afrique du Nord) '. ^ :
On ne Ht guére parmi le peuple en Égypte,
maÍB on 7 parle beaucoup; aussi les conteurs C 3
t* Contts árabes ín dialecU ig/ptien, par M. Max , ^ .
van Bbrchbm [Journal Asiati^ue), mdcccliiiix. ^ jj
)• H. DULáC, Qaalre Cantes árabes en diaUcte Oc j-
cairote. {Missioit archéologiqut franfaisí au Caire, ^
i8Si-84,ftisciciilepT6m\eT.] Paris. E. Lbrou^, 18S4. 2 "
4* QutUjues Cantes nutitns, par le marquís de 3Z Z
RacauMointix. [Mémoires de l'Instilut égrptien, — 3
(. [I. Caire. 1889.) U. J
í" A CoUeclion 0/ madern arable storles. etc., by 3 ~
lieul.-col. A. O. Grein. R. A. Cairo, 1886. — Le t— -
méme, en árabe. Londres, Henry Frowdr, 189).
I. Lorsque dans un conie un nom propre ou
un subslantif est emplayé au diminulír. (res géaé-
ralemenl ce cante peut ítre consideré comme
originaire de la Hauíe-Égypie ou du Bédouin des
l8 ¿tUDE 6UR LE8
6ont-il8 ñombreux et fort íngénieux. Ceux
qui écoutent eoiit aussi naífs et au«6i ingenua
que les conteura eux-mémes.
lis prennent un vif plaiéir á tntendre un
conté, ils s^intéresseüt á Taction et rient ou
pleurent, se réjouissent ou «e fáchent selon
que le conté est plaiaant ou triste, moral ou
immoral.
II est merveilleux de voir combien, chez ce
peuple fort doux et absolument pacifique, 1«6
actes de courage á la guerre sont appréciéa.
Petidant le moia de Ramadan, les conteurs
publics, s^accompagnant «ur leur ribab,
content et chantent des poémes héroíques ; les
auditeura prennent parti pour ou contre U
héros, et il n*est pas rare de Toir «urgir des
combats á la fin de la soirée.
Une partie de Tauditoireordonneauoonteur
de tuer tel guerrier, Tautre partie le lui
défend. On en vient aux mains. Le conteur
profíte de la bagarre pour se sauver ; maia,
comme il est soucieux de ménager les sentí-
ments de son public, le lendemain aoir, gráce
á son ingéniosité, les deux héroa sont de
nouveau en présence, chacun bien en vie.
FOLK-LORES EN ÉGYPTE I 9
Ce 8ont \k de véritables représentations
théátrales, sans costumes et sans action, dont %.^ :>
les nombreuses pérípéties se déroülent au
moycn de la, simple parole. Au lieu de lire, on
écoutc ct on s'intéresse au román par l'oreille. c2 Í
En genera!, le fond des contes est gai, sauf HZ J
chez les ÉIgyptiens chrétíens, les Copies, dans s; z
les récits desquels domine souvent une note ^ ^
triste et mélancolique ; produite sans doute ^ ^
par cet état d'áme que les théologiens ?t: B
d' Alexandrie ont nommé la délectation moróse, -^ ::
des les premlers síécles de notre ere. ^ -
n est encoré h remarquer que, dans les contes
de ees Égyptiens chrétiens, les saints tiennent ^ Z,
un role assez important. C/ *>
Autre fait également digne de remarque, Li 3
c'est que, lorsqu'il s'agit de persécutions 2 ü
religieuses, ees mémes Coptes ne se sou-
viennent que de celles des Romains et des
Byzantins chrétiens. Jamáis je n'ai entendu 3 2
accuser les Musulmans de ees persécutions
terribles et barbares, dans ees sortes de contes.
Au contraire, je connaisméme une légende,
tirée de la Vie des Saints, dans laquelle la
disparition de l'illustre Hakim-bi-Tur-Illah,
J
U. J
20 ¿TUDE SUR LES
kalife fatimite d'Égypté, est expliquée par sa
retraite dans un couvent copte oü il serait
mort en odeur de sainteté\
De méme que les Égyptiens, les Coptes,
dans leurs contes, essayent de se venger par
Tesprit, de Tignorance et de la tyrannie de
leurs maitres étrangers.
En voici un exemple :
(( Un Copte était employé en qualité de
scribe chez un bey mameluk.
» A la fin du mois, en lisant ses comptes au
bey, il arrive á un passage oü il était dit :
» — Pour ferrer les chameaux et pour
tondre les chevaux : tant.
» Le bey, étonné, Tarréte :
» — Je ne savais pas, dit-il, qu^on ferrát
les chameaux et qu'on tondit les chevaux.
» Le scribe, déposant ses livres aux pieds
du bey, lui dit :
» Monseigneur est trop savant pour moi ;
qu^il me donne mon congé, je ne suis pas
digne de le servir. »
Parmi les gens du peuple, méme entre
I. Voir : Repue d'Égrpte, n« i, Caire. La con-
versión du Calífe El-Hakém au Christianisme.
hommee seuls, ct en public la dcccnce eat de
Lea récits ne deviennent indécents, grave-
leui et meme crapuleux que lorsqu'on conté
pour gagner de l'argent, eC en particulier;
iatií i
semblablea, 1
artiate, le düettanie,
es
différent du c
nteur de profesaloo,
car
consoit pas un
conté grossicr dans 1
B
l'indécence.
Cea observ
ationa s'appliquent
an
hommes qu'au
I femraes qui ont 1
ed
4 i
i?
f
I
PREMIER GROUPE
PERSANS, INDIENS
(ariens di l'bst)
ai
Si
PREMIER GROUPE
SSL1\
•PEliS^U^S. IV^'DIEC^S
3¡'l
LES TROIS FEMMES ET LE KADl'
c
'était jour de Chemme-el-Nécime^.
lieu des promeDcura d'un jardín,
distinguait trois femmes que, malgré lea
lies qui les couvraient, on devinait ítre
I. Publié dans le Bulíetin de ¡'liulilul égyptUn,
II' serie, ti" 4. 1884, p- 16.
1. Aclion d'aspirer U léphyr bitnfaisaitt. Ce ¡our
li lombe le lundi de Paques, selon le calendrier
Julien (vieux siyle) ; i) esi le premier d'une serie
decinquanie jours auxquels, en É|;ypte, an donne
le nom de kliamtciai (cinquante).
U.3
^6 Les pQLK-LQRBa EN BQYPTE
jeunes : tres provoquantes d'ailleurs, et
habillées splendidement.
Tout en se promenant, l'une de ees trois
femmes s*arréta, se baissa et ramassa sous les
pieds de sa compagne une belle piéce d^or. La
troisiéme en age l'ayant aper9ue, Tavait
lúontrée á la plus ágée qui Tavait ramassée
tandis que la seconde marchait dessus.
La plus jeune prétendit que la piéce dV
devait lui revenir ; la seconde s'y opposa pré-
textant qu^elle avait mis le pied dessus, et la
plus ágée qui la tenait dans la main ne
voulut á aucun prix la ceder « parce que,
disait-elle, c'est moi qui Tai ramassée I »
Cette aventure anima encoré plus les trois
amies; elles s'assirent au bord d'un bassin,
oü leurs esclaves leur aervirent une collation,
tandis qu^elles causaient, riaient et faisaieat
aaaaut d*esprit et de gaieté. Le soir venu,
elles rentrérent chez elles, sans avoir pu
décider á qui appartenait la piéce d'or.
Elles convinrent done que la plus ágée des
trois garderait la piéce, et que le lendemain
matin elles iraient toutes trois chez le
seigneur Kadi, qu'elles le prieraient de juger
I
PERSANS, INOIENS, ARIENS DE L^EST 27
s^ 3
r:;
leur dififéread et de remettre la piéce d'or á
celle d'entre elles qu'il daignerait désigner
daña sa haute justice. i^ ^
Le lendemaiti done chacune d^ellea se leva
avant le soleil et s'occupa á faire une toilette
resplendissante, en se couvrant des parfums
les plus exquis.
Nos trois amies arrivérent en méme temps
chez le seigneur Kadi, lui exposérent leur
dispute, aprés Tavoir salué avec respect et
pris Tautorisation de lui soumettre le sujet
du différend qui les amenait á son tri-
bunal.
Le Kadi, homme grave, savant et respec-
table, aimait cependant la jeunesse et la
beauté; de plus, il s'intéressait vivement aux Oci
romans de la vie réelle. Voyant done qü*il ;> m
avait aíFaire á des dames enjouées, intelli-
gentes, instruites, aimables, sentant bon, et
parlant bien, outre qu'elles paraissaient jeunes
et jolies, il lui vint á l'esprit de leur faire
raconter ái chacune d'elles une anecdote de
leur vie, et il decida de donner la piéce d'or éi
celle qui raconterait l'histoire la plus spiri-
tuelle et la mieux contée.
ex 1
3:
28 LES FOLK'LORES EN ÉGYPTE
Aprés avoir ainsi decide dans son for
intérieur et sa sagesse, il posa sa pipe á cóté
de luí, fít asseoir les trois dames, et cares-
sant sa barbe de sa main droite, il prit la
parole, et s^exprima en ees termes :
— Mes chéres filies, l'heure de Taudience
est encoré éloignée, et votre confíance en ma
sagesse m^engage á ne pas repousser votre
demande, et quoiqu'elle ne soit pas du ressort
de mon ministére, je veux bien servir d'ar-
bitre dans votre querelle. Or done, que la
moins jeune de vous commence á parler et
qu^elle nous raconte Tanecdote la plus
curieuse de sa vie. Entiére liberté vous est
octroyée parmoi. Ditestout, mais contez bien.
Celle qui contera la meilleüre histoire et qui
la contera le mieux, celle-lá sera digne d'avoir
la piéce d'or.
Le Kadi ayant ainsi fini de parler, reprit
sa pipe, s^installa confortablement dans le
coin de son diván, et attendit la premiére
histoire.
— Avec votre permission, monseigneur
Kadi, je commence, étant la plus ágée, dit la
premiére qui, confiante dans sa jeunesse, ne
PERSANS, INDIENS, ARIEN8 DE L E9T 29
craignait pas d^avouer qu^elle était la plua
ágée.
Elle se leva done et parla en ees termes :
I
(( Mes parents étaient des bourgeois
honnétes, travaillant beaucoup et gagnant
peu. lis me mariérent done avec empresse-
ment á un marchand fort riche, mais fort
laid, et qui aurait pu passer pour étre moa
pére, tellement il était ágé.
» Mon mariage améliora beaucoup leur
position ; mais moi je m'aper9U8 bientót que,
si la richesse, comme le disait mon pére,
contribue puissamment au bonheur, elle n'en
constitue pas le fond, comme avait coutume
de le diré ma mere.
» J'étais toute jeune, jolie, partant encune k
goúter aux plaisirs de la vie, mais sans
aucune expérience.
» Mon mari, pour se faire pardonner sa
vieillesse, me comblait de présents ; je luí en
savais gré, mais cela ne luí sufBsait pas ap-
*-
^
30 LES FOLK-LORES EN EGYPTE
paremment, car il se plaignait toujours de ce
que je ne Taimáis pas assez. Moi, je ne savais
pas comment faire pour le lui faire croire;
n'ayant jamáis aimé, je ne pouvais méme pas
simuler l'amour pour lui prouver ma recon-
naissance !...
)) II avait un jeune ami qu'il aimait
beaucoup, et il m^en parlait toujours ; il me le
montra une fois par la croisée. La beauté de
ce jeune homme me captiva tout d*abord;
toutes les fois que jt Tapercevais depuis, je
sentáis pour lui un je ne sais quoi, que j*a1
appris depuis étre lesefFets d'unviolent amour.
II parait que mon mari entretenait aussi
souvent son ami de moi, de ma beauté et de
son amour, á tel point que ce jeune homme
devint amoureux de moi, rien qu'en enten-
dant faire mon élogé, en méme temps que
moi je deveriais amoureuse de lui en le
voyant,
I) II est inutile de vous diré par quels
moyens il parvint, aprés beaucoup de peines
et de patience, á tromper la vi gi lance et á
endormir la jaiousie de mon mari. Deux
coeurs qui se cherchent se joignent toujours
r
malgré tous les obstacles. Sachez seulemenc
qu'ií ¿tait beau et que je Taimáis plus que U
pruneile de mes yeux, oú soa image ¿tait
perpétuellement empreinte.
» Je lui aTais donné mon ame, ¡e m'aban-
donnai á lui :...
» Pendant quelque temps tout alia bien;
moa mari était eatisfait de me voir belle de
jeunease, de fraicheur et de santé; monamant
m'aimait tous les iours davantage ; i'étaie
heureusel.,.
D Hélaa t le bonheur n'es
ce monde périssable!
B 11 était convenu entre n
C]ue lorsque le rideau d'unt
t pas éternel dans
ion amant et moi,
! certaine fenétre,
qui avait vue Eur son ¡ardia, ctaíc blanc il
pouvait sansdanger venir me teñir compagnie,
mais. que, si ce rideau était rouge, cela
voulaítdire que mon mari se trouvant á la
naieon, il a'abstint de venir chez moi.
» Uo jour done, aprés le départ de moa
mari, je venáis de déployer ie rideau btanc, et
i'attendais mon amant : j'entends tout k coup
frapper k la porte et je vois mon mari entrer,
pále, d¿fait, appuyé sur le bras de l'euauque 1
O :»
S3
32
I.ES FOLK-LORES EN ¿GYPTE
Pris d^un malaise subit, il avait quitté sea
affaires et son magasin et était venu á la
maison pour se reposer et se faire soigner. 11
avait Tair si malheureux et si effrayé, que
prise de pitié, malgré la contraríete quUl me
causait, je me mis á lui prodiguer mes soins.
)) Le lit étant prét, il s*y cducha et s'en-
dormit, enmepriantde lélaisser seul. Je décidai
alors d'aller au bain pour passer mon temps,
mais la contrarióte oü j*étais me fít oublier de
ployer le rideau blanc et de dóployer le rouge.
» Pendant que j'étais absenté, mon amant
entra comme de coutume par la terrasse;
Yoyant quelqu^un au lit, et croyant que
c*était moi, il s^approcha et m^appelant par
mon nom, il voulut me réveiller.
» Mon mari entendant la voix d^un homme
dans le harem et reconnaissant son jeune ami,
iut d^abord surpris, mais devinant tout son
malheur, il sauta sur ses pieds et profítant
du moment d^étonnement qui s^empara de
mon amant qui, au lieu de me voir sortir de
dessous les couvertures, voyait devant lui
mon mari, il le saisit, le jeta dans une grande
caisse qui se trouvait ouverte et vide á la
PERSANS, INDIENS, ARIENS DE L EST 33
*
tete du lit \ abaissa le couvercle et ferma la
caisse á clef. *-^ J
)) II faut croire que cette excitation, en luí — :
tournant le sang, produisit une réaction salu- "^ I
taire; car ayant appris du jardinier que j'étais CC S
allée au bain, il s'habilla á la háte, sortit de — J
lamaison, en ferma la porte á clef et vint ¡2 1
m'attendre devant l'entrée du bain.
» Lá il arrétait toutes les femmes qui y
entraient et leur disait :
» — Dites á ma femme, une telle, de sortir
sur l'heure, j'ai besoin d'elle.
» Son air, sa voix et ses gestes étaient
cj: a
c :>
ZZ .3
I. Caisse dans laquelle on renferme les mate- ^ -^
las, draps, tra vers itts, couvertures, etc., pendant Qc :t
le jour. Dans beaucoup de maisons ce sont des ti *^
armoires placards qui servent k cet usage. ^ ^
Les lits en fer ou en bois n'exisfent pas ou
plutót n'existaient pas en Égypte. Le soir venu,
on étend des mátelas á terre, au milieu de la Ijt J
chambre, on les couvre des draps de lit, couver- 3 Z
tures, etc., on s'y couche. Le jour, ees mátelas et ^ -
íous leurs accessoires sont roulés et enfermes dans
des armoires, des caisses ou déposés aínsí roulés
dans un coin de la chambre. C'est aínsí qu'il n'y
a pas, á proprement parler. dans tes maisons
orientales, de chambre á coucher telle qu'on en
voit en Europe.
34 LES FOLK-LORES EN EGYPTE
^■^^^^i.^^1^.^.— — ^— I ■ ■ ■■■^■■■■■» I ■ ■ IM ■■■■■■! I^P^-^^^W^M^^^M^^i^^^^^^— ^
empreints de tant de colére et de jalousie,
qu'il se rendait ridicule: quelques-unes de
ees femmes s'en eíFrayaient et se sauvaient le
prenant pour un fou; d'autres l'excitaient á
causer et toutes entraient au bain en riant et
en se moquant de lui !
)) La premiére qui pronon^a mon nom et
fit tout baut la commission de mon mari me
fit souvenir du rideau blanc et de ma négli-
gence.
)) Les commissions se succédérent rapide-
ment ; bientót mon mari devint le seul sujet
de conversation des femmes réunies dans le
bain. Heureusement qu'aucune d'elles ne me
connaissait. Je m'imaginais aisément ce qui
mettait en fureur mon mari, mais ne sachant
pas les détails de l'afiFaire, je résolus de les
connaitre tout d'abord.
)) Faisant done semblant de ne point m'inté-
resser á ce qui se disait au bain, comnie si
cela ne me regardait pas, et cachant mon
trouble, je »sortis dans Tantichambre oü je
trouvai une pauvre marchande de pois-
chiches.
» — Ma bonne mere, lui dis-je, préte-moi
1
PERSANS, INDIENS, ARIENS DE L EST 35
tes habits et ton panier, pour une demi-
heure, au plus ; garde mes eflfets ici jusqu'á ^ ^
ce que je te rapporte tes eíFets et ton panier,
Z 2
:>
ainsi que le prix de son cohtenu au double \
)) La vieille consentit sans vouloir en savoir C¿ i
plus long; elle se dépouilla de ses guenilles — ^
dont je me revétis et, ainsi travestie, je sortis S Z
dans la rué.
)) J'aper^us mon mari qui écumait de rage
et maudissait les bains et toutes celles qui y
allaient. Je courus á la maison.
» Dans sa précipitation, mon mari avait
oublié la clef de la porte d'entrée dans la
serrure. |i— —
)) J'entre, je monte dans ma chambre, Cx %
i'entends des gémissements ! Je savais qu'il Lx 3
n'y avait personne dans la maison ; je pris — ü
peur et je me disposais á envoyer le jardinier
chez mon amant pour me tranquilliser et
apprendre de lui ce qui s'était passé !...
Mais, p surprise ! j'entends distinctement !
Je ne me trompe pas !... c'est de dedans
la grande caisse que sortent ees gémisse-
ments! ...
» Au nom de Dieu clément et miséricor-
u. j
30 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
dieux 1 dis-je, en ouvrant la caisse, dont la
clef n'avait pas été ealevée par moa mari.
» Malgré mon émotion, j'éclatai de rire!..'
c'était moa pauvre a mi, affaissé sur lui-
méme, manquant d'air et prét á expirer !...
)) L'ánesse de mon mari venait depuis la
veille, de mettre bas un charmant petit ánon ;
mon ami et moi nous transportons ce petit
ánon dans ma chambre, le plagons dans la
caisse oíi nous l'enfermons.
)) Mon ami s'en retourna chez lui, pour y
attendre mes ordres et moi-méme je retournai
au bain aprés avoir fermé la porte de la
maison.
)) J'aper^us mon mari qui querellait mon
eunuque ; en me voyant entrer au bain, il s'ap-
procha de moi et sans me reconnaltre, me
pria de diré a sa femme, une telle, de sortir
sur l'heure, jurant Dieu et le Prophéte qu'il
la tuerait avant le soir !
)) J 'entre au bain je me déshabille, reprcnds
mes habits, regle la vieille marchande, et
suivie de mon esclave, nous sorteas en-
semble.
» Des que moa mari m'aper^ut :
ijL- J
PERSANS, INDTENS, ARIENS DE l'eST 37
)) — Oü es^tu ? s'écria-t-il en m'accablant
d'injures, ix*as-tu pas entendu mes ordres ?... w^ j
)) — Avez-vous perdu la tete ? lui dis-je, en
I'interrompant, étes-vou8 devenu fou ? ou
votre maladie vous a-t-elle enlevé votre juge- C¿ 5
ment, pour m'injurier ainsi sur la voie — J
publique ?... ^2Í Z
)) — Tu me donneras des conseils quand tu ^^ ¡j
te disculperas, si tu le peux. Allons á la mai- XT z
son! s'écria-t-il. Et tout en marchant devant ?^ í
moi, il criait, gesticulait et donnait cours á sa -— "
fureur sans toutefois s'adresser a moi. ^ -
)) Je le suivis en silence.
» En arrivant á la maison, il m'y enferma ►— Z
et alia quérir le cheik de la rué et plusieurs ^ J
de ses voisins et amis. U. 3
)) Tous arrivérent ensemble : ils allaient. ZS «
suivant ce que leur disait mon mari, étre 31 5
témoins de ma honte, de ma confusión et de
mon divorce.
)) La maison done se remplit d'hommes et
tous montérent au harem. J'étais retirée dans
un coin de ma chambre, couverte encoré de
mes voiles et me parlant á moi-méme de
maniere á étre entendue de tous.
J
38 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
» — Pauvre homme I disais-je, qui aurait
cru qu'une indisposition si légere p^t fairc
perdre la raison á un homme si sensé I Que
me veut-il ? Pourquoi me maltraiter ainsi ?
Je l'avais laissé se reposant. aprés l'avoir
soigné; je vais au bain, il y vient pour m'en
arracher ! pourquoi ? Pourquoi me couvrir
d'injures et de honte ? Pourquoi me donner
en spectacle aux hommes dans ma propre
maison, dans mon harem ! Helas ! helas ! il
faut qu'il soit devenu fou !...
)) Mon mari était en un tel état de surex-
citation qu'il paraissait réellement fou et
atteint de la fiévre chaude. Quelques-uns de
ses amis lui conseillaient de se calmer; cela
le rendait encoré bien plus furieux.
)) — Entrez ! entrez ! s'écriait-il, ne vous
laissez pas attendrir et apitoyer par les
doléances mensongéres de cette femme
perfide ! Vous verrez, vous verrez si j'ai tort
de vouloir répudier cette femme éhontée 1...
)) Lorsque tout le monde fut dans la
chambre, il ouvrit la caisse !... Le petit ánon
leva la tete et agita les oreilles, respira
bruyamment et commenga á braire.Quant á mon
tnari, sa colére ne connut plus de bornes; il
su precipita sur moi et m'auraic, par le
Prophéte, étranglée. si je n'nvais crié de
toutea mes forces : Arrétez ce fou ! au nom
de Dieu. il va me tuer ! et si on n'était réelle-
ment vcnu k mon secours poiir m'arracher
» II paraissait pris d'un acc^s de folie
furieuse: il écumait de rage, et articulait des
mots iníntelligibles.
)) On le garrotta solidement et on le déposa
B — Gardez-le ainsi, me dii le cheikh de la
rué; et s'il ne se calme pas d'ieí á demain,
nous le m&nerons i la maiaon des foua 1 Que
Dieu Ten preserve et nous aussi !
B — Pauvre homme ! pauvre frére I
disaietit scs amis, quelle mauvaise maladie I
Dieu veuilie qu'il a'en guérisse ! — Sa
femme cst si ¡olie, disaient d'autres, qu'il
n'eat pas étonnant qu'il soit ialoux mjme
d'un ánon ! — Qui a pu mettrc cet
átion dans cettc caisse > se demandaient les
uns. — !1 devait avoir la herlue, et il a pris
l'ánon pour un homme ! répondaient les
> -
oí
23
40 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
autres. — Pauvre ami ! un si excellent
homme ! si sensé ! A quoi tient done la santé
et la raison d'un homme !
)) — Que Dieu lui vienne en aide ainsi
qu'á nous ! ajoutaient tous, en quittant les
uns apres les autres le harem et notre
maison.
)) Aprés une légére maladie^ mon mari
s'étant remis, ses amis supposérent qu'il
croyait que toute celte aventure n'était qu'un
cauchemar, un mauvais réve. suite de sa
maladie. Comme il n'en parlait jamáis,
personne ne luí en parla. 11 semblait avoir
tout oublié.
)) II mourut un an aprés. Je puis certifier
cependant, qu'il savait fort bien á quoi s'en
teñir sur la véracité de cette anecdote et de
ses souvenirs, car je n^ai jamáis été si bien
surveillce et gardée de si prés, choyée et
honorée, que pendan t cette année-lá.
)) Que Dieu lui pardonne et le recompense I
Car la fortune qu'il me laissa.me permit de
me marier avec un homme que j'aime et qui
me rend mon amour ! ))
- C-est a vous, dit
le Kadi, e
n s'adreasant
gi
cdle qui avait mia 1
pied sur
a piéce d'or,
nous raconter votre
anee dote 1
2:
— J'entenda et
'obéis. m
Dnseigneur 1
épondil-elk, et elle parla ainsi
Sai
'( J'étais toui d'abord et des
ma premiare
eunesse raariée á un
Ture, fort
bel homme,
3 =
-nais qui a toujours e
u le défau
de me faire
Deur. Sa vue aeule-m
rempliss
it d'effroi et
ci
orsqu'il rae parlait
quoi qu
;i fit pour
>-
doucir sa voix et son
regard,
-non aang se
^iflíait daña mes vein
es I
Q!-
» Encoré aujourd'h
ui lorsqu
¡e pense k
¡J.3
es moustaíhes, Jong
es d'une a
una, et i Ees
3Z
défendre d'uo sentiment de frayeur, qui me
saisit malgré moÍ 1...
u II passait lout son temps á la guerre, et
lorsque la paix luí donnait des loisirs, il lea
employait á la chasse des bétes feroces 1
» Ges longues absences n'étaient pas faitea
42 LES FOLK-LORES EN EGYPTE
pour m'accoutumer á luí, et moins encoré
pour me le faire aimer. Chaqué fois qu'il
revenait d'une de ees longues expéditions, il
me semblait voir en luí un étranger !
)) Vous devinez aisément que pendant une
de ees absences je devins amoureuse d'un
jeune homme qui me faisait depuis long-
temps une cour assidue et muette, car j'étais
bien gardée ! Les serviteurs et les esclaves de
mon mattre et seigneur tremblaient tous
devant lui, et lorsqu'il était absent, ses
ordres ctaient exécutés a la lettre, son nom
et ridée de son retour ayant la faculté de les
teñir en respect comme s'ils étaient en sa
présence. Malgré ce sentiment de terreur
qu'il leur inspirait, ils lui étaient dévoués et
fidéles jusqu'a la mort, parce qu'il était
généreux et grand seigneur ! Ainsi done,
tant qu'il était á la maison, je ne pouvais
penser á encourager les flammes discrétes de
mon amant, et lorsqu il s'íibsentait, j'étais
moins encoré dans la possibilité de le faire,
étant gardée par des gardiens dévoués á notre
maitre commun !
)) Je me consumáis, cependant, d'envie de
son de sa voix ! De quellea inventiors l'esprit
d'une femme tourinentée par l'amour n'eat-il
pas capable ?■■-
u Je trouvai le moyen de lui faire savoir
» Le lendemain, il se traveatit en mendíant,
et passa sous mes fenétres en chantaat. Sa
voix me le rendil encoré plus cher que sa
.11
1) TI prit l'habitude, tous les
pasaer íi la méme heure devant mt
et de chanter des vers brülants d'a
composait en mon honneur.
latins, da
I fenétres
oUnr
mari, k la fenétre devant laquelle mon amant
devait passer, et que ¡e lui serváis i déjeuner,
j'enCendis !a voÍx du faux mendianl. Jesavais
que mon mari étalt d'humeui agréable,)e me
hasardai á tui parler sans avoir été inler-
pellée. En rcprimant done les battements de
mon cceur, qui battait b. se rompre daña ma
poi trine :
« La chanté de mon seigneur est connue de
tous, dis-je; i. sa porte se nourrissent et
44 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
vivent tous ceux qui s'y présentent. Faites
que ce paüvre mendiant qui a Tair si mise-
rable soit satisfait et vous doive la vie, tout
en vous bénissant I
» II regarda par la fenétre, vit le mendiant
et m'ordonna de luí faire donner á manger;
puis il s^habilla et sortit.
)) En sortant, il ordonna á son majordome
de nourrir ce pauvre, matin et soir, chaqué
fois qu'il se présenterait á sa porte.
)) Quelques jours aprés, mon amant averti
de l'absence de mon mari, se presenta fort
tard á la maison; on me prévint de Tarrivée
du pauvre, que j'avais pris sous ma protec-
tion spéciale. Je luí fis porter quelques mets
et du pain comme decoutume. Comme j*avais
envoyé ees mets de ma table, les plats étaient
d 'argén t.
)) En méme temps, j'envoyai le portier
faire une commission á Tautre bout de la
ville. Lorsqu'il rentra, il crut le pauvre partí,
ferma la porte et se coucha. Vers minuit,
mon mari rentra aussi, et me trouvant
couchée passa dans ses appartements sans
me réveiller.
n Le matin ie me tevai svant lui; je n'avaia
pas fermé l'ceil de la auit. La terreur oü
j'élais d'avoir retenu le pauvre par des signeB
et de l'avoir empÉché de partir, et le Benti-
ment que morí amaat ¿tait si pr¿s de moi,
m'avaient empéchée de dormir.
n Je fus dans la chambre de moa mari et
preaant un air e£Eray¿, qu'íl ro'était facile de
coDtrefaire, tellement j'avais peur, je le
réveillai et me plaigniB aro¿rement du por-
tier qui avait, disais-je, laiseé le mendiant
dans la cour de la maiaon durant toute la
u Ce portier est ia6dMe et négligeat, ajou-
tai-je, mais le mendiant eat heureusement
honnéte; qu'il plaise k votre aeigneurie de
V0U8 lever, vous le verrez endormi, et pour
ne pas perdre lea plats d'argent, voyez comine
il les a mis bous sa tete. C'est incontestabte-
ment un honnéte homme qui a plus de aouci
de vos biens que le portier, et comme 11 est
dans le besoin, je vous prie et vous supplie
de chasser le portier et de coofier sea fonc-
tions á ce mendiant, toutefois si vous le
jugez convenable. Je n'ai plus de conñance
2 =
C/1
S3
46 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
dans le portier, et j'aurai toujours peur,
surtout lorsque vous ne serez pas ici pour
me rassurer et me défendre au besoin !...
» Tout mon discours était entrecoupé par
des sanglots; je pleurais et me lamentáis si
fort, que mon mari, soit qu'il crútque ce que
je disais était sincere, soit qu'il fút touché de
mes pleurs, me promit d'aviser.
)) II fit une enquéte sévére, qui le persuada
que le portier le trahissait ! II le chassa, et
proposa au faux mendiant de le remplacer.
Celui-ci accepta avec reconnaissance.
)) Le soir du méme jour, mon mari devant
sortir, le nouveau portier Tarréta respectueu-
sement et aprés avoir obtenu la permission
de parler, il s'exprima ainsi :
» — O mon maitre ! la ville est pleine de
gens mal intentionnés, et je suis nouveau
dans votre palais; permettez á votre esclave
de prendre un mot d'ordre pour qu'au milieu
de la nuit, lorsque vous rentrerez, je puisse
vous reconnaitre et ne point ouvrir la porte
au premier venu qui imiterait votre maniere
de frapper; car, sachant que je ne suis que
d'aujourd'hui au service de monseigneur, on
e manquera pas de vouloir me nuire
I) -Mon raari parul trouver l'idée bonnt
I) — Quel mot prendrons-nous ? dcm.
II — Kischke', répondit
ua mot difficile ct pas
" — Soil, ¡dsckke ! repril moi
LÍant, et 11 disparul dans Torabre di
» Sous pretexte que le portier étai
moi de mon cóté ¡'enferma! les filies de
Service, excepté raa coafidíote, qui étaic ma
sceur de lait, dans leur appartement. Je
donnai les ordres les plus sévéres, au faux
portier, d'enfermer de son c6té lea esclaves
míiles, Qunnt au^ autres domestiques, les
uns sortircnt pour aller chez eux, les autres
furent enfermes dans los communs et avant
que le Mouezzine n'eüt annoncé la priére du
soir ' nous étions libres de nous voir !...
2:
«a:
~3
UJ
I, Sorte de pain d'orge ou de froment Irempé
dans du lait cailLé el durci dont on fait une
soupeou pSle el que les Tures appellenlWicAííír.
1. Une heure et demie aprés le coucher du
48 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
)) Vers minuit le maitre frappa k la porte.
)) — Qui va lá ? demanda le faux portier.
» — Moi I répondit mon mari.
)) — C'est bon; avez-vous le mot d'ordre ?
» — C'est juste I dit mon mari; puis aprés
un moment de silence : peste soit du mot
d'ordre et de toi ; je Tai oublié, le mot d'ordre !
ouvre !
» — Passez votre chemin, répondit le
portier tranquillement, et il yint me retrouver.
» Nous le regardions par la fenétre; il
paraissait fort en colére, mais fort empéché,
ne sachant á qui s'en prendre.
» En ce moment, un passant attardé vint
á traverser la rué ; mon mari l'arrétant :
)) — Hé, l'ami ? lui dit-il, en mauvais árabe
et comme s'il lui cherchait querelle, íomment
nommez-vous cette chose qui se mange, qui
n'est ni du riz, ni de la farine !... on en fait
une soupe !^..
)) L'homme interpellé si brusquement ne
savait que repondré : mais... mais... de la
farine... du riz... balbutia-t-il. — puis
croyant avoir afifaire á un fou ou á un mal-
faiteur, il prit ses jambes á son cou et se mit
49
k courir comme un dératé, sana regarder
derriére !ui, malffré les impreca ti o oh et lea
appcls da mon marr.
n Celui-ci aurexcitá par la fureur, mala
impuissant contra la solidité da lo porte et
l'entétement du portier, craigoant d'aillaura
de causer du scandaje tn faisant du bruit,
attcndit bon gri mal grc jusqu'au petit ¡our.
Eañn, á ce momcot un marchaod de kisckhe
vint á passer.
B Commant nommEs-tu ce que tu vcnds ?
II — Kiackke I répondit le niarchand
. eSrayé.
u — Kisckkel kisc hice. 'a'écr'tB mon maii, en
frappant á coup3 redoublés sur la porte.
B Le fauK portier ouvrit aur le momcnt.
II — Monaeigneur rentra bien tard, lui dit-
il, aprís lui avoir sauhaité le bonjour Belon
son rang; il serait prudaut,. une autre £013^
de voua faire accompagnei!' par un da vos
esclavcs et d'une lanteme.
» Quoique mon mari éaomát de rege,
voyant la tranquillit¿ du portier, il ne lui
parla pas et monta droit dans ma chambre.
c >
50 LES FOLK-LORES EN EGYPTE
)) II me trouva réveillée, assise á causer
avec ma soeur de lait. Des que je le vis
paraitre, je me levai et me mis en devoir de
le servir et de le déshabiller. Je lui racontai^
pendant ce temps, que toute la nuit, des
voleurs, sans doute,... si ce n'est des
assassins,... en tous cas, des bandes de
vauriens avaient essayé de tromper la vigi-
lance de son nouveau portier, mais que celui-
ci avait fait son devoir ! Je lui contai ensuite
toutes les précautions qu'il avait prises contre
les accidents, tels que : vol h Tintérieur de la
maison, incendie, etc. Je fus si aimable, je fis
tant et si bien, qu'il se dérida, sa colére se
calma, il convint méme qu'il avait un portier
excellent I...
)) Quant á moi je ne me reconnaissais plus,
tellement ma frayeur m'avait enlevé le sen-
timent de la peur que j'éprouvais naguére á
la seule vue de mon mari I
)) II eut la bonté de me diré qu'il me trou-
vait fort á son goüt et de m'en donner des
preuves certaines I
» Tout avait si bien réussi que notre bon-
heur nous paraissait devoir durer long-
r
tempsl... Mai6 pense-t-on, quand on esc
heiireux, que tout a une ün daña ce monde
1) Les esclaves et la domescicité. jaloux de
l'ascendant que prenaít moa amant sur leur
maltre, finirent par dícouvñr notre intrigue
amoureuse, et vendirent ootre secret au
maitre; celui-ci nous surprit I... tua moa
amant!... Et partit pour faire la guerre aux
mécréants 1 »
La seconde femme alia reprendre sa place
aprés avoir terminé son anecdote, croyant
avoir plus intéressé le seigneur Kadi que la
premiÉre. Celui-ci, sans laisser devíner les
impressions qu'il reasentaic, se tournant vers
la iroisitme femme :
n A VOU3, ma filie, dit-il, de nous raconter
la plus intéreasante anecdote de votre vie. »
La plus jeune des trois amies se leva et
prenaat la parole, commen;a son récit en ees
> -
^ 3
LL J
52 LES FOLK-LORES EN EGYPTE
<( J'étais mariée á un Ture, collecteur des
taxes dans une préfecture. Son service Tobli-
geait k s'absenter tres souvent. Pendant oes
absences, j'étais libre de recevoir mon amant.
» C'était un jeune homme beau comme le
jour, aimable, fort, bien fait, plein de condes-
cendance pour moi et toujours prét á satis-
faire mes moindres désirs! Pouvais-je ne pas
Taimer ?
)) Son seul défaut était qu'il dépensait
beaucoup, sans savoir gagner de Targent
pour subvenir á ses goúts. Mais qui n'a de
défaut ici-bas I... d'ailleurs je Taimáis et il
me le rendait au centuple.
JD Un jour mon mari rentra de la préfecture,
prepara son baudet, remplit sa be^ace de
papiers de service et de vétements et me
demanda si je pouvais lui donner du pain et
quelques aliments pour la route. Je lui donnai
tout excepté le pain, car ayant finí notre
prpvision, la négresse était en train d'en
pétrir pour une nouvelle semaine qui com-
men^ait.
)) Mon mari étant tres preasé de partir, et
ne pouvant attendre que le pain fút en voy é
53
au four et cuit, a'en alia au marché pour s'en
procurer. II laissa le^ baudet tout báté daña
r&urie, devant la mangeoire.
» J'étais 1á k attendre dans la cour le
retour de mon mari, lorsque tout i coup je
I) — 11 me faut, dit-il, de suice troia o
quatre cents piastresl
» — Par le Prophéte je n'en ai pas, lui dií
je; oü veux-tu que je les premie t et sachat
l'usagE qu'il en voulait faire, je pris un ai
ide.
I) — Hé bien, ma aceur, reprit-il, par Dieu,
vais prendre. le baudet de ton mari et U
¡ndre. J'en aurai ce qu'il me laut absolumentl
O — Ne faia pas cela, par le Prophéte,
'écriai-je en colére, ta ne le prendraa paa,
ne le vendrás. Mon mari va partir k
beaoin de son baudet I
faire
rinatant et
»-Que
a'écria-t-il. II
pria si instamr
toiremenC que,
. de Dieu!
air si malheureux, me
le déraontra si péremp-
it argent, i! étail perdu,
qu'á bout d'arguments je ne résistai plus, et
lui taiasai emmener le baudet.
(=3
>-
t "
Sí
54 L.ES FOLK-LORES EN EGYPTE
» Bientót aprés mon mari entra.
» 11 alia á Tétable, il vit la tétiere pendue á
un clou, le bát et le bissac á terre, mais de
baudet, point!...
» — Femme, qu^est devenu mon áne?
s'écria-t-il.
» — Mon ami, lui répondis-je tranquille-
ipent, il vient de sortir et m^a dit qu'il allait
teñir audience dans le Mehkémeh de tel
village, et je lui nommai un village á
environ une demi-heure de distance de la
viile oü nous demeurions.
» — Te moques-tu de moi!... commenga-
t-il avec fureur, lorsque Tinterrompant :
» — A Dieu ne plaise I repris-je, suis-je
capable de te tromper I D'ailleurs, Toserais-
je que ton esprit est trop éclairé pour se
laisser prendre á mes grossiéres et falbles
inventions; mais le fait est que je suis tres
étonnée que tu ne te sois pas apergu, ou que
tu ne saches pas que ton baudet est enchanté,
qu'il se transforme de temps á autre en
Kadi I
» — AllahI... Allah! fit mon mari.
)) Sans lui laisser le temps de parler ni
r
de réfléchir el rinCerrompant de i
B — La preroiére foÍs que ¡e v¡a sortir un
hommede notre maiaon, ¡'en ai eu unt peur
effroyable, ne l'ayant pas vu entrcr d'abord.
et ne le conaaisaant pas m¿me de vue, ¡'ai
pensé perdre mea sensl... II me aoutint et
m'empéchant de tomber, il me dit avec
beaucoup de bonté : — N'aie paa de crainte,
ma filie; je suis un malheureux Kadi, que de
méchanta sordera, sans doute par vengeance,
ont transformé en áne. Je o'ai aucun recoura
contre mea ennemia, ne connaissant paa leur
Science occultel Je doia ainsi vivre, tantót
áne, tantdt Kadi, selon que je suis ea liberté
ou occupé de moa ministtre, juaqu'á ce qu'il
plaise k Dieu de me délivrer dea incaatations
de mes enaemisi Au nom de Dieu, ne me
maltraitez pas, et surtout n'en parlez h ■
personne; car si votre marí coanaiasait mon
secret, comme c'est un homme d'une religión
éclairée, il me vendrait pour ne ríen avoir de
diabolique en sa poasessionl
» Ce diaant, il panit, me laissant daña une
grande perpleiité. Devaia-je te cacher le
LES rOUe-LORE6 SN ¿GYPTX
mystére de ton baudet, mói qui n'ai ríen de
caché pour toi? ou devais-je te le dévoiler,
comme c'était mon devoir de femme bonne
musulmane? Par ie Prophéte, j'étais embar-
rasséc!
y> Je me décidái cepcndant k ne point t*en
parler, pour ne pas t'obliger á vendré un
baudet qui te convenait ; d'abord c*était un
joli et bon animal, jeune et vigoureux, «t
puis, le cas échéant, 51 aurait pu te donner un
bon conseil legal ! D'ailleurs, il paraissait
redouter que tu ne t'en défasses, et il avait
raison, car oú aurait-il trouvé un meilleur
maitre que toi?...
» Pendant que je parláis ainsi sans désem-
parer, mon mari ne pouvait cacher son éton-
nement, lorsque je m'arrétai. Aprés un
moment de silence et de reflexión :
» — Que faire á présent, dit-'tl ; je ne puis
cependant attendre que cet áne-kadi fínisse
ses audi enees ; il me faut partir.
l> — Voilá, repris-je, ce que je ferais, si
j'étais de vous; cependant vous étes inconr
testablement plus intelligent que moi, vous
avez sans doute trouvé un moyen !...
[NDtENS, AklíIíS t
■íy
» — Voyons ton avis, reprit faon mari avec
impatience, comme j'avaís cessé de parler.
» — He bien 1 dis-je, vous ¡rez au vilJaye
oü siége ce Kadi; vous lui feraz, par signes,
comprandre qua vous avez besoin da ses
Services comme baudec. II vous comprendra
et vous suivra, car ees sones de malheureuit
sont touiours plus anes que tadis!
« L'idée lui plut et il partit. Au moment oíi
i! sortail de la maison, je lui criai de prendre
avec lui une poignéc de fóvca, parce que.
ajoutai-ie, s'il a l'air de na pas vous obéir
vous luí montrercz aa nourrilure favorita, de
telle sorte que si vous n'avez pu ramener par
la persuasión, voub vous en randicz maicre
natures de voLrc monture enchantée. Mais
tfoi'idez-voua da.as toua les cas de le maltraiter ;
áne et Kadi, il est doublement tétü et vin-
dicatif I
» Lá-dessus il pan, arrive au village, enire
dans la salle d'audieoce du JVlehkémeh oú le
Kadi siígeait.
i> Le Kadi voyant qu'un Ture, qu'il recon-
nut .sans doute pour appartenir íi la préfec-
58 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
ture, luí faisait des signes qu^il ne comprenait
pas, crut qu'il voulait lui parler en particulier,
s'imaginant déjá que c^était une communi-
catión importante que le préfet lui envoyait
faire par ce Ture. II se leve et suít mon mari;
celui-ci satisfait du succés marchait devant
lui en lui montrant les féves pour mieux
l'amorcer, pensait-il.
» Des qu'ils furent dans le pas-perdu :
» — C'est bien mon ami, lui dit mon mari,
croyez que je suis bien fáché de la sorcellerie
qui vous tient enchanté, et certes ce n'est pas
pour vous contrarier; mais je dois partir
pour service de l'Etat, et je ne puis vraiment
attendre que tu finisses ta fournée ici. Trans-
forme-toi done en baudet et partons.
» Le Kadi, au comble de Tétonnement, ne
comprenait ríen á ce que lui disait mon
mari ; il crut le Ture atteint de folie, ou d'envie
de lui soutirer quelque argent pour s'acheter
un baudet. Quoiqu'il en soit, pour éviter un
scandale devant ses justiciables, et plus
•ncore pour ne pas exaspérer le Ture et le
mettre en fureur, il résolut de se tirer le mieux
qu'il pourrait de cette mauvaise rencontre.
^^1
1
— — ---^
y
■ 59
1
1
1) — Vous paraiasez,
mon makre,
avoir
perdu votre baudet, dit-il done h mon mari,
et désireux de le remplacer; ricn de plus
juste. Preñez ees trois cents piastres; c'est
¡our de marché, vous en trouverez k acheter
á la porte de la ville. Adieul
n Ce disant, il remit dans la maia de mon
mari les trois cents piastres et rentra dans la
salle d'audiencG, prenant un air plus impoi^
tant que quand il eo était sorti.
B Mon mari pensa que c'était par l'efiiet de
mon indiscrétion, que le charme du Kadi
s'était dissipé; et qu'il s'était racheté luí-
méme; il s'en alia, satisfait d'étre débarrassí
d'un áne cachante et plus ou moins en
puissance du démon.
» Le public erut que le Kadi venait d'avoir
communication d'une afiaire importante, telle-
ment il avait Tair grave et réfléchi lorsqu'il
rentra dans son tribunal.
B Quant au Kadi qui savaít bien avoir été
joué, il pensait aux moyens qu'il eroptoierait
pour se faire rembourser en exploitant ses
plaideurs.
D MoD mari, en arrivaot au marché, aper-
>-.
cx'i
6d les folk-lores en égypte
9ut ün baudet qui lui parut devoir lui
convenir; aprés un léger examen il le reconnut
pour áien; le repoussant avec mépris :
» ^— J*ai bien besoin d'un baudet, s'écrfa-
t^il, mais cela ne sera pas toi; car, tant5t
Kadi, tantót baudet, tu ne peux faire mon
affaire 1
» II en acheta done un autre, vint me
conter ses aventures, m'embrassa et partit.
» Tout le monde fut done satisfait.
» Mon amant eut Targent dont 11 avait
besoin.
» Mon mari se procura un meilleur baudet
sans bourse délier.
» Et le Kadi volé trouva un pretexte pour
amener sa conscience á composítion et gagner
sur ses administres le double de ce que ce
damné Ture lui avait extorque!
X> Et moi, seigneur Kadi, je duis aussi
satisfaite parce que je vais avoir la piéce d?ür,
en vous promettant de ne plus conter cette
anecdote ; ce qui vous remplira, j^ose Tespérer,
de fifltififaction. d
r
fl
Le Kadi lui remil la p¡Éced'or, prit a
a promeaae, et jura de ne plus doone
emmes la liberté de la parole '.
ex:
dar Turkman dans son lívre Shamsah Kahkaha,
ou Mahboub el kíloub. Ce come se trouve tra-
duit en angiais daos Peniaa fartrails F. F. Arbu-
Ifinot. M. R. A. Sv Bernard Quaritch Lon-
don, 1887.
ce»
— 3
3:
LE POT ENCHANTÉ
T"
Elles tilaienc du lin
t gagHient 1
La plua ¡cune était aussí la plus adroite,
elle filait toute seule plus que les dcus autrus
ensemble, et de ttmps en tempa nchelait de
son propre argent cjuelque choae povir elle-
Un jour qu'elle revenait du marché avec un
vieuxpol en albatre.sessceursaindea se mireot
daña une violente colore et penséreot la mal-
Ira i ter pour scs extravaiíances.
Mais le pot était enchanté et la jeune filie
a avait plus besoin de garder l'argent qu'elle
gagnait, car, si elle voolait manger, son pot
en albátre la nourrissait, si elle voulatt s'ha-
i^
Si
25
si
= 3
U.4
64. LES FOUÍ-UOItES EN ¿6YPTE
biller, son pot luí foumissait des vétcracnls ;
en un mot^ pas un voeu que le pot n^accom-
plit.
Craignant la íalousie de ses soeurs. elle
faisait semblant de virre de ce que ses ainées
luí donnaient : de leurs restes, et de s^habiller
de leurs vieiUes nippes ; mais quand elle
ctait seule, elle se dédommageait, en ayant
recours au précieux talismán qu'elle possé-
dait.
Un jour qu'il y avait une grande réjouis-
sance á la Cour, on invita les trois soeurs,
car elles étaient des demoiselles de condition
et fort presentables, quoique pauvres.
Les deux sceurs ainées se parent de ce
qu'elles ont de mieux et vont au palais, en
laissant leur cadette á la maison pour la
garder¿
Dé9 qu'elles sont partiese la troisiéme sotur
demande á son pot en albitre un costume
vert, rouge et blanc, desbÍ70ux étincelants et
tout ce qu'il faut pour faire bonne figure á la
féte.
Ainsi attifée^ elle va au Palais; personne
ne la rocoanait,. pas méme sea sceurs, telle-
65
ment elle est fclataate de beaut¿; elle fut,
pour ainsí diré, la reine de la féte.
Quand elle voit que la soirée tire & sa fin,
elle se sauve, mais, dans sa précipitatioo, en
traversant la cour du palais, elle laisse tomber
un de ses bracelete en diamant dans I'auge
remplie d'eau oü on menait s'abreuver les
chevaux du roi.
Le lendemain matin, lorsque les chevaux
vont i. I'auge, aucun d'eux ne veut en appro-
cher et touB reculent effrayés. Les palefreníera
visitent I'auge et y découvrent le bracelet en
diamant qui, par l'fclat de ses feux, effrayait
les chevaux.
Le fila du roi, qui ¿tait présent, considíre
l'objet et declare á son pére qu'il veut se ma-
rier avcc la femme k qui appartient ce bra-
celet.
Des huissiers parcourent ti
trouver l'beureuae propriétai
AprÉs quinze jours de vain
on Bssaye le braceUt sur le poignet de chacune
d'elles et on constate qu'il s'ajuste & ravir sur
celui de la cadette.
ute la ville pour
e du bracelet.
:s recherches, oa
i trois sceuTs,
S3
66 LES P01.K-L0RES BN ¿GTPTC
Le mariage est annoncé et lea noces com-
mencent.
Le demíer jour, aprés que la jeune filie eút
pris son bain, ses soeurs la coiff^rent et lui
enfoncérent dans la tete de grandes épingles
en forme d'aigrette.
Des que la coiffure magíque fiít terraínée et
que la derniére épingle fut enfoncée, la jeune
filie se transforma en tourterelle avec une
houppe sur la tete et s^envola á tire d*ailes par
la fenétre.
Tous les jours elle venait se poser sur la
fenétre de la cuisine du roí et roucoulait
tristement.
Le roí avait donné ordre de la faire prendre
vivante. Enfin, un jour on parvint á Tattraper
et un magicien qui se trouvait pour lora k la
Cour pour soigner le jeune prince qui so
mourait de consomption et d'amour, reconnut
sur la tourterelle le talismán.
II enleva délicatement les épingles et,
lorsqu'il retira la derniére, la tourterelle
redevint jeune filie.
Le prince reconnaissant sa fiancée fut guéri
aussitót et depuis íls vécurent heureux et
contents.
La princesae pardonna k ses si^urs ct les
pourvut de dot et de marí '.
I. Comparen avec le conté de Cendrillon.
En Egyple. dans les appartemenls. les femmes
voni nu-pieds. la paniouHe de Cendrillon esl rem-
placée par le bracelet du poignel, et dans d'autres
coates analogues par le bracelet k la cheville.
i±3
LA PRINCESSE TCHERKESSE'
UN sultán avait une filie qui, lorsqu'elle
riait, faisait paraítre le soleil dans toute
sa splendeur; lorsqu'au contraire elle pleurait,
il tonnait tr¿s fort et pleuvait abondamment.
Un jour cette filie se mic á travailler au
métier de tisserand. II luí apparut un oJseau
qui luí dit : H Que tu travailles ou que tu ns
travailles pas, tu n'auras jamáis pour mari
qu'un mort. » La pauvre filie quitta aussitAt
son métier et se mit k pleurer á chaudes
larmes. Sa mire
trouvant sa filie en pleí
le motif. La ¡eune filie i
un peu, maÍ3 ne crui
dans la chambre et,
rs, elle luí' en demanda
out éplorée lui répéta
dit. Sa mire s'attrista
pas y attacher trop
I. CircaisUnae.
70 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
d'importance. La filie se remít au métier, et
aussitót Toiseau reparut et rcpéta *sa phrase
cruelle ; c'est alors que la malheureuse mere
unit ses larmes á celles de sa filie. Tous ceux
qui étaient dans le palais s'unirent également
á la douleur de la mere et de la filie.
11 tonna et plut á verse pendant tout ce
temps. Le sultán qui était en promenade
dans la ville s'iaquiéta fort et comprit que sa
filie pleural t. II voulut en connaitre la raí son
et s^adressa á son vizir pour lui demander
couseÜ. Celui-ci lui proposa de rentrer. Us
rebrou3s6rent aussitót chemin et se dirig^rent
vers le palais, oü, en arrívant, ils trouvéreQt
tout le monde ecv larmes et dans la plus pror
fonde desoía tion. 11 entra chez sa filie et la
questionna. Elle, pour toute réponse, reprit
son métier, aussitót l'oiseau apparut et répéta
d'un air solennel la phrase qu'il avait áéik
prononcée deux fois. Le p^re pleura á. soxx
tour et, pour ne plus rentrer dans cette ville»
il rassembla sa mere, sa femme;, sa. filie et aoix
vizir, et prenant quelques robes de ees daxnes.
ainsi que leurs bijoux, ils partirent tous
ensemble pour les mon tagnes.
PERSAJlft, INDIJENS, ARIENS DE l'eST 7 1
Un jour, ils trouvérent sur une monta^ne
uae immetise porte de c^áteau» Le sultaa, sa
femme et le vizir essayérent d'ouvrír la porte:
ce fut ea vaia, ils n*j réussirent point. La
filie du sultán essaya á son tx>ur de pousser ]a
porte qui ceda aussit6t d'elle-mSme. La
princeftse j entra, la porte se referma derriére
eUe, sans que le sultán ni son TÍzireussent eu
le temps de pénétrer dans le chá^au. Elk
n*hésita paa k s^avancer. Elle trouva morts
tous les étres vivants ou plutót toua ceux qui
avaient eu vie : homxnes, femmes, chevaux et
toutes bétes. Elle se trouva ensuite dans une
belle piéce oú se trouvait un mort roulé daos
uae riche couverture, tout prés duquel étaient
utí éventail, un livre et un ciíasse-mouches.
Elle jeta les yeux soir le livre et lut ce qui
suit : a Le mort, qui est dans cette chambre,
» ressuscitera si quelqu'un Tévente avec cet
» éventail qui est prés de lui et s'il lit, tout en
» chassant les mouches, dans ce livre pendant
A trois ans, trois Ixeures et trois minutes. »
La ieune princesae connaissant aon triste
aort se mit á. Toeuvre aussitót. Quand elle
était latiguee, elle se mfittait k la fenétre pour
73 LES FOLK'LORES EN éCYPTE
respirer un peu d*air et se donner quelque
repos. Puis elle reprenait sa pieuse be-
sogne.
Un jour qu*elle se trouvait k la fenétre, elle
vit passer une bohémienne avec sa fílle, elle
les hela et proposa á la mere de luí prendre sa
filie contre un superbe coUier qu*elle portait
au cou. La bohémienne accepta 'et, k Taide
d'une corde que la princesse descendit de la
fenétre, la petite bohémienne se trouva dans
le palais des morts.
La princesse luí dit alors : « 11 y a trois ans
que je suis exactement les instructions de ce
livre; dans trois heures et trois minutes le
mort ressuscitera ; mais, comme je suis
fatiguée et que j^ai besoin de repos, je vais
aller me coucher, et toi, tu me remplaceras
auprés du cadavre. » Puis elle se retira apr68
avoir donné les instructions nécessaires á la
petite bohémienne qui s^exécuta avec bonne
volonté.
Les trois heures et les trois minutes
écoulées, le mort ressuscita. 11 demanda á la
bohémienne qui était la charmante personne
qui se reposait lá. Elle répondit que c'était
une filie qu'elle s'écuít procurée commeaide.
maiis qui n'avait paa voulu l'aider du loui.
Le resauscité alia visiter ses nombreux
domestiques qui se réveillérent tous de leur
profond sommeil. Puis il ñt enfermer dans une
pnson souterraine la princesae qui, d'aprfes
rinjuste accusaiion de la bohémienne, n'avait
pas voulu l'aider. On ne donnail pour loute
nourriture k I'infortLinée ñlle du sultán que
les restes de la domesticíté, qui lai reprochait
touiours de D'avoir pas aidé k réveiller le
maitre.
Le prince du cháteau se maria avec la jeune
bohémienne.
Quelque temps apr¿s il eut envié de fajre
un petit voyage et voulut rapporter á chacun
un petit cadeau; c'est pourquoi avanl de
partir Íl demanda k tous ses gens ce qu'íls
désiraient. II alia méme demander á la filie
du sultán ce qu'elle souhaitaít. Qle répondít
que son unique vosu était qu'il fút touiours en
bonne santé. II la pressa pour luí faire
decnaader quelque chose, maiS elle persista
dans son refus.
II luí dit alors : « Je sora et dans un instant
74 LES FOLK-U>RES KM E6YPTE
je reviendrai; si tu ne me demandes pas
quelque chose, je aaurai ce qu^il me restera á
faire. »
U sortit et reviat au bout d'un iostant. Elle
luí demanda alors : la Ixute de la patience, la
boite de la douleur et le sabré du sang. Elle
ajouta que s'il luí apportait ees choses-lk, son
vaisseau marcherait bien, sinon son vaisseau
s*immobiliserait.
n consentit et partit en voya^^e. A son
retour, il s'était tout procuré, mais il avait
complétement oublié la commission de la
pauvre prísonniére. 11 ne s'ensouvint que lors-
qu^il aper^ut qu'il n'y avait pas moyen de £aire
avancer son bateau. 11 retourna alors k terre
et fit Tacquisition des boites et du sabré.
Arrivé chez lui,il distribuatous les ];»'ésents
et alia porter lui-méme celui de la prísonniére.
11 se cacha ensuite derriére la porte de la
prison pour se rendre compte par lut-méme de
ce qu^elle voulait faire de ees ob)ets. 11 vit la
filie du sultán qui pla^a devant elle ees boites
et leur dit : « O boites de patience et de
douleur, donnez-moi la patience nécessaire
pour supporter ma douleur ¡ Puis elle raconta
7!
toute son histoire depuis l'appaHtion de
Toiseau jusqu'a ce momenC-liV. QuanH elle eiit
£n¡, la boíte de patieoce luí dit ': « O ma prin-
cesse Tcherkesae, tu dis la v.érité, ton ptre est
un roí régaant et chacune de tes paroles vaut
mille dinars (piéces d'or). »
Lalitledusultanrepnt : «O boltedepatience,
donne-moi la patience 1 ó sabré avíde de san^,
traache-moi la tete I m Le sabré se leva, le prínce
comprenant tout, se precipita et s'emparant
du sabré, l'empécha de tomber sur le chaste
con de la noble princesse.
11 s'empresss ensuite de mettre k la porte
l'ignoble bohémienoe et prit pour femme celle
qui 3ut supporter sea peines sans plaintes ni
murmures, lis vécurent heureux et contents
pour Ib reste de leur vie '.
. Comparer a
a Belle
I bois dorment.
LA PRINCESSETAG-EL-AGEM'
UN roí avait udc GUe. 11 voulut cd íatre
une savante. 11 prít k cet cfiFct ud maltre
et donna k sa filie des compagnes de classe.
Ce maltre lui enseignait tout, te Koran, la
lecture, I'écriture, etc.
Ua jour, en eatrant ea classe, la princesse
vit que son maltre battait une de aes cama-
rades, il la battait si fort que la pauvre filie
La princesse ne pouvant pas l'arracher des
malos du maltre, se sauva et courut jusqu'ft
ce qu'elle füt hors de la líjlle, daña la cam-
pagne.
Etant fatiguée, elle s'assit pour se reposer
et s'endormít au pied d'un arbre.
I. Couronae des Persea.
!±3
jB I.E8 POLV-LORIS EN ¿GYFTB
Le fíls d*un sultán voisin étant á la chasse
passa par lá et vit la príncesse qu^il trouva
admirable.
II la réveilla et la conduisit chez le sultán
son pére.
La príncesse grandit et embellit dans ce
sérail. Quand elle fut en age de se marier, le
prince demanda au sultán, qui y consentit, la
permission de Tépouser.
L^ prince et la prinoesse se mariérent done,
et leura noces se fírent avec le ceremonial
d^usage, au milieu des réjouissances publiques
qui durérent quarante jours et quarante nuits.
Bientot le sultán devenu vieux, mourut, le
priope et la príncesse devinrent alors roí et
reine.
Sur ees entrefaites, la jeune reine accoucha
á'\xn garlón.
Le septiéme jour des couches, avant que,
selon Tusage, la visite des dames, venues pour
féliciter la mere et voir Tenfant, ne comnaen-
^t, le mur de la chambre de la reine se fendit;
elle vit apparaitre son maitre, ce méchant
magister qui lui avait tant fait peur et qui
était si savant; elle le vit, dis-je, sortir de la
79
fente du mur, s'avancer vere son lit, prendre
son enfant, la barbouíUer elle-méme de sang,
et rentrer dans le mur par la mfime fente,
pour disparattre.
Lorsque lesdames entrérentdans la chambre
el virent la reine ainsí couverte de sang,
n'ayant plus son enfant auprÉs d'elle, elles
pensérent toutes que la reine était une ogresse
et qu'elle avait mangé son enfant.
Aprts la visite, cette nouvelle se répandit
dans la ville et bient&t toutes les femmes ne
parl¿rent plus que de cet érénement.
Cepeadant le roí, qui entendit ees bruits,
n'j ajouta aucuoe foi, parce qu'il aimait sa
feísme et il continua á. raimer.
La deuxiétne annje de leur mar¡age,la reine
eul un autre gar;oo qui fut enlevé de la méme
fafon par le maltre d'école magicien.
La troisiíme année, la reine eut une filie
qui eut le meme sort que les deujt prínccs, sea
Le rol, devant les accusatíons persiatantes
et de jour en jour grandissantes des dames
de la cour et de la ville, et voyant que sea trois
enfants avaíent disparu de la méme fa^on.
Sí
8o LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
sans que la reine en pütdonner uneexplication
raisonnable et plausible, il ordonna qu^on
reléguát la reine dans les cuisines du palais et
qu^elle y servit comme un souillon.
La reine accepta son sort sans plaintes ni
murmures et alia habiter les cuisines.
Un jour le roi partit en voyage pour faire
une tournée dans ses États.
II demanda avant de partir, á toutes les
dames de son palais ce qu^elles désiraient qu^il
leur rapportát en cadeau.
Les unes demandérent des éto£Pes,les autres
des bijoux. Le roi en prit note. Au moment du
départ, le roi se rappela de Tag-el-Agem
(couronne de la Perse), la reine qu^il avait
sauvée autrefois de Tabandon, et par suite,
d'une mort certaine et qui á présent était
reléguée dans les cuisines du palais, mais
qu^l aimait encoré malgré sa disgráce.
II lui demanda ce qu^elle souhaitait.
Tag-el-Agem lui dit qu'elle désirait possé-
der la boite de Tamertume et la coupe
d'aloés ', et elle ajouta : a O mon maltre I 6 mon
roi I si tu oublies ma commission, á ton retour
une tempéte aflFreuse bouleversera Tair, ton
y^ 3
pERSAT^Sf íNDiEKfí, AHifcífd but l'est St
türbati bfatic xíévicfldrtí n^ir ; cet étftf de choéW
ne cessera que lorsque tu reidera» -ra^pelénfafl
désir et que tü ramra'S: exéítfté. »■ *i J
Le roi pafrtft.
nparccnimt toüs' ^P^ Étatr^t flttoutes-led
commissions, sauf celle de Tag-el-A|f«6i, hi
Aü momento^ il ifiomak áichtvaá p&at s»'ea «^ Ü
retoümef ^«rs U t4He, v!>iléb q«re látUntpéte ^ H
prédít&pay la reine se^ déchftfda-sor Umt le c^ f¡
p&y». La pltóe, la gfMe, lévent et léctotm^Mtis "IS ü
fireat rage' et 1¿ bttút ftit tei qu'ott ii*cíi: avttit ^^
jttmtw- emenda \dé parer^i Le rm, en <mi^ la»^ ^ :i
ment, yoit'9on'iiA<sge réfiétéé dtttis' une^lSi^ue >- ..
d*eatiet*s*aper?wtqtiesott turban ttaiíe était jj i
dercna'noir. Qc •;
11 se rappeüe Ir domeiiMkm d* la reíAe i::» ,.
ec se» prédkd<»f0) et nuMume- á; la re^ 2 i*
<^epci»fr'dt la? bottd' d^a»Mttttt« et de^sucourpe *"" *'
d'alééft. ^ ¿
Dés-i^t euti'étt P^oquÉsicioB d¿ ceé détnr ^ *
oilh(iet^, la^fettfséte^cdma'ec-BOtrtatbaKrtKkviat
Le ret s'efi recbcnma datid wb. pakk ec «ofi
v^syuge se" térmma * hevíreosefiMsit, coanae ^ il
ó
82 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
avait commencé, au milieu de Tallégresse
genérale de ses sujets.
Des qu'oQ eut déchargé les bétes de somme
et qu'oQ eut ouvert les ballots, le roí remit á
chacune de ses dames ce qu'elle avait
souhaité.
II envoya aussi á la sultane Tag-el-Agem
ce qu^elle luí avait demandé comme cadeau.
La nuit venue la curiosité prit le roi. II
voulut savoir ce que la sultane Tag-el-Agem
pouvait bien faire avec sa coupe et sa boíte. 11
alia á la chambre qu^occupait la reine dans les
cuisines et, regardant á travers une fente de
la porte, il vit la reine assise par terre et
parlant á la boite de Tamertume et á la coupe
d*aloés qu'elle avait devant elle; elle leur
raconta son histoired'un bout á rautre;quand
elle eut finí, elle ajouta en maniere de demande:
« N'est-ce pas que ce que je vous ai conté est
la puré vérité ?... Ai-je rien ajouté, ou rien
caché ?... N'est-ce point lá toute la vérité >... »
Aprés ees troisquestions^la boite etla coi^pe
se brisérent ; en méme temps le mur se fendit
et son ancien magister, tenant par la main
ses deux gar^ons et suivi de la filie, se pré-
secta au milieu de la chambre, en face de la
Son msttre la satua profondément et Iu¡
dit : « Tag-el-Agem, voili tes trois enfanta;
i'en ai pris sgin et les ai inatruits. Je te les
renda parce que tu as su garder man aecrec ec
que tu as souífert pour le garder. J'ai voulu
faire utie aavante de [oi| ¡'ai réussi ^ faire des
savants de tes enfants. JouÍs en paix du fruit
de tes vertuB. »
11 dit et disparut par la feate du mur. La
fente se referma sur lui et le mur redevínt uní
comme s'il ne se füt jamáis fendu.
Le roi voyant et eoteodant tout cela, ne
savait quoi admirer le plus : la beauté de sa
femme et de ses enfants ou la patience et la
discrétion, la fidélité et la résignation, de sa
femme daos ses malheurs.
11 ouvrít la porte et se montra h sa femme
et i ses enfants.
11 les invita h le suivre dans les apparte-
ments royaux et rendit h sa femme son amour
et sa position á la Cour.
It TÍcureat longtemps heureuz, juBqu'i
leur mort qui arriva quand il plút á Dieu.
% 1
DEUXIÉME GROUPE
ARIENS Dü NORD
BUROPÍENS. GRBCS, ROtUIMS, ETC.
>-
B
a;
Sí'
r
•1
«M
DEUXIÉME GROUPE
dílilEÜ^S 'DU T^O^'D
UES QUARANTE BOUCS
ET LE BOUC CHEVAUCHANT
SUR LE BOUC ■
IL y avait une fois un sultán qui avait trois
filies, Tune plus beUe que l'autre.
Loraqu'elles grandirent et furent d'áge á ee
marier, le sultán consulta son vizír sur ce
qu'il convenait de faire pour les établir seloa
leurrang.
B»
LSS rOLVP-LORE» EM l^YI^E
Le résultat de Icur déü b ér a t í on tut que éH
le lendemain on fit annoncer dans le pays, par
des crieurs publics, que le sultán avait decide
de marior see -^Issl En rconaéqitSQce, tous les
jeunes gens étaient conviés á passer sous les
fenétres du sérail au jour que le sultán faisait
savoir.
Au jour dit, les prétendants arrivérent en
foule «t déilérent 'ttouft les fenétres du f>alais.
La princesse atnée Jeta son mouchoir quj
tomba sur un beau prince.
La seconde princesse ayant jeté son mou-
choir, le mouchoir alia se fixer sur la tete d'un
autre emir, jeune, beau et pubs^ai:.
Quand ce fut au tour de la troisiéme
princesse, elle lan^a son ibulard qui alia accro-
cher les cornes d^un bouc qui passait au
milieu de la foule.
Le sultán ordonna que la trói^éme prtncesgBe
recommen9&^t Texpérienoe. BUe J9ta éone le
íbulard, qu*on luí avait rapporté, une seeonde
fois ; la destinée le Ht encoré s*aceroeher aux
comes du méme bouc.
Le sultajQ, furieux d'étr^ la risée du peuple,
ordonna une troisiéme ¿pr^uv^ qui xi'eut paj&
un aulte¡réaiUiatiLe faulard a'enaUait voltigcr
daos <ks aira, tauruoyait et finalement allait ^ j
s'accrQcher au» cornea du méme bouc. ^±l {
Le Aullan du, en v.oyant caue -úbstinatútn ^ \
du Bort, qu'il ne ccaaenlixait íamaia k marier ^ j
sa.fijle aii«c un bouc .el qu'elle xeaterail filie. ^ ]
Meis^U jeuDepdncessepkace taat.et r^p^ta ^ .
si obstinément qu'elle ecnsenUit á bé macür '^ T'
avec ce bouc pui&gue telle ¿tait sa deatinée ; i.r :
sea .soeutzs linees, quí la jatousaieot parce <... :>
qu'elle ¿tail jilus jolie gu'ellee, l'aid^rent £i Z^ r.
bieaaufti^e du Bullan, que celui-c¡ finit par u- ^
aceorder sen cansentement áxeque ce mariage ■— ■*
extraordinaire s'aceamplit. U ordcnna dojac ^ '*
gu« lee nocee se fecaient oelon k céréiiioDJal ^ tj
Toute la-viUeíut enf^u peodant quaiaste
Íour£ et quaraote .uuil£ ; oati'enieodait pactouc
qu« fJukats M jnugiquaB.; on ne vayait gue
¡eux, banquete et iltumiaationB, maú au
KviUcu de |]3ute cette foule en liaesé et eo )oie,
chacun ne pouvait s'empécherd'étre prénccuptf
dee r^aultUf du mariage de la jeune et ialie
priacesBe avae k bouc.
1^ sultán, k TÍzir^ les femmes du palais
til
u. J
90 LES FOLK-LORES EN EGVPTE
essayerent chacun tour á tour de la dissuader
de consommer ce mariage. Mais elle n'avait
qu'une phrase pour toute réponse et á tout ce
qu'on lui disait, elle répondait : (( Peut-on
se soustraire k sa destinée ! ))
La nuit du doukhoule étant arrivée, on para
Ja princesse et bientót on introduisit le bouc
dans la chambre núptiale.
La porte était á peine fermée, que le bouc se
secouant jeta sa peau á terre. Quel ne fut pas
l'étonnement et la joie de la jeune princesse,
en voyant devant elle un fort beau jeune
homme, si beau, tel que personne, avant elle,
n'en avait vu son pareil en beauté !
Ce jeune homme s'approcha d^elle,la caressa
et lui dit :
(( Je suis un emir puissant, mais enchanté
par des sorciers; je vous aimais et me voilá
uni á vous. II ne tient qu'á vous, princesse,
que nous ne soyons jamáis separes !...
— Et qué faut-il que je fasse ? interrompit
la princesse.
— Ne jamáis parler de ma métamorphose á
qui que ce soit, répondit le malheureux emir
enchanté. II faut que tout le monde me croie
f:
ua bouc. Le jour oú on se douterait seulement
de mon enchantement, ce jour-l¿ méme, je
disparaitrais et vous me perdriez pour tou-
La jeuoe princease, plus énierveitlée qu'ef-
Irayée, promit de garder le secreC de son beau
En attendant, ils s'abandonnérent k leur
bonheur.
Ils s'aimaient beaucoup et la príncesse gar-
dait si bien te secret de son mari, que tout le
monde avait renoncé á comprendre I'amour
qu'elle avait pour son mari le bouc.
Le sultán á bout d'arguments disait :
« Puisqu'elle ne se plaint pas, c'est qu'elle
est heureuse.
Dans ce temps-ld., un roí voisin declara la
guerre au sultán qui fit ses préparatifs; mais
comme il était trop vieux, ii pla^a son armée
sous le commandement de ses deux beauí-file,
et ils partirent.
Le bouc aussi partit.
Bientót apr¿9, l'armée du sultán i
92 LES FOLK-LORES EN SGYPTE
victjorkuse. Le sukaa ardoima qu'on ík <k6
ügtes qui dujréreat trois jours et Uoi& luik^.
Le premier jour, a4i momeot oü ks 4emi
princes passaient sous les fenétres du pakúe,
leucs fexDBies leur jetécent 4a8 £leur».
La troisiéiue princesae jeta une frose é. un
tres beau jeune homme qui marchait á edté
des tprinr.es
Le second jour, au méme ceremonial, elle
jeta au méme jeune homme ,un JasffMu et
pendant le déñlé de la Inroisi^me jouraáe, elle
lui lan9a un tamarin»
Ses soeurs ainées trouv¿rent mauvaia que la
jeune princesse se comportát ainsi k Tégard
d'un étraDger,tandis qu^elle ¿tait en puisQance
de mari. EUes lui fírent d^abord des observa-
tions,maÍ8 voyantqu'elle enriait et se moquait
d^elles, elles allérent le diré au sultán.
Le sultán entra dans une ¿elle fuMur, qu'il
eüt aans doute tué sa ñUe, si x^Ue^^i épo4ivan-
tée et affolée a'eut coníessé et expliqué que ce
jenne homme n'était autre que son prc^pre
mari.
Le soir venu, le bouc ne reatr^ pae ! . . . 11
avait ^paru.
B
oi
lie désespoir dte la ieune princesac aug-
menta avec les jours. 11 arriva qu'elle crut
qu'il n'y avait pas au monde une plus mal-
heureuse créatare qu'elle. On avait beau la
raisonner, lui conter !es histoirea des plus
illustres et des plus malheureux amant», tsut
Mita, loin do la conaoln- augmentait enecre
Un ioTjr, l'idée lui i-int di savoir par elle-
méme, s'il exiatait au monde une femme aussi
malheureuse qu'elle.
Elle flt construiré un hainet fiC aoaoncer
dans tous les quartiers de fa ville que touta
femme qui voadrait venir s'y baigner était
libre de le faire, á condition de ra conter á la
prineesBe le plus grand malheur qu'elle avait
e la ville et
Toutes les fen
t i»
battait, l'autreque son mari lui préfóraif une
affrevse vifilte ou une laidc négresse, uno
iroisüme que son mari t'avait divorcée et qu«
aen^ma'nt s'^tait marit^avec une autre femma
qui, certeev nela valait pas I...
Aucune de ees femmes n'Mit le talent'd'ÍR-
ex»
94 LES FOLK-LOREe KN ÉGVPTE
t¿res9er,ni de captiver, méme pour ua instant,
l'atteation de la princesse.
Elle était toujours triste.
Un ¡our, eañn, viat une pauvre vieille
ferome. Elle o'avait sur elle qu'une chemise ea
lambeauz.
Cette vieille lui raconta uae histoire qui eut
le don d'intéresser la princesse. Elle l'écouta
done sane rioterrompre ¡usqu'au bout.
HlSTOlRB DE LA VlBILLE
La vieille commen^a en ees termes :
« Avant-hier, le soir, j'étais allée au bord de
la riviére pour laver la seule ebemise que je
possfede, daos rintention de me présenter, ce
matio, á votre bain, lorsque je vis non loin de
moi une mulé ehargée de deuz outrea qu'elte
rempliasait d'eau.
n Une fois ees outres remplies, elle alls un
peu plus loia et frappa la terre du sabot de
Bon pied de devant. La terre s'eatr'ouvrit et je
vis la mulé descendre par une pente dans
rintírieur de la terre.
í
iiOubliantdelaver mi
a chemise, ¡e suivie la
mulé et ¡'entrai á sa sui
tedansJe souterrain.
n J'arrivai bientót dan
s une grande salle qui
paraissait étre la euisir
ve d'un grand palais.
Les marmitea étaient ra
ngéea sur le feu; on
Jes entendait chanter et
on seniait une bonne
odeur de cuisine en pleia
e fonction.
iJ N'y voyant personm
:, ni chef, ni marmi-
tons, je ra'approchoi d'ui
le raarmite et voulus
la découvrir. A peine
avais-je touché au
couvercle, que je regus i;
ine tape sur ma raain
» — Touche pas, iusqu'á ce que sa
» Je recula! effi:ay¿e; j'entrai á l'ofiice oü je
vis la buche ouverte et pleine de pains frais
qui sentaient fort bon; l'envie me prit d'en
goúter, mais lorsque étendaot la main, j étais
préte k gaisir le paia, ma main regut uoe tape
qui claqua sur sod dos, et la m£me voix invi-
sible s'écría á mes oreilles :
1) — Touche-pas, jusqu'á ce que sa maltresse
» Ma frayeur s'accrut; ie marchai droit
devaatmoi; ¡e passai dans tes appartements.
ii
í
Ees salles en ¿taient pliiS richement dficorées
fes nires que íes atures™, les' rtreobfe, les
tentares ct Ics' tapisscnes' surpdssarent en
richesBe et en beautó, en éclirt efen varíete;
tout ce que Fon peot imagiherl Enrffh, farrrvai
^bw une grainte salle a^i miliéndé laqnefte se
trouvatt un grrand baiBBTTt; ffutoisT" du bff99m,
ñ j amit quarwnte sf^s dcrnt Póa était plus
gnni'et pliis beau que-les autKSw
n Jene viad'abord personne' non plus dans
cettB salte, maia, en raime lemps" que ¡"y
entráis, j'entendís an bruit'setnblable it celui
que font lea pieds d*urr troap«ü áe chtvres
marcha Qt sur dea pierres.
» Je-me-Hottis sous'undfvan; tíiwit&t je vis
entrer desbcnica-qui- les ans ffprés les autres
aitÉrent se placer ctlEtcun devant un sié^et se
rangirent ainsi autour dii bassin.
n lis étaient quarante, mais lé dérnier était
monté sur l'avanl-dernier.
» Le bouc qui chevauchait ainsi sur son
compagQon descendit et se piafa devant te
siége le plus elevé.
H lis restirent ainsi sans bougerun moment,
puis tous easemble se secouÉrent;... au méme
07
: séchés, celui
in compagnon, ce
instant leura peaux tombirent, et Íls se Irans-
formírent tous ea autant de beauK jeunes gens
dont le plus beau écait leur chef. II se jeta ie
premier daña le basain et tous t'y suivírent,
a'y baignéreot, puia ¡Is en sortirent et s'as-
airent sur leura siiges, qui a'étai
u Loraqu'iis se
étail entré montd s
sanglots :
» — Oh ! princesse de grice e
f Tous ses compagnons pteu
glotaient. Les meiibles, lea mu
lea plafonds, tout, enfin, jusqu'at
aui parquets gémiaaaient et ai
c'dtait á fendre Víma I...
u Apr£s qu'ib eurent bien pleuré, le prince
se leva \ ses compagnons en firent autant et
chacuii se retira dans ses apparteroents oü
tous se couchérent et dormirent. »
la vi«ille.
'■t de beauté I '
ra, les portes,
t fenétres et
: lamentaient..,
98 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
A mesure qu'elle racontait son histoire,
Sitt-el-Husna, de plus en plus intéressée, ne
laissait pas échapper un mot, et lorsque la
vieille eut terminé et qu'elle cessa de parler,
la princesse ne douta plus que le bouc monté
sur son compagnon et qui s'était transformé
en un si beau jeune homme, ne fút son mari.
Des ce moment, elle ne pensa plus qu'á aller
le rejoindre.
Elle dit done á la vieille qu'elle luí donnerait
tout, vétements, bijoux, argent, tout ce qu'elle
pouvait enfin désirer, á la condition qu'elle la
conduirait dans le souterrain.
La vieille consentit.
Le lendemain done, de bonne heure, Sitt-el-
Husna alia chez la vieille oü elle attendit
jusqu'á la nuit tombante. A ce moment, la
princesse tres impatiente lui demanda s'il
n'était pas temps de partir.
La vieille lui dit d'attendre encoré, attendu
qu'elles ne pourraient partir que lorsque la
lune se verrait sur la terrasse du four.
Les yeux de la princesse, á partir de ce
moment, ne quittérent plus le haut du four,
et des que la lune y parut, elle réveilla la
I
vieille et toutes deox allérent au bord Uu
(leu ve.
La mulé était U qui remplísaait ses outres.
Lorsqu'elle frappa du pied le sol. que la
terre a'entr'ouvnt et qu'elle s'engagea dnns le
souterrain, les deux femmes l'y suívirent et
allérent jusque dans la cuisine.
La vieille se dirigea vera les marmites, qui
rangées sur le feu, chantaient joyeusement;
elle diícouvrit une marmite, goüta au meta qui
traisi¿me, puis toutes, sans que ses maíns
n'eussent reíu aucune tape, et elle n'entendit
aucune voix luí défendre de lea toucher.
Elle vit aussi les mels les plus succulents,
en goüta etforfa la princesseá en faire autant.
Le pain également, dans la huche, se laissa
prendre sans protestaron; tout était bon et
bien meilleur que ce qu'on mange d'habitude.
La vieille remarquait, cependant, que tout
était changé depuis sa derniére visite. En
effct, on sentait une ¡oie régncr partout dans
ce palais enchanté.
Conduite par la vieille, la princesse arriva
enfin dans la grande salle du baasin ; les deux
>-■■
femmes se
boucs entr
cachérent et vireot les quarante
er dans le méme ordre qu'aveit
indiqué la
neille
le dernier bouc monté sur
son compagnon.
lia se rangérent aulour du bassin, se
dépouilUrent de leu r pea u, se tranaformérent
en quarante ¡eunes gens, tr¿a beaui, prirem
leur bain, el au moment oü ils en sortaient.
la princesse reco
ñut son mari !... Elle voulait
paraitre ai
lui, n
figu
si le
ais n'ayant pas de voile pour
re, la pudeur la retint de
íisagt découvert devant tant
d'hommes étrangers!...
Cependant, le prince, s'étant assis sur son
siíge comme á I'ordinaire, commenga ^
pleurer.á se lamenter et á appeler la princesse
á travers sea sanglots.
Tous ses compagnons, au lieu de rimíter,
comme de coutume,se mirent á rire; les murs.
les portes, les voütes, tout, enfin, au contraire
du prince, paraissaient gais, con ten ts et
Le prince surpris et inquiet se leva : ses
compagnona le quittérent )03'eusement, et lui-
~ m£me se dirigeait trietement vers son appar-
tement, lorsque la princesse ae tenant plus et
n'écoutant plus les conaeils timoréa de la
víeille, sortit de sa cachette et se presenta
devant le prince son époux.
A sa vue, le prince, transporté de ¡oie, ne
voulut pas écouter ses excuses pour n'avoir
pas su garder son secret. 1! apprit ala prin-
cesse qu'elle venait, par Son courage et sa
pe rsé vé ranee, de rompre le charme qui le
lenait enchanté. Le prince pul, d¿s lors,
retourner sur terre sous sa forme humaine.
La prtncesse le presenta au sultán, son
pére, qui ful tres joyeux. Ses soeura, recon-
naissant dans ce beaujeune hommele guerrier
vaillant auquel la troisíéme princesse avait
lancé des fleurs au retour de la guerre, ressen-
tirent, pour leur sceur, une plus gf-ande
¡alousie, mais durent faire serablant de se
réconcilier avec elle et d'étre contentes.
Le sultán ordonna de célébrer cet heureujt
événeraenl par des fétes splendides qui duré-
rent sept jours et eept nuits.
Le prince et la princesse continuérent k
lis vécurent longtemps et eurent beaucoup
d'enfants.
J.
VI
y '
LES TROIS FILS DU SULTÁN <
IL y avait une fois un sultán qui avait trois
fils d'áge á se marier.
Le sultán se concerta avec son vizir sur les
moyens á employer pour les marier selon leur
rang.
lis convinrent que les trois princes mon-
teraient sur la terrasse du palais* d'oü chacun
d'eux tirerait une fleche au hasard. Les
maisons sur lesquelles ees fleches tomberaient
seraient marquées, et le sultán demanderait
au propriétaire de chaqué maison sa filie en
mariage pour le prince á qui aurait appartenu
la fleche tombée sur sa maison.
1. Publié dans le BuUetin de I' Instituí égyptien^
2* serie, n» 5, 1884, p. 81.
2. Toutes les maisons, ainsi que les palais et les
monuments publícs en Egypte, sont couvertes de
toits plats qui forment terrasse sur laquelle on
peut monter et se promener á l'aise ou s'en servir
pour les besoins du ménage ou pour Tagrément
des habitants de la maison.
•£2
.-. •'
,1 ••
:>
•4
104 I-^S FOLK-LORES EN EGYPTE
A la suite de cet arrangement, un jour, le
sultán avec toute sa cour, accompagné de ses
trois fils, qui portaient chacun son are et ses
fleches, montérent sur la terrasse.
Les princes lancérent chacun une fleche au
hasard.
La fleche du prince ainé tomba sur la
maison d'un haut dignitaire de TEmpire.
Celle du second tomba sur la maison d'un
general.
Quant á la fleche du prince cadet, elle alia
tomber sur une maison ou il n'y avait qu'une
grosse tortue.
Le sultán ordonna á son fils de recom-
mencer Texpérience. La fleche lancee par le
prince tomba encoré sur la maison de la grosse
tortue solitaire.
Le sultán, qui était fort contrarié, ordonna
une troisiéme épreuve qui amena le méme
résultat !
Le sultán decida que son fils cadet ne se
marierait pas du tout; mais le jeune prince
insista, disant qu'il consentait á se marier
avec la grosse tortue.
Le sultán, pour ne pas le contrarier, re-
r
vJDt sur sa decisión et donna son consente-
Les fétes pour les noces du prínce niai et du
second prince commencírent; on les maria
avec p-jmpe et éclat l'un aprés l'autre.
Lorsqu'on e'occupa des noces du cadet des
princes avec sa tortue, ses deux fréres alnés et
leurs femnies refusÉrent otistinément d'y
paraltre, ce qui fit que ees troisitmes noces
furent beaucoup moins brillantes que les
Bientót apr¿3 ees réjouisscnces et tant
dcmotione, le sultán tomba malade; il perdit
compl¿tenient l'appétit et presque enti¿rement
la vue.
Ses ñls, fort inquiets et espdrant lui rendre
l'appétit, luí firent de grands éloges de leurs
cuisines et luí conseillérent d'en essayer.
Le sultán, aprés s'étre fait beaucoup prier,
consentit á ce que chacun de ses ñls luí
envoyát un labia' complet pour essayer et
voir si viaiment son app¿tit lui reviendrait.
Tous les princes se réjouirent á cette
decisión du sultán. Mais comme le prínce
cadet paraissait le plus contem, ses deux
fréres ainés se moquéreni de luí et lu¡ deman-
dérent ce que sa grosse tortue pouvf it bien
envoyer pour exciter l'appétit du sultán et lui
donner envíe de manger.
Cependant les deux princes aiaés coururent
chez eux, pour diré á leurs femmes la volonN
du suhan. Chacun recommanda á sa princesse
de veiller k ce que le Sultán fút induit, par
range les mels qu¡ doiv
ent éire servís sur la table.
Tuus les plals sont coi
jverts. Le tabla lui-méme
de forme conique. Le
toul est recouvert d'une
éloffe. Le serviieur ma
rmiton transporte le tabla
sursa tete depuis la cu i
sinejusqu'i la salle i man-
ger des hommes oit k
ía porte du harem, si le
dlner est pour les fenii
Unefoii danslasalli
servent les plals sur li
1 table les uns aprés les
salades, les hors-d'CBUvrc, les
)nfitiires sort servís sur la lable
l'odorat e
vue á prtiférer lea mete prepares
X de l'autre princesse.
deux princesne pensa k la grosse
son mari faisait en méme tempa
du sultán.
La tortue se mit imn
lédiatement á l'osuvre.
Elle envoya asa belle-
sceurainée sa servante
de confiance avec lo mi:
ssion de lui demander
instamment toiit le crotí
tin de rats eC de souris
dont elle pouvait disposer, pour les mettre,
devait-elle luidire. sur h
:riz et ¡es autres mets,
en guise de poivre ct d'a
utres condimenta.
De lá, la méme serví
inle devale se rendre
chez la seconde prinets;
ic, et lui demándenle
ta coló m bine pour assai
isonner ses plats. Lea
deux princesses refus¿
rent de ríen dunner.
disant qu'elles-mémes i
n'en avaíent paa assez
pour pouvoir en donner
á leur belle-soeur. La
seconde princesse ajouta
. m¿me que a Thorrible
tortue devait réfléchir f
ivant de " la déranger
dans son coup de feu
H, ainsi que d'autres
propos désobligeants á
l'adrease de aa belle-
rentra chez aa maitresse la
irpurapporter autrechose que
I08 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
les discours malveillants de ses belles*-
soeurs.
La grosse tortue qui venait de finir son
diner et qui était en train de ranger les plats
sur le tabla^ riait de bon coeur en entendant
sa servante lui rendre compte de ses commis-
sions et de son insuccés.
Les troisía¿>/aarrivérentau palaisdu Sultán
á l'heure du diner. ^
On lui presenta d'abord les mets prepares
par la princesse ainée.
Au moment oü ondécouvrit le premier plat,
une odeur fétide et nauséabonde de crottin de
rat s'en échappa; le Sultán se trouva mal et
s'cvanouit. On s'empressa autour de lui et on
enleva le tabla tel qu'il était. Des que le sultán
revint á lui-méme, il éclata en imprécations
contre sa bru et ne voulut plus rien manger.
On le decida cependant á essayer du second
tabla. II consentit, mais lorsqu'on découvrit
le premier plat, Todeur infecte de la colombine
prit le sultán h la gorge ; ses yeux larmoyérent ;
I. En general au coucher du soleil, c'est-á-díre
ái2 heures, selon la mode oriéntale de connpter
les heures.
ARIENS DU NORD IO9
il pensa qu'on en voulait k ses jours et qu'il
devenait tout k fait aveugle.
On se háta dedesaervirle seoondíaí'/a, et on
brúla des parfums pour puriGer l'air.
Quand on annon^a au sultán que la grosse
tortue avait aussi envoyé un tabla, le suttan
entra daas une nouvelle fureur; les deux
princea ainés tirent des observations iniu-
rieuses sur l'habüeté culinaire de la femme de
leur cadet. Maís ce prince n'y faiaant aucune
attention, et animé du désir de voir le sultán
rétabli, insista avec tant de priires et sí
humblement, que son pére, radouci, consentit
k essayer du dernier tabla.
Desque Ton découvrit le premier plat, le
sultán sentit son appétit luí revenir, ses yeuK
s'ouvrirent et it mantea comme it ne l'avait
pas fait depuis des joure.
Le sultán satiafait decida qu'á Tavamr la
grosse tortue luí enverrait tous les jours son
diaer.
Bientdt il se rétablit complétement.
Pour féter cet heureuit ¿vénement du réta-
blissement de sa santé, il convia ses trois fiU
et leurs femtnes ¿ un festín.
Les crois princeseea se préparérent U paraí-
tre dignement devant le sultán.
La veille du jour du festín, la grosse tortue
envoya prier sa beile-sceur ainée de luí prcter
pour le lendemain une grosse oÍe qu'elle avait,
« pour qu'elle puiase, faisait-elle dire, aller au
palais montee sur cette belle béte ».
La princesse fit repondré qu'elle n'avaít
qu'une oie et qu'elle la gardail pour son usage
personnel.
La tortue envoya alors chez la seconde prin-
cesse lui demander son bouc. Celle-ci se facha
L
et répondit qu'elle en i
Le ¡our du festín, lou
porte du palais, pour i
s'élever au bout de la
(urent au mílíeu de ce
dandínant d'íci de li
lorsqu'elle se fut rapprochée du palais,
aperi;ut juchée sur son dos la femme
Chater-Aly quí vjnt descendre sur le marc
pied de la porte du palais.
Le sultán étoit vexÉ de voir ainsi sa belle-
iille a!n^ servir de ris6e á toute sa Cour. II
^■aít besoin elle-mSme.
i ceu\ qui étaient S la
nuage de poussiére
■ue; bientOt Íls aper-
íourbillon une oie se
;t battant des aíles ;
he-
ARIENS DU NORD III
n'avait pas finí de morigéner cette princesse,
que la femme de Chater-Husseyn apparut au
bout de la rué, montee sur un bouc qui venait
vers le palais tout en bélant.
Le sultán éclata en réprimandes et en in jures
contre ses deux brus.
A peine le sultán était-il remisde sondéplai-
sir, que des coureurs annoncérent Tarrivée
d'une princesse.
Dans un nuage de poussiére, le Sultán aper-
9ut d'abord un superbe palanquín, precede par
de fortset beaux saís^ habillés splendidement.
Ce superbe équipage s'approcha du palais,
une femme en descendit; personne ne la
reconnaissait.
Tandis que le sultán admirait Tordre et / \
la richesse de l'équipage et qu'il se demandait
qui cela pouvait étre, on luí annon^a la femme ,
de Chater-Mouhammed ! II fut surpris de la •^:;
surprise la plus grande. .
II fut émerveillé de la beauté de la troisiéme ^í^^
princesse. II ne cessait de s''extasier devant sa
gráce, son tact, et de louer son charme, au
^-.3
4- *
i« Coureurs, palefreníers, valets d'écurie.
no LES FOLK-LORES EN EGYPTE
Les trois princesses se préparérent á parai-
tre dignement devant le sultán.
La veille du jour du festín, la grosse tortue
envoya prier sa belle-sceur ainée de luí préter
pour le lendemain une grosse oie qu'elle avaít,
(( pour qu'elle puisse, faisait-elle diré, aller au
palais montee sur cette belle béte ».
La princesse fit repondré qu'elle n'avait
qu'une oie et qu'elle la gardait pour son usage
personnel.
La tortue envoya alors chez la seconde prin-
cesse lui demander son bouc. Celle-ci se facha
et répondit qu'elle en avait besoin elle-méme.
Le jour du festin, tous ceux qui étaient á la
porte du palais, pour recevoir les princesses,
virent tout á coup un nuage de poussiére
s'élever au bout de la rué ; bientót ils aper-
9urent au milieu de ce tourbillon une oie se
dandinant d'ici de lá et battant des ailes;
lorsqu'elle se fut rapprochée du palais, on
apergut juchée sur son dos la femme de
Chater-Aly qui vint descendre sur le marche-
pied de la porte du palais.
Le sultán était vexé de voir ainsi sa belle-
fille ainée servir de risée á toute sa Cour. II
i""
i".
ARIENS DU NORD III
n'avait pas finí de morigéner cette princesse,
que la femme de Chater-Husseyn apparut au
bout de la rué, montee sur un bouc qui venait
vers le palais tout en bélant.
Le sultán éclata en répri mandes et eninjures
contre ses deux brus. ^
A peine le sultán était-il remisde sondéplai-
sir, que des coureurs annoncérent Tarrivée
d'une princesse.
Dans un nuage de poussiére,le Sultán aper- 'C'.
9ut d'abord un superbe palanquín, precede par j;:
de fortset beaux saís^ habillés splendidement.
Ce superbe équipage s'approcha du palais, ^::
une femme en descendit; personne ne la
reconnaissait.
Tandis que le sultán admirait Tordre et
la richesse de l'équipage et qu'il se demandait J-.*
qui cela pouvait étre, on lui annon^a la femme ^¡;
de Chater-Mouhammed ! II fut surpris de la :r:)
surprise la plus grande. ^j
II fut émerveillé de la beauté de la troisiéme Í;;
princesse. II ne cessait de s^extasier devant sa
gráce, son tact, et de louer son charme, au
i« Coureurs, palefreniers, valets d'écurie.
5*.»
•
113 LES FOLK-LORES EN EGYPTE
poiat que ses deuxbelles*-soeurs enéprouvérent
une grande jalousie et ne purent cacher leur
dépit.
Le sultán se pla^a á table et invita ses fíls
et ses brus á prendre place.
Des qu'on découvrít le plat de ríz\ la
femme de Chater-Mouhammed prít le plat tel
qu'il était et le versa sur sa propre tete.
Chaqué grain de ríz se transforma en autant
de perles fines, qui coulant le long de ses
cheveuz et de ses habits, s'éparpillérent par
terre sur le tapis, autour de la princesse.
Le plat du mauloukhiéh * qu'elle se versa
^alement sur la tete se transforma en une
infinité d'émeraudes de toutes les grandeurs
et des plus belles couleurs vertes.
Tandis que le sultán admirait ees prodiges,
1. Lepilauf, en árabe roiq:^ mouf alfil, est tou-
jours serví á la fin du repas, souvent seul, quel-
quefois avec du lait caíllé cu du mouloukliiéh . II
indique que le dtner est terminé.
2. Corckorus trilocularis, famille des tiliacées.
Herbé dont oa fait une soupe verte et mucilagi-
neuse au bouillon de poulet et á roignon. On le
mange généralement en y trempant son pain et
quelquefois en le mélaogeaat avec le riz.
IIJ
lea servantes avaienl apporté d'autres plats de
riz et de mouloukhiék.
Les deux princeases ainées voulurent ¡miter
la princesse'cadette eC á leur tour étonner leur
beau-pére. Mai3 le riz que la princesse ainée
s'était versé sur la tete, se colla á sea cheveux,
qui furenc graissés par le beurre, et le moulou-
khiék tacha le visage et les vétements de la
eecoade princesse de grandes marques vertes,
gluaotes et horribles i voir.
Le sultán, dégoüW, se leva de table, renvoya
ees deus brus ainées et pria la troisiéme de
rester pour luí teñir compagnie.
Les deux princesses ainées, honteuses et
dégoütanles, sortirem accompagnées des
princes leurs époux. Chater-Mouhammed
sortit également pour les reconduire.
Ua moment apréa, la troisiéme princesse,
tout en causant avec le sultán, fut prise d'uae
grande inquiétude de ce que son mari ne
rentrait pas. Tout á coup, elle sentit comme
une odeur de peau et de coroe qui brúlait.
Elle se leva précipitamment, courut de
toutes ses forces, rentra'chei elle et vit avec
chagrin que sa peau de toriu; brúlait 1
114
LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
Le prínce Chater-Mouhammed qui y avait
mis le feu lui-méme, la consola aisément et la
decida á rester depuis tout simplement une
bonne et belle princesse !
Elle consentit, ne pouvant faire autrement.
lis s*aimérent et eurent beaucoup d*enfant9.
va
LE CHEVAL ENCHANTÉ
U'
n fiis qu'ii aimait beauconp,
le ce prince étant morte, le
Tout d'abord, la belle - mÉre du prínce,
jalouse de Tamour que le roí avait pour soa
Bis, le persécuta; mais ensuite, comme le
prince dCait fort beau tt le roi fort vieux, la
Cependant le jeune prince se lenait toujours
cloigné de sa belie-mcre.
CelJo-ci ráioluC de Jempuisunnür.
Elle prepara á cet efiet un gáteau dont le
prince raÉfolait et elle y mit du poison pour
qu'il mourüt le matin, d¿s qu'il en aurait
goúcé.
Le prince avait un superbe cheval qu'il
Il6 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
allait voir tous les matins á son réveil, avant
déjeuner.
Ce matin-lá, le cheval dit á son maitre de
ne pas manger du gáteau.
Le prince, en rentrant chez lui, mangea de
tout, excepté du gáteau.
La reine voyant cela, devina que c'était le
cheval qui avait avisé le prince. Elle decida
aussitót de tuer le cheval.
Pour cela, elle fait semblant d'ietre malade ;
elle dit que pour guérir il lui faut manger le
foie du cheval du prince.
Le sultán ordonne de tuer le cheval et de
servir le foie róti á la reine pour qu'elle gué-
risse de sa maladie.
Le cheval voyant le prince en larmes et
ayant appris le motif de son chagrin, lui dit
de sécher ses larmes, d'aller chez le sultán et
de lui diré : (( O mon sultán, 6 mon pére !
avant de faire égorger mon cheval, permets-
moi de le monter encoré une fois et de faire
une course avec lui. »
Le prince suit le conseil de son cheval, va
chez le roi et lui expose son envié de monter
son cheval avant de le faire tuer.
Le roi ne voyant aucun inconvénient i
satisfaire le désir de son fils, lu¡ permel de
monter sor cheval une demiére fois.
Le cbeval ayaiit sur son dos le prince,
galope sur la place du cháteau une fois á
droite, une fois á gauche, puis tout d'un coup
il prend sa course, part comme une fltehe,
volé vers la campagne eC disparait en moins
de temps qu'il n'ea faut pour ouvrir et fermer
les ;eux.
Arriví tres loin, dans le pays d'un autre
roí, le cheval s'arréte, fait descendre le prince
et lui donne trois brins de paille.
« Chaqué fois que tu auras besoin de moi,
iui dit-it, tu n'auras qu'á brúler un peu un de
CCS brins de paille, et )t serai k tes cótÉs. »
Puis il disparait.
Le prince tout triste dans ce pays étranger
cache ses brins de paille, se transforme en
ja.rdinier et va chercher du service de par la
ville.
Le roi de ce pays avait justement besoin, k
ce moment-lá, d'un jardinier habile; on lui
parla de eet étranger. II le fit venir, le vit et,
sur sa bonne mine. Tenga gea.
\
Il8 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
Ge roi avait trois filies. Les deux ainées se
couchaient de bonne heure, mai? la troisiéijie
veillait tard et avait coutume de regarder par
sa fenétre qui donnait sur le jardín.
Depuis Tarrivée du nouveau jardiaier, elle
remarquait que tous les soirs^ quaiid tout U
monde était couché, un magnifique cavalier,
monté sur un superbe cheval, galopait et faisait
des tours et des détours dans le jardín royal.
Un soir, au clair de la lune, elle reconnut
dans ce cavalier le nouveau jardinier.
Elle en devint amoureuse.
A quelque temps de lá, le roi p^nsa á marier
ses filies qui étaient d'áge.
• Les deux ainées choisirent chacune un
seigneur, qui tous deux étaient jeunes, beaux
et riches. La troisiéme demanda á se marier
avec le jardinier du roi.
Le roi ne voulut pas contrarier le goüt de
sa filie et Tautorisa á contracter ce mariage.
Mais ne voulant pas avoir á sa cour un
gendre jardinier, il les maria sans noces ni
musique et les envoya demeurer dans la hutte
4u jardinier, avec défense absolue de rentrer
jamáis au palais.
r
il
Pendanl ce terops, les mariages de ses deux
filies aínées 8e faisaieniavec pompaet duraient
quarante toura et quarante nults. et chacuae
d'elles prit possession d'un dea deux magni- fc
fiques palaís bátis pour elles et leurs maris, í>
ea face méme du palais royal. *■]
DÉ6 que les fetes furenC finies, le sultán ^„
voisin. aCtaqua les Etals de ce roí. Une guerre ¡"
Lea deux gendres du roi l'aceompagoérent _'{i
h la guerre. >::
A U premiare bataille, malgr£ la préseace ,
du roi et de ses deux gendres, «t malgré les ''>
prodiges de valeur qu'ils firent, les eaaemis •■■-
gagnérent du terraín, lorsque tout k coup, uq ^:j
eavalier tout couvert d'une armure éelataüte, V.l
en costume vert, rouge et blanc, apparut s"
monté sur un superbe cheval. Z'l
II entre au plus fort de la mélée et renverse
tout sur son passage avec salaaeequ'il Ccnatit ^■-
en arrét.
Son apparitioo rendit le courage á l'armée
du roi, elle se rúa sur l'ennemi avec tant
d'élan que ce dernier se débanda, On en fit un
grand mas sacre.
120 LES FOLK-LORES EN EGYPTE
Au moment oü la bataille était défíniti-
vement gagnée, le cavalier inconnu regut une
blessure au bras et s'arréta. Le roí qui était
curieux de savoir qui pouvait étre ce brave,
descendit de cheval et alia lui-méme panser
sa blessure.
En lui attachant une bande, le roi dérangea
le masque du guerrier et reconnut aussitdt
son jardinier, son troisiéme gendre.
II comprend alors que c*est un prince
déguisé, plus grand seigneur que ceux mariés
á ses fíUes ainées.
Le prince alors lui raconte son histoire.
Le roi en rentrant en vi lie, le loge dans son
propre palais, y fait venir sa troisiéme filie
et la nomme maitresse de tout le pays et son
mari devient levizir du roi.
Le nouveau vizir construisit une écurie
splendide pour son cheval et il vécut heureux
entre son beau-pére, sa femme et son merveil-
leux coursier^
I. Comparer avec la légende de Phédrc ct
d'Hippolyte.
TROISIEME GROUPE
SEMITIQÜES
ÁRABES, JUIF5, BERBÉRES
TROISIEME GROUPE
SEÍM I TIQUES
UN MARIAGE AU PROFIT DU MARI
Tl y ttvait une fois un marchand; il était sí
I beau, que plus d'une cliente étaít attírée
dans sa boutíque par sa beauté.
II était jeune, il avait de grands yeux noirs
«t s'habillait toujours avec luse et propreté;
en un mot, il faiaait Tadmiration de tous ceux
qui le voyaient.
124 L^S rOLK-LORES EN EGYPTE
Un jour, une dame fort belle s'approcha de
sa boutique et sous pretexte de faire des
emplettes entra en conversation avec lui.
Les manieres de la dame et sa conversation
mirent le marchand en bonne humeur, á tel
point que la dame s'aper^ut qu'il devenait
amoureux d'elle.
Elle quitta la boutique et s'en alia.
Le lendemain, elle revint á la méme heure,
accompagnée d'une autre dame, plus jeune,
plus jolie et encoré plus belle qu'elle-méme.
En voyant la nouvelle venue le marchand
n'eut de soins que pour elle.
Lorsqu^il fut bien établi pour les deur
dames que le beau marchand préférait la
' plus ieune d'entre elles, la plus ágée prenant
la parole lui dit :
« Par le Prophéte, hier tu n'avais pas assez
de tes yeux pour me regarder !... Aujourd'hui
c'est ma filie qui captive ton attention!... Par
le Prophéte, ce n'est pas pour t'en faire un
reproche, car si tu désires Tépouser, tu n'as
qu'á la demander et je te la donne en
mariage.
— Certes, dit le marchand, ce n'est pas le
^^5
M
a¿M.TI,,U.S,
GRABES
125
1
désir qui m
en manque, c
ar je jure Die
uque,
méme en ré
telk beauté
ve. ¡e ne croi
... MaÍ3.,.
paa avoirv
u une
'1
-Non!
non I interrompit la m¿re
n'aie
aucun souci
nous n'exigerons de mi r
i dot,
DÍ fraia de
aoce, Nous te prenons tel
que tu
es ; ta beauté et ta jeunesse suffíseat á n
a filie.
Il3 convin
rent alors qu
i! n'y aurail r
i fÉtea
bruyantes,
ni rausique
□i invitationa, ni
promenades
de la mariée
á travers la v
lie, et
qu'on 36 m
arierait tout
Ap 1» 1^; Q^nc r,:-,.
i
: >
les preacriptio
Qu'ils inviteraienl un cheikb pour écrire
le contrat, enregistrer lea déclarations dea
parties, consigner la deposición des témoína,
etc., et que le soir mSme le piua beau garíon
du Caire aurait pour compagoe la plus belle
filie du monde.
Ayant ainsi tout arrangé, la mere se tourna
vers sa filie et luí du :
« Allons, ma filie, rentrODS chez nous pré-
parer tout pour recevoir dignement le mati,
qu'il ftait ta deatínée d'avoir, » et elles s'en
allérent.
120 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
Le soir méme, comme on en était convenu^
les deux jeunes gens étaient maríés et daos
les bras Tun de l'autre.
Le lendemain, aprés avoir pris son bain,
le marchand alia á sea afiEaires comme át
coutume.
A la tombée de la nuit, il rentra dans 8a
nouvelle demeure et monta au harem.
A peine fut-il dans la chambre, il vit le lit
étendu et sous la moustiquaire, sa femme
dans les bras d'un jeune et admirablement
beau gargon.
Sa belle-mére se trouvant derriére lui sur le
pas de la porte, il se tourna vers ell& et lui dit :
(( Qu'est ceci ? Je me refugie en Dieu !
— Priez pouT le Prophéte ! répondit la
belle-mére.
— Que la bénédiction de Dieu soit sur lui
et sur sa famille et tous ses compagnons ! dit
le ieune homme * .
I. Quand dans le has peuple une discussion
s'engage ou qu'elle s'échauffe, la partie quí a
gardé son sang-froid dit la premiére phrase, Tad-
versaire est obligé de repondré par la seconde ; il
s'ensuit un répit, souvent la discussion prend une
je t'ai donné j
ftucune dot, ní
púur que tu ti
93 guise
eindre ii aucune déptaae,
I qu'elle a.BÍsse á
uDis-moi encoré, penses- tu que ma filie Et
moi no\i5 pourrions subvenir a nos beaoins
et aux tiena si elle n'Était pas libre de choisir
lea moyens f... Ah 1 vraiment tu es bien
exigeant ! u
Le íeune homme, pleia d'indignation, oa
BÍgoe de ddgoíl: c racha i terre et dit :
« Que Díeu me fasse miséricords ! Js ene
mete sous la garde de Dieu !...
— Par le Prophéte, calme-to¡, raon Cls,
repric la belle-mere, et si ce genre de víe na
peut te convenir, riea n'est plus facile pour
tai que de répudier ma ñlíe et de nouB
Le jeune homme exasperé s'écri a en s'adres-
sant i sa femme :
« Par Dieu et par ie Prophite, je divorce !... •
:ude
128 LES^ FOLK-LORES EN ÉGYPTE
Des qu*il eut formulé le divorce, avant
qu'il ne sortit de la chambre, sa femme se
leva et sortit de dessous la moustiquaire. Elle
était tout habillée. Elle courut se couvrir le
visage ^
Aussitót aprés, le jeune homme qui était
couché auprés d'elle se leva. Le marchand fut
bien surpris de voir que ce jeune homme
était aussi une femme et qu'elle était égale-
ment tout habillée. Gelle-ci en se levant
avait dénoué ses cheveux qui lui tombérent
jusqu'aux chevilles ; elle les avait arrangés
comme la coifFure d'un homme pour le
ti;omper plus aisément.
Comme il restait lá, cloué par la surpríse
et émerveillé de la beauté des deux jeunes
femmes, la belle-mére, qui avait introduit les
deux témoins du mariage et le cheikh, prit la
parole et dit :
« Témoignez, mes f reres que cet homme a
repudié sa femme I AUons, mon íils, tu n*as
I. Une fois divorcée, la femme ne doit plus se
montrer le vísage á découvert á celui qui fut son
mari, puísqu'elle luí devient étrangére.
aÍMiriQUES, ARABEa 1^9
plus que faire id, va-t-en cheztoí et k l'aveair
garde-toi de juger sur les apparences ]...
Celle-c¡, comma la ferome que tu viens de
r¿pudier est ma íille, c'esC sa sceur cadette.
Ma filie alnée va S prásent pouvoir se rema-
rier avec son premier mari, qui dsns un
moment de oolire l'avait répudiée par trois
foia. Tu coEOprends le pourquoi ?... \'a-t-en
done et que Dieu te conduise ! •
Le marchand s'en fut coucher tout seut
dans sa maisoa de garlón ' .
I. La femme en divorcée des que le mari dit :
Tu es dinorcét ; c'esl le dívorce appelé divarce paa-
pant itn reioíirné ou reprU. II peul encoré divorccr
une seconde Tois de la mime fa; on et reprendre
sa femnie. Cependacit, il ne peut la reprendre que
trois mois aprés chaqué divorce, au plus tñl.
S'il désire done la reprendre, toule la cérá'
moflía consiste k luí diré quelques mots consacrós
doni te sens est : • Je reprenda ma femme. » el
ell« se trouva remirláe.
Mais a^il divorce une troisiérae fois, le divorce
OSE dáñnitir. Si cependaní i> désire aprés ce iroi-
siéne divorce la reprendre, 11 faul qu'elle con-
soinin« uH vórilable mariage avec un tiers et que
ce liers la repudie; dans ce cas seulement le
remarlage avec le premier loari est legal.
Sí un mari, la premiére Tais qu'íl divorce, dil :
Tttes diuorcée par troiifois, alors la femme est con-
130 LES FOLK- LORES EN EGYPTE
sidérée comme si elle était réellement divorcée
par trois fois.
La Ibi qui régit le mariageet le dívorce est tres
compliquée et nous n'avons pas la prétentíon de
donner ici tous les cas; nous nous spmmes con-
tenté de donner les principaux points qui
expliquent le conté que nous avons rapporté.
J'ajouterai á ees cas un cas oü le mariage aprés
le divorce devient une impossibilité canonique;
c'est lorsque Thomme dit á la femme : « Tu es
comme ma mere, ma soeur ou ma filie» » etc., en
un mot sMl luí dit qu*elte est comme si elle luí
était apparentée á un degré tel que le droit canon
ne pourrait Tautoriser á contracter un mariage
legal avec elle.
Le divorce, méme dans le bas peuple oü il est
un fait presque coutumier, est consideré comme
une action honteuse, surtout le diporce par trois
fois; un des serments les plus solennels est le
serment que Ton fait en invoquant comme preuve
de bonne foi ou á Tappui de la véracité de ce que
l*on avance le divorce par trois fois» car si on man-
quait á sa parole ou si on avait menti, on se
trouverait ipso facto diporcé par trois fois. Ce qui
est une honte. Bien plus, méme dans la basse
classe, c'est une injure grave que de provoquer
ees sortes de serments.
Dans les moyennes et «les hautes classes, en
Egypte,'le divorce, et surtout le divorce par trois
fois, est une chose rare et tres réprouvée par
Topiníon publique.
LA PATIENCE
UN horamc avaic un fils beau, bien fait et
fort studieux. qui altaít au Medressa
(école) et apprenait tout ce qu'on lui enaei-
gnait. Ce garíon voulait toujours apprendre
davantage.
Quand il arriva k Tfige viril, son pére lui
choisit une femme el le maria.
A peine les noces eurent-elles pria fin que
le jeune homme düt porter le deuil de son
pire.
Aprés les funcrailles et les quarante jours
de deuil, il reprit ses études.
Un de ses camarades, qui venait d'un pays
fort éloigné, lui dit qu'il eiistait daña le
pays d'oi il venait un savant le plus con-
sommé et le Saint le plus parfait, en un mot,
le modele dea vertus dee temps prdsents.
Notre jeune homme coa^ut aussitAC le
132 LES FOLK-LQRBa BN ÉGYPTE
projet d'aller suivre les cours de ce saint
homme si renommé.
II rentre chez lui, prend ses sandales et sa
besace, son báton et quelques effets et part
pour ce lointain pays, á Teffet d'étudier sous
la direction du saint mattre.
11 marche consécutivement pendant qua-
r^nte jours et quarante nuits et arrive enfín
4ans le pays si ardemment désiré.
II se présente au maitre.
a Que • veux-tu, lui dit celui-ei, qui était
un simple forgeron.
-*- Apprendre la science », lui dit le jeune
éléve.
Le forgeron lui met entre les mains la
ohaine du soufflet et lui dit de tirer. L'éléve
obéit, tire et reláche les cordons du soufflet
pour activer le feu de la forge oü travaillait
le maitre.
Un iour, deux jours, une semaine et puis
un mois; une année et encoore d'autres se
passent sans que personne lui parle dans la
forge.
U volt des hommes venir, diré un mot au
maitre, en recevoir une réponse et repartir.
D'autres comme lui sonL assignés á un ser
víee spécial et coDtinuent k faite ce servic
(¡órame lui le sien sans désemparer, sans dir
un moc, sane proférer une plainte ni un mUt
ns se passent ! Un jour, á
e jeune homme se hasarda
bout de patie
i diré r
« Maitre I
— La science...
— Tire la ficelle n, lui répond le maitre, qui
continué á e'occuper de sa forge.
Le seul plaisir du ;eune éléve était lorsque,
harassí de fatigue du travail de Is joumée,
au coucher du soleil, il mangeait ss faible
pitance et qu'il éCudiait dans sea livres ou les
livres de ses camarades ou de son msltre.
L« GÜence ¿tant de r¿gle soit á l'atelier, soic
A la maison, personne ne lui parlait et il ne
parlait á personne. Tout au plus, b'íI avaic
besoin d'étre ¿clairé sur un point ou un cas
de grammaire, d'eKdgíse, de commentaire ou
de droit, en un mot, sur un point de la
Bcience qu'il ne comprenait pas, alors ¡1 lui
134 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
était permis d'écrire sa demande et de la pré-
senter au maitre, le matia en entrant á la forge.
Le maitre jetait Técrit au feu ou bien le
mettait dans les plis de son turban.
Lorsqu'il jetait Técrit au feu, c'est que la
demande ne valait pas une réponse ; lorsque au
contraire le papier était place dans le turban,
le soir, en rentrant, le jeune homme trouvait
la réponse du maitre écrite en lettres d*or sur
son chevet.
D'ailleurs, le maitre agissait ainsi avec tous
ses eleves; sans jamáis lire aucun de ees
écrits, il les brülait ou les gardait dans son
turban.
11 y avait exactement vingt ans que notre
héros était á la forge, quand un jour le
Maitre lui dit : (( Tu peux retourner dans ton
pays, maintenant, mon cher garlón; la science
que tu cherches tu Tas dans le mot (( Ratience ».
Le jeune homme baisa la maindu maitre et
retourna dans sa ville natale.
Pendant tout le trajet qui dura encoré
quarante jours, il réfléchit sur le mot
patíence.
Quand il arriva, il s'étonna de reconnaitre
n
SÉMÍTIQUES, ÁRABES 115
j
si peu de monde, lui qui avant de partir en
conaaÍ3sait tant.
1
11 arrive, enfin, devant aa mniaon et se
,3
1
réjouit di]k du bonheur que sa femme aura k
le revoir.
'■''
Avant de frapper á la porte, ¡1 regarde par
¡S
o horreur ! Que voít-il ? Qut
Sa femme asaise aur un tapis, appuyée sur
des cousains et, prés d'elle, un jeune homme
de viugt ana, toua deux riant, cauaant et se
donnant du bon lemps.
Le voyageur prend dans son carquois une
Héche, bande aon are et s'appréte i iranapercer
le jeune homme et sa femme du mema coup ,
lorsque le mot palieitce lui revient a l'esprit,
It frappe á la porte; on lui ouvre;c'est le
raéme jeune homme qu'il a vu par la lucarQe.
II entre, sa femme l'aperíoit, se precipite vara
luiencriant: a O Ahmed, ó moa fila, voici
Le mari ae jettc le viaage conlre Ierre en ae
tournant du cdtó de la kibla ' et a'éerie : U O
I. La direction de la Mosquee de la Mekke.
Í-LORES EN ÍÍGVPTE
grand Dieu, \'&í mievingt ans p
la patience et ¡'ai failü tuer moa fila 1 Que U
«t notre faiblesse incomiaensurable * I
1. Les sept anníes de n
peotianí ce noviciat éialeí
mime de Straboa aux Inc
l'abBtinence de la chair de
VoyezaussidanslaBibI
de Jacob, eic, ele.
iir da lemps
le le célibat,
VA^ %^á Vm^ ^^d %^á ^M^ ^Ad ^^^ ^^^
■• 'V^^^ ^^^V ^^>^ V¡^^ V^^?' ^^V?* ^^VV V^VO '>^V^ í
NE CONCLUEZ JAMÁIS !
IL y avait dans le plus grand MedreBsa de
Bagdad un cheikh des plus savants ; ses
cOurft' ótaient suivis par des centaines de
ieunes éiéves, tous plus ixxtelligents lea ufis
que lea autres.
Parmi aea eleves^ le maitre en avait cepeop-
dant distingue trois, qui luí paraÍBtaient étre
lea plus intelligents.
Un jour, il les réunit tous Ita troia che2 lui
et leur dit : « Je vais vous enVoyer tous troia
au Caire. L«s h^érétiques sont maitres de ce
paya, jt veux que vous Tétudiiez k fond et
que vous m^en rcndiez compte. »
Le premier part de suite avec Ordre de ne
reater au Caire que trois mois.
Le second re^oit Tordre de partir lorsquele
:>
.i
I»
•«•
'I*
' ••
:)
.j
138 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
professeur juge, d'apres son calcul, que le
premier a déjá quitté le Caire.
Enfin, le troísiéme arrive au Caire, lorsque
le second lui-méme avait quitté la ville aprés
un sé)our de trois mois comme le premier. Ce
troisiéme et demier rentre enfín á Bagdad,
aprés le méme laps de temps.
Quand les trois eleves eurent remis au pro-
fesseur leurs rapports respcctifs, il les réunit
et on commen^a k lire le rapport du pre-
mier.
II y mentionnait d'abord les beautés des
monuments et des jardins de la ville,
Tagrément des environs et des campagaes ;
puis il faisait une description tr¿s vive des
lieux de plaisir, des bains, des bazars, des
lieux de reunión oü des chanteurs et des
danseurs des deux sexes amusaient le public
nombreux qui fréquentait ees établissements.
II parlait de la magnifícence des fétes
publiques, telles que le départ de la caravane
pour La Mecque, la coupure des dignes du
Kalig, qui alimentait le canal qui unissait
alors les deux mera. II décrivait les jeux
publics et les jeux athlétiques, les courses de
f
SÉJI
Tiyu
1J9
J
chevaux e
Obéjdite.
EnBn, t
utes a
esob
de
'armíe du khalyfo
ions porlaient sur
les plaisirs que les habitants du Caire se
donuenl toute leur \¡c durant. A entendre
son rapport. on aurait cru que touie la popu-
lation du Caire n'i-tait ojeupé^ d'un baut de
l'an íi l'autrc qu'á s'amuser, et il conoluail en
disant Que ce peuple était Icger ct immoral,
et que le prince régnant profitait de ees dispo-
sitioQS d'esprit poui' le gouverncr sclon son
bon plaisir, sans lois et sana morale, en véri-
tabte .hérÉtiqui; qu'il étaic.
Le second rappoi-t ne montraii auasí qu'un
des cótés de la vic de ce peuplc.
II énumérait les moí^quées et les IÍeux de
pr¡¿re. montrait que ce? mosquees, tres nom-
breuses, élaient rcmplies d'une foule fcrvente,
tres aHacbée á sa religión et & la doctrine de
ses princes.
Les vendredis, disail-il, a la pritre de midi,
les rúes se vidalent et l'immense quantité de
ñdeles accoui'us nc trouvait pas á se loger
dans les mosquíes, quoique on en compt&t
plus de trois cents.
140 LES FOLK- LORES EN ÉGYPTE
Partout oa s'iaYÍtait á aller etiteadre dans
la soirée la lecture des Saints Livres, partóut
et tous les jours on avait des réunions oü,
aprés avoir priéDieueii commun, on diteutait
sur les Livres sacres.
Enfín, sa conclusión était qu^l trouvatt
vraiment dommage de voir tant de ferveur
chez un peuple hérétique, gouverné si pieu-
sement et selon la parole divine par un princc
si pieux, mais, helas I si aveuglé par Tesprlt
du mal.
Le troisiéme rapport roulait sur Íes sóiences
et les arts. Son auteur était émerveillé des
choses nouveiles et des découvertes recentes
en astronomie, en physique^ en chimie et ea
médecine. II parlait avec admiration des obser-
vatoires, des hopitaux et des jardins bota*-
ñiques.
li parlait des fabriques d'étoffes, de verre,
de cuivre, de fer, etc., c'est-á-dire de l'tndus^
trie en general.
Son admiration n^avait plus de bornes
iorsqu^il parlait des mathématiques et particu^-
li^ement de la mécanique, des constructions
grandioses et elegantes qut s'y élevaient,
enfin des ponts et des digues faits avec tant
d« goút et de jugement déücat. II expliquait,
in-e«enso, le systéme merveilleuxd'irrigation
adapté dans ce pays et sa péroraison, aprés
un tel exorde, faisait ressortirqu'il n'était paa
étonnant que ees hérétiqueíi fussent plus riches
et plus puissants que lea khalyfes et les ortho-
doxes de Bagdad, puisqu'JIs savaient cultiver
les Sciences et les erts qui, seuls, développent
t'industrie et le commerce, sourcea de la
richesae, de la vie et de la forcé des nations.
Quand la lecture des trois rapports fut
achevée, le professeur prit la parole et leur
dit ; ■ Avec ees Irois rapports, noua avons un
ensemble qui nous donne une tris ¡usté idee
de l'état actueldeladorissantevilledu Caire,
cororoe aussi des nombreuses causes de ea
grandeur et de la juste et belle réputation
qu'elle a su s'acquérir depuis quelque temps.
■ Voici done ma derniére lefocí pour voub
tous, mes chers éltvea, comprenez-la bien et
» Observei. notez, écrivi
jamáis I
o Allez en paix! •
*> • *
QUATRIEME GROUPE
AFRICAINS-NÉGRES
SOUDAN ORIENTAL
r
aUATRIÉME GROUPE
^F-lilCaiI?^S-XÉG-1i.ES
XI
UN BRAVE
DBPUis quelque temps na morfa'ínc', ia¡-
saic dcgraada ravages daña unvillage.
La ghoule enlevaic t
elle tuait les hommes i
gea.it les enfants.
Un brave résolut d'ei
C'était le plu3 bel hoi
plus valeureux de la contrae.
, Icj femmes et man-
débarrasser le paye,
le plus fort et le
n éire malfaisanl.
146 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
II dit á ses amis : (( Je veux attaquer le
terrible cannibale dans sa retraite. J'y entrc-
rai la tete la premiére. Vous me* pousserez
.par les pieds, tant queje remueraiVous conti-
nuerez, des que je cesserai de remuer vous me
laisserez et attendrez. i¡>
Ainsi dit, ainsi fait.
Les amis attendirent en cercle autour de
Touverture de la retraite de la ghoule, un
jour, deux jours, trois jours.
Ne voyant leur ami, ni reparaitre ni remuer,
ils allérent trouver sa mere.
Elle leur dit : « Peut-étre que la ghoule a
pris sa place ; entrez dans la cáveme et sortez
le corps que vous y trouverez.
— Comment le reconnaitrons-nous ?
— Mon fils, dit la mere, avait le cou long^
commele manche d'une pelle, les yeux comme
un plat de cuivre et les dents comme le fer de
la pelle. »
Les hommes retournérent á Téntrée de la
caverne et en sortirent le corps qui était sans
tete.
Aprés avoir cherché la tete pour reconnaitre
rindividu, on la trouva au fond de la caverne
AFRICAIN S-NEGRES
147
et on porta le tout á la pauvre mere qui dit
avec chagrín : « C^est bien mon fíls, je le
reconnais, sa valeur luí a coúté la vie; j'ai eu
le malheur de perdre mon fíls qui était si
beau, si fort; mais cela ne fait ríen; il vous a
montré qu'il était vaillant; il vous a débar-
rassé de la terrible ghoule; que Dieu lui
donne le repos .éternel I »
XII
FRÉRE ETSCEUR
IJfemra
t deux enfants,
e Slle.
1 garíon el
En mourant, Íl recommaada á sa femme
son ñh qui était le cadet et lui dit : a Surtout
ne )e contredisez jamáis et laissez-lui faire sea
quatre volontéa. •
Au bout de quelque temps la mire vint h
mourir, elle dit ¿ sa filie qui était l'alníe :
« Votre pire en mourant m'a fait jurer de ne
)amaÍB contraríer lea volontéa de notre fila;
¡ure-moi de suivre cette recommandation. »
La ¡eune filie jura et la mire mourut
heureuae.
Un jour, quand le jeune garlón était déjá
grand, il dit k aa soeur : « Ma sosur, je veux
brüler tout ce qui nons appartient : maison,
150 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
I — - -- mi ■ I ~lr T^ ■ ^1
vaches, chévres et tout enfin, notre zariba* et
notre avoir.
— Mais, dit la soeur, que ferons-nous
ensuite >
— C'est ainsi », dit le garlón, et aprés avoir
tout entassé, il y mit le feu.
La soeur avait confié ¿l quelques voisins
différents objeta pour les sauver du feu. Le
frére s'ea aper^ut et trouva les maisoñs oú
ees objets étaient déposés, en suivant sur le
sable les traces des pieds de sa soeur, qui
allaient de chez eux aux maisons voisines.
Quand il fut arrivé á ees maisons, il y mit
le feu.
Les propriétaires sortirent en colére et
voulurent tuer le frére et la soeur.
Celle-ci dit alors : « Vois-tu, mon frére, ce
que tu as fait ? Sauvons-noua tout de suite. »
lis prirent la fuite et coururent pendant
tout un iour et toute une nuit.
lis arrivérent enfin á une grande zariba oü
ils s'oflFrirent tous deux comme ouvriers; sur
leur bonne mine ils furent engagés.
I. Enclos.
AFRIGAINS-NÉGRES 151
Quelques jours aprés tous les habitants de
la zariba allérent aux champs. Le chef laissa
le jeune homme á la maison pour prendre soin
des enfants, au nombre de trois.
Des que le jeune homme resta seul, il dit
aux enfants ? (( Allons sur l'aire et jouons au
battage des grains. »
Le jeune homme se fit grain et les enfants
le battirent, puis le tour des enfants vint de
faire le grain.
Le jeune homme les battit si bien qu'il en
fit une pátée.
La soeur ayant pensé que son frére pouvait
faire quelque mechante action, prit les devants
et en entrant á la zariba vit qu^il avait tué les
trois enfants confíes á ses soins.
« Sauvons-nous, frére, di t-elle; tu as fait
lá une belle action, ma foi ! Nous étions si
bien dans cette zariba I... Ah ! sauvons-nous 1
sauvons-nous ! »
íls partí rent.
Le maitre et ses serviteurs rentrérent et
ti'ouvérent les trois enfants inánimes.
« Courons sus ¿l ees méchants á qui nous
avons donné Thospitalité et qui nous ont tué
nos enfants. »
152 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
Tous s^arment et suivent exactement les
sentiers qu'avaient pris le frére et la soeur
dans leur fui te.
A la nuit tombante, ilsarrivent aupiedd^un
arbre gigantesque sous Tabri duquel ils se
couchent en attendant le jour.
A Taube, le jeune homme dit á sa soeur :
«Vois, sous Tarbre, ce grandqui dort, c'est le
chef, je vais luí envoyer mes excréments sur
le visage.
— Ah ! dit la soeur, ne fais pas cela, ils ne
savent pas que nous sommes ici et ne le
sauront jamáis ; ils s'en iront et nous serons
sauvés,
— Non )), dit le frére, et il jette ses excré-
ments sur le visage du chef.
Celui-ci se réveille en sursaut, aper^oit sur
Tarbre le frére et la soeur, réveille ses gen&
et, comme l'arbre était tres grand et tres
touffu et que les ñéches ne seraient jamáis
parvenúes á les tuer, il ordonna d'abattre
Tarbre.
« Nous voilá bien, dit la soeur.
— Nous nous sauverons, reprit le frére •
— Comment ? » dit tristement la soeur.
Ene
au-desBUs de Vi
sation du fr¿re
se precipita sl
daña une de se:
aira I
L'arbre a'abat
gena n'y étaient
L'oi
ians l'espace.
« Ma scEur,
bre, il entendit la conveí^
: de la Bceur, ea eul pitié,
ur l'arbre , les prit chacua
i& serres fct remonta daña les
[tit avec fracas, mais noa jeuDes
t plus.
t déjá fait monier le frere ct
1 dos et continuait á s'élever
iit le gargon, je veux chatouii-
Due la queue.
frtre, nous serons jetes á terre
— Non ! », dii le íirére, eC il fit commc il
L'oiseau chatouillé fit un eoubresaut et nos
dcui jeunes gena furent lances dans Tea-
pace.
lis tombérent dans une plaine, sur le sable,
et ne se fírent pas de mal ; mais ils oe voyaient
rien, ítant dans le paye des téníbres.
Le frére ramassa á tátons des pierres et en
fit un tas, puis il en frotta deux Tune contre
-Ahí
154
UBS POLK'LORES EN ¿6TPTE
l^autre si víolemmeat qu^elles s^allumérent * ;
avec ce feu, ü alluma les autres pierres;
lorsque tout le tas fut ea fea, ils virent dair.
Tout á coup. ils enteadirent un grand
mugissement. c^était une béte enorme, une
ghoule gigantesque, qui s^avan^ait vers euz
en criant : a Qui ose faire de la lumiére dans
un pays que f ai voué á robscuríté étemelle ^ »
La soeur avait bien peur.
a O mon frére, dit-elle, voici notre demiére
heure arrivée. »
Le frére courut vers le tas de braise, prit
les pierres une á une et tout enflammées
qu'eíles étaient il les jeta dans la gueule de la
ghoule.
Lorsque la derniére pierre enflammée fut
lancee, la terrible ghoule éclata et le soleil
¿cía ira de nouveau ce pays des ténébres.
I. Ce serait curieux que dans le pays d'orígine
(Afrique céntrale, Haut-Nil) de ce conté on connut
le charbon de terre ? (charbon de pierre).
Cela ne serait pas impossible deputs que
SchweinfDhrt a tro uve le Lepidodendron mosaicum
au Sínal,et constaté le devonian au Wady-Araba.
Voir Bulletin de rinstitut Egyptien de 1885 et
de 1887.
1
AFRICAIXS-NÉGREa I55
Cette ghoule élait
tourné aon derriÉre v
93 luraüre d'éclairer c
Le roi de ce pays
par enchantemenl. le
pagne pour trouver le
miracle.
ne sorciére qui, ayant
rs le Boleil, erapéchait
ette ierre,
voyant reluire, comme
soleil, se lait en cam- 1
coiirageuxauceurdeee
11 trouya la béle ei
cóté une sandale de fe
« Cherchez, dit-il,
a fait ce prodige. »
Le frére
luivi de s(
e réfugiirent dar
implora le pnrdon di
sandale appartenait
relever et la rassi
a tué cette béte f —
eat-i!f - Volis ne
Non.»
Aprés ce dialogue la jeune
la grotte el ramena son frért
Le roi lui dit :
ue, se jeta k terre et
roi qui eompric que la
i cette filie. !1 la fit
rant. lui dit : B Qui
C'est mon frtre. — Oü
lui ferez pas de mal ? —
filie r
156
LES FOLK-LORES EN EGYPTE
(( Tu es plus digne que moi d*occuper mon
tr6ne; viens, je te le donne, je te fais roi. 9
Le jeune homme s^excusa et lui dit : (( Sire,
si tu le permets, je serai ton vizir, mais k la
condition que ma soeur ne me quitte jamáis.
— Ainsi soit fait I )) dit le roi.
Et íls vécurent de longues années et
toujours heureux !
r
U:
XIII
FONl ET FOTIA
E veuve avait une tréa jolie filie qui
'appelait Foni.
Lorsqu'elle ful prÉs de mourír, elle fit venir
BOn ami Gada et, devaot luí, elle dic á aa filie
Foni : (t Ma filie, le vieust sorcier t'a demandée
en mariage, i'ai refusc. Ne te marie jamáis
avec Igi, quoi qu'il arrive. Mais, pour oc pas
exciter Ba saüire, rcfuee de te maricr avcc qui
que ce soit, sanscela ¡1 t'arriverait malheur.»
Elle mourut.
Foni avait plusieurs vaches et quelques
chévres.
Elle leB [aÍ3BÍt paítre sur la montagne de
Ladoune, au pays de 6ari.
Ces bcBtiaux étaieat gros et gras, lea
femelles étaient toutes pleines.
Le sorcier vint un jour luí demander aa
main; elle refusa.
158 LES FOLK-LORBS EN ÉGYPTE
'•■ . A
-Jt
Toutes ses bétes mirent baa des petits mort-
nés.
Elle pleura et alia conter sa mésaventure á
Gada.
(( Que faire ! ne dis rien, fit celui-ci, peut-
étre le sorcier sera-t-il satisíait avec cette
vengeance. ))
Quelques jours aprés, le soreier la rede-
manda en mariage.
((Non ! »dit la filie; et aussitdt uae de 8es
vaches mourut.
Foni se mit á pleurer.
Pendant qu'elle pléurait, Fotia, un beau et
brave garlón, passait par lá.
(( Foni, dit-il, épouse-moi et je te défendrai
contre ce méchant sorcier. ))
Foni consentit.
Le sorcier qui les avait entendus, les
changea de suite, Fotia en lion et Foni en
ourse.
Tous deux allérent sur la montagne.
Le lion alia chasser, il prit une antílope et
Tapporta á Tourse.
Foni lui dit : (( O mon ami, moi je ne peux
manger que du miel ou des fruits. »
159
Le lion Folia mangea l'antilope tout seul et
repartit á la chasse.
II apporta une charogne.
Foni recula d'horreur.
n O Fotia, ne m'apporte plus de choses
pareilles, je ne mange que des fruits et du
Fotia mangea encoré seul la chair pourrie.
Un jour le lion apporta un enfaol vivanl,
n O Foni, voici de la chair fraiche et bonne,
tu ne peux refuser cela, mange avec moi.
— O Fotia, donne-moi cet enfant, ne le mange
pas el va ehercher aulre chose pour loi ; quant
k laoi ne l'ca occupe pas, je vivrai comme je
Tentendrai, de fruits et de miel, u
Fotia, le lion, eut de la peine á ae séparer
de 3a proie; mais enSn, pour ne pas mécoa-
tenter Foni, Toarse, il lui donna Teafant.
L'ourse aortit et rappona du miel; un jour
m¿me, elle attrapa une chívre et, de son lait,
elle nourrit l'enfant.
Le roi du paya voisia avait une aceur qu'il
aimait beauconp.
Chaqué fois que le roi avait un fila, sa
8<eur le faieait étrangler ou tuer pour que le
- .»
l60 LES FOLK'LORES EN ÉGYPTE
roí en aimant son fíls ne füt enclin á aimer la
mere de ce fíls plus qu'elle, sa sceur.
Un jour le roí eut un fíls d'une grande
beauté, il Taima des sa naissance. La soeur
du roi ne put arriver par ses artífices á tuer
le nouveau-né.
Mais des qu'il grandit elle Tenvoya pro-
mener dans la forét avec un de ses favoris qui
le perdit.
X^^était ce jeune prince que le lion Fotia
avait rapporté á Tourse Foni.
Cependant le roi avait commandé une
battue pour retrouver ce fíls chéri.
Les archers arrivérent á la grotte oü demeu-
raient Foni et Fotia.
L'ourse tenant dans ses mains Tenfant, le
déposa aux pieds du roi.
Le roi ordonna de ne pas tuer Toarse ;
mais il la fít conduire dans sa zariba\
L^ourse alia chercher le lion au fond de la
grotte et tous deux furent amenes par le
roi.
Arrivés lá, un vieux reconnut que le lion et
I. Ferme soudanaise.
AFRICAINS-NÉGRES l6l
IWrse étaient un homme et une femme
changés en bétes.
(( O roí, dit-il, c^est le sorcier de la montagne
de Ladoune, du pays de Barí, qui a fait cette
vilaine action. Fais venir ton sorcier qui est
beaucoup plus puissant et il rendra á ees
jeunes gens leur forme primitive. »
Le roí obéit.
Lorsque le sorcier arriva, il enferma le lion
et Tourse dans une grotte et envoya une
armée contre le sorcier de Ladoune.
(( Ne tirez aucune fleche, ni n'essayez de le
tuer avec la lance, dit le sorcier, il est invul-
nerable; mais des que vous le rejoindrez,
faites autour de lui un cercle de feu, il ne
pourra en sortir et se tuera lui-méme. ))
Les hommes partirent.
(( O sire ! dit le sorcier en s^adressant au
roi, ce lion et cette ourse seront renfermés
dans cette grotte pendant quarante jours.
» Si le méchant sorcier est tué avant, ils
reprendront leur forme humaine au moment
méme de sa mort, sinon ils ne redeviendront
hommes que le quarantiéme jour et le sorcier
mourra au méme moment. »
IX
Le roi le remercia.
Le sorcier s'assit i. la porte dé la grotte et
observa le feu qu'il avait allumé. Lorsque la
Qamme mOntait, il Tabaiasait en jetant dessus
de I 'eau, lorsque laflamme baissait JH'attisait
en soufflant dessus.
Le vingt-uníim'e }our, la flamme s'étdgnit.
Foni et Fotia reprirent leur forme primitive,
le roí comprit alora que le magicien, le
méchant gboule ¿tait mort, il mária Poni i
Fotia et tout ne fut quebonheur et prospérití.
11
CINQUIEME GROUPE
ÉGYPTIENS-AUTOCHTONES
ONOyiEME GROUPE
EGY'PTIE?^S'z.A U-TOCHTOü^ES
XIV
MALICE DES FENIMES""
ki
Hassan et Husaeyn ai
les soirs, depuis quetque temps, dans
un café du Caire.
Hassan charmait son jeune et nouvet ami
des récits de ses bonnes fortunes.
Husseyn Técoutait sans Tinterrompre.
Hassan racontait saos se fatiguer. Toutes
ses anecdotes tendaient k prouver ¿ son ami
l66 L8S FOLK-LORB» BM BAYVTE
r
qu'il connaissait á foní íes fenraieá et qn^l
savait déjouer leurs malices.
Husseyn était émerveillé de la science de
son ami et était p&rsuadé qne pss une femme
au monde ne serait capable de tromper un
homme qui les connaissait si bien.
Hassan flattéde Topinionque son ami avait
de lui Tengagea á essayer et á se convaincre
par lui~méme de la perversité et de Tastuce
des femmes : (( Car, dit~il, selon Tadage popu-
laire, demandez á celui qui a essayé et non
aux médecins » voulant diré que la pratique
enseigne mieuz que la théorie.
(( C^est bien, lui répondit Husseyn, c*est
bien, mon frére, mais tu sais que je suis
timide. Dis-moi, mon frére, comment ferait-
je pour entrer d^abord en relation avee uAe
femme ?
— Rien de plus simple, lui répondit Hassan,
tu vas te promener dans un inewloud ^ ou aux
environs d*un lieu de dévotion oü íes femmes
abondent généralement.
I. Foire qui se tteni en Thonneur d'un saint en
general, le joar anniversaire de sa naissaace.
ÉGYPTIENS-AUTQCHTONES 167
(( Tu avises une femme accompagnée d^ua
jeune enfant; si tu juges qu'elle est jolie et
jeune, le moyen d'entrer en relation avec elle
est fort simple.
(( Tu achétes des dattes et des oranges, tu les
montres h. Tenfant qui pleure et en demande,
tu les lui ofiEres, et tu t^amuses avec lui sans
t'occuper de sa mere. Des que celle-ci appel-
lera son enfant, tu le choieras, Tembrasseras
et le conduiras vers la mere; tu t'ofFriras
^éme á le porter; si elle y consent, chemin
fai^ant tu lui parleras; si elle te répond, le
reste viendra tout seul. »
Husseyn se répéta cette le^on toute la nuit.
"Le matin de bonne heure, il alia au mewloud
oü il répéta en action sa le^on.
Le résultat fut qu'il accompagna chez elle
une femme.
Ne sachan t pás que Hassan füt marié, ni
oü il demeurait, Husseyn ne se douta pas un
instant que la femme dont il portait Tenfant
1 68
LES FOLK-LORES EN EGYPTE
sur les épaules füt la propre femme de
Hassan I
Quant á la femme de Hassan, elle prenait
d'autant plus de plaisir á cultiver la connais-
sanee de Husseyn que son mari Tavait assuré
qu'il était impossible qu'elle le trompát. 1}
était, disait-il^ si au courant des malices des
femmes, qu'il saurait aisément découvrir ses
fautes, méme si elle n'avait fait que parler k
un homme sans sa permission.
Elle avait cru pendant longtemps a cette
puissance de divination chez son mari, mais
á forcé de se Tentendre répéter, Tenvie luí
était venue de le mettre á Tépreuve !
Aprés cette premiére rencontre, son mari
ne lui ayant fait aucune observation á ce sujet,.
elle s'enhardit, chercha Husseyn, et bientót
Hassan ne vit plus Husseyn venir au café
aussi réguliérement que par le passé.
(( Le coquin a dú profíter de mes le9ons ! »
pensa-t-il.
i
EGYPTIENS-AUTOCHTONES
169
II
Le vendredi suivant, il rencontra Husseyn
á la priére de midi. En le saluant, Husseyn
cTut reconnaitre sur son ami ses propres
vétements. Ce kaftane vert et jaune, et ce
gubbé couleur de café de Yemen, tout cela
était bien á lui-méme I... Cependant Hassan
pouvait bien avoir les mémes étoflFes, le tisse-
rand n'avait sans doute pas travaillé pour lui
tout seul !...
Préoccupé de cette idee au sortir de la
mosquee, il s^approcha de Husseyn et le fít
causer I...
Le doute n'était pas possible!.. Use promit
de manoeuvrer de fagon á prouver á sa femme
qu^elle n'était pas de forcé á lutter avec lui et
á son ami que tout ce qu'il lui avait dit de son
savoir n'était pas des inventions !
11 demanda done d'un air indifférent á
Husseyn s'il comptait retourner chez sa pre-
miére conquéte.
«Je n'aurai garded'ymanquer, lui répondit
170 LES FOLK-LORES EN ¿GYPTE
Husseyn. Ah ! mon frére, elle est si joÜe, si
grande, si grasse, si blanche I Ah ! mon frére,
quelle cuisine succulente elle fait I on dirait
que c^est du muse, et elle embaume le jasmin. »
Ce soir4á, Hassan voyant que son ami ne
venait pas au café á. Theure acooutumée,
rentra de bonne heure chez lui. II trouva sa
üe^mme occupée á faire les lits, aidée de sa
négresse qui paraissait tomber de fatigue et
de aommeil.
« Es-tu done malade, lui demanda sa femme,
que tu rentres de si bonne heure >
— Non, répondit Hassan, c'est que j'ai
envié de dormir. »
Ayant tout bien examiné dans la maison
et ne voyant ríen d'anormal, il se réjouit,
croyant étre arrivé á temps I... Les lits étant
prepares, il se coucha.
La negrease ayant finí son service sortit.
Mais au moment de sortir, elle renversa le
fanal; la chandelle qui y brülait a'étei-
gnit.
a Peste soit de la maladroite, is> s^écria sa
maítresse, tout en se levant pour rallumer le
fanal.
¿OYPTIBNS-AUTOGHTONBS I7I
Tout ce bruit avait réveilló I'enfant qui
dormait dans un coin du diván. Ellle le prit,
le ber^a un moment et le remit á son mari
pour le calmer.
Elle se dirigea ensuite h tátons vers le fanal
qui était á cote de la porte, ouvrit Tarmoire en
placard, y prit une boite d^allumettes, alluma
la bougie et alia se recoucher.
A peine était-elle recouchée, que Hassan
entendit distinctement la porte de la rué se
refcrmer.
« Quelqu'un vient de sortir, » dit-il en se
levant.
Sa femme se mit á rire á haute voix.
(( Qui vient de sortir > dit Hassan presque
en colére..
— Mais personne, je pense, répondit sa
femme. Notre porte n'a pas bougé, puis
comme effrayée : Au nom de Dieu, fais atten-
tion, tu vas écraser l'eníant !...
— Mais si vraiment, reprit le mari, cette
maudite porte a bougé.
— Mais non, répondit la femme, tu crois
cela, c^est peut-étre aussi la porte du voisin
qui s'est refermée. )) Ce disant, elle coucha
172
LES F0LK-L0RE8 EN ÉGYPTE
*. j;-.
Tenfant qu^elle avait endormi et s^installa
tranquillement pour dormir aussi.
Hassan s'était cependant dirige vers la
fenétre et regardait á travers les barreaux de
la jalousie. Tout était sombre et tranquille
dans la rué ; un homme tenant un fanal en
papier marchait et s'approchait de sa porte,
puis il la dépassa et disparut dans Tombre;
un voisin sans doute !
Hassan se recoucha sans rien diré. Parler
c'était risquer de perdre son prestige aux
yeux de sa femme, qui le croyait capable de
déjouer toutes les malices des femmes !
L'astuce est innée chez les femmes ! admi-
rez rhabileté et la présence d'esprit de celle-ci.
Elle cacha son ami, le fít évader avec Taide
de sa négresse, et trompa si bien son mari
qu'il dormit d'un somme jusqu'au matin !
111
A quelques jours de lá, Hassan s'informa
auprés de son ami s'il continuait á revoir sa
maitresse.
ÉGYPTIENS-AUTOCHTONES I73
(( Mais, sans doute, répondit Husseyn; elle
est, mon frére, ravissante et d'une intelli-
gence supérieure ! Mais lé mari me paraít
étre un sot ! »
Hassan ne répondit pas, mais se promit de
prouver á son ami qu41 n^était pas un sot.
Le soir venu, il alia en visite chez son
voisin, s'assitá cótéde la fenétredu mandara^
qui de dessous le porche á Tintérieur de la
porte cochére regardait la rué.
U guetta ainsi Tarrivée de Husseyn qui ne
manqua pas d'arriver et d^entrer dans sa
maison, sans méme frapper k la porte, ce
qui était une preuve evidente qu'on Tatten-
dait.
II y avait dans la maison du voisin un puits
dont la moitié appartenait á Hassan*. Préten-
dant que le matin il avait laissé tomber sa
bourse dans le puits, il demanda á son voisin
1. Salle de réception des hommes ; equivalen!
du mot ture, plus connu en Europe, de sélamlik.
2. Ces puits cu ciíernes communs, sont seule-
ment separes par le mur mitoyen jusqu'á une cer-
taine hauteur, le mur se reposan! sinsi sur un are.
Les puits au Caire ont tres peu d'eau k Pétiage
^u Nil en été, les citernes égaíement.
174
LE6 f'OLK'LORBe EN ÉGYPTE
d*y deecendre pour ia rctrouveret-deremonter
chez lui par son cdté du puits.
« Faitea, mon frére ! » lui dit le voisin qu¡
lui offrit méme de la lumiére. Hassan refusa
la lumiére et descendit dans le puitB.
Tout alia bien jusqu'au moment oü il
eommenga á remonterde soncóté du puits. A
peine avait-il commencé Tascension, que hi
négresse qui y venait puiser de Teau^ enten-
dant du bruit se pcncha et retarda ; ayant vu
un homme dans le puits, saisíe par la peur
elle se mit á crier de totrtes sce forccs :
« Afrite i Afrite 1 le diable vient, mes fr^cs !
le diable vient !... í> et elle laissa tomber dans
le puits le pot et la corde qu'elle tenait á la
main.
C^est ainsi du moins que pensa Hassan
lorsqu'il faillit étre assommé par le pot ou
étraliglé parla corde. II ne se douta pas que la
négresse était de garde dans la cour pour
surveiller la porte en face de laquelle se
trouvait le puits sur la margelle duquei elle
8*était assise pour attendre la sortie de
Huseeyn.
L'éveil étant éonné, Hueseyn et la dame
ÉGYPTlfeNS-AÜTDCHTONES 175
deécendirent ; la dame se pénchant sur la
margelle demanda qui était dans le puits.
Ayant reconnu la voix de sfon mari, ellfe
congédia Husseyn et aida éoh mari á remontar.
« Au nom de Dieu et de son prophéte, qufe
fáisais-tu lá ? lui demanda sa femme.
^^ J'y étais descendu pour chercher má
boarse que fy avais laissé tomber ce matih,
fépóndit Hassan.
-^ Est-ce vrai, par le prophéte ? dbmánda
la dame.
^ Au nom de Di'eu, 'c*est vrai ! » répbndit te
matí et ils montérent se coucher.
Cette fois encoré, le hasard s'alliait avec lá
prévoyance de la femine contre Te mari tró'p
confiant en son savoir.
iV
Qüél¿iués jburs se passent, et Hás'san li
forcé de réfléchir, crut avoir trouvé le taóyen
de déjoüer les artífices dé sa femme et de lá
surprendre sur le fait...
11 alia au café comme d^liabituüe, y ren-
176 LES FOLK- LORES EN ÉGYPTE
contra ce soir-lái son ami, et luí dit quHl y
restait judqu'éi minuit, sa femme étant allée á
une noce et ne devant pas rentrer jusqu^au
lendemain. II luí proposa une partie de dames
pour passer agréablement le temps.
(( Non ! dit Husseyn, je te dirai la raison,
parce que tu es mon frére ; Tautre jour nous
avons failliétre surpris par rimbécile de mari,
qui s'est imaginé de rentrer chez lui par le
puits, mais gráceáDieu, la dame de la maison
avait pris se 3 précautions, je me suis sauvé á
temps, et le benét de mari n'a vu que du feul
Quel bon tour, eh } Depuis ce jour, je n'ai pas
revu la dame jusqu'á cé matin, oü je Tai
rencontrée avec son enfant du cóté de la
mosquee. Elle m'a engagé á retourner ce soir,
le danger d'étre surpris par le mari rassuré
étant conjuré. Faut-il étre béte, pour selaisser
rassurer par les paroles d^une femme ? Ce
mari n'est pas comme toi au fait des malices
des femmes ! Pourquoi ne ris-tu pas ?...
Trouves-tu le tour mauvais ?... Par le pro-
phéte, moi je le trouve admirable ! Bonsoir,
frére !
Ce disant, Husseyn s'en alia tout en riant.
I
K
EGYPTIENS-AÜTOCHTONES 1 77
Hassan resta pensif et il commengait k avoir
des doutes sur sa science des femmes, de leurs
malices et de la maniere de les déjouer.
a Cependant, se dit-il, en secouant sa tor-
peur,allons vite pourne pas arriver enretard !»
II se posta en face de sa porte dans Tobscu-
rité, s'assura que Husseyn y entrait.
A peine la porte fermée, il y frappait lui-
méme á coups redoublés.
Sa femme en personne lui ouvrit la porte ;
il entra précipitamment. Sa femme le suivit
en criant :
«Oh ma mere ! ma mere I que t^est-il
s^rrivé, au nom de Dieu ! est-il devenu fou cet
homme I Oh ma soeur I Oh mes fréres ! que
se passe-t-il, par le Prophéte !... »
Hassan était déjá au haut de L'escalier lors-
quUl se rappela, helas I trop tard, qu'en
rentrant, il aurait dú tout d'abord regarder
derriére la porte !...
II était si furieux qu'il pensa, séance
tenante, répudier sa femme. Mais la pen-
sée de rembourser la moitié de son mehr ^
Tarréta et il résolut de la convaincre d^abord.
I. Dot.
12
178
LES FOLK-LORES EN EGYPTE
Hassan saisit une occasion qui se presenta
d^elle-méme des le lendemain.
Son beau-pére, homme riche, puissant et
jovial, donnait á l'occasion du sébou^ d'un
enfant qui venait de lui naitre, une féte de
khdttneh,
Hassan et sa femme devaient passer la
journée et lasoirée du lendemain chezle beau-
pére de Hassan.
Hassan chercha Husseyn et Tayant rencontré
vers le soir il le decida á Taccompagner chez
son beau-pére.
On se mit k table chez Cheikh Ornar en
nómbrense compagnie. La cour était illuminée
ainsi que Tentrée; des fenétres du harem les
f
I. Septiéme jour. On observe des fétes les
septiéme et quarantiéme jours, six mois aprés et
le bout de Tan, pour les naissances et les décés
qui surviennent dans chaqué famille. Ces fétes
consistent k faire faire la lecture du Koran en
entier ; alors ces fétes de famille s'appellent des
khatmeh.
EGYPTIENS-AUTOCHTONES I79
" ■ ''^ ■ ■ ■ ■■ «^^M^M ■■III. — ■- ■ ^ ,. ,
dames pouvaient voir ce qui se passait dans
la cour, et entendre les chants des lecteurs de
Koran, et les conversations des hommes.
Aprés le diner, Hassan pla7a Husseyn prés
de son beau-pére et monta au harem diré á sa
femme de se mettre á une fenétre qu'il luí
indiqua, d'oü elle pouvait entendre les contes
que ferait Husseyn, un conteur émérite qu'il
avait amené exprés pour amuser son pére, luí
expliqua-t-il.
Des que la jéune femme regarda par la
fenétre et vit Husseyn, elle le reconnut; on
con^oit aisément qu'elle se soit si intéressée á
lui, et áce qu'il avait ádire, qu'elle ne bougea
plus de sa place et ne le quitta plus des
yeux.
Hassan qui était retourné vers les hommes,
amena habilement la conversation sur les
contes polissons et les anecdotes vraies arri-
vées dans son entourage, qu'afiFectionnait par-
dessus tout le beau-pére.
(( Notre frére Husseyn, dit-il, en sait bon
nombre, qu'il conté fort bien parce que ce
sont des histoires dont il est lui-méme le
héros !
— Ab, voyons cela ! dic Cheikh Ornar.
— Oui, oui ! répéttrent tous les ass
taats.
- Conté!
tournant
frére, reprit Haasan, votre
:: uoe femme 1 » Et se
beau-p¿re : <t Jamáis, Cheikh
ezeDtenduunehistoire aussi
Dusante, et mon frfere Hus-
seyn conté si bien I »
Husseyn, flatté de ce que disait Hassan,
BÍnsi que de son ¡ugement sur ses mérites
comme conteur et comme héros du conté,
apríi s'étre fait un peu prier, pour ne pas
manquer aux biensíances, commenfs son
histoire.
Hassan insista pour que Husseyn ne man-
quát pas de rapporter tous les détails, méme
lea plus puérils, S tel point que lorsqvie
Husseyn indiqua la maison, il precisa tellemenl
et si clairement, que Cheikh Ornar recon-
lUissant ¡a maiaon de aa filie, fronfait les
sourcila et a'apprétaic déji i par 1er et i
demander dea explícationa... lorsqu'un crí
d'enfant, strident et plaintif fit pour un
instant taire toot le monde. Tous les yeux se
- i
portérent vers la fenélre opposée á celle ovi
Hassan avait place sa femme.
A ce moment-lá, Husseyn loul en cDntBnl
disait :... « La femrac poussa la porte. )ti
voulus la suivre tout en portant l'enfant... u
Le cr¡ de Tenfant l'avait arretiS sur ce mot.
pendant un insianl. Une seconde aprés, lors-
que r¿mation géncrale fut passée et que lous
les yeux se porlÉrenl vers lui, sans se décon-
• ...Mais ¡1 parait que j'étais tombé'sur une
honnéte femme; que Dieu la confonde ! Elle
m'arracha Tenfant plutót qu'ellc ne le prit de
mes maÍD3, me donna un soufflel (donl je
sena encoré la chaleur sor ma ¡oue; que DJeu
la maudiase !) et me ferma la porte au
Cheikh Ornar riait á 3e tordre. tout le
moade riait á haute voix. Hassan scul dápité
et mécODtent ne riait pas etcherchait la raison
pourquoi Husseyn avaitainsi changé la linde
son histoire.
Lorsqu'ils sortirent ensemble de la maison
de Cheikh Ornar, Hassan dit á Husseyn:
ci Tu aa bien amusé le beau-pÉre, mais dis-
1 82 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
moi, mon frére, pourquoi ne pas avoir raconté
la chose comme elle est arrivée et comme tu
me Tas racontée ?
— Je vais te le diré, mon frére, répondit
Hu3seyn d'un air mystérieux et entendu. II
parait que le mari se trouvait dans le nombre
de ceux qui m'écoutaient !
— Comment le savais-tu ? le connais-tu ?
qui te l'a dit ? demanda Hassan.
— N'as-tu done pas entendu, mon frére, le
cri de cet enfant ? reprit Husseyn.
— Oui! eh bien>
— Eh bien, mon frére, c'est l'enfant de cette
dame ! 11 a poussé son cri si á propos, que j'ai
pensé en moi-méme : sans doute sa mere a dü
le pincer pour m'avertir que je la compro-
mettais de quelque faípn, et j'ai á Tinstant
changé. Mais dis-moi, mon frére, mon histoire
a eu' plus de succés de la sor te, n'est-ce
pas? »
Hassan ne répondit pas et s'éloigna rapide-
ment sans saluer son ami.
Husseyn ne le revit plus.
Le lendemain, Hassan repudia sa femme
et partit pour la Mekke.
ÉGYPTIENS-AUTOCHTONES
183
Husseyn se maria trois mois apréa ^ avec
la femme de Hassan dont il a toujours cru le
mari mort.
Hassan se consacra aux pratiques reli-
^ieuses et ne se maria plus. II s'appliqua
méme á ne plus prononcer, lorsqu'il pouvait
Téviter, le mot de femme.
Husseyn et sa femme vécurent heureux et
eurent beaucoup d'enfants, car Husseyn
n^avait nuiles prétentions á la connaissance
des femmes et ne se croyait pas capable de
déjouer leurs malices !
I . Quand une femme est répudiée ou qu'elle
devient veuve á la suite de ia mort de son mari,
elle ne peut contracter légalement un nouveau
mariage que quatre mois et dix jours révolus
aprés la mort de son premier mari ou la date de
la répudiatíon.
XV
LES TROIS FILLES DU MARCHAND
DE FÉVES^
IL y avait autrefois un marchand de féves
qui avait trois filies.
Tous les matins, les trois filies allaient chez
leur maitresse en broderie.
Elles passaient chaqué matin devant le
palais du Sultán.
Le Sultán assis á sa fenétre, les voyant
passer, leur disait :
(( Hé ! bonjour, les filies du marchand de
féves I »
L'ainée et la seconde répondaient courtoi-
sement au salut du Sultán, mais la cadette,
qui était la plus jolie, ne répondait jamáis
ríen.
Lorsque le Sultán demandait des nouvelles
I. Publié dans le BuUetin de I' Instituí Égyptien^
deuxiéme serie, n° 5, 1884, p. 72.
i86
LES FOLK-LORES EN EGYPTE
- — j
des féves, sielles étaientbonnesoumauvaises,
si le commerce du pére allait bien ou mal,
c^était toujours la cadette qui prenait la parole
pour lui repondré d'un ton bourru :
(( Qu'est-ce tout cela peut te faire ? ))
Le Sultán, qui aimait la cadette des fílles du
marchand de féves, était desolé du peu
d'empressement qu'elle mettait k lui étrc
agréable.
Un jour, il résolut de la punir dans la
personne de'son pérc, qu'elle aimait beaucoup,
beaucoup; le Sultán le savait.
11 fit done venir le marchand de féves et lui
dit :
(( Dans trois jours tu viendras ici, en ma
présence, riant et pleurant á la fois. Si tu ne
m'obéis pas, je te ferai trancher la tete ! ))
Le marchand de féves retourna chez lui
tout pensif et fort inquiet sur son sort.
Sa filie cadette s'étant aper^ue de son
inquiétude, lui en demanda la raison. Le
marchand de féves lui dit l'ordre du Sultán,
la crainte qu'il avait de ne pouvoir lui obéir
et, dans ce cas, le malheureux sort qui
Tattendaif.
ÉGYPTIENS-AUTOCHTONES 187
(( Ne t^inquiéte plus, lui dit sa fíUe. Va
chez le Sultán, joyeux et riant; seulement
prends cet oignon et avant d'entrer en sa
présence, frotte-t'en les yeux. Tu pleureras
tout en riant ! ))
Le marchand de féves fít ainsi que sa fíUe
le lui avaitdit. Use presenta devant le Sultán,
riant et pleurant á la fois, tandis que le
troisiéme jour n'était pas encoré passé.
Le Sultán fut tres vexé. Mais comme il ne
pouvait tuer le marchand de féves, il lui
ordonna de revenir dans trois jours, habillé
et nu á la fois.
Le marchand de féves toraba dans une
nouvelle perplexité. II consulta sa fíUe cadette
qui lui dit :
(( N'est-ce que cela ? Va, mon pére, chez le
pécheur, notre voisin, et achéte-lui un grand
filet; je t'en ferai une guéllahieh^^ tu t'en
habilleras et ainsi tu seras nu et habillé á la
fois ! »
Le marchand de féves ainsi affublé se
I. Sorte de chemise ou de blouse longue
jusqu'aux pieds.
presenta, au troisitme jour, devant le Sultán.
Celui-ci devina, en le voyant, que la troÍBÍ¿me
filie du marchand de f^ves n'avait qu'une
pensée, cetle de le
son pire aña de le
Ijur
conseillant
a. De d¿ptt,
á de íévea.
II lui ordonna done de revenir daas troÍ!
jours, mais de ne se présenter devant lui que
monté sur un animal et en méme teiupi
marchant sur ses pieds.
En ce temps-lá, le voiain du marchand di
f¿ves avait une Sneeae qui avait mis bas
depuis quelques jours seulement, d'un ánon
La ñlle cadette du marchand de íhves., ei
apprenaat le demier ordre du Sultán, dit i
H N'aie nul souci, moa p¿re, va de ce pat
chez le voisin, emprunte-lui son ánon
né. Loreque tu monteras
dessus, tes pieds
toucheront le sol; de la se
rte, tu marcheras
lout en étant monié sur un
animal !
Le Sultán furieui, mai
ne pouvant rien
coQtre le marchand de r¿ve
3, ni lui couper le
cou, jura de tuer sa filie
11 r.im,it bien.
cependant il voulait s'en venger á cause de son
ÉGYPTIENS-AUTOCHTONES 189
La troisiéme fílle du marchand de féves se
douta bien de son cote que le Sultán voudrait
se venger d'elle.
Avant done qu'il n'agít, elle alia chez un
armuriér et se fit faire, k sa taille, un costume
tout en fer; ce costume une fois sur elle faisait,
des qu^elle marchait, un bruit assourdissant
et effrayant. Elle se déguisa en cheikh^ prit
un gros báton á la main et se dirigea vers le
palais.
Le portier et les gardes, en voyant venir
cet étrange personnage, prirent une si belle
peur qu'ils se sauvérent.
Dans rintérieur du palais, tous les domes-
tiques et les esclaves, efirayés du bruit a£Freux
que faisait le costume en fer de la fílle du
marchand de féves, et du gros báton qu'elle
tenait á la main, se cachérent tous de ci, de
lá, sous les meubles, partout, tant et si bien,
qu^elle parvint dans le salón oü se trouvait le
Sultán, sans étre inquiétée, ni méme rencon-
trer personne.
Le Sultán, en voyant ce cheikh bardé de
fer, fut saisi d'efiFroi ! U faillit perdre ses
seas, mais Texcés de peur lui donnant du
IQO LBS FOLK-LORES ES ÉCVPTE
courage, il voulut crier pour avoir l'aide de
ses hommes.
La troisiéme ñl\e du marchand de féves
l'arrétant d'un geste lui dit :
n Je suis le diabU, fils du diable ! Tais-toi,
Au méme moment, elle sortit de sa poche
une trousse de barbier, en tira un graod
rasoír, s'approcha du Sultán et lui rasa les
sourcils, la moicíé de la barbe et la moitié des
mouatachea, sans que celui-ci, plus laort que
vif, osáC lui opposer lamoiodre résistance.
Apr¿9 cela, elle iui fie manger une páte
amere et dégoütante !... Le Sultán tomba eo
défaÜlance!...
Elle sortit alors du palais, rentra chez elle,
se déshabillan reprit ses vétements ordinaires,
en moins de temps que le Sultán el ses
serviteurs, san portier et ses gardes n'en
mirent pour se remettre de leur frayeur
Le lendemain, les trois ñllfs du marchand
de fbves, en allant chez leur i
virent le Sultán, eomme tous lea jours, i
fenetre; mais il était emmitouflii dans
EGYPTIENS-AUTOCHTONES I91
kouffieh^^ de fa^on qu'on ne yoyait, de toute
la figure, que les yeux.
<c Hé ! bonjour, les filies du marchand de
féves I )) leur cria le Sultán, des qu'il les eut
aper9ues.
La cadette, prenant cette fois la parole, lui
dit : .
(( Bonjour, seigneur I que sont devenus tes
sourcils, et la moitié de ta barbe oü est-elle }
Qu*as-tu fait de la moitié de tes moustaches ?. . .
As-tu trouvé bon ce que tu as mangé hier ?...
J'espére que cela t'a fait du bien ! ))
Le Sultán comprit tout de suite que celui
qui s'était annoncé comme (( le diable, fils du
diable » n'était autre que cette troisiéme filie
du marchand de féves, et il jura de la perdre
sans plus tarder.
II fit done venir le marchand de féves en sa
I. Sorte de serviette en soie, généralement
jaune, rayée de couleurs vives. Les hommes s'en
servent pour envelopper leur tete, leur nuque et
leurs épaules, pour les garantir contre les ardeurs
du soleil. Le nom est derivé du nom de la ville
de Kouffa, dans la basse Mésopotamie, oü cette
étoffe se travaillaít et d'oü la mode de s'en enve-
lopper la tete se répandit dans les pays árabes.
193 LES F0I.K-LORBS EN EOYPTE
présence et luí dit qu'il vouUit se marier
avec sa (ilte cadette; il ajouta qu'il ne souEFri-
rait pas de refus.
Le marchand de f¿vea rentra cbez lui tout
bouleversé. 11 raconta t sa filie 1« désir du
Sultán, et luí dit que sí elle refusait, lui, etie
et ses sceurs auraient 1« cou tranché. li la
aupplia done de consentir á ce mariage.
Sa filie lui dit :
« Tr¿3 bien ! » et elle consentit.
On fit les préparatifs des noces, on les coni-
men^a et la nuit du doukhoule ' étant proche,
la fiancáe tit faire par un confíseur hablle, une
Statue tout en sucre qui lui ressemblait enti¿-
Elle renferma la poupée en sucre dans uae
de ses caisses et la ñt porter ainsi, avec son
trouBseau, au palais du Sultán.
I. Nuil de l'entrée de la mariée dans la chambre
1. J'ai entendu un conle grec qui ressemblait
beaucoup k celui-ci, au moins en ce qui regarde
le courroux du Suilan ou du Basilios, son idee de
vengeance et de mariage. Dans ce conle, la staiue
en sucre est remplicée par un gros pot remplide
ÉOrPTtBNS-AUTOCHTONeS 193
LorsqQ^elie-méme y arriva, qu'on l*eiitra
da-ns la ^chambre nuptiale et qu'on la kissa
seale, vite, éll« sortit la povLpée éc sa caíste,
Thabilla de sea vétements de nuit, la coucha
«ur «és mátelas ^ , la coüvrit de ses eoñver-
ture», abi&^sa la moustiquiére ct alia elle-
Hiéiíie se cadier dans un ooin obecur de la salle.
Le Sultán, en eatrañt dans la champe
Buptiate^ dégaina son grand sabré, «ik dtoit
au lit et asséna un coüp formidable sur fci
poupéc eti sucre, croyant tuer sa fian<íée.
Lm pcmpée en sucre se cassa en milk mor-
ceaux; un des éclats entra dans lá bouche
entr'ouverte du Sultán. Sentant la douceur
du sucre dans sa bouche, le Sultán tout
surpris, s'écria :
Depuis des siécles les confisetrrs du Caire sont
rerrominés pour faire, avec du sucre, tofttes sortes
d'objets et de figurines, tandts qu*eíi Grécé te
sucre n'exíste ou n*exista¡t pas ; on le remplc^ait
parle miel.
I . L'usage des Hts en bois otx en fer est encoré
trop peu répandu en Égypte. Le peuple ne
connatt que des mátelas piacés á ierre au milieu
d'une chambre sur un taipts ou une natte; plus on
est riche, et plus il y a de mátelas, qui sont
remplis de cotón cardé.
I?
194
« Malbeur á moi ! tu me remplis ma bouche
et ma vie d'amertume quaad tu étais en vie,
et en mourant tu la remplia de la doueeur de
ta chair* !... »
Et de désespoir, croyant avoir réellement
tué la femrne qu'il aimftU, le Sultán voulut
se tuer auaai. La fiancíe sortant desa cachette
luí retint le bras et luí dit :
n Pardonnons-nous mutuellement et vivons
heureux !
— Qu'il soit fait ainsi, » dit le Sultán.
Persévérant et prospérant, ils laUsérent
beaucoup d'enfanta.
I. Le conté grec n
rempli la bouche du r<
dit pas que J
elle-méme, puisque ¡
Le conté árabe fait ressembler le sucn
cbair (erme et douce, et le conté grec le n
sang.
XVI
LE TURC JALOUX ET SA FEMME
C AI ROTE <
AuTREFOis un Ture arriva au Caire avec
rintention de s'y établir.
11 avait beaucoup voyagé, beaucoup vu ct
acquis une grande connaissance de la vie.
Pensant qu'un homme ne peut vivre heureux
sans étre marié, il se decida á prendre femme.
Mais, ayant une grande expérience, il savait
qu'on ne devait songer k prendre femme sans
prendre toutes sortes de précautions pour
prevenir les malheurs qui sont les suites de
la légéreté de la nature féminine.
Aprés de mures réflexions, il fit venir une
laveuse.
« Ma mere, lui dit-il, je désire me maricr.
I. Publié dans le Bulletín de L'lnstitut Egypiien,
2* serie, n» 6, i88$, p, 3ii.
t-ES FOLK-LORES BM ¿CVFTB
je une et
J'ai beaucoup d'eipérience e
femmes, il faut done que vous m'en trouviez
une qui me coQvieone sous toua lea rapportB. U
Puia il éauméra ses conditioaa :
11 faut, diaait-il, qu'elte (
habik, n'ait ¡amaia quítté sa maisoí
párenla; et, par-dessua tout, qu'elle c
á vivre daña une maiaon composée d'une seule
chambre, aans iamaia déairer etf aortir. C'eet
Ik une condition exprease. Je n'ai p^e I^soin
de voua en diré plus loag, il suffit, all^i I...
La vietlle laveuse se mit ea campagne aaas
ea demander plus long.
Au bout de quetques ¡ours elle avíyt tronYÍ
la c^nipagoe déairée.
C'était, disait-elle, une jeune filie forte, ^rte
et iolie ; iamais elle n'avait dápaasé le seuíl de
sa tuaison. Lorsque sa mere luí fit part dea
conditiona posees par le Ture, la ¡eujie fiUe
avait répondu :
« Ici, ouchezceTurc, n'est-ce point l^raeme
chose ! »
La deacription que fit la vieille de la beautá
de la filie, et sa rdponae empreíate de na'iveté.
áOYPTlENS-AÜTOCHTONES 1^7
La xn6re et le pére consentants, la ñlle cofi-
sentaate, on fít les noces.
Le Ture avait trouvé une maimón á sa guidé ;
elle étah composée d'une eeule chambre 6d
Ton arrivait en montant un escalier donilant
direetetnent sur la parte de ki rué.
<( Bien habile Thomme qui s'introdüirait iti
sAnd que je m^en aper90Íye o, pensait le Ture.
Quand il sortait, il fermait la porte á clef,
un seul regard hii suiEsait pour s'assurer
qu'il n'y avait dans sa maison personne autre
que sa femme.
Ainsi il vivait heureux, dans une quiétude
absolue.
Cependant, en face des fenétres de la
chambre, de Tautre cóté de la rué, il y avait
une boutique de boucher.
La jeune femme voyait tous les jours le
boucher, un jeune homme fort et beau, actií
et gai. II chantait tout en servant ses clients,
sans désemparer, toute la journée.
Elle devint amoureuse du jeune boucher...
Un jour le Ture rentra á Timproviste. Des
que sa femme entendit le grincement de la
clef dans la serrure de la porte, vite elle
poussa le boucher dans un coin de la chambre,
dttrítre la carde oü étaient suspeadus les
vétements de son mari* et feta par deseus un
carré de toile*. Elle en prit un autre entre ses
mains et s'avanga á la rencontre de son mari
qui était dé'jk entré et commen^ait k monter
les escatiers.
. « Femme, dil le Ture, qu'y a-t-il derriére ce
drap, dans le coin.
— Viens
mon seigneur, as
ieds-toi'par ici.
repoae-toi
et ¿coute, lui dit
sa femme, puis
elle reprit
I. Chei les Egyptiens et sur
oui chei les Cai-
roles de moyenne el de basse condilion, les nieu-
bles & tiro
■exislenl presque
pas, méme
de nos ¡ours. A pei
e la femme pos-
side-l-elle
une caisse. En gen
ral, on lend une
corde dans
un coin de la clian
bre, sur laquelle
on éiale le
s habits. Lorsqu'un
c corde n^est pas
sufllsante.
rois, etc. On dit
d'un homm
qui a beaucoup d
habits : son porte
habüs est pl
in d-un mur i Vaulre
2. Sorte
de carré de toile
ou de coionnade
blanc ou
de couleur bleue,
avec lequel les
femoies du
peuple s'enveloppc
nt de la (£te aux
pieds lorsq
'clles sorlent; le^ femmes d'une con-
dition aisée
portent ce carré
carré a env
ron i<°;o de cíkté.
BGYPTIENS'AUTOCHTONES 1 99
« II y avait une fois un homme fort jaloux,
dont la femme avait un amant qu^elle recevaít
chez elle en Tabsence de son mari. Un jour,
le mari rentra avant Theure accoutumée. La
femme cacha son amant derriére un drap et
attendit que son mari fút dans la chambre,
qu^il s'assit et qu^il prit haleine... Alors,
comme elle tenait dans ses mains un autre
drap, elle le lui passa sur la tete et le serra
tres fort, comme ceci... »
Ce disant, elle lui avait passé réellement le
drap sur la tete et le serrait de toutes ses
forces en riant aux éclats.
Le Ture surpris, ne sachant pas s'il devait
se fácher ou prendre la chose comme un jeu
ou un badinage d'enfant, criait, se débattait
et jurait, mais ne parvenait pas k dégager sa
tete des plis du drap.
Au milieu de ees rires, de ees cris et de ees
jurons, la femme continuait Tbistoire en
action qu*elle avait commencée.
(( Ainsi done, disait-elle, lorsque le mari
jaloux fut bien entortillé, de fa9on qu^il ne
pouvait rien voir, ni rien entendre de ce qui
pouvait se passer dans la chambre, elle
200
LES F0LK-L.0RB8 EN AOTPTE
»« ■<!
s'écria : Sauve^tot par o ü. tu es venu I par le
proph^e, sauve-toi !... »
Le boucber, plue mort que vif, sortit de se
cachette i.ceUe injonetion iodirecte el; disparu^
do la chambre sans que le Ture ait pu
entendre se» pas, ni le voir, occupé qu'il était
á. faire du bruit lui-méme et aveugló par le
drap qui couyrait sa tete.
La femme, voyant soa amant ea aüreté et
tout danger disparu, se renverea sur le dos,
et étendue sur le dos, elle éclata de rire.
Le xnari se débarrassa eofia de son drap e€
voyant sa femme rire de si bon cosur, ne
savait k quoi attribuer celte hilarilé.
Tandis qu'il peasait, sa feoime se i^elevaat
luí dit :
« Moa histoixe te pkit-elle? Maiateaaat,
vas voir der riere le drap, tu a' y verras
riea !... »
Oa ae sait pourquoikTurc repudia sa feauae.
Eut-il des soup^cms... ? TrouYa-l-il qu'eUe
riait trop gaieaient á ses diépeas... ? Toujours
est-il qu'il quitta le pays le leademaia mémet
renoagaat k tout jamáis de mater uae
Cairote.
MOSi
XVII
SOUHEIM-EULEYL*
IL y tf Vftk une fois un chasscur marié á une
jeune femme qui n*avait jamáis con^u. li
éCait tres marri de ce qu^rl n^avait pas d^hérif
Un J4»ur il demanda á AUah le Tout^Puís^
sant et le Trés-Haut, un fíls ou una dUa,
quitte ámourir aprés Tavoir vu. Dieu exauga
sa priére et sa íemme devint aussilíót enceÍBte.
Lorsqu^eüe fut prés d'accoucher, elle se souvin^
alors que son mari, le chasseur, mourraii
aussitót qu^il aurait vu le nouveau-^iié^ Etts
csaignit pour la vie de son bon mari et alia
accouebcr d^un fíls daos un souterrain qa^ils
I. Petite fleche de la nuil qui, lancee dans
Tobscurité, frappe et blesse á tort et á travers.
Ne seratt-ce pas la fleche que dans la mytholO'^*
gie grecque on ^isait Uutce? par l'Amour ?
30a LES FOLK-LORSS EN BOrPTE
avaient sous leur maison; elle cacha ainsí
aux yeux de son marí soa cher petit qu'elle
appela Souheim-el-Leyl.
Quand elle savaít que son fils avait faim,
elle trouvait un pretexte auprís de soa mari
pour aller l'allaiter.
Or, un jouraon mari luí dic : aO ma chíre
femme, dis-moi doncí ¡e t'en pric, comment il
a pu se faire, que tu ne sois pas accouchée } e
Elle lui répoodit résolumeat : o Helas I j'ai
fait une fausse couchel — Allah nous l'a
donné, concluí le mari, Allah nous l'a reprís;
si nous devions eo jouir, 11 aurait vécu. Le
créateur du jouret de la nuit nous le rempla-
Bref, Souheim-el-Leyl continua á grandir
de iour en jour jusqu'á ce qu'il commen^a á
pouvoir courir líbrement. II devint d'une
beauté rare.
Un jour, pendant l'absence du mari, la
femme alia rendre visite aux voisines. Le
pire de Souheim-el'Leyl ne tarda pas á ren-
trer, ¡I trouva I'enfant qui jouait tout seul
dans la maison. A sa vue, il seatit son co:ur
battre fort daña sa poitrine et comprit ausai-
n
¿GYPTIENS-AUTOCHTONES 20^
tót que celui qu'il avait sous les yeux n'était
autre que son fíls et que sa femme le luí avait
caché ! II couvrit ses joues de tendres baisers
paternels et rendit Táme á ses cótés.
l.*enfant continua á s^amuser autour du
corps de son pére. Lorsque la mere rentra et
qu^elle trouva son mari étendu sur le sol,
elle se mit á crier de toutes ses forces. Les
voísins s^assemblérent, consolérent la pauvre
veuve et procédérent aux funérailles du mort.
Dans la suite, la mere de Souheim-el-Leyl
devint pauvre. Son fíls lui dit un jour :
<( Mere, est-ce que mon pére n'avait aucun
métier ? » Elle lui répondit qu'il était chas-
seur. 11 demanda alors oü étaient ses instru-
ments. Elle lui répondit qu*il ne restait plus
qu^un bout de fílet qui était jeté sur la ter-
rasse. II voulut le raccommoder, puis il dit á
sa mere : (( J'irai^ ó ma mere, oü le sort me
ménera, et avec Taide de Dieu je tácherai de
t'apporter quelque chose. ))
Sa premiére chasse fut assez heureuse, il
prit deux oies et un petit oiseau. II en fut
tout joyeux et se dirigeait vers chez lui quand
une bande de voleurs Tarréta. Le cheikh le
r^
pria fort poliment de luí remettre ka deux
oies et l'fiaeBU. Le g«rfOD réposdit hardimeDI
qu'il BC donnerait sa premiare ehasse á fwr-
Bonne. Bref, le cheikh lea lui eakva de totee,
tout en ie raillant.
Ssuheicn-el'Leyl ae ¡ura alors de se ven-
gor.
Le cheikh des voleurs appela un da sea aer-
viteurs et lui dit : (i Porte ceci k la maison et
dis k la cuiainifere de lea bien cuire ; puis,
lúraque quelqu'un ira chez moi et touchera
le pedt doigt de l'esclave, qu'elle le charge du
plateau qui sera déjíi prét. B
Souheim-el-Leyl, qui s'était caché non loin
d« U, avait lout enteodu. 11 attendit quelque
temps, puia allá chez le chef dea baadits,
pinva le petit doigt de l'esclave et s'en re-
tourna chargé du plateau. II rentra et ñt un
petit featJD avee aa méfe en remereiant le
Trés-Haut.
Avant de quicter la maiaon du voleur, il
eut aoin d'écrire sur un morceau de papier ;
<i Nui ne V0U8 a joué ce tour, si ce n'eat Sou-
heim-el-Leyl, le I
B des deux <
t de
¿6VPTI6NSr^UTQGHTOPfB9 «O 5
Telle á étó sa prcmtére prouesse. La se-
cofl'de advint bientót :
Le cheikk des voleürs s^a-per^ut du fait, il
chercha le coupable, mais en vain, il né put
méme pas savoir quel chemin il avak pris.
Sóuheím-el-Leyl dit k sa mere : (( O ma
mere, procurez-moi, je vous en príe, un ka-
bara^j un seble*, et un bourkou*^ c*é«t-á-éíre
tóot ce qtiHl me faut poar me déguiser en
femme, car je vais ce soÍ4r en travestí k la noce
d^un de mes amis. »
Eile hii procura te costume complet, il s^en
affbbla, s^arrangea tres élógamment, se ma-
quilla la figure, seteignh lescils etlessourcils
et se transforma en un mot en une filie de
grande beauté.
II sortít avec la bonne intention de sa ren-
dre au camp méme des voleurs. II y arriva
enfin.
Aprés s^étre longtemps a muse avec eux, il
leur dit : « O braves, je vais k telle ville, puis-
je y parvenir ce soir > »
1. Manteau de sortie.
2. Manteau de dessous de sortie.
;. Voile pour la figure.
206 LES FOLK- LORES EN ¿GYPTE
Le cheikh des voleur^ la trouvant parfaitc,
en eut grande envíe, il lui dit : «O ma bellc
dame, reatez done avec nous cette nuit et
demain de bon matin je vous emménerai Ik oü
V0U8 voudrez...
— Je vous dirai franchement, lui dit la
jeune filie, que j*a¡ peur de rester avec vous
tous reunís.
— Nous serons seuls, lui répondit le chef
de bande, et chez moi. D
Elle consentít alors á le suivre. II ñt
égorger en son honneur un mouton et ñt
orner luxueusement sa maison, tellement il
ne se sentaít plus de la joíe de posséder une
perle pareille. II lui fít visiter toute la maison,
princípalement le grand salón oü étaient
dépúsés les objets volés.
lis s'assirent enñn Tun á cdté de Tautre, i\
apporta du raki et en but, tout en en ofirant
á la belle dame (Souheim-el-Leyl).
Elle le versa i t tout le temps, mais le cheikh
qui le buvaít pour de bon ne tarda pas k
étre gris.
La dame, ínspectant du regard autout
d*elle, vit une potence tout prés d*eux.
ÉGYPTIEN8-AÜTOCHTONES 207
<( Qu'est ceci ? demanda- t-elle au cheikh.
— Celui qui ne volé pas beaucoup est
pendu ici.
— O mon seigneur, faites-moi la gráce de
m'y faire balancer un peu.
— Miséricorde divine I C'est á moi que tu
dis cela, á moi qui suis prét k me sacrifíer
corps et ame pour toí ! Si tu as envié de voir
balancer je me mettrai moi-méme, mais prenda
garde de trop tirer la corde.
— Oh ! seigneur, que dites-vous lá, ne
savez-vous pas que cela me coüterait plus
cher qu'á vous ?... ))
Sur ce, il se pla^a sur la potence et elle
prit la corde. (( Je suis á ta merci, lui dit-il.
— M'as-tu épargnée, toi, )) lui dit-elle, et
elle tira la corde bien fort, jusqu''á ce que les
yeux du cheikh lui sortirent de la figure.
Aprés cela, elle écrivit un papier qu^elle
suspendit sur la poi trine du cadavre ; elle y
disait : a Nul n^a fait cet acte audacieux, si ce
n^est Souheim-el-Leyl, le maitre des deux
oies et de Toiseau. d
Telle a été sa deuxiéme prouesse ; la troi-
siéme la voici :
I POLI- LO BES B
II diaiBit, daiM la hIqh iea ot^ett vodís, ce
qu'il y avait da plus prfcieiu, ct a'en «Ha
Lm voleurs qui ¿taiont soumia i leur
chejkh, ne le voyant paa arñver, allírent i
■B racherche; ila ne tardireat poa t te trouver,
mma pendu et morí. Ca liaant le pikfiier, ils
tvrcBt que lnuteur d« «lie actioa d'une
ktrdteaM exoMaíve éUat Souhtim^-Lt^-
lis juríreat de veagar la mott de leurcb^et
ge minot auaaálát h d«aoendre le eorps ft
ila le portirent chea la soeur du défuat,
El-Daliieh el-Mouhtaleh, qui ¿tait réBonmée
four aa aiqiercherie.
Lortqu'elle vil aon frire mort et qu'elle sut
quri était le coupable, eile dit aux voletirs :
« Par Ctteu, }« yousdonnerai des Douvellcsdc
ce dt«le-tí>. »
Elle flt mettre dftna un panwr qtielqiies
oiee et des ceufa et s'en alia demander dea
«cmv«lle9 de la demeure de Souheim-el-LeyK
9e faíaant pasaer pour sfl tanto patemelle.
Elle íinit enfia par arriTer ¿ cette daneure
tant cherchée.
Elle le aalua et te aerra sur aa poitrtDe en
EGYPTIENS-AUT0CHT0NE8 20g
lui disant : (( Bonheur á vous, ó file de mon
frére I Salut á vous, ó fils de mon frére. »
Cependant Souheim-el-Leyl se douta de la
tromperie fine de cette femme et dit á sa
mere : (( Celle-ci n^est certainement pas ma
tante paternelle, c'est une mauvaise femme
qui veut nous jouer un mauvais tour. Fais
semblant de cuisiner, mais ne jette que des
píerres dans la casserole et fais comme si tu
teñáis une oie; continué á allumer le feu et á
souffler jusqu'á minuit.
La mere suivit le conseil de Souheim-el-
Leyl, á la lettre. Pendant que la mere était a
la cuisine á souffler le feu, le fils tenait com-
pagnie á sa prétendue tante et disait de temps
en temps á sa mere : (( Ma mere, apportez
done le souper á ma tante. — Les mets ne
sont pas encoré cuits á point, d lui répondait
sa mere.
Sur le minuit, El-Dalileh el-Mouhtaleh
dit : <( O Souheim-el-Leyl, léve-toi done et
allons chercher le reste des choses qui sont
dans le panier, en attendant que les mets
soient cuits. — Avec plaisir, » lui répondit-il.
II alia passer ses armes et sortit avec elle.
210 LES FOLK-LORES EN EGYPTE
Arrivé pres d'un arbre, il luí dit : « Toumez-
vous, ma tante, un instant, je vais faire mes
besoins, car f ai eu honte de le faire pendant
tout le temps que nous étions assis ensemble. ))
Elle se retouma, il tira son sabré et lui fit
sauter la tete. 11 la pendit ensuite a un arbre
et écrivit sur un bout de papier :
a Nul n'a fait ceci et n'a atteint son désir
que Souheim-el-Leyl, le maltre des deux
oies et de Toiseau. x>
Ceci fait trois actes héroiques de la part de
Souheim-el-Leyl, le quatriéme le voici :
Les voleurs se mirent á la recherche d'El-
Dalileh el-Mouhtaleh. lis la trouvérent pendue
á Tarbre et lurent le papier.
lis se dirent : <k Cela suffit, personne ne
pourra venir á bout de celui qui a été plus fort
que El- Dalileh el-Mouhtaleh, la plus rusée des
femmes. II ne nous reste plus qu'á alier nous
en plaindre au kadi. »
lis s^en retoumérent chez eux, se vétirent
de leurs plus beaux habits et aprés s'étre
arrangés bien proprement ils allérent trouver
le kadi.
Souheim-el-Leyl qui Tavait appris se fit
zrr
.» T"
une
et alia les arrsrrff:
II prit aTtc I::;
Lors^-*:l*
vous. voas a.:rrr3$.
▼^ 5
- crir ziz •
■«*;— J'"^ 2' 11 Zl^ _5 I
dircnt-íl?.
gar^oa. nc
roulés a pIusicTir* rí^riae* 2C xii i ric ritrs
chef ct pris tc-L* a:*
— Ainsí. Icor dit je
roulés par un garrea et xi.j^s -r:»;-« ?r=g<i — -^
quand méme en présenoe ¿- kir en iir.ts
propres? 11 est bisa r=ie.ix q^e t:^? qurrr-z
tous vos habits ct me les d^cníez a rardc el
que chacun de vou* prenne easjitc ua ~>f^
ceau de cette étoffs pour s*cn ceiadre le corps.
Le kadi, vous voyant dans ce piteux accou-
trement, presque ñus, prétera foi á ce que
vous direz. »
lis suivirent le conseil du vieillard et luí
laissérent leurs habits á garder.
Des qu'ils furent chez le kadi, Souheim-el-
Leyl se sauva avec les habits des voleurs.
ai2 LES FOLK-LORB8 EN E6YPTB
Quand ils sortirent, ils trouvérent un mor-
ceau de papier sur lequel était écrit : « C*est
double plaisir de voler les voleurs. »
lis retournérent derechef chez le kadi et lui
racontérent ce qui s*était passé.
a Quand i I vous retombera entre les mains,
amenez-le-moi done. »
lis s^en allérent la tete basse, humiliés
d^aVoir essuyé une telle déception et plus
encoré mortifíés de tout ce que leur avait fait
Souheim-el-Ley I .
Lorsque le kadi rentra chez lui, il raconta
á sa filie les prouesses de Souheim-el-Leyl et
son embarras sur la maniere d^agir en cette
circonstance pour le faire arréter.
La jeune filie du kadi dit á son pére :
Nous avons une chamelle qui n^est jamáis
sortie sur la terre d'Egypte, ornons-la et pro-
menons-la en cérémonie dans les rúes de la
ville, avec de la musique, du tambour et de
la clarinette; peut-étre que Souheim-el-Leyl
sortira, comme tout le monde, de chez lui
pour la voir passer et alors nos gardes Tarré-
teront.
— Tu as une idee lumineuse, ma filie, lui
ÉGYPTIENS-AÜTOCHTONES 2 1 J
dít le kadi, et je vais la mettre de suite en
exécution. ))
C'est ce qui fut fait : le cortége partit de
chez le kadi et suivit toutes les rúes de la
ville pendant que Souheim-el-Leyl était assis
tranquillement chez luí, le regardant passer de
loin.
11 y avait devant la maison de notre héros
un gros arbre au pied duquel il mit une jarre
d^eau pour que les passants pussent se désal-
térer á leur aise.
Lorsque, vers la fin du jour, les conducteurs
de la chamelle furent extenúes de fatigue, ils
s'assirent sous Tarbre de Souheim-el-Leyl
pour y prendre quelque repos. Ils ne tardérent
pas á s'endormir.
L^un d'eux avait attaché, á Taide d'une
corde, la chamelle á sa main.
Quand tous furent endormis, Souheim-el-
Leyl sortit et alia couper la corde, puis il
conduisit la chamelle chez lui, Tabattit, en fít
bouillir unepartie, sauter au beurre une autre
et en conserva une aussi crue.
Lorsque les conducteurs s'éveillérent et ne
trouvérent point la chamelle, ils se désespé-
214 LBS F0LK-L0RE8 EN ÉGYPTE
rérent et se dirent : (( Qu^allons-nous diré aa
kadi, quel mensonge allons-nous inventer?
— Nous dirons au kadi, dit Tun d*eux, que
la terre, excitée par la beauté de la chamelle,
en fut jalouse et Tavala; peut-étre le croira-
t-il. »
lis allérent chez le kadi et lui contérent
leur historiette. La filie du kadi était présente;
elle ne tarda pas á s'apercevoir qu'un de
ees gens-lá avait sur son turban un petit
papier, elle le retira et lut : (( Nul n^a fait
cette bonne action et n'est arrivé k ses fíns si
ce n'est Souheim-el-Leyl, le maitre des deux
oies et de Toiseau. »
La filie du kadi dit : (( Laissez-moi faire, )e
sortirai moi-méme et je trouverai ma cha-
melle. »
Dans la rué, elle disait á chaqué passant
qu^elle rencontrait : « Je m'invite chez vous.
— Soyez la bienvenue, lui répondait-on.
— Mais vous me ferez goüter de la chamelle
du kadi.
— Nous n*en avons point. ))
Elle fit ce manége jusqu'á ce qu'elle arrivát
á un groupe oü se tenait Souheim-el-Leyl.
¿GYPTIENS-AUTOCHTONBS 2 1 ^
Elle dit sa phrase et Souheim-el-Leyl luí dit
aussitót : a Veuiilez me faire Thooneur de
venir chez moi, je vous en ferai goüter. » Ce
qui fut dit fut fait.
En sortant, elle marqua la porte d^un signe
rouge pour pouvoir la reconnaitre quand elle
reviendrait avec des soldats pour Tarréter.
Souheim-el-Leyl s'en aper^ut, il prit de la
cochenille et marqua de rouge toutes les portes
de sa rué pour les confoadre avec la sienne.
Lorsque la filie du kadi revint avec les
soldats, elle trouva toutes les portes marquées
et ne put par conséquent pas trouver celle
qu^elle cherchait. Elle en devint furieuse et
s^en retourna avec sa nouvelle déception,
pendant que Souheim-el-Leyl était, comme
d'habitude, tranquillement assis chez lui.
N'ayant pas de gaias, il devint bientót
assez pauvre; il dit un jour á sa mere de lui
donner les efifets des voleurs et qu'il irait les
vendré au marché. Elle les lui donna.
II alia les vendré, mais les voleurs étaient
¡ustement au marché quand il y arriva; ils
Tarrétérent et le menérent de forcé chez le
kadi.
í
Celui-ci transmh Taífaire au sultán et au
lis ordonnérent d'envoyer le vendredi le
coupable k la potence. Le jour de son arres-
ta t ion ¿tait un jeudi.
Le kadi le ñt mettre en prison jusqu'á ce
que le jour parüt, dans une cellule en fer avec
un gardien pour le surveillcr.
Souheim-el-Leyl reata coi jusqu'á trois
beures du matia, puis il hela le gardien : ti Je
suis Azra'il*, lui dit-il, le petit Azrai'l et je
Buis envoyé par le Grand, laisse-moi sortir ou
ie te prends l'áme á l'iastant. »
Le gardien lui ouvrit et lui dit : e< Sors, si
on me demande de to¡, je dirai que la terre
t'a avalé. O
U sortit, alia chez lui, se mit une fourrure
toute blanche, il y eousit des chandelles qu'il
alluma pour se donuer l'air d'un aitge, d'Az-
11 alia trouver le eultan : « Je suis envoyé,
dit-ii, par le grand Azra'il, ¡e suis moi-m£me
EGYPTIENS-AUTOCHTONES 21 J
le petit; je viens prendre ton ame, puis celle
du vizír, á moins que tu ne fasses libérer á
Tinstant Souheim-el-Leyl, que tu luí donnes
ta filie en maríage et que tu lui fasses don
d'une magnifique terre de rapport et d'un su-
perbe sérail. ))
Le sultán tout tremblant de peur le luí
promit.
Souheim-el-Leyl le quitta et alia trouver le
vizir qui tout aussi effirayé que le sultán, lui
promit ce qu'il demandait pour le matin
méme.
U alia ensuite trouver le kadi qui pro-
mit comme les autres et tout aussi trem-
blant.
11 rentra alors chez lui, quitta sa fourrure
et revint en prison, i I se fít ouvrir sa cellule
par le gardien et y entra.
De grand matin, le sultán, le vizir et le
kadi vinrent le trouver et lui dirent : (( Sors,
ó Souheim-el-Leyl I
— Vous voulez me pendre, )) leur dit-il.
lis lui jurérent que non; i! sortit, se maria
avec la filie du sultán, devint propriétaire
d'une belle abádieh et d^un superbe sérail
Arrivé préa d'un arbre, il lui dit : • Toumer-
rous, ma tante, un iostant, )e vais fajrc mes
besoioE, car )'ai eu faonte de le faire pendant
tout leteinps queuousétionsassiseRsemblc. s
Elle se retouma, ¡1 tira son sabré et lui fit
sauter la (¿te. 11 la pendil ensuite á un arbre
et écrivit sur un bout de papier :
a Nul n'a fait ceci et n'a atteint son désir
que Souheim'cl-Leyl, le mattre des deux
oles et de l'oieeau. n
Ceci fait trois actes h¿raiques de la part de
Souheim-el-Leyl, le quatníme le voici :
Les voleurs se mirent á la recherche d'EI-
Dalilehel-Mouhtateh. lisia trouv&rent pendue
á l'arbre et lurent le papier.
He se dirent : « Cela su£Qt, personne ne
pourra venir á bout de celui qui a cté plus Ibrt
que O-Dalileh el-Mouhtaleh, la plus rusée des
femmes- 11 ne nous reste plus qu'á aller nous
en plaindre au kadi. »
lis s'en retoumérent chez cus, se vétirent
de leurg plus beaui habita et aprís s'étre
arrsDgés bien proprement lis allérent trouver
le kadi.
Souheim-el-Leyl qui Tavait appris se fit
EGYPTIENS-AUTOCHTONES 2X1
une barbe et des moustaches blanches, ainsi
qu'une perruque, il se mit une bosse au dos
et alia les attendre devant la maison du kadi,
II prit avec lui une piéce d^éto£Fe.
Lorsqu'ils arrivérent, il leur dit : (( Oü allez-
vous, vous autres, ó braves ?
— Tai sez- vous, bon vieux pére, lui répon-
dirent-ils, flgurez-vous qu'il y a un jeune
garlón, nommé Souheim-el-Leyl qui nous a
roulés á plusieurs reprises et qui a tué notre
chef et pris tous nos meilleurs effets.
— Ainsi, leur dit le bon vieillard, vous étes
roulés par un gargon et vous vous présentez
quand méme en présence du kadi en habits
propres ? II est bien mieux que vous quittiez
tous vos habits et me les donniez á garder et
que chacun de vous prenne ensuite un mor-
ceau de cette éto£Fe pour s^en ceindre le corps.
Le kadi, vous voyant dans ce piteux accou-
trement, presque ñus, prétera foi á ce que
vous direz. ))
lis suivirent le conseil du vieillard et lui
laissérent leurs habits k garder.
Des qu'ils furent chez le kadi, Souheim-el-
Leyl se sauva avec les habits des voleurs.
á
Quand Íls sortírent, ils trouTÍrent un mor-
ceau de papier sur lequel éuit écrit: a C'est
double plaisir de valer les voleurs. n
lis retourn¿rent derechef chez le kadi et luí
racontírent ce qui s'étaít passí.
a Quand il vous retombera entre lea mains,
amenez-le-moi done, n
lis s'en all£:rent la tete basse, bumilíés
d'arvoir essuyé une telle déception et plus
encoré mortifiés de tout ce que leur avait fait
Souheim-el-Ujl.
Lorsque le kadí rentra chez lui, il raconta
¿ sa filie les prouesses de Souheim-el-Leyl et
son embarras sur la maniíre d'agir en cette
circonstance pour le faire arr£ter.
La jeune Glle du kadi dit k son pire :
Noua avons une chamelle qui n'est iamais
sortie sur la terre d'Egjpte, ornons-la et pro-
menoDS-la en cérímonie dans les rúes de la
ville, avec de la musique, du tambour et de
la ctarinette; peut-étre que Souheim-el-Le;!
sortira, comme tout le monde, de chez lui
pour la votr passer et alora noB gardes l'arrÉ-
teront.
— Tu aa une idee lumineuse, ma filie, hii
EGYPTIENS-AUTOCHTONES 3 1 ^
dit le kadi, et je vais la mettre de suite en
exécution. ))
C'est ce qui fut fait : le cortége partit de
chez le kadi et suivit toutes les rúes de la
ville pendant que Souheim-el-Leyl était assis
tranquillement chez luí, le regardant passer de
loín.
II y avait devant la maison de notre héros
un gros arbre au pied duquel il mit une jarre
d^eau pour que les passants pussent se désal-
térer á leur ai se.
Lorsque, vers la fín du jour, les conducteurs
de la chamelle furent extenúes de fatigue, ils
s'assirent sous Tarbre de Souheim-el-Leyl
pour y prendre quelque repos. Ils ne tardérent
pas á s'endormir.
L^un d'eux avait attaché, á Taide d'une
corde, la chamelle á sa main.
Quand tous furent endormis, Souheim-el-
Leyl sortit et alia couper la corde, puis il
conduisit la chamelle chez lui, Tabattit, en fít
bouillir unepartie, sauter au beurre une autre
et en conserva une aussi crue.
Lorsque les conducteurs s^éveillérent et ne
trouvérent point la chamelle, ils se désespé-
réreat et se dirent : O Qu'allons-nous diré au
kadi, quel mensonge alloDS-noua inveater ?
— Nou8 diroas au kadi, dit l'un d'eux, que
la terre, excitée par la beauté de la chamelle,
en fut jalouse et l'avala; peut-étre le croira-
t-il. B
lis allÉrent chez le kadi et lui contírent
leur historiette. La fíUe du kadi était présente ;
elle ne tarda pas á a'apercevoir qu'uo de
ees gens-ia avait sur son turban un petit
papier, elle le retira et lut : a Nul n'a fatt
cette bonne actiaa et n'est arrivé k ses fins si
ce n'est Souheim-el-Leyl, le maitre dea deux
oies et de l'oiseau. B
La filie du kadi dit : a Laissez-moi faire, je
sortirai moi-Eaeme et je trouverai ma cha-
melle, u
Dans la ruc, elle disait ii chaqué passant
qu'elle rencontrait ; « je m'invite chez voua.
— Soyez la bienvenue, lui répondait-on.
— Mais vous me ferez goüler de la charaeüe
du kadi.
— Nous n'en avons point. »
Elle fit ce manége jusqu'á ce qu'elle arrívát
á un groupe oü se tenait Souheim-el-Leyl.
ÉGYPTIENS-AUTOCHTONES 2 1 5
Elle dit sa phrase et Souheim-el-Leyl luí dit
aussitót : (( Veuillez me faire Thonneur de
venir chez moi, je vous en ferai goúter. » Ce
qui fut dit fut fait.
En sortant, elle marqua la porte d^un signe
rouge pour pouvoir la reconnaitre quand elle
reviendrait avec des soldats pour Tarréter.
Souheim-el-Leyl s'en apergut, il prit de la
cochenille et marqua de rouge toutes les portes
de sa rué pour les confondre avec la sienne.
Lorsque la fílle du kadi revint avec les
soldats, elle trouva toutes les portes marquées
et ne put par conséquent pas trouver celle
qu^elle cherchait. Elle en devint furieuse et
8*en retourna avec sa nouvelle déception,
pendant que Souheim-el-Leyl était, comme
d^habitude, tranquillement assis chez lui.
N^ayant pas de gains, il devint bientót
assez pauvre; il dit un jour á sa mere de lui
donner les e£Fets des voleurs et qu'il irait les
vendré au marché. Elle les lui donna.
II alia les vendré, mais les voleurs étaient
¡ustement au marché quand il y arriva; ils
l'arrétérent et le menérent de forcé chez le
kadi.
2l6 LES FOLK- LORES EN ÉGYPTE
Celui-ci transmit TafiFaire au sultán et au
vizir.
lis ordonnérent d*envoyer le vendredi le
coupable á la potence. Le jour de son arres-
tation était un jeudi.
Le kadi le fít mettre en prison jusqu^á ce
que le jour parút, dans une cellule en fer avec
un gardien pour le surveiller.
Souheim-el-Leyl resta coi jusqu'á trois
heures du matin, puis il hela le gardien : (( Je
suis AztslíV, luí dit-il, le petit Azraíl et je
suis envoyé par le Grand, laisse-moi sortir ou
je te prends Táme á Tinstant. »
Le gardien lui ouvrit et lui dit : « Sors, si
on me demande de toi, je dirai que la terre
t'a avalé. ))
II sortit, alia chez lui, se mit une fourrure
toute blanche, il y cousit des chandelles qu'il
alluma pour se donuer Tair d'un ange, d'Az-
ra'il.
11 alia trouver le sultán : (( Je suis envoyé,
dit-il, par le grand Azraíl, je suis moi-méme
I. Azraíl veut diré Israel, c'est Tange qui est
chargé de prendre les ames.
ÉGVPTIENS-AUTOCHTONES 21 J
le petit; je viens prendre ton ame, puis celle
du vizir, á moins que tu ne fasses libérer á
rinstant Souheim-el-Leyl, que tu luí donnes
ta filie en maríage et que tu luí fasses don
d'une magnifique terre de rapport et d'un su-
perbe sérail. »
Le sultán tout tremblant de peur le luí
promit.
Souheim-el-Leyl le quitta et alia trouver le
vizir qui tout aussi effrayé que le sultán, luí
promit ce qu'il demandait pour le matin
méme.
II alia ensuite trouver le kadi qui pro-
mit comme les autres et tout aussi trem-
blant.
II rentra alors chez lui, quitta sa fourrurc
et revint en prison, il se fit ouvrir sa cellule
par le gardien et y entra.
De grand matin, le sultán, le vizir et le
kadi vinrent le trouver et lui dirent : « Sors,
6 Souheim-el-Leyl I
— Vous voulez me pendre, )) leur dit-il.
lis lui jurérent que non; il sortit, se maria
avec la filie du sultán, devint propriétaire
d'une belle abádieh et d'un superbe sérail
oü il v£cut daña la plus grande paix, entre
aa. mire et sa femme pendaat de longues
années'.
t. Comparer avec Hírodotb, liv. 11, ciil,
Conle de Pratée Rhampsinite.
cd cd vd cd
(y e($tc ) ^tc )( ?tc )
xvín
LA BONNE OUM-ALY
UN homme qui s'appelait Abou-Aly, avait
une femme dont le nom était Oum-
Aly ; il avait trois enfants et était d'une pau-
vreté extreme. La nourriture de toute la famille
ne se composait que de pain et de radis.
Sa femme, Oum-Aly eut un jour envíe de
lentilles, elle en fít la demande á sonmari qui
lui promit de luí en apporter.
Des qu'il sortit, elle prepara le feu et em-
prunta á ses voisines tous les ustensiles de
cuisine nécessaires pour faire cuire les len-
tilles : une casserole, une tasse pour les faire
sauter au beurre, une louche et une passoire.
Au coucher du soleil son mari rentra; il
rapportait comme tous les jours le pain et les
radis, mais il n*apportait point les lentilles
demandées.
4
Lorsque sa femme, Oum-Aly, lui en de-
manda la raison, il lui répondit : « Apres
avoir mürement réfl¿ch¡, j'ai trouvé que le
mieux serait de t'acheter une chemise pour
remplacer celle que tu portes et qui est en
lambeaux. j).
Elle s'en réiouit, et toute satisfaite elle ap'
prouva l'avis de son mari.
Le lendemaio matin Oum-Aly rendit á sea
voisins tout ce qu'elle s'était fait prfiter h
veille.
Elle déchira sa chemise et en jeta, sur la
terrasse de chaqué maison voisine, un petit
morceau en disant que son mari allaít lui en
rapporler une neuve.
Lorsqu'il revint, ne rapportant, comme
d'habitude, que du pain et des radia, elle lui
demanda sa chemise. 11 lui répondit qu'il
avait encoré bien réfléchi et qu'il trauvait
préférable de lui acheter avec cet argent une
belle paire de boucles d'oreilleé pour parer
La ¡oie de la femme n'en fut que plus
grande. Dfes que le jour parut, elle ramassa
toutes les pi¿ces de sa chemise et les recousit
EGYPTIENS-AÜTOCHTONES 221
pour avoir de nouveau sa chemíse, puis elle
communiqua á tout son voisinage le superbe
proiet de son bon mari. Elle se dépécha en-
suitc de percer ses oreilles ; mais elle se ser-
vit d*un clou et elle eut une inñammation aux
deux oreilles.
Au coucher du soleil, son mari revint
comme toujours avec le pain et les radis habi-
tuéis.
Lorsque sa femme, Oum-Aly, lui demanda
ce qu'il en était de ses promesses, il lui ré-
pondit que le plus utile serait une maison oü
elle pourrait loger k Taise avec ses enfants.
Aprés il lui achéterait les boucles d^oreilles.
Elle fut tres heureuse de cette nouvelle pensée
et la raconta á ses voisines.
Lorsque Abou-Aly, son mari, s'en fut alié
á ses occupations. un courtier passa sous les
fenétres de Oum-Aly en criant qu'il avait une
belle maison á louer.
Elle crut que c'était son mari qui le lui en-
voyait.
Elle demanda au courtier de la conduire á
cette maison. Elle prit ses enfants avec elle
et s'en alia, aprés avoir indignement insulté
i ÉGYPTE
a se baaant sur
le proverbe árabe qui dit : Si tu doia quítter le
lieu oü tu vis, ne crains point de te conduire
mal avec ceux qui y aont.
DéB qu'elle visita la maison, elle lui pluí
et lui coavint beaucoup. C'était un petii
palais au milieu d'autres, appartenant tous k
dea gens nobles et fort consideres.
Lorsque le courtier lui dit que le prix était
de 6o boursea, elle s'entendit avec lui et il
fut convenu qu'il serait payí dix ¡ours aprfes ;
en atteodant elle prit consignatjon de la raai-
sonet a'yinstalla avec aes trois enfanta.
Elle y trouva deui pairea de sabots, un
balai et une grande époussette pour les
Elle se chaussa d'une des paires de sabots
et sa Qlle chaussa l'autre paire, et elle com-
men;a k balayer la maison.
Tous les voisins pensérent qu'elle ¿tait une
grande dame de la haute noblesae. Une des
dames du quartier suppoaa qu'étant occupée
á nettoyer la maisonelle n'aurait pas le temps
de préparer le dtner, elle prepara une table
biea gamie et un plateau fort copieus qu'elle
EGYPTIENS-AUTOCHTONES 23^
envoya á la nouvelle venue avec son domes-
tique le plus fídéle.
Lorsque le serviteur frappa á la porte, la
filie de Oum-Aly alia luí ouvrir. 11 lui dit
que sa maitresse envoyait ce plateau á la
dame de la maison, en la priant de Taccepter.
La jeune fílle prit alors le plateau en priant
le domestique de repasser le lendemain pour
le prendre.
La fílle de Oum-Aly s^amusa alors á ap-
préter la table et ensuiíe elle la pla^a devant
sa mere qui, aprés Tavoir minutieusementexa-
minée, constata que c'était une table on nepeut
plus complete. II y avait méme une assiette
plelne d^olives.
Telle cst Taventure de Oum-Aly. Quant á
son mari, lorsqu'il retourna comme d'habi-
tude chez lui il n'y trouva personne. On lui
dit que sa femme était partie avec le courtier,
á la nouvelle maison. II se ñt alors accom-
pagner par un enfant de leur quartier et alia
rejoindre sa famille, tout tremblant de la
crainte d*avoir été le jouet d'une farce.
II arriva enfin, et trouvant Oum-Aly dans
cette somptueuse maison, il lui demanda des
334
explications. Elle répoadit simplement : (i Mais,
c'est toi qui m'aa envoyá le courCier. »
[1 nia ¿nergiqueinenC et lui dic : n Comment
peut-on acheter une maiaon pareille quaod on
n'a pas le sou ! Si je t'ai dit que ¡e t'en aché-
terais une, c'était tout bonnement pour te
láire rester tranquille et par simple plaisan-
— Boa I lui dit sa femme, calme-toi, quaad
les dix ¡ours seront pasaés Dieu nous viendra
en aide et tout finirá pour le mieux. »
Elle ajouCa que les voisins, gena honorables,
leur avaient envoyé une table superbe, qu'elle
apporta et qu'elle mit entre eui deux.
lis soupírent avec grand appítit et lais-
aérent les olives pour leur déieuner.
Le lendernain raatin Oum-Aly alia chcrcher
les olives, elle ne les trouva point, mais
s'aper;ut avec une ¡oie indicible que l'assiette
¿taic remplie d'or. Elle courut alors & son
mari et lui dit ; fl Sois en paix, tiens, regarde,
Dieu nous est venu en aide, car celui qui sait
supporter avec patience ses maux en est bien-
t6t guéri. »
Lorsque le serviteur des voiaíns revint cher-
EGYPTIENS-AUTOCHTONES 225
cher le plateau, Oum-Aly mit dans chaqué
assiette une piéce d'or et elle en doxina deux au
domestique qui, plein de joíe et de coaten -
tement, remporta la table chez sa maitresse.
Lorsque les esclaves 4evérent les couvercles
des assiettes du plateau, elles trouvérent dans
chaqué assiette une piéce d*or ; elles se réjoui-
rcnt et dirent á leur maitresse : « Nous n'avons
pas pris assez de peine pour servir la nouvelle
voisine, car elle est de la plus grande noblesse ;
elle a mis dans chaqué assiette une piéce d'or
et en a donné deux á notre serviteur. »
Leur maitresse ordonna alors de préparer
un autre platean et recommanda qu'il fút
encoré plus soigné que le premier. Les esclaves
préparérent un superbe platean et y mirent
deux assiettes de chaqué mets avec deux
raviers d'olives. Leur serviteur le porta chez
Oum-Aly qui Taccepta comme la veille, en
mangea le contenu avec son mari et garda les
deux raviers d'olives pour le déjeuner du len-
demain.
Oum-Aly était fort curieuse, elle voulait
savoir quel était l'auteur de l'heureuse substi-
tution des olives par de l'or. Elle passa ái cet
15
.. — J
326 LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
eflfet une partíe de la nuit éveillée. Vers
minuit, le mur se fendit en deux, un individu
en sortit, prit les olives qu'il remplaza par de
Tor, puis partit. Oum-Aly le suivit. II entra
dans un magnifique palais et s*assit prés d'un
grand jet d*eau. Oum-AIy en fit autant et s'assit
de fagon á voir sans étre vue.
L'homme retroussa la manche de son habit,
prit une rose blanche et la jeta délicatement
dans l'eau de la fontaine.
II en sortit une reine resplendissante de
beauté. Elle demanda les olives, Thomme les
luí presenta, elle les prit, les mangea toutes,
flirta quelque temps avec Tindividu, puis elle
lui donna une dragée quMl mangea, aussitót
aprés il s'endormit.
La femme le quitta alors et se dirigea vers
la cuisine. Oum-Aly la suivit. La reine
appréta un joli plateau qu'elle emporta avec
elle et alia á une ruine voisine.
Un esclave noir Tappela de l'intérieur de la
porte et lui dit qu'il ne lui ouvrirait pas parce
qu*elle avait trop tardé. Ce n'est que lors-
qu*elle Teút prié et supplié qu^il acceda á sa
priére et lui ouvrit.
ÉGYPTIENS-AUTOCHTONES 227
Oum-Aly la suivait toujours.
Le négre luí demanda pourquoi elle avait
tant tardé. Elle répondit que cela n'avait pas
été de sa faute, et tout en s^excusant elle dit
qu'elle avait dú attendrc que i'autre s'endormtt.
lis mangérent ensuite copieusement et com-
mencérent á s'amuser de leur mieux et puis
elle le quitta et sortit.
Oum-Aly sortit aussi et se mit k ses
trousses ; des que la porte se referma, indignée
dans son konnéteté de ce qu'elle venait de voir,
elle jeta á la reine une grosse pierre sur la tete,
et s'en alia chez elle aussi vite qu^elle le put.
La reine se mit á crier parce que la pierre
luí avait fait grand mal, Tindividu qu'elle
avait endormi s'éveilla aussi tdt et s'empressaut
autour d^elle, lui demanda ce qu^elle avait.
Elle le lui dit.
II lui promit de la venger et se mit sur le
champ á la recherche de Tauteur de cette
audacieuse action.
II prit á cet effet un baudet qu'il chargea
d'étoíFes et de toiles, puis s^en alia dans les
rúes en criant qu'il donn^rait gratis de Tétoffe
á quiconque lui raconterait un conté.
i BN écrpTE
Toutes les femmes lui contirent de petites
hiatoires qui oe lui plurent pas trop; il doona
nfanmoias quelque chose á chaqué conteuse,
Enfia, il arriva & Oum-Alj qui lui raconta
la derniÉre Qouvelle qu'elle connaissait, d'uQ
bout á l'autre, en commengant par la substi-
tución des olives jusqu'á la pierre laacíe & la
Le malheureux lui dit que c'¿tait lui qui
avait été si indignement trompé par la reine
ct qu'il voulait se rendre coropte par lui-mfime
de la réalité du fait. II ajouta que 9Í les paroles
de Oum-Aly étaient des calomnies, il s'en ven-
A minuit finfortuné ¿pouz viat trouvcr
Oum-Aly et lui dit de l'accompagner, puis il
lui donna un breuvage, en lui disant : « Si la
reine m'endort corome hier, tu me dooneras á
boire de cette eau, je me réveillerai aussit6t et
reprendrai mes sens. » Puis ils se dirigirent
tous deux vers la fontaine.
La reine parut, elle flirta comme la veille,
lui donna une dragíe, Íl s'endormic et elle s'en
alia.
Oum-Aly abreuva l'homme de cette eau
EGYPTIEN8-AUT0CHT0NES
229
enchantée; il retrouva ses sens et suivit avec
Oum-AIy les traces de la reine jusque chez le
négre. II entra, et que vit-il ?
Sa colére fut si forte qu'il tua la reine et le
négre sur le coup.
Puis il raconta á Oum-Aly son histoirc :
a Cette filie, lui dit-il, qui n'était pas digne
de vivre sur la surface de la terre, était, helas !
filie d*un puissant monarque. Je m'en épris
foUement; pendant sept ans, je souffris en
silence, f arrivai enfin á Tenlever, et jaloux de
ma conquéte je Tamenai ici pour la cacher h
tous les yeux, croyant qu^il n^y avait ici ni
hommes, ni esprits sataniques. II y a quinze
ans que je méne cette vie délicieuse, et tout
cela n^a pas empéché cette malheureuse crea-
ture de me tromper si ignominieusement et,
ce qui plus est, elle a su en garder le secret.
)) Maintenant je vais partir et aller trcuver
ma famille que je n'ai pas vue depuis quinze
ans. Preñez, Madame, tous les trésors qui
sont ici et que Dieu vous rende éternellement
heureuse I »
XIX
LE KADI BIEN SERVÍ
UN kadi avait été destitué de ses fonc-
tions.
Aprés un certain temps, se voyant á bout
de ressources, il appela son domestique et luí
dit : « 11 faut me trouver quelques personnes
qui yiendraient me demander des consulta-
tions juridiques. ))
Le domestique, qui était fort rusé et homm«
de bonne volonté, se met á roeuvre aussitdt
pour plaire á son maitre. II sort, et, chemin
faisant, il marche sur le pied d'un promeneur
qui se trouvait d^vant lui; le bonhomme
tombe sur la figure, ses vétements se salissent
dans la boue et sa savate se déchire. II se
releve furieux, mais des qu'il reconnait le
domestique du kadi : « Que Dieu te pardonne»
lui dit-il, en se retirant au plus vite.
Sfí LES FOLK-LORES EN ÉGYPTE
Le iendemain, le domestique s'en va au
march¿ ; au milieu de la foule il avise un
homme habill¿ de neuf, il a'accroche A s«s
habits et tire sí fort qu'il lea déchire.
Le malheureuK homme se retourne, voit
et reconnatt le domestique du kadi et se
sauve en luí disant : a Que Dieu te par-
don ne. u
Le domestique du kadi pensa : a Oa con-
nalt trop mon maitre et on sait quí je suis;
cela ne peut aller ainsi, il faut que je trouve
moyen de régaler aujourd'hui lea invites de
mon maitre. »
Pendant. ees réfleiions _'ú rencontre un
domestique portant sur un plateau une su-
perbe oie farcie et artistiquement garnie ;
l'heureux porteur s'en allait au four.
Notre homme le euit. Le domestique laisse
l'oie au four et va vaquer k ses autres afihires
pour revenir chercher l'oie dis qu'elle sera
Alors le domestique du kadi entre au four :
« Que la b¿n<idiction de Dieu soit sur vous,
dit-il au maitre du four...
— Ainsi que sur vous, lui répond celui-cl ;
EGYPTIENS-AUTOCHTONES 2'^J
quel bon vent vous améne ici, mon frérc, il y
a longtemps que je ne vous ai vu...
— Voilá, je viens prendre l'oie qui est au
four.
— Mais, cette oie n'est pas á toi.
— Ne dis pas cela, mon frére.
— Je veux bien, mais que dirai-je á la
personne qui me Ta apportée, lorsqu'elle
reviendra me la réclamer?
— Tu lui dirás : J'ai mis Toie au four, elle a
fait, couac ! et elle s'est envolée. A présent Toie
est cuite á point, donne-la moi, le seigneur
kadi Tattend. ))
II prend Toie et s'en va. Le kadi la mange
avec ses amis et tout le monde s'en pourl6che
les babouines.
Pendant ce temps, le domestique revient au
four.
« Mon oie doit étre cuite, rends-la moi, dit-
il au maitre.
— Ton oie ? Eh bien ! elle a fait couac ! et
elle s'est envolée.
— Que dis-tu lá, malheureux !... )) et des
paroles aux injures, on passe fort naturelle-
ment aux coups.
334
La foulc se rassemUe et eneombre la route
et le ibur.
On disait qu'on se battaít k propoa d'une
oie qui, étant au four, avait fait : couac I et
a'était ea volee.
Les uns prenaient fait et cause pour le
maltre du four, qui était un fort honnfite
homine, pratiquant zélé; lee autres doutaient
de la réaurrectioQ de l'oie.
Parmi les spectateurs Íl y avait une femine
eaceinte qui, i. forcé de se pousaer se trouva
juste derri¿re le mattre du four. En ce moment,
celui-ci se recule pour porter un coup terrible
¿ son adversaire et vían !... il atteiat en ptein
ventre la malheureuse femnie eaceínte qu'il
n'avait pas vue. Celle-ci pousse un cri atgu,
tombe á terre et... avorte !
L'infortunó mari prívenu, accourt tenant
un gros gourdin á la main et vociférant les in-
¡ures les plus cyniques contre le maitredu four.
Celui-ci ne pouvant plus teñir, se sauve
dans la cour, escalade un pan de tnur, monte
sur la terrasse d'une habitation voisine, et ne
trouvant point d'esealier, se laisse tomber
dans la cour de la maison oú il était.
¿QYPTIBN8-AUTOGHT0NB8 8^5
Par fatalité, il tombe sur un maghrabin
malade qui était coucké lá, roulé daña sos
cQuvertures. H lui défonce presque toutes les
cotes ; te maghrabin pousse un cri strident
et expire.
Sa fanúlle accourt et le maitre du four.est
arr¿|^. Dans la rué on rencontre le domestique
du kadi.
(( Oü allez-vous, braves geAS }
— Chez le kadi.
— Suivez-moi », et tous de le suivre.
Le kadi, aprés avoir écouté les dépositions
et mis de Tordre dans Taudience, s^adresse au
domestique qui réclamait son oie au mattr^
du íbur.
« Paye, avant tout. » Puis, s'adressant au
maitre du four : « Que dis-tu de cela, ^
maitre }
— Que Toie a fait couac et 9*9&t enyo^
pendant qu'elle était au four. »
Le domestique se récria.
(c Comment, mécréant, lui dit le kadi, tu
ne crois pas que celui qui ressuscitera les
hommes et tautes les créatures, en ramas-
sant leurs os épars sur tpute la surf^ce de la
2^6 LES FOLK'LORES EN ÉGYPTB
terre, peut rendre la vie á une oie qui est
entiére. ))
La foule se mit á huer le domestique qui
8*en alia content et satisfait, croyant au
miracle.
Le mari de la femme avortée s^avance alors
et, aprés avoir payé la taxe, expose sa plainte.
Le mattre du four avoue le fait et explique
les circonstances atténuantes, qu*il croit plai-
der en sa faveur.
(( C^est tres bien, dit le kadi, ceci rentre dans
la loi du talion. Toi, bonhomme, tu donneras
ta femme au coupable qui te la rendra quand
elle sera enceinte de six mois.
— Mille mercis, dit le mari, je lui pardonne
et que Dieu lui pardonne, je me desiste de ma
plainte.
— Et Yous, maghrabins, dit le kadi, en
s^adressant á la famille éplorée du maiheureux
qui n'existait plus, quelie plainte avez-vous á
porter } Mais avant tout, n^oubliez pas que
vous avez une taxe á payer.
Les maghrabins s'exécutérent et exposérent
ensuite leur plainte au kadi. Celui-ci ordonna
que le maitre du four füt entortillé dans des
F
ÉOYPTIENS-AUTOCHTONES 237
couvertures et place sous le bas minaret de
la mosquee du sultán Hassan ^ ; ceci posé, que
le frére du maghrabin monterait sur ce mina-
ret et se laisserait tomber sur le maitre du
four qu^il écraserait comme celui-ci avait
écrasé son frére.
On comprend facílement que le brave
maghrabin se desista, comme les autres, de
sa plainte et pardonna au maitre du four,
comme les autres Tavaient fait.
La foule spectatrice et curieuse se retira
enfín, émerveillée de la science profonde et
de Tesprit d'équité qui animaient le noble
kadi déchu, et tous, indignes, critiquérent
beaucoup le souverain qui avait eu Timpru-
dence de remplacer un aussi digne et aussi
brave homme par un kadi qui certainement
n^avait aucune des ressources d'esprit de celui-
lá.
1. Le plus haut minaret au Caire.
XX
LA FILLE DU MENUISIER
IL y avait autrefois un menuisier qui remcr-
ciait continuellement le Trés-Haut de luí
avoir donné une filie d'une beauté rarc.
II demeurait en face du palais du sultán de
leur ville.
Un beau jour i! eut envié d*ailer en pélerí-
nage á la Mecque.
II prepara á cet eflet tout ce dont i! avait
besoin et se mit en route, accompagné de sa
femme et de son fíls, en laissant sa filie seule
á la maison.
De craínte qu'il ne lui arrívát malheur, il
cloua toutes les portes avant de partir.
Le lendemain la filie monta sur un arbre
du jardín et dit : <c Bonjour, 6 mon arbre, 6
mon bon jujubier I Saurais-tu quand mon
pére et mon frére reviendront? »
Le fils du Sultán Tente n di t et lui dit : (i Sí
tu eat ausai adroite que bien faite, tu comp-
teras ton arbre feuille par feuille. »
Elle lui répoodjt ■ «Si tu es toi mema
adroit et intetligent, tu compteras étoile par
¿toite toutes celles du Srmament ainsi que
t la surface des
I
Lorsque le jeune prince vit qu'il avait &
foire á plus habile que lui, il résoíut de íui
jouer des tours et de luí faire de mauvaises
plaisaateries.
Elle avait un chat qui e'appelait Boustane
et qu'ellc aimait beaucoup.
Le fila du Sultán réfléchisaait chemin fai-
aant sur le taur i. ¡ouer i la jeune ñlle quand
il rencontra un homme qui vendait des intea-
lias de bceuf. 11 lui proposa de prendre ses
habits crasseux et sales centre les siens qui
¿taient princiers, mais en gardant l'assiette
d'intestins.
II va sana diré que le marchand accepta
avec 'joie la proposition du jeune prince et
l'échange fut fait.
Día que le fils du Sulun ae fut affublé de
ÉGYPTIENS-AUTOCHTONES 34I
ses nouveaux habits, il se dirigea vers la
maison de la jeune filie, en criant dans la rué
qu'il vendait des intestina.
Elle Tentendit et Tappela en lui disant :
« Donnes-m^en pour cinq paras et mets-m'en
beaucoup. )) Puis elle lui tendit une assiette.
II y mit des intestins, elle en demanda de
plus,il refusad'en donner, un échange de mots
grossiers s'en suivit et lui, levant Tassiette,
en asséna un coup á la jeune filie qui tomba
par terre et Tassiette se brisa sur le parquet.
Notre hcmme se sauva ensuite pour ne
paraitre que le second jour, au moment oü la
jeune filie montait sur son arbre et lui disait :
« O mon arbre, ó mon bon jujubier, quand
mon pére et mon frére reviendront-ils ? »
Le fíls du Sultán Tentendit et lui dit : (( Tu
a*a pas oublié que je t'ai fait perdre cinq
paras, que je t'ai cassé une assiette, que je
t'ai fait mal, enfín que je t'ai avilie. »
EUecomprit alors que c'était lui qui avait joué
le tour de la veille \ elle résolut alors de se
venger.
Le lendemain matin elle prepara le tour
qu'elle devait lui jouer.
16
242 LES FOL.K- LORES 8N ÉGYPTE
EUle alia chez un teinturier et iui dit :
« Teignez-moi de noir et faites-moi négresse;
puis emmenez-moi au marché et mettez-moi
en vente. M'oflfrirait-on milK bourses que
YQU8 ne devrez pas me vendré, mais si c'est
le fíls du Sultán qui me demande, vendez-
moi h Iui á n^importe quel prix.
C'est ce qui fut íait; le prince ayant besoin
d'une esclave noire en ce moment-lá, Tacheta
pour trente bourses et la fít amener chez Iui
par ses domestiques.
Ceux-ci se mirent en route avec elle; puis,
lorsqu^ils arrivérent á une porte cochére, elle
s^arréta tout court et leur dit de Tattendre
un instant , qu^elle allait faire ses besoins et
qu^elle reviendrait tout de suite.
lis s^assirent lá et Tattendirent jusqu'au
coucher du soleil; quant á elle, elle s'était
sauvée, elle était rentrée chez elle, s^était
déshabillée, bien lavée et se reposait.
Des que les serviteurs furent xentrés au
palais, le prince leur demanda oü était Tes*
clave qu'il avait achetée; lorsqu'ils Iui eurent
dit la chose, il s'emporta tellement quHl les
battit, et il était tellement irrité qu'il s'éva-
r
ÉOYln-IENS-AÜTOCHTONEá 24^
nouit et tomba sur le parquet en se tordañt
le cou, ce qui luí donna une fof te douleur.
Le lendemain matin la jeune filie monta suf
son arbre eomme d'habitud^ et répéta sfté
mémes questiofis. Le fils du Sultán Tentendit
et lui dit 6e qu'il lui avait dit aprds luí avoir
joué le toiir de l'assittte d'intestins.
Elk lui répt^ndit aussitót : « Et moi je t*ai
fáit perdre trente bourse*, je t'ai fáit abimef
quatrc hommes á forcé de coups, je t'ai fait
évanouir et presque te tordfe le cóu. ))
Le píince comprit alors que e'étaít elle qttí
ar^ait fait Fesclave noire.
11 la quitta et s'en alia prépafer un secónd
tour.
II ne troüva ríen de mieux, póur lui jóuef
son totir, que de la prendre póur femme. II
patienta jusqu'au retonr da pére. Le menui*
sier ne tarda pas á arriver, le pfincé alofs,
eeeorté de ses gardes d'honneur, s'en alia át
sa rencontre en grande cérémonie et Tinvita á
passer trois jours choz lui.
Cet excés de courtoisie de la part du prince
donna beaucoup á réfléchir au bravé menuisier
qui commen^ait á s'inquiéter en pensant que
r
peut-itre quelque chose s'était passé entre le
prince et sa filie pendant son absence. U
demanda alors la permission de rentrer chez
lui un inaUnt; cette permíssion lui fut accor-
dée. II reñirá, aniieui de savoir ce qui átait
arrivé. II trouva sa demeure tout ausai barri-
cadée que lorsqu'il I'avait quittée, pas le
moindrcchangemeot, paalamoiodrcefiFraction.
II entra, baiaa sa filie au front, puis s'aaait
tout pensif, quand tout k coup on iVappa k la
porte et on lui dit que le fils du sultán
I'attendait. Notre menuisier se háta d'y aller,
et le priacB lui annon^a saos fagon qu'il
désirait devenir son geadre.
d O mon seigneur, lui répondit-il, des per-
Bonnes de la catégorie de ma filie ne con-
viennent point h vos pareils I i) Lá-dessus, ¡1
fit une révírence et se retira.
Le ¡eune prince envoya un conseiller au
menuisier qui, voyant l'insistance du filo du
Maltre, conaentit á ce mariage, tant de crainte
que de l'honneur que cela lui faisait et des
richesses qui s'ensuivraient.
Lea noces ge firent avec le ceremonia]
d'usage et le eoir, quand le prince entra dans
ÉGYPTIENS-AÜTOCHTONES 245
la chambre nuptiale, il ne toucha point á sa
fémme, ne luí adressa méme pas la parole,
mais au contraire Téloigna avec mépris.
Le lendemain il alia vers elle et luí dit :
(( Bonjour, fíUe du nienuisier !
— Deux fois bonjour á toi, ó fils du Sultán I
lui répondit-elle.
— Que faut-il pour que la mariée soit con-
sidérée comme puré ? ajouta-t-il.
— II faut qu'elle soit d*une blancheur
immaculée, dit-elle.
— C'est parpe que je le sais que je ne t'ap-
procherai jamáis, dit séchement le prince.
— Que votre volonté soit faite, dit timide-
ment la jeune filie, et que Dieu vous prolonge
lavie. ))
Cet état de choses dura un certain temps,
puisy un beau jour, le prince eut envié de
faire une promenade en dahabieh ; il donna, k
cet e£Fet, les ordres nécessaires et s'embarqua,
se promettant de se distraire.
Sa femme s'en aper^ut; elle s^habilla avec
un luxe étonnant, fít appréter une magnifique
dahabieh ^ et s^y embarqua en grande pompe
I. Bateau de voyage sur le Nil.
f
«o BBMiunt d«fl chanteusca et des danaouaae
ranommíea.
Elle fit amarrer sa dahabieb aas«z pr¿a de
calle du prtace, son mari.
It remarqua tout ce luxe et en fut frapp¿ i
Ul point qu'il envoya un de ses eunuques
demander k la maitresse de la dahabíeh ai
elle voutait bien permettre au 6Ia du Sultán
d'aller iui teñir compagnie.
L'eunuquB obéit et re^ut l'autorísation
qu'il demandait pour son maiire qui ae pau~
v&it en croira bu yeux, tellement l'aventure
Iui pUigait. Enfin, il ae rendit aur cette
fameuse dahabieh et, tranaporld de jiiie, il
eonveraa av«c la fiíle du maiiuiaiar. lis got^
taient touB deux un plaisirindicibte ^ s'aimer.
Ha cootinuéreet ainei bien avaat daña la
nuit. Ed ae eép&raal elle demanda au prioee
(Omraeat s'appekit le village oCi ils se trou-
vaient. II Iui dit qu'il s'appelait Haroua.
Sachant qu'elU avait cwi;u, elle na voulut
pns oublier ce DOia pour le doaner k aoa pre-
mier-né.
La noce termina, cbacun se reti» da soa
c6té. Le fila du Sultán reatra plus
ÉOrPTIBNS-AUTOCHTONES 247
que iamais, ne sachaat quoi penser de cette
délicieuse aventure.
Neuf moÍ8 plus tard elle accoucha d*uii
garlón, qu*eile nomma Haroun, satis que le
prince se doutát de ríen.
La seconde année, le prínce retourna «a
dahabieh et sa femme le suivit comme elle
l'avait fait un an avant.
Tout — sans ezception — ce qui s*était
passé la premiére fois, se renouvela encoré et,
une fois les voluptueux moments écoulés, elle
luí demanda le nom de Tendroit oú ils se
trouvaient; il lui répondit : Karoun.
Chacun se retira de son cóté et neuf mois
plus tard elle accouchait d*un second gar^ü
qu'elte nommait Karoun.
La troisiéme année tout se renouvela de
méme.
Elle lui demanda le nom du viltage qu*ils
avaient devant eux, il lui dit : Jekh-el-oottr,
(source de lumiére).
Neuf mois aprés ees délicieuz momeats, elle
accoucha d'une filie qu'elle nomma Fckb^*
Nour.
Quelque temps aprés, elle apprit que le
prínce parta i t pour une des vi lies
elle sortit alore en háte et bc rendit chez un
marchand d'esclaves en lui disant de l'amener
dans la viüe oü se rendait le fils du sultán et
de tácher de la vendré au prirtce. lis furentsi
prompts dans rezécution de leur pro)et qu'ils
arrivírent dans la ville avant le priace et se
equ
1 deva
Celui-ci ne tarda pae á venir et l'acheta une
seconde fois; elle fut envoyée aupalaUcomme
la premiére fois.
Bientót le prince rentra dans sa ville qu'il
avait quittée pour quelque tempa. La pre-
miíre nuit il la passa dans sea appartements,
tout seul; le lendemain matin il alia trouver
sa femme et lui posa les mémes questions
qu'il lui avait posees le lendemain de leur
mariage : n Que faut^il pour que la mariíe
soit considérée comme puré, etc. i>; il en eut
les mimes réponsea et la quitta, croyant l'avóir
encoré humiliée et mortifiée.
Quelque temps aprfes il voulut se remaríer
et prendre une nouvelle femme ; au moment
des ríjouissances genérales, les trois enfants
descendirent dans les cuisines pour déranger
ÉGYPTIENS-AUTOCHTONES 249
les domestiques, et ils leur disaient : (( Nous
sommes les fíls du prince, votre maitre. » Les
serví teurs, tout étonnés, allérent communiquer
la chose á leur maitre qui, les ayant aper^us
pendant qu^ils se sauvaient chez leur mere,
pensait : (( Si j'avais 4^slussí beaux enfants je
ne me remarierais jamáis, o
II se mit á les attendre dans un corridor et
bientót ils apparurent de nouveau : (( De qui
étes-vous fils > leur dit-il.
— Nous sommes tes enfants, )) répondirent-
ils en se sauvant vers leur mere; le pére les
suivit et arriva en face de sa femme : a D*oü
sortent ees enfants », luí dit-il séchement.
Elle répondit : « Ce sont tes fíls; as-tu
oublié nos délices en dahabieh, quand nous
étions ensemble } J^ai eu de toi ees enfants et
leur ai donné les noms des villages oü nous
nous arrétions. ))
Le priñce en fut tres heureux et reconnut la
supériorité de sa femme. On changea les
réjouissances de la noce en celles de la triple
circoncision des enfants.
Depuis ils vécurent dans le bonheur et la
prospérité jusqu^á leur derniére heure.
XXI
EL-SAID ALY
OH racoQte qu*il y avait jadis un mar*
ehand appelé El-Saíd Aly qui eomptait
parmi les plus grand richards de son siéde.
U a'était acquis une juste renommée par ses
gé&éreuses libéralitéSf car il dépensait )our-
aellement une forte somme pour les indigeots
de la ville oü il était établi.
Pour son malheur, il arriva qu'un jour,
&otre liberal marchand oublia, en rentrant le
9oir, la clef sur la porte de son vaste magaain
oü était auasi son immense coíFre-fort. Le
lendemaio, en y retournant, il le trouva litté-
ralement vide ; tout avait été enlevé : mar-
chandises, papiers, argent. Le richard était
devexLu pauvre. 11 se aentit mal^ s^évanouit
et fut transporté chez lui oü il garda le lit fort
longtemps.
II vendit pendant sa longue et pínible ma-
ladie tout ce qu'il avait chez lui pour fourait
tout l'argent nécessaire daña cetlc terrible
Quand il releva de maladie, il était absolu-
ment ruiné, il manquait méme de ee qui esi
indispensable aux besoins d'une famille.
Sa femme, ne prenant point en considírs-
tion leur triste situation, ordonna un ¡ouri
son mari de lui acheter en rentrant un gSte»"
fait avec du beurre fondu.
Le pauvre homme, qui redootait le courroüi
de Ba fcmmc, se m¡t au travail de gran^
matin et ne cesaa qu'au coucher du aoteíl, M
mettant de cóté cinq paras par cinq paras-
Mais, helas 1 tout son gain ne suffisiit pa^
pour acheter le fameux gateau qui devait sul-
, fire á toute la famille. II ne savait que faire, il
se dirigea cependant vers le pátisEÍer et k
pria de lui donner un gáteau au beurre pour
la somme qu'il avait; le pátisaier cORSidíc*
Targent et lui dit qu'il ne sullisait méme pas
pour acheter un gáleau á l'huile, mais qw
par amitié il lui en donnerait un pour ce
éOYPTIENS-AXJTOCHTONES 253
Notre homme accepta le gáteau á rhuile et
alia chez lui, espérant que sa femme serait
satisfaite. Au seuil de sa porte il la trouva et,
avant de le faire entrer, elle lui demanda s^il
avait apporté le gáteau ou non. Quand il eut
répondu affirmativement, elle le fit monter
avec elle et bient6t les enfants les entourérent ;
alors i I montra á tout le monde le gáteau. Sa
femme, qui était tout yeux, ne tarda pas h
s*apercevoir que ce n'était pas cela. Elle fit
un bond et de sa plus grosse voix elle dit k
son mari : (( Qu'est ceci ? Ne t'ai-je pas dit
qu*il me fallait un gáteau au beurre et non k
rhuile > Pourquoi ne t'es-tu pas conformé á
ma volonté? etc., etc.» Une forte querelle
s*en suivit entre les deux époux, pendant la-
quelle leur chat s^empressa d'enlever le gáteau
etde se sauver. Tous les enfants se mirent k
le poursuivre pour lui enlever le gáteau, mais
en vain.
Ce jour-lá l*infortuné mari re^ut de sa
chére femme encoré plus de coups que de cou-
turne, et ils se couchérent tous sans prendre
aucune nourriturs.
Le lendemain matin sa femme le somma de
354
Q le meoB^nt,
llraiter eacore
í
lui apporter un autre £át«ai
s'il ne le faisait pas, de le
plus que le veille,
11 p«rtit fort embarraeté et travailla sane
tríve toute la iournce, voyant arriver avec
terreur la fin du pur, c'est-t-dire les crie et
lee coups de sa femnte. A la ña du jour il eut
une cruelle ddceptioa, tout l'argent qu'il avait
amassé n'égakit pas cclui de la ve¡ll«. II eut
les larmes aux yeux, prit sa besaice sur eoa
doa et a'en alia chez lui s'attendent á tout.
Comme la veüle sa femme l'attendait á la
porte et lui posa la ntérae question que la
premiére foia. 11 lui répondit qu'il n'apporuii
rien et que telle átait la volonté divine. Elle se
rait á rinjurier et ne voulut pas le laisser en-
II reprit sa besace et se mit á marcher )us-
qu'á miauit daos les faubourgs de la ville; Ü
arriva enfin dans' un cimetiere. II y entra, »e
promena au milieu des tombes, en trouva une
ouverte. et tout tremblant de peur y descendit
et s'eadormit dans uncoin. Un moment apri*
ti vit le mur s'entf'ouvrir et un bomme d'aa-
p«ct sinistre en sortil et s'avanga vers lui.
BGYPTIENS-AUTOCHTONES ¿55
CeC homme avait une large face, un long aez»
point d*oreilles et une seule main; il tenait
de celle-ci une longue cravache et dans la
bouche un fílet. II luí dit d'une voiz rauque }
et Qui es-^u, toi? Qui t^a amené dans ce lieu :
Pour quelle raí son y es-tu venu ? )> Le mal*
heureuz, en entendant ees mots, trembla de
tous ses membres et ne retrouva la parole et
sa présence d^esprit qu'au bout d'un certain
temps.
II eut confiance dans le monstre et lui
raconta son histoire d'un bout á Tautre, en
lui exposant toutes les mecha ncetés de sa
femme. Le tyran n'eut pas Tair de s'en sou-
cier trop et de s^apitoyer sur son sort ; mais
il lui dit : « Ferme-les yeux, puis ouvre-les.»
C'est ce qu'il fit et il se trouva dans une
vilie resplendissante de beauté, avec des habí-
taats tout autres que lui quant á leur forme
et á leur mode d'habillement. II en fut tres
étonné et les autres le furent aussi en voyant
parmi eux un étranger pareil. lis Tentourérent
pour le contempler et lui demander qui il
¿tait et d'oü il venait. Un d'eux le prit á
Técart et voulut savoir le motif de sa présence
ville. Le malheureux luí racoata
tire d'un bout k
jtiiK"
scrupuieusemeot i
l'autre. Quaad il eut Üai, l'autre lui dit :
a Nous sommes de la méme ville, mon cber
ami, et ¡e me suis trouvé dans ce milieu dans
des conditions identiques aui liennes ; comme
toi j'avaia une femme cruelle qui me maltrai-
tait ; comme tai, pour lui échapper, je me sau- i
vai dans le méme cimetiíre et comme toi je |
me trouvai transporté dans cette belle ville, '
par le méme monatre, Ici, ¡'ai toujours tra- ,
t touiours tes ;
I devoirs de la
:t k devenir le
chef de la Corporation des nombreux commer-
gants de cecte ville. J'ai un assez grand crédjt '
aupréa du roí et maintenant je veui te rendre
service ; je dirai que tu es mon frére et mon ,
associé en méme temps; je vais te donner un ¡
magnifique costume de commer^ant et tu iras i
í la station la plus proche pour que je puisse '
annoncer ton arrivée. »
Notre homme ne se possédant plus de joie '
s'habilla et ella á la station iadiquée
observations rigoureuses des
justice et de la morale et ji
ÉGYPTIENS-AUTOCHTONES 2$'J
attendjt, pendant que le riche commer^ant
annon^it á tous ses collégues Tarrivée de son
frere, personnage tres honorable, ayant des
resBources surpassant méme celles du roí, et
son futur associé dans le commerce.
Tous se hátérent alors de mettre leurs plus
beaux habits et formérent un cortége pour
aller á la réception du grand personnage. II
fut re^u avec les plus grands honneurset fut ac-
compagné en grande pompe jusqu'ála demeure
de son frére qui les luí presenta tous un á un;
ileut pour chacun une parole ai mable, et avec la
plus grande courtoisie il dit k tous qu'il était
un grand comnier9ant et qu'il attendait un
immense 3tock de marchandises de toutes
sortes et des pierres précieuses de grand prix.
Tous s'empressérent alors de luí donner d'assez
fortes sommes pour avoir des marchandises á
meilleur marché.
Cependant il renvoya á plusieurs reprises
la date de Tarrivée de sa caravane, tellement
que tous perdirent patience et finirent par
porter plainte devant le tribunal du roi.
Celui-ci fit appeler le chef de la corporation
et lui ordonna d'amener son frére le plus t6t
17
358
posajble. Le brave commeríant se dípécha
d'obéir, sans se douter le moins du moade de
ce qui ae passatt.
El-Said A!y arriva et quand le roí eut fini
de luí poser des questions sur son commerce
et sur tes sommes re^ues, il répondit :
« Monaeigneur, comme on vous l'a dit, j'ai un
tres riche commerce; d'aprés les derniíres
nouvelles que faire^ues, tout m'arrivera dans
deux mois et alors tout le monde sera con-
tent. »
Son prétendu fríre se facha bien un peu de
ce qui arrivait, maia ÍI ne pouvait rien y
faire. Quant au roí, l'avarice l'empoigna et il
crut tout ce que El-Said Aly avait dit. II
rembouraa aiix marchanda leura sommes rea-
pectives et devint alora le seul créancier de ce
si riche commeríant, espérant devenir ainai
le seul propriétaire de toutes ees belles mai^
chandises, qui devaient arriver de
ax mois plus
tard.
Le roi tint enauite conseil av
ec tous ees
vizirs et il eiposa tous les faits e
n concluant
qu'il devrait lui donner sa filie
en mariage
Tous furent de l'avis du roí; o
celebra les
ÉGYPTÍENS-AUTOCHTONES 259
noces le plus pompeusement possible, et notre
homme devint le mari de la filie du roí.
Un mois et demi plus tard , aucun índice de
Tarrivée des marchandises ne paráis sant, les
principaux vizirs allérent trouver le roi et lui
dirent qu'il était tres probable que son gendre
ne fút qu'un chevalier d'industrie et qu'il l'eút
trompé. Le mieux serait, d^aprés eux, que le
roi priát sa filie de demander á son mari
quelle était son origine et son état, car, en
general, les hommes dévoilent toujours leurs
secrets á leurs femmes.
Le roi trouva fort bon ce conseil et le com-
muniqua á sa filie, qui questionna, le soir
méme, son mari en tete á tete. 11 lui raconta
tout, comme il Tavait fait avec le chef de la
Corporation des commer^ants.
Des qu'elle eut tout appris, elle eut peur
pour les jours de son mari qu^elle aimait; elle
lui apporta une grande somme d'argent et un
magnifique cheval, puis lui ouvrant la porte,
elle lui dit : « Vas, monte et pars pendant la
nuit, car si quelqu'un prenait vent de ce qui
t'arrive et en prévenait le roi mon pére, tu
aeráis un homme perdu. ))
202
LES FOLK-LORBS EN EGYPTE
pour voir ce que c^était. Quand ils revinrent et
annoncérent au roi que c'étaít son gendre qui
arrivait avec ses marchandises, íl fut teilement
content qu^ii fit pavoiser toute la ville et aila
á sa rencontre en grande cérémonie.
Notre homme fit don á son beau-pére d'un
des costumes, se vétit de Tautre et le troi-
8Íéme il roffrít h son épouse, qui accoucha
quelque temps aprés d'un beau gargon que son
pére nomma Abou-Seíf, parce qu'il portait
un sabré depuis sa naissance.
Le roi devint vieux et ne put plus gouver-
ner la ville, il fít un testament oü il léguait le
tróne á son gendre et mourut quelques jours
aprés.
El-Saíd Aly monta au pouvoir, mais il ne
tarda pas á se donner au luxe et au plaisir ; il
devint bientót insupportable avec ses gens, et
son premier vizir le haít teilement qu'il forma
le sinistre dessein de Tassassiner pour régner
á. sa place et épouser la filie de son premier
maitre, c'est-á-dire la femme du roi actuel.
Cependant il ne le fít pas ; il invita simple-
ment le roi á boire dans un établissement, il
lui versa teilement du vin qu'il fínit par le
¿GYPTIENS-AUTOCHTONES 263
griser complétement. Quand El-Said Aly fut
gris, le vizir luí enleva la bague, la frotta, le
serviteur parut, il lui ordonna de porter le roi
dans la montagne comme on ferait d^un animal
sauvage. Le serviteur obéit.
Le vizir s'eftipara alors du royaume et
épousa de forcé la reine. Elle en fut tres
affligée et detesta fort son nouveau mari, elle
se promit méme de lui jouer un vilain tour,
en attendant elle porta le deuil de son premier
mari.
Un soir que le vizir s'était grisé, elle lui
enleva la bague, appela le serviteur, lui ordonna
de ramener son mari et de prendre á sa place
le yizir. Ses ordres furent suivis. Le roi fit
amende honorable á sa femme et gouverna
équitablement son pays, en s^attirant ainsi
Testime et le respect de tous ses sujets.
Revenons un peu á. sa premiare femme.
Aprés la fuite de son mari elle s'était
trouvée sans la moindre ressource, et un soir,
elle prit ses enfants et sortit. Le hasard voulut
qu^elle se rendit au fameux tombeau que nous
connaissons déjá. et en un clin d^oeil elle se
trouva á. la méme ville que son mari, sans que
i l'u
.il'a
e se doutát de cette combínai-
Le roí allait de temps en temps faire une
promeoade dans ia campagne oü il rencontra
un jour sa fenime ct ses enfants; elle le
reconnut et se mit k crier de toutes ses forces
i ses eniants : " Attrapez-le, arrétez-le, c'est
votre pÉre. » II embrasaa ses enfants, par-
donna á sa mechante femme et á l'aide de sa
bague il fíi élever un splendjde cháteau oü il
tes iogea. II passait alora une nuic chez l'unc
de ses femmes et une autre nuit chez l'autre.
II amena, un jour, son ñls Abou-Seif chez
sa premiire femme eC s'endormit ayant á ses
cOtés son fils. A minuit, sa femme, qui n'avaít
point changé, pric la bague du doigt du marí
et voulut appeler le serví te ur pour faire
enlever le roi et rcgner á sa place. Abou-Seif
: le\
et la
II
réveilla (
en semble.
El-Said Aly continua, á regí
jusqu'á ce qu'll mourüt, puis f
lui succéda.
et ils rentrérent
XXII
EL-SCHATBR< MOUHAMMED
IL y avait une fois uii marchand de fóves qui
avait trois filies. Sa recette journaliére était
de deux dirhems ', avec Tun il achetait du pain
et avec le eecond des íeves.
Un jour, le roi de cette contrée donna ordre
formel á tous les habitants de ne point allu-
mer ]p feu.
Au coucher du soleil, le roi et son vizir se
déguisérent en derviches et allér^nt faire une
tournée en ville pour se rendre compte d'eux-
mémes de TefiFet de Tordre rey al. Arrivés á la
demeurede notre marchand deféves, ils trou-
verent le feu allumé et entendirent Tainée des
1. Brave, actif, etc. Dans les contes surtout au
Caire Schater correspond plus spécialement á
rusé, plein de ressources, etc.
2. Piéce d'argent.
fiUee qui disait k son pire : a J'espére que le
Foi me prendra pourípouse, et alors ie luí éta-
lecai de la soie d'ici ¡usqu'áeon palais, tout le
long du chemin. »
La seconde disait : Et moi, s'il m'épouse, je
tul ferai un gáteau assez grand pour qu'il
puiase sufEre á luí et k tout son monde.
— Quant á mai, dit la plusjeune, si ¡'avais
crt honneur, je lui ferais un gar;on et une
filie en une seule couche. La chevelure du
garfon serait moitiiS en argent, moitíé en or,
et d¿9 qu'il pleurerait, le ciel deviendraít
sombre, la pluie tomberait et il ferait froid
méme 9Í on était
b'Ü r
pieio hiv(
AprÉs a
en plein été;
a temps spleadide, méme e
tout entendu le roí dit k san
vizir de le conseiller \ celui-ci lui répoadit que
Dieu seul pouvait lui donaer un conseil.
Alora le roi lui demanda s'il connaissait ees
fille,9 et apprit ainsi qu'elles ¿taient filies d'un
marchand de ffeves. Sur ce ils rentrirent tous
deux et quand la nuit fut venue, et méme
presque passíe, le roi donna ordre k deux de
ses hommes d'aller et de lui amener le mai^
¿GYPTIBN8-AUTOCHTONES 267
chand de fóves. Quand celui-ci arriva, 11 se
prosterna á deux reprises aux pieds du sou-
verain en baisant la terre. Le roí lui dit
alors : « Je désirerais devenir ton beau-fils. »
Le marchand de féves lui répondit : (( O
sire, trouvez-vous qu'il convient á vos pareils
de s^allier á. mes semblables }
— Mes désirs sont des ordres, répliqua le
roi, et si tu ne me donnes pas la main de ta
filie ainée tu es un homme perdu. ))
Le marchand dut se soumettre á la volonté
royale et le contrat de mariage fut dressé
devant le kádi, puis, aprés avoir promené en
grande pompe la jeune mariée par toute la
ville, on Tamena &u palais du roi.
Dans la soirée, le roi entra dans la chambre
nuptiale et passa fort galment toute la nuit
avec sa jeune et belle femme.
Le lendemain matin en se réveillant, il lui
dit : « Ne vas-tu pas teñir ta promesse, c'est-á-
dire, ne vas-tu pas m^étcindre de la soie depuis
la maison de ton pére jusqu'á mon palais ? D
Elle lui répondit : (( La parole dite la nuit
est toute empreinte de beurre frais, lorsque le
jour parait lá-dessus elle se fond. ))
Le roi en fut tris froissé et ordonaá dfe Ih
raettre avec les autres esclaves pout- SeWit
comme elles.
Le lendemain il épousa la deuxiéine ^tle dU
marchand de ftves. II passa, comme avec la
premiére, toute la nuic avec elle, et au matiit
il lui demanda sa proroesse et obtint la méme
réponse que celle de l'ainée Elle eut aussi le
méme 9ort.
Le troiai¿me jour, il épousa la plus jeune
des trois sceurs. Aprés toute one iluit de
d¿licee, il dit á aa femme : n Oü sont les deui
enfants que tu as promis ? n
Ella lui répondit : « Pardon, ó mon roi,
mais aoua ne aommes enseifbk ni depuis un
moia, ni depuis deux, pour que tu me poses
cette question.
u Attends que les neuf mois de groesesse
í'Écoulent et tu verras si ¡'ai inenti. »
Les neuf mois presque écoulés et le moment
des couches ítant tout prís, les deuk sceurs ,
en disgráce en devinreni jalouses et se mirenl
k forger leur imagination pour trouVer ún
moyen quelconque pour perdre leur sceUr
éfiYPTjtaNarAcUTOCHToriES 369
QeUp;:^ du roi. Yoíqí ce. qu'ell^a décidqrent :
q11^ i?Wm4^r^íit la sage-fetnm,Q, lui donn^rent
quarante diñares^ et lui dirc^nt : (( Lojrsqi^
]jk,Q)tre so^jar accovicl^era, tu lui Qnléveraa les
&jgtíant9 et les rejooplaceras par ce cluen ejt cette
La méchaate sagerfexuxne reotra,, toulte satis-
£l¿ie du marché;, avec h» daux cl^eas.
Dans la quí^ on vip.t 1^. rév.eill^r et lui d^re
q.il^l^ iTQine.s'accoucbuai.t. EUli^.se leva, s'h^billa,
prit^ U9 deu;^ chíecis et ajla au palais. Lq, reip^
apcoucbaassQz.heureusement, etrinf^^ie sage?
í^mme sq r^etira api*¿s avaijr. empp^té, d^ux
petits jumeaux : un garlón &t uae fílle, et les
ayoir remplaces par uQ.petit chien et une.petite
chieofie.
Quand la reine reprit ses seas, elle voulut
vojr ses eofants mais ne vit, béla^ ! quq.dqux
cbieiü3. Elle en f|it navrée, n^ais dit cep^ndaiit :
(( Tout ce que Dieu fait est biea fait. ))
Ei\^ lep» QÚt dans des langes en soie et leur
fit préparer un superbe bqrceau.
A la tombée d^ JQur, le roi rentra aupalais,
I. Piéce d'or.
2'JO LES FOLK-LORES EN EGYPTE
et des qu'il sut que sa femme était accouchée
— sans se douter de quoi — ¡1 demanda á
voir ses enfants.
Quand il les vit, plus navré encoré que son
¿pouse, il dit : (( Que la volonté de Dieu soit
faite. )) II aima cependant á la folie ees deux
petits animaux, et soit k table, soit au pré-
toire, il les avait toujours, Tun sur son genou
droit, Tautre sur son genou gauche.
Quant aux deux petits princes, la sage-
femme les avait donnés aux deux cnielles
tantes qui les enfermérent dans une caisse
enduite de goudron et les jetérent ensuite en
pleine mer au caprice des flots.
Les vagues poussérent la caisse vers le bord
du rivage, juste en présence d'un homme qui
faisait sa priére sur le rivage.
L'attention de celui-ci fut attirée, il prit la
caisse et se dit : (( O mon Dieu, je ne désire
ni richesses, ni autres choses ! Qu'est-ce que
c'est que cette caisse et qu*y a-t-il dedans ? »
Puis il ouvrit la caisse et en sortit les deux
petites créatures qui su^aient leurs doigts
mignons. 11 demanda á Dieu la forcé et la
W permission de les élever et rentra fort heureux
de pouvoir faire une bonne action.
A l'heure du déjeuner une gazelle apparut
et allaita les deux petits, l"un de aa mamelle
droite, I'autrE de sa mamella gauche, ct ae
cesaa que lorsqu'ils furent completement ras-
sasiés; puis e!le disparut, Cette gazelle nour-
riciére vint les trouver journellcment juaqu'íi
ce qu'ila fureot sevréa et qu'ila purentmanger
lout seuls.
Le garlón el la filie reatÉrent auprÉs de Icur
bon pire adoptif jusqu'S ce qu'ils devinrent
adultea, et un ¡our l'honnéte homme leur
dit : ít Dansdeux jours je mourrai, mes chcra
enfanls; je vais done vous parler pour la
deroiére foÍ3, écoutez-moi alCentivement : je
désire d'abord que vous m'assistiez ¡uaqu'á
raa dermiére heure, puis faites tout le néces-
saire et enterrez-moi icí méme. Preñez auasi
ce aac, mes enfants chéris, il est plein d'or, et
ce mora que vous voyez, jetez-le dans la mer,
il en sortira uo superbe chcval tout harnaché,
is mort, les ¡euaes gens sui-
ent les derniires volontés de
ajt sauvís d'une n
M
272
et q.ui s'£i:a¡t donné la peine de les élever ¡us-
qfj'ácít age. Quaod iU l'eurent enseveli, iU
Ipt^rent le njors á l'eau, le cheval ea aortit et
leiir demanda oü il fallait les porter. lia
d^m^ndírent i. aller h la ville la plus proche.
Ifé% qu'iis y arrivérent, le cheval leur dit ■
Lá(;hez les rénes^et arracbee deux crine de ma
queue; a'il vous arrive n'importe quoi d'em-
bH-rraasant ou d'eniiuyeuE,, pre^at^s cea deui
cfina et, je vouH apparaítrai pour voua venir
«B-aide. »
1(8 prirent lea dpux crios et a'eo aUirent par
tioute la ville. lis rencont;:éreat un marcliaad
(^ café fort pauvre qui ocvendait qu'un quait
de.rotoli de café en poudre par jour. IU s'as-
aireqt k sea cotes el en un clin d'oeil le mar-
cjiand vendit deux rptolis. II les remercia fort
chaleureusement et étaít émerveillé, eomme
tout le monde, de leur beauté sana égale dans
líiville.
Un niarchand de bric-á-brac paasa devant
eux, il tenait en main un paquet de quarante
olcfs et criait qu'il lea veodait au prii qu'in-
djquerait l'aaheteur.
« A moi pour mille dinares u, cria El-
ÉGYPTIENS-AüTOCHTONES 273
Chater Mohammed (qui était le jeune fíls du
roí dont nous racontons ici rhistoire).
« Que Dieu te bénisse, mon fíls, et te donne
grand gain; tu viens d'acheter un superbe
palais ; va, entre avec ta soeur, ouvre les
trente-neuf portes, mais laisse la quarantiéme
fermée : c^est un conseil paternel que je te
donne, suis-le.
Entré dans le palais avec sa soeur, Et-
Chater Mohammed se mit á ouvrir toutes les
portes et trouva toutes les piéces pleines de
bijouz; arrivé á la quarantiéme il hesita une
minute, puis la curíosité le poussa k ouvrir. II
ouvrit done et sa mere lui apparut, il la per^a
de sa lance, sans se douter qui elle était, et la
coupa en deux. Lui et sa soeur descendirent
ensuite au jardin et pressérent les deux crins.
Le cheval leur apparut et demanda ce qu'il
devait faire.
«Je veux que ce jardin porte des fruits hors
de saison. »
Aussitót les nombreux arbres desséchés se
couvrirent de toutes sortes de fruits et le
jardin offrit un magnifique spectacle,
Le frére et la soeur en furent enchantés, et
i8
874
l'hiver rigoureux se changea soudain en un
bel ¿té.
Leurs tantea se rappelérent alora du pasBí
et tremblérent á l'idée que lea enfants étaient
encoré en vie. Elles envoyirenl chercher l'in-
fánie sage-femme d'autrefois et lui deman-
dírent si elle savait qui derneurait dans la
maison du vizir un tel. Elle leur répondit, un
ur. II n'y avait píus de doute,
liles donnírent cinq dinares á la
lui dirent d'aller trouver le roi
imprendre que Chater Moham-
Sit-el-Hftsn oual Gamal étaient
dans le pays pour enlever le royanme de leur
souveraia et qu'il devrait lea faire arriter et
leur trancher la t£te.
Elle leur promit fidélité et obéissance puÍ3
alia trouver le roi et lui communiqua lachóse,
en chargeant iniquement des calomnies lea
plus affreuses le frtre et la soeur qui, córame
on ne l'a pas oublié, étaient les enfants de ce
mime roi. Elle dit aussi au aouverain : II y a
ua moyen bien simple devotisdéfaire dujeune
prince, Altease; vous n'avez qu'á l'envoyer á
la recherche de l'arbre de Sitti-Han, je garan-
frire et un
sage-femm
tned et sa b
ÉGYPTIENS-AUTOCHTONES 275
tis qu'il n'en reviendra pas, caril sera mangé
par les bétes feroces qui peuplent les environs
et personne n^en est jamáis revenu. ))
Le roi le fit appeler et lui dit : ft Si tu veux
demeurer dans notre ville, il nous faut appor-
ter Tarbre de Sitti*Han, autrement nous
t'exil^ms. »
El-Chater Mohammed obéit; ii rentra, em-
brassa sa soeur et partit aprés lui avoir doxmé
la bague qu'il portait au doigt, en luidisant :
« Si je meurSi la bague te serrera íort le doigt,
adieu ! »
Arrivé hors de la ville, il pressa les deux
crios et son che val apparut ; ¿1 le monta et luí
dit : « Méne-moi á l'arbrc de Sitt i-Han. ))
Quand ils se trouvérent en présence de la
premiérc ghoule, le cheval s'arréta court et
dit á son maitre : (( Je ne puis faire un pas de
plus, car je craios les giioules. ))
O-Chater Mohammed n^hésita pas une mi-
nute; il descendit de cheval et continua sa
route tout seul; arrivé á la premiare ghoule,
il lui dit : « EH-Salam Ale'ikom, ó bonne
ghoule.
— Si tu ne m'avais pas salué en commen-
9aDt je t'aurais avald; maintenant ae craiaa
plus, & brave Mohammed; dis-moi ce que tu
dóBÍres.
— Je auÍ9 k la recherchede l'arbre de Sitti-
Han.
— O moa fils, ó malheureuz, oü vaa-tu ?
Tu ae sais done pas que touB ceuK qui ont eu
riatrépidicé d'aller lecherchern'ensont poiat
Ccpcndant, écoute : « Sur la route se trouve
ma soeur; elle a unjourde plus que moi etest
d'uu au plus savaate que moi. Si tu la voia
ea train de chauSer son four et de moudre du
ael, eache-toi et ne rapproche pas ; si au con-
trairc elle moud du ble, coufs k elle et suce du
lait de son seio droit. Dis-lui aussi que tu es
le nourrisson d'Abdel-Rahim, puís auee son
sein gauche et dia-lui que tu es le nourrisson
d'AbdeI~Raman, expose luí enfiata demande, n
El-Chater Mohammed remercia la bonne
ghoule et se mit en route.
Arrívé devant la ghoule, il vit qu'elle était
en train de moudre du sel; il ae cacha et
attendit. Elle se leva, lava ses maioa et se mit
á moudre du bié. 11 accourut et fit tout ce que
EGYPTIENS-AUTOCHTONES 277
luí avait recommandé la ghoule. Elle le laissa
faire et luí demanda d'oü venait tant d^amour
et ce qu*il désirait. II luí dit qu^il désirait
Tarbre de Sitti-Han.
Elle luí fít signe de s'asseoir et lui donna á
manger, puis elle lui apporta un agneau
coupé en quatre et lui dit : « Prends eet
agneau et va tout droit devant toi ; tu trou-
veras un superbe palais á quatre colonnes;
des que tu y arriveras un gros aigle s'abattra
sur toi pour te faire du mal ; devant le palais
s'éléve un bel arbre, n'y touche pas tout de
suite; donne d'abord un quartier de mouton
á l'aigle, il le mettra dans son bec á droite,
donne-lui ensuite un second quartier qu'il
mettra á gauche, puis retire-toi. L'aigle se
rapprochera encoré de toi, tu lui donneras
alors le reste. Alors seulement prends Tarbre
entre tes deux bras et secoue-le en lui disant :
Le moment est venu, 6 arbre de Sitti-Han.
Aussitót Sitti-Han, la maitresse de Tarbre,
apparaitra k sa fenétre et te dirá : Salut, 6
Chater Mohammed, ó mon chéri, ólumiére de
mes yeux, dis-moi done deux mots et monte
chez moi que je t^amuse I Prends bien garde
de luí repondré, ne lui día pas un mot et tu
auras l'arbre que tu désires. o
EI-ChaterMohammed,eDchaht¿, s'enallaen
emportant le mouton. Tout ce qu'avait dit la
ghoule arriva et, de son cóté, il ne fií que
comme elle le lui avaít ordonné.
Sitti-Han voyant qu'il persistait íl ne pas
diré un mot comprit que c'était lui qui d«vait
posséder l'arbre et leluídonna. Tout radteux
il l'enleva et se mit en route. Arrivé á la
demeure des ghoules il pressa les deux erins,
son cheval lu¡ parut, il monta eo selle et
rentra en ville. II planta l'arbre dans son
jardín et aussit&t planté, celui-ci se couvrit
de fruits et devint d'un beau vert.
El-Chater Mohammed se rendit ensuite au
palais royal et dit au souveraia qu'ii avait
rempli sa tache, puis ¡1 rentra chez lui.
Ses tantes l'apprirent, elles fireat venir la
sage-femme, lui donntrent cent diñares el lui
dirent d'aller trouver le roi et de iui faire
observer qu'il fallait, non seulement I'drbre,
mais encoré Sitti-Han elle-mime, avec tout
son monde et son palais.
La sage-femme fit fldélement la commission
ÉGYPTIENS-AUTOCHTONES 279
au roí et ajouta méme que comme El-Chater
Mohammed avait réussi á se procurer Tarbre
en surmontant tant d^obstacles, il pourrait
tres bien aussi lui ravir le royaume.
Le roi fit venir El-Chater Mohammed et lui
communiqua la chose en le mena^ant de lui
faire trancher la tete s*il n^obéissait pas.
Notre brave alia conter le fait á sa soeur,
puis appela son fídéle coursier, le monta et se
mit en route. Arrivé au gite des ghoules, le
chcvals'arréta. El-Chater Mohammed descen-
dit á terre et continua sa route, il échangea le
salut avec la premiére ghoule qui lui demanda
pourquoi il revenait dans ees lieux; quand
elle l'apprit, elle lui dit : « Va trouver ma
soeur, la reine des ghoules, et fais comme la
premiére fois. »
Tout se passa comme la premiére fois et
quand Sitti-Han vit qu'il n'y avait moyen de
le faire parler, ni de le persuader de monter,
elle le suivit avec tout son palais. Arrivé á la
retraite des ghoules, El-Chater Mohammed
pressa les de.uzcrins, soncheval parut ettous
se rendirent á la ville. 11 déposa le palais avec
Sitti-Han dedans, dans son jardin, en face de
LES FOL.K-LDRES 1
I
l'arbre de celle-ci; puÍ8 il se rendit chez le roi
et luí dit qu'il avait encoré réusai. On était en
ptein hiver, mais en vertu de la joie et du
eontentement de notre brave, oa se trouva
comme par enchantemenc en plein ét¿. Les
tantee aurent alora qu'JI ¿taic \k et vivant et
heureux; ellea firent venir la Bage-femme, lui
donnírent cette fola-ci mille dinares et lui
direot qu'il fallait chercher encoré un procede
quelconque pour le perdre : « Va et dis au roi,
finirent-elles par diré, qu'avantde lui donner
sa liberté il doit exiger de lui qu'il trouve un
tout petit garlón qui par un diacoura ¿loquent
prenne sa défense; nouB croyons et espérona
qu'il lui sera impossible de le trouver. u
La sage-femme obéit. D-Chater Mohammed
fut mandé et le roi lui ordonna ce qui precede.
Sitti-Han, questionnée k cet effet par le pauvre
mais brave persécutí, lui répondit que c'était
chose facile mais qu'il devait demander troia
¡ours de délai au roi.
Cea trois ¡ours furent accordés par Sa
Maiesté, mais á une condition : El-Chater
Mohammed devait donaer un diaer qui püt
suffire á tout le peuple, non-seulement do la
Tille mais encoré des environs.
É6YPTIENS-AUT0CHT0NE8 26 1
£1-Chater Mohammed le dit á Sitti-Han qui
lui répondit : « Va les inviter, tout sera prét
á votre retour. X)
Sitti-Han se mit á Toeuvre, elle découpa de
la mélokhia^ qu*elle mit au feu dans une
immense chaudiére avec du ble et quand le roi
arriva avec ses innombrables sujets, tout
était servi. lis en mangérent pendant diz
jours sans pouvoir jamáis vider la chaudiére ;
le roi en fut tres intrigué et demanda Tenfant
qui devait plaider la défense de notre héros.
Gelui-ci alia le demander á Sitti-Han qui lui
dit : « Sors, fais deux pas et appelle Oumm
Zérig en lui disant : Donne-moi ton fíls Zeid«
que je Taméne voir sa tante. ))
El-Chater Mohammed le fít et aussitdt la
terre s^ouvrit et il en sortit un petit enfant. 11
le prít et Tamena chez le roi. Celui-ci le fít
asseoir et fut fort embarrassé pour lui poser
une question; il ne pouvait en croire ses yeux.
I . Sorte de légume corcharas alUorius dont les
varietés sont ; C. trüocularís^ C. tridrás, Ulustration
de la flore d^Égypte, p. $;, par Ashbrson et
SchwbinfOhrt. Mémoires de l'Institui ¿gyptUn^
tome II .
289 LES FOLK-L0RE3 EN éOYPTE
L*enfacit lui dit alora : a Que me veux-tu,
6 roí ! Demande et je te répondrai ! »
Le roi tout étonné lui dit : « Mais qui done
es-tu }
— Je suis íZérigr ct tout á ton service, éooute-
moi bien, mais d^abord donne-moi á manger
car j*ai grand faim. ib
Le roi lui fít donner de la nourríture et
assista á son repas ; il vit que tous les mets
qu*on mettait devant lui disparaissaient en un
clin d'oeil, le petit enfant avalait tout et criait
tout le temps qu^il avait encoré faim. Quand il
eut avalé tous les mets du palais et que tous
les assistants en furent stupéfaits le rol dit
au petit enfant que c^étaient 1& des actions
sataniques.
L'autre lui répondit d*un air étonné : « Tu
es roi et sultán, et tu ne peux pas manger
autant que moi }
— Tu es une merveille, mon enfant, lui dit
le roi, et je n'ai jamáis ni vü, ni entendu ce
que je vois en ce moment-ci.
— Tu es plus merveilleux encoré, mon roi,
car jen*ai jamáis vu ce qui se passe chez toieii
ce moment-ci.
I
¿GYPTIKN&-AUT0CHTONBS fl83
-^ Comment } Que yeux-tu diré > Expliqufr-
toi done.
— Voici, 6 roi, le su jet de mon étonnement :
Tu mets á ta table avec toi deux chiens que tu
crois étre tes enfants, quand tes vóritaUes
enfants, ceux que ta feínme a con^us et qu*elle
t'avait promis avant et le lendemain de ton
mariage, quand ees enfants, dis-je, sont
vivants comme toi et moi et se trouvent dans
cette ville. ))
Le roi ne comprenant plus ríen luí demanda
qui ils étaient.
« Ce sont, repritl'enfant, El-Chater Moham-
med et Sit-el-Hósn oual Gamal, la merveille
de notre temps. Leurs infames tantes, avec
Taide de ton indigne sage-femme, te les ont
enlevés et remplaces par des chiens. Et
aujourd'hui encoré, ó roi, ees méchants te
poussaient á tuer ton fíls, ton propre fíls. »
Le roi en ce moment ne se possédait plus
de joie, il était le plus heureux des hommes;
il couvrit d'or le jeune mais éloquent orateur
qui avait dévoilé toute la vérité et aprés avoir
tendrement embrassé ses chers enfants, il fít
élever un grand búcher et brüla vivantes ses
284
LES POLK' LORES EN lÉOYPTE
deux belles-'Soeurs et la sage-femme. Chati-
ment bien mérité.
D*autre part, il y eut de grandes réjouis-
sances et dans le palais il n'y eut que joie et
bonheur continuéis.
FIN
'•-^
TABLE DES MATIÉRES
Etude sur les Folk-Lores en Egypte 1
PREMIER GROUPE
PBRSANS, INDIBNS, ARIBNS DE L*BST.
I. Les trois femmes et le kadi 25
II. Le pot enchanté 6^
III . La princesse Tcherkesse 69
IV. La princesse Tag-el-Agem 77
DEUXIÉME GROUPE
ARIBNS DU NORD, BUROP¿BNS, QRBCS,
ROMAINS, BTC.
V. Les quarante boucs et le bouc che-
vauchant sur le bouc 87
VI. Les trois fils du Sultán 10;
VII« Le cheval enchanté 115
TROISlfeME GROUPE
thoTtQUBS, ARIBES, IVItS, BERBÉllBS
VIH. Ud niaringe nu profil du man
IX. La patience
X. Ne concluez jamáis ■
QUATRIÉMB CROLIPE
tVMCllMS-siQRBS, «OUD«n CHU8KT1L
XI. Ufibrate ;.
XII. Fréreetsceor
XIII, Foniel Folia
CINQyiÉME GROUPE
XIV. Malice des femmes
XV. Lestroii ñlles dumarchanddeféves.
XVI. LeTurcjalouxetsa femme Cairotte.
XVII. Souheim-el-Leyl
XVIII. La bonne Oum-Aly
TABLE DES MATIERES
387
XIX. Le kadi bien serví 2^1
XX. La ñlle du menuisier 240
XXL El-Sa!d Aly 251
XXII . El-Schater Mouhammed 26$
FIN DB LA TABLB
CHALON-SUR-SAONB, IMP. DB L. MARCBAU