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Full text of "Correspondance de Madame duchesse d'Orléans: extraite des lettres publiées par M. de Ranke et M ..."

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ART£S SCIENTIA VERITAS 



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CORRESPONDANCE 



DE MADAME 

DUCHESSE FOBLËANS 



CORRESPONDANCE 

DE MADAME 

DUCHESSE D'OELÉANS 

EitreHt du Itttiu f^it» pu I. d* ftukt at I. BtUud 



TRADUCTIi 



ERXTEST JAKaLË 



PARIS 

A. QUANTIN, IMPBIMEUB-ÉMTEUB 



De 



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CORRESPONDANCE 



DE MADAME 



DUCHESSE D'ORLÉANS 



A LA RAUGRAVE AMÉLIE-ÉLISABBTH. 

VersailloSi lo 12 janTier 1*708^ 

... Cela m*a réjouie au fond de Tâme d'apprendre 
que ce bon Heidelberg est si bien restauré. Dieu le 
préserve de malheurs à venir. Mais depuis la mort de 
M. de Louvois, on n'incendie plus comme de son 
temps. J'espère donc que la ville ne sera plus réduite 
en cendres. Dites-moi, je vous prie, où vous logez, et 
dans quelle rue. Je voudrais savoir aussi si l'église du 
Saint-Esprit et le pont du Neckar sont rebâtis. Pour- 
quoi l'électeur ne fait-il pas restaurer le château ? Il 
en vaut bien la peine. L'air est bon dans la ville, mais 
au château il est meilleur encore... 

II. 1 



2 CORRESPONDANCE 



A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 9 juin 1708. Dix heures et quart du matin. 

... On vient de m'annoncer que M. d'Antin, le fils 
légitime de M"» de Montespan, a obtenu la charge de 
Mansard, qui lui rapporte 50,000 francs. En outre, le 
roi dépense annuellement 1 millions en construc- 
tions : 1 million est pour le surintendant. De plus, il 
nomme à deux ou trois cents emplois, ce qui lui vaut 
de Targent. C'est donc une charge des plus lucratives 
que celle de surintendant des bâtiments... 

Fontainobloau, le 11 juillet 1708. 

... Samedi dernier, M. de Gacé apporta la nouvelle 
que Gand s'est rendu, mais que la citadelle tient 
encore. Lundi, le comte de La Mothe envoya le jeune 
Fretteville pour annoncer que non seulement la cita- 
delle de Gand a capitulé, mais encore que la ville de 
Bruges est tombée entre nos mains, sans effusion de 
sang. Pourtant le château de Gand a coûté la vie à 
deux personnes, et cela d'une drôle de manière. Un 
bourgeois, mécontent de ce qu'on rendait Gand aux 
Francis, au moment où l'on ouvrit la porto de la cita- 
delle, descendit ses culottes et présenta le derrière à 
la sentinelle. Le soldat se fâcha, prit cela pour un 
affront et lui lâcha son coup de fusil juste en cet en- 
droit-là. 11 tomba raide mort. Un sien ami, pour le 
venger, tua le soldat, et aiasi finit la guerre. .« 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 3 

Fontainebleau, le 21 juillet 1708. 

•«. Mon fils a pris Tortose. Les assiégés ont fait une 
défense des plus opiniâtres. Finalement, ils firent 
encore une sortie, le 9 dans la nuit, qui coûta la vie 
à trois cents des gens de mon fils. Il était aussi dans 
la tranchée, et c'est un grand bonheur qu'il n'ait pas 
été tué. Le 10, ils battirent la chamade : le goùver- 
■neur, un comte d'Eflfern, envoya des otages et un 
projet de capitulation qui ne plut pas à mon fils. Il en 
fit un lui-même, renvoya les otages du gouverneur, 
et lui fit dire qu'au cas où il ne signerait pas cette 
capitulation il donnerait l'assaut immédiatement. 
Ceux de la ville n'en voulurent pas courir la chance 
et signèrent tout... Une clause delà capitulation porte 
qu'on livrera aussi un château fort situé dans les 
montagnes et appelé Allez (?). Il est occupé par deux 
mille hommes et coupe les communications entre les 
royaumes d'Aragon et de Valence... 

Je sais que vous aimez lire les lettres de mon fils ; 
je vous envoie donc copie de sa dernière... 

Fontainebleau, le l«r août 1708. 

... Je savais bien qu'on avait perdu une bataille S 
mais je n'en savais pas le détail, car il n'est pas permis 
d'en parler. Défense est faite aux gens qui sont à l'ar- 
mée d'en dire quoi que ce soit dans leurs lettres... 

1. Oudenardo. 



4 CORRESPONDANCE 

Fontainebleau, le 11 août 1708. 

... J'avoue que la reddition de Tortose m'a réjouie 
au fond de Tâme, et cela d'autant plus que les princes 
ici, tels que M. le Duc, le prince de Conti, M. du 
Maine et le comte de Toulouse avaient tenu la chose 
pour impossible. M. le Duc, devant le roi, disait d'un 
air moqueur à M*"» d'Orléans que mon fils avait mal en- 
tamé le siège et qu'il ne prendrait pas la ville. Mais 
le plus plaisant de l'affaire, c'est que pour se moquer 
de moi ils m'envoyèrent un matin M. Dangeau pour 
me complimenter de ce que Tortose s'était rendue et 
de ce que j'avais reçu un courrier spécial, et le soir du 
même jour le marquis de Lambert arriva porteur de 
la nouvelle qu'effectivement la ville avait capitulé. 
J'aurais voulu que vous vissiez l'air fâché de M. le 
Duc et du prince de Conti. Ils n'auraient pu faire une 
pire figure si on leur avait annoncé qu'ils allaient 
mourir. Cela, je l'avoue, a encore accru ma joie. 
J'étais heureuse aussi de ce que le roi parût également 
en avoir du. contentement, que cette fois-ci il ne parta- 
geât pas le chagrin que causait aux autres le bonheur 
de mon fils, mais qu'il se montrât tendre pour son 
neveu... 

Fontainebleau, le 18 août 1*708. 

J'avoue que. Dieu merci I mon fils ne manque pas 
d'esprit. Il n'a pas mal étudié non plus et sait un peu 
plus de choses que les autres princes de la famille 
royale. Les difficultés l'attirent, c'est pourquoi il né- 
glige un peu trop les choses faciles. Il n'est parvenu 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 5 

à s'emparer de Lérida et de Tortose que grâce à sa 
propre opiniâtreté : tout le conseil de guerre y était 
opposé. Puis aussi on le laissait manquer de tout : il 
a dû, à force d'industrie, faire subsister son armée ; 
sans cela, lui et elle seraient morts de faim..» 

A LA RAUGRÀYE AMÉLIE-ÉLISABETH. 

Meudon, le 3 septembre 1708. 

... Vous croyez donc, chère Amélie, qu'à l'armée il 
n^y a pas un grand nombre de mauvais garnements 
qui ont la même inclination que les Français! Si vous 
croyez cela, vous vous trompez fort. Les Anglais sont 
tout aussi acharnés et ne se conduisent pas mieux. 
Vous me faites rire aussi de vous imaginer que ce 
péché ne se commet pas en Allemagne. Croyez-moi, 
les Allemands s'entendent bien aussi à cet art-là. Si 
Charles-Louis n'avait pas été présent, le prince d'Ei- 
senach, qui est tombé en Hongrie, aurait tué le prince 
de AVolfenbuttel. Celui-ci voulait lui faire violence, 
et l'autre n'entendait pas de cette oreille-là. Charles- 
Louis m'a raconté aussi que toute l'Autriche était 
infestée de semblables vices... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 28 octobre HOR. 

... A l'exception des mal tô tiers et des gens d'affaire, 
il y a peu de personnes ici qui puissent se targuer de 
grande richesse. Villars seul s'est enrichi dans le 



6 CORRESPONDANCE 

Palatînat. Le maréchal de Marsin lui a dit un jour en 
face que ses richesses n'étaient que du bien mal 
acquis. « Ce n'est pas du bien mal acquis, répondit 
Villars, puisque le roy me Ta donné !» — « Le roy ne 
sauroit vous donner ce qui n'est pas a Luy, répondit 
Marsin, et je ne vouderois pas avoir autant à me 
reprocher... » 

Marly, le 4 novembro 1708. 

... Mon fils m'écrit une chose qui me fait bien rire. 
Voici ses propres paroles : « J'ay receue vne lettre de 
la reine douariere d'Espagne qui me charge comme 
son cousin et comme cauallero d'entreprendre sa 
deffence, je ne say s'il faudera jetter le gand contre 
la Duchesse de Gramont, en tout cas je prie qu'on 
m'excuse de la jouste... » 

A LA UAUGRAVE AMÉLIE-ELISABETH. 

Versailles, lo 17 novembre 1708. 

... Vous avez bien raison d'aimer le séjour du Pala- 
tînat. Tout y est bon : l'air, l'eau, le boire et le man- 
ger. Je jure que je préférerais bien y demeurer avec 
Louise et vous et que nous passions notre vie 
ensemble plutôt que de vivre à cette cour-ci, à condi- 
tion de voir tous les ans ma tante pendant quelques 
mois et mes enfants aussi quelquefois dans le courant 
de l'année... 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 

Versaillos, le 1» décembre 1708. 

... Nous sommes au 1" décembre aujourd'hui... 
C'est le jour où se présentent les créanciers et où il 
faut payer : j'ai déjà donné cent cinquante pistoles... 

M. le Dauphin a fait la remarque que s'il gèle fort 
avant la Saint-Martin, l'hiver n'est ni rude ni dur... 

... Je me souviens fort bien du nom de M. Linen- 
schloss. Le fils est donc devenu professeur comme* le 
père l'était de mon temps ? Mieg est sans doute le fils 
de celui que j'ai connu ; mais alors il est le frère de 
la belle Amélie! Le père était vice-chancelier. Je 
connais Lintz et je me souviens parfaitement do ce 
chenapan de Seyller. Il était ici l'année de la paix 
de Ryswick, mais il n'a pas voulu me faire visite, 
quoiqu'il fût venu comme envoyé de l'empereur. Je 
le rencontrai par hasard à la promenade, au canal. 
Il devint si pâle qu'il fallut l'emmener. Il avait fait 
cent mensonges ici, disant qu'il avait été élevé 
avec moi, qu'il était mon frère de la main gauche. Il 
n'est pas changé, je l'ai immédiatement reconnu. Il 
n'avait jamais joué dans la comédie de Séjan, mais 
bien dans le Pastor fido * : il y faisait Ergaste, le 
confident de Myrtile.. Le bibliothécaire Fuchs donnait 
Séjan, Schutz Tibère, mon frère Macron et Drusus, 
Clos Agrippine, le comte de Witgenstein Néron, le 
comte de Bentheim Drusus ; mais je ne sais plus qui 
faisait Caligula... 

Ne soyez donc pas simple au point de croire que 

1. Le ùèîQ de Madame avait organisé un théâtre d'amateurs. 



CORRESPONDANCE 

les jeunes hommes par le temps qui court vivent sans 
maîtresses. Cela n'est pas le moins du monde désho- 
norant pour un homme de qualité... 

A LÀ DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 16 décembre 1708. 

... Notre reine d'Espagne s'est tellement fâchée de 
ce que sa sœur fût si insolente envers moi qu'elle a 
chargé mon fils de bien lui recommander de sa part 
d'avoir à faire sa paix avec moi. Elle lui a écrit aussi 
une lettre si dure à ce propos que le roi a demandé 
à mon fils ce que tout cela voulait dire. Il Ta approuvé 
d'engager la duchesse de Bourgogne à se remettre 
avec moi, ajoutant que si elle tenait encore vis-à-vis 
de moi une conduite dont j'eusse à me plaindre, il ne 
l'approuverait nullement. Là-dessus la duchesse a 
chargé mon fils de me dire qu'elle ne désirait rien 
tant que de bien vivre avec moi. Je me suis inconti- 
nent rendue auprès d'elle et lui ai dit : » Madame, 
mon fils vient de me donner une grande joye en 
m'assurant que d'ornavant vous voulez bien avoir 
plus de bonté pour moy que vous n'en avez eue je 
tacheres a ne jamais rien faire qui puisse vous 
desplaire, ce na jamais esté mon jntention et j'ay esté 
en cela plus malheureuse que coupable. » Elle devint 
rouge comme le feu et toute décontenancée : « Vous 
prenes ma timidité pour aversion, »' dit-elle. — « Et 
pourquoy, répondis-je, series-vous timide avec moy, 
qui n'ay auttre Intention que de vous honnorer et 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 

approuver. » — « Ne parlons plus du passé; fit-elle, 
i'espere que vous seres dornavant plus Contente. » — 
a Je le seres tousjours, répondfs-je, pourvue que 
vous ayes vn peu de bonté pour moy. » Là-dessus, 
elle se mit à parler d'autre chose... 

M. de Vendôme est de retour ici. Il est venu me 
voir aujourd'hui : il a pris énormément d'embon- 
point... 

Versailles, le 23 décembre 1708. 

... Ci-joint des chansons nouvelles qui me sont 
parvenues sans que je sache de qui elles me viennent : 
on me les a envoyées par la poste. Dans Tune de ces 
chansons, on prétend que M. d'O s'est sauvé comme 
Polichinelle au théâtre des Marionnettes. En France, 
tout est affaire de vogue. Maintenant c'est la mode 
d'avoir peur, et de se sauver, et d'être battu, comme 
jadis de battre l'ennemi et de le mettre en fuite... 

Qu'il y ait des colonels en bas âge 7 Cela provient 
de ce qu'on vend et achète les charges... 

Versailles, le 10 janvier 1709. 

... Certes j'ai à vous remercier de ces belles mé- 
dailles! Vous ne vous figurez pas quel amusement 
c'est pour moi. Je passe des journées entières à les 
regarder, comme aussi mes médailles antiques. Lundi 
dernier j'en ai de nouveau acheté cent cinquante avec 
l'argent que le roi m'a donné pour mes étrennes. J'ai 
présentement un cabinet de médailles d'or,' une véri- 
table suite de tous les empereurs, depuis Jules César 

1. 



10 CORRESPONDANCE 

jusqu'à Héraclius. Il n'y manque rien et dans le 
nombre il y a des pièces très rares que le roi n'a pas. 
J'ai eu tout cela à fort bon compte : il y en a deux 
cent soixante que je n'ai payées que leur poids. J*ai 
quatre cent dix médailles d'or en tout. Je m'amuse à 
entendre disputer curieux et savants et je me fais 
raconter les histoires inscrites sur le revers ; cela me 
divertit énormément. Vous avez raison : les médailles 
faites à Hanovre sont^ incomparablement plus belles 
que celles de Nuremberg... 

Versailles, le 17 janvier 1709» 

4.. Je ne peux compter obtenir l'amitié de la « jeune 
plante* », qui est si mal élevée. La seule chose que 
j'exige et que je puisse obtenir d'elle, c'est, quand 
elle se moque de moi, que ce ne soit pas en face, 
qu'elle me réponde quand je lui demande une chose, 
qu'elle ne dise pas tout juste le contraire de ce que 
je dis, moi, et qu'elle soit polie quand je vais chez 
elle... 

J'ai la toux tellement fort que je ne peux sortir. 
J'en suis redevable à la politesse de M* le Dauphin. 
Dimanche dernier il faisait un froid atroce et l'on 
avait allumé un terrible feu dans la cheminée de la 
salle où nous mangeons. M. le Dauphin et M'"« la 
duchesse de Bourgogne sont assis à droitef du roi ; les 
ducs de Bourgogne et de Berry à l'autre bout, moi je 
suis auprès de la duchesse de Bourgogne et M"^^ d'Or- 

1. La dachosse do Bourgogne* 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. il 

léans à l'autre bout auprès des princes ; le roi droit 
devant la cheminée. 

... Si personne ne se met devant moi, j'ai le grand 
feu en pleine figure. La méchanceté était d'autant 
plus grande que M. le Dauphin pouvait se chauffer sans 
qu'il fût nécessaire que le feu me gênât, mais dès 
qu'une personne voulait se placer devant moi, il lui 
faisait signe de la main de s'en aller : cela m'a immé- 
diatement donné la migraine, la toux et le rhume... 

A LA RAUGRAVE AMÉLlE-ELISABETU* 

Versailles, le 19 janvier 1709. 

..» De mémoire d'homme il n'a fait aussi froid; on 
n'a pas souvenance d'un pareil hiver. Depuis quinze 
jours, on entend parler tous les matins de gens qu'on 
a trouvés morts de froid, on trouve dans les champs 
les perdrix gelées. Tous les spectacles ont cessé aussi 
bien que les procès : les présidents ni les conseillers 
ne peuvent siéger dans leurs chambres à cause du 
froid... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 27 janvier 1709. 

M. de Vendôme ne manque pas du tout d'intelli- 
gence ; avec cela il a de la science, mais il ne se peut 
contraindre en rien : c'est là l'éducation d'ici. Et en 
outre il est très paresseux, ce qui gâte tout, mais il a 
du courage. Sous ce rapport, il ne lui manque rien. 






12 CORRESPONDANCE 

Avec cela il se laisse souvent, dit-on, mener par ses 
gens, mais quand il agit par lui-môme tout va bien... 

Versailles, le 30 janvier noO. 

•t. Il me faut d'abord vous dire la nouvelle que j'ai 
apprise chez la duchesse de Bourgogne : tous les ré- 
formés ont perdu leur ennemi le plus acharné, à 
savoir le confesseur du roi, le père La Chaise. Il avait 
quatre-vingt-cinq ans. Il y aura de fameuses Intrigues 
pour cette place-là... 

A LA HAUGRAVE AMELIE -ELISABETH. 

2 février 1709. 

... Le froid est si horrible en ce pays-ci que depuis 
Tan 1606, à ce qu'on prétend, on n'en a pas vu un tel. 
A Paris seulement il est mort 2/1,000 personnes du 
5 janvier à ce jour. 

On ne sait pas ce que c'est que d'aller en traîneau 
ici. Ou bien on n'en a pas du tout, ou si Ton en a ce 
sont de lourdes et laides machines qu'on ne peut 
regarder... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Marly, lo 1 février 1709. 

... Le duc de Bourgogne et le duc de Berry ont été 
élevés ensemble, de la même façon, mais ils sont 
d'humeur bien différente. Le duc de Berry n'est pas 
dévot du tout, il n'a de considération pour rien au 
monde, ni pour Dieu ni pour les hommes, aucune 
maxime, il n'a cure de rien, pourvu.qu'll se divertisse, 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 13 

peu importe comment, tout lui est bon. Voici ses 
amusements ordinaires : il tire des coups de fusil, 
joue aux cartes, cause avec des jeunes femmes qui 
n^ont pas le sens commun et fait le goinfre. Voilà ses 
plaisirs. J'allais oublier les glissades sur la glace; 
cela en fait partie aussi. 

Mon fils est d'une toute autre espèce. Il aime la 
guerre et s'y entend; il n'aime pas tirer des coups de 
fusil, ni jouer, ni chasser^ mais il aime tous les arts 
libéraux et par-dessus tout la peinture... Il s'amuse à 
distiller; il aime la conversation : il ne cause pas mal. 
Il a fait de bonnes études et sait beaucoup de choses, 
car il a une bonne mémoire. Il aime la musique et les 
femmes. Pour ce dernier article, je voudrais qu'il s'y 
adonnât un peu moins, car il se ruine lui et ses 
enfants, et cela l'amène souvent à fréquenter trop 
mauvaise compagnie. 

Je ne dis pas que le roi soit marié ; mais supposé 
qu'il le fût et qu'il voulût déclarer son mariage, pas 
une âme n'y trouverait à redire un mot. Le Dauphin 
aussi — le bruit en court — a contracté un mariage 
clandestin. Le duc de Bourgogne a trop peur du roi 
et de la dame pour oser ouvrir la bouche; la dame 
et la duchesse de Bourgogne ne font qu'une âme 
dans deux corps, le duc de Berry ignore lui-môme qui 
il est, ne sait rien et tient tout pour bien. Vous pou- 
vez donc hardiment admettre que ce ne sont pas les 
princes qui ont mis obstacle à la déclaration du ma- 
riage. Des gens pensant savoir le fin de l'affaire 
assurent que jusqu'ici l'empêchement venait du père 
La Chaise le confesseur du roi qui vient de mourir... 



'.' > 



14 CORRESPONDANCE 



A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Marly, lo 9 février 1709. 

... Un de mes petits chiens vient de sauter sur ma 
table et sur ce papier même : il a effacé tout ce mot, 
comme vous voyez. La dame qui a accompli cette 
belle action s'appelle Candale, née Robe. Ce nom lui 
vient de ce que sa mère est accouchée d'elle sur ma 
robe de velours... 

Les loups aussi font rage ici : ils ont dévoré le cour- 
rier d'Alençon avec son cheval et en avant du Mans 
ils ont attaqué, à deux, un marchand... 

Versailles, le 16 février 1709. 

J'étais bien triste quand on m'apporta votre lettre i 
on venait de m'annoncer l'afifligeante nouvelle de la 
mort de notre tante, la princesse Louise de Mau- 
buisson. Elle est enfin morte après une longue ma- 
ladie, et quoiqu'une femme ne puisse guère atteindre 
un âge plus élevé — elle est morte à quatre-ving-six 
ans et neuf mois — je n'en aï pas moins été fort 
peinée, car d'abord la bonne princesse m'aimait 
mieux que ses autres nièces, quoiqu'elles eussent été 
élevées auprès d'elle... Secondement je crains que ce 
décès ne bouleverse notre chère électrice et ne nuise 
à sa santé, et enfin ce m*était un vrai plaisir d'aller 
dîner quatre ou cinq fois l'an là-bas, de passer toute 
la journée avec ma tante, d'épancher mon cœur dans 
son sein et de revenir le soir par le frais... 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 15 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 21 février n09. 

... Avant-hier je reçus la visite d'un conseiller 
danois fraîchement débarqué. « Gomment votre roi se 
divertit-il en Italie ? lui demandai-je. — Pas aussi 
bien qu'il l'avait espéré, répondit-il. — Qu'est-ce 
donc que cette rumeur, repris-je , que dans toute 
l'Allemagne on prête au roi l'intention de so débar- 
rasser de la reine et d'en prendre une autre? » Il se 
mît à rire et dit : « Je sais bien que ce bruit-là court, 
mais on grossit bien l'affaire. Il est vrai, hélas! que 
c'est un différend survenu entre le roi et la reine qui 
est la cause de ce voyage d'Italie, mais le roi n'a 
jamais songé à divorcer et encore moins à en épouser 
une autre. Le discord vient de ce que le roi ayant 
résolu d'avoir cet hiver un carnaval et des opéras 
pour se divertir, les pasteurs ont persuadé à la reine 
que si elle le tolérait, le roi se damnerait et elle avec, 
et quMl mènerait une vie comme le roi Auguste. Elle 
lui a donc fait une opposition absolue et a fait prêcher 
ses ministres publiquement contre ces projets. Gela a 
indisposé le roi. «r Du moment, dit-il, que la reine ne 
t veut pas que je me divertisse en sa compagnie, je 
« m'en vais aller me divertir si loin qu'elle ne pourra 
«t pas m'incommoder. » Et là-dessus il a résolu et mis 
à ejcécution le voyage de Venise. Gette histoire me 
semble si naturelle que je la crois vraie... 



16 CORRESPONDANCE 

 LÀ RÂUGRAVE LOUIS£« 

Versailles, le 23 février 1709. 

Bien sûr que j*ai fort connu Tapothicaire Nebel et 
sa jolie petite femme!... Il avait un assez grand 
jardin à Heidelberg, où le fruit était étendu en espa- 
liers, comme ici... 

Demain un nouveau médecin va me prêter serment: 
a'est un jeune homme de quarante-deux ans. C'est 
mon quatrième docteur depuis que je suis en France: 
celui-ci sans doute m'achèvera, puisque j'ai près de 
quinze ans de plus que lui... Je ne le connais pas, 
mais on m'a dit tant de bien de lui que je l'ai pris... 

Versailles, le 2 mars 1709. 

... Hier on m'a conté une lamentable histoire d'une 
pauvre femme qui, au marché, vola un pain dans une 
boulangerie. Le boulanger lui courut après, elle se 
mit à pleurer et dit : « Si l'on savait ma misère, on 
ne me reprendrait pas ce pain ; j'ai trois petits enfants 
tout nus, sans feu ni pain, ils crient pour en avoir, je 
n*ai plus pu l'endurer, voilà pourquoi je l'ai pris, » 
Le commissaire devant lequel on l'avait menée lui 
répondit : « Faites bien attention à ce que vous dites, 
car je vais vous accompagner chez vous. » Et il y 
alla. En entrant dans la chambre, il vit trois petits 
enfants tout nus, assis dans un coin, s'enveloppant de 
vieilles loques; ils tremblaient de froid, comme on 
tremble quand on a la iîèvre. Il demanda à l'aîné : 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 17 

« Où est votre père? — Derrière la porte », dit l'en- 
fant. Le commissaire voulut voir ce que l'homme 
faisait là derrière. De désespoir, il s'était pendu. •• 

On m'écrit à l'instant de Paris qu'une demoiselle y 
a prédit sa propre mort et d'autres choses encore... 
Elle doit avoir dit entre autres qu'une grande bataille 
va être Uvrée cette année près de Béthune, que les 
nôtres la gagneront et qu'après seulement on fera la 
paix. D'ici à quelques mois nous verrons si la pro- 
phétie est vraie. Mais ce qui s'est trouvé être vrai, 
c'est que la demoiselle est morte au jour et à l'heure 
qu'elle avait dit... 

Parmi les sauvages du .Canada, il y en a beaucoup 
qui voient les choses à venir. Il est venu ici, il y a dix 
ans, un gentilhomme français, ancien page du ma- 
réchal d'Humières. Il avait épousé une de mes femmes 
de chambre. Il avait amené un sauvage avec lui. Un 
jour qu'il ne songeait à rien, étant à table, le sauvage 
devint triste et se mit à faire des grimaces. « Qu'as- 
tu ? dit Longueuil, — car ainsi se nommait le gentil- 
homme. — Quelqu'un t'a-t-il fait du mal? — Non, dit 
le sauvage, qui se mit à pleurer amèrement. — Je 
veux absolument savoir ce que tu as, reprit Longueuil. 
— Ne me force pas à te le dire, répliqua le sauvage, 
cela te touche de plus près que moi. » Il voulut le 
savoir quand même. « Eh bien, lui dit le sauvage, j'ai 
vu par la fenêtre, tout à l'heure, comme ton frère a 
été assassiné au Canada, en tel et tel endroit, par un 
tel. » Longueuil se mit à rire et dit : « Tu es devenu 
foui — Je ne suis pas foui répondit le sauvage. 
Prends note de ce que je te dis, tu n'apprendras que 



18 CORRESPONDANCE 

trop tôt que c'est la vérité. » Chacune des personnes 
présentes, pour la curiosité du fait, prit note de la 
chose, y ajoutant le jour et l'heure. Six mois après, 
quand les vaisseaux revinrent du Canada, Longueuil 
reçut la nouvelle que son frère était mort exactement 
comme le sauvage l'avait vu par la fenêtre, dans les 
airs. Ceci est une histoire absolument vraie... 

Versailles, le 16 mars 1709. 

... Ce sont les méchantes gens et non le mauvais 
temps qui sont cause que je ne reçois pas exactement 
mes lettres de Hanovre. Ce qui me prouve clairement 
qu'on me fait des bouffonneries c'est que, par exemple, 
on me remet tel jour trois postes du vendredi qu'on a 
arrêtées au passage, mais pas du tout celle que je 
devrais recevoir ce jour-là; une autre fois on fait de 
même avec la poste du lundi et pour bien me montrer 
que mes lettres ont été ouvertes, puis recachetées, 
on prend un feuillet qui appartient au dernier paquet 
et on le met dans le premier, et tous les feuillets des 
autres paquets on les entremêle tellement que pour 
pouvoir lire les lettres il faut perdre un quart d'heure 
à les ranger... 



A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, lo 7 avril 1709. 

.... Hier, à la place Maubert, cent dames de la halle 
ont mis à mort un commissaire. On les a toutes prises 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 19 

et enfermées. Cela provient de ce que le pain ren- 
chérît. 11 a fallu doubler aussi la garde de M. d'Ar- 
genson, qu'on veut également tuer... 

Marlj, le 18 a7ril 1709. 

m 

... Je suis comme vous, de ma vie je n'ai pu com- 
prendre VApocalypse. Mon confesseur actuel est rai- 
sonnable en tout, sauf en ce qui a trait à la religion. 
Il en a une bien sotte et pourtant il a de Tesprit : 
c'est réducation qui est cause de cela. Il est tout autre 
que mes deux précédents confesseurs, le père Jordan 
et le père de Saint-Pierre. Ils convenaient des baga- 
telles et des mauvaises choses qu'il y a en cette reli- 
gion-ci, mais celui-ci n*en veut rien faire. Il veut 
qu'on admire tout. J'en suis incapable, je ne donne 
pas là-dedans. En outre, dit-il, je ne suis pas assez 
docile. Mais je lui ai dit sans ambages que j'étais trop 
vieille pour croire à toutes ces bagatelles de miracles. 
Le jeudi saint il est arrivé une chose plaisante dont 
j'ai bien dû rire. Je revenais de l'église, où j'avais 
communié. On se mit à parler de miracles, quelqu'un 
raconta comme quoi M. le Prince, le père de celui 
qui est mort en dernier lieu, et M"'' la Princesse 
Palatine* s'étaient convertis parce que, ayant tenu 
exposé à la flamme d'une bougie du bois de la croix 
de Jésus-Christ, ce bois n'avait pas pris feu. « Ce 
n'est pas là un miracle, dis-je, car il y a du bois en 
Mésopotamie qui ne brûle pas. — Vous ne voulez 

1. Anne de Qonzague. 



20 CORRESPONDANCE 

pas croire aux miracles, dit le père Lîngère *? — J'ai 
la preuve en main, » répondis-je. Et cela était vrai^ car 
Paul Lucas m'a vendu un gros morceau de ce bois» 
qui devient rouge ardent mais ne brûle pas. Et me 
levant je m'en fus chercher mon bois, le donnai au 
père Lingère et le lui fis bien examiner, afin qu'il ne. 
doutât pas que ce fût du bois. Il en coupa un mor- 
ceau et jeta le restant au feu. Il y devînt rouge comme 
le fer, mais ne brûla pas. De qui se moqua-t-on et qui 
fut penaud? Ce fut mon bon confesseur, car je n'ai 
pu m'empêcher de rire. Mais il se remit et dit qu'il 
n'était écrit nulle part que le bois de la sainte croix 
ne brûlait pas ; ceux qui, par conséquent, l'exposent 
au feu, ont tort. « Mais, dis-je, si vous n'aviez pas eu 
la preuve que ce bois est incombustible, ne m'eus- 
siez- vous pas fait un crime de ne pas croire à ce 
grand miracle? » Lui-même finalement dut rire et 
avouer que s'il ne l'avait pas vu il n'aurait pas ajouté 
foi à ce que je disais de ce bois. Lui et le père 
Cannet auraient été bien ensemble. Quand M"» de 
Rathsamhausen m'entend ainsi disputer avec lui, elle 
a coutume de dire : « J'espère que Dieu aidant, "Votre 
Altesse Royale finira par donner une bonne éducation 
à son confesseur... » 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 20 avril 1709. 

... Dites-moi donc quel nom les médecins donnent 

1. De Linières. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 21 

à la maladie d'Âmelise? Elle aurait pu vous faire la 
réponse qu'un mourant fit à un moine qui Texhortait 
à prendre patience : a Mon père, dit-il, rien n'est plus 
aîssé que de prêcher la patiance ; mais mettes moy en 
vostre place avec une si bonne santé et soyes aussi 
malade que je suis, vous veres si la patiance est 
aissée. » 

De mourir, chère Louise, c'est la dernière sottise 
qu'il nous soit donné de faire. Il faut donc la faire le 
plus tard possible, surtout quand on est utile à quel- 
qu'un en ce monde, comme vous l'êtes à vos neveux 
et nièces. Votre neveu ne me connaît pas ; je crois 
donc qu'il ne se soucie guère de mon approbation : il 
l'a quand même, et entière; je donne tout à fait tort 
à son père. On a beau être fils unique, on n'a pas 
besoin pour cela d'être un grand lâche, et Notre- 
Seigneur Dieu peut partout nous prendre sous sa 
garde... Il vaut donc mieux que votre neveu devienne 
un homme capable en faisant campagne et en voya- 
geant, plutôt que de se tenir coi à la maison et de ne 
songer qu'à perpétuer la race et à faire des enfants. 
En pareille occasion, il est permis à un jeune 
homme de ne pas strictement obéir h son père ; tout 
le monde vous louera de faire une échappée et de 
partir en guerre... Je suis sûre que le duc de Schom- 
berg, quelque irrité qu'il veuille paraître, est heureux 
au fond de l'âme que son fils ait pris ce parti, et qu'il 
l'en estime..* 



22 CORRESPONDANCE 

Versailles, le 27 avril noo. 

... Le prince Eugène a de Tesprit et du mérite, mais il 
est petit et laid de sa personne; il a la lèvre supérieure 
si courte qu'il ne peut pas fermer la bouche; on voit 
donc tout le temps deux grosses dents fort longues. Il 
a le nez un peu retroussé et les narines assez ouvertes ; 
mais les yeux ne sont pas laids et très vifs... 

On attend aujourd'hui le courrier qui dira si nous 
avons la paix ou la guerre. Que Dieu détourne celle-ci 
de nous... 

A LA DUCHE9SE DE HANOVRE. 

Marly, le 2 mai 1709. 

... La reine Anne a bien raison de ne pas vouloir 
d'un autre mari. A en juger par ce qu'on m'a dit de 
de celui qui vient de mourir, elle n'a pas, sous le rap- 
port de la conversation et de la société, perdu grand'- 
chose en perdant le prince Georges. S'enfermer dans 
une chambre obscure, c'est bien malsain. Peut-être 
aussi qu'elle n'y reste pas tout le temps. D'après ce 
qu'on dit ici du duc de Marlborough, je crois que lui 
et le prince Eugène viennent en Hollande plutôt pour 
empêcher la paix que pour y aider. Aussi commence- 
t-on à croire qu'elle ne se fera pas.., 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 23 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Marly, le 2 mai n09. 

... Quand les médecins mettent ainsi tout en latin, 
j'ai toujours envie de leur dire comme M. Grichar 
dans la comédie : « Eh, parle français, excrément do 
colége! 1 Si la pauvre humanité avait un carreau de 
vitre dans Testomac, par lequel les docteurs pussent 
regarder, je crois qu'ils trouveraient les moyens qu'il 
faut pour guérir les gens ; mais du moment qu'il leur 
faut tout deviner, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'ils 
tâtonnent ainsi. Je suis bien en peine d'Amelise, car 
sa maladie, avec toutes ses convulsions, me paraît 
dangereuse... 

Versailles, le 18 mai 1709. 

... Je n'ai jamais su quel nom porte votre neveu. Je 
vois par une lettre deM>^« de Malause qu'on l'appelle 
mylord Arouische *. M'est avis que c'est là un drôle 
de nom. Il ne manque pas de voyelles! 

A hA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 19 mai n09. 

... Notre bonne feue reine parlait un étrange fran- 
çais. D'abord jamais un u, tout en ou. En outre, elle 
disait una servillieta pour une serviette, la sancta 
Biergen pour la sainte Vierge, des eschevois pour des 

1. Harwich 



24 CORRESPONDANCB 

chevaux, et beaucoup d'autres semblables choses 
encore... 

Versailles, le 6 juin 1709, trois heures de l'après-dlnée, 

... Je ne pensais pas que M. de Torcy fût peureux 
au point de s'évanouir. Il est de retour à présent, 
comme vous avez vu par ma dernière lettre. Mylord 
Fausegen ^ a fort mal opéré par rapport à la paix. 
Elle ne se fera pas. On se défendra jusqu'à la dernière 
goutte de sang, et tout le monde est tellement aigri, 
qu'il y aura, je crois, de terribles batailles. Je frémis 
rien que d'y penser... 

A LÀ RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 8 juin 1709. 

Gertes, 11 me faut faire ici uniquement ce que 
veulent les autres. J'avais les mains moins liées tant 
que feu mon mari était en vie; je ne peux découcher 
de Versailles sans la permission du roi... 

Croyez-vous qu'on n'entende pas de lamentations 
ici? Jour et nuit on n'entend que celai La famine est 
tellement violente à cette heure, que des enfants se 
sont entre-dévorés. Le roi est si bien décidé à conti- 
nuer la guerre, que ce matin il a envoyé à la Monnaie 
tout son service en or, les assiettes, les plats, leis 
salières, en un mot tout ce qu'il avait d'or, pour en 
faire des louis... 

1. Milord Townsend (?). 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 25 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Marly, Iel3jaial709. 

Cela s'est trouvé être vrai : M. de Charaillart a été 
renvoyé, et H. Voisin, qui est conseiller d'État et 
intendant de Saînt-Cyr, a pris sa place. Mais il lui 
faut donner à Chamillart 800,000 livres; le roi lui a 
accordé une pension viagère de 20,000 écus, dont la 
moitié sera servie à sa femme si elle devait lui sur- 
vivre. Son fils reçoit une pension de 12,000 livres, et 
achète la survivance de la charge de M. de Cavois*, 
qui est celle de grand maréchal des logis. M. de Cha- 
millart a accepté sa disgrâce avec une grande fermeté 
d'âme. Il dit au duc de Chevreuse et à Beauvillers, qui 
étaient venus la lui annoncer de la part du roi, qu'il 
avait lui-même senti que la charge devenait trop 
lourde pour lui, et que souvent il l'avait dit au roi.. 

Je ne sais pas la vraie cause de cette disgrâce. Je 
vais vous mander ce qu'on en dit dans le public. Il y 
a diflFérents bruits qui courent à ce sujet. Les uns 
prétendent qu'il lui est impossible de rendre compte 
de 23 millions qui étaient entre ses mains. Il ne les a 
pas pris, ajoute-t-on, mais donnés à des gens intéres- 
sés qui, de crainte que la chose ne soit divulguée, ont 
ourdi sa disgrâce et mis leur créature en sa place... 

D'autres donnent la raison suivante : Le pape, s'at- 
tendant à avoir la guerre avec l'empereur, a fait 
demander au roi des armes par le nonce, ce que le 

1. Cavoie. 

II. 'l 



26 CORRESPONDANCE 

roi a refusé tout net, disant qu'il n'avait pas assez 
d'armes dans ses arsenaux pour ses propres troupes. 
Dès que le nonce fut rentré chez lui à Paris, un 
inconnu se présenta, demandant à le voir. Il le fit 
entrer, t Monsieur, dit cet homme , je sais que le roi 
vous a refusé des armes; mais si vous voulez souscrire 
à M'"« de Chamillart et à ses filles un billet portant 
que le pape leur donnera 20,000 livres, vous en aurez 
tant que vous voudrez et qu'il vous en faudra. » Et 
ainsi fut fait. Le pape eut les armes. Il a raconté lui- 
même la chose au maréchal de Tessé; le nonce l'a 
rapportée au maréchal de Boufilers. Les deux maré- 
chaux en ont fait part à M*"® de Maintenon pour 
qu'elle en informe le roi, ce qu'elle fit, et c'est de là 
que doit provenir cette disgrâce. Je vous ai raconté 
cet événement dans tous ses détails, parce que je sais 
que vous aimez à entendre de ces histoires véri- 
diques-là... 

A LA RAUGRAVE LODISEi 

Marly, lo 15 juin HOO. 

... Bien des gens ont espéré que la paix se ferait... 
mais les propositions des alliés sont trop barbares; 
mieux vaut succomber et périr que d'y accéder. Je 
ne sais comment on a pu imaginer de telles conditions, 
et croire que notre roi les accepterait. Le proverbe 
dit : « La superbe est Tavant-coureur de l'abaisse- 
ment*. » J'espère donc que l'insolence de mylord 

1. Hoffart (Hocbmuth) kommt vor dem FalU 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 27 

Marlborough et du prince Eugène recevra son châti- 
ment. Celui-ci ne devrait pas oublier que ce pays-ci 
est sa patrie et qu'il est né sujet du roi. Je suis fort 
piquée contre lui de ce qu'il ait mis obstacle à la paix, 
à quoi le poussait non pas l'amour du bien général, 
mais son intérêt personnel... 

Le ministre de la guerre Chamillart a été destitué: 
on a mis à sa place un conseiller d'État, intendant de 
Saint-Cyr. Ce dernier nom vous apprend bien qui a 
fait la chose... 

Marly, lo 22 juin HOO. 

... De cette façon la paix est rendue impossible : les 
propositions sont par trop barbares. Vouloir lâcher 
un grand-père contre son propre petit-fils qui a tou- 
jours été soumis et obéissant à son égard, c'est bar- 
bare et païen. Voilà ce que je ne peux souffrir; je suis 
persuadée que Dieu punira ceux qui ont inventé 
cela».. 

Marly, lo 29 juin 1*709. 

... De ma crampe je ne dirai plus que ceci : ma 
tante, notre chère électrice, m'a envoyé des pieds 
d'élan* dont je me trouve fort bien... 

Les docteurs ont fait dix saignées si terribles à mon 
cousin de La Trémoille que, quand on l'ouvrit, on n'a 
découvert d'autre cause à sa mort que celle-ci : il 
n'avait plus une goutte de sang dans les veines. Il y a 

1. Madame avait uno toux spasmodiquo. Bile s'enveloppait lo cou do 
peaux d'élan. 



2H CORRESPONDANCE 

deux ans, le môme médecin a exécuté de la même 
façon la femme de ce seigneur... 

Versailles, le 6 juillet 1709. 

... La maladie d'Amelise me paraît bien dangereuse. 
Il y a deux ans, un jeune Lorrain, le fils du comte de 
Brienne et petit-fils de M. Darmaniac *, avait cette 
maladie-là : il était à la mort. On lui fit prendre force 
médecines pour le faire uriner. 11 eut alors un flux 
d'urine; c'est ce qui l'a sauvé. M. Fagon dit que l'hy- 
dropisiè de poitrine ne peut se guérir autrement... 

Le roi a envoyé sa vaisselle d'or à la Monnaie, cela 
n'est que trop vrai, mais il n'y a pas envoyé celle 
en argent, ni moi non plus, mais les princes du sang 
ont envové la leur... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 11 juillet 1709. 

... Il n'est que trop vrai, le proverbe qui dit : 
a Mieux vaut être avec les lions et les dragons qu'avec 
une méchante femme. » La princesse des Ursins, 
voyant que mon fils s'est fait aimer des Espagnols, Ta 
jalousé et lui a joué un bien vilain tour. Un gentil- 
homme de mon fils, son aide de camp, avait fait, l'an 
dernier, une chute de cheval et s'était cassé la jambe. 
Il y ressentait encore de fortes douleurs; il pria mon 
fils de lui permettre d'aller à Barèges, pour prendre 

1. D'Armagnac, le grand écuycr. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉÂISS. 20 

les eaux. Il s'y rendit en passant par TEspagne. Ce 
qu'apprenant, la princesse a persuadé au roi d'Espagne 
de le faire arrêter comme criminel d'État, afin qu'on 
suspectât mon fils d'ourdir des projets de révolte 
contre ce roi, auquel il a rendu de si grands et utiles 
services. Voyez la fausseté de cette femme : au mo- 
ment môme où elle joue ce tour à mon fils, elle m'écrit 
une grande lettre et m'y fait des protostations d'ami- 
tié plus fortes que jamais! Peut-être ne devrais-je pas 
confier ces choses à la poste; mais je suis trop pleine 
de cette méchanceté, je ne peux m'en taire vis-à-vis 
de vous. Ledit gentilhomme s'appelle Flottes... 11 y 
aura un terrible éclat... Mon Dieu, que je suis donc 
lasse de n'entendre parler que de choses fâcheuses I 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 23 juillet 1709. 

... Je VOUS remercie bien des gazettes. Elles me 
divertissent fort, et quand je les ai lues, je les donne 
à deux pages allemands que j'ai, un Neuhof ^ et un 
Keversberg, pour qu'ils conservent l'habitude de l'alle- 
mand et n'oublient pas la langue... 

Je suis de très mauvaise humeur aujourd'hui... un 
.trésorier m'a afi'reusement volée... On est trop inté- 
ressé dans ce pays. Ces ventes et achats de charges, 
cela fait des filous de tous les employés. Tout est 

1. Qui fut depuis le roi Théodore de Corso. (Note du D' Fricdlaen- 
der chez M. HoUand.) 

1. 



30 CORRESPONDANCE 

ennui et désagrément. Mais que dire à cela? « Ou la 
gesvre est liée, il faut qu'elle broutte »... 

Vetsailles, 1g 27 juillet 1709. 

Bien-aimée Louise, je suis très en peine de votre 
santé depuis que... je sais votre malheur. Vous ne 
pouvez douter qu'Amelise ne soit au ciel, elle qui a si 
bien vécu et qui a été si pieuse I... 

Je porterai le deuil d'Amelise comme, hélas l j'ai 
déjà porté celui de vos frères et de votre sœur I 

Marly, le 10 août 1709 

•.. 11 fait une chaleur horrible... On transpire telle- 
ment dans les chambres qu'on ne fait que s'éponger. 
Cela vous fait comprendre la métamorphose de celles 
qui ont été changées en sources, de Biblis, de Ciane * 
et autres. 



A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 12 août 1769. 

... En entrant à Paris par la porte Saint-Honoré, 
je vis les gens courir avec des mines bouleversées, 
quelques-uns disant : « Ah ! mon Dieu ! » Les fenêtres 
étaient garnies de monde, il y en avait jusque sur les 
toits. En bas, dans la rue, on voyait mettre les volets 
à toutes les boutiques et fermer les portes des mai- 
sons. Le Palais-Royal même était fermé. Je ne savais 

1. Byblis. Cyane. 0l€lamo}'phos''S d'Ovide.) 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 3] 

pas ce que cela voulait dire, mais quand j'entrai 
dans la cour intérieure et que je descendis de voi- 
ture, une bourgeoise que je ne connais pas vint à 
moi et dit : « Savez-vous, madame, qu'il y a une 
révolte dans Paris qui dure depuis quatre heures du 
matin? » Je crus qu'elle était folle et me mis à rire, 
mais « je ne suis pas folle, madame, dit-elle, ce que 
je vous dis est très vray et si vray qu'il y a déjà 
/iO personnes de tues ». — Est-ce vrai? demandai-je 
à quelques-uns de mes gens. « Ce n'est que trop vrai I 
répondirent-ils et c'est pour cela que nous avons 
fermé les portes du Palais-Royal. » Je demandai la 
cause de la révolte. La voici : 

On travaille au rempart et à la porte Saint-Martin 
et on donne à chaque ouvrier trois sous et une miche 
de pain. Il y en avait deux mille. Mais ce matin-là, 
sans qu'on s'y attendît, il en vint quatre mille qui 
demandèrent à grands cris du pain et de l'ouvrage. 
Gomme on ne pouvait faire droit à leur demande et 
qu'une femme se montrait fort insolente on la prit et 
la mit alancan ^. Alors commença le tumulte : aux 
quatre mille étaient venus se joindre six mille autres 
qui arrachèrent la femme du carcan. 

Il s'était môle à la foule beaucoup de laquais sans 
place qui se mirent à crier qu'il fallait piller. Ils cou- 
rurent aux boulangeries et les dévalisèrent. On 
appela les soldats de la garde pour tirer sur la ca- 
naille. Mais ils s'aperçurent qu'on n'avait pris ce parti 
que pour les effrayer et que les mousquets n'étaient 

1. Madame veut dire : au carcan. 



32 CORRESPONDANCE 

pas chargés à balle. « Attaquons-les, crièrent-ils alors, 
ils n'ont point de plomb. » Dès lors les soldats se 
virent dans la nécessité d'en tuer quelques-uns à 
coups de' fusil. Cela dura de quatre heures du matin 
jusqu'à midi. 

En ce moment, le maréchal de Boufflers et le duc 
de Gramont vinrent à passer par hasard à l'endroit 
où était la révolte et où volaient les pierres. Ils des- 
cendirent de leur carrosse, parlèrent au peuple, 
jetèrent de l'argent à la foule et promirent d'infor- 
mer le roi qu'on leur avait promis du pain et de 
l'argent et qu'on ne leur en avait pas donné. Inconti- 
nent la révolte s'apaisa. Les gens lancèrent aussitôt 
leurs chapeaux en Tair en criant : « Vive le roy et 
du pain I i 

Les Parisiens sont pourtant de braves gens de se 
calmer si vite... Mais autant ils aiment leur roi et la 
famille royale, autant ils détestent M*"« de Mainte- 
non. Il faisait très chaud ; je voulus respirer un peu... 
Mais à peine étais-je à ma fenêtre qu'il se forma un 
grand attroupement, les gens me couvraient de béné- 
diction, mais ils se mirent à tenir de si horribles 
propos sur la dame que je dus rentrer et fermer les 
fenêtres. Aucun de mes gens ne put plus se montrer, 
car dès qu'ils en voyaient un à la fenêtre ils recom- 
mençaient leurs discours, disant sans se gêner qu'ils 
voudraient la tenir pour la mettre en pièces ou la 
brûler comme une sorcière... 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 33 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Marly, lo 31 août 1709. 

... Vous avez eu bien raison de ne pas permettre 
qu^on fasse Tautopsie d*Amelise... Depuis qu'on ouvre 
tant de monde, on ne voit pas qu'un seul ait été 
sauvé! Ici on ne fait Tautopsie que vingt-quatre 
heures après le décès : le corps n'est plus chaud 
alors. Dans mon testament, j'ai défendu qu'on 
m'ouvre... 

Versailles, le 14 septembre 1709. 

... 11 y a quatre jours, les nôtres ont perdu une 
bataille près de Mons \ mais cette fols-ci ils se sont 
battus avec acharnement, aussi est-il tombé énormé- 
ment de monde des deux côtés... M'"** Dangeau a son 
fils unique^ horriblement blessé. On lui a coupé la 
cuisse .tout près du ventre. On ne sait pas encore s'il 
en réchappera. Je crains qu'elle n'arrive juste pour 
le voir mourir. 

Les franciscains d'ordinaire ont une façon plai- 
sante de prêcher. Je n'ai jamais entendu parler du 
père Abraham ^... 

La landgrave de Darmstadt est morte. Dès lors ils 

1. La bataille de Malplaquet. 

2. Coarcillon. , > 

3. Abraham a Sancta Clara (Hans-Ubich Mcgorli, 1644-1709), 
moine augustin, célèbre par ses prédications satiriques et burlesques. 
Il était né à Kreenheinstetten en Souabe, et passa la plus grande 
partie de sa vie à Vienne. Léopold pr le nomma en 1677 prédicateur 
de la cour. Schiller a fort bien imité son genre dans la Capucinade 
du camp de Wallenstein. 



/': ■' . 



34 CORRESPONDANCE 

ont un double deuil à cette cour-là, car sans doute 
ils le porteront aussi de l'électrice palatine douai- 
rière. On pourrait comme chant funèbre chanter à 
ces deux princesses le vieux vaudeville : 

Dans la rue de la Toiirnelle 
Un coup de foudre est tombés ; 
11 n'a pas cassés de cervelle 
Car il n'en a point trouvés. 

Elles n'en avaient guère en effet... 

Vous saurez maintenant que la chose est vraie : 
Mercy a été battu ^, mais les vôtres ont eu leur 
revange en Flandre... 



A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 19 septembre 1709. 

... On n'entend que des choses attristantes : l'une 
pousse des cris à cause d'un fils qu'elle a perdu, l'autre 
à cause d'un gendre, celui-ci à propos de son père, 
celle-là à propos de son neveu. Tout le monde se 
lamente au sujet du pain qui coûte huit sous la 
livre à présent, et bien des gens meurent de faim... 
Il y a aussi des personnes qui sont profondément 
affligées quoiqu'elles n'aient perdu aucun des leurs 
dans la bataille... 

M'"« la duchesse de Bourgogne, depuis deux ans, 
se pique d'une grande passion pour son mari. Elle a 
M. de Vendôme en grande aversion, je ne sais pas 

l. Il fut battu à Rumersheim. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 35 

pourquoi, au fond. Quand elle l'aperçoit, elle dé- 
tourne la tête et change de couleur. 

Versailles, lo 28 septembre 1709. 

... Puisque je vous fais tenir cette lettre par une 
occasion sûre, et non par la poste, j'y joins quel- 
ques chansons, que vous n'avez pas encore je crois. 
Je trouve la dernière fort gentille. Cela est très vrai 
que tout le monde ici est dany la détresse à cause de 
cette dame. Le plaisant de l'affaire est qu'elle donne 
une part de ses bénéfices au roi afin qu'il approuve 
tout et à la duchesse de Bourgogne aussi. C'est pour 
cela qu'on lui laisse tout faire. En attendant, per- 
sonne ne reçoit d'argent, on ne nous paie qu'en assi- 
gnations. Ce n'est que du papier et encore faut-il 
courir après, car par exemple, ce qu'on devrait tou- 
cher aujourd'hui, l'assignation en ajourne le paiement 
à trois, quatre et même cinq mois, et alors encore 
on a bien de la peine à se faire payer. La disette est 
affreuse; partout on voit des gens s'affaisser littérale- 
ment morts de faim... partout on n'entend que 
plaintes et gémissements, des plus grands aux plus 
infimes... 

Toute la cour est pleine d'intrigues. Les uns veulent 
obtenir la faveur de la puissante dame *, les autres 
celle de M. le Dauphin, d'autres encore celle du duc 
de Bourgogne. Car lui et son père ne s'aiment pas, le 
fils méprise le père, il est ambitieux et veut gouver- 
ner. Le Dauphin est sous la domination absolue de 

l. M™'' de Maintenon, 



36 CORRESPONDANCE 

sa sœur bâtarde, M"*® la Duchesse. La princesse de 
Conti est devenue ralliée de celle-ci afin de ne pas 
perdre tout pouvoir sur lui. Tous sont opposés à mon 
fils : ils ont peur que le roi ne le voie d'un bon œil 
et qu'il ne fasse le mariage de sa fille aînée avec le 
duc de Berry. La Duchesse en voudrait bien pour sa 
propre fille, c'est pourquoi elle "accapare le duc de 
Berry. Mais la duchesse de Bourgogne qui voudrait, 
elle aussi, gouverner le Dauphin aussi bien que le 
roi, est jalouse de M"« la Duchesse. Elle a donc fait ui^ 
pacte d'amitié avec notre M™' d'Orléans, pour contre- 
carrer l'autre : c'est une plaisante comédie d'in- 
trigues enchevêtrées et je pourrais dire avec la 
chanson : « Si on ne mouroit pas de faim, il en fau- 
deroit mourir de rire... » La vieille lance ce monde-là 
les uns contre les autres, pour gouverner d'autant 
mieux... 

Marly, 29 septembre n09. 

... Des quatre chirurgiens qui soignent Villars, il 
n'y en a pas deux qui soient du même avis. Aussi le 
roi a-t-il envoyé en Flandre, Maréchal, son chirur- 
gien, pour voir ce qu'il y aurait à faire. Villars est 
fort soucieux, car il y a plus de cinq ans on lui a pré- 
dit tout ce qui lui est arrivé, à savoir qu'il devien- 
drait très riche, qu'il parviendrait aux plus hautes 
dignités, serait fait maréchal de France, duc et pair, 
mais aussi que cette année-ci il perdrait une bataille, 
serait blessé et mourrait. Voilà ce qu'il a en tête et 
ce qui le tracasse énormément : ce serait dommage 
qu'un si brave homme mourût I 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 37 

Versailles, le 15 octobre 1709. 

■ 

Bérénice est Tune des comédies de Racine qui me 
plaisent le moins : car je ne peux souffrir que la 
reine aime encore Titus quand elle voit qu'il est las 
d'elle et qu'il la renvoie avec son rival. Toutes ses 
pleurnicheries à ce propos m'impatientent. Elle 
aurait dû bonnement épouser le roi de Gomagène et 
dédaigner Titus. J'ai souvent vu cette comédie, mais 
je ne savais pas que le roi et M"» Colone * en eussent 
fourni le sujet, car elle n'a été faite que longtemps 
après... 

VersaiUes, le 17 octobre 1709. 

... Le maréchal de Boufflers n'inventera pas h 
poudre ni ne sera un fauteur d'hérésies : il est des 
gens plus fins que lui. Mais il a bon cœur, c'est réel- 
lement un honnête homme et véridique, on peut 
croire ce qu'il dit ; il fait tout le bien qui est en son 
pouvoir... Il est sans peur à la cour, dit la vérité au 
roi et n'est pas un flatteur, c'est pourquoi je l'estime 
grandement. 

Les Français sont de vrais agneaux, ils se laissent 
mener comme on veut, dès qu'ils ont confiance en 
leurs généraux; les officiers pour la plupart sont de 
braves gens... 

Le czar*a de grandes et belles qualités, il a agi de 
telle sorte qu'il faut beaucoup l'estimer. 1) serait 

1. Marie Mancini. 

2. Pierre le Grand. 

«. II. ^ 



^-Ji. ■ f*. 



38 CORRESPONDANCE 

temps que le roi de Suède cessât de guerroyer, car, 
entre nous soit dit, cela le rend par trop brutal et 
rustre; il devrait apprendre la politesse du czar... 

Je crains fort que le czaréwitsch ne soit bien le fils 
de sa mère. S'il en était ainsi, la pauvre princesse de 
Wolfenbuttel ^ serait très malheureuse... 

Tant mieux si le prince royal* s'est foulé le pied ; 
cela l'empêchera d'aller à la tranchée, au siège de 
Mons. S'il avait immédiatement mis le pied dans de 
l'eau glacée, il eût été guéri de suite. A l'Opéra, les 
danseurs ont souvent de ces accidents-là, et alors ils 
emploient ce remède : ils ont derrière la scène des 
cuveaux avec de l'eau et de la glace... 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 26 octobre noQ. 

*.. je suis bien aise que vous n'ayez perdu personne 
des vôtres dans cette affreuse bataille. Tous les jours 
nous voyons arriver des officiers qui marchent avec 
des béquilles. Un jeune homme qui a été mon page et 
qui n'est au service que depuis un petit nombre d'an- 
nées est là, dans ma chambre, avec des béquilles aussi. 
Cela vous fait pitié. Un gentilhomme alsacien, de la 
famille de Wangen, est arrangé de la même façon... 
Sort-on, eh bien on est suivi d'une foule de pauvres 
qui sont noirs de faim... 

1. Charlotte-Christine-Sophie, mariée en 1711 au czaréwitsch Alexis, 
fils do Pierre le Grand : morto en 1715. 

2. Le phnce royal de Prussci Frédéric-Guillaume. 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 39 

Vonailloi, le 2 novombro 1709. 

... J'espère 'Pouvoir aller à Marly mercredi, car on 
prétend que l'Électeur de Bavière y viendra jeudi. On 
le dit fort poli; je crains donc qu'il ne veuille me 
faire visite et ne vienne me voir ici; or, comme on est 
prompt à dire que j'ai reçu certains paquets et dit 
certaines choses auxquelles je n'ai de loin pas songé, 
je me mettrai dans la foule à Marly, pour qu'on ne 
trouve rien à alléguer contre moi, car la vieille 

dame nourrit contre mon fils et moi a une liaine 

implacable », comme on dit ici. 



A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Marly, lo "7 novembre. 

.». En ce moment, le roi* et le comte d'Arco passent 
devant ma fenêtre dans une de ces voitures que 
traînent les Suisses*. Voilà qui ne s'appelle pas préci- 
sément voyager incognito, car eux seuls sont en rou- 
lette, et tous les gens de la cour marchent à côté, à 
pied. 

Au moment où je finissais d'écrire le mot « à pied », 
on est venu me dire que l'Électeur de Bavière était 
au salon. J'y suis vite allée pour le voir, je lui ai parlé 
aussi. Je peux bien vous rapporter notre conversa- 
tion, elle n'a pas été longue. Il dit, sans préambule : 

1. Madame a sans doute voulu dire l'Electeur (do Bavière), le 
comte d'Arco> général bavarois. 

2. Dangeau appelle ces voitures des « roulettes »« 



40 CORRESPONDANCE 

« Vous vaye^ madame encore vn de vos parants jnco- 
gnito. » — «îl est vray Monsieur, répondis-je, que j'ay 
déjà eue Ihonneur de voir mons. TÉlecteur de Cologne 
vostre frère ici, et j'ay fort souhaittes davolr Ihon- 
neur de vous voir et de vous Cognoistre aussi, car 
vne personne a qui je vient d^escrire vous aime tant, 
et ma dit tant de louange sur vostre chapittre qu'elle 
m'a donnée cette Envie. » 

« Je crois, reprit-il, que nous ferons bien de conti- 
nuer notre conversation en français, il me semble 
qu'on n'aime pas à nous entendre parler allemand. •— 
Rien de plus facile, dis-je, parlons toujours français. » 
Et il dit dans cette langue : « Si je parlois plus alle- 
ment avec vous vous ne m'entenderies pas. » — t J'ay 
estée trop accoustumée a parler a mad« la Dauphine, » 
repris-je, pour ne pas vous entendre. — « Vous par- 
loit-EUe allement ? » demanda-t-il. — « Toujours, » 
dis-je. — a Mais, continua- t-il, a qui ay je lobligation 
de vous avoir dit du bien de moy ?» — ce Aves vous 
de la peine a le deviner ? » demandai-je. 11 dit en 
rian : « Je devine a pressent [qui c'est c'est vne 
princesse d'un grand Esprit et bien du meritte jl est 
vray que nous avons fait vne grande amitié ensemble 
et Elle m'a fait Ihonneur de me dire qu'avant de 
m'avoir cogneu Elle ce sentoit quelque rancune contre 
la maison de Bavière * mais qu'a pressent tout estoit 



1. L'électrice Sophie était fillo de Pélecteur palatin Frédéric V, roi 
de Bohème, qui fut dépouillé de la dignité électorale au profit du duc 
Maximilien de Bavière. La paix de ViTestphalie rendit le Palatinat du 
Bhin à son fils Charles-Louis, père de Madame, et créa pont lui la 
huitième Kur. Le Haut-Palatinat resta à la Bavière. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 41 

effacé cela ma fait grand plaisir. Elle avoit sa fille 
avec Elle qui aimoit autant la mussique que moy 
nous nous misme a faire une mussique ensemble 
jusques après cela lenuyait et Elle dissoit si vous vous 
esties Espousses, vous ne ferles que des rossignols. » 

Le roi^nous interrompit. L'électeur a parlé avec le 
duc de Bourgogne, le maréchal d'Arco avec moi. Puis 
je suis rentrée dans mon appartement pour terminer 
cette lettre... 

L'électeur est très content du roi. Il est vrai que 
quand notre roi veut bien traiter quelqu'un, personne 
au monde ne s'entend à être aussi avenant que lui : 
pas de contrainte dans les manières, une politesse si 
grande et un tel charmé dans le parler et la roix 
qu'on le prend immédiatement en affection... 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Marly, le 9 noTembro 1*709. 

... E3t-il possible que vous n'ayez jamais vu de 
chasse à courre ? J'ai vu prendre certainement plus 
de mille cerfs et fait mainte bonne chute à la chasse. 
Sur les vingt-six que j'ai faites, je n'ai eu de mal 
qu'une seule fois... 

Dans une demi-heure, nous allons assister à la 
musique. Ce ne sont que des rabâchages, car on 
chante uniquement les vieux opéras de Lulli. Il m'ar- 
rive souvent de m'endormir en les écoutant... 



42 CORRESPONDANCE 

Yersaillos, le 16 novembre 1709. 

... De mon temps, M""*» votre mère n'avait d*autre 
maison à Heidelberg que la maison suédoise en bois 
qui se trouvait en avant du premier pavillon, mais je 
ne peux croire que si vous portiez plainte à l'électeur 
de ce que les moines vous ont pris votre maison, il 
ne vous fît justice. Ce qui est vrai, c'est que les 
prêtres prennent de toutes mains sans beaucoup se 
soucier de savoir à qui les choses appartiennent... 

Versailles, le 23 novembre 1709. 

*.. Dieu merci 1 l'électeur de Bavière est reparti 
mercredi dernier. J'avoue que cela m'a peinée de voir 
un électeur comme lui, à une cour où il a un beau- 
frère et deux neveux S ne manger avec aucun d'eux. 
Nul de ses parents n'a pris la peine de lui montrer 
Versailles et Meudon ; cela m'a vraiment choquée. Le 
premier jour tout alla convenablement : le roi fait 
bien les choses ; mais après ç*a fort mal été..; 

J'ai là mon petit-fils et trois ou quatre jeunes gar- 
çons qui jouent aux petits jeux. Ils me font bien rire, 
car ils jouent de très bon cœur. Cela me rappelle 
mes jeunes ans l 

Versailles, le 30 novembre 1709. 

... Je viens de rire aux larmes. Je crois qu'en huit 
ans il ne m'était pas arrivé de rire si cordialement. 

1. Le Dauphin, les ducs de Bourgogne et de Bcrry. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 43 

Une bien grosse dame, la maréchale de Clérerabault, 
a failli tomber dans le feu. Elle a si drôlement tré- 
buché par-dessus l'un de mes petits chiens, que de 
raa vie je n'ai rien vu d'aussi plaisant. M"* de Châ- 
teauthiers Ta rattrapée par le bras et retenue : elle 
ne s'est fait aucun mal... 

Vorsaillcs, lo 9 décembre 1709. 

... Il gèle très fort depuis trois jours : tous les bas- 
sins des fontaines devant mes fenêtres sont couverts 
d'une épaisse couche de glace ; demain certainement 
on pourra patiner... 

La dame toute puissante se défie de moi, car sa vie 
durant elle m'a contrecarrée. Du temps de feu mon 
mari, les favoris de celui-ci avaient gagné la dame à 
leur cause... lui disant qu'ils connaissaient son passé 
et la menaçant de le dévoiler au roi si elle ne prenait 
pas leur parti. Je tiens de la dame même qu'ils 
l'avaient menacée ; seulement elle ne m'a pas dit de 
quoi ; mais par les amis du chevalier de Lorraine j'ai 
appris quelles menaces ils lui avaient faites... 

IMarly, le 14 décembre 1709. 



... 



La duchesse d'Orléans nous a gratifiés d'une 
cinquième fille. La pauvre enfant a été fort mal 
accueillie de tous : elle m'a vraiment fait pitié. On 
l'appelle M^*" de Montpensier. C'est une belle, grande 
et forte enfant : c'est dommage que ce ne soit pas un 
garçon. M"'" sa mère a été malade quarante heures : 
elle nous a fait longtemps veiller. 



44 COnRESPOND-ANGE 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 5 janvier 1*710. 

...Mon fils a enfin, de son propre mouvement, brisé 
avec sa brunette. Il ne la verra plus. Il lui en coûte, 
car il l'aime toujours encore, mais il a les motifs les 
plus puissants du monde d'agir de la sorte. D'abord 
elle était horriblement rapace, jamais il ne lui don- 
nait assez ; secondement, elle le traitait comme un 
esclave, lui disait des mots grossiers comme on n'en 
dit pas à un valet de chiens : elle lui donnait des 
coups de pied ; elle exigeait de lui une soumission 
telle qu'au premier signe il lui fallait tout quitter 
pour venir lui rendre ses devoirs... Il fallait que son 
fils fût mieux vêtu que le duc de Chartres ou bien 
mon fils attrapait des sottises ; elle lui faisait fré- 
quenter la pire compagnie, il ne lui était pas permis 
d'en voir d'autre : tout Paris en était scandalisé... 

Mon fils a bien fait de prendre ce parti, car le roi 
était fort fâché de la chose; à la longue il eût pu en 
résulter Ipour lui un plus gros chagrin encore, si par 
hasard ses ennemis avaient poussé le roi à expédier 
la donzelle au moyen d'une lettre de cachet. C'eût été 
un vrai affront pour lui et peut-être cela l'aurait 
amené à faire quelque sottise... On peut lui chanter 
l'air de Roland : 

Sortes pour jamais en ce jour 
Des liens honteux de l'amour, etc. 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 45 



A LA RAUGRATE LOUISE. 

Versailles, lo 11 janvier 1710* 

... Je ne jurerais pas qu'il ne m'arrive tantôt une 
bonne toux, car depuis trois jours mon tliermomètre 
ne marque que 9 degrés de moins que l'an dernier. 
Je crois que je suis la seule en France qui ne prenne 
aucune médecine, à moins d'être gravement malade : 
je m'en suis bien trouvée jusqu'ici, je continuerai donc 
à me traiter delà même façon. Mon nouveau médecin 
qui n'a jamais rien vu de pareil m'a demandé le plus 
sérieusement du monde si je n'avais pas apporté 
d'Allemagne des remèdes ou un préservatif. J'en ai 
bien ri... 

M™« la duchesse de Bourgogne est dans son neu- 
vième mois, on l'a saignée. Elle a fait établir un joli 
théâtre dans sa salle à manger, on n'y joue que la 
comédie; ce soir nous aurons \q Misanthrope,,. Mer- 
credi nous avions Polyeuète et l'Esprit de contra- 
diction... 

Versailles, ce dimanche IQjanvier 1710. 

... De la comédie, on s'est immédiatement rendu à 
table. On avait joué Dritannicus et comme divertisse- 
ment V Avocat Palhelin. Les deux pièces ont été bien 
rendues... 



3. 



hiL^ /. 



46 CORRESPONDANCE 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 19 janvier 1710. 

... Vous aurez sans nul doute entendu raconter 
combien le duc de Bourgogne est dévot. Il Test. au 
point qu'il ne veut regarder d'autre femme que la 
sienne. Celle-ci, pour le taquiner un peu, dit une fois 
à M"» de La Yrillière de se mettre à sa place dans son 
lit. Ce soir-là elle fit semblant d'avoir bien- sommeil. 
Le duc, heureux de ce que sa femme voulût une fois 
se coucher de bonne heure, et avant lui, se déshabilla 
bien vite pour aller se coucher aussi. Quand il entra 
dans la chambre de sa femme, il demanda : a Où est 
Madame ? » Elle répondit : « Me voicy » comme si 
elle était couchée, et lui d'aller vite vers le lit, de se 
débarrasser de sa robe de chambre et d'y sauter. 
Mais à peine y était-il que la duchesse s'approcha et 
faisant semblant d'être fâchée : « Est-il possible, dit- 
elle, que vous qui faittes le dévot je vous trouve cou- 
ché entre deux drap avec vne des plus jolis dames de 
ces pais cy ? » — « Que voulles-vous dire ? » s'écria- 
t-il. — « Reguardes qui est couché auprès de vous, » 
répondit-elle. Il se mit en colère et prit le moine par 
les épaules. Il jeta la dame hors du lit, elle n'eut pas 
le temps de se remettre ni de prendre ses pantoufles 
devant le lit, car il voulait très sérieusement la battre 
avec ses pantoufles à lui : elle dut se sauver sans sa 
chaussure ; lui ne put la rattraper, mais il lui criait 
toute sorte d'invectives : « Yillaine efi'rontée » était 
ce qu'il lui disait de moins fort. On voulait lui faire 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 47 

entendre raison, mais personne ne pouvait parler à 
force de rire. A la fin pourtant la colère tomba. Il y a 
quelques jours, la maréchale de Veuffré^ voulut Tem- 
brasser de force, il se défendit longtemps, et quand 
il n'en put plus il lui enfonça une grosse épingle dans 
la tête et cela tellement fort qu'il faut qu'elle garde 
la chambre et le lit : Joseph lui-même n'a pas poussé 
les choses aussi loin... 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 26 janvier 1710. 

... On invente de bien jolies choses à présent. C'est 
ainsi qu'un Carme a fait un tableau mouvant au roi. 
Mais vous ne savez peut-être pas ce que c'est qu'un 
Carme ? C'est un moine ; on l'appelle le père Sébas- 
tien. Eh bien, c'est lui qui a fait le tableau où se 
meuvent plus de cent pièces : les femmes font la les- 
sive et battent le linge ; les hommes fendent du bois, 
ferrent les chevaux ; il y en a deux qui scient ; d'au- 
tres sont assis dans des chaises et font des saints ; un 
mendiant ôte le chapeau et demande la charité, puis 
quand le monde a passé il le remet... A la porte du 
château, il y a une horloge qui marche fort bien... 
Dans le lointain est une mer où les navires voguent à 
pleines voiles... Ce qui est gentil aussi, c'est une 
roue à l'aide de laquelle on sort les pierres des car- 
rières : elle tourne tout lentement tant que la pierre 
n'est pas dehors, mais une fois que celle-ci est sortie^ 

1. Do Cœuvres? 



L/ï«i ,.-, ' 



48 CORRESPONDANCE 

la noue se met à tourner très vite, absolument comme 
dans la réalité... 

Versailles, le 9 février 1710. 

... J'ai là mon petit-fils, douze pages et dix autres 
jeunes gentilshommes, qui chantent, sautent, rient et 
font un tel vacarme qu'on ne s'entend pas soi-même, 
à peine si je sais ce que j'écris ou ce que je dis : je 
suis persuadée qu'on les entend à un quart de lieue 
d'ici... 

Versailles, le 15 février niO, 10 h. du malin. 

... Je trouve mon petit-fils si délicat que je ne peux 
croire qu'il vivra longtemps. A la vérité, il est grand 
pour son âge, mais tout son organisme est faible et 
frêle. A mon sens, les enfants sont plus gentils quand 
ils sont un peu volontaires, c'est un indice qu'ils sont 
intelligents... De ma vie je n'ai donné de soufflet à 
mon fils, mais je lui ai administré la verge comme il 
faut : il s'en souvient encore. Les soufflets sont dan- 
gereux, ils peuvent léser la tête... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Veiiailles, dimanche 9 mars niO> 10 h. et demie du matin. 

... Il n'est pas étonnant que le duc de Berry se con- 
duise comme un enfant. Il ne parle avec personne de 
raisonnable. Nuit et jour il est dans la chambre de la 
duchesse de Bourgogne, où il fait le valet de chambre 
de ses dames. L'une se fait apporter une table par 
lui, l'autre son ouvrage, la troisième lui donne une 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 49 

autre commission ; il se tient debout ou bien est assis 
sur un petit tabouret, tandis que toutes les jeunes 
dames sont étendues ou bien dans une chaise à bras, 
en écharpe, ou bien sur un lit de repos... 

Versailles, le 19 mars 1710, 10 h. du matin. 

... J'ai entendu dire que le duc de Savoie convoite 
le Milanais pour lui-môme. J'espère qu'il ne le lais- 
sera pas à son cadet ^... 

Le duc de Marlborough, à ce que je vois, agit comme 
le seigneur Harpagon dans la comédie de Molière... 

Versailles, lo 8 avril 1710. 

... Croyez bien qu'à la messe môme il y a des dis- 
tinctions de rang. C'est ainsi, par exemple, que les 
petits-fils de France seuls peuvent avoir des clercs de 
la chapelle qui répondent la messe et tiennent une 
torche depuis le Sanctus de la préface jusqu'au Do- 
mine non sum dignus; les princesses du sang n'ont 
droit ni à l'un ni à l'autre : elles font répondre la 
messe par leurs pages. A la fin de l'acte, le prôtre 
vous présente le corporal à baiser. Cela aussi ne va 
pas plus loin que les Enfants de France, de même que 
la prérogative de boire d'un calice rempli d'eau et 
de vin. Celle-là non plus ne s'étend pas aux princes 
du sang... 

1. Le prince Eugène. 



à:.^ 



50 CORRESPONDANCE 

Versailles, le 12 avril 1710, 

... Peu de gens savent que c'a été un véritable acte 
de clémence de la part du roi de faire donner à la 
comtesse de Soissons le conseil de passer à l'étranger, 
car, qu'elle fût innocente — comme je l'ai toujours 
cru — ou réellement coupable, il est certain que 
M'"*" de Montespan et Louvois avaient des témoins dont 
la déposition — si elle était restée en France — lui 
eût coûté la tête, car ils étaient prêts à affirmer 
qu'elle avait empoisonné son mari. Vous voyez donc 
que sous ce rapport le prince Eugène a tort de se 
plaindre du roi. De plus, celui-ci a fait de grands 
cadeaux à la comtesse tant qu'elle n'a pas quitté le 
pays: les moindres étaient de trois mille pistolés, 
très souvent ils se montaient à quatre, à cinq mille... 

Versailles, le 27 avril 1710. 

... Notre roi d'Espagne est fort aimé de ses sujets. 
Ils lui resteront fidèles jusqu'à la dernière extrémité. 
11 ne reçoit aucun secours de son grand-père. Tout 
est à ses frais et aux frais de ses sujets. On a vrai- 
ment grand tort de croire que le roi — je dis notre 
roi et non le roi d'Espagne — ne veut pas de'la paix... 

Marly, le 8 mai 1710. 

... 11 n'est que trop vrai que le régiment des gardes 
s* est mal comporté dans la dernière bataille * : la plu- 

1. Il se dit qu'il (le duc do Guiche) a rendu auprès du roi de bons 
offices à MM. les officiers des gardes, l'ayant' désabusé de beaucoup 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 51 

part des officiers sont déjeunes niais, des fils de gens 
de robe de Paris, qui de leur vie n'ont vu un homme 
mort. Toutes ces charges ont été achetées. Quand ils 
doivent se battre, ils prennent peur et se sauvent, et 
les soldats, quand ils voient cela, font de même, ce 
qui est facile à comprendre. Tous les ans on les habille 
de neuf... 

A LÀ RÂUGRAVE LOUISE. 

l^arly, le 10 mai 1710. 

... Je vous plains, ma chère Louise, d'avoir k suivre 
ainsi des procès, car selon moi c'est chose fort en- 
nuyeuse. La duchesse de Mecklembourg, sœur du duc 
de Luxembourg, m'écrivit une fois de Paris : « Vous 
avez. Madame, essuyés tous les maux de la vie hors 
un, qui est des plus violents, qui est d'avoir un procès 
et d'estre obligez a plaider... » 

Ma fille ressent une grande commisération pour la 
princesse de Hombourg. Je suis bien aise qu'elle ait 
gagné son procès ; mais il m'a été impossible cette 
fois-ci de solliciter pour elle, parce que ses biens con- 
fisqués avaient été donnés au prince de Birkenfeld. Il 
est mon cousin et ami, je n'ai donc pas pu solliciter 
contre lui... 

Marly, le 13 mai niO. 

... Ici la paix a la fièvre tierce : un jour on dit 

de reproches contre la vérité. (Lettre do la marquise d'UxeUos, 3 nov. 
1709.) - . 



52 ' CORRESPONDANCE 

qu'elle est lignée, et le lendemain on est de nouveau 
à la guerre... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Marly, le 5 juin 1710. 

... Lundi, le roi prenait médecine. QuaHd je vins 
vers lui, il me dit : a Vous me paroisié bien gaye hier 
madame. » — « Monsieur, répondis-je^ j'avois bien rai- 
son de l'estre, car mon fils venoit de me parler de la 
part de V. Mé » — « Je suis ravi , répliqua le roi , 
d'avoir fait quelque chose qui vous soit agréable 
Madame, et j'espère que ce mariage nous unira encore 
davantage. » — «Rien, répondis-je ne peust, plus 
m'attacher n'y mon fils à V. M. que nous le sommes 
de tout temps, mais assurément s'il pouvoit estre pos- 
sible qu'il y eust de rogmantalion, ce mariage le 
feroit, il nous comble d'honneur et joye. » — « Votre 
joye m'en fait beaucoup, dit le roi, mais n'en parles 
pas encore de 2 ou 3 jours. » Puis on causa d'autre 
chose, car mes dames entraient en ce moment. Le 
soir, quand, à sept heures, après la promenade, j'étais 
ù. ma fenêtre à écrire à la reine d'Espagne et à 
M'"" de Savoie, la duchesse de Bourgogne avec 
toutes ses dames et son mari accoururent tout d'un 
coup et -s'écrièrent : « Madame nous vous amenons 
le duc de Berry, car le Roy vient de déclarer tout, 
haut qu'il Espoussera Mademoiselle. Le Roy va vous 
le dire et M^^'' aussi, nous les avons devancés! » 
Je dis à la duchesse de Bourgogne : a Âlheur qu'il 
m'est permis de parler, je vous assureres Madame 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 53 

que j'ores vne recognoissance éternelle de touttes les 
soins es peines que vous vous estes donnée pour cette 
affaire; je say aussi — - dis-je au duc de Bourgogne — 
que vous Taves tousjours désirés dont je vous rendâ 
mille grâces. » Au duc de Berry je dis : a Venes que 
je vous embrasse, car vous voila plus que jamais» 
comme dissoit Madame la Dauphine, le bery de 
Madame » (car elle l'appelait mon Berry, il le sait 
bien), et je l'ai embrassé de tout cœur. « Je n'ay point 
auttre chose à vous demander. Madame, dit-il, que de 
resprendre pour moy la mesme amitié et bontés que 
vous avies pour moy pandant toutte mon Enfance et 
de recomancer a me donner vos bons âdvis. » Je me 
mis à rire et répondis : a Je croi qu'il veaut mieux 
que je vous demande pardon de vous avoir estes si 
souvent jmportune, mais je ne Tay pas fait pour mon 
plaisir, et si Madame la Dauphine ne me Tavoit ordon- 
nés en mourant, je m'en seroit bien gardée, vous 
estes trop grand pour qu'on vous donne des advis, 
aussi je ne vous en jmportuneres point, je me Con- 
tenteres de faire mille vœux pour vous, et made la 
Duchesse de bery, je vous ores dans mon Cœur je 
vous aimeres tendrement mais je suis trop vieille pour 
vous voir souvent Car je ne vous puis estre bonne a 
rien, soyez heureux gay et Content et je jouires do 
vostre Contentement. » 

A peine eus-je fini, qu'airivèrent le roi et M. le 
Dauphin. Ceci aussi se passa bien. Mon fils et 
Mme d'Orléans ne croyaient pas que la chose serait 
déclarée sitôt; ils s'étaient rendus à Saint-Cloud pour 
cacher leur joie, qui est indicible. J'envoyai aussitôt 



^.liV.. 



54 . CORRESPONDANCE 

un laquais et fis par écrit mon compliment à Made« 
moîselle... 

Dès le lendemain je me rendis auprès de M"» de 
Maintenon pour la remercier^ car elle s'est fort bien 
conduite dans cette affaire. Elle était très gaie ce 
jour -là; notre conversation n'a pas langui; on assure 
qu'elle a été contente de ce que je lui ai dit... 

Versailles, le 8 juin 1710. 

... C'est inouï comme notre roi est changé de figure ; 
mais il a encore la mine belle et imposante, et quand 
il parle il est toujours agréable. La toute-puissante 
dame et la pupille* ont bien travaillé pour nous... 

Versailles, le 19 juin 1710. 

... On n'a pas puni le chevalier de Bouillon, quoique 
je me sois publiquement plainte de lui. S'il avait fait 
à la femme d'un ministre ce qu'il m'a fait, à moi et à 
la duchesse de Hanovre, on l'aurait bien châtié, lui 
et ses compagnons. 

En effet, à en juger par sa lettre, il semblerait que 
le cardinal de Bouillon a la cervelle un peu détraquée. 
J'espère qu'à force d'être vain, il deviendra totalement 
fou. Il n'est plus beau du tout, et il louche plus que 
jamais. Le roi ne l'a pas voulu laisser aller à Rome, à 
cause de ses intrigues perpétuelles : il n'y a pas au 
monde de plus grand intrigant que lui. Il doit avoir 
écrit au duc de Vendôme une lettre plus insensée 

1. La duchcsso de Bourgogne. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 55 

iBDCore que celle qu'il écrivît au roi. Le duc de Ven- 
dôme et sa femme ne s'étaient pas connus avant leur 
mariage. Ils n'avaient jamais parlé ensemble et ne 
s'étaient vus que de loin... 

Versailles, le 29 juin 1710. 

Ceci est un trait caractéristique chez tous ceux qui 
aiment à bâtir : ils aiment à changer et à recommen- 
cer. Notre roi est ainsi; il n'y a pas d'endroit à 
Versailles qui n'ait été modifié dix fois, et souvent il 
arrive que c'est tant pis... 

L'électeur de Bavière ne prend pas souvent le bon 
parti, sans cela il n'aurait pas fait deux ou trois 
voyages extravagants en venant ici. Quand on voit 
celui de Cologne S on ne peut s'étonner de ce qu'il 
ait agi comme il l'a fait : c'est l'innocence person- 
nifiée!... 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 5 juillet 1710. 

... Cette fois-ci, votre encre est fort bonne. C'est 
en Lorraine qu'elle vaut le moins. Ma fille en a fait 
venir de Paris pour que je puisse lire ses lettres, car 
en Lorraine toute l'encre est comme de l'eau. 

Ce soir à cinq heures on célébrera les fiançailles 
dans le cabinet du roi et l'on signera le contrat, et 
demain à onze heures se fera le mariage, tout à fait 
sans bruit... 

1. Son frère. 



Aiia. 



56 CORRESPONDANCE 

Mademoiselle, ma petite-fille, ne sera une altesse 
royale qu'à partir de demain ; aujourd'hui on l'appelle 
encore altesse sérënissime. Valtesse royale ne va pas 
au delà des petits-fils et petites-filles de France. C'est 
une drôle d'histoire que ce mariage et la façon dont 
il a été fait; seulement ce ne sont pas des choses 
qu'on puisse confier à la poste ; mais c'est plutôt la 
haine que Tamitié qui en est la cause. 

Vous faites de Dangeau un duc ; à peine s'H est 
marquis! Son fils est bien marié; il a la plus belle 
femme de France; elle est de bonne maison, mais qui 
ne peut entrer en comparaison avec celle de M™» Dan- 
geau, la mère*. Pour ce pays-ci, cela passe. La jeune 
dame est riche, voilà qui est certain... 

Marly, le 12 juiUet 1710. ' 

... M. de Weissenbach est arrivé il y a trois jours. 
Avant que je ne parte de Versailles, il m'a remis la 
boîte avec les quatre flacons de baume universel, 
comme aussi quantité de boîtes renfermant des em- 
plâtres de Nuremberg. Le baume a aussitôt opéré un 
miracle. L'une de mes femmes de chambre a de con- 
tinuels maux de tête, si forts que souvent elle a Tair 
d'une morte. J'en ai de suite fait l'essai sur elle ; il a 
produit un effet inespéré... 

J'ai déjà fait réponse à la princesse de Hombourg. 
Si elle avait été en litige avec un Français, je me 
serais volontiers employée en sa faveur, mais du mo* 
ment que la partie adverse, c'est le bon comte de 

1. Née comtesse de Loewenstoin. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 57 

Hanau, qui a été en quelque sorte élevé auprès de 
moi et que j'ai marié, il m'est impossible de solliciter 
le roi contre lui. Tout ce que je peux faire pour la 
princesse, c'est de rester neutre et de ne me mêler 
en rien de cette affaire. 

Marly, lo 27 juillet 1710. 

..• Présentement, les jeunes gens se piquent de ne 
rien savoir ni connaître; le jeune Tonnerre, qui est 
d'une des meilleures maisons, fait la révérence plus 
gauchement qu'aucun paysan derrière sa charrue : ne 
rien savoir, ne s'entendre à rien, être impoli, gros- 
sier, c'est là la gentillesse du temps actuel... Nous 
n'avonsi rien de neuf ici, car ceci ne vous intéressera 
guère, que le roi est allé à cheval tirer des perdrix, 
tandis que tes jeunes gens se font traîner en rou- 
lette... 

VersailleSi le 2 août 1710. 

... J'ai reçu une lettre de M'*» de Malause qui m'an- 
nonce la mort de votre nièce ^; je vous plains de tout 
mon cœur. On voit bien que le cantique luthérien dit 
vrai : « Il ne croît pas d'herbe contre la mort, à chré- 
tiens; tout est mortel sur terre », car il n'y a pas 
d^endroit au monde où l'on ait de meilleurs remèdes 
contre la petite vérole que l'Angleterre, et l'on y 
meurt tout comme ailleurs... 

• 

1. Une fille du duc de Scbomberg. 



58 CORRESPONDANCE 

Versailles, le 17 août 1710. 

... Je sais que rÉlectrice palatine est de nouveau 
remise; la reine douairière d'Espagne me l'a écrit. Si 
elle avait régné pour le bien du pays et qu'elle fût une 
personne qu'on aurait pu amèrement regretter, elle 
serait morte pour sûr, mais du moment qu'elle ruine 
lePalatinat, elle est restée en vie. Notre-Seigneur Dieu 
sait bien qu'il est le maître, et qu'il dispose de toute 
chose comme il l'a arrêté de toute éternité, et non comm e 
cela nous semblerait bon à nous autres humains. •• 

La marquise de Richelieu peut bien courir le monde 
seule avec des hommes: elle est ce qu'on appelle ici : 
honte beûe. Son cousin, le prince Eugène, ne se soucie 
guère d'elle, à ce que je crois; il s'incommode peu 
des dames : quelques beaux pages feraient mieux son 
affaire... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, lo 17 août 1710. 

... L'apanage du duc de Berry n'est pas encore 
réglé. Les Enfants de France ne possèdent pas de 
charges, mais ils ont de grosses pensions pour entre- 
tenir leurs maisons; leurs femmes également pour 
leurs maisons à elles, et ces pensions ne sont pas 
comptées dans l'apanage. Entre nous soit dit, je pré- 
férerais bien être un comte souverain de l'Empire 
riche et indépendant qu'un enfant, car dans le fait 
nous ne sommes autre chose que des esclaves cou- 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLEANS. 59 

ronnés. Si je ne vous av^is pas dit cela, j'eusse 
étouffé... 

Le cardinal de Bouillon était à Rome le représen- 
tant du roi ; il ne pouvait donc moins faire que d'exé- 
cuter ses ordres, mais faire semblant en public d'exé- 
cuter ceux qui avalent trait à Tarchevôque de Cambrai 
et en secret y contrevenir, cela n'est pas permis, et 
c'est en quelque sorte un affront pour le roi, que son 

premier aumônier et ambassadeur le traite comme un 
enfant : il s'est donc fâché à bon droit. 

Si en réalité le cardinal avait été un si grand ami 
de M. de Cambrai, il aurait pu supplier le roi de ne 
pas lui donner d'ordres contre lui ; mais tromper en 
toute chose le roi son maître, cela ne pouvait rester 
impuni... 

Marly, lo 21 août 1710. 

•.. M. de Vendôme vint me faire ses adieux hier. Il 
va en Espagne commander l'armée sous le roi. Mais 
je ne sais comment il s'y prendra : il boite des deux 
pieds, il peut à peine se tenir, tellement il a la goutte. 
Sa femme va être bien triste, car elle l'aime beau- 
coup, dit-on. J'imagine que c'est le compliment qu'il 
lui a fait lorsqu'il a dû l'épouser qui l'aura charmée. 
Je le trouve bien gentil. « Mad., lui dit-il, je ne suis 
pas gallant, je ne vous feres pas de grand compli- 
ment, tout ce que je vous dires seullement, c'est que 
puisque vous vouliez bien que j'aye l'honneur de vous 
Espousser, que je ne vous contraindrez jamais en rien, 
vous serez toujours vostre Maistresse absolue et la 



60 CORRESPONDANCE 

mienne. » Je trouve ce compliment vraiment tou- 
chant... 

A LA RAUGRÂVE LOUISE. 

Marly, le 24 août 1710. 

... Je suis étonnée que cet ecclésiastique italien ait 
fait son apparition en soutane, du moment qu'il va en 
Hollande et en Angleterre, car d'ordinaire ils portent 
d'autres habits, mettent une cravate et ont Tépée au 
côté. Puisque ces Italiens ont de grosses têtes, ils 
pourraient passer pour luthériens plutôt que pour 
catholiques... 

Marly, le 4 septembre 1710. 

... A l'avenir je vais être plus économe du baume 
d'Augsbourg* : deux fioles ont vite disparu, car je ne 
savais pas la manière de s'en servir, vous aviez oublié 
de me l'écrire... 

Marly, le 1 septembre 1710. 

... La grande-duchesse' et sa fille ne s'écrivent ja- 
mais. La grande-duchesse est paresseuse, elle n'aime 
pas à écrire et, entre nous soit dit, elle se soucie fort 
peu de ses enfants. A peine son deuxième fils eut-il 
passé deux jours ici, qu'elle et lui se sont totalement 
brouillés. Je ne crois pas même qu'elle sache que sa 
fille a eu la petite vérole... 

1. Ou baume universel. 

1. Margaerite-Louise d'Orléans, grande-duchesse de Toscane. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. Gl 



A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Marly, le 7 septembre 1710. 

... La duchesse de Berry vient me voir souvent, 
parce que le roi et son père le désirent; mais, au 
demeurant, la sympathie qu'elle a pour moi n'est pas 
grande... 

Gela ne m'étonne nullement que le pape prenne en 
main la cause du cardinal de Bouillon. Si le roi était 
heureux, le pape l'approuverait dans tout ce qu'il fait 
au cardinal, mais comme la fortune sourit à l'empe- 
reur» il faut que notre roi ait tort..» 

Vérsaines, le 14 septembre 1710. 

... Je crains que le duc de Vendôme ne soit un gé- 
néral sans armée, car la dernière bataille livrée en 
Espagne a été désastreuse ^.. 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 14 septembre 1710. 

... Je supporte très bien les vins forts, mais je ne 
les trouve pas agréables ; ne pouvant de ma vie 
prendre ni bouillon ni potage, il faut bien que je les 
remplace par des boissons; je bois par conséquent 
moitié eau, moitié vin, du Champagne, à trois ou 
quatre reprises. 



I .. 



1> Le roi Philippe avait été défait devant Saragosse le 10 août. 
II. 4 



:>'^-. . 



62 CORRESPONDANCE 

Versailles, lo 21 septembre 1710. 

... Ma surintendaDte reçoit 8,000 francs,. mais il 
faut qu'elle paye tous ses domestiques, et, en fait 
d'étrennes, on ne lui donne que des bagatelles... 

Je parierais bien que les malheurs du roi d'Espagne 
n'amèneront pas la paix. On veut rendre la France 
impuissante et l'Espagne aussi, et l'on ne songe pas à 
la paix!... 

Cela me surprend que ma tante ne se lasse pas de 
toujours se promener au même endroit. J'aime à va- 
rier mes promenades, et je me fatigue plutôt d'un 
beau jardin que d'une forêt inculte, ou de prés avec 
des ruisseaux et des saules... 

Versailles, le 6 octobre 1710. 

... Les chanoines en Allemagne s'entendent mieux à 
vous faire raison le verre à la main qu'à expliquer 
certains points touchant la religion. Les jésuites ici 
croient des choses que ni mon confesseur ni moi nous 
n'approuverions; mais il me semble qu'ils n'avancent 
ces choses-là que pour le plaisir de disputer... 

Hanovre et Herrenhausen* sont devenus une petite 
Angleterre, tellement tout y est rempli d'Anglais... 

Je suis comme vous, chère Louise, je ne comprends 
pas qu'on se remarie ; car, ou l'on a eu des motifs 
d'aimer, ou de haïr le défunt. L'a-t-on aimé? Com- 
ment peut-on mettre un autre à sa place. A-t-on été 

1. Résidence d'été près de Hânotroi 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. C3 

malheureuse? Comment ose-t-on de nouveau s'expo- 
ser au danger, à moins qu'on ne meure de faim et 
qu'on trouve quelqu'un qui vous donne du pain; dans 
ce cas-là seulement la chose est permise... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Vorsaillos, lo 19 octobre 17 JO. 

... Ce que le roi peut le moins endurer, c'est qu'on 
attaque ses ministres. Il punit cela aussi sévèrement 
que si on l'avait attaqué lui-même. C'est pourquoi 
Langallerie et La Hautan ne pourront rentrer en 
grâce... 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 23 octobre 1710. 

... J'ai été bousculée toute la semaine comme un 
pauvre chien : mille choses désagréables. J'en suis 
toute quinteuse encore. Dieu merci, depuis hier c'est 
fini! J*ai dû prendre un nouveau secrétaire qui est en 
même temps intendant de ma maison. Il m'a fallu 
réviser les livres de l'ancien, ordonner tout à nou- 
veau, et cette charge qu'un seul peut avoir, ils étaient 
quarante-cinq à y prétendre. C'a été un long tour- 
ment!... 

Marly, le 6 novembre 1710. 

... Hier nous célébrions la Saint-Hubert. Nous avions 
déjà pris un cerf et nous en courions un second, 
quand je vis un homme s'avancer au galop et tomber 



■Xti, ' " 



6i CORRESPONDANCE 

avec son cheval. Je crus d'abord que c'était un pî- 
queur ; je voyais bien qu'il était gravement blessé, car 
il avait de la peine à se relever. Quand on l'eut remis 
sur pied et que je regardai sa figure, je vis que c'était 
mon fils. Imaginez mon état! Je le pris dans ma ca- 
lèche et le conduisis ici : il souffrait horriblement ; on 
ne pouvait savoir si le bras était cassé ou luxé, mais 
il s'est trouvé simplement luxé. Seulement c'était pré- 
cisément l'épaule à laquelle il a déjà deux fois été 
blessé et où on lui a coupé des nerfs ; la douleur était 
si atroce qu'il avait l'air d'un moribond. Dès que 
ï'épaule fut remise il n'a plus souffert, il se porte de 
nouveau bien, et on lui a fait une saignée. Il ne garde 
pas la chambre, il porte le bras en écharpe et circule 
partout : il y a une demi-heure qu'il est là auprès de 
moi... 

Marly, le 13 novembre 1*710. 

... Je n'î^i pas encore utilisé les services de mon 
nouveau secrétaire, car comme il est en même temps 
mon intendant, il lui a fallu se rendre dans mon 
douaire à Montargls pour vendre mon bois. Son oncle 
qui est mon confesseur écrit pour lui... 

Il est rare en ce pays de trouver quelqu'un qui ne 
soit pas intéressé... Cela provient de i'habitude vicieuse 
qu'on a d'acheter toutes les charges... Pour obvier à 
cet inconvénient, je n*aî pas fait vendre cette fois-ci 
la charge de secrétaire et je l'ai donnée, à condition 
qu'elle ne fût pas vendue plus tard. J'ai fait de même 
pour la charge de trésorier. Je l'ai donnée en com- 
mission à un honnête homme... 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLËANS. 65 

Versailles, le 22 novembre 1710. 

... Hier je fus à Paris. J'avais invité à dîner mon fils 
et la grande-duchesse. Le soir, nous devions aller 
ensemble à l'Opéra... En voulant vite me rendre dans 
le deuxième cabinet, une partie du parquet se rompit 
sous moi. Je ne sais comment on appelle le parquet 
en allemand; de ma vie je n'en ai vu en Allemagne : 
rien que des ais et des planches... Donc un morceau 
du parquet se rompit sous mon talon, et je me don- 
nai une entorse... On m'a portée à l'Opéra en chaise 
ouverte, comme le pape... 

A LÀ DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 27 novembre 1710. 

... Voilà bien une chose qu'on devrait coucher par 
écrit : à quatre-vingts ans sonnés, vous étiez assez forte 
pour danser une allemande avec votre petit-fils. Je ne 
pourrais pas en faire autant. Combien le prince royaP 
a raison de ne pas aimer la danse française! c'est 
ennuyeux pour ceux qui dansent et pour ceux qui 
regardent... 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 30 novembre 1710. 

... La comédie a repris ici depuis mardi, et la se- 
maine dernière nous avons eu : Cinna et les Agio- 

1. De Prusse. 

4. 



66 CORRESPONDANCE 

teiirs le mardi, Jodelel prince le jeudi, et hier le Comte 
d'Essex et V Esprit de contradiction.,. 

... Qu'à Heidelberg on soit venu au baisemain de la 
reine des Romains, ce n'était que justice, mais l'em- 
pereur ne devrait pas souffrir qu'aucune dame lui 
baisât la main. Notre roi ne le permettrait pas... 

A LÀ DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 4 décembre 1710, 

... Quand le roi Charles ^ était à Madrid, mylord 
Stanhope alla voir un vieux grand d'Espagne âgé de 
eent ans juste et qui avait été jadis son grand ami. 
Ce vieillard avait encore toute sa tête. Stanhope lui 
demanda pourquoi il n'allait pas à la cour. « J'ai 
reconnu Philippe V comme roi, répondit-il; toute ma 
vie je n'aurai qu'un Dieu, qu'une loi et qu'un roi, et 
comme j'ai vécu je mourrai. Si vous avez à me deman- 
der quelque chose pour vous personnellement, je vous 
servirai de grand cœur comme étant mon vieil ami, 
mais si vous voulez me parler de votre roi Charles, je 
vous prierai de ne plus prendre la peine de me venir 
voir, car je ne changerai jamais. » 

Pas un grand n'a rendu hommage au roi Charles, à 
l'exception des Napolitains. La plupart des Castillans 
sont restés bien fidèles au roi Philippe... * 

1. I/archidun, compétiteur do Philippe V. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. G7 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, lo 14 décembre 1710. 

... Hier soir nous avons eu une grande frayeur, mon 
fils, le duc de Berry et moi; le pauvre duc en est tout 
p&le aujourd'hui encore. La duchesse soudain tomba 
en syncope; nous crûmes que c'était une attaque 
d'apoplexie, mais après que la duchesse de Bourgogne 
lui eût aspergé la figure de vinaigre, elle revint à elle, 
et d'affreux vomissements la prirent. Il n'y a rien 
d'étonnant à cela : pendant deux heures, à la comé- 
die, elle n'a fait que manger toute sorte d'horreurs, 
des pêches au caramel, des marrons, de la pâte de 
groseilles vertes et autres, des cerises sèches avec 
beaucoup de limon dessus, puis à table elle a mangé 
du poisson et bu entre temps. Se sentant mal, elle n'a 
voulu rien en laisser paraître et s'évanouit. Aujour- 
d'hui elle est de nouveau alerte et bien portante, mais 
avec sa manie de manger gloutonnement, elle se ren- 
dra bien malade, car elle ne veut pas croire ce qu'on 
lui dit. Mais en voilà bien assez sur ce chapitre... 

Je suis heureux que la chasse vous plaise, mais il 
faut que je rie de ce que vous ignoriez à ce point les 
termes de vénerie. En allemand, je n'en pourrais par- 
ler, mais en français je m'y entends, et cela à fond; 
je dirais : « Un cerf de dix cors cistoit, accompagnes 
de deux daquet, mais le chien ayant sépares leurs 
cerf, l'ont bien chasses, les chien ont bien tournes 
sur les voyes, les relais ont estes bien donnes, |a 
vieille meutte les* 6 chien, welsi va vous hette 

1. Laisse. 



68 CORRESPONDANCE 

haut» ho mes valets, tayo, tayoî i Dès qu'on voit le 
cerf, on parle tout le temps ici... 

Versailles, le 21 décembre 1710. . 

... Je perds souvent la chasse^ par considération 
pour mes chevaux. Quand on chasse dans le parc dMci, 
on ne traverse ni landes ni terres labourées, mais 
quand on chasse ailleurs, on passe fort bien par les 
champs. S'il y a des dégâts, les paysans remettent une 
réclamation par écrit, on en fait Teslimation et on 
les paie. À Fontainebleau, on trouve des landes et des 
rochers, mais les villages ne sont pas fort éloignés les 
uns des autres... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 21 décembre 1710. 

... Tous les enfants de M*»» la Duchesse sont de 
grands garçons et de grandes filles. La prédiction du 
grand Condé ne s'est pas réalisée, que tous ses petits- 
enfants finiraient par devenir des chie7is de Boulogne, 

J'ai connu Langelli^, Ce n'était pas un fou, mais il 
simulait la folie. Il savait fort bien l'allemand. Quand 
il me vit : « Je sais, me dit-il, — car on m'en a pré- 
venu, — que Votre Altesse Royale craint les fous. 
N'ayez pas peur de moi : je ne le suis pas, je feins de 
l'être , mais ne me trahissez pas. » Je lui sus gré de 
m'avoir avertie. Monsieur me demanda pourquoi je 
n'avais pas peur de ce fou. « Parce qu'il sait l'alle- 

1. Ho, welsi, va, hette ho, exclamations. 

2. L'Angéli, fou du prince do Condé ot ensuite du roi. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. C9 

tnaiid », lui répondis-je. Je ne voulais pas lui dire le 
reste. Je ne mentais quand môme pas, car c'est bien 
parce qu'il m'avait parlé allemand que je ne le 
craignais plus... 

Marly, lo 11 janvier 1711. " 

... On a tellement détourné le roi de toute gran* 
deur, qu'il n'y songe plus du tout. 

Le dauphin n'est pas ignorant, en réalité. Il a beau- 
coup appris, mais il ne veut jamais parler de rien; il 
met toute son application à oublier tout ce qu'on lui a 
enseigné, « car tel est son bon plaisir » ; on n'en sau- 
rait trouver d'autre motif. Le duc de Bourgogne sait 
beaucoup de choses et a fait de bonnes études. 
J'ignore comment est le roi d'Espagne; mais notre 
duc de Berry n'a rien appris, il est fort ignorant, et 
le restera sans doute sa vie durant... 

VersaiUcs, le 29 janvier 1711. . 

• 

... Notre roi d'Espagne est àSaragosse maintenant, 
avec la reine et le, prince des Asturies. En ceci il 
montre qu'il a de l'esprit, qu'il laisse faire la reine et 
la princesse des Ursins, car il sent bien qu'elles en 
ont plus que lui. Entre nous soit dit, nos trois princes 
ont été bien mal élevés... et dans une telle crainte et 
soumission qu'ils ne savent qu'obéir, et sont inca- 
pables de commander. Mais ce roi a du cœur; on le 
mettrait devant cent bouches à feu en lui disant 
« Reste là », qu'il tiendrait ferme comme un mur; par 
contre , si quelqu'une des personnes auxquelles il est 
habitué lui disait « Ote-toi de là », il s'en irait. Il se 



70 CORRESPONDANCE 

défie de lui-même. Tout ce qu'on lui dit de faire il le 
fait, mais pas davantage... 

Marly, le 5 février Hll. 

•.. Nulle part il n'y a de conversation; à Meudon, 
on parle entre soi. Monseigneur cause fort peu, aussi 
bien que le roi. Je crois que celui-ci compte les mots 
et a résolu de ne jamais dépasser un certain chiffre. 
A Saint-Cloud pas plus qu'ailleurs on ne cause. Toutes 
les dames ont une telle peur de dire quelque chose 
qui pût déplaire ici et les empêcher d'aller à Marly, 
qu'elles ne parlent que de toilette et de jeu, ce qui 
me semble assez ennuyeux... 

A LÀ RÂUGRAVE LOUISE. 

Marly, le 5 février 1711. 

... J'apprends avec peine, chère Louise, que vous 
avez pris Thabitude du café : rien au monde n'est 
plus malsain, et journellement je vois des gens 
qui sont obligés d'y renoncer, parce que cela leur 
cause de graves maladies. La princesse de Hanau en 
est morte, au milieu des plus atroces douleurs. Après 
sa mort, on a retrouvé le café dans l'estomac : il y 
avait occasionné de petits ulcères. Que cela vous 
serve d'avertissement, chère Louise!... 

Versailles, le 28 février ni U 

Ci-joint un nouveau flacon de baume blanc. Je con- 
nais beaucoup de dames ici qui s'en mettent sur la 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 71 

figure, quand il est préparé à Tesprit-de-vin. Feu 
Monsieur m'en a voulu mettre un jour, mais je ne l'ai 
pas souffert; je préfère avoir des rides que des 
drogues blanches plein le visage. Je déteste toute 
espèce de fard, et ne peux souffrir le rouge... 

... On ne me permet même pas d'aller en Lorraine; 
bien moins encore pourrais-je me rendre à Aix-la- 
Chapelle. Il n'y a pas d'esclavage comparable à l'as- 
sujettissement où le roi tient sa famille... 

Versailles, lo 14 mars 1711. 

... 11 ne m'est pas possible d'envoyer à M"« Brink ce 
que je lui avais destiné, car le roi me doit onze mois, 
et les gens de mon fils me détiennent deux cent mille 
francs; de ma vie je n'ai été aussi gênée. Il faut 
qu'elle patiente comme moi; quand une fois je me 
trouverai dans une meilleure position, la sienne s'en 
ressentira aussi... 

Envoyez-moi, je vous prie, une petite boîte de 
pilules de Francfort. Il y a des gens ici qui s'ima- 
ginent que leur vie en dépend, et qui m'ont supplié 
de leur en faire venir... 

Versailles, lo 19 mars 1711. 

... Quitter la cour I On voit bien, chère Louise, que 
vous ne connaissez pas ce pays. J'ai vu ce que c'est 
par l'exemple de feue Madame douairière *, la tante 
de mon défunt mari* Elle a dû vivre à Paris comme 

1. Marie «Jeamie de Savoie -Nemours, veuve do Charles-Emma- 
nuel U. 



.".•• 4. - 



72. CORRESPONDANCE 

un& bourgeoise ; à peine si ses gens la servaient. Et 
moi je n'ai pas de maison à Paris, il me faudrait aller 
habiter mon douaire où je serais abandonnée de tout 
le monde : pas une personne de qualité ne voudrait 
rester auprès de moi. Tous les domestiques aiment 
Paris; ils ne peuvent s'en séparer, ni de la cour non 
plus. Je mourrais de faim et de soif là-bas. Ici, quand 
on ne vous voit plus, on ne vous connaît plus. On me 
persécute afin que je prenne ce parti, que je sois 
misérable et que je souffre de toute part. Non, je ne 
le ferai pasl... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 19 mars 1711. 

... En Allemagne, on sait, en général, que le prince 
Charles-Frédéric (?) est mort empoisonné, mais on 
ignore les détails. Ce n'est qu'ici que j'ai appris que 
c'est la Brinvilliers qui a fait le coup. Jamais on n'avait 
VU pareille pièce. Elle a de sa propre main écrit une 
sorte de confession contenant, dit-on, de telles hor- 
reurs, que les juges ont ordonné de la jeter au feu, 
aQn que nul ne la lût. Elle n'était pas laide; blanche 
comme la neige, elle avait la peau belle et lisse, une 
petite figure modeste et douce; eile était mignonne 
de sa personne... 

Versailles, le 22 mars 1711. 

*.. Les vieilles belles que j'ai vues étaient, Tune, la 
princesse «de Guéménée, la mère du chevalier de 
Rohan, qui a eu la tête tranchée, l'autre, M™« de la 



DE MADAMK, DUCHESSE D'ORLÉANS. 73 

Bassinière^. Nous avons encore ici une dame de 
soixante-dix ans qui n'en paraît pas quarante. C'est 
M"« du Frenoy, dont M. de Louvois fut tellement 
amoureux... 

Versailles, le 26 mars 1711. 

... M*»" du Maine s'est mariée très jeune et a trouvé 
un mari bien complaisant, avec lequel elle n'a pas 
besoin de se contraindre. Toujours elle a obéi à ses 
propres caprices et quintes. Elle né peut vivre sans 
divertissements, et il faut que ce soit toujours du 
nouveau. Son père, M. le Prince, faisait grand cas de 
la faveur : il s'imaginait qu'il gouvernerait la France 
entière par M. et M""*" du Maine. M. le Prince, celui 
qu'on appelle ici le Grand Gondé, était tout aussi lâche 
et attaché à la faveur. S'il n'avait pu marcher, il au- 
rait rampé l... 

A LÀ RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 28 mars 1711. 

... On m'a tellement rogné les ailes — et cela avec 
intention — que, même si j'étais mon propre 
maître, je ne pourrais pas voyager... 

On m'a promis une huile de cacao venant des îles 
de la Guadeloupe, et qui, m'assure-t-on, doit guérir 
mes genoux... Si cette huile ne fait pas d'effet, j'es- 
sayerai du baume du Pérou. Mais dans quoi faut-il le 
faire fondre? car de lui-même il devient de suite dur 
comme de la corne... 

1. Bazinière. 



74 CORRESPONDANCE 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 4 avril 1711. 

... Le prince Eugène porte à bon droit le nom de 
grand vizir, car il a beaucoup de vertus turques. Je 
voudrais bien qu'il eût tant à faire à Vienne qu'il ne 
puisse se rendre à l'armée : je ne peux lui pardonner 
_ l'intention de brûler Versailles. Je voudrais que l'em- 
pereur le chargeât du rôle de médiateur entre l'em- 
pereur de Turquie, le roi de Suède et le czar... 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 
Versailles, ce dimanche de Pâcques, 5 avril 1711. 

'' ... D'avoir été si longtemps agenouillée cette se- 
maine-ci, cela a fait grand tort âmes genoux... Je 
n'y mets rien que de la flanelle anglaise, cela est plus 
commode que de les frotter d'onguents... 

Versailles, lo 9 avril 1711. 

... Il est arrivé l'autre jour une drôle de chose avec 
les pilules. Un maître dautel de quartier du roi, qui 
aime énormément le cachou, soupait chez la per- 
sonne pour laquelle je vous les avais demandées. 
Celle-ci, au souper, tenait la boîte à la main. Le maître 
d'hôtel, après le repas, veut être bien rusé, et piller 
le cachou de son ami ; il se lève vite, plonge la main 
dans la boîte et attrape environ vingt pilules qu'il 
avule d'un coup. L'autre eut peur, mais le mal était 



DE MADAME, DUCUËSSË D'ORLÉANS. 75 

fait. Néanmoins il ne s'en est pas mal trouvé, 11 a fort 
bien dormi cette nuit-là, mais je crois qu'il sera quand 
même puni de sa gourmandise. 

M. le Dauphin a, par précaution, pris médecine et 
s'est fait saigner. Aujourd'hui, à Meudon, il est tombé 
dans une profonde syncope, il a la fièvre et des fris- 
sons, et à côté de cela une grande envie de dormir. 
A quoi a servi la précaution alors? 

A LA DUCHESSE DE UANOVRE. 

Versailles, le 12 avril 1711. 

... Jeudi dernier je vous mandais que M. le Dauphin 
a été pris d'une forte fièvre. Vendredi je lui fis visite. 
Il y avait précisément un redoublement de fièvre, mais 
il était calme et ne divaguait pas, son pouls était réglé. 
11 parlait et était fort tranquille. Le roi était dans sa 
chambre. 11 s'est enfermé avec M. le Dauphin. M'"*' la 
Duchesse et la princesse de Gonti restent aussi à 
Meudon. On a renvoyé tous les autres Ici, avec défense 
de venir le voir; mais on peut voir le roi au jardin. 
Hier, à quatre heures, la petite vérole s'est déclarée ; 
il doit l'avoir très fort. Un de ses valets de chambre 
en est déjà atteint. Jusqu'ici la maladie suit bien son 
cours, la fièvre diminue, les pustules commencent à 
devenir blanches> nous espérons donc que tout ira 
bien... 

Marly, lo IG avril nil. 

... L'espoir que M. le Dauphin en réchapperait s'est 
maintenu jusqu'à mardi matin. Ce jour-là, le peuple de 



:j4.- . 



70 <:ORRESPONDANCE 

• 

Paris,* qui aimait extrêmement M. le Daupliio, lui en- 
voya les harengères. Elles l'embrassèrent en lui disant 
qu'elles allaient faire chanter le Te Deum. a H n'est 
pas encore temps, répondit Monseigneur, attandes que 
je sois tout a fait guéris. » 

Ce même jour, j'allai à Meudon pour partager la 
joie du roi de ce que M. le Dauphin allât si bien. 
J'arrivai à cinq heures, et, sachant que le roi était 
encore au conseil, je me promenai au jardin jusqu'à 
ce qu'il eût fini; alors je me rendis auprès de lui. 11 
me reçut le plus gracieusement du monde. Il me re- 
prochait de m'être plainte tellement, quand j'avais la 
petite vérole, tandis que M. le Dauphin ne souffrait 
pas du tout. « Cela viendra, répondis-je, forcément il 
y aura des pustules, et elles lui feront mal. j» â six 
heures, au moment même où je parlais, on vint me 
dire qu'il avait des inquiétudes, et que la tête enflait 
très fort. Tout le monde s'imagina que c'était la sup- 
puration, et l'on se dit : « C'est bon signe ». 

Quand je fus à Versailles, toute la cour d'Angle- 
terre vint me voir. A huit heures, ils repartirent pour 
Saint-Germain; à neuf arriva la nouvelle que tout 
allait bien, mais à dix on m'écrivit que M. le Dauphin 
commençait à être inquiet, que la figure était enflée 
au point de le rendre méconnaissable, et que la pe- 
tite vérole se jetait particulièrement sur les yeux. Ceci 
encore n'alarma personne. Je soupai comme d'ordi- 
maire à dix heures, à onze je me déshabillai et me mis 
4 causer encore avec la maréchale de Clérembault. 
ï^uis je voulus dire mes prières et me coucher, quand 
^ minuit je fus profondément étonnée de voir revenir 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 77 

la maréchale toute bouleversée. « M. le Dauphin est à 
la mort, me dit-elle: en ce moment, le roi traverse 
Versailles pour se rendre à Marly; la duchesse de 
Bourgogne a fait chercher sa voiture pour suivre le 
roi. » Un instant après, on vint dire que tout était fini 
et que M. le Dauphin était mort. 

Vous imaginez bien Thorrible frayeur que causa 
cette nouvelle. Je fis également chercher ma voiture 
et me rhabillai en toute hâte, puis je courus chez la 
duchesse de Bourgogne, où j'assistai à un spectacle 
navrant. Le duc et la duchesse de Bourgogne étaient 
bouleversés, pâles comme la mort, et ne disant pas 
un mot; le duc et la duchesse de Berry étaient éten- 
dus par terre, les coudes sur un lit de repos, et 
criaient tellement qu'on les entendait à trois pièces 
de là; mon fils et M"' d'Orléans pleuraient en silence 
et faisaient leur possible pour calmer le duc et la 
duchesse de Berry. Toutes les dames étaient par terre, 
à pleurer autour de la duchesse de Bourgogne. J'ac- 
compagnai le duc et la duchesse de Berry à leur ap- 
partement; ils se couchèrent, mais n'en continuèrent 
pas moins à crier. En sortant, la duchesse de Bour- 
gogne me dit que le roi avait défendu qu'on vînt à 
Marly cette nuit-là; nous ne devions y aller que le 
lendemain matin. 

11 était deux heures et demie quand je revins chez 
mol et que je me couchai. Mais je ne dormis que de 
cinq à six; à sept, je me levai, m'habillai, et à huit je 
vins ici. Le temps n'était pas comme nous autres, car 
il faisait très beau. Quand j'arrivai, tout était encore 
fermé chez le roi ; je m'en fus chez M*"' de Maintenon. 



'.H 



78 CORRESPONDANCE 

Elle me raconta comment tout s'était passé. « A dix 
heures, me dit-elle, on avait encore de l'espoir, mais 
à dix et demie déjà, tout faisait prévoir une issue 
funeste, de sorte qu'immédiatement on a fait chercher- 
Textrême-onction. Le roi était au dessert quand on le 
lui vint dire. Vous vous figurez aisément sa frayeur. 
Il voulut aussitôt se rendre dans la chambre de M. le 
Dauphin, mais on le retint, lui disant qu'il arriverait 
tout juste pour le voir mourir. Là-dessus, il fit im- 
médiatement chercher sa voiture. Avant qu'il n'y fût 
monté, avec M"» de Maintenon, ^1*"*= la Duchesse et la 
princesse de Conti, le pauvre Dauphin avait cessé de 
vivre. Immédiatement après sa mort, il est devenu 
noir comme de la poix; d'où Ton a conclu que la 
fièvre pétéçhiale était venue s'ajouter à la petite 
vérole. Tout s'était concentré sur la tête; il n'avait 
presque pas de boutons sur le corps, mais le nez en 
était couvert. A proprement parler, il est mort étouffé. 
Le corps a de suite dégagé une odeur tellement nau- 
séabonde qu'on a été obligé de le transporter à Saint- 
Denis sans cérémonie aucune. 

J'ai vu le roi à onze heures. Il est triste à faire 
pitié, mais malgré cela il n'est pas chagrin, il parle à 
tout le monde avec bonté, donne tous ces ordres si 
tristes avec une grande fermeté d'âme, mais à tout 
moment ses yeux s'emplissent de larmes, et il soupire 
intérieurement ; j'ai une peur extrême qu'il ne tombe 
malade lui aussi, car il a fort mauvaise mine. Je le 
plains de toute mon âme. 

Ceux qui ont cru me causer un grand dommage en 
m'aliénant M. le Dauphin m'ont peut-être sauvé la vie, 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 79 

cap si lui et moi nous avions encore été sur le même 
pied qu'avant la mort de Monsieur, j'aurais peut-être 
pu tomber malade de frayeur et d'affliction, ou bien 
même en devenir inconsolable, tandis que présente- 
ment je supporte ce malheur patiemment et n'ai de 
souci qu'au sujet du roi. Je plains M. le Dauphin, à 
la vérité, mais je ne peux m'affliger autant de la perte 
d'un homme qui ne m'aimait pas et qui m'avait 
entièrement abandonnée, que s'il était toujours resté 
mon ami. 

A l'instant même, on me rapporte ce qui a été 
décidé au sujet du nouveau Dauphin (l'ancien duc de 
Bourgogne). Il ne portera pas, comme son père, le 
titre de Monseigneur tout court; on l'appellera sim- 
plement « Monsieur » en lui parlant ; en parlant de 
lui on dira « Monsieur le Dauphin », mais si on lui 
écrit il faudra mettre « Monseigneur » dans la lettre... 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Marly, le I6avril.nil. î 

... On remarque chez le roi une soumission à la 
volonté de Dieu telle qu'on ne s'en peut faire une idée. 
Sa seule consolation est que le confesseur de Monsei- 
gneur assure que sa conscience était en parfait état, 
et qu'il peut espérer qu'à Pâques il a bien communié, 
que par conséquent il a fait une fin chrétienne. Le roi 
lui-môme tient des discours si pieux que cela vous va 
au cœur; il m'a fait pleurer toute la journée d'hier... 
Aujourd'hui j'ai écrit une longue lettre à ma tante, je 



80 CORRESPONDANCE 

suis montée chez la princesse de Contî (son escalier a 
cinquante-six marches très élevées), je me suis ren- 
due chez M'"'' la Duchesse, à pied, par le jardin, puis 
j'ai reçu la reine d'Angleterre ; tne voici fatiguée comme 
un chien, aussi m'est-il impossible de vous en dire 
davantage... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Marly, le 18 avril 1711. 

... Tout Paris et les provinces sont au désespoir de 
cette mort. C'est bien sûr un affreux poison qui a tué 
le pauvre homme, car, à ce qu'on m'a raconté hier, 
quand il a rendu l'âme, on a vu sortir de sa bouche 
une fumée noire dont toute sa figure est devenue 
couleur de poix et est restée ainsi. 

Combien d'intrigues et de projets n'a-t-on pas faits 
en vue du jour où M. le Dauphin serait roi ! M*"« la 
Duchesse doit avoir menacé la duchesse de Bourgogne 
de lui faire payer chèrement le mariage de ma petite- 
fille la duchesse de Berry, et maintenant son règne a 
pris fin; à part l'avantage d'être admise le soir dans 
le cabinet du roi, elle n'en a pas d'autres que moi qui 
jamais ne me suis mise d'aucune cabale... 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Marly, le 19 avril 1711. 

... Je ne suis pas digne d'entendre de beaux ser- 
mons : je ne peux m'empêcher de dormir ; le ton 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 81 

dont ils sont débités exerce immédiatement cet effet 
sur moi. A Heidelberg, ce m'était une corvée d'aller 
à l'église française ; ce me semblait être tout autre 
chose que le culte allemand. Le style de Marot* me 
paraissait plutôt bouffon que dévot... 

La maladie du Dauphin était horrible. La duchesse 
de Villeroy n'a fait que parler à son mari, à Versailles; 
l'habit qu'il portait et avec lequel il s'était trouvé 
dans la chambre du malade a suffi pour infecter sa 
femme; il s'en trouvera bien d'autres encore dans le 
même cas... 

Marly, le 7 mai 1711. 

... Notre roi, en effet, est très pieux, mais il est fort 
ignorant des choses qui ont trait à la religion : jamais 
de sa vie il n'a lu la Bible ; il croit tout ce que lui disent 
les prêtres et les faux dévots. Il n'y a donc pas lieu de 
s'étonner que les choses aient pris une si mauvaise 
tournure. On lui dit : a II faut que ce soit ainsi. » Il 
n'a jamais entendu autre chose et croirait se damner 
en écoutant ce que d'autres personnes pourraient lui 
dire... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Mariy, le 9 mai 1711. 

... Certes vous avez raison en disant que le roi est 
bien fondé à regretter M. le Dauphin. Celui-ci était 
parfait pour lui ; jamais fils n'avait eu pour son père 
un tel respect, une telle obéissance, autant d'amoui* 



1. Dans sa traduction des Psaumes. 



5. 



82 gOnr.ESPONDANCK 

filial. Il faut lui lais?er cela; c'est aussi la principale 
louange qu'on en puisse faire... 

Si je pouvais trouver l'occasion de parler au roi, je 
ne manquerais pas de me conformer à votre ordre et 
de lui marquer combien vous le plaignez. Mais à table 
cela est bien difficile : Sa Majesté ne dit pas. un mot, 
personne ne parle à voix haute, et je ne vois le roi 
nulle part ailleurs. Plus que jamais on m'en ôte l'oc- 
casion. Je ne suis pas la seule à qui on rende de mau- 
vais offices auprès du roi. Il en arrive autant à ma 
fille et à son miari, car hier, quand je vins lui faire 
ma visite de condoléance, il s'est plaint de tous les 
deux. « Leurs sentiments me sont connus, répondis-je ; 
on leur fait tort, comme à d'autres encore. Je prie 
Votre Majesté de juger par vous-même et non par 
d'autres. » Mais c'est bien ainsi que vont les choses 
ici : on croit tout ce qu'on dit des gens, et on ne leur 
donne pas l'occasion de se justifier. 

M. le Dauphin n'a jamais cru qu'il se portait aussi 
bien que les médecins le prétendaient, car il disait à 
M""' la Duchesse, qui me l'a raconté : « Voicy vne ter- 
rible maladie pour vn homme de 50 ans; je ne croi 
pas que je m'en tire bien. » M™" la Duchesse est en- 
core inconsolable, ainsi que la princesse de Conti. 
M"" Choin est très triste , à ce qu'on dit. Le roi lui a 
fait une pension de douze mille francs, et elle garde 
sa maison de Paris. Le Dauphin a laissé une fille na- 
turelle qu'il n'a pas reconnue. C'est à présent une 
personne de dix-sept à dix-huit ans, belle comme un 
ange, de visage et de corps; elle est au désespoir. 
Il la fait appeler M"« de Fleury, d'un village de ce 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 83 

nom qui se trouve dans le parc de Meudon. Dieu sait 
ce que deviendra cette enfant l 

Il n'y a pas grande amitié entre le Dauphin actuel 
et moi, mais il était toujours poli à mon égard, et 
c'est tout ce que je demande... Il est plutôt contrefait 
que laid; il boite et est bossu, mais les traits ne sont 
pas vilains, il a de beaux yeux pleins d'intelligence... 
11 est un peu trop bigot, mais au moins ne prêche-t-il 
pas! Nos princes sont tous les trois fort épris de leurs 
femmes... 

A LA RADGRAVE LOUISE. 

Marly, le 28 mai nu, 

... Quand j'entends nommer Utrecht, je pense à mes 
jeunes années, au temps où j'y ai été. Plût au ciel que 
nous en fussions encore là, et que je susse ce que je 
sais à présent!... 

Hier l'électeur de Bavière vint à Marly, mais je n'ai 
pas eu l'honneur de le voir... Mais aujourd'hui je l'ai 
vu et lui ai causé à la chasse. Mon Dieu! qu'il est 
changé depuis l'an passé! Le menton pointu, le nez 
de même, la bouche rentrante, de sorte que nez et 
menton se touchent presque... 

Marly, le 31 mai Hll. 

11 me semble que les femmes de chambre ne se 
portent jamais bien; j'en ai dix-huit, et pas une qui 
ait une bonne santé. Si la vôtre prend du café, il pour- 
rait bien lui arriver la même chose qu'à la princesse 



84 CORRESPONDANCE 

de Hanau*... A cette heure, on pense aussi que le café 
a contribué à la mort de M. le Dauphin et qu'il lui a 
corrompu le sang... 

A'LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Marly. le .31 mai Hll. 

... Je crois que l'électeur de Bavière s'imagine qu'il 
a cessé d'être un comte palatin du Rhin* pour deve- 
nir un prince français, car il distingue les princesses 
du sang plus qu'il ne me distingue, moi... Jeudi der- 
nier, ne voyant pas la princesse de Conti au salon, il 
envoya incontinent un gentilhomme auprès d'elle 
pour demander si elle s'était trouvée mal, n'étant pas 
descendue. Mardi il était de nouveau ici ; il ne m'a 
vue nulle part, mais il ne m'a pas envoyé de gentil- 
homme, et quand il me vit à la chasse il était tout à 
fait embarrassé, comme un enfant; mais il n'en est pas 
un, il para être au moins aussi âgé et aussi laid que 
moi. Je suis comme M™» de Fiennes, qui avait cou- 
tume de dire : « Quand je suis contente des gens je 
les trouve si beau, mais quand je n'ay pas lieu de 
Testre je les trouve très laids... » Et j'ai trouvé l'élec- 
teur affreux... 

Marly, le 11 juin 1*711. 

•.. Entre jésuites et jansénistes, il y a une guerre 
continuelle ; mais les jésuites ont le roi pour eux, ils 

1. Lettre du 5 février 1711. 

2. Étant de la famille de Wittelsbach comme Madame. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. »:» 

sont donc les plus forts. Ils tourmentent les autres 
d'une façon horrible. On ne peut mieux faire sa cour 
qu'en prenant parti contre les jansénistes. Quant à 
moi, je prends en pitié tous les honnêtes gens qui 
sont malheureux. Quoique je compte plus d'amis 
parmi les jésuites que parmi les jansénistes, il me 
faut reconnaître que ces derniers vivent chrétienne- 
ment et ne méritent pas leur infortune. En outre, il 
me f&che de voir des gens qui professent la même 
religion être tellement ennemis les uns des autres, se 
haïr et se persécuter... 

Marly, le 14 juin 1711. 

... L'impératrice mère* a écrit une lettre insensée à 
notre roi. Il ne l'a pas acceptée. En lui notifiant la 
mort de l'empereur Joseph, elle ajoute que son fils, le 
roi Charles, est élu empereur. Elle l'appelle le roi 
Charles d'Espagne, et énumëre tous les royaumes 
d*Espagne, sans oublier les Indes... On trouve fort 
insuUa7U d'avoir mis ainsi la légende de tous ses 
titres... 

Marly, le 18 juin 1711. 

Je sais fort bien pourquoi la maison d'Autriche a 
une telle affection pour les siens : c'est que là ils 
n'ont pas de bâtards; tout l'amour est donc reporté 
sur les princes légitimes, il n'y a point partage. Mais 
où il y a des bâtards/ on ne se préoccupe que de leur 

1. L'impératrice douairière Éléonore. Bile gouvernait l'empire comme 
régente pendant que le successeur de Joseph !«', Charles VI, était 
encore en Espagne. Il ne revint à Vienne qu'en janvier 1712. 






86 COnRF.SPONDANCE 

élévation, et Ton déteste ceux qui, par la nature des 
choses, prétendent leur être supérieurs. 

Marly, le 28 juin ITll. 

... Vous et moi nous sommes de la confrérie des 
âmes pacifiques, aussi bien que l'abbé de Saint-Pierre, 
qui jadis fut mon premier aumônier. 11 fait projets 
sur projets pour arriver à la paix perpétuelle. Il veut 
écrire tout, un livre là -dessus. Voici son premier 
cahier; mais je doute qu'il achève l'ouvrage; on s'est 
bien moqué de lui déjà... 

Marly, lo 5 juillet 1711. 

... Je ne sais quelle rage on a de persécuter les jan- 
sénistes. Cela a causé le malheur de bien des braves 
et honnêtes gens. On n'a pas accusé M. de Cambrai 
d'être janséniste, mais bien d'être piétiste *. Quant à 
moi, pour dire la vérité^ je l'ai toujours tenu pour un 
homme honnête et intelligent. Il est laid de sa per- 
sonne, il n'a que la peau sur les os et les yeux 
enfoncés dans la tête, mais il cause bien agréable- 
ment, avec une grande vivacité; il est fort poli et 
même gai. Il rit volontiers et aime à causer sans façon. 
Il m'a grandement plu. On n'entend plus du tout par- 
ler de M*"® Guion. Celle-là, je ne l'ai jamais vue. 
D'autres m'ont dit qu^elle était fort agréable. A la 
cour, on n'attribue pas la disgrâce de M. de Cambrai 
à ses ^opinions religieuses, inais bien à ceci, qu'il 

. Madame veut dire « quiétiste ». 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLKAXS. 87 

affermit le roi dans l'opinion que ce n'est pas un 
péché de tenir secret un mariage déraisonnable. Cet 
avis ne plut pas à tout le monde, dit-on; c'est pour- 
quoi on prît pour prétexte l'histoire de M""" Guion, et 
on a fait pousser M. de Cambrai par feu M. de Meaux... 

Marly, le 20 juiUct 1711. 

... J'ai toujours entendu dire que la femme de 
mylord Marlborough était très insolente avec la reine 
Anne. Celle-ci a donc bien fait de la laisser partir. 
Qu'est-ce que cela peut faire à mylord Sunderland 
que la reine soit bien ou mai servie par M'"*' Masson? 
C'est un gaillard bien dangereux que ce Sunderland, 
et, à voir ses mines modestes et paisibles, on ne lui 
supposerait pas la moindre malice. 11 a été pendant 
longtemps ambassadeur en France; c'était un grand 
joueur de bassette ; il jouait toujours à Saînt-Cloud 
avec Monsieur et à Paris aussi, où je le voyais sou- 
vent... 

Fontainebleau, le 12 août 1811. 

... Je vous assure que c'est à bon droit qu'on vante 
M. le Dauphin. Il le mérite. M*"® la Dauphine com- 
mence à se faire aimer de tout le monde par sa poli- 
tesse. Lundi passé, j'étais invitée à dîner chez eux. 
On ne saurait être plus poli qu'ils ne l'ont été : ils 
me servaient eux-mêmes. Il y avait là toute une dou- 
zaine de duchesses, et ils ont parlé avec toutes... 



■T.. 1* # . A 



8S CORRESPONDANCE 

Fontainebleau, le 2 septembre 1711. 

... Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que M"» Scudéry S 
qui à cette tieure est âgée de quatre-vingt-huit ans, a 
eu la petite vérole et en est réchappée... 

M™* la Dauphine est souvent impatiente et chagrine 
de l'amour que le duc de Berry a pour sa femme. 
Elle dit qu'il est par trop fade. Ce duc n'est pas dévot 
du tout, 11 prie le moins qu'il peut, mais on l'a tenu 
si serré que, ayant une femme maintenant dont il peut 
faire ce qu'il veut, il en est charmé et s'imagine qu'on 
ne peut trouver rien de plus joli au monde. Elle ne 
l'est pas du tout, ni sous le rapport de la taille, ni 
sous celui de la figure. Elle est épaisse, ramassée, a 
de longs bras, les hanches courtes; elle marche mal 
et a mauvaise grâce en tout ce qu'elle fait; elle gri- 
mace horriblement, a la figure pleurarde, marquée de 
la petite vérole, les yeux rouges, — d'un bleu clair à 
l'intérieur, — la figure rougeaude : elle paraît bien 
plus vieille qu'elle n'est en réalité. Mais ce qu'elle a 
de parfaitement beau*, c'est la gorge, les mains et les 
bras. Elle les a très blancs et fort bien faits, les jambes 
aussi, et les pieds sont gentils. Je ne peux comprendre 
pourquoi elle a la démarche si chancelante. Avec tout 
cela, son mari et son père s'imaginent que jamais 
Hélène ne fut aussi belle que l'est la duchesse de 
Berry... 

^ Versailles, le 30 septembre 1711, 

... M*"" deMaintenon ne paraît pas du tout son âge. 

1. Marie-Françoise de Martin-Vast, 163I-1714, connue par ses Leitres, 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 89 

Elle a maigri un peu, cela est vrai, mais elle a fort 
bonne mine encore. Je ne Tai pas vue de près depuis 
six mois... Le portrait du roi, où il est représenté assis 
tout nu sur un coussin, la couronne sur la tête et le 
cordon bleu de l'ordre au cou, ce portrait est encore 
ici... 

Marly, le 14 octobre 1*711. 

... Mardi dernier, j'allai voir la dame toute-puis- 
sante. Elle me dit de renvoyer mes dames dans la 
chambre à côté. Gela commençait si sérieusement 
que le cœur se mit à me battre, et que je crus qu'elle 
allait me faire la leçon. Je fis un court examen de 
conscience, mais je ne trouvai rien. Voici ce qu'elle 
me dit : Le roi avait recommandé à mon fils et à sa 
femme de veiller sur la conduite de leur fille et non 
à moi, croyant sûrement que je le ferais de moi- 
même, comme de juste ; mais apprenant que depuis 
ce temps je ne lui ai plus rien du tout dît, Sa Majesté 
a ordonné à M™* de Maintenon de me donner com- 
mission de sa part de sermonner à l'avenir la jeune 
personne. Puis elle m'a énuméré les points auxquels 
il faudrait toucher dans ma semonce. « Quoique ce 
soit chose pénible, répondis-je, j'accepte la commis- 
sion, pour prouver à Sa Majesté que je suis prête à 
lui obéir toujours et en tout ce qu'il lui plaira de 
m'ordonner; mais je prie Sa Majesté de faire dire à la 
duchesse de Berry que la commission me vient d'elle, 
afin que cela produise une impression plus profonde 
sur elle. » Ce qu'il fit. 

Ce soir-là, le père, la mère et la fille vinrent 



rf*r-:ï ■ '-' 



90 CORRESPONDANCE 

me trouver, Centrai de suite en matière : « Ma chère 
enfant, vous savez que je ne vous ai prêchée qu'une 
fois depuis votre mariage; mon intention était de ne 
plus jamais le faire, mais j'ai reçu aujourd'hui un 
ordre du roi, auquel, comme bien vous pensez, je ne 
saurais me soustraire : c'est de vous expliquer pour- 
quoi lundi dernier il ne vous a pas menée à la chasse 
dans sa calèche. La raison en est que votre conduite 
déplaît au roi. » Puis je lui expliquai la chose point 
pour point ; « et, ajoutai-je, si vous voulez devenir 
parfaitement malheureuse, vous n'avez qu'à continuer 
de la sorte ; mais si vous voulez être heureuse, il faut 
commencer par vous faire aimer de tout le monde 
autant que, jusqu'à ce jour, vous vous êtes fait haïr. 
Quand le roi apprendra d'un chacun combien vous 
vous êtes corrigée en toute chose, il vous rendra ses 
bonnes grâces... » J'en dis bien davantage encore... 
Elle a pleuré amèrement et a promis de s'amender... 

Versailles, le 15 novembre 1711. 

ff ... Je ne parlerai pas, dis-je à la duchesse de Berry, 
de Notre-Seigneur Dieu... j'en laisse le soin à votre 
confesseur. Je ne vous dirai que ceci : Il sied fort mal 
à une personne de votre âge d'afficher qu'elle ne croit 
pas en la Divinité; cela entraîne non seulement la 
colère et le châtiment de Dieu, mais encore le mépris 
des hommes... Ce que je vous dis là ne provient pas 
de ma mauvaise humeur, ni de ce que je suis cha- 
grine ; je voiis le dis uniquement parce que le roi me 
l'a ordonné et parce que, continuai-je en riant, la 
tendresse que vous porte M. votre père est aveugle et 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉ\NS. 01 

que M"»® votre mère est trop paresseuse pour prendre 
la peine de vous relever chaque fois que vous faites 
une sottise, soit en buvant trop, soit encore en vous 
opiniâtrant à tenir tête au roi, à maltraiter votre 
mari, ou à lui faire jouer de vilains rôles, et à vivre 
mal avec M"* la Dauphine... n Mon fils gâte souvent 
ce que je suis parvenue, au prix de mon temps, à 
remettre en ordre. 

Versailles, le 22 novembre 1711. 

... Messieurs de l'Académie, malgré toute leur viva- 
cité, sont bien lents dans leur opération. Pendant 
longtemps, quand ils faisaient leur dictionnaire, on 
leur a reproché d*être restés vingt ans à la lettre Q. 
Mais en français , cela est bien plus plaisant : 
« Messieur de l'académie pour faire leurs dictionaire 
Estoit demeures 20 an sur le Q... » 

Versailles, le 5 décembre 1711, 

..• On dît qu'en certains endroits il n'est pas encore 
permis aux catholiques de lire la Bible, mais à Paris 
cela est parfaitement admis. Quand je vins en France, 
c'était la mode de ne pas la lire; puis tout d'un coup 
la mode changea : on la lut. Je n'ai jamais pu savoir 
comment cela s'est fait... 

On commence déjà à dire « la reine d'Angleterre * » 
ici. Ce ne sont plus les passeports qui retiennent les 
ambassadeurs... 

1. En parlant de la reine Anne. 



92 CORRESPONDANCE 

Versailles, lé 10 décembre 1711. 

... Quand on aura fini de copier les comédies tra- 
duites en allemand, je vous prierai humblement de 
m'en passer quelques-unes, car j'ai toujours entendu 
dire à feu mon père^ que les comédies espagnoles sont 
bien supérieures aux françaises, mais que les anglaises 
les dépassaient toutes, et de beaucoup. Aussi en fit-il 
traduire une que mon frère a représentée avec les 
pages et les étudiants. Elle était fort belle; c'était 
la Chute de Séjan. C'est ce qui augmente encore la 
curiosité que j'ai de lire celles-ci. 

J'ai bien pensé que Langallerie n'avait pas fait son 
livre lui-même. 11 n'est pas savant du tout, mais fort 
entendu à la guerre. Il aurait mieux fait de ne jamais 
publier de livre, car celui qu'il fit composer et impri- 
mer contre M. de Chamillart lui a cassé le cou. Aussi 
était-ce une grande folie de dire la vérité. 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 12 décembre 1711. 

... Chardon m'a renvoyée d'une semaine à l'autre 
sans me faire tenir le certificat constatant que Cou- 
bert* a été donné au prince Dissenguien^ comme bien 
confisqué. Je ne l'ai pas encore, mais je ne veux pas tar- 

1. I/électeur Charles-Louis, né en 1617, mort en 1680, était fils 
d'Elisabeth Stuart, sœur de Charles !«'. 

2. Coubert en Brie, domaine acheté en 1669 par le maréchal de 
Schomberg. 

H. D'isenghien. 



DE MADAME, DUCUËSSË D*ORLÉÂNS. 93 

der davantage à vous écrire, car Dieu sait combien de 
temps je pourrai le faire encore : Je ne vous cacherai 
pas qu^n me tient ici pour gravement malade ; à la 
vérité, il ne me semble pas quMl en soit ainsi, mais 
tous les médecins disent que moins je me sens malade, 
plus je le suis. Et pourtant je suis grosse et grasse, 
je n^ai pas mauvaise mine, j'ai bon appétit : seulement 
je suis toujours un peu somnolente, je m'endors par- 
tout, et c'est ce qu'on tient pour fort grave ici. C'est 
pourquoi hier on m'a tiré du sang , lundi et mercredi 
je prendrai médecine pour voir s'il n'y a pas moyen 
de me débarrasser de cette dangereuse somnolence. 
Je me résigne à la volonté du Tout-Puissant et suis 
tout à fait calme, quoi qu'il arrive. Je ne souhaite ni 
ne redoute la mort. Les deux premières palettes de 
sang étaient hideuses, la troisième meilleure... 

Je vous prie, chère Louise, continuez à me raconter 
ce qui se passe à Francfort, car voilà ce qui m'amuse 
bien. 

Versailles, le 81 décembre 1711. 

... Sans nul doute vous avez vu beaucoup de belles 
et magnifiques choses à Francfort. Ces marchandises- 
là ne sont plus pour ma bourse : il faut que je m'en 
tienne aux bagatelles. Pour que vous voyiez comme 
on travaille bien ici l'or et l'argent, je vous envoie 
pour le nouvel an une petite boîte en argent avec une 
petite bague. 



P4 GOllUESPONDANCE 

A LA DUGH£SS£ D£ HANOVRE 

Ce dimanche 3 janvier 1712, 6 h. du soir. 

Les Catholiques aussi bien que leâ Réformés disent 
que Dieu châtie ce pays pour les tourments qu'on a 
infligés à tant d'honnêtes gens tant réformés que 
catholiques. Toutes les fois que je demande un passe- 
port pour quelqu'un, on veut savoir si ce n'est pas 
pour un réformé, auquel cas on me le refuserait. Par 
là vous voyez qu'il serait absolument inutile de solli- 
citer pour M"'' de Neuville * : ces biens-là, on les con- 
fisque immédiatement... 

VersaiUes, le 14 janvier l'712. 

..* Mon Dieu I que les enfants opiniâtres sont chose 
ennuyeuse et désagréable î Après avoir employé toute 
la matinée de mardi dernier à faire la leçon à la 
duchesse de Berry, à lui dire comment elle devait 
demander pardon au roi, elle finit par me répondre : 
« Il fauderoit que j'eusse bien peu de mémoire si je 
ne pouvois retenir ce que vous me dites. Madame. » 
Mon fils, contre son habitude, l'exhorta aussi en fort 
bons termes : il y avait donc lieu d'espérer que tout 
se passerait bien et que le roi serait content d'elle. 
Lundi déjà, M™'' sa mère avait prié celui-ci de per- 
mettre à sa fille de retourner auprès de lui, car il lui 
avait fait ordonner par moi de ne plus paraître en sa 
présence jusqu'à nouvel ordre. Mon fils aussi intercéda 

1. M"« do La Neuville* 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 95 

pour elle, mais le roi lui répondit qu'il ne ferait rien 
sans m'avoir consultée. Le soir, je suivis Sa Majesté 
dans son cabinet. Le voyant tout embarrassé, je lui 
dis en riant : « Que V. M. ne s'embarrasse pas de me 
voir dans ce Cabinet malgré vous, et j'en sortires 
dais que j'ores eue l'honneur de vous parler et ce que 
j'ay a dire sera court... La raison qui m'ameine icy 
sans que V. W. m'ait ordonné de la suivre dans son 
cabinet, c'est que mon fils et Made d'Orléans m'ont 
dit tous deux que vous ne voulles permettre à made 
la Duchesse de Berry de paraistre devant Vous Mon- 
sieur et de demander pardon à V. M. de Luy avoir 
desplue que je ne joigne ma prière à la Leurs et voila 
SeuUement ce que je viens de faire. » 

Le roi ne répondit rien quant aux premiers points. 
Mais quant au dernier : « Quoy madame, dit-il, vous 
me conseillez de revoir déjà made de Berry? — De 
conseil, il ne m'apartiens jamais de vous en donner, 
répondis-je en riant. Mais bien de suplier V. M. de 
donner cette Consolation à Made la Duchesse de Berry, 
Car je vous assure qu'elle est bien mortifiée la tape 
qu'on luy a donnée est bonne et rude Car elle avait une 
grande passion pour cette fille ^ — « Vos Conseils sont 
bon, répondit-il avec une grande politesse, ayant bon 
Esprit comme vous avez, 'bt je révères demain au 
soir made de Bery, vous Luy pouvois dire ou man- 
der. » 

Je lui fis une grande révérence et gagnant la porte : 
« Je ne respond pas, dis-je, Comme je devrois afin de 

1. Voir la lettre â la raugrave LoaisO/du 21 janvier 1712. 



96 CORRESPONDANCE 

ne retenir plus longtemp V. M. de La Compagnie qui 
L'attand. » Et là-dessus je m'en allai. 

Mardi soir la duchesse de Berry se rendit auprès de 
M"**" de Maintenon. Elle ne lui dit pas un mot quoique 
je lui eusse expressément recommandé de commen- 
cer par elle en parlant comme suit : « J'ai demandé 
à voir le roi dans votre chambre espérant que vous 
aurez la bonté de m'aider à Tapaiser.l» Au lieu décela 
elle ne lui dit pas un mot au roi non plus et finalement 
se mit à pleurer. « Je vois bien, dit alors celui-ci, 
qu'il faut que ce sois moy qui rompe la glace. » Tout 
s'est passé bien froidement, à ce que le roi lui-même 
m'a fait la grâce de me raconter, et d'ailleurs on se le 
figure aisément... 

A LA IIAU GRAVE LOUISE 

I 

» 

Versailles, le 14 jaavier l'712. ■ • 

... Quant à ma santé, ellô en est toujours au ménift 
point. Quand je suis assise, je ne' sens ni gêne ni dou- 
leur, mais quand je marche un peu vite, je m'essouffle 
et m'endors facilement. Moi, j'attribue tout cela à mon 
grand âge et à ma corpulence, mais les docteurs veu- 
lent à toute force qu'il y ait à redouter pour moi une 
attaque d'apoplexie et unebydropisie... 

Marly, le 21 janvier 1112. 

. . . Une maudite femme de chambre dont M'""" de Berry 
avaié fait sa favorite s'est ingéniée à brouiller mon 
fils avec sa femme et M"»® de Berry avec sa mère. 



m% 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 97 

Celle-ci s'est fâchée, elle était dans son droit et a tout 
dit au roi, qui a chassé la femme de chambre. J'ai été 
mêlée à cette affaire parce que le roi m'avait ordonné 
de gronder la duchesse de Berry toutes les fois qu'elle 
ferait quelque chose de mal. Vous pensez bien qu'il 
m'a fallu, des deux côtés, chercher à rétablir là 
paix... 

Uarly, le 31 janvier 1*712. 

... Je suis bien aise que ces petites bagatelles que 
je vous ai envoyées pour le nouvel an vous aient fait 
plaisir. Soyez sans inquiétude quant à ma bourse. Ce 
sont là des magnificences qu'elle peut< bien sup* 
porter... 

Je vous ai envoyé la bague pour rire, afin que vous 
voyiez quelle splendeur je déploie en fait de pierres 
précieuses, pendantquema petite-fille a au doigt des 
bagues de quarante mille francs, et pour vous montrer 
en outre comme on enchâsse délicatement ici. Celle- 
là, je ne pouvais plus Ja porter , elle m'était trop 
étroite... 

Nous avons eu un nouveau malheur ici : M. le duc 
de Berry a blessé hier par inadvertance M. le Duc d'un 
coup de feu à Fœil, à la chasse ; on craint qu'il ne 
perde l'œil, le droit. Le duc de Berry est au déses- 
poir, car il aime beaucoup son cousin... 

Ma somnolence et mes étouffements empirent de 
jour en jour... 



II, ^ 



. ■ ,^ .- > 



-' 



98 GORKESPONUANCE 

À LÀ DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 11 février 1712. 

Il n'y a pas à s'étonner que la reine d'Angleterre 
haïsse le duc de Marlborough et sa femme : ils ont 
été par trop insolents vis-à-vis de Sa Majesté. Mais il 
me semble quand même qu'elle devrait lui pardonner, 
parce que, à l'armée, il n'a que trop bien fait son 
devoir tant dans les batailles qu'aux sièges, et à mon 
avis les triomphateurs méritent des récompenses et 
non des châtiments. A moins que la reine — comme 
on le prétend ici — n'ait les preuves en main qu'il 
ait voulu la détrôner et s'ériger en Protecteur comme 
Cromwell; auquel cas elle a eu raison de le faire em- 
poigner et jeter en prison, car ici Ton dit qu'il est 
déjà arrêté... 

Je ne crois pas que ces HarlayAb. ^ soient parents de 
ceux d'ici. Je n'ai jamais entendu dire que les membres 
de cette famille aient été s'établir à l'étranger... 

Marly, le 14 février 1712. 

... On ne peut faire fond sur rien. Qui est-ce qui 
n'aurait pas promis une vie longue et heureuse à 
M"»« la Dauphine ? et voilà que tout est anéanti. Mon 
Dieu! que la bonne duchesse de Savoie doit être 
triste l Elle me fait pitié. Je ne peux penser à son 
affliction. M. le Dauphin est profondément triste 

1 Les Harley d'Angleterre. Harley, comte d'Oxford (1661-1724), pre- 
mier ministre et grand trésorier en 171 2> créa les loteries royales. 



DE MADAME, DUCflKSSK D'OHLKANS. 99 

aussi, mais il est jeune, il peut se remarier et réparer 
sa perte, mais celle deM™« de Savoie est irrémédiable, 
et celle du roi aussi. Il l'avait élevée tout à fait à son 
idée; elle était toute sa consolation, toute sa joie. Elle 
avait l'humeur si gaie qu'elle trouvait toujours le 
moyen de le dérider, quelque maussade qu'il fût. Cent 
fois par jour elle accourait auprès de lui et chaque 
fois lui disait quelque chose de plaisant. Elle manque 
au roi sous tous les rapports : il n'y a rien d'étonnant 
que Sa Majesté soit tellement affligée... 

Marly, le 18 février ni2. 

... Le malheur nous accable de nouveau : ce bon 
M. le Dauphin a suivi sa femme; il est mort ce matin 
à huit heures et demie... L'affliction du roi est si 
grande que je tremble pour sa santé. C'est une perte 
affreuse pour tout le royaume, car c'était un homme 
vertueux, juste et intelligent... Le roi avait la toux et 
le rhume, on ne l'a donc pas réveillé. Mais il a appris 
immédiatement l'horrible nouvelle. Dès que nous 
avons su qu'il en était Informé, nous nous sommes 
rendus auprès de lui. Il ne peut y avoir de spectacle 
plus navrant. Le roi perd beaucoup en lui, car depuis 
la mort de M. son père il le faisait assister à tous les 
conseils et les ministres travaillaient avec lui. Il sou- 
lageait le roi où il pouvait, était miséricordieux, fai- 
sait beaucoup l'aumône : il avait vendu tous les 
joyaux de sa mère et donné l'argent à de pauvres offi- 
ciers blessés. Il a fait tout le bien qui était en son 
pouvoir, et de sa vie il n'a fait de mal à personne. 

Jamais, je crois, on n'a vu ce qu'on va voir main- 



.: 1 ■_ I 



100 CORRESPONDANCE 

tenant : le mari et la femme conduits à Saint-Denis 
dans la même voiture! Je suis sous le coup d'une 
telle frayeur que j'ai peine à me remettre. Je ne sais 
quasi pas ce que je dis... Tous, tant que nous sommes, 
nous allons, je crois, mourir l'un après l'autre... 

Marly, lo 20 février 1712. 

... Ce n'est pas jour de poste aujourd'hui; mais 
quand mon cœur est angoissé et triste, comme il l'est 
présentement, je ne sais de meilleure consolation que 
de conter mes peines à ma bien-aimée tante. Il ne 
suffit pas que je sois sincèrement affligée de la mort de 
M*"* la Dauphine et de M. le Dauphin, desquels, de- 
puis deux ans, j'avais de réels motifs d'être satisfaite; 
il faut qu'il m'arrive en outre une chose qui m'est 
encore plus douloureuse et qui me perce le cœur: 
des gens qui ont l'âme noire ont répandu le bruit 
dans tout Paris que mon fils a empoisonné le Dauphin 
et la Dauphine. Moi qui suis sûre de son innocence, 
— j'en mettrais la main au feu, — j'ai d'abord consi- 
déré la chose comme une plaisanterie; je ne pensais 
pas qu'on pût dire cela sérieusement ; mais c'est bien 
comme cela qu'on l'a raconté au roî. Celui-ci cepen- 
dant en a de suite parlé à mon fils avec bonté et lui a 
donné l'assurance qu'il n'en croyait rien. Mais il a 
conseillé à mon fils d'envoyer, dans son propre inté- 
rêt, son chimiste, le pauvre et savant Humberg*, à la 
Bastille, afin qu'il lavât son maître de cette accusa- 

1. Quillaume Homberg, né à Batavia en 1652, mort à Paris en 1715 
perfectionna la machine pneumatique d'Otto do Guérike. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 101 

tioQ... Je suis absolument hors de moi. D'aucuns pré- 
tendent que cette méchanceté vient d'Espagne. En ce 
cas, il faudrait que la princesse des Ursins filtun vrai 
diable et qu'elle poussât bien loin sa vengeance contre 
mon fils. La plaisanterie qu'il s'est permise à l'égard 
de cette dame lui coûte cher... 

Le dimanche 21 février, à 10 h. du matin. 

... Il faut que je vous raconte la fin de l'histoire 
d'hier. Mon fils a envoyé son Humberg à la Bastille 
pour être examiné. Le roi fit défense de l'y recevoir. 
Premièrement Sa Majesté ne croit pas mon fils capable 
d'une pareille chose ; secondement tous les médecins 
qui ont assisté à l'autopsie attestent qu'ils n'ont trouvé 
ni chez l'un ni chez l'autre la moindre apparence de 
poison, mais que M"*» la Dauphine est morte de la 
rougeole, et M. le Dauphin du mauvais air et de cha« 
grin... 

On ne peut connaître Humberg sans l'estimer pouv 
la netteté de son esprit; il n'est pas embrouillé du 
tout, comme le sont d'ordinaire les savants, ni grave, 
ni imposant non plus, toujours gai au contraire. Il 
TOUS débite sa science, même la plus abstruse, comme 
en badinant, en se jouant et riant de lui-même. Je suis 
convaincue qu'il vous plairait. Il a la voix douce et le 
parler lent, mais il se fait fort bien comprendre. 

Les sciences, voilà l'affaire de mon fils : elles con- 
viennent bien à sa nature. Mais quand il veut faire le 
drôle, on en a des nausées, tellement cela lui sied mal, 
et les jeunes gens, sa fille elle-même, se moquent de 

lui, mais rien n'y fait. Il est comme l'enfant de ce 

0. 



Ju 



102 CORRESPONDANCE 

conte au baptême duquel on invita les fées : Tune lu 
souhaite une belle taille, l'autre Téloquence, la troi- 
sième qu'il apprenne tous les arts, la quatrième 
qu'il apprenne tous les exercices^ à savoir Tescrime, 
réquitation, la danse, la cinquième qu'il devienne 
habile dans l'art de la guerre, la sixième qu'il ait plus 
de courage que tout autre. Mais la- septième fée, on 
avait oublié de l'inviter. « Je ne peux reprendre à l'en- 
fant, dit-elle, ce que mes sœurs lui ont donné, mais 
sa vie durant je lui serai contraire, de telle façon que 
toutes les faveurs qu'on lui a accordées ne lui servent 
à rien. Ainsi lui donnerai-je une démarche si vilaine 
qu'on le croira bancal et bossu, je lui ferai tellement 
pousser sa barbe noire d'un jour à l'autre et lui ferai 
faire en outre des grimaces d'homme rêveur qu'il en 
sera tout défiguré ; je le dégoûterai de tous les exer- 
cices du corps, je le plongerai dans un tel ennui qu'il 
prendra en aversion tous les arts qu'il cultive, la mu- 
sique, la peinture, le dessin ; je lui inspirerai le goût 
de la solitude et l'horreur de la société des honnêtes 
gens... » 

Versailles, le 5 mars 1718, 

... Je suis prise d'une grande compassion pour le 
roi. Il se contient et fait bonne mine, et pourtant on 
voit qu'il souffre intérieurement. Que Dieu nous le 
conserve, car les choses prendraient une étrange 
tournure ! On craint déjà que mon fils n'ait part au 
gouvernement que nous aurions; c'est pourquoi l'on 
cherche h le rendre odieux à Paris et à la cour, et l'on 
répand ce bruit d'empoisonnement dont je vous ai 



DE MADAMK, DUCHESSE D'ORLÉANS. 103 

déjà parlé. Il ne meurt personne à la cour qu'on ne 
l'en accuse. C'est ainsi qu'il doit avoir empoisonné 
M. de Seignelay aussi, qui est mort si subitement.., 

Versailles, le 10 mars 1713. 

Sans nul doute vous serez saisie de frayeur aussi en 
voyant que le malheur continue à nous accabler. Les 
médecins ont commis la même faute qu'avec M'"** la 
Dauphine. Car le petit Dauphin était déjà tout em- 
pourpré de la rougeole et en transpiration, qu'ils lui 
ont fait une saignée, puis donné de l'émétique, et au 
milieu de l'opération le pauvre enfant est mort. Et ce 
qui prouve bien qu'ils l'ont tué, lui aussi, c'est que 
son petit frère étant atteint de la même maladie ot 
les neuf docteurs étant occupés de l'aîné, les femmes 
du plus jeune se* sont enfermées avec lui et lui ont 
donné un biscuit et un peu de vin. Hier l'enfant avait 
une forte fièvre, ils ont voulu le saigner, mais M'"« de 
Ventadôur et la sous-gouvernante du prince. M"'** de 
Villefort, s'y sont fortement opposées et n'ont absolu- 
ment pas voulu le souffrir. Elles l'ont simplement tenu 
bien au chaud, et cet enfant a été sauvé, à la honte 
des docteurs. Si on les avait laissé faire, sûrement il 
serait mort. 

Il faut que je vous raconte en gémissant l'atroce 
méchanceté des gens d'ici. Quoique mon fils ni per- 
sonne des siens n'eût jamais approché cet enfant, 
on dit quand même publiquement qu'il a empoisonné 
le petit Dauphin aussi, mais qu'il laisse vivre le plus 
jeune, de peur que le roi d'Espagne, qui déteste mon 
fils, ne revienne ici. Hier des gens dignes de foi ont 






lOi CORRESPONDANCE 

entendu des propos comme celui-ci : « Ah ! qu'on laisse 
mourir aussi Le petit Duc d'Anjou, afin que le Royaume 
ne demeure pas après le Roy en minorité. » On n'en- 
tend de telles insolences que dans ce pays-ci... 

Yersaillos, le 15 mars 1712. 

•..Je suis persuadée qu'il y a plus de cent saints qui 
ont été canonisés sans l'avoir autant mérité que feu 
notre deuxième Dauphin (car en onze mois nous en 
avons perdu trois, ici, c'est une affreuse chose! l'un 
à l'âge de quarante-neuf ans, l'autre à vingt-six et le 
troisième à cinq). Le Dauphin sûrement est mort de 
chagrin : il aimait sa femme d'une façon inouïe; l'af- 
fliction lui donna la fièvre, qui pendant quelques jours 
ne fut pas réglée, puis ce devint une fièvre quarte, 
on le saigna. Après la mort de sa femme, il lui vint 
comme une éruption de pustules au front; il n'en 
resta pas moins debout et ne se coucha que lundi 
soir; il lui vint beaucoup de taches violàtres avec des 
boutons proéminents, autres que ceux qui d'ordinaire 
accompagnent la rougeole. On lui donna des cordiaux 
et on provoqua la transpiration, mais l'éruption ne se 
fit pas bien. Mercredi dans la nuit, quand tout le 
monde se fut couché, il fit dresser un autel dans sa 
chambre, communia avec une grande dévotion, et 
quelques heures après il reçut Textrême onction. 
Immédiatement après, il se mit à divaguer : il voulait 
se lever, aller à la chasse, à la guerre, eut des accès 
de fureur, ne connaissait plus personne. A partir de 
huit heures, il s'affaiblit de plus en plus, et, à neuf 
heures, il rendit l'âme. De onze à trois heures de 



DC MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 105 

l'aprè^-dînée, on Ta exposé dans sa chambre*. Puis 
on lui fit un lit dans sa voiture et de cette façon on 
ramena à Versailles. Le lendemain, quand les vingt- 
quatre heures furent écoulées, on fit l'autopsie, on 
trouva tous les organes pourris, le cœur flétri et 
déprimé, d'où l'on a conclu qu'il est mort de chagrin... 

Versailles, le 17 mars 1712. 

... Je suis heureuse pour deux raisons d'être 
admise dans le sanctuaire. D'abord on ne peut parler 
au roi que là, et pour moi qui l'aime et le respecte, 
c'était chose pénible de ne pouvoir l'entretenir 
qu'à une audience. Secondement cela me semblait 
une véritable disgrâce d'être la seule de toute la 
famille royale qui en fût exclue... Je ne sais vraiment 
pas pourquoi on me permet maintenant de venir dans 
le cabinet du roi... je ne crois pas non plus que les 
malheurs qui viennent de nous frapper aient motivé 
ce changement, à moins qu'on ne veuille me faire 
croire que M"" la Dauphine seule était cause de mon 
exclusion.... 

Versailles, ce samedi 19 mars 1712. 

... Je ne peux trouver le motif pour lequel mon fils 
est tellement haï à Paris : de sa vie il n'a fait de mal 
à personne. Feu Monsieur, son père, et moi ne l'avons 
jamais été: présentement je ne le suis pas davantage. 
Grâce à Dieu, je crois que voici la vérité au sujet 
de cette intrigue : l'origine en est que beaucoup 

1. k Marlj. 



>^: .• .; ■.. . 



100 CORRESPONDANCE 

d'entre les domestiques de mon fils étaient jaloux de 
Homberg, parce qu'il en fait grand cas.... Ces do- 
mestiques ont cru nuire uniquement à Homberg en 
répandant le bruit qu'il manie des poisons, mais les 
politiques qui craignent que mon fils ne soit appelé au 
Conseil, qu'il n'y déploie, si j'ose le dire, plus d'esprit 
et de savoir que d'autres, tous ces gens-là ont monté 
le coup contre lui. J'ai tout examiné fort minutieuse- 
ment : le roi n'y croit pas, aussi peu que les gens 
qui ont répandu le] bruit; seulement on le propage 
quand même dans le peuple, afin de lui rendre mon 
pauvre fils odieux. Mais j'espère qu'on va être plus 
prudent, maintenant qu'on voit comment le roi a pris 
la chose. 

C'est la faute de mon fils que son enfant soit si gâtée 
et si volontaire, il l'a mal élevée. Je ne crois pas que 
la cour imitera les manières de la duchesse de Berry, 
car elle n'est en faveur nulle part... 

Ce n'est pas là le genre du roi de causer avec les 
courtisans, à l'exception de ceux qui ont été auprès 
de Sa Majesté dès sa jeunesse, comme M. le Grand, 
le maréchal de Villeroy et autres.... 

Quand le roi ne va pas au tiré où à Marly, il passe 
toute Taprès-dînée auprès de M""" de Maintenon. Il 
travaille chez elle avec les ministres. Tous les soirs 
je fais de mon mieux pour l'égayer par mon bavar- 
dage. Quelquefois je parviens à le faire sourire. 

Ce n'est pas ici comme en Hollande. H n'est permis 
à personne, si ce n'est aux ministres, de parler des 
affaires de l'État. D'autres le font aussi, mais on le leur 
prend en mauvaise part... 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 107 

Versailles, ce jeudi saint 24 mars 1712. 

Dans le Sanctuaire, on parle beaucoup du passé, 
mais on ne dit mot du présent, ni de la guerre, ni de 
la paix; on ne parle pas davantage des trois Dauphins 
et de la Dauphine, pour n'y pas faire penser le roi. 
Dès qu'il se met à en parler, vite je cause d'autre 
chose en feignant de n'avoir pas entendu. Plût au Ciel 
qu'il n'y eût pas de plus grosses difficultés dans la 
paix que de reconnaître la reine Anne comme reine 
légitime d'Angleterre et d'agréer les princes qu'elle 
désignera pour ses héritiers... Je crois que quand bien 
même la reine Anne n'aurait pas demandé qu'on 
reconnût l'électeur de Brunswick en cette qualité, on 
ne l'eût pas moins fait... 

Veisailles, ce dimanche de Pâques 1712, 10 h. du matin. 

... Les médecins avouent bien qu'ils ont mal traité 
M. le Dauphin et M'"'' la Dauphine en reconnaissant 
qu'ils n'ont pas deviné la maladie qu'ils avaient... 

Précédemment mon fils était aimé de tout le monde, 
mais depuis l'affaire d'Espagne tout Paris le déteste... 
On affiche au Palais-Royal des placards portant : 
« Yoicy ou se font Des lotteries et ou on trouve le 
plus fin poison. » Ces lotteries, c'est pour dire que 
mon fils vit avec sa "fille comme Lot. On ne demande 
pas qu'il soit bigot, mais on trouve mal qu'il blasphème 
et nie l'existence de Dieu, et en ceci on n'a pas tort. Je 
le lui ai dit cent fois, mais il ne me croit pas 



.L'^^-r:.^ :: 



i08 CORRESPONDANCE 

Marly, leSavril 1712.. 

... M. Hassenberg vous remettant ceci en mains 
propres, je vais vous dire d'où vient le malheur de 
mon fils. M. du Maine, M"^' la Duchesse et M. le duc 
d'Antin sont les créatures les plus ambitieuses <[ue 
porte la terre. Voyant que le roi a de l'inclination pour 
mon fils, ils ne cherchent tous qu'à le déshonorer. 
Du vivant de "Monseigneur, ils n'ont travaillé contre 
lui qu'auprès de celui-ci et du duc de Bourgogne. 
Auprès du père ils ont réussi, mais non auprès du 
fils, qui était plus juste; mais depuis un an, depuis la 
mort :de Monseigneur, ils ont commencé par faire 
entrer la vieille Maintenon dans leur cabale. Celle-ci 
a représenté au roi que mon fils a empoisonné le der- 
nier Dauphin et la Dauphine. Ils s'imaginaient que 
cela effrayerait tellement le roi qu'incontinent il 
renverrait mon fils de la cour, sans examiner la chose. 
Et j'ai acquis cette certitude par le fait suivant : quand 
les médecins vinrent annoncer au roi qu'ils avaient 
tout examiné scrupuleusement et que bien certaine- 
iiieut nul poison n'avait été administré à ces deux 
personnes, le roi se tourna vers M""" de Maintenon et 
lui dit : « Eh bien. Madame, eh bien, ne vous avais-je 
pas dit que ce que vous m'avez dit de mon neveu 
était faux ?» On a vu à Paris des gens du duc d'Antin 
qui répandaient ces bruits parmi le peuple. Par là 
vous voyez que nous ne nous sommes pas trompés : 
la vieille femme voudrait bien voir ses -élèves sur le 
trône, elle nous hait tous, mais moi je ne fais pas sem- 
blant de savoir la chose. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 109 

Marly, le 14 avril 1712. 

... Le roi de Danemark a bien mauvaise grilce à faire 
le galant. Il n'est pas taillé pour cela, il ne sait pas 
s'y prendre. Je n'y peux penser sans rire : je Je vois 
d'ici qui fait ses grimaces ; il est pâle comme la mort, 
il ressemble bien plus à un homme qui va tomber en 
syncope et êtraprisde convulsions qu'à un amoureux. 
On peut bien lui appliquer le proverbe français : « La 
Mort n'a pas faim. » 

Le roi'HWfcite bien mon fils. Cela me fait espérer 
que ces mensonges, Dieu merci, n'ont pas fait d'im- 
pression sur Sa Majesté. 

Mon fils n'est pas de sa nature, porté à l'ivrognerie, 
mais il hant& souvent fort mauvaise compagnie et il 
s'imagine que c'est une gentillesse de faire le bon 
droite avec eux; il s'enivre totalement et une fois 
pris de vin, il ne sait plus ce qu'il dit ni ce qu'il fait... 

À LA RAUGRAVE LOUISE. 

' Marly,lo21 avril 1712. 

... J'ai reçu... les deux médailles que vous m'avez 
envoyées, chère Louise, elles me complètent ma suite, 
dans l'histoire de notre temps. Je vous en remercie 
de tout cœur : vous me rendez un grand service en 
mêles envoyant... J'en ai de toute sorte, des romaines, 
des grecques, en or, en argent. Celles en or, je les ai 
achetées ici, ma tante m'a fait cadeau de celles en 
argent. J'^n ai beaucoup de modernes comme ces 
II. 7 






110 CORRESPONDANCE 

deux-là, et c'est vous qui m'en avez envoyé un grand 
nombre; j'ai donc de curieux recueils en la matière. 
J'espère qu'avec le temps mon fils aussi y prendra 
goût et que la peine que j'ai eue de les collectionner 
n'aura pas été vaine. Je commence à me connaître un 
peu en médailles; si donc vous deviez ne pas savoir 
que faire de votre livre de médailles d'Auguste, 
envoyez-le-moi toujours... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le l»' mai 1712. 

... Antoine Hamilton ne dit pas pour quel motif le 
comte de Gramont a été exilé. Le voici : Notre roi en 
ce temps-là était très galant, il s'était épris d'une des 
demoiselles de la reine appelée M^^» de La Mothe, 
sœur du comte de La Mothe, et nièce par alliance de 
la maréchale de La Mothe. Le comte de Gramont 
était également amoureux d'elle, mais voyant qu'elle 
le dédaignait, il en chercha la cause et trouvant qu'on 
lui préférait le roi, il les épia un jour. 11 apprit que le 
roi avait un rendez-vous avec elle. Pour être bien 
seule, la demoiselle avait feint une migraine. Le comte 
de Gramont, de son pied léger, va à sa chambre; la clef 
était à la serrure, il ferme la porte à double tour et 
s'en retourne. Quand le roi vint, il ne put entrer et 
la demoiselle ne put pas davantage lui ouvrir. Il s'in- 
forma des personnes qui avaient passé par là, à ce 
moment de la journée. On sut que c'avait été le 
comte de Gramont et aussitôt le roi l'exila... 

Il alla en Angleterre. C'est à cette époque qu'il y 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 111 

eut toutes les aventures que vous trouverez dans le 
deuxième livre. Dans le premier se trouve relatée sa 
galanterie à la cour de Savoie. Dès que je pourrai 
avoir le tome troisième, je vous le ferai copier et vous 
l'enverrai... 

 LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 5 mai 1*712. 

... Je vous remercie bien de la part que vous avez 
prise.., à ma douleur, au sujet de l'affreuse calomnie 
qu'on a répandue sur le compte de mon fils innocent. 
Dieu merci, tout est fini I Même ceux qui ont clabaudé 
le plus nient tout à présent et font implorer leur 
pardon auprès de nous ; mais ceux qui inventent et 
répandent de telles choses ne s'en vantent pas ; tout 
cela se fait sous main. Je vous sais grand gré d'avoir 
pris ainsi parti pour mon fils... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 8 mai 1712. 

... Ce m'est une grande joie que le manuscrit 
d'Antoine Hamilton vous divertisse autant. Je le peu* 
sais bien, c'est pourquoi je vous l'ai offert. Mais si 
vous aviez connu comme nous le comte et la comtesse 
de Gramont, le livre vous eût amusée davantage 
encore. Le caractère des deux époux y est parfaite- 
ment bien rendu. Matta, je l'ai connu aussi, et le petit 
Germain. Le bon roi Jacques n'est pas mal dépeint non 
plus, mais à mon sens il maltraite trop mon oncle 
Robert... 






112 CORRESPONDANCE 

Versailles, lo 12 de mai 1712. 

... Mon fils reçoit comme une grâce tout ce que 
vous faites pour lui, et lui dites. Mais il a un vilain 
défaut : il sait fort bien qu'il a tort, il l'avoué lui-même, ^ 
il donne raison à ceux qui le blâment, mais ne 
s'amende pas pour cela. Quelquefois cela me met hors 
des gonds!... 

Versailles, le 21 mai 1712. 

... Quoique la vieille femme soit notre pire enne- 
mie, je ne lui en souhaite pas moins de vivre long- 
temps et cela à cause du roi,, car tout irait dix fois 
plus mal s'il venait à mourir maintenant, et il aime 
tellement cette femme que bien certainement il la sui- 
vrait de près dans la tombe. — Ne répondez pas à ce 
que je vous dis dans cette lettre, je vous prie. — 
Quant au duc de Berry, il ne serait pas si sot si on ne 
Tavait pas élevé de façon à en faire un ignorant. Il ne 
sait rien, absolument rien ; à peine s'il sait qui il est 
lui-même. Et avec cela il est très opiniâtre, mais fort 
épris aussi de sa femme. Hélas ! elle ne l'est pas du 
tout de lui, et quoiqu'elle se tienne mieux à cette 
heure qu'elle ne se tenait précédemment, je crains 
qu'elle ne devienne coquette. Elle a trop de pente à 
cela et « bon chien chasse de race ». Madame sa mère, 
malgré toute sa gravité, n'est jamais sans affaires, 
mais il faut avouer que sous ce rapport elle se gou- 
verne bien ; elle ne fera jamais d'éclat. Tout Paris la 
tient pour une vestale; mais moi, qui vois les choses 
de près, je sais bien ce qui en est. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 113 

Elle est bien avec moi ; je me garde aussi de lui faire 
le moindre chagrin, et toujours je conseille à mon 
fils de rester sur un bon pied avec elle, car à quoi 
cela lui servirait-il de faire un éclat? Le roi pren- 
drait le parti de sa fille et mon fils serait obligé de 
la garder malgré l'éclat, il vaut donc mieux ne rien 
laisser paraître et bien vivre avec elle, cela Tobligera 
à rendre de bons offices à mon fils auprès du roi et à 

c 

parler en sa faveur. En ceci, mon fils suit mon con- 
seil et il s'en trouve bien. 

Au demeurant, M. le duc du Maine et M""" la 
Duchesse sont les créatures les plus ambitieuses du 
monde; ils font tout leur possible pour tirer à eux toute 
la faveur du roi, et comme le duc d'Antin est très en 
crédit, ces deux-là n'ont rien de plus pressé à faire 
que de s'arracher leur demi-frère * : ils ne s'aiment 
donc pas du tout. M"'* d'Orléans et M"»*^ la Duchesse 
se haïssent aussi comme deux beaux diables, car 
M"" la Duchesse voulait que le duc de Berry épousât 
l'une de ses filles ; elle ne peut pardonner à sa sœur 
que sa fille ait eu la préférence, et à cette heure 
M"* d'Orléans cherche à détourner de l'autre son plus 
cher frère *, ce qui occasionne une nouvelle jalousie. 
Voilà l'état de la cour intime .. 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Marly, ce samedi 18 juin 1712. 

... Ce que M. Hassenberg a apporté à ma tante... est 

1. Le ducd'Antin, fils légitime do Mi»c de Montespan. 

2. Le duc du Maine. 



M.r\ - 



lli CORRESPONDANCE 

"^ le modèle d'un parasol expéditif, qu'on peut facile- 
ment emporter partout, au cas où la pluie viendrait 
à vous surprendre en pleine promenade. Le même 
homme qui a inventé le clavecin brisé, que mon fils a 
une fois envoyé à la reine de Prusse, est aussi l'inven- 
teur de ce parasol... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Marly, le 19 juin 1712, 

... Bien sûr que le jeune Pellnitz est à Paris et qu'il 
vient me voir souvent. Je vous ai déjà écrit combien 
il me paraît bien élevé, car tous les autres jeunes gens, 
quand ils vous ont répondu, restent là sans bouger, 
vous font une grande révérence et ne disent plus 
rien; mais lui n'est pas ainsi, il fait bon causer avec 
lui, il parle tant qu'on veut, et bien ; je ne l'ai pas 
encore entendu faire le Gascon... 

Il faut que Notre Seigneur Dieu ait touché le cœur 
de la reine Anne^ qu'elle soit maintenant à ce point 
partisan de la paix. Si Dieu l'a résolu, le prince Eugène 
avec sa mine de jihève ^ aura beau en crever de rage, 
la paix se fera quand même! 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 8 juillet 1712. 

... Mon côté gauche enfle souvent très fort; cela 
gêne la respiration. Mais mon docteur ne veut pas 

1. Mine de fauve? 



DE MADAME, DUCHESSE D^ORLÉANS. 115 

que je dise que c'est la rate. La rate, prétend-il, est 
bien loin de là... 

Je ne croirai à la paix, particulière ou générale, 
que quand je l'entendrai proclamer à son de trompe 
par les hérodarmes *.,. 

Marly, le 9 juillet 1712, 

... La poudre de milady Kent est une excellente - 
chose et nullement à dédaigner; elle ne fait jamais 
transpirer, à moins qu'on n'en prenne une forte dose... 
11 faut qu'un mauvais air se soit subitement abattu 
sur Hanovre et les environs, pour que tout le monde 
se soit ainsi trouvé mal tout d'un coup. Mais cela ne 
viendrait-il pas de ce que tout Hanovre prend trop de 
café, lequel, dit-on, est fort préjudiciable à l'estomac 
et à la poitrine?... J'imagine que les gouttes qui vous 
ont fait tant de bien à vous et à tant d'autres sont de 
ces gouttes anglaises; avec un grain d'opium on en 
fait cent, à l'aide de l'extrait de deux racines dont 
Tune s'appelle asarum et l'autre sassafras. Rien au 
monde ne fait plus de bien à là poitrine. 

Qu'est donc devenu notre bon maître d'écriture 
avec sa main brûlée ? 11 était original à force de timi- 
dité. Bien souvent je lui ai fait peur; ce n'en était pas 
moins un bon, brave et honnête garçon... 

Marly, le 10 juillet 1712. 

... Les troupes du prince Eugène ne poussent pas 
jusqu'à Paris, ce serait par trop impoli; mais elles 

1. Los hérauts d'armes. 



116 CORRESPONDANCE 

battent l'estrade en Champagne, dans le pays messin 
et en Picardie... Si Dieu me prête vie et que je revienne 
de Fontainebleau, j'essaierai du «beaume noir du 
Péroux »... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Fontainebleau, le 20 juillet 1712. 

... Pour ce qui est des médailles de Heidelberg * qui 
•sont en la possession du roi de Prusse*, je peux facile- 
ment vous expliquer comment cela s'est fait. Dans son 
testament, mon père avait désigné l'Électeur de 
Brandebourg comme l'exécuteur de ses dernières vo- 
lontés, ajoutant qu'on lui donnerait ou bien la tapis- 
serie de Jules César, ou toutes les médailles. Moi, 
comme bien vous pensez, j'aurais aimé garder 
celles-ci; mais Monsieur, qui n'y entendait absolu- 
ment rien, me dit : « Je vous baisse les mains les mé- 
daille ne seroit que pour vostre divertissem'ent et je 
ne m'en soucie pas, mais j'ay besoin de tapisserie et 
je veux celle de Julie Cezar, je suis le maistre de la 
Comunauté c'est a moy de choisir et je le veux. » 

Il ne me restait qu'à me taire et à laisser les choses 
suivre leur cours, et c'est ainsi que toutes les mé- 
dailles de mon père sont allées à Berlin *. 

1. Le père de Madame, l'électeur Cliarles-Louis, avait une fort belle 
collection de médailles. C'est lui qui instruisit dans la numismatique 
Lorenz Beger, qui publia le Thésaurus Palatinus. (Note duD'J. Fried- 
laender, directeur du Cabinet royal dos médailles à Berlin, dans rédi> 
tion HoUand.) 

2. Comme legs et souvenir par conséquent, et non comme part de 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 117 

É 

Fontainebleau, le 23 juillet 1712. 

... Tai trouvé M™* de Vendôme bien raisonnable. 
Elle a l'air d'une personne qui a perdu un de ses bons 
amis; elle est triste, mais ne pleure pas beaucoup et 
ne fait pas la désespérée. Elle parle de tout bien sen- 
sément. Mais je crains qu'elle ne soit une veuve peu 
riche. Son mari laisse énormément de dettes et tout 
son duché fait retour à la couronne... 

• Fontainebleau, le 3 août 1712. 

... Le roi est plutôt à louer qu'à blâmer de n'avoir 
pas donné de bénéfice au prince Eugène, car c'était 
un si grand mauvais sujet, qu'il etft agi contre sa con- 
science en en faisant un prêtre... * 

M. de Louvois a horriblement ravagé le Palatinat; 
eh bien, qu'on ne suive plus jamais son détestable 
exemple... 

, A LA RAUGRAVE LOUISE, 

Fontainebleau, le 3 août 1712. 

... Ce matin, à huit heures, au moment où je sor- 
tais du lit, la nouvelle est arrivée que le siège de Lan- 
drecies est levé. Il me fallut m'habiller à la hâte pour 
aller faire mon compliment au roi. Je fus obligée 
d'attendre longtemps. Sa Majesté n'était pas habillée. 
De là, je dus me rendre chez M"'" de Maintenon et de 
chez elle à la messe, avec le roi... 

succession, ce que le D^ Friedlaender semble croire. (Édition HoUand, 
t. IV, p. 375.) 

7. 



"^ifj^.r ■■■ ' V . *.. 



118 CORRESPONDANCE 

Fontainebleau, le 10 septembre 1712. 

... A peine notre roi d'Angleterre était-il parti, que 
milord Boulinbrock ^ est venu à Paris. Ils se sont vus 
à rOpéra. Maintenant le pauvre jeune roi est parti et 
personne ne sait où il est allé. Je plains la reine du 
fond du cœur, elle est inconsolable. Elle mérite une 
fortune meilleure, car c'est bien la princesse la plus 
vertueuse du monde. Notre roi d'Angleterre, le vrai, 
n'est plus tellement contraire à ceux de la religion, 
car il n'a pris à son service que des réformés... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 1" octobre ni2. 

... Notre duchesse de Berry est plus folle et plus 
polissonne que jamais. Hier elle voulut être incivile 
avec moi, mais je lui ai francheinent dit son fait. 
Elle vint chez moi, fort parée, en grand habit, 
avec plus de quatorze poinçons des plus beaux 
diamants du monde. Elle était fort bien, sauf qu'elle 
s'était posé deux mouches dans la figure, ce qui ne 
lui allait pas du tout. Quand elle parut devant moi : 
« Madame, dis-je, vous voilà à merveille mais il me 
semble que vous aves trop de mouches cela n'a pas 
L'air asses haut, vous estes La première personne de 
ces pais cy, cela demande vn peu plus de gravité que 
d'être mouchetée comme Les Comédien sur Le 
théâtre. » Elle fit la moue et me répondit : « Je say 

1. Bolingbroke. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 119 

que vous n'aimes pas les mouches et que vous les 
trouves mal, mais Comme je Le trouve fort bien et je 
ne veux plaire qu'à moy. » — « C'est vn Ereur de 
vostre grande jeunesse, fis-je, Car plus tost que de 
plaire à vous mesme, vous deves songer à plaire au 
Roy. » — 0, dit-elle, Le Roy s'accoutume à tout, et moi 
j'ay pris mon partis, je ne metteres en Peine de Rien 
et ne me soucie de rien. » — « Avec ces sentiment, 
dis-je en riant, on va Loin. Escoutes, quand je vous 
dis mon sentiment c'est pour vostre bien, parce que 
j'y suis obligée comme vostre grande mère et parce 
que Le Roy me La ordonnes, sans cela je n'en dirois 
mot. » — a Ce taire est vn bon partie^ répliqua-t-elle, 
Car cela ne sert de rien, et on ne m'empêchera pas 
de faire ce que je veux. » — Tant pis pour vous, dis-je, 
mais Comme tout ce que je vous entend dire La, sont 
des abus et Erreurs de jeunesse, j'espère que cela 
changera, ne vous souvenes vous pas avoir ouy dire à 
made la dauphine qu'on ne pensoit pas tousjours de 
mesme et qu'elle estoit fâchée de n'avoir pas estes plus 
tôt ràisonabel. » — « Pour moy, dit-elle, je me trouve 
bien et ne changeres pas. » — ce Cela ne suffit pas, 
répondis-je, que vous soyes contente de vous, il faut 
que tout Le monde Le puisse estre. » Là-dessus elle 
se leva. — « Voilà une petite teste, fis-je, qui vous 
donnera bien de la pênes. — « Quelle que cela veust 
dire, » reprit-elle. — «Vous m'entendes, répliquaî-je, 
cela suffit, mais si vous n'en m'entendies pas, Lexpé- 
rience vous rendra bien tost savante sur cela. y> Et 
là-dessus elle partit. 
Par là vous voyez de quelle jolie humeur nous 






120 CORRESPONDANCE 

sommes. Le soir j'ai raconté à son père tout ce qui 
s^était passé. « Apprenez à votre fille, ajoutai -je, 
comment elle doit me parler. Cette fois-ci j'ai été 
patiente, mais je ne suis pas sûre de l'être toujours 
et de ne pas me plaindre au roi de la façon dont elle 
reçoit mes avis. » Mon fils a eu peur, il m'a supplié de 
ne rien dire, me promettant de bien la gronder... 

RambouiUet, le 5 octobre 1712. 

... Lundi dernier après le dîner, à deux heures, le 
roi monta en voiture me fit asseoir à côté de lui; 
Mme d'Orléans seule se trouvait sur le siège de devant... 
Quand nous fûmes arrivés à Saint-Cyr, Sa Majesté 
ordonna d'aller lentement, car les deux cent cin- 
quante demoiselles se tenaient là, rangées le long de 
la route, divisées en quatre classes, la jaune, la bleue, 
la verte et la rouge. M™" de Maintenon se tenait en 
face, en carrosse : elle les présenta au roi ; M"*® Dau- 
geau et M""* de Quélus étaient à la tête des demoiselles. 
Puis nous avons été très vite; nous trouvâmes un 
relais à .... j'ai oublié le nom, mais cela vous est bien 
égal, n'est-ce pas ? et à huit heures nous sommes arri- 
vés ici... 

A LA RAUGRAVE LOUISE 

Versailles, ce samedi 22 octobre 1719. 

... Demain nous assistons au Te Deum chanté pour 
la reddition de Bouchain, qui met fin à cette cam- 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 121 

pagne- Fasse Dieu qu'il n'y en ait plus d'autres et que 
la paix soit conclue... 

Dans les gazettes françaises, on trouve rarement 
quelque chose de mieux que les communions du 
roi !... 

M. Harley * a plu beaucoup à ma tante, comme vous 
le savez déjà; je regrette qu'il ne soit pas resté plus 
longtemps. Aucun prince n'est plus magnifique que ce 
seigneur anglais pour ce qui est de faire des aumônes 
aux pauvres... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE 

M.irly, le 19 novembre 1712. 

... On ne tient plus de cour du tout. De sept heures 
à dix, on joue chez M"* la duchesse de Berry. Ceux 
qui ne jouent pas n*y vont pas. Nous avons plus besoin 
que le roi reste en vie que vous ne pouvez vous l'ima- 
giner. S'il mourait, tout serait sens dessus dessous, 
car nulle part il n'y a ni amitié ni confiance, quelque 
proche parent qu'on soit. De toute la famille royale, 
le roi est encore celui qui a meilleur cœur. 

A LA RACGRAVE LOUISE 

Versailles, le 8 décembre m 2. 

... Si j'assistais à vos agapes, je n'y brillerais nulle- 
ment, car je ne supporte ni le thé, ni le café, ni le 
chocolat. Je ne peux comprendre comment on aime 
ces choses-là. Au thé, je lui trouve un goût de foin et 

1. Voir la lettre du 4 février 1712, 



■'?f'.*ai!r , .* . ' 



122 CORRESPONDANCE 

de paille pourrie, au café un goût de suie et de lupin, 
le chocolat je le trouve trop doux. Mais ce que je 
mangerais volontiers, c'est un bon birambrot ou une 
bonne soupe à la bière ; voilà qui ne me fait pas mal 
à l'estomac... 



A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 16 décembre 1712. 

... Je parle fort peu au roi. Il se fait raconter ses 
chasses par le comte de Toulouse, qui lui décrit aussi 
la façon dont il arrange ses maisons et aménage ses 
forêts; avec les princesses aussi il s'entretient de 
leurs maisons; je place un mot par ci, par là; le roi 
me fait la grâce de s'informer de ma santé, je lui en 
rends compte, quelquefois de façon à faire rire Sa 
Majesté. 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 22 décembre 1712, 

... Ma santé s'améliore de jour en jour, je ne tousse 
plus du tout la nuit. J'attribue cela à un breuvage 
qu'on me fait prendre tous les soirs lorsque je me 
couche : on prend un jaune d'œuf qu'on fait bouillir 
dans de l'eaui avec du sucre candi, puis on le bat 
jusqu'à ce qu'il devienne blanc comme du lait, et je 
bois cela aussi chaud que possible. Je suis très lasse 
encore de la toux violente que j'ai eue et de tous les 
remèdes qu'il m'a fallu prendre : un lavement, sept 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 123 

médecines, en pilules, et deux saignées, le tout dans 
Tespace de six semaines. 

A LÀ DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 12 janvier 1713. 

... La reine Anne sait bien, en son âme et conscience, 
que notre jeune roi ^ est son frère, et vous n'ignorez 
pas qu'en ce femps-là, des gens forts partiaux vous 
ont écrit d'Angleterre, à vous-même, qu'il n'y a pas 
eu de fraude. En outre, le jeune roi ressemble trop 
à toute sa race, pour qu'on puisse douter de sa légi- 
timité, et de plus M"»^ sa mère est trop vertueuse pour 
jamais avoir trempé dans une telle supercherie. En 
effet il y a plus de vingt-quatre ans que nous la 
voyons ici qui vit comme un ange. Je suis persuadée 
qu'avant la mort de la reine Anne, sa conscience se 
réveillera et qu'elle rendra justice à son frère... 



Marly, le 22 de janvier 1713. 



... n n'est pas de plus grands ni de plus riches 
seigneurs dans toute la France que le duc du Maine, 
son frère et ses enfants. Mon fils et mon petit-fils 
sont des mendiants à côté. Je voudrais que mon fils 
comprît que s» fille, M™^ de Berry, est bien pourvue 
et n'a plus besoin qu'il lui donne quoi que ce soit, car 
il me ruine, il ruine ses enfants et toute sa maison à 
cause d'elle. Nous n'obtenons rien, mais le trésorier 

1. D'Angleterre, le prétendant Jacques Stuart. 



rL> -'•' ■ 



* k 



m CORRESPONDANCE 

a ordre de donner toujours à la duchesse de Berry 
tout ce qu'elle demandera. Et elle use largement des 
bontés de son père; elle ne rougit pas le moins du 
monde de tendre la main... 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Versailles, le 29 janvier 1713. 

... Je sifis dans des transes mortelles, tellement que 
de la nuit je n'ai pu fermer l'œil parce que la poste 
de Hanovre a fait défaut... Toutes sortes de pensées 
tristes et chagrines me traversent la cervelle... 

Grâces éternelles soient rendues à Dieu! En ce 
moment mon cousin arrive de Paris, qui m'apporte 
une gracieuse lettre de ma tante, du 16 de ce mois. 
Un palefrenier la laissa traîner dans l'écurie. C'est 
la première fois que cela lui arrive : je lui ai par- 
donné, mais s'il me joue ce tour-là encore une fois 
sûrement je le ferai chasser, mais je crois qu'il ne 
recommencera pas... 

Je vous prie, chère Louise, écrivez-moi le plus tôt 
possible s'il est vrai que les brillants d'un bleu violet 
soient chose rare en Allemagne, comme on me l'as- 
sure ; actuellement c'est la très grande mode ici de 
porter de ces pierres-là. 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 12 février 1713. 

... M. Pellnitz n'a pas encore pris du service ici. Je 
doute que cela puisse se faire. Il aurait bien voulu 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 125 

m'emprunter de l'argent et à mes gens aussi ; mais je 
lui ai refusé Tun et l'autre. Moi-môme je n'en ai pas 
présentement, et si je devais ordonner à mes gens de 
lui en avancer, il faudrait que je me porte sa garante, et 
Dieu sait où cela me mènerait, car l'on ne peut se fier 
à un joueur. Il ne veut pas changer de religion, mais 
bien entrer dans un régiment qui est tout rempli de 
luthériens et de réformés. 11 m'a semblé étrange qu'il 
cherchât à prendre du service juste au moment où il 
est si fort question de la paix. Je lui en ai moi-même 
fait l'observation. Mais il dit qu'il est tombé dans une 
telle disgrâce auprès du prince royal qu'il ne peut pas 
songer à rester à la cour de Berlin... 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Marly, ce dimanche 19fé7rior 1713. 

... Tous les remèdes qu'on me fait prendre sont 
sans efiFet; je suis tout aussi misérable qu'avant... Le 
café que je bois deux fois par jour ne me fait ni bien 
ni mal, et je suis affligée de ma somnolence comme 
toujours... 

Marly, le 23 février ni3. 

... J'envoie dans ce paquet le petit diamant bleu. Je 
vous prie, écrivez-moi franchement si, oui ou non, il 
a plu à ma tante. Je sais bien que ce n'est qu'une ba- 
gatelle; mais comme c'est quelque chose de neuf, 
j'espère que cela lui plaira... 



126 CORRESPONDANCE 

Marly, le 2 mars 1713. 

... J'avais espéré que Sa Majesté ayant pris méde- 
cine hier, ne chasserait que demain et qu'enfin je 
trouverais le temps de vous écrire une lettre raison- 
nable, mais le diable au contre-temps, comme on dit 
ici, a tout changé, et nous avons été à la chasse 
aujourd'hui. Un diamant violet n'est pas le moins du 
monde une améthyste, c'est bien un vrai diamant, 
comme vous avez pu le constater vous-même. Fasse 
Dieu qu'il plaise à ma tante! Je l'espère uniquement 
pour la raison que c'est une rareté... On n'en voit ici 
que depuis trente ans, mais le roi seul en avait un, 
qui était bien gr.os. Quelques années après, on cher- 
cha à s'en procurer un second pour la reine, mais il 
se trouva être plus petit. Je ne sais d'où vient celui 
que j'envoie à ma tante... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 4 mars 1713. 

... Il faut que la princesse royale ne lise pas sou- 
vent du français, car sans cela elle épellerait mieux 
et apprendrait l'orthographe. 

Il y a peu de dames en France qui sachent bien 
l'orthographe...' 

Je crois que ce malheur est arrivé à la pauvre reine * 
parce qu^elle a voulu être piétiete et que toute l'op- 

1. La troisième femme du roi de Prusse Frédéric !««', Sophie-Louise 
de Mecklembourg-Grabow. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉAiNS. 127 

position qu'on lui a faite dans l'exercice de sa reli- 
gion, lui a fait tourner la tête et finalement l'a rendue 
folle... 

Versailles, le 19 mars 1713. 

... Le roi m'a fait la grâce de me dire qu'il lui était 
impossible de prendre le deuil * comme proche, parce 
qu'il n'existe aucun lien de parenté entre eux deux, ni 
comme roi, ne l'ayant de sa vie reconnu pour tel. 
Puis S. M. me demanda s'il était vrai que la reine 
dans un accès de folie, a failli étouffer le roi, et 
qu'après elle a perdu la raison totalement. Je dus lui 
raconter toute cette histoire dans son cabinet... 

Versailles, ce dimanche de Pâques, 16 avril 1713. 

... Ce devrait être un jour de joie aujourd'hui, mais 
au lieu d'entendre chanter alléluia, on ne voit que 
larmes, car ce pauvre enfant, le duc d'Alençon est 
mort à minuit. Je l'ai toujours pensé : on l'a fait venir 
trop vite avec cette saignée I Son père et sa mère sont 
inconsolables... Je suis bien inquiète aussi au sujet du 
duc de Berry. Il a tous les jours ce qu'on appelle une 
fièvre lente et horriblement mauvaise mine, son frère 
n'en avait pas une pire lorsqu'il mourut... 

A LA RAUGRAVE LOUISE 

Versailles, le 30 avril 1713. 

... Je ne perds ni ne gagne à la paix. Ce qu'elle a 

1. Du roi do Prusse Frédéric I", 



^.. 



128 CORRESPONDANCE 

• 

d'agréable pour moi, c'est de voir notre duchesse de 
Savoie reine, car je l'aime comme si elle était ttia 
propre fille, secondement on entendra moins de 
plaintes, ce qui vous donnait bien de l'ennui, et troi- 
sièmement j'espère que les postes iront plus vite... 

Marly, le 13 mai 1713. 

,.. Je suis dans un magnifique jardin et ne peux me 
promener I Car cette maudite saignée et la médecine 
de mardi passé m'ont tellement affaiblie qu'il m'est tout 
à fait impossible de marcher. On m'a tant prêchée,me 
disant que si en ce mois de mai je ne me faisais pas 
tirer du sang et ne prenais pas médecine, je retombe- 
rais infailliblement ds^ns le triste état où je fus 
l'hiver dernier ! Mais je crois qu'ils m'ont donné une 
dose trop forte, car en deux jours la purgation a agi 
dix-huit fois, avec accompagnement de fortes coliques; 
si j'en prends encore une, on aura vite fait de m'ex- 
pédier dans l'autre monde... 

Dimanche matin, le 14 mai, 1713. 

... Pour ce qui est de la nièce de M. QuinaultS elle 
ajuste six ans de plus qu'il n'en faut avoir au moment 
où l'on quitte Saint-Cyr. Les demoiselles doivent avoir 
moins de douze ans quand on les y reçoit, et elles 
quittent la maison avant d'avoir vingt ans... 

Vous me faites rire en prenant Sanzay pour un 
comte. Ils sont de bonne maison, mais de simples 
gentilshommes... 

1. Ailleurs Madame l'appelle M. Queaaudt. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 129 

L'oncle Coulange est un gentil petit homme, il fait 
continuellement de jolies chansons, qui n'offensent 
personne... 

Quant au diamant ,bleu, ce n'était pas une dépense 
au-dessus de mes moyens et qui pût me gêner : 
comme je paye bien, j'ai des marchands ici qui me 
vendent tout par poste S c'est-à-dire que mensuelle- 
ment on donne une certaine somme jusqu'à parfait 
payement. 

Versailles, le 8 juin 1713. 

... Vous me donnez des inquiétudes au sujet de 
votre neveu : je crains qu'il n'ait la phtisie. C'est une 
maladie bien dangereuse pour les Anglais. S'il était 
atteint .de cette maladie et qu'il y eût péril en la 
demeure, il faudrait renvoyer à Montpéliar ^ : beau- 
coup d'Anglais y ont recouvré la santé rien qu'en 
respirant cet air-là... La maréchale de Clérembault 
s'est guérie d'un crachement de sang sans remède 
aucun, uniquement en restant toute une année sans 
prononcer une parole; elle ne parlait que par signes, 
et quand on ne la comprenait pas bien, elle écrivait 
ce qu'elle voulait avoir, mais ni un mot, ni un son 
a'est sorti de sa bouche... 

Versailles, le 24 juin 1713. 

».. Je ne sais quelle sera la force de l'armée 
impériale, mais celle de notre roi se montera à 

1. Par postes. 

2. Montpellier et non Montbéliard. (Note do M. Holland.) 



. !i-*..v. ■ •- 



130 CORRESPONDANCE 

cent cinquante mille hommes. Landau est assiégé. 
Certes, le pauvre Palatinat est à plaindre. Toutes les 
prophéties promettent que la paix se fera avant qu'un 
an ne passe, mais les anciens prophètes sont morts 
et je ne crois pas aux modernes ! . .. 

Ma tante m'écrit que le czar l'a choisie pour mar- 
raine... 

Tous les jours je bois une tasse de café : cela chasse 
les vents et m'empêche d'engraisser, c'est pour cela 
que j'en prends, mais je dois avouer qu'il ne me revient 
nullement. 

Marly, le 22 juillet, 9 h. et quart du soir. 

... A ce que je vois, les demoiselles d'honneur * sont 
des enfants gâtées. Cela arrive ordinairement quand 
il y en a une dans le nombre à qui il n'est permis de 
rien dire... 

Ma tante m'a annoncé la mort de la pauvre Stuben- 
voll. Elle doit avoir été plus âgée que TÉlectrice, car 
j'étais encore une enfant, qu'elle me semblait être une 
vieille demoiselle, avec des dents pourries qui ne sen- 
taient pas bon. 

Marly, le 29 juillet 1713. 

... J'avoue, chère Louise, qu'il me fâche de voir des 
Allemands méprisant leur langue maternelle au point 
de ne jamais vouloir parler avec d'autres Allemands, 
ou leur écrire. Cela me met bien en colère, et si je 
n'entendais pas un chacun vanter la reine de Prusse* 

1 , A la cour de Hanovre. 

2. Petite-fille d'une Française et mère de I^rôdéric le Otand. 



DE MADAME^ DUCHESSE D'ORLÉANS. 131 

comme une princesse vertueuse, je craindrais qu'en 
préférant les langues étrangères à l'allemand elle ne 
veuille approuver aussi les vices des pays étrangers et 
qu'elle n'oublie nos vieilles maximes allemandes, qui 
pourtant ne sont certes pas à dédaigner. 

Jamais je ne souffrirai qu'on me frotte avec de la 
graisse humaine, cela me dégoûte trop. 

P.-S. — J'allais oublier de vous mander que les 
emplâtres de Nuremberg opèrent des miracles ici, on 
m'a instamment priée d'en faire venir quelques boîtes 
encore, ayez donc 'la bonté de m'en envoyer une demi- 
douzaine... 

Marly, le 15 août 1713. 

... Je trouve que l'ambre est bon pour la santé, il 
me fait du bien à l'estomac, maïs j'en prends bien 
rarement et peu à la fois... Ici on met des vessies de 
porc entre le taffetas et le chapeau * quand on suit la 
chasse à cheval : cela empêche les coups de soleil, 
quelque ardents que soient ses rayons. 

C'est une affreuse chose que ce tabac ! J'espère que 
vous n'en prenez pas, chère Louise ; cela me met hors 
de moi de voir arriver toutes les femmes d'ici avec 
leur nez sale, comme si elles l'avaient, sauf votre 
respect, frotté dans la boue, et fourrer leurs doigts 
dans les tabatières des hommes; il faut que je crache, 
de dégoût... 

1. Dans la doublure du chapeau. 






132 CORRESPONDANCE 

Marly, ce dimanche 13 août, 9 h. et demie du matin. 

... Le bon abbé Reigné ^, qui fait de si jolis vers — 
je les envoie d'ordinaire à ma tante — a failli mourir 
ces jours-ci. Il est encore bien malade. — Il s'est 
donné une indigestion en mangeant trop de melon... 

Dimanche après midi. 

A table on m'a remis votre lettre du /i... Je suis bien 
aise qu'on ait rendu Coubert à votre beau-frère... 

Marly, le 19 août 1713. 

... Je sais des gens qui parieraient leur tête qu'il y 
a une galanterie entre le prince électoral* et M"» Ben- 
nigsen. Mais du moment que vous m'assurez si for- 
mellement qu'il n'en est rien, je vous crois... 

Je me suis opposée de toutes mes forces à tout ce 
qui, selon moi, aurait pu être préjudiciable à votre 
beau-frère dans l'affaire de Coubert, et j'ai sollicité 
tant que j'ai pu, cela est très vrai ; mais je n'ai aucune 
part à ce qui a été fait en dernier lieu; je crois que 
c'est à réquité seule du roi qu'il est redevable de 
cette restitution... 

Fontainebleau, le 30 septembre 1713. 

... Les Anglais m'ont donné à entendre que votre 

1. Labbé Régnier, secrétaire perpétuel de rAcadémie française. 

2. Le prince électoral de Hanovre, jlus tard Georges II d'Angle- 
terre. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 133 

neveu ^ a le mal français. Ne laissez pas cette maladie 
s'invétérer et envoyez-le à Paris. On l'y guérit mieux 
qu'en aucun autre lieu du monde. Milord Oglithorpe 
m*a promis de lui obtenir un congé du duc d'Ormond, 
afin qu'il puisse rester à Paris jusqu'à ce qu'il soit 
guéri. Pensez-y sérieusement, avec cette maladie-là 
il ne faut pas perdre de temps... 

Versailles, le 2G octobre ni3» 

... Si votre neveu n'a que la petite galanterie^ cela 
vaut mieux que s'il avait mal à la poitrine ; mais s'il 
a la grande, cela est bien dangereux pour la poitrine 
môme et cela met sa vie en péril. Il n'y a donc pas 
de temps à perdre ; il faut qu'il se fasse guérir bien 
vite... 

Murly, le 5 novembre 1713. 

... La perte de votre pauvre neveu, milord Har- 
wicii, m'a causé une telle frayeur qu'en l'apprenant 
j'ai sursauté, mes yeux se sont remplis de larmes et 
j'ai incontinent supplié le Tout-Puissant de vous 
venir en aide... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Le 8 novembre 

. . . Notre roi aime beaucoup la cannelle, mais S. M. 
ne peut souffrir Tambre. Dès qu'il sent un parfum, il 

1. Milord Haiwich, le fils du duc de Schomberg, le même dont il 
est question dans la lettre du 3 juin 1713. 

II. % 



^1^.:-. 



134 CORRESPONDANCE 

entre en transpiration et a des points à la tête : il faut 
immédiatement brûler du papier... 

Marly, le 19 novembre 1713. 

... On a raconté à ma table comme quoi deux hom- 
mes d'esprit ont été chez M^^« de Détar ^ Ils ont affirmé 
que jamais ils n'avaient cru aux esprits, mais que 
maintenant ils y croyaient. L'un est l'abbé Dubois, 
l'ancien précepteur de mon fils ; l'autre, Fontenelle, 
de l'Académie, celui qui a fait le livre : De la Plura- 
lité du monde. On a raconté aussi tout ce qu'ils 
avaient vu et entendu et j'ai dit à Leplat de bien faire 
attention, afin que je puisse tout vous rapporter. Mais 
mon fils pense que Fontenelle ne s'est montré croyant 
à ce point que parce qu'il est mal avec les jésuites. 
Ils l'ont accusé de ne croire à rien et il a profité de 
cette occasion pour faire montre de sa foi. Quant à 
Tabbé Dubois, c'est le plus grand fourbe, le plus 
grand hypocrite de Paris 2 il se garde donc bien de 
dévoiler les fourberies des autres; c*est déjà beaucoup 
de sa part de n'y rien ajouter de son cru... 

Màrly, le 24 novembre l7l3. 

... Mon fils et sa fille qui, comme vous savez, avaient 
tant d'affection l'un pour l'autre qu'on en a, hélas I 
tenu de méchants propos, se mettent à cette heure à 
se haïr comme le diable, se querellent journellement 
et, ce qu'il y a de pis, la fille brouille son pèi^e avec 

1. M"e Testard. Voir Journal de Dangeau, dimanche 12 novembre 
1713 et l'addition de Saint-Simon. 



DE MADAME, DUCHESSE D^ORLÉANS. 135 

son mari. Mon fils est parti pour Paris désespéré... Il 
me cèle tout, mais je l'apprends quand même : sa 
femme me raconte toutes ces choses, mais je fais 
semblant de ne rien savoir... 

À LA RAUGRÂYE LOUISE. 

Versailles, le 7 décembre 1713. 

... Ëschechen *, n'est-ce pas ce fameux village où 
tous les habitants, ainsi que ceux des environs, sont 
tenus de savoir jouer aux échecs?... 

Versailles, le 17 décembre 1713, 

... Je voudrais bien vous écrire plus longuement, 
mais, par mesure de précaution, on m'a tiré du sang 
hier. J'en suis si épuisée que je m'imagine qu'au lieu 
de me donner la santé, on m'a rendue malade... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 17 octobre 1713. 

... Ni l'abbé Dubois ni Fontenelle ne croient aux 
esprits. Fontenelle feint d*y croire afin que les jésuites 
ne puissent lui faire un reproche de son incrédulité, 
comme vous l'avez déjà vu. En effet, quand il m'a 
raconté ce qui s'est passé, il s'est tordu de rire. Il me 

1. Madame se trompe. Le village en question a nom Stroepke ou 
Stroebeck (régence de Magdebourg). A cette heure encore tout habi- 
tant sait jouer aux échecs; les enfants l'apprennent à l'école et chaque 
année il y a un concours d'échecs. (Note de M. HoUand.) 



. y ■ 



130 CORRESPONDANCE 

contait ces choses de telle façon que j'ai bien vu que 
ce n'était qu'une feinte. L'abbé Dubois est tellement 
fourbe que son plus grand plaisir est de raconter des 
choses aux gens où il n'y a pas un mot de vrai . 11 n'a 
pas son pareil en fourberie. Mon fils le sait bien; 
il le garde quand même et croit tout ce qu'il lui 
dit... 

Versailles, le 27 décembre 1713. 

... La constitution du pape contre le père Quenel* 
fait un bruit affreux ici. Tous les évêques sont réunis 
à ce propos. Je ne sais rien de toute cette histoire, 
car j'ai le temps long quand j'en entends parler et ce 
qu'on en décidera ne m'empêchera pas de bien dor- 
mir. Quelqu'un l'autre jour me trouva lisant la bible 
de Lunebourg et me reprocha — en riant, de contre- 
venir aux ordres du pape. — « Je ne fais rien cototre 
l'institution du pape, répondis-je ; il a interdit la bible 
du père Guenel et a défendu de lire les Saintes Écri- 
tures en français. La bible que je lis n'est pas celle du 
père Quenel ; elle n'est pas davantage en français et, 
par conséquent, nullement interdite... » 

Versailles, le 7 janvier 1714. 

... On prétend que l'électeur de Bavière, en appre- 
nant qu'il n'était plus question pour lui du royaume 
de Sardaigne, en a été tellement dépité qu'il est tombé 
malade. Il doit recouvrer le . Haut-Palatinat et la 
Bavière, mais il ne veut pas admettre qu'on inscrive 

1. Quesnel. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 137 

dans le traité que le prince électoral épousera une 
archiduchesse. II a, dit-on, confié tout cela à la gen- 
tille Desmares, la comédienne : celle-ci Ta dit à tous 
ses bons amis et c^est ainsi que la chose a été ébruitée. 
•On se moque bien de l'Électeur... 

A LA RAUGRAVË LOUISE. 

Versailles, le 7 janvier nH. 

... Je ne parlerai plus de choses saintes, car j^ai 
promis à mon confesseur de m'en abstenir à Tavenir. 
Je n'ai jamais appris à bien manier cette langue- 
là... 

Je 'ne sais comment on fait les ragoûts français en 
Allemagnef mais ici l'on ne vous sert que du bouillon 
très fort que je ne peux souffrir, du poivre, du sel — 
tant qu'on n'en peut plus fermer la bouche — et 
beaucoup d'oignons et d'ail, le tout mêlé... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

m- 

Versailles, le 11 janvier 1714. 

... A rinstant on vient me dire que le duc de La Ro- 
chefoucauld est enfin mort ce matin, à sept heures, 
après une longue maladie, une fièvre lente. Il y a deux 
ans il a été subitement frappé de cécité complète et; 
depuis, 11 s'est toujours mal porté. Il avait quatre- 
vingt-quatre ans et se faisait toujours encore mener 
à la chasse, comme je vous l'ai déjà dit. Il a beaucoup 
divagué dans sa fièvre, rêvant constamment chasse. 

8. 






138 ' CORRESPONDANCE 

C'est qu'il était aussi grand-veneur et grand-maître 
de la garde-robe, et il avait une campagne à la 
Selle ^. C'est à ce propos que le roi lui dit une fois 
qu'il devait chasser dans le bassin de Fausses reposes : 
« Il n'y a que vous en France qui ailliez de La garde- 
robe à La Selle et de La Selle au bassin. » 

Ce n'est pas ici comme en Allemagne. Pourvu qu'on 
se corrige, on oublie votre conduite antérieure. M"® de 
Nemours avait coutume de dire : « Il n'y a qu'à pren- 
dre patiance en France , l'honneur recroît comme les 
cheveux. » 

L'électeur de Bavière devrait bien... ne pas perdre 
misérablement son argent avec des filous qui le tri- 
chent journellement et se moquent de lui par-dessus 
le marché. De l'hôtel de ville* je ne soufiflerai mot : la 
Bastille est pleine de gens qui en ont parlé.., 

Versailles, le 25 janvier 1714, 

. .. Vous avez appris lanouvelle... que le roi de Prusse, 
dès que la paix générale sera conclue, veut faire uu 
voyage en France. Si S. M. avait réellement envie de 
faire ce qu'entre nous j'appellerai un tour de jeu- 
nesse, pour ne pas l'appeler une sottise, il vous aurait 
caché la chose. 

La comtesse de Wartemberg commence à parler 
d'une façon plus polie et à mettre de l'eau dans son 
vin. Elle dit à présent qu'elle vient en France unique- 

1. La Celle Saint-Cloud. 

2. A propos de la banqueroute do ise- millions sur les rentes acquises 
depuis 1706, 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 139 

ment pour voir le roi : ayant vu l'empereur et beau- 
coup de monarques, elle vient exprès pour voir S. M., 
qui est le plus grand de tous. 

Tous ceux qui la voient s'étonnent du grand crédit 
qu'elle a eu à Berlin... 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Vorsaillôs, le 25 janvier 1714. 

... Ici les jeunes gens s'amusent beaucoup à des bals 
en masques. Cette nuit a eu lieu le troisième, qui a 
duré, dit-on, de minuit à huit heures du matin... 

Nous avons d'horribles petites histoires de ce bal de 
Paris, Une gentille petite femme, qui était grosse, s'y 
trouvait. Dans la presse elle reçut un coup de pied: 
elle est morte comme Popée^ Ce n'est pas un empe- 
reur qui lui a porté le coup, mais un prince du sang 
royal *, un jeune coq écervelé. Je remercie Dieu qu'il 
n'ait pas épousé ma petite-fille, comme M"*» sa mère le 
désirait. Il ne vaut rien de quel que côté qu'on le 
prenne et II a une laide figure tout de travers... . 

Versailles, lo 4 février 1714, 9 h. et quart du soir. 

... Dites-moi donc comment la petite boîte en écaille 
que j'ai envoyée à ma tante lui a plu. C'est la plus 
nouvelle mode. Pourvu qu'elle arrive intacte, car c'est 
une marchandise bien fragile... Couchez-moi par écrit, 
je vous prie, la façon de préparer les choux rouges... 
Je veux que mes cuisiniers tentent la chose... J'aime- 

1 . Poppea Sabina, la femme de Néron. 

2. Le Comte de Charolais (?) 






140 CORRESPONDANCE 

rais bien avoir aussi copie de la recette pour la chou* 
croûte... 

Versailles, le 8 février 1714. 

... Hélas ! les négociations sont totalement rompues. 
Villars revient ici. Le comte de Broglio m'a commu- 
niqué votre lettre et la réponse qu'il vous a faite. 
C'est un homme bien élevé et honnête, s'il peut vous 
rendre service, il le fera bien volontiers : il n'est pas 
intéressé comme le maréchal de Villars... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE. 

Versailles, le 11 février 1714, 

... Du moment que les rois de la chrétienté 
veulent aussi avoir des sérails, ils devraient posséder 
des palais à part pour les sultanes tombées en digrâce ; 
de cette façon ils ne seraient pas dans l'embarras. La 
comtesse Cossel ^ ayant vendu son honneur, par intérêt, 
il n'est que juste qu'elle se pousse et qu'elle arrive le 
plus haut qu'elle peut... 

C'est une étrange chose que les femmes galantes 
s'imaginent avoir l'honneur sauf, quand on leur donne 
un contrat de mariage. M. le Dauphin en donna un à 
la comtesse du Roure, alors que M*"» la Dauphine et le 
comte du Roure étaient tous deux encore en vie, 
s'engageant à l'épouser au cas où sa femme à lui 
et son mari à elle mourraient. Le roi apprit la chose, 
je ne sais par qui. La dame fut exilée et M. de Sei- 

1. Maîtresse d'Auguste II, roi de Pologne et électeur de Saxe. Elle 
était en disgrâce depuis 1712, ce que Madame semble ignorer. 



DE MADAME, DUCHESSt D'ORLÉANS, lil 

gnelay alla chercher le contrat qui fut brûlé devant 
le roi... 

A LA r.AUGRAVE LOUISE 

Versailles, le 15 février 1714. 

... Dans ne demi-heure nous allons à la Comédie. 
On joue le Malade imaginaire : de toutes les pièces 
que Molière a faites, c'est celle que j'aime le moins ; 
mais il faut bien se montrer quelquefois aussi aux 
endroits où vient toute la cour... 

Versailles, le 18 février 1714, 8 h. et demie du soir. • 

... Les jeunes femmes de Paris sont pour la plupart 
comme de vraies folles... 

La foule et la presse, voilà ce qui ne m'a jamais 
embarrassée. J'étais vaillante à m'en tirer au temps où 
j'avais de bonnes jambes et les cuisses solides. Je me 
souviens encore de la bonne duchesse de Guise, quand 
elle voyait une presse et une foule qu'il fallait tra- 
verser, elle s'accrochait à moi comme un chat, pour 
que je lui aide à passer. Au mariage de Monseigneur 
on me porta dans la salle à travers la foule, sans que 
mon pied touchât terre... 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE 

Versailles, le 18 février 1714. 

... Je ne sais' rien de neuf que le discours qu'on fait 
tenir à Paris^ à Pasquin et à Morphorio, sur la réunion 
des évêques, après qu'on les a tous chansonnés. 



142 CORRESPONDANCE 

« Dis moy Pasquin, demende Morphorio, pourquoy ces 
Évesques sont ils assambles en France. Te voilà bien 
ambarasses Morphorio, répond Pasquin, ne say tu pas 
que ce sont des Escollier des jésuistes qui compossent 
pour avoir des bonnes places. » Vous savez, je crois, 
que les élèves des jésuites font leurs thèmes pour 
obtenir charges des dignités : l'un est empereur, l'autre 
consul, le troisième préteur, et c'est là-dessus qu'on 
a fait ce dialogue... 

Versailles, le 11 mars 1714. 

... La bonne reine d'Espagne a payé pour les trois ^ 
C'est dommage, car on ne saurait avoir plus d'esprit 
et de vertu qu'elle n'avait. Mais il y a une chose qui 
m'étonne, c'est que la princesse des Ursins a persuadé 
au roi, à ce qu'on prétend, d'aller au tiré immédiate- 
ment après que la reine eut t*endu l'âme; une heure 
après elle jouait au papillon, et quand le roi revint de 
la chasse, elle fit une partie d'échecs avec lui. Les 
gens qui, comme cette princesse, sont tellement 
bourrés de politique, n'aiment rien au monde qu'eux- 
mêmes. Malgré cela j'ai eu de la peine à croire la 
chose, car je n'y comprends rien. Mais M^^" de Cha- 
rolais, qui me l'a racontée, dit la tenir de bonne 
source. Seulement, ceux qui prétendent que la pauvre 
reine estmorte de jalousie, ceux-là, je peux vous l'assu- 
rer, ne connaissent pas la cour d'Espagne ; car d'abord 
le roi était trop pieux pour avoir des maîtresses, et 

1. La reine Anne était moribonde, et le 10 février la reine d'Angle- 
terre, « qui est à Saint-Germain », la yeuve de Jacques II, avait reçu 
les sacrements, tellement elle était malade de la fièvre. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 143 

secondement la reine dominait le roi d'une façon 
absolue, il ne faisait pas un paa sans la consulter et 
l'aimait en outre tellement qu'elle n'avait rien à re- 
douter. La reine a été atteinte de consomption parce 
qu'on a voulu la guérir d'une maladie qu'elle n'avait 
pas... 

Versailles, lo 15 mars 1714. 

... Ce soir ou demain arrivera le héros de la paix, 
le maréchal de Villars. On la dit fort avantageuse pour 
le roi et les électeurs bavarois *. Celui de Bavière 
recouvre, dit-on, le Haut-Palatinat et redevient pre- 
mier Électeur. Mais depuis quand l'empereur peut-il 
traiter au nom des électeurs et sans leur concours et 
au nom de l'Etopire aussi ? Cela m'étonne grandement, 
il faut qu'en Allemagne tout soit horriblement changé 
depuis mon départ!.* 

Versailles, le 29 mars 1714. 

t.» Comme je les connais, j'estime qu'on ne peut 
faire grand fond sur l'amitié des Anglais, qu'ils soient 
Toris ou Wighs... 

Le roi ne parle plus du tout ; c'est que de jour en 
jour on le rend plus soupçonneux... 

À LA RAUGRAVE LOUISE 

Marly, le 12 âvfil 1714. 

... Ma sciatique a disparu, mais mes pauvres genoux 
sont faibles encore et me font toujours mal... On m'a 



1. C'est-à-dire pour l'électeur de Bavière et pour son frère, l'élec- 
teur de Cologne. 









14i CORRESPONDANCE 

purgée une fois, les douleurs n'ont pas cessé ; peu après 
le maréchal de Tessé m'a donné une bague dans 
laquelle est enchâssé un ongle de lièvre, de telle façon 
que le doigt est en contact avec l'ongle. Depujs que je 
porte cette bague je n'ai plus rien senti, je ne Tôte 
que quand je me lave les mains. . • 

Marly, le 29 avril 1714. 

... Ce matin j'ai eu la joie de recevoir en même 
temps deux paquets de ma tante... Ce qui m'étonna 
c'est que le premier ait été ouvert à Hanovre même, 
on m'a fait de plus une vraie polissonnerie de page, 
car pour bien me prouver que les deux lettres ont été 
lues, on en a entremêlé les feuillets de l'une avec ceux 
de l'autre. Il n'y a qu'un ivrogne qui ait pu faire cela, 
je m'imagine donc que c'est le comte Platen ; il n'a 
qu'à lire la lettre que j'écris aujourd'hui même à ma 
tante : il y trouvera son compte. . . 

A LA DUCHESSE DE UANOVRE 

Marly, le 3 mai 1714. 

... Nous avons notre duc de Berry fort dangereuse- 
ment malade ici : dans la nuit de dimanche, ou plutôt 
lundi matin, avant quatre heures, il fut pris de fièvre 
et de frissons, mais il cela la chose, se leva et s'habilla; 
11 voulait se rendre à la médecine du roi. Les frissons 
le reprirent, il ne put pas s'en cacher davantage, les 
maux de tête étaient trop forts, 11 dut se coucher. La 
fièvre allait toujours en augmentant, accompagnée de 
forts vomissements. D'abord il rendît des matières 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 145 

vertes, puis tout à fait noires... Quand hier on examina 
ces dernières, on vit que c'était uniquement du sang 
caillé quMl rendait par le haut et le bas. Les docteurs 
en furent tout réjouis, car ils s'imaginaient qu'il était 
hors de danger et qu'ils pourraient arrêter le sang, et 
nous nous rendîmes tous à Versailles pour participer 
à la joie de M"'" de Berry de voir le duc sauvé. 

Mais la nuit dernière il a été pris de tels vomisse- 
ments qu'il rend tout ce qu'il a dans le corps; il est 
donc bien dangereusement malade, quoiqu'il n'ait plus 
de fièvre et que les redoublements aient cessé. A 
l'instant même on lui tire du sang pour la cinquième 
fois. Je suis persuadée que c'est la forte dose d'émé- 
tique qu'on lui a donnée qui est cause de tout, car il 
en a pris neuf grains, cela a bien pu faire éclater une 
veine. D'autres disent qu'il y a huit jours, à lâchasse, 
son cheval ayant butté très fort, il a fait un effort pour 
le retenir, et de cette façon s'est ouvert une veine, 
mais qu'il a tenu la chose secrète... 

A l'instant même je sors de sa chambre, on lui a fait " 
sa huitième saignée... Il a mangé une assiettée de gelée 
qu'il n'a pas rendue... 

Marly, le 6 mai 1714. 

Hélas I je ne disais que trop vrai, en vous écrivant 
jeudi dernier que le pauvre duc de Berry n'en 
réchapperait pas, car le pauvre prince est mort ven- 
dredi à quatre heures du matin. Trois quarts d'heure 
avant de mourir il parlait encore. Il est mort avec une 
grande fermeté, se repentant d'être lui-même la 
cause de son trépas et regrettant de ne pas pouvoir 
n. 9 



•.j 



146 CORRESPONDANCE 

encore une fois voir sa femme. Jusqu'à sa fin il a 
montré une grande considération pour le roi son 
grand-père, car quand, d'une façon indirecte, on lui 
demanda s'il ne voulait pas recevoir le viatique et 
Textrême-onction, il répondit : « Guy, très volontier, 
mais que ce ne soit qu'après le couché du Roy, pour 
luy espargner ce triste spectacle qui pouroit Lé trop 
toucher. » Mais il se trouva mal : « Non, ne reculions 
rien, dit-il alors, je vois que cela presse. » — Le roi 
lui-même est allé chercher le saint sacrement ; nous 
avons tous assisté à cette triste cérémonie, qui a duré 
trois quarts d'heure. — On ne peut rien se figurer de 
plus lugubre, cela vous brise le cœur. 

Une heure et demie avant, M"^^ d'Orléans et moi 
nous avions été chez lui. Le pauvre prince se figurait 
être tout à fait hors de danger : « Pour acteur \ 
Madame, me dit-il en riant, je croi vous pouvoir dire 
que je suis sauves, je n'ay plus de fièvre et ne sens 
plus de mal. Donnes une chaîsse à Madame, s'écria-t-il, 
et un siège à madame d^Orléans. Gaussons la. — Non 
de parler, répondis -je, pourrait vous ramener la 
fièvre, ne parles pas haut. » Pendant qu'il causait; il 
fut pris d'un violent hoquet, et il avait de la peine à 
parler, vu qu'il respirait difficilement. M"« d'Orléans 
crut que vraiment il était hors de danger. Elle fut 
tout étonnée de voir qu'en sortant j'avais les yeux 
remplis de larmes. Elle me demanda pourquoi je pleu- 
rais : « Eh I mon Dieu, madame, répliquai-je, ne voyez- 
vous pas à la respiration, à la parole et à ce hoquet 

1. À cette heure. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉ A NS. 147 

que ce prince se meurt? » Elle ne voulut pas me croire, 
mais après elle apprit bien que je n'avais dit que trop 
vrai. Peu avant sa mort, le pauvre duc de Berry a 
avoué qu'il en était la cause lui-même, car jeudi, il y 
a huit jours, il chassait dans la forêt, le sol était glis- 
sant, car il avait plu un peu, son cheval glissa avec 
les pieds de devant, il le retint vigoureusement, si 
bien que le cheval se releva avec tant de force, que le 
pommeau de la selle alla frapper le duc entre la poi- 
trine et l'estomac. Il ressentit immédiatement une 
vive douleur, mais il n'en dit rien. La nuit il perdit du 
sang en quantité, mais il défendit à son valet de 
chambre d'en parler; il croyait qu'il avait la dyssen- 
terie. 11 ne voulait pas le dire, de peur qu'on ne lui fît 
prendre beaucoup de drogues, croyant que cela passe- 
rait de soi-même. 

Vendredi il commença à être très mal, il disait que 
cela ne provenait que de la diarrhée, et samedi il alla 
à la chasse. Ce jour-là, un paysan ayant vu comme 
il s'était heurté au pommeau de la selle, demande à 
un des gens du roi : « Comment se porte Monseigneur 
le duc de Berry? — Fort bien, répondit l'autre, car il 
court le loup aujourdhuy. — Si cela est qu'il se porte 
bien, fit-il, il faut que les princes aient les os plus dur 
que nous autres paissants. Car je luy vit recevoir vn 
coup jeudy à la chasse en Relevant sont cheval dont 
3 paissant en seroit crevé. » 

Si le duc avait dit un r.:jt, on ne lui aurait pas 
donné d'émétique; mais il en a pris, sachant qu'il ren- 
dait des caillots de sang I On voit bien par laque quand 
un malheur doit arriver il faut que tout y concoure. 



^ ■- ' 



148 CORRESPONDANCE 

C'avait l'air d'une fièvre maligne, toutes les apparences 
y étaient : saignements du nez, somnolence, vomisse- 
ments et une fièvre atroce qui l'a pris le lundi à 
quatre heures du matin. Il, voulut aller à la chasse ce 
jour-là. M. Fagon, qui était chez moi tout à l'heure, dit* 
qu'à partir du moment où il y eut chez le duc de 
Berry évacuation des caillots de sang noir, il n'y avait 
plus d'espoir, il avait le sphacèle... 

A LA RAUGRAVË LOUISE. 

Versailles, le 27 mai 1714. 

... C'a été un grand bonheur pour moi que le duc 
de Berry ait cessé depuis de si longues années déjà 
de m'aimer, sans cela j'aurais été inconsolable... Vous 
devinerez aisément combien cette mort a provoqué de 
lamentations. Il y a bien des gens, petits et grands 
ofliciers, qui avaient acheté leurs charges et qui les 
perdent maintenant : ils pleurent leur argent... 

Marly, ce dimanche 3 juin (1714), 8 h. moins un quart. 

... 11 n'est pas possible d'être plus irrité que ne 
l'est le roi contre M"® de Rathsamhausen. En se sau- 
vant et en changeant de religion, elle a tant fait qu'il 
ne s'en est fallu que de la largeur d'un cheveu qu'elle 
ne précipitât tous les siens dans la plus grande infor- 
tune du monde. Elle m'a écrit à plusieurs reprises, 
mais il ne m'est pas permis de lui répondre, je ris- 
querais de tomber fort en disgrâce auprès du roi. Ici 
les religions ne sont pas libres comme en Allemagne. 
Celui qui change de religion devient criminel... 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 149 

A LA DUCHESSE DE HANOVRE*. 

Rambouillot, le 15 juin 1714. 

... Il est bien certain que la princesse des Ursins a 
plus d'autorité en Espagne que le roi, et il pourrait 
bien arriver' à celui-ci la même aventure qu'à son 
grand-père Louis XIII, qui demandait à l'un de ses 
courtisans : « Est il vray que tu est chasses de la 
Cour ? » L'autre répondit fort bien : « Sire, j'espère 
que non, puisque vous n'en savez rien. » 

Ainsi vont aussi les choses là-bas. Je me trompe : 
Louis XIII n'était pas le grand-père du roi d'Espagne, 
mais bien son arrière-grand-père. 

Je vous remercie humblement de la relation mosco- 
vite. Je la trouve bien gentille et écrite en bon fran- 
çais. Je vous prie de vouloir bien m'envoyer toutes 
celles que vous recevrez, car je divertis fort mon fils 
avec ces rapports* : le résident écrit très bien... 

A LA RAUGRAVE LOUISE. 

Marly, ce dimanche 24 juin 1714. 

... Bien aimée Louise, je vois par une lettre de Ha- 
novre qui m'annonce notre malheur, hélas! trop 
grand ^ qu'on vous y a rappelée... C'est pourquoi je 

1 . Fragment de lettre. 

2. Ces rapports se trouvent aux archives de Hanovre. Nous en ferons 
l'objet d'un travail spécial. Le résident s'appelait Weber. 

3. L'électrice mourut le 8 juin 1714, d'une attaque d'apoplexie à 
Herrenhaosen, en se promenant dans les jardins. 



ïii^^âi^ 



150 CORRESPONDANCE 

VOUS écris non pour chercher à me consoler avec 
vous, mais pour mêler mes larmes aux vôtres : elles 
jaillissent bien souvent de mes yeux. Notre perte est 
immense : mes pleurs cesseront peut-être de couler, 
ma tristesse ne prendra jamais fin. Cette chère élec- 
trice était toute ma consolation dans les nombreuses 
tribulations qui m'ont assaillie ; quand je les lui avais 
contées et que je tenais sa réponse, j'étais toute con- 
solée. Et maintenant il me semble être seule au monde. 
Je crois que Notre-Seigneur Dieu m'a envoyé cette 
affliction pour m^ôter la crainte de la mort, car il est 
bien certain q.u'à présent je finirai ma vie saris re- 
gret!... 

Marly, le l^r juillet 1714. 

... Hélas! ma tante m'a souvent écrit à mol-même 
qu'elle tenait une mort subite pour la meilleure, et que 
c'était chose déplaisante de mourir dans son lit, ayant 
d'un côté le ministre ou le curé, et de l'autre le mé- 
decin, qui ne peuvent quand même pas vous venir 
en aide, et qu'elle s'arrangerait de façon à ne pas 
donner ce spectacle. Hélas! elle n'a dit que trop 
vrai!... 

Marly, le 10 juillet 1714. 

... 11 ne m'est pas possible de vous dire ce que j'en- 
dure nuit et jour, et, de plus, j'ai le tourment de de- 
voir me contraindre, car le roi ne peut souffrir les 
visages tristes. Contre mon gré aussi, il me faut aller 
à la chasse. A la dernière, je pleurai amèrement : 
l'électeur de Bavière vint à ma calèche et me fit son 
compliment de condoléance ; je n'y 'pus tenir et lais- 



DE MADAME, DUCHESSE D'OULÉANS. 151 

sai un libre cours à mes larmes, et cela pendant toute 
la chasse. Je voyais bien qu'on riait de moi, mais je 
n'y pouvais rien... 

Marly, le 22 juillet 1714. 

... Ce m'est toujours un nouveau sujet d'étonne- 
ment que tant de gens aiment le café ; il a pourtant 
un goût horriblement désagréable. Je lui trouve une 
odeur d'haleine corrompue : le défunt archevêque de 
Paris sentait comme ça. 

Vous avez bien raison de ne pas vous mettre entre 
les mains d'un chirurgien malhabile. Le mien fait 
admirablement les saignées — il s'appelle Carrer ; — 
mais aussi je lui permets de rester constamment en 
exercice : il saigne tout Paris... 

Marly, le 29 juillet 1714. 

... Hier quelqu'un m'a dit en confidence que le roi 
d'Espagne veut se remarier et qu'il a envoyé de Rome 
à Parme le cardinal Acquaviva pour demander la 
main de la princesse de Parme. Je ne pense pas qu'on 
la lui refusera. 

Mon docteur veut à toute force me faire une saignée 
demain et me purger après... disant qu'il est impossi- 
ble, dans la mélancolie où je suis depuis la triste nou- 
velle, que mon sang puisse bien circuler, et cela parce 
que depuis lors j'ai les jambes et les pieds enflés le 
soir et que je saigne souvent du nez depuis quelques 
jours. 

Je savais bien que le Stanislas est à Deux-Ponts, 






152 CORRESPONDANCE 

mais non que le roi de Suède lui eût fait don de la 
ville pour y résider tant qu'il vivrait. 11 me semble 
que S. M. eût mieux fait de la donner au pauvre comte 
palatin de Deux-Ponts^ qui en a bien besoin. A mon 
sens, il vaut mieux faire du bien à ceux de votre 
propre maison qu'à un Polonais qui ne vous est de 
rien... 

Marly, le 9 août 1714. 

... Mardi dernier paon médecin m*a saignée ; jeudi et 
vendredi il m'a purgée, mais si fort que j'ai été trente 
fois à la garde-robe. Vous connaissez peut-être la dro- 
gue qui m'a fait un tel effet : c'est une nouvelle mé- 
decine, mais tellement à la mode que toiit Paris ne 
veut plus prendre autre chose, un sel qui vient d'An- 
gleterre : on l'appelle le sel d'Epsum K On le fait fon- 
dre dans de l'eau. Le premier jour on m'en a fait 
boire trois grands verres à bière et deux le second 
jour. 

On espère que Barcelone se rendra bientôt... Ce 
que je trouve plaisant, c'est la gasconnade qu'a faite 
\illaroêl. On lui demandait quand il se rendrait. « Je 
donnerai le signal moi-même, a-t-il répondu; quand 
je ne pourrai plus tenir, je m'assiérai sur un baril de 
poudre et me ferai sauter. » Et là-dessus il arbora 
un drapeau tout noir portant des têtes de mort. 

Vous avez sans doute vu dans les gazettes que la 
voiture de la duchesse de Vendôme a versé et quel 
affreux malheur s'en est suivi. Elle était venue com- 
plimenter sa sœur la duchesse du Maine d'une chose 

1 . Sel d'Epsom ou sel d'Angleterre. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 453 

qui en vaut bien la peine ; mais je pense que vous y 
aurez vu également que le roi au parlement a déclaré 
tous ses bâtards princes du sang et habiles à succé- 
der, en cas d'extinction de la ligne légitime... 

Versailles, le 23 août 1714. 

... De là je me rendis à Sainte-Marie de Chaillot, où 
notre reine d'Angleterre passe tout Tété. J*y appris 
avec certitude que la reine Anne d'Angleterre est 
morte et que notre électeur de Brunswick, quelques 
heures après, a été proclamé roi des trois royaumes 
d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande. 

... Il m'est arrivé quelque chose de fort désagréa- 
ble : Tune de mes belles chiennes est morte subite- 
ment. Je l'ai fait ouvrir pour voir si elle n'avait pas 
été empoisonnée ou si elle n'avait pas eu la vilaine 
maladie dont sont atteintes toutes les bêtes dans la 
France entière et la Bourgogne, une espèce de peste, 
mais elle n'avait que le miserere; ses pauvres petits 
boyaux étaient tordus et noués comme un pater- 
notre *, nœud contre nœud et durs comme pierre. 

Il est vrai que notre roi d'Espagne épouse la prin- 
cesse de Parme ; mais il n'est pas vrai du tout, croyez- 
le bien, que ce mariage se soit fait à Tinsu de la prin- 
cesse des Ursins. Seulement je crois qu'elle répand ce 
bruit parce qu'elle avait promis à des gens d'ici 
qu'on leur demanderait la main d'une de leurs 
filles... 

1. Un rosaire. 

9. 






154 CORRESPONDANCE 

Fontainebleau, ce dimanche 2 septembro, 
10 h. un quart du matin. 

... Du moment que nous avons dans notre famille 
la sœur du duc du Maine et du comte de Toulouse *, 
je préfère qu'on les élève plutôt qu'on ne les abaisse. 
Ils sont de même les oncles de tous les princes et de 
toutes les princesses du sang ; de sorte qu'on prend 
plus facilement son parti de la grâce que le roi leur 
a faite.j 

11 n'est pas possible que la princesse de Parme soit 
inféconde, car ce ne sont pas les femmes italiennes, 
mais bien celles du Portugal, qui cessent de si bonne 
heure d'avoir des enfants; celles-ci sont toutes nu- 
biles à neuf ans, mais non les dames italiennes, et 
d'ailleurs M'"o sa mère est une comtesse palatine, les- 
quelles manquent rarement d'être grosses... 

Fontainebleau, le 6 septembre 1714. 

... Remerciez bien, je vous prie, la princesse de 
Galles de son bon souvenir... Entre nous, personne ne 
dit du bien du prince de Galles : tous ceux qui l'ont 
vu prétendent qu'il a les manières des marquis ridi- 
cules des comédies de Molière , c'est un héritage des 
d'Olbreuse ^. On le tient aussi pour tant soit peu 
toqué... On a pris en très bonne part la notification 
que notre électeur a faite immédiatement de son élé- 

1. Mme d'Orléans. 

2. Le prince de Galles, George do Hanovre, était petit-fils d'Éléo- 
norc d'Olbreuse, femme do Goorgc-Guillaunic, duc do Collo. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. l^iS 

vatîon au trône, et on l'appelle déjà le roi George; 
je ne suis donc pas étonnée que l'envoyé ait fait son 
compliment... 

Fontainebleau, le 20 octobre 1714. 

... Bien-aimée Louise, ceci, hélas! est la dernière 
lettre que je vous écrirai de ce cher Fontainebleau : 
nous partons mercredi et mardi aura lieu la dernière 
chasse dans cette belle forêt ; à Marly et à Versailles, 
il n'y a rien qui l'égale, et ce qui me plaît encore en 
cet endroit c'est que toutes les salles et les galeries 
ont l'air allemand : quand on entre dans la Salle des 
Suisses on se dirait tout à fait dans un hall allemand, 
avec ces croisées en saillie, les boiseries et les ban- 
quettes... 

Versailles, le 27 octobre 1714. 

... Nous arrivâmes de bonne heure à Petit-Bourg ^ 
Monsieur le Dauphin*, mon voisin, vint me voir. 
C'est un bel enfant, mais pas bien élevé du tout; il est 
très gâté. II est délicat et frêle, on a peur de le faire 
pleurer : aussi lui laisse-t-on faire toutes ses vo- 
lontés... 

Marly, le 8 novembre, 6 h. et demie du soir. 

... Je ne crois pas que les Anglais, qui sont si peu 
endurants, s'accommodent longtemps d'un roi qui ne 
sait pas leur langue... On dit qu'il ne peut garder au- 



1. Au duc d'Antin. 

2. Le futur Louis XV. 



156 CORRESPONDANCE 

près de lui un seul domestique allemand; en ce cas il 
sera bien mal servi. 

Mon fils ne vient me voir que de neuf et demie à 
dix heures du soir; on dirait qu'il arrive juste au 
moment où j'ai le plus de monde ou quand j'ai le plus 
à écrire, exprès pour n'avoir pas à me causer a,vec 
abandon... 

Versailles, le 2 décembre 1714. 

... J'étais assise dans mon cabinet, après le dîner... 
quand un valet de chambre de mon fils accourut, pâle 
comme la mort, en criant : « Âh ! Madame ^ Monseigneur 
s'est trouvé si mal qu'il vient d'évanouir sans cognois- 
sance I » Je sursautai et courus à l'escalier. Arrivé là, 
je tremblai si fort que je ne pus monter; je dus atten- 
dre des porteurs... Ce qui m'efl'rayait tellement, c'est 
que mon fils, quand il n'avait que quatre ans, avait eu 
une véritable attaque d'apoplexie, et comme rien au 
monde à cette heure n'est plus commun que ces 
attaques-là, je croyais le trouver mort. De suite en 
entrant je regardai sa figure, il riait... il n'avait pas 
les yeux hagards, ni la bouche de travers ; la langue 
non plus n'était embarrassée et il avait le parler net 
comme à rordinaire....ce n'était qu'un évanouissement 
provenant de ce que, toussant affreusement et atteint 
d'un gros rhume, il avait, chez sa fille, bâfré comme 
un loup et lampe davantage encore, car c'est ainsi, 
malheureusement 1 que les choses se passent toujours 
en cet endroit-là... 



DE MADAME, DUCUESSE D'ORLÉANS. 157 

Versailles, le 27 décembre 1714. 

... Après le dîner, je me suis promenée une demi- 
heure dans ma chambre pour faire ma digestion, et je 
me suis amusée avec mes bestioles, car j'ai dans mon 
cabinet deux perroquets, un canari et liuit petits 
chiens. 

Dans les pharmacies françaises il n'y a absolument 
rien que des médecines à prendre en lavements et 
de Teau de rose, i^as autre chose. Us ne connaissent 
pas les autres eaux; clisterium donare^ posta sey- 
gnare... 

Votre bateau sans doute était un yachts.. Je ne 
comprends pas comment on peut se résoudre à faire 
un voyage en mer : il faut que vous ayez un grand 
courage pour n'avoir pas eu peur dans cette danse. 
Mon Dieu ! qui donc pourrait ne pas être maladequand 
on est secoué de cette façon!... 

Versailles, ce vendredi 4 janvier 1715. 

... J'ai vu beaucoup d'Anglais dans ma vie, mais ils 
ne se ressemblaient pas tous : quelques-uns étaient 
extrêmement polis, d'autres extrêmement balourds et 
grossiers... La duchesse de Schrosburig', comme on 
l'appelle ici, est prompte à se lier, mais moi je ne le 
suis pas ; voilà pourquoi elle est bien avec la princesse 
de Gonti et avec d'autres dames plus qu'avec moi. Je 
suis très froide avec les gens que je ne connais pas. 

1. La raugn^ave Louise venait de se rendre à Londres pour s'occuper 
de marier ses nièces, les fiUes du duc de Schomberg. 

2. Shrewsbury. 



158 CORRESPONDANGK • 

Comment l'opéra est-il, à Londres? anglais, italien 
ou français? Ce qui me fait croire qu'on a chanté dans 
une autre langue et non en français, c'est qu'ici nous 
n'avons pas d'opéra intitulé Armenius.., 

D'après ce qu'on me dit de l'air de Londres, je ne crois 
pas que j'y pourrais demeurer vingt-quatre heures 
sans tomber malade, car, à ce qu'on prétend cela sent 
constamment le charbon... 

Chère Louise, votre beau-frère voudrait bien marier 
ses filles comme le seigneur Harpagon, c'est-à-dire 
a sans dot ». Mais la chose n'est aisée nulle part. Les 
épouseurs sont épris autant des beaux yeux de la 
cassette que de la beauté des dames. On dit que c'est 
un mariage de conscience que le duc de Schomberg a 
contracté... 

Versailles, le 11 janvier 1715, 11 h. du matin. 

... Avant hier arriva lanouvelle que la princesse des 
Ursins — celle-là même qui a gouverné toute l'Espagne 
— devait aller à la rencontre de la reine pour être sa 
grande-maîtresse. Son orgueil a causé sa chute. Elle 
avait écrit des lettres contre cette jeune reine, et on 
les a remises à celle-ci. Arrivée auprès d'elle, à 
Xadraque, elle ne s'est avancée, sur l'escalier, à la 
rencontre de la reine qu'à mi-chemin; puis elle a 
trouvé à redire à tout, à la toilette, au temps qu'a 
duré le voyage — elle le trouvait trop long; ajoutant, 
prétend-on, que si elle était le roi, elle renverrait 
la reine, ou pour le moin3 la laisserait plantée en cet 
endroit-là pendant trois mois. 

Là-dessus la reine ordonna à l'officier des gardes du 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 159 

corps d*ôter cette folle de devant ses yeux et de la 
mettre aux arrêts, et immédiatement elle envoya au 
roi un exprès pour lui porter ses plaintes, fort vives, 
sur le compte de cette dame. Le roi lui répondit de 
faire ce que bon lui semblerait. La reine alors la fit 
mettre dans une voiture à onze heures du soir, ne lui 
donnant qu'une femme de chambre, un laquais et 
douze gardes du corps pour la reconduire en France, 
ce qui fut fait incontinent. Je ne peux la plaindre, 
parce qu'elle a toujours atrocement persécuté mon fils 
et qu'elle a persuadé au roi et à la feue reine qu'il 
voulait les détrôner et qu'il avait conspiré contre leur 
vie et leur trône. Cela est tellement faux que, malgré 
qu'elle eût suborné une foule de gens, elle n'a rien pu 
prouver... Ce qui me fâche, c'est que ce méchant 
diable va venir ici; je suis convaincue qu'elle va 
déverser son venin sur mon fils et sur moi. Que Dieu 
nous assiste !... 

L'archevêque de Cambrai est mort il y a quelques 
jours, fort regretté; c'était un grand ami de mon 
fils... 

Yersailles, lo 18 janvier 1715. 

... Mylord Peterboroug n*est pas de ceux qui 
adorent le roi actuel d'Angleterre... 11 a raconté que, 
S. M. ayant joué avec une dame, celle-ci était restée 
sa débitrice de 18 francs. Le lendemain cette dame 
lui envoya des bouteilles de vin en grande quantité. Le 
roi, prétend-il, a dit au laquais : « Dites à votre dame 
de vous donner huit francs de ma part ; elle ne m'en 
devra plus que dix !... » 






160 CORRESPONDANCE 

Versailles, le 7 février 1715. 

Bien aimée Louise, avant-hier mylord Stairs m'a 
apporté la boîte avec le bézoard de Goa que la prin- 
cesse de Galles m'a fait Fhonneur de m'envoyer. Je 
vous prie... de lui en faire mes humbles remerciements 
et de lui en témoigner ma gratitude... J'en suis tout 
aussi reconnaissante à la chère princesse que si la pierre 
était rare, du moment qu'elle avait cru qu'elle l'était. 
Elle l'est néanmoins sous le rapport de la grosseur, 
car celles qu'on envoie ici ne sont pas plus grosses 
que des œufs de pigeon. Les jésuites en font à Goa. 
Mon fils en a de pleines boîtes que les pères avaient 
envoyées à feu Monsieur avant sa mort. Quand il les 
reçut, la duchesse de Bouillon, qui est morte l'an 
passé, était là. Elle déroba quelques-uns de ces œufs et 
se sauva avec. Monsieur lui courut après pour les lui 
reprendre : ils se sont quasi battus. Madame de Bouillon 
remporta la victoire. C'était fort drôle. Je m*étonne 
qu'en Angleterre on accepte quelque chose qui vienne 
des jésuites et qu'on ait en ce point confiance en eux. 
Je l'ai dit à mylord Stairs; cela l'a fait rire de bon 
cœur... 

On ne parle d'autre chose que de l'ambassadeur 
persan ^ Hier il a fait son entrée à Paris. C'est le plus 
singulier personnage que de sa vie on puisse voir. Il 
a un devin auprès de lui, qu'il consulte pour savoir 
quels jours et quelles heures sont propices ou néfastes. 

1. Voir Journal de Dangeaut XV, et l'addition de Saint-Simon, 
11 novembre 1714. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 161 

Lui propose-t-on de faire telle ou telle chose en un 
jour qu'il ne tient pas pour heureux, il se fâche, grince 
des dents, tire son sabre et son poignard et veut tout 
massacrer... 

Versailles, le 12 mars 1715. 

... A propos de pleurésie, le cardinal de Bouillon 
est mort de cette maladie-là, la semaine dernière, à 
Rome. Ce n'est pas une grande perte, car il était faux 
comme le diable, fort méchant, affreusement débauché 
avec les jeunes gens et très orgueilleux ; en un mot, il 
ne valait rien. C'est là la meilleure oraison funèbre 
qu'on en puisse faire : il n'en mérite pas d'autre... 

Versailles, le S3 avril 1715. 

... J'avoue que la mort du prince de Sicile* m'a 
fort peinée à cause de la reine sa mère. C'est une 
princesse fort vertueuse qui a bien du mérite. Hier je 
reçus de S. M. une lettre qui attendrirait un rocher. 
Elle prend son malheur bien chrétiennement. Elle 
craint bien, dit-elle, d'avoir péché en ne pas se rési- 
gnant immédiatement à la volonté de Dieu, mais « le 
cœur d'une mère fidèle ne saurait être insensible; 
elle souhaite et espère néanmoins de pouvoir avec le 
temps se résigner davantage à la volonté divine. » 
Cette reine' n'avait pas tout* à fait deux ans quand je 
vins en France. Elle n'a jamais connu d'autre mère 

1. Victor-Amédée ï^ de Savoie prit, eo vertu de la paix d'Utrecht, 
le titre de roi de Sicile, en 1713. En 1718, il échangea la Sicile contre 
la Sardaigne, dont il no prit possession qu'en 1720. 

2. Fille de Monsieur et do Henriette d'Angleterre, boUe-fiile par 
conséquent de Madame. 



102 CORRESPONDANCE 

que moi, aussi me tient-elle pour sa vraie mère. Moi 
aussi je l'aime comme si elle était mon enfant. J'aimais 
de tout cœur également sa sœur, la feue reine 
d'Espagne, mais comme une sœur, car je n'avais que 
dix ans de plus qu'elle... 

On m'a conté aujourd'hui une bien drôle d'histoire, 
qui doit s'être .passée en Angleterre. Je voudrais bien 
savoir si elle est vraie. On prétend que le prince de 
Galles assistait à une comédie et qu'on y a joué la 
reine Anne, qui vient de mourir : elle s'enivrait au 
point de se laisser tomber sur une chaise. Un mylord 
doit alors être monté sur la scène, l'épée nue, et aurait 
fait une balafre au comédien... Le prince ayant crié à 
son capitaine des gardes de faire abattre le mylord 
d'un coup de fusil, tout le parterre aurait, dit-on, 
vociféré : « S'il est tiré un coup de fusil, ce sera le 
signal du massacre de tout ce qui est du parti du roi. » 
Et le capitaine des gardes doit avoir dit au prince que 
tirer, cela pourrait aller à Hanovre, mais nullement à 
Londres. Ici l'on dit également que le prince de Galles 
est totalement brouillé avec son père, qu'ils ne se 
parlent pas et qu'on a remis à là princesse de Galles 
une sorte de* supplique, dans laquelle on a dit qu'étant 
pieuse et juste elle devait pourtant ^considérer qu'à 
bon droit le royaume n'appartenait à nul autre qu'à 
celui qu'on nomme le Prétendant, parce qu'il est le fils 
de Jacques II aussi sûrement que son mari à elle est 
le fils du comte de Koenigsmark. Si réellement on 
a dit cela à la bonne princesse, ce serait terriblement 
insolent... 



DE MADAME, DUCIFESSE D'ORLÉANS. 103 

Versailles, le 3 mai 1715. 

... Après le dîner, quand mon petit-flls, le duc de 
Chartres, est venu chez moi, je lui ai donné un spec- 
tacle approprié à son âge. Trois chiens, trois pigeons 
et un chat. Un char de triomphe où est assise une 
chienne nommée Adrienne. Un gros chat traîne le 
char, un pigeon fait le cocher, deux autres font les 
pages, et un chien fait le laquais; il est assis derrière. 
Le chien s'appelle Piquart, et quand la dame descend 
de voiture, Piquart lui porte sa traîne... Le chien danse 
aussi les olivettes* en passant par trois cercles... 

Versailles, le 10 mai 1715, 

... Cette vieille inimitié ne prendra fin qu'avec la 
vie, et tout ce que l'ordure pourra inventer en fait de 
mauvais offices et d'ennuis, elle le mettra en œuvre. 
Il y a un nouveau motif pour cela, à savoir que je n'ai 
pas voulu recevoir son amie de cœur *, que la reine 
d'Espagne actuelle a chassée. Et la cause... estque mon 
fils m'en a priée, car elle est sa pire ennemie, et elle 
l'a voulu publiquement faire passer pour un empoi- 
sonneur. 11 ne s'est pas contenté de prouver son 
innocence, mais il a fait porter au parlement toutes 
les pièces de l'enquête, afin qu'elles y fussent conser- 
vées... 

1. Danse provençalo. 

2. La princesse des Ursins. 



104 CORRESPONDANCE 

Marly, le 14 mai 1715. 

... M. Martini m'a apporté un paquet de votre part, 
avec tous les effets de Téclipse de soleil. Quoique je 
ne sache pas l'anglais, j'en comprends beaucoup de 
choses, parce que je connais les planètes et les 
constellations. Je vais donner cela à un de mes gens 
qui demeure à Saint-Germain : il y trouvera bien 
quelques Anglais sachant assez de français pour le 
traduire... Cela est bien plus exact et plus curieux 
que ce que je vous ai envoyé. De telles choses me 
divertissent plus que d'être obligée de jouer au lans- 
quenet dans un salon... 

Marly, le 18 jain 1715. 

Vendredi... à neuf heures du matin, j'irai au Palais- 
Royal pour dîner avec mes petits-enfants, le duc de 
Chartres et M"** de Valois. Après le dîner je les con- 
duirai tous deux au collège des jésuites, pour voir 
une comédie jouée par les élèves, qui sont presque 
tous des enfants de condition. Mon fils y a entre autres 
un enfant qu'il a de la Sery, mon ancienne fille d'hon- 
neur. On l'appelle le chevalier d'Orléans. Le gamin est 
fort intelligent, mais il n'est pas joli et il est petit 
pour son âge. Mon petit-fils, son frère, l'aime fort et 
se réjouit beaucoup en vue de ce jour-là... 

Marly, le 12 juillet 1715. 

... Chez les jésuites d'ici on ne joue pas de pièces 
religieuses, les deux au moins que j'ai vues n'en 
étaient pas. L'une avait pour sujet un duc de Bour- 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 165 

gogne, et l'autre était Esope au collège... A Saint-Cyr, 
M"" de Maintenon a fait faire quelques pièces reli- 
gieuses par M. Racine, comme Ester et Attalie. Elles 
sont extraordinairement belles et il ne s'y trouve pas 
de sots bavardages... 

Je voudrais de grand cœur entrer en correspon- 
dance avec la princesse de Galles, car j'aime sa 
Dilection bien cordialement, mais entre nous soit dit, 
on est fort pointilleux ici pour ce qui est de la cour 
d'Angleterre. Quelque grande que soit mon envie, je 
ne peux donc pas commencer la chose en ce temps 
ci; si cela change, je n'y manquerai certes pas... 

Marly, le 18 juillet 1715. 

... Mardi on a couru le cerf... J'avais emmené l'une 
des filles de mon fils, qui de sa vie n'avait assisté à 
une chasse... On l'appelle M"» de Valois; c'est une 
jeune fille de quatorze ans. Quand elle était une 
petite enfant je croyais qu'elle deviendrait très belle; 
mais j'ai été grandement déçue : il lui est venu un 
grand nez aquilin qui a tout gâté... Je croîs deviner 
d'où cela vient : on lui a permis de prendre du tabac ; 
c'est ce qui a fait tellement pousser ce nez... 

... Vous avez perdu beaucoup des vôtres, mais, 
chère Louise, le monde est ainsi fait : ou bien il faut 
mourir soi-même ou voir mourir ceux qu'on aime. 
On pourrait appliquer à cela ce que feu M'"« de Bré- 
gie ^ avait coutume de dire : a Gela est bien desobli- 
gent. y> Un jour que, dans mon cabinet, elle était 

1. De Brégis. 



100 COURESPOINDANCE. 

assise par terre dans un coin, elle se mit à faire cette 
exclamation-là : « Que dites-vous ? lui demandai-je. 
— Madame, me répondit-elle, je faissais reflection 
tout à l'heure, que nous sommes avant que de naistre 
dans un néant très propre; nous ne demandons point 
à venir en ce monde, on nous y met sans demander 
nostre advis, cela est bien desobligent. Nous sommes 
en ce monde, nous y avons bien du mal, cependant 
nous y accoustumons et nous n'en voulions point 
sortir. On nous prend, quand nous y songeons le 
moins, et on nous en fait sortir malgré nous, cela 
est bien desobligent... » 

Marly, le 8 août 1715. 

... Les lettres de ma fille me sont agréables, mais 
elles ne sont pas amusantes, car ou bien elle est 
malade ou enceinte^ ou bien elle a d'autres sujets de 
plaintes. La reine de Sicile... est à cette heure encore 
plongée dans une tristesse profonde parce qu'elle a 
perdu son fils aîné. Les lettres de la reine d'Espagne 
à Rayonne^ ne sont que compliments, commissions 
et toujours des commissions, fort ennuyeuses souvent ; 
c'est ainsi, par exemple, qu'elle veut quelquefois faire 
de tel ou tel un évêque, de tel autre un capitaine de 
gardes ; puis elle demande une abbaye pour l'un, une 
pension pour l'autre. Mais si je dis le mal, il me faut 
dire aussi le bien. Je suis fort obligée à la bonne 
reine : elle a beaucoup contribué au raccordement 
de mon fils avec le roi d'Espagne, par l'entremise de 

1. Mario- Anne de Neubourg, veuve de Charles II. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 1G7 

la reine, sa nièce... Je peux donc en vérité vous 
dire, chère Louise, que vos lettres sont les plus 
agréables que je puisse recevoir... 

Versailles, le 15 août 1715. 

... Notre roi, hélas I n'est pas bien. J'en suis an- 
goissée à en être à moitié malade ; je ne mange ni ne 
dors bien. Fasse Dieu que je me trompe ; mais si le 
malheur que je redoute devait arriver, ce serait le 
plus grand qui pût m'advenir présentement. Si j'en 
devais dire les détails ce serait chose si affreuse que 
je ne saurais y penser sans avoir la chair de 
poule... 

VoQdredi 16 août 1715, à 4 h. moins un quart. 

.,.NGrâces en soient rendues à Dieul j'ai trouvé le 
roi bien mieux portant qu'hier au soir ; il était très 
gai... mais je ne suis pas tout à fait à mon aise en- 
core... 

J'ai donné audience à M. d'Imhof. Il m'a fait une 
proposition que je n'ai pas acceptée, savoir de com- 
mencer un commerce par lettres avec la princesse 
Louise de Wolfenbiittel. Cela ne m'irait nulle- 
ment..* 

Versailles, le 20 août 1715. 

».. On peut avoir fait, au nom du roi Jacques, bien 
des choses dont il n'a rien su ; les prêtres en sont 
fort capables. Toutes ces haines à propos de religion, 
les prêtres, de part et d'autre, en sont la causer. . 

M™» de Maintenon n'a pas été malade : elle est alerte 



> ■■ 



168 CORRESPONDANCE 

et bien portante. Plût à Dieu que notre roi fût en 
aussi bonne santé I Je serais moins inquiète que je 
ne le suis, hélas!... 

Versailles, le 27 août 1715. 

... Nous avons eu hier le spectacle le plus triste et 
le plus touchant que de la vie on puisse voir. Notre 
cher roi, après s'être préparé à la mort, après avoir, 
comme c'est la coutume ici, reçu les derniers sacre- 
ments avant-hier à huit heures du soir et avoir or- 
donné toutes choses comme il entend qu'elles se fas- 
sent après sa mort, s'est fait apporter le petit Dau- 
phin, lui a donné sa bénédiction et lui a adressé des 
exhortations. Puis il nous a fait venir , la duchesse 
de Berry, moi^ toutes ses autres filles et petits-enfants. 
Il m'a dit adieu avec des paroles si tendres que je 
m'étonne encore moi-même de n'être pas tombée droit 
sans connaissance. Il m'a assuré qu'il m'avait toujours 
aimée et plus que je ne le pensais moi-même, qu'il 
regrettait de m'avoir parfois causé du chagrin... Je 
me jetai à genoux, pris sa main et la baisai; il m'jem- 
brassa. Puis il parla aux autres, disant qu'il leur re* 
commandait d'être unis. Je crus qu'il me le disait à 
moi. a En ceci, ma vie durant, répondis-je, j'obéirai 
à V. M. » Il se tourna vers moi, et, en souriant : « Je 
ne vous dis pas cela à vous, fit-il, car je sais que vous 
n'avez pas besoin qu'on vous le recommande, vous 
êtes trop raisonnable pour cela ; je le dis aux autres 
princesses... » Le roi a une fermeté dont on ne se fait 
pas idée. Â tout moment il donne des ordres, comme 
s'il' allait simplement partir pour un voyage... Il a 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 169 

tout recommandé à mon fils et Ta fait régent avec une 
tendresse telle qu'on en a Pâme pénétrée... 

Il n'est pas vrai que M™* de Maintenon soit morte : 
elle est en parfaite santé, elle se tient dans la cham- 
bre du rôi, qu'elle ne quitte ni jour ni nuit. 

... Le roi est d'une bonne et forte constitution; je 
crois qu'on aurait pu le sauver si on s'y était pris à 
temps... Je ne crois pas que si M™» de Maintenon 
venait à mourir, elle léguerait sa fortune à la maison 
de Saint-Cyr; en effet, elle a auprès d'elle la fille de 
son propre frère, la duchesse de Noailles, qui a des 
enfants, et, de plus, elle a d'autres parentes en- 
core... 

Versailles, le 6 septembre 1715. 

... J'ai été si accablée et si horribleoient triste qu'il 
m'a été impossible de vous écrire; j'ai ménagé mes 
pauvres yeux mouillés pour la correspondance avec 
ma fille, le vendredi et le mardi. Dimanche dernier* 
notre roi est mort à huit heures et demie du matin... 
Je suis dans une profonde tristesse tant parce que 
j'ai perdu le roi que parce qu'il me faut habiter ce 
maudit Paris pendant toute une année. Mais si j'y 
tombe malade, je me sauverai et irai à Saint- 
Cloud... 

C'a été pour moi une grande consolation de voir 
tout le peuple, les troupes et le parlement entier se 
déclarer pour mon fils, tandis que ses ennemis, qui 
ont trompé le roi sur son lit de mort et lui ont fait 

1. Dimanche l^r septembre 1715. 

II. 10 



'îÀïy-.-^ r. .' 



17i) CORIIESPOISDANGE 

signer une pièce dirigée contre mon cher fils, ont eu 
l'affront de le voir publiquement déôlaré régent, et 
eux et leur cabale ont dû céder la place. Mon fils 
s'occupe des affaires avec un tel zèle qu'il n'a plus de 
repos ni jour ni nuit. J'ai peur maintenant qu'il n'en 
tombe malade, et d'autres pensées tristes, que je ne 
saurais vous dire, me traversent la tête : je ne suis 
donc pas entièrement consolée. Mon fils a parlé pu- 
bliquement aupariement : on assure que son discours 
n'a pas mal été... Ce que vous nous "souhaitez- pourrait 
se faire sans intervention miraculeuse, car le jeune 
roi est fort délicat... 

Paris, le 10 septembre 1715. 

.». Hier on a mené feu notre roi à Saint-Denis. 
Toute la famille royale est dispersée comme une volée 
d'étourneaux. Le jeune roi est allé hier à Vincennes, 
la duchesse de Berry à Saint-Gloud, la femme de mon 
fils et moi nous sommes venues ici ; mon fils ne nous 
a rejointes qu'après avoir mené le jeune roi à Vin- 
cennes. Quant aux autres, je ne sais où ils ont 
passé. . . 

Paris, le 13 septembre 1715. 

... Le roi, de lui-même, était bon et juste, mais la 
vieille-femme lui avait si bien persuadé que personne 
au monde, sauf elle et ses ministres, ne prenait à 
cœur ses intérêts, qu'il n'avait confiance qu'en elle, 
en son confesseur et en ses ministres. De cette façon, 
et comme le bon roi n'était pas très savant, la vieille 
femme^ et le confesseur pour le spirituel, et les mi- 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 171 

nistres pour le temporel, lui ont fait accroire tout ce 
qu'ils ont voulu. Les ministres, pour la plupart, 
n'étaient que des créatures de la vieille ordure; je 
peux donc dire avec vérité que tout le mal qui s'est 
fait ne provenait pas du roi... 

Mon fils... me semble bien résolu à se conformer 
aux derniers ordres du roi et à vivre en paix avec ses 
voisins. Je crois que si cela ne dépendait que de lui, 
il viendrait volontiers en aide à tous les opprimés... 
Mais pour prouver qu'il ne veut pas gouverner à sa 
fantaisie, il a déjà institué différents conseils... et il 
est diflScile de croire que le conseil des affaires ecclé- 
siastiques, qui ne sera composé que de prêtres, se 
montre favorable aux réfugiés. J'ai pris la résolution 
de ne me mêler de rien. Malheureusement la France, 
soit dit entre nous, a trop longtemps été gouvernée 
par des femmes; pour ce qui est de moi, je ne veux 
pas être cause qu'on puisse faire ce reproche-là à 
mon fils... 

Il est vrai que tout le monde croyait le roi mort 
quand M'"« de Maintenon est partie; elle-même le 
croyait parce qu'il avait été pris d'un long évanouis- 
sement, mais il est revenu à lui, et la vie ne l'avait pas 
encore abandonné, comme je vous l'ai déjà dit... Il est 
resté ferme jusqu'au dernier moment. Il a dit en 
riant à M™*' de Maintenon : « Je m'imaginais qu'il 
était plus difficile de mourir que cela; je vous assure 
que ce n'est pas une grosse affaire : cela ne me paraît 
pas malaisé du tout... » Il est resté deux fois vingt- 
quatre heures sans parler à personne. Durant ce 
temps il n'a fait que prier, disant sans cesse : « A 



472 CORRESPONDANCE 

quoy tient-il, mon Dieu, que vous ne me pre- 
nies? »... 

Paris, le 17 septembre 1715. 

... Le parlement a reconnu le droit de mon fils lors 
qu'il Ta fait valoir au nom de sa naissance. Il avait 
d'autant plus raison de le faire que le roi, avant sa 
mort, lui avait dit qu'à la vérité il y avait un testa- 
ment, mais qu'il le devait modifier à sa guise s'il y 
trouvait quelque chose qui ne lui convînt pas. Ce tes- 
tament était tout en faveur du duc du Maine ; il n'est 
donc pas difficile de deviner qui l'a dicté... 

Paris, le 27 septembre 1715. 

... Je VOUS réitère mes remerciements pour la pou- 
dre de mylady Kent. Je ne la donnerai pas à examiner 
à un docteur, car ils n'ordonnent d'autres remèdes 
que les saignées, les purgations, les lavements, les eaux 
et le lait d'ânesse. 

... Quand j'avais la petite vérole, je pris de la pou- 
dre de mylady Kent; le médecin de M'"« la Dauphine 
s'écria : « Madame a pris une poudre qui la tuera 
infailliblement; contes* qu'elle est mortel » On lui 
demanda s'il connaissait cette poudre. « Non, dit-il, 
mais prendre une poudre sans se faire saigner 1 contes 
qu'elle est morte! » Quand je fus remise et que je le 
revis, je lui dis en riant : « Les gens que vous tuez 
se portent assez bien. Aprenes par cecy, pour ne pas 
vous tromper, monsieur Bourdelot (ainsi se nommait- 

1. Comptez. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLEANS. 173 

iJ), de ne pas juger de ce que vous ne cognoisses pas 
et que d'autres savent mieux que vous! » Cet homme 
fut tellement confus qu'il n'y put tenir et qu'il s'en 
alla... 

... Cela pourrait bien arriver, mais ce serait quand 
même un malheur, car je crois qu'il en résulterait 
une guerre acharnée. Le jeune roi est fort délicat, je 
voudrais bien qu'il pût vivre jusqu'à ce que mon fils 
ait tout remis en ordre... 

Paris, 1g 1er octobre 1715. 

... Il y a quelques années le jeu d'échecs était très 
à la mode ici, mais je ne m'y suis pas adonnée, je le 
trouve trop difficile pour ma méchante cervelle... 

Je suis peinée que le marquis de Rochegude fût 
triste en vous quittant, mais il devrait bien savoir 
comment vont les choses ici et que mon fils ne peut 
pas tout faire ce qui devrait être fait. Je ne m^infor- 
merai pas moins de ce qu'on peut faire pour les pau- 
vres galériens. Je parlerai d'eux sans nommer per- 
sonne. Si cela réussit, j'en serai fort aise; si cela ne 
réussit pas, eh bien! j'aurai fait mon devoir et n'au- 
rai rien à me reprochei*. Je crains que le conseil de 
conscience ne permette pas à mon fils de faire quelque 
chose pour les pauvres réfugiés, car les prêtres 
seront toujours les prêtres. Mais il faut que j'aille à 
l'église. 

... Ce n'est pas vrai que le roi d'Espagne ait fait 

remettre une protestation. Il nous a écrit à tous, et 

il est fort content. Il promet aussi de vivre en paix 

avec nous... 

10. 



174 CORRESPONDANCE 

Paris, le 8 octobre 1715. 

... Je vous ai quand même tenu parole, et en 
cachette j'ai sollicité pour les pauvres galériens. On 
m'a fait des promesses; mais n'en dites rien à âme qui 
vive, chère Louise. Pourvu que le conseiT de con- 
science ne me gâte pas la chose l... Dites-moi donc, 
je vous prie, ce que mon fils a fait pour complaire au 
roi d'Angletere... 

Paris, le 11 octobre. 

... La princesse de Galles et moi nous sommes en 
correspondance maintenant. Vous pouvez l'assurer 
•que j'ai exécuté son ordre et que j'ai déjà donné ses 
instructions à M"" Catherine Vezian... Je lui ai indiqué 
l'endroit où l'on fait bien les layettes ; mais je crains 
qu'elle ne m'ait pas bien compris : elle tremblait de 
tous ses membres en me parlant. . 

Paris, le 15 octobre 1715. 

... A l'instant je rentre de la promenade : j'ai été 
dans un petit bois qu'on nomme le bois de Boulogne. 
Il s'y trouve un vieux château bâti par François P*". 
On l'appelle Madrid, parce que ce roi l'a fait élever 
sur le modèle du château de Madrid, où il était pri- 
sonnier... 

Je ne sais ce que mon fils a dit à mylord Stairs au 
sujet des galériens, mais je puis vous assurer que je 
lui en ai parlé; il m'a donné bon espoir. Cependant, 
a-t-il ajouté, il faut qu'ils prennent patience; pour 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 175 

différents motifs, il ne lui est pas possible de mener 
la chose promptement... 

Les Anglais sont une affreuse nation de conspirer 
ainsi contre un roi qu'ils ont eux-mômes choisi et 
appelé et contre tant d'innocents Allemands. Un 
Anglais qui est ici, lord Douglas, m'a raconté qu'Her- 
vey a d'abord tout nié, jusqu'à ce qu'on lui eût mon- 
tré sa propre lettre ; alors il a pris la résolution de se 
tuer et l'a' mise à exécution. Grâces soient rendues à 
Dieu que le roi et toute la famille royale, ainsi que 
vous, chère Louise, vous ayez si heureusement échappé 
au danger... Dans les derniers temps, la vieille femme 
et les ministres ont fait bien des choses à Tinsu du 
roi. On ne peut pas trouver mauvais que le jeune roi 
Jacques veuille remonter sur son trône, mais ceux de 
son parti devraient faire une guerre loyale et non 
pas avoir recours à l'assassinat. Il n'est pas étonnant 
que les Anglais s'imaginent qu'on peut facilement se 
faire Turc, car il est bien facile de leur faire adopter 
les idées religieuses les plus saugrenues. Feu ma 
tante aimait beaucoup les Turcs; elle disait qu'ils 
étaient de braves gens. Vous avez fort bien fait, ma 
chère, de ne pas m'envoyer la vie de Rochegude. Cela 
aurait tout pu gâter. 

Paris, lo 24 octobre 1715. 

... Je suis bien de votre avis : les Anglais se met- 
traient à haïr un ange du ciel, s'ils l'avaient choisi 
pour roi. Quand je vous écrivis la dernière fois,' je ne 
savais rien de ces vaisseaux remplis de mousquets, 
mais je l'ai appris depuis. Mon fils me Ta raconté : sa 



176 CORRESPONDANCE 

colère était grande de ce qu'on eût contrevenu ainsi 
aux stipulations du traité de paix... Si les pauvres galé- 
riens ne sont pas relâchés, ce ne sera pas de ma faute; 
je fais de mon mieux, comme un joueur de violon qui 
racle tout seul*... 

Je vois beaucoup d'hommes, mais peu de femmes 
chez moi. Celles-ci ne veulent pas venir me voir parce 
que je ne peux souffrir qu'elles se présentent devant 
moi toutes débraillées et en écharpe, comme on va 
chez M™®' d'Orléans et de Berry. Les jeunes gens ne 
savent pas en quoi consiste le respect : ils n'ont 
jamais vu de vraie cour. 

j^Paris, le 29 octobre 1715. 

... Ce soir le bruit court que le comte d'Argyle a été 
battu en Ecosse et que les rebelles se sont emparés 
de la ville de Bristol. Je souhaiterais, je vous l'avoue, 
que le roi George et toute la famille royale fût à 
Hanovre... 

Dieu sait qui m'a envoyé ce catéchisme : la lettre 
n*est pas signée. J'imagine que c'est Langallerie, mais 
il me semble qu'il ne réfléchit pas à ce qu'il fait, car 
que peut- on avoir de mieux que le catéchisme de 
Heidelberg*? Quand on a soixante- trois ans, on a for- 
cément des idées bien arrêtées en fait de religion. Je 
suis de l'avis de saint Paul, qui ne veut pas que l'on soit 
ou du parti de Paul ou du parti de Kephas, mais bien 
de celui du Christ. C'est à quoi je veux m'arrêter, 

1. Proverbe allemand. 

2. Que Madame savait par cœur. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 177 

autant qu'il est en moi, et vivre et mourir dans cette 
foi avec Taide de Dieu... 



Paris, le 14 novembre 1715. 

... Je ne peux pas croire que le duc d'Argyle soit 
fidèle au roi, du moment qu'il a laissé échapper tant 
de rebelles. Beaucoup d'autres, à ce que je pense, 
vont abandonner le roi George^ maintenant que le 
chevalier de Saint-Georges est en Ecosse. On m'a 
raconté ce soir comment il s*est échappé. Il était à 
Commercy, chez le prince de Vaudemont, à courir le 
cerf. Après la chasse le prince fit à ses invités un 
retour de chasse : on resta à table jusqu'à quatre heures 
du matin. En entrant dans sa chambre, le chevalier 
dit qu'il se couchait trop tard pour se lever de bonne 
heure et qu'on devait le laisser dormir jusqu'à 
deux heures de l'après-dînée. Quand ses gens allèrent 
pour le réveiller à cette heure, ils ne trouvèrent per- 
sonne dans le lit, s'effrayèrent et coururent vers le 
prince de Vaudemont. Celui-ci feignit de ne rien savoir 
et déclara qu'il fallait se mettre à la recherche du 
chevalier. Après l'avoir vainement cherché pendant 
une heure, le prince de Vaudemont dit : « Mettons-nous 
à table, car tous les ponts-levis sont levés, et de 
trois jours personne ne pourra sortir de ce château. » 
C'est ainsi que le chevalier est arrivé incognito en 
Bretagne. 11 s'est donné comme un voyageur, il a loué 
une barque de pêcheur qui^l'a mené en mer à un na- 
vire écossais, où se trouvaient beaucoup de seigneurs 
d'ÉcQssc qui l'ont accompagné dans ce pays. 






178 CORRESPOxNDANGE 

P. S. — C'est bien à tort que mylord Stairs accuse 
mon fils d'avoir favorisé la fuite du roi d'Angleterre. 
Comment peut-il savoir ce qui se passe à Commercy ? 
et, du moment que le chevalier de Saint-Georges a tra- 
versé la Bretagne incognito, comment mon fils a-t-il 
pu deviner qu'il s'y trouvait ? On ne l'a informé de la 
chose qu'au bout de huit jours; quand il a envoyé du 
monde là-bas, tout était déjà fait... 

Paris, lo 22 novembre 1715. 

... La princesse de Galles m'a décrit aussi la céré- 
monie de mylord maire *. Je me souviens que jadis 
j'en ai entendu parler par Sa Grâce, notre père. 
Mylord maire ne porte-t-il pas une baguette ou canne 
longue et mince, garnie d'argent ? 

... Les ambassadeurs vénitiens ne sont d'ordinaire 
pas très polis. 

Paris, le 10 décembre 1715. 

. . . Hier, une bourgeoise de Strasbourg, une connais- 
sance de M*°« de Rathsamhausen, m'a fait cadeau d'un 
plat de choucroute avec du lard et un canard. Ce 
n'était pas mauvais, mais c'étaient des choux français 
qui ne valent pas de loin nos choux allemands, ils 
n'ont pas assez de montant, et on ne les avait pas 
coupés assez menu : c'est qu'ici on n'a pas les couteaux 
qu'il faut pour cela... 

Je ne dirai plus rien de ma foulure à la main, j'ai 
été guérie en deux jours et une nuit, grâce à la pom- 

1. Du lord-mayor de Londres. 



. DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 170 

made divine et à l'huile de Fioraventi... La pommade 
divine est une précieuse chose; lors même que j'ai 
la fièvre, je m'en frotte l'estomac, et quand je tousse, 
je m'en frotte la poitrine... 

L'histoire de la dame qui a épousé un batelier est 
plaisante et m^en rappelle une qui s'est passée cet été. 
Une dame de Lorraine, qui se nomme M"" de Rosière, 
voulut faire une visite à une demoiselle du voisinage, 
qui est de la maison de Choiseul. Tout le monde la 
connaît ici, elle était fille d'honneur de la duchesse 
du Maine. M^*« de Rosière s'en vint donc chez 
M"« de Choiseul. On lui dit de monter dans sa 
chambre. En y entrant, elle la trouve au lit avec son 
jardinier à elle, qui se nomme Grandcolas. M°*« de Ro- 
sière, saisie d'effroi, lui dit : «Ah! bon Dieu! 
mademoiselle, qu'est-ce que mon jardinier fait dans 
votre lit ? » M"« de Choiseul lui répond qu'il est dans 
. son lit parce qu'il est son mari et qu'elle l'a épousé 
par reconnaissance; vu qu'étant tombée à l'eau quel- 
ques jours auparavant, Grandcolas seul était venu 
à son secours et lui avait sauvé la vie, elle n'avait su 
lui témoigner sa reconnaissance qu'en l'épousant, ce 
qu'elle afait àl'insu de ses parents et contre leur gré. 
Elle a voulu le faire anoblir par le duc de Lorraine, 
sans y réussir ; elle a tenté la chose auprès du roi : 
même insuccès, et de cette façon la fière M^^** de Choi- 
seul est restée M™* Grandcolas... 
M. Leibniz ^, à qui j'écris quelquefois, m'assure, à 

l. M. l'archiviste Klopp, dans une addition à l'édition de M. Hol- 
land{II, p. 684), dit ayoir trouvé dans les archives do Hanovre douze 
lettres au moins de U duchesse à Lcibiiii/,. Elle servait diulermédiaire 



180 CORRESPONDANCE 

la satisfaction de ma vanité, que je n'écris pas mal 
l'allemand. Ce m'est une vraie consolation, car je serais 
désolée si je l'avais oublié... 

Paris, lo 27 décembre 1715. 

... A propos de la comtesse de Roye, j'ai signé 
aujourd'hui au contrat de mariage de son fils, le che- 
valier de Roye... 11 épouse une femme du commun, 
elle s'appelle Fronte ^ : elle est fille de gens qui ont été 
dans les affaires. Elle lui apporte un million en dot, 
mais si j'étais de lui, je ne voudrais pas pour un million 
m'encanailler de la sorte, car il est de bien bonne et 
grande maison... 

Il est certain que le chevalier de Saint-Georges n'a 
pas mis les pieds à Saint-Germain ; mais Dieu seul sait 
où il est... On n'a jamais eu l'idée de marier M'*® de 
Chartres au chevalier de Saint-Georges ; le bruit, il 
est vrai, en a couru ; mais jamais les intéressés n'y 
avaient pensé... 

Mardi, le 3 janvier (1718), 3 h. de l'après-dtnée. 

... Notre jeune roi aux Tuileries est, Dieu merci, en 
bonne santé ; il n'a pas été malade un seul instant. Il 
est très vif et ne reste pas un moment dans la même 
posture. Pour dire la vérité vraie, c'est un enfant 
mal élevé : on lui permet tout, de peur quMl ne tombe 

entre le philosophe allemand et Tabbé de Saint-Pierre (Chaxles-Irénéo 
de Saint-Pierro, et non Bernardin, comme dit M. Klopp). Brockhaus, 
Cœiversatioîislexikon, 12« édition, confond l'abbé de Saint-Pierre avec 
son frère le jésuite, lequel fut aumônier de Madame. 
1. Fronde (Dangeau, G déc. 1715). 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 181 

malade. Je suis convaincue que si on le corrigeait 
il ne se passionnerait pas autant, et cela peut lui nuire 
plus que de lui laisser faire toutes ses volontés ; mais 
chacun veut être dans les bonnes grâces du roi, 
quelque jeune qu'il soit. Jusqu'ici il ne semble pas 
que le roi Philippe i ne veuille pas tenir compte de 
«a renonciation*. Dieu nous préserve de nouvelles 
guerres!... Partout où les jésuites et les méchants 
prêtres n'ont pas le dessus, ils ne sont pas à craindre... 
Les extirper, ce serait trop dur. Il suffit de ne leur 
accorder aucun pouvoir. En France, les couvents de 
jésuites ne sont pas riches. On ne les nourrit pas non 
plus aussi bien qu'en Allemagne. 

... A cette heure Tagitation guerrière va bien com- 
mencer en Angleterre, maintenant que l'Ecosse a 
reconnu le jeune roi.'. Précédemment il y avait donc 
aussi des rois d'Angleterre et des rois d'Ecosse. Si 
notre roi Georges gardait Tlrlande, l'Angleterre et tout 
ce qu'il possède en Allemagne, il serait quand même 
un grand roi et pourrait laisser à l'autre son Ecosse, 
où il doit pourtant y avoir tant de catholiques... 

Paris, le 21 janvier 1716. 

... Hier j'avais autour de moi vingt-neuf princes, 
comtes et seigneurs allemands... Le prince d'Anhalt 
n'est pas mal fait, mais il s'imagine être beau, tandis 
qu'il est fort laid et d'humeur singulière. Chaque jour 
la Rathsamhausen lui conte une autre bourde. Il est 

1. D'Bspagno. 

2. Au trône de Franco. 

3. Jacq-ies Stuirt. 

11. u 






182 CORRESPONDANCK 

amoureux d'une des filles de mon fils, M^^' de Chartres . 
quand il la voit, il fait de telles grimaces, qu'on n*y 
peut tenir, il faut qu'on rie quoiqu'on en aie... 

L'année où votre frère Charles-Louis vint ici, j'étais 
en fort mauvais termes avec le chevalier de Lorraine, 
et le faux bruit courait que j'avais fait venir 
Charles-Louis pour qu'il me vengeât du chevalier. 
Beaucoup de cavaliers de la cour, de braves gens 
vinrent me supplier au nom du ciel de les accepter 
pour seconds du raugrave. Je ris de bon cœur et 
répondis que je ne voulais nullement qu'il y eût une 
batterie. Je ne sais si le chevalier en avait entendu 
parler ou non, toujours est-il qu'un jour que nous 
étions dans ma chambre, Charles-Louis et moi et 
beaucoup d'autres Allemands encore, le chevalier 
arriva. Lorsqu'il nous aperçut, nous autres Allemands 
tous réunis, il tourna court et se sauva comme s'il 
avait vu le diable. Un de ses bons amis lui demanda : 
« Où courez-vous donc si vite ? — Madame ne n'aime 
pas, répondit-il, elle est entourée de son raugraff et 
encore d'autres grands Allemands ; j'y pourrais mal 
passer mon temps, c'est pourquoy je pris le parti le 
plus sur; car qui sait ce qui oroit pust m'arriver, si 
Madame disoit mot parmi tous ces Allements ? ils sont ' 
mauvais railleur. Dieu sait ce qui me seroit arrives. » 
Tous ceux qui entendirent la chose en ont ri de bien 
bon cœur. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 183 

Paris, le 11 février 1716. 

... Je suis vraiment désolée que la peste règne à 
Celle. Les juifs qui l'y ont apportée méritent d'être 
punis... 

Paris, le 21 février 1716, à minuit. 

... Il faut que je vous dise encore ceci — car j'en 
étouffe — c'est le pape et le roi d'Espagne qui ont 
donné l'argent au prétendant. Le pape lui a donné 
trente mille livres et le roi^d' Espagne trois cent mille 
écus. De mon fils il n'a pas eu un liard... 

Paris, le 28 février 1716, 1 h. du matiu. 

... Le chevalier de Saint-Georges est auprès de sa 
mère ; mon fils l'a fait prier de quitter la France... 

Paris, 2 h. du matin, le 4 avril 1716. 

» 

... J'*ai oublié de vous dire que mon fils et moi nous 
tenons sur les fonts la princesse nouveau-née du roi 
de Prusse... 

Paris, le 7 mai 1717, 7 h. du soir l* 

... On attend le czar cette nuit. Il n*a pas voulu 
arriver de jour. * 

PanSj le 14 mai 1717. 

Très chère Louise, j'ai eu aujourd'hui la visite de 
quelqu*un de grand, savoir de mon héros, le czar. Je 

1. i)e 1716 à 1717, la santé de Madame fut fort mauvaise. Elle n'en 
écrivit pas moins très régulièrement à la raugrave, mais ses lettres sont, 
à peu d'exceptions près, fort courtes. Aucune n'oit intéressante. 






184 CORRESPONDANCE 

le trouve bien, ce que jadis nous appelions « bien », 
c^est-à-dire quand on est sans façon et sans aucune 
affectation. Il a bien de Tesprit ; il parle, à la vérité, 
un fort mauvais allemand, mais il est très intelligent 
et se fait fort bien comprendre. Il est poli avec tout 
le monde et très aimé. Je Tai reçu dans un singulier 
accoutrement : je ne peux pas encore mettre de cor- 
set et me présente comme je sors du lit, en chemise 
de nuit, en camisole et robe de chambre avec une 
ceinture... 

Jeudi, le 5 août, 8 h. da soir. 

... A rinstant je reviens de la promenade et je fais 
deux choses à la fois : je vous écris et je fais ma 
partie de hocca. Vous me portez bonheur, car mon 
chiffre est déjà sorti trois fois depuis que je vous 
écris... 

... J'attendais votre lettre avec une vive impatience ; 
j'étais bien inquiète, chère Louise, au sujet de votre 
voyage sur mer, car c'est un maudit élément. Grâces 
soient rendues à Dieu de ce que vous soyez bien arri- 
vée à Francfort !... Gela ne me surprend nullement 
que le roi d'Angleterre ne vous ait rien donné, car 
d'après ce que j'entends dire de S. M., il est comme 
le pauvre duc de Gréqui avait coutume de dire : 
« Il ressemble à l'arbalettre de Goignac, il est dur a la 
dessere. »... 

L'air de Saint-Cloud me fait du bien... Depuis diman- , 
che passé la femme de mon fils est auprès de nous ; 
c'est pour lui complaire que je joue au hocca le 
soir... 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 485 

Saint-Cloud, le 19 août 1717. 

... 11 ne me plaît pas du tout que Télecteur actuel^ 
veuille résider à Dusseldorf et quitter le pauvre Pala- 
tinat. On m'avait fait espérer qu'il ferait réédifier et 
restaurer le pauvre château de Heidelberg... 

Saint-Cloud, le 2 septembre 1717, 8 h. du matin. 

... Ma santé. Dieu merci! est fort bonne et si je ne 
ressentais pas de temps en temps des douleurs aux 
genouxj je pourrais dire qu'elle est parfaite. Le vin 
amer à l'huile de copahu me fait grand bien. Il ne 
purge pas, ne produit pas d'effet extérieurement, mais 
il vous fortifie et vous fait uriner plus qu'en temps 
ordinaire, cela empêche pieds et jambes d'enfler. Un 
intendant qui est gentilhomme, M. de Vaucresson, 
m'a fait il y a trois jours un beau cadeau, savoir deux 
petites caves en laque rouge, chacune contenant deux 
petites fioles de très vieille huile de copahu : c'est là 
un beau présent, car la véritable huile de copahu est 
fort rare. 

Saint-Clond, le 4 septembre 1717. 

... Nous n'avons pas joué gros jeu au hocca, dix 
sous seulement, mais chez le roi l'enjeu était toujours 
d'un louis. C'est ainsi qu'à la chasse au sanglier, dans 
une voiture, l'archevêque de Reims perdit deux mille 
louis en une demi-heure. Il tenait la banque. Il est 



1. L'électeur palatin, Charles-Philippe, de la branche de Neabourg, 
laqueUe, depuis 1666, possédait définitivement les duchés de Juliers et 
Clèves. 



il-' •' 



m CORRESPONDANCE 

rare que les banquiers perdent, et le jeu a été défendu 
parce qu'ils y gagnaient trop. 

Saint-Cloud, le 18 septembre 1717. 

... J'ai posé à M. et M"« Zachmann bien des ques- 
tions au sujet de Heidelberg.* Je suis bien aise que la 
ville soit rebâtie et qu'on travaille de nouveau au châ- 
teau; mais ce quime fâche fort, c'est qu'un couvent de 
jésuites s'élève à la place du commissariat. Les jésuites 
ne conviennent pas à Heidelberg, aussi peu que les 
moines franciscains... Mon Dieu! combien de fois 
n'ai-je pas mangé des cerises sur la montagne à cinq 
heures du matin, avec un bon morceau de pain. J'étais 
plus gaie alors que je ne le suis présentement... 

» Saint-Cloud, le 30 septembre 1717. 

... Vous aurez appris que le pape a fait arrêter my- 
lord Peterborough à Boulogne ^, en Italie. Personne 
n'en sait la cause. Pendant quatre jours il s'est pro- 
mené en habits de femme; malgré toute son intelli- 
gence, cet homme est timbré... On lui a demandé, 
dit-on, s'il était venu pour assassiner le chevalier de 
Saint-Georges sur l'ordre du roi d'Angleterre. « Non, 
aurait-il répondu,»le roi est incapable de donner un 
pareil ordre; » mais, doit-il avoir ajouté,. je ne me. 
porte pas garant pour le prince de Galles, car celui- 
ci en est bien capable... 

l. Bologne. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 187 

Saint-Cloud, le 9 octobre 1717. 

... On appelle ici les capucins les laquais des jé- 
suites, car ils font toujours ce que ceux-ci veulent. 
Tous les jésuites sont tellement détestés à Paris qu'il 
est impossible qu'ils le soient davantage dans le Pala- 
tinat. Il y a d'honnêtes gens parmi eux, mais la plu- 
part sont très intrigants et par trop entreprenants, 
comme nous l'avons vu par deux confesseurs du 
roi... 

Saint-Cloud, le 17 octobre 1717. 

... Il n'est pas étonnant que le défunt électeur*, ait 
fait des dettes; il déployait, à ce qu'on dit, une ma- 
gnifîcence royale... En outre je me suis laissé dire 
que le pauvre seigneur était horriblement volé par 
ses domestiques ; cela aussi fait partie de la magnifi- 
cence royale et l'on en peut dire comme dans la 
comédie italienne VEmpereur dans la Lune : « C'est 
tout come icy » . Le roi a fait beaucoup de dettes 
parce qu'il n'a rien voulu retrancher de son luxe 
royal ; il a donc emprunté, ce à quoi les ministres 
poussaient fort, car où le roi recevait un liard, eux et 
leurs créatures gagnaient des trésors ; par leurs filou- 
teries et leurs larcins, ils ont appauvri le roi et le 
royaume, tandis qu'eux-mêmes se sont enrichis comme 
il faut. Mon fils travaille nuit et jour pour tout re- 
mettre en ordre, mais personne ne lui en sait gré. 

1. Jean Guillaume. 



188 CORRESPONDANCE 

Dimancbe, le 28 octobre, 7 h. et demie du matin. 

... En France et en Angleterre les mylords et les 
ducs sont d'une fierté si outrée qu'ils s'imaginent être 
au-dessus de tout, et si on les laissait faire ils se croi- 
raient meilleurs que les princes du sang, et pourtant 
la plupart d'entre eux ne sont pas même gentils- 
hommes. J'en ai une fois relevé un, et cela vertement. 
A la table du roi il se plaça devant le prince de Deux- 
Ponts; je dis en élevant la voix : « D*où vient que 
monsieur le duc de St-Simon presse tant le prince de 
Deux-Ponts? a-t-il envie de le prier de prendre un de 
ses fils pour page? »... En Allemagne on est bien trop 
poli; quand je pense que Boisjoli a mangé avec Son 
Altesse feu notre père et avec moi! Il n'était que 
fourrier de la maison de la reine et n'aurait pas 
mangé avec n'importe laquelle de ses dames... Cela 
avilit les électeurs de manger ainsi avec de petites 
gens qui peu après reviennent ici et s'en vantent... 

Mylord Peterborough n'a pas voulu sortir de pri- 
son. Il exigeait qu'on lui fît réparation de l'aflront 
qu'on lui avait fait... On prétend qu'il aime la prin- 
cesse de Galles et qu'il lui fait volontiers sa cour, 
mais qu'il ne peut souffrir le prince... 

Saint-Cloud, le 30 octobre 1717. 

... Je vous réponds dès aujourd'hui... demain je ne 
le pourrai, car je veux me préparer à la sainte Cène; 
après-demain nous avons la Toussaint, où la plupart 
des gens qui se piquent d'être réguliers s'approchent 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 189 

de la sainte table; ma règle à moi est de le faire cinq 
fois par an : à Pâques, à la Pentecôte, au 15 août, au 
!«' novembre et à Noël. 

... Je suis bien en peine... de M"*^ la princesse... Je 
crains que cela pe se termine par un ulcère qui 
rétouffe d'un coup... Elle est d'une grande dévotion 
maintenant... A dire vrai, je crois qu'elle est malade 
de trop prier, car le corps ne peut endurer un tel 
ennui sans être malade... 

Saint-Cloud, le 7 novembre 1717. 

... Je ne sais pourquoi je reçois vos lettres trois 
jours plus tard que vous ne recevez les miennes. Il 
faut que M. de Torcy ait des traducteurs plus lents 
que n'étaient ceux de M. de Louvois... Mais sMl sMma- 
gine me causer des désagréments avec mon fils comme 
il m'en causa jadis avec le roi , il se trompe grossiè- 
rement, mon fils me connaît trop bien pour qu'on pût 
me brouiller avec lui... 

Saint-Cloud, le 11 novembre 1717, 7 h. et demie du matin. 

En France on ne joue pas Thombre à la mode espa- 
gnole, mais avec de grands gestes et beaucoup de 
paroles. Les Français en particulier, on ne saurait les 
faire taire ; non seulement les joueurs, mais encore 
ceux qui regardent jouer, causent et cela très haut; à 
Saint-Gloud on ne joue pas pour de Targent... 

La première Dauphine avait un petit page de douze 
ou treize ans... Il s'appelait Fretteville ; il savait 
mieux le jeu d'échecs que tous les grands joueurs de 

11. 






190 CORRESPONDANCE 

la cour. M. le prince, celui qui est mort tout der- 
nièrement, s'enferma un jouraveclegamin.pour n*être 
pas dérangé ni distrait, mais le page gagna toutes les 
parties, ce qui mit M. le prince hors de lui, 
tellement qu'à plusieurs reprises il s'arracha la per- 
ruque de la tête et la jeta au nez du page quand celui- 
ci le faisait échec et mat... 

Il n'y a pas à s'étonner que mon fils ne soit pas 
aimé : quand une place est vacante, cent personnes 
la demandent, il n'est possible de la donner qu'à une 
seule, voilà donc quatre-vingt-dix-neuf mécontents; 
de plus il n'est pas bigot, les prêtres et les moines le 
détestent par conséquent, et troisièmement il y à ses 
beaux-frères, les frères de sa femme, des gens faux 
qui ne répandent dans, le peuple que de méchants 
mensonges sur son compte, pour qu'il soit haï; c'est là 
sa récompense de s'être mésallié ! 

Saint-Cloud, le 1^' novembre 1717, 3 h. et demie du matin. 

... Il est impossible que ce que vous souhaitez se 
fasse. Les choses auraient mieux été si les réfugiés 
venus d'Angleterre ne s'étaient pas si mal tenus, s'ils 
n'avaient pas voulu tout obtenir avec des airs de hau- 
teur et de vanterie. Ils ne se sont pas montrés soumis 
du tout, et quoiqu'on leur eût dit de ne pas faire 
d'assemblée, qu'on le leur eût défendu sévèrement, ils 
n'en ont pas moins fait de publiques, et par là ils ont 
fait monter la moutarde au nez à tous les prêtres et 
moines. Dès lors il n'y avait plus rien à faire, ils ont 
tout gâté... 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 191 

M'"® du Maine a fait répandre des pasquins contre 
mon fils: c'est une méchante race que tous les enfants 
de la Montespan... 

Le jeune roi a une gentille figure et bien de Tesprif , 
mais c^est un méchant enfant. Il a*aime personne au 
monde que son ancienne gouvernante * ; sans raison 
aucune il prend en aversion les gens et il aime déjà à 
dire des choses piquantes. Je ne suis pas du tout dans 
ses bonnes grâces, mais je ne m'en afflige guère... 

Quand je dis. à mon fils de se garder des méchantes 
gens il me répond en riant : « Vous savez bien, 
madame, qu'on ne- peust évitter ce que dieu nous a 
de tout temps destines; ainsi, si je le suis a périr je 
ne le poures évitter; ainsi je feres ce qui est raiso- 
nable pour ma conservation, mais rien d'extraordl- 
lïaire. » 

Baint-Cloud, le 18 novembre 1717, 8 h. et demie du matin. 

... M™« de Berry... 'a depuis lundi la fièvre... Sa 
sœur M'*® de Valois Ta aussi... Il n*est pas étonnant 
que ces deux sœurs soient malades, à les voir manger 
et boire. M™® de Berry mange peu à midi; mais com- 
ment pourrait-elle faire un repas convenable? Elle est 
au lit à dévorer toute sorte de gâteaux au fromage ; 
elle ne se lève jamais avant midi, se met à table à 
deux heures et mange peu. A trois heures elle se lève 
de table et né fait pas un pas. A quatre heures on lui 
apporte toute sorte de mangeaille, de la salade, des 
gâteaux au fromage, du fruit. Le soir à dix heures 

1. La dachessc de Ventadour. '^ 



i^-'îi. 



192 CORRESPONDANCE 

elle soupe, cela dure jusqu'à minuit. A une heure ou à 
deux elle se couche ; pour digérer elle boit de la très 
forte eau-de-vie. 

Paris, le 27 novembre 1717. 

... Saint-Gloud est une maison d'été. Beaucoup de 
mes gens y ont des chambres sans cheminée; cela 
n'est pas supportable en hiver, j'en ferais mourir la 
plupart... La seconde raison qui me ramène ici, c'est 
que les Parisiens m'aiment et souhaitent beaucoup que 
je revienne et que je passe l'hiver ici... Quoique je 
sois logée fort étroitement, j'ai une chambre et un 
cabinet bien chauds. 

Paris, le 9 décembre 1717. 

... On a fort mal élevé tous les enfants des princes, 
les garçons comme les filles. Dès l'âge de neuf ans on 
leur a laissé faire toutes leurs volontés. M™® d'Orléans 
ne s'est jamais, même pour un instant, occupée de 
ses enfants : son fils seul a eu le bonheur d'avoir de 
bons gouverneurs qui rélevèrent bien et chrétienne- 
ment. Ce qu'il y a de certain, c'est que jamais de ma 
vie je n'ai vu élever, je ne dirai pas des enfants de 
princes, mais ceux de simples gentilshommes, aussi 
mal que l'ont été ceux-ci. Ils ont eu pourtant la même 
gouvernante que ma fille à moi, mais celle-ci. Dieu 
merci, n'a pas été élevée dé cette façon. Un jour je 
lui demandai pourquoi elle n'élevait pas aussi bien 
mes petites-filles que ma fille. Elle me répondit : 
ce Avec Mademoiselle j'avai3 votre appui, mais avec 
ces enfants-ci, quand je me plaignais d'elles, la mère 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 193 

se moquait de moi avec les filles; ce que voyant, j'ai 
laissé tout aller ^omme cela pouvait. » C'est de là que 
provient cette belle éducation; mais comme je n'ai 
pas fait le mariage , je ne me suis pas non plus occu- 
pée des enfants. En Allemagne on laisse les princesses 
faire à leur tête, mais ce n'est que de TÉlectrice 
douairière de Saxe et d'aucune autre que j'ai entendu 
dire qu'elle s'enivrait si fort... 

Paris, le 11 décembre 1717. 

... Mettre toute sa confiance en Dieu, voilà ce qui, 
en toute circonstance, vous est d'un grand réconfort. 
La sagesse de Dieu est infinie, comme le Tout-Puis- 
sant lui-même ; lui seul par conséquent connaît la 
cause de tout ce qui nous arrive. Nous devons suivre 
la raison qu'il nous a donnée, pour le reste le laisser 
faire et nous soumettre à sa volonté et, parce qu'il a 
tellement aimé le monde qu'il a donné son fils unique, 
afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais 
qu'il ait la vie éternelle *, nous pouvons certes être 
tranquilles et contents ; car, si après cela il nous 
envoie des malheurs, c'est qu'il veut nous châtier en 
ce monde, afin que nous ne soyons pas châtiés dans 
l'autre * ; c'est là une grande consolation, elle nous 
permet de mourir tranquilles. Nous envoie-t-il des 

1. Madame cite textuellement les saintes Écritures. Évangile selon 
saint Jean, III, 10. 

2. Ici Madame paraphrase un cantique luthérien, qu'elle cite dans 
une lettre du 15 octobre 1715 : Sols ja so sein — Dass Straff undt 
pein — Auff sQnden folgen mûssen^ — So fahre fort — Undt sechone dort 
— Undt lasz mich hir woU bOszen. 



■■'. -.T. 






19i CORRESPOiNDANGE 

joies, eh bien, c'est une occasion de lui rendre grâce 
et de Taimer davantage. Ainsi Dieu fait tourner tout à 
notre avantage, pourvu que nous sachions bien 
accueillir et accepter ce qu'il nous envoie... Le doc- 
teur Luther a été comme tous les gens d'église ; ils 
veulent tous être les maîtres et gouverner. S'il avait 
pensé au bien général de la chrétienté, il n'aurait pas 
fait un schisme. Calvin et lui auraient fait mille fois 
plus de bien, s'ils n'avaient pas fait de schisme, s'ils 
avaient instruit le monde sans faire tant de bruit : ce 
qu'il y a de plus sot dans la doctrine romaine aurait 
disparu tout doucement et de lui-même... 

La conduite des réfugiés a été conforme au carac- 
tère de tous les Français. Quand ils croient pouvoir 
espérer une chose heureuse, ils ne savent pas patien- 
ter et s'imaginent que tout est bien et qu'ils ont 
partie gagnée, ils ne sont modérés en rien et n'en font 
qu'à leur tête, et, si peu après il arrive un revers, ils 
croient tout perdu : ils sont extrêmes en tout... 

Paris, le 14 décembre 1*717. 

... Certes, si les maîtresses de mon fils l'aimaient 
réellement, elles auraient soin de sa santé et de sa 
vie. Mais je vois bien, chère Louise, que vous ne con- 
naissez pas les Françaises : elles n'obéissent qu'à leur 
intérêt et à leur goût pour les débauches... De plus 
il n'est pas jaloux...; cela prouve bien qu'il ne les 
aime pas, il pourrait donc s'amender d'autant plus 
facilement, mais il est tellement habitué à cette vie 
de débauches, à boire et à manger chez elles, qu'il ne 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 195 

peut s'en arracher. Cela me désole quelquefois. Mais 
espérons qu'un jour Dieu l'arrachera de ce labyrinthe 
et le tirera des mains de toutes ces méchantes gens... 
Le jeune roi me fait tous les ans quelques visites, sans 
doute bien malgré lui et à contre-cœur. Il ne peut 
me souffrir. Cela vient, je crois, de ca^ que je lui ai 
dit à différentes reprises qu'il sied mal à un grand roi, 
comme il en est un, d'être mutin et opiniâtre... 

Paris, le 19 décembre 1717. 

... Partout où je puis je fais de mon mieux, comme 
vous verrez par le placet ci-joint*. J'ai intercédé pour 
les quatre autres aussi, mais ils ne sont pas dignes de 
pardon : ils ne sont pas aux galères pour cause de 
religion, mais parce qu'ils ont mis le feu à des mai- 
sons et violé des femmes... 

Paris, le 23 décembre 1717, 9 h. et demie du matin. 

... li'œil de mon fils ne va ni mieux, ni moins bien... 
Il est incapable d'observer la diète plus de deux ou 
trois jours. De boire beaucoup cela ne vaut rien 
pour les yeux, et par malheur les dames ici boivent 
plus que les hommes, et (soit dit entre nous) mon fils 
a une maudite maîtresse qui boit comme un sonneur. 

De plus elle ne lui est pas fidèle du tout. Mais il s'en 

* 

1. C'est un écrit, en français, adressé à Elisabeth-Charlotte, par 
lequel trente réformés, envoyés aux galères pour cause de religion, la 
remercient de leur avoir procuré la liberté en intercédant pour eux 
auprès de son fils le régent. Ces trente graciés, dans leur écrit, 
demandent la liberté de quatre autres qui, exclus du pardon, ont dû 
rester aux galères. (Note de M. Hollan'1.) 



■r^y^y. \ 



196 CORRESPONDANCE 

soucie comme d'un fétu, il n'est pas le moins du 
monde jaloux, ce qui souvent me fait craindre quMl 
n'attrape quelque chose de laid dans ce commerce-là. 
Dieu l'en préserve! Cette compagnie du diable avec 
laquelle il soupe toutes les nuits jusqu'à trois ou 
quatre heures<dû matin, cela est forcément malsain!... 
Je vous le demande en grâce, priez assidûment pour 
qu'il se convertisse! Il n'a pas d'autre défaut que 
celui-ci, mais il est bien grand... Mon fils est si sur- 
chargé de besogne touchant les affaires intérieures 
que M. Zachmann n'a pas encore pu avoir son 
audience. Toute la province de Bretagne menace de 
se soulever ; on a dû y envoyer des troupes. Mon fils 
est bien à plaindre, c'est une vraie âme en peine. On 
ne se fait pas idée de ce qu'il a à faire depuis le ma- 
tin à six heures jusqu'au soir à huit. C'est pour se 
restaurer un peu qu'il fait les soupers dont j'ai parlé 
au commencement de cette lettre... 

Paris, le 2 janvier 1718. 

.. On ne prodigue pas les titres en France. Le roi 
n'a jamais voulu souffrir qu'on appelât son fils le 
Dauphin, Altesse Royale. On l'appelait simplement 
Monseigneur... 

Vous vous trompez bien, chère Xouise, si vous 
croyez que l'Électeur de Bavière est heureux d'être 
de nouveau dans son pays et rétabli dans ses digni- 
tés. Journellement il regrette la vie débauchée qu'il a 
menée ici... L'ordre de la Toison d'or est trop com- 
mun pour qu'on désire tant l'avoir... 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 197 

Paris, le 13 janvier 1718. 

... Les Anglais ont été corrompus de tout temps, 
mais depuis que le roi Guillaume a régné en leur pays, 
on prétend qu'ils sont devenus plus vicieux encore et 
plus mauvais.. On a fait Tobservation que tous les 
insulaires sont toujours plus faux et plus méchants 
que les habitants de la terre ferme... 

Paris, le 20 janvier 1718. 

... C'a toujours été notre malheur que l'Allemagne 
non seulement imite la France, mais en outre qu'on y 
exagère tout ce qui se fait ici; c'est pourquoi cela ne 
me surprend pas qu'on se conduise si étrangement en 
Allemagne pour singer ce pays-ci. Mais voici le maré- 
chal d'Estrées qui vient me présenter le neveu du 
czar... 

Paris, le 27 janvier 1718. 

... M"« de Dangeau* est une bien vertueuse et hon- 
nête femme, qui est estimée de tout le monde. Mais 
son oncle, l'évêque de Strasbourg *, lui a fait faire un 
mariage par trop inégal. Elle vit fort bien avec son 
mari comme s'il était non seulement son égal, mais 
même de meilleure condition qu'elle... 

... Je crains bien que la paix ne dure pas longtemps^ 
car l'empereur et le roi d'Espagne font de grandes 

1. Née comtesse de Lewenstein. Voir la lettre à la duchesse Sophie, 
du 7 avril 1701. 

2. Le cardinal de Parstenberg. 



108 CORRESPONDANCE 

levées de troupes, mais je me console en disant 
comme dans l'opéra de Thésée * : 

« Que la guerre sanglante passe en d'autres estats 

G Minerve savante, ô guerrière Pallas, ô guerrière Palla ! » 

Ce ne me sera pas un grand chagrin si l'empereur 
frottait un peu le pape : il a grandement'besoin qu'on 
lui rabatte le caquet... 

Paris, le 3 février 1718. 

... Les femmes sont par trop légères et effrontées, 
en particulier celles qui sont de la plus grande mai- 
son *. Elles sont pires que les femmes dans les mai- 
sons publiques. C'est une honte que ce qu'on raconte 
qu'elles ont fait en public, au bal; on devrait les 
enfermer. Je ne comprends pas que le mari soit endu- 
rant à ce point. Son grand-père ' a fait enfermer, 
pour des motifs bien moins graves, sa femme dans un 
château, où elle est morte. Comment est-il possible 
qu'on ne parle pas de telles choses qui se passent en 
public? C'est honteux, d'entendre comment toute 
cette famille est mal famée : la belle-mère, la mère, 
les filles, les belles-sœurs, toutes mènent une vie 
indigne de leur rang. Mais c'est leur affaire et non la 
mienne, seulement je regrette qu'elles soient mes si 
proches parentes et qu'elles aient une si honnête 
grand'mère* qui en meurt presque de chagrin... 

1. Opéra de Lulli, texte do Quinault. 

2. La maison de Condé. 

3. Le grand Condé. 

4. Anne, princesse Palatine, appelée M»« la duchesse, puis M"« la 
princesse, la bru du grand Condé. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 199 

Mes dernières lettres d'Angleterre sont du 16-27 jan- 
vier : tout y était encore dans un triste état^. On dit 
à Paris que les maudits Anglais font leur possible 
pour exciter l'un contre Tautre le roi et le prince, 
afin de pouvoir, entre eux, nommer une régence dans 
le Parlement et n'être plus sous la coupe du prince. 
Il y a apparence à cela... Il n'y a pas de motif au 
monde qui permette à un fils de ne pas se soumettre 
à son père, à plus forte raison quand ce père est en 
même temps son roi. Il me semble qu'il n'y a jamais 
eu grande tendresse entre le père et le fils. Mais 
notre défunte Électrice* donnait tort au fils : avec 
elle aussi il n'a bien été que pendant la dernière 
année qu'elle a vécu... 

Paris, le 10 février 1718, 5 h. et demie du soir. 

... Je reviens de Chelles... J'ai fait tout mon pos- 
sible pour persuader à Mademoiselle ^ de ne pas se 
faire religieuse. Mais elle le veut à toute force. Je ne 
m'en mêlerai pas davantage; que le père et la mère 
voient comment ils mèneront la chose à bonne 
fin... 

Tous les fossés sont gelés. Près de la Bastille j'ai vu 
beaucoup de monde qui patinait... 

Le roi d'Angleterre, s'il m'est permis de parler 
ainsi, traite trop durement la princesse de Galles, qui 

1. Ils'agit de la brouille entre le roi George I^' et le prince de 

Galles. 

2. La duchesse Sophie. 

3. Mademoiselle d'Orléans, la seconde fiUe du régent 



.^Ll->\V^:. 



200 CORRESPONÎD^NCE 

pourtant ne lui a rien fait, en défendant à ses enfants 
de venir voir leur mère qui les aime tant... 

n n^y a pas un mot de vrai dans ce que disent les 
gazettes allemandes de la fille du czar; mais elle ne 
serait pas la première princesse moscovite qui aurait 
été reine de France, car Henri P' en épousa une 
parce qu'un pape lui avait fait rompre son mariage 
avec une de ses proches cousines... 

Paris, le fs février 1718. 

... Nous espérons que ma 611e et son mari seront 
ici vendredi prochain, au pl.us tard aujourd'hui en 
huit... Fasse Dieu que tout se passe sans encombre. 
Mais je crains la mauvaise compagnie que ma fille sera 
obligée de voir et qui fera son possible pour ternir 
sa réputation. Si je laisse aller les choses il pourra en 
résulter un malheur, car le duc de Lorraine n'est pas 
aussi indifférent sur Thonneur que sont les maris d'ici, 
il n'entendrait pas raillerie du tout si l'on devait faire 
quelque historiette à ma fille. Si je l'avertissais, je 
passerais pour un trouble-fête, on dirait que j'ai l'hu- 
meur chagrine... Ma fille a bon cœur, mais elle est 
d'humeur légère et très complaisante pour sa belle- 
sœur, laquelle, entre nous soit dit, tient un peu de 
sa mère et est fausse. Cela troublera certainement 
notre joie... 

La première raison pour laquelle la petite Degen- 
feld * n'a pas reçu le nom de Caroline est valable... Il 

1. Petite-fille du duc de Schomberg, veuf de la raugrave Caroline. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 201 

y a peu de familles où Ton n'ait pas de ces fantai- 
sies-là. Dans la maison royale on a l'exemple que les 
Henri ne meurent pas de mort naturelle, ils périssent 
tous de mort violente... 

Paris, le 17 février 1717. 

... Il se pourrait bien qu'on imprimât quel est le 
vrai motif qu'a le roi d'Angleterre de se plaindre de 
son fils, car lundi passé j'ai reçu une lettre de la reine 
de Prusse^ dans laquelle elle me mande qu'on lui a 
écrit d'Angleterre que le roi, son père, a l'intention 
de déclarer publiquement au Parlement les motifs 
qu'il a de se plaindre de son fils, par conséquent ce 
sera imprimé... 

Paris, ce jeudi 24 février 1718. 

... Dieu me pardonne, mais je me figure que le roi 
d'Angleterre ne croit pas que le prince de Galles soit 
de lui *, car s'il le croyait il ne serait pas possible 
qu'il malmenât de la sorte son fils unique... 

Paris, le 27 février 1718, 8 h. du matin. 

... La princesse de Galles m'a assuré que son mari 
a fait tout ce qui est en son pouvoir pour rentrer 
dans les bonnes grâces du roi, qu'il lui a demandé 
pardon et reconnu ses torts, aussi humblement qu'on 

1. PiUe de George 1er. 

2. La mère du prince de Galles et de la reine de Prusse était cotte 
Sophie-Dorothée que GeoTge tenait enfermée dans le châ'cau d'Ahl- 
den. 



202 COURESPONDANCE 

le ferait vis-à-vis de Dieu lui-même, mais que rien n'y 
fait. En ceci le roi a tort, à ce qu'il me semble... 
Entre nous, je crains que ce ne soit Tavarice qui le 
rend si quinteux... 

On organise des tournois à Munich en l'honneur du 
comte de Gharolais qui est là-bas; c'est un jeune coq 
extravagant, affreusement débauché, il est frère, de 
M. le duc. Vous me rendrez service en m'envoyant la 
description de ces fêtes... 

Paris, le 6 mars 1818, 8 h. du matin. 

... Â Paris, où l'on a la tendance de faire des inven- 
tions romanesques, on prétend que le roi déteste tel- 
lement son fils et malmène si fort la princesse, parce 
que lui-même en est amoureux et qu'elle n'a pas 
voulu l'écouter. Il ne m'est pas possible de croire 
cela, car selon moi le roi n'est pas de compiexlon 
amoureuse, et je crois qu'il n'aime que lui et sa 
propre grandeur... 

Ma fille se comporte si bien ici que je n'ai ni à 
l'avertir ni à la conseiller. Dieu en soit loué! Mais elle 
est dans un profond étonnement de tout ce qu'elle 
voit et entend ici*.. 

Pafis, le 10 mars 1718, 10 h. du matin. 

• 

... C'est inouï, les jeunes gens sont tels à cette 
heure que les cheveux vous dressent à la tête ! Une 
fille* n'a pas honte de procurer à son père une jolie 

1, La duchesse do Berrv. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉAxNS. 203 

femme de chambre, afin qu'il se montre indulgent 
quant à ses propres débauches. La mère laisse faire 
pour qu'on lui passe quelques frasques à elle aussi... 

Paris, le 13 mars 1718, 8 h. da matin. 

... Ma fille est dans une stupéfaction telle de tout ce 
qu'elle voit et entend qu'elle n'en revient pas. Elle 
me fait souvent rire avec son ébahissement. En parti- 
culier elle ne peut s'habituer à voir des dames qui 
portent les plus grands noms se laisser aller, en plein 
Opéra, entre les bras des hommes qu'elles ne détestent 
pas, à ce qu'on dit. En voyant cela elle s'écrie : 
« Madame I Madame! » Je lui réponds : « Que voulez- 
vous ma fille que j'y fasse, ce sont les manières du 
temps. » — « Mais elles sont villaines », fait-elle, et 
cela est vrai. Mais si en Allemagne où l'on veut sin- 
ger tout ce qui se fait en France on apprend la vie 
que mènent les princesses ici, tout est perdu et s'en 
ira à vau-l'eau... 

On a de bien bons orfèvres à Londres, mais la plu- 
part sont des réfugiés français... 

Paris, le 17 mars 1718, 8 b. du matin. 

... Tout Paris prétend que le roi d'Angleterre est 
dans l'intention de déclarer publiquement que le 
prince de Galles n'est pas son fils, et pour lui donner 
plus de dégoûts encore, il veut épouser la Schullem- 
burg, actuellement duchesse de Munster... 

Nous avons cru que la Craon était enceinte, mais 
elle ne Test pas, elle est au lit tout juste pour le mo- 



204 CORRESPONDANCE 

tif opposé ; elle n'a que vingt-huit ans, et elle ne les 
paraît pas. Lunatî et sa femme ne sont pas venus ici ; 
on dit qu'elle est une vraie folle. L'Électeur de Trêves 
était amoureux d'elle tout autant que son frère, notre 
duc de Lorraine l'est de la Graon. La Lunati lui a sou- 
tiré jusqu'au dernier liard, elle l'a totalement ruiné... 

Paris, le 24 mars 1718, 8 h. et quart du matin. 

... La duchesse de Shrewsbury cause beaucoup et 
souvent elle dit d'étranges choses... Elle disait : 
« Vous voyes, que mon cher duc n'a qu'un œuill, la 
nature ne luy a donnes qu'un, parce qu'il luy estoit 
impossible d'en refaire encore un de lamesme beauté! » 
On s'est bien moqué d'elle à ce propos... Elle prétend 
être la sœur du roi d'Angleterre. Je ne le crois pas, 
car elle n'a aucune ressemblance avec les Brunsw^îck. 
Sa mère voulut l'expédier une fois à feu l'oncle *, mais 
il lui répondit qu'il avait partagé son amour avec trop 
de compagnons pour être sûr qu'elle fût sa fille... 

Le cadeau qu'a fait la duchesse de Berry à ma fille 
est fort galant. Elle lui a donné une commode. Une 

ê 

commode est une grande table avec de grands 
tiroirs... avec de beaux ornements. Dans ces tiroirs il 
y avait toute sorte de choses à la mode, des écharpes, 
des coiffures, des andriennes... Mon fils a donné à sa 
sœur un nécessaire ; c'est une petite caisse carrée où 
se trouve tout ce qu'il faut pour prendre le thé, le 
café, le chocolat. Les tasses sont blanches et tout ce 
qui ressort est or et émail... 

1. Einest-Aujuto, le mari de U «luchcsse Sophie. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 205 

Paris, le 31 mars 1718, 8 h. du matin. 

... Je suis très contente de Taînée de mes petites- 
filles*; j'ai bon espoir qu'elle deviendra une per- 
sonne de sens, car elle a bien changé à son avantage : 
elle a bien de l'esprit et bon cœur. Elle commence à 
vouloir savoir quelque chose du Dieu Tout-Puissant 
et à le prier, à haïr le vice, à aimer la vertu, et tout 
cela sans superstition. C'est pourquoi j'espère que 
Dieu aura pitié d'elle et qu'il lui donnera de se con- 
vertir entièrement. Je n'ai pas aussi bonne opinion de 
sa troisième sœur^... elle est fausse en tout point, ne 
dit souvent pas la vérité et est affreusement coquette. 
Cette fille, cela est certain, nous causera bien du 
chagrin encore... 

Je crains qu'il n'en soit de même de la seconde dès 
sœurs qui veut à toute force prendre le voile; la 
bonne fille se fait illusion sur son propre compte, elle 
n'a pas l'étoffe d'une nonne, et dès que le pas sera 
franchi elle en sera au désespoir, elle est capable de 
se tuer, car elle a du cœur et ne craint nullement la 
mort... Le duc de Chartres est un gentil garçon, il est 
intelligent, mais un peu trop sérieux pour son âge ; il 
est affreusement délicat... il est porté à toutes les ver- 
tus et n'a aucun vice... 

Les livres d'histoires sont mensongers aussi. On a 
écrit dans l'histoire de mon grand-père le roi de 
Bohême ' que c'est ma grand'mère la reine de Bohême 

L La duchesse de Berry. 

2. MUc de Valoir, plus tard duchesse de Modène. 

8. Frédéric V, électeur palatin, épousa en 1613 Elisabeth, la 011e de 

II. 12 






206 CORRESPONDANCE 

qui par pure ambition n'a pas laissé à son mari un 
instant de répit qu'il n'eût accepté la couronne. Et il 
n'y a pas un mot de vrai là-dedans. C'est le prince 
d'Orange, oncle maternel du roi qui a ourdi la chose, 
la reine n'en savait pas un mot et ne songeait alors 
qu'à voir des ballets, des comédies et à lire des ro- 
mans. Dans l'histoire de notre roi on attribue à sa 
générosité la paix accordée à la Hollande. La vraie 
cause était que M"*« de Montespan, après être accou- 
chée de M'"" la Duchesse, était revenue à Versailles et 
que le roi voulait la revoir. On attribue la première 
guerre de Hollande a l'ambition démesurée du roi, et 
moi je sais pertinemment qu'elle n'a été entreprise 
que parce. que M. de Lionne était jaloux de sa femme, 
à propos du prince Guillaume de Furstenberg, et c'est 
pour lui nuire qu'il commença la guerre avec la Hol- 
lande et l'empereur. Si l'on peut donc faire de tels 
mensonges pour des choses qui se sont passées devant 
notre nez, que faut-il croire de ce qui est loin de 
nous et de ce qui s'est passé 11 y a de longues 
années?... 

Ce jeudi 31 mars, 5 h» du soir. 

... Ci-joint une petite boîte avec de la pommade 
divine. On appelle ces boîtes-là des régences,., 

Jacques I^' d'Ângletetre, et accepta la couronne que lui offixdelit les 
Bohèmes révoltés contre Ferdinand d'Autriche (août 1619). Battu à la 
Montagne-Blanche, près de Prague (6 novembre 1620), il perdit cette 
Couronne, ses pays héréditaires et la dignité électorale^ qui passa au 
duc Maximilien de Bavière. Il est coilnu sous le sobriquet de roi d'hi- 
ver : Winterkœnig. A la paix de Westphalie» son lils atné, Charles' 
Louis, ie pète de Madame, fut réintégré dans le Palatinat du Hhin. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 207 

• 

Rien de neuf ici, si ce n'est qu'un homme qui vou- 
lait battre sa femme a d'abord fait la prière que 
voici : « Mon bon Dieu faîtte que le coup que je vais 
donner à vostre servante la corige et la rende plus 
sage! » 

Paris, lo 7 avril 1718, 8 h. du matin. 

... Demain ma fille partira avec son mari... Elle 
l'aime de tout son cœur et n'est quand même pas 
jalouse. Ceci je ne puis le comprendre, je l'avoue, 
mais je l'en loue... M"" d'Orléans va de mieux en 
mieux... Il a fallu lui rogner les vivres, car elle a 
déjà eu la colique derechef pour avoir trop mangé : 
cette femme peut dévorer des quantités énormes, elle 
tient cela du père et de la mère. Les filles sont comme 
cela aussi, elles mangent jusqu'à ce qu'elles rendent, 
et après elles recommencent, .c'en est dégoûtant... 

Ce jeudi saint, 7 h. du soir. 

... Je sors des Ténèbres, qu'on a chantées de qua- 
tre heures à six et demie ; c'est bien le chant le plus 
triste qu'on puisse entendre... M™^ de Berry est magni- 
fique dans tout ce qu'elle fait. J'ai trouvé ce matin 
toutes les nonnes en larmes, touchées qu'elles étaient 
de la dévotion avec laquelle la duchesse a communié 
ce matin au couvent... 

Paris, ce dimanche de Pâques, 17 avril 1718, 7 h. du matin. 

... La paresse de M"® d'Orléans est chose inouïe. 
Elle s'est fait faire une chaise longue sur laquelle elle 






208 CORRESPONDANCE 

est étendue pour jouer au lansquenet,... elle joue 
étant couchée, elle mange, elle lit couchée... aussi 
est-elle toujours malade... 

Paris, le 24 avril 1718, 7 h. et quart du matin. 

... La personne qui, à ce que j'espère, va s'amen- 
der, a bon cœur et de Tintelligence... mais elle est 
bien mal entourée. Du côté de sa mère aussi, elle a 
des tantes, des cousines qui mènent une existence 
dévergondée. La mère ne s'occupe que de ses propres 
fantaisies. Un jour, elle hait sa fille sans savoir pour- 
quoi et le jour d'après, elle approuve tout, que ce 
soit bien ou mal. Cela me fait craindre que les bonnes 
résolutions prises à Pâques ne durent pas... 

Saint-Cloud, le 1" mai 1718. 

... Mon fils n'est pas assez riche pour faire faire à 
ses filles des mariages princiers, et en outre qui est- 
ce qui voudrait voir toutes ces enfants mal élevées 
avoir le pas sur les siens propres ? Il y a d'autres rai- 
sons encore qu'on peut bien dire mais qu'on ne sau- 
rait écrire. Je suis tout à fait de la vieille roche, 
j'abhorre les mésalliances et j'ai observé que jamais 
il n'en résultait du bien. Le mariage de mon fils a 
gâté toute ma vie et a détruit mon humeur joviale.;. 

Saint-Cloud, le 5 mai 1717, 8 h. moins un quart du soir. 

... Quand on est à Paris, il n'est pas permis de com- 
munier ailleurs qu'en sa paroisse à moins qu'on n'ait 
une permission d*un cardinal ou de l'archevêque de 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 209 

Paris. Cela ne me fait pas de peine du tout, je préfère 
communier là plutôt qu'au couvent, comme fait M"« de 
Berry et Madame sa mère Je suis volontiers au milieu 
de communautés chrétiennes réunies... 

Saint-Cloud, le 8 mai 1718. 

... Hier matin à sept heures, la bonne, pieuse et 
vertueuse reine d'Angleterre* est morte à Saint-Ger- 
main. Celle-là pour sûr est au ciel, elle n'a pas gardé 
un liard pour elle, elle donnait tout aux pauvres et 
entretenait des familles entières. De sa vie elle n'a dft 
du mal de personne, et quant on voulait lui raconter 
quelque chose sur le compte de tel ou tel, elle avait 
coutume de dire : a Si c'est mal de quelqu'un, je vous 
prie, ne me le dii,tes pas. Je n'aime pas les histoires 
qui attaquent la réputation. » Elle a supporté ses 
malheurs avec la plus grande patience du monde, non 
par simplicité d'esprit : elle était très intelligente, 
polie et avenante... toujours elle a fait le plus grand 
éloge de notre princesse de Galles... 

Saint-Cloud, le 26 mai 1718. 

... Je ne trouve pas qu'une mort subite soit chose 
aussi horrible que vous le pensez... Quand après avoir 
lu et dit ma prière du soir je monte dans mon lit, je 
me recommande à Dieu corps et âme, je lui demande 
sincèrement pardon de mes péchés connus et ignorés, 

je les remets tous en la passion et la mort de Notre- 

1. Marie-Béatrix-ÊléoDore d'Esté, veuve de Jacques II. 

12. 



L !!/■>. .-S . ' . 



210 CORRESPONDANCE 

Seigneur Jésus-Christ et ne me fais pas d'autres soucis 
quoi qu'il pût m'arriver... 

Saint-Cloud, le 29 mai 1719. 

... C'était hier mon jour de naissance... Tallai au 
couvent des Carmélites dire merci • à ces braves 
personnes^ car elles m'avaient fait un cadeau, un 
ouvrage qu'elles ont fait^ et comme c'est la mode 
maintenant de faire des nœuds, elles m'ont confec- 
tionné un sac aux nœuds. Dites-moi si vous en faites 
aussi, chère Louise. M"^*' d'Orléans ne fait pas autre 
chose de jour et de nuit, à la comédie, où qu'elle soit, 
elle fait des nœuds... 

Saint-Cloud, ce dimanche de Pentecôte, 5 juin 1718. 

... Quant à la question que vous m'adressez si des 
étrangers, de la religion luthérienne, peuvent obtenir 
des charges d'ofRciers en France, je vous dirai qu'on 
n'en veut que dans les régiments d'Alsace et les gardes 
suisses. Avec cela on les persécute et ils ont rarement 
de l'avancement à moins qu'ils ne changent de reli- 
gion... 

Saint-Cloud, ce 9 juin 1718, 8 h. et demie du malin. 

... A Paris on prétend que c'est M. de Bernstorf 
qui monte tellement le roi contre le prince et la prin- 
cesse deOalles^ 11 devrait avoir honte I Etre Allemand 

1. M. Holland cite à ce propos Havemann, Histoire des pays de 
Brunswick d de Lun-bourg. Cet liistorien dit que la brouille provenait 



DE MADAMK, DUCHESSE D'ORLÉANS. 211 

et être plus faux qu'un Anglais n'a jamais été î... Et 
le roi d'Angleterre qui ne veut à aucun prix qu'on 
croie que quelqu'un le gouverne, comment se laisse- 
t-il ainsi mener par ce Bernstorf et monter contre ses 
propres enfants ? Il se pourrait fort bien que mon 
fils en ait fait parler au roi sans me le dire, car nous 
ne nous contons jamais les affaires d'État, mon fils et 
moi. . . 

J'admire comme l'on peut pourtant forger des men- 
songes. La pauvre reine d'Angleterre n'a pas pu faire 
d'économies, car ce qu'elle ne donnait pas à son fils 
était pour les pauvres. C'est donc un mensonge qu'elle 
ait laissé de l'argent. Le deuxième est pire, savoir 
qu'elle a déclaré que le chevalier n'est pas son fils. 
On n'a qu'à le regarder, il ressemble à tous ses parents 
et la vérité vraie est que c'est lui l'héritier légitime. 
Le troisième mensonge est que mylord Mar a brouillé 
la mère et le fils... 

Saint-Cloud, le 19 juin 1718, 3 h. du soir. 

... Sous le rapport de l'avarice, la reine d'Angleterre 
n'était pas Italienne. Elle n'avait qu'un défaut (car 
nul n'est parfait en ce monde) elle était par trop 
simple dans sa religion... mais elle l'a chèrement 
payé, car c'a été la cause de tous ses malheurs... 

de ce que le prince prenait le parti de sa mère, enfermée depuis vingt- 
quatre ans à Ahlden. Il avait son portrait avec les attributs royaux 
dans sa chambre. Aussi le roi n'y entrait-il jamais et avait-il fait 
défense aux courtisans d'y pénétrer. 



.1 f 



212 CORRESPONDANCE 

Saint-Cloud, le 24 juin 1718, 8 h. du matin. 

... Je suis horriblement quinteuse aujourd'hui : 
les ennemis de mon fils — et leur nombre est grand 
— et ceux en outre auxquels il a^fait le plus de bien 
(il n'y a pas de nation plus ingrate que la française), 
tous ces gens-là ont soulevé tout le parlement contre 
lui : avec le temps cela pourra bien causer des 
révoltes et provoquer la guerre civile. Dieu sait ce 
qui adviendra de nous tous!... Mais il faut que je 
m'habille pour aller à Téglise, nous avons aujourd'hui 
une grande fête^ : je ne vous en peux pas dire ma 
façon de penser par la poste... La duchesse de Berry 
a les mains fortes comme celles d'un homme, elle peut 
donc très bien conduire elle-même, et d'ailleurs c'est 
la mode depuis longtemps... 

Ce dimanche 26 juin, 6 h. du matin. 

* 

... J'irai ce soir avec mes enfants et mes petits- 
enfants voir un nouvel opéra, le Jugement de Paris. 
Je ne l'ai pas encore vu, mais je l'ai lu. On a craint 
de faire de Ménélas un mari trompé. Dans la pièce, 
Hélène n'est pas encore mariée quand Paris tombe 
amoureux d'elle. Je ne peux pas souffrir que Ton 
change ainsi la fable... 

Saint-Cloud, le 30 juin 1718, 7 h. et quart du matin. 

... Je n'ai pas besoin de m'ingénier pour vous 
aimer et mon affection pour vous n'a rien qui doive 

1. La Fête-Dieu. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLËANS. 213 

étonner. N'avons-nous pas eu le même père que j'ai 
aimé plus que ma propre vie ? Ce n'est pas votre faute 
que vous ne soyez pas la fille de ma mère. Vous réparez 
le malheur de votre naissance par de nombreuses 
vertus ; pourquoi donc ne vous aimerais-je pas ? 

A Paris on ne croit pas aux sorcières et l'on n*en 
entend jamais parler. A Rouen les gens croient qu'il 
y en a et là-bas on en entend toujours parler... Le 
roi d'Angleterre ne veut pas que le prince de Galles 
voie ses enfants, il y a six mois qu'il ne les a vus, lui 
qui les aime tant Je ne trouve pas cela raisonnable du 
tout. Il ne leur a pas été permis non plus de faire 
visite à Madame leur mère après qu'elle eut eu des 
couches si pénibles. L'autre jour les pauvres enfants 
ont cueilli un panier de cerises et l'ont envoyé à leur 
père en lui faisant dire que, quoiqu'il ne leur fût pas 
permis d'être de leur personne auprès de lui, leur 
âme, leur cœur et leurs pensées n'en étaient pas moins 
auprès de leur cher papa. Cela m'a attendrie au point 
que j'en ai eu les larmes aux yeux. 

Saint-aoud, le 7 juillet 1718, 9 h. du matin, 

... Nous sommes allés, le duc de Chartres, M""" de 
Valois, mes dames et moi, au collège des jésuites qui 
est assez loin du Palais-Royal. Nous avons vu les 
élèves jouer une petite comédie qui s'appelle le point 
d'honneur. Mon petit cousin de la Trémoille m'avait 
invitée. Les enfants ont gentiment joué la pièce, mais 
la plaisanterie a failli prendre une mauvaise fin pour 
moi. On avait mis mon fauteuil sur un petit haut- 
dais. Quand je voulus partir j'oubliai qu'il y avait un 



N^y.î -'. 



214 CORRESPONDANCE 

degré à descendre... Je fis un faux pas et tombai ; 
mais je ne me suis fait aucun mal, j*ai simplement 
Cassé le verre d'une de mes montres. Mais je tombai 
si plaisamment que j'en dus rire de tout cœur depuis 
le collège jusqu'au Palais-Royal et que j'en ris encore 
quand j'y pense, en particulier comme deux longs 
jésuites sont venus me relever bien gravement; il y 
aurait à faire là un joli tableau... 

Je sais de source certaine que c'est Bernstorf qui 
excite le roi contre le prince et la princesse de Galles, 
car mon fils a voulu les réconcilier mais Bernstorf est 
venu fort en colère dire à Dubois de ne pas se mêler 
de cette affaire, qu'on ne [lui en saurait aucun gré... 

Saint-Cloud, le 14 juillet 1718. 

... Il n'est que trop vrai que le parlement cause de 
l'embarras à mon fils; mais ce qui n'est pas vrai c'est 
qu'il ait parlé contre sa grand'mère* et le cardinal 
Mazarin. Il m'a dit que ces Messieurs se mêlaient de 
choses qui ne les regardaient pas et que tant que l'au- 
torité royale reposerait en ses mains, il la maintien- 
drait intacte, qu'il la remettrait au roi à sa majorité 
telle qu'il l'avait reçue et ne souffrirait pas qu'on y 
touche. Jusqu'ici il n'y a rien à craindre, le peuple 
n'a pas bougé ni les autres parlements dans les pro- 
vinces. Le frère de la femme de mon fils et sa femme* 
sont les pires ennemis, ce sont eux qui soulèvent 
tout le monde contre lui. S'il m'avait écouté il ne 

1. Anne d'Autriche. 

2. Le duc et la duchesse du Maine. 



DE MADAME, DUCHESSÇ D'GULEANS. 215 

serait pas le beau-frère de ces gens-là et pourrait agir 
sans avoir à craindre des larmes. Il faut que mon fils 
trouve de nouveaux moyens pour payer les dettes 
du feu roi. Ce Las ^ qui est tellemement haï, est un 
Anglais fort intelligent. 

Saint-Cloud, le 21 juillet 1718. 

... La Fête-Dieu est une nouvelle institution dou- 
blement dévote. Je ne fais pas grand cas des dévotions 
ambulantes, de ma vie je n'ai pu, aux proce3Sions, 
prier, ne fût-ce qu'un mot, je ne faisais que regarder 
les tapisseries, et veiller à ne pas tomber sur le pavé, 
car tout le chemin étant jonché de rameaux odori- 
férants, on glisse très facilement. 

J'espère que ce beau temps va nous donner de bon 
vin de Bacharach, car le vin du Rhin m'est prescrit 
pour la santé. Notre duc dé Lorraine m'en envoie 
tous les ans une provision. 

Dimanche, le 24 juillet, 8 h. du soir. 

... La Princesse Palatine est cause que je suis si 
pauvre. Elle a fait faire mon contrat de mariage plus 
mal que celui d'une bourgeoise... Qu'est-ce que cela 
peut me faire que mon fils soit régent ? L'argent du 
roi n'est pas à lui et je n'en voudrais pas un louis : 
« Je sommes pauvres, mais j'avons de l'honneur >> 
comme dit le proverbe des paysans, que cite souvent 
mon bon ami le pauvre duc de Créqui. Mon fils ^a 

1. Law. 






216 CORRESPONDANCE 

encore plus loin. Comme régent il a droit à de grosses 
sommes : il n'a jamais voulu les toucher.... 

Saint-doud, le 28 juillet 1718, 9 h. et demie du matin. 

... A mon souper... je ne mange que les cuisses 
d*une jeune caille, le quart d'une laitue et cinq tou- 
tes petites pêches avec du vin de Bacharach et du 
sucre. Immédiatement après avoir soupe et remonté 
mes montres je me couchai... le matin je me suis levée 
à six heures... j'ai écrit à M. de Harling pour le 
remercier de deux excellentes mortadelles qu'il m'a 
envoyées. M'"« de Berry les a trouvées si bonnes 
qu'elle en a emporté les restes. 

Nous avons ici un évêque^ bien zélé, portant les che- 
veux plats et lissés, n'osant regarder aucune femme, 
n'ayant jamais mis de poudre, ne portant que de 
petites et sales manchettes de deuil, c'est un homme 
jeune encore... je crois qu'il a trente-deux ans. Je ne 
sais comment cela est venu ; mais le diable qui rôde 
partout comme un lion rugissant, cherchant qui il 
pourra dévorer, doit avoir été choqué de cette dévo- 
tion, il a voulu y introduire une machine de son 
invention. 11 a inspiré au pauvre jeune évoque l'envie 
de convertir une jeune femme qui, dans sa ville 
natale, mène une conduite légère. Il la fit chercher 
pour qu'elle se confessât à lui. La femme est jeune, 
belle comme un ange et futée, elle a si bien parlé au 
bon évêque qu'elle l'a séduit avant qu*il ne l'eût con- 
vertie. 11 n'a plus pu vivre sans elle, a renvoyé ses 

1. L'évéqi^o de Beauvais, frère du duc do Beauvilliers. 



DE MADAME, DUCHESSE D»ORLÈANS. 217 

t 

vieux domestiques, s'est entouré de ses parents h 
elle, ses cheveux plats, il les a fait friser et tous les 
jours il se promenait en voiture avec la dame. Gela a 
tellement fâché le peuple qu'on a accueilli sa voiture 
à coups de pierres. Les ecclésiastiques qui lui ont 
fait des remontrances, il leur a offert des volées de 
coups de bâton. Ceux-ci ont tout mandé à ses parents 
... il n'a voulu voir quB sa mère et lui a dit qu'il ne 
savait pourquoi on faisait une telle affaire de ses rap- 
ports avec M'^* de Rickard (ainsi se nomme la dame), 
qu'il ne l'avait auprès de lui que pour qu'elle lui 
montrât la musique, qu'elle sait dans la perfection. 
Quand les parents ont vu que rien n'y faisait, ils ont 
prié mon Hls de faire enfermer la dame dans une 
maison de correction nommée Sainte-Pélagie, ce qui 
fut fait. L'évêque a fait le serment de ne plus voir 
de sa vie aucun de ses parents. Ainsi finit la chanson. 

Saint-Cloud, le 31 juillet 1718. 

».. Nous savons dès longtemps que la paix est faite 
avQC les Turcs... On ne parle présentement que de la 
flotte espagnole qui a envahi la Sicile et s'est emparée 
de Palerme. La reine de Sicile m'écrit qu'Alberoni a 
horriblement trompé son mari, mais bien des gens 
croient qu'ils s'entendent ensemble. Le temps nous 
apprendra ce qui en est. Et à ce propos les vers du 
commencement de la comédie : la Mort de Pompée, 
me sont revenus à la mémoire : « Le destin se déclare 
et nous venons d'entendre ce qu'il a décidé du beau- 
père et du gendre !... » Alberoni, je crois, ne s'in- 
II. 13 






218 CORRESPONDANGK 

quiète guère de voir les coffres du roi d'Espagne se 
vider pourvu que ses caisses à lui et ses bahuts se 

remplissent... 

Saint-Cloud, le 4 août 1718. 

... Â propos de conspirations, mon fils m'a raconté 
hier, à la comédie, que le czar avait gagné une maî- 
tresse du czaréwitsch qui lui a remis des lettres où il 
disait qu'il voulait faire assassiner son pèrei Le czar 
a réuni un grand conseil où assistaient tous les évê- 
ques et les conseillers d'État. Quand tous furent réu- 
nis, il fit venir son fils, l'embrassa et lui dit : a Est-il 
possible que tu veuilles m'assassiner après que j'ai 
épargné ta vie ?» Le czaréwitsch a tout nié. Alors le 
czar a remis les lettres au conseil en disant : u Moi, je 
ne peux pas juger mon fils, jugez-le, vous, mais avec 
douceur et bonté et non avec rigueur 1 » Et là-dessus il 
s'en alla. Tout le conseil a condamné le prince à 
mort. Quand il entendit cela, il a été saisi d'une telle 
terreur que, dit-on, il a eu une attaque d'apoplexie : 
il en a perdu l'usage de la parole pendant quelques 
heures. Quand il l'eut recouvrée, il a demandé à voir 
son père encore une fois avant de mourir. Il y est 
allé, le czaréwitsch lui a tout avoué et luî a demandé 
pardon en pleurant. Il a vécu deux jours encore et il 
est mort en se repentant grandement. Entre nous, je 
crois qu'on Ta empoisonné pour échapper à la honte 
de le voir dans les mains du bourreau... C'est une 
horrible histoire, elle me fait l'effet d'une tragédie et 
ressemble beaucoup kAtidronicK 

1» De CampistroQ. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 219 

Je' croyais que M. Làw était Anglais et non Écos- 
sais. Ce qu'il y. a de certain, c'est qu'il est horrible- 
ment haï. Il me fait l'effet d'un brave homme, très 
'intelligent. Avant-hier il a failli mourir d'une colique. 
Le Parlement n'est pas encore content, il continue à 
faire des remontrances... 

... En France, on n'est pas plus tendre pour les 
enfants qu'en Angleterre. Les gens mettent leurs 
enfants en nourrice à la campagne et ne se soucient 
pas d'eux pendant un an ou deux. Je suis poursuivie 
de la folle idée qu'il y a de cette façon beaucoup 
d'enfants changés en nourrice... 

J'ai connu une dame à qui l'on reprochait d'aimer 
un gaillard de basse extraction. « Voilà qui est plai- 
sant, dit-elle; je n'ai jamais ouy dire qu'il faille des 
généalogies pour estre entre deux bons draps ensem- 
ble... » 

Saint-Cloud, lo 7 août 1718, 5 h. du soin 

A peine avais-je mis la date qu'arriva la princesse 
de Conti qui me présenta M"« d'Albret... Elles sont 
restées une heure un quart, à la fin j'ai dit franche- 
ment à notre jeune princesse de Conti : « Allez- vous 
en î j'ay a écrire », car je suis sans façon avec elle et 
elle a ceci de bon qu'elle ne s'offense de rien au 
monde... » 

Les Français sont plus entichés de leur patrie 
qu'aucun^ autre nation.... Les suicides sont rares en 
ce pays, mais tout est affaire de mode ici, si la mode 
prend un jour de se tuer soi-même, on la suivra 
aussi... 



iiO CORRESPONDANCE 

Saint-Cloud, le 14 août 1718. 

... Oq n'a jamais mis de vin du Rhin dans le grand 
touneauS simplement du vin du Neckar. Le bruit 
court que l'Électeur actuel s'entend à chopiner... Je 
ne peux pas souffrir le Bourgogne, je n'aime pas le 
goût de ce vin et 11 me fait mal à Testomac... Le 
vin de Bacharach est incomparablement meilleur... 
Tous les vins qu'on importe... on est obligé de les 
soufrer... 

Saint-aoud, le 14 août 1718. 

... J'ai rendu en ce temps-là un grand service à 
votre mère... Alors qu'elle était enceinte de Charles- 
Maurice, Sa Grâce mon père, voulant au lit lui don- 
ner une lettre pour moi, atteignit par un mouvement 
trop brusque la raugrave à l'œil qui enfla et le lende- 
main se trouva être noir et bleu. La voyant ainsi défi- 
gurée, je m'effrayai et lui dis : « Seigneur Jésus I ma- 
dame (c'est ainsi que je l'appelais, par ordre), quel 
œil vous avez là! » Pour son bonheur, elle me conta 
comment la chose lui était venue. Quand Charles- 
Maurice vint au monde, il avait un œil comme hors 
de l'orbite. Vous savez, chère Louise, que l'Électeur, 
notre père, était horriblement jaloux; il s'imagina 
que madame votre mère avait trop souvent regardé le 
colonel Webenheim, qui n'avait qu'un œil et qui 
maintes fois venait jouer avec nous, et que c'était 
pour cela que Charles-Maurice avait l'œil noir comme 
le bandeau du colonel. Il me fît appeler incontinent, 

1. A Hoidelburg. 



DE MADAME, DUCHESSE DORLÉANS. 221 

dès que Tenfant fut au monde et me dit : « Liselotte, 
voyez cet œil 1 n'est-il pas noir comme le bandeau 
du colonel Webenheim ? » Je me mis à rîre et lui 
dis : « Eh ! non, Votre Grâce, je vois bien ce que cela 
est. » L'Électeur tout fâché s'écrie : « Par le Sacre- 
ment! qu'est-ce-donc ? — C'est quelque chose que 
Votre Grâce n'a pas vu. Vous souvenez-vous que lors 
du voyage d'Openheim, en voulant remettre à madame 
une lettre de ma mère pour moi afin qu'elle me la 
donnât le lendemain, vous lui avez donné un coup de 
poing sur l'œil? Le lendemain, il était noir, tel que 
vous voyez maintenant Tœil de l'enfant. — Mon Dieu, 
dit l'Électeur, que je suis donc soulagé que vous vous 
souveniez de cela l Pour Tamour de Dieu, n'en dites 
rien à madame. » 

Saint-auud, le 18 août 1718, 11 h. du matin. 

... Le prince héréditaire de Wurtemberg m*a de- 
mandé de tenir son petit-prince nouveau- né sur les 
fonts. Tout le monde a été étonné de la chose, on la 
tenait pour impossible d'après ce qu'avait dit la surin- 
tendante de la princesse. Cela me rappelle Benserade. 
M. de Langeais, qui avait été déclaré impuissant après 
un congrès, avait quand même épousé une autre 
femme; vous l'avez vue à Hanovre. Quand elle fut 
enceinte. Langeais dit à Benserade : « Hé bien voila 
pourtant ma femme grosse. » Benserade répondit : 
«Hé, Monsieur, on n'a jamais douté de madame votre 
femme. » Je crains qu'on ne puisse en dire autant à 
mon compère le prince héréditaire de Wurtemberg.. 



222 COnnESPONDANCE 



••• 



Il est difficile par le temps qui court de trouver 
un couvent où les enfants puissent apprendre quel- 
que chose de bien. Les carmélites ne prennent pas de 
pensionnaires et tous les autres couvents où Ton en 
prend sont tellement remplis de vices et de débau- 
ches qu'on frémit d'horreur rien que d'y songer.,. 

S^int-Cloud, ce samedi 27 août 1718, 9 h. du matia. 

... Mon fils a fait tenir un lit de justice au roi, il a 
fait réunir tout le parlement et lui a formellement 
enjoint, au nom du roi, de ne pas se mêler des affaires 
du gouvernement et de s'en tenir à ce qui est de son 
ressort, savoir de s'occuper des procès et de rendre 
la Justice. On a installé le garde des sceaux et sachant 
pertinemment que le duc du Maine et sa femme ont 
excité le parlement contre le roi et mon fils, on a 
retiré au duc la surveillance du roi, qu'on a donnée à 
M. le Duc ; on l'a dégradé lui et ses enfants du rang 
de princes du sang, par contre on y a maintenu son 
frère^ car il s'est bien et fidèlement conduit. Les 
gens du parlement et la duchesse du Maine sont si 
méchants et si exaspérés, que maintenant je suist 
dans des transes mortelles, qu'ils n'assassinent mon 
fils,- car avant que ceci n'arrivât la duchesse du 
Maine avait déjà, en pleine table, tenu un discours 
insensé : « On dit que je révolte le parlement contre 
le duc d'Orléans, mais je le méprise trop pour pren- 
dre une si noble vengeance de luy ; je sauray bien m'en 
venger aultrement, aultrement I » 

I. ï.e cqmte de Toulouse, 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 223 

Je sais la tragique aventure duczaréwitch très exac- 
tement; les gens d*ici qui sont là-bas l'ont rapportée à 
mon fils. Dans les journaux il y a bien des choses qui 
ne sont pas vraies. Le czar n'est plus aussi barbare 
qu'il était avant qu'il n'eût voyagé et Vu d'autres 
cours... Les convulsions dont le czar est pris par suite 
du poison sont horribles quelquefois, dit-on, je ne 
l'ai vu avoir [que de petites. Ce qui abrégera davan- 
tage encore ses jours c'est qu'il boit trop, car le vin 
attaque les nerfs plus encore que le poison... La mai- 
son d'Autriche a ceci de iparticulier qu'on n'y est pas 
reconnaissant. Notre duc de Lorraine et son père ont 
pourtant fidèlement servi l'empereur. Pour les récom- 
penser, celui-ci, dès que le duc de Mantoue est mort, 
prend le Montferrat et le donne au duc de Savoie, 
tandis qu'il revenait de droit au duc de Lorraine... 

Saint-Cloud, le 4 septembre 1718, 7 heures du matin. 

... Ma chienne Tilliette allait vers tous ceux qui la 
caressaient: une femme lui fit des caresses et la chienne 
se laissa prendre à la porte de la galerie. Un garçon 
du village l'a vu, mais il ne l'a dit que le lendemain et 
mes valets de pied sont les plus sottes gens du monde. 
Si on les mettait tous les dix dans un alambic, on 
n'en tirerait pas une once de raison et de sens com- 
mun. Souvent je dis que si le proverbe « tel maistre, 
tel valet » était vrai, il faudrait que je sois horrible- 
ment sotte... 



i-.*r:-e^ ^' ■ 



324 CORRESPONDANCE 

Saint-Cloud, le 8 septembre 1718. 

... Depuis toutes ces menaces de la duchesse du 
Maine d'assassiner mon fils, je ne dors plus aussi 
bien... Ces gens-là sont un méchant et maudit coople 
et quelqu'un les entretient encore dans leur méchan- 
ceté, la vieille sorcière, comme la grande duchesse a 
coutume de l'appeler.. T 

Saint-Cloud, le 8 septembre 1718. 

... Je vous estime heureuse de pouvoir fouler de 
nouveau le sol de la terre promise,' voir Heidelberg 
et Schwetzingen. Saluez en mon nom mon ancienne 
chambre et le salon vitré et écrivez m'en beaucoup !.., 

Saint-Cloud, le 11 septembre 1718, 7 h. du matin. 

... Hier j'ai tenu sur les fonts *avec mon fils un 
Israélite, un bien joli homme qui n'a pas l'air juif du 
tout. Je le lui avais prédit, c'est pourquoi il m'a priée 
de l'accepter pour filleul. L'an dernier, il m'apporta 
une lettre de ma fille. Je crus que c'était un chrétien, 
mais voyant par la lettre qu'il était juif, j'en fus tout 
étonnée et lui dis en riant : « Je ne sais si vous êtes 
juif, mais je parierais que vous ne le resterez pas, 
vous avez si peu l'air juif que je crois que vous avez 
eu un chrétien pour père. Alors il protesta qu'il vi- 
vrait et mourrait juif, mais il s'est par hasard logé à 
Paris dans une maison où demeurait un vieil abbé fort 
savant qui sait l'hébreu. 11 se met à discuter avec le 
juif... Au bout d'un an il a demandé le baptême... 
Hier il disait à M"'" de Rathsamhausen : « Que je 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 225 

serais heureux présentement si Dieu voulait immé- 
diatement m*appeler à lui maintenant que je suis par 
le baptême purifié du péché originel, car la vie de ce 
monde n'est pourtant que peine et labeur ! » Ces' 
paroles me font espérer que la conversion du jeune 
homme est sincère... 

Saint-Cloud, le 18 septembre 1718, 7 h. du matin. 

... Il n'est pas vrai du tout qu*un mariage soit ar- 
rêté entre le prince de Piémont etM"« de Valois*... 
S'il devait se faire, je n'en ressentirais aucune joie, car 
il se ferait contre le gré de la reine de Sicile, que 
j'aime plus que toutes les filles de mon fils... 

Que je vous conte le plaisant dialogue entre mylord 
Stairs et l'ambassadeur d'Espagne, le prince de Che- 
lamar •. Il avait répandu dans tout Paris qu'il n'y avait 
pas un mot de vrai à cette victoire remportée par la 
flotte anglaise sur l'espagnole; lui et le parti espagnol 
disaient la chose avec une. telle assurance que per- 
sonne ne voulait pUis croire la nouvelle jusqu'à ce 
qu'arriva le fils de l'amiralBeing' avec la relation 
complète et la liste des vaisseaux qui avaient sauté, 
avaient été pris, ou avaient échappé. Quand mylord 
Stairs fut en possession de cette pièce, il dit au prince 
Chelamare : « Eh bien, monsieur, que dittes vous 
pressentement de vostre flotte. — Je dis, répondit 
l'ambassadeur, que la flotte est arrivée heureusement 

1. Voir Saint-SimoD, XXXIII, p. 121. 

2. CeUamare. 
8. Byng. 

13. 






226 CORRESPONDANCE 

à Cadix. — Je ne vous parle pas de celle de Cadix, ré- 
pliqua mylord Stairs, je vous parle de celle de Mes- 
sine. — Et raoy, dit le prince de Chelamare, je vous 
parle de celle de Cadix ou tous les gallions sont arri- 
vés richement chargés. » Il n'en put tirer autra 
chose... 

Saiat-CIoud, le 22 septembre 1718| 9 h. du matin. 

... Le duc du Maine est né dans la méchanceté. Il 
y a été élevé. Sa mère était la plus méchante femme 
du monde. Je sais trois personnes qu'elle a empoi- 
sonnées : la Fontange, son petit garçon et une fille 
que celle-ci avait auprès d'elle ; sans parler des per- 
sonnes que je ne connais pas. Il a été élevé par la 
sorcière, la Maintenon, qui est un vrai diable. De sa 
vie elle n'a eu d'autre pensée que de mettre ce bâtard 
sur le trône et de gouverner avec lui... 

Le premier président est amoureux de M""* du 
Maine, il est donc tout à sa dévotion... 

Saint-Cloud, le 25 septembre 1718, 8 h. moins un quart 
du m alto. 

... Tous les enfants du roi et de la Montospan, à 
l'exception du comte de Toulouse, ont été élevés dans 
de telles idées d'orgueil, qu'ils s'imaginent valoir plus 
que nous et nous être supérieurs. M""® d'Orléans sa 
figure avoir fait une grâce et un honneur à mon fila 
en l'épousant... 

... Depuis quarante ans, la France n'a pas eu d'an- 
née aussi fertile et bonne que celle-ci... 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 227 

Saint-Clond, le 27 septembre 1718. 10 b. et demie du matin. 

... Je n'ai pas encore eu le temps de lire l'article de 
notre bon et honnête prince Ragotzi*. Il n'y a rien 
d'étonnant qu'il se soit réfugié en Turquie. L'empe- 
reur le traite fort mal et en veut à sa vie et les Turcs 
lui ont promis de ne pas signer la paix sans lui et de 
lui aider à recouvrer sa principauté, et cela, il ne peut 
pas ne pas l'accepter. Cette après dînée donc, je lirai 
6on article dans la gazette. S'il est conçu dans un 
sens favorable à l'Espagne, c'est que le prince y aura 
été amené par son ami le maréchal de Tessé, qui est 
très espagnol ^, comme tous les maréchaux de France, 
car presque tous sont des créatures de la vieille or- 
dure... 

Si vous ne pouvez pas trouver Lysandre et Ca- 
liste f je vous l'enverrai, je l'ai en double. VArcadie* 
est le roman le plus embrouillé et le plus nauséabond 
du monde : il pourrait vous dégoûter de tous les 
autres. Ceux que je trouve les plus agréables sont 
VAstrée et Cléopâlre,,. 

Saint- Cloud, ce dimancbe 2 octobre 1718. 

... Le roi tient ceci de feu Monsieur, son arrière- 

1. François-Léopold Ragotzki, prince de Transylvanie, souleva les 
Hongrois contre l'empereur Charles VI, ot mourut en Turquie. 11 avait 
épousé une princesse de Wolfenbûttel. 11 vivait alors à Orobois, chez 
les Camaldules. 

2. C'est-à-dire opposé au régent. 

3. VArcadia» de Sydney, sans doute. (Note de M, HoUand.)' 



228 CORRESPONDANCE 

grand père*, qu'il aime tout ce qui est cérémonie. Le 
lit de justice Ta bien moins ennuyé que les remon- 
trances... 

... Le roi serait bien gentil s'il voulait parler un 
peu plus, mais on a de la peine à lui arracher les 
mots. Il aimait fort le duc du Maine, car celui-ci lui 
racontait beaucoup d'histoires. Le duc de Villeroy ne 
sera pasôté d'auprès du roi... 

Saint-CIoud, ce dimanche 9 octobre 1718, 7 h. du matin. 

... Mon fils est très goi. Il me racontait hier qu'en 
Eispagne les raisins muscats sont si forts, qu'ayant^ 
m^ngé une seule grappe il en est devenu tellement 
ivre qu'il est allé dans un couvent et, ne sachant plus 
ce qu'il disait, il a débité toute sorte de fariboles aux 
nonnes, tellement qu'il en est tout honteux présente- 
ment encore... 

Le motif pour lequel notre pauvre M*^ d'Orléans 
est devenue une nonne est uniquement le peu d'affec- 
tion que lui témoignait sa mère et la crainte d'être 
tourmentée pour qu'elle épousât le fils aîné du duc 
du Maine... car, se disait-elle, si j'en épouse un autre 
je m'attirerai la haine éternelle et la malédiction de 
ma mère... 

Saint-Cloud, le 13 octobre 1718, 6 h. du matin. 

... Le seul défaut de M'"® Dangeau, c'est qu'elle tient 

1. Louis XV était le fils de la duchesse de Bourgogne, dont la mère, 
la duchesse de Savoie, était la fille de Monsieur et de Henriette d'An- 
gleterre. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 229 

la vieille ordure pour une dame pieuse, tandis qu'elle 
est un diable. Mais c'est Teffet de son bon cœur, elle 
ne veut ni ne peut penser du noal d'une dame qui Ta 
aimée de tout temps et s'est bien conduite à son 
égard... 

Suiut-Clouc], le 20 octobre 1718, 9 h. du matin. 

... Il n*est que trop vrai que le duc du Maine en- 
^tretient des pratiques secrètes avec l'Espagne... Il 
voudrait bien décider le roi d'Espagne à venir ici afin 
d'empêcher, au cas où le roi viendrait à mourir (ce 
dont Dieu nous préserve I), que mon fils ne devînt roi. 
Car avec mon fils ils ne gagneraient rien, tandis que 
le roi d'Espagne se laisse mener comme on veut : 
avec lui ils gouverneraient tous, c'est pour cela qu'ils 
sont tellement entichés de ce projet et endiablés... 

Saint-Cloud, le 3 novembre 1718, 8 h. et qnart du matin. 

... Je frissonne en pensant à tout ce que M. de Lou- 
vois a fait incendier dans le Palatinat. Je suis per- 
suadée qu'il brûle comme il faut en l'autre monde 
pour son châtiment, car il est mort si subitement 
qu'il n'a pu se repentir le moins du monde. Il a été 
empoisonné par son propre médecin qui a été empoi- 
sonné à son tour, mais avant de mourir il a tout avoué, 
il a dit aussi qui lui avait fait faire le coup. Mais on 
a prétendu qu'il avait eu des transports au cerveau 
et qu'il avait extravagué, vu qu'il accusait la vieille 
ordure ; mais il donnait de tels détails que nul doute 
n'était possible... 



,»»• 



230 CORRESPONDANCE 

Saint-Cloud, le 10 novembre 1718, 

... M"® la Princesse habite le petit Luxembourg, bâti 
par le cardinal de Richelieu... Mais M™® la Princesse 
la fait démolir en entier et a bâti à la place une mai- 
son toute neuve... 

Le roi s*est de tout temps moqué de Dangeau... Si 
la vieille ordure Pavait permis, sans nul doute il au- 
rait été fait duc... Il n*est pas riche {de naissance)^ il 
a gagné beaucoup d'argent au jeu, qu'il a gaspillé de 
nouveau... 

Saint-Cloud , lo 22 novembre 1718, 8 h. du matin. 

... Vous avez bien fait de refuser d'intercéder pour 
cette dame qui veut ravoir sa fille, qu'on a mise dans 
un couvent. Cela ne pourrait se faire, on ne rendrait 
la fille à la mère que si celle-ci était catholique. 

Saint-Cloud, ce jeudi 25 novembre 1718, 8 h. et demie du matin. 

... C'est dommage qu'on ait supprimé ce jardin S 
d'autant plus que dans la haie vive qui longeait le 
fossé il y avait une quantité de rossignols qui, au 
printemps, chantaient toute la nuit. Et qu'a-t-on fait 
du petit ruisseau qui coulait dans le jardin et sur le 
bord duquel j'étais si souvent assise à lire sur un 
saule renversé ? Les paysans de Schwetzingen et d'Off- 
tersheim se tenaient autour et bavardaient avec moi : 
cela' me divertissait plus qu'un cercle de duchesses... 

1. A Schwetzingen, près do Heidelberg. 



-. . -. Jl: 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 231 

Je vous prie, chère Louise, achetez-moi où que ce soit 
une carte du bailliage de Heidelberg, et envoyez-la 
moi en m'en disant le prix... 

Pans, le 29 novembre 1718, 8 h. moins le quart du matin. 

... Une cousine de M. Dangeau, pensionnaire du 
couvent de Saint-Mandé, m'a écrit deux ou trois let- 
tres, elle veut à toute force m'^seigner à trouver la 
pierre philosophale; mais je lui ai répondu que j'étais 
trop vieille pour avoir soif de richesses, et trop mala- 
droite pour apprendre un si grand art, ce dont elle est 
très fâchée... 

Paris, le 1«' décembre 1718, 8 h. du soir. 

... Hier, en sortant de la nouvelle comédie* qui, 
par parenthèse^ est fort belle, je trouvai vos deux 
paquets... 

... Quand on a visité mes fourrures et mes zibe- 
lines, elles étaient remplies de mites. Mais, comme dit 
le proverbe, « à quelque chose malheur est bon », 
je me suis bien amusée en mettant les bêtes sous le 
microscope... 

Paris, ce dimanche 4 décembre 1718, 7 h. du matin. 

... La demoiselle Eltz de Quaadt a été la première 
gouvernante de mon frère el la mienne. Elle était fort 
vieille et voulut un jour me donner la verge, car dans 

1. VOEdipûf de Voltaire. Voir Dangeau, 30 nov. 1718. 



Vj.-- ': 



232 CORRESPONDANCE 

mon enfance j'étais un peu turbulente. Comme elle 
allait m'emporter, je gigotai si fort et lui donnai de 
mes jeunes pieds tant de coups dans ses vieilles jam- 
bes qu'elle tomba avec moi... et faillit se tuer, c'est 
pourquoi elle ne voulut pas rester davantage auprès 
de moi... 

... Le comte Wiser*, on peut l'appeler un conle 
pour rire. 

Paris, le 1 1 décembre 1718, 7 h. du matin. 

... Il faut que je vous conte... la trahison et con- 
spiration, ourdie secrètement contre mon fils, qu'on 
vient de découvrir. Un banqueroutier anglais, ou 
se disant Anglais, voulait passer en Espagne. On a 
prié mon fils de le faire arrêter. Il a donc mis du 
monde à ses trousses. Ce même homme, que Ton arrêta 
à Potié^, avait des paquets de lettres secrètes de l'am- 
bassadeur d'Espagne à Paris. Vous pensez bien qu'on 
s'est empressé d'ouvrir ces lettres. Voici ce qu'on y a 
trouvé : L'ambassadeur écrit à Alberoni qu'on se gar- 
dât bien d'entrer en composition avec mon fils, car 
dès que l'accord serait signé, celui-ci empoisonnerait le 
jeune roi; mais lui, l'ambassadeur, donnerait assez de 
besogne à mon fils pour l'empêcher de faire la guerre. 
On lui susciterait des révoltes dans tout le royaume 
en envoyant des gentilshommes dans toutes les pro- 
vinces; on en avait suffisamment sous la main, le 
parti espagnol était assez nombreux à Paris; qu'on 

1. Fils d'un maître d'école, dit Madame, 
st. Poitiers. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 233 

eût à envoyer beaucoup d'argent et à ne rien ména- 
ger, vu qu'il savait déjà à qui le donner. Je crains 
bien que le frère boiteux de ma bru ne soit de nou- 
veau mêlé à cette affaire. Mon fils a fait arrêter 
Fambassadeur par deux conseillers d*État. Quand 
on Ta interrogé, il a répondu en riant : « Il est 
vrai que j'ai écrit tout cela pour éviter un mal plus 
grand, savoir la guerre, j*ai voulu faire peur au ré- 
gent. » Quand on lui reprocha d'en avoir dit tant de 
mal : « Je dois avouer, dit-il, qu'il y a bien un peu de 
poison dans mes lettres, mais on eh met dans tout 
contre-poison, ce n'est qu'un antidote pour éviter un 
mal plus grand. » Ce dont il faut s'étonner encore, 
c'est qu'on a trouvé le beau-père du fils* deM"'^ Dan- 
geau mêlé à la conspiration. Sa femme ^ est la fille du 
deuxième gouverneur de mon fils, le maréchal de Na- 
vailles. Cette haine, Pompadour la tient de la vieille 
sorcière, la princesse des Ursins, dont il est l'ami «t 
le parent. Elle persécutera mon pauvre fils jusqu'à sa 
fin, uniquement parce qu'il l'a trouvée trop vieille 
pour pouvoir être galante encore... 

Paris, le 15 décembro 171^,6 h. du matin. 

... Mon fils est en danger de mort de toute façon, 
comme vous pourrez voir par les deux lettres impri- 
mées ci-jointes. Ce sont celles-là même qu'on a trou^ 

1. Marquis de Courcillon. Il avait épousé Françoise de Pompadour 
Laurière. C'est le marquis de Pompadour qui est donc impliqué dans le 
complot. 

2. La femme de Pompadour. 



^« 



234 CORRESPONDANCE 

vées dans le paquet de Tambassadeur d*Espagne... 
... Il est vrai que j'ai présenté au roi lé prince de 
Durlach ; il est vrai aussi que j'ai failli épouser son 
grand'père, mais il n'est pas vrai du tout qu'il m'ait 
plu, c'est le plus gros mensonge du monde. Le bon 
seigneur était trop affecté et trop ridicule pour cela. 
La façon dont ce mariage a été rompu est trop plai- 
sante pour que je ne vous la conte pas, chère Louise. 
Le margrave Frédéric avait demandé ma main en 
règle à S. G. l'Électeur, notre père, lequel la lui avait 
accordée pour son fils. Le margrave était ausçi l'ami 
de S. G. ma mère, il ne voulut donc pas que le ma- 
riage se fît sans son consentement et se rendît tout 
exprès à Cassel. Pendant qu*il y va en poste, arrivent 
les Lorrains avec leurs grandes pelisses; ils enlèvent 
tous les chevaux dans un village du Palatinat. Les 
paysans se réunissent et s'arment de gourdins, et cela 
jil^te au moment où le vieux margrave s'en revient à 
cheval, par postes, de Cassel. Les paysans le prennent, 
lui et sa suite, pour les officiers lorrains qui leur 
avaient volé leurs chevaux, tapent bonnement dessus 
avec leurs gourdins et s'emparent de leurs montures. 
Le margrave crut que c'était une affaire arrangée 
exprès, que l'Électeur le faisait rosser parce qu'il était 
allé à Cassel chercher le consentement de ma mère S 
il rompit incontinent le mariage et envoya le baron 
Croneck dans le Holstein pour demander la main de 
la princesse de là-bas. Ce fut une des plus grandes 
joies que j'ai ressenties de ma vie... 

1 . Séparée de l'électeur et yivant à Cassel. 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 235 



Paris, le 22 décembre 1718. 

... On m'a montré une nouvelle invention qui per- 
met de voir combien de pas on fait. C'est comme une 
montre. On rattache à la ceinture et au genou ^ 
Quand on marche, tous les dix pas sont marqués dans 
un cercle; les cent pas, le deuxième cercle les mar- 
que; les mille pas, le troisième. On peut donc tou- 
jours savoir combien de pas on a faits, sans compter, 
ce qui doit être très commode, surtout dans un siège. 
C'est pour mon petit-fils qui étudie présentement les 
mathématiques. Ce seront ses étrennes, avec une ta- 
blette... 

On dit que l'abbé Brigaut commence à jaser dru. 
Mais on fait mystère de ce qu'il avoue... 

Paris, le 19 décembre 1718, 10 h du matin. 

... Mon fils est venu me dire qu'il a enfin dû faire 
arrêter le frère de sa femme, le duc du Maine et la 
duchesse ; ils sont les chefs de la conspiration espa- 
gnolCr.. La femme, en sa qualité de princesse du sang, 
on l'a fait arrêter par l'un des quatre capitaines des 
gardes du roi ; le mari, qui était à la campagne, par 
un lieutenant simplement. Cela établit une grande dif- 
férence entre eux deux... 

... J'ai trouvé M™» d'Orléans fort triste, mais elle 



1. Le podomètre à la ceinture et un cordon qui en pend, au genout 
sans doute. 



236 CORRESPONDANCE 

est plus raisonnable que M*"«la princessei... M"* la 
duchesse^, entre nous, n'est pas trop affligée... 

Paris, le l'^'' jan?ier 1719, G h. et quart du matin. 

... Que je sois malade ou en bonne santé, de ma vie 
je ne prends de bouillon, ni de potage... S. G. feu 
rélecteur notre père a failli me faire mourir un jour; 
il croyait que c'était fantaisie de ma part; il me con- 
traignit durant un mois à prendre du bouillon tous 
les matins, et régulièrement je le rendais... J'en devins 
faible et sèche comme une bûche. Le bon et honnête 
Polier affirma à mon père que je ne pourrais pas Ten- 
durer davantage, et Ton me donna en place du bouillon 
une bonne écuelle de soupe au vin ou de bouillie 
d'avoine au vinaigre... Quand je vins ici, feu Monsieur, 
tout le monde, les médecins aussi, s'imaginaient qu'on 
ne pourrait vivre sans bouillon. Je racontais à Monsieur 
ce qui m'était arrivé à Heidelherg. Cela ne le convain- 
quit pas : je dus tenter la chose : je rendis jusqu'à du 
sang. Alors Monsieur jura que de sa vie il ne l'exigerait 
plus de moi... 

Paris, Is 5 janvier 1719. 



... 



Je vous ai mandé, il y a huit jours, qu*on a dé- 
couvert que le duc et la duchesse du Maine étaient 
les fauteurs de la conspiration. Depuis on a trouvé 
une chose encore qui prouve la culpabilité du duc. 
C'est une lette d'Alberoni, dans laquelle il lui dit : 

1. Mère de la duchesse du Maino. 
S. Sœur du duc du Maine. 



t. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 237 

« Dais que la guerre sera déclarée mettes le feu a 
touttes vos mines. » Rlenn^est plus clair. Ce sont de 
méchantes, de maudites gens. Ah I voici qu'on vient me 
dire une chose qui me peine grandement, savoir 
que le roi de] Suède est resté dans un assaut ^ 
Mais je me consolerai si mon cousin, le prince héré- 
ditaire de Gassel ^, devenait roi de Suède. 11 a immé- 
diatement conclu un armistice avec le Dannemark... 

Paris, le 8 janvier 1719. 

... Bien aimée Louise, il nous vient de rechef un 
malheur. Tout le château de Lunéville est brûlé de 
fond en comble avec tout le mobilier, le 3 de ce mois, 
à cinq heures du matin. Une baraque prit feu; les 
gens voulurent cacher la chose, ils crurent pouvoir 
arrêter Tincendie en démolissant et en creusant les 
murs; mais il y avait tout près de là un bûcher; le 
vent y poussa la flamme, aussitôt tout ce bois brûla, le 
feu se communiqua au jeu de paume, de là gagna la toi- 
ture, et dans Tespace d'une heure, tout fut brûlé; tout 
le garde-meuble en premier lieu. On a voulu sauver 
les archives et les papiers, mais plus de cent per- 
sonnes ont payé cette tentative de leur vie. La cha- 
pelle du château aussi, tout nouvellement bâtie et 
fort belle, avait-on dit, est en cendres. On estime la 
perte à quinze ou vingt millfons. On a sauvé les enfants 
en les emportant en chemise, enveloppés dans des 

1. Charles XII (do la maison des comtes palatins de Deux-Ponts), 
tué le 11 décembre 1718, devant Friedrichshall. 

2. Frédéric de Hesse-Cassel. époux de la reine Ulrique-Éléonore, 
sœur de Charles XII. 



238 CORUESPONDANCË 

couvertures, et ma fille a .voulu se faire porter en 
chaise, les jambes nues, mais les porteurs tremblaient 
tellement, quMls n'ont pas pu avancer; elle a donc, par 
deux pieds de neige, dû traverser tout le jardin, non 
chaussée. Vous vous figurez Tangoisse horrible où elle 
était, jusqu'à ce qu'elle eût retrouvé ses chers enfants. .. 

Paris, lo 12 janvier 1719. 

... Toute 1^ méchanceté de la duchesse et du duc 
du Maine provient de la vieille ordure et de la prin- 
cesse des Ursins. Ces deux vieilles sont de vrais 
diables. 11 se pourrait fort bien que les Jésuites soient 
mêlés à l'affaire. Mais on ne peut les accuser, car on 
n'a encore rien trouvé qui fût à leur charge. Qui ne 
proit à rien ne peut s'amender : ces gens-là ne 
pensent qu'à leurs intrigues et à leurs intérêts..* 

Paris, lo 19 janvier 1719« 

*.. Il n'est pas vrai que le duc de Bourbon soit de la 
conspiration, mon fils et lui sont fort bien ensemble. 
11 était temps qu'on découvrit la trahison, encore 
quatre jours et le complot éclatait I... 

. Paris, le 21 janvier 1719. 

La conspiration de Berlin ^ s'est trouvée être abso- 
lument fausse. Clément, qui les avait tous dénoncés, 

1; tjn aveilturier hongrois, le protestant Clément, avait su capter la 
confiance de Frédt^ric-Guillaume I**", et lui avait fait croire que ses 
favoris Léopold de Dessau et Grumbkow avaient comploté contre sa vie 
avec le prince Eugène et le ministre saxon Flemming. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. '230 

a avoué, quand on lui appliqua la question, quMi les 
avait faussement accusés. M"" Blaspîel* est remise en 
liberté, mais quelle compensation lui offrira-t-on pour 
les soufQets que le roi de Prusse lui a, dit-on > donnés 
au moment où il Ta fait arrêter ? Je trouve cela fort 
mal à la vérité, mais ce que je trouve plus mal 
encore, c'est qu'il Tait invitée à dîner, qu'il lui ait 
causé gaîment et avec affabilité, puis qu'après il l'ait 
maltraitée à ce point ; cela est par trop faux et nulle- 
ment digne d'un roi... Il court aujourd'hui de bien 
vilains bruits sur son compte, si cela était vrai, j'en 
serais vraiment marrie, mais, je veux attendre encore 
avant d'y ajouter foi. On prétend qu'il a de tels maux 
de tête, qu'il en devient comme fou. Je plains la 
pauvre reine de tout mon cœur*.. 

Ce dimanche 21 janvieri 8 h. ot quart du malin. 

..• Je ne connais pas autrement Kurtz de Kan que 
pour l'avoir vu quand il m'a remis une lettre de la reine 
douairière d'Espagne; de plus il est venu deux fois à 
Saint-Gloud avec son énorme femme... Que la reine 
ait voulu faire de lui son majordome, cela se peut : 
elle est ainsi, elle se commet avec toute sorte de gens 
qu'elle ne connaît pas. Cela lui a coûté tous ses joyaux, 
qu'elle a confiés à un jeune gaillard, un homme bien 
commun. Ce qu'il y a de pis, c'est que le manant, 
quand elle a voulu les ravoir, a prétendu que la reine 

1> Femme d'un ministfd du roi do Prusse. Bile avait mal parlé do 
Léopold et de Grumbkowt (Note du D' Friedlaender dans l'édition Hul- 
latid.) 



îiO CORRESPONDANCE 

avait contracté un mariage secret avec lui et que 
c'était pour cela qu'elle lui en avait fait cadeau. 

... On a trouvé chez Schlieben ^, qui est à la Bastille, 
des poésies en Thonneur de cette reine ^. Je les ai 
copiées et vous les envoie avec cette lettre. Je ne les 
trouve pas mal écrites... 

Paris^ le 26 janvier 1719. 

... Certes, Clément est un imposteur et un coquin de 
la pire espèce. L'an dernier il vint ici et voulut tromper 
mon Gis; il produisit des lettres du prince Eugène qui 
étaient fausses ; par bonheur on connaissait trop bien 
ici récriture du prince, et quoique les lettres fussent 
fort bien imitées, on a découvert parfaitement la 
mystification et on a prié le joli monsieur de vider le 
royaume s'il n'y voulait rester trop longtemps à son 
gré ; il s'est donc dépêché de partir pour Berlin, où 
il a monté ce beau coup. Ce gaillard mérite bien qu'on 
lui fasse faire un voyage sur une échelle, qui le mène 
dans l'autre monde '... 

... Le comte palatin de Deux-Ponts gouvernera, je 
crois, et aura une cour comme son père et sa mère. 
Un jour on y entendit un grand vacarme. Un étranger 
demanda ce que cela voulait dire. — Oh l lui dit un 

1. Allemand compromis dans la conjuration de Cellamare. 

2. M. Holland en communique une. Voici la première strophe.: 
« Wie schôn, wie wunderschôn — Spilt mir zar quai dein Au^n- 
licht ! — Ich sehne mich nach solchen Stemen, — Die sîch za weit von 
mir entferoen, — Ich seûffze, doch du hôrst mich nicht ; — Ich flehe, 
aber, ach, vergebens, — - Weil du, o Sonne mcines Lebens, — Wilt 
andern auff, mir aber untergehen. 

3. Il fut on effet exécuté à Berlin. 



DE MADAME, DUCHESSE D^ORLÉANS. Î41 

personnage de la cour, ceia n'est rien de neuf, le duc 
court après son maréchal du palais pour le rosser et 
la duchesse court après sa dame du palais pour lui 
donner des taloches... 

... Je sais qui on a voulu dire, en vous parlant d'une 
princesse, que le prince de BirkenFeld devait épouser. 
C'est la nièce du cardinal de Rohan, M^>^ de Melun. 
Je ne le lui conseillerais pas, il aurait le cardinal tout * 
autant pour beau-frère que pour oncle. La desserte 
d'un prêtre, c'est bien vilain I De plus, leur titre de 
prince est une pure chimère. Ils sont de bonne maison, 
mais nullement princes ni princesses... 

Le duc du Maine aurait bien fait de ne pas se mettre 
de cette conspiration et d'en détourner sa petite naine 
biscornue. On ne saurait guère faire l'éloge de 
Mme d'Orléans, elle n'a pas été raisonnable longtemps... 

P, S. Il faut que j'ajoute encore ceci : Pelnitz * est 
un excroq. Il ne peut pas se montrer en France, parce 
qu'if a trompé tout le monde et qu'il doit à Dieu et au 
diable... 

Paris, lo 29 janvier 1719. 

... Toute la* cabale a répandu dans le peuple de tels 
libelles contre mon fils, que les cheveux vous dressent 

1. Le baron Ch.-L. de Poellnltz (1692-1775), lecteur de Frédéric 11, 
s'est converti au catholicisme à trois reprises. Auteur de : Lettres et 
Mémoires, avec nouveaux Mémoires de sa vie et la relation de ses pre- 
miers voyages. Etat abrégé de la cour de Saxe sous le règne d'Au- 
guste ///, rot de Pologne. On lui attribue aussi la Saxe galante et 
l'Histoire secrète de la duclusse de Hanovre, épouse de George 1er, roi 
delà prande-Bretagne. Après sa mort, Brunn publia : Mémoires de Poell- 
nitz pour seivir à Vhistoire des quatre derniers souvei'oins de la mai- 
ion de Brandebourg, royale de Prusse. 2 vol., Berlin, 1792.) 

11. 14 



*-^. , ^ - 



ti42 CORRESPONDANCE 

à la tête. On le fait passer pour le plus grand et le 
plus infâme tyran qu'on puisse trouver sur terre, et 
pourtant ceux qui le connaissent savent que son plus 
grand défaut est d'être trop bon. — La princesse des 
Ursins n'a pas besoin du tout de cajoler Alberoni : ils 
s'entendent comme larrons en foire. Il y a deux ans 
déjà qu'elle est rentrée erî grâce, en Espagne... 

Paris, le 2 février 1719, 8 h. et djsmie du matin. 

. ... C'est une malédiction que ces affreuses maltresses. 
Partout elles causent des malheurs; elles sont possé- 
dées du démon. Ma pauvre fille s'en aperçoit bien : la 
sienne^ est une méchante femme qui fait son possible 
pour lui enlever totalement son mari. Je ne jurerais 
pas qu'elle n'ait pas fait flamber le château de Luné- 
ville, car elle hait ma fille bien plus qu'elle n'aime le 
duc. On a prouvé qu'il y avait un homme qui a fait 
taire une femme lorsqu'elle voulait crier au feu, en 
lui disant : « Si vous cries au feu, vous estes morte; » 
et un autre a dit : « Ce n'est pas moyqui ay mis le feu 
au chasteau. » Ma fille croit que ça été fait â 
rinstigation de la vieille ordure*, qui a voulu, la 
faire brûler pour se venger de moi et de mon fils, et 
lui faire payer ainsi ce qu'il a fait à son duc du Maine 
et à la duchesse. Je n'en mettrais pas la main au feu; 
elle est assez méchante pour cela. 

... Le boiteux a fait croire à M"'' d'Orléans sa sœur 
que, si mon fils venait à mourir» il ferait en sorte que 

1. C'eSt=à-diro celle de son mari; 

2. Moe do Malntonon» 



DE xMADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 243 

le duc de Chartres serait nommé régent et elle-même 
régente et qu'ainsi elle gouvernerait tout le royaume. 
Elle est donc toute chagrine que la conspiration ait 
été découverte... 

... Sans me vanter, j'ai fait hier de mon mieux en 
intercédant pour vos coreligionnaires. Je ne peux 
vous en dire davantage, cela ne peut s'écrire par la 
poste. Mais ce que je puis dire sans ambages, c*est que 
les moines et la plupart des prêtres ne valent pas le 
diable... 

Paris, le 4 février ni9. 

... Tout le monde a trouvé que le manifeste était 
bien écrit. L'abbé Dubois, l'ancien précepteur de mon 
fils... Ta fait et mon fils l'a corrigé. Le roi d'Espagne 
ne sait pas un mot de tout cô qui se fait; la reine sa 
femme et le cardinal Alberoni mènent tout, et ces 
deux-là sont si remplis de fausseté et de fourberie que 
toujours il faut tout cf aindre de leur part, mais plu- 
tôt des trahisons et des révoltes à l'intérieur que la 
guerre... 

Ce dimanche 5 février, 7 h. moins un quart du matin. 

... Ma fille n'aime pas son mari comme font les 
femmes françaises, elle l'aime de tout son cœur, quoi- 
qu'il soit très amoureux d'une autre. Je crois que la 
Craung^ lui a fait fivaler une noix muscade comme 
fit la Neidschen ^ à Dresde, car quand il ne la voit pas, 

1. Mm> de Craon, la maîtresse du duc Léopold. 

2. Madeleine-Sibylle de NeitzschQtz, maîtresse de l'électeur Jean 
George IV de Saxe. Elle mourut en 1694 à l'âge de vingt ans. Le suc- 
cesseur de Jean-George, Frédéric-Auguste, intenta & la mère de cette 



244 CORRESPONDANCE 

il est dans un tourment si grand qu'il en sue... En 
Lorraine on n*a soin de rien ; tout se fait par la Craon 
qui ne pense qu'à placer ses créatures et à tirer de 
l'argent de tout; les choses sont donc sens dessus des- 
sous, et nos pauvres petits-enfants sont ruinés de fond 
en comble... 

Hier est arrivée la nouvelle que la princesse de Suède 
a été proclamée reine. Mais cela ne suffit pas, je 
souhaiterais bien la couronne à mon cousin le land- 
grave et je voudrais le voir roi... 

La guerre a été déclarée à l'Espagne par l'Angle- 
terre aussi bien que par la France... 

Paris, le 9 février 1719. 

... Avant-hier les deux plus jeunes de mes petits- 
enfants ont passé toute la journée auprès de mol, ils 
dansaient et chantaient et semblaient être dispos et 
en bonne santé, mais la nuit d'après, la plus jeune... 
M"« de Chartres, eut la fièvre et une éruption à la 
peau; on croit que c'est la petite vérole. De six 
semaines je n'irai plus voir le roi, car si, d'ici à dix 
ans, il avait cette maladie, on dirait que c'est moi qui 
Tai donnée à S. M... 

A l'instant je reviens de l'opéra... On donnait 
les Ages, c'est bien maniéré, à Titalienne; je ne peux 
supporter la musique italienne... 

dame un procès aa cours duquel furent mises au jour une foule de 
pratiques superstitieuses employées par la mère et la fille. (Note de 
M. Erbstein, archiviste à Dresde, dans l'édition HoIIand.) 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 245 

- Paris, le 16 février 1719, 7 h. moins un quart du matin. 

... On peut dire de la cour de Prusse avec la fable 
de Làfontaine : « La fromy n'est pas preteusse ». On 
dit que le roi tout le premier rit* de sa parcimonie.., 

Paris, le 23 février 1719, 7 h. et quart du matin. 

Nous avons un temps de printemps bien chaud. 
Dimanche passé, je me suis promenée pendant une 
demi-heure dans le jardin des Carmélites ; les aman- 
diers sont en pleine floraison, les abricotiers et les 
pêchers commencent à fleurir. Je crains bien qu'une 
gelée ne gâte tout cela!... La comtesse de Solms, à ce 
que je vois, pense comme moi qu'il est plus agréable 
d'habiter la campagne qvie les villes les plus grandes 
et les plus belles. J'aime mieux voir la terre et les 
arbres que les plus magnifiques palais, et plutôt un 
potager que les plus beaux jardins ornés de marbres 
et de jets d'eaux, plutôt une verte prairie s'étendant 
le long d'un ruisseau que les plus splendides cascades 
dorées; en un mot, ce qui est naturel me plaît mieux 
que tout ce que l'art et la magnificence peuvent pro- 
duire et inventer... 

Grâces soient rendues à Dieu que voilà la fin du car- 
naval arrivée ! car mon fils, malgré sa promesse, 
recommence d'aller au bal... 

Ce dimanche 26 février, 7 h. du matin. 

... J'ai voulu savoir de mon fils si réellement sa 

femme lui avait persuadé de sortir la nuit et de 

14. 



246 CORRESPONDANCE 

descendre ^ au bal masqué. Non seulement il m'a 
avoué cela; mais quand il lui eût dit qu'il n'y allait 
pas pour ne pas me donner d'inquiétudes, elle lui a 
répondu que je redoutais l'influence de sa fille de 
Berry, vu que je voulais être seule à le gouverner et 
que cela faisait tort à sa réputation de montrer qu'il 
craignait pour sa vie. Je vous prie, dites-moi, chère 
Louise, le diable lui-même dans l'enfer peut-il être 
pire que cette femme? Elle commence à marcher tout 
à fait dans les traces de sa mère -... Mon fils se repent 
bien de ne pasm'avoir écoutée lors de son mariage... 
mais il est trop tard maintenant... 

Mon confesseur s'est donné une peine infinie pour 
me persuader qu'il ne se passe rien de répréhénsible 
entre le duc de Lorraine et M"»» deCraon et que de 
sa vie il ne la voyait en téte-à-tête. Je lui ris au nea 
et dis : « Mon père, tenes ces discours dans vostpe 
couvent à vos moines qui ne voyent le monde que par 
le trou d'une bouteille, mais ne dittes jamais cela aux 
gens de la cour! Nous savons trop que quand un 
jeune prince très amoureux est dans une cour, où il 
est le maistre, quand il est avec une famé jeune et 
belle 2U heure qu'il n'y est pas pour enfiler des 
perles, sur tout quand le mary se lève et s'en va si 
tost que le prince arive. et pour les tesmoins qui sont 
dans la chambre, cela n'est pas vray, mais quand cela 
seroit, ce sont tous domestiques à qui le maistre n'a 
qu'a faire un clin d'oeuil pour le faire partir. Ainsi, si 
vous croyes sauver vos père Jessuiste qui sont les con- 

1 . L'Opéra était au Palais-rRoyal, 
9. Mme ^e Montespan, 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. SU 

fesseur, vous vous trompes beaucoup, car tout le 
monde voit qu'ils tollerent le double adulterre. » Le 
père de Lîgnières se tut et ne m'en a plus parlé 
depuis.., 

Paris, lo 2 mars 1719, 7 h. du matin. 

... Je ne sais quelle femme est la marquise de 
Meuve; je n'ai jamais entendu parler de quelqu'un qui 
porte oe nom, ce doit être une aventurière. On reçoit 
trop facilement ces espèces-là dans les cours alle^ 
mandes... 

... Ici je ne vois pas mon fils aussi souvent qu'à 
Saint-Gloud : il travaille horriblement, et ce serait 
un mauvais passe-temps, pour les courts instants de 
répit qu'il a, que la compagnie de sa vieille mère et 
de ses dames, aussi âgées qu'elle. Il préfère la société 
de sa fille aînée et de ses dames; d'autres se joignent 
à elles qu'il ne déteste pas non plus; elles l'amusent 
et soupent avec lui trois ou quatre fois par semaine. 
Je ne lui en veux pas du tout, cela est tout natu- 
rel... 

Mais il faut que je m'arrête, je vais aller au sermon, 
aux Qiiinse vint.,. 

Paris, le 5 mars 1719, 7 h. du matin.. 

... Je. ne voudrais être ni roi d'Angleterre ni roi de 
Pologne, car je hais les tumultes et j'aime le repos. 
On a trop peu de temps à vivre pour se tourmenter de 
la sorte... 

Je ne dors pas encore bien, mais je crois que je 



248 CORRESPONDANCE 

pourrais dire avec Pickelhaering ^ s'adressant à mère 
Annette : « C'est la faute à la vieillesse ». 

Le jour même où je reçus votre paquet avec une 
lettre du président baron de Gœrtz, l'envoyé du 
Holstein, M. Du Mont, m'en a apporté une autre de 
lui... dans laquelle il me demandait de faire en sorte 
que mon fils sollicitât pour son neveu*... Mon fils a 
piètre opinion de l'effet que ses recommandations 
produiront en Suède... 

... Le duc actuel de Deux-Ponts s'imagine qu'il me 
ressemble comme deux gouttes d'eau. Qu'il soit plus 
joli que moi, cela se peut ; mais je me flatte d'être 
moins désagréable que lui et d'avoir un peu plus de 
bon sens... 

Paris, lo 9 mars 1719, 7 h. moins un quart. 

... Mon fils a quand même écrit en faveur du comte 
de Gœrtz, mais il ne pense pas obtenir grand chose... 

... Après midi je ne peux pas aller au sermon, je 
m'endors de suite, et, comme ici, on ne se trouve pas 
dans une tribune, mais qu'on est assise vis-à-vis de la 
chaire dans une chaise à bras où tout le monde vous 
voit, ce serait un vrai scandale. Et depuis que je suis 
vieille, je ronfle très fort quand je dors : cela ferait 
rire le monde et troublerait le prédicateur... 

1. Le bouffon des farces hollandaises. 

2. Le comte Gœrtz, ministre do Charles XIL II avait été décapité dès 
lo 20 février 1719. L'oncle était premier ministre de l'électeur de 
Brunswick Hanovre. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 249 

Paris, le U mars 1719^ 5 h. moins le quart. 

... J'avoue que j'aime à entendre raconter des pe- 
tites histoires d'aventures, et en particulier de rêve- 
nants et de sortilèges... 

Ce dimanche matin, 12 mars, "7 h. 

... A Paris on ne croit plus aux sorcières, on n'en 
brûle plus. Vous ne seriez pas la fille de S. G. mon- 
sieur notre père si vous croyiez aux sortilèges, car il 
était bien éloigné de toute espèce de superstition. Si 
celles qu'on appelle des sorcières ont manié des poi- 
sons ou commis des sacrilèges, on ne peut les punir 
assez sévèrement et je ne me ferais aucun scrupule 
de les condamner au bûcher, mais les brûler pour 
avoir passé par la cheminée, montées sur un manche 
à balai ou une fourche... et autres choses incroyables, 
cela on ne devrait pas le faire... Si vous pouvez ap- 
prendre d'autres histoires de sorcières encore, Vous 
me rendrez service en me les mandant... 

Paris, le 16 mars 1719, 8 h. du matin. 

... A onze heures j'irai entendre prêcher le carême 
dans l'église la plus proche. C'est un abbé qui prêche. 
Ses sermons sont bien ordinaires. 11 n'est pas comme 
l'évêque de ClermontS qui prêche admirablement 
bien. L'autre ne dit rien de ridicule. Il faut donc s'en 
contenter. Entre nous, nui sermon, quelque bon 

1. Massillon. 



250 CORRESPONDANCE 

qu'il pût être, ne me peut réjouir. Je tiens la chose 
pour bonne, mais non pour réjouissante... 

Avant que la seconde princesse* et le prince de 
Prusse se marient, il passera bien de l'eau sous le 
pont, comme on a coutume de dire à Heidelberg. 
L'état de reine, je ne le tiens pas pour le plus heu- 
reux; de ma vie je n'aurais voulu en être une. On su- 
bit une contrainte plus grande que toute autre. On 
n'a nul pouvoir, on est comme une idole ; il faut tout 
endurer et être contente quand même. C'est ce qu'on 
peut appeler un sot mestié^ ce n'est que fumée et va- 
nité, rien de solide... 

... On ne me hait pas en Alsace parce que, du vi- 
vant encore du feu roi, j'ai été assez heureuse pour 
rendre quelques services à la noblesse du pays. J'ai 
révélé au roi que quelques coquins avaient le dessein 
d'opprimer cette noblesse et qu'on ne voulait pas lais- 
ser ses suppliques arriver jusqu'au- ror. Je les lui ai 
remises et les braves gens m'en sont reconnaissants. 
En France, je ne suis pas fort aimée, à ce que je crois, 
hormis à Paris où l'on ne me veut pas de mal. On me 
sait gré de vivre selon mon rang... 

Paris, lo 25 mars 1719. 

... C'est aujourd'hui mon jour de lecture de la Bible. 
J'ai déjà lu quatre psaumes, quatre chapitres de l'An- 
cien Testament et quatre du Nouveau. A propos de 
Bible, un pasteur de Berlin m'a envoyé un Nouveau 
Testament; celui qui l'a fait s'appelle M. Lenfant, et 

]. C'est-à-dire la seconde fille du prince de Galles, 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 251 

celui qui me Ta envoyé M. de Bosobre*... Ce doit être 
une belle œuvre et tout à fait impartiale, elle me 
plaira donc, car je ne peux souffrir les choses par- 
tiales... 

... Entre nous, la duchesse de Berry a invité son 
père à venir souper dans une maison qu'elle a près 
de Versailles. Ils ne sont rentrés qu'à trois heures du 
matin. Donc, non-seulement elle met son père en 
danger de mort, mais tous deux y perdent aussi hon- 
neur et réputation. Il y. aurait beaucoup à dire là- 
dessus, mais je préfère parler d'autre chose... 

Ce dimanche 26, 6 h. et demie du matin. 

.». Il faut pourtant que j'excuse la duchesse de 
Berry. Mon fils n'a pas été chez elle, mais il a mené 
sa maîtresse à Saint-Cloud avec beaucoup d'autres 
ivrognes ; ils y ont passé toute la journée à goinfrer. 
Je crois qu'il a honte d'avoir fait cette sottise, car 
depuis il n'est pas venu me voir. En France, rien ne 
se peut faire en cachette. Les princes, dans ce pays- 
ci, ont le malheur de ne pas pouvoir faire un pas sans 
que l'univers entier le sache... 

Tous les jésuites veulent que l'on tienne leur ordre 
pour parfait et sans tache ; voilà pourquoi ils cher- 
chent à excuser tout ce qui se passe aux cours où un 
des leurs est confesseur. Aussi j'ai dit au mien, sans 
ménagement, que ce qui se passe à Lunéville est inex- 
cusable» qu'il est aisé de voir que le confesseur du 
duc use d^une extrême indulgence à son égard. Ni lui, 

L Isaac do Beausobro. 



252 ' CORRESPONDANCE 

ni aucun des jésuites lorrains ne pourront faire ac- 
croire quoi que ce soit à n'importe qui; c'est là un 
adultère public, et plus souvent ils feront approcher 
de la sainte table le duc et sa maîtresse, plus grand 
sera le scandale... Il n'y a pas longtemps, Craon a 
acheté un domaine de onze cent mille francs, et .cha- 
cun sait que cette famille-là est pauvre, pauvre comme 
Job... C'est le c... le mieux payé que l'on puisse trou- 
ver sur terre... 

Merci de vos deux jolies histoires de revenants : 
elles m'amusent bien et me servent de sujet dé con- 
versation avec M'"* d'Orléans, à qui je ne sais que 
dire, comme bien vous pensez... 

Paris, le 30 mars 1719, 7 h. du matin. 

... Avant-hier, le duc de Richelieu vint chez le mar- 
quis de BiroD, qui est grand ami de mon fils; il fait 
mille protestations de dévouement et insiste pour 
qu'on hâte son départ afin qu'il pût rejoindre son ré- 
giment. Dans le même temps, mon fils intercepte une 
lettre d'Albéroni à cet impertinent de duc, lettre qui 
prouve sa trahison jusqu'à l'évidence. Par conséquent, 
mon fils l'a fait arrêter dans son lit. On ne lui a laissé 
que le temps de s'habiller et on l'a mené à la Bastille... 
Cela fera couler bien des larmes à Paris, car toutes 
les dames sont éprises de lui. Je n'y comprends rien, 
c'est un petit crapaud que je ne trouve pas gentil du 
tout, il ne paie pas de mine, n'a pas de courage, est 
impertinent, point fidèle, indiscret et dit du mal de 
toutes ses maîtresses. Malgré cela, une princesse du 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 253 

sang», est éprise de lui au point que, quand il est de- 
venu veuf, elle a voulu l'épouser à toute force, mais 
ni sa grand'mère, ni sa mère, ni son frère n'ont voulu 
y consentir. Ils avaient bien raison, car outre que lui 
et elle ne sont pas de qualité égale, elle eût été mal- 
heureuse toute sa vie avec ce cerveau brûlé, qui ne 
vaut rien du tout. Moi je l'appelle le gnome, car il 
ressemble comme deux gouttes d'eau à un lutin... 

... On a tiré à mon fils trois grandes palettes et 
trois assiettes de sang. Je crains que ce ne soit trop 
pour un homme qui travaille nuit ei jour comme il 
fait. Mais les médecins répondent qu'il faut que cela 
soit pour dégager les esprits vitaux... 

Paris, le 2 avril 1719, 6 h. et demie du matin. 

... Je deviens si rêveuse avec l'âge que bientôt, je 
crois, je vais tomber en enfance, devenir distraite 
comme notre tante la princesse Elisabeth d'Herfort. 
Un jour, elle prit un pot de chambre pour un masque 
et dit : « Ce masque n'a pas d'yeux et il ne sent pas 
bon. » Quand elle jouait au trictrac, elle crachait dans 
la caisse et jetait les dés par terre. Lorsqu'elle mou- 
rut, à soixante-deux ans, elle était complètement 
tombée en enfance... 

Notre duchesse de Berry est malade, elle a la fièvre, 
des vapeurs et des douleurs à la matrice..: A l'instant 
on me dit qu'elle est très mal ; je suis bien inquiète : 
elle est si grasse et si grosse que j'ai peur qu'elle ne 
fasse une bien grave maladie... 

1. M'l« d3 Charolais. 

II. 15 



254 CORRESPONDANCE 

Paris, co jeudi saint 1719, 11 h. du matin. 

... M"'" de Berry est hors de danger, elle a pris mé* 
deeine aujourd'hui... 

J'ai été interrompue par un ancien bouffon de la 
feue reine que je n'avais pas vu depuis longtemps. La 
reine aimait cette sorte de gens; moi, non. Mais on voit 
si peu de monde qui date de ce temps-là, que mal- 
gré tout on n'est pas fâché d'en rencontrer un... 

Le petit traître, le duc de Richelieu, a tout avoué... 

Pans, le 8 avril 1719. 

M*"* de Château thiers s'amuse avec les images sur 
talc plus que d'autres dames; c'est qu'elle aime les 
plaisirs innocents. Mais il y en a un grand nombre 
qui ressemblent à la duchesse de Longueville. Elle est 
morte dans une grande dévotion, mais dans sa jeu- 
nesse elle était très coquette et galante. Son mari 
était gouverneur de Normandie, elle dut l'accompa- 
gner dans son gouvernement et elle était fort chagrine 
de quitter la cour : elle y avait laissé des gens qu'elle 
aimait plus que son mari, une personne surtout, de 
sorte que le temps lui dura bien. Beaucoup de gens 
lui dirent : « D'où vient, madame, que vous vous lais- 
ses enuyer, comme vous faittes, que ne joues vous? 
—Je n'aime pas le jeu, répondit-elle. — Si vous voul- 
lies chasser, je trouverais des chiens? disait l'un. 
— Non je n'aime pas la chasse. — Voudries-vous des 
ouvrages? — Non je ne travaillie point. — Voudries 
vous pronieper? Il y a de belles promenades, icy. -• 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLEANS. 255 

Non je n'aime pas la promenade. — 0, qu'aimes vous 
donc? — Elle répondit : « Que voules vous que je 
vous disse? Je n'aime point les plaisir innocent... » 

J'ai reçu une lettre du pauvre baron de Goertz. Il 
m'annonce lui-même la mort de son neveu... Je vou- 
drais que les ministres anglais aient reçu aussi leur 
châtiment, d'exciter ainsi l'un contre l'autre le père 
et le fils^.. Le baron Goertz* laisse une femme et trois 
enfants. Il ne valait pas cher... 

Co saint jour do Pâquos, 9 h. du matin. 

Nous n'irons qu'à onze heures à la grand' messe, à 
notre paroisse. Nous nous y rendrons en cérémonie 
avec les gardes du corps et les suisses, tambours 
et fifres. De plus je rends le pain bénit aujourd'hui, 
c'est une espèce de grand gâteau. Il y en a douze, 
chacun porté par un suisse en livrée. Les tambours, 
iles trompettes, les fifres marchent en avant; les 
carrosses sont couverts de banderolles avec mes 
armes, chacun porte six cierges. Le maître d'hôtel de 
quartier marche derrière , portant sa baguette , 
de plus l'aumônier en surplis et le contrôleur géné- 
ral de ma maison qui mènent le pain bénit à l'église. 
On le coupe en morceaux , j'en envoie par mon 
maître d'hôtel au roi, à la duchesse de Berry et à 
toute la famille roj^ale. Pour cela aussi il y a des 
cérémonies, auxquelles les princes du sang n'ont pas 
droit, mais je m'en soucie si peu que je ne sais pas 

1 Georgo I«' et lo prince do Galles. 
^. l.e ministre suédois était comte, 



256 CORRESPONDANCE. 

même en quoi elles consistent. C'est certes une chose 
sotte et folle. Cet usage n'existe qu'en France. 

... Je ne vous conseillerais pas, chère Louise-, de 
faire un voyage en Angleterre, surtout par le temps 
qui court, car je ne pense pas que vous soyez de 
l'humeur de ces nonnes devant lesquelles on parlait 
des soldats et de tout le mal qui se commet en temps 
de guerre. Une jeune nonne entendit parler de viols 
et quelque temps après, elle demanda à l'abbesse : 
« Ma révérente mère, quand viollera-t-on donc ? » 

Paris, ce dimanche 16 avril 1719, 7 h. du matin. 

... Je VOUS ai déjà écrit que mon fils a donné l'ordre 
de préparer les lettres de naturalité*pourla princesse 
d'Ussingen. J'ai demandé à Wendt à combien lui sont 
revenues les siennes... Elles lui ont coûté deux mille 
livres à cause des sceaux. J'ignore si les princesses 
paient plus que les simples gentilshommes... 

On dit ici qu'on a constaté dans toutes les régen- 
ces on se rebequait et faisait des rébellions... Il les 
ont commencées dès avant la mort du roi... Mon fils, 
en prenant la régence a trouvé deux cent mille mil- 
lions^ de dettes... à cette heure, il en a payé la moi- 
tié. Ne devrait-on pas lui savoir gré de mesures qui 
ne pèsent pas au peuple et qui ne peuvent faire pâtir 
que les riches?... 

1. Lettres de naturalisation. 

2. Zwey mal hundert taaszen (d) millionen. — Le chiffre ost £iax évi- 
demment, mais la guerre de la succession d'Espagne avait coûté 1,55 
millïjus. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 257 

11 faut que le czar ait été ivre quand il a coupé la 
tête à ce pauvre peintre, car quand il est à jeun il n'a 
plus rien, dit-on, d'un barbare russe, mais quand il a 
bu cela le reprend... 

Ce que la princesse de Galles m'a mandé de la 
mort de Goertz m'a fait venir les larmes aux yeux : 
elle m'écrit que le duc d'Holstein* lui a fait dire 
avant qu'il ne mourût qu'il ne lui rendait pas ses 
bonnes grâces et que de sa vie il ne s'occuperait ni 
de ses deux fils ni des siens, qu'il n'avait qu'à les 
recommander à qui il voudrait. Ce qu'entendant 
Goertz doit avoir dit: Si le monde est ingrat à ce 
point, je le quitte et meurs avec joie. Le duc nef 
perdra rien en ma personne. Du moment qu'il ne 
sait pas reconnaître les serviteurs fidèles, il n'en aura 
amais... 

La maladie de madame la duchesse ' vient de ce 
qu'elle boit trop d'eau-de-vie et de ce qu'elle mange 
outre mesure. Dès qu'elle se sent un peu mieux elle 
ne se modère plus quant au boire et au manger, et 
éprouve une rechute. C'est un miracle qu'elle puisse 
vivre encore, elle est diaphane, dit-on, et baisse de 
jour en jour... 

C'est à Heidclberg qu'on trouve les meilleures myr- 
tilles. On n'en trouve point aux environs de Paris; on 
m'en apporte de Normandie, mais elles ne sont pas 
aussi bonnes que chez nous, elles sont bien plus peti- 



1. Goortz, avant d'être au service de Charles XII, avait été con- 
seiller privé et maréchal de la cour de ce duc. 

2. De Berry. 



258 CORRESPONDANCE 

tes, moins savoureuses et plus aigres que celles du 
Palatinat... 

P. S... J'apprends ce matin que la vieille Maintenou 
est crevée* hier soir entre quatre et cinq. C'eût été 
un grand bonheur si cela jvait pu arriver il y a quel- 
que trente ans... 

Paris, le 20 avril 1719, 6 h. du soir. 

•.. Dites, chère Louise, si je n'ai pas raison d'être 
inquiète à cause de mon fils. Hier on a fait arrêter à 
Luick^ un homme du nom de la Jonkère^. 11 s'était 
engagé à enlever mon fils et à le livrer à Albéroni 
mort ou vif. Cet été il ne Ta manqué que d'un quart 
d'heure au bois de Boulogne... Ce soir je l'ai prêché 
et lui ai dit qu'il voyait bien maintenant que je 
n'avais pas tort de m'inquiéter quand il courait la 
prétentaine la nuit... 

Paris, lo 22 avril 1719, 7 h. et demie du matin. 

... 11 me semble que M. Lenfant était déjà de mon 
temps à l'église française de Mannheim ; mais Beauso- 
bre n'y était pas... Mon Dieu, chère Louise, vous dites 
qu'on ne saurait se lasser d'entendre ces deux minis- 
tres, mais je dois avouer à ma honte que je ne trouve 
rien de plus ennuyeux que d'entendre prêcher; je 
m'endors de suite; un sermon pour me faire dormir, 

1. Verockt. 

2. Luttich, Liège. 

a» La Jonquière, Liégeois, avait été lieutenant-colonel do' cavalerio' 
dans le régiment de Forlat. (Dangeau, 14 avril 1719.) 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 250 

c'est plus sûr que de l'opium l surtout après midi. Je 
n'aimais pas non plus à m'approcher de la table sainte 
dans l'église française ; cela se passe tout autrement 
que chez les Allemands et ne me plaît d'aucune façon. 
D'abord il n'y a pas de préparation à la Sainte-Cène; 
secondement les psaumes que l'on chante sont écrits 
dans une langue qui a vieilli, c'est comme si on lisait 
VATHodis; ensuite la piaillerie des petits garçons réci- 
tant le Décalogue : « Tu ne mentira point, tuera' 
point » me semblait bien sotte et enfin je ne pouvais 
souffrir que l'on 'donnât le vin dans des verres 
qu'après on rinçait. Je Tai vu faire à Mannheim et n'ai 
pas trouvé cela respectable et digne d'une chose si 
sainte ; cela ressemblait à une auberge plutôt qu'à 
une église et communauté chrétienne. Rien ne m'em* 
péchera jamais de lire ma bible allemande. J'en ai 
trois fort belles : celle de Merian* que m'a léguée ma 
tante, madame l'abbesse de Maubuisson, une autre 
de Lunebourg qui est fort belle et une troisième que 
la princesse d'OIdembourg, la fille de la princesse de 
Tarente, m'a envoyée l'an passé. Cette dernière est 
comme moi : courte, épaisse et ronde... 

Il faut que la comtesse Wiser soit de ces sottes 
catholiques allemandes qui ne connaissent que les 
saints et non Notre Seigneur Dieu. La margrave de 
Bade, la femme du prince Louis*, doit en être aussi ; 



1. Mathieu Merian l'ancien, célèbre graveur de Bâle (1593'1650); 
illustra la biblo, 11 publia les k Topographies », c'est-à-dire les vues 
des principales villes d'Europe. 

2. C'est la veuve qu'aurait dû dire Madame. Le prince Louis mourut 
en 1717. 



2C0 CORRESPONDANCE 

au lieu de faire en sorte que son fils se perfectionne 
dans les exercices du corps et de le faire voyager, 
elle le mène en pèlerinage à Notre-Dame-de-Lorette. 
On ne peut se figurer rien de plus niais, aussi tout 
le monde se moque d'elle ici... 

J*ai écrit, hier il y avait huit jours, une lettre de 
condoléances à vos enfants*. Mon Dieu qu'ils ont donc 
tort de s'affliger tellement de la perte de cette en- 
fant ! Quel bonheur ne- serait-ce pas pour mon fils 
s'il avait perdu ses trois aînées à cet âge-là ! Je n'en 
dirai pas davantage... 

Paris, le 27 avril 1*19, 7 h. du matin. 

... Le duc de Richelieu est un archi-débauché , un 
vaurien, un poltron qui nonobstant ne croit ni à 
Dieu ni à sa parole. De sa vie il n'a rien valu et ne 
vaudra jamais rien, ilest/aux et menteur, ambitieux 
avec cela comme le diable... Il û'a pas vingt-quatre 
ans... La première fois on l'a mis à la Bastille parcG 
qu'il s'était faussement vanté d'avoir couché avec 
M"»* la Dauphine* et toutes ses jeunes dames. . la 
seconde fois il y est allé parce qu'il a fait savoir lui- 
même que le prince de Bavière voulait se battre avec 
lui^. Or enfin cette fois-ci le coup qu'il a fait, « cou- 
ronne l'œuvre », comme on a coutume de dire. 

Tout ce que je sais des dernières années de ma 

1. C'est-à- dire à votre neveu et à votre nièce, M. et M™« de Degen- 
feld-Schomberg, qui venaient de perdre une petite fille. 

2 La s3conde daupliine, la duchesse do Bourgogne. 

8. Les duels étaient défendus. C'eût donc été pour ne pas se 
battre que Richelieu aurait fait cette démarche. 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 261 

tante d'Herfords je le tiens de notre chère Électrice 
défunte. 

A quoi sert-il que mon fils découvre ceux qui sont 
ses ennen)is? Il est trop bon, tout ce monde lui fait 
de suite pitié et il n*en punit aucun comme il le méri- 
terait. Cela ne fait qu'augmenter l'audace des autres. 

Saint-Cloud, lo 30 avril 1719, 9 h. moins le quart du matin. 

... Les abricots d*ici je ne les trouve pas trop bons... 
mais les pêches sont admirables... 

Le duc de Richelieu n'est pas de la conspiration de 
M. du Maine. Il a conspiré pour son compte, dans 
l'espoir, dit-on, de se rendre si considérable qu'il 
pourrait faire un mariage extraordinairement bril- 
lant*, auquel, jusqu'ici, on n'a pas voulu consentir. 

... Ce n'est pas à cause de lui que deux dames ont 
voulu se battre, mais à cause du prince de Soubise 
qui est fils du prince et duc de Rohan... 

Saint-Cloud, le 4 mai 1719, 7 h. du matin. 

... Je vous prie, chère Louise, faites donc mes 
remerciements à lady Holderness'... elle a une bien 
bonne ortograffe. Cela m'étonne fort, car bien peu de 
dames la savent, les Françaises même font presque 
toutes des fautes. II m'arrive très souvent de corriger 
ma fille, car moi je la sais assez bien... 

... Je ne me mêle jamais de ce qui concerne Rome; le 

1 . Voir la lettre du 2 avril. 

2. Voir la lettre du 30 mars. 

3. L'aînée des filles du duc de Schomberg. 

15. 



_ ■ j 



262 CORRESPONDANCE 

pape et moi nous n'avons pas de commerce ensemble.; 
Je ne m'occuperai donc pas d'obtenir de lui cette dis-, 
pense-ci*, ni aucune autre. Je ne fais pas grand cas 
de lui et ne suis pas papiste le moins du monde, je 
l'ai hautement déclaré... < 



Sainl-Cloud, le 13 mai 1719, 9 h. du matin. 

... J'ai pris ce matin ma purgation aux herbes... 
c'est un breuvage désagréable qu'on me fait avaler le 
matin à jeun, un fort verre plein. Le cresson de fon- 
taine, le cerfeuil et la chicorée mêlés, cela vous a un. 
vilain goût et c'est bien amer. Mais je préfère cela à 
la mauve chaude qu'on me donne d'ordinaire, avec du 
sel végétal... 

. Vous me demandez ce qui m'a chagrinée... Je ne 
peux pas vous le dire en détail, mais en gros c'est une 
horrible coquetterie que M^^*' de Valois a eue avec cet 
endiablé de duc de Richelieu. Il a laissé traîner ses 
lettres, car il ne l'aime que par vanité. Tous les 
jeunes gens les ont vues. On y lisait qu'elle lui a donné 
rendez-vous ici. Madame sa mère aurait bien aimé 
que je l'amène de nouveau avec moi, mais je le lui ai 
nettement . refusé, déclarant que je ne voulais plus 
l'avoir auprès de moi et qu'on ne me trompé qu'une 
foi^. Et tous les jours on revenait à la charge... J'ai 
cette fille en horreur... le cœur me soulève quand il 
faut que je voie cette évaporée. Que Dieu pardonne à 
la mère, mais c'est elle qui a si mal élevé ses filles I 

1. Pour un protégé do la raugravo, sans doute. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 2C3 

... Cet impertinent duc est hardi et se moque de tout, 
il connaît la bonté de mon fils, aussi fait-il le fier et 
n'est-il nullement soumis. Si on le châtiait comme il 
le mérite, on le ferait mourir sous les verges, il l'a 
doublement et triplement mérité. De ma nature, je ne 
suis pas cruelle mais ce polisson-là, je le verrais pen- 
dre sans verser une larme, je suis fort piquée contre 
ce gnome, je le hais cordialement. 

Je crains que la mort de la Maintenon ne soit comme 
celle de la Gorgone Méduse, qu'il n'en sorte beaucoup 
de monstres encore. Si au moins elle était morte il y 
a quelque trente ans, tous ces pauvres réformés 
seraient encore en France et leur temple de Charenton 
n'eût pas été rasé... La vieille sorcière a combiné tout 
cela avec le jésuite le père la Chaise, à eux deux ils 
ont causé tout le mal. M™* Dangeau a bien été triste, 
mais c'est passé maintenant... 

Saint'Cloud, ce dimanche 14 mai 1719, 10 h. et quart du matin. 

Mylord Stairs a trop frayé avec les dames fran- 
çaises : elles ne lui ont pas communiqué Tesprit fran- 
çais, rien que le mal. Il a une mine pitoyable, mer- 
credi passé je l'ai vu à la comédie... 

Saint-Cloud, le 18 mai 1719, 7 h. moins le quart du matin 

... J'allai chez M^^^'de Berry qui ne se porte pas bien 
du tout : elle a un mal dont jamais de ma vie je n'ai 
entendu parler; elle ne peut pas marcher, la plante 
du pied est, à ce qu'elle dit, endolorie comme si on 
y laissait tomber de la cire à cacheter, elle crie de 



264 CORRESPONDANCE 

douleur, si seulement elle frôte le drap de lit, elle ne 
peut l'endurer... 

Non seulement ma petite fille a accepté la dignité 
d'abbesse, elle l'a demandée à son père, elle ne pou- 
vait plus supporter la hauteur de la sœur de Villars, 
qui était son abbesse. Je ne trouve pas que celle-ci 
soit à plaindre, on lui donne dix-huit mille livres de 
pension et la première abbaye de son ordre qui 
deviendra vacante lui est réservée. Cependant elle et 
son frère poussent des cris comme si mon fils avait 
commis à son égardla plus grande injustice du monde, 
comme si elle était l'égale de ma petite-fille. Les gens 
sont par trop insolents en France, en particulier les 
ducs et pairs. Ils s'imaginent être les égaux du roi et 
pourtant le grand-père de ce Villars était un simple 
procureur de village... 

Suint-Cloud, ce dioianche 21 mai 1719, 7 h. du matin. 

... On donne à la maladie de M"^** de Berry le nom 
de rhumatisme goutteux. La ffivorite, la petite M"* de 
Mouchy, en est atteinte aussi, aux mains et aux 
pieds... 

Les Espagnols ont dépensé énormément d'argent 
avec leur flotte^ : ils ne sont pas aussi opulents qu'on 
le pense... 

Saint-Cloud, le 1*' juin 1719. 

... Qu'est-ce que ce zèle impétueux qu'on déploie 
présentement à Heidelberg contre le catéchisme? C'est 

1. Battue par Byngà Syracuse (15 août 1718). 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 205 

une machination de prêtres, je n*en mettrais pas la 
main au feu que les Jésuite^ ne l'aient pas ourdie, car 
ils sont impitoyables vis-à-vis des autres religions... 
De tout temps les disputes et les querelles m'étaient 
insupportables; pour avoir la paix on devrait suppri- 
mer la quatre-vingtième question*. A vrai dire elle 
est formulée trop durement. On aurait bien pu ne pas 
mettre cela. On ne devrait par employer d'expressions 
aussi dures en parlant d'une chose qui se fait en 
mémoire de la passion et de la mort du Christ... 

Saiîit-Cloud, le 4 juin 1719. 

... Hier mourut à Paris, à quatre-vingts ans, un 
homme à qui Dieu veuille pardonner tout le mal qu'il 
m'a fait durant les trente années que j'ai passées 
avec mon mari. C'est le marquis d'EfRat. Il a été 
grand-écuyer et grand-veneur da Monsieur et de 
mon fils aussi. Il a légué à ce dernier une terre avec 
une belle maison*. Mais il ne l'a pas voulu accepter, 
il l'a rendue aux héritiers. D'Effiat était énormément 
riche, il avait dans sa chambre des tonnes et des caisses 
pleines d'or, si bien que dernièrement, lorsqu'il y 
avait le feu chez lui, six hommes n'ont pu les faire 
bouger de place tellement elles étaient lourdes. Il ne 
laisse pas d'enfants, rien que des collatéraux... 

... D'aller en calèche, cela ne m'échauffe pas le 

1. Du catéchisme réfoimé de Heidelbcrg. La messe y est traitée 
d' « idolâtrie maudite ». • 

2. « La terre et la belb maison de Chilly. » (Dungeau, samedi 
3 juin 1719.) 



,266 CORRESPONDANCE 

moins du inonde, moi qui ai pendant trente ans 
chassé le loup et le cerf à cheval et pendant dix autres 
années suivi la chasse en calèche^ j'y suis comme dans 
mon lit, toutes mes voitures sont douces comme une 
barque sur l'eau, elles sont toutes à ressorts... 

Ce Haw est-il le fils de l'oncle Robert ^ ? Car, si je 
ne me trompe, sa comédienne s'appelait Haw. Aux 
gens qui ont servi au divertissement des grands, ceux- 
ci feront toujours un sort. Il en a été ainsi de tout 
temps et il en sera de même jusqu'à la fin du monde. 
J'ai oublié de vous dire que j'ai hérité du gouverne- 
ment de d'Efïiat. Il était gouverneur de Montargis, et, 
avec l'assentiment de mon fils, j'ai donné ce gouver- 
nement à mon Wendt* ; il en est digne, lui, car il m'est 
aussi fidèle que l'autre m'était opposé... 

Mme d'Orléans "*, étant abbesse, est suivie partout de 
deux nonnes qui sont de service auprès d'elle. Entre 
nous soit dit, un» couvent n'est autre chose qu'une 
cour mal gouvernée. Ma tante l'abbesse de Maubuis- 
son n'a jamais voulu avoir ce service auprès d'elle. 
« J'ai quitté le monde, disait-elle, pour ne plus voir 
de cour », elle retroussait sa robe et allait se prome- 
ner seule dans tout son couvent et dans le jardin» 
riait de tout et d'elle-même et était bien drôle. Elle 

1. Le comto palatin Robert, fils d'Elisabeth Stuart, général de 
Charles P*: dans les guerres de lu Révolution. 

2. Dangeau, samedi 3 juin 1719 : « Madame a obtenu poui^ Vintes» 
qui est un Allemand, son écuyerj attaché à elle de tout temps, le gou- 
vernement de Montargis ; il y a 3j000 francs d'appointements et la 
ville dohne encore quelque chose au gouverneur; » Montargis était le 
douaire do Madame. Nous avons d'ailburs vu que Wcndt s'était fait 
naturaliser (lettre du 16 avril 1719). 

3. L'abbesse de Cholles. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 267 

avait la voix de S. G. l'électeur notre père... M™" de 
Berry n'est pas dévote, elle ne joue pas le moins du 
monde ce personnage-là. Sa sœur de Valois ne vaut 
rien et ne vaudra jamais rien, elle n'est pas digne que 
nous parlions d'elle. M™'' d'Orléans a voulu venir ici 
ce soir avec moi, niais il lui est venu une fluxion à la 
nuque : elle ne pourra venir de sitôt. Dieu me par- 
donne! mais je n'en ai nul regret... Sa fille de Berry 
et la nonne ne sont pas fausses, ni son fils non plus, 
Dieu merci l mais la mère et la troisième fille prati- 
quent maîtrement la chose. Le diable n'est pas plus 
faux qu'elles. Je suis si lasse de tous ces gens que 
j'en ai jusque-là !... 

Saiut-Cloud, lo 25 juia 1719, 8 h. et demie du matin. 

... Jadis c'était une grande affaire quand dans une 
famille il naissait un septième garçon, tellement que 
les rois de ce pays-ci payaient une pension à ces en- 
fants-là... Où croyait aussi qu'ils guérissaient les 
écrouelles en les touchant, mais je crois qu'il en était 
d'eux comme des rois de France qui les touchent 
aussi... 

Les remontrances du roi de Prusse* pourront pro- 
duire grand effet r il a mis sur pied une forte armée, 
et une armée qui peut faire parler de nombreux ca- 
nons devient très persuasive. J'espère donc que la 
lettre que le roi a écrite à l'électeur palatin fera les 
affaires des pauvres habitants... 

Je ne fais pas grand cas du concile de Trente .♦ je 

1, Intervenant en filveut des réformés du Palalioat. 



208 GORUËSPONDANCË 

iVen connais pas le premier mot et je n'estime pas 
qu'il soit nécessaire de le lire... 

Saint-Cloud, le 29 juin 1719. 

M™*' de Berry est bien malade encore et hier il y 
avait trois mois que cela dure. Un jour elle ne mange 
rien, le lendemain elle fait trois repas. Cela ne lui 
vaut rien, cela fait qu'elle passe la nuit à vomir, elle 
ne peut dormir, et le lendemain elle est très mal... 
Les orages ne sont pas bien forts en ce pays-ci, mais 
ils lo sont suffisamment pour grandement effrayer 
M'"« de Berry... 

Saint-Cloud, le 6 juilet 1719. 

... Feu ma mère aimait tout ce qui était à la mode; 
elle trouvait admirable tout ce qui venait de France, 
tandis que moi je ne fais aucun cas des modes. 

... M. Fesch est Suisse, il est très-intelligent. Il est 
conseiller du margrave de Durlach; c'est un bien 
brave et honnête homme. Il est ici, à La cour, pour 
les affaires des Suisses. Il est réformé*.., 

Saint-Cloud, ce dimanche 9 juiUet 1719. 
8 h. moins lo quart du matin. 

... La jeune duchesse d'Albret est morte en couches 
pour avoir, pendant sa grossesse, mangé trop de cire 

1. Le cardinal Fesch, l'oncle de Napoléon ï^', descend des Fesch de 
Bâlo. M*»*: Ramolino, née Pietra Saota, la mère de Laetitia, épousa en 
secondes noces un certain François Fesch, de Bâle, lieutenant en 
premier au régiment suisse de Boccard. Do ce mariase naquit le car- 
dinal. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 269 

et trop die ce pain dont on fait les osties... Le duc est 
très-triste, mais il Tétait aussi quand mourut sa pre- 
mière femme, ce qui ne Ta pas empêché de se rema- 
rier six mois après; on pense qu'il se consolera de 
nouveau tout aussi aisément... 

Les méchants prêtres sont de vilains compagnons. 
Quand ils se mettent en tête de tourmenter le monde, 
ils n'ont de cesse qu'ils n'aient mis l'affaire en train. 
J'ai vu suffisamment ici comment ils s'y prennent et 
la façon dont se passent les choses. C'est une misère 
quand on s'imagine être dévot et qu'on ne croit que 
ce que les prêtres veulent vous faire accroire. Feu 
notre roi était ainsi : il ne savait pas le premier mot 
des Saintes Écritures, jamais on ne les kl avait fait 
lire. Pourvu, croyait-il, qu'il écoutât son confesseur 
et récitât son pater, tout irait bien et sa dévotion se- 
rait parfaite. Souvent il me faisait pitié, car toujours 
ses intentions étaient bonnes et sincères. Mais la 
vieille ordure et les Jésuites lui ont fait accroire qu'en 
persécutant les réformés il réparerait aux yeux de 
Dieu et des hommes le scandale qu'il a donné en pra- 
tiquant le double adultère avec la Montespau. C'est 
ainsi qu'ils ont trompé ce pauvre roi. J'en ai souvent 
dit ma façon de penser à ces prêtres. Deux de mes 
confesseurs, le père Jourdan et le père de Saint- 
Pierre me donnaient raison, je ne me disputais don 
pas avec eux. Les Capucins ont une bien sotte religion, 
ce sont de vrais moulins à prières, mais, en général, 
ce sont de braves gens... 

Mon bon cousin le roi d'Angleterre a la cervelle 
singulièrement faite... mais, entre nous soit dit, quand 



270 CORRESPONDANCE 

on adore trop le dieu Mammon, cela se voit dans 
toutes vos actions... 

SaiQt-Cloud, ce 13 juiHet 1719 

Il faut qu'à Francfort on soit bien mal organisé en 
prévision des incendies pour que... cinq cents mai- 
sons aient brûlé. A Strasbourg, on prend mieux ses 
dispositions... Je plains de tout mon cœur tous les 
pauvres gens atteints par le sinistre et les pauvres ci- 
gognes aussi. Elles m'ont souvent divertie à Heidel- 
berg. quand je les regardais sur les cheminées de la 
ville, c'est pourquoi elles me sont chères. On devrait 
avoir, à Francfort, des pompes comme on en a en 
Hollande. De mon temps, il y en avait une aussi près 
du théâtre, dans la grosse tourS et maintenant il y en 
a également ici... 

Saint-Cloud, ce samedi 15 juillet 1719. 

... M™'' de Berry a la fièvre depuis mercredi... c'est 
sa faute, car elle a mangé le même jour du lait, de la 
salade, des melons et des figues... Malgré toute son 
intelligence, elle est comme un enfant de neuf ou dix 
ans, avec sa façon de vivre désordonnée... J'avoue 
que je la plains de tout mon cœur... 

Ce dimanche 16 jaillet, 7 h. du matin. 

... Quand je lui ai tâtéle pouls, elle a voulu à toute 
force me baiser la main ; cela m'a tout à fait atten- 
drie; je suis vraiment bien triste... 

1. Au château de Hcidelberg. 



DE MADAME, DUCHESSE D»ORLKANS. 271 

Mon docteur me dit à l'instant qu'il retourne à la 
Muette, où 11 est resté cette nuit jusqu'à deux heures ; 
il craint un transport au cerveau, il conseillera, par 
conséquent, à M"® de Berry de se confesser et de com- 
munier. Je suis très affligée... 

Saint-Cloud, le 20 juillet 1719, 7 h. du matin. 

Bien-aîraée Louise, M^^ de Berry n'est pas morte 
encore, mais je crains que bientôt elle n'expire, car il 
commence à tonner, et c'est là chose dangereuse 
pour les moribonds. Je mène une bien triste existence 
à cette heure, chaque jour, dans l'après-dînée, je vais 
à la Muette... je reste dans la chambre de notre ma- 
lade, où il fait horriblement chaud, de trois heures et 
demie à huit, ayant le cœur bien gros, comme vous 
vous le figurez aisément, car je vois mon fils en proie 
à une telle tristesse que j'en ai l'âme navrée. Je plains 
la mère aussi.. Mais je retiens mes larmes à cause de 
la malade. Elle est pourtant bien résignée à mourir; 
elle disait hier qu'elle mourrait volontiers puisqu'elle 
avait fait sa paix avec Dieu, que si elle devait vivre 
plus longtemps elle pourrait retomber dans le péché, 
qu'elle préférait donc mourir. Cela nous a touchés à 
un tel point que je ne saurais vous le dire. Au fond 
elle a bon cœur, si sa mère avait davantage pris soin 
d'elle et l'avait mieux élevée, elle ne nous aurait 
causé que de la joie... Quand je ne la vois pas, mon 
cœur bat, et quand je la vois je m'afflige de l'état où 
elle est... 

D'ordinaire les Suisses sont très-exacts dans l'exé- 



272 CORRESPONDANCE 

cution des ordres et de la consigne.' Il n'y avait 
pas longtemps que j'étais en France, j'eus envié une 
nuit de me promener dans les jardins de Versailles. Le 
Suisse qui montait la garde ne voulait pas me laisser 
passer. Je lui dis : « Bon Suisse, laissez-moi faire ma 
promenade, je suis la femme du frère du roi. — Le 
roi a-t-il donc un frère? — Comment, vous ne savez 
pas cela, lui dis-je, combien de temps y a-t-il donc 
que vous êtes au service du roi? — Trente ans, me 
répondit-il. — Comment ! et vous ne savez pas que le 
roi a un frère! Mais on vous fait prendre les armes 
quand il passe. — Ah! oui, dit le Suisse, -quand on bat 
la caisse je prends les armes, peu m'importe pour 
qui. Je n'ai jamais demandé si le roi avait une femme, 
des enfants ou un frère; je ne m'en inquiète pas. » — 
J*ai fait rire de bon cœur le roi en lui rapportant ce 
dialogue... 

La comtesse Wiser m'assurait hier que les réfor- 
més n'avaient rien à craindre, que l'électeur ne les 
dérangeait en rien dans leurs églises et leur laissait 
toute liberté. Je lui ai soutenu que j'étais informée 
tout juste du contraire, qu'on les tourmentait fort et 
qu'ils n'étaient pas libres du tout... 

Ce jeudi 20 juillet, 9 h. du soir. 

... Je reviens de la Muette et je suis fort triste. J'ai 
laissé la pauvre duchesse de Berry dans un redouble- 
ment que je tiens pour une agonie, elle ne connaît 
plus personne, elle est devenue pâle, ce qui ne lui est 
pas encore arrivé depuis qu'elle est malade, le pouls 
est mauvais et elle est prise d'un fort hoquet... Bras 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 273 

et jambes me tremblent encore, je ne peux pas me 
remettre... Je sue à grosses gouttes, j'ai des vapeurs 
et suis toute saisie... 

Saint-Cloud, ce dimanche 23 juillet, 6 h. du matin. 

Bien-aimée Louise, ce que j'ai tant redouté est ar- 
rivé enfin à deux heures et demie, dans la nuit du 
jeudi au vendredi : la pauvre duchesse de Berry est 
morte... Quand il m'a semblé qu'elle ne me connais- 
sait plus, je la quittai. Mon pauvre fils est resté après 
moi : il lui a fait prendre un élixir qui l'a fait revenir 

, à elle; elle lui a parlé longtemps encore. Puis on a 
dit des prières à son lit jusqu'à une heure, alors elle 
a de nouveau perdu connaissance, mais elle n'est 
morte qu'à deux heures et demie ; la mort a été bien 
douce, dit-on. Elle a passé comme une lumière qui 
s'éteint; elle s*est endormie. Hier on l'a ouverte. Je ne 
comprends pas qu'elle n'ait pas souffert davantage. 
Elle avait un ulcère à l'estomac, un autre à l'aine, la 
rate était entièrement pourrie, ce n'était plus qu'une 
bouillie; la tête était pleine d'eau, la cervelle réduite 
de moitié : mon docteur pense que c'est pour cela 
qu'elle était si peu sensible à la douleur... 

J'ai trouvé mon pauvre fils dans une telle affliction 
que cela attendrirait un rocher, il ne veut pas pleu- 
rer, il se raidit contre la douleur, et, à tout instant, 
les larmes ne lui en montent pas moins aux yeux... 
Je suis dans de terribles angoisses, il ne pourra pas 
l'endurer, il tombera malade. Nous ne prendrons le 

• deuil que pour trois mois. Il devrait durer six mois, 



274 CORRESPONDANCE 

avec des carrosses et des livrées noirs, mais le nou- 
veau règlement de deuil en France a tout, réduit de 
moitié... 

Saint-Cloud. le 27 juillet 1719. 

La piqûre des cousins du Rhin et de Mannheim est 
plus venimeuse que celle des cousins d'ici... Moi aussi 
j'ai des cousinières de gaze... 

Je vous fais mon compliment de condoléance au 
sujet de la mort de votre beau-frère^. A ce que m'é- 
crit la princesse de Galles, on l'a trouvé mort et tout 
roide déjà sur sa chaise percée, après qu'il eût eu bien 
dîné... J'ai écrit immédiatement à mon fils par un 
exempt de ma garde pour l'empêcher de donner Gou- 
bert et tous les autres biens que le duc avait en 
France à personne d'autre qu'à ses filles...- 

... On m'a amené le jésuite qui a prêché le carême 
en Lorraine; c'est un homme bien connu, il eet fils de 
la maréchale de La Ferté, frère du duc mort récem- 
ment, il est très intelligent et, comme tous ceux de 
la famille, fort plaisant. Il m'a conté tout l'incendie 
de Lunéville... 

On a bien des exemples de malades qui ont eu le 
don de seconde vue pendant leurs divagations et au 
moment de mourir. On prétend que feu mon frère a 
récité, pendant qu'il agonisait, des vers latins prédi- 
sant tous les malheurs du Palatinat. Vous avez bien 
connu la famille Wilder et vous savez que le fils aîné 

1. Le duc Meinhard de Schombcrg, fils du maréchal duc de Scbom» 
bcr{?, mort à \a, bataille de la Boyrie, 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 275 

eut le malheur de tuer son plus jeune frère d'un coup 
de feu. Eh bien, l'une des sœurs avait été prise de 
fièvre chaude et ne faisait que crier : « Ne laissez pas 
mon petit frère Charles aller avec mon frère Guil- 
laume! il le tuera. » Et cela arriva en effet quelques 
ours après... 

Saint-Cloud, le 30 juillet 1719. • 

... Dans l'almanach qu'on nomme le Liégeois j on 
nous menace de beaucoup d'incendies pour Tannée 
courante, et il n'y en a pas mal eu déjà et en beau- 
coup d'endroits... Cela est bien sûr : il y a quelque 
chose dans les astres qui marque une certaine pré- 
pondérance du feu... Cette lueur extraordinaire, nous 
l'avons vue au ciel en avril... C'était pendant la nuit 
une clarté rayonnante comme celle du soleil ; elle ne 
dura que le temps de dire un Pater; en d'autres 
endroits, en France, on l'a vue sous forme d'une 
boule de feu... 

Saint-Cloud, le 3 août 1719. 

... Feu le roi ne savait rien du tout des Saintes 
Écritures, il me tenait pour savante moi qui en sais 
quelques petites choses; cela m'a toujours paru fort 
plaisant. S'il avait voulu lire, il aurait pu les con- 
naître, mais il avait la lecture en horreur... Il ne 
savait pas le premier mot des différences entre les 
religions. Le confesseur lui disait : « Ceux qui ne 
sont pas catholiques sont des hérétiques, ils sont 
damnés. » Et il le croyait sans examiner autrement la 
chose, ♦♦ 



270 CORRESPONDANCE 

M™* Sassetot n'était pas une Lamode^ chère Louise, 
mais une La Molhe. La princesse de Galles fait cette 
faute-là toujours aussi, dans son français, de mettre 
des d pour des t... 

Saint-Cloud, lo 6 août 1719. 

... Je nie pique de n'être pas comme d'autres per- 
sonnes princières... Je n'ai nulle ambition, je ne veux 
pas gouverner et n'y trouverais aucun plaisir. C'est là 
la grande affaire des femmes françaises : pas une 
laveuse de vaisselle qui ne se figure avoir assez d'es- 
prit pour gouverner tout le royaume et qui ne croie 
qu'on commet à son endroit la plus grande injustice 
du monde en ne pas demandant son avis. Cela m'a 
dégoûtée de toute ambition; je trouve que c'est si 
affreusement ridicule, que j'en ai horreur. A l'excep- 
tion de M™« de Châteauthiers, je ne connais personne 
en ce pays qui ne soit intéressé : tout le monde veut 
gouverner pour devenir riche. Quoique, à considérer 
mon état, je sois pauvre, je ne me donnerais aucune 
peine pour augmenter mon revenu, M'"^ de Berry qui 
en avait un double du mien laisse, outre ce qu'on 
pourra payer avec l'argent qui lui restait, quatre 
cent mille livres de dettes à mon fils. S'il plaît à 
Dieu, on ne trouvera pas mes affaires en cet état-là 
après ma mort,.. 

Saint-Cloud, le 10 août 1719, 8 h. du matin. 

... C'est la maudite Mouchy, la favorite de la 
duchesse de Berry, qui est cause de sa mort; elle l'a 






DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 277 

tuée comme si elle lui avait plongé un poignard dans 
le cœur. On sait à présent qu'elle lui donnait à man- 
ger toute sorte de choses... des fricassées, des petits 
pâtés, de la salade, du lait, des figues, des prunes ; 
elle lui faisait boire de mauvaise bière glacée et fer- 
mait la porte à clef; pendant quinze jours, pas un 
docteur n'a vu la malade... Mon fils a exilé la mé- 
chante sorcière avec son mari. Je crois que si elle 
était restée à Paris, les gens de M"" de Berry Tauraiont 
lapidée... Personne d'entre eux n'avait donné à la du- . 
chesse des choses défendues par le médecin : la favo- 
rite faisait préparer cela au village et le faisait appor- 
ter par une porte dérobée, quand elle pensait que 
tout le monde était couché. 

Raint-Cloud, le 13 août 1719. 

... M"»" de Berry avait beaucoup d'esprit et une 
éloquence naturelle : elle parlait fort bien quand elle 
voulait. Mon fils a été très touché de sa mort : ellp 
était sa préférée et ce qu'il avait de plus cher au 
œonde... 

Saint-Cloud, lo 17 août 1719. 

... On ne porte des habits de deuil en drap que pour 
un mari ou une mère. C'est du drap de Saint-Maur eu 
laine qu'on porte ou une étoffe en poil de chèvre qui 
est encore plus légère... 

11 est bien rare que les Françaises élèvent bien les 
jeunes filles : elles en font des coquettes ou des dé- 
votes... 

Ce que je dis à mon fils et puis rien, c'est tout un : 

II.. 10 



\ . 



278 CORRESPONDANCE 

il n'écoule pas mes conseils, car ses maudits flatteurs, 
ces mécréants viennent peu après pour tout effacer ! 
Ce sont de méchants drôles, débauchés et impies qui 
font profession d'athéisme. L'un est un marquis de 
Broglio, un ancien abbé, il a jeté le froc aux orties, 
c'est ce qu'il pouvait faire de mieux ; l'autre est le fils 
d'un bien honnête homme, ancien sous-gouverneur 
de mon fils; il s'appelle Nossé*. 

Saint-Cloud, le 27 août 1719. 

... Partout on se plaint de la grande chaleur et des 
maudites punaises : elles m'ont tourmentée toute la 
nuit. La princesse de Galles m'écrit que tout Londres 
s'en plaint, et la reine de Sicile, qu'on a trouvé tout 
son lit couvert de ces bétes... 

... La duchesse de Berry a été horriblement volée. 
Tous ses gens semblent s'êre facilement consolés de 
sa mort. Moi aussi, chère Louise, je m*en console, et 
cela pour bien des raisons : j'ai appris après sa mort 
beaucoup de choses qu'il est impossible d'écrire... 

Saint-Cloud, le 31 août 1719. 

... Il ne s'est rien passé de neuf, si ce n'est une 
foule de choses concernant les finances, mais je ne 
peux vous les conter, je n'y comprends rien. Je ne 
sais que ceci : mon fils a trouvé, avec un Anglais, 
M. Law, que les Français appellent Las, le moyen de 
payer en un an toutes les dettes du roi qui se mon- 
tent à deux cent mille millions.,. 

\. Noce. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 279 

II n*est pas étonnant que la duchesse de Berry ait 
fait des dettes : elle avait auprès d'elle un jeune im- 
pertinent et une femme effrontée, ces deux faisaient 
cause commune : ils se faisaient tout donner... et 
avaient pris sur elle une telle autorité que jamais elle 
ne leur a refusé quoi que ce soit... 

A MADAME LA COMTESSE DE DEGENFELT À LONDRE 
Condid street by Hanovre Square Pony post*. 

A Saint-Cloud, ce vendredi le^ do septembre 1719. 

Madame la Comtesse, il y a déjà quelque temps que 
j'ay reçue vostre lettre du 20 de juillet, vieux stille, 
mais il m'a esté impossible d'y faire plus tost responce, 
car vous croyez bien que dans ces jtristes occations 
je n'ay manqué ni de lettres de condoléances ny de 
vissittes. Sans cela je n'orois pas manquée plus tost 
de vous remercier de la part que vous aves prisse 
dans mespaines pendant que vous vous esties si acca- 
blés de vostre propre affliction*, comme aussi de vos 
bons souhaits. Quand j'ay eu soin de vous conserver 
en ce p^^s-cy, ce qui vous est si légitimement due, je 
n*ay fait que ce que je devais. Je suis bien aise de 
savoir que feu M. le duc de Schonberg avait un brevet. 
J*ay reçu, il y a deux jours, une lestre de vostre sœur. 
Ne craignes vous de faire voyager vostre fille trop 
tost? Car l'air de la mer au mois de septembre doit 
estre violent. Je n'escris à M. le comte de Degenfelt 

1. Cette ligne n'est pas de là main do Madame. (Note do M. Ho 
land.) 

2. La mort du duc de Schomberg. 




280 CORRESPONDANCE 

parce que M"'' la princesse de Galle le croit déjà parti 
pour venir icy; ainsi je luy feres responce. Je me faits 
un grand plaisir de vous voir tout deux et de vous 
assurer que je suis madame la comtesse^ 

Vostre bien bonne amie, 

ELISABETH CHARLOTTE 
Saint-Cloud, le £ septembre 1719. 

... La Mouchy était bien la plus indigne favorite 
que jamais on ait vue; elle était de basse extraction. 
Son grand-père maternel était chirurgien de feu mon 
mari, et contrôleur général de sa maison, ce qui n'est 
pas une charge élevée ; il s'appelait Forcadel. La mère 
ne vaut pas grand'chose non plus... Ce que la Mouchy 
a fait de plaisant, c'est qu'elle a volé son propre 
amant, le comte de Rioms. M™« de Berry lui avait fait 
d'énormes cadeaux, tant en pierres précieuses qu'en 
argent. Il avait mis tout cela dans une caisse quMl avait 
laissée à Meudon* et cette caisse, sa chère Mouchy la 
lui a volée et s'est sauvée avec. C'est ce que je trouve 
plaisant. On peut dire comme S. G. feu notre père en 
de semblables occasions : «Accordez vous, canaille !... » 
M"»* de Berry n'était pas aimée de ses gens. Les domes- 
tiques français sont fort jaloux quand ils voient qu'on 
leur préfère un de leurs camarades, ils se mettent à 
haïr les maîtres. Il n'y a pas de nation plus âpre au 
gain que celle-ci, il n'y a donc pas à s'étonner qu'ils 
aient si vite oublié leur maîtresse; de plus elle était 
très hautaine et absolue, c'est ce qui y a contribué 

1. Rioms était à l'armée quand la duchesse mourat. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 281 

aussi. En outre ses gens n'étaient pas régulièrement 
payés. Rioms grappillait, la Mouchy aussi ., 

L'électeur palatin aurait bien besoin aussi d'un 
M. Law qui mît de l'ordre dans ses aflFaires et réglât 
ses finances... 

Saiat-Cloud, le 1 septembre 1719; 

... C'est aujourd'hui la fête de Saint-Cloud... c'est 
pourquoi je vous envoie mon visage de chat-singe-ours, 
comme S. G. l'électeur notre père avait coutume de 
dire ; je pense que mon portrait vous sera tout aussi 
agréable que la petite boîte que j'ai coutume de vous 
envoyer chaque année. Je vais à l'avenir pouvoir vous 
faire de plus beaux cadeaux, car mon fils a augmenté 
mon revenu de cinquante mille écus français, ce qui 
fait cent soixante mille francs ; me voilà donc riche, 
comme vous voyez, chère Louise... 

Saint-Cloud, ce mercredi 13 septembre 1719. 

... Il faut que demain... j*aille à Ghelles où se fera 
la bénédiction de notre jeune abbesse... Ce sera une 

journée bien désagréable pour moi, car premièrement 
je suis fort chagrine de ce que cette jeunesse se soit 
fourrée dans un couvent, ce dont nous retirerons, je 
le crains, peu de joie et peu d'honneur; secondement, 
la cérémonie durera deux heures entières, et troisiè- 
mement, il me faudra voir force nonnes et novices, 
ce qui m'est contraire aussi... 

Je n'ai pas peur du tout des serpents ; je les touche 
de la main. Je ne sais si vous en avez gardé le souve- 
nir, mais j'avais à Heidelberg, devant mes fenêtres, 
II. 16. 



282 . CORRESPONDANCE 

des petites caisses vitrées remplies de son, avec des 
serpents dedans... 

C'est ce qu'on peut faire de mieux, de ne pas parler 
du tout de la pauvre duchesse de Berry. Plût à Dieu 
que j'aie moins de motifs de me consoler de sa mort l 
C'est pire que tout ce que vous sauriez imaginer... 

Saint-Cloud, le 17 septembre 1719, 

... Nous arrivâmes à Chelles à neuf heures et de- 
mie; mon petit-Jils le duc de Chartres était déjà 
arrivé. Un demi-quart d'heure après nous arriva mon 
fils, et au bout d'un égal laps de temps, M"'' de Va- 
lois. M™" la duchesse d'Orléans a fait exprès de se 
faire tirer du sang pour n'être pas de la céré- 
monie, car elle et l'abbesse ne s'entendent pas tou- 
jours fort bien. Mais même si ceci n'avait pas été, sa 
paresse naturelle ne lui aurait pas permis de venir; 
elle aurait été obligée de se lever de trop bonne 
heure pour aller à Chelles. Peu après dix heures,'nous 
allâmes à l'église. Le prie-dieu de l'abbesse était dans 
le chœur des nonnes, il était en velours violet tout 
couvert de fleurs de lys d'or brodées sur l'étoffe. Mon 
prie-dieu était contre la balustrade de l'autel; mon fils 
était à mes côtés; sa fille était derrière ma Chaise, 
car les princesses du sang n'ont pas le droit de s'age- 
nouiller sur mon drap de pied; ce droit n'appartient 
qu'aux petits-enfants de France, tels que mon fils et 
ma fille,.. Toute la musique du roi était dans la tri* 
bune ; elle chanta un beau modet. Le cardinal de 
Noailles ofliciait... 11 vint douze moines de l'ordre de 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 283 

ma petite fille, en chasubles brodées, pour servir 
la messe. Après que le cardinal eut lu l'épître, 
le maître des cérémonies alla dans le chœur des 
nonnes et chercha l'abbesse. Elle vint. Elle avait vrai- 
ment bonne façon. Deux abbesses et une demi-dou- 
zaine de nonnes de son couvent la suivaient. Elle fit 
une grande révérence à l'autel, une autre à moi- 
même, puis elle gravit les degrés et s'agenouilla de- 
vant le cardinal, qui était assis devant Tautel dans 
une grande chaise à bras. On porta en cérémonie la 
confession de foi à l'abbesse, elle la lut, puis elle s'é- 
tendit sur la dernière marche de l'autel à plat ventre. 
Le cardinal prononça sur elle beaucoup de prières 
et il lut l'Évangile aussi. Les deux abbesses qui l'a- 
vaient suivie Tenlevèrent alors ; elle se mit de nouveau 
à genoux devant le cardinal, il lui donna un livre con- 
tenant la règle du couvent, et après cela, on la 
reconduisit à sa place. En attendant, on lisait le 
credo et l'ofiTertoire; ensuite on rapporta sa chaise à 
bras au cardinal, et les douze moines vinrent cher- 
cher l'abbesse pour l'offrande. Celle-ci revint à l'autel, 
accompagnée des mêmes personnes qu'avant : on lui 
apporta comme offrande deux grands cierges, deux 
pains, dont l'un était doré et l'autre argenté, de plus, 
deux tonnes ^j l'une toute dorée comme le pain et 
l'autre argentée. Quand elle eut présenté en céré- 
monie tous ces objets à l'oflOiciant, on la reconduisit à 
sa place. Quand on en fut à la communion et que le 
cardinal eut communié, on alla chercher l'abbesse. 



1 ' 

JL 9 « 



f . 



284 CORRESPONDANCE 

Elle avait en ce moment le voile tiré sur la figure et 
les mains levées ; elle alla à Tautel, communia, puis 
retourna à sa place et le cardinal acheva la messe, 
moins la bénédiction. Alors les douze moines en chape 
allèrent avec le maître des cérémonies prendre Tab- 
besse et ses nonnes ; elle s'agenouilla derechef et le 
cardinal lui donna la crosse. Alors elle se leva et, te- 
nant la crosse à la main, elle se tourna vers le 
chœur, de façon que toutes les nonnes la vissent. Les 
douze moines marchèrent devant; elle donna la crosse 
à la nonne qui a charge de- la porter, et le cardinal la 
mena non pas à son prie-dieu, mais au siège de Tab- 
besse, à l'autre bout du chœur. Au-dessus était un 
dais de princesse du sang, avec des fleurs de lys et 
les armes de ma petite-fille. Pendant qu'elle s'y ren- 
dait, les trombones, trompettes et hautbois jouèrent. 
Dès qu'elle fut sur son trône, le cardinal avec tous 
ses prêtres retourna à Thôtel et se plaça à gauche, 
et la musique chanta le « Te Deum laudamus », Gela 
dura une bonne heure. Pendant qu'on le chantait, les 
nonnes ^'avancèrent deux par deux et firent acte de 
soumission à l'abbe^se en lui faisant de grandes rêvé- 
rences. Cela me rappela la scène où Athis * est pro- 
clamé grand-prêtre de Cihelle. Là aussi l'on vient 
deux par deux faire des révérences. Je croyais qu'on 
allait se mettre à chanter comme dans l'opéra : 

Que devant vous tout s'abaise et tout tramblel 
Vives heureux! Vos jours sont notre espoir. 
Rien n'est si beau que de voir ensemble 
Un grand méritlo avec un grand pouvoir, etc. 

1. Alys, opéra de Lulli, texle de QuiuaulU 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 285 

Après le Te Deum nous retournâmes au couvent. A 
onze heures et demie je me mis à table et notre abbesse 
une demi-heure plus tard dans sa salle. Sa table était 
de quarante couverts. Sa sœur, *M"« de Valois, douze 
abbesses, deux dames qui étaient venues avec M'*« de 
Valois, l'ancienne gouvernante de Tabbesse et celle 
d'à présent, et toutes les nonnes y prirent place. 
C'était plaisant à voir, cette table entourée de toutes 
ces nonnettes noires et surmontée de tant de choses 
voyantes, car les gens de mon fils avaient fait les 
choses fort bien et magnifiquement. On a laissé le 
peuple piller le fruit et les confitures... 

Saiat-Cloud, le 21 septembre 1719. 

... Le pauvre Courcillon, le fils de M*»* Dangeau, est 
tellement mal qu'on a peu d'espoir de le sauver, car 
on dit que la petite vérole ne peut pas assez s'étendre 
vu qu'il n'a qu'une jambe*, qu'elle se portera donc k 
la tête, occasionnera un transport au cerveau et de 
cette façon l'expédiera dans l'autre monde... La poste 
est arrivée, mais elle ne m'a rien apporté de vous, 
chère Louise! Cela me rend bien inquiète... 

Saint'Cloud, le 24 septembre 1*719, six heures moins le quart 

du soir. 

Enfin j'ai de vos nouvelles I grâces éternelles en 
soient rendues à Dieu !... Si votre compte est juste, il 
me manque six de vos lettres. Mais, pour l'amour du 
ciel, dites-moi à quoi cela tient. Je m'imagine que 

1. Blessé à Malplaquet, il avait été amputé de l'autre. 



îi8G CORRESPONDANCE 

c'est le maître de poste Wetzel, qui nous joue ce tour. 
Il aura vu dans mes lettres que je n'approuve pas du 
tout qu'un gredin de roturier comme lui prétende à 
des fiefs comtaux. J'avoue qu'il s'est bien vengé de 
moi, car il m'a causé de grands tourments... 

Quand j'ai vu dans vos lettres la façon dont se 
passent les choses à Heidelberg, j'en ai eu les larmes aux 
yeux... où l'on laisse régner moins de prêtres, tout 
va forcément de travers ; il n'y a ni bonheur ni bien 
à espérer. Mais comment se fait-il que le roi d'Angle- 
terre et le roi de Prusse ne s'occupent pas de l'af- 
faire? Ils devraient le faire de. toute façon et par tous 
les moyens. La fourberie dont on s'est servi pour s'em- 
parer de l'église du Saint-Esprit est un vrai tour de 
prêtres ; les fourberies je les hais à la mort; elles ne 
siéent bien qu'à Arlequin, dans la comédie italienne... 

Saint-Cloud, le 1« octobre 1719. 

. f.. L'augmentation de pension que mon fils m'a 
accordée m'est venue à point, car on m'avait fort 
mal traitée à la mort de mon mari. Ce n'avait pas été 
la faute de mon fils mais bien celle de la vieille ordure. 
Elle m'avait fait malmener par les gens de mon 
fils, en leur disant que telle était la volonté du roi. Ce 
n'était. là qu'un mensonge et la preuve est que le roi 
augmenta ma pension de quarante milles livres dès 
que je lui fis savoir qu'elle ne me permettait pas de 
joindre les deux bouts... 

Mon fils n'est que trop bon. Le petit duc de Riche- 
lieu lui ayant assuré que c'avait été son intention de 



DE MADAME, DUCHESSE D»ORLÉANS. 287 

tout lui dévoiler, il Ta cru et Ta remis en liberté. Sa 
maîtresse, j'entends celle du duc, M^" de Charolais, 
ne lui avait pas laissé de repos qu'il ne le lui ait ac- 
cordé. C'est quelque chose d'horrible pourtant qu'une 
princesse du sang déclare ainsi devant l'univers entier 
qu'elle est amoureuse comme une chatte et cela d'un 
individu qui n'est pas son égal, qu'elle ne peut épou- 
ser et qui ne lui est même pas fidèle, car il a une de- 
mi-douzaine d'autres maîtresses. Quand on lui en fait 
l'observation elle répond: « Bon, il n'a de maîtresses 
que pour me les sacrifier et pour me conter tout ce 
qui se passe entre eux... Si je croyais aux sortilèges," 
je penserais que cet homme a des secrets que les 
autres ne connaissent pas : il n'y â pas une femme qui 
lui résiste, toutes lui courent après... Il est indiscret 
et il raconte tout avec détail. 11 a déclaré que si une 
impératrice, belle comme un ange, était amoureuse 
de lui et lui accordait ses faveurs à condition qu'il 
n'en dirait rien, il n'en voudrait pas et ne la verrait 
de sa vie... C'est un grand poltron, il est vain et im- 
pertinent et c'est là Voriflame de la plupart des 
femmes, elles lui sacrifient tout, leur honneur, leur 
bonheur; souvent cela m'impatiente fort... 

Ceux qui parlent mal de M. Law et de sa banque le 
font par jalousie pure. On ne peut rien voir de mieux: 
11 paie les dettes monstrueuses du roi et diminue les 
impôts, il allège donc les charges qui pèsent sur le 
peuple. Le prix du bois a diminué de moitié ; tout, 
l'entrée que paie le vin, la viande et tout ce qu'on 
apporte à Paris, tout a été diminué. Cela cause une 
grs^nde joie au popu^ire, comme biea vous pensez, 



'• •» 



288 CORRESPONDANCE 

Mi Law est un homme bien poli, un brave homme, je 
Tai en haute estime; il me rend aussi des services où 
il peut. 11 ne vole pas comme tous ceux qui avaient 
les finances entre leurs mains, les profits qu'il fait 
sont faits honnêtement au vu et au su de tout le 
monde. 

Le roi étab'it sa ménagerie àla Muette; il y aura des 
vaches, des brebis, des poules, des chèvres et des 
pigeons... 

Les pauvres réformés du Palatinat me font pitié 
vraiment. L'électeur pourrait dire des prêtres de 
Heidelbergceque le père De la Rue* disait du confes- 
seur du roi : « Le père Le Tellier nous mène si viste 
que j'ay peur qu'il ne nous verse. » 

Saint-Cloud, lo 12 octobre 1719. 

... Je suis bien en peine de mon cher abbé de St- 
Albin. Depuis huit jours il a une fièvre atroce... avec 
de grandes douleurs dans la tête et les reins. Je suis 
très inquiète de lui, et cela me peinerait au fond de 
l'âme s'il devait mourir, car, soit dit entre nous, il est 
après le duc de Chartres, de tous les enfants de mon 
fils, tant légitimes que de la main gauche, celui que 
j'aime davantage. 

Saint-Cloud, le 21 octobre 1719. 

... Les rois d'Angleterre et de Prusse ont résolu, h 
ce qu'on m'écrit, d'intervenir très sérieusement en 
faveur des réformés: les prêtres de cette façon n'ose- 

l. Confesseur de la duchesse do Bourgogne. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 289 

ront plus faire des leurs, ce dont je me réjouis du 
fond de mon cœur ; car je souhaite toute sorte de 
bien et de bonheur à nos bons et honnêtes compatrio- 
tes ; aux méchants prêtres qui les persécutent, je leur 
souhaite la potence qu'ils méritent bien pour leur 
fausseté et leurs tromperies... ils sont méchants et in- 
solents, mais dès qu'on leur montre les dents, ils font 
patte de velours... 

Mais il faut que je m'arrête. J'ai commencé à écrire 
fort tard aujourd'hui, car c'était mon jour de Bible. 
J'ai lu mes chapitres jusqu'à mercredi, les troi- 
sième, quatrième, cinquième et soixante-seizième 
psaumes, les chapitres XllI, XIV, XV et XVI de saint- 
Luc, et les mêmes chapitres de l'Apocalypse de saint 
Jean, à laquelle, pour dire vrai, j'ai fort peu compris. 

Saint-Cloud, ce jeudi 26 octobre 1719. 

. ... Les lièvres du Palatinat sont sans comparaison 
meilleurs que ceux de ce pays-ci. Lorsque M. le Dau- 
phin en revint, il me dit : « Quand vous me dissiez que 
vos lièvres et truittes estoit meilleures au Palatinat 
qu'en France, je croyois que l'amour de la patrie vous 
faissoit parler ainsi, mais despuis que j'ay estes au 
Palatinat je ne puis plus manger icy ni truittes ny 
lièvres et je vois que vous aviez raison. » 

J'ai appris avec plaisir que les envoyés d'Angleterre, 
de Prusse et de Hollande sont allés à Heidelberg, car 
j'espère qu'en dépit du pape et des Barbarins, comme 
le pauvre duc de Créqui avait coutume de dire, une 
intervention sera favorable aux bons et honnêtes 
II. 17 



■ I 



290 CORRESPONDANCE 

habitants du Palatîuat, malgré la méchanceté de tous 
les prêtres de Neubourg et d'Autriche... J'aurais cru 
rÉlecteur trop avisé pour se laisser mener par ces 
gaillards, et toutes les sottises que les prêtres ont 
fait commettre à sa sœur l'impératrice, qu'ils gouver- 
nent absolument auraient dû l'empêcher de tomber 
dans la même faute. Il devrait se dire que la vraie 
dévotion d'un souverain consiste à faire régner la 
justice et le bon droit et à tenir sa parole... Il ne 
vous paie pas non plus. Cela me rappelle un dialogue 
qui jadis m'a fait rire de bien bon cœur. Un chanoine 
de Saint-Cloud, un bien brave et honnête homme, 
mais sévère, vint voir Monsieur. Celui-ci quelquefois 
s'amusait à faire l'hypocrite. Il dit donc : « Monsieur 
Feuillet (car ainsi s'appelait le chanoine...)» j'ay grand'- 
soif: serait-ce rompre le jeûne que de prendre un jus 
d'orange ? Eh, Monsieur, répondit le chanoine, mangez 
un bœuff et soyes bon chrétien et payes vos dettes I » 

Le bon M. Law est tombé malade il y a quelques 
jours, à force d'être tourmenté et persécuté... 

J'ai vu les tapisseries de l'électeur de Trêves, avant 
q'u'on ne les ait expédiées d'ici. 

... On en fait maintenait de magnifiques ici, des 
tapisseries de haute lice... 

Vous me faites rire en disant qu'elles sont faites au 
Goblet. C'est aux Goblins qu'il fallait dire... 

Saint-Cloud, ce dimanche 29 octobre l'TlQ, 
huit heures moins un quart. 

... Ma fille m'écrit qu'Alberoni a voulu faire assas- 
atoer ou empoisonner l'Empereur; il avait gagné à son 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 291 

projet un Silésien, le comte Nimbtsch, qui a épousé la 
sœur du comte Altheim, et deux abbés italiens, car il 
faut qu'il se trouve des prêtres dans toutes les 
vilaines affaires. Je ne sais comment on a découvert 
celle-ci S mais tous les drôles qui voulaient faire le 
coup sont arrêtés... 

Saiat-Clûud, le 2 novembre 1719. 

... La rue Quincampoix fait qu'on ne joue plus à 
Paris. C'est une vraie rage; j'en suis excédée : on 
n'entend parler que de cela, et il ne se passe pas de 
jour que je ne reçoive trois ou quatre lettres de per- 
sonnes qui me demandent des actions, c''est bien 
ennuyeux... Sans compter mes gens qui m'obsèdent 
aussi, mais je leur réponds que de ma vie je n'ai appris 

à mendier... 

« 

Ce jeudi 2 novembrd 1719, six heures du soir. 

... Mon abbé de Saint-Albin et le chevalier^, qui à 
cette heure est grand prieur de France, sont frères; 
mais du côté du père seulement, car ils n'ont pas la 
même mère. Le chevalier a été légitimé, mais mon fils 
n'a pas reconnu le pauvre abbé, quoiqu'il ressemble 
plus que son frère à certains de ses parents, il me rap- 
pelle beaucoup feu Monsieur, il a quelque ressem- 
blance avec son père, beaucoup avec M*^" de Valois... 
Il est affligé de voir son cadet si au-dessus de lui. Le 

1. Voir Dangeau, vendredi 3 novembre 1719, 

2. D'Orléans. 



292 CORRESPONDANCE 

chevalier qui, depuis peu, a été nommé grand prieur 
de France dans l'ordre de Malte, est fils de M"*« d'Ar- 
genton, qui s'appelait Sery de son nom de fille, elle a 
été Tune de mes demoiselles. La mère de Tabbé était 
une danseuse de l'Opéra, du nom de Florance^. Mon 
fils a en outre une fille de la main gauche, qui n'a 
pas été reconnue. Un marquis de Ségur Ta épousée. 
Elle est la fille de la Demare, la meilleure comédienne 
de la troupe du roi. Il en existe encore deux ou trois 
que je n'ai vus de ma vie. —Leur mère est une dame- 
de qualité. Son grand-père, le duc de la Vieuville, 
a été gouverneur de mon fils, précédemment il avait 
été chevalier d'honneur de la reine. Elle est veuve 
depuis deux ans. Son mari s'appelait M. deBerabas... Je 
ne crois pas que mon fils puisse être sûr que ces 
enfants sont de lui. La mère est une évaporée qui 
boit jour et nuit comme un sonneur. Mon fils n'est 
pas jaloux du tout : un de ses gens loge chez elle; 
ils sont à pot et à rôt; un autre... a tant soit peu 
évincé celui-ci; cela l'amuse, il n'en fait que rire... Je 
souhaite que ces traits d'histoire vous aient un peu 
divertie... 

Saint-Cloud, ce dimanche 5 novembre 1719, 
sept heures du matin. ' 

... Je ne comprends pas qu'à Vienne on veuille 
tenir secrète l'affaire d'Alberoni. Ne sait-on donc pas 
qu'Alberoni est le plus grand coquin du monde ? Son 

1. M. Dussieux dans sa « Généalogie de la maison de Bourbon » 
attribue Tabbé à Mioe d'Argenton aussi. De plus il a dit qu'il a été 
légitimé en juillet 1706. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 293 
maître, le duc de Parme, il l'a vendu à M. de VeDdôme, 
M. de Veodôme à la princesse des Ursins, M^"" des 
DrsiDS à U reine. Beaucoup de gens aussi prétendent 
qu'il a empoisonné M. de Vendôme... Alberoni a ceci 
de particulier, qu'il fait toujours entrer beaucoup de 
personnes dans ses conspirations... 

Ce jeudi 9 uoiembTS, sept beuTes àa eojt, 

... Je suis bien aise qu'Alberoni ait perdu cent mille 
pistoles d'Espagne ; cela m'a rafraîchi le sang plus 
que n'aurait fait mon breuvage aux herbes... 

Lundi dernier M"' de Valois a failli se tuer. Elle a 
eu l'idée puérile de passer au galop de son cheval par 
une toute petite porte : elle ne s'est pas assez baissée 
et s'est cogné la tête tellement, qu'elle a été donner 
sur la croupe du cheval. On lui a fait immédiatement 
une saignée, et l'on espère que sa vie n'est pas en 
danger... 

Saint- Cloud, IB IZ DOiembie 171S, six beuraa du matin. 

... J'ai appris hier que mon fils et M°" d'Orléans 
ont permis au duc de Chartres d'aller à ce maudit bal 
de l'Opéra, si dévergondé. Ce sera la ruine physique 
et morale de cet enfant qui, jusqu'à ce jour, a été si 
pieux, car d'aller là ou au b ' c'est tout un. L'en- 
fant a une santé délicate, c'est un vrai moucheron, 
il ne peut endurer la moindre fatigue, et de sa vie il 
n'a veillé plus tard qu'onze heures. Ceci joint à la vie 

1. Madame met le mol en tontei lettrea. 



294 CORRESPONDANCE 

insensée qu'on mène à ce bal, tuera bien certainement 
ce pauvre garçon... Ce qui me fâche le plus, c'est que 
mon fils, qui ne craint nullement le danger, s'y trou- 
vera aussi ; non seulement il se rendra malade comme 
Tan dernier, mais encore il risquera de se faire assas- 
siner par Alberoni... 

... Notre abbesse a dit une chose qui me plaît bien. 
Elle avait des affaires, elle aurait donc bien pu prendre 
ce prétexte pour venir à Paris, au Val-de-Grâce, mais 
il ne convient pas à une abbesse, a-t-elle dit, de ne pas 
habiter soiï couvent à moins de nécessité absolue ; elle 
n'a donc pas voulu venir. Elle a mon entière appro- 
bation : du moment qu'elle a pris ce métier-là, il 
vaut mieux qu'elle lofasse bien que mal... 

... Selon toute apparence, on peut espérer que les 
affaires des pauvres réformés du Palatinat vont prendre 
bonne tournure... J'ai vertement dit ma façon de 
penser au secrétaire de l'Électeur... Il était tout 
penaud. 

P. S,... Quand je suis rentrée de l'église j*aî trouvé 
chez moi le jeune grand prieur que Ton appelle lé 
chevalier d'Orléans. 11 revient de Malte, où il a fait 
ses caravanes et prononcé ses vœux définitifs; mainte- 
nant il ne peut plus se marier. La famille de mon 
fils — de la main gauche — ne pourra donc pas se multi- 
plier, car l'abbé^ va prendre les ordres, quoique son 
inclination ne l'y porte guère... 

1. De Saint-Albin, plus tard archevêque de Cambrai. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 295 

Saint-Cloud, le 16 novembre 1719. 

r 

... Je sais fort bien où est la porte d'en haut, à 
Heidelberg : j'ai fait bien souvent le chemin en me 
rendant chez le bailli, M. de Landasz ; sa maison était 
juste en contre-bas de la ménagerie. Bien des fois j'y 
suis allée par le chemin du château, le matin à 
quatre heures, manger des cerises, j'en mangeais à ne 
plus pouvoir me tenir debout, car les cerises du jar- 
din de Landasz sont incomparablement meilleures 
que partout ailleurs à Heidelberg... Je crois que je 
retrouverais toute seule mon chemin, de la porte de 
Spire à Schevetzingen... 

Moi aussi je suis toujours sincère vis-à-vis de Dieu. 
Cela me rappelle cette bonne dame de Landasz. Quand 
la Colb était malade et que M™" de Landasz la rem- 
plaçait auprès de moi et couchait dans ma chambre, 
elle disait la prière du matin et celle du soir. Arrivée 
au « Notre Père » elle omettait toujours le « comme 
nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » . Cela 
m'a fait rire bien souvent... 

Il me semble que MM. les envoyés, à Heidelberg, 
sont bien lents dans leurs opérations. Traiter de 
choses se rapportant à la religion et travailler dans 
l'intérêt de la justice, ce n'est pas se livrer à un tra- 
vail manuel; ils pourraient donc s'occuper de ces 
affaires les dimanches et fêtes, aussi bien qu'aux jours 
ouvrables, cela me semble une piètre excuse... 

... Vous n'êtes pas tenue du tout de savoir comment 
s'appellent les Goblins. Ce nom leur vient d'un ruis- 
seau qui passe tout près de là, à Paris... 



296 CORRESPONDANCE 

Vous ne me dites plus rien de la princesse de Nassau 
et de son Durnberg. Où donc sont passés ces amou- 
reux ? En sont-ils à la quitterie, comme la duchesse 
de la Meilleraye avait coutume dédire. Elle était bien 
plaisante : t Ah, que Tamour seroit jolis, s'il n'y avoit 
pointées quîtteriesl » s'exclamait-elle... 

SaintrCloud, le 23 novembre 1719. 

... Chausseray* a beaucoup d'esprit; elle est tou- 
jours gaie, et toujours malade. J'allai la vojjr hier; 
Dieu merci elle va bien mieux maintenant, elle circule 
dans sa maison, et a l'air d'un spectre : elle a un 
bonnet blanc et une robe de chambre d'indienne, avec 
. sa pâleur, sa taille longue et élancée, elle ressemble 
tout à fait à la description qu'on fait des revenants. Je 
crois que la Dame Blanche de Berlin* a cet air-là... 

Alberoni a suscité une révolte en Bretagne. Celui 
qui a reçu de l'argent de lui est un seigneur d'une 
des meilleures maisons de Bretagne, il s'appelle M. de 
Pontcaillé^. Il est venu cinq navires espagnols, deux 
gaillards sont descendus à terre et lui ont apporté 
l'argent. II a voulu se sauver, déguisé en moine, mais 
Dieu merci, on l'a pris... 

L'histoire du cocher de M. Law est bien vraie, si 
c'est celle dont vous voulez parler : il amène à son 
maître deux cochers. Celui-ci lui demande s'ils sont 
bons, a Ils sont si bon, répond-il, que celuy que vous 
ne prendrez pas, je le prend pour moy. » Il y a cent 

1 . Mi'« de Chausseraie, ancienne fille d'honneur de Madame. 

2. Le spectre qui hante le château royal de Berlin. 

3. Marquis de Pontcallec. 



DE MADAME, DOCHESSE D'ORLÉANS. 297 

histoires encore sur sa banque. On n^entend plus par- 
ler d'autre chose... 

Torcy et Dubois ont raison de ne pas pouvoir se 
souffrir, tous les deux ne valent rien. Mon fils m'assure 
formellement qu'il ne permettra pas que Tabbé reçoive 
le chapeau. Je serais charmée par contre si notre abbé 
de Saint-Albin l'obtenait. Ce serait plus juste... 

Le prince Eugène avait laissé beaucoup de dettes 
ici, dès qu'il a été au service de l'Empereur et qu'il a 
eu de l'argent entre les mains, il a tout payé, jusqu'au 
dernier ftard, il a même payé ceux de ses créanciers 
qui n'avaient ni billet ni signature de lui... Un seigneur 
qui agit avec une telle honnêteté ne peut pas trahir 
son maître pour de l'argent. Je le tiens donc pour 
innocent de ce dont l'accuse le traître Nimbtsch... 

J'ai fait manger à notre grande-duchesse une oie de 
la Saint-Martin, farcie de marrons et de raisins de 
caisse, mais à dire vrai, j'aime mieux les choux rouges 
et la choucroute... 

... Mon fils m'a fait remettre quatre cents actions 
pour ma maison. Quoique cela fasse deux millions, il 
n'y en a eu que pour ceux de mes gens qui sont en 
quartier et pour les domestiques ordinaires.... 

Si M. de Gemmingen continue à grandir, il aura la 
taille de M. Benterider. A propos de cet envoyé *, il 
vint chez moi le soir, il y a quelques jours. Un de 
mes chapelains, qui ne l'avait jamais vu, se trouvait 
seul dans mon antichambre... Il entend marcher, se 
retourne et, voyant cet homme si grand, il sursaute 
et se sauve. Cela m'a bien fait rire... 

1. De l'Empereur. 

U. 17. 



298 CORRESPONDANCE 

Saint-CIoud, le 30 noyembre ni9. 

... J'ai à vous annoncer une nouvelle qui m'est 
bien agréable, savoir que le mariage de M"* de Valois 
avec le prince de Modène est arrêté. Le courrier est 
parti hier pour Rome afin d'aller chercher la dispense, 
car ils sont parents au quatrième degré. La fiancée 
est au désespoir, elle aurait voulu épouser son cousin 
le comte de Charolais; mais il n'a pas voulu mordre, 
car tous les princes et les princesses du sang, qui sont 
parents les uns des autres, se haïssent comme le 
diable, même. M"® la duchesse et la femme de mon 
fils, qui sont sœurs. Auparavant déjà, elles ne s'ai- 
maient pas à cause d'assez méchants propos que cha- 
cune d'elles avait tenu sur le compte de l'autre ; mais 
ce qui a donné le coup de grâce à leur amitié, c'est 
que les princes du sang légitimes n'ayant pas voulu 
reconnaître les bâtards pour princes du sang. M"* la 
duchesse * a pris parti pour ses fils contre ses frères, 
tandis que M™^ d'Orléans s'est déclarée pour ses frères 
contre les princes du sang. Cela, comme bien vous 
pensez, a fait naître une haine horrible entre les deux 
sœurs... Le prince de Conti finira bien par devenir 
fou... tantôt il hait sa femme au point qu'il veut la 
tuer, tantôt il l'aime si fort qu'il ne la quitte pas plus 
que son ombre. Par bonheur pour elle, il n'est pas 
comme ceux de sa race, il n'est pas courageux du 
tout. Une fois, il se campa devant le lit de sa femme, 
un pistolet chargé à la main, en lui disant : « Vous ne 

1. Quoique bâtarde légitimée. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 299 

m'échapperez pas, je vais vous tuer. » Elle, qui con- 
naît son côté faible et qui a toujours des pistolets 
dans son lit, en prend un et lui dit : « Prenez bien 
garde de me tirer juste, car si vous ne me tuez, vous 
êtes mort; tirez le premier! » Le prince, qui n'est pas 
courageux du tout, comme il l'a bien fait voir dans 
la dernière campagne, eut peur et s'en alla... 

Paris, le 3 décembre 1719. 

... Alberoni ferait très bien aux galères : il est gros , 
et fort et ferait un bon rameur. Nul châtiment, fût-ce 
le pire, n'est trop grand pour ce pitre. II. commence 
pourtant à parlementer; il veut faire une bonne paix, 
dit-il, si on le laisse en Espagne; mais ni l'Empereur 
ni mon fils ne veulent entendre parler de paix, à 
moins qu'on ne renvoie ce scélérat chez lui, en Italie. 
Je voudrais qu'il y fût déjà... 

M"« de Valois commence à se consoler un' peu de- 
puis qu'elle voit ses beaux habits. On lui en fait qua- 
rante. De plus, on lui a envoyé de beaux diamants de 
Modène, c'est encore une consolation... 

Tout devient horriblement cher; il faut donner 
le double de toute chose, n'importe laquelle. D'An- 
gleterre on envoie tous les diamants, tous les 
joyaux, tous les bijoux : ceux qui ont fait des gains 
si colossaux avec les actions achètent tout sans 
marchander. Il se passe d'étranges histoires. Il y a 
quelques jours, une dame était à l'Opéra. Elle en vit 
venir une autre fort laide, mais ayant les plus beaux 
habits du monde et couverte de diamants. La fille de 



300 CORRESPONDANCE 

^me Begond se met à dire à sa mère : « Ma mère, re- 
gardez bten cette dame parée; il me semble que c'est 
notre cuisinière Marie. — Eh, taisez-vous, ma fille, 
répond la mère; cela ne peut être. — Eh, ma mère, 
reprend la fille, au nom de Dieu, regardez! » Elle la 
regarde fixement et dit : « Je ne say plus que penser; 
elle luy ressemble bien. » Tout le monde à l'amphi- 
théâtre commence à murmurer : o Marie, la cuisi- 
nière. » Celle-ci se lève et dit tout haut : « Hé bien 
oui, je suis Marie, la cuissinière de M"^** Begond. Je 
suis devenue riche, je me pare de mon bien; je n'en 
dois rien à personne ; j'aime à me parer, je me pare ; 
cela ne fait tord à personne. Qu'a donc ^ à redire à 
cela? » Vous pensez comme on a ri... 

Paris, le 7 décembre 1"719. 

... D'après ce que j'avais entendu dire de l'Élec- 
teur palatin, je n'aurais cru de ma vie qu'il se lais- 
serait ainsi subjuguer par les prêtres... Mais des gens 
qui ont eu une jeunesse déréglée se laissent persua- 
der, quand vient la vieillesse, qu'ils peuvent réparer 
cela en persécutant réformés et luthériens. La cer- 
velle s'en va avec l'âge, c'est ce qui arrive a cette 
heure à l'Électeur... 

... De toute la famille du duc d'Antin il ne reste 
plus que deux petites-filles... Si elles allaient ressem- 
bler à leur grand'mère M"" de MontespanI Elle a été 
un vrai diable sous tous les rapports. Dieu me par- 
donne! on ne doit pas condamner ses semblables, 

1. Qu'a-t-on. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 301 

mais je ne peux m'empôcher de mettre en doute la 
béatitude éternelle de la Montespan et de la Mainte- 
non : elles ont fait trop de mal sur cette terre. Que 
Dieu le leur pardonne!... 

La richesse qu'il y a maintenant en France est 
inouïe. On n'entend parler que de millions... Je n'y 
comprends rien... 

Paris, le 9 décembre 1719. 

... J'ai le cœur tout gros à cause du traitement cruel 
que le roi d'Angleterre fait subir au prince de Galles 
et à sa femme. Je le trouve par trop dur. Le pauvre 
prince avait écrit à son père une lettre pleine de sou- 
mission pour le féliciter de son heureux retour à 
Londres. Il lui avait permis de voir la princesse sa 
fille. Le roi, non seulement ne s'est pas contenté de 
refuser la lettre de son fils... il lui a fait dire déplus, et 
cela très durement, qu'il prenait en fort mauvaise 
part qu'il ait eu l'audace de venir à Saint-James chez 
ses enfants, qu'il n'avait qu'à rester dehors et qu'il 
ne permettait pas à la princesse de voir ses enfants 
plus d'une fois par semaine. 

Ce que je craignais au sujet de mon petit-fils est 
arrivé tout juste. Dans ce maudit bal, il est tombé 
dans les mains des filles de l'opéra. Vous n'avez pas 
de peine à imaginer ce qu'elles ont bien pu lui ap- 
prendre; il est présentement cpmme un animal dé- 
chaîné I Quand sa mère s'en plaint au père, il se tord de 
rire... Il y a d'autres choses encore, qui ne se peuvent 
écrire et qui ne valent pas mieux... 



302 CORRESPONDANCE 

L'or est devenu une divinité ici, on n'a plus d'autre 
préoccupation. Cette grande folie me paraît affreuse... 

... Si l'Empereur, les rois d'Angleterre et de Prusse 
et les États Généraux ne peuvent rien obtenir de l'É- 
lecteur, s'il n'écoute pas sa propre raison, si les 
articles des traités de paix ne le lient, comment 
puis-je espérer que moi je pourrai exercer une action 
favorable à mes bons et honnêtes compatriotes? Je 
ne peux que les plaindre de tout cœur, mais sans les 
servir. Cela me chagrine assez. Hélas! je ne le vois 
que trop bien : Dieu ne m'a pas envoyée en France 
pour le bien de qui que ce soit, car de ma vie, quel- 
que peine que je prisse, je n'ai pu rendre de services 
à ma patrie. Ce qu'il y a de certain, c'est que je suis 
venue en France uniquement pour obéir à S. G. mon 
père, à mon oncle et à ma tante de Hanovre, ce n'é- 
tait rien moins que mon inclination... 

Paris, 1g 17 décombro 1*19, six heures et demie du matin. 

... Dans le temps, il y avait ici un vieux duc de 
Bellegarde qui avait coutume de dire : « Je n'ay que 
les peurs que l'honneur permet. » C'en est une de 
celles-là qu'a eue votre nièce. On frémit rien que d'y 
penser: car de voir trois gaillards qui entrent chez 
vous par la fenêtre, cela est affreux ; cela ne m'étonne 
pas qu'elle en ait fait de mauvaises couches... 

M. Law est une vraie âme en peine, de même que 
mon fils. On n'a pas idée du travail qu'ont à faire ces 
deux hommes, du matin jusqu'à la nuit... 



> 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 303 

Paris, lo 21 décembre 1719. . 

... Le mariage de M"« de Valois est définitivement 
arrêté. Dès que les dispenses seront arrivées on le 
célébrera. 11 n'est pas à craindre que. je tombe malade 
de chagrin quand elle partira... Aucune de nous deux 
ne se soucie beaucoup de l'autre... Elle ne dit jamais 
ce qu'elle pense, toujours le contraire, cela m'est 
insupportable. Je voudrais, je l'avoue, qu'elle fût déjà 
à Modène. Elle a de l'esprit, cela est certain. Tous les 
enfants de M™* d'Orléans en ont, grands et petits... 
Le comte de Gharolais épousera une princesse dé 
Modène, c'est la vérité*. Si c'est pour la punir de ses 
péchés, la punition est dure ; car je sais quel écervelé 
c'est. Si la princesse n'est pas la femme la plus 
malheureuse du monde, je me trompe fort, mais toutes 
les apparences y sont. Je la plains de tout cœur. Les 
gazetiers mettent dans leurs feuilles ce qu'ils savent 
et ce qu'ils ne savent pas, pourvu que la page soit 
pleine... M^^* de Valois doit, dit-on, se rendre d'ici 
aux Enlibes, Il est convenu que son demi-frère, le 
grand prieur et général des galères, la mènera à Mo- 
dène, sur les galères du roi. Vous voyez bien, chère 
Louise, que cette fois- ci les gazettes n'ont pas dit 
vrai... 

... L'Électeur ferait mieux de vous payer ce qu'il 
vous doit que de traiter si mal les pauvres réformés, 
ses propres sujets. Je ne sais pas ce que c'est qu'une 
lettre de change, mais ce que je sais bien, c'est qu un 

1. Le comte de Gharolais ne s'est pas marié. 



30i CORRESPONDANCE 

puissant Électeur, à qui Ton vole de toute part des 
mille et des mille, ne veut pas payer cent louis... Je 
crois que la rue Quincampoix attire tout le monde à 
Paris, qu'il va en résulter une famine; car les prix 
n'ont pas doublé, mais triplé. Depuis hier le bruit 
court qu'Alberoni est en disgrâce, voire qu'il va être 
obligé de se retirer à Rome, mais je crains bien 
qu'une fourberie ne se cache là-dessous... 

Paris, le 24 décembre 1719. 

... M. Marion m'a remis aussi le livre des Dialogues 
des Morts,.. Ces choses là ne. doivent pas être mé- 
diocres, il faut que ce soit ou fort gentil ou fort plat ; 
quand cela est par trop plat, on en rit aussi. Il y a un 
dialogue qui a déjà produit cet effet-là sur moi, c'en est 
un entre M. de Turenne etM"^'' de la Vallière. Je ne pense 
pas que de leur vie ils aient conversé ensemble : il n'y 
avait aucun commerce entre eux. Si au lieu de M"*"* de 
la Vallière on lui avait donné pour partenaire M°*® de 
Coaquin*, on aurait pu apprendre par ce dialogue 
toute l'histoire du traité d'alliance que feu Madame a 
négocié entre le roi*, son frère, et le roi d'ici, son 
beau-frère. Madame consultait le vicomte de Turenne 
en cette affaire, pour avoir quelqu'un qu'elle pût en- 
voyer en cachette au roi; car la chose devait être tenue 
secrète devant Monsieur. Le vieux Turenne était éper- 
dument amoureux d'une jeune madame de Coaquin. 
Elle était toujours auprès de Madame et fort en faveur, 



1. Coôtquen. 

2. Charles II d'Angleterre. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 305 

quoiqu'elle ne le méritât pas, comme vous allez voir, 
car elle tomba amoureuse du chevalier de Lorraine, 
le pire ennemi de Madame. Celui-ci, pour apprendre 
les secrets de Madame, permit à sa maîtresse de ca- 
resser son vieil amoureux, pour tirer de lui le secret 
du traité qu'on n'avait pu tirer de Madame. Turenne 
était trop épris pour rester ferme, il confia donc à 
cette traîtresse de Coaquin toute l'histoire du traité. 
Elle n^a rien de plus pressé à faire que de tout raconter 
au chevalier, qui le dit à Monsieur. Celui-ci se fâche 
tout rouge contre Madame et même contre le roi, et 
s'emporte contre les deux. Madame dit au roi que le 
chevalier de Lorraine l'avait brouillée avec son mari. 
Le chevalier fut chassé, mais Madame paya la chose 
de sa vie. Ses ennemis ne voulurent pas mettre 
Monsieur dans leur secret. « Il ne sauroit rien taire 
au roy, disoient-ils, si nous luy avouons que nous 
voulions empoissonner Madame, ou il ne le souffrira 
pas, ou bien il nous dénoncera au roy et nous fera 
tous pendre. » Ceux donc qui ont accusé feu Monsieur 
d'avoir fait empoisonner sa femme, lui ont fait grand 
tort. Il en était incapable. Pour se disculper et pour 
cacher à Monsieur que la chose venait d'eux, ils lui 
ont fait accroire que Madame a été empoisonnée par 
les Hollandais. L'histoire est vieille, mais elle n'en est 
pas moins vraie, quoiqu'elle ait l'air d'un roman... Peu 
de gens savent le détail, moi je sais tout d'original^ 
car je le tiens du roi et de mon mari lui-même, sauf 
la mort de Madame, qui m'a été rapportée par 
d'autres... 



306 CORRESPONDANCE 

Paris, le 28 décembre 1*719. 

Avant-hier le courrier est arrivé avec la dispense 
du pape. Donc, dès que les toilettes de notre fiancée 
seront terminées, on célébrera le mariage. Je vou- 
drais que la chose se fût faite il y a deux ou trois ans. 
Je ne dirai rien de plus à ce propos, cela m'entraî- 
nerait trop loin... On dit beaucoup de bien du prince 
de Modène... On prétend qu'il est fort épris du por- 
trait de sa future. Je le plains de toute mon âme. Les 
unions heureuses sont rares dans toutes les condi- 
tions; j'ai vu beaucoup de gens se marier par amour, 
qui après se sont détestés comme le diable et se 
détestent encore à cette heure. Heureux ceux qui ne 
sont pas mariés! Combien j'aurais été contente si l'on 
m'avait permis de ne pas me marier et de vivre dans 
un heureux isolement!... Dois-je vous dire la vérité 
vraie : la raison pour laquelle nos princes et nos prin- 
cesses se haïssent tellement, c'est que tous tant qu'ils 
sont, ils ne valent pas le diable... 

Paris, le 31 décembre 1719. 

... L'air de Paris me fait moins de bien que jamais. 
Depuis trois semaines j'ai maigri et dépéri que c'en 
est effrayant. Le corset que j'ai porté il y a trois 
semaines m'est devenu trop large de l'épaisseur de 
trois doigts, mais il n'y a pas à s'en étonner : j'ai en- 
duré tant de choses depuis que je suis revenue ici!... 
Pour dire la vérité vraie, je suis quinteuse comme 
une punaise et n'ai que trop de motifs pour l'être... 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 307 

On a persuadé à mon fils de' remettre en liberté le 
duc et la duchesse du Maine et de leur permettre de 
revenir ici; cela me cause bien des angoisses... 

A tout moment on entend parler de gens qui 
meurent ; un de mes aumôniers, Tabbé Berthet, est 
mort subitement. Il avait été quarante ans à mon ser- 
vice; la veille il avait encore rempli son office. Un des 
intendants de ma maison, qui était son ami, voulut 
lui faire visite. En entrant chez lui il le trouve étendu 
mort sur la paille. Il est venu me le dire, tout pâle et 
tout saisi, mais il ne m'en a pas moins demandé im- 
médiatement sa charge pour la vendre; j'ai failli 
éclater de rire... 

Ce dimanche soir. 

Je pensais bien que j'aurais de la peine à me re- 
mettre à vous écrire... Je m'y suis mise à six heures^ 
mais j'ai été interrompue tant de fois que voici neuf 
heures qui sonnent. C'est le diable qui m'envoie cette 
tribulation pour m'i m patienter, parce que j'ai com- 
munié aujourd'hui... Je ne sais comment je commen- 
cerai la nouvelle année, mais je termine celle-ci étant 
d'humeur bien chagrine et maussade. Bonne nuit, bien- 
aimée Louise; que Dieu vous accorde une nouvelle 
année bien heureuse! Quant à moi, je vous aimerai 
toujours de tout cœur. 

Elisabeth Charlotte. 



308 CORRESPONDANCE 

Paris, le 4 jaoTier l'TSO. 

... Je D^ai ici qu'ennui et tourments; jamais rien 
d'agréable; jusqu'à la comédie, qui est le seul délas- 
sement qui me soit resté dans ma vieillesse, on me la 
gâte et je ne peux m'y plaire ; les gens sont si sots ici 
qu'ils se mettent ou s'asseyent par bandes entières sur 
la scène, si bien qu'il ne reste plus de place aux co- 
médiens pour jouer... 

J'ai parmi mes amis un abbé de qualité, d'une des 
meilleures maisons de France. Il a beaucoup d'esprit, 
mais il est d'humeur un peu étrange. Tout d'un coup 
il lui est venu à l'idée qu'il n'appartenait pas à la 
bonne religion, parce qu'on a tellement persécuté les 
pauvres réformés. Cela l'a porté à devenir réformé 
lui-même. 11 a été trouver le- chapelain de l'ambassa- 
deur hollandais, et entre ses mains il a abjuré le 
catholicisme et s'est fait réformé. A Noël il a commu- 
nié sous un déguisement, car d'ordinaire il s'habille 
comme un abbé et porte le rabat et le manteau. Après 
la cérémonie il reprend sa tenue ordinaire et va faire 
une visite à une dame. Celle-ci lui dit : « Abbé, voîcy 
un vray temps pour vous qui âmes a veiller, car. vous 
jres sans doutte a la messe de minuit. » Le pauvre 
abbé d'Entragues lui répond : « Moy je nires plus de 
ma vie a la messe, d Toute la société est ébahie. «Par 
quelles raisons, lui dit-on, nirez vous plus à la messe? » 
Il répond de sans froid : «-Despuis que j'aye aies* le 
bonheur de Communier sous les deux espèces avec 
6 cent de mes frères j'ay bien ressolu de ne plus 

1. Eu. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 309 

jamais aller a la messe. » Cela a révolutionné tout 
Paris; les évêques et tous les prêtres se sont assem- 
blés et ont décidé de se rendre auprès de mon fils et 
de lui demander qu'il voulût mettre l'abbé à la 
Bastille. Le pauvre homme vint me trouver de nuit et 
me demanda conseil. Je lui lavai la tête d'importance 
d'avoir parlé si imprudemment, et lui conseillai de 
ne pas perdre de temps et de gagner le large. Il a 
suivi mon conseil et s'est sauvé, Dieu merci. J'ignore 
où il est allé, mais ce que je sais c'est qu'on l'a cher- 
ché pour l'envoyer à la Bastille, mais on ne l'a pas 
trouvé. S'il devait venir à Francfort, dites-lui que je 
vous ai écrit du bien sur son compte. Vous pouvez 
sans scandale frayer avec lui; quand il était tout pe- 
tit, les poules d'une basse-cour où il était allé faire 
son besoin l'ont étrangement mutilé. Cela lui a fait 
prendre les poules en horreur, tellement que quand 
il en voit une qui vole, il se trouve mal... 

Paris, ce jeudi 4 janvier 1720. 

... Je crois que l'abbé d'Entragues est devenu tota- 
lement fou. Comme je vous l'ai écrit l'autre jour, il a 
pris la fuite d'après mon conseil. Il était en Flandre et 
n'avait qu'à se rendre à Tournay, où il n'était plus sur 
terre de France, en sûreté par conséquent. Au lieu de 
cela, il va à deux lieues plus loin, à Lille. Là aussi il 
aurait pu se reposer durant quelques jours s'il s'était 
tenu caché, car personne ne le connaissait. Au lieu de 
cela, il s'en va en plein marché avec des billets de 
banque et fait le négoce avec, comme un juif, et débla- 



310 CORRESPONDANCE 

tère contre mon fils et contre le gouvernement. On 
prévient le commandant de Lille qui le fait arrêter, et 
Ton découvre quMlest l'abbé d'Entragues... Mon filsa 
a fait tout ce qu'il a pu pour le sauver... Et voilà qu'il 
se laisse prendre comme un sot, et au lieu de lui sa- 
voir gré d'avoir montré de l'indulgence à son égard, 
il se déchaîne contre lui en plein marché à Lille I Cela 
prouve bien qu'on n'échappe pas à son destin... 

Certes il se commet plus d'horreurs à Paris que 
jamais il ne s'en est commis chez les gentils, voire 
même à Sodome et àGomorrhe; ceux qui veulent être 
vertueux et vivre chrétiennement, on les tient pour 
sots et pour des gens sans esprit; les vicieux sont 
aimés, et les gens vertueux, on les hait. C'est une vraie 
pitié... 

Paris, le 18 janvier 1720. 

... Je ne dirai plus rien des millions d'ici; j'en suis 
si lasse que je ne peux plus en entendre parler, et 
j'ai honte que des princesses du sang se bousculent et 
se battent à la banque par pur intérêt et pour ramas- 
ser de l'argent. Je trouve cela ignominieux... 

Paris, le 25 janvier 1720. 

... M'"<' du Maine, il est vrai, a entièrement disculpé 
son mari et avoué qu'elle a ourdi toute la conspira- 
tion sous son nom et qu'il n'en savait pas un mot. 
Tous les autres conjurés, qui ont été enfermés à la 
Bastille, disent la même chose. Il faut donc que ce 
soit vrai, quoique peu croyable. Le duc, pour confir- 
mer ce que dit sa femme, ne veut rien savoir d'elle 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 311 

ni la voir. Elle est au désespoir de ce que mon fils ait 
fait lire son projet de conspiration au conseil, comme 
si cette tête folle avait pu croire que, pour l'amour 
d'elle, mon fils consentirait à passer pour avoir 
inventé la conspiration et à la déclarer innocente. 
Cette femme m'effraye, elle est par trop portée à l'ex- 
traordinaire! 

Alberoni a écrit à mon fils pour lui demander par- 
don. Il a déclaré que tous les libelles et tous les écrits 
publiés en son nom, en Espagne contre mon fils, 
lui avaient été envoyés de Paris. 11 offre de tout 
dévoiler et de lui Jndiquer les moyens de se ren- 
dre maître de toute l'Espagne, vu qu'il connaît le 
fort et le faible du royaume. Quels gens aimables, 
n'est-ce pas?... 

Notre pauvre abbé d'Entragues s'est fait prendre à 
Lille comme un sot. Sa chaise étant devant la porte 
il n'avait qu'à s'y mettre et à s'en aller, son valet de 
chambre le pressait de le faire, mais non, il a fallu 
d'abord qu'il se noircisse les sourcils avec de la 
corne brûlée et qu'il attende qu'on lui porte du lait 
pour se laver les mains 1 A tous ceux qui lui deman- 
daient: « Que faites-vous ici»i il répondait: «je me 
suis fait huguenot » et cela en Flandre où Ton est 
tellement papiste à cette heure ! C'est ainsi qu'il s'est 
fait prendre. Mon fils a ordonné de bien le traiter. 

Paris, le 4 février 1*20. 

...L'abbé d'Entragues s'est disculpé: il n'a pas mal 
parlé du tout... Aujourd'hui nous avons eu — une 



312 CORRESPONDANCE 

fois par hasard — une bonne nouvelle, savoir que la 
paix avec l'Espagne est faite.., 

Paris, le 4 février 1720. 

... Paris n'est plus tellement rempli de monde qu'il 
l'était; la cherté des vivres en fait partir beaucoup. 
Aujourd'hui Ton a défendu de payer en or et en ar- 
gent; les louis et les écus ne valent plus rien : il n'y a 
plus que des billets de banque et des pièces de vingt 
sous. Je ne permets pas qu'on me parle de millions, 
d'actions, de primes et de souscriptions. Je n'y com- 
prends rien et cela me paraît ennuyeux. Je ne connais 
personne en France qui soit absolument désintéressé 
si ce n'est mon fils et M™* de Châteauthiers. Tous les 
autres sont affreusement intéressés, en particulier les 
princes et les princesses du sang : ce monde-là 
échange des horions avec les commis de la banque... 

Paris, le 18 février 1720. 

... Que feu le roi ait porté un silice, qu'il s'est fait 
donner par des moines, des franciscains, cela n'est 
pas, car il avait trop d'esprit pour cela et de plus ce 
n'est pas l'habitude chez des laïques. On a répandu 
sur son compte bien des mensonges de ce genre. Et 
la reine aussi n'a certainement pas porté de cilice, 
car, cent fois je l'ai vue nue quand je mettais la che- 
mise à S. M. comme c'est l'habitude ici. C'est là toute 
une cérémonie. La première femme de chambre donne 
la chemise à la dame d'honneur; celle-ci me la donne 
à moi, et moi je la donne à la reine... 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 313 

.Paris, le 16 mars 1120. 

... Il n'est pas vrai du tout que mon fils ait approuvé 
la fourberie des prêtres qu'ils ont misé eu œuvre à 
Heidelberg à propos de l'église du Saint-Esprit... il a 
écrit à l'Électeur de ne rien faire qui fût contraire 
aux articles de la paix de Westphalie, car il se ver- 
rait obligé de prendre parti contre lui. L'empereur, 
aussi, dans cette affaire, s'est fort bien comporté. 

Paris, lo 23 mars 1720. 

... Hier matin un jeune homme fort bien fait et de 
bonnes manières a commis un crime odieux. Il est de 
bonne maison, des comtes flamands de Horn. Il avait 
perdu quatre mille écus, à la foire de Saint-Germain. 
Il les devait et voulait les payer. Il inventa un beau 
coup, prit trois coquins avec lui, se rendit dans la rue 
Quincampoix et chercha une maison d'où il pût sortir 
en sautant par la fenêtre. Le lendemain il y retourne, 
rencontre un commis de la Banque et lui demande 
s'il a des billets et s'il veut lui en vendre. « Combien 
en voulez-vous? dit le commis. Le comte de Horn lui 
en demande plus qu'il ne lui en faut, puis le mène au 
cabaret de Lespie de bois proche la rue Quincampoix. 
C'est là qu'ils assassinèrent le commis, puis sautèrent 
tous par la fenêtre. Mais le comte pensant celer son 
crime, courut tout ensanglanté chez le commissaire 
du quartier, disant qu'on avait voulu l'assassiner. Le 
commissaire le regarde et dit: « Monsl vous vous 
plaignes d'assassinat, vous arrivés tout en sang et 
vous n'estes pas blesses, sur cela vous trouvères bon 
u. 18 



t 

*. 



314 CORRESPONDANCE 

que je vous arestes. » En ce moment arrive le second 
coquin et entend le premier qui dit : a Tenez, deman- 
des àMons! qui entre, qui est témoyn de l'assassi- 
nat. » Lui, que'sa conscience tourmente, entend qu'on 
invoque son témoignage, il croit que son camarade a 
tout avoué, et fait des aveux complets. Il est arrêté 
également. Tous deux sont en prison et bien gardés. 
On pense qu'on les jugera lundi... A l'instant on 
m'annonce tous les princes de la maison de Lor- 
raine qui sont ici, tous les d'Aremberg, tous les 
Noailles, les d'Isenghien et d'autres encore. Je les 
plains de tout mon cœur : ils ne demandent pas la vie 
de leur parent coupable, ils voudraient simplement 
obtenir qu'il ne fût pas exécuté en public, mais qu'on 
le décapitât, en seicret, dans la prison. Je leur ai dit 
que je les plaignais tous, mais qu'ils savaient bien 
que je ne me mêlais en rien des choses de la régence, 
qu'ainsi donc je ne pourrais rien faire dans leur inté- 
rêt... Mais je frémis rien que d'y penser... 

Paris, le 31 mars 172D. 

...Je trouve fort ennuyeux qu'on ne voie plus d'or. 
Il y a quarante-huit ans que j'en avais toujours en 
poche et maintenant je n'ai plus que des pièces d'ar- 
gent... 

Il est certain que M. Law est horriblement détesté. 
Mon fils m'a dit aujourd'hui en voiture quelque chose 
qui m'a émue au point que j'en ai eu les larmes aux 
yeux. « Le peuple, m'a-t-il conté, a dit quelque chose 
qui m'a tout à fait touché le cœur, j'y suis sensible. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 315 

Quoi donc, lui demandai-je? « Quand on a roué le 
comte de Horn, répondit-il, les gens on dit : quand on 
fait quelque chose personnellement contre nostre ré- 
gent jl pardonne tout,mais quand on fait quelque chose 
contre nous jl n'entend pas de raillerie et nous rend 
justice comme vous voyez par ce comte de Horn... » 
Il en avait les yeux humides. 

Monsieur Law n'a aucune mauvaise intention ; on 
le voit bien par ceci qu'il achète beaucoup de terres, 
c'est à cela qu'il dépense ses grandes sommes d'or, 
il faut donc bien qu'il reste dans le pays. Il n'est que 
juste qu'il tire profit de son travail. Je ne peux croire 
qu'il envoie de l'argent en Angleterre, en Hollande et 
à Hambourg. Il fait punir trop sévèrement ceux qui 
font cela. S'il était lui-même en faute on l'en accuse- 
rait bien. Mon fils s'entend merveilleusement aux 
affaires de finance... 

Paris, le 14 avril 1720. 

... Mylord Stairs a, dit-on, fait de grandes dépenses 
avec une maîtresse qu'on appelle M"** Raimond. Elle 
est plus agréable que belle et elle a été la maîtresse 
de l'Électeur de Bavière. Présentement elle a un autre 
amant, ce dont mylord s'attriste beaucoup, à ce qu'on 
dit; Cet amant, c'est le comte Maurice de Saxe. Il n'est 
pas beau, mais il abonne façon, il est jeune et agréa- 
ble. Voilà donc milady Stairs vengée de l'infidélité 
de son mari. 

... Alberoni s'est rendu en Suisse auprès de l'abbé 
de Saint-Gall. Quelle vie du diable il va mener par là, 
le temps se chargera de nous rapprendre... La mé- 



316 CORRESPONDANCE 

chante petite sorcière de duchesse du Maine va venir 
nous voir demain dans l'après-midi, je m'en serais 
bien passée, mais que puis-je faire ? Mon fils l'a reçue, 
il faut donc que je la voie aussi, du moment qu'elle le 
veut à toute force... 

Saint-Cloud, le 21 avril 1790. 

... Le comte Horn avait été horriblement mal élevé 
et il s'était lié avec tous les filous de Paris. C'était un 
homme bien léger sous tous les rapports, sodomiste 
au plus haut point, bref il n'y avait de recommandable 
en lui que sa jolie figure, car la naissance ne doit être 
comptée pour rien quand la vertu ne vient s'y asso- 
cier... 

Saint-Cloud, le 27 avril 1720. 

... L'histoire du cocher... me rappelle le comte de 
Kœnigsmark, celui dont le frère aîné a eu ce malheur 
à Hanovre *. Il était accompagné d'une fort bellefille, 
une Anglaise, habillée en page. Je l'ai vue à Chamber * 
Elle avait le visage rond, de grands yeux et des che- 
veux bruns coupés courts et frisés en grosses bou- 
cles, de belles couleurs vives, la bouche et les 
dents belles, mais elle était trapue et grasse. En re- 
venant de la chasse, pendant laquelle le comte m'avait 
raconté toute son aventure, je feignis d'avoir fort 
envie de voir ses tentes turques et je l'accompagnai. 
Il appela son page pour l'aider à descendre de che- 
val. La jeune personne accourut... et c'est alors que 

1. C'est-à-dire : a été assassiné à Hanovre en 1694. 

2. Chambord? 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 317 

je la vis de très près. Pendant qu'il se rendait en 
Italie, on vint un jour dans une auberge lui dire : 
« vostre page est fort malade d'une colique » et un 
instant après on cria : « Mons. le comte, votre page 
accouche. » Elle mit au monde une fille. Plus tard 
elle se retira dans un couvent, mais sans prendre le 
voile. Elle y a vécu pieusement et honnêtement jus- 
qu'à sa fin. La fille vit encore, dans un couvent aussi. 
Le marquis de Thiange, qui avait été grand ami du 
comte, s'est intéressé à la pauvrette, après la mort 
du père et lui a fait avoir une petite pension du 
roi, dont elle vit; car Thiange est mort aussi... 

Le cardinal Mazarin avait coutume de dire : a La 
nation française est la plus folle du monde. Jls crient 
et chantent contre moy et jls me laissent faire et moy 
je les laisse crier et chanter et fait ce que je veux. » 
Il a imaginé une chose bien plaisante : il faisait re- 
chercher et saisir toutes les méchantes chansons 
faites sur lui, comme s'il était bien irrité. de la chose 
et sous main, sans avoir l'air de le savoir, il les faisait 
revendre : de cette façon il a gagné dix mille écus... 

Saint-Cloud, le 9 mai 1720. 

...J'ai écrit à l'abbé Dubois, aujourd'hui archevêque 
de Cambrai, pour le remercier de la bonne nouvelle 
qu'il m'a annoncée ce matin, par un exprès, savoir que 
la paix est faite entre le roi d'Angleterre et ses en- 
fants. Le prince et la princesse de Galles se sont ren- 
dus l'un après l'autre auprès du roi, et sont restés 
longtemps seuls avec lui. Tout s'est si bien arrangé 
II. i8. 



318 CORRESPONDANCE 

que le lendemain, c'est-à-dire le 6, tous les partisans 
du prince sont venus au baise-main du roi... 

Saint-aoud, le 23 mai 1720. 

...M'»* d'Orléans gâte toutes les dames, elle ne sait 
pas du tout se faire respecter : elle ignore ce que 
c'est que la grandeur. M™" de Montespan et M"»" de 
Maintenon, qui l'ont élevée, ne le savaient elles-mêmes 
pas. Or, elle est trop vaniteuse pour vouloir ap- 
prendre quelque chose de moi, elle s'imagine que 
cela est au-dessous d'elle... Tl n'y a plus de cour en 
France; c'est la Maintenon la première qui a inventé 
cela. Voyant que le roi ne consentait pas à la déclarer 
reine, elle a empêché la jeune dauphine^ de tenir une 
cour en la retenant toujours dans sa chambre où il 
n'y avait plus ni rang ni dignité. Même que les 
princes et la dauphine, sous prétexte que ce n'était 
qu'un jeu, devaient servir cette dame à table et à sa 
toilette : la dauphine l'a souvent peignée, comme au- 
rait fait une femme de chambre, et les princes por- 
taient ses plats, changeaient ses assiettes et lui 
versaient à boire. C'est ce qui a bouleversé toute la 
cour, personne ne savait plus qui il était. 

...Quelques personnes me conseillaient de faire 
comme le dauphin et les princes, mais je leur répon- 
dis : a Je n'ay jamais estes élevés a faire des basseses 
et je suis trop vieille pour faire des jeux d'enfants. » 
Depuis lors on ne m'en a plus reparlé... 

1 La duchesse de Bourgogne. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 319 

Saint-Cloud, le 26 mai 1720. 

...M"* de Valois n'est pas pressée du tout d'arriver 
à Modène. C'est une écervelée... Quoique son père 
l'en eût instamment priée, elle ne veut pas renoncer 
à se promener à travers toute la Provence et à visiter 
Toulon, qui est bien loin de sa route. Elle veut voir 
aussi ce qu'on appelle la Sainte-Baume ^. Elle traîne 
donc après elle toute la maison du roi, ce qui coûte 
des millions à celui-ci et ne lui vaut pas à elle la 
moindre considération; tout rejaillira sur son père... 
J'ai vu, en fait de femmes, bien des écervelées, mais 
aucune n'égale celle-ci, le caractère de la Montespan 
se montre dans toutes ses actions. Mais ce n'est pas 
ma faute, je peux dire à mon fils comme dans la co- 
médie : « George dandin tu l'a voulu. » 

Saint-Cloud, la 11 juin 1720. 

...A en juger par les bruits qui courent, nous 
sommes dans de mauvais draps. Je voudrais que Law 
et sa magie noire et son système fussent au Blocks- 
berg 2 et que jamais ils n'aient pénétré en France. 

Saint-Cloud, le 16 juin 1720. 

...Certes ladauphine * avait de l'esprit. C'est juste- 
ment pour cela qu'elle faisait tout ce que voulait la 
vieille, pour se faire bien venir du roi. Si la pauvre 

1. Montagne du Var. 

2. C'est-à-dire au diable. Le Blocksberg ou Broclcen, le sommet le plus 
élevé du Harz, rendez-vous des sorcières, 

3. La duchesse de Bourgogne. 



320 CORRESPONDANCE 

enfant avait pu vivre encore quelques années, elle se 
serait tirée de cet esclavage et n'aurait plus eu besoin 
de la vieille, car elle avait entièrement conquis le 
cœur du roi... 

Saint-Cloud, le 27 juin 1720. 

...Trois ducs qui pourtant portent la tête haute et 
qui sont de meilleure maison que les autres ont fait, 
à mon avis, quelque chose de bien laid. Ce sont le 
duc d'Ântin, qui est le fils de la Montespan et, par 
conséquent, le frère de ma bru et de M"*« la duchesse, 
le duc maréchal d'Estrées et le duc de la Force. Le 
premier a accaparé toutes les étoffes pour les vendre 
plus cher que les marchands ; le second, le café et le 
chocolat, et le troisième a été le plus malpropre, il 
s'est jeté sur le suif et a produit une vraie hausse sur 
les chandelles. Il descendait l'escalier de l'Opéra; des 
jeunes plaisants s'y installèrent. L'un dit : « Voilà 
un gros sac. » Un autre réplique : « Ce n'est pas de 
l'argent, ce ne sont que des chandelles. » Et tous se 
mirent à chanter le [dernier chœur de l'opéra de 
Phaëton : 

«c Allos, ailes respandre la lumicre 

Puisse un heureux destin 

Vous conduire à la fin 

De vostre brillante cariere. 

Ailes respandre la lumière. » 

Saint-Cloud, le 30 juin 1720. 

...Je ne crois pas que nos princes allemands per- 
mettront jamais que le fils du czar ou, pour dire 
mieux son petit-fils, épouse une archiduchesse. Ce 



DE MADAMK, DUCHESSK D'ORLÉANS. 321 

serait un trop grand danger pour toute rAllemagne... 
Il faut que je rie de la conversion de la princesse 
de Nassau-Siegen. Les gens qu'on envoie prêcher, on 
les appelle des missionnaires. Présentement, il y en 
a en Lorraine. Ils prêchent quatre fois par jour et le 
duc de Lorraine assiste à deux de leurs prédications. 
Je crains qu'avec sa couronne d'épines, cette prin- 
cesse ne soit devenue plus folle encore que son mari. 
Vous verrez qu'avec la chaîne même qu'elle s'est mise 
autour du cou, il va falloir l'attacher. Quant aux gens 
qui se sont fait donner la discipline en pleine rue, on 
ne tolérerait pas cela en ce pays-ci ; on tiendrait cela 
pour une jmmodeslie^ et c'en est une dans le fait. Je 
ne peux souffrir ces extravagances. Aussi bien que le 
cardinal de Noailles a aboli l'usage qu'on avait d'aller 
en pèlerinage le jeudi saint au Mont-Valérien, pieds 
nus, en portant des croix et en se flagellant, aussi 
bien on ne permettrait pas que des femmes se donnent 
la discipline... 

Saint-Cloud, le 14 juillet 1720. 

...Tous les jours il me faut entendre des choses 
désagréables. Tantôt on vient me dire que je n'aurai 
plus rien à manger, mes oflSciers et mes pourvoyeurs 
ne pouvant plus endurer de n'avoir que des billets et 
pas d'argent, tantôt on me prévient que je ne peux 
avoir ni bas ni habits vu que les marchands n'ac- 
ceptent plus en paiement des billets de banque, tantôt 
encore on dit que Paris va se soulever... 



322 CORRESPONDANCE 

Sainl-Cload, le 14 juillet l'Isa. 

... n faut que je vous conte Thorrible frayeur que 
j'ai eue hier. J'allai, à mon ordinaire, en voiture, aux 
Carmélites; j'y trouvai la duchesse du Lude et nous 
étions bien tranquilles quand entra M™« de Chateau- 
thiers, pâle comme une morte, qui me dit: «Madame, 
on ne saurait vous cacher ce qui se passe, vous trou- 
vères touttes les cours du Palais-Royal remplies de 
peuples, jls vont porter des corps morts écrasés à la 
banque ; Laws a été obliges de se sauver au Palais- 
Royal, on a déchires son carosse après qu*îl en a estes 
sortis, en mille pièces, jls ont forces les portes à six 
heures du matin. » Je vous laisse à penser quelle émo- 
tion je ressentis, mais je n'en laissai rien paraître, car 
il ne faut pas qu'on ait l'air d'avoir peur. J'allai donc 
voir le roi comme à l'ordinaire. Je dus horriblement 
me contraindre. En arrivant à la rue Saint-Honoré, 
il me fallut attendre une demi-heure avant de pou- 
voir passer, tellement l'embarras était grand. J'enten- 
dais le peuple qui murmurait, mais contre Law seul , 
ils ne disaient rien de mon fils et me bénissaient, moi. 
Enfin j'arrivai au Palais, mais le calme était déjà 
rétabli et le peuple s'était retiré. Mon fils vint chez 
moi et me raconta que toute cette histoire avait com- 
mencé à propos de dix sous. Ceux qui ont été étouffés 
dans la presse n'étaient pas de pauvres diables. L'un 
d'eux avait cent écus en poche et aucun des écrasés 
n'était sans argent. C'était donc par pure cupidité 
qu'ils en étaient venus là. Qu'on ait envahi le Palais- 
Royal, cela s'est fait certainement à l'instigation de 



DE MADAMK, DUCHESSE D'ORLÉANS. 323 

méchantes gens qui détestent horriblement mon pau- 
vre fils... 

Saint-Cloud, le 21 juillet 1720. 

... Je ne sais pourquoi on vante le courage que dé- 
ploient les hommes dans les moments critiques : Law 
était pâle comme la mort mercredi dernier; il avait 
donc bien peur... Il y a différentes espèces de jalousie ; 
en ce pays-ci on trouve plus de femmes jalouses par 
ambition que par amour, car elles veulent tout gou- 
verner... et toujours raisonner des affaires de TÉtat. 
Elles me donnent une telle impatience que j'en vou- 
drais trépigner et frapper du pied. 

... Un homme fort habile que je connais et qui s'ap- 
pelle M. de Haye. . . m'a montré une chose fort cu- 
rieuse, savoir trente pions d'un jeu de dames avec 
lequel Charlequins * jouait au trictrac ou aux dames. Ils 
sont en bois léger, rouges et blancs. Sur chacun de 
ces pions se trouve un portrait, repoussé, ça a l'air 
d'être de l'or fondu, aux couleurs vives. 11 y a Charle- 
quins lui-même, et beaucoup de gens qui ont vécu de 
son temps : Soliman, l'empereur turc, un électeur de 
Saxe, un duc de Bavière, et force dames dans le cos- 
tume d'alors. Gela est très beau. On attribue ce travail 
à Albert Durer et on l'estime à plus de mille pistoles. 
Gela est fort curieux aussi. De Haye est un graveur très 
habile, il a l'intention de faire graver tout cela et d'y 
ajouter l'histoire de tous ces personnages. Ce sera 
bien gentil... 

1. Charloâ-Quint. 



324 CORRESPONDANCE 

Saint-aoad, le 28 jaillet IHO. 

... Un autre fois quand vous vous piquerez le doigt, 
coupez un peu Tongle de ce doigt-là, mettez Tendroit 
blessé derrière Toreille et frottez légèrement. Je vous 
garantis que jamais vous n^aurez d^abcès à cet en- 
droit-là... 

Saint-aoad, le 4 août 1720. 

... Vous croyez donc, chère Louise, que je ne chante 
jamais de psaumes et de cantiques luthériens ? JTen 
sais encore beaucoup par cœur et les chante : j^ 
trouve une grande consolation. Il faut cependant que 
je vous conte ce qui m'est arrivé, il y a plus de vingt- 
cinq ans avec mon chant. JMgnorais que M. Rousseau 
qui a peint l'orangerie, fût réformé. Il se trouvait sur 
un échafaudage tout en haut. Je me croyais seule 
dans la galerie et me mis à chanter tout haut le 
6« psaume. A peine eus-je fini le premier verset que 
j'entendis quelqu'un descendre en grande hâte de 
l'échafaudage. C'était M. Rousseau qui se jetait à mes 
pieds. Je crus qu'il devenait fou : a Bon Dieu, M. Rous- 
seau, lui dis-je, qu'avez-vous? — Est-il possible. Ma- 
dame, s'écria-t-il, que vous vous souvenies encore de 
vos psaumes et les chantes, le bon Dieu vous bénisse 
et vous maintiene dans ces bon sentiments. » Et en 
disant cela il avait les larmes aux yeux. Quelques 
jours après il se sauva. Je ne sais où il est allé, mais 
où qu'il soit je lui souhaite beaucoup de bonheur et 
de joie. C'est un excellent peintre en fresques et très 
estimé... 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 325 

Il y a peu de médailles antiques qui ne se trouvent 
dans ma collection, car j'en ai près de neuf cents... 

Saint-Cloud« le 15 août 1720. 

... Les Parisi^ms sont les plus braves gens du monde, 
si le parlement ne les avait pas excités à la révolte, 
jamais ils ne se seraient soulevés... 

Quoi qu'on ait pu me dire en faveur du système de 
M. LaviT, je n'y ai non seulement jamais rien compris, 
mais de plus j'ai toujours fermement cru que l'affaire 
finirait mal. Je ne sais pas farder la vérité, aussi ai-je 
dit franchement à mon fils ma façon de penser. Il me 
répondit que je jugeais mal la chose, parce que je ne 
la comprenais pas bien. Il a voulu me l'expliquer, 
mais plus il en parle, moins je comprends... 

Saint-ClouJ, le 18 août 1720. 

... Jusqu'ici on s'est tenu tranquille. Cela durera ce 
que cela pourra. M. Law ne peut pas sortir de chez 
lui. Les femmes de la halle ont mis des gamins tout 
autour de sa maison pour l'espionner afin qu'ils les aver- 
tissent s'il sortait. Cela ne fait présager rien de bon 
pour lui et je crains bien que nous n'ayons un de ces 
jours un nouveau soulèvement et tumulte... De ma vie 
je n'ai vu un Anglais ou Écossais aussi poltron 
qu'est Law. C'est la richesse qui le rend peureux. Ce 
n'est qu'à contre-cœur qu'on abandonne biens et 
trésors. J'imagine qu'à certaines heures, il voudrait 
bien être en Souciane * ou au Mississipi. 

l. Louisian3. 

II. 19 



M) CORRESPONDANCE 

Saiot-Cloud, le 5 septembre l'ÏSO. 

... Tout est tranquille ici, à vrai dire, mais le mécon- 
tentement est grand, ce n'est donc qu'un calme fac- 
tice... Il y a quelques jours, des laquais se sont rendus 
coupables d'une grande insolence. Je ne comprends 
pas que des gens tolèrent que leurs laquais soient inso- 
lents à ce point. Ils ont crié à M"* Law qui revenait 
de la promenade toute sorte d'ignominies, et ils ont 
lancé des pierres à la pauvre enfant. Je vois bien la 
raison de tout cela. Les jeunes seigneurs du temps 
actuel se sont trop commis avec leurs laquais ; ils s'en 
servent pour accomplir toute sorte d'infamies et n'osent 
plus leur dire quoi que ce soit : les laquais sont les 
maîtres... 

La reine de Prusse m'a mandé le malheur qui leur 
est arrivé avec cette poudrière qui a sauté... Cela me 
rappelle une aventure qu'a eue M™« de Durafort * à 
Besançon. Elle a été ma dame Datour, Elle était sœur 
du maréchal de Duras et tante de M"® de Malause. Le 
maréchal était gouverneur de Besançon. 

... Au fond de son jardin il y avait des niches avec 
des statues, entre autres un Jupiter magnifique. Le 
roi l'a acheté. C'est le vrai Jupiter du Capitole; il est 
maintenant à Versailles. M™* de Durafort donc était 
un jour toute seule dans le jardin de son frère, à 
Besançon. Elle alla vers cette statue et dit : « çà*, 
mons jupitter, on dit que vous avez parlez autre fois 
nous voila seuls, parlez-moy donc aussi bien tenez 

1. Durfort. • :^. 

2. Or çà. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 327 

VOUS la bouche entre ouverte?» Au moment même où 
elle prononçait ce mot, le moulin à poudre sauta avec 
un grand fracas. M"' de Durafort crut que c'était Ju- 
piter qui parlait, elle s'erfraya tellement qu'elle tomba 
droit en syncope et qu'on dut l'emporter du jardin... 

Saint-Cloud, le 19 septembre 1720. 

... Je reçois fort souvent de ces maudites lettres 
anonymes. Celle que je reçus avant-hier m*a fait rire, 
en dépit de ma mauvaise humeur, car on m'y don- 
nait, avec le plus grand sérieux du monde, le conseil 
de faire enfermer mon fils comme fou ; par là, ajoutait 
la lettre, on ferait tomber toute Tirritation dont il 
est l'objet... 

Saint-Cloud, ce jeudi 3 octobre 1720. 

... Les irrégularités à la poste, chère Louise, 
viennent uniquement de Tanimosité de Torcy et 
de l'archevêque de Cambrai, ou de l'envie qu'ils ont 
de savoir ce que j'écris. Ne pouvant me faire d'af- 
faires avec mon fils, ils cherchent à m'attirer la haine 
des autres gens. C'est ainsi qu'ils m'ont accusée auprès 
du maréchal de Yilleroy d'avoir écrit à ma fille que 
lui et tous ceux qu'on appelle la vieille cour sont les 
ennemis de mon fils. Quand on m'a parlé de la chose, 
j'ai répondu froidement : « Il est vray je l'ay escrits 
a ma fille, et je luy escrit parce qu'il est vray et que 
les lettres de lambassadeur d'Espagne en ont assez 
fait foy »... 



328 . CORRESPONDANCE 

Saint-Cloud, le 20 octobre 1720. 

Une pauvre femme qui est toujours auprès de mol 
— elle est la fille de mon dernier médecin et a épousé 
un Boerstel — a failli devenir veuve hier par suite 
d'un accident bien étrange. M. Boerstel traversait la 
rue Saint-Antoine en voiture. Un cocher de fiacre — 
ce sont d'ordinaire des gens fort insolents — coupa 
la rue et arrêta M. Boerstel. Celui-ci crié au cocher de 
s'ôter de son chemin. Le fiacre lui répond avec inso- 
lence. Boerstel se fâche et veut lui donner des coups. 
Mais Tautre crie au peuple : « Voila Laws qui me 
veust tuer a mon secur ! » Le populaire se rassemble, 
s'arme de bâtons et de pierres et commence à char- 
ger Boerstel. Il dut se sauver à l'église. Ils l'ont pour- 
suivi jusqu'à l'autel; par bonheur il y avait près de 
là une petite porte qui était ouverte. Il s'y glissa avec 
le jeune gentilhomme qui était avec lui et ferma la 
porte; sans cela, il eût été lapidé et assommé... 

SaiDt-Cloud, le 12 octobre 1720. 

... A propos, je me suis informée du pauvre M. Rous- 
seau, qui fut tellement heureux lorsqu'il m'entendit 
chanter les psaumes à l'Orangerie. J'ai voulu savoir 
où il était passé. Il est mort en Hollande. Gela me 
fait de la peine. Je ne crois pas que Law soit méchant 
au point d'avoir fait tout cela avec intention, mais 
tout n'en est pas moins en un piteux état^.. De plus, 
il ne pouvait pas deviner que tous les Français, et en 
particulier les princes de la famille royale, seraient 



*. ». 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 329 

si horriblement rapaces. Mais ne parlons pas de cela. 
J'avais eu pour page un jeune gentilhomme du nom 
de Neuhof. Il s'était bien conduit : je Pai donc fait 
recommander à l'Electeur de Bavière, qui lui a donné 
une bonne compagnie. Mais il s'est mis à jouer en 
Bavière et ensuite de cela, il est devenu un coquin, 
un excroq. Il empruntait de l'argent qu'il ne rendait 
pas. 11 dit un jour à deux chevaliers de Malte : « J'ai 
encore un oncle et une tante chez Madame. Mon oncle 
c'est M. Wendt, et ma tante M""" de Rathsamhausen. 
Je vais vous donner une lettre pour l'un et Tautre ; 
ils vous payeront immédiajbement ». Et il leur remet 
des lettres cachetées. Quand ces cavaliers vinrent 
ici, ils dirent à Wendt et à M™« de Rathsamhausen 
qu'ils avaient des lettres dé leur neveu Neuhof pour 
eux. « Nous connaissons fort bien Neuhof, répondi- 
rent-ils ; il a été page de Madame, mais il n'est pas 
notre parent ». Us ouvrent les lettres : il n'y avait que 
du papier blanc. Par là les deux pauvres chevaliers 
de Malte virent bien qu'il les avait trompés. Ils me 
demandèrent conseil, a Cet homme, répondis-je, n'est 
pas à mon service; faites-en ce que vous voudrez...» 
l^euhof vint à Paris; son beau-frère voulut lui faire 
une semonce; le gentil enfant tenta de l'assassiner, 
mais apprenant qu'on allait l'arrêter et le mettre en 
prison, il se sauva en Angleterre. Là une dame s'é- 
prit de lui, car il est bien de sa personne; il n'est pas- 
laid de figure et sait causer. Cette femme l'épouse. 
Dès qu'ils sont mariés, il lui vole tout et se sauve 
^vec à Paris. Elle le suit. Lui se dit que cela pourrait 
bien lui jouer un mauvais tour, et s'en va en Espagne. 



330 CORRESPONDANCE 

Là il se marie derechef. Je De sais où a passé rAn- 
glaise. J'ignore aussi si le beau jeune homme n'a pas 
une troisième épouse en Bavière; il pourrait au fond 
se contenter de deux. Il a eu l'insolence de m'écrire 
une longue lettre pour m'ofiRrîr ses services et il est 
venu à Paris... Je lui ai fait défendre de jamais se 
présenter devant moi. Un jour, en allant aux Carmé- 
lites, je le rencontrai, il était en voiture, « Voilà 
c^esthonneste garson de NeuhoffD,dis-je. Il baissa les 
yeux et devint blanc comme le papier sur lequel je 
vous écris... Il a volé à sa sœur tout ce qu'elle avait, 
deux cent mille francs; on prétend aussi qu'il a pris 
un. million au frère de M. Law. Personne ne sait où 
il est allé; tout d'un coup il avait disparu. Sa sœur, 
M™« de Trévoux, est au désespoir *. 

Saint-Cloud, le 30 octobre 1720. 

... Je n'aurais pas reconnu le prince Eugène dans 
ce portrait; car, quand il était ici, il avait un petit 
nez retroussé, et sur cette gravure on le lui fait long 
et pointu. Il avait le nez tellement retroussé que tou- 
jours il tenait la bouche ouverte : on voyait fort bien 
les deux grosses dents de devant. Je le connais parfai- 
tement. Quand il était petit, je le tourmentais beau- 
coup. On voulait qu'il entrât dans les ordres; il était 
habillé comme un abbé, et moi je l'assurais toujours 
qu'il n'en deviendrait pas un. C'est en effet ce qui est 

1. Ce page Neuhof, né à Metz en 1686 d'une famille wesphalienne, 
élevé chez les jésuites de Munster, est le futur roi de Corse, Théo- 
dore I». 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 331 

• 

arrivé... J*ai connu toute sa famille, père, mère, 
frère, sœurs, oncles et tantes. Il ne m'est donc pas 
inconnu du tout; mais il est impossible que son nez 
soit devenu long et pointu. M°*« d'Orléans dit que peut- 
être il aura perdu les dents et que ceci aura tiré 
vers le bas son nez qui remontait. Je ne sais si la 
' chose est possible... 

J'ai bien dû rire de ce que M. de Lutzelbourg aussi 
est comte à cette heure. Ce comte-là, je l'ai connu 
page chez le feu prince de Conti. On a trouvé fort 
risible ici qu'on Tait mis comme gouverneur auprès ■ 
du Prince électoral de Saxe. Mais nos Allemands ont 
ce défaut que tout ce qui vient de France, ils le tien- 
nent pour parfait. M. de Lutzelbourg a de l'esprit, 
mais ses mœurs ne conviennent pas du tout au rôle 
de gouverneur d'un jeune prince... 

Saint-Cloud, le 9 novembre 1720. 

... A Paris, leMississipîfait le désespoir d'autant de 
gens que la mer du Sud en Angleterre. Mercredi der- 
nier encore, un homme s'est jeté par la fenêtre, de 
désespoir, et s'est cassé le cou. Je ne voudrais pas 
être dans la peau de M. Law. Il a trop à répondre de- 
vant Dieu d'avoir causé tant de malheurs. Si les Fran- 
çais se mettent une fois à suivre la mode anglaise et 
à se tuer, il en périra autant par là que de la peste, 
car tout est affaire de mode dans ce pays... 

Le baron Goertz m'a écrit, il y a quelques semaines, 
que les rois d'Angleterre et de Prusse avaient pris 
des résolutions tellement favorables aux pauvres ha- 
bitants duPalatinatl... Mais je ne vois pas qu'il en ré- 



332 . CORRESPONDANCE 

suite quoi que ce soit. Un souverain ne devrait pas 
haïr ses sujets, il doit les aimer comme un père ou il 
aura à en répondre devant Dieu. Je crois que tous les 
prêtres de l'Électeur se damneront à force de mo- 
lester les pauvres gens d'Heidelberg... 

Saint-Clôud, le 21 novembre 1720. 

... Il faut que la princesse de Siegen soit plus 
gentille que son mari, qui est un personnage fort 
ennuyeux... Un jour il vint me trouver et me dit qu'il 
fallait que je l'appuie en tout. « Pourquoi? dis-je. — 
Parce que je me suis fait catholique, répondit-il; les 
autres princes et comtes de Nassau, qui sont hugue- 
nots, obtiendraient sans cela plus d'avantages que 
moi, prince catholique. — Votre religion, lui dis-je 
en riant, est votre affaire et non la mienne. Toute ma 
vie j'ai tenu en haute estime toute la maison de 
Nassau; mon christianisme à moi et la parole de 
Dieu m'enseignent à aimer le prochain et non à le 
haïr et à lui nuire à cause de la religion qu'il pro- 
fesse. Vous ne pouviez donc pas vous adresser plus mal 
pour trouver quelqu'un qui fût partial pour ce motif 
là. D&-toute la maison de Nassau j'estimerai davantage 
ceujt que je trouverai les plus honnêtes, à quelque 
religion d'ailleurs qu'ils puissent appartenir. » 11 de- 
vint cramoisi et s'en alla tout confus... 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 333 

Saint-Cloud, lo 28 novembre 1720. 

... La duchesse de Hanovre va rester au Luxem- 
bourg S jusqu'à ce qu'elle ait une maison à elle... 11 
n'est pas étonnant que la duchesse aime la France, 
elle y est née, y a été élevée et y a une sœur chérie. 
On ne peut cependant pas appeler Paris sa patrie, car 
sa mère était plutôt italienne que française ; c'était une 
princesse de Mantoue, la propre nièce ou tante de 
l'impératrice Léonore, je ne sais plus au juste... 

Saint-Cloud, le 30 novembre 1720. 

... La duchesse de Hanovre est si peu changée dans 
les vingt-sept ans qui viennent de s'écouler, que c'est 
vraiment étonnant. Mais, entre nous soit dit, il faut 
qu'elle ait tant soi peu fourré son doigt dans le pot 
de rouge de sa maman, car son teint est tout à fait 
comme était celui de sa mère. 

L'Impératrice* l'aurait volontiers gardée à Vienne, 
mais je ne peux la blâmer de ne pas y être restée, car 
on prétend que M™« sa fille voulait la mettre dans le 
couvent qu'elle a fondé, et les couvents ne font pas 
l'affaire de tout le monde, moi du moins je ne pourrais 
y exister... Notre duchesse n'est pas assez folle pour se 
laisser enfermer dans un couvent, mais je peux aisé- 
ment deviner pourquoi elle en aura répandu le bruit, 

1. Chez sa sœur — M««« la princesse. Toutes deux étaient filles 
d'Edouard, comte palatin du Rhin et d'Anne de Qonzague. 

2. L'impératrice douarière Whilhelmine Amélie, veuve de Joseph I^r, 
était fillo de la duchesse de Hanovre. 

19. 



334 CORRESPONDANCE 

c'est que la rumeur publique veut qu'elle ait contracté 
un mariage de conscience avec son secrétaire italien. 
C'est pourquoi elle aura dit qu'elle avait l'intention de 
se retirer dans un couvent, en France, afin que l'im- 
pératrice, sa fille, n'ajoute pas foi à cette rumeur, 
laquelle est grandement répandue ici aussi. Vous 
devez connaître celui qu'on accuse d'être son mari, 
car elle l'avait auprès d'elle à Hanovre déjà; si je ne 
me trompe, il se nomme Marcelli... 

Paris le 14 décembre 1720. 

... C'est un vilain compliment à faire aux gens que 
de leur dire qu'ils vont avoir droit au titre de bisaïeule 
Je l'ai été, car la duchesse de Berry a eu deux filles 
et un garçon... Je n'ai pas vu le dernier; quand il na- 
quit et mourut, j'étais avec le roi, à Rambouillet. 

... Si ce qu'on dit de la princesse de Modène est vrai, 
elle ne sera pas enceinte de si tôt. On prétend qu'elle 
ne veut pas coucher avec son mari : c'est qu'elle a 
bien mauvaise tête et qu'elle n'écoute personne... 

Paris, ie 28 décembre 1*720. 

... J'avoue que ce m'est désagréable d'apprendre 
que des cadets de maisons princières se marient : cela 
produit des seigneurs aux petites parts et des princes 
archipauvres. Quel singulier cadeau que ce prince et 
cette princesse indiens 1 Le landgrave, à mon avis, 
ferait bien de leur faire payer line rançon et de les 
renvoyer chez eux. Du moment qu'ils se peignent de 
couleurs différentes, ce sont des sauvages d'Amérique. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLEANS. 335 

Mais parmi ceux-ci il n^ a ni princes ni nobles; ils 
sont tous égaux. Us n'obéissent à leurs chefs que 
tant que dure la guerre. Après, ceux-ci retombent 
au même rang que les autres. Il en vient souvent ici, 
c'est pourquoi je sais fort bien comment se passent les 
choses au Canada. De plus, une de mes femmes de 
chambre a épousé un gentilhomme français du nom 
de Longueil. Il a tous ses biens au Canada et y est au 
service du roi... Elle était ici il y a vingt-trois ans. 
C'est alors qu'elle m'a dépeint toute la manière de vivre 
de ces sauvages. Je la connais donc dans la perfection u 
aucun capitaine de vaisseau ne pourrait me faire 
accroire quoi que ce soit... 

Paris, le l»' février 1721. 

... Je maigris tellement et je suis si lasse, qu'à 
peine je peux tenir la plume... Je crois que je finirai 
par sécher comme la tortue que j'avais dans ma 
chambre, à Heidelberg... 

Paris, le 15 février 1721. 

... Hier M. Marlirce ^ m'a amené le prince Charles 
de Hesse, Philipsthal... Il veut à toute force prendre 
du service en France. Je lui ai conseillé de d'abord... 
tout bien examiner, car je suis persuadée que s'il 
voyait comment les choses se passent ici, à quel point 
les étrangers sont méprisés et qu'ils ne peuvent arriver 
à rien, l'envie lui en passerait bien... 

1. Sans doute le Martini de la page 164. 






336 CORRESPONDANCE 

Paris, le 20 février 1721. 

... Avant hier j'eus une grande visite. On m'amena 
le jeune roi. Il n'avait avec lui que deux personnes qui 
avalent des mines bien sérieuses, savoir : son grand 
écuyer, le prince Charles, de la maison de Lorraine, 
et le duc de Noailles, le premier capitaine des gardes. 
A ce moment là je ne savais pas ce qu'ils avaient sur 
le cœur ; je ne l'ai appris qu'hier. Le prince Charles 
a épousé, il y a deux ans, la fille du duc de Noailles. 
Elle était encore tout à fait une enfant : elle n'avait 
que douze ans. Pendant une année on l'a tenue éloi- 
gnée de son mari ; mais depuis un an ils sont ensemble. 
Cette enfant est devenue une gentille femme, ver- 
tueuse, aimant son mari de tout cœur. Il n'y a 
rien d'étonnant à cela, car c'est un bel homme. Mais 
ce dont il faut s'étonner, c'est que cette jeune femme 
d'à peine quinze ans ne soit pas devenue coquette, 
comme le sont presque toutes ses pareilles en France. 
Elle a eu une conduite irréprochable à tous égards, 
quoiqu'elle vît que son mari n'avait aucune inclination 
pour elle. Et pourtant elle a une jolie figure et elle 
est bien faite. Avant hier, dans la matinée, le prince 
Charles se rendit auprès d'elle et lui dit : « Madame, 
Il faut nous séparer, je ne me trouve pas assez de 
bien pour vous entretenir, j; — La pauvre petite 
femme fut remplie d'effroi : « si je vous aye desplus 
dans ma conduitte, lui répondit-elle, dittes moy ce 
que c'est et je m'en corrigeres; pour le bien, mettes 
moy dans une chambre, ne me donnes que du pain et 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 337 

de Teau et que je vous puisse voir, je seres contente. 
— Je suis très content de votre conduitte^ répliqua- 
t-îl, je n'ay pas la moindre pla*inte contre vous, mais 
en un mot comme en mille, vous estes mon aversion, 
je ne vous puis souffrir, ainsi je veux que vous 
retourniez ches vostre père. » La pauvrette se mit à 
pleurer amèrement. « A qupy bon ces pleures, lui 
dit-il, ils ne m'attendrissent, ailes vous en. — Puisque 
je suis si mal avec vous, répondit-elle, il n'est pas 
juste que j'aille dans la maison de mon père, il faut 
me cacher à jamais. » Et là-dessus elle fit venir tous 
ses domestiques et les paya bien. Tout le monde dans 
la maison pleurait. Elle monta en voiture et se fit 
conduire dans un couvent, aux Filles Sainte-Marie, où 
elle a une tante. Tout le monde plaignait la pauvre 
créature. Quant à moi je n'ai pu entendre raconter 
son histoire sans verser des larmes. Personne ne sait 
ce qui a pris au prince, car jusqu'ici il avait eu l'air 
fort doux. Avant son mariage il était très épris d'une 
dame, qui est veuve à présent. D'aucuns pensent que 
c*est là la raison pour laquelle il se conduit ainsi... 

Paris, lo 22 février 1721. 

... Hier le duc de La Force a subi un grand affront. 
Il voulait occuper au parlement son siège de duc et 
pair, mais le premier président L'en a empêché et a 
appelé un huissier auquel il dit : a Faites sortir la 
force. ».». On pense qu'il sera dégradé de son duché. 
C'est là un vrai châtiment de Dieu... 11 a laissé mourir 
de faim sa pauvre mère et a horriblehaent persécuté 



338 CORRESPONDANCE 

les pauvres réformés, ce qui lui valut une pension du 
roi, que le P. La Cbaise et la Maintenon lui ont obte- 
nue... 

Paris, le 6 mars 1721. 

... M. de Louvois lisait toutes mes lettres, mais il 
avait des traducteurs fort savants... Torcy n'en a 
jamais eu d'aussi habiles... L'abbé Dubois imite ces 
deux ministres. Comme dit le proverbe français, 
a c^est un petit chien qui fait comme les grand jl pisse 
Contre le mur parce qu'il les y voit pisser »... C'est 
bien le prêtre le plus méchant et le plus intéressé 
qu'il soit possible de voir, et Dieu le punira; son châ- 
timent ne se fera pas attendre... 

Paris, le 8 mars 1721. 

... Mon fils vit très bien avec moi. 11 me témoigne 
une grande amitié, il avait bien peur de me voir mou- 
rir, et quand il m'a vue revenir à la santé, il était bien 
heureux. Ses visites me font plus de bien que le quin- 
quina, elles ne me pèsent pas sur l'estomac et me 
réjouissent le cœur. Il a toujours quelque chose de 
drôle à me raconter pour me faire rire... Je ne lui 
suis bonne à rien, mais je l'aime de tout mon cœur... 
Tant qu'il a pu procurer de l'argent à M. le Duc^ celui- 
ci feignait de n'aimer personne au monde plus que 
lui ; maintenant qu'il n'y a plus rien à gagner, il s'est 
mis contre lui en toutes choses. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 339 

Paris, le 29 mars 1721. 

... Hier matin arriva un courrier porteur de la nou- 
velle que le pape est enfin mort le 19 de ce mois. Les 
cardinaux d'ici sont tous tristes d'avoir à aller à 
Borne pour faire un autre pape; cela leur coûte gros 
et les éloigne de Paris où ils aiment tant être ; 
mais aussi, pourquoi tous les prêtres veulent-ils pas- 
i^r cardinaux? Et après, ils sont au désespoir d'être 
obligés de se rendre à Rome... Les princes* sont si 
mal élevés, parce qu'ils ont perdu leur père de bien 
bonne heure, et la mère ne songe... qu'à se divertir, 
à jouer jusqu'à cinq heures du matin, à manger et à 
aller au spectacle... Mais elle en est bien punie par 
ses enfants mêmes. Quand, un jour, elle voulut laver 
la tête au comte de Charolais, à propos de l'existence 
dévergondée qu'il mène, il lui répondit : « jl faut que 
le jeune Lassé ' n'ayt pas bien fait son devoir cette 
nuit que vous estes de si mauvais humeur si vous 
nous donnies des meilleurs exemples nous vivrions 
mieux. » 

Paris, ce samedi 12 ayril 1721. 

... Je ne suis les modes que de loin, et il en est que 
je n'adopte pas du tout, comme les paniers, que je ne 
porte pas, et les robes ballantes, que je ne peux souf- 
frir. Je trouve que c'est impertinent d'en mettre; 
aussi nulle femme qui en porte n'est-elle admise en 

1. De Condé. 

2. Lassay. 



340 CORRESPONDANCE 

ma présence : c'est comme si on allait se mettre au 
lit. Il n'y a aucune règle pour les modes : ce sont les 
faiseuses de robes de chambre et les coiffeuses qui les 
font. Je n'ai jamais suivi à l'excès la mode des hautes 
coiffures... 

Saint-Cloud, le 26 avril 1721. 

... Tout ce qu'on lit dans la bible sur la façon dont 
se passaient les choses avant le déluge, ou à Sodome 
et à Gomorrhe, n'est rien à côté de la vie qu'on mène 
à Paris. Sur neuf jeunes gens de qualité qui dînaient 
il y a*^ quelques jours avec mon petit-fils le duc de 
Chartres, sept avaient le mal français. N'est-ce pas 
affreux? 

Saint-Cloud, lo 8 mai 1721. 

... La Maintenon avait coutume de dire : « Despuis 
quelques années jl règne un esprit de Vertige qui ce 
respand partout » ; et en ceci elle avait bien raison. 

Le margrave de Bayreuth et sa femme sont, dit-on, 
un couple prodigieux. A cette cour-là et à leur Ermi- 
tage l'esprit de vertige règne aussi; on s'imagine 
facilement que le margraviat est en un piteux état... 

Saint-Cloud, le 12 juin 1721. 

... Ma fille vit dans un tourment continuel : il ne 
peut lui être agréable de voir qu'on aime mieux sa 
surintendante qu'elle... Le mari de cette dame est le 
plus grand coquin que l'on puisse trouver au monde : 
il ruine le duc de Lorraine à fond. Ma fille pourrait 
bien prendre son parti quant à l'affection de son 



DE MADAME, DUCHESSE D*ORLÉANS. 341 

mari, mais de voir ses enfants ruinés par ce vilain 
c... de Craon, c*est là ce qui raflBige... 

Saint-Cloud, le 21 juin 1721. 

... Je ne sais rien de neuf aujourd'hui. Je vais donc 
vous raconter une vieille histoire qui m'est arrivée 
quand je fus pour la première fois à Boisfontaine... 
J'étais fort jeune alors, j'avais à peine vingt-trois ans, 
j'étais donc assez étourdie encore. Or il arrive à ces 
pauvres moines de devenir tout à fait fous, parce qu'il 
ne leur est jamais permis de parler. Ma pauvre 
Théobon et moi donc nous nous mîmes à courir par 
tout le couvent, et, trouvant une porte où la clef était 
dans la serrure, j'ouvris et entrai dans la cellule. Un 
moine pareil à un spectre s'avança vers moi ; il n'avait 
que la peau sur les os, était jaune comme un coing et 
d'une taille énorme; il avait les yeux hagards, les 
lèvres blêmes; cet homme se jette à terre, saisit mes 
deux pieds et les tient tellement serrés que je ne pus 
remuer. Moi qui ne crains rien tant que les fous! Jugez 
de ma terreur. Je n'en pris pas moins mon cœur à 
deux mains et lui dis : a Levez-vous, je vous l'ordonne » 
d'une voix résolue, car, me disais-je, « ces . gens-là 
sont habitués à obéir»; j'étais venue à cheval en 
habit de chasse, il me prit donc pour un homme. 
Théobon s'était sauvée pour chercher du secours, 
disait-elle, mais je crois, moi, que c'était parce qu'elle 
avait peur, car le gaillard avait un air bien terrible. 
Dès qu'il eut lâché mes pieds, je me sauvai moi aussi, 
car en ce temps-là je savais courir encore. Malgré 



»' 



342 CORRESPONDANCE 

tout, cette aventure me faisait bien rire. Six ans après 
nous retournons à Villers-Cotterets. On me dit un 
matin que le procureur .de la Chartreuse veut me 
rendre visite et me faire le compliment ordinaire au 
nom de son couvent; les chartreux ont l'habitude 
aussi de vous faire remettre un cadeau : de petits 
écrans et des balais. Tétais habillée, et dis de faire 
entrer. Quand il vint dans ma chambre, je le reconnus 
immédiatement, quoiqu'il eût pris de l'embonpoint et 
qu'il ne fît plus des yeux égarés. Il avait l'air raison- 
nable, mais en voyant ma stupéfaction, il devint cra- 
moisi. Après qu'il m'eut fait son compliment, il se 
mit à rire et dit : « JTay pour^ que V. A. R. me 
trouvera bien eflFronté doser reparoitre devant Elle 
après lorrible Estât ou Elle ma veûe et ou je luy ay 
fait grand peur, mais il est de ma charge de venir et 
cette mortification m'est bien deûe pourveûe que je 
ne fasse pas encore peur à Madame. » — « Non mon 
père, lui répondis-je, quand vous me parleres aussi 
raisonablement que vous faittes pressentement, je ne 
poures avoir peur de vous, mais jl est vray que je vous 
ay veûe bien malade. » — « Madame a trop de bonté, 
dit-il en riant, de voulloir mespargner la honte d'avoir 
paru si fol devant ces yeux. » — « Qu'est-ce qui vous 
a guérie? » demandai-je. — « La charité de notre 
supérieur, me répondit-il, qui voyant que j'estois 
devenu fol manque de sosieté ma permis de m'entre- 
tenir avec le monde et petit à petit voyant que cela 
faissoit vn bon Efifect sur mon Esprit ma charges des 

1. Peur, 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 343 

affaire de la maison, ou jl a fallu parler tout les jours 
a du monde ce la par la grâce de Dieu tout jndigne 
que je suis m'a rendu le peu d'Esprit que j'avois Au 
lieu donc de cacher le malheur que j'avois eue, je dois 
Le publier par tout pour rendre grâce a Dieu de 
m'avoir remis dans mon bon sens. » Je le trouvai si 
raisonnable que je me mis à causer longuement avec 
lui... 11 rit de sa folie et convint que son ordre était trop 
sévère, mais sans vouloir approfondir la chose, se con- 
tentant de hausser les épaules et de baisser les yeux... 

Saint-Cloud, le 17 juillet 1721. 

... Si votre nièce la comtesse de Degenfeld aime 
lâea son mari, elle trouvera que tout est bien et 
magnifique en Allemagne, car Tamour est une sauce 
qui fait passer tous les morceaux.,, et, comme Ton 
chante dans le prologue de PourceauniaCj 

Quand deux cœurs s'aiment bien, 
Tout le reste, tout le reste n'est rien. 

Saint-aoud,le 24 juiUet 1721. 

... Dieu merci, la peste perd de son intensité en 
Provence. Elle ne rend pas les gens plus pieux. 
Chose étonnante: à Thôpital de Toulon il a fallu 
marier dix-huit personnes, parce que, malgré la peste, 
elles avaient tenu une conduite légère.. . 

Il est certain que quiconque a vu la Hollande trouve 
qu*en Allemagne on est malpropre, mais pour trouver 
TAllemàgne propre et agréable, il faut passer par la 
France : rien n'est plus puant et plus dégoûtant que 
Paris... 



/. . 



.344; , CORRESPONDANCE 

Cartouche s'est retiré en Flandre, mais je ne pense, 
pas qu'il puisse, malgré toute sa gentillesse^ échap-. 
per à la potence... 

, Ma fille. Dieu merci, est entièrement remise. Il va 
y avoir une noce à la cour de Lorraine: Un prince de 
la maison, qu'on nomme le chevalier de Lorraine, — il 
est fils du comte de Marsan — épouse la deuxième fille 
de M™* de Craon. Je dis bien M™« de Craon, car pour 
sûr elle est sa fille à elle... 

Saint-aoud, le 26 juillet 1721. 

.,. Hier Tarchevêque de Cambrai vînt ici et me fit 
^ part de son élévation à la dignité de cardinal. Voilà 

Alberoni qui a un copain... 

Saint-Cloud, le 13 août 1721. 

... Je connais bien quelqu'un qu'il m'est impossible 
d'aimer; mais je ne lui fais pas de mal, c'est le nou- 
veau cardinal Dubois. Il a empoisonné toute ma vie. 
Dieu veuille le lui pardonner, mais il pourrait bien 
avoir à en répondre dans l'autre monde... 

Saint-Cloud, le 16 août 1721. 

..,11 n'est pas de mode du tout d'aimer sa femme 
en ce pays-ci. ...Mais à bon chat bon rat ! Les femmes 
en punissent bien les hommes. La vie que tout le 
inonde mène ici est vraiment étonnante. Parmi les 
gens du commun, il est vrai, l'on trouve encore des 
hommes qui aiment leurs femmes. L'un de mes valets 
de chambre, par exemple, avait l'une des plus laides 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 3Î5 

'femmes qu'on puisse voir : elle parlait comme un 
■canard, avait une figure comme un crapaud sur le- 
quel on a marché, elle était plus épaisse que haute 
et toujours mal portante et voilà le pauvre homme 
qui est au désespoir de l'avoir perdue il y a huit 
jours. Mais parmi les gens de qualité, je ne connais 
pas un seul couple qui s'aime et se soit fidèle... 



Saint-Cloud, le 11 septembre 1721. 

... On se raconte ici l'histoire d'un aide-apothicaire 
de la pharmacie du roi. Cela se passa du temps où le 
roi' était, tout jeune encore. On venait de confier à ce 
garçon des lettres qu'il devait porter à Lyon. Il passe 

* par la rue d'Enfer et y rencontre un homme qui lui 
demande où il allait : «Je pars pour Lyon, répond 
l'apothicaire. — Et combien de jours comptez-vous 
mettre? Dix. — Aimeriez-vous y être dès ce soir? 
— Pourquoi pas, si cela est possible » répond l'apo- 
thicaire en riant. L'autre là-dessus lui donna une 
bretelle en disant ; « Nouez ça autour de votre 

. cuisse ». Dès que ceci fut fait, notre homme se sen- 
tit soulever dans les airs et le soir on le dépose dans 
une ville. « Où suis-je, demanda-t-il. — A Lyon, lui 
répondit-on. Il alla porter toutes ses lettres, mais 
ceci fait il tomba malade de frayeur. De sa vie les 

. couleurs ne lui sont plus revenues. Je crois qu'il vît 
encore. Lorsqu'il passait au-dessus d'une ville, il 
percevait le son des cloches, a-t-il dit... 
En Suède on prétend que les noyés ne sont pas 



3i6 GORRESPONI^ANCE 

réellement morts. Ils ont un moyen d*en ranimer 
beaucoup. On les attache sur un tonneau, dans une 
chambre chaude et on les fait rouler jusqu'à ce qu'ils 
aient rendu par le haut et par le bas toute Peau 
qu'ils ont absorbée. Dès que le corps est vidé et qu'il 
s'est réchauffé, le noyé revient à la vie. Mais il ne 
faut pas qu'un de ses proches parents assiste à 
l'opération; sans cela le noyé ne peut être ranimé. 
Dès que le parent entre dans la chambre, le patient 
perd tout son sang par le nez, la bouche et les oreil- 
les. Plusieurs personnes m'ont assuré l'avoir vu de 
leurs propres yeux. 

s 

Saint -Cloud, le 13 septembre 1721. 

... Est-ce que Worms a été rebâti, chère Louise, 
et le dôme, n'a-t-il pas été détruit par l'incendie? 
J'ai bien regretté que l'Hôtel de Ville soit devenu la 
proie des flammes, où était peinte la belle histoire du 
dragon * qui a donné son nom à Worms. 

Saint-Cloud, ce jeudi 25 septembre VtftU 

... Tout le monde ici est en grand habit, car j'ai 
une cérémonie à trois heures, savoir la réception de 
ce maudit cardinal Dubois ; le pape lui a envoyé la 
barrette et il faut que je le salue, que je l'invite 
à prendre place et l'entretienne pendant quelque 
temps. Ce me sera une corvée, mais les corvées et les 
désagréments, c'est là mon pain quotidien. Mais 

1. Lindwurm. Madame connaissait, paralt-il, la Nibelungensage. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS, 347 

voici notre cardinal qui s'avance; il faut donc que je 
fasse une pause. 

Le cardinal m'a priée d'oublier le passé, il m'a fait la 
plus belle harangue qu'il soit possible d'entendre. Il 
est certain que cet homme a bien de l'esprit; s'il était 
aussi bon qu'intelligent, il ne laisserait rien à désirer... 

Saint-Cloud, le 2 octobre l'72I. 

... Je vous écris en très grande hâte ce matin, car 
il me faut aller à Paris pour féliciter mon fils et sa 
femme de la bonne nouvelle qui leur est parvenue 
lundi passé, savoir que le roi d'Espagne demande la 
main de leur fille pour son fils aîné, le prince des 
Asturies. M"' de Montpensier n'a pas encore de nom. 
Avant qu'elle ne parte pour l'Espagne, cette cérémonie 
aura lieu; le roi et moi nous devons la tenir sur les 
fonts; puis on l'instruira^ elle communiera, et après 
la communion, elle sera confirmée; c'est ce qui s'ap- 
pelle recevoir presque en même temps les trois sacre- 
ments... 

Saint-Cloud, ce samedi 4 octobre l'721. 

... J'ai là auprès de moi un brune t, un prêtre que 
j'appelle souvent petit fripon. Il m'emplit la tête de 
ses caquets, tellement, que je ne sais plus ce que 
j'écris. Par là vous devinerez aisément qui je veux 
dire. C'est mon abbé de Saint-Albin. Bientôt il va être 
nommé évêquerfeLan*,duc et pair de France. J'en suis 
bien aise, car dès sa plus tendre enfance, j'ai préféré 

1. De Laon. 



I 

I 



348 . CORRESPONDANCE 

le pauvre petit à tous ses frères et sœurs, étant per- 
suadée que de tous les enfants de mon fils, tant légi- 
times qu'illégitimes, c'est lui qui m'aime le plus... 

Saint-Cloud, l3 28 octobre 3721. 

... Ci-joint la lettre du roi de Bohême à la reine sa 
femme. J'avais promis de vous l'envoyer. C'est une 
pièce rare. 

LETTRE DU ROI FRÉDÉRIC DE BOHÊME. 

De Strabach', ce 21/31 de marce 1632. 

Mon très cher coeur. Jay repondue a vos chères 
•lettres du Ixl'^lx de Mars, le 25 de Kitirngen*, depuis 
je nay point eu de vos lettres ny Commodité de vous 
Escrire, ce qui me fâche le plus. Est que nos Lettres 
sont si souvent intercepté, ce qui fait craindre d'écrire, 
Et ne faut rien dire que ce qu'on ne se soucie que 
tout le monde sache, jl me tarde Extrêmement 
d'auoir de vos lettres Et destre assuré de votre santé, 
pour moy, je me porte For bien, je suis tout le long 
du jour en Campagne avec le Roy ^, qui est fort hon- 
neste Enuer moy : le 26 nous Sommes venue à Pfrum*, 
le 27 à Wjnlen,«qui est situé en vue fort belle cam- 
pagne, — le 28 le Roy fit mettre toutte son jnfanterie 
En Bataille près de la ville, elle est fort belle, le 29 

1. Schwabach? 

2. Kitzingen? 

3. Gustave Adolphe. 

4. Iphofen? 

5. Windsheim. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 349 

nous auons logée à Wjlmorstort* En la maison dvn 
Baron de Milgzingen c'est celuy qui a Epouzé vne 
Contesse Dortimbourg*, elle y estoit avec sa Soeur 
vne Barone de Wolfestein Et sa belle fille, je croy 
qu'aués bien ouy parles deu a leur feu cousin Le 
Comte hanry Dortemb^. Elle a un bien deplesant 
mary qui est 30 ans plus vieux quelle. Elle ne serait 
laides si elles estoient bien coiffées, Et habillés. Elles 
portent des Chapeaux auec des fort grand bors Et 
tout derrière Sa teste Et des cheveux qui leurs cache 
presque tout le visage, Ivne auait un pourpoint 
d'homme de Couppé a la Chemise avec un Cotillon, 
Elles estoient fort bigarement accomodées, hier le 
Roy est venu a fert', Et le matin jl est allée à Nu- 
ramberg, jl dit n'auoir jamais veu vne plus belle ville, 
aussi l'estelle Extraimmement Et fort peuplée, Le 
IVfajistrat la tresté fort bien En la maison ou jay esté 
logé autre fois, je suis allé voir la Comtesse de Holoch* 
Schillingsfurst. Elle a été fort aise de me voir Et sou- 
hette fort de vous venir Seruir En ce pays, nous y 
eûmes les nouvelles de la mort du bon Comte henry 
de Solmes, qui est mort de Sa blessure iy ay bien 
perdu, car jl mestoit fort affectioné, après le disner 
Le Roy a fait le tour de la ville a pied, je metonae 
qu'il peut faire tant dexercice, cardjl est bien gras. Le 
Soir nous sommes ariués issy ou nous auons trouvé 
les deux fils du feu marquis Danspach ^ Et le Sura- 

1. Wilmersdorf. 

2. D'Ortemberg? 

3. Farth, près Nuremberg. 

4. Hoheoluhe. 
£. D'Ansbach. 

II. 20 



330 COaRESPONDANCE 

ger^ qui est aussi Surt que aveugle, je voudrais qu'il 
eust excusé Son frère. Le Roy attend le Duc Guillaume 
de Weinmar demain jl aura alors po le moins 
2/1OOO hommes a pied Et 12000 a Cheval, je soutiete 
de voir 207 mais Tilly se retire jl est venu hier avec 
son Armée à Neumarc, jl y a apparence qu'il prendra 
Son chemin vers le Danuble, je Croy que 420 (Ro*) 
visitera 132 (R Ba') S'il est posssible. Le marquis 
Ghristofle de Badin ^ Et le Duc jean de Holsteinn sont 
arriué icy ainsy que je nay faute de, compagnie de 
toutte sorte je crains que pour quelque temps les 
affaires en 158 (bas Palatinat) niront trop bien, mais 
pourveu que cette marche succède bien, cela se 
raccommodera bien. Le dit Duc de Holstein dît que 
les pierreries Et argent de notre grand mères doivent 
estre bientost partagée En cinq partie Et qu'on parle 
de remettre toutte la partie de la Reine vôtre mère au 
Roy d'Angleterre qui serait bien jnjuste, Et le 123 
retiendrait par ce moyen tout pour luy a cause de ce 
que 116 luy doit, je croy que luy deveriez Escrire Et 
le prier de vous faire tenir la moittié qui vous est deu 
et luy remontrer que cela n'a rien de commun avec 
ce que 116 luy doit, je metonne que personne ne me 
mande ce que Percka vous aporté En cest affaires ni 

1. ? 

2. Le Roi ? 

3. Lire au liea de R: H ce qui donnerait H Ba, c'est-à-dire Haute - 
Bavière. Le 17 mai 1632, en effet, Gustave-Adolphe, après avoir batta 
Tilly sur leLech le 15 avril, entrait à Munich. Frédéric V l'accompagnait. 

4. Baden. 

5. La reine de Danemark. Jacques I<^r d'Angleterre avait épousé la 
princesse Anne de Danemark. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 351 

ce que 123 (Rven) vous a Escrit j'ay peure que seres 
aussi peut heureux En cette succession quend celle 
de feu la Reine votre Mère, pour mes affaires je 
ne say que vous Endire Dieu veillie quelles aillent 
bien Et que je puisse avoir bîentost le Contentement 
de vous voir Et de vous pouvoir témoigner Combien 
perfoitement je Suis 

Mon chère vnique coeur. 

Votre très fidelle amy 

Et très affectionné Serviteur 

FR1D£RIC. 

Ceux de Nuremberg ont fait praissant au Roy deux 
gouppes * en forme de Globes Tereste Et Celleste extrê- 
mement curieusement fait. 

Saint-Cloud, le 30 octobre 1*721. 

... La princesse Ragotzki^ parle poliment et est de 
bon sens. Je sais la vie qu^elle mène, il me*faut donc 
convenir que je rougis d'elle plus ou moins, car tout 
le monde ici sait les aventures qu'elle a eues. J'ai bien 
fait rire mon fils en lui disant de ne pas rester seul 
avec elle, s'il ne voulait pas qu'elle le violât, comme 
elle a fait du czar, prétend-on... 

Saint-Cloud, le 29 noTembre 1721. 

... En rentrant de la chapelle j'ai trouvé chez moi 
le comte Hoïm et le chevalier Schaub. Ils m'ont 

1. Coupes ?- 

2. Née princesse de Brunswich-Wolfenbuttel. Sa sœur avait épousé 
le czaréwitsch Alexei. 



352 CORRESPOKDANCB 

raconté que Cartouche a été roué hier. Cela m'a tenue 
bien longtemps... 

Saiat-Cload, le 6 décembre 1721. 

... On ne peut pas dire que M"* de Montpensier soit 
laide... mais c'est bien l'enfant la plus désagréable 
qu'on puisse voir, dans sa façon de manger, de boire, 
de parler. Elle vous impatiente bien; aussi n'ai-je 
pas versé de larmes, ni elle non plus, quand nous 
nous sommes dit adieu. J'ai trois femmes de ma 
famille en Espagne qui ont été reines en ce pays, ou 
qui vont Tôtre : une belle-filleS la fille d'une autre 
belle-fille*, et présentement donc cette petite fille. 
C'est la première que j'aimais le plus. Je la chérissais 
comme si elle avait été ma sœur; elle n'aurait d'ail- 
leurs pas pu être ma fille, car je n'avais que neuf ans 
de plus qu'elle. Tétais bien enfant encore en arrivant 
en France, et nous jouions souvent ensemble, avec 
feu Charles Louis et le petit prince d'Eisenach, nous 
faisions un tel tapage qu'on ne pouvait l'endurer. Il y 
avait à la cour une vieille dame, elle s'appelait 
M™® de Hene, que nous avons horriblement tour- 
mentée. Elle n'aimait pas entendre tirer, et nous 
passions notre temps à lui lancer des pétards dans les 
jupes. Cela la mettait hors d'elle, elle nous courait 
après pour nous battre, c'était justement là le plus 
amusant... 

1. Marie-Louise d'Oriéans, première femme de Charles II. 

2. Marie-Louise-Gabrielle de Savoie, première femme de Philippe V, 
fille d'Anne-Marie. d'Orléans, duchesse de Savoie, puis reine de Sicile, 
et finfin reine de Sardaigne. 



DE MADAME, DUCUCSSE D'ORLÉANS. 353 

Paris, le 21 février 1722. 

... Les gens gros et grands ne vivent pas plus long- 
temps que les autres : nous Pavons bien vu par la 
pauvre princesse Ragozki, mercredi passé. Dimanche, 
elle était alerte et bien portante; lundi, après qu'elle 
se fut fait arracher une dent, il lui vint un abcès à la 
bouche et de la fièvre ; on lui a tiré du sang au bras 
h deux reprises, une fois au pied. Elle semblait aller 
mieux à la suite de cette dernière saignée, mais un 
instant après elle dit : « Je me trouve mal », et rend 
l'âme là-dessus. Hier, on l'a enterrée dans son cou- 
vent. Ses gens m'ont raconté une singulière histoire 
sur son compte. Quand elle demeurait encore à Var- 
sovie, elle rêva une nuit qu'un étranger entrait chez 
elle, dans une petite chambre qu'elle n'avait jamais 
vue; il lui présente une coupe et lui dit déboire. 
« Je n'ai pas soif, répond-elle. — Buvez, car c'est la 
dernière fois de votre vie que vous boirez », dit 
l'homme; et là-dessus elle se réveille. Ce rêve lui 
trottait toujours par la tête. Quand elle vint ici, elle 
alla se loger à l'hôtel : elle ne se sentit pas bien et 
demanda un médecin. On lui en chercha un qui est 
médecin du roi par quartier et qui se nomme Helvé- 
tius. Son père est Hollandais; ce sont des gens fort 
savants et très estimés ici. Quand elle aperçoit le doc- 
teur, elle est toute surprise et promène ses yeux de 
tous côtés dans la chambre. Le comte Schlieben lui 
demande ce qui lui cause un tel étonnement. « Ce 
qui m'étonne, répond- elle, c'est qu'Helvétius est 

20. 



354 CORRESPONDANCE 

l'homme môme que j'ai vu en rêve à Varsovie ; cepen- 
dant, ajoule-t-elle en riant, je ne mourrai pas de 
cette maladie-ci, car ce n'est pas là la chambre où je 
me trouvais en songe ». Mais quand elle arriva dans 
le couvent de Chasmidy \ où on lui avait loué un 
appartement sans qu'elle Teût vu elle-même, elle dit 
à ses gens : « D'ici je ne sortirai pas vivante, car c*est 
là la chambre même que je vis en rêve en Pologne, 
la chambre où je bus pour la dernière fois. » Et ainsi 
advint-il. Mais il me semble que ces choses-là arri- 
vent plutôt aux princes et princesses de la maison de 
Hesse qu'aux autres gens. Dieu sait d'où cela peut 
bien venir. Nous autres comtes palatins nous sommes 
tout l'opposé : jamais nous n'entendons ni ne voyons 
d'esprits, jamais nous ne faisons de rêves... 

Paris, le 26 mars 1722. 

... Je ne pense pas qu'il soit possible de trouver au 
monde une enfant plus gentille et plus intelligente 
que notre petite Infante 2. Elle fait des réflexions 
comme une personne de trente ans. C'est ainsi qu'elle 
disait hier : « On dit que quand on meurt à mon 
âge qu'on est sauvée et va droit en paradis que je 
serois heureuse donc si le bon Dieu me voulloit pren- 
dre. » Je crains qu'elle n'ait trop d'esprit et qu'elle 
ne vive pas; on est toute saisie quand on l'entend 
parler. Elle a les plus gentilles façons du monde. J'ai 

1. Cherche-Midi? 

2. Marie-Anne- Victoire qui devait épouser Louis XV et quo M"« de 
Prie fit renvoyer par M. le Duc. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 355 

gagné ses bonnes grâces : elle court au-devant de 
moi, les bras ouverts, jusque dans son antichambre ' 
et m'embrasse de tout cœur. 

Je ne suis pas mal non plus avec le roi. Hier, j'ai 
joué un tour à ses gouverneurs qui m'a bien divertie. 
Ils sont tellement jaloux du roi qu'ils s'imaginent 
toujours qu'on lui dit quelque chose contre eux; je 
les ai bien attrapés. Avant-hier, le roi avait eu une 
colique venteuse, et hier j'allai vers lui avcQ l'air le 
plus sérieux et lui glissai un billet dans la main. Le 
maréchal de Villeroy était tout embarrassé et me de- 
manda fort sérieusement : « Quel billiet donnez-vous 
là au Roy »? Moi je lui réponds avec le même sé- 
rieux : c< C'est vn remède contre la colique des- 
vents. — - Le maréchal : « H n'y a que le premier mé- 
decin du Roy qui luy propose des remèdes ». A quoi 
je réponds : « Pour celuy-cy je suis sur que mons 
Dodart Laprouvera, jl est mesme Escrit en vers et en 
chanson. > Le roi, tout embarrassé aussi, se met à le 
lire et immédiatement éclate de rire. Le maréchal 
dit: « Peut-on le voir? —- ouy, répondis-je; jl n'y 
a point de secret ». Voici ce qu'il y trouva : 

« Vous qui dans le Mezantairo 
Avez vents impétueux 
Jl son dangereux 
Et pour vous en défaire 
P. . . z, etc. » 

... Il se passe d'étranges histoires ici. Une dame, 
non mariée, a tenu une conduite bien intrépide et a 
tué un homme. Cet homme avait mis à mal sa sœur 
et ne la voulait pas épouser. Il avait tué un de ses 



356 CORRESPONDANCE 

• 

frères en le tirant par une fenêtre, et balafré le visage 
au plus jeune, et, pour déshonorer toute la famille, 
il prétendait qu'ayant été Tamant de la mère, il ne 
pouvait épouser la fille. M"« de Sain t-É tienne, voyant 
que celui de ses frères qui vivait encore n'avait pas 
assez de cœur pour venger la honte de la famille, est 
allée trouver M. des Escarts. « Vous avez deshonoré 
ma famille tout entière, lui dit-elle, vous pouvez le 
reparer en Espoussant ma sœur ; prenez garde à ce 
que vous me respondrez. Car si vous ne me Respon- 
dez pas bien, pourez vous en respentir. Reguardez- 
moy bien, me recognoissez vous? — Guy, je vous 
Cognois bien, répondit-il; vous estes M"* de Saint- 
Étienne mais je n'espousserez pas vostre sœur 
quoy qu'elle soit grosse de moy ». Alors M"* de Saint- 
Étienne saisit un pistolet chargé qu'elle avait dans sa 
poche et lui loge une balle dans la tête. Il a vécu 
quelques heures encore; il donnait à entendre, par 
signes, qu'il lui pardonnait sa mort. On sollicite pour 
elle ; je trouve que cette honnête fille mérite bien sa 
grâce. Autre étrange histoire que nous avons. C'est 
celle d'un jeune prêtre de vingt et un ans. Il avait fait 
de fort bonnes études, c'est pourquoi on l'avait mis 
auprès de M^^« de Vermandois pour lui montrer le la- 
tin. Il en est tombé amoureux et cela lui a dérangé la 
cervelle. Il a écrit à M°*« la duchesse qu'il voulait 
épouser sa fille, et à celle-ci il a écrit lettres d'amour 
sur lettres d'amour. L'abbesse n'a pas remis les lettres 
à la princesse ; elle a envoyé le confesseur du cou- 
vent à l'abbé pour qu'il lui rendît ses lettres et lui fît 
défense expresse de jamais approcher du couvent. 



DE MADAME, DUCHESSK D^QRLÉANS. 357: 

« Je vois bien, lui répondit le jeune abbé, que c'çst 
toi mon rival et que tu veux m'enlever la princesse, 
il est permis de tuer un rival » et ce disant il prend un 
pistolet qu'il avait en poche et brûle la cervelle au 
pauvre confesseur qui tombe raide mort. On Ta con- 
damné à être roué, mais M*"* la princesse sollicite 
bien fort la grâce du pauvre fou... . 

Il arrive des choses ici si monstrueuses que jamais 
Salomon, à ce que je crois, n'en a vu de pareilles. 
C'est ainsi par exemple que la Solignac a dit à son 
mari : a Je suis grosse, vous savez bien que [ce n'est 
pas de vous, je vous conseil de n'en pas faire de bruit 
car si on mest cela en procès vous perdrez parceque 
vous savez qu'il est dans les lois de ce pais cy que 
tout enfant né dans le mariage appartient au mâry, 
ainsi il sera à vous de plus je vous le donne »... 

Paris, ce jeudi 16 av]ril 1722. 

... Hier j'ai vu des gens bien tristes, j'en ai le cœur 
tout gros, savoir Madame la princesse et sa petite - 
fille la jeune princesse» de Gonti. Gelle*ci est obligée de 
faire un procès à son mari. Illa veut ravoir à toute 
force et pourtant il lui a fait subir de tels traitements 
qu'elle veut être, à tout prix, séparée de lui. Cette 
histoire fait un bruit affreux... 

Saint-Cloud, le 14 mai 1722. 

... Je ne sais si je vous ai déjà mandé le beau dialo- 
gue que les marquises de Polignac et de Sabran ont eu 
il y a quelques mois avec deux duchesses qui ne sont 



358 GORBëSPONDANCK 

4 

pûâ d'aussi bonne maison qu^elles. Au bal de Lautel de 
tiUe ces dames ne voulurent pas permettre que les 
deux duchesses se missent au dessus d'elles. Elles leur 
dirent : « vous vouliez vous mettre au-dessus de nous 
pour montrer vos beaux habits qui sont de la bout- 
tique de vostre père. » Les duchesses, piquées de ce 
discours répondent : « Si nous ne sommes pas d'aussi 
bonne maison que vous, au moins nous ne sommes 
pas des p. ... s comme vous. — Ouy nous sommes 
des p. ... s, répondirent les Dames, et nous le voul- 
ions bien être, car cela nous divertit. »... 

Saint-Cloud, le 16 mai 1722. 

... Je vous remercie bien chaudement, chère Louise, 
de prier si assidûment pour moi. J'en ai grand besoin. 
19on pour mon bonheur en ce monde, cela est bien fini, 
pourvu que le Dieu tout-puissant me conserve mes 
enfants, et je suis contente. Mais j'en ai grand besoin 
pour le bonheur éternel et pour mon fils aussi. Dieu 
veuille le convertir, c'est la seule joie que je lui de- 
mande pour moi. Je ne crois pas que dans tout Paris 
on trouve tant, parmi les ecclésiastiques que parmi 
les gens du monde, cent personnes qui aient la vraie 
foi chrétienne et même qui croient en notre Sauveur; 
cela me fait frémir... 

Saint-Cloud, le 6 août 1*722. 

Je viens de causer avec un homme qui me fait tel- 
lement pitié que les larmes m'en sont venues aux 
yeux. . . Il y a quatre açs, il a marié l'aîné de ses 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 3d0 

petits-fils, le duc de Rais*, fils du duc de Villeroy, à 
la fille du duc de Luxembourg. Celle-ci s'est jetée de 
suite tête baissée dans toute sorte de débauches, si 
bien que pour faire plaisir au duc do Richelieu, elle 
a soupe avec lui et ses amis dans le plus simple appa- 
reil. Quelques mois après elle s'est mise avec ce vilain 
Rion^ qui a Tair d'un ondin. Mais elle ne s'est pas 
contentée de lui, elle a pris aussi son frère, son beau- 
frère plutôt, le chevalier Dédie'. Rioms lui en ayant fait 
des reproches, elle lui dit : « Vous vous figuriez donc 
que vous me suffiriez; avec le tempérament que j'ai 
vous devriez me savoir gré de vous ménager et d'avoir 
d'autres amants à côté devons... Tout d*ua coup l'envie 
lui prit de se remettre avec le duc de RicheU««. Mais 
celui-ci ayant pris la ferme résolution d'avoir toutes 
les jeunes dames, il a déclaré à son amie que si -d&e 
voulait redevenir sa maîtresse, il faudrait xi'abord 
qu'elle lui livrât sa belle-sœur la marquise de DAiia- 
court^. Elle le lui promit. Mardi dernier doœ ja d«- 
chesse de Rais invita sa belle-sœur à veiUr faire on 
tour dans les jardins, à Versailles; raud:^ aooepte, 
mais à peine étaient-elles dans le petit bois que 
Rioms et le duc de Richelieu survinrent; la vilaine 
duchesse se saisit des mains de sa belle-sœur, Buda 
celle-ci se mit à crier au secours avec tftn« teUe fonee 
que des gens qui se promenaient dansieJnvdUa purent 
arriver à temps encore... 



1. Retz. 

2. Rioms. 

3. D'Aydie, le chevalier de M"« Alssé. 

4. Marquise d'Aliaconrt. 



'360 • COBRESPONDANCE 

. Salnt-Cloud, ce jeudi 18 août 1722. 

... Il y a quelques jours le vieux maréchal de Vllle- 
roy n'a pas voulu permettre à mon fils d'entretenir 
le roi en particulier. Cela lui a fait tellement monter 
la moutarde au nez qu'il a fait arrêter le maréchal et 
l'a fait conduire à Villeroy. Le duc Dschare* le rera- 
, place comme gouverneur du roi. 

Saint-Cloud, ce jeudi 5 novembre 1722 *. 

' Bien-aimée Louise, depuis avant-hier je suis de 

' retour ici, maïs en fort piteux état... 

' Durant notre voyage j'ai reçu cinq de vos chères 
lettres. Je vous en remercie bien, car dans le triste 

' état où je suis, elles m'ont réellement réconfortée. Je 
n'ai pu y faire réponse tant à cause de mon état de 

■ faiblesse qu'à cause du remue-ménage continuel où 
je vivais. Car, outre les cérémonies elles-mêmes, 
j'avais mes enfants toujours autour de moi et de plus 

'énormément de princes, comtes, évêques, archevê- 
ques et cardinaux ; mais je ne crois pas que dans le 

' monde entier on puisse imaginer quelque chose de plus 
beau que le couronnement du roi. On m'a promis la 

' description des fêtes pour samedi ; si Dieu me prête 
vie et santé jusqu'à ce jour, je vous renverrai com- 
plète. Ma fille a été surprise en me voyant : elle n'a- 
vait pas voulu me croire et elle s'imaginait que ma 
maladie n'était qu'un prétexte; mais quand elle m'a 

1. Duc de Charost. 

£. Le voyage. à Reims dura du 13 octobre au 10 novembre. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 361 

vue à Reims, elle a été tellement saisie que les larmes 
lui sont venues aux yeux : cela m'a serré le cœur. Elle 
a des enfants bien faits. Ta! peur que Taîné ne soit un 
géant, car il a déjà six pieds de haut et n'est âgé que 
de quinze ans. Les quatre autres ne sont ni grands ni 
petits pour leur âge. Le plus jeune, le prince Charles, 
est ce que S. G. feu notre père appelait un singulier 
patron 1 : toujours le bec ouvert, toujours joyeux, tou- 
jours se disputant avec ses sœurs et fort drôle avec 
cela... 

Saint-doud, le 12 noyembie 1722. 

J'espère pouvoir vous envoyer après-demain la 
grande relation du sacre. En fait de nouvelles, je n'en 
sais qu'une qui m'a réjoui le cœur : mon flls a rompu 
avec sa maîtresse*; il trouve qu'une semblable vie était 
un trop mauvais exemple pour le roi, et qu'avec le 
temps on pourrait lui en faire un reproche. Il a donc 
entièrement rompu. Dieu l'assiste et le maintienne 
dans ces bonnes dispositions et dispose tout pour son 
bonheur en ce monde et en l'autre. Qu'à moi il m'ac- 
corde aussi ce qui contribue à la béatitude éternelle* 
Je ne suis pas inquiète du tout ; au contraire, je suis 
fort tranquille, et attends ce que le Tout-Puissant 
décidera de moi. 

Saint-Cloud, ce Bamedi 21 novembre 1722, 

... Chère Louise, je baisse d'heure en heure et je 
souffre nuit et jour. Tous les remèdes qu'on fait ne 

1. Ein wunderlicher Heiliger. 

2. M°» d'Ayerne (Journal de Marais, II, p. 157, 159, 367). 

II. 21 



362 CORRESPONDANCE 

me soulagent en rien. Que le Tout-Puissant me donne 
de la patience , j'en ai grand besoin ; mais c'est un 
bonheur pour moi qu'il me délivre de mes souffrances 
et me retîrô de cette vallée de larmes. Ne vous affli- 
gez donc pas trop si vous veniez à me perdre : ce se- 
rait le plus grand bonheur qui pût m'arriver... 

Saint-Cloud, ce jeudi 26 novembre 1722. 

... En sus de ma maladie, j'ai autre chose encore 
qui me chagrine fort : notre pauvre vieille maréchale 
de Clérembault est gravement malade... 

Saint-Cloud, ce samedi 29 novembre 1722 i. 

Bien-aimée Louise, vous ne recevrez aujourd'hui 
qu'une bien courte lettre de moi, car, premièrement, 
je suis plus mal que je n'ai encore été, — je n'ai pu 
fermer l'oBil de toute la nuit; — et, secondement, 
nous avons perdu hier matin notre pauvre maréchale. 
Elle est morte subitement ; non pas qu'elle ait eu une 
attaque d'apoplexie, non : la chaleur vitale l'a aban- 
donnée. On dit qu'elle s'est refroidi l'estomac en pre- 
nant trop Maigre de cèdre. Cette mort me cause un 
véritable chagrin, car c'était une dfime d'une haute 
intelligence et douée d'une excellente mémoire ; elle 
était fort savante, mais elle n'en laissait rien paraître. 
Jamais elle ne faisait montre de sa science, à moins 
qu'on ne lui posât une question. Elle a nommé son 

1. Madame mourut le 8 décembre. 



DE MADAME, DUCHESSE D'ORLÉANS. 363 

héritier le fils de son frère aîné. Quoiqu'il n'y ait 
rien de surprenant à voir mourir une personne âgée 
de quatre-vingt-huit ans, il est douloureux quand 
même de perdre une amie avec laquelle on a vécu 
cinquante et un ans. Mais je termine, chère Louise; 
je suis trop malade pour pouvoir en dire davantage 
aujourd'hui. En quelque misérable état que je sois et 
jusqu'à ce que je reçoive le coup de grâce, je vous 
aimerai, chère Louise, de tout mon cœur. 

ELISABETH CHARLOTTE. 



FIN 



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INDEX 



ABRAHAM A SaNCTA ClARA. II, 33. 

ÂLBERMALE (mylord). I, 278, 

293. 
Alberoni (le cardinal). II, 217, 

232, 236, 242, 243, 252, 258, 

291, 292, 293, 294, 296, 299, 

304, 311, 315, 344. 
Albret (le duc d^. H, 269. 
Albret (la duchesse d'). II, 

219, 268. 
Alençon (le duc d*), fils du 

duc de Beny. H, 127. 
Alexei (le czaréwitscH). Il, 38, 

218. 
Alincourt (la marquise d*). II, 

359. 
Allart (le coiffeur). I, 71. 
Altheim (le comte d'). II, 291. 
Altoviti (M.). I, 345. 
Ambotten (M. d'). I, 128. 
Amélie Elisabeth (la raug^ave). 
I, 141. II, 21,23, 28,30,33. 
Ancre (le maréchal d'). I, 292. 
Ange (le frère). I, 90. 
Angleterre (roi d'). Voy. 



Charles II, Jacques D, Guil- 
laume III et Georges I*"^. 

Angleterre (reine d'). Voy. 
Marie - Béatrix - Éléonore 
d'Esté; Marie, femme de 
Guillaume III ; Anne. 

Angleterre (princesse d'), fille 
de Jacques II et de Marie- 
Béatrix. I, 148. 

Anqalt (prince de). I, 316. II, 
181. 

Anjou (le duc d'). Voy. Phi- 
lippe V, roi d'Espagne. 

Anjou ( le duc d' ) . Voy. 
Louis XV. 

Anne d'Autriche. H, 214. 

Akne (reine d'Angleterre). I, 
163, 267, 293, 294. II, 22, 
87, 91, 98, 107, 114, 123, 
142, 153, 162. 

Anne de Gonzague (princesse 
Palatine). I, 16, 17, 49. II, 
19, 215, 333. 

Ansbach (le margrave d'). I, 
223. 

Ansbach (le prince d'). I, 221. 

Ansbach (la princesse d'). Voy. 
Galles (princesse de). 



Aie™ (duc d-). 1, 218. U,2, 108, 

113, 300, 320. 
Antoine -llLnicn (le duc de 

Brunswick Wolfcnbutlel). I, 

318. 
Aquavita (lo cardinal). II, lui, 
Aftco (le cumlc d'). 11,39,41. 
A«cy(M. d'). 1,21. 
Aubmsos (M. d'). 1,307.11,19. 
AncENTOi. (M- d'). II, 292. 

ahuïli! (le ducU'). II, ne, m. 

AniiAGNAC (Louis do Lormne, 
M. 1g Grand. 
I, 10, 18. II, 38, 100. 

d'). 1, 217, 223. 
Abpajos 82. 

AuclrSTl ). 

13. 

AVAIJI ïïi'^ 

AïDiE (le cheïalier d"). U, 359, 
AïM (io comte d-). 1,211, 218. 
Aïci (H""' d'). I, 218. 
AïoUNi (lo cardioal). I, 01. 



Bade - DuRLACU (le margrave 

de). I, 375. II, 268. 
Bade-Ddauch (le mai^ave 

Frûdéric de). II, 234. 
ItAot-DuiiLAca (le iirince de). 

H, 231). 
I(AU£ (lu piiocti Uiuia de). I, 

81, 321. 
Bade (la margrave de) , veuve 

du prince Louis). U, 259. 
Barb^iedi (M. de). 1, 100, 101, 

105. 
Barillon (M. do), I, 212. 
BAnniÈRE (M"'). I, 312. 
Bassohpiehrb (le maréclial de). 

1,292. 



Bavièu (Haiimilien D, Em- 
manuel, électeur de). I, 90, 
310, 319, 325, 352. n. 39, 
40, 41, 42, 55, 83, 84, 136, 
137, 138, 143, 150, 196, 315, 
329. 

Baviëdb (le prince de). II , 
2G0. 

Baiheutd (le margrave de). O, 
340. 

BAiiNrtBE (M"" do La). H, 12, 
13. 

Beai;brun (l'abbâ de). I, 213. 

BëauhO]>it (l'abbé de) I, 212. 

Beavsobub (Isaac de). II, 251, 



Bellegaiuib (le ducFde). U, 

302. 
Beu.eho!id (H°>° de). I, 328. 
BEL09I (M.). I, 254. 
Bennigseu (M°" de). U, 132. 

BE.tSEIIAI>E. U, 221. 

Bentehuhr (M.). U, 291. 

de). II, 1. 

Berabas (M. de).7 II, 292. 
BEftLEPS (la comtesse de). I> 

152. 
Berkabb (Samuel). 1, 292. 
Behnstorf(M. do).U,310,214. 
Behuy (Cbarles de France, dtic 

de). 1, 166, 214, ils, 218, 



n», 239, 260, 361, 268. U, 
io, 12, 13, 38, 42, 48, 52. 
53, 58, 67, 89, 77, 88, 97, 
112, 113,127,134,135,144, 
Ifô, 146, 147, 14S. 

Benir (Marie-Louise Elisabeth 
d'Orléans duchesse de). I, 
166, 167, 182, 183, 205. II, 
36,52,53,56,61,67,77,80, 
83,88,89,90,91,94,95,96, 
106,112,113, 118,119,120, 
121,123,127,134,145,146, 
156, '! 191,202, 

204, 209,212, 

216, Ifjg 253, 254, 

255, 267, 268, 

270, 276, 277, 

278, 282, 334. 

Berisi 307. 

BEHiiËRB (H. de La). 1, 110. 

BEawiCE (le maréchal, duc de). 
I, 142, 144, 366, 367, 370, 
373. 

BéTBUNB (H. do). I, 79, 89, 
336. 

BcovROn (M. de). I, 28, 36. 

BEOTiio«(la comtessedc). Voy. 
THâOBON (M"" de). 

BlREENFELD (le prilKC ds). I, 

209, 243. II, 51, 241. 
ButON (le marquis de). Q, 252. 
BmoN (M"" de). I, 69. 
Blajnville (M. de). I, 299. 
■ BiASPiEL (M°"). U, 239. 
Blois (m"' de}. Voy. Orléans, 

{la duchesse d'). 
Boebstel (M.) II, 328. 
BoiLEAD (Deapréaux). I, 117. 
BoiLEUD (l'abbé). I', 124. 
fioisjou (M. de). II, 188. 
BoissifcRE (M. de). 1, 195. 

E (M— do la). 1, 158. 



ÎX. 367 

BouNGDiiocKE (mylord). n, 118. 
BossuET (évSque de Meaui). I, 

123, 197, 202, 203, 206, 207, 

210, 292, 313. U, 87. 
B0UFFLBB3 (lo Biaréchal duc 

de) I, 128, 129, 170, U, 26, 

32, 37. 
Boijiilon'(M. de) 1. 134, 135, 

136. 
Bouillon (M»" de) L 95. B, 

160. 
Bouillon (le cardinal do) I, 

136, 255, 256, 344. II, 54, 

59, 61, 161. 
Bouillon (le chevalier da). I, 

133; 134, 135, 136. II, 54. 

BOORBON. Voy. COHDË. 

BouRDELor (M.). II, 172. 

BoDRoosNE (Louis de Ffaoce, 
duc de). 1,67,105,148, 149, 
160, 166,181,182, 183,184, 
212, 214, 217, 229, 239, 252, 
261, 266, 268, 274, 290, 291, 
295, 324, 325, 327, 355, 365. 
II, 10,12,13,35,41,42,46, 
47, 53, 69, 79, 83, 87, 98, 
99, 100, 101, 104, 105, 107, 
108. 

Bourgogne (Marie Adélaïde de 
Savoie, dochosao de). 1,149, 
155, 156, 157, 158, 160, 177, 
182, 183, 184, 207, 209, 210, 
218, 235, 240, 265, 269, 2Ï4, 
284, 308, 340, 355, 365. U, 
8, 10, 12, 13, 34, 35, 36, 45, 
46, 52, 67, 77, 80, 83, 87, 
88, 91,98,99,100,101,103, 
107, 108, 260, 267, 318, 319, 
320. 

BoïEH (l'abbé). 1, 124. 

Bhacciajio. Voy. Ursins (prlu- 



368 



INDEX. 



Brandebourg (rélecteur de). 

Voy. FRéDÉRic I. 
Brandedodbg (rélectrice de). 

Voy. Sophie Charlotte. 
Brandkbodrg (la princesse élec- 
torale de). I, 223, 252. 
Brégis (M"« de). I, 328. H, 

165, 166. 
Bretagne (N... de France, duc 

de). I. 315, 333. 
Bretagne (Louis de France, duc 

de), le 3« Dauphin. H, 103. 

104, 107. 
Brigaclt (l'abbé). II, 235. 
Brink (M"»«). n, 71. 
Brinvilliers (la marquise de). 

n, 72. 

Brionne (le comte de). I. 78, 

217, 218. II, 28. 
Brissag (le duc de). I, 213, 

214. 
Broglio (le marquis de). II, 

278. 
Broglio (le comte de), n, 140. 
Brousseau (M.). I, 314. 
Brunswick (le duc Auguste 

de). I, 207. 
Brunswick (l'électeur de) Voy. 

Georges I. 
Brunswick (l'électrice de) Voy. 

Sophie dis Hanovre. 
Brusseau (M.). I. 53. 
Byng (Pamiral). II, 225, 264. 



Cadaval (M. de). I, 97. 
Caillemotte (M. de la). I, 341. 
Cambrai (l'archevêque de). Voy. 

Fénelon. 
Cambrai (1 archevêque de). Voy. 

Dubois. 



Campistron. II, 218. 
Capucins (Les). II, 187, 269. 
Carlier (le bourreau). I, 261. 
Caroline (la raugrave), duchesse 

de Schomberg. I, 27. 101, 

122, 143, 144, 148, 150. 
Carrer (le chirurgien), II, 151. 
Cartouche. Il; 344, 352. 
Catinat (le maréchal de). I, 

275, 377, 378. 
Cavalier (le chef des Cami- 

sards). I, 318, 350. 
Cavoie (M. de). II, 25. 
Chaise (le père de La). I, 118 

II, 263, 338. 
Chamillard(M. de). 1, 358, 377. 

II, 12, 13, 25, 26, 27. 
Chambllard (M"»«de). II, 26. 
Champmeslé (la). I, 124. 
Chardon (M.). II, 92. 
Charles -Quint (l'empereur). 

n, 323. 
Charles VI (l'empereur). ï, 

259, 266, 303, 321, 323, 349, 

351. n, 66, 85, 197, 198, 291, 

299, 302, 313. 
Charles II (roi d'Angleterre). 

I, 44, 94, 154, 160. 
Charles II (roi d'Espagne). I, 

60, 70, 230, 252, 259, 266. 
Charles XII (roi de Suède). I, 
249, 263, 303, 359, 370, 375. 

II, 38^ 152, 237. 
Charles-Louis (l'électeur pa- 
latin) père de Madame. I, 3, 
8, 18, 22, 24, 51, 75, 77, 89, 
90, 116, 150, 165, 242, 277, 
279, 308. II, 92, 116, 188, 
213, 220, 221, 234, 236, 249, 
267, 281, 302, 361. 

Charles (l'électeur palatin), 
frère de Madame. I, 51, 



INDEX. 



360 



89, 90, 300. II, 7. 116, 274. 

Charles - PHaippE ( l'électeur 
palatin). II, 185, 281, 288, 
290, 300, 302, 303, 313, 332. 

Charles-Louis (le rauprrave). 
1,24,25,45,51,66,67, 131, 
175, 193, 300. II, 5, 182, 352. 

Charles-Maurice (le raugravc). 
1,80,140,148,225,227,242, 
264, 275, 280, 300. II. 221. 

Charles -Frédéric (le prince)? 

n, 72. 

Charlotte (Télectrice pala- 
tine), mère de Madame. I, 
46, 90. II, 234, 268. 

Charolais (le comte de). II, 
139, 202, 298, 303, 339. 

Charolais (M"« de). II, 253, 
287. 

Charost (le duc de). II. 360. 

Chartres (le duc de). Voy. Or- 
léans (Philippe II duc d'). 

Chartres (la duchesse de). Voy. 
Orléans (la duchesse d'). 

Chartres (le duc de), petit-fils 
de Madame. II, 42, 44, 48, 
163, 164, 205, 213, 243, 282, 
288, 293, 301, 340. 

Chartres (M"*' de). Voy. Berry 
(la duchesse de). 

Chartres (M"*» de). Voy. Or- 
léans (M"® d') Louise Adé- 
laïde'. 

Chartres (M"" de) la plus jeune 
des petites-filles de Madame. 
n, 244. 

Chartres (l'évêque de). I, 170. 

Chateauneuf (M. de). I. 363. 

Chateauthiers (M™« de). I, 20, 
294, 365. II, 43, 254, 276, 
312, 322. 

Chatillon (M"»® de). I, 217. 



Chaulnes (la duchesse de). I, 

213. 
Chausserai^ (M"« de). H, 296. 
Chétardie (M. de La). I, 70. 
Chevreuse (le duc de). II, 25. 
Chiverny (M. de). I, 20. 
Chivry (M. de). I, 292. 
Choin (M"«). I, 120. II, 82. 
Choiseul (la duchesse de). I, 

59. 
Choiseul (M»« de). H, 179. 
Chrétien (le comte palatin). I, 

221. 
Christian V (roi de Danemark). 

I, 242. 
Cellamarè (le prince de), II. 

225, 226, 232, 233. 
Celi.e (le duc de). Voy. Ha- 

novre-Gelle. 
CiLLY (M. de). I, 366. 
Cinqmars (M. de). I, 292. 
Clément XI (le pape). I, 298, 

341. II, 25, 26, 61, 136, 183, 

186, 198, 339. 
Clément (le Hongrois). II, 238, 

240. 
Clérémbault (la maréchale de). 

I, 19, 28. II, 43, 76, 77, 129, 

362. . 
Clermont (M. de). I, 20. 
Clermont (le chevalier de). I, 

322. 
Clermont (l'évoque de). Voy. 

Massillon. 
Clos (M.) II, 7. 
Coche (M.) I, 367. 
Coetquen (M"»« de). II, 304, 

305. 
CoEuvRES (la maréchale de). II, 

47. 
CoiSLiN (le cardinal de). 1, 182, 

344. 

21. 



370 



INDEX. 



CoLBBRT. I, 47, 48, 240, 320. 
CoLBERT (de Croissy). I, 15, 

21. 
Cologne (l'électeur de). H, 40, 

55, 143. 
Colonne (M*"*). Voy. Mangini 

(Marie). 
CoMMERGY (le prince de). I, 66. 
CoNDÉ (le prince de), dit le 

grand Condé. I, 60, 61, 291, 

375. n, 19, 68, 73, 198. 
Condé (le prince Henri-Jules 

de), dit M. le duc, puis M. le 

prince, fils du grand Condé. 

I, 58, 59, 69, 105, 106, 111, 
183. n, 19, 73, 190. 

Condé (la princesse de), dite 
M"® la duchesse. M"® la 
princesse. M™" la princesse 
douairière de Condé. I, 59, 
61, 182. n, 190, 198, 230, 
236, 333, 357. 

Condé (le prince Louis m de), 
dit M. le duc. I, 201, 227. 

II, 4. 

Condé (la princesse de), M^® de 
Nantes. 1, 114, 157, 161, 182, 
195, 218, 227, 281. II, 36, 
68, 75, 78, 80, 82, 108, 113, 
198, 206, 236, 298, 320, 339, 

356. 

» 

Condé (le prince Louis-Henri 
de), dit M. le duc. H, 97, 
198, 202, 238. 

CoNTi (le prince Louis- Armand 
de). I, 36, 50, 122. 

CoNTi (la princesse de), M"* de 
Blois. I, 55, 59, 61, 78, 120, 
126,129, 153,155, 161,176, 
182, 217, 232, 245. II, 36, 
75, 78, 80, 82, 84. 

CoNTi(le prince François-Louis 



de). I, 106, 111, 170, 171, 

172, 176, 177, 178, 199, 200, 

201, 213, 216, 290, 298. H, 4. 
CoNTi (la princesse de). I, 114, 

156, 227, 338. 
CoNTi (le prince Louis -Ai'- 

mand II de). II, 298, 299, 

357. 
CoNTi (la princesse de). H, 219, 

298, 299, 357. 
Corneille (Pierre). 1, 293, 343. 
CORNUEL (M*"»). I, 105, 113, 

317. 
CossEL (la comtesse). H, 140. 
CoDLANGES (M. de).. H, 129. 
CouRGiLLON (M. de). II, 33, 56, 

233, 285. 
CoDRGiLLON (M™' do). H, 56. 
CouRLANDE (la princesso de), 

abbesse d'Herford. I, 254. 
CouRTENVEAU (M. de). I, 100, 

101. 
CoYPEL (le peintre). I, 249. 
Craon (M. de). H, 246,252, 340, 

341. 
Craon (M""* de). H, 203, 204, 

242, 243, 244, 246, 252, 340, 

341, 344. 
Créqui (le duc de). U, 184, 215, 

289. 
Créqui (la marquise de). I, 60. 
Cronegk (le baron de). H, 234. 
Cronstrom ( m. ) 1 , 311. 
CzAR (le). Voy. Pierre le 

Grand. 



D 



Danemark (le roi de). Voy. 

Christian v et Frédéric iv. 
Danemark (la princesse de) .Voy. 

Anne, reine d'Angleterre. 



INDEX. 



371 



DAi<ic:EAU (le marquis de). 1, 20. 
n, 4, 56, 197, 230, 233. 

Dangeau (M"»» de). I, 218, 266, 
267. II, 33, 56, 120, 197, 
228, 233, 263, 285. 

Darhstadt (la margrave de). 
II, 33. 

Dauphin (le), Louis de France, 
fils de Loui^ xrv. Est bien 
le fils de sa mère. I, 9. Son 
mariage, 15, 17, 18. Ses 
menins, 19. Propos que lui 
tient Madame, 50. Ne se 

' soucie de rien au monde, se 
débauche, 58. Une des filles 
de la Dauphine prétend être 
sa maîtresse, 68, 69. Part 
pour le Palatinat, 74, 75. 
Ne veut pas se remarier, 98. 
Tremble devant M™*' de 
Maintenon, 100. La succes- 
sion de la grande Made- 
moiselle, 113, 114. Projet 
de mariage. M"*« de Mainte- 
non intervient, 120. Inter- 
vient entre Madame et le 
chevalier de Bouillon, 134. 
Sa compagnie ordinaire, 
153. Joue à colin-maillard 
avec la petite duchesse de 
Bourgogne, 156. La vie qu'il 
mènç, 161. Va à Meudon, 
163. Son caractère, 165, 235, 
240, 247. Le prince de Con- 
ti et M. de Vendôme se 
disputent sa faveur, 170. Ne 
verse pas une larme au ma- 
riage de M"« d'Orléans, 209. 
N'est pas maître de ses 
actions, 216. Panse au bal 
masqué^ 217. Ses fils, 239. 
N'a pas reçu de soufflet du 



prince de Galles, 250. L© 
duc d'Anjou, roi dïspagne, 
262. A peur de mourir, 268. 
Son aventure avec la mar- 
quise de Richelieu, 286. 

Remarque météorologi- 
que. II, 7. Est cause que 
Madame s'enrhume , 10. 
Mariage secret, 13. N'aime 
pas le duc de Bourgogne, 
35. Le mariage du duc de 
Berry , 52-54. N'est pas 
ignorant, 69. Cause peu, 70. 
Sa maladie, 75-76. Sa mort, 
77-82. Avait été parfait pour 
son père , 81. Laisse ■ une 
fille naturelle, 82. Le café, 
84. Son contrat avec M™« du 
Roure , 140. Son titre de 
Monseigneur, 196. Remar- 
que gastronomique, 289. 

Dauphine (la) Marie -Anne- 
Christine-Yictoire do Ba- 
vière. I, 20, 25, 26, 29, 58, 66, 
67, 68, 75, 80, 81, 82, 90, 
157, 215, 233, 267, 272, 308, 
309. n, 140, 189. 

Dadphin (le deuxième). Voy. 
Bourgogne (le duc de). 

Dauphine (la deuxième). Voy. 
Bourgogne (la duchesse de). 

Dauphin (le troisième). Voy. 
Bretagne (le deuxième duc 
de). 

Degenfeld (M. Ferdinand de). 
1,54. 

Degenfeld (M™« de). I, 234. 

Degenfeld (M"« de). I, 20O. 

Degenfeld (M"« Louise de). La 
raugrave palatine. 1,220, 221 . 

Degenfeld-Sghgmbbrg (M. de). 
n, 260, 280, 343. 



372 



INDEX* 



Degenfeld-Sghomberg (M"^* de) . 

n, 260, 279, 343. 
Desgartes. I. 128, 154, 294. 
Desmares (La). II, 137-292. 
Despiuêaux. Voy. Boileau-Des- 

PRiAUX. 

Dedx-Ponts (le comte palatin 
de). II, 152, 240, 248. 

Dbux-Ponts (le prince de). II, 
188. 

DiBAGNET (concierge du Palais- 
Royal). I, 318. 

DoDART (M.). I, 232, 233. 

DoDART (M.), médecin du roi. 
n, 355. 

DoHNA (le comte de). I, 289* 

DoHNA (la comtesse de). 1, 289. 

DoNDORFF, (M. de). 1, 1. 

Douglas (mylord). H, 175. 

Dubois (Fabbé). II, 134, 135, 
136, 214, 243, 297, 317, 327, 
338, 344, 346, 347. 

Duc (M. le). Voy. Condé. 

Duchesse (M™* La). Voy. 

CONDé. 

DuFRÉNOY (M™«). I, 339. n, 73. 

DuMONT (M.). II, 248. 

Duras (le maréchal de). II, 

326. 
Durer (Albert). H, 323. 
DuRFORT (M"» de), n, 326, 327. 
DuRNBERG (M. de). II, 296. 

. E 

ÉCHELLE (M. de L'). I, 212. 
Effern (le comte d') II, 3. 
Effiat (le marquis d'). I, 7, 

32, 33, 42, 71, 72, 79, 82-89. 

n, 265,266. 
EiSENAGH (le prince d'). II, 5, 

352. 



Elbeuf (le prince d'), I, 358. 

ELISABETH-CHARL0TTE(C0mte8Se 

palatine du Rhin, deuxième 
femme de Monsieur, frère du 
roi Louis XIV) dite Madame. 
Elle pleure de Strasbourg 
à Chàlons. I, 1. Son petit, 
2. Son caractère, ses méde- 
cins, 3. Saute de joie à la 
nouvelle de la défaite des 
Français à Consarbruck, 4. 
Chute de cheval, 6. Fait 
médianoche avec M™* de 
Montespan, 7. Met à la mode 
les palatines, 7. La cabale^ 
7. Son portrait, 8. Veut 
marier sa filleule Sophie- 
Charlotte avec leDauphin,17 
La mort de son père, 21. 
Colère contre le roi , 22 
Envoie de l'argent à son 
demi - frère Charles - Louis , 
24. On ouvre ses lettres, 26. 
On lui enlève M"« de Théo- 
bon, 28. On Taccuse d'avoir 
une galanterie, 29-36. Elle 
veut se retirer au couvent 
de Maubuisson, 36. Le roi 
le lui interdit, 39-40. La 
réconcilie avec Monsieur , 
40-42. Elle veut marier sa 
filleule avec le roi, 47. Se 
plaint des mauvais traite- 
ments du roi, 50-52. Plaint 
ses demi-frères et sœurs, 52. 
Trouve mauvais que Mon- 
sieur soit le maître de la 
communauté, 52, 180. A quoi 
elle passe son temps, 54. 
Elle envoie des gravures à 
sa tante, 57. Nouvelles me- 
nées de la cabale, 61-64. 



INDEX. 



373 



Mariage du duc de Char- 
tres, 71. Elle n'est plus sur 
un bon pied avec le roi, 73. 
Propos qu'elle tient au sujet 
de la guerre du Palatinat, 
74, 75, 76. Les incendies de 
Heidelberg et de Mannheim, 

76. L'invasion du Palatinat, 

77, 89. Ses dettes, 80, 97. 
Elle s'oppose à ce que d'Effiat 
soit nommé gouverneur de 
du duc de Chartres, 82-89. 
Mort de la Dauphine, 90. 
Elle est un peu mieux vue 
que par le passé, 97. Mort 
de Louvois. Souhaits pieux, 
99. Sa conduite lors du 
mariage de son fils, 103. Sa 
bru, 104. Elle n'est pas du 
particulier du roi, 104. Est 
heureuse de ce que M. du 
Maine n'épouse pas sa fille, 
104-105. Espère que celle-ci 
épousera le duc de Bour- 
gogne, 105. N'aime que 
ceux qui l'aiment, 106. Est 
en peine de son garçon, 108. 
Son fils est blessé, 109. EUe 
ne trouble pas Monsieur 
dans ses divertissements , 
115. Ne danse plus, 116. Dia- 
logue avec le roi à propos 
de la comédie, 118; à pro- 
pos de sa toilette, 120. L'A- 
madis la divertit, 123. Elle 
ne joue ni ne danse, 124. 
Ses dévotions, 125. Elle a le 
cœur allemand , 131. Ses 
portraits, sa laideur. 131. 
Elle fait une avanie au che- 
valier de Bouillon, 133-136. 
Ses idées sur le mariage 



136, 171, 174, 228; sur le 
jubilée, 137. La détresse où 
la laisse Monsieur, 138. Le 
roi Guillaume III, 145, 165. 
La mission des rois, 146. La 
métemspycose, 147. Elle est 
derechef en disgi'âce, 150. 
Fait des vœux pour le réta- 
blissement du roi , 153. 
Reçoit la petite duchesse de 
Bourgogne à Fontainebleau, 

155. Joue à colin-maillard 
avec elle, 156. Voudrait que 
sa fille épousât Guillaume III, 

156, 159, 162, 173. Ne sait 
pas un niot des mathémati- 
ques, 158. Son crédit, 159. 
Les trois églises chrétiennes, 
161, 162, 312. La raalechance, 
163. Sa religion, 164. La 
comédie est sa distraction 
favorite, 165. Prophétie à 
propos de Louis XIV, 165. 
Elle vit à part, 167. Se casse 
le bras, 168-169. Ne peut 
sortir du royaume , 174. 
N'aime pas les compliments, 
175. La Pologne et les Polo- 
nais, 177, 178, 185. Elle n'a 
pas eu un liard de l'argent 
du Palatinat, 180. Le ma- 
riage du duc de Bourgogne, 
181-185. Réponse qu'elle fait 
à Monsieur à propos de 
mylord Portland, 188. Elle 
intercède auprès du roi et 
de Monsieur en faveur des 
raugraves, 189, 190. Les por- 
traits, 191, 204, 228, 257. 
Son genre de vie, 194. Les 
pharmacies françaises; les 
pasteurs de Francfort, 195. 



374 



INDEX. 



La comédie, 196. Sa conver- 
sion au catholicisme, 198. 
La querelle entre Bossuct et 
Fénelon, 199, 203, 206. La 
grand'messe ; son peu d'in- 
dépendance,202. Ëllu fait son 
portrait, 204. Son aversion 
pour le café, le thé, le cho- 
colat, 204, 345. Elle fait des 
chansons françaises, 205. Son 
chagrin au sujet du départ 
de sa fille,208. Elle ne croit 
pas que celle-ci sera heu- 
reuse, 211. Gronde le duc de 
Berry, 215. Sa colère contre 
M"*® de Maintenon, 215. Le 
bal masqué à Marly, 217. Ce 
qu'elle pense des grandeurs, 
des mésalliances, 221. Sa dé- 
tresse, si Monsieur venait à 
mourir, 222. La duchesse So- 
phie est ce qu'elle a de plus 
cher au monde, 224. Elle ne 
permet pas qu'on saigne son 
fils, 225. Le Télémaque, 229. 
Les Anglais, 230, 270, 354. 
Elle aime les plaisirs cham- 
pêtres, 233. Remet à sa place 
la duchesse de Bourgogne, 
236. N'aime pas la cuisine 
française, 236. Ses dettes, 
son argent de poche, 241. Les 
pèlerinages, 246. Ses étren- 
nes, 246, 326. Pourquoi la 
politesse a disparu de la cour, 
247. Elle plaint les Réformés, 
250. Sollicite les juges pour 
son gendre et pour le duc de 
Schomberg, 251. N'approuve 
pas que le roi prenne méde- 
cine tous les mois, 253. S'en- 
dort en écrivant, 254. Félicite 



le duc d'Anjou de son éléva- 
tion au trône d'Espagne, 260, 
Avanie que lui fait le roi, 264, 
265. Ses médailles, 268, 363. 
Elle regrette d'être femme, 
270. La mort de Monsieur, 
270, 271. Elle se réconcilie 
avec le roi et M"*® de Main- 
tenon, 271, 272. Brûle les 
lettres de Monsieur, 272. N'a 
jamais songé à entrer dans 
un couvent ; n'a pas de riche 
douaire ; est contente de son 
fils, 273. Est à la charge du 
roi, 273, 274. Son contrat de 
mariage, 276, 279. Elle lit la 
Bible, 280, 333, 362. N'a pas 
d'ambition, 281 . Ne peut souf- 
frir que les dames prisent, 
281. On ne veut pas d'elle 
dans le particulier du roi, 
283, 289. Histoire d'une nou- 
velle Jocaste, 286, 287. Elle 
fait fi de la beauté, 288. Son 
procès à Rome, 290, 293, 298. 
Son perroquet, ses chiens, 

294, 299, 305. Les fêtes de 
Pâques, 295, 311. La moi*t 
du roi Guillaume, prophétie, 

295. Elle ne possède pas l'af- 
fection des Français, 29îl. 
N'aime que le grand habit, 

302. Est fière que Charles XII 
soit de la maison palatine, 

303. Est hors d'elle qu'on 
n'estime pas assez cette mai- 
son,. 305. Son mariage, 308. 
Contestation d'étiquette, 308, 

309. Les femmes coquettes, 

310. Elle n'a pu ni manger ni 
dormir parce qu'elle croyait 
sa tante malade, 31 1 . La Fête ' 



INDEX 



375 



Dieu, 313. Elle n'oublie pas 
les cantiques luthériens, 325, 

330, 333, 334. Mort de la 
reine de Prusse, 329, 330. 
Elle appelle Torcy un cra- 
paud, 330. Console sa tante, 

331. S'est habituée au cha- 
grin comme Mithridate au 
poison, 332. Les médecins, 
248, 333, 335. Elle prend du 
cachou indien contre la toux, 
336. Dort à l'église, 337. Tria- 
non, 337. Les reliques, 341. 
Elle fait venir des emplâtres 
de Nuremberg, 343. Se foule 
le pied, 345. Visites et comé- 
dies, 346. Le sanctuaire, 348. 
Jacques Stuart n'est pas un 
enfant supposé, 348. Elle 
prête des livres qu'on ne lui 
rend pas, 350. Départ de son 
fils pour l'armée d'Italie, 352. 
Histoire d'un Suisse qui a 
deux maréchaux de France 
sur le cœur, 352, 353. Elle 
est toujours coififée de tra- 
vers, 354. Turin, 356, 357. 
Elle s'indigne de la lâcheté 
du roi Auguste, 359. Ses repas 
solitaires ; les soupers du roi, 
360. Les petits enfants de 
France, 361. Départ de son 
fils pour l'armée d'Espagne, 
362. Elle aime les histoires 
de revenants, 362. Chou- 
croute, 369. Prise de Lérida, 
374. Elle s'informe de Heidel- 
berg et de Mannheim, 376. 
M'est pas d'humeur flatteuse, 
377. 

Elle est heureuse qu'on 
restaure Heidelberg. II, 1. 



Fait réloge de son fils, 4. 
Son idéal, 6. Ses créanciers, 
7. Souvenirs d'Heidelberg, 
7. Elle se réconcilie avec la 
duchesse de Bourgogne, 8. 
Son médaillier, 9, 109. Elle 
s'enrhume à cause de M. le 
Dauphin, 10. L'hiver de 
1709, 11, 12. Ses chiens, 14. 
Elle perd sa tante, Tabbesse 
de Maubuisson, 14. Cancans 
de la cour de Danemark, 15. 
Son nouveau médecin, 16. 
Misère à Paris, 16, 18, 24. 
Gens qui prédisent l'avenir, 
17. Les tours que lui joue la 
poste, 18. Elle se moque de 
son confesseur, 19, 20. Pen- 
sées sur la mort, 21. Elle 
approuve un jeune homme 
de faire campagne contre la 
volonté de son père, 21. Ses 
médecins. Elle n'est pas 
libre de ses actions, 24. Ap- 
prouve le roi de ne pas ac- 
cepter les conditions de paix 
des alliés, 27. Sa toux, 27. 
Son trésorier la vole, 29. 
Mort de la raugrave Amélie- 
Elisabeth, 30. Révolte à 
Paris, 30, 32. Ovation que 
lui font les Parisiens, 32. 
Elle défend dans son. testa- 
ment de faire son autopsie, 
33. Misère; intrigues à la 
cour, 35, 36. Les blessés de 
Malplaquet, 38. L'Électeur 
de Bavière, 39,40. Elle s'en- 
dort aux opéras deLulli, 41. 
La rapacité des prêtres, 42. 
Elle rit aux larmes de la 
chute que fait la maréchale 



376 



INDEX. 



de Clérembault, 42, 43. Ne 
prend pas de médecine, à 
moins d'être gravement ma- 
lade, 45. Donnait la verge à 
son fils, 48. Les procès, 51. 
Mariage de sa petitc-fiUo 
avec le duc de Berry, 52-54. 
Les princes de la maison 
royale sont des esclaves cou- 
ronnés, 58, 71. Elle boit du 
Champagne, 61. Les prome- 
nades dont elle ne se lasse- 
rait pas, 62. Elle ne com- 
prend pas qu'on se remarie, 
62. Accident de chasse qui 
arrive à son fils, 63, 64. Elle 
ne vend pas la charge de 
secrétaire, elle la donne, 64. 
Se donne une entorse, 65. 
Indisposition de la duchesse 
de Berry, 67. Le café, 70. 
Le fard, 71. Elle ne quittera 
pas la cour, 71. Ne peut 
voyager, 73. Maladie et mort 
du grand Dauphin, 75-80. 
Elle dort aux sermons, 80, 

81. Ne peut parler au roi, 

82. Se plaint de l'Électeur 
de Bavière, 84. Portrait de 
la duchesse de Berry, 88. 
Semonce à la duchesse de 
Berry, 89-91. L'Académie 
française, î^l. Lecture de la 
Bible, 91. Comédies anglai- 
ses traduites en allemand, 
92. Elle est malade, 93, 96, 
97. Intercède pour M"*' de 
Berry, 94-97. Envoie une 
bague à sa sœur, 97. Mort 

' de la duchesse do Bour- 
gogne, 98-100. Accusation 
d'empoisonnement lancée 



contre son fils, 100-104. Elle 
est admise au sanctuaire, 
105, 107. Sa bru, 112, 113. 
La paix; son maître d'écri- 
ture, 115. Le médaillier de 
son père, 116. Prise de 
Landrecies , 117. Remon- 
trances faites à la duchesse 
de Berry, 118, 120. Elle 
redoute la mort du roi, 121. 
Le thé, le café, le chocolat, 
121. Lait de poule, 122. La 
succession d'Angleterre, 123. 
Ce qui advient d'une lettre 
de Hanovre, 124. Elle prend 
du café, 125, 130, 151. Les 
diamants bleus, 126. La paix, 
127, 128. Sa santé, 128. Sa 
façon de payer ses fournis- 
seurs, 129. La phthisie de 
mylord Ilarwich, 129, 133. 
M"« de Stubenvoll , 130. 
Les Allemands qui méprisent 
leur langue maternelle, 130. 
L'ambre, le tabac, 131. La 
Bible, 136. Ragoûts fran- 
çais, 137. Ce qui lui arriva 
au mariage du Dauphin, 141. 
La réunion des évoques, 141. 
Bague contre la sciatique, 
144. Maladie et mort du duc 
de Berry, 144-148. Mort de 
'la duchesse Sophie, 149-151. 
Elle prend du sel d'Epsom, 
152. Perd une de ses chien- 
nes, 153. Éloge de Fontaine- 
bleau, 155. Indisposition de 
son fils, 156. Ses bestioles, 
157. Les pharmacies" fran- 
çaises, les voyages sur mer 
et les Anglais, 157. Disgrâce 
de la princesse des Ursins^ 



INDEX. 



377 



158, 159. Mort de Fénelon, 

159. Ladrerie du roi Georges, 
159, 184. L'ambassadeur per- 
san, 160, 161. Oraison funèbre 
du cardinal de Bouillon, 161. 
Ses belles-filles, 161, 162. Ce 
qui doit s'ôtre passé au théâ- 
tre, à Londres, 162. Singes 
et chiens savants, 163. Sa 
haine contre M™® de* Main- 
tenon, 163. Éclipse de soleil, 
petits-enfants légitimes et 
illégitimes , représentations 
théâtrales chez les jésuites, 
164. Esther et Athalie, 165. 
Pensées'philosophiques, 165, 
166. Ses correspondantes, 
166.. Maladie, et mort de 
Louis XIV, 167-169. Son fils 
est déclaré régent, 169-172. 
M. Bourdelot, 172. Intercède 
en faveur des réformés aux 
galères, 173, 174, 176. Entre 
en correspondance avec la 
princesse de Galles, 174. 
Conspiration contre la mai- 
son de Hanovre, les Anglais, 
175. Ses réceptions, 176. 
Idées religieuses, 176. Chou- 
croute, etc., 178. Visite du 
czar, 183, 184. Elle, prend de 
l'huile de copahu, 185. Le 
hocca, 185. Les cerises de 
Heidelberg, 186. Elle relève 
vertement le duc de Saint- 
Simon, 188. Communie cinq 
fois Tan, 189. L'hombre 
en France, 189. Le petit 
Louis XV ne l'aime pas, 
191, 195. Pourquoi elle habite 
Paris l'hiver, 192. L'éduca- 
tion de ses petits-enfants, 



192. Profession de foi, 193- 
Luther et Calvin, 194. Le 
caractère français, 194. Elle 
obtient la grâce de trente 
galériens réformés, 195. In- 
quiétudes maternelles, 196, 
212. Anglais ou Allemands, 
197. Elle essaye de détourner 
sa petite-fille d'entrer au cou- 
vent, 199. Craint le séjour de 
Paris pour sa fille, 200. Éba- 
hissement de la duchesse de 
Lorraine, 203. Ses petits-en- 
fants, 205. Comment on écrit 
l'histoire, 205, 206. Elle ne 
comprend pas que sa fille 
ne soit pas jalouse, 207. Les 
mésalliances, 208. Mort de 
la reine d'Angleterre, 209, 
211. Pensées sur la mort, 
209. Les nœuds, 210. Le ju- 
gement de Paris, 212. Acci- 
dent qui lui arrive chez les 
jésuites, 213. Law, la Fête- 
Dieu, le vin du Rhin, son 
contrat de mariage, 215. 
L'évèque de Beauvais, 216. 
Le czar et le czaréwitsch, 
218, 223. Law, 219. Les en- 
fants en nourrice, 219. Ser- 
vice rendu à la mèce des 
raugraves, 220, 221. Les cou- 
vents, lit de justice, duc et 
duchesse du Maine, 222. Ses 
domestiques, 223. Tient sur 
les fonts un Israélite, 224. 
Romans préférés, 227. Mort 
de Louvois, 229. Souvenir de 
Schwetzingen, 230. Études 
au microscope, 231. Conju- 
ration de Cellamare, 232, 
233. Comment son mariage 



378 



ÎNDÏIX^ 



avec le prince de Bade fut 
rompu, 284. Un podomètre, 
235. Elle ne peut prendre 
du bouillon^ 236. Incendie 
du château de Ltinéville, 
237, 238, 242. Moines et prê- 
tres, 243. Elle n'aime pas 
la musique italienne, 244. 
Goûts champêtres, 245. Les 
sorcières, 249. Le métier de 
reine, 250. Elle craint de 
tomber en enfance, 253. Ses 
bibles, 259. Pieux souhaits 
au sujet de trois de ses pe- 
tites-filles, 260. Elle n'est 
pas papiste. M"« de Valois, 
262. Mort du marquis d'Ef- 
fiat, 265. Ses voitures, 266. 
Les écrouelles, 267. Les ci- 
gognes, 270. Mort de la du- 
chesse de Berry, 271-273. 
Histoire d'un Suisse, 272. 
L'almanach de Liège, 275. 
Les femmes françaises, 276. 
Les serpents, 281. Les céré- 
monies de Ghelles, 282-285. 
Les réformés du Palatinat, 
264, 265, 267, 269, 286, 288, 
289, 290, 294, 295, 302, 303, 
313. Ses finances, 286. Les 
bâtal-ds du régent, 291, 292. 
Les cerises de M. de Lan- 
dasz, 295. Le Notre-Père de 
M°»« de Landasz, 295. Le 
prince Eugène, 297. Mariage 
de M"« de Valois, 298, 299, 
303, 306, 319. La cuisinière 
de M™« Begond, 299, 300. 
Pourquoi elle est venue en 
France , 302. Empoisonne- 
ment de la première Ma- 
dame, 304, 305. Les princes 



de la maison royale, 306. 
Aventures de l'abbé d'En- 
tragues, 308, 309. Le papier- 
monnaie, 312, 314, 321. Le 
comte de Hom, 313, 314. 
La fin du Système, 322, 323, 
325, 326, 328, 331 . Le peintre 
Rousseau, 324. Lettres ano- 
nymes, 327. Neuhof (le roi 
Théodore de Corse), 329, 330. 
Les modes, 339. Aventure à 
la Chartreuse de Bois-Fon- 
taine, 341, 342, 343. Étrange 
histoire d'un aide-apothicaire 
du roi, 345. Elle reçoit le 
cardinal Dubois, 346, 347. 
Mariage de M"* de Montpen- 
sier, 347. Elle revient de 
Reims, 360. Sa dernière ma- 
ladie, 361, 363. 

Elisabeth Stdart, grand'mère 
de Madame. U, 205, 206, 
293, 348. 

Elisabeth Farnèsb, deuxième 
femme du roi d'Espagne 
Philippe V. n, 151', 153, 
154, 158, 159, 163, 243. 

Eltz de Quaadt (M"«). n, 231. 

Entraguès (l'abbé d').II, 308, 
309, 311. 

Epinoy (M°»« d'). 1, 196, 203, 
204. 

EscARTS (M. d'). n, 356. 

Espagne (le roi d'). Voy. 
Charles ii. Philippe V. 

Espagne (la reine d'). Voy. 
Orléans (Marie Louise d'). 
Marie Anne de Neubourg, 
Marie Louise Gabrielle de 
Savoie , Elisabeth Famèse. 

EsTRÉES (le cardinal d'). I, 
213. 



INDEX. 



379 



EsTRéES (le maréchal d^. I^ 

218, II, 197, 320. 
EsTRiÊES (la comtesse d*). I, 

218. 
Eugène (le prince). I, 275, 327. 

n, 22, 27, 49, 50, 73, 114, 

115, 117, 240, 297, 330. 



Faêricius (M.). I, 131. 

Fagon (le docteur). I, 147, 213, 

216, 369. II, 28, 148. 
FÉNELON. I, 198, 201, 202, 203 

206, 207, 211, 212, 229, 292. 

II, 59, 86, 87, 159. 
Ferté (le père de la). H, 274. 
Fesch (M.). II, 268. 
Feuillade (le duc de la). 1, 199, 

356, 358. 
Feuillet (le chanoine). II, 

290. 
Tiennes (M"»« de). 1, 14, 160, 

230, 231. n, 84. 
FiLDING (M.). I, 96. 
Fleury (M"« de). H, 82, 83, 
Flottes (M. de). II, 29. 
Florance (La). II, 292, 
Florensac (M. de). I, 20. 
FoNTANGE (M™« de). I, 291. II, 

226. 

FONTENELLE. H, 134, 135. 

Force (le duc de la). II, 320, 
327. 

Force (M"« de la). I, 69. 

François (l'empereur). II, 361. 

Frédéric I (le roi de Prusse), 
électeur de Brandebourg. I, 
102, 112, 171, 185, 186, 187, 
223, 256, 262, 264, 289, 320, 
330, 375. U, 127. 

FRéDÉRiG-GuiLLAUME I (le roi 



de Pru&se). I, 321, 330, 354, 
II, 38, 65, 116, 138, 183, 
239, 245, 267, ?86, 288, 302, 
331. 

Frédéric-Auguste 1 (le roi de 
Pologne) électeur de Saxe, I, 
178, 185, 221, 359, H, 15, 
140. 

Frédéric IV (le roi de Dane- 
mark). I, 202. n, 15, 109. 

Frédéric V (le roi de Bohème) 
électem* palatin, grand-père 
de Madame. H, 205, 206, 
348. 

Frèteville (M. de). II, 2. 

Fréteville (le page). II, 189. 

Fourneaux (W. des). 1, 13. 

Fronde (M"«). II, 180. 

Furstemrerg (le cardinal de), 
I, 221, 312, 345. II, 197, 
206. 

Furstebiberg (le comte de). I, 
345. 

FuRSTEMBERG (la comtcssc de). 
I, 312, 345. 



G 



Gacé (M. de). II, 2. 

Galles (le prince de), fils de 
Jacques II. I, 154, 175, 250, 
275, 276, 348, 349. II, 119, 
123, 162, 175, 177, 178, 180, 
181, 186, 211. 

Galles (le prince de) Voy. 
Georges II. 

Galles (la princesse de) femme 
de Georges II. I, 310, 321. 
II, 154, 162, 165, 174, 178, 
188,199,201,202,209,210, 
213,214,257,274,275,278, 
301, 317. 



3S0 



[M ( M. do). D, M7. 

Gehimi (M.)- 1< ^IS- 

GH»EST0'*l>bé).I,3M,322,3S3. 

Georces I(le roi d'Aniiltilerre), 
Électeur de Hanovre. I, 4, 5, 
224,296,397,335,341, 351, 

360. II, 107, 153, 15;, 155, 

159,115, ne, m, ini. i84. 

186, 1», 201, 202, 203, 201, 
210,211,213,314,269,286, 
288,301,302,317,331. 
Georg» II (!e roi d'Angleterre), 
Électeur de Hanovre. I, 310, 

361, 363. II, 133, 154, 163, 
199, 201, 202, 203, 210, 213, 
214, 301, 317. 

Georges (1c prince de Dane- 
mark) épouï do la reine 
Anne. Il, 32. 

Gksvbes (le niarquia de). 1, 300. 

GoEBTE (le baroD de). H, 243, 
255,331. 

GoEHTi (le comte de). II, 248, 
255,257. 

GOMAGD AUSS. 

I, 7, 31. 
Gbauoni de). 1, 10, 11, 

12. U, 32. 
GnAHonTOaduclieascdo). II, 6. 
Grauont (le comte de). 1, 142. 

11,110,111. 
Ghaso-tt (la eomtcsBC do). I, 

143, 315. 
GHIlMO^T {M""dn). I, 69. 
GnANcev (H"" de). 1, 7, 30, 42, 
63, 63, 86. 

, Akvagkac. 
la). Voy. 

OnLJANA. 

Gkigsui (le chevalier de). I, 30. 
Gdéh£née (la princesse dc},lr, 
13. 



GcicnE (lo duc de). II, 50. 

Gdillauue III (le roi d'Angle- 
terre, prince d'Orange, I, 
92, 94, 101, 100, 108, 109, 
123, 183, 128, 130, 143, 144, 
115, IM, 164,165, 170, 172, 
173, 185, 188, 101, 102, 226, 
228, 22(1. 2.-i2, 267, 276, 278, , 
281, 284, 385, 292, 293, 295, 
296, 397, 307. II, 197. 



302, 



ïffl 



Halifjiï (M.). I, 351. 

IlAinLTO:! (mylord Antoine). H, 
110, 111. 

Banau (le comte de), n, 50, 
57. 

Hanau (la prÎQCeaao de). Il, 70, 
83, 84. 

Hakovri! (le duc Ernest-Au- 
guste de), oncle de Madame. 
I, 3, 4, 5, 47, 51, 52, 107, 
123, 188, 334. H, 204, 302. 

Hanovre (la duchesse Sophie). 
Voy. SoFiiCB. 

Hanovre (le duc do Hanovre- 
Celle). 1, ISS. 

Hanovre (le duc Georges do). 

électoral 



INDEX. 



381 



Hanovre (le prince Maximi- 

lion de). I, 66. 
Hanovre (la duchesse de) veuve 

de Jeau-Frôdéric. I, 14, 106, 

134. II, 54, 333, 334. 
Harcourt (le duc d'). I, 292. 
Harcourt (le comte d'). I, 375. 
Harcourt (M. de). I, 25. 
Harcourt (la princesse de). I, 

62, 64, 156. 
Harlay de Chanvallon (l'ar- 

chevôque de Paris). I, 118. 
Harlay (les). II, 98. 
Harley (comte d'Oxford). U, 

98 121. 
Harling (M. de). II, 216. 
Harling (M™« de). I, 4. 
Hassemberg (M.). II, 108, 113. 
Harwich (mylord). II, 21, 23, 

129, 133. 
Hautan (M. de la)? II. 63. 
Hautefort (M. de). I, 78. 
Hautefort (M"« de). I, 78. 
Haw (M.) II, 266. 
Haye (M. de). II, 323. 
Hedwige-Eléonore (la reine 

douairière de Suède). 1, 249. 
Helmont (Van). I, 149. 
Helvétius (MM.) n, 353. 
Hene (M'»^ de). II, 352. 
Henri III (le roi de France). 1, 

292. 
Henri (le jeune, duc de Bruns- 

wick-Wolfembuttel), I, 259. 
Henriette (d'Angleterre), la 

première Madame. I, 37, 44. 

II, 304, 305. 
Herford (l'abbesse de), tante 

de Madame. I, 128, 129. II, 

253, 261. 
Herwey (le conspirateur). H, 

175. 



Hesse - Cassel ( le landgrave 

Charles de). I, 246. 
Hesse-Cassel (le prince Fré- 
déric de), roi de Suède. I, 

307. n, 237, 244. 
Hesse -Darmstadt (le prince 

Georges de). I, 374. 
Hesse-Philippstahl (le prince 
^ Charles de). II, 335. 
Hohenzollern (la princesse de). 

I, 362, 369. 
HoiM (le comte). H, 351. 
HoLDERNESS (lady). II, 261. 
Holstein (le duc de). II, 257. 
HoMBERG (le chimiste). H, 100, 

101, 106. 
HoMBOuRG (la princesse de). II, 

51, 56. 
Hoquincodrt (M. de). I, 153. 
HoRN (le comte de). II, 313, 

314, 315, 316. 
HuMiÉRES (le maréchal d'). II, 

17. 



I 



Imhof (M. d'). II. 167. 
Impératrice douairiïîre. Voy. 

WiLHELMiN Amélie. 
IsENGHiEN (lé prince d'). II, 92. 



Jacques II (le roi d'Angleterre). 
I, 92, 93, 94, 95, 96, 105, 
106, 108, 122, 142, 146, 147, 
154, 160, 184, 188, 209, 241, 
252, 258, 275, 279. II, IH, 
162, 167. 

Jacques Stuart (le prétendant). 
Voy. Galles (le prince de). 

Janson (le cardinal). I, 295. 



382 



INDEX. 



■ . ' f 



Jansénistes (les). Il, 84, 85, 86. 

Jean Guillaume (l*électeur pala- 
tin). I, 270, 274. n, 1, 187. 

JÉSUITES (les). I, 23, 341, 356. 
II, 62, 84, 85, 164, 165, 181, 
183, 186, 187, 213, 238, 269. 

JoNQuiÈRE (M. de la). II, 258. 

Joseph P' (l'empereur), roi des 
Romains, I, 147, 149, 164, 

• 216. n, 66, 74, 85. 

JouRDAN (le père). 1, 336. H, 19, 
269. 

K 

Kapel (M.). I, 192. 

Keyersberg (M. de). II, 29. 

Klenk (M"»* de). I, li7, 137. 

KoENiGSMARK (le comte Philippe 
Christophe de). 1, 297. H, 162, 
316. 

KoENVBSMARK (le comte... de). 
n, 316, 317. 

KoENiGSMARK .(la comtesse Au- 
rore de). I, 221. 

Kolb (M"**), la gouvernante de 
Madame. I, 5. 

KuRTZ DB Can (M.), n, 239. 



Lafayette (M"« de). I, 347. 
La Fontaine. I, 292. 
Lambert (le marquis de). II, 4. 
Landasz (M. de). II, 295. 
Landasz (M™« de). H, 295. 
Langallerie (M. de). H, 63, 9S!, 

178. 
Langeais (M. de). II, 221. 
Langéli (le fou). U, 68. 
Langeron (Fabbé de). I, 212. 
Lasallb (le commissaire). I, 

132. 



Lassât (M. de). H, 339. 
Lavallée (M.). 1, 10, 11. 
Lavardin (M. de). I, 280. 
Lauzun (M. de). I, 72, 113, 114. 
Uw (M.). II, 215, 219, 278, 281, 

287, 288, 290, 296, 302, 314, 

315, 319, 322, 323, 325, 328, 

330, 331. 
Law (»!"•). n, 326. 
Leak (l'amiral). I, 334. 
Lebel (M.). I, 345.' 
Lebrun (le peintre). I, 2*^2. 
LEiBNrrz (M.). 1, 132, 154, 158, 

159, 213, 294, 340, 344. II, 

179. 
Lbnclos (M*^« de), Ninon. I, 

193, 194. 
Lenpamt (M.), n, 250, 258. 
Lenôtre (M.). I, 292. 
LÉOPOLD (l'empereur). I, 45, 

149, 216, 253, 263, 266, 306, 

335. 
Leplat (M.), n, 134. 
LesdiguÂres (le duc de). I, 

298. 
Linenschloss (MM.). H, 7. 
LiNiÈRES (le P. de). II, 19. 20, 

246, 247, 251. 
LiNTZ (M.). II, 7. 
Lionne (M. de). H, 206. 
Lislebonne (M™" de). 1, 65, 153. 
Lislebonnè (M"« de). I, 217. 
LoGCUM (l'abbé de). I, 123. 
Longueil (M. de). II, 17, 335. 
LoNGUEViLLE (la duchesse de). 

n, 254. 
LoNGUEYiLLE (le chovalier de). 

1, 106. 
Lorraine (le duc Charles de). 

1,6. 
Lorraine (la duchesse douai- 
rière de). 1, 185. 



INDEX, 



383 



LoRRAiNB (le duc Léopold de), 
gendre de Madame. 1, 147, 
464, 185, 187, 205, 211, 241, 

245, 251, 253, 266, 319. II, 
83, 200, 204, 207, 242, 243, 

246, 251, 321, 340. 
Lorraine (la duchesse Elisa- 
beth - Charlotte de). Voy. 
Orléans. 

Lorraine (le prince François 
de), petit-fils de Madame. 
Voy. François (l'empereur). 

Lorraine ( le prince Charles 
de), petit -fils de Madame). 
U, 361. 

Lorraine (le prince Camille 
de). I, 217, 218. 

LoRRAiNB (le prince Charles de) . 
n, 336, 337. 

Lorraine (la princesse Charles 
de), n, 336, 337. 

Lorraine (le chevalier de). I. 
11, 23, 28, 33, 35, 36, 42, 
47, 71, 72, 86. n, 182, 304, 
305. 

Losné (le tapissier). I, 209. 

LouBES (M"« de). I, 62, 63, 64. 

Louis XIU (le roi). I, 346. U, 
149. 

Louis XIV (le roi) veut que 
Madame l'accompagne à la 
chasse. I, 2. Lui témoigne 
de l'intérêt lors d'une chute 
de cheval, 6. Mariage du 
Dauphin, 17, 18. Fait écrire 
par Madame à la duchesse 
Sophie, 20. L'amant qui 
lance la foudre, 26. Inter- 
vient entre Monsieur et Ma- 
dame, 31-39. Défense à Ma- 
dame de se retirer dans im 
couvent, 39, 40. Réconcilie 



Monsieur avec Madame, 40- 
42. Rend justice à Madame, 
43.Se remariera peut-être,47. 
Il fait réprimander Madame 
au sujet de propos trop libres 
qu'elle a tenus, 50. Change 
horriblement, 51. Propos 
qu'il, tient au sujet deSaint- 
Cyr, 55. Il est devenu très 
sérieux, 56, 57. Intervient de 
nouveau entre Monsieur et 
Madame, 62, 64. Son mariage 
avec M™* de Maintenon, 65, 
72. Sa piété, 67. Mariage de 
M"® de Blois avec le duc de 
Chartres, 71. Il en veut à 
Madame d'un propos tenu 
sur la guerre du Palatinat, 
76. Ne répond pas à une 
lettre de Madame, 88, 89. 
Promet de choisir un gou- 
verneur pour le duc de Char- 
tres, 89. Fait défense à 
Madame de répondre à une 
lettre de la comtesse de 
Soissons, 95. Envoie deux 
mille pistoles à Madame, 
97. N'est pas incommodé 
de la mort de Louvois. 

100. Est incapable de faire 
empoisonner Guillaume III, 

101, 108, 142. Le pouvoir 
qu'a M™*» de Maintenon sur 
lui, 107. Il -a la goutte, 108. 
S'enferme avec M™" de Main- 
tenon, 109. Elle le rend 
cruel, 115. Sa dévotion, 117. 
Dialogue qu'il a avec Madame 
à propos de la comédie, 118 ; 
A propos de sa toilette, 120. 
n ne songe pas à la monar- 
chie universelle, 127. Trem- 



384 



INDEX. 



ble de colère, 128. Est chan- 
sonné, 429. Préfère tous ses 
bâtards à Madame, 139. On 
ne peut lui parler que quand 
il est de bonne humeur, 145. 
Il est niais en fait de religion, 
145. Ne voit âme qui vive, 
si ce n'est aux repas, 152. 
Son anthrax, 153. Il a un 
éclaircissement avec ses 
filles, 157. La passion que lui 
inspire M™® de Maintenon, 
157. Il aurait encore des Alc- 
mènes, 158. Vivra longtemps, 
165. Son entretien avec le 
prince de Conti, élu roi de 
Pologne, 171, 172. Il est 
obligé d'attendre une demi- 
heure à la jJorte do son 
appartement, 184. Sa réponse 
ordinaire aux requêtes, 189, 
190. Il gâte la duchesse de 
Bourgogne, 207. La dispute 
du Seculum, 212, 216. Il fait 
mettre aux arrêts le duc de 
Berry, 214. Difficultés de 
cérémonial avec le duc de 
Lorraine, 241. Il avoue qu'il 
y a des fautes dans l'archi- 
tecture de Versailles, 243. 
Le roi de Maroc lui demande 
la main de la princesse de 
Conti, 245. A seul conservé 
la politesse, 247. Sa santé 
est parfaite, 252. Il fait 
assister M™« de Maintenon 
au conseil, 260. Accepte la 
couronne d'Espagne pour le 
duc d'Anjou, 260, 262. Fait 
une avanie à Madame, 264, 
265. Mort de Monsieur ; il se 
réconcilie avec Madame, 271, 



272. S'attendrit chaque fois 
qu'il parle de Monsieur, 273. 
Pourquoi on fait son éloge 
dans tous les livres, 285. Il 
envoie deux mille pistoles à 
Madame, 288. Suit la chasse 
eu calèche, 298. Fait faire des 
changements à Marly, 300. 
A Versailles, 301. Attribue 
ses succès à la Sainte Vierge, 
303. Est tout à fiait serein 
malgré la défaite du Vigo, 
305. Combien il est Juste, 
308. Fait recommencer une 
ode en musique composée 
en son honneur, 321. Per- 
sonne en France n'est aussi 
poli que lui, 327, 359. La 
rinçure de ses verres, 336. 
Son entrevue avec Cavalier 
350. Sa fermeté d'âme, 357. 
Il possède toutes les mé- 
dailles du temps du roi Guil- 
laume, 363. 

Le mariage secret, II, 13. 
Il est décidé à continuer la 
guerre, 24. Envoie sa vaisselle 
d'or à la Monnaie, 28. Prend 
sa part des bénéfices que fait 
M"»® de Maintenon, 35. Béré- 
nice et M"»® Colonne, 37. Sa 
politesse, 41. Le tableau 
mouvant, 47. Sa générosité 
vis-à-vis de la comtesse de 
Soissons, 50. Le mariage du 
duc de Berry, 52-55. Il change 
d'une façon inouïe, 54. A tout 
changé et modifié dix fois à 
Versailles, 55. Ne permet pas 
qu'on attaque ses ministres, 
63. Ne permettrait pas que 
les dames lui baisent la main. 



INDEX. 



385 



66. No songe plus à la gran- 
deur, 69. Cause peu, 7 i. S*en- 
fermc avec le dauphin, 75. 
Quitte Meudon sans voir le 
Dauphin mourant, 78. Sa 
tristesse, 78. Sa résignation, 
79. Son ignorance des choses 
religieuses, 81, 209, 275. Son 
portrait, 89. D punit ]M">« de 
Berry, lui pardonne, chasse 
une de ses femmes de cham- 
bre, 94-97. Perd la duchesse 
de Bourgogne, le duc, le 
petit Dauphin, 99. Ne croit 
pas que son neveu les ait em- 
poisonnés, 100, 101, 108. Ne 
cause pas avec les courtisans, 
106. Travaille chez M"« de 
Maintenon avec les ministres, 
106. La disgrâce du comte 
de Gramont, 110. Sa passion 
pour M"*® de Maintenon, 112. 
Il passe en revue les demoi- 
selles de Saint-Cyr, 120. La 
famille royale, 121. Ses con- 
versations, 122. II ne prend 
pas le deuil de Frédéric P' 
de Prusse, 127. Son équité, 
132. Les parfums, 133. Bon 
mot, 138. Il ne parle plus du 
tout, 143. Mort du duc de 
Berry, 146. Sa colère contre 
une demoiselle noble qui 
change de religion, 148. Sa 
maladie et sa mort, 167-172. 
Ses dettes, 187. Pourquoi il 
fit la paix avec la Hollande. 
Pourquoi il lui déclara la 
guerre, 206. Empoisonne- 
ment de la première Madame, 
304, 305. Ne portait pas de 
cilice^ 312. 

II. 



Louis XV (le roi). II, 103, 104, 
155, 168, 170, 180, 181, 195, 
227, 228, 234, 244, 288, 336, 
347, 355. 

Louvois (M. de). I, 17, 98, .99, 
100, 111, 330, 339. U, 1, 50, 
73, 117, 189, 229, 338. 

LoDviLLE (M. de). I, 282. 

LuDE (la duchesse du). II, 322. 

LuDOLF (M.). I, 226, 227. 

LuDRES (M. de). I, 291. 

LuLU. II, 41. 

Ldnati (M.). I, 319. n, 204. 

LuTZELBOURG (le comtc de). H, 
331. 

Luxembourg (le maréchal duc 

de). 1,111, 219, 290, 292, 326, 
n, 51. 

Luxembourg (M. de). I, 251. 



M 



Madaillan (M. de). I, 98. 
Madame. Voy. Henriette (d'An- 
gleterre), et Élisabeth-Ciiar- 

LOTTE. 

Madame douairière. Voy. Marie- 
Jeanne DE Savoie-Nemours. 

Mademoiselle. Voy. Orléans. 

Mademolselle (la grande). Voy. 
Orléans. 

Maine (le duc du), I, 35, 71, 
72, 73, 83, 104, 126, 268, 
269.11,4,73,108,113, 123, 
154, 172, 190, 214, 222, 224, 
226, 228, 229, 235, 236, 238, 
241, 242, 261, 307, 310, 
311. 

Maiee (la duchesse du), I, 
268, 269. II, 73, 152, 191, 
214, 222, 224, 226, 235, 236, 
238, 241, 307, 310, 311, 316. 

22 



386 



INDEX. 



Maintenon (M»»» de), I, 42, 50, 
55, 56, 57, 59, 65, 68, 69, 
71, 72, 73, 83, 99, 100, 104, 
105, 107, 108, 109, 115, 120, 
139, 145, 149, 151, 155, 157, 
160, 161, 172, 184, 185, 193, 
198, 199, 201, 203, 206, 210, 
212, 215, 234, 235, 243, 248, 
260, 266, 267, 271, 272, 273, 
283, 289, 291, 292, 321, 325, 
348, 356, 357, 365, 377. 

II, 13, 26, 32, 35, 36, 39, 43, 
54, 77, 78, 88, 89, 96, 106, 
108, 112, 117, 120, 163, 167 
170, 171, 224, 226, 227, 229, 
230, 238, 242, 258, 263, 269, 
286, 301, 318, 319, 320, 340. 

Maladse (M"« do), 1, 162, 191, 

238. II, 23, 57, 326. 
Malbqrough (mylord), I, 324, 

338. II, 27, 49, 98. 
Malboroug (lady), II, 87, 98. 

Malézieu (M. de). I, 269. 
Malherbe. I, 291. 
MANcmi (Marie). II, 37. 
Mans (l'évêque du). Voy. Tres- 

SAN. 

Mansard. II, 2. 

Mansfeld (le comte de). I, 60. 

Mabgelli (M.). II, 334. 

Maréchal (le chirurgien). II, 
36. 

Marie Thérèse (la reine de 
France). I, 46, 53, 261, 308, 
309. 335. II, 23, 312. 

Marie Anne (de Neubourg), 
reine d'Espagne, puis reine 
douairière d'Espagne. I, 81, 
91, 152, 254, 259. II, 6, 166, 

239, 240. 

Marie Louise Gabrielle (de 
Savoie), reine d'Espagne 



l'« femme de Philippe V. I, 
278, 282, 283, 284, 332. H, 
8, 52, 69, 142, 143, 159, 352. - 

Marie Béatrix Éléonorb 
(d'Esté), reine d'Angleterre, 
2™* femme de Jacques H. I, 
94, 95, 132, 144, 154, 184, 
188, 209, 218, 243, 258, 270, 
296, 328, 348, 349. U, 80, 
118, 123, 142, 153. 

Marie (d'York), reine d'Angle- 
terre, femme deGuillaume III 
I, 96, 122, 144, 278. 

Marie Anne Victoire (l'in- 
fante) II, 354, 355. 

Marie Jeanne (de Savoie-Ne- 
mours), dite Madame douai- 
rière. II, 71. 

Marillac (le maréchal de). I, 
292, 

Marion (M.). II, 304. 

Maroc (le roi de). I, 244, 245, 

Marot (Clément). II, 81. 

Mar (mylord). II, 211. 

Marsan (le comte de). Il, 344. 

Marsillac (M. de). I, 11. 

Marsin (le maréchal de). 1, 352, 
356, 357, 358. II, 6. 

Martini (M.). H, 164, 335. 

Massillon (l'évoque de Cler- 
mont). n, 249. 

Masson (M™«). II, 87. 

Matignon (M. de). I, 298. 

Matta (M.). II, 111. 

Maubuisson (l'abbesse de). 
Louise-Hollandine , comtesse 
Palatine, tante de Madame. 
I, 29, 173, 238. II, 14, 259, 
266. 

Madlevrier (le chevalier de). I, 
376. 

Maurot (M. de). Supérieur des 



INDEX. 



387 



Pères de la Mission dos In- 
• vaUdes. I, 102, 403. 
Mazarin (le cardinal). II, 214, 

317. 
Mazarin (M"»" de). I, 238, 308, 
Meauk (M. de). Voy. Bossuet. 
Mecklembourg (le duc de). I, 

221. 
Mecklembourg (M™" de). 1, 16- 

n, 51. 
Medina-Céli (le duc de). I, 303. 
Meilleraye (la duchesse de la). 

II, 296. 
MÉLAC (M. de). I, 302. 
Melon (M"« de). I, 218. 11,241. 
Mergy (le général). I, 34. 
Mérian (le graveur). II, 259. 
Medve (la marquise de)? II, 

247. 
Meuvius (M.). I, 226, 232. 
Mieg (le vice-chancelier). 1, 303. 

n, 7. 

MiGNARD. I, 292. 

MoDÈNE (le prince de). II, 298, 

306. 
MoDÈNE(la princesse de). Voy. 

Valois (M**» de). 
MoDÈNE (la princesse de). II, 

303. 
MoLANUs (Fabbé) I, 118. 
Molière. I, 342. II, 141 
Monaco (M. de). I, 217, 253, 

255, 256. 
MoNGEON (M"*" de). I, 218. 
MoNTMOuTiï (le duc de) I, 44. 
Monseigneur. Voy. Dauphin 

(le). 

Monsieur. Voy. Orléans (Gas- 
ton d'). 

Monsieur. Voy. Orléans (Phi- 
lippe I, d'). 

Montausier (le duc de). I, 75. 



Montghevreuil (M"** de). 1, 68, 

69. 
Montespan (M"»» de). I, 7, 35, 

71, 72, 288, 291, 337. U, 2, 

50, 113, 191, 206, 226, 246, 

269,300,301,318,319,320. 
Montmorency (le duc de). I, 

292. 
Montmorency (M"" de). I, 69. 
MoNTPENSiER (M"« de), fille du 

régent. II, 43, 347, 352. 
MoRANGis (M. de). I, 44. 
MoRAS (M. de). Voy. Morel 

(l'abbé de). 
Moreau (Fanchon). I, 210, 244. 
MoREAU (M.). I, 291. 
Morel (l'abbé de). I, 51, 52, 

54, 59, 89, 274. 
Mothe (la maréchale de la). 

I, 13, 155, 158. II, 110. 
MoTUE (le comte de la). II, 2, 

110. 
MoTHE (M^i« de la). II, 110. 
MoucHY (M. de). II, 277. 
MoucHY (M'»^ de). U, 264, 276, 

277, 279, 280, 281. 



N 



Nangis (le marquis de). I, 25. 
Nassau-Weilbourg (les comtes 

de). I, 226, 227, 230, 231. 
Nassau- SiEGEN (le prince de). 

II, 332. 
Nassau - Siegen ( la princesse 

de), n, 296, 321, 332. 
Navailles (M. de). I, 320. II, 

233. 
Nebel (l'apothicaire). II, 16. 
Neitzschutz (M"® de). II, 243. 
Nemours (M*"® de). I, 155. II, 

138. 



f ' 



388 iRD 

NEtaoF(M.de), 11,29,329,330. 
Ntoyiux (M"" de lA). D, M. 
NEïeHs(M. de). I, 201. 
Neïehs (M"" de). I, 337. 
NniBTscR (le comle). 11,291,297. 
Nbon. Voy. Lesclob (M"* do). 
NocÉ (M. de), n, 278. 
KoAiLLEs (le duc de). I, 271, 

309. II, 336. 
NoAfLLES (la duchesse de). Il, 

169. 
KoArLLES Oe eardiiml de). II, 

3S3, 281, 321. 
NOGSPTT (M»" de). 1, 114. 



O (le comte d'). n, 9. 
OanECHT (M.). 1, 273. 
OoLmiORPE (oiylord). D, 133. 
Olbreusb (Éléonorc d"), du. 
chesse de Hanovre, fcinme 



Oldeubodhc (princesse d'). U, 

259. 
Orance (prince d"). Voy. Guil- 

ucuR m. 

OnA?«!B (prince Maurice d'), D, 
206. 

OnL^^s (Gaston d'), frire du 
roi Louis XIII, appelé Mon- 
sieur. J, 2iG. 

Okléaïs (Annc-iaarie-Louise 
d'), fille du précédent, ap- 
pelée la grande Mademoi- 
selle. I, 72, 73, 111, 113, 
114, 246. 

Ohlëams (Marguerite-I^uiee 
d'), grande durLnaso de 
Toscane, fillo du précédent. 
1, 16, 58, 157. U, 60, 05. 



Ouléads (Elisabeth d'); du- 
chesse de Guise, flUe du 
précèdent. I, 58, 141, 142 
II, 141. 

I^'d-), frère 



bon, 27. La m 

So réconcilie 
40-42. Est 
mort de sa 

ii. Est plus en faveur que 

Madame, 47. Est le maltro 

52. Sa 



jO"( 






58. Il aime r»rftenl, 59. La 
cabale, 01-64. Mariape du 
duc de Chartres, 71. Affaires 
du Palatinat, 75, 70. Il Teut 
donner d'Eflîat pour gi 



n fils, 1 



, Dia- 



logue avec Jai-ques II, 93, 
94. Il est dévot parce qu'il 
ïime les cérémonies, 103. 



miRuona, 121. Ressemble i 
Henri III, 125. Détresse dans 



INDEX, 



389 



laquelle il laisse Madame et 
ses enfants, 138. Ce qu'il 
fait de l'argenterie venue 
du Palatinat. Discours qu'il 
tient à Madame, 140. Il ne 
paie pas un peintre qui tra- 
vaille pour lui, 143. Joue à 
CoUin-Maillard avec la pe- 
tite duchesse de Bourgroprne, 
156. Ses gros diamants, 181. 
11 n'aime pas qu'on témoigne 
de la considération à sa 
femme, 188. A une tros- 
bonne santé, 216. Gaspille 
deux cent mille écus venus 
du Palatinat, 220. Est plus 
à plaindre qu'à haïr, 237. 
La goutte, 2551 Ne prodigue 
pas les louanges aux dames, 
259. Proteste contre le tes- 
tament du roi d'Espagne, 
266. Sa mort, 270-272. 

Les médailles d'Heidelberg 
II, 116. Use bat avec M"»** de 
Bouillon, 160. Bonne réponse 
que lui fait un chanoine, 
290. L'empoisonnement de la 
première Madame, 394, 305. 

Orléans (duchesse d'), appelée 
Madame, voyez Elisabeth- 
Charlotte. 

Ori.kaws (Philippe II d'), appelé 
d'abord le duc de Chartres. 
Son horoscope, I, 2. Son ca- 
ractère, 56. Il a honte des 
sottises faites à l'armée, 10 J . 
Son mariage, 103, lOi. Il 
est blessé, 109. Steinkcrke, 
110. Neerwinde, 115. Il s'oc- 
cupe de balivernes, 121. A 
la fièvre, 127. Son père le 
plonge dans les débauches, 



138. n est grand ami de Ni- 
non, 193. Danse au bal mas- 
qué, 217, 218. Peint une 
Antigène, 237. A le génie de 
la peinture, 249. Chagrin 
qu'il cause à sa mère, 249. 
II ne retire 'que honte do 
son mariage, 209. Est un 
brave garçon, 273. Laisse sa 
mère sans argent, 304. Fait 
un opéra, 314. N'est pas de 
l'avis de Leibnitz, 344. Sa 
joie d'aller en Italie pour y 
commander en chef, 351, 
353. Prend la chose à cœur, , 
355. Turin, 356, 357. Ses 
lettres à Madame, 364, 366, 
368, 370, 373, II 6. Campagne 
d'Espagne, 364-375, II, 3. 

Ses qualités, II, 4. Ses 
goûts, 13. Il est calomnié 
par la princesse des Ursins, 
28, 29. Brise avec sa maî- 
tresse, 44. Mariage de sa 
fille aînée avec le duc de 
Berry, 53, 54. Il fait une 
chute de cheval, 03, 64. 
Assiste à une semonce que 
Madame fait à la duchesse 
de Berry, 89. Est trop in- 
dulgent pour celle-ci, 91. 
Intercède pour elle, 94-96. 
Est accusé d'empoisonné - 
•ment, 100-108. Aime les 
sciences, 101. Les fées de 
son baptôme, 101, 102. Il 
est détesté à Paris, 105-107. 
Ce qu'on affiche au Palais- 
Royal, 107. Il s'enivre, 109. 
Reconnaît ses torts, mais ne 
se corrige pas, 112. Se ruine 
à cause de M™'' de Berry, 1 23 



I ■ 



Brouille avec M"* de Beny, 
134, 135. L'abbé Dubois, 136. 
Il ne vient voir sa mère 
qu'une demi - heure , 156. 
S'évanouit, 156. Inimitié de 
M"" des Ursins, 163. Mort 
du roi, 16S, 169. Ia Régence, 
169-172. Relations avec l'An- 
gleterre, 175, 176, 178. Est 
parrain d'uoe princcsBC de 
Prusse, 1S3. Remet do l'ar- 
dre dans les flnances,' 187. 
Pourquoi il n'est paa aimé, 
190. Il ne se garde pas assez 
des méchantes gei>s, 191. Ses 
maîtresses, ses débauches 
19i-196. Sa aile alnéo et sa 
femme, 202,203. 11 n'est pas 
assez riche pour marier ses 
ûllea & des princes, 208. In- 

gleterre et le prince do Gal- 
les, 214. Le Parlement, 214. 
Son désintéressement, 2lli, 
Le Parlement, le duc et la 
duchesse du Maine, 222. Il 
lient un israûlite sur les 
fonts, 224. Souvenir d'Es- 
pagne, 228. Menées du duc 
du Haine, 229. Conjuration 
de Cellamare, 232, 233, 235, 
236,241. Sa femme, 245, 246. 
Il travaille horriblement, 
247. S'amuse, 251. Fait arrê- 
ter le duc do Richelieu, 252. 
Los finances, 250. Comj^ot 
contre »aïie,258.Ilest trop 
hon, 261 . Mort du la duchesse 
de Berry, 271, 273. Les 
dettes de M""" de Berry, 276. 
Il eiile M""' de Mouchy, 
277. Ses compagnons de 



plaisir, 278. Il augmente le 
revenu de sa mère, 281. 
Cérémonies de Chelies, 282- 

285. Ses bâtards, 292. Le 
bal de l'Opéra, 294. Propos 
dupopulaire, 314, 315. Fin du 
système. 322, 323, 325, 326, 
328, 331. Il est très bien 
avec sa mère, 338. Mariage 
de M"" de Montpensier, 347- 
Il rompt avec sa maîtresse, 
361. 

OniiANS (M"" la duchesse d'). 
M'i'DB Blois. 1,71, 103, 104, 
114,116, im 157,182, 
205, 218, 314, 317. 

II, 4, 10, î, 54, 89, 

04,95,96 113,135, 

146, 151, 190, 192, 

203, 207, 210, 226, 

228, 233, 243, 245, 

246,252,262,267,271,282, 
293, 298, 301, 303, 318, 320, 
331, 347. 

Orléans (Marie-Louise d'), ap- 
pelée Mademoiselle , reine 
d'Espagne. I, 9, 19, 25, 60, 

10, 76, 80, 81, 91, 152, 162. 

11, 352. 

Orléans (Anne-Marie d'), appe- 
lée Mademoiselle, duchesse 
de Savoie, reine de Sicile, 
puis de Sardaigne. I, 15, 17, 
70. II, 52, 98, 99,128, 161,, 
162,166,217,225,278,352. 

Orléans (Elisabeth -Cbarlolto 
d'), appelée Mademoiselle, 
duobesso de Lorraine. 1, 104, 
105,138,139,147,149,151, 
150, 159, 162, 164, 167, 181, 
185, 187, 205, 208, 209, 224. 
226, 2i2, 245, 248, 324, 355, 



INpEX. 



391 



II, 51, 55, 82, 166, 169, 192, 
200, 202, 20i, 207, 238, 242, 
243, 291, 327, 3i0, 360, 361. 

Orléans (M"" d'), abbesse de 
ChcUes, deuxième fille du 
régent. I, 205. II, 180, 182, 
199, 205, 228, 264, 260, 267, 
281, 282-285, 298. 

Orléans (le chevalier d'), bâ- 
tard du régent. II, 164, 291, 
294, 303. 

Ormond (le duc d'). II, 133. 

OsTFRiESLAND (la duchcsso d'). 
1, 147. 



Parme (le duc de). II, 293. 
Parme (la princesse de). Voy. 

ÉUSABETU FaRNÈSE. 

"Palatlne (la princesse). Voy. 
Anne oe Gonzague. 

Palatine (Télectrico douai- 
rière) , veuve de Philippe- 
Guillaume. II, 34. 

Pape (le). Voy. Clément XI. 

Paris (l'archevêque de). Voy. 
Harlay de Chanvallon. 

péletier (m.). i, 49. 

Pélisson. I, 342. 

Peterborough (mylord). 1, 351, 
li, 159, 186, 188. 

Pflug (M"»" de). I, 216. 

Philippe V (le roi d'Espagne), 
duc d'Anjou. 1,67,106, 182, 
183, 217, 239, 253, 260,261, 
262, 268, 282, 283, 284,288, 
303, 304,319,349, 351,357. 
II, 2y, 50, 61,62,66,69,83^ 
103,142,143,149,151, 153, 
159,173, 181,183,197,217, 
218, 229, 243, 347. 



Philippe-Guillaume (l'électeur 
palatin). I, 77. 

Piémont (le prince de). II, 225. 

PiENNEs (M"« de). I, 25, 26. 

Pierre II (le roi de Portugal). 
I, 241, 319. 

Pierre (le czar). I, 171, 224. 
11,37,38,183,184,197,218, 
257. 

Platen (le comte de). I, 363. 
U, 144. 

Platen (M°»« de). 1, 128. 

PoELLNiTz (le baron de). II, 114, 
124, 241. 

Poisson (M.). 1,343. 

PoLiER (M.). II, 236. 

PoLiGNAG (la marquise de). JI, 
357, 358. 

PoLiGNAC (l'abbé de). I, 172, 
178. 

Pologne (le roi de). Voy. Frédé- 
ric-Auguste. 

PoMEREU (M. de). I, 289. 

Pompadour (le marquis de). II, 
233. 

PoNTCALLEC (le marquis de). II, 
296. 

PoNTCHARTRAm (M"*® de). I, 
156. 

PoRTLAND (mylord). 1, 170, 187, 
188, 189, 229. 

PoRTSMouTU (M™'' de), I, 55, 
94. 

Portugal (le roi de). Voy. 
Pierre II. 

Préco^tal (M. de). I, 307. 

Pressenville (M"** de). I, 164. 

Prusse (le roi de). Voy. Fré- 
déric I. 

Prusse (la reine de). Voy. So- 
phie-Charlotte et Sophie- 
Louise. 



« ' 



392 



INDEX. 



Prusse (le roi de). Voy. Fré- 

DÉRIC-GUILLADME I. 

Prusse (le prince royal de). 
Voy. FRÉDi^.RiG - Guillaume I. 
Prusse (la reine de). Voy. Se- i 

PHIE-DOROTHÉE. 1 

Prusse (la princesse royale de). 

Voy. Sophie-Dorothée. 
PuY (M. du). I, 212. 

Q 

QuÉLUS (M"« de). II, 120. 
QUENAUDT (M.). II, 128. 
Quesnel (le père). II, 136. 
QUINAULT. I, 331. 

R 

Rabelais. I, 292. 

Racine. I, 292. II, 37, 165. 

Ragotzki (le prince). II, 227. 

Ragotzki (la princesse). II, 
351, 353, 354. 

Raimond (M"»«). II, 315. 

Raisin (La). I, 268. 

Rathsamhausen (M""* de).1, 295, 
301. II, 20, 181, 329. 

Rathsamhausen (M'*« de). 1, 168. 
II, 148. 

Raugrave (La). Voy. Degenfeld 
(M"* Louise de), Caroline 
et Amélie-Élisareth. 

Raugrave (Le). Voy. Charles- 
Louis et Charles-Maurice. 

Razilly (M. de). I, 214, 215. 

Regnard. I, 117. 

RÉGNIER (l'abbé). H, 132. 

Reims (l'archevftque de). Voy. 
Tellier. 

Reine (La). Voy. Marie -Thé- 
rèse. 



Reine-Duchesse (La). Voy. Lor- 
raine. 
Retz (le duc de). II, 359. 
Retz (la duchesse de). Il, 359. 
Reynie (M. de La). I, 116. 
Richelieu (le cardinal de). I, 

292. n, 230. 
Richelieu (la duchesse de). I, 

280. 
Richelieu (la marquise de). I, 

238, 286. II, 58. 
Richelieu (le maréchal duc de). 

II, 252, 253, 260, 261, 262, 

263, 286, 287, 359. 
RiCKARD (M"« de). II, 216, 217. 
Rioms (M. de). II, 279, 280, 

281, 359. 
Robert (le comte palatin), oncle 

de Madame. I, 328. II, 111. 
RocHEBRUNE (M. de). I, 5. 
Rochefoucauld (le duc de La). 

II, 137, 138. 
RocHEGUDE (le marquis de). II, 

173. 
Roche-sur- YoN (le prince de 

La). I, 25. 
RoHAN (le cardinal de). II, 241. 
Rohan (le prince de). II, 261. 
RoHAN (le chevalier de). II, 72. 
Roi (Le). Voy. Louis XIV et 

Louis XV. 
Romains (le roi des). Voy. 

Joseph I. 
Romains (la reine 4es). Voy. 

Wilhelmine-Amélie. 
RoMY (M"« de). I, 162. 
RoNGÈRE (M. de La). I, 92, 93. 
Rosière (M>°« de). II, 179. 
RouRE (la comtesse du). II, 140. 
Rousseau (le peintre). II, 324, 

328. 
Roye (la comtesse de). II, 180. 



INDEX. 



393 



Rote (le chevalier de). Il, 180. 
Rue (le père de La), n, 288. 
RussEL (mylord). I. 351. 
RoviGior (M. de). I, 318, 341. 



Sabran (la marquise de). II, 

257, 258. 
Saint-Albin (l'abbé de). II, 288, 

291, 294, 297, 3i7. 
Saint-Ghamand(M. de). 1, 25,26. 
Saint-Étienne (M"o de). II, 355, 

356. 
Saint-Évremond (M. de). 1, 238, 

308. 
Saint-Georges (te chevalier de). 

Voy. Jacques Stuart. 
Saint-Pierre (le père de). H, 

19, 180, 269. 
Saint-Pierre (l'abbé de). II, 86, 

180. 
Saint-Simon (le duc de), n, 188. 
Sale (Saint-François de). 1, 329. 
Sanzay (M. de). II, 128. 
Sardaigne (la reine de). Voy. 

Orléans (Anne-Marie d*). 
Sassetot (M™" de). II, 276. 
Savoie (le duc de). Voy. Victor- 

AvÉDtE II. 

Savoie (la duchesse de). Voy. 

Orléans (Anne-Marie d'). 
Savoie (la princesse de). Voy. 

Bourgogne (la duchesse de). 
Savoie (le prince Philippe de). 

I, 55. 

Saxe (le prince électoral de). 

II, 331. 

Saxe (Félectrice douairière de). 

II, 193. 
Saxe-Gotha (le prince de). 

I, 221. 



Saxe (le comte Maurice de), 

I, 221, II, 353. 
ScQAUB (le chevalier). II, 351. 
ScHtLM (M"® de). I, 234. 
êcHLiEBEN (le comte de). II, 

240, 353. 
ScHOMBERG (lo maréchal duc 

de). I, 27, 92. II, 92. 
ScHOMBERG (lo duc Meiuhard 

do). I, 101, 148, 174, 248, 

251, 252,318.11, 21,57,132, 

133, 158, 274, 279. 
ScHOMBERG (lo comto Frédéric 

de). I, 251. 
ScnuLLEMBOLRG (M"« de). II, 

203 
SCHULTES (M.). I, 354. 
Schctz (M.). II, 7. 
ScuDÉRY (M"« de). I, 342. 
ScuDÉRY (M"»* de). II, 88. 
SÉBASTIEN (le père). II, 47. 
Ségur (le marquis do), II, 292. 
Séhu (Tertulien). I, 250. 
Seignelay (M. de). II, 103, 

141. 
Sekelton (M.). I, 307. 
Séméac (M"° de). I, 69. 
Séry (M"« de). II, 164, 292. 
Sessac (M. de). I, 167. 
Seyler (M.). II, 7. 
SHREwsBrnY (la duchesse de). 

II, 157, 204. 
Siam (lo roi de). I, 323. 
Sicile (la reine de). Voy. Or- 
léans (Anne-Marie d'). 
Sicn.E (le prince de). II, 161, 

166. 
SrvsAxcT (M. de). ? I, 30, 36. 
SiMZENDORFF (la comtcssc de). 

I, 362. 
Sophie (la duchesse), de Ha- 
novre. L'opinion qu'on a 



394 



INDEX. 



d'elle à la cour. I, 5. Elle 
souhaite que le diable em- 
porte tous ceux de la ca- 
bale^ 7. Uopinion qu'en a 
le roi, 14. Elle réclame ses 
lettres qui sont à Heidel- 
berg, 52. Porte des fontan- 
ges, 65. Veut savoir si Mon- 
sieur est dévot, 103. Propos 
qu'elle tient sur le compte 
du roi Guillaume, 130. Com- 
munique à Madame une 
lettre de Leibnitz, 132, 154. 
Parle l'anglais et le hollan- 
dais dans la perfection, 187. 
Est malade, 223^ "224. Com- 
pare la France, l'Anglegle- 
terre et la Hollande à la sainte 
Trinité, 254. Fait cadeau à 
Madame d'un cachet qu'ad- 
mirent tous les savants de 
Paris, 258. La succession 
d'Angleterre lui échoit, 267. 
Rit de bon cœur en voyant 
son neveu ivre, 280. On lui 
envoie trois savants pour la 
distraire pendant qu'on fait 
les obsèques de sa fille, la 
reine de Prusse, 332. Propos 
qu'elle tient à l'électeur de 
Bavière, II, 40, 41. A quatre- 
vingts ans elle danse une 
allemande avec son potit- 
flls, 65. Les mémoires de 
Gramont l'amusent, 111. Sa 
mort, 149. Elle tient une 
mort subite pour la meil- 
leure, 150. N'était pas bien 
avec son petit-fils Georges, 
199. 
Sophie-Charlotte (la reine de 
Prusse), 2® femme de Fré- 



déric I. I, 17, 47, 97, 256, 
262, 264, 289, 311, 329, 330, 
331, 332. II, 41, 114. 

Sophie-Louise (la reine de 
Prusse), 3« femme de Fré- 
déric L II, 126, 127. 

Sophie-Dorothée (la princesse 
d'Ahlden), femme de Geor- 
ges I. I, 297, II, 201. 

Sophie-Dorothée (la princesse 
royale, puis reine de Prusse), 
femme de Frédéric-Guil- 
laume I, fille de Georges I. 
I, 354. n, 126, 130,201. 

SoissoNS (Olympe Mancini, 
comtesse de). I, 95, II, 50. 

SoLiGNAC (M"»* de). II, 357. 

SoLHS (la comtesse de). II, 245. 

SouBiSE (le prince de). II, 261. 

SouRDis (M. de). I, 5 

Spanheim (M.). 1, 185, 186, 187, 
189. 

Spanheim (Mlle). I, 306. 

Spinosa. I, 354. 

Squinqdinelle (la danseuse de 
corde). I, 303. 

Stairs (mylord). II, 160, 174, 
178, 225j 226, 263, 315. 

Stanhope (mylord). II, 66. 

Stanislas (Leczinski, le roi de 
Pologne). I. 370. II, 151. 

Stdbenvoll (Mlle de). II, 130. 

Suède (le roi de). Voy. Char- 
les XII. 

Suède (la reine douairière de). 

Voy. Hedwig Éléojnore. • 

SoNDERLANO (mylord). II, 87. 



Tarbnte (la princesse de), I, 
6î, 82, 347. II, 259. 



INDEX. 



395 



Taucitb (la princesse de), la Taivis (l'électeur de). H, 204, 

jeune. I, 347. { 290. 

Tallard (le maréchal de). I, ; Taévocx (Mme de). II, 330. 

307, 315, 316, 317, 319, . Tmcra (le maréchal de). I, 2. 

325. I 292, n, 304, 305. 

Teluer (Tarchevêque de j Ti:RExxE(le prince de). I, 110. 

Reims Le). I, 60. H, 185. 
Tellier (le père Le). II, 288. 



TÉRAT(le chancelier). I, 87, 88. 
Tesec (l'abbé de), h 211, 216, 

219, 225, 257, 267, 295, 298. 
Tessé (le maréchal de). I, 353. 

n, 26, 144, 227. 
Testard (Mlle). II, 134. 
Théobon (MUe de). I, 20, 32, 

33, 34, 35, 36, 83, 84. D, 

341. 
Thiange (le marquis de). H, 

317. 
Thorignt (M. de). I, 20. 
Tilladet (le chevalier de). I, 

13. 
TiQUET (M.). I, 222,223, 231. 
TiQUET (Mme). I, 223, 231. 
ToEUVER (M.) I, 255. 
TonnerrÎb (M. de). II, 57. 
ToRCT (M. de). I, 308, 314, 

316, 330. II, 24, 189, 297, 

327, 338. 
Toscane (la grande duchesse 

de). Voy. Orléans. 
ToscANF (la princesse de). I, 

98. 
Toulouse (le comte de). 1, 139, 

149, 269, 317. II. 4, 122, 

123, 154, 190, 226. 
Tourbes (Mlle de). I, 218. 
TowNSEND (mylord). H, 24. 
Trémoille (le prince de la). I, 

81,82,347.11,213. 
Tressan (Louis de). Évoque du 

Mans. I, 60. 



U 

ULRiQrE Éléoxore (la reine de 
Suède). II. 244. 

URBAHf (le père). I, 322, 323. 

Ursks (la princesse des). I, 
126, 284, 357. n, 28, 29, 69, 
101, 142,149,153,158,159, 
163, 233, 238, 242, 293. 

USSI5GEN (la princesse de), n, 
256. 

UzÈs(leduc tf). 1,253. 

UzÈs (la duchesse d'). I, 253. 

UzÈs (Mlle d'). I, 100. 



Valbel(M. de). I, 9. 

Vale-vtdîois (le duc de), I, 
217. 

Vallière (M. de la). I, 217, 
218, 317. 

Vallière (Mme de la). I. 288* 
11,304, 

Valois (Mlle de), fille du ré- 
gent. U, 164, 165, 191, 205, 
213,225, 262,267,282,285, 
292, 298, 299, 303, 306, 319, 
334, 

Valsemé (M. de). I, 318. 

Varennb (M. de). I, 304. 

Vaudemont (le prince de). II, 
177. 

Vaudemont (M"« de). I, 65. 
Vaucresson (M. de). II, 185.