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Full text of "Correspondance, entretiens, documents"

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SAINT 
VINCENT   DE    PAUL 

CORRESPONDANCE 
TOME    I 


Reproduction  d'un  tableau  qui  a  appartenu  à  la  reine  Anne  d'Autriche,  puis  à  l'hôtel 

des  Invalides  et  appartient  aujourd'hui  à  la  maison-mère  des  Prêtres  de  la  Mission, 

gS,  rue  de  Sèvres,  Paris.  Ce  tableau  a  été  fait,  au  dire  des  experts,  du  temps  de  saint 

Vincent  de  Paul  par  un  peintre  qui  avait  le  saint  sous  les  yeux. 


SAINT 

VINCENT    DE    PAUL 

CORRESPONDANCE 

ENTRETIENS,     DOCUMENTS 

I 

CORRESPONDANCE 

TOME  I  (1607  —  1639) 

ÉDITION     PUBLIÉE    ET    ANNOTÉE 

PAR 

PIERRE     COSTE 

PRÊTRE     DE    LA    MISSION 


PARIS 

LIBRAIRIE  LECOFFRE.  J.  GABALDA,  ÉDITEUR 

90,    RUE    BONAPARTE,    90 
1920 


A 

MONSIEUR    FRANÇOIS    VERDIER 

SUPÉRIEUR    GÉNÉRAL 

DE    LA    CONGRÉGATION    DE    LA    MISSION 

ET 

DE    LA    COMPAGNIE    DES    FILLES    DE    LA    CHARITÉ 


NIHIL   OBSTAT 

Clément  Vidal,  Prêtre  de  la  Mission, 
Emile   Neveut,  Prêtre  de  la  Mission. 


PERMIS  D'IMPRIMER 

Paris,  i8  novembre  1919. 
F.  Verdier, 

Swp.  gén. 


HilKi     5  1956 


IMPRIMATUR 
Parisiis,  die  19*  novembris  1919. 

Ed.  Thomas, 

Vie.  gén. 


LETTRE  DE  M    VERDIER 


SUPERIEUR    GENERAL  DE    LA  CONGREGATION    DE    LA    MISSION 


Paris,  le  17  février  1920. 

Monsieur  et  bien  cher  Confrère, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Vous  avez  entrepris  et  vous  venez  de  conduire  à 
bonne  fin  un  beau  et  consciencieux  travail  destine'  à 
mieux  faire  connaître  saint  Vincent  de  Paul  par  la 
publication  de  ses  lettres. 

Le  premier  recueil  imprime' remonte  à  1880;  il  est 
près  d'être  épuisé  ;  surtout  il  présente  bien  des  lacunes. 
Plus  complet,  le  vôtre  contiendra  plusieurs  centaines 
de  lettres  inédites,  ou  connues  seulement  en  partie, 
qui  avaient  échappé  aux  recherches  de  votre  prédé- 
cesseur. Vous  y  ajoutez,  et  l'.innovation  est  heureuse, 
les  lettres  reçues  par  le  saint. 

Après  avoir  rappelé  qu'au  lendemain  de  sa  mort,  on 
estimait  à  trente  mille  le  nombre  de  ses  lettres,  et  que 
Collet,  au  dix-huitième  siècle,  avait  pu  en  consulter 
près  de  sept  mille,  l'éditeur  de  1880  ajoute,  non  sans 


—   VIII   — 

quelque  mélancolie  :  «  Il  nous  en  reste  aujourd'hui 
deux  mille  cinq  cents;  les  autres,  hélas  !  sont  à  jamais 
perdues  ou  enfouies  dans  quelques  archives  particu- 
lières. Si  incomplète  que  soit  cette  collection  quand 
on  la  compare  à  ce  qui  a  péri,  on  n'a  négligé  aucun 
moyen  de  Tenrichir,  et  il  reste  désormais  peu  de 
chances  de  l'accroître  d'une  manière  notable.   » 

Vous  n'avez  pas  voulu  faire  vôtre  cette  résignation; 
et  s'il  est  vrai  que  la  fortune  aide  les  audacieux,  il 
n'est  pas  moins  vrai  que  la  Providence  récompense 
les  persévérants.  Vous  en  êtes  un  exemple  encoura- 
geant. Vous  avez  cherché  beaucoup,  longtemps  et 
partout,  jusqu'en  Amérique,  et  vous  avez  fait  de  pré- 
cieuses découvertes:  précieuses  par  le  grand  nombre 
de  lettres  nouvelles,  précieuses  par  la  valeur  intrin- 
sèque de  plusieurs  d'entre  elles.  Ces  découvertes 
vous  ont  permis  de  compléter  telle  lettre  dont  on  ne 
possédait  qu'une  partie,  de  mieux  dater  telle  autre, 
de  rectifier  le  nom  de  tel  destinataire,  jusque-là  incer- 
tain, parfois  erroné. 

Vous  avez  su  chercher  et  trouver;  vous  avez  su 
lire  ;  de  telle  sorte  que  vous  nous  restituez  le  texte  de 
saint  Vincent  dans  sa  parfaite  intégrité.  C'est  bien  le 
saint  qui  parle  toujours  et  qui  toujours  nous  redit  ce 
qu'il  a  voulu  dire  à  ses  correspondants,  et  de  la  ma- 
nière, formes  et  expressions,  dont  il  a  voulu  le  dire. 

Je  suis  heureux  de  vous  en  remercier.  A  mieux 
connaître  les  grands  hommes,  on  les  apprécie  mieux; 
et  s'ils  sont  vraiment  grands  hommes,  on  les  aime 
davantage.  Saint  Vincent  a  sa  place  marquée  parmi 
ces  véritables  grands  hommes  :  l'Église  le  reconnaît 
et  le  proclame  comme  un  de  ses  héros,  et  son  pays  le 


—   IX   — 

compte  parmi  ceux  de  ses  enfants  qui  l'honorent  le 
plus. 

La  lecture  de  ses  lettres,  où  il  se  peint  lui-même, 
le  fera  mieux  connaître,  partant  le  fera  aimer.  A  le 
mieux  connaître  et  à  l'aimer,  vos  lecteurs,  ou  plutôt 
les  siens,  se  sentiront  devenir  meilleurs.  Je  ne  parle 
pas  du  plaisir  spécial  qu'e'prouveront  les  amateurs 
des  choses  de  l'esprit,  connaisseurs  de  l'histoire  et 
des  mœurs  de  l'époque  où  vécut  le  saint. 

Cet  intérêt  d'édification  et  d'érudition,  ce  ne  sont 
pas  seulement  les  enfants  de  la  famille  spirituelle  de 
saint  Vincent  de  Paul  :  congrégation  de  la  Mission 
et  Filles  de  la  Charité,  qui  seront  à  même  de  le  goû- 
ter ;  les  grandes  associations  qui  se  réclament  de  son 
nom  :  dames  de  la  Charité,  conférences  de  Saint- Vin- 
cent, d'autres  encore,  moins  connues,  mais  non  moins 
attachées  à  son  nom  comme  à  son  esprit,  l'y  trouve- 
ront également. 

Enfin  le  public  lettré  lui-même  aura  toute  facilité 
de  faire  connaissance  plus  intime  avec  ce  grand 
homme  et  ce  grand  saint.  Votre  ouvrage,  en  effet, 
s'il  apporte  un  heureux  démenti  aux  regrets  découra- 
gés du  précédent  éditeur  au  sujet  du  nombre  des 
lettres,  donne,  par  ailleurs,  satisfaction  à  son 
désir  de  rendre  public  ce  trésor.  «  Un  tel  ouvrage, 
dit-il,  parlant  de  son  recueil,  s'il  était  livré  au  public, 
ne  pourrait  manquer  d'exciter  l'intérêt  des  lecteurs, 
auxquels  il  offrirait  un  nombre  considérable  de  docu- 
ments aussi  précieux  qu'éditants  et  presque  tous 
inédits.  » 

Ce  vœu  est  désormais  rempli,  et  bien  rempli, 
grâce  à  votre  publication. 


—   X   — 

Il  me  reste  à  souhaiter  à  votre  travail  la  plus  large 
diffusion  ;  et  ce  souhait,  c'est  de  tout  cœur  que  je  le 
forme,  comme  aussi  c'est  en  toute  confiance  que  j'en 
attends  la  re'alisation. 

Croyez-moi  toujours.  Monsieur  et  bien  cher  Con- 
frère, votre  tout  dévoué  en  Notre-Seigneur. 

F.  Verdier, 
Supérieur  général. 


INTRODUCTION 


Saint  Vincent  de  Paul  a  beaucoup  agi.  Il  a  aussi 
beaucoup  écrit.  Un  homme  d'action  est,  par  la  force 
des  choses,  un  homme  de  relations.  Et  plus  les  rela- 
tions sont  nombreuses,  plus  abondante  est  la  corres- 
pondance qui  sert  à  les  entretenir. 

On  évalue  à  plus  de  trente  mille  le  nombre  des 
lettres  qui  sont  sorties  de  la  plume  du  saint  ou  de  ses 
secrétaires.  Au  témoignage  de  Collet*,  il  en  restait 
de  six  à  sept  mille  en  1748.  Après  plus  de  trois  siècles, 
ce  trésor  s'est  considérablement  appauvri.  Nous  ne 
pourrions  même  pas  en  éditer  aujourd'hui  mille  huit 
cents  si  nous  nous  en  tenions  aux  lettres  dont  nous 
avons  le  texte  complet. 

De  tous  les  correspondants  de  Vincent  de  Paul,  nul 
ne  fut  en  relations  plus  suivies  avec  lui  que  Louise  de 
Marillac.  Ce  recueil  renferme  environ  quatre  cents 
lettres  du  saint  à  sa  pieuse  collaboratrice.  Le  plus 
favorisé  après  elle  est  Firmin  Get,  supérieur  de  la 
maison  de  Marseille,  à  qui  reviennent  cent  cinquante 
lettres.  Jean  Martin,  supérieur  à  Turin,   en  a,  pour 


I.   La  Vie  de  saint   Vincent  de  Paul,  Nancy,  1748,  2  vol.  in-4,  t.  I, 
p.   IV. 


XII 


sa  part,  près  de  cent  trente  ;  Edme  Jolly,  supérieur  à 
Rome,  près  de  cent  vingt;  Charles  Ozenne,  supérieur 
à  Varsovie,  près  de  cent;  Etienne  Blatiron,  supérieur 
à  Gênes,  près  de  quatre-vingts.  Puis  viennent  par 
ordre  Bernard  Codoing,  le  frère  Jean  Parre,  Antoine 
Portail,  Louis  Rivet,  Jacques  Pesnelle,  Marc  Coglée, 
tous  membres  de  la  congrégation  de  la  Mission.  Le 
saint  se  fit  une  règle,  durant  plusieurs  années,  d'écrire 
chaque  semaine  aux  supérieurs  des  maisons  de  Mar- 
seille, Rome,  Gênes,  Turin,  Varsovie  et  à  d'autres -, 
et  il  y  était  fidèle,  même  lorsqu'il  n'avait  rien  à  dire  3. 
Aussi,  en  bien  des  cas,  les  dates  des  lettres  qui  nous 
restent  nous  permettent-elles  de  deviner  presque  à 
coup  sûr  les  dates  de  celles  qui  sont  perdues. 

Vincent  de  Paul  ne  cessa  jamais,  sauf  quand  la  ma- 
ladie l'en  empêchait,  d'écrire  de  sa  main  à  Louise  de 
Marillac.  Jusqu'en  1645,  il  fit  lui-même  toute  sa  cor- 
respondance. Débordé  par  les  occupations,  il  prit 
pour  secrétaire,  cette  année-là,  son  compatriote  le 
frère  Bertrand  Ducournau^,  qui  avait  de  l'instruction, 
écrivait  bien,  aimait  le  travail  et  unissait  à  un  juge- 
ment sûr  un  dévouement  sans  limites.  L'année 
d'après,  le  frère  Louis  Robineau  fut  nommé  second 
secrétaire.     Les     lettres     qui      nous     restent     sont 


2.  Voir  les  lettres  du  i6  novembre  i658  au  frère  Jean  Parre,  du  9  oc- 
tobre 1643  à  Bernard  Codoing,  du  14  septembre  1646  à  Jean  Martin,  du 
3  mai  i652  à  Lambert  aux  Couteaux,  du  2  janvier  1654  à  Etienne  Bla- 
tiron, du  li  octobre  i655  à  Charles  Ozenne,  du  21  décembre  1657  à  An- 
toine Durand.  En  i658,  Vincent  de  Paul  n'écrivait  plus  à  Charles  Ozenne 
que  tous  les  quinze  jours.  (Cf.  lettre  du  18  janvier  i658.) 

3.  Voir  la  lettre  du  12  octobre  ibSy  à  Charles  Ozenne  et  une  autre  non 
datée  au  frère  Jean  Parre,  'qui  trouvera  place  parmi  les  lettres  de  no- 
vembre i658. 

4.  La  première  lettre  écrite  par  le  frère  IDucournau  est  celle  du 
3  mai  164S  à  Jacques  Chiroye. 


—   XIII    — 

presque  toutes  de  l'écriture  de  Vincent  de  Paul  ou  de 
ces  deux  frères.  La  transcription  des  lettres  circulaires 
était  confiée  à  des  secrétaires  d'occasion. 

Le  saint  dit  parfois  qu'il  dicte  ses  lettres-^  Etait-ce 
chez  lui  une  habitude,  et  ce  mot  dictei^  a-t-il  dans  son 
esprit  le  sens  absolu  qu'on  lui  donne  couramment? 
On  ne  peut  s'empêcher  de  constater  une  différence 
sensible  entre  le  style  des  lettres  écrites  de  sa  main  et 
de  celles  qui  sont  simplement  revêtues  de  sa  signa- 
ture. Les  premières  ont  un  tour  plus  concis,  plus 
mâle,  plus  vif;  elles  portent  davantage  l'empreinte 
du  supérieur  qui  détient  l'autorité  et  a  conscience  de 
sa  responsabilité  ;  on  y  sent  mieux  le  langage  d'un 
homme  qui  parle  en  son  nom  personnel  ;  leur  lecture 
est  plus  attachante. 

Sa  lettre  finie,  saint  Vincent  la  relisait,  faisait  les 
corrections  qu'il  jugeait  utiles,  signait  et  ajoutait  en 
post-scriptum  ce  qu'il  avait  oublié.  Puis  il  la  pliait  et 
la  cachetait.  Le  sceau,  qu'on  peut  voir  en  tête  du 
volume,  représentait  le  Sauveur  évangélisant  les 
pauvres.  Tout  autour,  les  mots  Superior  Ge7ieralis 
Congreg.  Missiouis  indiquaient  extérieurement  la 
provenance  de  la  lettre. 

Ses  grandes  occupations  laissaient  au  saint  peu  de 
temps  pour  sa  correspondance  ;  aussi  le  vo3^ons-nous 
utiliser  jusqu'aux  moments  libres  qu'il  passait  hors 
de  sa  demeure^.  Il  dit  lui-même  dans  une  de  ses 
lettres  qu'il  l'écrivait  en  pleine  rue".  Il  prenait  sou- 


5.  Voir  les  lettres  du  21  juin  i653  à  Emerand  Bajoue,  du  lo  août  1657 
à  Edme  Jolly  et  du  24  août  ibSg  à  François  Feydin. 

6.  Voir  les  lettres  du  3o  juin  i656  à  Jean  Martin,  du  25  octobre  i658  à 
Firmin  Get  et  du  26  juin  1654  au  même. 

7.  Lettre  du  28  juillet  i65i  à  Jean  Martin. 


—   XIV   — 

vent  sur  son  repos,  et  parfois,  brisé  de  fatigue,  il  s'en- 
dormait en  écrivant;  l'écriture  de  plusieurs  lettres  se 
ressent  visiblement  de  l'influence  du  sommeil^. 

Avant  1689,  la  date  suit  toujours  la  signature,  sauf 
quand  la  place  a  manqué  au  bas  de  la  page^;  à  partir 
de  1640,  elle  est  toujours  en  tête^o.  Les  lettres  à 
Louise  de  Marillac  ne  sont  datées  que  lorsqu'elle  est 
en  voyage,  ou  que  le  saint  lui-même  est  absent  de 
Paris.  Quand  la  date  manque,  elle  est  assez  souvent 
remplacée  par  Tindication  du  jour  de  la  semaine. 

Les  lettres  aux  missionnaires  et  aux  sœurs  com- 
mencent uniformément  par  ce  souhait  :  La  grâce  de 
Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour  jamais  !  expres- 
sion bien  sincère  du  désir  le  plus  intime  de  son  cœur. 
L'occurrence  de  certaines  fêtes  lui  suggérait  parfois 
une  formule  différente  :  La  sainte  Passioii  du  Sauveur 
nous  fasse  tout  faire  et  tout  soutenir  pour  son  amour^^! 
ou:  La  dévotion  des  disciples  de  Notre-Seigneur  assem- 
blés pour  pilier  pour  la  venue  du  Sai?it-Esprit  soit 
toute  sensible  à  votre  cœur  pourjamais^'^l 

Saint  Vincent  nous  apparaît  dans  sa  correspondance 
tel  que  le  dépeignent  ses  biographes  :  simple,  bon, 
humble,  judicieux,  pratique,  ne  perdant  pas  de  vue 
les  détails  les  plus  minutieux  d'une  affaire,  les  yeux 
toujours  levés  vers  Dieu,  sa  règle  et  son  guide,  recon- 


8.  Par  exemple,  la  lettre  du  i5  mars  i638  à  Lambert  aux  Couteaux. 

9.  C'est  le  cas  pour  les  lettres  du  2  novembre  i636  à  Louise  de  Marillac, 
du  21  février  i638  à  Antoine  Lucas,  du  20  février,  du  i5  et  du  22  mars  i638 
à  Lambert  aux  Couteaux  et  du  2  juin  i638  à  Jean  Bécu.  Les  copistes 
ont  presque  toujours  reporté  en  tête  de  la  lettre  la  date  et  l'indication 
du  jour  de  la  semaine. 

10.  De  juillet  1639  au  premier  janvier  1640  le  saint  varie;  l'ancienne 
habitude  prend  parfois  le  dessus. 

11.  Lettres  du  11  avril  1659  à  Guillaume  Desdames  et  à  Edme  Jolly. 

12.  Lettre  du  24  mai  1637  à  Louise  de  Marillac. 


—  XV  — 

naissant  des  bienfaits  reçus,  plein  de  respect  pour  les 
personnes  constituées  en  dignité. 

11  va  droit  au  but,  sauf  quand  il  a  un  reproche  à 
faire,  car  alors  il  commence  par  s'humilier  lui-même. 

Il  ne  faut  pas  chercher  dans  ses  citations  scriptu- 
raires,  faites  le  plus  souvent  de  mémoire,  la  reproduc- 
tion absolument  fidèle  du  texte  sacré. 

Il  savait  donner  à  sa  phrase  un  tour  original,  par 
exemple:  «  M.  Aimeras  n'a  plus  de  fièvre,  ni  moi 
d'autres  nouvelles  à  vous  donner^^  »,  ou  quitter  le 
ton  sérieux  pour  dire  un  mot  plaisant  :  «  Je  suis  fort 
consolé,  écrit-il  au  supérieur  de  Turin  i^,  de  ce  que 
notre  frère  Desmortiers  a  déjà  fait  un  tel  progrès  en 
la  langue  qu'il  sait  dire:  Signo?^,  si.  »  Après  avoir 
raconté  le  naufrage  d'un  vaisseau  qui  portait  des  mis- 
sionnaires envoyés  à  Madagascar,  le  saint  ajoute  ^^ 
que  ceux-ci,  montés  sur  une  petite  barque,  avec  des 
provisions  pour  trois  ou  quatre  jours,  arrivèrent  à 
Saint-Jean-de-Luz  après  deux  grandes  semaines  «  en 
bonne  santé  et  avec  bon  appétit  ». 

Bien  que  saint  Vincent  ne  fût  guère  sujet  aux  dis- 
tractions, on  en  remarque  quelques-unes  dans  sa 
correspondance.  Une  de  ses  lettres  à  Pierre  Escart, 
prêtre  de  la  Mission^^,  se  termine  par  les  mots  «  qui 
suis,  en  son  amour,  Madame,  votre  très  humble  ser- 
viteur ».  Ce  titre  de  Madame,  il  le  donne  deux  fois  à 
Mademoiselle  Le  Gras,  sans  y  penser  i^.  Deux  lettres 


i3.  Lettre  du  19  juin  1654  à  Thomas  Berthe.  Voir  encore  les  lettres 
du  14  août  i638  à  Robert  de  Sergis  et  du  !«■■  décembre  1646  à  Antoine 
Portail. 

14.  Lettre  du  22  juin  ibS/  à  Jean  Martin. 

i5.  Lettre  du  26  août  1640. 

16.  Lettre  du  9  janvier  1660  à  Guillaume  Desdames. 

17.  Lettres  49  et  i5i. 


—   XVI   — 

sont  restées  inachevées  sans  que  le  saint  le  remarque***. 
Ici  ou  là  on  trouve  des  mots  répétés,  oubliés *9,  ou 
évidemment  fautifs-^.  Nous  avons  dû  rectifier  certaines 
dates  inexactes  des  originaux^*.  Dans  ces  distractions, 
que  l'on  pourrait  facilement  compter,  tant  elles  sont 
rares,  il  faut  faire  la  part  des  secrétaires. 

Les  lettres  de  saint  Vincent  méritaient  d'être  pu- 
bliées à  titre  de  documents  historiques,  pour  éclairer 
la  vie  de  ce  grand  homme,  qui  tient  sans  contredit  la 
première  place  dans  l'histoire  de  la  bienfaisance  et 
doit  être  mis  au  premier  rang  des  réformateurs  du 
clergé  français;  elles  le  méritaient  encore  à  cause  de 
leur  valeur  littéraire,  qui  place  leur  auteur  au  nombre 
des  bons  prosateurs  de  la  langue  française  au  dix-sep- 
tième siècle. 

Nous  possédons  encore  les  originaux  d'un  bon 
nombre  de  ses  lettres,  la  plupart  répartis  en  cinq 
collections  ou  dossiers. 


* 
*  * 


Dossier  de  la    Mission.  —    La   Maison-Mère    des 
Prêtres  de  la   Mission  possède  trois  cent  cinq  origi- 


i8.  Lettres  du  17  septembre  1647  à  Mathurin  Gentil  et  du  i3  juin  1654 
à  Marc  Coglée. 

19.  Lettres  de  décembre  1654  et  du  i"  août  lôSg  à  Jean  Martin  et  de 
mars  lôSg  à  Louise  de  Marillac. 

20.  Lettres  du  i3  mai  1639  à  Robert  de  Sergis,  du  i3  novembre  1640 
à  Jacques  Tholard,  du  20  novembre  1644  à  Guillaume  Delville,  du  14  fé- 
vrier 1648  à  Antoine  Portail,  du  22  mars  lôSa  à  Lambert  aux  Cou- 
teaux, du   i5  juin   1654  à  Marc  Coglée,  du  5  février  1660  à  Jean  Martin. 

ai.  Lettres  du  i"mai  i633  et  du  12  décembre  1639  à  Louise  de  Maril- 
lac, du  22  mars  i652  à  Lambert  aux  Couteaux,  du  10  octobre  1657  à 
Jacques  Chiroye,  du  12  septembre  1659  à  Guillaume  Desdames. 


—   XVII   — 

naux^^,  trente-six  minutes,  dix  fac-similés,  quarante- 
deux  copies  du  dix-septième  ou  du  dix-huitième  siècle. 
Elle  était  bien  plus  riche  avant  la  Révolution.  Le  pil- 
lage de  Saint-Lazare  en  1789,  la  dissolution  de  la 
congrégation  en  r  792  et  des  dons  trop  répétés  ont 
contribué  à  l'appauvrir.  Toutes  ces  lettres,  à  l'excep- 
tion de  dix-sept,  ont  été  publiées  en  1 880  par  le  secré- 
taire général  de  la  Congrégation  de  la  Mission, 
M.  Jean-Baptiste  Pémartin,  avec  les  autres  lettres  du 
saint. 

Dossier  des  Filles  de  la  Chafité.  —  La  collection 
conservée  à  la  Maison-Mère  des  Filles  de  la  Charité 
est  faite  presque  uniquement  de  lettres  à  Louise  de 
Marillac  et  aux  premières  sœurs  de  la  compagnie. 
Elle  renferme  deux  cent  soixante-quinze  originaux, 
dont  vingt-deux  ont  échappé  aux  investigations  de 
M.  Pémartin. 

Dossier  de  Turin.  —  Le  dossier  de  Turin  s'est 
formé  au  moment  de  la  Révolution.  Les  lettres  qui 
le  composent  furent  apportées  de  Paris  à  la  maison 
des  prêtres  de  la  Mission  de  Turin  par  Charles-Domi- 
nique Siccardi,  assistant  de  la  congrégation,  qui 
était  chargé  de  les  déposer  en  lieu  sûr.  Elles  sont 
au  nombre  de  trois  cent  quarante-six,  parmi  lesquelles 
trois  cent  vingt-quatre  originaux,  onze  minutes  et 
onze  copies  du  dix-septième  ou  du  dix-huitième 
siècle.  Vingt-quatre  sont  inédites.  Nous  trouvons  là 
presque  toutes  les  lettres  à  Jean  Martin. 


22.  Trois  cent  quarante-sept,  si  l'on  ajoute   les  quarante-deux  lettres 
du  dossier  Hains  dont  il  sera  parlé  plus  loin. 


—   XVIII   — 

Dossier  de  Cracovie.  —  Le  5  décembre  1904,  une 
personne  vint  apporter  à  M.  Joseph  Kiedrowski, 
visiteur  de  la  province  de  Pologne  et  supérieur  de 
la  maison  de  Cracovie,  les  originaux  de  cent  soixante- 
sept  lettres  adressées  aux  premiers  missionnaires  de 
Pologne  ;  il  y  en  avait  cent  cinquante  de  saint  Vincent, 
une  de  la  reine  de  Pologne,  deux  de  René  Aimeras, 
deux  d'Edme  JoUy,  deux  de  Jean  Dehorgny,  deux  de 
Thomas  Berthe,  etc.  On  croit  que  ces  documents  ap- 
partenaient à  la  maison  de  Varsovie  avant  la  disper- 
sion de  1864  ^ï  qu'un  prêtre  de  la  Mission  les  avait 
mis  en  sûreté  dans  une  famille  catholique  ^^.  M.  Pé- 
martin  a  connu  toutes  ces  lettres,  sauf  cinq. 

Dossie?^  de  la  fa?nille  Haiiis.  —  Lors  de  la  disper- 
sion des  congrégations  religieuses  à  la  fin  du  dix-hui- 
tième siècle,  Jean-Baptiste  Moissonnier,  supérieur  de 
la  maison  de  Marseille,  prit  avec  lui  les  lettres  de 
saint  Vincent  conservées  dans  les  archives  de  l'éta- 
blissement. Ces  lettres  passèrent,  après  sa  mort 
(17  janvier  18 13),  à  M.  Nodet,  son  héritier,  beau-père 
de  M.  Hains,  négociant  à  Marseille,  qui  en  avait  cin- 
quante-sept en  1886.  La  fille  de  ce  dernier.  Fille  de 
la  Charité  à  Neuilly-sur-Seine,  en  possédait  encore 
dernièrement  quarante-deux.  Elle  vient  de  s'en  des- 
saisir généreusement  pour  les  donner  au  supérieur 
général  des  prêtres  de  la  Mission.  Le  dossier  compre- 
nait au  début  plus  de  cent  cinquante  lettres.  Celles 
qui  restent  sont  presque  toutes  adressées  à  Firmin 
Get.  Quatre  d'entre  elles  manquent  dans  le  recueil 
publié  en  1880. 

23.  Annales  de  la  Cottgrégaiion  de  la  Mission,  igoS,  t.  LXX,  p.  210. 


—   XIX   — 

Les  originaux  mis  en  vente  par  la  maison  Chara- 
vay,  de  Paris,  formeraient  à  eux  seuls  une  collection 
importante  s'ils  étaient  réunis,  puisqu'on  en  compte 
quatre-vingt-dix  environ.  Nous  avons  pu  en  copier 
quelques-uns  sur  place  avant  la  vente  ou  en  retrou- 
ver chez  les  collectionneurs.  La  plupart  de  ces  lettres 
ne  nous  sont  connues  que  par  des  copies,  l'ouvrage 
de  M.  Pémartin  ou  les  brèves  indications  des  cata- 
logues. 

La  bibliothèque  Sainte-Geneviève  nous  aurait  four- 
ni dix  originaux  si  une  main  peu  scrupuleuse  ne  les 
avait  fait  disparaître.  Il  en  reste  du  moins  lescopies^*, 
toutes,  sauf  la  lettre  à  l'abbé  de  Grandmont, 
prises  par  le  Père  Prévôt,  qui  a  écrit  au  verso  du 
folio  2  :  «  Ces  lettres  du  bienheureux  Vincent 
sont,  en  général,  au  chartrier  de  la  congrégation  de 
Sainte-Geneviève,  dans  un  volume  folio  intitulé  sur 
le  dos:  Lettres  de  prélats  depuis  l'an  i653  jusqu'en 
1660.  Ce  volume  est  couvert  de  basane  verte  et  ren- 
ferme quelques  lettres  antérieures  à  i653.  »  Le  volume 
existe  toujours,  mais  sans  les  lettres  en  question. 
Quatre  de  ces  originaux  ont  depuis  été  mis  en  vente 
par  M.  Charavay. 

*  * 

Les  recueils  anciens  des  lettres  de  saint  Vincent 
nous  ont  été  très  utiles.  Là  se  trouvent  quantité  de 
lettres  dont  nous  n'avons  plus  les  originaux.  Passons 
en  revue  les  principaux. 

Lors  du  procès   de  béatification  de  saint  Vincent, 

24.  Ms.  2555. 


—    XX   — 

plusieurs  sessions  furent  consacrées,  comme  toujours, 
à  l'examen  des  e'crits.  Le  tribunal  fit  reviser  trois  cent 
quarante-quatre  lettres  et  en  retint  trente-deux,  les 
plus  importantes  sans  doute,  pour  les  joindre  au  dos- 
sier du  procès.  Ces  trente-deux  originaux,  tous  de 
l'écriture  du  saint,  appartenaient  à  la  maison  de 
Saint-Lazare.  Des  experts  furent  appelés  pour  en 
constater  l'authenticité.  Un  copiste  juré  les  transcri- 
vit dans  le  volume  des  procès-verbaux  des  séances  ; 
la  copie  fut  confrontée  avec  l'original,  et  les  quelques 
légères  variantes  que  l'on  découvrit  furent  signalées 
en  marge.  Ce  sont  donc  des  copies  authentiques,  de 
même  valeur  que  l'original  ;  et  on  peut  encore  aujour- 
d'hui constater  la  parfaite  conformité  de  celles  dont 
les  originaux  n'ont  pas  été  perdus.  Parmi  ces  lettres, 
cinq  sont  inédites,  vingt  ne  nous  étaient  connues  que 
par  des  fragments  généralement  altérés,  les  sept 
autres  nous  donnent  un  texte  plus  pur  que  le  texte 
publié  en  1880. 

Les  archives  de  la  Mission  possèdent  deux  anciens 
registres  de  copies,  que  nous  appellerons,  pour  les 
distinguer,  registre  i  et  registre  2,  Le  registre  i  est 
cartonné  et  mesure  840  millimètres  sur  220.  Ces 
mots  italiens  ajoutés  en  première  page  :  Copie  di  lettere 
n"  cento  settantotto- 1  j 8-scritte  da  San  Vincen^o  di 
Paoli poî^tate  da  Parigi  Panno  iyg2,  nous  font  con- 
naître le  nombre  de  lettres  qu'il  contenait  quand  il 
était  complet.  La  disparition  du  dernier  ou  des  der- 
niers feuillets  a  réduit  ce  nombre  à  cent  soixante-qua- 
torze. La  cent  soixante-quinzième  lettre  termine  le 
soixante-douzième  feuillet  et  se  continuait  sur  le 
soixante-treizième,  que  nous  n'avons  plus. 


—   XXI   — 

Un  portrait  de  saint  Vincent,  au-dessous  duquel 
sont  écrits  les  mots  Sanctus  Vincentiiis  a  Paulo,  Con- 
gregationis  Missionis  et  Puellarum  Cliaritatis  fuuda- 
tor,  a  été  ajouté  en  tête  du  recueil.  Le  manuscrit  lui- 
même  pourrait  bien  être  du  dix-septième  siècle. 
L'écriture,  sans  être  belle,  est  lisible.  Les  lettres  sont 
données  dans  leur  entier.  Les  mentions  signée^  non 
signée^  olographe '^'^,  minute  de  la  tnain,  montrent  que 
le  copiste  a  eu  sous  les  yeux  les  documents  originaux 
eux-mêmes  ou  leurs  minutes.  On  ne  trouve  dans  son 
recueil  aucune  lettre  à  des  prêtres  de  la  Mission. 
Quatre  sont  adressées  à  la  reine  de  France,  trois  à  la 
reine  de  Pologne,  deux  au  Pape,  deux  à  Mazarin,  une 
au  nonce,  neuf  à  des  cardinaux,  vingt-trois  à  des 
évêques,  sept  à  la  duchesse  d'Aiguillon,  une  à  Tu- 
renne,  une  à  Louise  de  Marillac,  cinq  à  des  Filles  de 
la  Charité,  onze  à  Mademoiselle  du  Fay,  onze  à  des 
religieuses  de  la  Visitation,  deux  à  Philippe-Emma- 
nuel de  Gondi,  deux  à  Louis  de  Chandenier,  etc. 
Autant  qu'on  peut  en  juger  par  les  treize  lettres  du 
registre  dont  les  originaux  sont  venus  jusqu'à  nous, 
nous  pouvons  nous  fier  complètement  à  l'exactitude 
du  texte.  Toutes  les  lettres  de  ce  recueil  ont  paru  en 
1880,  sauf  une. 

Nous  lisons  dans  la  vie  manuscrite  de  René  Aimé- 
ras,  successeur  de  saint  Vincent  :  «  On  ne  peut  expri- 
mer le  soin  qu'il  a  pris  de  suivre  pas  à  pas  les  senti- 
ments de  ce  premier  supérieur.  Non  content  d'avoir 
fait  mettre  en  lumière  sa  vie,  où  sont  décrites  les  qua- 


25.  Ce  mot  ne  s'emploie  plus  de  nos  jours  que  pour  les  testaments. 


—   XXII   — 

lités  de  sa  conduite,  il  a  cru  les  devoir  de  plus  recher- 
cher dans  ses  lettres,  où  il  semble  qu'il  a  comme 
grave' son  esprit,  ses  maximes  et  son  caractère  sur  une 
infinité  de  sujets,  parlant  à  toutes  sortes  de  personnes. 
A  cette  fin,  il  en  a  fait  faire  des  extraits  et  les 
a  liés  dans  i3  ou  14  mains  de  papier...  Et  afin 
que  ceux  qui  lui  succéderaient  dans  la  conduite  de  la 
Compagnie  pussent  aussi  profiter  de  ces  mêmes 
lettres  et  en  tirer  plus  facilement  les  instructions 
dont  ils  auraient  besoin,  il  les  fit  aussi  ranger, 
quelques  mois  avant  sa  mort,  selon  les  diverses 
matières  et  transcrire  proprement  dans  de  gros 
livres  reliés,  comme  un  précieux  trésor  pour  la  Com- 
pagnie. » 

Ces  extraits  furent  classés  sous  quinze  titres: 

1°  Institution,  perfection,  gouvernement  et  emplois 
de  la  congrégation  de  la  Mission  en  général; 

2"  Ordres  et  avis  donnés  aux  visiteurs  et  aux  supé- 
rieurs; 

3°  Avertissements,  encouragements  et  congratula- 
tions à  des  particuliers; 

4"  Missions  dans   les   pays    chrétiens    et  chez  les 
infidèles; 

5°  Séminaires  et  autres  fonctions  de  l'Institut; 

6°  Pratique  de  quelques  vertus  ; 

7°  Défunts  de  la  Compagnie; 

8"  Lettres  de  consolation  aux  externes  dans  l'afflic- 
tion ; 

9°  Reconnaissance  envers  les  amis  et  bienfaiteurs  ; 

10*  Conseils  donnés   et  bonnes  œuvres   suggérées 
même  à  des  personnages  éminents  ; 
1 1°  Affaires  diverses  ; 


—   XXIII   — 

12'  Lutte  contre  le  jansénisme; 

13°  Assistance  des  pauvres; 

14"  Conduite  des  Filles  de  la  Charité; 

1 5°  Conduite  des  religieuses  de  la  Visitation. 

Le  tome  I  est  le  seul  que  nous  ayons.  Il  n'épuise 
que  les  trois  premières  parties  de  ce  vaste  programme. 
Nous  l'appellerons  registre  2.  Sa  hauteur  est  de 
370  millimètres  et  sa  largeur  de  270.  Il  comprend 
trois  cent  cinquante  pages  et  nous  donne  cinq  cent 
quarante-neuf  fragments,  ou  plutôt  cinq  cent  qua- 
rante-huit, car  l'un  d'eux  est  en  double.  Plus  de  cent 
de  ces  fragments  font  partie  de  lettres  dont  nous 
avons  de  par  ailleurs  le  texte  entier.  Si  l'on  en  excepte 
une  vingtaine,  tous  sont  extraits  de  lettres  adressées 
à  des  membres  de  la  congrégation  de  la  Mission. 
L'écriture,  belle  et  régulière,  se  lit  avec  la  plus 
grande  facilité.  Le  copiste  ne  reproduit  jamais  le  mot 
Monsieur  au  début  des  lettres,  ni  la  formule  initiale 
habituelle  au  saint.  Il  ne  s'est  pas  cru  tenu  de  copier 
servilement  l'original.  Il  arrange  d'ordinaire  la  pre- 
mière phrase  de  ses  extraits  de  manière  à  lui  enlever 
toute  dépendance  de  la  partie  qu'il  omet,  modernise 
des  mots^  supprime  des  longueurs.  Ses  modifications 
toutefois  n'offrent  pas  grande  importance,  et  dans 
l'ensemble  son  texte  est  bien  celui  de  l'original.  Pour 
qu'on  puisse  s'en  faire  une  idée,  voici,  dans  la 
lettre  91,  le  passage  qui  a  été  le  plus  altéré  : 

Texte  du  registre  2.  —  //  me  fit  donc  l'honneur  de 
me  dire  qu'il  avait  conféré  avec  Messieurs  ses  reli- 
gieux touchant  notre  manière  de  faire  au  choeur,  le 
logement  et  l'ameublement  et  la  pension  que  donne- 


—   XXIV   — 

raient  ceux  qui  voudraient  vivre  parmi  nous.  Or, 
pour  ce  dernier  chef,  qui  est  que  chacun  de  Messieurs 
les  religieux  ne  paiera  que  200  livres  de  pension,  je 
vous  dirai,  Monsieur,  que  j'acquiesce  très  volontiers 
à  cela,  quoique  ayant  supputé  la  dépense  aw  fitr  que 
les  choses  valent  à  présent,  il  nous  en  coûtera  davan- 
tage, et  que  les  pensions  même  des  écoliers  sont  de 
A'o  écus. 

Vrai  texte.  —  Mondit  sieur  le  prieur  me  fit  donc 
l'honneur  de  me  dire  hier  au  soir,  qu'il  avait  conféré 
avec  Messieurs  ses  religieux  touchant  notre  manière 
de  faire  au  chœur,  le  logement  et  ameublement  et  la 
pension  que  donneraient  ceux  qui  voudraient  vivre 
parmi  nous.  Or,  je  vous  dirai  que,  pour  la  dernière 
difficulté,  qui  est  que  chacun  de  Messieurs  les  reli- 
gieux ne  payera  que  200  livres  de  pension,  que  j'ac- 
quiesce très  volontiers  à  cela,  quoique  ayant  supputé 
la  dépense  au  Juste  de  ce  quil  nous  a  coûté  à  présent, 
il  nous  en  coûtera  davantage,  et  que  les  pensions 
même  des  écoliers  sont  de  po  livides. 

Quelque  peu  importantes  que  soient  ces  altérations, 
il  est  regrettable  que  le  copiste  les  ait  faites.  Son 
excuse  est  qu'il  vivait  au  dix-septième  siècle,  qui 
n'avait  pas,  comme  le  vingtième,  le  souci  d'une 
exactitude  minutieuse  et  que  la  plupart  de  ses  con- 
temporains se  montraient  moins  scrupuleux  que  lui. 
Nous  empruntons  au  registre  2  huit  fragments  iné- 
dits. 

Le  manuscrit  1292  de  la  Bibliothèque  municipale 
d'Avignon  est  ainsi  décrit  dans  le  catalogue:  «  Dix- 
huitième  siècle,  papier,  94  feuillets,  262  sur  190  mil- 
limètres, reliure   peau  chamoisée.  »  Il  a  pour  titre  : 


—   XXV   — 

Lettres  choisies  du  Vénérable  Vincent  de  Paul,  insti- 
tuteur et  premier  Supérieur  Général  de  la...  Congré- 
gation de  la  Mission.  Ces  lettres  ou  plutôt  ces  extraits 
de  lettres,  au  nombre  de  quatre-vingt-dix-neuf,  aux- 
quels s'ajoutent  en  supple'ment  dix  autres  fragments, 
sont  rangés  en  huit  groupes,  suivant  l'enseignement 
qu'ils  contiennent: 

1°  Confiance  en  Dieu  et  abandon  à  la  Providence; 

2"  Persévérance  dans  sa  vocation  ; 

3°  Régularité  et  perfection; 

4°  Soin  de  la  santé  et  charité  envers  le  prochain  ; 

5°  Soin  des  malades,  support  mutuel  et  union  ; 

6"  Courage  de  surmonter  ses  propres  inclinations 
pour  la  gloire  de  Dieu  ; 

7"  Confiance  en  Dieu  et  défiance  de  soi-même  ; 

8°  Oraison,  reconnaissance. 

Presque  tous  les  fragments  du  manuscrit  d'Avignon 
se  trouvent  dans  le  registre  2,  et  ils  s'y  trouvent  avec 
les  mêmes  variantes.  Parmi  les  trois  fragments  qui 
font  exception,  deux  sont  connus  de  par  ailleurs.  Nous 
n'emprunterons  donc  à  ce  manuscrit  qu'un  seul 
extrait,  déjà  publié  dans  le  recueil  de  i88o. 

Le  manuscrit  d'Avignon  représente  une  famille  de 
manuscrits  assez  répandus  avant  1792  dans  les  mai- 
sons des  prêtres  de  la  Mission.  Il  nous  en  reste  deux 
autres  spécimens. 

L'un  d'eux  est  le  manuscrit  20  de  la  Chambre  des 
députés  :  dix-huitième  siècle,  papier,  cent  quarante- 
trois  pages,  200  millimètres  sur  145,  reliure  basane. 
Même  titre,  mêmes  divisions,  même  groupement  des 
lettres,  réduites  ici  à  soixante-quinze.  On  y  trouve  de 
plus  copie  de  la  prétendue  sentence  de  mort  portée 


—   XXVI    — 

contre  Notre-Seigneur  par  Pilate  et  un  supplément 
de  vingt-trois  fragments  qui  lui  sont  propres,  tous 
relatifs  à  la  Compagnie  des  Filles  de  la  Charité,  dont 
cinq  sont  restés  inédits. 

L'autre  manuscrit  est  à  la  Maison-Mère  des  prêtres 
de  la  Mission.  Il  est  cartonné,  de  la  seconde  moitié 
du  dix-huitième  siècle,  contient  soixante-quatorze 
fragments  en  cent  vingt-deux  pages  et  mesure 
217  millimètres  sur  i5o.  11  s'arrête  à  la  sixième  par- 
tie, dont  il  ne  donne  qu'une  lettre  ou  plutôt  un  frag- 
ment de  lettre.  En  somme,  copie  inachevée  du  ma- 
nuscrit d'Avignon,  sans  rien  de  spécial. 

Le  manuscrit  869  delà  Bibliothèque  de  Lyon  a  pour 
titre  :  Livre  contenant  l'abrégé  de  la  vie  des  prêtres, 
clercs  et  frères  de  la  Cojigi^égation  de  la  Mission  qui 
ont  vécu  et  qui  sont  moi^ts  dans  la  pratique  des  vertus 
convenables  à  leur  vocation.  Dans  ce  recueil,  où  Ton 
trouve  tout  au  long  les  notices  de  René  Aimeras, 
d'Edme  Jolly  et  de  Jean-Baptiste  Anselme,  prêtres 
de  la  Mission,  une  place  a  été  faite  à  la  correspon- 
dance de  saint  Vincent.  Les  Extraits  des  lettres  de 
saint  Vincent  vont  du  folio  168  au  folio  196.  Ils  con- 
tiennent l'éloge  des  missionnaires  récemment  décé- 
dés. Quelques-uns  de  ces  fragments  n'ont  pas  encore 
été  publiés.  On  les  trouve  aussi  à  la  Bibliothèque  du 
musée  Calvet  d'Avignon,  dans  le  manuscrit  774  De- 
landine,  qui  reproduit  tout  le  contenu  du  manuscrit 
de  Lyon  et  quelques  documents  en  plus.  Les  deux 
manuscrits  sont  du  dix-huitième  siècle.  Celui  de  Lyon 
est  relié  en  parchemin  et  se  compose  de  deux  cent 
quatre-vingt-six  feuillets  mesurant  260  millimètres 
sur  90. 


—   XXVII   — 

Les  archives  départementales  de  Vaucluse  pos- 
sèdent un  registre  in-4''  de  trente-sept  feuillets,  coté  D 
274,  qui  contient  quarante-deux  extraits  de  lettres 
de  saint  Vincent,  lettres  adressées  pour  la  plupart 
aux  supérieurs  de  Rome.  Il  ne  se  trouve  dans  ce  ma- 
nuscrit rien  que  nous  ne  connaissions  par  d'autres 
sources. 

Le  manuscrit  de  Marseille,  que  nous  nommons 
ainsi  à  cause  de  son  titre  :  Extraits  des  lettres  de  saint 
Vincent  de  Paul  déposées  dans  les  archives  de  la  Mis- 
sion de  France  à  Mat^seille^  appartient  à  la  Maison- 
Mère  des  prêtres  de  la  Mission.  C'est  un  simple 
cahier  de  dix-sept  pages,  sur  lequel  ont  été  transcrits, 
dans  leur  ordre  chronologique  ou  à  peu  près,  proba- 
blement à  l'occasion  de  l'ouvrage  de  M.  Pémartin, 
peu  après  sa  publication,  soixante-quatre  frag- 
ments, généralement  courts,  de  lettres  adressées  en 
très  grande  partie  à  Firmin  Cet.  Il  nous  a  été  impos- 
sible de  retrouver  le  document  que  le  copiste  a  eu 
sous  la  main.  La  conformité  du  texte  constatée  pour 
les  extraits  des  lettres  dont  nous  possédons  l'original, 
garantit  l'exactitude  de  l'ensemble.  Vingt  de  ces  frag- 
ments seront  publiés  ici  pour  la  première  fois. 

Les  Filles  de  la  Charité  de  la  paroisse  Saint-Paul 
à  Paris  possédèrent  jusqu'en  1814  un  recueil  in-folio 
de  quatre-vingt-huit  pages,  écrit  dans  la  seconde 
moitié  du  dix-septième  siècle  et  intitulé:  Extraits  de 
Lettres  de  feu  Monsieur  Vincent  et  feu  Mademoiselle 
Le  Gras.  Les  lettres  du  saint  y  sont  représentées  par 
plus  de  cent  fragments,  celles  de  sa  fille  spirituelle  par 
sept  seulement.  L'écriture  n'est  pas  toujours  la  même; 
on  reconnaît  à  la  page  7  celle  de  Julienne  Loret,  une 


—  XXVIII   — 

des  principales  collaboratrices  de  la  fondatrice.  Les 
extraits  sont  séparés  assez  souvent  par  un  léger 
espace  blanc  ou  par  un  simple  alinéa.  Il  est  parfois 
difficile  de  les  distinguer  entre  eux,  et  il  se  pourrait 
qu'une  fois  ou  l'autre,  faute  d'indication  suffisante, 
nous  ayons  rattaché  à  une  même  lettre  des  extraits 
de  lettres  différentes,  ou  inversement.  Le  manuscrit 
fut  donné  en  1814  à  Dominique-François  Hanon, 
vicaire  général  de  la  Congrégation  de  la  Mission.  Il 
est  allé  enrichir  depuis  les  archives  de  la  Maison- 
Mère  des  sœurs.  Nous  lui  ferons  une  quarantaine 
d'emprunts. 


* 


Acôtédes  recueils  manuscrits  se  placent  les  recueils 
imprimés  et  les  ouvrages  anciens  qui  ont  mis  large- 
ment à  contribution  la  correspondance  du  saint.  Il 
convient  de  placer  en  première  ligne  la  Vie  du  Véné- 
rable Serviteur  de  Dieu  Vincent  de  Paul-^  par  Louis 
Abelly.  Nombreuses  sont  les  lettres  de  saint  Vincent 
citées  ou  simplement  signalées  par  son  premier  bio- 
graphe. On  en  compte  un  peu  plus  de  deux  cents, 
parmi  lesquelles  cent  environ  figurent  dans  le  recueil 
de  M.  Pémartin.  Comme  la  plupart  des  écrivains  de 
son  temps,  Abelly  ne  s'est  pas  fait  scrupule  de  retou- 
cher les  textes  qu'il  cite,  sous  prétexte  d'en  améliorer 
le  style  ou  de  les  rendre  plus  clairs.  Du  moment  que 
la  pensée  était  respectée,  on  trouvait  tout  naturel  que 


26.  Paris,  1664,  3  t.  in-4°  en  un  vol.  C'est  toujours  à  cette  édition  que 
nous  nous  référerons,  parce  que  les  autres  éditeurs  ont  plus  ou  moins 
retouché  les  citations  d'^Abelly. 


—   XXIX   — 

les  imperfections  de  l'expression  fussent  écartées. 
Malheureusement  le  mauvais  goût  rendait  souvent 
l'expression  plus  défectueuse,  au  lieu  de  l'améliorer, 
et  la  pensée  à  laquelle  on  prétendait  ne  pas  toucher, 
souffrait  parfois  de  ces  changements. 

Abelly  remplace  des  mots,  intercale  de  petits  com- 
mentaires, modifie  des  tournures.  Sous  sa  plume 
prédicament  devient  réputation -'•  \  hommes  de  bien^ 
honnêtes  hommes  '-^  ;  vous  ave\  mille  ?'aisons,  vous  ave^ 
tout  sujet^\  gaillards^  ceux  qui  servaient  trop  libres^^ ; 
dévots,Jlorissants  en  pi  été  ^^.AheWy  se  plaît  à  accentuer 
la  note  pieuse  des  expressions  du  saint.  Ainsi  il  écrit: 
ces  saints  fours  au  lieu  de  ces  jours'-^-^',  le  très  saint 
Sacrement  au  lieu  de  le  saint  Sacrement  ^3. 

La  concision  de  saint  Vincent  lui  semble  parfois 
nuire  à  la  clarté;  il  y  remédie  en  allongeant  la  phrase. 
En  voici  quelques  exemples  : 


27.  Abelly,  o-p.  cit.,  t.  III,  chap.  xxiv,  sect.  I,  p.  348,  et  lettre  du 
6  août  1657  à  Honoré  Bélart. 

28.  Abelly,  of.  cit.,  t.  II,  chap.  xii,  p.  4i5,  et  lettre  du  4  octobre  1646 
au  cardinal  Grimaldi. 

29.  Abelly,  o-p.  cit.,  t.  III,  chap.  XXII,  fin,  p.  325,  et  lettre  du 
27  juin  i6bo  à  une  religieuse  de  la  Visitation. 

30.  Abelly,  op  cit.,  t.  II,  chap.  IX,  p.  35i,  et  lettre  d'octobre  i658  à 
Louise  de  Marillac. 

3i.  Abelly,  t.  II,  chap.  i,  sect.  11,  §  3,  p.  3i,  et  lettre  du  25  juillet  i634 
à  François  du  Coudray. 

Autres  exemples  de  mots  et  d'e.xpressions  échangés  :  brayes  (lettre 
du  24  juillet  1607  à  M.  de  Comety  et  caleçons  (Abelly,  op.  cit.,  t.  I, 
chap.  IV,  p.  i5);  cruelles  (lettre  du  29  février  1660  à  Anne-Marie  Bol- 
lain)  et  pleines  d'angoisse  (Abelly,  t.  II,  ch.  VII,  p.  33o)  ;  sollicitude 
(lettre  du  18  juillet  1659  à  Antoine  Durand)  et  vigilance  (Abelly, 
t.  III,  ch.  XXIV,  p.  ii^)^,  vigilance  [ibid.)  et  ferveur  (ibid.);  avec  sujet 
(lettre  du  18  juillet  1659  à  Antoine  Durand)  et  non  sans  raison  (Abelly, 
t.  III,  ch.  XXIV,  p.  337)  ;  consommer  ses  jours  (lettre  du  27  février  1660 
à  Firmin  Get)  et  se  consumer  (Abelly,  t.  III,  chap.  XXI,  fin,  p.  3x4); 
conservez-vous  (lettre  du  3o  décembre  i63b  à  Louise  de  Marillac)  et 
ménagez  votre  santé  (Abelly,  t.  I,  chap.  xxix,  p.  i35). 

32.  Abelly,  t.  I,  chap.  xxiv,  p.  ii3,  et  lettre  i38  à  Louise  de  Marillac. 

2)3).  Abelly,    t.  II,  ch.  IX,  p.  35i  et  lettre  354    ^  Louise  de  Marillac. 


—   XXX   — 

Vrai  texte.  —  Oh!  cej^tes,  c'est  une  illusion^^. 
•Abelly.  —  Oh!  certes,  si  vous  avie^  cette  pe?îsée, 
vous  vous  tromperie:^  grandement^  et  ce  serait  une  pu?^e 
illusion^'^. 

Vrai  texte.  —  Qu'elles  iront  la  tête  levée  au  jour  du 
jugement^^  ! 

Abelly.  —  Mais  avec  quelle  sainte  confiance  parai- 
tront-elles  au  jour  du  jugement  après  tant  de  saintes 
œuvres  de  charité  quelles  auront  exercées^"'  ! 

Vrai  texte.  —  Aye^ pitié  de  nous^^. 

Abelly.  —  Aye'^  donc  pitié  de  nous  et  nous  vene!{ 
doîiner  la  main  pour  nous  tirer  du  mauvais  état  oii 
nous  sommes^^. 

Assez  souvent  la  phrase  de  Vincent  de  Paul  est 
plus  alerte,  plus  vive,  plus  française  que  celle  que 
lui  prête  son  biographe.  Le  saint  écrit  à  Louise  de 
Marillac^°:  «  Oh!  quel  arbre  vous  avez  paru  aujour- 
d'hui aux  yeux  de  Dieu,  puisque  vous  avez  produit 
un  tel  fruit  !  »  Nous  ne  voyons  pas  pourquoi  à  ces 
mots  Abelly  a  substitué  les  suivants ^^:  «  Oh!  que 
vous  avez  paru  aujourd'hui  devant  les  yeux  de  Dieu 


34.  Lettre  69. 

35.  Abelly,  t.  III,  chap.  viii,  sect.  i,  p.  77. 

36.  Lettre  354. 

37.  Abelly,  t.  II,  chap.  ix,  35o. 

38.  Lettre  du  25  juillet  1634  à  François  du  Coudray. 

39.  Abelly,  t.  II,  chap.  i,  sect.  11,  §  3,  p.  3i.  Nous  trouvons  encore  : 
Cette  femme,  comme  un  autre  Caïfhe  ou  comme  ûânesse  de  Balaam  (Abel- 
ly, t.  I,  chap.  IV,  p.  17)  au  lieu  de  cet  autre  Caïfhe  ou  ânesse  de  Balaam 
(lettre  du  24  juillet  1607  à  M.  de  Cornet);  Vous  avez  une  très  grande 
horreur  de  tout  ce  qui  fourrait  déflaire  à  Dieu  {AhcWy,  t.  III,  chap.  xxii, 
fin,  p.  326)  au  lieu  de  Vous  le  haïssez  trof  (lettre  du  27  juin  1660 
à  une  religieuse  de  la  Visitation). 

40.  Lettre  27. 

41.  Abelly,  of  cit.,  t.  I,  chap.  xxiii,  p.  io5. 


—   XXXI   — 

comme  un  bel  arbre,  puisque,  par  sa  grâce,  vous  avez 
produit  un  tel  fruit  !  »  Saint  Vincent  continue  :  «  A 
jamais  puissiez-vous  être  un  bel  arbre  de  vie  pro- 
duisant des  fruits  d'amour  !  »  N'est-ce  pas  mieux  que  : 
«  Je  supplie  qu'il  fasse  par  son  infinie  bonté  que  vous 
soyez  à  jamais  un  véritable  arbre  de  vie  qui  pro- 
duise des  fruits  d'une  vraie  charité  !  »  Nous  lisons  dans 
une  lettre  à  François  du  Coudray  ^'^  :  «  Tout  le  monde 
est-il  en  bonne  disposition?  Chacun  est-il  bien  gai?» 
Abelly  a  préféré  ^^  :  «  Chacun  est-il  en  bonne  dispo- 
sition et  bien  content?  » 

Quelques  altérations  de  texte  proviennent  de  fautes 
de  lecture.  C'est  sans  doute  pour  n'avoir  pas  su 
déchiffrer  l'écriture  de  saint  Vincent  que  le  premier 
biographe  a  lu  songe:{  pour  sqye:{^^. 

Parmi  les  trente  fragments  environ  dont  nous  avons 
pu  contrôler  le  texte,  il  n'en  est  pas  un  qui  nous  soit 
donné  dans  sa  pureté  parfaite;  plusieurs  même  sont 
presque  méconnaissables*^,  tant  ils  ont  subi  de 
retouches. 

Dans  sa  Viede  saifit  Vincent  de  Paul,  Pierre  Collet 
utilise  souvent,  lui  aussi,  les  écrits  du  saint.  Il  cite 
ou  signale  plus  de  deux  cent  cinquante  lettres.  Ses 
citations,  moins  fréquentes  et  en  général  moins  éten 
dues  que  celles  d'Abelly,  se  retrouvent  presque  toutes 
dans   le   premier  biographe,  assez  souvent   avec  les 


42.  Lettre  du  i5  septembre  1628. 

43.  Abelly,  t.  II,  chap.  i,  sect.  I,  §  4,  p.  18. 

44.  Abelly,  t.  I,  chap.  xxiv,  p.  ii3,  et  lettre  71. 

45.  Comparer  en  particulier  Abelly,  t.  II,  chap.  i,  sect.  VII,  §  i, 
p.  96,  et  la  lettre  du  6  septembre  1646  au  frère  Jean  Barreau  ;  t.  III, 
chap.  VIII,  sect.  I,  p.  77,  et  la  lettre  69  ;  t.  III,  chap.  viii,  sect.  II, 
p.  83,  et  la  lettre  5o. 


—   XXXII   — 

mêmes  altérations".  Quand  il  a  directement  recours 
à  l'original,  ce  n'est  pas  pour  en  donner  le  mot  à  mot. 
Peut-être  toutefois  prend-il  avec  le  texte  moins  de 
liberté  qu'Abelly. 

En  1834,  Gossin,  avocat  à  la  cour  royale  de  Paris, 
publia  sur  les  originaux,  dans  un  livre  intitulé  Saint 
Vincent  de  Paul  peint  par  ses  écrits'^"' ^  soixante-seize 
lettres  du  saint,  la  plupart  adressées  à  Louise  de 
Marillac,  et  une  supplique  au  Parlement.  Il  conserve 
l'orthographe  primitive,  place  les  lettres  datées  dans 
leur  ordre  chronologique  et  donne  le  nom  des  posses- 
seurs des  originaux  qu'il  a  mis  à  profit.  Quoique 
très  incomplet,  ce  travail  serait  excellent  si  l'auteur 
avait  su  mieux  lire  l'écriture  de  saint  Vincent.  Les 
noms  propres  en  particulier  sont  complètement  déna- 
turés. Qui  reconnaîtrait  Goussault,  Laurent,  Sous- 
carrières,  de  Herse,  Mussot,  Romilly,  Fortia,  de 
Brou,  Pascal,  Pillé,  d'Authier  dans  Toustain,  Lun- 
veni,  Souharries,  Bierse,  Mussut,  Clomilly,  Foren, 
Bron,  Fasral,  Filé  et  Autin  ?  Qui  ne  demeurerait 
surpris  de  lire  dans  la  correspondance  du  saint  des 
phrases  du  genre  de  celle-ci  :  «  Faites...  bien 
entendre...  à  votre  tour  que  je  suis  en  témoin  de 
Notre- Seigneur*^?»  Remplacez  tour  par  cœur,  témoin 
par  rameur,  et  vous  aurez  ce  qu'a  écrit  le  saint. 
Quelque  nombreuses  que  soient  ces  fautes  de  lec- 
ture, il  est  presque  toujours  facile  à  qui  connaît  bien 


46.  Comparer  Abelly,  t.  III,  chap.  xxiv,  sect.  I,  p.  348,  Collet,  op. 
cit.,  t.  II,  p.  3o8,  et  la  lettre  du  6  août  1657  à  Honoré  Bélart  ; 
Abelly,  t.  III,  chap.  Il,  vers  la  fin,  p.  8,  Collet,  t.  II,  p.  107,  et  la 
lettre  du  7  février  1641  à  Louise  de  Marillac. 

47.  Paris,  in-i2. 

48.  P.  5oo.  C'est  la  lettre  199  de  notre  recueil. 


—   XXXIIl   — 

la  manière  et  l'histoire  de  saint  Vincent,  de  reconsti- 
tuer le  texte  véritable.  Gossin  a  fait  œuvre  bonne  et 
utile.  Notre  recueil  lui  doit  plusieurs  lettres,  que 
nous  n'avons  trouvées  nulle  part  ailleurs. 

A  peine  élu  supérieur  général  de  la  Congrégation 
de  la  Mission,  M.  Jean-Baptiste  Etienne  comprit  que 
son  devoir  était  de  mettre  à  la  disposition  des  mission- 
naires et  des  Filles  de  la  Charité  les  discours  et  les 
écrits  de  saint  Vincent,  afin  que,  mieux  instruits  par 
cette  lecture  des  enseignements  de  leur  saint  fonda- 
teur, ils  se  remplissent  plus  parfaitement  de  son 
esprit  et  conforment  davantage  leur  conduite  à  la 
sienne.  Il  fit  autographier  en  1844  un  recueil  in-4  de 
cinq  cent  quatre-vingt-cinq  pages:  Collection  des  con- 
férences de  saint  Vincent^  de  plusieurs  de  ses  lettres  et 
de  quelques  conférences  de  M.  Aimeras.  Toutes  ces 
lettres,  sauf  une,  ont  été  choisies  dans  la  correspon- 
dance du  saint  avec  ses  missionnaires.  11  y  en  a 
soixante  et  onze,  placées  sans  ordre.  Ce  ne  sont,  le 
plus  souvent,  que  des  extraits. 

L'année  suivante  paraissaient  cent  vingt-six  lettres, 
plus  ou  moins  complètes,  dans  un  ouvrage  édité  à 
Paris  sous  ce  titre  :  Conférences  spirituelles  tenues 
pour  les  Filles  de  la  Charité  par  saint  Vincent  de 
Paul^^. 

Cette  publication  fut  suivie  dix  ans  après  du 
Recueil  des  diverses  Exhortations  et  Lettres  de  saint 
Vincent  aux  Missionnaires.,  qui  contient  près  de  sept 
cents  lettres  ou  fragments  de  lettres  autographiés.  Là 
encore  l'éditeur  ne  s'est    laissé    guider  par   aucune 

49.  Paris,  in-4". 


—  XXXIV  — 

préoccupation  historique  :  pas  de  notes,  pas  d'ordre 
chronologique,  un  texte  assez  souvent  retouché  et 
par  suite  défectueux,  parfois  des  lettres  composites, 
qui,  sous  apparence  d'unité,  sont  composées  en  réa- 
lité de  phrases  empruntées  à  des  lettres  différentes. 
Un  recueil  de  cette  nature  a  son  utilité;  il  ne  saurait 
suffire.  Les  lettres  de  saint  Vincent  ne  sont  pas  seu- 
lement un  aliment  pour  la  piété  ;  elles  sont  aussi  des 
documents  pour  l'histoire.  Les  érudits  appelaient  de 
leurs  vœux  un  recueil  complet  de  lettres  entières, 
fidèlement  reproduites  et  classées  dans  le  seul 
ordre  qui  convienne  à  l'histoire,  l'ordre  chronolo- 
gique. 

Un  compatriote  du  saint,M.  Jean-Baptiste  Pémartin, 
secrétaire  général  de  la  Congrégation  de  la  Mission, 
voulut  lui-même  entreprendre  le  travail,  malgré  les 
nombreuses  occupations  de  sa  charge.  Il  recueillit 
deux  mille  quarante  et  une  lettres^»,  qui  remplissent 


5o.  Nous  disons  2041  lettres,  bien  que  la  dernière  porte  le  numéro 
2078,  parce  que  l'éditeur  mêle  aux  lettres  du  saint  huit  documents  qui 
n'en  sont  pas  (5,  7,  286,  841,  945,  1014,  1370,  1947),  répète  onze  lettres 
(comparer  186  plus  187  et  864,  334  ^t  492,  469  et  480,  671  et  1966,  375  et 
922,  179  et 932,  83  et  ii3o,  1467  et  1936,  722  et  1994,  ôSg  et  1995,  472  et  2o65), 
avec  des  fragments  de  seize  autres  fait  trente-quatre  lettres  distinctes 
{348,  35o  et  35i  appartiennent  à  une  même  lettre;  de  même  46  et  117, 
172  et  173,  24  et  322,  357  et  359  389  et  390,  186  et  187,  704  et  7i3,  170 
et  769,  845  et  loio,  677,  876  et  877,  1347  et  1589,  958  et  1049,  io23  et 
1026,  1046  et  1047,  1999  et  2001). 

L'éditeur  a  bien  fait  de  ne  pas  insérer  dans  son  recueil  la  lettre  que 
le  chanoine  Maynard  [Saint  Vincent  de  Paul,  3»  édition,  Paris,  1886, 
t.  I,  p.  83)  prête  gratuitement  au  saint  récemment  sorti  de  Clichy  pour 
entrer  dans  la  famille  des  Gondi  :  «  Je  m'éloignai  tristement  de  ma 
petite  église  de  Clichy,  mes  yeux  étant  baignés  de  larmes,  aurait  écrit 
le  saint  prêtre,  et  je  bénis  ces  hommes  et  ces  femmes  qui  venaient  vers 
moi  et  que  j'avais  tant  aimés.  Mes  pauvres  y  étaient  aussi,  et  ceux-là 
me  fendaient  le  cœur.  J'arrivai  à  Paris  avec  mon  petit  mobilier  et  je 
me  rendis  chez  M.  de  BéruUe.  »  Cet  extrait  est  d'un  style  qui  ressemble 
fort  peu  au  style  de  saint  "Vincent;  d'autre  part,  Maynard,  qui  seul  nous 
le  fait  connaître,  ne  donne  aucune  référence. 


—   XXXV   — 

quatre  volumes  in-8,  imprimés  à  Paris,  en  1880,  chez 
Pillet  et  Dumoulin. 

Les  Lettres  de  saint  Vincent  de  Paul  eurent  un  suc- 
cès mérité  auprès  des  deux  familles  religieuses  de  ce 
grand  saint,  auxquelles  l'ouvrage  était  exclusivement 
destiné.  Il  fut  connu  et  désiré  au  dehors,  et  c'est  pour 
répondre  aux  nombreuses  demandes  qui  lui  furent 
adressées  que  M.  Pémartin  fit  choix  de  huit  cent 
soixante  lettres  parmi  celles  qu'il  venait  d'éditer,  et 
les  livra  au  public  en  18825*- 

L'ouvrage  de  1880  suppose  des  recherches  considé- 
rables et  marque  un  progrès  sérieux  sur  les  recueils 
antérieurs.  Il  présente  toutefois  bien  des  lacunes  et 
beaucoup  d'inexactitudes. 

La  découverte  de  documents  nouveaux  permet 
aujourd'hui  de  compléter  ou  de  rectifier  des  lettres 
puisées  à  des  sources  moins  complètes  et  moins  sûres. 
Les  dates  attribuées  par  M.  Pémartin  aux  lettres  non 
datées  par  saint  Vincent  sont  le  plus  souvent  fautives. 
On  exige  avec  raison  de  nos  jours  que  les  dates,  les 
mots,  les  phrases  ajoutés  par  l'éditeur  à  des  textes 
incomplets  tirés  de  documents  détériorés  par  les 
mites,  l'humidité  ou  une  déchirure  soient  placés  entre 
crochets.  Dans  le  recueil  de  1880  rien  ne  les  distingue. 

L'annotation  n'est  pas  assez  abondante.  Le  lecteur 
aimerait  savoir  si  le  texte  suivi  par  l'éditeur  est  un 
original,  une  minute  ou  une  copie,  et,  quand  c'est  un 
original,  si  l'écriture  est  du  saint  ou  de  ses  secrétaires. 
Il  y  aurait  intérêt  à  lui  dire,  en  signalant  les  mots 
raturés    ou    en  donnant    les    rédactions   différentes, 

5i.  Lettres  de  saint  Vincent  de  Paul,  Paris,  Dumoulin,  2  vol.  in-8. 


—   XXXVI   — 

quand  il  s'en  trouve,  par  quelles  phases  successives 
est  passée  la  pensée  ou  l'expression  du  saint.  Un  mot 
d'explication  sur  les  événements  ou  les  personnages 
dont  il  est  question  dans  les  lettres,  l'aiderait  à 
mieux  connaître  le  milieu  dans  lequel  vivait  Vincent 
de  Paul  et  parfois  à  mieux  saisir  le  sens  de  sa  phrase. 

Le  recueil  de  1880  aurait  gagné  à  être  conçu  sur  un 
plan  plus  vaste.  Il  est  des  lettres  de  saint  Vincent 
dont  nous  ignorons  le  texte,  mais  dont  Abelly,  Col- 
let ou  d'autres  nous  résument  le  contenu;  pourquoi 
ne  pas  les  mentionner?  Pourquoi  ne  pas  accompa- 
gner les  lettres  qu'il  a  écrites  de  celles  qu'il  a  reçues? 
Celles-ci  éclairent  celles-là. 

Enfin  des  recherches  patiemment  poursuivies  ont 
amené  de  fructueuses  découvertes.  M.  Pémartin  écri- 
vait dans  sa  préface  :  «  Si  incomplète  que  soit  cette 
collection  quand  on  la  comipare  à  ce  qui  a  péri,  on 
n'a  négligé  aucun  moyen  de  l'enrichir,  et  il  reste 
désormais  peu  de  chances  de  l'accroître  d'une  manière 
notable.  »  Affirmation  téméraire,  car  il  est  déjà  pos- 
sible d'ajouter  plusieurs  centaines  de  lettres  inédites 
à  son  recueil. 

Un  supplément  aux  lettres  de  saint  Vincent  publié 
en  1888  en  contient  plus  de  cent  nouvelles^^^Q^elques 

52.  Lettres  et  Conférences  de  saint  Vincent  dePaul  (Sufflément),  Paris, 
in-8.  La  première  lettre  du  Sufflément  porte  le  numéro  2079,  '^  ^^'^" 
nière  le  numéro  3i36.  Il  s'en  faut  toutefois  que  nous  ayons  mille  cin- 
quante-sept lettres.  L'éditeur  passe  par  distraction  du  numéro  2099  au 
numéro  3ooo.  Ajoutons  que  six  documents  ne  sont  pas  des  lettres 
(2128,  3oo5,  3046,  3o65,  3107,  3i3i),  que  onze  lettres  ont  déjà  leur 
place  dans  le  recueil  de  1880  (cf.  2082  et  i32,  2084  et  23i  , 
2094  et  1627,  2091  et  116,  3oi8  et  46  plus  117,  3042  et  840,  3o35  et  45o, 
3o54  et  952,  3089  et  1570,  3iio  et  i68i,  3117  et  1968)  et  que  hait  lettres 
sont  de  simples  fragments  complémentaires  de  lettres  publiées  en  par- 
tie dans  ce  même  recueil  (2092  et  66,  3027  et  396,  3o28  et  408,  3o3i  et 
420,  3o47  et  610,  3io2  et  i326,  3104  et  1340,  3127  et  2072). 


—   XXXVII   — 

lettres  inédites  ont  paru  vers  1889,  le  plus  souvent 
d'après  les  originaux,  dans  un  recueil  autographié, 
composé  exclusivement  des  lettres  du  saint  à  Louise 
de  Marillac,  au  nombre  de  trois  cent  dix-huit  ^^^  j)es 
extraits  de  lettres,  tous  empruntés  à  l'ouvrage  de 
M.  Pémartin  et  relatifs  à  la  fondatrice  ou  aux  œuvres 
des  sœurs,  sont  ajoutés  en  appendice.  La  sœur  de 
Geoffre,  Fille  de  la  Charité,  à  qui  a  été  confié  ce 
travail,  l'a  fait  avec  tout  son  cœur  et  toute  son  intel- 
ligence, et  c'est  justice  de  dire  qu'elle  l'a  bien  réussi. 

Après  quarante  ans,  le  moment  semble  venu  de 
reprendre  l'œuvre  de  M.  Pémartin  pour  lui  donner 
plus  d'étendue,  plus  d'ordre,  plus  d'exactitude,  et  pour 
l'adapter  aux  exigences  de  la  critique  moderne. 

La  conservation  de  l'orthographe  des  docujnents 
aurait  présenté,  nous  semble-t-il,  plus  d'inconvé- 
nients que  d'avantages  ;  nous  avons  préféré  la  moder- 
niser pour  rendre  la  lecture  de  l'ouvrage  plus  acces- 
sible au  public  et  éviter  la  diversité  d'orthographes 
qui  existe  entre  les  lettres  écrites  par  saint  Vincent  et 
par  ses  secrétaires,  entre  les  originaux  et  leurs  copies. 
La  moitié  environ  des  lettres  qui  forment  ce  recueil 
sont  empruntées  à  des  copistes  de  la  fin  du  dix- 
septième  siècle  ou  de  plus  tard.  Pourquoi  conser- 
ver leur  orthographe,  qui  n'est  ni  celle  du  document 
original,  ni  la  nôtre?  Par  raison  d'uniformité  et  de 
clarté,  les  derniers  éditeurs  de  la  correspondance  de 
Bossuet  ont  été  amenés  à  laisser  de  côté  l'ortho- 
graphe du  grand  orateur;  nous  les  imiterons. 

Les  lettres  de  saint  Vincent  seront  suivies  de  ses 


53.  Lettres  de  saint   Vincent  de  Paul  adressées  à  Mademoiselle  Le  Gras, 
m-4. 


—  XXXVIII   — 

entretiens,  et  les  entretiens  des  documents  principaux 
relatifs  à  sa  vie  et  à  ses  institutions.  L'œuvre  que 
nous  entreprenons  est  considérable;  nous  avons  l'es- 
poir qu'elle  sera  utile  :  aux  érudits  d'abord,  qui  trou- 
veront dans  ces  pages  beaucoup  de  renseignements 
nouveaux;  aux  futurs  biographes  du  saint,  auxquels 
elle  évitera  de  longues  et  souvent  vaines  recherches; 
enfin  à  tous  nos  lecteurs,  car  saint  Vincent  est  de  ces 
hommes  que  l'on  estime  et  que  l'on  aime  davantage 
quand  on  les  connaît  plus  parfaitement;  or,  l'estimer 
et  l'aimer,  n'est-ce  pas  déjà  se  sentir  porté  à  l'imiter? 


ABRÉVIATIONS  ET  REMARQUES 


L.  a.,  lettre  autographe,  c'est-à-dire  en  son  entier  de  la  main 
de  saint  Vincent  de  Paul. 

L.  s.,  lettre  signée,  c'est-à-dire  écrite  par  un  secrétaire  et 
signée  par  saint  Vincent  de  Paul. 

L'introduction  indique  ce  que  signifient  les  expressions 
Reg  [istre]  i,  Reg  [istre]  2  et  donne  des  détails  circonstanciés 
sur  les  autres  sources. 


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SAINT  VINCENT  DE  PAUL 

CORRESPONDANCE 


1    —  A  MONSIEUR  DE  COMET 

Monsieur, 

L'on  aurait  jugé,  il  y  a  deux  ans,  à  voir  l'apparence 
des  favorables  progrès  de  mes  affaires,  que  la  fortune 
ne  s'étudiait,  contre  mon  mérite,  qu'à  me  rendre  plus 

Lettre  1.  —  L.  a.  —  L'original,  d'une  écriture  fine  et  serrée, 
comprend  trois  pages  in-4°.  Son  histoire  mérite  d'être  connue.  Il 
passa,  avec  l'original  de  la  lettre  qui  suit,  des  mains  de  M.  de  Co- 
rnet dans  celles  de  Catherine  de  Cornet,  épouse  de  Jean  de  Saint- 
Martin.  Saint-Martin  d'Agés,  leur  fils,  les  trouva  en  1658  en  dépouil- 
lant les  papiers  de  famille.  Heureux  de  sa  découverte,  il  les  porta 
au  chanoine  de  Saint-Martin,  son  oncle,  ami  intime  du  saint.  Quel 
plaisir  va  éprouver  M.  Vincent  en  lisant  ces  pages  !  pensa  le  bon  cha- 
noine ;  et  aussitôt  il  en  fit  prendre  copie  pour  son  illustre  ami.  Les 
copies  ne  restèrent  pas  longtemps  aux  mains  de  saint  Vincent  ;  après 
les  avoir  lues,  il  les  brûla.  En  levant  le  voile  qui  cachait  deux  an- 
nées de  sa  jeunesse,  les  plus  tragiques  et  les  plus  glorieuses  à  la  fois, 
la  révélation  de  ces  documents  était  de  nature  à  blesser  sa  profonde 
humilité.  Sa  lettre  de  remerciement  fut  aussi  une  lettre  de  suppli- 
cation. Il  demanda  instamment  à  M.  de  Saint-Martin  de  lui  en- 
voyer les  originaux.  Le  frère  Ducoumau,  son  secrétaire,  qui  tenait 
la  plume,  prévint  le  chanoine  de  Dax  du  danger  que  courraient  les 
précieux  manuscrits  s'ils  venaient  à  tomber  entre  les  mains  du  samt, 
et  il  lui  conseilla  de  les  adresser  à  Jean  Watebled,  supérieur  du  col- 
lège des  Bons-Enfants.  Ainsi  fut  fait.  (Abelly,  op.  cit.,  t.  I,  chap.  IV, 
p.   17.) 

Jean  Watebled  communiqua  les  lettres  à  Antoine  Portail.  René 
Aimeras,  Thomas  Berthe,  Jean  Dehorgny,  le  frère  Ducoumau,  d'au- 
tres peut-être  en  prirent  connaissance.  Inutile  de  décrire  leur  éton- 
nement  et  leur  joie.  Ces  pages  étaient  une  révélation  pour  eux.  On 
était  au  mois  d'août  rôiS.  Le  frère  Ducournau  s'empressa  de  remercier 
le  chanoine  de  Saint-Martin.  Le  saint  attendit  longtemps  les  firigi- 
naux  qu'il  avait  demandés.  Le  r8  mars  1660,  sentant  sa  fin  prochaine, 
il  renouvela  ses  instances  par  une  lettre  que  nous  publierons  plus  loin. 

Les    deux    lettres    à    M.    de    Comet    restèrent    dans   les    archives    de 


envié  qu'imité  ^  ;  mais,  hélas  !  ce  n'était  que  pour  repré- 
senter en  moi  sa  vicissitude  et  inconstance,  convertis- 
sant sa  grâce  en  disgrâce  et  son  heur  en  malheur. 

Vous  avez  pu  savoir.  Monsieur,  comme  trop  averti 
de  mes  affaires,  comme  je  trouvai,  à  mon  retour  de 
Bordeaux  -,  un  testament  fait  à  ma  faveur  par  une  bonne 
femme  vieille  de  Toulouse,  le  bien  de  laquelle  consistait 
en  quelques  meubles  et  quelques  terres,  que  la  chambre 
mi-partie  de  Castres  ^  lui  avait    adjugés  pour  trois  ou 


Saint-Lazare  jusqu'en  1789  ou  1791.  Elles  furent  volées  lors  du  pil- 
lage ou  confisquées  deux  ans  après  avec  les  autres  biens.  Comment 
la  première  de  ces  lettres  vint-elle  aux  mains  de  Pelletier  de  Saint- 
Fargeau,  puis  de  srn  collègue  Carnot  ?  Nous  ne  savons.  Le  31  janvier 
1854,  elle  figurait  à  une  vente  d'autographes,  ainsi  que  quelques 
autres  lettres  de  samt  Vincent  et  plusieurs  plans  de  sermons  ou  dis- 
cours pour  les  assemblées  des  dames  de  la  Charité  de  l'Hôtel-Dieu. 
Au  mois  de  mai  de  la  même  année,  elle  est  signalée  dans  un  catalo- 
gue de  Laverdet,  comme  provenant  de  la  collection  de  M.  de  La 
Bouisse-Rochefort,  et  cotée  500  francs.  Laverdet  l'échangea  contre  des 
manuscrits  de  Montesquieu.  Nous  la  retrouvons  peu  après  à  Fonte- 
nay-le-Comte  dans  la  collection  d'autographes  de  Madame  Joseph 
Fillon.  Benjamin  Fillon  l'a  donnée  aux  Filles  de  la  Charité  qui  des- 
servent l'hôpital  de  Fontenay.  C'est  là  qu'elle  se  trouve  encore  au- 
jourd'hui, soigneusement  enfermée  dans  un  album  de  prix,  qui  la  pro- 
tège contre  l'usure.  Abelly  ne  l'a  pas  reproduite  tout  entière  ;  il  a 
omis  les  passages  qui  lui  semblaient  peu  dignes  d'un  saint,  entre 
autres  ceux  qui  pouvaient  laisser  soupçonner  chez  saint  Vincent  la 
croyance  à  l'alchimie.  Firmin  Joussemet,  neveu  de  Madame  Fillon, 
l'a  publiée  intégralement  en  1856  dans  la  Revue  des  frovinces  de 
rOuest. 

Le  destinataire  de  la  lettre  est  M.  de  Cornet  le  jeune.  (Cf. 
Abelly,  of.  cit.,  t.  I,  chap.  iv,  p.  14.)  Nous  écrivons  Cornet  et  non 
Commet  pour  nous  conformer  à  l'orthographe  suivie  par  le  saint  et 
les  membres  de   la   famille   Comet. 

1.  Saint  Vincent  dirigeait  alors  avec  succès  à  Toulouse  un  pension- 
nat très  fréquenté. 

2.  On  a  conjecturé  que  le  duc  d'Epernon  avait  appelé  le  saint 
près  do  lui  pour  lui  proposer  un  siège  épiscopal.  (Cf.  La  vie  de 
Saint  Vincent  de  Paul  [par  Pierre  Collet],  Nancy,  1748,  2  vol.  in-40, 
t.  I,  p.    15.) 

3.  Chambres  établies  par  l'édit  de  pacification  de  1576  dans  le 
parlement  de  Paris  et  dans  celui  de  Toulouse,  avec  résidence  à 
Castres,  pour  juger  des  causes  dans  lesquelles  étaient  intéressés  des 
réformés  ;  les  catholiques  et  les  protestants  y  étaient  en  nombre 
égal. 


quatre  cents  écus  qu'un  méchant  mauvais  garnement 
lui  devait  ;  poiu:  retirer  partie  duquel  je  m'acheminai 
sur  le  lieu  pour  vendre  le  bien,  comme  conseillé  de 
mes  meilleurs  amis  et  de  la  nécessité  que  j'avais  d'argent 
pour  satisfaire  aux  dettes  que  j'avais  faites,  et  grande 
dépense  que  j'apercevais  qu'il  me  convenait  faire 
à  la  poursuite  de  l'affaire  que  ma  témérité  ne  me 
permet  de  nommer  ■^. 

Etant  sur  le  lieu,  je  trouvai  que  le  galant  avait  ^ 
quitté  son  pays,  pour  une  prise  de  corps  que  la  bonne 
femme  avait  contre  lui  pour  la  même  dette,  et  fus 
averti  comme  il  faisait  bien  ses  affaires  à  Marseille  et 
qu'il  y  avait  de  beaux  moyens.  Sur  quoi  mon  procureur 
conclut  (comme  aussi,  à  la  vérité,  la  nature  des  affaires 
le  requérait)  qu'il  me  fallait  acheminer  à  Marseille, 
eistimant  que  l'ayant  prisonnier,  j'en  pourrais  avoir 
deux  ou  trois  cents  écus.  N'ayant  point  d'argent  pour 
expédier  cela,  je  vendis  le  cheval  que  j'avais  pris  de 
louage  à  Toulouse,  estimant  le  payer  au  retour,  que 
l'infortune  fit  être  aussi  retardé  que  mon  déshonneur 
est  grand  pour  avoir  laissé  mes  affaires  si  embrouillées  ; 
ce  que  je  n'aurais  fait  si  Dieu  m'eût  donné  aussi 
heureux  succès  en  mon  entreprise  que  l'apparence  me 
le  promettait. 

Je  partis  donc  sur  cet  avis,  attrapai  mon  homme 
à  Marseille,  le  fis  emprisonner  et  m'accordai  à  trois 
cents  écus,  qu'il  me  bailla  comptant  ^.  Etant  sur  le 
point  de  partir  par  terre,  je  fus  persuadé  par  un 
gentilhomme,  avec  qui  j'avais  logé,  de  m'embarquer 
avec  lui  jusques  à  Narbonne,  vu  la  faveur  du  temps 
qui   était  ;  ce  que  je   fis   pour  plus  tôt  y  être  et   pour 


4.  Serait-ce    le    siège     épiscopal     proposé,     a-t-on    dit,    par    le    duc 
d'Epernon  ? 

5.  Le  saint  a  écrit  content   ;  mais  l'orthographe  importe  peu    ;  nous 
pensons  que   le  mot   comptant   répond  mieux   à   sa   pensée. 


épargner,  ou,   pour  mieux   dire,    pour  n'y   jamais  être 
et  tout  perdre. 

Le  vent  nous  fut  aussi  favorable  qu'il  fallait  pour 
nous  rendre,  ce  jour,  à  Narbonne,  qu'était  faire  cin- 
quante lieues,  si  Dieu  n'eût  permis  que  trois  brigantins  * 
turcs,  qui  côtoyaient  le  golfe  du  Lion  pour  attraper 
les  barques  qui  venaient  de  Beaucaire,  où  il  y  avait 
foire  que  l'on  estime  être  des  plus  belles  de  la  chré- 
tienté \  ne  nous  eussent  donné  la  charge  et  attaqués 
si  vivement  que,  deux  ou  trois  des  nôtres  étant  tués 
et  tout  le  reste  blessé,  et  même  moi,  qui  eus  un  coup 
de  flèche,  qui  me  servira  d'horloge  tout  le  reste  de  ma 
vie  *,  n'eussions  été  contraints  de  nous  rendre  à  ces 
félons  et  pires  que  tigres,  les  premiers  éclats  de  la  rage 
desquels  furent  de  hacher  notre  pilote  en  cent  mille  piè- 
ces, pour  avoir  perdu  un  des  principaux  des  leurs,  outre 
quatre  ou  cinq  forçats  que  les  nôtres  leur  tuèrent. 
Ce  fait,  nous  enchaînèrent,  après  nous  avoir  grossièrement 
pansés,  poursuivirent  leur  pointe,  faisant  mille  voleries, 
donnint  néanmoins  liberté  à  ceux  qui  se  rendaient  sans 
combattre,  après  les  avoir  volés.  Et  enûn,  chargés  de 
marchandise,  au  bout  de  sept  ou  huit  jours,  prirent 
la  route  de  Barbarie,  tanière  et  spélonque  ®  de  voleurs, 

6.  Les  brigantins  étaient  alors  de  petits  navires  pontés,  de  la 
famille  des  galères,  ne  gréant  qu'une  seule  voile,  ayant  de  huit  à 
seize  bancs    à  un  seul  rameur  et  aux  rames  larges  et  minces. 

7.  Beaucaire  était  le  marché  central  des  produits  venus  du  Levant. 
La  foire  s'ouvrait  chaque  année  le  22  juillet  et  amenait  dans  cette 
ville,  de  Marseille,  Cette,  Aiguës- Mortes  et  d'ailleurs,  un  nombre  incal- 
culable de  barques.  Au  départ,  les  barques  qui  prenaient  la  direction 
de  la  mer  s'escortaient  entre  elles  ou  se  faisaient  accompagner  par  les 
galères  pour  se  protéger  en~  cas  d'attaque.  Les  pirates  levantins  ou 
barbaresques  guettaient  leur  passage,  placés  à  l'affût  le  long  des 
côtes,  non  loin  des  embouchures  du  Rhône.  (Cf.  Théodore  Fassin, 
Essai  historique  et  juridique  sur  la  foire  de  Beaucaire,  Aix,  1900, 
în-80  ;  Abel  Boutin,  Les  traités  de  faix  et  de  commerce  de  la  France 
avec  la  Barbarie,   1^1^-18^0,  in-8°,   Paris,    1902) 

8.  Le  saint  souffrait  de  sa  blessure   aux   changements   de   temps. 

9.  Du    mot   latin  sfelunca,    caverne. 


—  5  — 

sans  aveu  du  Grand  Turc,  où  étant  arrivés,  ils  nous 
exposèrent  en  vente,  avec  procès-verbal  de  notre  cap- 
ture, qu'ils  disaient  avoir  été  faite  dans  un  navire 
espagnol,  parce  que,  sans  ce  mensonge,  nous  aurions 
été  délivrés  par  le  consul  que  le  roi  tient  de  delà  pour 
rendre  libre  le  commerce  aux  Français  ^°. 

Leur  procédure  à  notre  vente  fut  qu'après  qu'ils 
nous  eurent  dépouillés  tout  nus,  ils  nous  baillèrent 
à  chacun  une  paire  de  braies  ^\  un  hoqueton  ^^  de  lin, 
avec  une  bonnette,  nous  promenèrent  par  la  ville  de 
Tunis,  où  ils  étaient  venus  expressément  pour  nous 
vendre.  Nous  ayant  fait  faire  cinq  ou  six  tours  par  la 
ville,  la  chaîne  au  col,  ils  nous  ramenèrent  au  bateau, 
afin  que  les  marchands  vinssent  voir  qui  pouvait  bien 
manger  et  qui  non,  pour  montrer  comme  nos  plaies 
n'étaient  point  mortelles  ;  ce  fait,  nous  ramenèrent 
à  la  place,  où  les  marchands  nous  vinrent  visiter,  tout 
de  même  que  l'on  fait  à  l'achat  d'un  cheval  ou  d'un 
bœuf,  nous  faisant  ouvrir  la  bouche  pour  visiter  nos 
dents,  palpant  nos  côtes,  sondant  nos  plaies  et  nous 
faisant  cheminer  le  pas,  trotter  et  courir,  puis  tenir  des 
fardeaux  et  puis  lutter  pour  voir  la  force  d'un  chacun, 
et  mille  autres  sortes  de  brutalités  ^^. 

Je   fus  vendu  à  un  pêcheur,  qui  fut  contraint  de  se 


10.  Les  Capitulations  de  1535,  1569,  1581  et  1604  stipulaient  que 
les  corsaires  barbaresques  respecteraient  la  liberté  du  commerce  fran- 
çais. 

11.  Braies t    culottes. 

12.  Hoqueton,  casaque. 

13.  Cette  description  correspond  presque  trait  pour  trait  à  celles  que 
nous  ont  laissées  d'autres  esclaves  libérés.  Abel  Boutin  résume  ainsi 
leurs  témoignages  (o-p  cit.,  p.  162)  :  «  Durant  toute  la  matinée,  il 
y  avait  exposition  des  captifs.  Au  dire  des  témoins  oculaires,  c'était 
l'heure  la  plus  pénible  de  la  captivité.  Entièrement  nus,  sous  les 
rayons  ardents  d'un  soleil  tropical,  ils  devaient  se  prêter  à  toutes 
sortes  d'attouchements  de  la  part  des  acheteurs.  Ceux-ci  les  palpaient, 
comme  sur  nos  marchés  modernes  on  palpe  bœufs  ou  chevaux.  Ils 
examinaient    leur    conformation,    la    valeur    de    leur?    muscles.    Ils    es- 


défaire  bientôt  de  moi,  pour  n'avoir  rien  de  si  contraire 
que  la  mer,  et  depuis  par  le  pêcheur  à  un  vieillard, 
médecin  spagirique  ^^,  souverain  tireur  de  quintessences, 
homme  fort  humain  et  traitable,  lequel,  à  ce  qu'il  me 
disait,  avait  travaillé  cinquante  ans  à  la  recherche  de 
la  pierre  philosophale,  et  en  vain  quant  à  la  pierre, 
mais  fort  heureusement  à  autre  sorte  de  transmutation 
des  métaux.  En  foi  de  quoi,  je  lui  ai  vu  souvent  fondre 
autant  d'or  que  d'argent  ensemble,  les  mettre  en  petites 
lamines,  et  puis  mettre  un  lit  de  quelques  poudres,  puis 
un  autre  de  lamines,  et  puis  un  autre  de  poudres  dans  un 
creuset  ou  vase  à  fondre  des  orfèvres,  le  tenir  au  feu 
vingt-quatre  heures,  puis  l'ouvrir  et  trouver  l'argent  être 
devenu  or  ;  et  plus  souvent  encore  congeler  ou  axer 
de  l'argent  vif  en  fin  argent,  qu'il  vendait  pour  donner 
aux  pauvres.  Mon  occupation  était  à  tenir  le  feu  à 
dix  ou  4ouze  fourneaux  ;  en  quoi,  Dieu  merci,  je  n'avais 
plus  ^^  de    peine    que  de    plaisir.  Il    m'aimait  fort  et  se 


sayaient  leur  force.  Ils  les  faisaient  marcher,  courir  ou  sauter.  Ils 
regardaient  leurs  dents,   les  paumes  de  leurs  mains...    » 

A  Alger,  la  vente  se  faisait  par  l'intermédiaire  de  courtiers.  Ceux- 
ci  faisaient  successivement  le  tour  du  marché,  passant  devant  les 
arcades,  et  énuméraient  les  qualités,  vraies  ou  fausses,  des  captifs... 
Ils  terminaient  leur  harangue  par  le  prix  demandé  :  à  tant  de  fias- 
ires.  Les  acheteurs  présents  enchérissaient,  et  l'esclave  était  adjugé 
au  plus  offrant  et  dernier  enchérisseur.  Mais  il  y  avait  aussi  des 
esclaves  défectueux,  infirmes,  malingres  ou  vieux,  qui  n'auraient  pu 
trouver  acquéreur  si  on  les  avait  mis  individuellement  en  vente  ; 
alors  on  faisait  un  lot  d'esclaves,  mi-robustes,  mi-malingres,  et  le 
tout  était  adjugé  selon  la  règle  ordinaire.    (A.  Boutin,  o;p.  cit.,  p.  i66. ) 

Pierre  Dan  (Histoire  de  Barbarie  et  de  ses  corsaires,  Paris,  2^  éd., 
1649,  in-8°,  p.  285)  évalue  à  sept  mille  le  nombre  des  chrétiens  en 
captivité  dans  la  seule  régence  de  Tunis,  aux  premières  années  du 
XVII®  siècle.  Le  maître  avait  sur  son  esclave  droit  de  vie  et  de  mort. 
Il  pouvait  le  garder,  le  mettre  en  liberté  ou  le  revendre.  L'esclave 
était  sa  chose. 

14.  Les  médecins  spagiristes  expliquaient  les  changements  organi- 
ques du  corps  humain  en  santé  et  en  maladie  comme  les  chimistes  de 
leur  temps  expliquaient  ceux  du  règne  inorganique.  Paracelse  fut,  au 
XVI®  siècle,  le  fondateur  et  le  chef  de  cette  école. 

15.  Je  n'avais  flus,   je  n'avais  pas  plus. 


—  7  — 

plaisait  fort  de  me  discourir  de  l'alchimie  et  plus  de 
sa  loi,  à  laquelle  il  faisait  tous  ses  efforts  de  m'attirer, 
me  promettant  force  richesses  et  tout  son  savoir. 

Dieu  opéra  toujours  en  moi  une  croyance  de  déli- 
vrance par  les  assidues  prières  que  je  lui  faisais  et 
à  la  sainte  Vierge  Marie,  par  la  seule  intercession  de  la- 
quelle je  crois  fermement  avoir  été  délivré.  L'espérance 
et  ferme  croyance  donc  que  j'avais  de  vous  revoir,  Mon- 
sieur, me  fit  être  assidu  à  le  prier  de  m'enseigner  le 
moyen  de  guérir  de  la  gravelle,  en  quoi  je  lui  voyais 
journellement  faire  miracle  ;  ce  qu'il  fit  ;  voire  me  fit 
préparer  et  administrer  les  ingrédients.  Oh  !  combien 
de  fois  ai-je  désiré  ^®  depuis  d'avoir  été  esclave  aupara- 
vant la  mort  de  feu  Monsieur  votre  frère  et  commaece- 
nas  ^^  à  me  bien  faire  ^*,  et  avoir  eu  le  secret  que  je  vous 
envoie  ^',  vous  priant  le  recevoir  d'aussi  bon  cœur  que 


i6.  Ce    mot    est   répété    dans    Toriginal. 

17.  Mécène,  favori  d'Auguste,  fut,  de  son  temps,  le  protecteui  des 
gens  de  lettres  et  en  particulier  de  Virgile  et  d'Horace. 

18.  M.  de  Comet  l'aîné,  avocat  du  présidial  de  Dax  et  juge  de 
Pouy,  avait  eu,  ainsi  que  son  frère,  le  mérite  de  deviner  le  jeune 
Vincent.  Jusqu'au  jour  de  son  départ  pour  l'université  de  Toulouse, 
celui-ci  se  laissa  conduire  par  les  Comet,  qui,  pour  accroître  ses 
faibles  ressources,  lui  confièrent  un  préceptorat  dans  leur  propre 
famille.  Il  ne  faudrait  pas  dire  toutefois,  avec  le  janséniste  Martin  de 
Barcos  (Défense  de  feu  Monsieur  Vincent  de  Paul...  contre  les  faux 
discours  du  livre  do  sa  vie  fubiiée  -par  M.  Abelly,  ancien  évêque  de 
Rodez,  et  contre  les  impostures  de  quelques  autres  écrits  sur  ce  su- 
jet, 1666,  in-8°,  p.  87),  que  saint  Vincent  de  Paul  est  entré  dans  les 
ordres    sans    vocation,    pour    ne    pas    contrarier    ses   deux    bienfaiteurs. 

19.  Nous  lisons  dans  un  ancien  cahier  manuscrit  sans  date  conservé 
à  l'hospice  de  Marans  (Charente-Inférieure)  :  «  Remède  de  saint 
Vincent  de  Paul  pour  la  gravelle.  Prenez  thérébentine  de  Venise, 
deux  onces  ;  turbith  blanc,  deux  onces  ;  mastic,  galanga,  girofle, 
cannelle  cubés,  de  chacun  demi-once  ;  bois  d'aloès  battu,  une  once. 
Empâtez  le  tout  ensemble  avec  demi-livre  de  miel  blanc  et  une  pinte 
d'eau-de-vie  la  plus  forte.  Laissez  le  tout  en  digestion  quelque  temps, 
puis  le  distillez.  Il  faut  prendre,  le  matin,  à  jeun,  la  quatrième  partie 
d'une  cuillère  et  observer  de  l'emplir  d'eau  de  bourrache  ou  de  bu- 
glosse,  en  prendre  autant  de  fois  que  l'on  voudra,  parce  qu'elle  ne 
peut  être  nuisible    ;   au  contraire,   elle  est  très  bonne  pour  la  santé    ; 


—  8  — 

ma  croyance  est  ferme  que,  si  j'eusse  su  ce  que  je  vous 
envoie,  que  la  mort  n'en  aurait  jà  -"  triomphé  (au  moins 
par  ce  moyen),  ores  que  l'on  die  que  les  jours  de 
l'homme  sont  comptés  devant  Dieu.  Il  est  vrai  ;  mais  ce 
n'est  point  parce  que  Dieu  avait  compté  ses  jours  être 
en  tel  nombre,  mais  le  nombre  a  été  compté  devant  Dieu, 
parce  qu'il  est  advenu  ainsi  ;  ou,  pour  plus  clairement 
dire,  il  n'est  point  mort  lorsqu'il  est  mort  pource  que 
Dieu  l'avait  ainsi  prévu  ou  compté  le  nombre  de  ses 
jours  être  tel,  mais  il  l'avait  prévu  ainsi  et  le  nombre  de 
ses  jours  a  été  connu  être  tel  qu'il  a  été,  parce  qu'il  est 
mort  lorsqu'il  est  mort. 

Je  fus  donc  avec  ce  vieillard  depuis  le  mois  de 
y  septembre  1605  '-^  jusques  au  mois  d'août  prochain  ^^, 
qu'il  fut  pris  et  mené  au  grand  sultan  ^^  pour  travailler 
pour  lui,  mais  en  vain,  car  il  mourut  de  regret  par 
les  chemins.  Il  me  laissa  à  un  sien  neveu,  vrai  anthro- 
pomorphite  ^*,  qui  me  revendit  tôt  après  la  mort  de  son 
oncle,  parce  qu'il  ouit  dire  comme  M.  de  Brèves  ^^,  am- 
bassadeur pour  le  roi  en  Turquie,  venait,  avec  bonnes 


et  la  principale  opération  est  pour  les  urineg.  C'est  pourquoi  on  n'y 
est  point  obligé  de  garder  d'autre  régime  de  vivre,  sinon  qu'il  ne  faut 
mfinger  qu'une  heure  après,  et  on  peut  aller  à  ses  aiFaires  ordinaires. 
On  en  verra  l'expérience.  Ce  grand  serviteur  de  Dieu  l'a  appris  en 
Barbarie,   lorsqu'il   était  captif.    » 

20.  /à,  déjà. 

21.  Il  n'était  donc  resté  que  de  un  à  deux  mois  avec  son  premier 
maître. 

22.  Prochain,    suivant. 

23.  Achmet  I^r,   fils  et  successeur  de  Mohammed  III. 

24.  Nom  donné  à  ceux  qui  attribuent  à  Dieu  une  figure  humaine.  Il 
a  paru  étrange  à  Martin  de  Barcos  [Réplique  à  V écrit  que  M.  Abelly, 
ancien  évêque  de  Rodez,  a  fublié  four  défendre  son  livre  de  la  vie 
de  M.  Vincent,  1669,  in-4°,  p.  13)  que  saint  Vincent  ait  fait  ici  men- 
tion des  opinions  théologiques  de  son  maître,  et  il  a  supposé  qu' Abelly 
avait  mal  lu  l'original.  Il  est  possible  qu'après  coup  Abelly  ait  eu  des 
doutes,  car,  dans  sa  seconde  édition,  le  mot  anthrofomor-phite  est 
omis. 

25.  François  Savary,  seigneur  de  Brèves,  ambassadeur  à  Constan- 
tinople   de    1589   à    1607   et   à   Rome   de    1607   à    1615,   gouverneur   de 


—  9  — 

et  expresses   patentes   du   Grand    Turc,   pour   recouvrer 
les  esclaves  chrétiens. 

Un  renégat  -®  de  Nice,  en  Savoie,  ennemi  de  nature, 
m'acheta  et  m'en  emmena  en  son  temat  -'  ;  ainsi  s'ap- 
pelle le  bien  que  l'on  tient  comme  métayer  du  Grand 
Seigneur,  car  le  peuple  n'a  rien  ;  tout  est  au  sultan.  Le 
temat  de  celui-ci  était  dans  la  montagne,  où  le  pays 
est  extrêmement  chaud  et  désert.  L'une  des  trois  femmes 
qu'il  avait  (comme  grecque-ch retienne,  mais  schisma- 
tique)  avait  un  bel  esprit  et  m'affectionnait  fort  ;  et 
plus  à  la  fin,  une  naturellement  turque,  qui  servit  d'ins- 
trument à  l'immense  miséricorde  de  Dieu  pour  retirer 
son  mari  de  l'apostasie  et  le  remettre  au  giron  de 
l'Eglise,  fit  me  délivrer  de  mon  esclavage.  Curieuse 
qu'elle  était  de  savoir  notre  façon  de  vivre,  elle  me 
venait  voir  tous  les  jours  aux  champs  où  je  fossoyais, 


Gaston,  frère  de  Louis  XIII,  premier  écuyer  de  la  reine  et  membre 
du  conseil  des  dépêches,  un  des  négociateurs  les  plus  habiles  du  règne 
d'Henri  IV,  mort  en  1628,  à  l'âge  de  soixante-huit  ans. 

Savary  de  Brèves  débarqua  à  Tunis  le  17  juin  1606.  Il  avait 
ordre  de  demander  l'élargissement  de  tous  les  esclaves  français,  la 
restitution  des  marchandises  et  des  navires  pris  par  les  pirates,  enfin 
l'abolition  du  droit  de  visite.  Au  mois  d'août,  après  de  longs  pourpar- 
lers, les  Tunisiens  s'engagèrent  à  ne  plus  troubler  le  trafic  des  négo- 
ciants français  et  à  restituer  au  consul  tout  ce  que  les  corsaires  enlè- 
veraient à  la  France.  L'ambassadeur  repartit  le  24  août,  accompag[né 
de  soixante-dou^e  esclaves.  Il  n'avait  obtenu  que  des  promesses  res- 
tées vaines  et  la  libération  de  quelques  captifs.  (Relation  des  voyages 
de  Monsieur  de  Brèves  tant  en  Grèce,  Terre  Sainte  et  Egyfte  qu'aux 
royaumes  de  Tunis  et  d'Alger,  ensemîïe  un  traité  fait  Van  1604 
par  Jacques  de  Castel,  son  secrétaire,  Paris,  1628,  in-4°.) 

26.  Les  renégats  étaient  nombreux.  Ils  se  recrutaient  soit  parmi  les 
esclaves,  soit  parmi  les  étrangers  venus  d'eux-mêmes  en  Barbarie  pour 
se  soustraire  à  leurs  créanciers.  Ceux  qui  embrassaient  l'Islam  étaient, 
de  par  la  loi  musulmane,  quittes  de  toutes  dettes.  Les  esclaves 
convertis  à  la  religion  de  Mahomet  avaient  plus  de  liberté  que  les 
autres  et  étaient  soumis  à  des  traitemenU  moins  rigoureux.  Les  capi- 
taines les  plus  redoutés  dont  parle  l'histoire  de  la  piraterie  barba- 
resque,  étaient  presque  tous  des  renégats.  Une  fois  leur  fortune  faite, 
ils  en  jouissaient  paisiblement  dans  de  somptueux  palais. 

27.  Mot    turc. 


et  après  tout  me  commanda  de  chanter  louanges  à  mon 
Dieu.  Le  ressouvenir  du  Quornodo  cantabimus  in  terra 
aliéna  des  enfants  d'Israël  captifs  en  Babylone  me  fit 
commencer,  avec  la  Larme  à  l'œil,  le  psaume  Super 
fiwnina  Babylonis  et  puis  le  Salve,  Regina,  et  plusieurs 
autres  choses  ;  en  quoi  elle  prit  autant  de  plaisir  que 
la  merveille  en  fut  grande.  Elle  ne  manqua  point  de 
dire  à  son  mari,  le  soir,  qu'il  avait  eu  tort  de  quitter  sa 
religion,  qu'elle  estimait  extrêmement  bonne,  pour  un 
récit  que  je  lui  avais  fait  de  notre  Dieu  et  quelques 
louanges  que  je  lui  avais  chantées  en  sa  présence  ;  en 
quoi,  disait-elle,  elle  avait  un  si  divin  plaisir  qu'elle  ne 
croyait  point  que  le  paradis  de  ses  pères  et  celui  qu'elle 
espérait  fût  si  glorieux,  ni  accompagné  de  tant  de  joie 
que  le  plaisir  qu'elle  avait  pendant  que  je  louais  mon 
Dieu,  concluant  qu'il  y  avait  quelque  merveille. 

Cet  autre  Caïphe  ou  ânesse  de  Balaam  fit,  par  ses 
discours,  que  son  mari  me  dit  dès  le  lendemain  qu'il 
ne  tenait  qu'à  commodité  que  nous  ne  nous  sauvassions 
en  France  ^*,  mais  qu'il  y  donnerait  tel  remède,  dans 
peu  de  temps,  que  Dieu  y  serait  loué.  Ce  peu  de  jours 
furent  dix  mois  qu'il  m'entretint  en  ces  vaines,  mais 
à  la  fin  exécutées  espérances,  au  bout  desquels  nous 
nous  sauvâmes  avec  un  petit  esquif  et  nous  rendîmes,  le 
vingt-huitième  de  juin  ,  à  Aigues-Mortes  ~°  et  tôt  après 
en  Avignon,  où  Monseigneur  le  vice-légat  ^^  reçut  publi- 


28.  Il  était  impossible  de  fuir  par  terre,  la  régence  de  Tunis  étant 
entourée  de  déserts  infestés  de  bêtes  fauves.  Par  mer,  la  fuite  était 
périlleuse,  vu  la  surveillance  continuelle  que  l'on  exerçait  sur  les 
côtes.  Les  renégats  en  fuite,  quand  ils  étaient  repris,  payaient  de  leur 
vie    leur    tentative    audacieuse. 

29.  Petite  ville  du  Gard  placée  sur  les  bords  d'un  grand  étang,  à 
près  de  deux  lieues  de  la  mer,  à  laquelle  elle  est  reliée  par  un  canal 
construit    sous    Louis   XV. 

30.  Pierre-François  Montorio,  né  en  mars  1558  à  Narni,  évêque  de 
Nicastro  en  1593,  vice-légat  d'Avignon  en  1604,  nonce  à  Cologne  en 
1621,  mort  à  Rome  en  juin  1643. 


quement  le  renégat,  avec  la  larme  à  l'œil  et  le  sanglot 
au  gosier,  dans  l'église  de  Saint-Pierre,  à  l'honneur  de 
Dieu  et  édification  des  spectateurs.  Mondit  seigneur 
nous  a  retenus  tous  deux  pour  nous  mener  à  Rome,  où 
il  s'en  va  tout  aussitôt  que  son  successeur  à  la  trienne", 
qu'il  acheva  le  jour  de  la  saint  Jean,  sera  venu  ^^.  Il  a 
promis  au  pénitent  de  le  faire  entrer  à  l'austère  couvent 
des  Fate  ben  fratelli  ",  oii  il  s'est  voué  ^^,  et  à  moi  de  me 
faire  pourvoir  de  quelque  bon  bénéfice.  Il  me  fait  cet 
honneur  de  me  fort  aimer  et  caresser,  pour  quelques 
secrets  d'alchimie  que  je  lui  ai  appris,  desquels  il 
fait  plus  d'état,  dit-il,  que  si  io  H  avesse  datto  7in 
monte  di  oro  ^^,  parce  qu'il  y  a  travaillé  tout  le  temps  de 
sa  vie  et  qu'il  ne  respire  autre  contentement.  Mondit 
seigneur,  sachant  comme  je  suis  homme  d'église,  m'a 
commandé  d'envoyer  quérir  les  lettres  de  mes  ordres, 
m' assurant  de  me  faire  du  bien  et  très  bien  pourvoir 
de  bénéfice.  J'étais  en  peine  pom:  trouver  homme  affidé 
pour  ce  faire,  quand  un  mien  ami,  de  la  maison  de 
mondit  seigneur,  m'adressa  Monsieur  Canterelle,  pré- 
sent porteur,  qui  s'en  allait  à  Toulouse,  lequel  j'ai 
prié  de  prendre  la  peine  de  donner  un  coup  d'éperon 
jusques  à  Dax  pour  vous  aller  rendre  la  présente  et 
recevoir  mesdites  lettres  avec  celles  que  j'obtins  à 
Toulouse  de  bachelier  en  théologie  ^*',  que  je  vous  supplie 


31.  Les    vice-légats    d'Avignon   étaient    nommés    pour    trois    ans. 

32.  Le  successeur  de  Pierre-François  Montorio  fut  Joseph  Ferreri, 
archevêque    d'Urbino. 

33.  Faites  bien,  frères,  nom  vulgaire  d'un  hôpital  tenu  par  les 
frères   de    Saint-Jean-de-Dieu. 

34.  Abelly  ne  donne  pas  la  suite  de  la  lettre. 

35.  Si  io  H  avesse  daito  un  monte  di  attro,  si  je  lui  avais  donné  une 
montagne   d'or. 

36.  On  retrouva  dans  la  chambre  du  saint,  après  sa  mort,  ses  let- 
tres de  bachelier  en  théologie,  reçues  à  l'université  de  Toulouse,  et 
celles  de  licencié  en  droit  canon,  que  lui  avait  conférées  l'université 
de   Paris-    (Déposition   du    frère  Chollier   au   procès   de   béatification  ; 


lui  délivrer.  Je  vous  en  envoie,  à  ces  nns,  un  reçu.  Ledit 
sieur  Canterelle  est  de  la  maison  et  a  exprès  comman- 
dement de  Monseigneur  de  s'acquitter  fidèlement  de  sa 
charge  et  de  m'envoyer  les  papiers  à  Rome,  si  tant  est 
que  nous  soyons  partis. 

J'ai  porté  deux  pierres  de  Turquie  que  nature  a  tail- 
lées en  pointe  de  diamant,  l'une  desquelles  je  vous 
envoie,  vous  suppliant  la  recevoir  d'aussi  bon  cœur  que 
humblement  je  la  vous  présente. 

Il  ne  peut  point  être.  Monsieur,  que  vous  et  mes 
parents  n'ayez  été  scandalisés  en  moi  par  mes  créan- 
ciers, que  j'aurais  déjà  en  partie  satisfaits  de  cent  ou 
six- vingts  écus,  que  notre  pénitent  m'a  dormes,  si  je 
n'avais  été  conseillé  par  mes  meilleurs  amis  de  les 
garder  jusques  à  mon  retour  de  Rome,  pour  éviter  les 
accidents  qu'à  faute  d'argent  me  pourraient  advenir 
(ores  que  j'aie  la  table  et  le  bon  œil  de  Monseigneur)  ; 
mais  j'estime  que  tout  ce  scandale  se  tournera  en  bien. 

J'écris  à  Monsieur  d'Arnaudin  ''^  et  à  ma  mère.  Je  vous 
supplie  leur  faire  tenir  mes  lettres  par  homme  que  Mon- 
sieur Canterelle  paiera.  Si,  par  cas  fortuit,  ma  mère 
avait  retiré  les  lettres,  à  tout  événement,  elles  sont 
insinuées  chez  Monsieur  Rabel  ^^.  Autre  chose  ^^  sinon 
que,  vous  priant  me  continuer  votre  sainte  affection,  je 


cf.  Summarium  ex  frocessu  ne  fereant  frobaliones  auctoritate  a-pos- 
tolica  fabricato,  in-^^  -p.  §.J  Vincent  de  Paul  ne  se  donne  jamais 
d'autres  titres.  Ceux  qui  lui  attribuent  la  licence  en  théologie  (Abelly, 
op.  cit.,  t.  III,  chap.  XIII,  p.  199),  ou  le  doctorat  en  la  même  ma- 
tière   (Gallia   Christiana,   t.   II,   col.   1413),    font   certainement  erreur. 

37.  Vraisemblablement  Pierre  Darnaudin,  notaire. 

38.  Pierre  Rabel  ou  Ravel  était,  croyons-nous,  secrétaire  épiscopal. 
Nous  le  voyons  figurer  dans  une  pièce  de  1603  comme  procureur  cons- 
titué de  l'évêque  de  Dax  devant  le  notaire  Bayle.  (Archiv.  non  clas- 
sées  du   sénéchal   civil   de    Dax.) 

39.  Autre   chose,    rien    autre    chose. 


—  13  — 

demieure,   Monsieur,    votre    très    humble    et    obéissant 
serviteur 

Depaul  ^°. 

En  Avignon,  ce  24  juillet   1607. 
Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  de  Cornet,  avocat 
à  la  Cour  présidiale  de  Dax,  à  Dax. 


2.  —  A  MONSIEUR  DE  COMET 

Monsieur, 

Je  vous  ai  écrit  deux  fois  par  l'ordinaire  d'Espagne, 
qui  passe  à  Paris  et  à  Bayonne,  et  adressé  mes  lettres 
chez  Monsieur  de  la  Lande  ^  pour  les  faire  tenir  à 
Monsieur  le  procureur  du  roi,  que  je  me  ressouviens 
être  parents,  et  ne  savoir  cîii  altari  vovere  vota  mea  pour 

40.  Les  trois  premières  lettres  de  saint  Vincent  sont  signées  De-paul, 
les  suivantes  Vincent  Defaul,  ou,  par  abréviation,  V.  D.,  parfois 
V.  D,  P.  Jamais  sous  la  plume  du  saint  on  ne  trouve  de  Paul  en  deux 
mots,  bien  que  ses  contemporains  eux-mêmes  aient  ainsi  séparé  les 
deux  syllabes  de  son  nom.  Dans  les  registres  paroissiaux  de  son  vil- 
lage natal  et  des  lieux  environnants  et  au  bas  des  actes  notariés  de  la 
famille,  nous  trouvons  l'une  et  l'autre  orthographes.  Au  reste,  la  ques- 
tion est  sans  importance.  La  particule  n'est  regardée,  et  avec  raison, 
par  aucun  généalogiste  comme  un  signe  de  noblesse.  Il  suffit  de  par- 
courir les  plus  anciens  registres  de  catholicité  de  Pouy  pour  s'en  con- 
vaincre ;  presque  tous  les  paysans  ont  un  de  devant  leur  nom.  La  rai- 
son en  est  dans  ce  fait  que,  au  moins  dans  cette  partie  des  Landes, 
beaucoup  de  noms  de  personnes  étaient  à  l'origine  des  noms  de  lieux. 
Nous  trouvons  à  Pouy  deux  endroits  qui  s'appelaient  anciennemenc 
et  s'appellent  encore  aujourd'hui  Paul  :  une  maison  sise  dans  le  quar- 
tier de  Buglose,  et  un  ruisseau  qui  traverse  presque  à  mi-chemin  la 
route  reliant  Buglose  au  Berceau.  Il  est  assez  probable  que  les  pa- 
rents éloignés  du  saint  avaient  habité  ou  cette  maison  ou  les  bords  de 
ce  ruisseau.  Ils  étaient  de  Paul    ;  le  nom  leur  est  resté. 

Lettre  2-  —  L.  a.  Dossier  de  la  Mission,  original.  Nous  avons 
déjà  raconté  l'histoire  de  l'original  de  cette  lettre  en  parlant  de  l'ori- 
ginal de  la  lettre  i. 

I.  Très  probablement  Bertrand  de  Lalande,  conseiller  du  roi  et 
lieutenant  général  du  présidial  de  Dax,  qui,  par  son  mariage  avec 
Jeanne  de  Parage,  dame  d'Escanebaque,  est  devenu  la  tige  des  de 
Lalande,    seigneurs   d'Escanebaque    à   Sabres    (T^andes) . 


—  14  — 

avoir  de  vos  nouvelles,  quand  Dieu,  qui,  etiamsi  dif- 
férai, non  aufert  tanien  spei  effectus,  m'a  fait  ren- 
contrer ce  vénérable  Père  religieux  sur  son  embar- 
quement, par  le  moyen  duquel  j'espère  jouir  du  bien 
duquel  la  perfidie  de  ceux  à  qui  l'on  âe  les  lettres 
m'avait   privé. 

Ce  bien  n'est  autre  chose.  Monsieur,  qu'une  assu- 
rance nouvelle  de  votre  bon  portement  et  de  celui  de 
toute  votre  famille,  que  je  prie  le  Seigneur  féliciter  du 
comble  de  ses  grâces.  Je  vous  rendais  grâces  par  mes 
précédentes  du  soin  paternel  qu'il  vous  plaît  avoir  de 
moi  et  de  mes  affaires,  et  priais  mon  Dieu,  comme  je 
fais  encore  et  ferai  toute  ma  vie,  me  vouloir  faire  la 
grâce  de  me  donner  le  moyen  de  m'en  revancher  par 
mon  service,  que  vous  vous  êtes  hypothéqué  au  prix 
de  tout  le  bien  qu'un  père  peut  faire  à  son  ûls  propre. 

Je  suis  extrêmement  marri  que  je  ne  vous  puisse  écrire 
que  ^  trop  sommairement  l'état  de  mes  affaires  pour  le 
hâté  départ  des  mariniers  peu  courtois  avec  lesquels 
ce  vénérable  Père  s'en  va,  non  à  Dax,  à  ce  qu'il  m'a  dit, 
mais  bien  en  Béam,  où  il  m'a  dit  que  le  Révérend  Père 
Antoine  Pontanus,  qui  a  toujours  été  de  mes  bons  amis, 
prêche,  auquel,  comme  à  celui  duquel  j'espère  un  bon 
office,  j'adresse  mes  lettres,  le  prie  vous  vouloir  faire 
tenir  la  présente,  et  de  me  renvoyer,  s'il  a  commodité, 
comme  ce  Père  m'a  dit  qu'il  aurait,  la  réponse  que 
j'espère  qu'il  vous  plaira  me  faire. 

Alon  état  est  donc  tel,  en  un  mot,  que  je  suis  en  cette 
ville  de  Rome,  où  je  continue  mes  études,  entretenu 
par  Monseigneur  le  vice-légat  qui  était  d'Avignon  ^, 
qui  me  fait  l'honneur  de  m'aimer  et  de  désirer  mon  avan- 


2.  Ce   mot   est   répété    dans   l'original. 

3.  Pierre-François    de    Montorio. 


—  15  — 

cernent,  pour  lui  avoir  montré  force  belles  choses 
curieuses  que  j'appris  pendant  mon  esclavage  de  ce 
vieillard  turc  à  qui  je  vous  ai  écrit  que  je  fus  vendu, 
du  nombre  desquelles  curiosités  est  le  commencement, 
non  la  totale  perfection,  du  miroir  d'Archimède  ;  un 
ressort  artificiel  pour  faire  parler  ime  tête  de  mort,  de 
laquelle  ce  misérable  se  servait  poux  séduire  le  peuple, 
leur  disant  que  son  dieu  Mahomet  lui  faisait  entendre 
sa  volonté  par  cette  tête,  et  mille  autres  belles  choses 
géométriques,  que  j'appris  de  lui,  desquelles  mondit 
seigneur  est  si  jaloux  qu'il  ne  veut  pas  même  que  j'ac- 
coste personne,  de  peur  qu'il  a  que  je  l'enseigne,  dési- 
rant avoir,  lui  seul,  la  réputation  de  savoir  ces  choses, 
lesquelles  il  se  plaît  de  faire  voir  quelquefois  à  Sa 
Sainteté  *  et  aux  cardinaux.  Cette  sienne  affection  et 
bienveillance  donc  me  fait  promettre,  comme  il  me  l'a 
promis  aussi,  le  moyen  de  faire  une  retirade  honorable, 
me  faisant  avoir,  à  ces  fins,  quelque  honnête  bénéfice 
en  France  ;  à  quoi  m'est  nécessaire  extrêmement  une 
copie  de  mes  lettres  d'ordres,  signée  et  scellée  de 
Monseigneur  de  Dax  ^,  avec  un  témoignage  de  mondit 
seigneur,  qu'il  pourrait  retirer  par  une  enquête  som- 
maire de  quelques-uns  de  nos  amis,  comme  l'on  m'a 
toujours  reconnu  vivant  en  homme  de  bien,  avec  toutes 


4.  Paul   V. 

5.  La  copie  envoyée  au  saint  sur  sa  demande  commençait  ainsi  :  Ex- 
trait du  quatrième  registre  des  Insinuations  ecclésiastiques  du  diocèse 
d^Acqs  ;  puis  venait  le  texte  des  lettres  d'ordination,  et  à  la  suite  : 
«  L'an  mil  six  cent  quatre  et  le  vingtième  jour  du  présent  mois  d'oc- 
tobre, toutes  les  susdites  lettres  d'ordre  de  prêtrise  ont  été  insi- 
nuées et  enregistrées  au  quatrième  registre  des  Insinuations  ecclésias- 
tiques du  diocèse  d'Acqs,  ce  requérant  ledit  Vincent  de  Paul  y  nommé. 
Et  le  quinzième  du  présent  mois  de  mai  mil  six  cent  huit,  le  tout  a  été 
bien  et  dûment  extrait,  vidimé  et  collationné  dudit  quatrième  registre 
des  Insinuations,  ce  requérant  [la  place  réservée  au  nom  est  restée  en 
blanc]  son  frère,  au  non?  et  comme  ayant  charge  dudit  Vincent  de 
Paul,  pour  lui  servir  ce  que  'ie  raison.   Fait  à  d'Acqs  ledit  jour  et  an 


—  i6  — 

les  autres  petites  solennités  à  ce  requises.  C'est  ce  que 
mondit  seigneur  m'exhorte  tous  les  jours  de  retirer. 
C'est  pourquoi,  Monsieur,  je  vous  supplie  très  hum- 
blement me  vouloir  faire  encore  ce  bien  de  vouloir 
relever  une  autre  cédule  de  m.es  lettres  et  de  tenir  ia 
main  à  me  faire  obtenir  de  mondit  seigneur  de  Dax 
cet  attestatoire,  en  la  forme  que  dessus,  et  de  me  l'en- 
voyer par  la  voie  dudit  Révérend  Père  Pontanus.  Je 
vous  aurais  envoyé  de  l'argent  à  ces  fins,  n'était  que 
je  crains  que  l'argent  ne  fasse  perdre  la  lettre.  Voilà 
pourquoi  je  vous  prie  faire,  avec  ma  mère  ^,  qu'elle 
fournisse  ce  qu'il  faudra.  Je  présuppose  qu'il  y  fau- 
dra 3  ou  4  écus.  J'en  ai  baillé  deux,  comme  par 
aumône  sans  reproche  à  ce  religieux,  qui  me  promit 
de  les  rendre  audit  Père  Antoine  ^  pour  les  envoyer  à 
cet  effet.  Si  cela  est,  je  vous  prie  les  prendre  ;  sinon,  je 
vous  promets  vous  renvoyer  ce  qu'on  aura  fourni  pen- 
dant quatre  ou  cinq  mois,  par  lettre  d'échange  avec 
ce  que  je  dois  à  Toulouse  ;  car  je  suis  résolu  de  m'ac- 
quitter,    puisqu'il   a   plu   à  Dieu   m'en   donner   le   juste 


que  dessus  par  moi.  De  Luc,  greffier.  »  L'attestation  de  Jean-Jac- 
ques Dusault,  évêque  de  Dax,  terminait  le  tout.  «  Joannes-Jacobus 
Diisattlt,  Dei  et  Sanctae  Sedis  Apostolicae  gratia  Aquensis  efiscofus, 
omnibus  fraesentes  litteras  insfecturis  saluiem  in  Domino.  Notum 
facimus  et  attestamur  quod  fraedictae  litterae  omnium  ordinum  et 
dimissoriae  Magistri  Vinceniii  PariJi,  nostrae  dioecesis  fresbyteri,  su- 
frascriftae  et  in  registro  Insinuatiomtm  ecclesiasticarum  dictae  nos 
trae  dioecesis  ex  vero  originali  insinuatae,  exinde  extractae  fueruni, 
frout  tenore  fraesentium  attestamur  :  in  cujus  rei  fidem  dictas  lit- 
teras certificatorias  signo  et  sigillo  nostris  signoque  secretarii  nostri 
jussimus  communiri.  Daium  Aquis,  die  decima-seftima  mensis  maii, 
anno  Domini  millesimo  sexcentesimo  octavo.  J.  J.  Dîtsault,  efiscofns 
Aquensis.  De  mandata  fraefati  Domini  mei  IReverendissimi  Efis- 
co-pi,  Duclos,  secretarius.  »  (Arch.  des  prêtres  de  la  Mission,  copie  du 
xviiio   siècle.) 

6.  Vincent  de  Paul   avait  perdu  son  père  en   1598.    (Abelly,   of  cit., 
t.  I,  chap.  III,  p.    12.) 

7.  Antoine  Pontanus. 


—  17  — 

moyen.  J'écris  à  Monsieur  Dusin,  mon  oncle  ^,  et  le  prie 
de   me  vouloir   assister  en   cet   affaire. 

Je  reçus,  par  celui  qui  vous  alla  trouver  de  ma  part, 
les  lettres  de'  bachelier  qu'il  vous  plut  m'envoyer,  avec 
une  copie  de  mes  lettres,  que  l'on  a  jugée  invalide,  pour 
n'avoir  été  autorisée  par  le  seing  et  apposition  du  scel 
de  mondit  seigneur  de  Dax. 

Il  n'y  a  rien  de  nouveau  que  je  vous  puisse  écrire, 
fors  la  conversion  de  trois  familles  tartares,  qui  se 
sont  venues  christianiser  en  cette  ville,  que  Sa  Sainteté 
reçut  la  larme  à  l'œil,  et  la  catholisation  d'un  évêque 
ambassadeur  pour  les  Grecs  schismatiques. 

La  hâte  me  fait  conclure  la  présente,  mal  empatouil- 
lée  en  cet  endroit,  avec  humble  prière  que  je  vous  fais 
d'excuser  ma  trop  grande  importunité  et  de  croire  que 
je  hâterai  mon  retour  le  plus  qu'il  me  sera  possible 
pour  m'aller  acquitter  du  service  que  je  vous  dois  ;  ce 
qu'attendant,  je  demeurerai,  Monsieur,  votre  très 
humble  et  obéissant  serviteur. 

DEPAUL. 
De  Rome,  ce  28  février   1608. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  de  Comet,  avocat 
à  la  Cour  présidiale  de  Dax,  à  Dax. 


8.  Probablement   Dominique   Dusin,    qui   était    curé    de    Pouy    ou    le 
devint  dans  la  suite.    (Collet,  of.  cit.,  t.  I,  p.  109.) 


Ma  Mère, 


—  i8  — 

A  SA  MÈRE,  A  POUY  * 

17  février  1610. 


L'assurance  que  Monsieur  de  Saint-Martin  -  m'a 
donnée  de  votre  bon  portement  m'a  autant  réjoui  que 
le  séjour  qu'il  me  faut  encore  faire  en  cette  ville  ^  pour 
recouvrer  l'occasion  de  mon  avancement  (que  mes 
désastre»;  m'ont  ravi)  me  rend  fâché  pour  ne  vous 
pouvoir  aller  rendre  les  services  que  je  vous  dois  ;  mais 
j'espère  tant  en  la  grâce  de  Dieu  qu'il  bénira  mon 
labeur  et  qu'il  me  donnera  bientôt  le  moyen  de  faire 
une  honnête  retraite  *,  pour  employer  le  reste  de  mes 
jours  auprès  de  vous  ^.  J'ai  dit  l'état  de  mes  affaires 
à  Monsieur  de  Saint-Martin,  qui  m'a  témoigné  qu'il 
voulait  succéder  à  la  bienveillance  et  à  l'affection  qu'il 
a  plu  à  Monsieur  de  Cornet  nous  porter.  Je  l'ai  supplié 
de  vous  communiquer  le  tout. 

J'eusse  bien  désiré  savoir  l'état  des  affaires  de  la 
maison  et  si  tous  mes  frères  et  sœurs  ^  et  le  reste  de  nos 


Lettre  3.  —  Reg.  I,  fo  i.  Le  copiste  note  que  l'original  était  en 
entier   de   la   main   du   saint. 

1.  Aujourd'hui  Saint-Vincent-de-Paul  (Landes).  C'est  dans  ce  petit 
vdlage,  à  6  kilomètres  de  Dax,  que  saint  Vincent  est  né.  Un  vaste 
ensemble  de  bâtiments,  comprenant  hospice,  orphelinats,  ateliers  et 
séminaire,  marque  l'endroit  oii  il  vint  au  monde. 

2.  Probablement  Jean  de  Saint-Martin,  époux  de  Catherine  de  Cornet, 
frère  du  chanoine  de  Saint-Martin  et  juge  de  Pouy.  M.  de  Comet  le 
jeune  était  mort,  semble-t-il,  avant  1610 , 

3.  D'après  Abelly  (op.  cit.,  t.  I,  chap.  V,  au  début,  p.  20),  saint  Vin- 
cent serait  venu  de  Rome  à  Paris  vers  la  fin  de  i6o8,  envoyé  vers 
Henri  IV  par  le  cardinal  d'Ossat.  Aucun  document  de  l'époque  ne  parle 
de  celte  mission  secrète,  et  il  est  sûr  que  le  cardinal  d'Ossat  n'y  fut  pour 
rien,  puisqu'il  était  mort  le   i3  mars  1604. 

4.  Saint  Vincent  eut,  le  17  mai,  le  bénéfice  qu'il  attendait.  Nous 
donnerons  en  son  lieu  le  contrat  fait  à  cette  occasion. 

5.  Comme  ce  langage  diffère  de  celui  que  saint  Vincent  tiendra  plus 
tard  quand  il  aura  pris  davantage  contact  avec  les  âmes,  vu  leurs 
besoins,  senti  leurs  souffrances,  entendu  leur  appel  ! 

6.  Nous  savons  par  Abelly  (op.  cit.,  t.  II,  chap.  11,  au  début,  p.  7) 


—   19  — 

autres  parents  et  aimis  se  portent  bien,  et  notamment 
si  mon  frère  Gayon  est  marié  et  à  qui,  d'ailleurs, 
comment  vont  les  affaires  de  ma  sœur  Marie,  de  Pail- 
lole  ^,  et  si  elle  vit  toujours  et  fait  une  même  maison 
avec  son  beau- frère  Bertrand.  Quant  à  mon  autre  sœur, 
j'estime  qu'elle  ne  peut  être  qu'à  son  aise,  tant  qu'il 
plaira  à  Dieu  la  tenir  accompagnée.  Je  désirerais  aussi 
que  mon  frère  fît  étudier  quelqu'un  de  mes  neveux  *. 
Mes  infortunes  et  le  peu  de  service  que  j'ai  encore  pu 
faire  à  la  maison  lui  en  pourront  possible  ôter  la^ 
volonté  ;  mais  qu'il  se  représente  que  l'infortune  pré- 
sente présuppose  un  bonheur  à  l'avenir. 

C'est  tout,  ma  mère,  ce  que  je  vous  puis  dire  par 
la  présente,  fors  que  je  vous  supplie  présenter  mes 
humbles  recommandations  à  tous  mes  frères  et  sœurs  et 
à  tous  nos  autres  parents  et  amis,  et  que  je  prie  Dieu 


que  Vincent  de  Paul  était  le  troisième  enfant  d'une  famille  comprenant 
quatre  garçons  et  deux  filles.  Dans  un  acte  notarié,  du  4  septembre  1626, 
signé  Vincent  Depaul,  il  est  question  de  «  Bernard  et  Gayon  Depaul, 
frères  dudit  sieur  Vincent  Depaul  »,  ce  dernier  «  son  frère  second  »,  de 
«  Marie  Depaul,  sa  sœur,  femme  de  Grégoire  »,  et  d'une  autre  «  Marie 
Depaul,  sa  sœur  »,  veuve  de  «  Jehan  de  Paillole  ».  Un  document, 
du  12  mai  i63i,  publié  dans  la  Revue  de  Gascogne  {\<^ob,\^.  354-357),  nous 
parle  de  «  Pierre  Depaul,  dit  de  Leschine  »,fils  de  «feu  Jehan  Depaul». 
Si  nous  comparons  une  lettre  de  M.  Lostalot,  du  25  septembre  1682 
(Arch.  des  prêtres  de  la  Mission),  avec  les  registres  de  catholicité,  nous 
sommes  amenés  à  cette  conclusion  que  Pierre  de  Paul  était  neveu  du 
saint,  et  par  suite  que  son  père  en  était  le  frère.  Jean  n'est  pas  nommé 
dans  l'acte  de  1626,  parce  qu'il  était  mort  à  cette  date.  Jean,  Bernard, 
Gayon,  Marie  et  une  autre  Marie,  tels  seraient  donc  les  noms  des  frères 
et  sœurs  de  saint  Vincent;  mais  rien  ne  nous  dit  dans  quel  ordre  il  faut 
les  placer. 

7.  Paillole  est  le  nom  de  la  maison  qu'habitait  la  sœur  du  saint. 
Cette  maison  était  près  de  l'église,  là  où  se  trouve  aujourd'hui  celle 
qui    porte    le    même    nom. 

8.  Un  des  neveux  de  saint  Vincent  étudia  et  devint  prêtre.  Nous 
lisons,  en  effet,  dans  un  registre  des  prébendiers  de  Capbreton  (Landes)  : 
«  M.  François  Depaul,  prêtre,  prébendier  de  Capbreton  en  la  place  de 
M.  Jean  de  Ponteils,  décéda  le  8  juin  1678;  il  était  de  Pouy,  proche 
d'Acqs,  et  neveu  de  M.  Vincent,  prêtre,  fondateur  de  la  congrégation 
des  prêtres  de  la  Mission.  »  (Arch.  de  M.  l'abbé  Gabarra,  curé  de  Cap- 
breton). 


sans  cesse  pour  votre  santé  et  pour  la  prospérité  de  la 
maison,  comme  celui  qui  vous  est  et  vous  sera,  ma  mère, 
le  plus  humble,  le  plus  obéissant  et  serviable  fils  et 
serviteur. 

DEPAUL. 

Je  vous  supplie  présenter  mes  humbles  recomman- 
dations à  tous  mes  frères  et  sœurs  et  à  tous  nos  parents 
et  amis,  et  notamment  à  Bétan. 

4.  —  A  EDME  MAULJEAN,  VICAIRE  GÉNÉRAL  DE  SENS  ^ 

20  juin   1616. 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Il  se  trouve  quelquefois  quelques  bonnes  personnes 
qui  désirent  faire  confession  générale,  et  pource  qu'il 
s'y  rencontre  bien  souvent  des  cas  réservés  et  qu'on 
a  peine  de  les  renvoyer,  j'ai  pensé  de  vous  supplier 
très  humblement  de  me  donner  permission  de  les 
absoudre  desdits  cas  réservés,  vous  assurant  que  je 
n'en  abuserai  point  et  que  je  serai  toute  ma  vie.  Mon- 
sieur, votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 
5.  —  edme  mauljean  a  saint  vincent 

Monsieur, 
f'ai  tant  d'assurance  de  votre  suffisance,  -prudence,  capacité 

Lettre  4.  —  Reg.  I,  f°  i.  —  Le  copiste  note  que  l'original  était  en 
entier  de  la  main  du  saint. 

I.  Né  au  diocèse  de  Châlons,mort  le  1°'  mars  1617.  Vincent  de  Paul, 
précepteur  des  enfants  de  Philippe-Emmanuel  de  Gondi,  général  des 
galères  et  comte  de  Joigny,  avait  souvent  l'occasion  d'aller  avec  eux 
dans  cette  ville,  située  au  diocèse  de  Sens. 

Lettre  5.  —  Reg.  I,  f°  i.  Edme  Mauljean  écrivit  sa  réponse  à  la  suite 
de  la  requête  de  Vincent  de  Paul. 


et  autres  mérites  que  très  volontiers  je  vous  accorde  ce  que  vous 
demandez.  Dieu  vous  donne  la  grâce  de  vous  en  acquitter  digne- 
ment, comme  je  Vespère  ainsi'. 

En  signe  de  quoi  je  vous  ai  signé  ce  )not  le  20*  joîir  de 
juin  16 16. 

Mauljean. 

6.  —  A    PHILIPPE-EMMANUEL    DE   GOXDl',    EN    PROVENCE 

Août  ou  septembre   1617  ^. 

Saint  Vincent  écrit  de  Châtillon-les-Dombes^,  ciue,  n'ayant 
aucune  des  qualités  requises  pour  être  précepteur  dans  une 
famille  d'aussi  haute  noblesse  que  celle  des  Gondi,  il  a  quitté 
secrètement  Paris,  avec  l'intention  bien  arrêtée  d'exercer  le 
ministère  paroissial  là  où  il  se  trouve. 

7.  —  MADAME  DE  GONDI  A  SAINT  VINCENT  1 

Septembre  161 7*. 
Monsieur^ 

Je  n'avais  pas  tort  de  craindre  de  perdre  votre  assistance, 
comme  je  vous  ai  té7noigné  tant  de  fois,  puisquen  effet  je  Vai 

perdue.  L'angoisse  où  j'en  suis  m'est  insupportable  sans  une 
grâce  de  Dieu  tout  extraordinaire,  que  je  ne  mérite  pas.  Si  ce 

n'était  que  pour  un  temps,  je  n^ aurais  pas  tant  de  peine  ;  tnais 

Lettre  6.  — Abelly,  op.  cit.,  t.  I,  chap.  ix,  p.  38. 

1.  Philippe-Emmanuel  de  Gondi,  général  des  galères  de  France,  était 
père  du  second  cardinal  de  Retz,  qui  se  signala  par  ses  intrigues  sous 
la  Fronde.  Devenu  veuf,  il  entra  chez  les  Oratoriens  et  y  passa  le  reste 
de  sa  vie  dans  la  pratique  des  vertus  chrétiennes  et  religieuses.  11 
mourut  à  Joigny,  le  29  juin  1662.  La  congrégation  delà  Mission,  l'Ora- 
toire et  le  Carmel  honorent  en  lui  un  de  leurs  plus  insignes  bienfaiteurs. 
On  peut  lire  sa  notice  dans  la  Bibliothèque  oraioriennc  du  P.  Ingold, 
Paris,  1882,  3  vol.  in-12,  t.  I.  pp.  421-448;  et  dans  les  Mémoires  domes- 
tiques pour  servir  à  I histoire  de  l'Oratoire,  par  le  P.  Louis  Batterel,  Paris, 
1902-1905,  4  vol.  in-8,  t.  I,  pp.  322-36i. 

2.  Abelly  nous  dit  que  le  général  des  galères  reçut  la  lettre  de 
Vincent  de  Paul  à  la  fin  d'août  ou  dans  la  première  quinzaine  de  sep- 
tembre. 

3.  Aujourd'hui  Châtillon-sur-Chalaronne  (Ain),  dans  le  diocèse  de 
Belley. 

Lettre  7.   —  Abelly,  op.   cit.,  t.  I,  chap.   ix,  p.  41. 

I.  Françoise-Marguerite  de  Silly,  épouse  de  Philippe-Emmanuel 
de  Gondi,  était  née  en  1580  d'Antoine  de  Silly,  comte  de  Rochepot, 
baron  de  Montmirail,  ambassadeur  en  Espagne,  et  de  Marie  de  Lan- 
noy.    Peu   après   que   saint   Vincent    fut   entré   dans   sa   maison   comme 


quand  je  regarde  toutes  les  occasions  où  f aurai  besoin  d'être 
assistée,  far  direction  et  -par  conseil,  soit  en  la  mort,  soit  en 
la  vie,  mes  douleurs  se  renouvellent,  jugez  donc  si  7non  esprit 
et  mon  corps  peuvent  longtemps  porter  ces  peines.  Je  suis  en 
état  de  ne  rechercher  ni  recevoir  assistance  dj ailleurs,  parce 
que  vous  savez  bien  que  n'ai  pas  la  liberté  pour  les  besoins 
de  mon  âme  avec  beaucoup  de  gens.  Monsieur  de  Bérulle  nia 
promis  de  vous  écrire,  et  f  invoque  Dieu  et  la  Sainte  Vierge  de 
vous  redonner  à  notre  maison,  pour  le  salut  de  toute  notre 
■famille  et  de  beaucoup  d'autres,  vers  qui  vous  pourrez 
exercer  votre  charité.  Je  vous  supplie  encore  une  fois^  pra- 
tiquez-la envers  nous,  pour  V amour  que  vous  portez  à  Notre- 
Seigneur  à  la  bonté  duquel  je  me  remets  en  cette  occasion^  bien 
qiCavec  grande  crainte  de  ne  pouvoir  pas  persévérer.  Si  après 
cela  vous  me  refusez,  je  vous  chargerai  devant  Dieu  de  tout 
ce  qui  m'arrivera  et  de  tout  le  bien  que  je  manquerai  à  faire, 
faute  d'être  aidée.  Vous  me  mettrez  en  hasard  d'être  en  des 
lieux  bien  souvent  privée  des  sacrements,  pour  les  grandes  pei- 
nes qui  m'y  arrivent  et  le  peu  de  gens  qui  sont  capables  de 
m'y  assister.  Vous  voyez  bien  que  Monsieur  le  général  a  le 
même  désir  que  moi,  que  Dieu  seul  lui  donne,  par  sa  miséri- 
corde. Ne  résistez  pas  au  bien  que  vous  pouvez  faire  aidant  à 
son  salut,  puisqiCil  est  pour  aider  un  jour  à  celui  de  beau- 
coup d'autres.  Je  sais  que,  m,a  vie  ne  servant  qu'à  offenser 
Dieu,  il  n'est  pas  dangereux  de  la  mettre  en  Jiasard  ;  mais 
mon  âme  doit  être  assistée  à  la  mort.  Souvenez-vous  de  l'ap- 
prélrension  où  vous  ^n'avez  vue  en  ma  dernière  maladie  en  un 
village  ;  je  suis  pour  arriver  eri  un  pire  état  ;  et  la  seule 
peur  de  cela  me  ferait  tant  de  tnal  que  je  ne  sais  si  sans  ma 
grande  disposition  précédente  elle  ne  me  ferait  pas  mourir. 


précepteur  de  ses  enfants,  elle  lui  confia  la  direction  de  son  âme. 
L'influence  du  saint  ne  tarda  pas  à  se  faire  sentir.  La  pieuse  dame 
prit  l'habitude  de  visiter  et  de  servir  les  malades,  de  distribuer  aux 
pauvres  d'abondantes  aumônes.  Elle  fit  donner  des  missions  sur  ses 
terres  et  s'affilia  à  la  confrérie  de  la  Charité  de  Montmirail.  Elle 
mourut  le  23  juin  1625,  après  avoir  fait  nommer  son  saint  directeur 
principal  du  collège  des  Bons-Enfants  et  lui  avoir  mis  en  main  les 
moyens,  par  un  don  de  45.000  livres,  de  fonder  la  congrégation  de 
la  Mission.  (Voir  Abelly,  op  cit.,  t.  I.  chap.  vii-xviii  ;  Hilarion  de 
Coste,  Les  éloges  et  vies  des  reynes,  princesses,  dames  et  damoi- 
selles  illustres  en  piété,  courage  et  dociri7ie,  Paris,  1647,  2  vol.  in-4° 
t.  II,  p.  389  et  suiv.  ;  Chantelauze,  Saint  "Vincent  de  Paul  et  les  Gon- 
di,    Paris,    1882,    in-S".  ) 

Madame  de  Gondi  reçut,  le  14  septembre,  la  lettre  par  laquelle 
son  mari  lui  apprenait  la  résolution  de  saint  Vincent  ;  ce  fut  à  la 
suite  de  cette  lettre  qu'elle  écrivit  la  sienne. 


—   23  — 


8-  —   A   MADAME   DE  GONDI 


Septembre  ou  octobre  1617*. 

Vincent  de  Paul  console  et  encourage  Mme  de  Gondi,  tout 
en  l'invitant  à  se  soumettre  au  bon  plaisir  de  Dieu  -. 


9.  — PHILIPPE-EMMANUEL  DE  GONDI  A  SAINT  VINCENT 

i5  octobre  1617. 

pai  reçu  de-puis  deux  ]oiirs  celle  que  vous  m  avez  écrite  de 
Lyon,  où  je  vois  la  résolution  que  vous  avez  -prise  de  faire  un 
petit  voyage  à  Paris  sur  la  fin  de  novembre,  dont  je  me  réjouis 
extrêmement^  espérant  de  vous  y  voir  en  ce  temps-là,  et  que 
vous  accorderez  à  mes  prières  et  aux  conseils  de  tous  vos 
bons  amis  le  bien  que  je  désire  de  vous. 

Je  ne  vous  en  dirai  pas  davantage ,  puisque  vous  avez  vu  la 
lettre  que  j'écris  à  ma  -feinme.  Je  vous  prie  seulement  de  con- 
sidérer qu^il  semble  que  Dieu  veut  que,  par  votre  m,oyen,  le 
père  et  les  enfants  soient  gens  de  bien. 

10.  —  A   CHARLES   DU    FRESNE  • 
SECRÉTAIRE   DE   PHILIPPE-EMMANUEL   DE  GONDI 

Octobre  1617  2. 

Saint  Vincent  informe  son  ami  qu'il  espère  faire  un  voyage 

Lettre  8.  —  Abelly,  op.  cit.,  t.  I,  chap.  ix,  p.  43. 

1.  Cette  lettre  répond  à  la  précédente. 

2.  La  réponse  de  saint  Vincent  de  Paul  ne  découragea  pas  Ma- 
dame de  Gondi  ;  elle  fit  écrire  ses  enfants,  les  principaux  officiers 
de  sa  maison,  le  Père  de  Bérulle,  le  cardinal  de  Retz,  évêque  de 
Paris,  des  docteurs,  des  religieux,  bref  toutes  les  personnes  qui  pou- 
vaient avoir  de  rinfl.uence  sur  son  saint  directeur.  L'intervention  du 
Père  Bence,  supérieur  de  l'Oratoire  de  Lyon,  fut  de  toutes  la  plus 
efficace  ;  le  saint  lui  promit  d'aller  à  Paris  prendre  conseil  de  ses 
amis. 

Lettre  9.  —  Abelly,  op.  cit.,  t.  I,  chap.  ix,  p.  44. 

Lettre  10.  —  Abelly,   op.   cit.,   t.   I,  chap.   ix,  p.   44. 

I.  Sieur  de  Villeneuve,  ancien  secrétaire  de  la  reine  Marguerite  de 
Valois,  entré  après  la  mort  de  cette  princesse,  dans  la  maison  d'Em- 
manuel de  Gondi,  dont  il  fut  secrétaire,  puis  intendant.  (Abelly,  o-p. 
cit.,  t.  I,  chap.  V,  p.  21.)  C'était  un  des  amis  les  plus  intimes  de  saint 
Vincent. 

2-  Cette  lettre  est,  à  très  peu  de  jours  près,  de  même  date  que  la 
précédente. 


—    24    — 

à  Paris  dans  deux  mois  ;  là,  suivant  les  lumières  que  Dieu 
lui  donnera,  il  prendra  une  décision  définitive  sur  son  retour 
à  Châtillon-les-Dombes  ou  sa  rentrée  dans  la  famille  des 
Gondi  ^. 


11.  —A  NICOLAS  DE  BAILLEUL,  PREVOT  DES  MARCHANDS  ' 

25  juillet  1625. 

Supplie  humblement  Vincent  de  Paul,  principal  du 
collège  des  Bons-Enfants  ^,  proche  la  porte  Saint- 
Victor  ^,  disant  que  les  bâtiments  dudit  collège  sont 
grandement  ruinés  par  leur  ancienneté  ;  et  pour  éviter 
la  chute  entière  d'iceux  il  est  nécessaire  d'y  remédier 
promptement  à  la  chapelle  et  bâtiment  dudit  collège, 
où  il  y  a  quantité  de  grandes  réparations  à  faire  *   ;  ce 


3.  Ce  fut  à  ce  dernier  parti  que  Vincent  de  Paul  s'arrêta,  après 
avoir  consulté  le  Père  de  Bérulle  et  d'autres  personnes  éclairées.  Ar- 
rivé à  Paris  le  23  décembre,  il  reprenait  sa  place,  le  lendemain,  dans 
la    famille    des    Gondi. 

Lettre   11.    —  Arch.   Nat.    S  6373,   copie. 

r-  Nicolas  de  Bailleul,  seigneur  de  Vattetot-sur-Mer  et  de  Soisy- 
sur-Mer,  prévôt  des  marchands  de  1622  à  1628,  puis  président  à  mor- 
tier, surintendant  des  finances  et  ministre  d'Etat,  mort  le  20  août 
1652  dans  sa  soixante-sixième  année. 

2.  Jean-François  de  Gondi,  archevêque  de  Paris,  avait  cédé  à 
saint  Vincent  de  Paul,  le  i^  mars  1624,  le  principalat  du  collège  des 
Bons-Enfants,  afin  qu'il  eût  un  local  pour  loger  les  prêtres  désireux 
de  se  joindre  à  lui  en  vue  de  donner  des  missions  dans  les  campagnes. 
Ce  collège,  un  des  plus  anciens  de  l'Université,  était  presque  aban- 
donné ;  ses  murs  tombaient  en  ruines.  Le  saint  attendit  la  mort  de 
Madame  de  Gondi  pour  venir  l'habiter.  Il  eut,  au  début,  deux  auxi- 
liaires :  Antoine  Portail,  qui  lui  restera  fidèle  jusqu'à  la  mort,  et  un 
autre  prêtre,  dont  on  ignore  le  nom,  mais  qui  n'est  certainement  pas 
Adrien  Gambart,  comme  on  l'a  supposé  à  tort,  car  Adrien  Gambart 
fut  ordonné  prêtre  en  1633.  (Voir  sa  notice  en  tête  du  Missionnaire 
■paroissial,  éd.  Migne,  r866,  dans  la  Collection  intégrale  et  univer- 
selle des  Orateurs  chrétiens,  Paris,  1844-1892,  100  vol.  in-40,  t.  89.^ 
Quand  les  missionnaires  allaient  aux  champs,  ce  qui  arrivait  souvent, 
les  clefs  étaient  confiées  à  un  voisin. 

3.  Il  y  avait  un  autre  collège  des  Bons-Enfants  dans  le  quartier 
du  Louvre. 

4.  Le  rapport  des  experts,  daté  du  27  juillet,  nous  donne  une  idée 
de  l'état  des  bâtiments.  «   On  y  voit  que  le  corps  de  logis  en  aile,  à 


^  —    25    — 

considéré,  mondit  sieur,  il  vous  plaise,  afin  d'être  plus 
certiore  '"  des  réparations  nécessaires  audit  collège, 
ordonner  qu'il  sera  vu  et  visité  par  deux  maitres  jurés 
maçons,  ou  tels  autres  qu'il  vous  plaira  nommer,  lesquels 
en  feront  leur  rapport  pour  ce  faire  et  ordonner  ce  que 
de  raison  ;  et  ferez  justice  ®. 

Suscription  :  A  Monsieur  le  prévôt  de  Paris  ou  Mon- 
sieur le  lieutenant  civil  conservateur  des  privilèges  de 
l'Université. 

12.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC  ' 

Du  30  octobre  1626. 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 


gauche  en  entrant,  le  plus  considérable  de  tous,  était  inhabité  pour 
sa  trop  grande  caducité  et  qu'il  fut  jugé  nécessaire  de  l'abattre  pour 
le  reconstruire  de  fond  en  comble  ;  que  les  autres  avaient  tous  besoin 
de  réparations  considérables,  non  seulement  relativement  aux  cou- 
vertures, lambris,  cloisons,  portes  et  croisées,  dont  la  plupart  ne  va- 
laient rien,  mais  aussi  par  rapport  aux  gros  murs,  aux  fosses  d'ai- 
sance, aux  planchers  et  aux  escaliers.  »  [Réflexions  sur  les  diffé- 
rents comftes  du  collège  des  Bons-Enfants  en  réponse  aux  observa- 
tiens  du  sieur  Reboul,  archiviste  du  collège  Loiiis-le-Grand  sur  le 
même   objet,   Arch.    Nat.  H^   3288.) 

5.  Tlus  certiore,  plus  assuré. 

6.  Vincent  de  Paul  reçut  l'autorisation  de  faire  les  réparations  ju- 
gées urgentes  par  les  experts  et  d'emprunter  pour  cela,  au  besoin  en 
hypothéquant  les  biens  du  collège.  Il  se  contenta,  faute  de  ressources, 
des  travaux  absolument  indispensables  ;  le  reste  fut  remis  à  plus  tard. 
(Réflexions  sur  les  différents  comptes  du  collège  des  Bons-Enfants.) 

Lettre  12.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.   2. 

I.  Louise  de  Marillac,  née  à  Paris,  le  12  août  isgr,  de  Louis  de 
Marillac,  frère  du  pieux  Michel  de  Marillac,  garde  des  sceaux  (1626- 
1630),  et  du  maréchal  de  Marillac,  célèbre  par  ses  disgrâces  et  sa 
mort  tragique,  était  veuve  d'Antoine  Le  Gras,  secrétaire  de  la  reine 
Marie  de  Médecis,  qu'elle  avait  épousé  le  5  février  i6r3  et  perdu  le 
21  décembre  1625.  Elle  en  avait  eu  un  fils,  Michel,  qui  venait  d'ac- 
complir ses  treize  ans.  La  pieuse  veuve  avait  mis  toute  sa  confiance 
en  celui  qui  dirigeait  sa   conscience,   Vincent  de  Paul,   dont  elle  sup- 


—    26    — 

J'ai  reçu  la  vôtre  en  ce  lieu  de  Loisy-en-Brie  ^,  qui  est 
à.  vingt-huit  lieues  de  Paris,  oti  nous  sommes  en  mission  ^ 
Je  ne  vous  ai  point  donné  avis  de  mon  départ,  pource 
qu'il  a  été  un  peu  plus  prompt  que  je  n'avais  pensé,  et 
que  j'avais  peine  de  vous  en  faire  en  vous  en  donnant 
avis.  Or  sus,  Notre-Seigneur  trouvera  son  compte  en 
cette  petite  mortification,  s'il  lui  plaît,  et  fera  lui-même 
l'office  de  directeur  ;  oui,  certes,  il  le  fera,  et  de  façon 
qu'il  vous  fera  voir  que  c'est  lui-même.  Soyez  donc  sa 
chère  fille,  toute  humble,  toute  soumise  et  toute  pleine 
de  confiance,  et  attendez  toujours  avec  patience  l'évi- 
dence de  sa  sainte  et  adorable  volonté. 

Nous  sommes  ici  en  un  lieu  où  le  tiers  des  habitants 
est  hérétique.  Priez  pour  nous,  s'il  vous  plaît,  qui  en 
avons  bien  besoin,  et  surtout  moi,  qui  ne  vous  réponds 
point  à  toutes  vos  lettres,  pource  que  l'on  n'est  plus  en 
état  de   faire  ce  que  vous  me  mandez. 


portait  péniblement  les  longues  absences.  Ce  saint  directeur  l'appli- 
quait aux  œuvres  charitables.  Le  jour  était  proche  où  il  devait  en 
faire  sa  collaboratrice  dans  la  création  et  l'organisation  des  confré- 
ries de  la  Charité.  La  vie  de  Louise  de  Marillac,  que  l'Eglise  a 
béatifiée  le  9  mai  1920,  a  été  écrite  par  Gobillon  (1676),  la  com- 
tesse de  Richemont  {1883),  le  comte  de  Lambel,  Monseigneur  Bau- 
nard  (1898)  et  Emmanuel  de  Broglie  (1911).  Ses  lettres  et  autres 
écrits  ont  été  autographiés  et  en  partie  publiés  dans  l'ouvrage  qui  a 
pour  titre  :  Louise  de  Marillac,  veuve  de  M.  Le  Gras.  Sa  vie,  ses 
vertus,    son   esfrii,    Bruges,    1886,    4    vol.    in-i6. 

On  réservait  autrefois  aux  femmes  des  chevaliers  la  qualifica- 
tion de  Madame.  Les  épouses  de  simples  écuyers,  quelle  que  fût  la 
noblesse  de  leurs  maris,  n'avaient  droit  qu  au  titre  de  Mademoiselle. 
(Historique  généalogique  et  héraldique  de';  fairs  de  France,  par  le 
chevalier  de  Courcelles.  Paris,  1822-1823,  12  vol.  in-4<',  t.  I,  Intro- 
duction, p.  36.)  Par  son  mariage,  Louise  de  Marillac  était  devenue 
a    Mademoiselle  »  Le  Gras. 

2.  Petite  localité  de  la   Marne. 

3.  Vincent  de  Paul  avait  alors  pour  associés  dans  ses  travaux  des 
missions  Antoine  Portail,  Louis  Callon,  François  du  Coudray  et  Jean 
de  la   Salle. Un  de  ces  missionnaires  était  avec  lui  à  Loisy. 


—    27    — 

13.  —  A  ISABELLE  DU  FAY  ' 

[Octobre  ou  novembre   1626  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Votre  lettre  m'a  trouvé  parti  de  Paris  et  m'a  été 
rendue  en  ce  lieu  de  Loisy-en-Brie,  où  nous  tâchons 
à  travailler  parmi  quantité  de  gens  de  la  religion,  oî; 
nous  avons  besoin  de  prières  pour  la  confirmation  des 
catholiques  qui  restent,  n'espérant  rien  sur  les  autres, 
parce  qu'ils  ne  se  trouvent  es  lieux  où  ils  pussent  pro- 
fiter. Au  reste,  je  ne  vous  ai  point  dorme  avis  de  mon 
départ.  Me  le  pardonnerez-vous  pas  bien  ?  Mais,  je  vous 
en  prie,  comment  votre  cœur  a-t-il  reçu  cela  ?  N'a-t-il 
point  tancé  le  mien  de  rudesse  ?  Or  sus,  j'espère  qu'ils 
s'accorderont  bien  ensemble  en  celui  qui  les  contient, 
qui  est  celui  de  Notre-Seigneur. 

Je  ne  vous  réponds  point  à  la  proposition  de  votre 
retour  à  Paris,  pource  que  j'estime  que  la  chose  est  faite. 
Quant  à  l'affaire  dont  vous  me  faites  l'honneur  de 
m'écrire  que  vous  désirez  me  communiquer,  au  retour, 
s'il  vous  plaît  ;  que  si  la  résolution  presse,  faites  ce 
aue  Notre-Seigneur  vous  en  conseillera  lui-même  ; 
sinon,  au  retour,  s'il  vous  plaît,  comme  je  vous  ai  dit. 

Mon  Dieu  !   combien    sont    différentes    les    filles  de 


Lettre  13.  —  Reg.  i,  f°  4  v°.  —  Le  copiste  note  que  l'original  était 
en   entier   de   la   main   de   saint   Vincent. 

1.  Femme  de  grande  piété,  toute  dévouée  à  saint  Vincent,  qu'elle 
aidait  de  sa  fortune.  Si  une  gênante  infirmité  ne  l'en  avait 
empêchée,  elle  aurait  pris  une  part  plus  active  aux  travaux  du  saint. 
Son  oncle  paternel  René  Hennequin,  avait  épousé  Marie  de  Ma- 
rillac,  tante  de  Louise  de  Marillac. 

2.  Il  suffit  de  comparer  cette  lettre  avec  la  lettre  précédente  pour 
se  convaincre  qu'elles  ont  été  écrites  à  peu  de  jours  d'intervalle,  peut- 
être  le  même  jour. 


—    28    — 

votre  directeur  :  l'une  toute  pleine  de  respect  envers  la 
défense  de  l'Eglise,  et  l'autre  de  confiance  à  l'égard  de 
l'affaire  de  Poissy  ^  !  Or  sus,  Notre-Seigneur  est  éga- 
lement honoré  en  toutes  deux,  à  ce  que  je  vois  de  votre 
communauté,  dont  je  salue  la  Mère  ■*. 

Tenez-vous  cependant  toute  gaie,  }kIademoiselle,  je 
vous  en  prie,  et  honorez  à  cet  effet  la  sainte  tranquillité 
de  l'âme  de  Notre-Seigneur,  et  soyez  toute  pleine  de 
confiance  qu'il  dirigera  votre  cher  cœur  par  la  sainte 
dilection  du  sien,  en  l'amour  duquel  je  suis  votre  très 
humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 
14.  —  louise  de  marillac  a  saint  vincent 

Monsieur, 

J'es-père  que  vous  me  fardontierez  la  liberté  que  je  -prends 
de  vous  témoigner  Vinipatieiice  de  mon  es-prit,  tatit  pour  le 
long  séjour  passé  que  sur  V appréhensioti  de  Vavenir^  et  de  ne 
savoir  le  lieu  où  vous  allez,  après  celui  oie  vous  êtes.  Il  est 
vrai,  mon  Père,   que  la  pensée  du  sujet  qui  vous  éloigne  est 

3.  Les  religieuses  dominicaines  tenaient  à  Poissy  (Seine-et-Oise) 
un  pensionnat  renommé,  oii  Louise  de  Marillac  avait  passé  quelque 
temps  dans  sa  jeunesse,  sous  la  direction  d'une  cousine  germaine  de 
son  père,  qui  a  composé  diverses  poésies,  et  de  la  prieure  Jeanne  de 
Gondi-  A  cette  dernière  avait  succédé  Louise  de  Gondi,  sa  nièce, 
dont  l'élection  fut  longtemps  contestée,  bien  que  sa  validité  eût 
été  reconnue  par  le  roi,  le  R.  P.  Siccus,  général  des  Dominicains,  et 
le  Pape  lui-même.  En  1625,  le  R.  P.  Siccus  dressa  de  nouveaux  sta- 
tuts, qu'il  fit  approuver  par  le  Saint-Siège.  L'article  5  portait  «  que 
la  Mère  Louise  de  Gondy,  maintenant  prieure,  demeure  en  sa  charge, 
selon  la  concession  apostolique  qui  lui  a  été  faite  ;  mais  si 
elle  vient  à  se  démettre  ou  à  décéder  de  cette  vie,  qu'une  prieure  nou- 
velle soit  élue  par  les  sœurs  vocales  suivant  les  statuts  et  règlements 
du  concile  de  Trente,  de  nos  constitutions  et  des  chapitres  généraux  ; 
laquelle  prieure,  ainsi  élue  et  confirmée  par  le  provincial,  soit  réelle- 
ment triennale  ;  et  que  l'on  observe  dorénavant  et  perpétuellement 
cela  touchant  l'élection  et  le  temps  des  prieures  ».  Cet  acte  ne  ferma 
pas  la  bouche  aux  protestataires.  On  trouve  des  détails  intéressants 
sur  cette  affaire   à   la   Bibl.   Nat.,    fonds  Joly   de   Fleury,    1475. 

4.  Louise  de  Gondi. 

Lettre  14.   —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 


—    29   — 

U}i  -peu  cL adoucissement  à  ma  -peine,  mais  elle  n'empêche  pas 
que,  dans  ma  fainéantise ^  les  jotirs  quelquefois  ne  -me  sem- 
blent des  mois.  Je  veux  pourtant  attendre  avec  tranquillité 
l'heure  de  Dieu  et  reconnaître  que  mon  indignité  la  retarde. 

J'ai  bien  reconnu  que  Mademoiselle  du  Fa-y,  outre  son  ordi- 
naire, a  un  peu  le  cœur  pressé  de  désir.  Nous  passâmes  le 
jour  de  la  Pentecôte  ensemble.  Après  le  service,  elle  e-ût  bien 
voulu  avoir  liberté  de  me  parler  ouvertement,  mais  nous 
demeurâmes  dans  Vattente  et  désir  de  faire  la  volonté  de 
Dieu. 

U ouvrage  que  sa  charité  m'a  donné  est  fait.  Si  les  7)iembres 
de  Jésus  en  ont  besoin  et  quil  vous  plaise,  mon  Père,  que  je 
vous  l'envoie,  je  ny  manquerai  pas.  Je  n^ai  pas  voulu  le  faire 
sans  votre  conunande-ment. 

Enfiîi,  mon  très  honoré  Père,  après  îin  peu  d^inqtiiétude,  mon 
fils  est  au  collège  et.  grâce  à  Dieu,  très  content,  et  s'y  porte 
bien.  Si  cela  continue,  je  suis  prou  forte  de  ce  côté-là  ^. 

Permettez-moi,  mon  Père,  de  vous  importuner  encore  sur  le 
sujet  d'une  fille  âgée  de  28  [ans],  qu'on  veut  faire  venir  de 
Bourgogne  pour  me  donner.  Elle  est  de  bonne  connaissance 
et  vertueuse ,  à  ce  qu'on  m'a  dit  ;  mais  auparavant  celle-là.  la 
bonne  fille  aveugle  des  Vertus  ^  m'avait  dit  que  celle  qui  était 
avec  elle,  âgée  de  22  \ans\  pouvait  peut-être  venir  céans.  Elle 
est  dans  la  conduite  des  Révérends  Pères  de  l' Oratoire  y 
a  quatre  ans  et  tout  à  fait  villageoise.  Je  ne  suis  pas 
assurée  qu  elle  veuille  venir  ;  néanmoins  elle  m'en  témoignait 
quelque  désir.  Je  vous  supplie  très  humblement,  mon  Père,  me 
mander  ce  que  je  ferai  pour  cela. 

La  personne  qui  va  en  Bourgogne  doit  partir  lundi  et,  pen- 
sant votre  retour  cette  semaine,  je  lui  promis  réponse . 

Notre  bon  Dieu  a  per-mis  à  -mon  âme  plus  de  sentiment  de  lui 
que  l'ordinaire  depuis  un  mois  ;  mais  je  ne  laisse  d'être  toujours 
dans  tnes  imperfections.  Quand  je  ne  mettrai  point  d'empê- 
chem,cnt  aux  effets  des  prières  que  j'espère  de  votre  charité, 
je  crois  que  je  -m^amenderai. 

l'ai  bien  eu  désir,  ces  jours  passés,  que  vous  vous  souvins- 
siez de  me  donner  à  Dieu  et  que  vous  lui  demandassiez  la 
grâce  d'accomplir  entière-ment  en  -moi  sa  sainte  volonté,  nO' 
nobstant  les  oppositions  de  -ma  misère.  Doncques,  mon  Pe*p.  je 


I-  Pour  favoriser  la  vocation  de  son  fils,  qui  désirait  se  faire  prê- 
tre, Louise  de  Marillac  l'avait  placé  au  séminaire  de  Saint-Nicolas- 
du-Chardonnet,  qu'avait  fondé  et  que  dirigeait  l'austère  et  vertueux 
Bourdoise.    C'est,   semble-t-il,   ce  séminaire  qu'elle  appelle  ici  collège. 

2.  Localité  englobée  aujourd'hui  dans  la  commune  d'Aubervilliers 
(Seine). 


—  3°  — 

■vous  fais  en  toute  huniililé  cette  supplication  et  vous  demande 
-pardon  de  vous  tant  importuner ^  étant,  par  la  honte  de  Dieu, 
Monsieur,  votre  très  obligée  servante  et  indigne  fille. 

L.   DE   Marillac. 
Ce  5  juin  1627. 

15.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Octobre   1627  ^.] 

Je  vous  remercie,  Mademoiselle,  de  l'avis  que  [vous] 
me  donnez  de  la  charité  -  de  la  bonne  Mademoiselle  du 
Fay,  et  vous  prie  de  la  garder  jusques  à  ce  que  vous 
ayez  lieu,  si  elle  ne  trouve  pas  bon  qu'on  la  réserve  et 
destine  pour  aller  gagner  des  pauvres  âmes  à  Dieu  en 
ces  pays  de  Poitou  et  des  Cévennes.  Que  si  elle  ne 
l'entend  pas  ainsi  et  qu'elle  la  désire  faire  appliquer  aux 
pauvres  gens  de  deçà,  vous  me  ferez  la  faveur  de  me 
le  mander  et  d'envoyer  deux  ou  trois  chemises  à  Made- 
moiselle Lamy  ^  à  Gentil  ly*  pour  la  Charité^  de  ce 
lieu- là. 

Je  vous  écris  environ  la  minuit,  un  peu  harassé.  Par- 
donnez à  mon  cœur  s'il  ne  s'épand  un  peu  plus  dans  la 
présente.  Soyez  fidèle  à  votre  âdèle  amant  qui  est  Notre- 
Seigneur.  Soyez  de  plus  toute  simple  et  toute  humble. 
Et  moi  je  serai,  en  l'amour  de  Notre- Seigneur  et  de  sa 
sainte  Mère... 


Lettre   15.  —   Manuscrit   Saint-Paul,   p.   77. 

1.  Cette  lettre  semble  devoir  être  rapprochée  de  la  lettre  suivante. 

2.  Charité,   offrande. 

3.  Catherine  Vigor,  femme  d'Antoine  Lamy,  auditeur  à  la  cham- 
bre des  comptes,  présidente  de  la  confrérie  de  la  Charité  de  Gentilly. 
Antoine  Lamy  et  son.  épouse  fondèrent  une  mission  dans  cette  loca- 
lité  et   à   Ferreux,   le  30  septembre    1634. 

4.  Localité  située   aux   portes   de   Paris. 

5.  Les  confréries  de  la  Charité,  ou  plus  simplement  les  Charités, 
se  composaient  de  femmes  ou  de  filles  de  bonne  volonté  unies  en  vue 
de  venir  en  aide  aux  nécessiteux.  Commencée  à  Châtillon-les-Dom- 
bes  (Ain)   en  161 7,  cette  institution  répondit  si  bien  aux  besoins  de  la 


-    31  — 

16.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Verneuil  ^,   8   octobre    1627. 
Mademoiselle, 

Puisque  votre  bonne  demoiselle  veut  donc  que  sa 
charité  corporelle  présente  n'empêche  pas  la  spirituelle 
à  l'avenir  et  qu'on  distribue  présentement  ce  qu'elle 
vous  a  baillé  -,  je  vous  prie  de  nous  envoyer  par  M.  du 
Coudray  '',  présent  porteur,  la  somme  de  cinquante  livres, 
et  me  ferez  la  faveur  de  l'assurer  que  Xotre-Seigneur 
lui  en  rendra  bon  compte  lui-même  et  que  j'ai  commencé 
d'en  appliquer  quatre,  étant  en  ce  lieu,  pour  faire  fon- 
dement de  la  Charité  qu'on  y  établit  et  où  nous  trouvons 
de  très  grandes  nécessités  temporelles  jointes  aux  spiri- 
tuelles, quantité  de  huguenots  qu'il  y  a,  riches,  se  ser- 


population  que  Vincent  de  Paul  l'établit  sur  les  terres  des  Gondi,  à 
Villepreux,  Folleville,  Joigny,  Montmirail,  et  partout  où  il  alla 
donner  des  missions.  Les  règlements  variaient  quelque  peu  suivant  les 
localités.  De  cette  œuvre  naquit  la  Compagnie  des  Filles  de  la  Cha- 
rité. En  certains  lieux,  les  Charités  de  femmes  furent  complétées 
par   des   Charités  d'hommes. 

Lettre  16.   —  Pémartin,  op.   cit.,  t.  I,  p.  21. 

1.  Près    de    Creil,    dans   l'Oise. 

2.  Voir  lettre   15. 

3.  Nous  rencontrerons  souvent  dans  la  suite  le  nom  de  François  du 
Coudray.  Xé  en  1586  dans  la  ville  d'Amiens,  ordonné  prêtre  en  sep- 
tembre 1618,  reçu  en  mars  1626  dans  la  congrégation  de  la  Mission, 
dont  saint  Vincent  et  Antoine  Portail  faisaient  encore  seuls  partie,  il 
était  doué  d'une  intelligence  peu  commune  et  possédait  assez  bien 
l'hébreu  pour  être  jugé  capable  de  faire  une  nouvelle  traduction  de 
la  Bible. 

Ce  fut  lui  que  le  saint  choisit  pour  négocier  à  Rome  l'approbation 
de  la  congrégation  naissante.  Il  y  resta  de  1631  à  1635.  Nous  le  re- 
trouvons ensuite  à  Paris,  d'où  il  rayoïma  en  divers  lieux  pour  secou- 
rir les  pauvres,  assister  les  soldats  ou  donner  des  missions.  Le  saint 
lui  confia  en  1638  la  direction  de  la  maison  de  Toul,  qu'il  garda 
jusqu'en  1641.  Il  fut  rappelé  à  Saint-Lazare  en  1641,  passa  une  partie 
de  l'année  1643  ^  Marseille,  occupé  à  l'évangélisation  des  galériens  et 
à  la  fondation  d'un  établissement  dans  cette  ville,  et  alla  prendre  en 


—  32  — 

vant  de  quelques  soulagements  qu'ils  donnent  aux 
pauvres  pour  les  corrompre,  en  quoi  ils  font  un  mal 
indicible.  Vous  nous  enverrez  de  plus  quatre  chemises 
et  présenterez  nos  très  humbles  recommandations  à 
votre  bonne  demoiselle,  s'il  vous  plaît,  et  vous  ferez  la 
faveur  d'assurer  votre  cœur  que,  pourvu  qu'il  honore  la 
sainte  tranquillité  de  celui  de  Notre-Seigneur  en  son 
amour,  il  lui  sera  agréable,  et  que  je  suis,  en  ce  même 
amour...  '^ 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  (jras, 
rue  Saint-Victor,  au  logis  où  logeait  M.  Tiron  Saint- 
Priest  ^ 

17.  —  A  ISABELLE  DU  FAY 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  rends  mille  millions  d'actions  de  grâces  de  ce 
beau  et  bon  présent  que  vous  nous  avez  envoyé,  Made- 
moiselle, et  prie  Dieu  qu'il  soit  votre  unique  récom- 
pense et  qu'il  me  fasse  digne  de  la  mériter  par  les 
services  que  je  suis  obligé  de  vous  rendre. 

1644  la  direction  de  la  maison  de  La  Rose  (Lot-et-Garonne) .  Sa 
vaste  érudition  n'était  malheureusement  pas  servie  par  une  science 
théologique  assez  solide.  Il  soutint  des  opinions  plus  que  hasardées  et 
y  persévéra,  malgré  les  avis  qui  lui  furent  donnés.  Les  mesures  que 
saint  Vincent  dut  prendre  pour  l'empêcher  de  répandre  ses  erreur^ 
assombrirent  les  dernières  années  de  sa  vie.  De  la  maison  de  La 
Rose,  il  passa  en  1646  dans  celle  de  Richelieu.  C'est  là  qu'il  finit 
ses  jours  en   février   1649,  dans  sa  soixante-troisième  année. 

4.  M.  Pémartin  a  cru  pouvoir  se  dispenser  de  répéter  au  bas  de 
chaque  lettre  la  formule  finale  et  la  signature. 

5.  Nous  empruntons  cette  suscription  à  VHistoire  de  Mademoiselle 
Le  Gras  par  la  comtesse  de  Richemont,  Paris,  1883,  in-8°,  p.  46, 
note    2. 

Lettre  17.  —  Reg.  I,  f°  24.  —  Le  copiste  note  qu'il  a  pris  son  texte 
sur  une  «  minute  de  la  main  »  de  saint  Vincent. 


—  33  — 

J'arrivai  hier  au  soir  de  notre  mission  en  bonne  dis- 
position, et  souhaite  bien  fort  que  vous  vous  portiez  de 
même.  Soudain  que  je  me  serai  débarrassé  de  quelques 
petites  affaires  qui  m'occupent,  je  vous  irai  remercier 
de  tant  et  tant  d'effets  de  votre  bienveillance.  Je  vous 
supplie  de  me  la  continuer,  Mademoiselle,  et  de  croire 
que  mon  cœur  reçoit  une  consolation  que  je  ne  vous 
puis  exprimer,  en  la  confiance  qu'il  est  un  avec  le  vôtre 
et  celui  de  Notre- Seigneur,  et  qu'ils  font  un  même  amour 
en  celui  du  même  Seigneur  et  de  sa  sainte  Mère 

18.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Béni  soit  Dieu,  Mademoiselle,  de  ce  que  vous  vous 
portez  mieux  !  Vous  serez  la  bien  venue  demain  pour 
communier  à  la  messe  de  Monsieur  de  la  Salle  \  car  pour 
moi,  je  suis  obligé  de  la  dire  de  matin,  ce  à  cause  d'une 
assemblée  d'ecclésiastiques  qui  se  doit  faire  demain  au 
matin  céans,  qui  tiendra  jusques  à  midi  -.  Je  ne  crains 
pas  maintenant  tant   la  chapelle  qu'en   été.   S'il   plaît 


Lettre  18.  —  L.  a.  —  Original  à  Naples,  dans  la  maison  centrale 
des  Filles  de  la  Charité. 

1.  Jean  de  la  Salle,  que  saint  Vincent  appelle  un  «  grand  mis- 
sionnaire »  et  qw.  l'évêque  de  Beauvais  estimait  le  «  plus  fort  en 
raisonnement  »  qu'il  eût  jamais  connu  (Conférence  de  saint  Vincent, 
5  août  1659),  était  né  à  Seux  (Somme)  le  10  septembre  1598  et  avait 
offert  ses  services  à  saint  Vincent  en  avril  1626.  En  1631,  il  prê- 
chait en  Champagne  ;  en  1634,  1635  et  r636,  il  travaillait  dans  ia 
Gironde  et  les  régions  environnantes.  Quand  s'ouvrit,  en  juin  1637,  le 
séminaire  interne  de  Saint-Lazare,  on  lui  en  confia  la  direction.  L'an- 
née suivante,  il  reprenait  ses  missions.  Les  exercices  des  ordinands 
l'occupèrent  ensuite  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie.  Il  mourut  le  g  octobre 
1639,  très  regretté  de  saint  Vincent,  qui  perdait  en  lui  un  de  ses 
meilleurs    ouvriers. 

2.  L'œuvre  des  conférences  spirituelles  ne  fut  définitivement  orga- 
nisée que  plus  tard,  en  1633.  Il  est  permis  de  croire  toutefois  que 
des  conférences  se  donnaient  de  temps  à  autre  avant  cette  date  au 
collège  des  Bons-Enfants.  Nous  savons  que  de  nombreux  ecclésias- 
tiques, attirés  par  Bourdoise  et  Le  Féron,  se  réunissaient  en  ce  lieu 
pour  conférer  ensemble,   avant  même  que  saint  Vincent  eût  pris  pos- 


—  34  — 

à  Mademoiselle  Guérin  ^  de  venir,  elle  sera  la  bien  venue, 
avant  que  je  parte,  dont  je  vous  donnerai  avis. 

Et  pour  l'argent  de  la  Charité  de  Mademoiselle  du 
Fa  y,  très  volontiers  j'approuve  l'usage  que  vous  en  dé- 
sirez faire,  étant  au  reste  bien  aise  de  la  résolution  que 
ces  bonnes  filles  ^  ont  prise  de  mettre  tout  en  commun, 
et  ne  manquerai  demain  à  la  messe,  tout  misérable  pé- 
cheur que  je  suis,  de  les  offrir  à  Notre-Seigneur,  en 
l'amour  duquel  je  suis  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

19.  —  SAINTE  CHANT  AL  '   A  SAINT  VINCENT 

Novembre    162J. 

Vous  voilà  donc,  mon  très  cher  Père,  engagé  à  travailler 
dans  la  province  de  Lyoïi,  et  'par  conséquent  nous  voilà  pri- 
vées de  vous  voir  de  longtemps  ;   mais  h  ce  que  Dieu  fait  il 


session   de   l'immeuble.    [Histoire  du   Séminaire   de   Saint-Nicolas-du- 
Chardonnei,   par  P.   Schoenher,    1909-1911,   2  vol.    in-8°,  t.    I,  p.   97.) 

3.  Epouse  de  Gilles  Guérin,  conseiller  du  roi  et  correcteur  des 
comptes.  Elle  habitait  rue  Saint-Victor,  tout  près  du  collège  des  Bons- 
Enfants. 

4.  Probablement  les  membres  de  la  Charité. 

Lettre   19.    —  Abelly,   of.   cit.,   t.    II,   chap.   vu,    1^^  éd.,   p.   315. 

I.  En  novembre   1627,  sainte  Chantai  était  en  route  pour  Orléans    ; 
elle   arriva  à    Paris    dans    le    courant    de  janvier    et  n'en    partit   qu'au 
mois    de   mai.    Jeanne-Françoise    Frémiot,    née    à    Dijon    le    23  janvier 
1572,    avait    eu    quatre    enfants    de    son    mariage    avec    le    baron    de. 
Chantai. 

Devenue  veuve  très  jeune,  elle  se  mit  sous  la  conduite  de  saint 
François  de  Sales  et  établit  avec  lui  l'ordre  de  la  Visitation.  La  fon- 
dation du  premier  monastère  de  Paris  l'attira  et  la  fixa  dans  cette 
ville  de  1619  à  1622.  Elle  y  connut  saint  Vincent,  qu'elle  demanda 
à  Jean-François  de  Gondi  pour  supérieur  de  ses  filles.  Jusqu'à  sa 
mort,  survenue  à  Moulins,  le  13  décembre  1641,  au  retour  d'un 
voyage  à  Paris,  sainte  Chantai  resta  en  rapports  suivis  avec  ce  saint 
prêtre,  qu'elle  se  plaisait  à  consulter  pour  sa  direction  intérieure 
et  pour  les  affaires  de  sa  communauté.  [La  Vie  de  la  Vénérable  Mère 
Jeanne-Françoise  Frémiot,  par  Messire  Henri  de  Maupas  du  Tour, 
Paris,    1644,   in-4*.) 


—  35  — 

n  y  a  rien  à  redire,  attis  à  le  bénir  de  tout.,  comme  je  fais,  mon 
très  cher  Père,  de  la  liberté  que  votre  charité  me  donne  de 
vous  continuer  ma  confiance  et  de  vous  imfortuner.  Je  le 
ferai  tout  sivi-plement. 

J'ai  donc  fait  quatre  jours  d'exercices,  et  non  flus,  à  cause 
de  plusieurs  affaires  qui  me  sont  survenues.  J'ai  vu  le  besoin 
que  j'ai  de  travailler  à  l humilité  et  au  support  du  prochain, 
vertus  que  j'avais  prises  Vannée  passée  et  que  Notre-Seigneur 
ni  a  fait  la  grâce  de  pratiquer  un  peu.  Mais  c'est  lui  qui  a 
tout  fait  et  le  fera  encore^  s'il  lui  plaît,  puisqu'il  m'en  donne 
tant  d^ occasions.  Pour  mon  état,  il  me  semble  que  je  suis  dans 
une  simple  attente  de  ce  quHl  plaira  à  Dieu  faire  de  moi. 
Je  liai  ni  désirs  ni  intentions  y  chose  aucune  ne  me  tient  que  de 
vouloir  laisser  faire  Dieu  ;  encore  je  ne  le  vois  pas^  mais  il 
me  semble  que  cela  est  au  fond  de  mon  âme.  Je  n'ai  point  de 
vue  ni  de  sentiment  pour  l'avenir^  mais  je  fais  à  l'heure  pré- 
sente ce  qui  me  semble  être  nécessaire  à  faire,  sans  penser  plus 
loin. 

Souvent  tout  est  révolté  en  la  partie  inférieure,  ce  qui  me 
fait  bien  souffrir,  et  je  suis  là,  sachant  que,  par  la  patience,  je 
posséderai  mon  âme.  De  plus,  j'ai  un  surcroît  d'ennuis  pour 
ma  charge,  car  mon  esprit  hait  grandement  l'action,  et  me  for- 
çant potir  agir  dans  la  nécessité,  mon  corps  et  mon  esprit  en 
demeurent  abattus.  Mon  imagination,  d'un  autre  côté,  me 
peine  grandement  en  tous  mes  exercices,  et  avec  un  ennui 
assez  grand.  Notre-Seigneur  permet  aussi  qu! extérieurement 
faie  plusieurs  difficultés,  en  sorte  que  chose  aucune  ne  me 
plaît  en  cette  vie  que  la  seule  volonté  de  Dieu,  qui  veut  que 
fy  sois.  Et  Dieu  me  fasse  miséricorde,  que  ie  vous  supplie  de 
lui  demander  -fortement  ;  et  je  ne  manquerai  pas  de  le  prier, 
connue  je  fais  de  tout  mon  cœur,  qiCil  vous  fortifie  pour 
la  charge  qu'il  vous  a  donnée. 


20.  —  UN  ABBÉ^  A  SAINT  VINCENT 

Décembre  162J. 

Je  suis  de  retour  d'un  grand  voyage  que  j'ai  fait  en  quatre 
provinces.  Je  vous  ai  déià  manié  la  bonne  odeur  que  répand, 
dans  les  provinces  où   i'ai  été.  P institution  de  votre  sainte  com- 


Lettre  20.  —  Abelly,  of.  cit.,  liv.  II,  chap.  i,  sect.   2,  §  8,  i^e  éd. 
p.    49. 

I.  Un  abbé  «  fort  célèbre  »,  dit  Abelly- 


-  36  - 

■pagnie,  qui  travaille  pour  V instruction  et  -pour  l'édification  des 
pauvres  de  la  campagne.  En  vérité,  je  ne  crois  pas  qtVil  y  ait 
rien  en  V Église  de  Dieu  de  plus  édifiant  ni  de  plus  digne  de 
ceux  qui  portent  le  caractère  et  Vordrede  Jésus-Christ.  Il  faut 
prier  Dieu  qtûil  donne  Vinfusion  de  son  esprit  de  persévérance 
à  un  dessein  si  avantageux  pour  le  bien  des  âmes,  à  quoi  bien 
peu  de  ceux  qui  sont  dédiés  au  service  de  Dieu  s'appliquent 
comme  il  faut. 


21.  —  LOUISE  DE  MARILLAC  A  SAINT  VINCENT 

Monsieur, 

Il  y  a  environ  trois  semaines  qu'étant  chez  Mademoiselle  du 
Fay,  je  trouvai  ime  occasion  par  laquelle  je  vous  écrivis  ;  mais 
je  crains  que  mes  lettres  aient  été  perdues.  Le  principal  sujet 
était  un  avis  que  je  vous  demandais  pour  mon  fils.  Mais  main- 
tenant, Monsieur,  je  ne  suis  plus  aux  mêmes  termes;  car, 
soit  que  Dieu  ne  le  veuille  pas  tout  présentement  en  la  réso- 
lution de  se  faire  ecclésiastique,  ou  que  le  monde  s'y  soit 
opposé,  ses  ferveurs  sont  de  beaucoup  diminuées  ;  et  lui 
trouvant  un  si  grand  changement  en  l'esprit,  j'en  ai  parlé 
librement  à  la  Mère  supérieure,  qui  m'a  conseillé  de  le  mettre 
siinplement  pensionnaire  avec  ces  bons  ecclésiastiques  ',  pour 
les  raisons  que  je  vous  dirai,  si  Dieu  me  fait  la  grâce  de  voir 
votre  retour,  dont  j'ai  un  grand  besoin. 

C ertainement  votre  absence  ne  me  fut  jamais  plus  sensible, 
pour  les  besoins  que  j'ai  eus  depuis  ;  en  quoi  il  faut  que 
f avoue  ma  faiblesse,  vous  assurant,  mon  Père,  que,  si  Dieu 
me  fait  la  grâce  me  souvenir  du  passé,  je  n'aurai  pas  sujet  de 
7ne  glorifier.  Je  demande  force  de  l'aide  de  vos  prières,  pour 
l'amour  de  Dieu,  et  vous  remercie  très  humblement  de  la  peine 
que  vous  avez  prise  de  ■ïn' écrire  et  des  témoignages  de  l'hon- 
neur de  votre  souvenir.  Je  ne  le  mérite  pas,  et  Dieu  est  bien 
bon  de  me  souffrir.  Or,  mon  très  cher  Père,  offrez  ma  volonté 
à  la  miséricorde  divitte,  car  je  veux,  moyennant  sa  sainte 
grâce,  me  convertir  et  m,e  dire  véritablement.  Monsieur,  votre 
très  humble  servante   et  indigne   fille   en   Notre-Seigneur. 

L.    DE    MaRILLAC. 
Ce  ij  janvier  1628. 

Mademoiselle  du  Fay   est   toujours  dans  ses  infirmités  cor- 

Lettre  21.  —  L.   a. —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.  Au    séminaire    de    Saint-Nicolas-du-Chardonnet. 


—  37  — 

forelles  et  a  fresque  toujours  été  au  Ut  depuis  quinze  jours, 
sans  fièvre    néanmoins  ;  elle  désire  bien  votre  retour.     . 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Vincent. 


22.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  ne  sais  comme  je  m'étais  imaginé,  ces  jours  passés, 
que  vous  étiez  malade,  si  bien  que  je  vous  regardais 
toujours  en  cet  état.  Or,  béni  soit  Dieu  de  ce  que  votre 
lettre  m'a  assuré  du  contraire  ! 

Que  vous  dirai- je  maintenant  de  votre  âls,  sinon  que, 
comme  il  ne  fallait  pas  se  beaucoup  assurer  sur  le 
sentiment  qu'il  avait  de  la  communauté  S  qu'aussi  il  ne 
faut  pas  se  mettre  en  peine  pour  le  dissentiment  qu'il 
en  a  maintenant  ?  Laissez-le  donc  et  le  livrez  entière- 
ment au  vouloir  et  non-vouloir  de  Notre-Seigneur.  Il 
n'appartient  qu'à  lui  à  diriger  ces  petites  et  tendres 
âmes.  Il  y  a  aussi  plus  d'intérêt  que  vous,  pource  qu'il  lui 
appartient  plus  qu'à  vous.  Lorsque  j'aurai  le  bonheur 
de  vous  voir,  ou  plus  de  loisir  qu'à  présent  de  vous 
écrire,  je  vous  dirai  la  pensée  que  j'eus  ujt  jour  et  que 
je  dis  à  Madame  de  Chantai  sur  ce  su^iet,  dont  elle 
fut  consolée  et  délivrée,  par  la  miséricorde  de  Dieu, 
de  quelque  peine  semblable  à  celle  que  vous  pouvez 
avoir  ^.  A  notre  première  vue  donc  ;  et  si  votre  autre  peine 
vous  peine,  écrivez-le-moi,  je  vous  ferai  réponse. 


Lettre  22.  —  L.  a.  —  Original  chez  les  Filles  de  la  Charité  de  la 
rue  des  Bernardins,  15,  à  Paris,  qui  le  tiennent  de  M.  Duby,  ancien 
curé  de  la  paroisse.  Il  aurait  appartenu  autrefois  aux  religieux  de 
l'abbaye  de  Saint-Victor. 

1.  Le  séminaire   de  Saint-Nicolas-du-Chardonnet. 

2.  Celse-Bénigne,    fils  de   sainte    Chantai,    mort    le  22    iuillet    1627, 


-  38    - 

Disposez-vous  cependant  à  faire  une  charité  à  deux 
pauvres  allés  que  nous  avons  jugé  expédient  qu'elles 
sortent  d'ici  et  lesquelles  nous  vous  adresserons  d'ici 
à  huit  jours  et  vous  prierons  de  les  adresser  à  quelque 
honnête  recommanderesse  qui  leur  trouve  condition, 
si  vous  ne  connaissez  quelque  honnête  dame  qui  en  ait 
besoin. 

Nous  aurons  encore  ici  de  l'emploi  pour  environ  six 
semaines  ;  et  après  cela,  je  serai  tout  à  vous  et  à  Made- 
moiselle du  Fay,  laquelle  je  salue  de  toute  l'étendue 
de  mon  cœur,  et  prie  bien  Dieu  que  je  vous  trouve  en 
bonne  disposition,  qui  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur  et  de  sa  sainte  Mère,  Mademoiselle,  votre  très 
humble  et   obéissant   serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Joigny  3,  ce  17  janvier   1628. 

23    —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

J'ai  adressé  une  des  filles  dont  je  vous  ai  parlé  \  à 
notre  bonne  Mademoiselle  du  Fay,  pource  qu'elle  y 
a  de  la  confiance,  l'autre  étant  demeurée  à  Joigny  et 
s'étant  mise  en  condition.  Peut-être  que  madite  demoi- 


en  combattant,  dans  l'île  de  Ré,  contre  les  Anglais,  fut,  toute  sa  vie, 
surtout  par  sa  passion  pour  les  duels,   le  tourment  de  sa  mère. 

3.  Philippe-Emmanuel  de  Gondi,  général  des  galères,  était  comte 
de  Joigny,  où  saint  Vincent  avait  fondé  sa  troisième  confrérie  de  la 
Charité.  (Abelly,  of.  cit.,  t.  I,  chap.  x,  i"  éd.,  p.  47.) 

Lettre  23.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Voir   la    lettre   22. 


—  39  — 

selle  jugera  à  propos  qu'elle  demeure  quelques  jours, 
en  attendant,  chez  vous.  Si  cela  est,  je  ne  doute  point 
que  votre  charité  ne  s'y  accorde  et  qu'elle  n'agrée  la 
confiance   avec   laquelle   j'agis   avec   vous. 

Je  ne  vous  dis  rien  de  ce  que  vous  m'avez  écrit,  pour- 
ce  que  j'espère  de  vous  voir  pendant  la  fin  de  ce  mois 
et  d'en  parler  bouche  à  bouche. 

Que  diriez-vous,  ma  chère  fille,  du  département  -  qui 
m'est  tombé  en  notre  mission,  en  l'une  des  terres  de 
Monsieur  de  Vincy  ^  ?  Certes,  il  me  semble,  confessant 
ces  bonnes  gens,  que  je  vois  devant  moi  leur  bonne 
Mademoiselle  *,  qu'ils  aiment  tant.  Ne  pensant  pas  de 
vous  pouvoir  écrire,  je  l'ai  priée,  par  celle  que  je  lui 
écris,  de  vous  prier  de  nous  envoyer  une  douzaine  de 
chemises  de  toute  sorte.  Faites-le  donc,  Mademoiselle, 
je  vous  en  prie,  et  tenez-vous  bien  gaie,  dans  la  dispo- 
sition de  vouloir  tout  ce  que  Dieu  veut  ^  Et  pource 
que  son  bon  plaisir  est  que  nous  nous  tenions  toujours 
en  la  sainte  joie  de  son  amour,  tenons-nous-y  et  atta- 
chons-nous-y inséparablement  en  ce  monde,  pour  être 
un  jour  une  même  chose  en  lui,  en  l'amour  duquel  je 
suis,  Alademoiselle,  votre  très  humble  et  obéissant 
servnteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Villecien  ^,  ce  g  février  1628. 


2.  Département,   part- 

3.  Antoine  Hennequin,  sieur  de  Vincy,  prêtre,  frère  de  Made- 
moiselle du  Fay,  mort  en  1645,  après  avoir  été  reçu  dans  la  congré- 
gation de  la  Mission.   C'était  un  grand  ami  de  saint  Vincent. 

4.  Mademoiselle    du   Fay. 

5.  Le  saint  pensait  sans  doute  aux  inquiétudes  qu'éprouvait  Louise 
de  Marillac  au  sujet  de  la  vocation  de  son  fils.  «  Sovez  gaie  »,  c'est 
le   conseil  qu'il   ne   cesse   de  lui   donner.  x 

6.  Petite  localité  près  de  Joigny. 


4° 


24.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Février  1628  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Ce  petit  nombre  de  lignes  sera  pour  vous  remercier 
de  ce  que  vous  avez  pris  cette  bonne  fille  chez  vous, 
des  douze  chemises  que  vous  m'avez  envoyées  et  pour 
vous  dire  [que  je  m'en  vas]  ^  partir,  pour  m'en  retourner 
dans  huit  jours,  Dieu  aidant,  et  qu'alors  nous  parlerons 
de  toutes  choses,  disant  cependant  par  avance  à  votre 
cœur  que  je  loue  Dieu  de  ce  qu'il  s'est  dégagé  du  trop 
grand  attachement  qu'il  avait  pour  le  petit  '  et  de  ce  que 
vous  l'avez  ajusté  à  la  raison  et  que  [maintenant]  il  n'y 
a  point  danger,  ains  que  vous  ferez  [selon]  son  incli- 
nation et  de  lui  donner  la  soutane  *.  Dieu  veuille  que 
ce  soit  à  sa  gloire  et  au  salut  des  âmes  et  qu'il  vous 
donne  part  à  la  sainte  tranquillité  de  son  esprit,  étant, 
en  son  amour,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
à  Paris. 


Lettre  24.  —  L.  a.  —  Original  chez  les  Filles  de  la  Charité  de  la 
rue  Mage,  n°  20,  à  Toulouse- 

1.  Cette  lettre  a  suivi  de  peu  de  iours  la  lettre  23. 

2.  T^'original  est  mutilé   ici   et  en  deux   autres   endroits. 

3.  Le    petit    Michel. 

4.  Claude  Lancelot,  du  Port-Royal,  condisciple  du  petit  Michel  au 
séminaire  de  Saint-Nicolas-du-Chardonnet,  dit  dans  ses  Mémoires 
{Mémoires  touchant  la  vie  de  Monsieur  de  Saint-Cyran,  Cologne, 
1738,  2  vol.  in-S»,  t.  I,  p.  3),  avec  quelque  exagération  peut-être,  que 
parmi  les  séminaristes  de  son  temps  pas  un  ne  persévéra. 


—  41   — 

25.  —  LE    COMMANDEUR   DE  SILLERY^   A  SAINT  VINCENT 

[Entre   162^  et  1630  -.] 

Monsieur  mon  Révérend  et  très  cher  Père, 

Je  ne  doute  -point  que,  connaissant,  comme  vous  "faites,  le 
cœur  de  votre  cliétif  fils,  que  vous  n'ayez  voulu,  far  votre  tant 
aimable  et  si  cordiale  lettre,  le  remflir  de  tant  de  douceurs  de 
votre  exubérante  bo7ité,  qu'encore  qu'en  matière  de  cordia- 
lité il  ne  cède  à  personne,  vous  l'obligez  néanmoins  à  vous 
rendre  les  armes  et  à  vous  reconnaître,  ainsi  qu'il  fait  très  vo- 
lontiers e7i  cela  et  en  tout,  four  son  maître  et  son  suférieur.  Et 
de  vrai,  il  faudrait  être  bien  rude  et  bien  agreste  four  ne  fas 

Lettre  25.  —  Abelly,  of.  cit.,  t.   I,  chap.  xxxii,   i"  éd.,  p.   149. 

Le  texte  d'Abelly  doit  être  préféré,  semble-t-il,  à  celui  qu'on  lit 
dans  la  Vie  de  Villustre  serviteur  de  Dieu  Noël  Brulart  de  Sillery, 
Paris,    1843,    in-i2,    p.    30. 

1.  Noël  Brulart  de  Sillery,  chevalier  de  Malte  et  commandeur  de 
Troyes,  est  l'une  des  plus  belles  conquêtes  de  saint  Vincent.  Après 
avoir  rempli  à  la  cour  les  plus  hautes  charges,  après  avoir  été  le 
premier  écuyer  de  la  reine,  puis  son  chevalier  d'honneur,  ambassa- 
deur extraordinaire  en  Italie,  en  Espagne  et  plus  tard  à  Rome  auprès 
des  Papes  Grégoire  XV  et  Urbain  VIII,  il  renonça  à  la  vie  publi- 
que, quitta  le  magnifique  hôtel  de  Sillery,  vendit  ce  qu'il  avait  de 
plus  somptueux,  licencia  la  plus  grande  partie  de  son  personnel  et 
vint  habiter  une  modeste  maison  près  du  premier  monastère  de  la 
Visitation.  C'était  sur  la  fin  de  l'année  1632.  Saint  Vincent,  son 
directeur,  avait  su  opérer  ce  miracle.  Quand  il  vit  le  commandeur 
détaché  de  tous  les  biens  du  monde,  il  lui  apprit  à  faire  bon  usage 
de  son  immense  fortune.  Il  le  conduisit  dans  les  prisons,  les  hôpi- 
taux et  l'initia  à  la  charité  sous  toutes  ses  formes.  Xoël  Brulart  de 
Sillery  prit  la  soutane  en  1632  et  reçut  les  ordres  sacrés  et  la  prêtrise 
en  1634.  Il  dit  sa  première  messe  le  jeudi  saint  13  avril  1634  dans  la 
chapelle  des  sœurs  de  la  Visitation.  Sa  vie  de  prêtre  fut  courte,  mais 
toute  de  charité.  Il  donna  beaucoup  aux  congrégations  religieuses, 
plus  particulièrement  à  la  Visitation,  aux  prêtres  de  la  2\Iission,  au 
monastère  de  la  Madeleine,  aux  jésuites  et  au  Carmel.  Il  essaya  sans 
succès  d'organiser  un  séminaire  dans  la  maison  du  Temple  à  Paris. 
Dieu  le  rappela  à  lui  le  26  septembre  1640,  à  l'âge  de  soixante-trois 
ans.  Saint  Vincent  l'assista  à  ses  derniers  moments  et  fit  lui-même  la 
cérémonie  des  obsèques.  Cf.  Vie  de  Villustre  serviteur  de  Dieu  Noël 
Brulart  de  Sillery  ;  Histoire  chronologique,  t.  I,  pp.  290-307  ; 
Contribution  à  PHistoire  du  monastère  de  la  Visitation  Sainte-Marie 
du  faubourg  Saint-Antoine  au  XYII^  siècle,  par  Martin  Fosseyeux, 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  PHistoire  de  Paris  et  de  Vlle-de- 
France,    1910,   pp.    184-202. 

2.  Le  commandeur  de  Sillery  était  déjà  sous  la  direction  de  saint 
Vincent  en  1630   ;  d'autre  part,  sa  conversion  date  de  1625. 


—  42  — 

fondre  tout  en  dilectioii  -pour  une  c'îiarité  si  amoureusemetit 
exercée  far  un  si  digne  et  si  débonnaire  -père  envers  un  fils 
qui  ne  lui  sert  quà  lui  donner  de  la  peine.  Mais  il  riy  a  remède. 
Je  reçois  humblement  et  volontiers  la  confusion  de  toutes  les 
pativretés  et  faiblesses  que  vous  supportes  en  moi,  après  vous 
en  avoir,  en  toute  révérence  et  soutnission,  requis  pardon.  ] e 
vous  proinets  bien,  mon  très  cher  Père,  que  c'est  à  bon  escient 
que  j'ai  bonne  envie,  moyennant  la  grâce  de  Notre-Seigneur, 
de  m'en  amender.  Oui  certes,  mon  unique  Père,  il  m'est  avis 
que  je  ne  me  suis  jamais  senti  touché  pour  ce  regard  jusques  au 
point  où  je  me  trouve.  Oh  !  que  si  nous  pouvons  et  venons  à 
travailler  efficacement  à  un  bon  amendement  de  tant  de  misères 
dont  Votre  Révérence  sait  que  je  suis  rempli  et  efzvironné  de 
tous  côtés,  je  suis  assuré  qu'elle  en  recevra  des  consolations 
indicibles.  Et  quand  ce  bien  n'arriverait  pas  si  promptement  ou 
si  notablement  que  votre  piété  le  désire,  je  vous  conjure,  mon 
bon  Père,  per  viscera  misericordiae  Dei  nostri  in  quibus  visi- 
tavit  nos  oriens  ex  alto  ^,  que  votre  bonté  ne  se  lasse  point  et 
ne  veuille  jamais  délaisser  ce  pauvre  fils;  vous  savez  bien 
qu'il  serait  sous  une  trop  mauvaise  conduite  s'il  demeurait 
sous  la  sienne. 

26.  —  AU  PAPE  URBAIN  VIII 

[Juin  1628  1.] 
Sanctissimo  Patri  Papae  nostro, 
Supplicant   humiliter  Vincentius   de   Paulo,   superior 

3.    Evangile   de   saint   Luc,    I,    78. 

Lettre  26.  —  L.  a.  —  Arch.  de  la  Propagande,  III,  Lettere  di 
Francia,  Avignone,  Suizzera,  1628,  n»  130,  f°  31,  original.  Ce  docu- 
ment a  été  découvert,  après  de  patientes  recherches,  par  M.  Jean 
Parrang,  prêtre  de  la  Mission.  Il  est  en  parchemin  et  d'une  écriture 
fort  belle,  qui  recouvre  cinq  grandes  pages  in-4°.  Le  nonce  aposto- 
lique en  France  envoya  et  recommanda  cette  supplique,  le  21  juin 
1628,  au  cardinal-préfet  de  la  Propagande.  Le  23  juillet,  il  transmit 
à  Mgr  Ingoli,  secrétaire  de  la  même  congrégation,  deux  lettres  du 
roi,  l'une  au  Pape,  l'autre  à  l'ambassadeur  de  France,  M.  de  Bé- 
thune,  en  faveur  de  la  requête  présentée  par  saint  Vincent,  et  il 
insista  pour  l'adoption.  Ces  recommandations  n'aboutirent  à  rien. 
La  supplique  fut  rejetée  par  la  Propagande  dans  la  congrégation 
tenue  en  présence  du  Pape  le  22  août  1628,  sur  le  rapport  défavo- 
rable fait  par  le  cardinal  Bentivoglio.  Tout  au  plus  se  montrait-on 
disposé  à  autoriser,  pour  la  France  seulement,  une  société  de  vingt  à 
vingt-cinq  prêtres,  qui  ne  porterait  ni  le  titre  de  congrégation,  ni 
celui  de  confrérie  et  serait  sous  la  dépendance  des  évêques- 

I.    Voir  la  note  générale. 


—  43  — 

sacerdotum  Missionis  Lutetiae  Parisiorum  fundatae,  et 
magister  Ludovicus  Callon,  doctor  Sorbonicus  ^,  Anto- 
nius   Portail  ',  Franciscus   du   Coudray,   Joannes   de   la 

2.  Au  dire  du  R.  P.  Placide  Gallemant  {La  vie  du  vénérable  -pres- 
ire  de  J.-C.  M.  Jacques  Gallemant,  Paris,  1653,  in-4^',  p.  231),  Louis 
Callon,  docteur  de  Sorbonne,  était  de  ces  hommes  «  en  qui  la  sain- 
teté, la  science,  le  zèle  et  la  simplicité  avaient  fait  une  belle  al- 
liance ».  A  ces  dons  s'ajoutaient  ceux  de  la  fortune,  car  ses  parents 
lui  avaient  laissé  de  cinquante  à  soixante  mille  livres,  somme  im- 
portante pour  l'époque.  Il  abandonna  la  cure  d'Aumale,  son  pays 
natal,  pour  entrer  en  juillet  1626  dans  la  congrégation  de  la  Mis- 
sion. Après  un  séjour  d'assez  courte  durée  au  collège  des  Bons-En- 
fants, il  revint  à  Aumale,  du  consentement  de  saint  Vincent,  qui 
continua  de  le  regarder  comme  un  des  siens.  Le  bien  qu'il  y  fit  est 
considérable.  Il  fonda  un  collège  dans  sa  maison  paternelle,  acheta 
une  maison  pour  l'école  des  filles,  vint  en  aide  à  l'église  paroissiale, 
à  l'hôpital,  au  couvent  des  religieux  pénitents.  Les  Feuillants  de 
Rouen  et  d'autres  communautés  bénéficièrent  également  de  ses  lar- 
gesses. Le  23  août  1629,  il  remettait  4.000  livres  à  saint  Vincent 
pour  une  fondation  de  missions  qui  devaient  se  donner  tous  les  deux 
ans  par  deux  prêtres  de  la  congrégation  dans  le  diocèse  de  Rouen  et 
plus  spécialement  dans  le  doyenné  d'Aumale.  Il  prêcha  lui-même 
dans  les  diocèses  de  Rouen,  Paris,  Meaux,  Chartres  et  Senlis.  Au 
milieu  de  ses  travaux,  il  trouva  le  temps  d'écrire  divers  ouvrages  de 
piété,  entre  autres  un  Traité  four  la  fréfaraiion  à  la  sainte  com- 
?nunio>i,  Rouen,  et  Le  catéchisme  de  la  chasteté  honorable,  Paris, 
1639.  Sentant  sa  fin  prochaine,  il  quitta  Rouen  pour  aller  mourir  à 
Saint-Lazare  ;  mais  le  mal  l'empêcha  de  dépasser  Vernon,  où  il 
s'éteignit,  le  26  août  1647,  dans  le  couvent  des  religieux  du  Tiers- 
Ordre  de  Saint-François.  Le  R.  P.  Placide  Gallemant,  son  ami,  lui 
a  consacré  quelques  pages  de  son  livre  sur  Jacques  Gallemant.  [Of- 
cit.,    pp.    319-328.) 

3.  Antoine  Portail,  né  à  Beaucaire,  le  22  novembre  1590,  vint  à 
Paris  pour  étudier  en  Sorbonne.  Il  y  connut  saint  Vincent  vers  161 2 
et  s'attacha  à  lui.  Du  jour  de  son  ordination  (1622)  à  celui  de  sa 
mort  (1660),  il  fut  l'auxiliaire  du  saint,  qui  remplo3'a  d'abord  au 
service  des  galériens,  le  reçut  avant  tout  autre  dans  sa  nouvelle  con- 
grégation, l'initia  au  ministère  des  missions  et  à  l'œuvre  des  ordi- 
nands,  le  choisit  comme  premier  assistant  en  1642  et  lui  donna  la 
direction  des  Filles  de  la  Charité.  Antoine  Portail  quitta  Paris  en 
1646  pour  faire  la  visite  des  maisons  de  sa  congrégation  ;  il  com- 
mença par  l'ouest  de  la  France,  puis  descendit  dans  le  midi,  passa 
en  Italie  et  ne  fut  de  retour  à  Saint-Lazare  qu'en  septembre  164g. 
Sauf  une  assez  longue  absence  en  1655,  il  ne  quitta  presque  plus  la 
maison-mère.  On  lui  doit  une  nouvelle  édition  des  Méditations  de 
Busée,  qu'il  remania  et  augmenta  considérablement.  La  mort  l'enleva 
le  14  février  1660,  après  une  maladie  de  neuf  jours.  [Notices  sur  les 
■prêtres,  clercs  et  frères  défunts  de  la  Congrégation  de  la  Mission, 
Paris,    1881-1911,    10  vol.    in-8°  en   2  séries,   1"   série,   t.   I,  pp.  1-94) 


—  44  — 

Salle,  Joannes  Bécu  ^  Antonius  Lucas  ^,  Josephus  Bru- 
net  ^,  Joannes  Dehorgny  ',  dioecesum  Aquensis,  Rotho- 
magensis,  Arelatensis,  Ambianensis,  Parisiensis,  Claro- 
montensis,  Noviomensis,  innuentes  supranominati  sup- 
plicantes  quod,  cum  dominus  Philippus  Emmanuel  de 
Gondy,  cornes  Juniocensis,  marquio  Insularum  Aurea- 
rum,  eques  torquatus  utriusque  ordinis  *,  Régis  a  con- 


4.  Jean  Bécu  était  de  Braches  (Somme),  où  il  naquit  le  24  avril 
1592.  Il  fut  ordonné  prêtre  en  septembre  1616  et  vint,  en  septembre 
1626,  se  joindre  aux  premiers  compagnons  de  saint  Vincent.  Deux 
de  ses  frères,  Benoît  et  Hubert,  le  suivirent  dans  la  congrégation, 
ce  dernier  à  titre  de  frère  coadjuteur,  et  une  de  ses  sœurs  entra 
chez  les  Filles  de  la  Charité.  La  direction  de  la  maison  de  Toul  lui 
fut  confiée  de  1642  à  1646.  De  retour  à  Paris,  il  y  passa  le  reste  de 
sa  vie.  Il  mourut  le  19  janvier  1667,  après  avoir  exercé  les  charges 
de  vice-visiteur,  puis  de  visiteur  de  la  province  de  France.  [A^otices, 
t.    I,    pp.    125-133.) 

5.  Antoine  Lucas,  né  à  Paris  le  20  ianvier  1600,  avait  fait  de  for- 
tes études  en  Sorbonne.  Il  entra  dans  la  congrégation  de  la  Mis- 
sion en  décembre  1626  et  fut  ordonné  prêtre  en  septembre  1628.  Son 
zèle,  son  talent  pour  la  prédication,  son  habileté  dans  les  controverses 
le  firent  apprécier  du  P.  de  Condren  et  de  Jean-Jacques  Olier,  qui 
le  demanda  un  jour  à  saint  Vincent  pour  son  instruction  personnelle 
et  la  conversion  d'un  hérétique.  Antoine  Lucas  était  de  la  maison  de 
La  Rose  en  1645.  Il  dirigea  l'établissement  du  Mans  de  1647  ^  ^^5^ 
et  fut  ensuite  placé  à  Sedan. 

6.  Jean-Joseph  Brunet  naquit  à  Riom  en  1597,  s'unit  aux  compa- 
gnons de  saint  Vincent  en  1627,  donna  des  missions  dans  le  Bordelais, 
fut  placé  à  Alet,  à  Gênes  et  à  Marseille,  où  il  mourut  le  6  août 
1649,    victime    de  son    dévouement   pour  les   pestiférés.   (Notices,  t.  I, 

pp.   147-15*-) 

7.  Jean  Dehorgny,  d'Estrées-Saint-Denis  (Oise),  entra  dans  la 
congrégation  de  la  Mission  au  mois  d'août  1627  et  fut  ordonné  prê- 
tre le  22  avril  1628.  En  1632,  quand  saint  Vincent  s'établit  à  Saint- 
Lazare,  Jean  Dehorgny  prit  la  direction  du  collège  des  Bons-Enfants, 
charge  qu'il  remplit  jusqu'en  1635  et  qu'il  reprit  de  1638  à  1643  ^^  ^^ 
1654  à  1659.  Il  fut  de  1642  à  1644  et  de  1654  à  1667  assistant  du 
supérieur  général,  de  1644  à  1647  ^t  de  165 1  à  1653  supérieur  de 
l'établissement  de  Rome,  de  1660  à  1667  directeur  des  Filles  de  la 
Charité.  En  1640,  1641,  1643,  1644,  1659  et  r66o,  il  visita  plusieurs 
maisons  de  la  compagnie  et  rétablit  le  bon  ordre  partout  où  il  en 
était  besoin.  Sa  sympathie  pour  les  idées  jansénistes  nous  vaut  deux 
belles  lettres  de  saint  Vincent,  qui  eut  la  joie  de  le  voir  revenir  à 
des  idées  plus  saines.  Il  vécut  jusqu'au  7  juillet  1667.  On  a  de  lui 
vingt-trois  conférences  aux  Filles  de  la  Charité  et  plusieurs  lettres. 
(Notices,   t.    I,    pp.    153-220.) 

8.  Les  ordres   de   Saint-Michel  et   du   Saint-Esprit. 


—  45  — 

siliis,  dux  quinquaginta  cataphractorum  mihtum,  mari 
gallicane  in  Oriente  praepositus  et  generalis  regiarum 
triremium  praefectus,  modo  congregationi  Oratorii  Jesu 
in  dicta  urbe  Parisiensi  aggregatus,  ab  aliquot  annis 
attentiiis  considerasset,  cum  defuncta  domina  Fran- 
cisca  Margarita  de  Silly,  tune  temporis  ejus  uxore,  ba- 
rona  Montis-Mirabilis,Trosnay  et  aliorum  locorum, 
cum  dicto  Vincentio  de  Paulo,  tune  eorum  eleemosyna- 
rio  et  supradictae  dominae  confessore,  urbium  incolas 
omni  auxilio  spirituali  suffi-cienter  juvari  celebrium  doc- 
torum  et  proborum  religiosorum  beneficio  qui  in  iisdem 
urbibus  passim  habitant,  solum  populum  rure  degentem, 
ignorantia  et  paupertate  oppressum,  iisdem  auxiliis  des- 
titui  quibus  alii  in  urbibus  abundant,  proptereaque 
eumdem  populum  in  perpétua  mysteriorum  fidei  ad  sa- 
lutem  necessariorum  ignorantia  ad  senectutem  usque 
remanere,  sicque  misère  in  peccatis  adolescentiae  saepe 
decedere,  quae,  nimio  pudore  praepediti,  apud  paro- 
chos  aut  vicarios,  utpote  sibi  notos  et  f  amiliares,  non  au- 
dent  deponere,  existimaverunt  supradicti  huic  tam  ur- 
genti  malo  remedium  aliquod  adhiberi  posse  missionum 
beneficio,  quae  tune  in  oppidis  et  pagis  intra  eorum 
dominia  contentis  factae  sunt  a  supplicante  Vincentio 
de  Paulo  et  aliis  ecclesiasticis  probatis,  doctrina  et  mo- 
rum  integritate  conspicuis,  autoritate  Reverendissimo- 
rum  Dominorum  Episcoporum  eorum  locorum  :  quod 
adeo  féliciter  successit  ut,  cognito  et  praesentia  sua  com- 
probato  fructu  et  emolumento  quod  inde  ad  gloriam 
omnipotentis  Dei  redundaret  ex  confessionibus  gêner a- 
libus  de  intégra  vita  quas  multa  oppida  et  pagi  inte- 
gri  amplexi  sunt,  emendatione  vitae  et  meliore  fruge 
plurimorum,  imo  etiam  aliquorum  haereticorum  in  si- 
num  sanctae  Romanae  Ecclesiae  receptorum  conversione, 
supramemoratus  dominus  et  domina  hoc  pium  opus  mis- 


-  46  - 

sionum  perpetuum  reddere  decreverunt  ;  quod  fecerunt 
eleemosyna,  anno  Domini  millesimo  sexcentesimo  vigc- 
simo  quinto  erogata,  quadraginta  quinque  millium 
francorum,  in  sustentationem  et  alimoniam  aliquot  ec- 
clesiasticorum,  qui,  prius  relictis  omnibus  beneûciis  et 
officiis  quae  in  urbibus  haberent,  imo  et  spe  ad  il  la  in 
posterum  obtinenda  deposita,  simul  habitare  et  in  con- 
gregatione  \ivere  decrevissent  et  in  salutem  pauperis 
populi  rusticani  ex  professe  incumbere  vellent  sub  di- 
rectione  dicti  Vincentii  de  Paulo,  supplicantis  ;  qua  fun- 
datione  a  Reverendissimo  Domino  Archiepiscopo  Pari- 
siens! approbata  et  confirmata,  nominatus  Vincentius  de 
Paulo,  ab  eodem  Domino  Archiepiscopo  constitutus  su- 
perior,  associavit  et  aggregavit  sibi  supramemoratos  ; 
qui  presbyteri  ',  ut  f  acilius  et  utilius  possint  saluti  pau- 
perum  rusticanorum  incumbere,  relictis  beneûciis  quibus 
quidam  illorum  gaudebant,  et  aliis  conditionibus  in  qui- 
bus alii  in  urbibus  occupabantur,  simul  congregati  sunt, 
et,  societatem  conficientes,  in  ea  vivunt  sub  titulo  et  no- 
mine  Sacerdotuni  Missionis  aut  Missionarioruni  et  sub 
directione  et  correctione  dicti  Vincentii  de  Paulo,  toti 
incumbentes  in  salutem  populi  rure  commorantis,  quem 
propterea  adeunt,  ab  oppido  ad  oppidum,  a  pago  in 
pagimi  transeuntes,  conciones,  exhortationes  habent  ad 
populum,  edocent  unumquemque,  et  publiée  et  privatim, 
catechismum,  mysteria  fidei  ad  salutem  necessaria,  quae 
ut  plurimum  penitus  ignorantur,  ad  confessiones  géné- 
rales de  tota  vita  disponunt  easque  excipiunt,  haeretico- 
rum  conversionem  procurant,  terminant  lites  et  dissidia, 
inimicitias  et  odia  conciliant,  confratemitatem  Charita- 
tis  erectam  ad  subveniendum  saluti  corporis  et  animae 
pauperum    morbo    detentorum,    ubi    nécessitas    expetit, 


9.    Tous    les     signataires    de     cette    supplique     étaient    prêtres,     sauf 
Antoine   Lucas,   qui  le  devint  trois  mois  après. 


—  47  — 

instituant  ;  liaecque  omnia  pia  opéra  jam  exercent  non 
modo  in  pagis  et  oppidis  ad  dommum  et  dominam  fun- 
datores  pertmentibus,  quae  loca  singulis  quinquenniis 
adiré  ibique  praedicta  officia  exercera  tenentur,  verum 
etiam  in  multis  aiiis  partibus  et  dioecesibus  huius  re- 
gni  Franciae  felici  successu  laboraverunt,  adjuvante  Dei 
gratia,  ut  in  archiepiscopatu  Senonensi,  in  dioecesibus 
Catalonensi,  in  Campania,  Trecensi,  Suessonensi,  Bello- 
vacensi,  Ambianensi  et  Camutensi,  semper  cum  magna 
satisfactione  Reverendissimorum  Dominorum  Archi- 
episcoporum  et  Episcoporum  dictorum  locorum,  cum  sa- 
lute  miseri  populi  et  incredibili  omnium  aedi&catione. 
Quae  omnia  pia  opéra  semper  suscipiunt  sumptibus  et 
impensis  dictae  congregationis,  quae  nullam  laborum 
suorum  mercedem  aut  compensationem  temporalem  re- 
cipit  aut  expectat. 

Propter  dictas  causas,  Sanctissime  Pater,  et  quia  per- 
petuitas  hujus  pii  operis  ad  salutem  et  conversionem 
proximi  plurimum  conferre  potest,  placeat  Sanctitati 
Vestrae  approbare  et  conârmare  dictam  congregatio- 
nem  et,  in  quantum  opus  est,  de  novo  erigere,  Vestram 
benedictionem  supra  illam  extendere  dictumque  Vincen- 
tium  instituere  in  institutorem  praepositum  generalem 
dictorum  sacerdotum,  necnon  et  aliorum  ad  societatem 
eorum  promoveri  cupientium  et  reliquorum  ad  familiaria 
officia  necessariorum  ^°  dictae  congregationis  Missionis 
nuncupatae,  qui  simul  et  in  societate  religiose  vivere  et 
in  humilitatis  spiritu  et  piae  vitae  studiis  Altissimo  fa- 
mulatum  exhibere  et  impendere  voluerint,  quorum  prin- 
cipale ac  praecipuum  institutum  erit  propriae  perfec- 
tioni  et  incolarum  rure  degentium  totaliter  incumbere, 
cum  plena  et  omnimoda  facultate,  potestate  et  auctori- 


lo.   Ces  mots  s'entendent  des   frères  coadjuteurs    ;   il  n'y  avait  alors 
dans  la   compagnie  que  'es   frères   Jean   Jourdain  et   Hector. 


-  48  — 

tate  eidem  Vincentio  jampridem  per  dominum  Archiepis- 
copum  Parisiensem  ad  id  assumpto  et  a  dominis  fun- 
datoribus  summopere  desiderato,  ut  praedictam  congre- 
gationem  hujusmodi  tam  in  civitate  Parisiensi  quam  in 
omnibus  aliis  civitatibus,  oppidis,  terris  et  locis  ad 
quae  a  locorum  Episcopis  vocatus  f uerit,  et  non  alias,  ins- 
tituendi  ",  ac  demum  pro  felici  statu  et  directione  per- 
sonarum  ac  bonorum  spiritualium  et  temporalium  ejus- 
dem  congregationis  seu  congregationum  sic  erigenda- 
rum,  tum  circa  receptionem  et  admissionem,  numerum, 
aetatem  et  qualitates  in  ipsa  congregatione  recipien- 
dorum  et  admittendorum,  eorumque  instructionem  et 
disciplinam,  exercitia,  ac  modum  ac  formam  divinorum 
officiorura,  precum  et  orationum  aliorumque  suffragio- 
rum  recitandorum,  et  alia  ipsis  congregationibus  uti- 
lia  atque  necessaria,  quaecumque  statuta,  ordinationes, 
alia  ipsis  congregationibus  et  capitula  licita  et  honesta 
sacrisque  canonibus  et  constitutionibus  apostolicis  nec- 
non  Concilii  Tridentini  decretis  minime  contraria,  a 
Sancta  Sede  Apostolica  postmodum  approbanda,  con- 
firmanda  ac  per  ipsarum  congregationum  praepositum, 
presbyteros,  officiales,  ministres  et  coadjutores,  sub  poe- 
nis  apponendis,  adimplenda  et  observanda,  faciendi, 
edendi  et  condendi,  factaque,  édita  et  condita,  quoties 
pro  illorum  ac  rerum  et  temporum  qualitate  et  vicis- 
situdme,  seu  alias  videbitur,  corrigendi,  limitandi,  im- 
mutandi,  alterandi  ac  etiam  alia,  ut  praefertur,  adim- 
plenda et  observanda,  ex  integro  faciendi  et  condendi, 
aliaque  omnia  et  singula  similium  congregationum,  nec- 
non  quorumcumque  ordinum  approbatorum  constituto- 
ribus  aut  aliis  superioribus  etiam  generalibus,  de  jure 
vel  consuetudine,  sive  ex  privilegio,  aut  alias  quomodo- 


II.  La   con;^régation   de   la    Mission   n'avait   alors   d'autre   établisse- 
ment que  le  collège  des  Bons-Enfants. 


—  49  — 

cumque  ûeri  et  exsequi  solita,  faciendi  et  exequendi, 
dicta  auctoritate  deputare  et  assumere  ; 

Omnesque  alias  ad  instar  supradictae  canonice  eri- 
gendas  congregationes  quas  ab  ea  Parisiensi  et  a  dicto 
praeposito  generali  quocumque  locorum  stabilitae  fue- 
rint,  in  omnibus  dependere  plaçeat  Sanctitati  Vestrae, 
ex  nunc  prout  postquam  auctoritate  praedicta  erectae 
fuerint,  eisdem  auctoritate  et  tenore  perpetuo  appro- 
bare  et  con&rmare  ; 

Dictosque  praepositum,  presbyteros  et  quascumque 
personas  dictae  congregationis  liberare  a  jurisdictione 
suorum  Ordinariorum  et  a  Sancta  Sede  Apostolica  de- 
pendere placeat  Sanctitati  Vestrae,  ita  tamen  ut  dictae 
personae  obedire  teneantur  Reverendissimis  Dominis 
Episcopis  et  Dioecesanis  suae  residentiae  circa  missio- 
nes,  etiam  pergere  quocumque  et  ad  quoscumque  eos 
mittent,  absque  ulla  excusatione  super  quovis  praetextu 
lundata,  excepta  indispositione  corporis  aut  nimio  la- 
bore  praecedente,  qui  aliquam  quietem  ad  resumendas 
novas  vires  requiret    ; 

Et  postremo  eisdem  congregationibus,  ex  nunc  prout 
etiam  postquam  institutae  et  erectae  fuerint,  ut  praefer- 
tur,  pro  illarum  dote  ac  dicti  Vincentii,  necnon  praepo- 
siti  generalis  et  presbyterorum  eorumdem  pro  tempore 
existentium  sustentatione  onerumque  illis  incumbentium 
supportatione,  omnia  et  singula,  res,  bona,  fructus,  re- 
ditus  et  legata  jam  facta  et  facienda  tam  per  dictum 
dominum  Gondium  et  dominam  Franciscam  Marga- 
ritam  de  Silly,  fundatores,  quam  alios  quoscumque 
christifideles  dictis  congregationibus  quomodolibet  re- 
linquenda,  donanda  et  elargienda,  ita  quod  liceat  dicto 
Vincentio  vel  alii  praeposito  generali  et  presbyteris  dic- 
tarum  congregationum  pro  tempore  existentibus,  illo- 
rum  omnium   corporalem,   realem   et   actualem   posses- 


—  5°  — 

sionem,  per  se  vel  per  alium  seu  alios,  dictarum  congre- 
gationum  nomine,  libère  apprehendere  et  perpétue  reti- 
nere,  fructus  quoque,  reditus  et  proventus,  jura,  obven- 
tiones  et  emolumenta  quaecumque  eorumdem  percipere, 
exigere,  levare,  recuperare  ac  in  dictarum  congregationum 
usus  et  utilitatem  convertere,  Dioecesani  loci  vel  cujusvis 
alterius  licentia  desuper  minime  requisita,  et  etiam  per- 
pétue  applicare. 

Et  ad  augendam  fidelium  devotionem  animarumque 
saluti  consulendum,  et  ut  christifideles  ad  hujus  Insti- 
tuti  exercitium  animentur  atque  mnitentur,  supplicanl 
Sanctitatem  Vestram  dicti  oratores  ut  placeat  illis  con- 
cedere  omnes  facultates  quas  solita  est  concedere  reli- 
giosis  et  sacerdotibus  saecularibus  quos  Sua  Sanctitas 
mittit  in  Missiones  in  partes  inûdelium    : 

Scilicet  potestatem  apostolicam  concionandi,  cate- 
chisandi,  excipiendi  confessiones,  instituendi  confrater- 
nitatem  Charitatis  ubique  locorum,  semper  sub  benepla- 
cito  Reverendissimorum  Dominorum  Episcoporum    ; 

Potestatem  absolvendi  ab  omnibus  censuris  ecclesias- 
ticis  et  dispensandi  de  irregularitatibus  occultis,  com- 
mutandi  vota  et  absolvendi  ab  omnibus  casibus  Vestrae 
Sanctitati  reservatis  etiam  in  Bulla  Coenae  Domini  ; 

Potestatem  quoque  dictis  missionariis  legendi  libros 
haereticorum  et  absolvendi  ab  haeresi,  applicandi  ple- 
nariam  induilgentiam  omnibus  qui  instituunt  confes- 
siones générales  iisdem  missionariis  et  aliis  ecclesias- 
ticis  qui  ad  missiones  ab  illis  assumentur   ; 

Instituendi  orationem  quadraginta  horarum  in  locis 
in  quibus  expedire  credent,  et  applicandi  plenariam 
indulgentiam  iis  qui,  ea  durante,  confitebuntur  et  sa- 
cram  Eucharistiam  sument    ; 

Célébra ndi  sacrum  Missae  sacrificium  super  altaria 
portatilia,  celebrandi  etiam  hora  ante  auroram  et  post 
meridiem    ; 


—  51  — 

Moderandi  et  remittendi  restitutiones  débitas  propter 
incursam  simoniam    ; 

Benedicendi  omamenta   Ecclesiae. 

L.  Gallon,  F.  du  Coudray,  A.  Portail,  J.  de  la  Salle, 
J.  Bécu,  A.  Lucas,  J.  Brunet,  J.  Dehorgny,  Vincent  De- 
paul  ^~. 

27.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Oui  enfin,  ma  chère  demoiselle,  je  le  veux  bien.  Pour- 
quoi non  ?  puisque  Notre-Seigneur  vous  a  donné  ce 
saint  sentiment.  Communiez  donc  demain  et  vous  pré- 
parez à  la  salutaire  revue  que  vous  vous  proposez,  et 
après  cela  vous  commencerez  les  saints  exercices  ^  que 
vous  vous  êtes  ordonnés.  Je  ne  saurais  vous  exprimer 
combien  mon  cœur  désire  ardemment  voir  le  vôtre  pour 


12.  Le  personnel  de  la  congrégation  naissante  comprenait  encore 
Jacques  Régnier,  reçu  au  mois  d'août  1627  et  ordonné  prêtre  en  1631, 
deux  frères  coadjuteurs  et  peut-être  Robert  de  Sergis,  re^u  au  mois 
de  juin  1628.  Jacques  Régnier  ne  signa  pas  la  supplique,  très  proba- 
blement parce  qu'il  n'était  pas  encore  prêtre,  ni  sur  le  point  de  le 
devenir.  —  Nous  nous  contenterons  de  donner  la  traduction  de  la  sup- 
plique du  r"^""  août,  qui  ne  diffère  de  celle-ci  que  par  deux  courtes 
additions  et   des  modifications   de  pure   forme. 

Lettre  27.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

Cette  lettre  est  tout  entière  reproduite  par  Abelly,  qui  la  fait  pré- 
céder de  ces  mots  :  «  Cette  fidèle  servante  de  Jésus-Christ  se  sentit 
fortement  touchée  en  ses  oraisons  de  s'adonner  au  service  des  pau- 
vres ;  sur  quoi  ayant  demandé  l'avis  de  M.  Vincent,  il  lui  fit  cette 
réponse.    »    (Op.   cit.,   t.   I,   chap.   xxni,  p.    105.) 

Mgr  Baunard  [La  Vénérable  Louise  de  Marillac,  Paris,  1898, 
in-8°,  p.  43,  note  i)  pense  qu'Abelly  se  trompe.  La  lettre  serait,  d'a- 
près lui,  un  simple  encouragement  aux  exercices  d'une  retraite,  que  de- 
vait accompagner  une  conf esnon  générale.  Nous  sommes  plutôt  de  l'avis 
d'Abelly.  S'il  n'y  avait  eu  en  Louise  de  Marillac  que  le  désir  de 
faire  une  retraite  et  une  revue  de  sa  vie,  saint  Vincent  ne  lui  aurait 
pas  répondu  :  a  Je  ne  saurais  vous  exprimer  combien  mon  cœur  dé- 
sire ardemment  voir  le  vôtre  pour  savoir  comme  cela  s'est  passé  en 
lui  »  et  «  Oh  !  quel  arbre  vous  avez  paru  aujourd'hui  aux  yeux  de 
Dieu,  puisque  vous  avez  produit  un  tel  fruit  !  »  Il  s'agit,  semble- 
t-il,  d'une  grave  résolution  que  venait  de  prendre  Louise  de  Marillac. 
L'explication    d'Abelly    est   plus   naturelle    ;    nous   l'adoptons. 

I.   Les  exercices  de  la   retraite. 


—  52  — 

savoir  comme  cela  s'est  passé  en  lui,  mais  je  m'en 
veux  bien  mortifier,  pour  l'amour  de  Dieu,  auquel  seul 
je   désire  que  le  vôtre  soit  occupé. 

Or  sus,  je  m'imagine  que  les  paroles  de  l'Evangile 
de  ce  jour  ^  vous  ont  fort  touchée.  Aussi  sont-elles  pres- 
santes au  cœur  aimant  d'un  parfait  amour.  Oh  !  quel 
arbre  vous  avez  paru  aujourd'hui  aux  yeux  de  Dieu, 
puisque  vous  avez  produit  un  tel  fruit  !  A  jamais 
puissiez-vous  être  un  bel  arbre  de  vie  produisant  des 
fruits  d'amour,  et  moi,  en  ce  même  amour,  votre  ser- 
viteur. 

V.  D. 

28.  —  AU  PAPE  URBAIN  VIII 

Sanctissimo  Patri   Nostro  Papae. 
Supplicant    humiliter...  et    supradictae    dominae  con- 

2.  Cette  lettre  a  été  écrite  le  septième  dimanche  de  la  Pentecôte, 
car  c'est  ce  jour-là  qu'on  lit,  à  la  messe,  l'évangile  du  bon  et  du  mau- 
vais arbre.  D'autre  part,  on  peut  conjecturer  que  Louise  de  Marillac 
prit  la  résolution  de  se  consacrer  au  service  des  pauvres  avant  de  se 
donner  à  saint  Vincent  pour  la  visite  des  confréries  de  la  Charité, 
par  conséquent  avant  le  6  mai  162c).  Ces  deux  remarques  nous  por- 
tent à  penser  que  la  lettre  ci-dessus  pourrait  bien  être  du  30  juillet 
1628. 

Lettre  28.  —  L.  s.  —  Arch.  de  la  Propagande,  III,  Letiere 
di  Francia,  Avignone  e  Suizzera,  1628,  no  130,  f°  36,  ancien  60, 
original  sur  parchemin.  Nous  devons  encore  la  découverte  de  ce  do- 
cument à  M.  Jean  Parrang.  Tandis  qu'on  étudiait  sa  première  sup- 
plique à  Rome,  saint  Vincent,  profitant  peut-être  des  avis  de  per- 
sonnes doctes  et  amies,  la  revoyait  et  la  corrigeait.  Si  l'on  excepte 
deux  additions,  que  nous  signalerons  en  leur  place,  le  nouveau  texte 
ne  diffère  du  précédent  que  par  des  modifications  de  pure  forme. 
Le  nonce  l'envoya,  le  15  août  1628,  au  cardinal-préfet  de  la  Propa- 
gande, avec  une  lettre  de  recommandation.  Les  raisons  données  par 
cette  congrégation,  le  22  août,  pour  le  rejet  de  la  précédente  requête 
atteignaient  celle-ci.  Aussi  saint  Vincent  apprit-il  sans  étonneraent 
qu'elle  était  rejetée  à  son  tour.  D'après  une  note,  le  jugement  fut 
rendu  le  25  septembre.  Si  le  procès-verbal  de  la  réunion  tenue  ce 
jour-là  n'en  fait  pas  mention,  cela  tient  probablement  à  ce  qu'il  n'y 
eut  pas  de  délibération  sur  ce  sujet,  la  seconde  demande  étant  vir- 
tuellement  repoussée  par   les  considérants   de   la   décision  prise   contre 


—  53  — 

fessario,  urbium  incolas  omni  auxilio  spirituali  cele- 
brium  doctorum  proborumque  religiosorum  qui  in 
iisdem  civitatibus  morantur,  suffi.cienter  adjuvari, 
solum  populum  rure  degentem  ignorantia  et  paupertate 
oppressum  iisdem  auxiliis  quibus  alii  in  urbibus  abun- 
dant,  destitui,  proptereaque  eumdem  populum...  depo- 
nere  non  audent  ;  huic  tam  ingenti  malo  remedium 
aliquod  adhiberi  posse  arbitrati  sunt  supranominati, 
si  missiones  quae  tune  in  oppidis  et  pagis  intra  eorum 
dominia  contentis  a  dicto  Vincentio  cum  aliis  ecclesias- 
ticis  probitate  et  doctrina  conspicuis  factae  sunt,  sub 
beneplacito  et  obtenta  facultate  a  Reverendissimis  DD. 
ipsorum  locorum  Episcopis,  continuarentur.  Quod  adeo 
féliciter,  cognito  et  praesentia  sua  comprobato  fructu 
et  emolumento  ad  gloriam  Omnipotentis  Dei  emergenti 
ex  confessionibus  gênerai  ibus  de  intégra  vita,  quas 
multa  oppida  et  pagi  integri  amplexi  sunt,  cum  emen- 
datione  vitae  et  meliore  fruge  in  posterum,  imo  etiam 
conversione  quorumdam  haereticorum,  successit,  ut  su- 
pramemorati  domini  Emmanuel  et  Francisca,  hoc  pium 
opus  missionum  perpetuum  reddere  cupientes,  eleemo- 
synam  quadraginta  quinque  [millium]  francorum  in  sus- 
tentationem  et  alimoniam  aliquot  sacerdotum,  qui, 
relictis  gradibus  et  ecclesiasticis  quae  in  urbibus  haberi 
soient  offi-ciis,  imo  spe  ad  illa  in  posterum  rejecta,  simul 
habitare,  necnon  in  congregatione  vivere  salutique  pau- 
peris  populi  rusticani    ex    professo    incumbere    vellent, 


la  première.  Saint  Vincent  n'était  pas  homme  à  se  décourager.  Il 
attendit,  réfléchit,  prépara  une  autre  requête,  que  nous  n'avons  plus, 
fit  agir  des  personnages  influents  et  obtint  enfin,  le  12  janvier  1632, 
tout  ce  qu'il  souhaitait,  et  plus  encore,  car  il  ne  pensait  pas  que  le 
Souverain  Pontife  déclarerait  son  Institut  très  agréable  à  Dieu,  très 
utile  et  même  nécessaire  aux  hommes,  Deo  acceftissimum,  hominibus 
utilissitmcm    -prorsusque    necessarium.    (    Bulle    Salvatoris   Nostri.) 

Nous  avons  jugé  inutile  de  reproduire  les  passages  communs 
avec  la  supplique  de  juin  (lettre  26),  le  lecteur  pouvant  facilement 
se   référer  à   celle-ci  pour  les  parties  omises. 


—  54  — 

sub  directione  dicti  Vincentii  de  Paulo  supplicantis, 
largiti  sint,  anno  Dommi  millesimo  sexœntesimo  vige- 
simo  quinto. 

Qua  fundatione  a  Reverendissimo  D.  Domino  Ar- 
chiepiscopo  Parisiensi  approbata  et  confirmata,  supra- 
dictus  Vincentius  de  Paulo,  ab  eodem  superior  consti- 
tutus,  associavit  et  aggregavit  sibi  supramemoratos 
sacerdotes,  qui,  ut  facilius  utiliusque  bono  animarum 
ruri  degentium  intendere  valerent,  prius  relictis  bene- 
ficiis  quibus  quidam  illorum  fruebantur  et  aliis  condi- 
tionibus  quarum  munere  fungentes  in  urbibus  retine- 
bantur,  simul  congregati  sunt  in  societatem  sacerdotum 
Missionis  aut  Missionariorum  sic  nuncupatorum,  in  qua 
vivunt  sub  directione  dicti  Vincentii  de  Paulo,  toti 
incumbentes  in  salutem  populi  ruri  commorantis  ;  quo 
se  conferunt  de  oppido  in  oppidum,  de  pago  in  pagum 
transeuntes,  et,  conciones  exhortationesque  ad  populum 
habendo,  edocent  unumquemque,  publice  et  privatim 
catechisando,  circa  mysteria  fidei  ad  salutem  necessaria... 
terminant  lites,  odia  sedant,  dissidia  et  inimicitias 
conciliant,  confraternitatem  Charitatis  ad  subveniendum 
saluti  corporis  et  animae  pauperum  morbo  detentorum, 
ubi  nécessitas  expetit,  instituunt  ;  haecque  omnia  pia 
opéra  jam  non  modo  in  pagis  et  oppidis  ad  dominum 
et  dominam  fundatores  pertinentibus  quae  loca  singulis 
quinquenniis  adiré,  ibique  praedicta  ofûcia  exercere 
tenentur,  verum  etiam  in  multis  aliis  partibus  hujus 
regni  Franciae  felici  successu  exercent,  adjuvante  Dei 
gratia,  ut  in  archiepiscopatibus  Parisiensi  et  Senonensi, 
in  dioecesibus  Catalaunensi...  et  incredibili  omnium  satis- 
factione  ;  quae  omnia  pia  opéra  semper  suscipiunt  sump- 
tibus  et  impensis  dictae  congregationis,  quae  nullam 
laborum  suorum  mercedem  et  compensationem  tempc- 
ralem  recipit  aut  expectat. 


—  55  — 

Quapropter,  Sanctissime  Pater,  et  quia  perpetuitas 
hujus  pii  operis  ad  salutem  et  conversionem  proximi 
multum  conferre  videtur,  placeat  Sanctitati  Vestrae... 
propriae  perfectioni  et  saluti  incolarum  ruri  degentium 
totaliter  incumbere,  eundo  de  pago  in  pagum,  illicque 
concionando,  catechisando,  ad  anteactae  totius  vitae  con- 
scientiae  onus  deponendum  inducere,  poenitentium  con- 
fessionem  generalem  excipere,  parvulos  ad  sacrosanctae 
synaxis  primam  susceptionem  dignanter  instruere,  nec- 
non,  ut  necessitati  pauperum  aegrotantium  subveniatur, 
confraternitatem  Charitatis  instituere,  et  hoc  gratis,  nec 
susceptis  directe  aut  indirecte  muneribus  ^  :  cum  plena 
et  omnimoda  facultate...  summopere  expedito,  praedic- 
tam  congregationem  hujusmodi...  personarum  et  bono- 
rum  spiritualium  et  temporalium...  tum  circa  admis- 
sionem,  numerum,  aetatem...  instructionem  et  disciplinam, 
correctionem,  exercitia,  modum  et  formam  divinorum 
officiorum...  et  alia  ipsis  congregationibus  utilia  atque 
necessaria,  quaecumque  statuta,  ordinationes  et  capitula 
licita  et  honesta...  Omnesque  alias  ad  instar  supradictae 
canonice  erigendas  congregationes  ab  ipsa  Parisiens! 
et  a  dicto  praeposito  generali...  Dictosque  praepositum, 
presbytères  et  quascumque  personas  dictae  congrega- 
tionis  a  jurisdictione  suorum  Ordinariorum  liberare, 
a  Sancta  Sede  Apostolica  dependere  placeat  Sanctitati 
Vestrae  ;  ita  nihilominus  ut  dictae  personae  Reverendis- 
simis  Dominis  Episcopis  et  Dioecesanis  suae  residentiae 
circa  missiones  obedire  teneantur,  etiam  quocumque  et 
ad  quoscumque  eos  mittent...  novas  vires  requiret,  reser- 
vata  tamen  electione  mittendorum  ipsorum  presbytero- 
rum  superiori  domus  necnon  reservata  praeposito  dictae 
congregationis   potestate  instituendi   superiores  et   offi- 


I.    Ces   huit   lignes,    de  eundo  de  fago  à   muneribus  manquent   dans 
la   supplique   de    iuin. 


-    56  - 

ciales  in  aliis  etiam  congregationibus  erigendis  eosque 
deponendi,  inhabiles  vero  ab  ipsis  congregationibus 
expellendi,  itemque  dictos  presbyteros  et  alios  transfe- 
rendi  de  una  domo  in  aliam,  sicut  et  accersendi  eos 
quocumque  in  loco  aut  quacumque  in  domo  fuerint,  si 
mandatum  Vestrae  Sanctitatis  ad  aliquam  Missionem 
aut  nécessitas  quaedam  istud  postulaverit  ^. 

Et  postremo  eisdem  congregationibus,  ex  nunc  prout 
postquam  institutae  et  erectae  fuerint...  tam  per  dictum 
dominum  Gondium  et  dictam  dominam  Franciscam 
Margaritam  de  Silly,  fundatores...  ita  quod  dicto  Vin- 
centio...  libère  apprehendere  liceat  et  perpetuo  retinere... 
vel  cujusvis  alterius  licentia  minime  requisita,  et  etiam 
perpetuo  applicare. 

Et  ad  augendam  fidelium  devotionem  animarumque 
saluti  consulendum,  utque  christifideles...  dicti  oratores 
ut  sibi  placeat  illis  elargiri  omnes  facultates  quas  solita 
est  concedere  religiosis  et  sacerdotibus  saecularibus  quos 
Sua  Sanctitas  ad  partes  Infidelium  in  missionem  mittit  : 

Potestatem  Apostolicam  scilicet  concionandi,  catc- 
chisandi,  excipiendi  confessiones,  confraternitatem  Cha- 
ritatis  ubique  locorum  instituendi,  semper  tamen  sub 
beneplacito  Reverendissimorum  DD.   Episcoporum    ; 

Absolvendi  ab  omnibus  censuris  ecclesiasticis  et  dis- 
pensandi  de  irregularitatibus  occultis,  commutandi  vota 
et  absolvendi  ab  omnibus  casibus  Vestrae  Sanctitati 
etiam  in  Bulla  Cœnae  Domini  reservatis  ; 

Disputandi  contra  haereticos,  conversos  ab  haeresi 
absolvendi,  eorum  libros  legendi,  applicandi  plenanam 
indulgentiam  omnibus  confessionem  generalem  facien- 
tibus,  idque  non  modo  missionariis,  sed  etiam  ecclesias- 


2.  Ce  passage,  depuis  reservata  iameti  eleciione,  est  spécial  à  cette 
seconde  supplique  ;  il  en  est  vraisemblablement  l'unique  raison 
d'être,   les  autres  changements  étant  tous  de  peu  d'importance. 


—  57  — 

ticis  qui  ad  missiones  ab  il  lis  in  casu  necessitatis  assu- 
muntur  ; 

Instituendi  orationem  quadraginta  horarum...    ; 

Sacrum  Missae  sacriûcium  super  altaria  portatilia 
celebrandi,  etiam  ante  auroram  et  post  meridiem  ; 

Moderandi  et  remittendi  restitutiones  débitas  propter 
incursam  simoniam  ; 

Benedicendi  ornamenta  Ecclesiae. 

J.  DE  LA  Salle,  J.  Becu,  du  Coudray,  A.  Portail, 
Callon,  t.  Dehorgny,  j.  Brunet,  a.  Lucas,  Vin- 
cent Depaul. 

Datum  Parisiis,  in  collegio  Bonorum-Puerorum,  prima 
die  augusti,  Domini  anno  millésime  sexceîitesimo  vige- 
simo-octavo. 

TRADUCTION 
A  notre  très  Saint  Père  le  Pape, 

Vincent  de  Paul,  supérieur  des  prêtres  de  la  Mission  fondée 
à  Paris,  maître  Louis  Callon,  docteur  en  Sorbonne,  Antoine 
Portail,  François  du  Coudray,  Jean  de  la  Salle,  Jean  Bécu, 
Antoine  Lucas,  Joseph  Brunet  et  Jean  Dehorgny,  des  diocèses 
de  Dax,  Rouen,  Arles,  Amiens,  Paris,  Clermont  et  Noyon, 
présentent  leurs  humbles  supplications  et  exposent  les  faits 
suivants  : 

Philippe-Emmanuel  de  Gondi,  comte  de  Joigny,  marquis  des 
îles  d'Or,  chevalier  des  deux  ordres,  conseiller  du  roi,  capi- 
taine de  cinquante  hommes  d'armes,  lieutenant  général  pour 
le  roi  de  France  es  mers  du  Levant,  intendant  général  des  ga- 
lères royales,  reçu  récemment  dans  la  congrégation  de  l'Ora- 
toire de  Jésus  en  la  ville  de  Paris,  et  feu  dame  Françoise- 
Marguerite  de  Silly,  alors  son  épouse,  baronne  de  Montmi- 
rail,  Trosnay  et  autres  lieux,  ayant  considéré  attentivement 
depuis  plusieurs  années  avec  ledit  Vincent  de  Paul,  alors  leur 
aumônier  et  confesseur  de  ladite  dame,  que  les  habitants  des 
villes  étaient  suffisamment  pourvus  de  tout  secours  spirituel 
par  les  docteurs  distingués  et  les  religieux  de  bonne  vie  éta- 
blis en  icelles,  alors  que  les  pauvres  gens  des  champs,  privés 


-  58  - 

de  ces  mêmes  secours,  si  abondants  dans  les  villes,  restent 
dans  l'ignorance  et  la  pauvreté,  ignorant,  jusque  dans  leur 
vieillesse,  les  mystères  de  la  foi  nécessaires  au  salut,  et  malheu- 
reusement meurent  souvent  dans  les  péchés  de  leur  jeu- 
nesse, pour  avoir  eu  honte  de  les  découvrir  à  des  curés  ou 
à  des  vicaires  qui  leur  sont  connus  et  familiers  ;  ce  considéré, 
pour  remédier  à  un  si  grand  mal,  les  susnommés  ont  pensé 
que  les  missions  données  jusqu'ici  dans  les  bourgs  et  les  villa- 
ges situés  sur  leurs  terres  par  ledit  Vincent  et  d'autres  ecclé- 
siastiques connus  pour  leur  probité  et  leur  doctrine,  sous  le 
bon  plaisir  et  avec  le  consentement  des  Révérendissimes  Sei- 
gneurs évêques  de  ces  mêmes  lieux,   devaient  être  continuées. 

Grâce  aux  confessions  générales,  dont  la  pratique,  répandue 
en  bien  des  bourgs  et  villages  à  la  gloire  de  Dieu  tout-puis- 
sant, a  provoqué  le  retour  d'un  grand  nombre  à  la  vertu  et 
m.ême  la  conversion  de  quelques  hérétiques,  et  fait  espérer 
davantage  pour  l'avenir,  les  missions  ont  été  couronnées  de 
tant  de  succès  que  lesdits  seigneurs  Emmanuel  et  Françoise,  té- 
moins de  ces  heureux  fruits  et  désireux  de  perpétuer  l'œuvre  sa- 
lutaire des  missions,  ont  donné  45.000  francs  en  l'an  du  Sei- 
gneur 1625  pour  l'entretien  et  subsistance  de  quelques  prêtres 
résolus  à  vivre  ensemble  et  à  s'unir  en  congrégation,  après 
avoir  quitté,  avec  les  titres  et  les  emplois  ecclésiastiques  qu'on 
a  d'ordinaire  dans  les  villes,  l'espoir  même  de  s'en  procurer  à 
l'avenir,  et  cela,  pour  faire  profession  de  s'adonner,  sous  la 
direction  dudit  Vincent  de  Paul,  au  salut  des  pauvres  gens 
des  champs. 

Cette  fondation  ayant  été  approuvée  et  confirmée  par  le  très 
Révérend  Seigneur  archevêque  de  Paris,  le  susdit  Vincent  de 
Paul,  établi  supérieur  par  ce  même  archevêque,  s'est  associé 
et  agrégé  les  prêtres  susnommés,  lesquels,  pour  se  livrer 
plus  facilement  et  plus  utilement  au  bien  spirituel  des  habi- 
tants des  campagnes,  ont  renoncé  aux  bénéfices  dont  plusieurs 
avaient  la  jouissance  dans  les  villes,  et  à  d'autres  charges  qui 
les  y  retenaient,  se  sont  réunis  et  forment  ensemble  la  société 
connue  sous  le  nom  de  Prêtres  de  la  Mission  ou  de  Mis- 
sionnaires^ pour  s'appliquer  entièrement,  sous  la  direction 
dudit  Vincent  de  Paul,  au  salut  des  gens  de  la  campagne, 
allant  de  bourg  en  bourg,  de  village  en  village,  prêchant, 
exhoitant,  enseignant  et  en  public  et  en  particulier  les  m^'s- 
tères  de  la  foi  nécessaires  au  salut,  que  la  plupart  ignorent  com- 
plètement, disposant  les  fidèles  à  faire  une  confession  géné- 
rale de  toute  la  vie  les  entendant  au  tribunal  de  la  Pénitence, 
convertissant  les  hérétiques,  mettant  fin  aux  procès,  apaisant 
les  haines,  les  discordes  et  les  inimitiés,  établissant  la  con- 
frérie de  la  Charité  où  elle  est  nécessaire,  pour  le  bien  corpo- 


-    59  — 

rel  et  spirituel  des  pauvres  malades.  Ils  remplissent  leur  pieux 
ministère  avec  grand  succès,  Dieu  aidant,  non  seulement  dans 
les  bourgs  et  les  villages  situés  sur  les  terres  desdits  sei- 
gneur et  dame  fondateurs  (terres  qu'ils  doivent  évangéliser 
tous  les  cinq  ans),  mais  encore  dans  beaucoup  d"autres  parties 
de  ce  royaume  de  France,  comme  dans  les  archevêchés  de 
Paris  et  de  Sens,  dans  les  évêchés  de  Châlons,  en  Champagne, 
de  Troyes,  Soissons,  Beauvais,  Amiens  et  Chartres,  où  ils 
exercent  leurs  emplois  pour  le  plus  grand  bien  du  pauvre  peu- 
ple, au  grand  contentement  des  très  Révérends  Seigneurs  ar- 
chevêques et  évêques  et  à  la  satisfaction  incroyable  de  tous, 
aux  frais  et  dépens  de  ladite  congrégation,  ne  recevant  et 
n'attendant  aucune  récompense  ou  compensation  temporelle. 

Pour  ces  motifs,  très  Saint  Père,  et,  parce  que  la  perpétuité 
de  cette  pieuse  entreprise  paraît  très  utile  au  salut  et  à  la 
conversion  du  peuple,  plaise  à  Votre  Sainteté  approuver  et 
confirmer  ladite  congrégation,  et.  autant  que  besoin  est,  l'éri- 
ger de  nouveau,  répandre  sur  elle  Votre  bénédiction  et  nom- 
mer ledit  Vincent  instituteur  et  supérieur  général  desdits  prê- 
tres, de  ceux  qui  désirent  s'adjoindre  à  eux  et  des  personnes 
indispensables  jDour  vaquer  aux  emplois  domestiques  dans 
la  congrégation,  dite  de  la  Mission,  à  laquelle  ils  sunis- 
sent  pour  mener  ensemble  la  vie  commune,  à  l'exemple  des 
religieux,  se  mettre  humblement  et  pieusement  au  service  du 
Très-Haut,  tendre  avant  tout  et  de  toutes  leurs  forces  à  pro- 
curer leur  propre  perfection  et  le  salut  des  pauvres  gens  des 
champs,  allant  de  village  en  village  pour  les  prêcher,  les  caté- 
chiser, les  exhorter  à  décharger  leur  conscience  du  poids  des 
péchés  de  toute  leur  vie,  entendre  leur  confession  générale, 
préparer  dignement  les  enfants  à  s'approcher  pour  la  première 
fois  de  la  sainte  table,  établir  des  confréries  de  la  Charité  pour 
le  soulagement  des  pauvres  malades,  tout  cela  à  leurs  dépens 
et  sans  rien  accepter  des  présents  qu'on  pourrait  leur  faire 
directement  ou  indirectement. 

Daigne  Votre  Sainteté  accorder  à  ce  même  Vincent,  que  Mgr 
l'archevêque  de  Paris  a  déjà  choisi  pour  cette  œuvre  et  que  les 
seigneurs  fondateurs  ont  désiré,  permission,  pouvoir  et  auto- 
rité pleine  et  entière  d'établir  ladite  congrégation  tant  en  la 
ville  de  Paris  qu'en  toutes  les  autres  cités,  bourgs,  terres  et 
lieux  où  les  évêques  la  demanderont,  et  là  seulement,  notifier 
et  imposer,  en  vue  de  procurer  l'heureux  état  et  bon 
gouvernement  des  personnes  et  des  biens  spirituels  et  tem-po- 
rels  de  cette  même  congrégation  et  des  maisons  que  l'on  éta- 
blira, et  avec  le  désir  de  les  soumettre  à  l'approbation  et  con- 
firmation du  Saint-Siège,  tous  statuts,  règlements  et  ordon- 
nances licites,  honnêtes  et  conformes  aux  saints  Canons,  aux 


—  6o  — 

Constitutions  apostoliques  et  aux  décrets  du  concile  de  Trente, 
obligatoires  pour  le  supérieur,  les  prêtres,  officiers,  ministres 
et  coadjuteurs  des  maisons,  sous  les  peines  à  intervenir,  et 
portant  sur  l'admission,  le  nombre,  l'âge  et  les  qualités  de 
ceux  qui  seront  reçus  et  admis  dans  cette  congrégation,  l'ins- 
truction, le  gouvernement,  la  correction  et  les  exercices,  le 
mode  et  la  forme  des  divins  offices^  des  prières,  des  oraisons 
et  autres  suffrages  à  réciter,  et  toutes  autres  choses  utiles  et 
nécessaires. 

Que  Votre  Sainteté  veuille  bien  accorder  encore  audit  Vin- 
cent plein  pouvoir  de  corriger,  limiter,  modifier  tt  retducner 
les  règles,  quand  elles  seront  faites,  publiées  et  édictées,  toutes 
les  fois  que  les  dispositions  et  les  changements  des  personnes, 
des  choses  et  des  temps  le  demanderont,  comme  il  pourra 
paraître  bon,  de  faire  et  établir  de  nouvelles  règles,  d'en  impo- 
ser l'observance  et  la  pratique  et  de  faire  et  exécuter  toutes 
choses  générales  et  particulières  qui  se  font  et  s'exécutent 
ordinairement  en  vertu  du  droit  ou  de  la  coutume,  d'un  pri- 
vilège ou  autrement,  par  les  fondateurs  ou  les  supérieurs, 
même  généraux,  des  congrégations  semblables  et  des  ordres 
approuvés,  quels  qu'ils  soient. 

Plaise  à  Votre  Sainteté  approuver  et  confirmer,  de  son  auto- 
rité et  pour  toujours,  dès  maintenant,  que  les  maisons  qui 
seront  érigées  ailleurs,  en  quelque  lieu  que  ce  soit,  à  l'instar 
de  la  maison  susdite,  par  la  maison  de  Paris  et  ledit  supérieur 
général,  dépendent  d'eux  en  toutes  choses. 

Plaise  à  Votre  Sainteté  exempter  le  supérieur,  les  prêtres 
susdits  et  tous  les  membres  de  ladite  congrégation  de  la  juri- 
diction de  leurs  Ordinaires  et  les  faire  dépendre  du  Saint- 
Siège  apostolique,  de  telle  sorte  néanmoins  que  lesdites  per- 
sonnes soient  tenues,  en  ce  qui  regarde  les  missions,  d'obéir 
aux  très  Révérends  Seigneurs  Evêques  et  Ordinaires  de  leur 
résidence,  d'aller  oii  et  vers  qui  ils  seront  envoyés,  sans  excuse 
ni  prétexte,  sauf  pourtant  le  cas  de  maladie  ou  de  fatigue  exces- 
sive, provenant  d'un  travail  antérieur  et  nécessitant  quelque 
repos  pour  reprendre  de  nouvelles  forces,  toute  liberté  étant 
laissée  au  supérieur  de  la  maison  de  choisir  les  missionnaires 
pour  les  missions,  et  au  supérieur  général  de  nommer  et  dépo- 
ser les  supérieurs  et  les  officiers,  même  dans  les  maisons  qui 
seront  fondées  dans  la  suite,  de  renvoyer  de  ces  maisons  ceux 
qui  ne  sont  pas  aptes,  de  transférer  lesdits  prêtres  et  autres 
d'une  maison  dans  une  autre  et  de  les  rappeler,  en  quelque 
lieu  ou  en  quelque  maison  ciu'ils  soient,  si  Votre  Sainteté  l'au- 
torise,  pour  une  mission,  ou  si   quelque  nécessité  l'exige. 

Enfin  qu'il  soit  permis,  dès  maintenant,  à  ces  mêmes  maisons, 
pour  le  jour  où  elles  seront  établies  et  érigées  (comme  il  a  été  dit 


--  6i   — 

ci-devant),  d'accepter  pour  leur  dotatioiij  pour  rentretien  du- 
dit  Vincent,  du  supérieur  général  et  des  prêtres  qui  les  com- 
poseront, et  pour  les  aider  à  supporter  les  charges  qui  leur 
incomberont,  toutes  choses  en  général  et  en  particulier,  ressour- 
ces, biens,  fruits,  revenus  et  dons,  déjà  faits  et  encore  à  faire 
soit  par  ledit  seigneur  de  Gondi  et  ladite  dame  Françoise-Mar- 
guerite de  Silly,  fondateurs,  soit  par  les  autres  fidèles,  pour  être 
distribués,  donnés  et  accordés  auxdites  maisons,  de  quelque 
manière  que  ce  soit. 

Qu'il  soit  permis  audit  Vincent  et  à  tout  autre  supérieur  gé- 
néral et  aux  prêtres  qui  font  partie  desdites  maisons  d'accepter 
librement,  au  nom  desdites  maisons,  par  lui-même,  par  un 
autre  ou  par  d  autres,  la  possession  corporelle,  réelle  et 
actuelle  de  tous  ces  biens  et  d'en  garder  à  perpétuité  les 
fruits,  revenus  et  produits,  d'en  percevoir,  exiger,  lever, 
et  récupérer  les  droits,  revenus  et  intérêts,  de  les  employer 
pour  l'usage  et  l'utilité  desdites  maisons  et  même  de  les  leur 
appliquer  à  perpétuité  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  se  munir 
de  la  permission  de  Tévêque  du  lieu,  ou  de  tout  autre. 

Et  pour  augmenter  la  dévotion  des  fidèles,  procurer  le  salut 
des  âmes  et  porter  les  chrétiens  à  suivre  les  exercices  donnés 
par  les  membres  de  cet  Institut,  lesdits  prêtres  supplient 
Votre  Sainteté  qu'elle  ait  pour  agréable  de  leur  accorder  tous 
les  pouvoirs  qu'elle  a  coutume  d'accorder  aux  religieux  et  aux 
prêtres  séculiers  que  Sa  Sainteté  envoie  en  mission  dans  les 
pays  infidèles,  à  savoir  le  pouvoir  apostolique   : 

De  prêcher,  catéchiser,  entendre  les  confessions,  instituer  la 
confrérie  de  la  Charité  en  tous  lieux,  toujours  cependant  sous 
le  bon  plaisir  de  nos  très  Révérends  Seigneurs  Evêques    ; 

D'absoudre  de  toutes  les  censures  ecclésiastiques  et  de  dis- 
penser des  irrégularités  occultes,  de  commuer  les  vœux  et 
d'absoudre  de  tous  les  cas  réservés  à  Votre  Sainteté,  même  des 
cas  marqués  dans  la  Bulle  In  caena  Doinini   ; 

De  disputer  contre  les  hérétiques,  d'absoudre  ceux  qui  abju- 
rent leurs  erreurs,  de  lire  les  livres  des  hérétiques,  d'appli- 
quer l'indulgence  plénière  à  tous  ceux  qui  font  une  confession 
générale  (pouvoirs  demandés  même  pour  ceux  qui  aideront 
les  missionnaires  en  cas  de  besoin)    ; 

D'établir  l'oraison  des  Quarante-Heures  dans  les  lieux  où 
ils  le  jugeront  utile  et  d'appliquer  l'indulgence  plénière  à  ceux 
qui  pendant  ce  temps  se  confesseront  et  communieront    ; 

De  célébrer  le  saint  sacrifice  de  la  messe  sur  des  autels  por- 
tatifs, même  avant  l'aurore  et  après  midi  ;  de  diminuer  ou  de 
remettre  entièrement  les  restitutions  dues  pour  avoir  encouru 
la  simonie  ; 


—    62    — 

De  bénir  les  ornements  d'église. 

J.  de  la    Salle,    J.    Bécu,  du    Coudray,  A.    Portail,    Callon, 
J.   Dehorgny,  J.  Brunet,  A.  Lucas,  Vincent  Depaul. 

Donné    à  Paris,  au    collège    des    Bons-Enfants,  le    premier 
jour  du  mois  d'août,  l'an  du  Seigneur  mil  six  cent  vingt-huit. 


29.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre   1626  et  mai   1629  1.] 

Vous  avez  tort,  ma  chère  ûlle,  de  penser  que  j'ai 
eu  opinion  que  vous  n'agréiez  point  la  proposition  de 
la  demoiselle,  pource  que  je  n'y  ai  point  pensé  ;  et  je 
n'y  ai  point  pensé,  pource  que  je  suis  assuré  que  vous 
voulez  et  ne  voulez  ce  que  Dieu  veut  et  ne  veut, 
et  que  vous  n'êtes  en  état  de  vouloir  et  ne  vouloir  que 
ce  que  nous  vous  dirons  qu'il  nous  semble  que  Dieu 
veut  et  ne  veut.  Dites  donc  votre  coulpe  de  cette  pensée 
et  ne  lui  donnez  jamais  entrée  à  l'avenir.  Tâchez  à 
vivre  contente  parmi  vos  sujets  de  mécontentement  et 
honorez  toujours  le  non- faire  et  l'état  inconnu  du  Fils 
dé  Dieu.  C'est  là  votre  centre  et  ce  qu'il  demande  de 
vous  pour  le  présent  et  pour  l'avenir,  pour  toujours.  Si 
sa  divine  Majesté  ne  vous  fait  connaître,  de  la  manière 
qui  ne  peut  tromper,  qu'il  veut  quelqu'autre  chose  de 
vous,  ne  pensez  point  et  n'occupez  point  votre  esprit  en 
cette  autre  chose-là.  Rapportez-vous-en  à  moi  ;  j'y  pense 
assez  pour  tous  deux. 

Mais  passons  au  petit  frère  Michel.  Certes,  ma  chère 
fille,  cela  me  touche  ;  ses  souffrances  me  sont  sensibles, 
et  celles  que  vous  avez  pour  l'amour  de  lui  aussi.  Oh 
bien  !  tout  est  pour  le  mieux. 


Lettre  29.   —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Nous  voyons  par  le  contenu  de  la  lettre  que  Louise  de  Maril- 
lac  n'était  pas  encore  fixée  sur  sa  vocation  et  que  la  congrégation 
de   la   Mission   était  presque   à   ses   débuts. 


-  63  - 

Que  vous  dirai-je  maintenant  de  celui  que  votre  cœur 
chérit  tant  en  Notre-Seigneur  ?  Il  se  porte  un  peu  mieux, 
si  me  semble,  mais  toujours  avec  quelque  petit  sentiment 
de  ses  petits  frissons.  Au  reste,  l'on  lui  propose  et  l'on  le 
presse  d'aller  à  Forges  -  et  de  partir  demain,  et  M.  le 
médecin  le  conseille,  si  une  occasion  d'aller  en  car- 
rosse qui  se  présente,  n'arrive  autrement.  Certes,  ma 
chère  fille,  et  cela  me  pèse  plus  que  je  ne  saurais  vous 
exprimer,  qu'il  faille  tant  taire  pour  une  pauvre  car- 
casse. Mais,  si  je  ne  le  fais,  nos  ]\Iessieurs  ^  se  plaindront 
de  moi,  qui  m'en  pressent  fort,  pource  qu'on  leur  a  di^ 
que  ces  eaux  minérales  m'ont  profité  les  années  passées 
en  pareilles  maladies.  Enfin,  je  me  suis  proposé  de  me 
laisser  faire  en  la  manière  qu'il  me  semble  que  notre 
bienheureux  Père  *  le  ferait.  Si  je  pars  donc,  je  vous  dis 
adieu,  ma  chère  fille,  et  me  recommande  à  vos  bonnes 
prières,  et  à  vous  de  vous  tenir  en  l'état  ci-dessus.  Vous 
ne  direz  point  ceci  à  personne,  s'il  vous  plaît,  pource 
que  je  ne  sais  point  si  la  chose  réussira.  Mon  cœur  n'a 
pu  le  celer  au  vôtre,  non  plus  qu'à  celui  de  notre  ÎMère 
de  Sainte-Marie  ^  et  à  celui  de  ^Mademoiselle  du  Fay. 

2.  Forges-les-Eaux,  bourg  situé  à  six  lieues  de  Neufchâtel  (Seine- 
Inférieure).  Cette  localité  possède  trois  sources  d'eaux  minérales  fer- 
rugineuses que  l'on  dit  très  toniques  et  très  efficaces  contre  les  en- 
gorgements abdominaux  et  les  hydropisies.  Louis  XIII,  la  reine 
Anne    d'Autriche  et    le    cardinal    Richelieu    y    allèrent   en    1632. 

3.  Les  prêtres  de  la   Mission. 

4.  Saint  François  de  Sales,  évêque  de  Genève,  mort  à  Lyon  le 
28  décembre  1622.  Il  honorait  saint  Vincent  de  son  amitié.  «  Bien 
des  fois,  j'ai  eu  l'honneur  de  jouir  de  l'intimité  de  François  de  Sa- 
les »,  disait  le  saint  prêtre  au  procès  de  béatification  de  son  illustre 
ami,  le  17  avril  1628.  Saint  Vincent  ne  parlait  de  l'évêque  de  Genève 
qu'avec  des  sentiments  d'admiration  ;  il  le  jugeait  digne  des  hon- 
neurs réservés  aux  saints.  Saint  François  de  Sales,  de  son  côté,  au 
témoignage  de  Coqueret,  docteur  de  Sorbonne,  disait  qu'  tt  il  ne 
connaissait  pas  de  plus  digne  et  de  plus  saint  prêtre  que  M.  Vin- 
cent ».  (Lettre  postulatoire  de  l'évêque  de  Tulle,  du  21  mars  1706.) 
Aussi  ayant  à  désigner  un  supérieur  pour  le  couvent  de  la  Visitation 
établi  à  Paris,   son   choix  se  porta  sur  Vincent  de  Paul. 

5.  Ce  fut   sur  les  conseils  du  cardinal   de   Savoie,   durant  leur  com- 


-  64  — 

Or  sus,  c'est  assez  parlé  à  sa  fille.  Il  faut 
achever'en  lui  disant  que  mon  cœur  aura  un  bien  tendre 
ressouvenir  du  sien  en  celui  de  Notre-Seigneur  et  pour 
celui  de  Notre-Seigneur  seulement,  en  l'amour  duquel 
et  celui  de  sa  sainte  Mère  je  suis  son  serviteur  très 
humble. 

30.  —  A  FRANÇOIS  DU  COUDRAY,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

mun  séjour  à  Paris,  que  saint  François  de  Sales  établit  dans  cette 
ville  un  couvent  de  la  Visitation.  A  son  appel,  sainte  Chantai,  alors 
occupée  à  la  fondation  de  Bourges,  vint  à  Paris,  le  6  avril  1619, 
avec  trois  de  ses  filles.  L'évêque  de  Genève  les  installa  lui-même,  le 
l'S*"  mai,  dans  une  maison  de  louage  du  faubourg  Saint- Michel. 
La  communauté  se  transporta  en  1620  de  la  rue  de  la  Cerisaie  à 
l'hôtel  du  Petit-Bourbon,  que  sainte  Chantai  avait  acheté,  et  en  1628 
de  l'hôtel  du  Petit-Bourbon  à  l'hôtel  du  Cossé,  rue  Saint-Antoine,  où 
le  commandeur  Noël  Brulart  de  Sillery  fit  construire,  à  ses  frais, 
une  magnifique  chapelle,  dont  il  posa  lui-même  la  première  pierre  le 
31  octobre  r632.  (Cf.  Fondation  dît  fremier  monastère  de  la  Visita- 
tion Sainte-Marie  de  Paris,  ms.  conservé  à  la  Visitation  d'Angers  ; 
Histoire  chronologique  des  fondations  de  tout  Vordre  de  la  Visita- 
tion de  Sainte-Marie,  Bibl.  Maz.,  ms.  2430  ;  Félibien,  Histoire  de  la 
ville  de  Taris,  Paris,  1725,  5  vol.  in-f°,  t.  III,  p.   1312). 

Le  premier  monastère  avait  à  sa  tête  en  1629  Hélène-Angélique 
Lhuillier,  née  en  1592  de  François,  seigneur  d'Interville,  et  d'Anne 
Brachet,  dame  de  Frouville,  mariée  en  1608  à  Thomas  Gobelin,  sei- 
gneur du  Val,  maître  ordinaire  de  la  chambre  des  comptes,  reçue  à  la 
Visitation  de  Paris  le  2  juillet  r62o,  après  annulation  de  son  mariage 
et  sur  le  conseil  de  saint  François  de  Sales,  professe  le  12  février  1622, 
plusieurs  fois  réélue  supérieure.  Saint  Vincent  de  Paul  disait  que 
«  c'était  une  des  plus  saintes  âmes  qu'il  eût  connues  ».  (Sainte  Jean- 
ne-Françoise Frémyot  de  Chantai.  Sa  vie  et  ses  œuvres,  Paris,  1874- 
1880,  8  vol.  in-8,  t.  V,  p.  65,  en  note.)  Il  la  mit  en  rapports  avec  le 
commandeur  de  Sillery,  dans  l'espoir  qu'elle  achèverait  de  le  ramener 
à  Dieu.  Cette  sainte  religieuse  mourut,  le  25  mars  1655,  au  monastère 
du  Chiillot,  dont  elle  fut  la  première  supérieure.  Son  nom  revient 
souvent  dans  la  vie  de  sa  sœur,  Madayne  de  Villeneuve  par  le  P.  de 
Salinis,  Paris,  I5r8,  in-S*.  (Vie  manuscrite  de  la  Mère  Hélène-An- 
gélique Lhuillier,  Arch.  des  Filles  de  la  Croix  de  Tréguier.) 

Lettre   30.    —    Recueil    du    procès    de   béatification. 


-  65  - 

11  y  a  trois  jours  qixe  nous  sommes  arrivés  en  cette 
ville,  en  bonne  disposition,  Dieu  merci,  où  l'on  com- 
mença hier  l'examen  des  ordinands  ^  et  continuera-t-on 
aujourd'hui,  qui  est  vendredi,  et  demain,  pour  com- 
mencer l'exercice  dont  Dieu  a  donné  la  première  pensée 
à  Monseigneur  de  Beauvais  -,  dimanche  prochain.  L'ordre 
était  que  lesdits  ordinands  vivront  et  logeront  ensemble 
au  collège  ^,  là  oîi  Monsieur  Duchesne  le  jeune  *  doit  aller 
vivre  avec  eux  et  leur  faire  observer  le  règlement  qui 
leur  a  été  prescrit  pour  l'emploi  de  la  journée.  Et  Mon- 
seigneur de  Beauvais  fera  l'ouverture  de  l'exercice 
dimanche  au  matin  ;  et  Monsieur  Messier  ^  et  Monsieur 


1.  Ce  fut  en  juillet  1628,  dit  Abelly  (o;p.  cit.,  t.  I,  chap.  xxv, 
p.  117J,  au  cours  d'un  voyage,  après  une  conversation  avec  saint  Vin- 
cent, que  l'évêque  de  Beauvais  résolut  de  recevoir  chez  lui  les  ordi- 
nands, au  mois  de  septembre,  pour  leur  faire  dormer  les  connaissances 
nécessaires  à  leur  nouvel  état  et  les  instruire  des  vertus  qu'ils  de- 
vaient pratiquer.  Le  saint  prépara  un  règlement  écrit  et  vint  tout 
disposer  une  quinzaine  de  jours  avant  l'ordination.  Telle  fut  l'origine 
des  retraites  des  ordinands,  qui  devaient  attirer  à  Saint-Lazare  Bos- 
suet,  le  commandeur  de  Sillery  et  tant  d'illustres  personnages. 

2.  Augustin  Potier,  seigneur  de  Blancmesnil,  sacré  à  Rome  le 
17  septembre  161 7,  renouvela  son  diocèse,  avec  l'aide  de  saint  Vin- 
cent et  d'Adrien  Bourdoise.  Il  appela  les  Ursulines  à  Beauvais  et  à 
Clermont,  fit  donner  des  missions,  auxquelles  il  prit  lui-même  part, 
établit  un  séminaire  dans  son  palais  épiscopal  et  multiplia  les  confré- 
ries de  la  Charité.  Il  devint  grand  aumônier  de  la  reine  et  fit  partie 
du  conseil  de  conscience.  Nommé  premier  ministre  à  la  mort  de 
Louis  XIII,  il  allait  recevoir  le  chapeau  de  cardinal  quand  l'in- 
fluence de  Mazarin  l'emporta  définitivement  sur  la  sienne.  Il  mou- 
rut le  20  juin  1650.  (Cf.  Histoire  du  diocèse  de  Beauvais,  par  De- 
lettre,  Beauvais,  1842-1843,  3  vol.  in-8°,  t.  III,  pp.  377-438  ;  Augustin 
Potier,   par  Femand  Potier  de  la   Morandière,   Paris,    1902,   in-S".  ) 

3.  Le  Clerc,  ami  intime  de  Bourdoise,  en  était  le  principal.  L'é- 
poque des  vacances  lui  donnait  toute  facilité  de  disposer  du  collège 
en  faveur  des  ordinands. 

4.  Bernard  Duchesne,  docteur  de  Sorbonne,  faisait  partie  de  la 
communauté  de  Bourdoise  dès  son  origine.  Il  prit  une  part  active 
aux  oeuvres  de  ce  saint  homme. 

5.  Louis  Messier,  un  des  premiers  compagnons  de  Bourdoise,  dont 
il  fut  le  bras  droit,  archidiacre  de  Beauvais  et  docteur  en  Sorbonne. 
Son  frère  fut  curé  de  Saint-Landry  et  doyen  de  la  faculté  de  théo- 
logie à   la   Sorbonne. 


—  66  — 

Duchesne  ^  et  moi  '  devons  parler  alternativement  chacun 
son  tour,  selon  la  matière  qu'on  a  jugée  convenable  ; 
et  Monsieur  Duchesne  le  jeune  et  un  autre  bachelier, 
curé  d'ici,  doivent  enseigner  les  cérémonies  requises  a 
chaque  ordre.  Plaise  à  Notre- Seigneur  donner  sa  sainte 
bénédiction  sur  ce  bon  œuvre,  qui  semble  être  utile  à 
son  Eglise  !  Et  je  vous  prie  de  le  recommander  à  Notre- 
Seigneur. 

Mais  comment  se  porte  la  compagnie  ?  Tout  le  monde 
est-il  en  bonne  disposition  ?  Chacun  est-il  bien  gai  ?  Les 
petits  règlements  s'observent-ils  toujours  ?  Etudie-t-on 
et  s'exerce-t-on  sur  la  controverse  ?  Y  tenez-vous  l'ordre 
prescrit  ?  Je  vous  supplie.  Monsieur,  qu'on  travaille  à 
cela  qu'on  possède  bien  le  petit  Bécan  ®.  Il  ne  se  peut 
dire  combien  ce  petit  livre  sert. 

Il  a  plu  à  Dieu  de  se  servir  de  ce  misérable  à  la  con- 
version de  trois  personnes,  depuis  que  je  suis  parti  ; 
mais  il  faut  que  j'avoue  que  la  douceur,  l'humilité  et 
la  patience,  en  traitant  avec  ces  pauvres  dévoyés,  est 
l'âme  de  ce  bien.  Les  deux  premières  personnes  ne  m'ont 
guère  coûté,  parce  qu'elles  avaient  disposition  ;  mais 
i[  m'a  fallu  employer  deux  jours  avec  le  troisième.  J'ai 
bien  voulu  vous  dire  cela  à  ma  confusion,  afin  que  la 
compagnie  voie  que,  s'il  a  plu  à  Dieu  se  servir  du  plus 


6.  Jérôme  Duchesne,  docteur  de  Sorbonne  et  membre  de  la  com- 
munauté de  Saint-Nicolas  depuis  1612,  devint  archidiacre  de  Beau- 
vais.  Il  avait  donné  une  mission  à  Montmirail  en  1621  en  compagnie 
de  saint  Vincent.    (Abelly,  of.   cit.,  t.   I,  chap.  xiii,  p.   55.) 

7.  Saint  Vincent  expliqua  le  décalogue.  Jérôme  Duchesne  venait 
assister  à  ses  entretiers.  Il  en  fut  si  touché  qu'il  se  sentit  porté  à 
faire  au  saint  sa  confession  générale  (Abelly,  of.  cit.,  t.  I,  chap. 
XXV,  p.    118.) 

8.  Martin  Bécan,  jésuite  belge,  a  écrit  contre  les  calvinistes  un 
grand  nombre  d'opuscules.  Il  a  composé  en  outre  une  Somme  théo- 
logique, une  Analogie  de  V Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  un  ma- 
nuel des  controverses  et  un  abrégé  de  ce  manuel.  Bécan  était  très 
goûté  à  son  époque,  surtout  à  cause  de  sa  clarté  et  de  sa  méthode. 


-  67  - 

ignorant  et  misérable  d'iœlle,  qu'il  se  servira  plus  effi- 
cacement de  chacun  de  ladite  compagnie. 

Monseigneur  de  Beauvais  n'a  point  déterminé  le  jour 
qu'on  doit  commencer  la  mission  en  ce  diocèse  au  mois 
d'octobre.  Il  veut  que  je  sois  en  cette  première  ;  mais 
je  tâcherai  de  prendre  le  temps  pendant  l'intervalle 
pour  vous  aller  voir,  afin  d'entendre  la  reddition  des 
comptes  de  rintérieur  de  la  compagnie  depu's  la  der- 
nière qu'on  a  rendue,  afin  que  cela  serve  de  disposition 
au  prochain  emploi. 

Comment  se  porte  Monsieur  Lucas  en  son  travail  ? 
Cet  emploi  lui  revient-il  ?  Revient-il  souper  et  coucher 
au  collège  ®  ?  Assiste-t-il  point,  les  fêtes  ^°,  à  nos  confé- 
rences ? 

Je  vous  supplie  de  saluer  toute  notre  compagnie,  en 
commun  et  en  particulier,  et  de  dire  à  Monsieur  Lucas 
que  je  le  prie  d'assurer  Monseigneur  de  Bazas  ^^  de  mon 
très  humble  service  ;  et  vous,  je  vous  prie  d'avoir  soin 
de  votre  santé  et  de  me  mander  si  Monsieur  de  Saint- 
Martin  ^^  est  venu  au  collège  et  s'il  va  voir  Monsieur  de 
Bazas  avec  Monsieur  Lucas. 

J'oubliais  à  vous  dire  que  je  pense  que  vous  ferez 
bien  de  sentir  le  tailleur  qui  travaille  au  logis,  s'il  a 
quelque  pensée  de  se  donner  à  la  maison  ^^.  Il  l'a  eue 
autrefois  ;  mais  sa  vue  courte  et  la  difficulté  qu'il  avait 
de  faire  parfois  la  cuisine  le  retint  et  moi  aussi. 

Adieu,  mon  cher  petit  père  ^^.  Je  suis  en  l'amour  de 


9.  Collège  des   Bons-Enfants. 

10.  Mot  de  lecture  douteuse. 

11.  Jean-Jaubert  de  Barrault  de  Blaignac,   évêque  de  Bazas    (1611- 
1630),   puis  d'Arles    (1630-30  juillet    1643). 

12.  Compatriote   du   saint. 

13.  Il  n'y   eut  en    1628   aucune  entrée  de   frère  coadjuteur  dans  la 
congrégation  de  la   Mission. 

14.  Ce  titre   tout   familier,  le   saint   le   donne   en   d'autres   lettres   à 
François    du    Coudray. 


-  68  — 

Notre-Seig-neur  et  de  sa  sainte  Mère,  Monsieur,  votre 
très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Beauvais,  ce  15  septembre  1628. 

Suscripiion  :  A  Monsieur  Monsieur  du  Coudray,  ec- 
clésiastique, au  collège  des  Bons-Enfants,  joignant  la 
porte  de  Saint-Victor,  à  Paris. 

31.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers   1629  "^.j 
Mademoiselle, 

Je  vous  souhaite  le  bonsoir  et  que  vous  ne  pleuriez 
plus  le  bonheur  de  votre  petit  Michel,  ni  ne  vous  mettez 
en  peine  de  ce  que  deviendra  notre  sœur... 

Mon  Dieu,  ma  fille,  qu'il  y  a  de  grands  trésors  cachés 
dcins  la  sainte  Providence  et  que  ceux-là  honorent  sou- 
verainement Notre-Seigneur  qui  la  suivent  et  qui  n'en- 
jambent pas  sur  elle  !  —  Oui,  me  direz-vous,  mais  c'est 
pour  Dieu  que  je  me  mets  en  peine.  • —  Ce  n'est  plus  pour 
Dieu  que  vous  vous  mettez  en  peine  si  vous  vous  peinez 
pour  le  servir. 

32.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC  * 

Oh  !  qu'il  y  a  de  grands  trésors  cachés  dans  la  sainte 
Providence    et    que    ceux-là    honorent    souverainement 


Lettre  31.   —   Manuscrit   Saint-Paul,  p.   84. 

I.  Dans  les  lettres  sûrement  postérieures  à  cette  date,  saint  Vincent 
n'appelle  plus  Louise  de  Marillac  «  ma  fille  ». 

Lettre  32.  —  Abelly,  op.  cit.,  t.  III,  chap.  m,  sect.  m,  p.  24. 

I.  Le   destinataire   de   cette   lettre   est,   d'après   Abelly,   une  femme 

pieuse,  celle  qui  reçut  la  lettre  53,  dont  le  ton  et  le  contenu  rappel 
lent  les  lettres  adressées  à  Louise  de  Marillac. 


-  69  - 

Notre-Seigneur  qui  la  suivent  et  qui  n'enjambent  pas 
sur  elle  ^.  J'entendais  dire  dernièrement  à  un  des  grands 
du  royaume  qu'il  avait  bien  appris  cette  vérité  par  sa 
propre  expérience,  parce  que  jamais  il  n'avait  entrepris 
par  soi-même  que  quatre  choses,  lesquelles,  au  lieu  de 
lui  réussir,  étaient  tournées  à  son  dommage.  N'est-il 
pas  vrai  que  vous  voulez,  comme  il  est  bien  raisonnable, 
que  votre  serviteur  n'entreprenne  rien  sans  vous  et  sans 
votre  ordre  ?  Et  si  cela  est  raisonnable  d'un  homme  à 
un  autre,  à  combien  plus  forte  raison  du  Créateur  à  la 
créature  ! 

33.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers  1629  ^.] 

...  Donc  patience  jusques  alors,  ma  chère  fille,  je  vous 
en  supplie,  vous  assurant  que  j'ai  pensé  encore  cette  ma- 
tinée assez  longtemps  à  vous  et  que  je  suis  et  serai  toute 
ma  vie,  en  l'amour  de  Jésus  et  de  sa  sainte  Mère,  votre 
serviteur. 

34.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers  1629'.] 

Mon  Dieu,  ma  chère  fille,  que  votre  lettre  et  vos  pen- 
sées que  [vous]  m'avez  envoyées,  me  consolent  !  Certes,  il 
faut  que  je  vous  confesse  que  le  sentiment  s'est  répandu 
par  toutes  les  parties  de  mon  âme,  et  d'autant  plus 
volontiers  comme  elles  me  font  voir  que  vous  êtes  en 

2.  On  retrouve  cette  phrase  dans  la  lettre  31.  Ces  deu.\  lettres  ne 
seraient-elles  pas  deux  fragments  d'une  même,  ou  la  phrase  com- 
mune n'aurait-elle  pas  été  interpolée  ici  ou  là  ? 

Lettre  33.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.   Voir  lettre  31,  note   i. 

Lettre   34.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de   la   Charité,   original. 
I.   Voir  lettre  31,  note   i. 


—  70  — 

l'état  que  Dieu  vous  demande.  Or  sus,  continuez,  ma 
chère  ûlie,  à  vous  maintenir  en  cette  borme  assiette  et 
laissez  faire  à  Dieu.  Mais,  certes,  ma  consolation  a  été 
contredite  par  l'état  que  vous  me  mandez  et  que  vous 
m'aviez  celé  de  votre  maladie.  Or  sus,  béni  soit  Notre- 
Seigneur  de  tout  !  Ayez  bien  soin  de  votre  santé  pour 
l'amour  de  lui  et  pardonnez-moi  de  ce  que  j'ai  tant  re- 
tenu votre  homme,  pour  avoir  été  embarrassé  par  quan- 
tité de  visites.  Au  reste,  je  me  porte  mieux.  Dieu  merci. 
Il  me  reste  encore  quelque  petit  sentiment  de  fièvre  ; 
mais  cela  va  toujours  en  diminuant,  et  le  désir  que  j'ai 
que  vous  soyez  toute  sainte,  en  augmentant. 
Adieu,  ma  fille,  Dieu  vous  dorme  le  bon  soir   ! 


35.  —  A  LOUISE  DE   MARILLAC 

[Vers  1629  1.] 

J'en  loue  Dieu,  Mademoiselle,  de  ce  que  vous  avez  été 
ainsi  résignée  au  saint  vouloir  de  Dieu,  et  le  prie  que  vous 
et  moi  ayons  toujours  un  même  vouloir  et  non-vouloir 
avec  lui  et  en  lui,  puisque  c'est  un  paradis  anticipé.  Je 
vous  remercie,  de  plus,  de  votre  bonne  médecine  et  vous 
promets  d'en  user  demain.  Dieu  aidant,  et  de  bon  cœur  ; 
et  je  vous  supplie,  au  nom  de  Dieu,  de  vous  bien  guérir 
et  de  ne  rien  omettre  de  ce  qu'il  faut  pour  cela.  Soyez,  au 
reste,  en  repos  pour  votre  intérieur  ;  il  ne  laisse  pas 
d'être  en  l'assiette  qu'il  faut,  ores  qu'il  ne  le  vous  sem- 
ble pas. 

Adieu,  ma  chère  fille.  Je  suis  en  son  amour  et  celui  de 
sa  sainte  Mère,  votre,  etc. 


Lettre  35.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.  Voir  lettre  31,  note  r. 


71 


36.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers  1629*.] 

...  le  secret  de  votre  cœur,  lequel  je  désire  voirement 
qu'il  soit  tout  à  Notre-Seigneur,  et  prie  la  sainte  Vierge 
de  le  vous  ôter  pour  l'enlever  au  ciel  et  le  mettre  dans 
le  sien  et  dans  celui  de  son  cher  Fils.  Mais  ne  pensez 
pas  que  tout  soit  perdu  pour  les  petites  révoltes  que 
vous  sentez  intérieurement.  Il  vient  de  pleuvoir  fort  dur 
et  il  tonne  épouvantablement  ;  le  temps  en  est-il  moins 
beau  ?  Que  les  larmes  de  tristesse  noient  votre  cœur  et 
que  les  démons  tonnent  et  grondent  tant  qu'il  leur 
plaira,  assurez-vous,  ma  chère  fille,  que  vous  n'en  êtes 
pas  moins  chère  à  Notre-Seigneur.  Vivez  donc  contente 
en  son  amour  et  assurez-vous  que  j'aurai  soin  de  vous 
demain  au  sacrifice  qu'indigne  que  je  suis,  je  présenterai 
au  souverain  Sacrificateur.  Si  je  n'étais  fort  pressé... 

37.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers    1629  1.] 

S'il  n'était  si  tard  qu'il  est,  je  vous  irais  voir  à  ce 
soir  pour  apprendre  de  vous  le  particulier  de  ce  que  vous 
me  mandez  ;  mais  ce  sera  demain.  Dieu  aidant.  Honorez 
cependant  la  peine  de  la  sainte  Vierge  qu'elle  eut 
voyant  son  Fils  dans  la  souffrance,  et  ajoutez  à  cet  hon- 
neur celui  de  l'agrément  du  Père  étemel  dans  la  vue  des 
souffrances  de  son  unique  Fils  ;  et  j'espère  qu'il  vous 

Lettre  36.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la   Charité,   original. 
Le  commencement  et  la  fin  de  la  lettre  manquent. 
I.    Voir   la   lettre   31,    note    i. 

Lettre  37.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
Au  dos  se  trouvent  ces  mots,  écrits  de  la  main  de  Louise  de  Marillac  : 
«    Toute  d'instruction  au  sujet  de  mon  fils.    » 

I.  Voir  lettre  3r,  note   i. 


—  72  — 

fera  voir  et  connaître  combien  vous  êtes  obligée  à  sa 
divine  Majesté  de  ce  qu'il  vous  honore  de  la  relation  de 
vos  souffrances  aux  siennes,  et  combien  la  chair  et  le  sang 
vous  éloignent  de  la  perfection  du  vrai  amour  que  le 
Père  éternel  et  la  sainte  Vierge  avaient  pour  leur  Fils. 
Pensez  à  cela,  ma  chère  fille,  et  consolez-vous. 

Je  vous  souhaite  le  bon  jour  et  que  vous  soyez  toute 
forte  et  que  vous  me  croyiez,  en  l'amour  de  Notre-Sei- 
gneur,  v.  s. 

38.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Avril  ou  mai  1629'.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  soit  avec 
vous  pour  jamais   ! 

Le  R.  P.  de  Gondy  ^  me  mande  que  je  l'aille  trouver 
à  Montmirail  ^  en  diligence.  Cela  m'empêchera  peut-être 
d'avoir  l'honneur  de  vous  voir,  pource  que  je  partirai 
demain  au  matin.  Votre  cœur  vous  en  dit-il  d'y  venir, 
Mademoiselle  ?  Si  cela  est,  il  faudrait  partir  mercredi 
prochain  par  le  coche  de  Châlons,  en  Champagne  ^  qui 
loge  au  Cardinal,  vis-à-vis  de  Saint-Nicolas-des- 
Champs  ^  ;  et  nous  aurons  le  bonheur  de  vous  voir  à 
Montmirail. 


Lettre  38.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original. 

1.  Cette  lettre  semble  précéder  la  lettre  3g  de  peu  de  jours. 

2.  Philippe-Emmanuel  de  Gondi,  ancien  général  des  galères, 
entré  chez  les  Oratoriens  le  6  avril    1627. 

3.  Petite  ville  de  la  Brie  dans  la  Marne.  C'était  une  des  terres 
du  R.  P.  de  Gondi.  Saint  Vincent  y  avait  séjourné  maintes  fois, 
en  compagnie  de  Monsieur  et  de  Madame  de  Gondi  ;  il  y  avait 
prêché  une  mission  en  1621  (Abelly,  of.  cit.,  t.  I,  chap.  xili, 
p.  55,  et  établi  sa  quatrième  confrérie  de  la  Charité  [ibid.,  chap.  X, 
fin,  p.  47),  dont  nous  avons  encore  le  règlement. 'Le  duc  de  Retz  fonda 
dans   cette   localité,    en    1644,    un   établissement   de   missionnaires. 

4.  Châlons-sur-Marne. 

5.  Louise  de  Marillac  connaissait  bien  l'église  Saint-Nicolas-des- 
Champs,   qu'elle   avait    fréquentée   quand   elle   habitait   la   rue   Cours- 


—  73  — 

Je  vous  prie  me  mander  ce  qu'il  y  a  à  la  Charité  de 
notre  bonne  demoiselle  ^. 

Si  ce  soir  je  viens  de  bonne  heure,  je  pourrai  avoir  le 
bonheur  de  vous  dire  un  mot  ;  sinon,  je  suis,  en  l'amour 
de  Xotre-Seigneur,  votre  serviteur. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


39.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC  ^ 

Mademoiselle, 

Je  vous  envoie  les  lettres  et  le  mémoire  qu'il  vous 
faut  pour  votre  voyage.  Allez  donc,  Mademoiselle,  allez, 
au  nom  de  Notre- Seigneur.  Je  prie  sa  divine  bonté 
qu'elle  vous  accompagne,  qu'elle  soit  votre  soûlas  ^  en 
votre  chemin,  votre  ombre  contre  l'ardeur  du  soleil, 
votre  couvert  à  la  pluie  et  au  froid,  votre  lit  mollet  en 
votre  lassitude,  votre  force  en  votre  travail  et  qu'enân 


au-Vilain,  sur  la  paroisse  Saint-Sauveur.  C'est  dans  cette  église  qu'elle 
fut  délivrée  de  graves  tentations  contre  la  foi  et  que,  par  une  sorte 
d'illumination  d'en  haut,  elle  entrevit  ce  que  Dieu  ferait  d'elle  plus 
tard.  (La  Vie  de  Mademoiselle  Le  Gras,  par  Gobillon,  Paris,  1676, 
in-i2,  p.  17.) 
6.    Mademoiselle  du  Fay. 

Lettre   39.    —    Manuscrit    Saint-Paul,    p.    5. 

1.  Louise  de  Marillac  se  disposait  à  partir  pour  Montmirail,  où 
se  trouvait  saint  Vincent.  C'était  sa  première  course  apostolique, 
sa  première  tournée  de  femme-missionnaire.  {Gobillon,  of.  cit. y 
p.  32.  )  Elle  voyageait  d'ordinaire  en  compagnie  de  quelques  dames 
pieuses,  emportant  avec  elle  une  ample  provision  de  linge  et  de 
drogues.  A  peine  arrivée  dans  une  localité  qui  possédait  sa  confrérie 
de  la  Charité,  elle  en  assemblait  les  membres,  stimulait  leur  zèle, 
se  rendait  compte  des  résultats  obtenus  et  recrutait  d'autres  adhé- 
rents. Elle  visitait  les  malades,  distribuait  des  aumônes,  assemblait 
les  enfants  et  les  instruisait  des  vérités  de  la  foi.  S'il  y  avait  une 
maîtresse  d'école  dans  l'endroit,  elle  lui  donnait  d'utiles  conseils  ; 
s'il    n'y    en     avait    pas,     elle   en    formait    une.     (Gobillon,     of.    cit., 

PP-    33-35.) 

2.  Soûlas,    consolation- 


—  74  — 

il  vous  ramène  en  parfaite  santé  et  pleine  de  bonnes 
œuvres  ^. 

Vous  communierez  le  jour  de  votre  départ,  pour 
honorer  la  charité  de  Notre-Seigneur  et  les  voyages  qu'il 
a  faits  pour  cette  même  et  par  la  même  charité,  les 
peines,  les  contradictions,  les  lassitudes  et  les  travaux 
qu'il  y  a  soufferts,  et  afin  qu'il  lui  plaise  bénir  votre 
voyage,  vous  donner  son  esprit  et  la  grâce  d'agir  en 
ce  même  esprit  et  de  supporter  vos  peines  en  la  manière 
qu'il  a  supporté  les  sieimes. 

Pour  ce  que  vous  demandez,  si  vous  ferez  plus  long 
séjour  que  nous  n'avons  dit,  je  pense  que  ce  sera  assez 
d'être  un  jour  ou  deux  en  chaque  lieu  pour  la  première 
fois,  sauf  à  y  retourner  l'été  prochain,  si  Notre-Seigneur 
vous  fait  paraître  que  vous  lui  puissiez  rendre  quelque 
autre  service.  Quand  je  dis  deux  jours,  votre  charité  en 
prendra  davantage,  si  besoin  est,  et  nous  fera  celle  de 
nous  écrire. 

Pour  la  Charité  de  Mademoiselle  Guérin,  vous  pren- 
drez le  nom  de  sa  paroisse,  s'il  vous  plaît,  et  si  nous 
allons  vers  Chartres,  nous  tâcherons  de  l'aller  servir 
pour  la  Charité,  ne  connaissant  personne  en  ce  quartier-là 
qui  soit  fait  à  cet  établissement. 

Adieu,  Mademoiselle,  ressouvenez-vous  de  nous  en 
vos  prières  et  ayez  sur  toutes  choses  soin  de  votre  santé, 
que  je  prie  Dieu  vous  conserver,  étant,  en  son  amour... 

De  Montmirailj  ce  6  mai  1629. 


3.  Saint  Vincent  s'inspire  ici  de  ce  passage  de  Vliinéraire  des 
clercs  :  «  Esta  nobis.  Domine,  in  frocinciu  su-ffragium,  in  via  so- 
latiutn,  in  aestu  umbracuîum,  in  fluvia  et  frigore  tegumenium,  in 
lassiiudine  vehiculum,  in  adversitaie  praesidium,  in  lubrico  baculus, 
in  naujragio  fortus,  ut,  te  duce,  quo  tettdimus  -prospère  perveniamus 
et   demum  incoliimes   ad  propria   redeamus.    » 


—  75  — 

40.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC,  A  SAINT-CLOUD 

De  Paris,  ce  19  février  1630. 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  loue  Dieu  de  ce  que  vous  avez  la  santé  pour 
soixante  persoimes,  au  salut  desquelles  vous  travaillez  ; 
mais  je  vous  prie  me  mander  exactement  si  votre  pou- 
mon n'est  point  incommodé  de  tant  parler,  ni  votre  tête 
de  tant  d'embarras  et  de  bruit  \ 

Pour  Monsieur  votre  fils,  je  le  verrai  ;  mais  mettez- 
vous  en  repos,  je  vous  en  supplie,  puisque  vous  pouvez 
espérer  qu'il  est  sous  la  protection  spéciale  de  Notre- 
Seigneur  et  de  sa  sainte  Mère,  par  tant  de  dons  et 
d'offrandes  que  vous  lui  en  avez  faites,  et  qu'il  est  ami 
des  gens  de  Dieu,  et  que,  par  ainsi,  il  ne  lui  peut  mésar- 
river  -.  Mais  que  dirons-nous  de  cette  trop  grande  ten- 
dresse ?  Certes,  Mademoiselle,  il  me  semble  que  vous 
devez  travailler    devant  Dieu  à    vous  en  faire  quitte, 


Lettre   40.    —    Manuscrit    Saint-Paul,    p.    6. 

1.  Nous  lisons  dans  les  Pensées  de  Louise  de  Marillac,  p.  124  : 
«  Je  suis  partie  le  jour  Sainte-Agathe,  5  de  février,  pour  aller  à 
Saint-Cloud.  A  la  sainte  communion,  il  me  sembla  que  Notre-Sei- 
gneur  me  donnait  pensée  de  le  recevoir  comme  l'époux  de  mon 
âme,  et  même  que  ce  m'était  une  manière  d'épousailles,  et  me  sentis 
plus  fortement  unie  à  Dieu  en  cette  considération,  qui  me  fut 
extraordinaire,  et  eus  la  pensée  de  tout  quitter  pour  suivre  mon 
Epoux,  de  le  regarder  dorénavant  comme  tel  et  regarder  les  diffi- 
cultés que  je  rencontrerais  comme  les  recevant  de  la  communauté 
de  ses  biens.  Dieu  permit,  ayant  le  désir  de  faire  dire  la  messe  ce 
jour-là,  à  cause  que  c'est  l'anniversaire  de  mes  noces,  et  m"en  rete- 
nant pour  faire  un  acte  de  pauvreté,  voulant  être  toute  dépendante 
de  Dieu  dans  l'action  que  j'allais  faire,  sans  en  rien  témoigner  à 
mon  confesseur,  qui  dit  la  messe,  où  je  communiai  ;  et  entrant  à 
l'autel,  il  eut  la  pensée  de  la  dire  pour  moi  par  aumône  et  de  dire 
celle   des   épousailles.    » 

2.  Mésarriver    se    dit    d'un    accident    fâcheux   amené    par    quelque 
faute   ou   quelque   imprévoyance. 


-  76  - 

puisqu'elle  n'est  bonne  qu'à  vous  embarrasser  l'esprit 
e*^  qu'elle  vous  prive  de  la  tranquillité  que  Notre-Seigneur 
désire  en  votre  cœur  et  [du]  dépouillement  de  l'affection 
de  tout  ce  qui  n'est  pas  lui.  Faites-le  donc,  je  vous  en 
supplie,  et  vous  ferez  l'honneur  à  Dieu,  qui  est  chargé  du 
souverain  et  absolu  soin  de  M.  votre  fils  et  qui  ne  veut 
point  que  vous  vous  intéressiez  que  d'une  manière  dé- 
pendante et  douce. 

Nous  sommes  de  retour  il  y  a  trois  ou  quatre  jours, 
en  bonne  santé,  et  notre  compagnie  est  partie  aujour- 
d'hui pour  aller  à  Chelles  ^  où  j'espère  me  rendre  dans 
deux  jours. 

Je  vous  ai  adressé  une  fille  de  Maisons  ^  pour  quelque 
temps.  Je  vous  supplie.  Mademoiselle,  de  lui  faire  la 
charité  que  je  vous  ai  priée,  par  celle  qu'elle  vous  aura 
pu  rendre,  et  vous  coopérerez  au  salut  de  deux  âmes 
à  la  fois,  et  de  me  mander  si  elle  vous  est  allée  trouver, 
et  quand  vous  pensez  avoir  fait  à  Saint-Cloud,  et  si 
cette  bonne  fille  de  Suresnes  ^  qui  vous  a  vue  d'autre- 
fois et  qui  s'emploie  à  enseigner  des  filles,  vous  est  allée 
voir,  comme  elle  me  le  promit  dimanche  dernier,  étant 
ici®. 

En  attendant  de  vos  nouvelles,  je  prie  Notre-Sei- 
gneur  qu'il  vous  fortifie  de  plus  en  plus.  Mademoiselle, 
et  suis,  en  son  amour... 


3-  Ancienne    résidence    royale    en    Seine-et-Marne. 

4.  Maisons-Alfort,  près   de   Paris. 

5.  Localité    de    la    banlieue    de    Paris. 

6.  Marguerite  Naseau,  que  saint  Vincent  appelle  la  première 
Fille  de  la  Charité  et  dont  il  raconte  la  touchante  histoire  dans 
plusieurs  de  ses  entretiens  aux  soeurs.  (Voir  en  particulier  la  con- 
férence du  24  février  1653.)  Les  sœurs  de  l'hôpital  Saint-Eloi  de 
Montpellier  ont  donné,  il  y  a  quelques  années,  à  la  maison-mère 
des  Filles  de  la  Charité,  un  tableau  qui  la  représenterait,  dit-on  ; 
mais   cette   croyance  ne   repose   sur   rien. 


—  77  — 

41.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Février  i63o*.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  loue  mille  fois  Dieu  et  le  bénis  de  tout  mon  cœur 
de  ce  qu'il  vous  a  redoimé  la  santé,  et  le  prie  qu'il 
la  vous  conserve  et  ramène  de  même^.  Revenez- vous-en 
donc,  Mademoiselle,  vers  la  fin  de  la  semaine  et  plus 
tôt  même,  si  l'occasion  s'en  présente,  non  pas  par  eau, 
mais  dans  une  charrette  bien  fermée.  Mademoiselle  du 
Fay  m'a  mandé  qu'elle  n'avait  pu  trouver  de  carrosse. 
Je  lui  ai  envoyé  votre  lettre  ;  mais  je  n'ai  point  parlé 
à  Monsieur  votre  fils  pour  quelque  raison  que  je  vous 
dirai. 

Bon  Dieu,  Mademoiselle,  qu'il  fait  bon  être  l'enfant 
de  Dieu,  puisqu'il  aime  encore  plus  tendrement  ceux  qui 
ont  le  bonheur  d'avoir  cette  qualité  auprès  de  lui,  que 
vous  n'aimez  le  vôtre,  quoique  vous  ayez  plus  de  ten- 
dresse pour  lui  que  quasi  mère  que  je  vois  pour  ses 
enfants  !  Oh  bien  !  nous  en  parlerons  à  votre  retour. 
Cependant  soyez  pleine  de  confiance  que  celle  à  qui 
Notre-Seigneur  a  donné  tant  de  charité  pour  les  enfants 
d' autrui,  méritera  que  Notre-Seigneur  en  ait  une  toute 
particulière  pour  le  sien,  et  vivez,  s'il  vous  plaît,  en 
repos  dans  cette  confiance,  je  dis  même  dans  la 
gaieté  d'xm  cœur  qui  désire  être  tout  conforme  à  celui 
de  Notre-Seigneur. 


Lettre  41.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Deux  détails,  la  présence  d'une  troupe  de  missionnaires  à 
Chelles  et  celle  de  Louise  de  Marillac  dans  une  localité  voisine  de 
Paris,  et  riveraine  de  la  Seine  ou  d'un  de  ses  affluents,  nous  portent 
à  rapprocher  cette  lettre  de  la  lettre  40. 

2.  Louise    de    Marillac    était    très    probablement    à    Saint-Cloud. 


-  78  - 

Notre  petite  compagnie  est  à  Chelles,  et  moi  im- 
muable ici.  Il  y  a  un  Père  jésuite  qui  fait  des  merveilles 
en  votre  paroisse  ^.  Mademoiselle  de  Villars  vous  écrit, 
et  moi  je  me  recommande  à  vos  prières,  et  suis,  en 
l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 


42.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[i63o'.] 
Mademoiselle, 

Quant  à  votre  Charité  ",  je  ne  puis  vous  dire  combien 
j'en  suis  consolé.  Je  prie  Dieu  qu'il  bénisse  votre  travail 
et  qu'il  perpétue  ce  saint  œuvre.  Faire  M.  le  vicaire 
garde  de  l'argent,  il  s'en  faut  bien  garder  à  cause  de 
quantité  d'inconvénients  qui  en  arriveraient  et  qiie  je 
vous  pourrai  dire  une  autre  fois,  vous  disant  en  avance 
que  l'on  a  expérimenté  que,  de  tous  les  moyens,  les  plus 
sûrs  qu'on  puisse  pratiquer  à  la  Charité,  ce  sont  ceux 
que  vous  avez  eus  en  l'esprit.  Si  maintenant  vous  ôtez 
le  soin  à  chacune  de  la  Charité  de  faire  cuire  la  viande., 
jamais  plus  vous  ne  le  pourrez  remettre  ;  et  de  la  faire 
cuire  ailleurs,  si  quelqu'une  l'entreprend  par  charité  à 
présent,  cela  lui  sera  à  charge  dans  peu  de  temps  ;  et  si 
vous  la  faites  apprêter  pour  de  l'argent,  il  coûtera  beau- 
coup ;  puis  avec  quelque  temps  les  dames  de  la  Charité 
diront  qu'il  faut  faire  apporter  la  marmite  aux  malades 
par  la  femme  qui  apprêtera  ;  et  par  ce  moyen  votre 
Charité  viendra  à  manquer.  L'expérience  nous  fait  voir 


3.  Saint-Nicolas-du-Chardonnet. 

Lettre  42.   —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.   42. 

1.  Date    d'érection     de    la     Charité     de    Saint-Nicolas,    à    laquelle 
cette  lettre  semble   faire   allusion. 

2.  Probablement    la    Charité    de    Saint-Nicolas-du-Chardonnet. 


—  79 


qu'il  est  absolument  nécessaire  que  les  femmes  ne  dépen- 
dent point  en  ceci  des  hommes,  surtout  pour  la  bourse. 
Or  sus,  cela  ne  vous  console-t-il  point.  Mademoiselle  ? 
Direz-vous  après  cela  que  vous  êtes  inutile  au  monde  ? 


43.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers   i63oi.] 

...  et  saura,  pour  Monsieur  votre  fi.ls,  que  M.  du  Ch.  ^ 
m'en  a  dit  des  merveilles.  Je  vous  en  parlerai  au  retour 
et  vous  remercierai  de  ce  que  vous  me  mandez  de  la  fille 
de  laquelle  je  vous  ai  parlé,  et  de  ce  que  vous  avez  pensé 
à  elle,  vous  suppliant  bien  fort  de  vous  y  employer. 

Je  me  réjouis  de  l'établissement  de  ces  bonnes  filles  ^, 
loue  votre  désir  de  leur  donner  quelque  tableau,  mais 
non  pas  que  vous  dormiez  lieu  aux  pensées  qui  vous 
occupent  pour  ce  sujet.  Vous  êtes  à  Notre- Seigneur  et 
à  sa  sainte  Mère  ;  tenez-vous  à  eux  et  à  l'état  auquel  ils 
vous  ont  mise,  en  attendant  qu'ils  témoignent  qu'ils 
désirent  autre  chose  de  vous,  à  qui  je  suis,  en  l'amour  de 
Notre- Seigneur  et  de  sa  sainte  Mère,  votre  très  humble 
serviteur. 

Vincent  Depaul. 

[Je  vous  prie  d'offrir  mes  hum]bles  recommandations 
à  Mademoiselle  du  Fay  et  à  ]\I.  Bliar. 


Lettre  43.  —  L.  a.  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original.  Le 
commencement  de  la  lettre  manque. 

1.  Cette  lettre  précède  l'institution  des  Filles  de  la  Charité  et 
semble  du  temps  où  Michel  Le  Gras  étudiait  à  Saint-Nicolas-du- 
Chardonnet. 

2.  Peut-être  Jérôme  Duchesne,  un  des  ecclésiastiques  de  la  com- 
munauté fondée   par   Bourdoise. 

3.  Peut-être  des  filles  mises  à  la  disposition  des  dames  d'une 
Charité  de    Paris    pour    les    aider    dans    le    service    des    pauvres. 


8o 


44.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[i63oi.] 

Vous  voilà  peu  d'ouvrières  pour  beaucoup  d'ouvrage. 
Oh  bien  !  Notre-Seigneur  travaillera  avec  vous.  La  pro- 
position de  nourrir  les  malades  chacune  votre  jour  à 
vos  dépens  me  semble  à  propos  et  se  fait  ainsi  ailleurs 
jusqu'au  jour  de  l'érection  de  la  confrérie. 


45.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 


[i63o'.] 


Mademoiselle, 


La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  vous  remercie  de  la  peine  que  vous  avez  prise  de 
m'écrire  l'état  de  la  Charité  ".  Quand  il  plaira  à  Notre- 
Seigneur  que  je  vous  voie,  vous  me  direz  l'intérêt  de  la 
com[munauté]. 

Il  sera  voirement  à  propos  que  vous  appliquiez  ces 
offrandes  à  l'usage  de  ces  pauvres  gens.  Je  trouve  que 
vous  êtes  bonnes  ménagères,  puisque  vous  ne  dépensez 
qu'environ  demi-écu. 

Si  vous  levez  la  permission  d'établir  la  Charité  au 


Lettre    44.    —    Manuscrit    Saint-Paul,    p.    41. 

I.  Date  d'érection  de  la  confrérie  de  Saint-Nicolas-du-Chardon- 
net,   à   laquelle   saint  Vincent  semble  ici   faire  allusion. 

Lettre  45.  —  L.  a.  —  Dossier  de  la  Mission,  fac-similé  de  l'ori- 
ginal. 

1.  Voir   note    2- 

2.  Louise  de  Marillac  fonda  et  organisa  en  1630  sur  la  paroisse 
Saint-Nicolas-du-Chardonnet,  avec  l'approbation  du  curé  et  le  con- 
cours de  quelques  dames,  une  confrérie  de  la  Charité,  dont  elle 
fut  présidente.  (Abelly,  of.  cit.,  t.  I,  chap.  xxiii,  p.  109.)  C'est 
vraisemblablement  de  cette  confrérie,  encore  à  ses  débuts,  que  parle 
saint  Vincent.  C'était  la  seconde  confrérie  établie  à  Paris.  Rien  ne 
démontre  que  Louise  de  Marillac  ait  eu  quelque  part  à  celle  de  Saint- 
Sauveur,  qui  fonctionnait  déjà  deouis  quelques  mois. 


—  8i  — 

greffe  de  Monsieur  de  Paris,  il  vous  faudra  donner 
quelque  chose  ;  mais,  si  c'est  Monsieur  Guyard  ^  qui  la 
vous  délivre,  rien.  Vous  y  pourrez  faire  mettre  le  petit 
sceau,  qui  ne  coûtera  que  cinq  sols. 

\^oilà  plus  de  cinq  femmes.  Je  prie  Dieu  qu'il  vous 
en  envoie  d'autres.  Pour  les  moyens,  Notre- Seigneur  y 
pourvoira. 

Quant  à  votre  affaire,  je  trouve  très  bon  que  vous 
parliez  à  Mademoiselle  du  Fay  ;  mais  pour  le  reste  qu'il 
vous  demande,  prenez  avis,  s'il  vous  plaît,  quelle  réponse 
vous  avez  à  faire  ;  et  faites-moi  la  faveur  de  remercier 
Mademoiselle  du  Fay  de  sa  gelée  et  de  lui  dire  que  je 
me  porte  toujours  de  mieux  en  mieux  et  que  je  la  prie 
de  demander  à  Dieu  que  j'use  bien  de  cette  meilleure 
disposition.  Pour  cette  pauvre  fille,  qu'est-ce  qu'elle 
demande   ? 

Ayez  soin  de  votre  santé. 

Je  suis  votre  très  humble  serviteur. 

V.  D.  P. 


46.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC,  A  VILLEPREUX* 

[Avril    1630  2.] 

Il  est  fort  difficile,  Mademoiselle,  de  faire  quelque 
bien  sans  contrariété  ;  et  pource  que  nous  devons,  autant 
qu'il  nous  est  possible,  soulager  la  peine  d'autrui,  je 
pense  que  vous  feriez  un  acte  agréable  à  Dieu  de  voir 


3.  Louis    Guyard,    vicaire    général    de    Paris- 
Lettre    46.    —    Manuscrit    Saint-Paul,    p.    14. 

1.  Saint  Vincent  avait  eu  souvent  l'occasion  d'aller  dans  cette  loca- 
lité quand  il  était  chez  les  Gondi.  Il  y  donna  une  mission  en  1618,  et 
y  établit  à  cette  occasion  sa  seconde  confrérie  de  la  Charité.  (Cf. 
Abelly,   of.   cit.,  t.    I,   chap.    x,    fin,   p.   47.) 

2.  C'est  la  date  que  suggèrent  Gobillon,  p.   39,  et  la  lettre  qui  suit. 


—    82    — 

Monsieur  le  curé  ^,  de  lui  faire  vos  excuses  de  ce  que, 
sans  son  avis,  vous  avez  parlé  aux  sœurs  de  la  Charité  * 
et  aux  filles,  que  vous  en  pensiez  faire  à  Villepreux  tout 
simplement  comme  à  Saint-Cloud  et  ailleurs,  et  que  cela 
vous  apprendra  votre  devoir  une  autre  fois,  et,  s'il  ne 
le  trouve  pas  bon,  que  vous  en  demeuriez  là.  Et  mon  avis 
est  que  vous  le  fassiez.  Notre- Seigneur  retirera  peut-être 
plus  de  gloire  de  votre  soumission  que  de  tout  le  bien 
que  vous  pourriez  faire.  Un  beau  diamant  vaut  plus 
qu'une  montagne  de  pierres,  et  un  acte  de  vertu  d'ac- 
quiescement et  de  soumission  vaut  mieux  que  quantité 
de  bonnes  œuvres  qu'on  pratique  à  l'égard  d'autrui  ■\ 


47.    -  A  LOUISE  DE  MARILLAC,   A  VILLEPREUX 

Béni  soit  Dieu,  Mademoiselle,  de  ce  que  j'ai  plus 
tôt  la  nouvelle  de  votre  guérison  que  de  votre  mala- 
die !  Et  je  le  prie  qu'il  vous  fortifie  entièrement  et  en 
façon  qu'il  se  puisse  dire  un  jour  de  vous  que  ces  paroles 
de  la  Sainte  Ecriture  vous  regardent,  qui  sont  :  Mulie- 
reni  fortem  quis  inveniet  ^  ?  Vous  entendez  ce  latin  ; 
c'est  pourquoi  je   ne   le  vous  expliquerai  point. 

Pour  le  temps  que  vous  dites  que  les  enfants  sont 
à  l'école,  qui  ne  suffit  pas  pour  leur  pouvoir  profiter  ^ 
et  les  deux  jours  encore  qu'ils  ont  de  campes^,  je  ne  vois 
point  d'inconvénient  que  vous  allongiez  un  peu  ce  temps- 


3-  Le  curé   de   Villepreux. 

4.  Nom  donné  aux  membres  des  confréries  de  la  Charité. 

5.  L'acte  de  soumission  conseillé  par  saint  Vincent  gagna  com- 
plètement le  curé  de  Villepreux  aux  vues  de  Louise  de  Marillac, 
qui  se  mit  au  travail  avec  tant  d'ardeur  qu'elle  en  tomba  malade. 
(Gobillon,    of.    cii,,    p.    39.) 

Lettre    47.    —    Manuscrit    Saint-Paul,    p.    13. 

1.  Livre  des   Proverbes,  xxxi,    10. 

2.  Louise   de   Marillac   leur   enseignait   le   catéchisme. 

3.  Cam-pos,    iour   de   congé. 


-  83  - 

là  et  que,  pour  les  raisons  que  vous  m'alléguez,  vous  les 
occupiez  ces  deux  jours-là,  ni  que  vous  tâchiez  de  faire 
venir  à  l'école  celles  qui  n'ont  point  accoutumé  d'y  aller. 
Mais  je  pense  qu'il  sera  bon  de  le  faire  agréer  au  bon 
M.  Belin  ^  et  de  rendre  capables  ceux  qui  en  parleront, 
que  vous  en  usez  ainsi  pour  le  peu  de  temps  que  vous 
avez  à  demeurer,  et  leur  dire  que  ce  n'est  pas  là  une 
école,  ains  un  exercice  de  piété  pendant  quelques  jours. 

Pour  le  petit  Michel,  soyez  en  repos  ;  il  n'y  a  que  deux 
ou  trois  jours  que  je  le  vis  aller  à  sa  leçon  et  qu'il  se 
portait  bien. 

J'ai  fait  tenir  votre  lettre  à  Mademoiselle  du  Fay  et 
encouragé  ]^Iademoiselle  du  Fresne^  d'aller  à  Ville- 
preux  ;  ce  qu'elle  a  toutes  les  envies  du  monde  de  faire. 
Mais,  certes,  son  indisposition  ne  lui  permettra  pas  ce 
contentement,  qu'elle  désire  extrêmement.  Je  la  recom- 
mande à  vos  prières,  et  vous,  de  bien  prendre  garde  à 
votre  santé  et  de  ne  pas  trop  prendre  sur  vous  ;  ce  que 
j'ai  peur  pourtant  que  vous  fassiez,  en  ne  voulant  pas 
prendre  le  relâche  de  ces  deux  jours,  ni  vous  tenir  au 
temps  qu'on  a  accoutumé  d'employer  à  l'école.  C'est 
pourquoi,  en  cette  appréhension,  je  vous  prie  de  vous 
contenter,  quoique  je  vous  aie  dit  ci-dessus,  du  temps 
ordinaire.  Ce  procédé  sera  plus  au  gré,  comme  je  pense, 
du  bon  Monsieur  Belin.  Que  si  vous  y  voyez  un  notable 
détriment,  écrivez-m'en,  s'il  vous  plaît,  une  autre  fois, 
après  que  vous  aurez  commencé. 
De  Paris,  ce  4  mai  [1630  ^.] 

4.  Chapelain  de  la  maison  du  R.  P.  de  Gondi  à  Villepreux.  Il 
avait  connu  saint  Vincent  chez  le  général  des  galères  et  le  suppléait, 
en  son  absence,  auprès  des  forçats  du  faubourg  Saint-Honoré.  (Abelly 
of.  cit.,  t.  I,  chap.  XIV,  p.  60.  )  Il  avait  eu,  dit  ailleurs  le  saint 
(lettre  du  16  décembre  1634),  a  une  des  meilleures  parts  à  la  concep- 
tion, à  la  grossesse,  à  la  naissance  et  au  progrès  de  la  Mission.  »  Le 
copiste  du  manuscrit   Saint-Paul   a  lu  Preîin. 

5.  Sœur   de   Charles   du   Fresne,   sieur   de  Villeneuve. 

6.  Date  donnée  par   Gobillon,   of.   cit.,   p.    39. 


84 


48.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Mai  1630  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Béni  soit  Dieu  de  ce  que  vous  vous  portez  mieux  et  du 
goût  que  vous  prenez  à  travailler  au  salut  des  âmes  ! 
Mais  je  me  crains  bien  que  vous  n'en  fassiez  trop  ;  et, 
afin  que  vous  voyiez  que  c'est  avec  sujet,  voyez,  s'il  vous 
plaît,  ce  que  Monsieur  Belin  m'en  mande.  Prenez-y 
garde,  je  vous  supplie.  Mademoiselle.  Notre-Seigneur 
veut  que  nous  le  servions  avec  jugement  ;  et  le  contraire 
s'appelle  zèle  indiscret. 

Pour  les  sœurs  de  la  Charité  ^,  je  pense  qu'il  est  expé- 
dient que  vous  les  assembliez  toutes,  que  vous  lisiez  le 
règlement  ensemble  et  tâchiez  de  remettre  toutes  choses 
en  la  pratique  conforme  au  règlement,  qui  est  différent 
des  autres,  pource  que  c'est  le  second  établissement  ^. 
Mais  vous  leur  pourrez  rapporter,  s'il  vous  plaît,  la  pra- 
tique des  autres  lieux  et  tâcher  à  les  résoudre  de  faire 
de  même,  notamment  à  l'égard  de  la  perpétuité  des 
sœurs*,  de  se  confesser  et  communier  le  jour  de  leur 
décès,  d'aller  elles-mêmes  visiter  les  malades  le  plus 
qu'elles  pourront,  et  de  fréquenter  plus  souvent  les  sacre- 
ments. Et  finalement,  pour  la  viande,  recommandez  à  la 
bouchère  ^,  qui  est  la  supérieure,  qu'elle  distribue  bien 
la  viande. 


Lettre  48.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette   lettre  a   été  écrite  peu   de  jours   après   la   lettre  47. 

2.  Nom  donné   aux   membres   de   la   confrérie   de   la   Charité. 

3.  La    confrérie    de    la    Charité    de    Villepreux    remontait    à    l'année 
1618    ;  celle  de  Châtillon-les-Dombes  était  de  1617. 

4.  Les  membres  de  la  confrérie  n'étaient  pas  élus  à  vie. 

5.  Nom  donné  à  la  sœur  chargée  de  distribuer  la  viande  aux  pau- 
vres. 


-  85  - 

Mon  indisposition,  dont  je  vous  vois  touchée,  est  des 
plus  petites  ;  et  n'était  que  l'on  m'a  fait  prendre  méde- 
cine aujourd'hui,  je  serais  sorti.  Je  vous  remercie  du 
soin  que  vous  en  avez. 

Nous  n'avons  point  de  l'eau.  J'en  envoie  quérir  chez 
Monsieur  Deure.  Monsieur  du  Fresne  et  Mademoiselle 
sa  sœur  s'en  vont  vendredi  à  Vil  lépreux.  Dieu  sait  si 
votre  considération  ne  hâte  pas  un  peu  le  voyage. 

Le  petit  Michel  se  porte  bien.  Frère  Robert  ®  l'est 
allé  voir  de  ma  part.  Il  lui  a  témoigné  qu'il  est  fort  gai 
et  content.  Soyez-le  vous  aussi,  Mademoiselle,  je  vous 
prie,  puisqu'il  plaît  à  Dieu  que  vous  le  soyez. 

Je  suis,  en  son  amour  et  celui  de  sa  sainte  Mère,  votre 
très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  mardi  à  midi. 

Nos  recommandations  à  votre  Marthe. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras 
à  Villepreux. 

49.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[Vers  i63oi.] 
Béni  soit  Dieu  de  ce  que  vous  voilà  dégagée  de  la 
première  affection.  Nous  parlerons  de  l'autre  au  premier 
rencontre  ;  je  dis  de   celle   de  votre  confesseur  '.  Faites 

6.  Aucun  frère  coadjuteur  ne  portait  alors  le  petit  nom 
de  Robert.  Il  s'agit  sans  doute  ici  de  Robert  de  Sergis,  né  le  2  mars 
i6o8  à  Auvers,  près  Pontoise,  reçu  dans  la  congrégation  de  la  Mis- 
sion en  juin  1628,  ordonné  prêtre  en  avril  1632  et  mort  en  décem- 
bre  1640  ou   janvier   1641. 

Lettre  49.  —  L.  a.  —  Original  chez  les  Filles  de  la  Charité  de 
Somma   Vesuviana    (ItalieJ. 

1.  La  nature  des  conseils  que  le  saint  donne  à  Louise  de  Marillac 
nous  fait  regarder  cette  lettre  comme  antérieure  à  la  fondation  des 
Filles  de  la   Charité. 

2.  Louise   de   Marillac  s'était  mise  sous   la   direction   de  saint  Vin- 


—  86  — 

cependant  ce  qu'il  vous  conseille  et  tout  ce  que  votre 
ferveur  propose,  excepté  la  discipline,  sinon  trois  fois 
par  semaine.  Lisez  le  livre  de  l'amour  de  Dieu  ^,  notam- 
ment celui  qui  traite  de  la  volonté  de  Dieu  et  de  l'indif- 
férence. Quant  à  tous  ces  33  actes  à  l'humanité  sainte* 
et  aux  autres,  ne  vous  peinez  pas  quand  vous  y  man- 
querez. Dieu  est  amour  et  veut  que  l'on  aille  par  amour. 
Ne  vous  tenez  donc  point  obligée  à  tous  ces  bons  propos. 

Je  vous  supplie  m'excuser  de  ce  que  je  ne  vous  ai  pu 
écrire  qu'à  ce  soir,  et  de  prier  Dieu  pour  nous. 

Je  suis,  en  son  amour  et   celui   de  sa   sainte   Mère, 
Madame  ^,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  D.  P. 

La  pratique  envers  Marie  m'agrée,  pourvu  que  vous 
y  procédiez  doucement. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

50.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers  i63o'.] 
Il  me  semble  que  ce  sera  assez  de  mettre  en  votre  notre 


cent  dès  1624.  Elle  s'en  trouvait  bien,  et  souffrait  beaucoup  des  ab- 
sences de  son  directeur.  Le  saint  aurait  désiré  plus  d'indifférence. 
Le  Camus,  évêque  de  Bellay,  écrivait  déjà  à  Louise  le  26  juil- 
let 1625  :  «  Pardonnez-moi,  ma  très  chère  sœur,  si  je  vous  dis  que 
vous  vous  attachez  un  peu  trop  à  ceux  qui  vous  conduisent  et  vous 
appuyez  un  peu  trop  sur  eux.  Voilà  M.  Vincent  éclipsé,  et  Made- 
moiselle Le  Gras  hors  de  pile  et  désorientée.  »  (Dossier  des  Filles 
de   la    Charité,    original) 

3.  Le  Traité  de  Vamour  de  Dieu  [par  saint  François  de  Sales], 
Lyon,    1620,    in-8^. 

4.  En  mémoire  des  trente-trois  années  que  Notre-Seigneur  passa 
sur  la  terre. 

5.  Ce  mot  a  échappé  à  la  plume  du  saint.  Louise  de  Marillac 
n'avait  pas  droit  au  titre  de  Madame.  La  lettre  est  d'ailleurs  adres- 
sée   à   Mademoiselle  Le    Gras. 

Lettre  50.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.   La  lettre  est  antérieure  à  la   fondation  des  Filles  de   la   Charité, 


tableau  -  les  mêmes  paroles  de  l'original  ^.  Mademoi- 
selle, raettez-les-y  donc,  s'il  vous  plaît,  et  moi  je  conser- 
verai dans  mon  cœur  celles  que  vous  m'écrivez  de  votre 
généreuse  résolution  d'honorer  l'adorable  vie  cachée  de 
Notre-Seigneur,  ainsi  que  Notre- Seigneur  vous  en  a  don- 
né le  désir  dès  votre  jeunesse  ^.  O  ma  chère  '",  que  cette 
pensée  sent  l'inspiration  de  Dieu  et  qu'elle  est  éloignée 
de  la  chair  et  du  sang  !  Or  sus,  c'est  là  l'assiette  qu'il 
faut  à  une  chère  fille  de  Dieu.  Tenez-vous-y,  Mademoi- 
selle, et  résistez  courageusement  à  tous  les  sentiments 
qui  vous  arriveront  contraires  à  celui-ci,  et  assurez-vous 
que  vous  serez  par  ce  moyen  dans  l'état  que  Dieu  vous 
demande  pour  vous  faire  passer  à  un  autre,  pour  sa  plus 
grande  gloire,  s'il  le  juge  ainsi  expédient  ;  sinon,  vous 
êtes  toujours  assurée  que  vous  ferez  incessamment  la 
sainte  volonté  de  Dieu  en  celui-ci,  qui  est  la  fin  à  la- 
quelle nous  tendons  et  à  laquelle  ont  tendu  les  saints  et 
sans  laquelle  nul  ne  peut  être  bienheureux  *. 

Je  vous  demande,  pardon  de  ce  que  j'ai  tant  retenu 
votre  garçon,  à  cause  de  quantité  de  divertissements  que 


2.  Votre,  parce  qu'il  était  peint  par  Louise  de  Marillac  ;  notre, 
parce  qu'elle  le  destinait  au  saint.  La  fondatrice  avait  du  goût  pour 
la  peinture.  Nous  avons  encore  des  tableaux  faits  par  elle  «  petites 
aquarelles  d'un  dessin  délicat,  d'un  frais  coloris,  mais  plutôt  images 
naïves  que  véritables  œuvres  d'art  ».  [La  Vénérable  Louise  de  Ma- 
rillac, par   Mgr   Baunard,   Paris,    1898,   p.   8.) 

3.  Le  saint  entend  parler  du  tableau  que  copiait  Louise  de  Maril- 
lac- Maynard  n"a  pas  su  comprendre  cette  phrase.  Il  suppose 
(Saint  Vincent  de  Paul,  troisième  édition,  Paris,  1886,  4  vol.  in-12, 
t.  III,  p.  239)  que  Louise  de  Marillac  avait  résumé  en  un  tableau 
les  résolutions  et  les  sentiments  contenus  dans  l'acte  de  consécration 
qu'elle  fit  peu  après  la  mort  de  son  mari. 

4.  Dans  sa  jeunesse  Louise  de  Marillac  avait  eu  l'idée  d'entrer 
chez  les  Capucines  ;  et  elle  aurait  donné  suite  à  son  projet  si  le 
mauvais   état   de   sa    santé  n'y    avait  mis  obstacle. 

5.  Expression  inusitée  sous  la  plume  du  saint,  qui  a  sans  doute 
voulu   écrire     :   O    ma   chère   fille  ! 

6.  Même  sens  que  s'il  y  avait  :  vous  ferez  incessamment  en  ce- 
lui-ci  la  sainte  volonté   de  Dieu,   qui,   etc. 


—  88  — 

j'ai  eus,  qui  vous  désire  une  des  plus  parfaites  images  ^ 
faites  à  la  semblance  de  Dieu  ^...,  et  qui  ai,  en  son  amour, 
si  me  semble,  un  même  cœur  avec  vous,  et  suis  votre 
serviteur  très  humble. 

V.  D.  P. 


51.  —  A  ANTOINE  PORTAIL,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 
A  CROISSYi 

Du  jeudi  27  juin  i63o. 

Béni  soit  Dieu,  Monsieur,  de  ce  qvie  vous  êtes  monté 
en  chaire,  et  plaise  à  sa  divine  bonté  donner  bénédiction 
à  ce  que  vous  y  enseignerez  de  sa  part  !  Vous  avez  com- 
mencé tard.  Ainsi  fit  saint  Charles  -.  Je  vous  souhaite 
part  à  son  esprit,  et  j'espère  que  Dieu  vous  donnera 
quelque  nouvelle  grâce  en  cette  occasion.  Je  le  prie  de 
tout  mon  cœur  que  ce  soit  celle  dont  vous  m'écrivez  à 
la  fin  de  votre  lettre,  qui  est  d'être  exemplaire  à  la 
compagnie,  en  laquelle  il  nous  manque  la  sainte  mo- 
destie, la  douceur  et  le  respect  dans  nos  conversations. 
L'attention  à  la  présence  de  Dieu  est  le  moyen  de  les 
acquérir.  J'en  ai  plus  de  besoin  que  tous.  Demandez-les, 
s'il  vous  plaît,  à  Dieu  pour  moi. 


7.  Allusion  à  l'image  que  Louise  de  Marillac  préparait  pour 
saint   Vincent. 

8.  Ces  points  remplacent  un  mot  que  nous  n'avons  su  lire- 
Lettre  51.   —  Reg.    2,  p.   273. 

1.  Localité  de  Seine-et-Oise. 

2.  Les  biographes  de  saint  Charles  Borromée  racontent  que  ce  pré- 
lat eut  longtemps  à  lutter  contre  une  timidité  excessive,  qui  le  fai- 
sait trembler  quand  il  prêchait.  Pendant  des  années,  il  parla  de 
l'autel  pour  être  plus  loin  de  l'auditoire  ;  il  n'osa  monter  en  chaire 
que  sur   le  tard. 


—  89  — 
52    —  A  UNE' DAME 


Madame, 


l'rjuillet  i63o. 


La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
Jamais  ! 

Depuis  hier  que  je  vous  fis  réponse  à  votre  dernière, 
il  m'est  ressouvenu  que  je  ne  vous  ai  point  répondu  à 
l'avis  que  vous  me  faites  l'honneur  de  me  demander, 
si  vous  devez  recevoir  au  nombre  des  sœurs  de  la  Charité 
et  à  la  place  de  feu  Madame  Brunel,  une  sierme  parente. 
Or,  je  vous  dirai,  Madame,  que  la  défunte  l'ayant  nom- 
mée et  présentée  avant  mourir,  et  elle  ayant  les  qualités 
requises  à  faire  ce  bon  œuvre,  que  je  pense  que  vous 
ferez  bien  de  la  recevoir,  voire  même  quand  la  défunte 
ne  l'aurait  pas  nommée.  Mais  je  pense  bien  qu'il  est 
expédient  que  vous  avertissiez  les  sœurs  qu'elles  se  res- 
souviennent de  nommer  quelqu'une  en  leur  place  quand 
il  plaira  à  Dieu  de  vouloir  disposer  d'elles,  pource  que 
c'est  l'unique  moyen  de  perpétuer  cette  sainte  confrérie. 
Je  vous  supplie,  Madame,  d'y  tenir  la  main  et  de  leur 
bien  inculquer  cela  et  de  saluer  ces  bonnes  sœurs 
de  la  Charité  et  votre  procureur  de  ma  part  et  d'assurer 
Monsieur  votre  mari  que  je  suis  et  serai  toute  ma  vie 
à  lui  et  à  vous,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Madame, 
votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 


Lettre  52.   —  Reg.    i,   f°  8  v°.   Le  copiste  note  que  l'original  était 
en  entier  de  l'écriture  de  saint  Vincent. 


—  90  — 

53.  -    A  LOUISE  DE  MARILLAC  * 

[Vers  i63o2.1 
Déchargez  votre  esprit  de  tout  ce  qui  vous  fait  peine  , 
Dieu  en  aura  soin.  Vous  ne  sauriez  vous  empresser  en 
cela  san.s  contrister  (pour  ainsi  dire)  le  cœur  de  Dieu, 
parce  qu'il  voit  que  vous  ne  l'honorez  pas  assez  par  la 
sainte  confiance.  Fiez-vous  à  lui,  je  vous  en  supplie,  et 
vous  aurez  l'accomplissement  de  ce  que  votre  cœur 
désire  ^.  Je  vous  le  dis  derechef,  rejetez  toutes  ces 
pensées  de  défiance  que  vous  permettez  quelquefois  à 
votre  esprit.  Et  pourquoi  votre  âme  ne  serait-elle  pas 
pleine  de  confiance,  puisqu'elle  est  la  chère  fille  de 
Notre-Seigneur  par  sa  miséricorde  ? 

54.  —   A  MONSIEUR  DE  S.\INT-MARTIN  * 

1"  septembre  i63o. 

Saint  Vincent  prie  M.  de  Saint-Martin  de  procurer  des 
habits  à  son  frère  et  à  ses  neveux  et  de  faire  réparer  un  côté 
de  leur  maison,  qui  menaçait  ruine.  Il  lui  dit  ensuite,  au 
sujet  du  neveu  récemment  parti  de  Paris  ^,  que  celui-ci  a  reçu 


Lettre  53.  —  Abelly,  o-p.   cit.,  t.   III,  chap.  m,  sect.  m,  p.  23. 

1.  Abelly  se  contente  de  dire  que  cette  lettre  a  été  adressée  à  une 
personne  pieuse.  Le  ton  et  le  contenu  montrent  que  cette  personne 
pieuse  n'est  autre  que  Louise  de  Marillac. 

2.  Voir  note  3. 

3.  Il  semble  qu'en  écrivant  ces  mots  saint  Vincent  ait  eu  en  vue  la 
vocation  de  Louise  de  Marillac. 

Lettre  54.  —  Procès  de  Béatification,  déposition  de  Jean-Jacques  de 
Castetja,  petit-fils  de  Jean  de  Saint-Martin  et  curé  de  Saint-Paul 
(Landes),   qui   détenait   l'original   en    1706. 

1.  Le  chanoine  de  Saint-Martin  était  alors  à  Paris  ;  il  s'agit  ici, 
croyons-nous,  de  Louis  de  Saint-Martin,  époux  de  Catherine  de  Co- 
rnet. 

2.  Ce  fut  ce  neveu  qui  porta  la  lettre  de  saint  Vincent.  Il  était 
venu  consulter  son  oncle  sur  une  promesse  de  mariage.  Abelly  donne 
des  détails  intéressants  sur  sa  visite  {o-p.  cit.,  t.  III,  chap.  Xili,  sect.  c, 
p.    208   ;    chap.    XIX,    p.    292)     ;    on     en     trouve    d'autres    dans   les   dé- 


—  91  — 

dix  écus,  avant  de  quitter  la  capitale,  et  que  cet  argent  venait 
d'une  aumône,  non  du  bien  destiné  aux  missions.  Puis  il 
ajoute    : 

Je  vous  supplie,  Monsieur,  si  l'humeur  prenait  à  quel- 
qu'autre  mien  parent  de  m'en  venir  voir,  de  l'en  détour- 
ner, parce  que,  n'ayant  pas  moyen  de  leur  faire  du  bien, 
ils  prendront  beaucoup  de  peine  sans  profit. 


55.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Septembre  i63o^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Ce  n'est  pas  aller  sans  sujet  que  d'aller  voir  une  per- 
sonne de  la  qualité  de  celle  qui  vous  demande  ^  et  qui 
peut-être  a  besoin  de  votre  conseil  pour  se  résoudre  à 
quelque  chose  de  bien  bon.  Allez  donc.  Mademoiselle, 
allez,  au  nom  de  Notre-Seigneur  et  avec  sa  bénédiction. 
Que  si  l'occasion  de  faire  quelque  chose  à  l'égard  des 
enfants  de  ce  lieu-là  ^  se  présente,  faites-le  avec  précau- 
tion ;  il  en  faut  beaucoup  en  ce  diocèse-là.  L'autorité 
néanmoins  de  la  dame  du  lieu  sera  la  vôtre  en  celle 
de  Notre-Seigneur,  en  ne  faisant  pas  d'éclat. 

Pour  la  communion,  je  pense  que  vous  ferez  bien  de 


positions    au   procès    de   béatification    de   Jean-Jacques   Castetja,    Jean 
de  Paul,   Charles  Le  Blanc,  Anne  Varin  et  Jacques  d'Apremont. 

Lettre  55.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la   Charité,   original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  à  l'époque  des  vacances,  avant  l'instal- 
lation de  saint  Vincent  à  Saint-Lazare  et  alors  que  Louise  de  Marii- 
lac  était  à  la  tête  de  la  Charité  de  Saint-Nicolas,  en  1630  par  con- 
séquent,  car  en  septembre  et  octobre   163 1   Louise  n'était  pas  à  Paris. 

2.  Probablement  Geneviève  d'Attichy,  épouse  de  Scipion  d'Aqua- 
viva,   duc   d'Atri. 

3.  Probablement  Attichy,  au  diocèse  de  Soissons,  non  loin  du  dio- 
cèse de  Beauvais. 


—  92  — 

vous  contenter  de  ce  que  vous  aviez  accoutumé  ;  et  pour 
Monsieur  votre  fils,  il  sera  le  très  bien  venu  après  que 
les  ordinands  se  seront  retirés,  d'ici  à  dix  ou  onze  jours, 
parce  que  nous  n'avons  ni  lit  ni  chambre  où  le  mettre. 
Ordonnez-lui  donc  de  venir  en  ce  temps-là,  s'il  vous 
plaît. 

Monsieur  Dehorgny  vous  ira  parler  du  jeune  homme 
qu'on  désire  envoyer,  céans  ;  et  moi  je  vous  demande 
pardon  si  je  n'ai  l'honneur  de  vous  voir  avant  votre 
départ,  à  cause  de  l'embarras  que  nous  avons  ici. 

Je  vous  supplie  de  me  mander  si  votre  Charité  *  est 
bien  riche  et  si  vous  avez  besoin  d'argent,  et  de  croire 
que,  grâces  à  Dieu,  je  me  porte  bien  et  que  je  suis  votre 
serviteur. 

Vincent. 

Il  ne  faut  pas  approcher  si  près  des  Charités  du  dio- 
cèse de  Beauvais  sans  les  visiter  à  loisir.  Peut-être  que 
Mademoiselle  d'Attichy  ^  sera  bien  aise  d'aller  à  la  plus 
proche. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


4.  La    Charité    de    Saint-Nicolas. 

5.  Valence  de  Marillac,  tante  de  Louise,  épouse  d'Octavien  Doni, 
sieur  d'Attichy,  surintendant  des  finances,  et  marraine  de  Michel, 
avait  eu  huit  enfants  :  Achille  se  fit  jésuite  ;  Louis  entra  chez  les 
Minimes  et  devint  évêque  de  Riez  {1628),  puis  d'Autun  (1652)  ; 
Antoine,  marquis  d'Attichy,  fut  tué  à  l'armée  en  1637,  à  l'âge  de 
vingt-cinq  ans  ;  Geneviève  épousa  le  duc  d'Atri  ;  Anne  devint  la  fem- 
me du  comte  de  Maure  ;  Henriette  entra  au  Carmel  ;  Madeleine  prit 
l'habit  des  Ursulines.  Privés  de  leur  père  en  1614,  de  leur  mère  en 
161 7,  les  enfants  encore  jeunes  furent  secourus  par  Louise  de  Ma- 
rillac et  son  mari.    (Cf.   Lettres  de  Louise  de  Marillac,   p.    150.) 


93 


56.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Jésus-Christ  Notre-Seigneur  soit  avec  vous 
pour  jamais  ! 

Je  reçus  votre  dernière  samedi  passé,  en  sortant  pour 
m'en  aller  à  Maubuisson  \  et  priai  Monsieur  de  la  Salle 
de  vous  faire  réponse.  Or,  la  présente  sera  pour  vous 
assurer  derechef  que  Monsieur  votre  fils  se  porte  bien, 
Monsieur  Bourdoise^  me  l'ayant  ainsi  assuré,  et  pour 
vous  dire  la  consolation  que  je  reçois  de  votre  amen- 
dement, et  que  je  souhaite  bien  fort  votre  parfaite  gué- 
rison  ;  mais  le  moyen,  en  parlant  tant,  comme  il  faut 
que  vous  parliez,  et  avec  un  air  si  subtil  et  votre  rhume  ! 
Certes,  si  vous  recouvrez  votre  parfaite  santé,  il  faudra 
bien  dire  que  Dieu  vous  a  guérie.  Je  m'attends  à  en  avoir 
aujourd'hui  ou  demain  de  plus  amples  nouvelles.  Made- 
moiselle du  Fay  vient  tout  présentement  d'envoyer  sa 
servante  pour  en  apprendre,  et  je  veux  bien  me  promet- 
tre que  nous  en  aurons  de  boimes  à  lui  envoyer. 

Je    lui   communiquai   samedi  passé   ce   que    vous   me 


Lettre  56.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Près   Pontoise    (Seine-et-Oise) . 

2.  Adrien  Bourdoise,  né  le  i*'"  juillet  1584,  à  Brou  (Eure-et-Loir), 
mort  à  Paris  le  19  juillet  1655,  fut  l'un  des  plus  zélés  réformateurs 
du  clergé  au  XVII^  siècle.  Il  fonda  une  communauté  de  prêtres, 
les  prêtres  de  Saint-Nicolas-du-Chardonnet  ou  les  Nicolaîtes,  du 
nom  de  la  paroisse  de  Paris  sur  laquelle  ils  résidaient.  Il  fit 
une  de  ses  retraites  à  Saint-Lazare.  Ce  fait  et  le  conseil  qu'il  donna 
au  duc  de  Liancourt,  patron  de  plusieurs  bénéfices,  de  s'en  rapporter 
au  jugement  de  Vincent  de  Paul  pour  le  choix  des  bénéficiers,  mon- 
trent en  quelle  haute  estime  il  avait  ce  dernier.  Cette  estime,  le 
saint  la  lui  rendait  :  «  O  Messieurs,  disait-il  un  jour  à  ses  mission- 
naires, qu'un  bon  prêtre  est  une  grande  chose  !  Que  ne  peut  pas 
faire  un  bon  ecclésiastique  !  Quelle  conversion  ne  peut-il  pas  procurer  ! 
Voyez  Monsieur  Bourdoise,  cet  excellent  prêtre,  que  ne  fait-il  pas  et 
que  ne  peut-il  pas  faire  !   »   (Abelly,  of.  cit,,  t.  II,  chap.  v,  p.   298.) 


—  94  — 

mandez  d'elle,  dont  elle  fut  bien  consolée.  Et  votre 
cœur  l'est-il  pas  aussi,  Mademoiselle,  de  voir  qu"il 
a  été  trouvé  digne  devant  Dieu  de  souffrir  en  le  ser- 
vant ?  Certes,  vous  lui  devez  un  remerciement  particu- 
lier et  faire  votre  possible  pour  lui  demander  la  grâce 
d'en  faire  bon  usage. 

Vous  désirez  savoir  si  vous  parlerez  à  la  Charité  en 
corps.  Certes,  je  le  voudrais  bien  ;  mais  je  ne  sais  s'il 
est  facile  et  expédient.  Cela  leur  profiterait.  Parlez-en 
à  Mademoiselle  Champlin  et  faites  ce  que  Notre-Sei- 
gneur  vous  inspirera. 

Je  suis,  en  son  amour  et  celui  de  sa  sainte  Mère, 
Mademoiselle,  votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  22  octobre  1630. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
à  Montmirail  ^. 


57.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC,  A  MONTMIRAIL 

Ce  29  octobre  i63o. 
Mademoiselle, 
Béni  soit  Dieu  de  ce  que  vous  voilà  guérie  et  que  la 


Il  y  aurait  beaucoup  à  dire  sur  les  relations  de  ces  deux  hommes. 
On  peut  consulter  avec  profit  une  vie  manuscrite  de  M.  Bourdoise, 
de  1694  (Bibl.  Maz.,  ms.  2453),  pp.  2,  667,  671,  673,  l'ouvrage  de 
l'abbé  Schoenher,  of.  cit.,  t.  I,  pp.  96,  m,  113,  118,  129  ;  Le  saint 
abbé  Bourdoise,  par  Jean  Darche,  Paris,  1883,  2  vol.  in-80,  t.  I, 
p.  536  ;  t.  II,  pp.  25,  284).  Comme  toujours,  la  légende  s'est  mêlée 
à  l'histoire  ;  mais  ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  faire  la  part  de  l'une  et 
deTautre. 

3.  Au-dessous  de  l'adresse,  Louise  de  Marillac  a  écrit  elle-même 
«  Villiers-le-Bel  ».  Serait-elle  allée  en  cette  localité  avant  ou  après 
son  séjour  à  Montmirail  ?   C'est   possible. 

Lettre    57.    —    Manuscrit    Saint-Paul,    p.    g. 


—  95  — 

subtilité  de  cet  air-là  ne  vous  nuit  point  !  Cela  étant 
ainsi,  vous  continuerez,  s'il  vous  plait,  jusques  à  ce  que 
vous  ayez  fait  le  fruit  à  peu  près  que  vous  avez  fait 
ailleurs.  Mais  si  vous  aviez  quelque  sentiment  de 
rechute,  prévenez-le,  s'il  vous  plaît,  et  vous  en  revenez. 
Je  laisse  tout  cela  à  votre  disposition  pendant  que  je 
m'en  vais  faire  un  petit  voyage  de  quinze  jours  à 
Beauvais. 

Proposez  à  Monsieur  le  prieur  \  s'il  vous  plaît,  ce  que 
vous  me  mandez  de  l'élection  des  officières. 


58.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC,  A   BEAUVAIS  * 
Mademoiselle, 


La  grâce    de    Notre-Seigneur    soit    avec    vous    pour 

mais  ! 

Béni  soit  Dieu  de  ce  que  vous  voilà  arrivée  en  bonne 


jamais  ! 


I.   Très  probablement  le  prieur  de   Montmirail. 

Lettre  58.  —  L.  a.  —  Original  au  Mans  dans  le  trésor  de  l'église 
Notre-Dame  de  la  Couture. 

I.  Le  saint  venait  de  passer  une  quinzaine  de  jours  à  Beauvais, 
où  il  avait  pu  se  rendre  compte  que  la  visite  de  Louise  de  Marillac  se- 
rait utile  aux  confréries  de  la  Charité  établies  dans  cette  ville.  L'his- 
toire de  l'établissement  des  Charités  à  Beauvais  mérite  d'être  connue. 
Avant  1629,  on  rencontrait  partout  à  Beauvais  dans  les  rues,  aux 
portes  des  églises,  dans  les  églises  même,  des  troupes  de  mendiants 
effrontés  qui  demandaient  ou  plutôt  exigeaient  l'aumône,  la  menace 
à  la  bouche.  Augustin  Potier,  évêque  du  diocèse,  s'inquiéta  de  cette 
situation.  Il  fit  dresser  la  liste  de  tous  les  indigents,  s'enquit  de 
l'étendue  de  leurs  besoins  et  pensa  qu'il  serait  utile  de  créer  une  cais- 
se, qu'alimenteraient  les  aumônes  et  le  produit  des  quêtes,  et  de 
constituer  un  bureau  central  pour  recueillir  et  répartir  les  secours.  Le 
16  avril  1629,  il  convoqua  dans  son  palais  les  chanoines,  les  jurats  et 
les  notables  de  la  ville  et  leur  proposa  son  plan,  qui  fut  adopté.  Pour 
l'exécution,  on  fit  appel  à  saint  Vincent,  qui  accourut  et  se  mit  de 
suite  à  l'œuvre.  Il  monta  en  chaire,  parla  des  Charités,  de  leur  fonc- 
tionnement, de  leur  utilité  et  eut  bientôt  la  joie  de  voir  l'œuvre 
établie  dans  chacune  des  dix-huit  paroisses.  Cela  fait,  il  partagea 
la  ville   en  quartiers  pour   faciliter  la   distribution   des  aumônes.    (Cf. 


-  96  - 

santé  !  Oh  !  ayez  bien  soin  de  la  conserver  pour  l'amour 
de  Notre- Seigneur  et  de  ses  pauvres  membres,  et  prenez 
garde  de  n'en  pas  faire  trop.  C'est  une  ruse  du  diable, 
dont  il  trompe  les  bonnes  âmes,  que  de  les  inciter  à  faire 
plus  qu'elles  ne  peuvent,  afin  qu'elles  ne  puissent  rien 
faire  ;  et  l'esprit  de  Dieu  incite  doucement  à  faire  le 
bien  que  raisoimablement  l'on  peut  faire,  afi.n  que  l'on 
le  fasse  persévéramment  et  longuement  Faites  donc 
ainsi,  Mademoiselle,  et  vous  agirez  selon  l'esprit  de 
Dieu. 

Or,  répondons  maintenant  à  tout  ce  que  vous  me 
mandez.  Il  me  semble  qu'il  est  à  propos  voirement  "  que 
Madame  la  trésorière  ^  se  décharge  de  la  délivrance  du 
vin  et  qu'on  le  baille  à  quelque  autre  ;  car  pour  l'hôtel- 
lerie, il  faudrait  payer  le  huitième.  Quelque  bonne  veuve 


Abelly,  of.  cit.,  t.  I,  chap.  xxiii,  p.  io8  ;  Delettre,  of.  cit.,  t.  III, 
p.  407  ;  Réglemens  four  la  Charité  des  -pauvres  malades  establie  à 
Beauvais  Vonziesme  novembre  mil  six  cent  trente,  Beauvais,  1669, 
in-i8.  )  Cependant  les  obstacles  ne  manquèrent  pas.  Alphonse  Feil- 
let  a  découvert  dans  les  Archives  du  Comité  d'Histoire  de  France 
un  projet  de  réquisitoire  dressé  par  le  lieutenant  de  Beauvais  pour 
se  plaindre  «  que  depuis  quinze  jours  environ  serait  arrivé  en  cette 
ville  un  certain  prêtre  nommé  Vincent,  lequel,  au  mépris  de  l'auto- 
rité royale,  aurait,  sans  en  communiquer  aux  officiers  royaux  ni  à 
aucun  autre  corps  de  la  ville  qui  y  eût  intérêt,  fait  assembler  un 
grand  nombre  de  femmes,  auxquelles  il  avait  persuadé  de  se  mettre 
de  la  confrérie,  à  laquelle  il  donne  le  nom  spéciaux  {sic)  de  Charité 
et  laquelle  il  désirait  ériger  pour  subvenir  et  fournir  de  vivres  et 
autres  nécessités  aux  pauvres  malades  de  ladite  ville  de  Beauvais  et 
aller  chaque  semaine  faire  une  quête  des  deniers  qu'ils  voudraient 
bailler  à  cet  effet  ;  ce  qui  aurait  été,  depuis,  exécuté  par  ledit  Vin- 
cent et  icelle  confrérie  érigée,  en  laquelle  il  aurait  reçu  300  femmes 
ou  environ,  lesquelles  pour  faire  leurs  exercices  et  fonctions  ci-des- 
sus, s'assemblent  souvent,  ce  qui  ne  doit  pas  être  toléré  ».  Et  le 
lieutenant  de  la  ville,  indigné  de  l'audace  «  du  prêtre  nommé  Vin- 
cent »,  requiert  qu'une  information  soit  faite  et  envoyée  au  procureur 
général  du  roi.  Grâce  au  saint  homme,  la  ville  fut  bientôt  complè- 
tement   transformée. 

2.  Voirement,   vraiment. 

3.  Les  confréries  de   la   Charité   avaient   à   leur  tête  une  supérieure, 
qu'assistaient   une   trésorière,   une  garde-meubles  et  un  procureur. 


-  -  97  — 

de  la  Basse-Œuvre  ^  pourra  bien  faire  cela,  ou  de  Saint- 
Sauveur.  J'estime  donc  que  cela  est  nécessaire,  aûn  que 
la  trésorière  ait  moyen  de  vaquer  à  la  conduite  de 
l'œuvre,  à  la  réception  et  congédiement  des  malades  ; 
car,  pour  la  garde,  il  n'est  nullement  à  propos  qu'elle 
fasse  cela,  ni  que  l'on  lui  donne  six  sols  par  jour.  Eh  ! 
bon  Dieu  !  elle  emporterait  le  plus  liquide  de  la  Charité. 

Plût  à  Dieu  que  la  bonne  Madame  de  la  Croix  pût 
faire  ce  que  vous  lui  conseillez  !  Cela  lui  vaudrait  bien 
une  borme  religion.  Pour  les  drogues,  vous  avez  bien  fait 
de  les  délivrer  ;  mais  votre  trésorière  ne  devait  pas 
faire  marché  ;  elle  ne  sait  point  où  cela  va.  Il  sera  bon 
d'y  remédier  par  le  moyen  de  Monsieur  le  grand  vicaire  ^ 
et  l'entremise  de  Monsieur  du  Rotoir.  Quand  Monsieur 
de  Beauvais  sera  de  retour,  il  sera  bon  de  lui  commu- 
niquer les  choses  principales,  si  vous  voyez  qu'il  l'agrée. 
Il  veut  cela  quelquefois.  Mais,  pour  prendre  la  bénédic- 
tion de  lui,  il  me  semble  qu'il  n'est  pas  expédient,  pour- 
ce  qu'il  est  fort  éloigné  de  cérémonie  et  aime  qu'on  traite 
avec  lui  rondement,  et  respectueusement  néanmoins. 

Pour  votre  logement,  si  vous  l'avez  pris  chez  Monsieur 
Ricard  ^,  vous  ne  sauriez  être  mieux  ;  c'est  le  meilleur  et 
un  des  plus  honnêtes  hommes  que  je  connaisse  ;  et 
Madame  sa  femme,  que  je  connais  seulement  de  répu- 
tation, fort  pieuse.  Hélas  !  que  je  pense  qu'ils  en  seront 
contents  l'un  et  l'autre  !  Je  souhaite  fort  que  vous  y 
soyez. 

Quant  au  doute  de  M.  du  Rotoir,  il  a  raison  ;  et  je 
pense  qu'il  sera  à  propos  de  mettre  dans  le  règlement 
que  les  sœurs  du  quartier  de  la  Basse-Œuvre  assisteront 


4.  Nom  d'un  quartier  de  la  ville. 

5.  Nicolas   Lévesque,    qui    fut   dans  la   suite   premier   supérieur   du 
séminaire   de   Beauvais. 

6.  Raoul    Ricard,    procureur   au    présidial.    Il    resta    pendant    trente 
ans  procureur  de  la  Charité  de  Beauvais. 


-  98  - 

les  pauvres  qui  mourront  en  la  Basse-Œuvre  et  à  Saint- 
Gilles  ;  mais,  pour  les  autres  quartiers,  je  pense  qu'il 
suffit  que  ce  soient  les  dames  d'une  paroisse  qui  assis- 
tent à  l'enterrement  des  pauvres  de  leur  paroisse  seule- 
ment, pource  que  les  sœurs  du  quartier  de  Saint-Sauveur, 
de  Saint-Etienne  et  de  Saint-Martin  ont  trop  de  malades 
et  trop  de  mourants,  pour  qu'elles  y  assistent  à  tous  leurs 
enterrements,  et  que  les  autres  paroisses  sont  des  faux- 
bourgs,  qui  font  chacun  un  quartier. 

Et  pour  les  quêtes,  l'on  dit,  avant  de  partir,  qu'elles 
mettront  autant  de  jours  qu'il  faudra  pour  les  faire  '. 
Je  voudrais  bien  savoir  ce  qu'elles  ont  trouvé  à  chaque 
quête  qui  a  été  faite.  Alais  il  faut  noter,  touchant  ce  que 
j'ai  dit  de  l'enterrement,  qu'il  faut  que  Monseigneur 
prononce  là-dessus  sa  volonté. 

Et  moi,  je  vous  promets  d'écrire  à  Villepreux  pour 
l'élection  de  l'officière  et  de  parler  au  R.  P.  de  Gondy 
pour  avoir  du  bois  pour  Montmirail.  Je  vous  promets, 
de  plus,  de  vous  mander  la  disposition  de  Monsieur 
votre  fils  au  prochain  voyage,  ne  l'ayant  pu  par  celui-ci, 
faute  de  l'avoir  prévu. 

Soyez-en  cependant  en  repos  et  unissez  votre  esprit 
aux  moqueries,  aux  mépris  et  au  mauvais  traitement  que 
le  Fils  de  Dieu  a  soufferts,  lorsque  vous  serez  honorée 
et  estimée.  Certes,  Mademoiselle,  un  esprit  vraiment 
humble  s'humilie  autant  dans  les  honneurs  que  dans  les 
mépris  et  fait  comme  la  mouche  à  miel  qui  fait  son  miel 
aussi  bien  de  la  rosée  qui  tombe  sur  l'absinthe  que  de 
celle  qui  tombe  sur  la  rose.  J'espère  que  vous  en  userez 
ainsi  et  que  vous  m'obtiendrez  pardon  de  notre  borme 
Mère  la  supérieure  des  Ursulines  de  ce  que  je  m'en 
vins  sans  recevoir  ses  commandements,  et  que  vous  assu- 

7.  I>es  sœurs  quêtaient  dans  l'éçlise  et  à  domicile.  L'argent  re- 
cueilli était  déposé  dans  un  cofiFre  à  deux  serrures,  dont  la  supérieure 
avait  une   clef   et   la   trésorière   l'autre. 


—  99  — 

rerez  Mesdames  les  ofûcières  et  Monsieur  du  Rotoir  que 
je  suis  à  eux  et  à  vous,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur  et 
de  sa  sainte  Mère,  Mademoiselle,  votre  très  humble  ser- 
viteur. 

Vincent  Depaul. 

Je  ne  suis  pas  prêt  à  partir  pour  notre  grand  voyage  ; 
quelques  affaires  d'importance  nous  arrêtent  ici  ;  et 
Monsieur  Lucas,  qui  a  été  grièvement  malade  à  la  mis- 
sion de  Berry  *,  s'en  revient  ici  ®. 

De  Paris,  ce  7  décembre  1630. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
au  logis  de  Monsieur  du  Rotoir,  à  Beauvais. 

59.  —  A   LOUISE  DE  MARILLAC 

[i63o  ou  i63i  *.] 

Je  viens  de  recevoir  présentement  l'incluse  de  la  bonne 
Germaine  ^.  Je  vous  supplie.  Mademoiselle,  de  lui  faire 
réponse  pour  nous  deux.  Mais  je  vous  supplie  encore  plus 
humblement  que  vous  m'excusiez  de  ce  que  je  ne  vous 

8.  Berry-au-Bac,    petit   village   de   l'Aisne,  arrondissement  de  Laon. 

9.  La  visite  de  Louise  de  Marillac  à  Beauvais  porta  des  fruits 
abondants.  Les  dames  vinrent  nombreuses  à  ses  entretiens  ;  les 
hommes  réussirent  à  l'entendre  en  se  cachant.  Quand  elle  repartit 
pour  Paris,  le  peuple  l'accompagna  bien  loin  sur  le  chemin,  louant  et 
bénissant  Dieu  de  l'avoir  envoyée.  Gobillon  raconte  (op.  cit.,  p.  43) 
qu'un  enfant  tombé  sous  les  roues  de  la  charrette  qui  la  portait  se 
releva  sans  mal,   grâce  à  ses  prières. 

Lettre  59.   —  L.    a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Nous  lisons  dans  Abelly  [op.  cit.,  t.  I,  chap.  XXIII,  p.  rog)  : 
«  La  même  année  et  la  suivante  163 1,  cette  confrérie  (la  confrérie 
de  la  Charité)  fut  établie  par  M.  Vincent,  avec  la  permission  de 
M.  l'archevêque  de  Paris  et  l'agrément  de  MM.  les  curés  dans  les 
paroisses  de  Saint-Médéric  (Saint-Merry),  Saint-Benoît  et  Saint-Sul- 
pice.   » 

2.  Une  des  filles  que  Louise  de  Marillac  employait  aux  écoles. 
Elle  fut  longtemps  maîtresse  à  Villepreux,  où  nous  la  trouvons  en- 
core  en    1637. 


lOO    — 

suis  allé  voir,  ni  prié  de  venir  ici.  Le  continuel  embarras 
que  j'ai  m'en  empêche. 

Nous  sommes  après  à  mettre  la  Charité  à  Saint- 
Benoît  ;  mais  je  ne  sais  par  quel  esprit  cela  se  fait  que 
chaque  paroisse  de  Paris  veut  avoir  quelque  chose  de 
particulier  et  ne  veulent  point  avoir  rapports  avec  les 
autres.  C'est  quasi  leur  faire  peine  que  de  dire  :  l'on  fait 
ailleurs  comme  cela.  Ou  bien  elles  veulent  faire  un  sal- 
migondis ^,  en  prenant  quelque  chose  de  Saint-Sauveur  ', 
quelqu'autre  de  Saint-Nicolas,  notre  paroisse,  et  quel- 
qu'autre  chose  de  Saint-Eustache  ^. 

Il  sera  parlé  de  vous  en  l'assemblée  de  Saint-Benoît. 
Mademoiselle  Tranchot  en  dit  des  merveilles.  Pensez 
s'il  serait  à  propos  que  vous  preniez  la  peine  de  voir 
cette  bonne  demoiselle  pour  stabiliser]  "  son  esprit,  afin 
qu'elle  fortifie  les  autres.  Si  vous  l'avez  vue  d'autres  fois, 
cela  se  pourrait  facilement  par  quelque  prétexte  que 
vous  pourrez  prendre  ;  car  elle  ne  faudra  pas  de  vous  en 
parler,  ni  moi  d'être,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur  et  de 
sa  sainte  Mère,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Je  m'en  vas  demain  à  Alontreuil  '  et  reviendrai  le 
même  jour,  comme  j'espère.  Ressouvenez-vous  de  nous 
en  vos  prières.  Je  vous  souhaite  le  bonsoir. 

Suscriftion  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


3.  Salmigondis,  mélange  de  choses  disparates. 

4.  Nous  avons  encore  le  règlement  de  la  confrérie  établie  sur  la 
paroisse    Saint-Sauveur. 

5.  A  lire  Abelly  {of.  cit.,  t.  I,  chap.  xxiii,  p.  109),  on  croirait  que 
la  confrérie  de  Saint-Benoît  a  précédé  celle  de  Saint-Eustache.  On 
voit    ici  qu'il    n'en    est   rien. 

6.  Le  mot  est  resté  incomplet  dans  l'original,  à  la  fin  d'une  ligne. 

7.  Montreuil-sous-Bois,  commune  populeuse  située  aux  portes  de 
Paris.  Saint  Vincent  y  avait  établi,  le  11  avril  1627,  une  confrérie 
de  la  Charité,  dont  on  a  encore  l'acte  d'érection. 


60.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[Avant  i634'.] 

Si  Germaine  a  accoutumé  de  communier,  je  ne  vois 
point  de  difficulté  que  vous  ne  fassiez  de  même.  Faites- 
le  donc,  Mademoiselle  -.  Que  si  vous  ne  pouvez  pren- 
dre la  discipline  et  si  tant  est  que  vous  ayez  une  ceinture 
de  petites  rosettes  d'argent  que  Mademoiselle  du  Fay 
m'a  fait  recouvrer  d'autres  fois,  prenez-la,  au  lieu  de  la 
discipline  et  au  lieu  de  celle  de  poil  de  cheval,  pource 
que  celles-là  échauffent  trop  ^. 

61.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[Mars  i63i  K] 
Mademoiselle, 

La  grâce    de    Notre-Seigneur    soit    avec    vous    pour 
jamais  ! 

La  lettre  de  Monsieur  votre  fils  me  paraît  fort  judi- 

Lettre  60.    —   Manuscrit   Saint-Paul,   p.    83. 

1.  Les  conseils  donnés  à  Louise  de  Marillac  nous  semblent  mieux 
convenir  au  temps  qui  a  précédé  l'institution  des  Filles  de  la  Charité. 

2.  Dans  un  règlement  de  vie  qui  paraît  être  de  1630  ou  1631, 
Louise  de  Marillac  s'engage  à  communier  les  «  jours  de  dimanche, 
mardis  [ici  le  manuscrit  est  déchiré],  n'était  qu'il  vînt  des  fêtes  en 
la  semaine  qui  »  1'  «  obligeassent  à  prendre  les  autres  jours  ».  (Pen- 
sées, p.  4.)  La  fondatrice  nous  avertissant  elle-même  ailleurs  (Pen- 
sées, p.  376)  qu'elle  avait  reçu  de  son  confesseur  l'ordre  de  commu- 
nier tous  les  samedis,  nous  pensons  qu'à  l'endroit  de  la  déchirure, 
il  y   avait   et   samedis. 

3.  Le  règlement  de  vie  signalé  à  la  note  2  porte  ces  mots  :  <c  Je 
ferai,  en  esprit  de  pénitence,  deux  ou  trois  fois  la  discipline,  un 
Pater,  honorant  J.-C,  un  Ave,  honorant  la  sainte  Vierge,  et  le  De 
Profundis  pour  les  âmes  du  Purgatoire  ;  et  tous  les  jours  de  la 
sainte  communion  je  porterai,  la  matinée,  la  ceinture  de  pénitence,  et 
je  la  porterai  le  vendredi  tout  le  jour.  i>  (Pensées,  p.  4.)  Saint  Vin- 
cent corrigea  le  règlement  et  remplaça  la  discipline  par  «  une  cein- 
ture de  petites  rosettes  d'argent  ». 

Lettre  61.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Cette  lettre  précède  de  un  ou  deux  jours  tout  au  plus  le  départ 

de  Louise  de  Marillac  pour  Montreuil,  011  elle  était  le  31  mars  1631. 


cieuse.  Je  pense  qu'on  lui  a  aidé  ;  mais,  si  elle  est  de  son 
cru,  il  y  a  sujet  d'espérer  qu'il  aura  du  jugement.  Je 
pense  qu'il  sera  bon  de  différer  son  retour  au  vôtre  et 
que  vous  ne  laissiez  point  de  faire  votre  voyage.  Donnez- 
lui  donc  terme  d'ici  à  quinze  jours  et  dites-lui  que  vous 
l'enverrez  quérir  quand  vous  reviendrez  -,  et  lui  mandez 
que  vous  avez  résolu  de  le  mettre  aux  Jésuites  pension- 
naire, aân  qu'il  étudie  ^  ;  et  sera  à  propos,  à  votre 
retour,  d'en  parler  à  ces  Pères  et  de  retenir  sa  place 
avant  qu'il  revienne,  pour  l'envoyer  de  la  communauté  * 
aux  Jésuites  avec  sa  soutane,  sans  loger  chez  vous.  Il 
vous  coûtera  plus  qu'il  ne  fait  ;  mais  quoi  !  il  faut  croire 
que  celle  qui  affectiorme  la  sainte  pauvreté  au  souverain 
degré  ne  saurait  s'appauvrir. 

Pour  mon  voyage,  je  n'y  pense  point  seulement  ;  le 
grand  même  est  interrompu  ou  notamment  différé  et 
je  n'en  vois  point  à  présent  de  moindres.  Soyez  donc 
en  repos  de  ce  côté-là  et  allez  avec  la  bénédiction  de 
Dieu,  que  je  prie  Notre-Seigneur  vous  donner.  Honorez 
la  tranquillité  de  son  âme  et  celle  de  sa  sainte  Mère 
et  soyez  bien  gaie  en  votre  voyage,  puisque  vous  en  avez 
un  grand  sujet  dans  l'occasion  en  laquelle  Notre- 
Seigneur  vous  emploie. 

Vous  pourrez  dire,  s'il  vous  plaît,  à  Monsieur  le  curé  * 
que,  s'il  lui  plaît  que  vous  instruisiez  les  filles  pendant 
quelques  jours  que  vous  serez  à  Alontreuil,  que  vous  le 
ferez  de  bon  cœur.  Il  s'est  allé  devant  vous  chercher  un 
logement  ;  descendez  cependant  et  logez-vous  à  l'hôtel- 


2.  Le  petit  Michel  ne  se  plaisait  pas  à  Saint-Nicolas  ;  il  l'avait 
écrit  à  sa  mère.  Saint  Vincent  est  d'avis  qu'il  reste  au  séminaire  jus- 
qu'à ce  que  sa  mère  soit  de  retour  de  Montreuil. 

3.  Les  Jésuites  tenaient  alors  à  Paris  un  célèbre  collège,  le  col- 
lège   de    Clermont,    devenu  lycée    Louis-le-Grand. 

4.  Le   séminaire    Saint-Nicolas-du-Chardonnet. 

5.  Martin  Le  Marinel,  prêtre  du  diocèse  de  Coutances,  nommé  curé 
de  Montreuil  en  1627,  mort  en   1637. 


—   I03  — 

lerie.  Que  s'il  vous  presse  d'aller  ailleurs,  faites-le  in 
nomine  Domini.  L'hôtellerie  où  vous  serez  plus  commo- 
dément, c'est  chez  la  veuve. 

Adieu,  Mademoiselle,  ressouvenez-vous  de  moi  en  vos 
prières,  qui  suis  votre  très  humble  serviteur. 

V.  Depaul. 

62.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC,  A  MONTREUIL 

Mandez-moi,  je  vous  supplie,  comment  vous  vous  por- 
tez et  combien  vous  faites  état  d'être  à  Montreuil,  et 
ressouvenez-vous  particulièrement  de  prier  Dieu  pour 
moi,  qui,  me  trouvant  hier  entre  l'occasion  d'exécuter 
une  promesse  que  j'avais  faite  et  un  acte  de  charité 
à  l'égard  d'une  personne  qui  nous  peut  faire  du  bien 
et  du  mal,  je  laissai  l'acte  de  charité  pour  accomplir  ma 
promesse,  dont  j'ai  beaucoup  mécontenté  cette  personne- 
là  ;  ce  qui  ne  me  fâche  pas  tant  comme  de  ce  que  j'ai 
suivi  mon  inclination  en  faisant  comme  j'ai  fait,  et  qui 
suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur  et  de  sa  sainte  Mère, 
Mademoiselle,  votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

V.  Depaul. 

De  Paris,  ce  dernier  de  mars  1631. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

63.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 


Lettre  62.   —  L.  a.  —  Original  chez  les  Filles  de  la  Charité  de  la 
rue  Alcxandre-Parodi,    10,  Paris. 

Lettre  63.    —  L.   a.   —  Dossier  des   Filles  de  la  Charité,  original. 


—   I04  — 

Je  suis  fort  consolé  d'avoir  appris  des  nouvelles  de 
votre  santé  et  de  votre  travail,  et  prie  Dieu  qu'il  bénisse 
l'un  et  l'autre  de  plus  en  plus  et  qu'il  soit  votre  conso- 
lation lorsque  je  vous  contristerai,  comme  la  semaine 
passée,  et  pendant  les  peines  intérieures  dorit  il  plaira 
à  Dieu  vous  affliger. 

Je  trouve  bon  tout  ce  que  vous  me  mandez  de  la  Cha- 
rité et  vous  prie  de  proposer  aux  sœurs  tout  ce  que  vous 
trouverez  à  propos  pour  cela,  et  de  l'arrêter,  tant  sur  ce 
que  vous  m'avez  écrit,  que  sur  ce  qui  vous  viendra  en 
pensée  pour  le  mieux,  et  je  vous  enverrai  le  règlement 
en  forme  entre  ci  ^  et  dimanche. 

Pour  Monsieur  votre  fils,  soyez  en  repos  -.  Quand  vous 
viendrez,  nous  en  parlerons,  et  je  ferai  ce  qu'il  faudra, 
et  serai,  en  l'amour  de  Notre- Seigneur,  Mademoiselle, 
votre  très  humble  serviteur. 

V.  Depaul. 

Ce  jour  saint  François  de  Paule.  [2  avril   1631  ^.] 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
à  Montreuil. 


64.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC,  A  MONTREUIL 

[Avril  i63i  K] 

Béni  soit  Dieu,  Mademoiselle,  de  la  bénédiction  et  de 
la  santé  qu'il  vous  donne  !  Je  vous  enverrai,  par  Mon- 
sieur le  curé  ou  par  quelqu'autre,  le  règlement  de  la  Cha- 
rité, que  j'ai  ajusté  à  ce  qui  est  convenable  à  Montreuil. 

1.  Cette  lettre  est  du  mercredi. 

2.  Voir   la    lettre   61. 

3.  Cette  lettre   a  sa  place   à   côté   des  lettres  62   et  64. 

Lettre  64.   —  L.    a.   —  Dossier  des  Filles  de  la   Charité,  original. 

I.  La  comparaison  de  cette  lettre  avec  la  lettre  63  nous  montre 
qu'elle  est  ici  à  sa  place.  Nous  pensons  qu'elle  fut  écrite  le  dimanche 
suivant  6   avril. 


Vous  le  verrez  ;  et  sil  y  a  quelque  chose  à  ôter  ou  à 
ajouter,  mandez-le-moi,  s'il  vous  plaît. 

La  quête  se  fera  difficilement  par  le  village  "  ;  Dieu 
y  a  pourvu  par  celles  de  l'église.  Il  y  a  sujet  d'espérer 
le  même  ^  pour  l'avenir.  Ils  sont  moqueurs  en  ce  pays- 
là,  et  les  femmes  pourraient  tout  quitter.  L'action  *  se 
pourra  faire  par  Monsieur  le  vicaire,  selon  le  règlement. 
J'en  ai  parlé  à  Monsieur  le  curé  \  lequel,  n'y  pouvant 
aller,  vous  envoie  M.  Bécu. 

Pour  ôter  quelqu'une,  je  pense  qu'il  vaut  mieux  tolérer 
toutes  celles  qui  promettront  faire  bien  leur  devoir,  et 
réduire  le  nombre,  par  la  mort  de  celles  qui  décéderont, 
à  soixante.  Celles  qui  seront  reçues  à  la  Charité  seront 
censées  du  Saint-Nom-de-Jésus  ;  et  ne  sera  point  néces- 
saire d'être  de  celles-ci  pour  être  de  celles-là  ^. 

Il  y  a  trois  choses  à  faire  aujourd'hui  :  leur  proposer 
le  règlement  de  la  part  de  Monseigneur  l'archevêque  " 
et  de  M.  le  curé,  pour  procéder  à  nouvelle  élection,  et,  en 
troisième  lieu,  arrêter  le  nombre  de  celles  qui  seront  de 
bonne  volonté.  Pour  le  surplus,  vous  l'introduirez  en  les 
revoyant  dimanche.  Il  faudrait  retirer  parole  d'elles  de 
se  rassembler  ce  jour-là,  ou  bien,  pour  le  moins,  les  offi- 


2.  A  cause  des  moqueries,  qui  auraient  pu  décourager  les  quêteuses. 

3.  Le   même   résultat. 

4.  La    quête. 

5.  Martin    Le    Marinel. 

6.  Nous  lisons  dans  l'acte  d'érection  de  la  Confrérie  :  a  Pour  évi- 
ter la  multiplicité  des  confréries,  avons,  du  consentement  des  con- 
frères de  la  confrérie  du  Saint-Xom-de-Jésus,  uni  et  incorporé,  unis- 
sons et  incorporons  ladite  confrérie  de  la  Charité  à  celle  du  Saint- 
Nom-de-Jésus  établie  audit  ilontreuil.    » 

7.  Jean-François  de  Gondi,  frère  de  l'ancien  général  des  galères 
Philippe-Emmanuel  de  Gondi  et  premier  archevêque  de  Paris,  fit 
beaucoup  pour  saint  Vincent  pendant  toute  la  durée  de  son  épiscopat 
(1622-1654).  Il  lui  donna  la  principalité  du  collège  des  Bons- 
Enfants,  approuva  le  traité  de  fondation  et  les  premiers  règlements 
de  la  congrégation  de  la  Mission,  lui  permit  de  s'établir  à  Saint- 
Lazare,   bref   le  seconda  dans   toutes  les    bonnes    œuvres.   Son   nom, 


lOÔ    

cières,  auxquelles  vous  inculquerez,  s'il  vous  plaît,  leur 
devoir  et  celui  de  la  confrérie. 

Monsieur  votre  fils  se  porte  bien,  à  ce  que  M.  Le  Juge  * 
m'a  mandé,  lequel  lui  a  envoyé  votre  lettre.  Soyez  donc 
en  repos  de  ce  côté-là.  Je  parlerai  cependant  au  collège 
des  jésuites  pour  lui  *. 

Nous  sommes  dans  l'embarras  de  nos  ordres  ".  J'en 
recommande  le  succès  à  vos  prières  et  vous  prie  d'avoir 
soin  de  votre  santé. 

Mademoiselle  Sevin  "  parlait  hier  de  vous  aller  voir, 
si  elle  peut,  avec  Madame  de  Châteaufort  ^-. 

65.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC,  A  MONTREUIL 

Mademoiselle, 

Mon  petit  voyage  que  j'ai  fait  aux  champs,  d'où  je 
revins    avant-hier   au   soir,    m'a    empêché    de   vaquer    à 


comme   celui    de   son    frère  et    de    sa   belle-soeur,    est   au   premier   rang 
dans   la   liste    des   bienfaiteurs   de   la   congrégation   de   la    ^lission. 

8.  Thomas  Le  Juge  fut  un  des  principaux  auxiliaires  de  M.  Bour- 
doise.  Membre  de  la  communauté  de  Saint-Nicolas-du-Chardonnet 
dès  1621,  il  devint  économe  du  séminaire  le  27  janvier  1647  ^^  ^"* 
réélu  le  25  jaillet  1650.  Il  mourut  aveugle  en  1653.  (Schoenher,  of. 
cit.,  t.  I,  p.    182    ;   Darche,  of.  cit.,  t.   I,  pp.  433,  479.) 

9.  Voir  la  lettre  61. 

10.  Les  exercices  des  ordinands  se  donnaient  alors  aux  Bons-En- 
fants. 

11.  Mademoiselle  Sevin,  de  son  premier  nom  Marie  Véron,  était 
là  sœur  du  savant  curé  de  Charenton,  François  Véron,  très  réputé 
de  son  temps  comme  controversiste,  et  la  mère  de  Gertrude-Elisabeth 
Sevin,  qui  venait  d'entrer  au  monastère  de  la  Visitation.  Son  mari, 
Jacques  Sevin,  correcteur  en  la  cour  des  comptes,  était  mort  en  dé- 
cembre 1615.  C'est  elle  qui  fit  adopter  dans  toutes  les  paroisses  de 
Paris  l'usage  de  la  marmite  pour  la  distribution  des  secours  aux 
pauvres.  Sa  grande  charité  et  la  proximité  de  son  domicile  l'avaient 
mise  en  rapport  avec  saint  Vincent,  qui  s'aidait  souvent  de  ses  con- 
seils.  (Année  sainte,  t.   IV,   p.  263-264.) 

12.  Peut-être  Honorée  ou  Honorade  de  Forbin,  femme  du  sieur 
d'Aiguillenqui,    seigneur   de   Châteaufort. 

Lettre  65.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.  11.  L'original  a  été  mis  en 
vente   chez  M.  Charavay,  qui  l'annonce  en  ces  termes  dans  son  cata- 


—  107  — 

l'affaire  de  Monsieur  votre  fils,  joint  l'occupation  des 
ordinands.  L'on  m'a  dit  que  Dieu  bénit  votre  travail, 
dont  je  le  remercie  de  tout  mon  cœur,  et  le  prie  qu'il 
vous  ramené  pleine  de  santé  et  de  bonnes  œuvres  l'un 
des  jours  de  la  semaine  prochaine  que  vous  jugerez 
à  propos,  pour  être  ici  aux  offices  de  la  semaine  sainte. 

De  Paris,  ce  vendredi  ii  avril  i63i. 


66    —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Avril  i63i  '.] 

J'ai  reçu  votre  lettre  de  mercredi.  Mademoiselle,  à 
mon  retour  de  la  mission,  d'oia  je  revins  le  même  jour  ', 
et  vous  ai  fait  réponse  ^  que  j'ai  envoyée  à  ^Monsieur 
le  curé  de  Montreuil.  Je  vous  disais  par  ma  lettre  comme 
j'ai  assuré  une  place  qu'on  m'a  promise  pour  M.  votre 
fils  aux  pensioimaires.  C'est  le  principal  qui  me  l'a 
promise  et  de  fort  bonne  façon.  J'ai,  de  plus,  envoyé  à 


logue  :  «  Lettre  autographe  signée  à  Mademoiselle  Le  Gras  à  Mon- 
treuil. De  Paris,  ce  vendredi  2  avril,  i  page  ^1-4".  Le  petit  voyage 
qu'il  a  fait  aux  champs,  d'où  il  est  revenu  avant-hier  au  soir,  l'a 
empêché  de  vaquer  à  l'affaire  de  Monsieur  son  fils.  Il  a  néanmoins 
fait  retenir  parole  au  R.  P.  Lateman,  principal  du  collège  des  jé- 
suites,  qu'il   le   recevra  pensionnaire,    etc.   » 

M.  Charavay  a  mal  lu  le  quantième  du  mois.  Il  est  impossible 
que  la  lettre  ait  été  écrite  le  2  avril,  car  :  1°  Nous  avons,  datée  de 
ce  même  jour,  une  lettre  qui  est  antérieure  à  celle-ci  ;  2°  le  2  avril 
i63r  était  un  mercredi  et  non  un  vendredi  ;  3°  d'après  le  contenu,  la 
lettre  est  de  la  semaine  qui  précédait  la  semaine  sainte  ;  or,  en 
1631    la   semaine   sainte   commençait  le    r3   avril. 

Le  II  avril  tombait  un  vendredi,  deux  jours  avant  le  dimanche 
des    Rameaux.    Cette    date    semble    donc  s'imposer. 

Lettre  66.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  au  commencement  de  la  semaine  sainte, 
au  plus  tard   le  mardi  saint   15   avril. 

2.  L'absence  du  saint  avait  été  courte  ;  il  était  allé  se  rendre 
compte  des  résultats  d'une  mission  donnée  par  les  siens. 

3.  C'est  la  lettre  65,  dont  nous  n'avons  donné  qu'un  fragment. 


—  io8  — 

Monsieur  Yart  "^  celle  que  vous  lui  écrivez,  selon  laquelle 
j'espère   que   mondit   sieur   votre   fi.ls   sera   bientôt   ici. 

Puisqu'il  n'a  point  plu  à  Dieu  que  vous  ayez  fait 
autre  chose  pour  la  Charité,  il  l'en  faut  louer  et  estimer 
qu'il  ne  veut  point  autre  chose  pour  encore.  Or,  vos 
filles  étant  instruites,  que  reste-t-il  à  faire  et  à  quoi 
tiendra-t-il  que  vous  ne  reveniez  demain  ?  L'on  a  bien 
besoin  ici  de  vous  à  la  Charité  de  Saint-Sulpice,  où  l'on 
y  a  donné  quelque  commencement  ;  mais  cela  va  si  mal, 
à  ce  qu'on  m'a  dit,  que  c'est  une  pitié.  Peut-être  que  Dieu 
vous  réserve  l'occasion  d'y  travailler. 

Je  m'en  pars  aujourd'hui  pour  aller,  si  je  puis,  à  six 
lieues  d'ici,  d'où  j'espère  revenir  demain  ;  ce  qu'atten- 
dant, je  suis,  en  l'amour  de  Notre- Seigneur,  votre  très 
humble  serviteur. 

V.  Depaul. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras 
à  Monj:reuil. 

67.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Samedi,  à  9  heures.  [Avril  i63i  '.] 
Mademoiselle, 

Je  me  promettais  la  consolation  de  vous  aller  voir  ; 
mais  j'ai  été  contraint  de  partir  inopinément  pour  le  bois 
de  Vincennes  ".  Votre  cher  cœur  me  le  pardonnera  ;  et 

3.  François  Wiart  ou  Wyart,  prêtre  du  séminaire  de  Saint-Nicolas- 
du-Chardonnet,  né  à  Maries,  au  diocèse  de  Laon,  mort  en  1661  à 
Laon,  oii  il  travaillait  à  fonder  le  séminaire.  Il  fut  économe  ou  su- 
périeur des  Nicolaïtes  de  1639  à  1647. 

Lettre  67.    —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la   Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  semble  écrite  avant  la  reprise  des  classes,  peut-être 
le  premier  samedi  qui  suivit  la  semaine  de  Pâques,  c'est-à-dire  le 
26  avril. 

2.  Localité   de   la  banlieue-est   de   Paris. 


—  109  — 

au  retour,  Dieu  aidant,  nous  parlerons  de  tout,  vous 
disant  cependant,  par  précaution,  que  je  suis  bien  aise 
de  ce  que  le  petit  s'est  résolu  au  collège  ^,  que,  pour  la 
pension,  de  l'autre  ^,  il  n'y  a  remède.  Il  faut  entrer  par 
cette  porte  pour  l'accoutumer.  Les  pensions,  à  mon  avis, 
sont  de  deux  cents  livres  pour  personne  ;  et  je  pense 
qu'il  y  en  a  qui  paient  plus  ;  mais  je  crois  qu'il  se  con- 
tentera de  cela. 

Pour  la  personne  que  vous  désirez  ôter,  il  n'y  a  point 
de  danger  pour  en  avoir  une  selon  votre  cœur  ;  mais 
celle  dont  vous  me  parlez  ne  vous  sera  pas  propre, 
comme  je  pense.  Il  vous  en  faut  une  toute  neuve  ou 
dévote,  qui  vous  honore  et  craigne,  ou  qui  ait  mêmes 
pensées  que  vous  ;  demandez-en  une  à  Dieu.  Quant  à  la 
saisie  dont  vous  me  parlez,  il  n'y  a  point  d'inconvénient 
d'en  user  ainsi  que  vous  me  mandez. 

Adieu,  ma  chère  fille  ;  tenez-vous  bien  gaie.  Au  retour, 
nous  parlerons  de  tout  ce  dessein  et  de  votre  voyage  des 
champs.  Défendez  à  votre  cœur  de  murmurer  contre  le 
mien  de  ce  que  je  m'en  vas  sans  vous  parler,  pource 
que  je  n'en  savais  rien  au  matin.  J'espère  vous  revoir 
dans  huit  ou  dix  jours,  et  en  attendant,  je  suis  votre 
serviteur  \ 

68.  —  A  ISABELLE  DU  FAY 

[Entre  1626  et  lôSi  *.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

3.  Au   collège   de    Clermont. 

4.  De  l'autre,   d'autre   part. 

5.  La   lettre   était   vraisemblablement   signée    ;    une   découpure   ma- 
ladroite a  fait  disparaître  le  bas  de  l'original. 

Lettre  68.     —  Reg-   i,  f°  4.   Le  copiste  note  que  l'écriture  de  l'ori- 
ginal était  celle  du  saint. 

I.    D'une   part,    le   nom    de    Mademoiselle   du   Fay   ne   paraît   dans 


Me  voici  revenu  ;  mais  en  doute  s'il  ne  me  faut  point 
retourner  aux  champs  pour  sept  ou  huit  jours  ;  et  pour- 
ce  que  nous  avons  quelques  affaires  qui  m'occuperont 
aujourd'hui  et  m'empêcheront  le  bonheur  de  vous  aller 
voir  chez  vous,  je  vous  supplie  très  humblement  de  me 
faire  la  faveur,  si  vous  venez  vers  ces  quartiers  environ 
les  deux  heures,  de  m'envoyer  quérir  chez  Mademoiselle 
Le  Gras,  et  je  vous  y  irai  trouver,  ou  vous  supplierai  de 
venir  jusques  à  Sainte-Marie  du  faubourg,  au  cas  que  je 
ne  me  puisse  rendre  chez  madite  demoiselle  à  cette 
heure-là.  Vous  voyez  bien,  Mademoiselle,  la  confiance 
que  j'ai  que  votre  cœur  n'a  jamais  de  volonté  et  qu'il  se 
laisse  tourner  à  toute  main.  Oh  !  heureuse  assiette  d'un 
cœur  qui  est  en  cet  état  ! 

Bonjour,  Mademoiselle.  Je  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seig-neur  et  de  sa  sainte  Mère,  votre  très  humble  ser- 
viteur. 

Vincent  Depaul. 


69.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Mai    1631  1.] 

Ma  petite  indisposition  n'est  point  ma  petite  fièvre 
ordinaire,  mais  un  petit  mal  de  jambe,  à  cause  d'une 
petite  atteinte  d'un  coup  de  pied  de  cheval,  et  d'une  pe- 
tite tumeur,  qui  avait  commencé  huit  ou  quinze  jours 
auparavant  ;  ce  qui  est  si  peu  de  chose  que,  n'était  un 
peu  de  tendresse  qu'il  y  a  en  mon  fait,  je  ne  laisserais 

aucune  des  lettres  qui  sont  certainement  antérieures  à  1626  ;  de  l'au- 
tre, il  semble  que  celle-ci  a  été  écrite  avant  que  saint  Vincent  se  soit 
transporté   à  Saint-Lazare    (8  janvier   1632). 

Lettre  69.   —  L.    a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  M.  Vincent  n'aurait  pas  attendu  plus  longtemps  pour  dire  à 
Louise  de  Marillac  d'envoyer  une  lettre  de  remerciements  à  M.  Bour- 
doise. 


point  d'aller  par  ville.  Je  vous  remercie  du  soin  que  vous 
en  avez  et  vous  prie  de  ne  vous  en  mettre  point  en  peine, 
pource  que  ce  n'est  rien. 

Pour  la  peine  -  intérieure  qui  vous  a  fait  retirer  de 
la  sainte  communion  aujourd'hui,  vous  avez  un  peu  mal 
fait.  Voyez-vous  pas  bien  que  c'est  une  tentation  ?  et 
faut-il,  en  ce  cas,  donner  prise  à  l'ennemi  de  la  sainte 
communion  ?  Pensez-vous  devenir  plus  capable  de  vous 
approcher  de  Dieu  en  vous  en  éloignant  qu'en  vous  en 
approchant  ?  Oh  !  certes,  c'est  une  illusion. 

Et  pour  le  petit  Michel,  n'est-ce  pas  une  autre  ten- 
tation de  vous  troubler  par  l'appréhension  de  la  su- 
jétion qu'il  faudra  lui  rendre  ?  Oh  !  certes,  Notre- 
Seigneur  a  bien  fait  de  ne  vous  pas  prendre  pour  sa 
mère,  puisque  vous  ne  pensez  pas  trouver  la  volonté  de 
Dieu  dans  le  soin  maternel  qu'il  requiert  de  vous  pour 
votre  fils  ;  ou  peut-être  que  vous  pensez  que  cela  vous 
empêchera  de  faire  la  volonté  de  Dieu  en  autre  chose  ; 
rien  moins  encore,  pource  que  la  volonté  de  Dieu  ne 
s'oppose  point  à  la  volonté  de  Dieu.  Honorez  donc  la 
tranquillité  de  la  sainte  Vierge  en  cas  pareil. 

Je  suis  bien  aise  de  ce  que  vous  nous  enverrez  demain 
ce  bon  enfant  et  de  ce  qu'il  passera  la  matinée  céans. 
J'espère  aussi  que  vous  lui  permettrez  d'y  faire  peinture 
et  que  vous  honorerez  la  tranquillité  de  l'âme  de  Xotre- 
Seigneur  par  un  parfait  acquiescement  à  sa  sainte 
volonté  en  toutes  choses. 

Quant  à  la  communauté  ^,  il  sera  bon  que  vous  pre- 
niez la  peine  de  les  remercier  bien  affectueusement.  Mais 
pour  aucun  présent,  je  ne  pense  pas  que  vous  soyez 
maintenant   si   accommodée  que  vous   leur  en   puissiez 


2.  Première  rédaction   :  douleur. 

3    La    communauté    des     prêtres     de   Saint-Xicolas-du-Chardonnet. 
Le  petit   Micbel   était  resté  chez  eux  près   de  trois  ou  quatre  ans. 


faire  beaucoup.  Honorez  la  sainte  pauvreté  de  Notre- 
Seigneur  ''.  Et  puis  rien  ne  les  contentera  tant  que  la 
reconnaissance  de  paroles.  Et  si  le  petit  Michel  écrivait 
une  petite  lettre  de  remerciement  à  M.  Bourdoise,  il  me 
semble  que  cela  serait  bien. 

Ressouvenez-vous,  s'il  vous  plaît,  de  Saint-Sulpice  et 
de  moi  en  vos  prières,  qui  suis  votre  serviteur. 

Siiscrifùon  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


70.  —  A  ANTOINE  PORTAIL,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 
AUX  CÉVENNES 

21  juin  i63i. 
Monsieur, 

La    grâce    de    Notre-Seigneur    soit    avec    vous  pour 


jamais 


J'espère  beaucoup  de  fruit  de  la  bonté  de  Notre- 
Seigneur,  si  l'union,  la  cordialité  et  le  support  sont  entre 
vous  deux.  Au  nom  de  Dieu,  Monsieur,  que  ce  soit  là 
votre  grand  exercice  ;  et  parce  que  vous  êtes  le  plus 
ancien,  le  second  de  la  compagnie  et  le  supérieur,  sup- 
portez tout,  je  dis  tout,  du  bon  M.  Lucas  ;  je  dis  encore 
tout,  de  sorte  que,  vous  déposant  de  la  supériorité, 
ajustez-vous  à  lui  en  charité.  C'est  le  moyen  par  lequel 
Notre-Seigneur  a  gagné  et  dirigé  les  apôtres  et  celui 
seul  par  lequel  vous  viendrez  à  bout  de  M.  Lucas.  Selon 
cela,  dormez  lieu  à  son  humeur  ;  ne  lui  contredites  ja- 
mais sur  l'heure  ;  mais  avertissez-le  cordialement  et 
humblement  après.  Surtout  qu'il  ne  paraisse  pomt  au- 

4.  Des  ratures  recouvrent  cette  phrase  et  la  précédente.  La  qua- 
lité de  l'encre  permet  de  croire  qu'elles  sont  de  saint  Vincent  à  par- 
tir du  mot  beaucou-p. 

Lettre  70.  —  Recueil  des  exhortations  et  lettres  de  saint  Vincent, 
deuxième  partie,   p.    iio. 


cune  scission  entre  vous.  Vous  êtes  là  sur  un  théâtre  sur 
lequel  un  acte  d'aigreur  est  capable  de  tout  gâter.  J'es- 
père que  vous  en  userez  de  la  sorte  et  que  Dieu  se  ser- 
vira d'un  million  d'actes  de  vertu  que  vous  pratiquerez 
là  dedans,  comme  de  base  et  de  fondement  au  bien  que 
vous  devez  faire  en  ce  pays-là. 

71.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Avant  i632'.] 

Je  vous  remercie  de  l'argent  que  [vous]  m'avez  envoyé, 
Mademoiselle,  et  vous  prie  de  vous  mortifi.er  d'entendre 
demain  la  messe  ici,  parce  que  je  la  dirai  dès  les  quatre 
heures  et  que  vous  ne  pourriez  vous  lever  à  cette  heure- 
là  sans  vous  mettre  en  danger  de  retomber. 

Quant  au  reste,  je  vous  prie  une  fois  pour  toutes  de 
n'y  point  penser,  jusques  à  ce  que  Notre-Seigneur  fasse 
paraître  qu'il  le  veut,  qui  donne  maintenant  les  senti- 
ments contraires  à  cela.  L'on  désire  plusieurs  bonnes 
choses  d'un  désir  qui  semble  être  selon  Dieu,  et  néan- 
moins il  ne  l'est  pas  toujours.  Ains  Dieu  permet  cela  pour 
la  préparation  de  l'esprit  à  être  selon  ce  qu'on  désire. 
Saiil  cherchait  une  ânesse  ;  il  trouva  un  royaume  ;  saint 
Louis,  la  conquête  de  la  terre  sainte,  et  il  trouva  la  con- 
quête de  soi-même  et  de  la  couronne  du  ciel.  Vous  cher- 
chez à  devenir  la  servante  de  ces  pauvres  filles  ^,  et  Dieu 
veut  que  vous  soyez  la  sienne,  et  peut-être  de  plus  de  per- 


Lettre  71.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
Il  n'est  pas  facile  de  bien  saisir  le  sens  de  cette  lettre  ;  l'interprétation 
qu'en  donne  Abelly  (t.  I,  chap.  xxiv,  p.  113)  semble  quelque  peu 
contradictoire. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  avant  la  fondation  des  Filles  de  la 
Charité   et    l'acquisition    du    prieuré    de    Saint-Lazare. 

2.  Les  filles  que  Louise  de  Marillac  employait  à  l'instruction  des 
enfants  dans  les  villages  et  au  soin  des  malades  dans  les  confréries 
de  la  Charité. 

8 


—   114  — 

sonnes  que  vous  ne  le  seriez  en  cette  façon  ;  et  quand 
vous  ne  seriez  que  la  sienne,  n'est-ce  pas  assez  pour  Dieu 
que  votre  cœur  honore  la  tranquillité  de  celui  de  Notre- 
Seigneur  ?  Et  il  sera  propre  et  en  état  de  le  servir.  Le 
royaume  de  Dieu  est  la  paix  au  Saint-Esprit  ;  il  régnera 
en  vous,  si  votre  cœur  est  en  paix.  Soyez-le  donc.  Made- 
moiselle, et  vous  honorerez  souverainement  le  Dieu  de 
paix  et  de  dilection. 

Je  me  recommande  à  vos  prières  et  vous  souhaite  le 
bonsoir  avec  autant  de  tendresse  de  mon  cœur  que  je 
suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  serviteur. 

Suscriftion  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras 

72.  —  A  FRANÇOIS  DU  COUDRAY,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 

A  ROME  * 

Du  20  juillet  i63i. 

Vous  voilà  donc  enfin  arrivé  à  Rome,  où  est  le  chef 
visible  de  l'Eglise  militante,  où  sont  les  corps  de  samt 
Pierre  et  de  saint  Paul  et  de  tant  d'autres  martyrs  et 
saints  personnages,  qui  ont  d'autres  fois  donné  leur  sang 
et  employé  toute  leur  vie  pour  Jésus-Christ.  O  Monsieur, 
que  vous  êtes  heureux  de  marcher  par-dessus  la  terre  où 
ont  marché  tant  de  grands  et  saints  personnages  !  Cette 
considération  m'émut  tellement  lorsque  je  fus  à  Rome  il 
y  a  trente  ans  ^,  que,  quoique  je  fusse  chargé  de  péchés, 


Lettre  72.  —  Reg.   2,  p.   i. 

1.  On  sait  les  démarches  inutiles  que  le  saint  avait  faites  en  1628 
pour  obtenir  l'approbation  de  son  Institut.  Le  seul  moyen  d'aboutir 
était  d'avoir  à  Rome  un  procureur  chargé  de  le  représenter  et  de  né- 
gocier en  son  nom.  François  du  Coudray  fut  choisi  et  partit  en  mai 
1631.  Le  12  janvier  1632,  la  congrégation  de  la  Mission  était  officiel- 
lement reconnue  et  les  faveurs  demandées  pour  elle  accordées. 

2.  Le  voyage  que  saint  Vincent  fit  à  Rome  en  1607,  après  sa  cap- 
tivité, n'était  pas  le  premier.  Le  saint  affirme  à  plusieurs  reprises, 
dans  ses  conférences  aux  missionnaiies  (Conf.  du  17  octobre  1659, 
2^  point)    et  aux  Filles  de  la  Charité    (Conf.   du  30  mai    1647  et  du 


—  115  — 

je  ne  laissai  point  de  m'attendrir,  même  jusqu'aux  lar- 
mes, ce  me  semble.  Je  pense,  Monsieur,  que  c'est  cette 
même  considération  qui  vous  fortifia  et  conserva  la  nuit 
que  vous  arrivâtes  à  Rome,  là  où,  après  avoir  été  bien 
harassé  par  le  chemin  de  30  milles  que  vous  fîtes  à  pied, 
vous  fûtes  contraint  de  coucher  sur  la  dure  et  de  travail- 
ler tout  le  lendemain  avec  l'ardeur  du  soleil  pour  entrer 
dans  la  ville.  Oh   !  que  de  mérites  vous  vous  êtes  acquis 


par  ce  moyen 


73    —  A  FRANÇOIS  DU  COUDRAY,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 
A  ROME 

i63i. 

Vous  devez  faire  entendre  que  le  pauvre  peuple  se 
damne,  faute  de  savoir  les  choses  nécessaires  à  salut 
et  faute  de  se  confesser.  Que  si  Sa  Sainteté  savait  cette 
nécessité,  elle  n'aurait  point  de  repos  qu'elle  n'eût  fait 
son  possible  pour  y  mettre  ordre  ;  et  que  c'est  la  con- 
naissance qu'on  en  a  eue  qui  a  fait  ériger  la  compagnie 
pour,  en  quelque  façon,  y  remédier  ;  que,  pour  ce  faire, 
il  faut  vivre  en  congrégation  et  observer  cinq  choses 
comme  fondamentales  de  ce  dessein  :  1°  de  laisser  le 
pouvoir  aux  évêques  d'envoyer  les  missiormaires  [dans] 
la  part  de  leur  diocèse  qu'il  leur  plaira  ;  2°  que  lesdits 
prêtres  soient  soumis  aux  curés  où  ils  iront  faire  la  mis- 
sion, pendant  le  temps  d'icelle  ;  3°  qu'ils  ne  prennent 
rien  de  ces  pauvres  gens,  mais  qu'ils  vivent  à  leurs  dé- 
pens ;  4°  qu'ils  ne  prêchent,  ni  catéchisent,  ni  confessent 
dans  les  villes  où  il  y  a  archevêché,  évêché  ou  présidial, 
excepté  les  ordineinds  et  ceux  qui  feront  les  exercices 
dans  la  maison  ;   5°  que  le  supérieur   de  la  compagnie 

19   septembre    1649)    avoir  vu   Clément   VIII,   qui   occupa    le   Siège   de 
saint  Pierre  de   1592  à  1605. 

Lettre  73.  —  Reg.  2,  p.    i. 


-    ii6  — 

ait  l'entière  direction  d'icelle  ;  et  que  ces  cinq  maximes 
doivent  être  comme  fondamentales  de  cette  congré- 
gation. 

Notez  que  l'avis  de  M.  Duval  ^  est  qu'il  ne  faut  point 
que  l'on  change  rien  du  tout  au  dessein  dont  je  vous 
envoie  les  mémoires.  Baste  pour  les  paroles  ;  mais  pour 
la  substance,  il  faut  qu'elle  demeure  entière  ;  autrement, 
l'on  n'y  pourrait  rien  changer  ni  ôter  qui  ne  portât  un 
très  grand  préjudice.  Cette  pensée  est  de  lui  seul,  sans 
que  je  lui  en  aie  parlé.  Tenez-y  donc  ferme  et  faites 
entendre  qu'il  y  a  longues  années  que  l'on  pense  à  cela 
et  qu'on  en  a  l'expérience. 

74.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[i63i  *.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Vous  êtes  une  brave  femme  d'avoir  ainsi  accommodé 
le  règlement  de  la  Charité  -,  et  je  le  trouve  bien.  Pour 


I.  André  Duval,  célèbre  docteur  de  Sorbonne,  auteur  de  plusieurs 
savants  ouvrages,  ami  et  conseiller  de  Vincent  de  Paul,  né  à  Pontoise 
le  15  janvier  1564,  mort  à  Paris  le  9  septembre  1638.  Le  saint  ne 
prenait  aucune  décision  importante  sans  recourir  à  ses  lumières.  Il 
demanda  son  avis  avant  d'accepter  la  maison  de  Saint-Lazare 
(Abelly,  of.  cit.,  t.  I,  chap.  xxii,  p.  97)  et  d'établir  les  vœux  dans  la 
ccngrégation  de  la  Mission  (lettre  du  4  octobre  1647).  L'humble  doc- 
teur s'émut  un  jour  de  voir  son  portrait  dans  une  des  salles  de  Saint- 
Lazare.  Il  insista  tellement  que  saint  Vincent  dut  enlever  le  tableau. 
{Vie  d'André  Duval,  docteur  de  Sorbonne,  par  Robert  Duval,  son  ne- 
veu, ms.  ;  Un  confesseur  de  saint  Vincent  de  Paul,  par  J.  Calvet, 
dans  les  Petites  Annales  de  Saint  Vincent  de  Paul,  mai  1903,  p.  135.) 

Lettre  74.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  peu  de  temps  après  l'établissement  de  la 
Charité  de  Saint-Nicolas-du-Chardonnet,  alors  que  la  peste  sévissait  à 
Paris.  Ces  deux  circonstances  réunies  indiquent  clairement  l'année 
1631. 

2.  La   Charité  de   Saint-Nicolas. 


—  117  — 

Monsieur  le  procureur  général  ^  je  ne  sais  s'il  y  a  danger 
de  lui  dire  que  c'est  la  même  que  j'établis  oii  nous  allons 
faire  la  mission,  et  laquelle  il  m'a  témoigné  d'autres  fois 
qu'il  désirait  bien  qu'elle  fût  établie  à  Paris,  et  me 
commanda  de  conférer  des  moyens  de  ce  faire  avec 
Monsieur  de  Saint-Nicolas  *  et  feu  Monsieur  de  Saint- 
Sauveur  ^  ;  mais  cela  ne  réussit  pas. 

Vous  ne  m'avez  pas  mandé  si  Monsieur  de  Saint- 
Nicolas  a  été  à  l'évêché. 

Je  voudrais  bien  savoir  s'il  y  a  de  la  contagion  ^  à 
l'entour  de  cette  paroisse  ou  au  dedans,  et  si  vos  dames  ^ 
craignent. 

Je  m'en  vas  boire  de  l'eau  de  Monsieur  Deure  tantôt. 
Dieu  veuille  que,  si  elle  me  profite,  que  j'en  use  bien  ! 

J'oubliais    à   vous   dire    de     Monsieur     le    procureur 


3.  Mathieu  Mole,  né  en  1584,  procureur  général  en  1614,  premier 
président  en  1641.  Nommé  garde  des  sceaux  le  3  avril  1651,  démis- 
sionnaire le  13,  renommé  le  9  septembre,  il  garda  sa  charge  de  pre- 
mier président  jusqu'au  jour  où  la  reine  régente  l'appela  à  la  cour 
hors  de  Paris.  Mathieu  Mole  mourut  le  3  janvier  1656.  (Cf.  Le  Par- 
lement  et  la  Fronde.    La  vie  de  Mathieu  Mole,   Paris,    1859,    in-8°.) 

4.  C'était  le  doux  et  zélé  Georges  Froger,  docteur  de  Sorbonne, 
curé  de  Saint-Xicclas  depuis  1603.  Il  dirigea  la  communauté  des 
Filles  de   la   Croix   pendant  cinq  ans  et  mourut  le  3   septembre   1656. 

5.  Hollandre,  docteur  de  Sorbonne,  qu'avait  remplacé,  le  5  mai 
1628,  Jacques  Foumier,  originaire  du   Mans. 

6.  La  peste  de  1631  causa  d'effrayants  ravages.  Dans  une  quête 
faite  à  domicile  pour  remédier  à  la  détresse  des  hôpitaux,  on  avait 
eu  l'imprudence  d'accepter  du  drap  et  du  linge.  Ces  dons  répartis 
entre  l' Hôtel-Dieu,  qui  eut  les  deux  tiers,  et  les  hôpitaux  des  pau- 
vres enfermés,  développèrent  la  contagion.  L'hôpital  Saint-Louis  se 
remplit  de  pestiférés  ;  celui  de  la  Santé  leur  ouvrit  aussi  ses  portes. 
En  octobre  1631,  l'Hôtel-Dieu  et  les  hôpitaux  Saint-Louis  et  Saint- 
Marcel  avaient  plus  de  2.400  malades.  L'Hôtel-Dieu  fit  un  emprunt  de 
20.000  livres  ;  l'archevêque  de  Paris  ordonna  à  ses  prêtres  de  provo- 
quer et  de  recueillir  des  secours.  Ce  fut  aux  mois  de  septembre  et 
d'octobre  que  le  fléau  sévit  avec  le  plus  de  violence.  Paris  avait 
déjà  été  éprouvé  par  le  terrible  mal  en  1623  et  1625.  En  1636  et 
1638,  la  peste  fera  de  nouveau  son  apparition,  mais  durera  peu  et 
pourra  être  localisée.  (Cf.  Michel  Félibien,  of.  cit.,  t.  V,  pp.  69,  80, 
82.) 

7.  Les   dames  de  la   Charité  de   Saint-Nicolas. 


—  ii8  — 

général  que,  s'il  vous  dit  qu'il  m'en  parlera,  que  vous  lui 
fassiez  entendre  que  je  ne  sors  point.  Que  s'il  ne  fait 
point  difficulté  à  la  chose,  vous  n'aurez  à  faire  de  lui 
parler  de  moi,  qui  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur 
et  de  sa  sainte  Mère,  votre  très  humble  et  obéissant 
serviteur. 

Vincent. 

75.  —  a  louise  de  marillac 

[2  septembre  i63i  1.] 

Ces  lignes  seront  pour  vous  dire  derechef  adieu  et 
pour  vous  prier  d'avoir  bien  soin  de  votre  santé.  Pour 
celle  de  M.  votre  &ls,  ne  vous  en  mettez  pas  en  peine  ; 
nous  en  avons  soin  '.  Ecrivez-nous  souvent,  s'il  vous 
plaît. 

J'écris  au  R.  P.  de  Gondy  qu'il  me  semble  qu'il  est  bon 
que  vous  alliez  commencer  au  Mesnil  ^  ;  et,  selon  que  la 
chose  réussira,  nous  aviserons  à  l'autre  lieu  ;  et  si  je  ne 
vous  en  adresse  point  d'autre,  celui  de  Bergier  ^  me  semble 
le  plus  convenable,  puis  Loisy  ^.  Monsieur  Ferrât,  bailli 
des  terres  ^,  qui  se  tient  à  Vertus  '',  vous  adressera  par- 
tout. J'écrirai  audit  sieur  Ferrât  et  à  Monsieur  le  curé 
du  Mesnil.  Vous  recevrez  les  lettres  vendredi  matin  à 
Montmirail. 

Effacez  cependant  de  votre  esprit  la  raison  que  vous 

Lettre  75.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  date  est  marquée  sur  la  page  de  l'original  laissée  en 
blanc  ;  son  exactitude  peut  être  contestée  ;  la  lettre  n'est  certainement 
pas  antérieure  au  29  août. 

2.  C'était  le  temps  des  vacances. 

3.  Le  Mesnil-sur-Oger    (Marne). 

4.  Aujourd'hui   Bergères-lès- Vertus    (Marne). 

5.  Loisy-en-Brie,   où   le   saint   avait   prêché   une  mission   en    1626. 

6.  Bailli  des  terres  du  R.  P.  de  Gondi.  Le  bailli  rendait  la  jus- 
tice au  nom  du  seigneur. 

7.  Aujourd'hui   chef-lieu   de  canton   de   la   Marne. 


—   119 

m'avez  alléguée  pour  laquelle  vous  allez  faire  ce  voyage. 
Vous  ne  sauriez  croire  que  cela  a  contristé  mon  cœur. 
Oh  !  non,  je  ne  suis  pas  fait  de  la  sorte,  Dieu  merci  ; 
ains  Dieu  sait  ce  qu'il  m'a  donné  pour  vous,  et  vous  le 
verrez  au  ciel. 

Je  souhaite  le  bon  jour  à  Mademoiselle  du  Fay,  et 
à  vous,  que  vous  reveniez  chargée  de  mérite  et  de 
bonnes  œuvres,  et  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur, 
V.  s.  V.  P. 

76.  —  AU  CURÉ  DE  BERGÈRES 

Monsieur, 

Monseigneur  le  R.  P.  de  Gondy  ayant  vu  le  grand 
bien  que  fait  Mademoiselle  Le  Gras  à  Montmirail  et 
à  Villepreux  par  l'instruction  des  filles,  il  a  désiré  pro- 
curer le  même  bien  à  celles  de  votre  paroisse  et  a  prié 
cette  bonne  demoiselle  de  prendre  la  peine  de  vous  aller 
voir  pour  cela  ;  ce  que  sa  charité  a  agréé.  Elle  s'en  va 
donc  ;  et  moi  je  vous  supplie  très  humblement  m'assu- 
rer  que  vous.  Monsieur,  serez  bien  aise  que  Notre-Sei- 
gneur vous  présente  cette  occasion  pour  le  bien  des  âmes 
qu'il  vous  a  commises,  et  espère  que  vous,  Monsieur,  et 
vos  paroissiens  en  aurez  de  la  consolation,  s'il  plaît  à 
Dieu  lui  doimer  pareille  bénédiction  chez  vous  qu'il  lui 
a  donnée  aux  autres  lieux  où  elle  a  été.  Or,  afiji  que  votre 
peuple  soit  averti  du  dessein  de  Monseigneur  le  R.  Père 
de  Gondy,  vous  aurez  agréable,  s'il  vous  plaît,  de  les  aver- 
tir au  prône  et  de  les  exciter  à  ce  qu'ils  envoient  leurs 
filles  au  logis  de  ladite  demoiselle,  aux  heures  qu'elle 
vous  proposera.  Elle  est  aussi  fort  entendue  au  fait  de 
la  Charité.  Je  vous  supplie.  Monsieur,  de  lui  faire  voir 

Lettre  76.   —   Manuscrit   Saint-Paul,   p.    15. 


120    

les  femmes  de  la  confrérie  et  de  vous  ressouvenir  de 
moi  en  vos  prières,  qui  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur.... 

De  Paris,  ce  2  septembre  163 1. 

77.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Voici  des  lettres  que  je  vous  envoie  pour  Messieurs 
les  curés  de  Champagne  et  pour  Monsieur  Ferrât.  Vous 
les  fermerez,  si  vous  jugez  à  propos  de  leur  donner, 
comme  je  pense  qu'il  n'y  aura  pomt  de  danger,  quoi  que 
le  R.  P.  de  Gondy  écrive.  Il  m'a  écrit  l'affection  avec 
laquelle  il  vous  attendait  ;  j'espère  que  vous  en  serez 
demeurée  satisfaite. 

Je  persévère  toujours  à  mon  opinion,  à  ce  que  vous 
commenciez  au  Mesnil  et  de  là  à  Bergier  \  à  Loisy, 
à  Soulières  ^,  à  Souderon  ^  et  à  Villeseneux  "*,  si  Mon- 
seigneur ^,  Monsieur  Ferrât  ou  votre  prudence  ne  jugent 
qu'il  soit  mieux  de  faire  autrement. 

Je  ne  vous  envoie  point  d'autre  mémoire,  ne  l'ayant 
pas  jugé  nécessaire.  L'esprit  de  Notre-Seigneur  sera 
votre  règle  et  votre  adresse.  Et  moi  je  me  recommande 
à  vos  prières  pour  notre  retraite  ®,  que  je  m'en  vas  com- 

Lettre  77.  —  L.  a.  —  Original  chez  les  Filles  de  la  Charité  de  la 
rue   Gaudissart,    12,   à  Amiens. 

1.  Aujourd'hui    Bergères. 

2.  Commune  de  la  Marne. 

3.  Aujourd'hui  Soudron    (Marne). 

4.  Autre  commune  du  même  département. 

5.  Henri    Clausse,    évêque    de    Châlons-sur-Marne    (1624-1640). 

6.  Saint  Vincent  et  les  membres  de  sa  communauté  avaient  l'habi- 
tude de  faire  leur  retraite  annuelle  en  commun,  d'ordinaire  en  sep- 
tembre. 


mencer  incontinent  la  présente  écrite,  étant  cependant, 
en  l'amour  de  Notre-Seigneur  et  de  sa  sainte  Mère,  votre 
très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  2  septembre  1631. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
à  Montmirail. 


78.  —  A  FRANÇOIS  DU  COUDRAY,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 

A  ROME 

4  septembre  i63i. 

Un  grand  personnage  en  doctrine  et  en  piété  me 
disait  hier  qu'il  est  de  l'opinion  de  saint  Thomas  :  que 
celui  qui  ignore  le  mystère  de  la  Trinité  et  celui  de 
l'Incarnation,  mourant  en  cet  état,  meurt  en  état  de 
damnation,  et  soutient  que  c'est  le  fond  de  la  doctrine 
chrétienne.  Or  cela  me  toucha  si  fort  et  me  touche  encore 
que  j'ai  peur  d'être  damné  moi-même,  pour  n'être  inces- 
samment occupé  à  l'instruction  du  pauvre  peuple.  Quel 
sujet  de  compassion  !  Qui  nous  excusera  devant  Dieu 
de  la  perte  d'un  si  grand  nombre  d'hommes  qui  peuvent 
être  sauvés  par  le  petit  secours  qu'on  leur  peut  donner  ? 
Plût  à  Dieu  que  tant  de  bons  ecclésiastiques  qui  les 
peuvent  assister  parmi  le  monde,  le  fissent  !  Priez  Dieu, 
Monsieur,  qu'il  nous  fasse  la  grâce  de  nous  redoubler  le 
zèle  du  salut  de  ces  pauvres  âmes. 

79.  —  SAINTE  CHANTAI  A  SAINT  VINCENT 

Seftemhre  i6p. 
Vous  êtes  toujours  ad-tnirahle  en  votre  humilité,  dont  je  re- 

Lettre  78.  —  Reg.  2,  p.  2. 

Lettre  79.  —  Abelly,  op.  cit.,  t.  II,  chap.  viii,  i^e  éd.,  p.  317. 


çois  une  très  grande  et  très  particulière  consolation  mais  spé- 
cialement de  la  satisfaction  que  vous  dites  avoir  reçue  en  la  vi- 
site que  vous  avez  faite  de  notre  maison  du  faubourg.  Ma  sœur 
la  supérieure  ^  7n  écrit  aussi  qu' elle  et  toutes  ses  filles  en  ont 
reçu  un  très  grand  contentement.  Dieu  soit  béni.,  loué  et  glorifié 
de  tout  et  veuille  donner  à  tnon  très  cher  Père  une  gravide 
couronne  four  les  peines  et  charités  qu'il  exerce  envers  nos 
bonnes  sœurs  !  Hélas  !  mon  très  cher  Père,  que  vous  m^étes 
toujours  bon  !  Je  le  connais  par  cette  petite  parcelle  de  larmes 
que  vous  avez  jetées,  voyant  en  gros  nos  dernières  réponses. 


80.  —  A  FRANÇOIS  DU  COUDRAY,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 

A  ROME 

12  septembre  i63i. 

Nous  vivons  d'une  vie  quasi  aussi  solitaire  à  Paris 
que  les  Chartreux,  pource  que,  ne  prêchant  ni  catéchi- 
sant ni  confessant  à  la  ville,  personne  presque  n'a 
à  faire  à  nous,  ni  nous  à  personne  ;  et  cette  solitude 
nous  fait  aspirer  au  travail  de  la  campagne,  et  ce  travail 
à  la  solitude. 


81.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC,  A  MONTMIRAIL 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Puisque  la  Providence  vous  retient  à  Montmirail,  il 
la  faut  adorer  et  faire  ce  que  Dieu  vous  présente  à  faire. 
N'importe  que  cette  personne  ait  quelque  mauvais  bruit  ; 

I.  Marie-Jacqueline  Favre,  qui  fut  «  la  première  religieuse,  la 
seconde  professe  et  la  seconde  Mère  »  de  la  Visitation.  [Année  Sainte 
des  Religieuses  de  la  Visitation  Sainte-Marie,  Annecy,  1867-1871, 
12  vol.  in-8,  t.  VI,  p.  346.)  Sa  biographie  a  été  publiée  dans  les 
Vies  des  premières  Religieuses  de  la  Visitation  Sainte-Marie,  par 
la  M.  de  Chaugy,  Paris,   1852,  2  vol.   in-8,  t.  I,  pp.  3-120. 

Lettre  80.  —  Reg.   2,  p.  34. 

Lettre  81.   —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 


—  i-'3  — 

peut-être  est-il  à  faux,  ou  bien  qu'elle  s'en  sera  corrigée. 
La  Madeleine,  dès  l'instant  de  sa  conversion,  fut  faite 
compagne  de  la  Vierge  et  suivante  de  Xotre-Seigneur. 
Comme  je  suis  grand  pécheur,  je  ne  puis  rejeter  ceux 
qui  l'ont  été,  pourvu  qu'ils  aient  borme  volonté.  Et  puis 
c'est  peut-être  Monsieur  le  prieur  ^  qui  a  suggéré  cette 
pensée  au  R.  P.  de  Gondy,  auquel  je  ne  dirai  rien  de 
l'affaire  ;  car  je  pense  qu'il  la  fera  sans  le  dire  ;  sinon, 
vous  m'en  écrirez,  s'il  vous  plaît. 

Pour  aller  en  quelque  village  d'alentour  de  Mont- 
mirail,  ils  sont  fort  écartés.  Il  n'y  a  pas  apparence  d'y 
rien  faire,  vu  même  la  saison. 

Une  indisposition  que  j'avais  lorsque  le  fils  de 
Madame  Rousseau  vint  céans,  ne  me  permit  pas  de  lui 
parler  ;  mais  je  lui  ai  fait  offrir  de  le  servir  et  le  ferai. 
Assurez-en  la  mère,  s'il  vous  plaît. 

Et  pour  M.  votre  fils,  il  passa  hier  la  journée  céans 
d'une  fort  bonne  façon.  Il  se  porte  bien.  Dieu  merci. 
Lorsqu'il  sera  temps,  l'on  le  fera  purger.  Il  est  monté 
à  la  troisième  ^.  Monsieur  Dehorgny  vous  mande  qu'il 
vous  écrit  ;  mais  le  peu  de  temps  que  nous  avons  eu 
pour  l'en  avertir  fera  que  vous  n'aurez  point  des  lettres 
pour  cette  fois.  Soyez  en  repos  de  lui. 

Madame  Laurent  ^  est  revenue  indisposée  de  Ville- 
preux,  il  y  a  quatre  ou  cinq  jours.  M.  Belin  va  faire 
l'école  des  filles.  Je  lui  ai  mandé  qu'il  sera  relevé  dans 
sept  ou  huit  jours  de  cette  peine  et  ai  parlé  à  une  bonne 


1.  Jean  Josse,  né  à  Château-Thierry  vers  1583,  prieur  de  Montmi- 
rail  de  1620  au  23  septembre  1636,  jour  de  sa  mort.  {Histoire  de 
Monimirail-en-Brie,  par  l'abbé  Boitel,  Montmirail,  1862,  in-12, 
P-    75) 

2.  L'année  scolaire  venait  de  s'ouvrir  au  collège  de  Clermont,  oîi 
Michel   Le   Gras,   alors   âgé   de   dix-huit  ans,   était   pensionnaire. 

3.  Dame  de  Charité.  Elle  faisait  probablement  l'école  aux  filles 
de  Villepreux,  à  la  place  de  Germaine,  qui  accompagnait  Louise  de 
Marillac   dans  sa  tournée. 


124   — 

fille,  laquelle  ne  pourra  y  aller  que  dans  le  temps  que 
je  dis. 

Je  ne  savais  rien  des  nappes  dont  vous  me  parlez. 
J'en  remercierai  Mademoiselle  du  Fay.  Pour  Mademoi- 
selle Guérin,  je  m'en  vas  m' in  former  si  elle  nous  en  a 
envoyé  céans.  Elle  est  venue  ce  matin  me  dire  adieu, 
pource  qu'elle  s'en  est  allée  à  Chartres,  et  m'a  dit  que 
c'est  à  cause  de  la  maladie  qui  augmente  ici.  Il  y  a  entre 
votre  logis  et  céans  deux  maisons  infestées.  M.  Guérin 
et  son  aîné  demeurent  néanmoins  ici. 

Mademoiselle  du  Fay  est  indisposée  le  moins  du 
monde.  M.  de  Vincy  me  vint  voir  hier  et  m'assura  que 
ce  n'est  rien.  Je  vous  dis  le  même  de  moi,  qui  n'ai  pas 
même  eu  mes  petits  sentiments  "^  il  y  a  deux  jours. 

Le  frère  de  Germaine  est  venu  aujourd'hui  céans  ;  je 
lui  ai  baillé  sa  lettre  et  la  quenouille  ;  il  s'en  va  à  Ville- 
preux,  oii  il  donnera  de  ses  nouvelles. 

Comment  va  la  Charité  ?  Les  femmes  font-elles  bien  ? 
Ont-elles  beaucoup  de  malades  et  d'argent  ?  Mademoi- 
selle du  Fresne  est-elle  à  Montmirail  ?  Comment  se 
porte-t-elle  ?  Je  la  salue  de  tout  mon  cœur  et  Made- 
moiselle sa  mère  aussi.  Je  ne  dis  rien  de  Monsieur 
du  Fresne  :  car  je  le  pense  à  la  cour  ;  mais  je  salue 
Germaine  et  vous  dirai  que  la  bonne  Madame  la 
maréchale  de  Marillac^  est  fort  malade  d'un  flux  de 
ventre  au  Roule  ®.  Honorez  la  patience  de  la  sainte  Vier- 


4.  Saint  Vincent  entend  parler  des  frissons  de  la  fièvre,  dont  il 
souffrait  souvent. 

5.  Catherine  de  Médicis,  cousine  de  la  reine,  épouse  du  maréchal 
Louis  de  Marillac,  oncle  de  Louise.  Le  maréchal  languissait  dans 
les  prisons  de  l'Etat  depuis  la  fin  de  1630,  victime  des  rancunes  de 
Richelieu.  On  dit  que  le  chagrin  contribua  beaucoup  à  la  maladie 
de  la  maréchale,  qui  mourut  le  jour  même  où  saint  Vincent  écrivait 
cette   lettre. 

6.  C'était  alors  un  hameau  situé  hors  Paris.  Il  fut  incorporé  à  la 
capitale  en  1722.  (Histoire  de  la  ville  et  de  tout  le  diocèse  de  Paris, 
par  Lebeuf,  Paris,    1883-1893,   7  vol.   in-So,  t.  VI,  p.   515.) 


—  125  — 

ge  en  cela  ;  offrez-en  la  douleur  à  Dieu.  Serait-elle  pas 
bienheureuse  de  laisser  cette  terre  de  misère  et  d'aller 
jouir  de  la  gloire  du  ciel  ? 

Mademoiselle  Guérin  vous  écrit,  et  moi  je  suis,  en 
l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  13  septembre  1631. 

82.  —  A  ISABELLE  DU  FAY 

[i63i'.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Vous  m'obligez  beaucoup,  Mademoiselle,  de  me  ren- 
dre participant  de  l'état  auquel  vous  vous  trouvez.  Je 
vous  en  remercie  et  vous  prie  de  bien  vous  soulager  et  de 
vous  faire  traiter  soigneusement  pour  recouvrer  vos  for- 
ces, et  de  les  bien  ménager  puis  après  pour  servir  Dieu  ; 
car  Notre-Seigneur  le  veut  bien  ainsi.  Mademoiselle,  et 
je  vous  en  prie.  O  mon  Dieu  !  que  les  voies  par  lesquelles 
il  mène  les  siens  sont  admirables  et  adorables.  Made- 
moiselle !  Certes,  rien  ne  lui  coûte  pour  la  sanctification 
d'une  âme.  Il  livre  le  corps  et  l'esprit  à  la  faiblesse  pour 
les  fortifier  dans  le  mépris  des  choses  de  la  terre  et  dans 
l'amour  de  sa  Majesté  ;  il  blesse  et  guérit  ;  il  crucifie 
en  sa  croix  pour  glorifier  en  sa  gloire  ;  bref,  il  donne  la 
mort  pour  faire  vivre  en  l'éternité.  Agréons  ces  appa- 
rences de  mal  pour  avoir  les  véritables  biens  qu'ils  pro- 
duisent, Mademoiselle,  et  nous  serons  bien  heureux  et  en 
ce  monde  et  en  l'autre. 


Lettre  82.  —  Reg.   i,  f"  13  v°.     Le  copiste  note  que  l'original  était 
en   entier  de   la   main   du   saint. 

I.  Année   pendant   laquelle   la  peste  sévit  avec   intensité   à  Paris. 


120    

Au  reste,  je  remercie  la  Mère  des  Elles  de  l'honneur 
qu'elle  me  fait  de  se  ressouvenir  de  moi,  et  lui  promets 
de  lui  faire  raison  de  ses  plaintes.  O  mon  Dieu  !  que  je 
me  promets  un  bon  petit  quart  d'heure  à  lui  ouïr  racon- 
ter le  procédé  de  ses  filles  avec  elle  et  comme  la  com- 
munauté s'est  portée  -  !  Mais  je  désire  bien  que  ce  ne  soit 
pas  si  tôt  ;  car  les  maladies  croissent  ou  pour  le  moins 
ne  diminuent  pas.  L'on  m'a  dit  aujourd'hui  qu'il  fut 
hier  tiré  trois  corps  d'une  maison  proche  Mademoiselle 
Le  Gras  et  qu'il  est  mort  un  Père  de  l'Oratoire  à  Saint- 
Jacques  ^  et  un  autre  à  Notre-Dame-des-Vertus  *. 

Je  vous  souhaite  le  bonsoir  et  suis  votre  serviteur. 

Vincent  Depaul. 


83.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC,  AU  MESNIL 

Mademoiselle, 

Si  Monseigneur  de  Châlons  ^  ne  vous  a  envoyé  quérir 
et  qu'il  soit  proche,  il  me  semble  que  vous  ferez  bien  de 
l'aller  voir  et  de  lui  dire  tout  simplement  à  la  bonne  foi 
pourquoi  le  R.  P.  de  Gondy  vous  a  priée  de  prendre  la 
peine  d'aller  en  Champagne  et  ce  que  vous  faites  ;  et 


2.  Il  semble,  d'après  cette  lettre,  que  Mademoiselle  du  Fay  avait 
un  pied-à-terre  hors  Paris  dans  une  communauté,  probablement 
au  couvent  des  Dominicaines  de  Poissy.    (Cf.  lettre   13.) 

3.  Saint-Jacques-du-Haut-Pas. 

4.  Aubervilliers,  lieu  de  pèlerinage  très  fréquenté  sous  le  nom  de 
Notre-Dame-des-Vertus  ou  des  Miracles.  Les  Pères  de  l'Oratoire  y 
avaient  un   établissement. 

Lsttre  83.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.  14.  M.  Charavay,  qui  a 
mis  l'original  en  vente  le  28  mars  1874,  nous  dit  qu'il  est  en  entier 
de  la  main  du  saint.  Le  résumé  qu'il  en  fait  montre  que  le  texte  du 
manuscrit  Saint-Paul  est  incomplet.  Dans  le  passage  supprimé,  saint 
Vincent  donnait  à  Louise  de  Marillac  des  nouvelles  de  son  fils,  qui 
était  retourné  la  veille  au  collège  le  cœur  gros,  tant  il  se  plaisait  au 
milieu  des  prêtres  de  la   Mission. 

I.  Henri  Clausse  de  Fleury    (1624-1640.) 


127    — 

offrez-vous  à  retrancher  ce  qu'il  lui  plaira  de  votre  pro- 
cédé et  à  tout  quitter,  s'il  l'a  agréa'ole  ;  c'est  là  l'esprit 
de  Dieu.  Je  ne  trouve  point  de  bénédiction  qu'en  cela. 
Monseigneur  de  Châlons  est  un  saint  personnage.  Vous 
devez  le  regarder  comme  interprète  de  la  volonté  de 
Dieu  au  fait  qui  se  présente.  Que  s'il  trouve  bon  que 
vous  changiez  quelque  chose  en  votre  manière  de  faire, 
soyez-y  exacte,  s'il  vous  plaît.  S'il  trouve  bon  que  vous 
vous  en  reveniez,  faites-le  tranquillement  et  gaiement, 
puisque  vous  ferez  la  volonté  de  Dieu.  Que  s'il  est  éloi- 
gné et  vous  laisse  faire,  continuez,  s'il  vous  plaît,  à  en- 
seigner les  petites  filles.  Que  s'il  s'y  rencontre  des  fem- 
mes, à  la  bonne  heure  ;  mais  ne  faites  dire  au  prône 
qu'elles  le  fassent,  s'il  vous  plaît  ;  ains  seulement  vous 
pourrez  faire  avertir  les  soeurs  de  la  Charité  de  vous  voir 
toutes  ensemble.  Honorez  en  ce  procédé  l'humilité  du 
Fils  de  Dieu  dans  le  sien. 

Notre  compagnie  étant  à  présent  à  Bergier  ^,  il  n'est 
pas  expédient,  je  pense,  que  vous  y  alliez.  Tenez-vous 
donc  au  Mesnil,  s'il  vous  plaît,  jusques  à  ce  que  la  mis- 
sion y  aille  ;  alors  vous  pourrez  aller  à  Bergier  et  aux 
autres  lieux  ;  et  mandez-moi,  je  vous  en  prie,  le  succès  ' 
de  ce  que  vous  avez  fait  avec  Monseigneur  de  Châlons. 

Ce  15  septembre  1631  ■*. 


2.  Bergères. 

3.  Succès,  résultat. 

4.  Date   donnée   par   Charavay. 


—    128    — 

84.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[22  ou  23  septembre  i63i  '.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  vous  ai  écrit,  il  y  a  huit  jours,  et  ai  adressé  mes  let- 
tres au  R.  P.  de  Gondy  ;  maintenant  je  vous  envoie  ces 
trois  paquets  de  chemises  et  la  lettre  incluse.  Monsieur 
votre  ùls  se  porte  bien.  Dieu  merci,  et  me  semble  que  son 
esprit  s'ouvre  de  plus  en  plus.  Dès  que  les  jours  seront 
un  peu  rafraîchis,  il  viendra  se  purger  céans. 

Cette  bonne  Madame  Laurent  est  toujours  malade  ; 
je  l'ai  envoyé  visiter.  Mademoiselle  du  Fay  l'a  été  un 
peu  ;  mais.  Dieu  merci,  elle  se  porte  mieux.  Madame  la 
maréchale  de  Marillac  est  allée  recevoir  au  ciel  la  ré- 
compense de  ses  travaux  ^.  Or  sus,  ceci  vous  attendrira  ; 
mais  quoi  !  Notre-Seigneur  l'ayant  voulu  ainsi,  il  faut 
adorer  sa  Providence  et  travailler  à  nous  conformer,  en 
toutes  choses,  à  son  saint  vouloir.  Certes,  je  sais  bien 
que  votre  cher  cœur  ne  demande  pas  mieux  et  que,  si  la 
partie  intérieure  s'émeut,  que  bientôt  elle  s'accoisera  ^. 
Le  Fils  de  Dieu  pleura  le  Lazare  ;  pourquoi  ne  pleu- 
rerez-vous  pas  cette  bonne  dame  ?  Il  n'y  a  point  danger, 
pourvu  que,  comme  le  Fils  de  Dieu,  vous  vous  confor- 
miez là  dedans  à  la  volonté  de  son  Père  ;  et  c'est  ce  que 
je  m'assure  que  vous  ferez. 

Mais  comment  vous  portez- vous    ?   Cet   air  subtil   ne 


Lettre  84.    —  L.    d.   —   Original    chez   les   Filles   de  la   Charité   de 
Montluçon. 

1.  La    lettre   8;^    étant    du    15    septembre,    celle-ci,  écrite   huit   jours 
après,  est  du  22  ou  du  23. 

2.  Le    13    septembre. 

3.  S'accoisera,   se   calmera. 


129    — 

vous  indispose-t-il  point  ?  Et  Germaine  plaint-elle  pas 
bien  ses  ûlles,  qu'elle  sait  être  à  la  merci  de  M.  Belin  *  ? 
Quand  irez-vous  en  Champagne  ?  Cette  bonne  fille  pro- 
fite-t-elle  ?  Y  a-t-il  du  bien  à  espérer  ?  Un  mot  de  tout 
cela,  s'il  vous  plaît  ? 

Je  ne  vous  puis  rien  dire  de  nouveau  d'ici,  sinon  que 
nous  avons  la  maladie  vis-à-vis  de  céans  et  que  Notre- 
Seigneur  nous  conserve  tous  en  bonne  santé.  Dieu  merci, 
à  ma  petite  fiévrotte  près.  Je  m'assure  que  vous  ne  nous 
oubliez  pas  en  vos  prières  ^  et  que  vous  croyez  bien  que 
je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur  et  de  celui  de  la 
sainte  Vierge,  Mademoiselle,  votre  très  humble  servi- 
teur. 

Vincent  Depaul. 

Je,  me  suis  trompé  en  vous  disant  que  je  vous  envoie 
des  paquets,  pource  que  je  pensais  que  trois  paquets  de 
toile  que  j'ai  trouvés  sur  notre  table  fussent  des  che- 
mises et  pour  vous. 

85.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Jésus-Christ  Notre-Seigneur  soit  avec 
vous  pour  jamais   ! 

Voici  enfin  une  lettre  de  Monsieur  votre  fils  que  je 
vous  envoie.  J'espère  que  nous  le  ferons  purger  lundi 
prochain  et  saigner,  selon  l'ordre  que  vous  nous  donnez. 

Mademoiselle  Sevin  m'arrêta  avant-hier  avec  cette 
bonne  grosse  jeime  demoiselle  qui  porte  le  deuil  auprès 

4.  Voir  la    lettre  81. 

5.  Après  vos  frières,  le  saint  avait  écrit  Bon  soir,  Mademoiselle. 
Il  raya  ces  trois  mots  pour  continuer  la  phrase  comme  ci-dessus. 

Lettre  85.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 


—  I30  — 

de  votre  logis  et  qui  désire  entrer  à  Sainte-Marie  sœur 
domestique,  et  me  dit  qu'elle  vous  cherchait  un  logis, 
pource  que  Monsieur  Véron  ^  a  besoin  de  votre  chambre 
et  que  Monsieur  son  fils  ayant  à  présent  un  office,  il  lui 
faut  une  salle  pour  y  recevoir  le  monde  ;  sur  quoi,  je  lui 
dis  que  vous  seriez  bien  marrie  de  l'incommoder  et  que  je 
la  priais  de  travailler  à  vous  trouver  logement,  et  que  je 
vous  en  donnerais  avis,  aân  de  savoir  de  vous  si  vous 
affectez  quelque  quartier  ^.  Mandez-le-moi  donc,  s'il  vous 
plaît,  et  si  vous  avez  besoin  d'argent,  pource  qu'on  vous 
a  apporté  les  quatre-vingts  et  tant  de  livres  de  votre 
rente. 

Mademoiselle  Tranchot  ^  vous  désire  fort  à  Ville- 
neuve-Saint-Georges *,  où  la  Charité  va  mal,  et  moi  je 
pense  que  Notre-Seigneur  vous  réserve  le  succès  de  ce 
bon  œuvre.  Mademoiselle  du  Fay  se  porte  bien.  Elle 
est  toujours  en  quête  de  logement  aussi. 

Il  fut  hier  emporté  un  prêtre  de  Saint-Nicolas  ^  à 
Saint-Louis  ^    ;  c'est  un  des  nouveaux.  J'ai  envoyé  au- 


1.  Rappelons  ici  que  Mademoiselle  Sevin,  veuve  de  Jacques  Sevin, 
correcteur   en   la   Chambre   des   Comptes,   était  née   Marie  Véron. 

2.  Louise  de  Marillac  avait  quitté  vers  1619  la  paroisse  Saint-Merry 
pour  s'établir,  avec  son  mari  et  son  fils,  sur  la  paroisse  Saint-Sau- 
veur, rue  Cours-au-Villain  ou  Courteau-Villain,  formée  aujourd'hui 
par  la  partie  de  la  rue  de  Montmorency  qui  s'étend  de  la  rue  Beau- 
bourg à  la  rue  du  Temple.  En  1626,  elle  vint  habiter  rue  Saint-Vic- 
tor, près  des  Bons-Enfants  (Gobillon,  op.  cit.,  p.  29).  Le  8  octobre 
1627,  une  lettre  lui  est  adressée  rue  Saint- Victor  chez  M.  Tiron  Saint- 
Priest  (Madame  de  Richemont,  of.  cit.,  p.  46,  note  2)  ;  elle  était  en 
1629  chez  M.  Guérin,  auditeur  des  comptes,  toujours  rue  Saint-Vic- 
tor. (Lettre  d'Alexandre  Regourd  ;  Arch.  des  Filles  de  la  Charité.) 
Nous  la  trouvons  maintenant  chez  M.  Véron.  Ce  dernier  ayant  besoin 
des  appartements  qu'elle  occupait,  elle  chercha  un  autre  local  dans  le 
même    quartier. 

3.  Dame  de  la   Charité. 

4.  En    Seine-et-Oise. 

5.  De  la  communauté  d'Adrien  Bourdoise. 

6.  Hôpital  fondé  en  1607  pour  recevoir  les  pestiférés,  que  l'on 
soignait    jusque-là    à    l'Hôtel-Dieu. 


—  i3i  — 

jourd'hui  cette  bonne  fi.lle  de  Saint-Sauveur  à  Ville- 
preux  \ 

Or  sus,  où  êtes-vous  à  présent  ?  Que  fait  Notre-Sei- 
gneur  de  vous  ?  L'on  m'a  dit  que  l'on  a  trouvé  le  Père  de 
Gondy  sur  le  chemin  de  Champagne.  J'estime  que  vous 
y  êtes  aussi.  Plaise  à  Notre-Seigneur  d'y  bénir  votre 
travail  et  de  vous  bien  fortifier  pour  cela  ! 

Je  suis,  en  son  amour  et  celui  de  sa  sainte  Mère,  Ma- 
demoiselle, votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  12  octobre  1631. 

86.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  loue  Dieu  de  votre  santé,  de  votre  travail  et  de  tout 
ce  que  vous  me  mandez.  Monsieur  votre  fils  vint  céans 
avec  un  petit  mal  de  tête,  il  y  a  quatre  ou  cinq  jours. 
Nous  le  fîmes  saigner  le  lendemain  et  garder  le  lit. 
M.  Quartier  nous  dit  qu'il  ne  fallait  point  le  purger  que 
son  mal  de  tête  ne  fût  passé,  ce  qu'il  a  fait  dans  trois 
jours  après,  en  façon  qu'il  ne  lui  reste  aucune  émotion  ; 
c'est  pourquoi  nous  l'avons  fait  prendre  sa  petite  méde- 
cine ce  matin.  Il  est  gai  et  sage  parmi  nous,  de  sorte  qu'il 
nous  édifie  tous.  Si  cela  continue,  il  y  aura  sujet  de  louer 
Dieu  et  d'espérer  que  vous  en  aurez  de  la  consolation. 

7.  Marguerite  Naseau.  Elle  avait  quitté  les  fonctions  de  maîtresse 
d'école  à  Villepreux  pour  venir  aider  à  Saint-Sauveur  les  dames 
de  la  Charité.  Saint  Vincent  la  renvoyait  provisoirement  à  Villepreux 
pour  remplacer  M.    Bel  in. 

Lettre  86.  —  L.  a.  —  Original  à  la  maison  centrale  des  prêtres 
de  la   Mission   à   Naples. 


—    132 

Quand  il  aura  été  purgé  et  qu'il  se  sera  bien  porté  trois 
jours  après,  nous  lui  permettrons  de  retourner  au  collège. 
Je  dis,  quand  il  se  sera  bien  porté  trois  jours  après,  et 
entends  dire  si  son  mal  ne  revient,  car  il  n'en  a  point 
pour  tout. 

J'enverrai  aujourd'hui  l'argent  à  Mademoiselle  Sevin 
pour  la  robe,  et  la  lettre  à  notre  sœur  Germaine,  la- 
quelle viendra  fort  à  propos. 

Si  cette  bonne  fille  de  dix-huit  ans  a  bon  sens  et  fer- 
meté d'esprit,  ne  faites  point  difficulté  de  lui  laisser  le 
soin  des  filles  \  Un  bon  esprit  est  meilleur  en  cet  âge-là 
qu'un  mal  fait  à  cinquante  ans. 

Je  baillerai  de  plus  la  couverture  à  Monsieur  votre 
fils  et  je  ferai  tout  ce  que  vous  me  mandez. 

Il  est  vrai  qu'il  est  à  souhaiter  que  les  personnes  qui 
se  voudront  appliquer  à  ce  bon  œuvre  n'aient  d'autre 
dessein  ni  chose  à  faire  que  cela.  Je  m'en  vas  au  pre- 
mier jour  à  Pontoise.  L'on  m'a  parlé  d'une  qui  est  là. 
Je  la  retiendrai  pour  Sartrouville  ^,  où  Madame  de  Ville- 
neuve ^  la  désire. 

Notre  petite  compagnie  partira  dans  deux  ou  trois 
jours. 

Je  vous  prie  de  dire  à  Monsieur  le  lieutenant  que  je 
le  salue  très  humblement  et  suis  son  serviteur  et  que  je 
le  prie  de  nous  arrêter  trois  lits  à  l'hôtellerie.  Je  salue 
de  plus  Germaine,  à  laquelle  vous  direz,  s'il  vous  plaît, 
que  j'ai  donné  ordre  pour  faire  tenir  sa  lettre  à  son 
frère. 


1.  Comme  maîtresse  d'école  au  Mesnil. 

2.  Commune    de    Seine-et-Oise    dans    le    canton    d'Argenteuil. 

3.  Veuve  de  Claude-Marcel  de  Villeneuve,  maître  des  requêtes, 
sœur  de  la  Mère  Hélène-Angélique  l'Huillier,  de  la  Visitation,  amie 
de  Mademoiselle  Le  Gras  et  de  Madame  de  Lamoignon  et  fondatrice 
des  Filles  de  la  Croix,  qu'elle  établit  en  1641,  morte  le  15  janvier 
1650,  à  l'âge  de  cinquante-trois  ans.  [Madame  de  Villeneuve,  par  le 
P.    de   Salinis,  Paris,    1918,   in-S».) 


—   133  — 

Je  suis  cependant,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre 
très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  cette  veille  de  saint  Luc*  163 1. 

SuscTiption  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras 
au  Mesnil. 

87.  —  A  MONSIEUR  COLLETOT 
Monsieur, 

La  grâce  de  Xotre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

La  confrérie  de  la  Charité  dont  je  vous  ai  envoyé  le 
règlement  n'est  point  pour  assister  les  malades  de  la 
contagion.  Il  y  a  quelques  endroits  là  oti  les  servantes 
des  pauvres,  c'est-à-dire  ces  honnêtes  femmes  qui  sont  de 
la  Charité,  se  sont  proposé  non  d'aller  visiter  lesdits 
malades  de  la  contagion,  mais  bien  de  leur  apporter  des 
vivres,  ou  de  leur  apporter  en  quelque  endroit,  de  telle 
distance  du  lieu  où  ces  pauvres  gens  se  sont  retirés 
qu'elles  ne  soient  en  danger  de  prendre  le  mal.  Cela  s'en- 
tend aux  lieux  où  il  n'y  a  point  ordre  pour  lesdits  pau- 
vres pestiférés.  Mais  pour  ladite  confrérie,  elle  n'est 
point  directement  pour  lesdits  pestiférés,  ainsi  indirecte- 
ment seulement.  Que  si  l'on  est  affligé  en  votre  paroisse 
de  cette  maladie,  il  faudrait  que  la  Charité  députât  quel- 
que pauvre  bonne  femme  ou  quelque  bon  homme,  qu'il 
apportât  lesdits  vivres  sans  que  les  servantes  des  pau- 
vres y  aillent  chacune  son  jour,  comme  les  autres  ma- 
lades. 

4.   17   octobre. 

Lettre   87.   —  L.   a.    —   Original   au  British  Muséum,   foreign   fri- 
vate  lellers,  Egleton  27,   f°  166. 


—  134  — 

Et  voilà,  Monsieur,  tout  ce  que  je  vous  puis  dire  pour 
réponse  à  la  vôtre,  excepté  que  je  prie  Dieu  qu'il  bénisse 
le  saint  œuvre  que  vous  entreprenez,  qu'il  sanctifie  votre 
âme,  qu'il  soit  lui-même  votre  récompense  en  ce  monde 
et  en  l'autre  et  qu'il  me  fasse  digne  d'être,  en  son  amour 
et  celui  de  sa  sainte  Mère,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

SuscripHon  :  A  Monsieur  Monsieur  Colletot,  prieur 
de  la  Forêt-le-Roi  \ 


88.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

J'ai  fait  voir  votre  lettre  au  Père  de  Gondy,  celles  de 
Monseigneur  de  Châlons  à  vous  et  la  vôtre  à  lui  \  Or, 
toutes  choses  pesées  et  considérées,  et  à  son  grand  re- 
gret, il  est  d'avis  que  vous  obéissiez  à  Monseigneur  de 
Châlons,  pource  qu'il  estime  que  Dieu  le  veut  ainsi, 
puisque  c'est  par  l'ordre  de  celui  qui  est  l'interprète  de 
sa  volonté  au  lieu  où  vous  êtes.  Or,  telle  étant  la  volonté 
de  Dieu,  revenez-vous-en,  s'il  vous  plaît.  Vous  ne  laisse- 
rez pas  d'avoir  la  récompense  que  vous  auriez  si  vous 
aviez  instruit  toutes  les  filles  de  ces  quartiers-là.  Oh  ! 
que  vous  êtes  heureuse  de  ce  que  vous  avez  ce  rapport  au 
Fils  de  Dieu  d'avoir  été,  comme  lui,  obligée  de  vous  re- 


I.    Mot  de  lecture   douteuse. 

Lettre  88.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Le  saint  veut  dire  évidemment  :  j'ai  fait  voir  au  P.  de  Gondi 
la  lettre  que  vous  m'avez  adressée,  celles  que  l'évêque  de  Châlons 
vous   a    écrites   et   votre   réponse   à   ce   prélat. 


—  135  — 

tirer  d'une  province  où,  Dieu  merci,  vous  ne  faisiez  pas 
du  mal  !  Le  R.  Père  de  Gondy  vous  remerciera  ici  de  la 
peine  que  vous  avez  prise  et  vous  témoignera  le  senti- 
ment qu'il  en  a  ;  et  moi  je  vous  prie  de  ne  pas  entrer 
dans  l'opinion  que  cela  se  fasse  par  votre  faute.  Non,  ce 
n'est  pas  cela,  ains  une  pure  disposition  de  Dieu,  pour 
sa  plus  grande  gloire  et  pour  le  plus  grand  bien  de  votre 
âme.  Ce  qui  davantage  est  relevé  en  la  vie  de  saint 
Louis,  c'est  la  tranquillité  avec  laquelle  il  s'en  revint  de 
la  Terre  Sainte  sans  avoir  réussi  selon  son  dessein  ;  et 
peut-être  que  vous  n'aurez  jamais  occasion  en  laquelle 
vous  puissiez  plus  donner  à  Dieu  qu'en  celle-ci.  Usez-en 
donc  selon  la  mesure  de  la  grâce  que  Notre-Seigneur  a 
toujours  fait  paraître  en  vous. 

Mademoiselle  Sevin  vous  écrit  comme  elle  vous  prie 
de  vous  pourvoir  d'un  autre  logis.  Vous  pourrez  aller 
descendre  chez  Mademoiselle  du  Fay  et  y  demeurer 
jusques  à  ce  que  vous  ayez  un  logis  qui  vous  soit  propre. 
Cette  bonne  Mademoiselle  Sevin  y  travaillera  ^. 

Pour  les  cinquante  écus,  gardez-les  ;  vous  aviserez  ici 
comme  vous  en  ferez.  Monsieur  votre  fils  s'est  retiré  au 
collège  ;  il  se  porte  fort  bien  et  fait  de  même. 

Je  salue  très  humblement  Monsieur  le  curé,  Monsieur 
Ferrât  et  Germaine  et  suis,  en  l'amour  de  Notre-Sei- 
gneur, Mademoiselle,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  DEPAUt. 

De  Paris,  cette  veille  de  la  Toussaint  [1631  ^.] 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras 
au  Mesnil. 


2.  Eut-elle  le  temps  d'y  travailler  ?  Elle  mourut  à  la  fin  de-  dé- 
cembre et  fut  inhumée  le  31  dans  l'église  de  Saint-Nicolas  devant  la 
chaire   du  prédicateur    (Bibl.    Nat.,   ms.,    fr.   32.590.) 

3.  31   octobre.   L'année  est  imposée  par  le   contenu. 


—  136  — 

89.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

fi63i».] 
Mademoiselle, 

Madame  Laurent  s'en  va  vous  trouver,  l'ayant  jugée 
la  plus  propre  pour  le  présent.  Je  vous  envoie  les  let- 
tres que  j'avais  écrites  pour  elle  ;  vous  en  userez  selon 
votre  prudence.  Je  loue  Dieu  de  ce  que  vous  voilà  mieux 
que  quand  vous  partîtes  et  le  prie  qu'il  vous  remplisse  de 
paix  et  de  tranquillité.  Je  doute  que  M.  soit  propre  à  ce 
que  vous  dites,  et  la  fille  à  vous  suivre.  Je  pense  qu'il 
faut  surseoir  la  résolution  de  cela. 

Quand  viendrez-vous  ?  Sera-ce  cette  semaine  ?  Ce  sera 
lorsque  l'établissement  de  cette  bonne  Madame  Laurent 
le  vous  permettra.  Je  pense  commencer  demain  la  visite 
du  faubourg  -.  L'on  m'écrit  d'une  bonne  fille  d'auprès  de 
Pontoise,  qui  est  fort  propre  et  qui  a  grand  désir  de  ser- 
vir Dieu  en  l'instruction  des  enfants,  et  moi  je  suis  en 
l'amour  de  Notre-Seigneur... 

90.  —  A  JEAN  DE  LA  SALLE,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 
AU  MESNIL 

Du  II  novembre  i63i. 

Il  n'y  a  point  de  difficulté  de  recevoir  la  charité  de 


Lettre   89.   —   Ivlanuscrit   Saint-Paul,    p.    81. 

1.  Cette  lettre  a  des  liens  étroits  avec  les  lettres  79  et  81.  Nous 
nous  apercevons  trop  tard  qu'elle  les  a  précédées  toutes  deux.  Elle 
est  du  mois  de  juillet  ou  du  mois  d'août.  Louise  de  Marillac  Ta 
vraisemblablement   reçue   à  Villepreux. 

2.  C'est-à-dire  du  second  monastère  de  la  Visitation,  établi  par  la 
Mère  de  Beaumont,  le  13  -oût  1626,  dans  la  maison  de  ^I.  Le  Clère, 
au  faubourg  Saint-Jacques,  grâce  à  la  générosité  de  la  marquise 
de  Dampierre  et  de  Madame  de  Villeneuve.  Saint  Vincent  en  était 
supérieur  et  Marie-Jacqueline  Favre  supérieure.  {Histoire  chronolo- 
gique det  fondations  de  tout  V ordre  de  la  Visitation  de  Sainte-Marie, 
Bibl.    Maz.,   ms.   2439.) 

Lettre  90.  —  Reg.  2,  p.  196.  Le  copiste  note  que  l'original  était 
de  la  main  du  saint. 


—  137  — 

Monseigneur  le  R.  P.  de  Gondy.  Si  déjà  vous  l'avez  re- 
fusée, faites-en  vos  excuses  à  M.  Ferrât.  C'est  notre  fon- 
dateur. Nous  n'avons  point  droit  de  refuser  ce  qu'il  nous 
donne  pour  l'amour  de  Dieu,  non  plus  que  de  quel- 
qu'autre  qui  ne  serait  pas  du  lieu  où  l'on  ferait  la  mis- 
sion. Saint  Paul  en  usait  ainsi  et  ne  prenait  jamais  au 
lieu  où  il  travaillait  ;  mais  il  prenait  des  autres  églises 
pour  travailler  aux  nouvelles,  lorsque  l'ouvrage  de  ses 
mains  ne  suffisait  pas,  ou  que  la  prédication  et  les  con- 
versions l'empêchaient  de  travailler  de  ses  mains  pour 
gagner  sa  vie.  Spolians  Ecclesias  Macedoniae,  ut  non 
essem  vobis  oneri,  dit-il  aux  Corinthiens  ^,  quoiqu'il 
dise  que  sa  gloire  en  la  prédication  de  l'Evangile  était 
de  ne  rien  prendre. 

91.  —  A  GUILLAUME  DE  LESTOCQ,  CURÉ  DE  SAINT-LAURENT  * 

[i63i  2.] 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  passai  hier  chez  M.  le  procureur  général  ^  et  trou- 
vai quatre  ou  cinq  carrosses  devant  sa  porte  ;  et,  pource 
qu'il  était  fort  tard  et  qu'il  m'eût  fallu  attendre  long- 
temps, je  pensai  qu'il  valait  mieux  remettre  la  partie 
jusques  aujourd'hui  l'après-dînée.  Je  le  verrai  donc  tan- 

I.  Deuxième  épître  aux  Corinthiens,  XI,  8-9.  Le  saint  ne  reproduit 
pas  textuellement  la  phrase  de  saint  Paul. 

Lettre  91.  —  Recueil   du   procès  de  béatification. 

1.  Il  fut  à  la  tête  de  la  paroisse  Saint-Laurent,  alors  près  Paris,  de 
1628  au  9  mai  1661,  jour  de  sa  mort.  C'est  lui  qui  fut  le  principal  instru- 
ment de  l'union  à  la  congrégation  de  la  Mission  du  prieuré  de  Saint- 
Lazare.  Il  a  fait  de  cette  union  un  récit  détaillé,  qui  a  trouvé  place 
dans  l'ouvrage  d'Abelly    [of.  cit.,  t    I,  chap.  XXII,   p.  95  et  suiv.). 

2.  Voir    note    5. 

3.  Matthieu  Mole. 


-  138  - 

tôt,  selon  l'ordre  de  Monsieur  le  prieur  \  lequel  je  n'au- 
rai point  l'honneur  d'aller  trouver  ce  matin,  tant  pource 
qu'il  me  semble  qu'il  désire  que  nous  ayons  la  parole  de 
mondit  sieur  le  procureur  général  avant  que  de  con- 
clure ^,  qu'a&n  que  vous.  Monsieur,  nous  fassiez  la  cha- 
rité de  lui  dire  quelques  difficultés  qui  se  trouvent  aux 
propositions  qu'il  me  fit  l'honneur  de  me  faire  hier. 
Mondit  sieur  le  prieur  me  fit  donc  l'honneur  de  me 


4.  Adrien  Le  Bon,  chanoine  régulier  de  Saint-Augustin,  né  à  Neuf- 
châtel  (Seine-Inférieuie),  mort  à  Saint-Lazare  le  9  avril  1651,  dans 
sa    soixante-quatorzième   année. 

5.  Adrien  Le  Bon  fut  porté  à  résigner  le  prieuré  de  Saint-Lazare 
par  la  mésintelligence  qui  régnait  entre  lui  et  ses  religieux.  Le  bruit 
des  heureux  fruits  que  recueillaient  dans  leurs  courses  apostoliques 
saint  Vincent  et  ses  missionnaires,  ainsi  que  les  conseils  du  curé  de  la 
paroisse,  lui  firent  jeter  ses  regards  de  leur  côté.  M.  de  Lestocq  le 
conduisit  lui-même  aux  Bons- Enfants.  L'offre  généreuse  du  bon  prieur 
effraya  l'humilité  de  saint  Vincent.  Il  refusa.  Adrien  Le  Bon  persista 
dans  son  dessein.  Six  mois  après,  il  revenait  au  collège  et  renouvelait, 
vainement  encore,  sa  proposition.  Pendant  six  autres  mois,  ce  furent 
de  nouvelles  instances,  qui  devenaient  de  jour  en  jour  plus  pressantes. 
Enfin,  il  fut  convenu  qu'on  s'en  remetttrait  à  la  décision  d'André  Du- 
val.  Ce  dernier  fut  de  l'avis  du  prieur.  Le  plus  gros  obstacle  était 
écarté.  Restait  à  s'accorder  sur  les  clauses  du  contrat.  Ce  ne  fut  pas 
facile.  La  lettre  de  saint  Vincent  à  M.  de  Lestocq  nous  fait  con- 
naître quelques-uns  des  points  débattus  entre  les  parties.  Le  contrat 
fut  passé  le  7  janvier  1632.  Le  lendemain,  saint  Vincent  et  les  siens 
venaient  habiter  Saint-Lazare.  Ce  récit,  confirmé  par  les  déclara- 
tions du  saint  (cf.  lettre  du  30  janvier  1656  à  Nicolas  Etienne), 
mérite  une  toute  autre  confiance  que  le  récit  contenu  dans 
VHisioire  des  chanoines  réguliers  de  Vordre  de  S.  Augustin  de 
la  Congrégation  de  France,  Bibl.  Sainte-Geneviève,  4  vol.  in-f°, 
ms.  611-614,  t.  III,  f°  57  v°.  L'auteur  de  cet  ouvrage  prétend 
que  la  donation  à  saint  Vincent  du  prieuré  de  Saint-Lazare 
fut  le  résultat  de  ses  manœuvres.  Pour  rester  en  possession  de 
son  bien  Vincent  de  Paul  eut  à  soutenir  plus  d'un  procès.  Son  droit 
fut  toujours  reconnu.  L'union  fut  approuvée  le  8  janvier  par  l'arche- 
vêque de  Paris,  quelques  jours  après  par  le  roi,  le  24  mars  par  le 
prévôt  des  marchands  et  les  échevins  de  la  ville  de  Paris,  le  7  sep- 
tembre par  le  Parlement,  le  15  mars  1635  par  le  Pape  Urbain  VIII. 
Saint-Lazare  était  en  dehors  de  Paris.  Les  bâtiments  et  l'enclos  cou- 
vraient le  vaste  quadrilatère  compris  actuellement  entre  la  rue  du 
Paradis,  la  rue  du  faubourg  Saint-Denis,  le  boulevard  de  la  Cha- 
pelle et  la  rue  du  faubourg  Poissonnière.  (Cf.  Saint-Lazare,  par 
Jean  Parrang  dans  les  Petites  Annales  de  S.  Vincent  de  Paul,  1903, 
PP-    13-30) 


—  139  — 

dire  hier  au  soir  qu'il  avait  conféré  avec  Messieurs  ses 
religieux  ^  touchant  notre  manière  de  faire  au  chœur,  le 
logement  et  ameublement,  et  la  pension  que  donneraient 
ceux  qui  voudraient  vivre  parmi  nous.  Or,  je  vous  dirai 
que,  pour  la  dernière  difficulté,  qui  est  que  chacun  de 
Messieurs  les  religieux  ne  paiera  que  deux  cents  livres 
de  pension,  que  j'acquiesce  très  volontiers  à  cela,  quoi- 
qu'ayant  supputé  la  dépense  au  juste  de  ce  qu'il  nous  a 
coûté  à  présent  il  nous  en  coûtera  davantage,  et  que  les 
pensions  même  des  écoliers  sont  de  quatre-vingt-dix 
livres. 

Quant  au  logement,  je  crains  qu'il  n'arrive  quelque 
difficulté  avec  le  temps,  si  nous  étions  ensemble  au  dor- 
toir, parce  que  nous  observons  le  silence  depuis  le  soir 
après  la  prière  jusqu'au  lendemain  après  le  diner,  que 
nous  avons  une  heure  de  récréation  ;  et  depuis  la  récréa- 
tion jusques  au  soir  après  souper,  auquel  temps  nous 
avons  encore  une  heure  de  récréation,  laquelle  achevée, 
nous  rentrons  dans  le  silence,  pendant  lequel  nous  ne 
parlons  que  de  choses  nécessaires,  et  encore  tout  bas.  Or, 
quiconque  ôte  cela  d'une  communauté  y  introduit  un  dé- 
sordre et  une  confusion  qui  ne  se  peuvent  dire,  qui  a  fait 
dire  à  un  saint  personnage,  qu'il  assurera,  voyant  une 
communauté  qui  observe  exactement  le  silence,  qu'elle 
observe  aussi  le  reste  de  la  régularité  ;  et  qu'au  contraire, 
voyant  une  autre  où  le  silence  ne  s'observe  pas,  qu'il  est 
impossible  que  le  reste  de  la  régularité  s'observe.  Or,  il  y 
a  bien  sujet  de  craindre.  Monsieur,  que  ces  Messieurs  ne 
voulussent  pas  s'obliger  à  cela  et  que,  ne  le  faisant  pas, 
nous  ne  ruinassions  une  pratique  si  nécessaire  et  laquelle 


6.  Les  religieux  étaient  au  nombre  de  neuf  :  Adrien  Le  Bon,  prieur  ; 
Nicolas  Maheut,  sous-prieur  ;  Claude  Cousin,  receveur  ;  Claude 
Gothereau,  dépensier  ;  Richard  Levasseur,  sacristain  ;  Adrien  Des- 
courtils  ;  Jacques  Lescellier  ;  François  Caigne  et  Claude  de  Moren- 
nes.  (    Cf.   Arch.    Nat.    M.   212.) 


—   140  — 

nous  avons  tâché  d'observer  jusqu'à  présent  le  moins 
mal  qu'il  nous  a  été  possible  ;  c'est  pourquoi  il  me  sem- 
ble qu'il  serait  expédient  de  revenir  aux  propositions  que 
me  firent  Messieurs  les  religieux  en  la  présence  de  mon- 
dit  sieur  le  prieur,  qui  est  qu'ils  prendront  quelques  lo- 
gements particuliers  que  l'on  leur  fera  accommoder  à 
leur  usage,  avec  des  cheminées  ;  et  pour  le  regard  des 
meubles,  ils  pourront  prendre  les  leurs  de  leurs  cham- 
bres ;  et  pour  le  linge  et  de  la  vaisselle,  nous  leur  en  bail- 
lerons, ou  cinquante  livres  à  chacun  pour  en  avoir  ;  à 
quoi  tant  s'en  faut  que  je  trouve  de  la  simonie,  qu'au 
contraire  il  me  semble  qu'il  est  plus  que  raisonnable  d'en 
user  ainsi,  puisque  ces  Messieurs  nous  laisseront  leurs 
meubles  communs.  Par  ce  moyen  donc  ils  nous  laisseront 
le  dortoir,  où  nous  pourrons  sans  aucune  difficulté  ob- 
server notre  silence. 

Et  pour  le  regard  du  chœur,  mondit  sieur  le  prieur 
propose  les  rangs,  et  que  nous  y  porterons  le  domino  ^ 
depuis  la  Toussaint  jusqu'à  Pâques  et  encore  l'aumusse  *. 
Or,  je  vous  dirai,  Monsieur,  qu'encore  que  je  ne  fais  au- 
cune difficulté,  que,  quand  ces  Messieurs  auront  agréa- 
ble de  venir  au  chœur,  la  compagnie  ne  leur  doive  lais- 
ser les  premiers  rangs,  je  pense  néanmoins  qu'il  n'est 
pas  expédient  de  ne  nous  point  charger  de  l'aumusse  ni 
du  domino  ;  et  pour  éviter  la  confusion  et  le  soupçon 
que  le  parlement  aurait  que  nous  commencerions  à  deve- 
nir chanoines,  et  par  conséquent  que  nous  renonçons  ta- 
citement à  notre  dessein  de  travailler  incessamment  pour 
le  pauvre  peuple  des  champs,  qu'il  est,  dis-je,  expédient 
que  l'on  ne  nous  charge  ni  de  l'aumusse  ni  du  domino, 
et  que  l'on  nous  laisse  le  service  pour  le  faire  selon  la 
décharge  de  notre  conscience,  comme  il  est  conclu  dans 


7.  Camail  noir. 

8.  Fourrure  que  les  chanoines   portent   d'ordinaire  sur  le  bras. 


—   141  — 

le  concordat.  Or,  la  façon  selon  laquelle  je  me  propose 
de  le  faire,  et  comme  Monsieur  le  prieur  a  trouvé  bon 
d'autrefois,  est  de  dire  l'office  média  voce  sans  chanter, 
excepté  la  grand'messe  et  vêpres  les  dimanches  et  fêtes. 

Et  voilà,  Monsieur,  les  difficultés  que  je  trouve  aux 
propositions  que  M.  le  prieur  me  fit  l'hormeur  de  me 
faire  hier  au  soir  et  lesquelles  je  vous  supplie  très  hum- 
blement de  lui  proposer  ce  matin  et  de  me  mander  son 
sentiment.  J'ai  une  très  parfaite  confiance  que,  comme 
il  regarde  principalement  la  gloire  de  Dieu  et  le  salut 
du  peuple  en  ces  affaires,  et  que  voyant  les  inconvé- 
nients qui  pourraient  arriver  si  les  choses  se  passaient 
comme  il  les  a  proposées,  qu'il  aura  agréable  la  très 
humble  représentation  que  je  lui  en  fais,  qui  aimerais 
mieux  que  nous  demeurassions  toujours  en  notre  pau- 
vreté que  de  détourner  le  dessein  de  Dieu  sur  nous.  Je 
suis  honteux  de  vous  tant  importuner  ;  votre  charité  me 
le  pardonnera,  s'il  vous  plaît. 

Je  suis  cependant  en  l'amour  de  Notre-Seigneur  et  de 
sa  sainte  Mère,  votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  samedi  matin. 


92.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[i63ii.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

J'enverrai  quérir  le  peintre  demain  et  agirai  selon  ce 

Lettre  92.   —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  La  lettre  n'est  pas  postérieure  à  l'année  1631,  vu  qu'il  y 
est  fait  mention  de  Mademoiselle  Sevin,  morte  au  mois  de  décembre 
de  cette  même  année  ;  d'autre  part,  divers  indices  nous  empêchent 
de   remonter   plus   haut. 


—  142  — 

que  vous  me  mandez,  et  ferai  savoir  par  même  moyen 
aux  gardes  des  pauvres  malades  de  Saint-Sauveur  ce 
que  Mademoiselle  Tranchot  vous  a  fait  dire  pour  Mon- 
sieur votre  fils.  Nous  le  verrons  quand  il  vous  plaira  ; 
mais  je  ne  pense  pas  que  vous  lui  deviez  faire  prendre 
les  ordres  si  tôt.  Il  n'est  point  en  âge  pour  les  ordres 
sacrés  '  ;  et,  pour  les  quatre  mineurs,  il.  n'y  a  point  d'uti- 
lité ni  de  nécessité  pour  encore,  et  il  faudrait  qu'il  se 
détournât  de  ses  études  pour  s'y  préparer  ;  ce  qui  lui 
serait  tm  aussi  grand  dommage. 

Que  j'ai  peine  de  votre  peine  !  Mais  quoi  !  tel  étant 
l'ordre  de  la  Providence,  quel  remède  ?  Ains  quel  mal 
véritable  en  devez-vous  appréhender  ?  Eh  bien  !  c'est 
un  homme  qui  dit  que  vous  lui  avez  promis  mariage  ^  ; 
et  il  n'est  pas  vrai.  L'on  se  plaint  de  vous  à  faux.  Vous 
souffrez  en  votre  intérieur  à  tort  et  sans  cause.  Vous 
craignez  qu'on  ne  parle  de  vous  ?  Soit,  mais  assurez- 
vous  que  c'est  là  un  des  grands  moyens  de  conformité 
au  Fils  de  Dieu  que  vous  pourriez  avoir  sur  la  terre  et 
que  vous  acquerrez  par  là  des  conquêtes  sur  vous,  que 
vous  n'avez  jamais  pu  avoir.  Oh  !  que  de  vaines  com- 
plaisances sont  anéanties  par  là  et  que  d'actes  d'humi- 
liation sont  produits  par  ce  moyen  !  Or  sus,  il  ne  vous 
en  peut  arriver  que  tout  bien  et  pour  ce  monde  et  pour 
l'autre.  Fortifiez-vous  donc  là  dedans  contre  les  senti- 
ments de  la  nature,  et  le  jour  viendra  que  vous  bénirez 
l'heure  de  ce  que  Notre-Seigneur  vous  exerce  de  ce  côté- 
là,  et  moi  je  suis,  en  son  amour,  votre  très  humble  ser- 
viteur. V.  D. 

Je  vous  supplie  m'excuser  de  ce  que  je  ne  vous  ai 
point  [fait  porter]  *  cette  réponse  aujourd'hui    ;   l'em- 

2.  Michel   Le   Gras  n'avait  que   dix-huit   ans   environ. 

3.  Louise   de    Marillac   avait  alors   quarante   ans. 

4.  Mots  oubliés  dans  l'original. 


—  143  — 

barras  que  me  donne  notre  affaire  m'en  empêche  ^.  Je 
vous  prie  vous  informer  de  Mademoiselle  Sevin  ce 
qu'elle  en  sait  et  de  me  le  mander.  Je  ne  fais  que  d'arri- 
ver de  la  ville,  où  j'ai  été  depuis  au  matin. 

Ce  mardi  au  soir. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

93.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Avant  i634  '.] 

Voici  cette  bonne  fille,  qui  est  venue  pour  vous  servir, 
si  vous  l'avez  agréable.  Elle  se  porte  bien.  Dieu  merci, 
à  un  petit  sentiment  de  fièvre  près,  à  l'heure  qu'elle 
avait  accoutumé  de  la  prendre.  Je  crois  que  vous  en 
serez  bien  servie.  Si  vous  l'avez  agréable,  vous  la  pourrez 
renvoyer  chez  elle  pour  sept  ou  huit  jours. 

Quant  à  l'eau  ^  buvez-en  hardiment,  jamais  elle  n'a 
fait  mal  à  personne  et  y  en  a  quantité  qui  en  sont  gué- 
ris. Madame  de  Portnal  commence  à  s'en  bien  trouver. 
Je  ferai  dire  à  Monsieur  Deure  qu'il  vous  en  envoie,  ou 
bien  mandez  à  Mademoiselle  qu'elle  lui  fasse  dire. 

Je  partirai  demain  en  hâte.  Si  je  puis,  je  vous  verrai. 
Je  ne  serai  que  dix  ou  douze  jours,  comme  j'espère. 
Aidez-nous  de  vos  prières  et  vous  consolez  en  l'objet 
de  votre  amour,  qui  est  Notre- Seigneur  souffrant  ;  et  je 


5.  Ne  s'agirait-il  pas  des  négociations  en  cours  pour  l'union  du 
prieuré  de  Saint-Lazare  à  la  congrégation  de  la  Mission   ? 

Lettre   93.   —  L.   a.    —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  est  certainement  antérieure  à  l'institution  des  Filles 
de  la  Charité  (novembre  1633),  ^^r,  après  cette  date,  Louise  de  Ma- 
rillac  n'a  'ait  pas  de  servante  à  son  service. 

2.  Une  eau  minérale  ou  purgative. 


—   144  — 

serai,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur  et  de  sa  sainte  Mère, 
votre  serviteur. 

V.  D. 

Je  vous  dis  derechef  que  vous  ne  laissiez  point  de 
boire  de  cette  eau. 


94    -  A  FRANÇOIS  DU  COUDRAY,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 

A  ROME 

Du  23  décembre  i63i. 

...  Quant  aux  mémoires  que  vous  désireriez  être  pré- 
sentés par  d'autres  qui  eussent  moins  d'intérêt  à  la  chose 
que  nous,  je  le  voudrais  bien  aussi,  quoiqu'il  me  semble 
que  cela  soit  assez  ingénu  ;  mais  quel  remède  ?  Qui  dit 
les  choses  tout  bonnement,  comme  elles  sont,  et  se  sou- 
met, Dieu  agrée,  comme  je  crois,  ce  procédé.  La  vérité 
et  l'humilité  s'accordent  bien  ensemble  \ 


95.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

Béni  soit  Dieu  de  ce  que  sa  bonté  vous  confirme  de 
plus  en  plus  en  son  amour  et  en  l'accomplissement  de 
sa  sainte  volonté.  Il  sera  voirement  à  propos  que  vous 
fassiez  quelque  pèlerinage  pour  ce  que  vous  me  man- 
dez ;  mais,  pour  l'amour  de  Dieu,  Mademoiselle,  ne  vous 
mettez  pas  malade  par  les  chemins.  Il  faut  dormer  lieu 
à  la  maladie  comme  à  un  état  tout  divin.  Il  est  vrai  que 
Notre-Seigneur  vous  aide  d'une  manière  spéciale.  Il  me 


Lettre  94.   —  Reg.   2,  p.   2. 

I.  François  du  Coudray  négociait  à  Rome  l'approbation  de  la  con- 
grégation  de  la   Mission. 

Lettre    95.    —    Manuscrit   Saint-Paul,   p.    66. 


—  145   — 

semble  que  vous  êtes  meurtrière  de  vous-même  pour  Je 
peu  de  soin  que  vous  en  avez.  Soyez  bien  gaie,  je  vous 
en  supplie.  Oh  !  que  les  personnes  de  bonne  volonté  en 
ont  grand  sujet  ! 

96.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Il  faut  pour  le  plus  sûr  avoir  une  attestation  du  mé- 
decin, comme  il  est  expédient  que  vous  et  Monsieur  votre 
fils  mangiez  de  la  viande,  et  que  vous  l'envoyiez  au 
greffier  de  Monsieur  de  Paris,  nommé  M.  Baudouin  ; 
et  sans  difficulté  il  vous  mettra  la  permission  au  pied  ; 
et  cela  étant,  ne  faites  point  de  difficulté  d'en  manger. 
Ains,  en  tant  qu'en  moi  est,  je  le  vous  ordonne,  comme 
aussi  de  rejeter  les  défiantes  pensées  que  vous  permet- 
tez à  votre  cœur.  Et  soyez  pleine  de  confiance  que  vous 
êtes  la  chère  fille  de  Notre-Seigneur,  par  sa  miséricorde. 

Je  vous  ordonne  de  plus  de  vous  concilier  la  sainte 
joie  de  votre  cœur  par  tous  les  divertissements  qui  vous 
seront  possibles  et  de  me  pardormer  si  je  n'ai  eu  l'hon- 
neur de  vous  voir,  à  cause  de  quantité  d'affaires  qui 
m'occupent.  Assurez-vous,  Mademoiselle,  que  j'aurai  ce 
bonheur  le  plus  tôt  qu'il  me  sera  possible  et  que  je  suis 
v'Qftre  serviteur. 

V.  D. 

Je  vous  prie  de  faire  travailler  demain  au  matin  à 
cette  permission,  afin  que  vous  puissiez  manger  de  la 
viande  dès  demain  ;  car  l'usage  du  poisson  vous  est 
entièrement  contraire. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


Lettre  96.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 


14.6 


97.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers  i632  i.] 
Faites  ce  que  vous  dira  Monsieur  Bouvard  ^  avec  con- 
fiance que  Dieu  bénira  ses  remèdes,  Mademoiselle,  je 
vous  en  prie.  Je  ne  dis  pas  que  vous  les  preniez  tous  ; 
j'espère  qu'il  n'en  sera  pas  besoin.  Or  sus,  il  le  faut  donc 
faire.  Et  pour  le  reste,  cela  se  fera  en  son  temps.  Tenez- 
vous  bien  gaie  surtout.  Je  verrai  Monsieur  Bouvard  et 
lui  parlerai  de  vous  et  de  l'opiat. 

Pour  le  reste  dont  nous  parlâmes  hier,  ne  vous  en 
mettez  point  en  peine.  Celui  qui  a  la  disposition  des 
temps  disposera  de  cet  affaire  dans  le  temps  qu'il  a  pré- 
vu convenable  de  toute  éternité. 

Faites-vous  donc  guérir,  et  bientôt,  je  vous  en  supplie, 
et  je  serai,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur  et  de  sa  sainte 
Mère,  votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

V.  D. 

98.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers  i632*.] 

Ne  vous  le  disais-je  pas  bien  hier,  Mademoiselle,  qu'il 
vous  fallait  accorder  ce  que  vous  demandiez,  pource 
qu'aussi  bien  votre  cœur  n'aurait  point  de  repos  que  cela 


Lettre  97.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  La  lettre  semble  écrite  avant  l'institution  des  Filles  de  la  Cha- 
rité. 

2.  Premier  médecin  du  roi  Louis  XIII,  mort  le  2.2  octobre  1658  à 
l'âge  de  quatre-vingt-six  ans.  Plusieurs  de  ses  filles  entrèrent  à  la 
Visitation,  entre  autres  Marie-Augustine,  qui  fut  supérieure  du  monas- 
tère du    faubourg. 

Lettre  98.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  La  mention  de  M.  Bouvard,  qui  fut  peu  de  temps,  semble-t-il, 
médecin  de  Louise  de  Marillac,  nous  a  porté  à  rapprocher  cette 
lettre  de  la  lettre  97. 


—  147  — 

ne  fût  fait.  Faites  donc,  à  la  bonne  heure,  doucement  et 
sans  empressement.  Vous  serez  cause  que  j'en  referai  un 
pour  moi,  un  de  ces  matins.  Mais  voyez  après  cela  Mon- 
sieur Bouvard.  Ains  soyez  bientôt  guérie  pour  servir 
Dieu.  Oh  !  que  mon  cœur  désire  que  cela  soit,  et  promp- 
tement  !  Or  sus,  faites-y,  de  votre  côté,  ce  qu'il  faut. 
Soyez  bien  gaie  cependant  et  faites  gaiement  ce  que  vous 
avez  à  faire,  et  je  serai,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur 
et  de  sa  sainte  Mère,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  D. 

Je  voudrais  bien  savoir  si  M.  Meynard  est  procureur 
au  Châtelet  ou  à  la  Cour. 


99.  —  A  ISABELLE  DU  FAY 

[Entre  1626  et  i635'.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Ces  lignes  seront  pour  vous  dormer  de  nos  nouvelles 
et  pour  en  apprendre  des  vôtres.  Pour  les  nôtres,  elles 
sont  telles  que.  Dieu  merci,  je  me  porte  toujours  de 
mieux  en  mieux  ;  et  n'eût  été  quelques  petits  ressenti- 
ments de  fièvre,  qui  m'ont  repris  depuis  un  jour  ou  deux, 
je  vous  serais  allé  remercier  de  tant  de  charité  que  vous 
m'avez  faite. 

Et  pour  vous,  comment  vous  va-t-il,  Mademoiselle  ? 
Etes-vous  en  meilleure    santé    que    ces    jours  passés    P 


Lettre  99  —  Reg.  i,  fo  69.  Le  copiste  note  que  l'écriture  de  l'or''- 
ginal   était   celle   de  saint  Vincent. 

I.  Le  nom  de  Mademoiselle  du  Fay  ne  paraît  dans  aucune  des 
lettres  qui  sont  certainement  postérieures  à  l'année  1635  ou  antérieu- 
res à   1626. 


—  148  — 

Etes-vous  plus  forte  ?  Mais  ménagez-vous  mieux  votre 
santé  que  par  le  passé  ?  Et  le  cœur  est-il  bien  généreux  ? 
Se  laisse-t-il  point  abattre  quelquefois  ?  Pour  l'amour  de 
Dieu,  Mademoiselle,  fortifiez-vous  bien  en  l'une  et  en 
l'autre  manières,  afiji  que  vous  serviez  Dieu  en  sainteté 
et  justice  longues  années. 

Au  reste,  je  vous  supplie  me  mander  où  l'on  achète  les 
disciplines,  pource  que  j'en  ai  besoin  d'une  douzaine  ; 
mais  il  n'est  point  besoin  que  vous  me  fassiez  réponse 
à  présent  ;  il  suffira  que  ce  soit  dans  un  jour  ou  deux. 

Je  salue  de  tout  mon  cœur  le  bon  M.  de  Vincy  ^  et  suis 
à  vous  et  à  lui,  en  l'amour  de  Notre  Seigneur  et  de  sa 
sainte  Mère,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 


100.  -  A  FRANÇOIS  DU  COUDRAY,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 

A  ROME 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Monsieur  le  Jarriel,  banquier,  nous  a  fait  la  charité 
d'entreprendre  l'expédition  des  bulles  d'union  de  Saint- 
I  azare  à  notre  petite  congrégation  et  en  fait  l'adresse  à 
Monsieur  Marchand  ^.  Vous  prendrez  la  peine.  Monsieur, 
s'il  vous  plaît,  la  présente  reçue,  d'aller  trouver  Mon- 
sieur Marchand  et  de  commencer  à  travailler  à  cet  af- 
faire, pour  en  avoir  l'expédition  le  plus  tôt  que  faire  se 
pourra,  pource  qu'elle  nous  est  absolument  nécessaire, 


2.  Frère  de   Mademoiselle  du  Fay. 

Lettre  100.  —  L.  a.  —  Original  à  l'hospice  Saint-Nicolas  de  Metz. 
I.  Banquier  expéditionnaire  en  cour  de  Rome. 


—  149  — 

à  cause  des  oppositions  qu'on  nous  fait  -  et  pour  les- 
quelles l'on  nous  presse  de  deçà.  J'ose  encore  espérer  de 
la  charité  de  Messieurs  le  Bret  ^  et  de  Luzarches  qu'ils 
nous  continueront  leur  charité  en  cette  occasion  qui  re- 
garde notre  établissement,  et  nous  leur  devrons  à  l'un 
et  à  l'autre  ce  que  Dieu  seul  leur  peut  rendre.  Vous  pour- 
rez adresser  vos  lettres  audit  sieur  Jarriel  comme  à  un 
notre  ancien  ami  et  auquel,  après  Dieu,  nous  devons  une 
benne  partie  du  bien  de  cet  affaire. 

Il  me  reste  à  vous  prier  d'avoir  soin  de  votre  santé  sur 
toutes  choses  ;  et  attendant  qu'il  plaise  à  Notre-Sei- 
gneur  bénir  le  succès  de  vos  travaux,  je  suis,  en  son 
amour,  Monsieur,  votre  très  humble  et  obéissant  servi- 
teur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  2  mars  1632. 


2.  L'opposition  venait  des  religieux  de  Saint- Victor,  de  Louis  de 
Mesgrigny,  abbé  de  Quincy,  et  des  curés  de  la  ville,  faubourgs  el 
banlieue  de  Paris.  Appelés  à  Saint-Lazare  au  commencement  du 
XVi^  siècle  par  Etienne  de  Poncher,  évéque  de  Paris,  qui  espérait 
réformer  les  abus  en  changeant  l'administration,  les  religieux  de 
Saint-Victor  n'avaient  cessé  depuis  d'occuper  le  prieuré,  qu'ils  avaient 
fini  par  considérer  comme  leur  bien  propre.  Il  n'en  était  rien  pour- 
tant. Toutes  les  provisions  témoignaient  que  les  évêques  de  Paris  se 
réservaient  le  droit  de  révoquer  le  prieur  et  même  d'y  mettre  d'au- 
tres ecclésiastiques  à  leur  place.  De  plus,  le  5  décembre  1625,  les 
religieux  de  l'abbaye  de  Saint-Victor  avaient  décidé  que  les  diverses 
maisons  de  l'ordre  seraient  désormais  indépendantes  de  l'abbaye. 
C'était  par  le  fait  une  renonciation  à  leurs  droits  sur  Saint-Lazare. 
Rome  prit  du  temps  avant  d'accueillir  la  supplique  de  saint  Vin- 
cent. La  bulle  d'union  fut  signée  par  Urbain  VIII  le  15  mars  1635  ; 
mais  l'expédition  n'eut  pas  lieu.  Alexandre  VII  en  accorda  une  nou- 
velle le  18  avril   1655.    (Cf.  Arch.  Nat.   MM  534.) 

3.  Jacques  le  Bret,  chanoine  de  Toul,  auditeur  de  Rote  et  clerc 
de  la  Chambre  apostolique,  était  de  Paris.  Il  fut  préconisé  à  l'évêcbé 
de  Toul  le  24  avtil  1645  et  sacré  à  Saint-Louis-des-Français.  Le  roi 
de  France,  qui  n'avait  pas  été  prévenu  diplomatiquement,  refusa  de 
le  reconnaître.  Le  différend  fut  levé  par  le  décès  de  l'intéressé,  qui 
mourut  à  Rome  le  15  juin  de  la  même  année.  Jacques  le  Bret  rendit 
bien  des  services  à  la  congrégation  de  la  Mission. 


—  I50  — 

101.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  suis  bien  aise  de  ce  que  vous  avez  pris  comme  il 
faut  la  nouvelle  de  la  maladie  de  Mademoiselle  de  Po- 
trincourt  \  de  laquelle  je  n'ai  point  su  des  nouvelles 
depuis  cinq  ou  six  jours  en  ça.  Mais  je  suis  marri  de  ce 
que  vous  laissez  tremper  votre  esprit  en  quelques  vaines 
appréhensions  qui  sont  plutôt  à  empêchement  qu'à  avan- 
cement à  votre  salut.  Mettez- vous  toute  dans  la  sainte 
dilection  qui  opère  la  confiance  en  Dieu  et  la  défiance  de 
soi,  Mademoiselle,  je  vous  en  prie  ;  et  laissez  cette 
crainte,  qui  me  semble  parfois  un  peu  servile,  à  ceux  à 
qui  Dieu  n'a  point  dorme  les  sentiments  de  lui  qu'à 
vous  ;  et  surtout  méprisez  ces  pensées,  qui  semblent  in- 
firmer la  sainte  foi  que  Dieu  a  mise  en  vous  ',  et  encore 
plus  l'auteur  dont  elles  procèdent,  qui  n'a  pouvoir  que 
celui  que  vous  lui  donnerez.  Or  absit  que  vous  lui  ayez 
jamais  donné  celui-là  !  Les  larmes  que  la  peine  que  vous 
en  avez  produisent  sont  autant  de  témoins  de  ce  que  je 
vous  dis.  Soyez  donc  en  repos  de  ce  côté-là. 

Pour  Monsieur  de  Marillac  ^,  je  veux  tout  ce  que  vous 


Lettre  101.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Françoise  de  Mornay,  épouse  de  Jacques  de  Biancourt,  seigneur 
de  Potrincourt. 

2.  Louise  de  Marillac  avait  été  assaillie  autrefois  de  doutes  sur 
l'immortalité  de  l'âme  et  l'existence  de  Dieu  ;  ces  tentations  lui  se- 
raient-elles revenues  ? 

3.  Les  biographes  de  Louise  de  Marillac  supposent  qu'il  est  ici 
question  de  Michel  de  Marillac,  emprisonné  à  Clîâteaudun,  et  que 
sa  nièce  voulait  tenter  une  démarche  pour  obtenir  sa  liberté.  (Cf.  Ma- 
dame de  Richemont,  of.  cit.,  p.  100  ;  Mgr  Baunard,  of.  cit.,  p.  114  ; 
M.  de  Broglie,  La  Vénérable  Louise  de  Marillac,  Paris,  1911,  in-12, 
p.   65.)    Ce   n'est   là  qu'une  hypothèse.    On  pourrait   en   faire   d'autres. 


—  151  — 

trouverez  bon  ;  mais  prenez  garde  de  vous  embarrasser. 
Il  me  semble  en  ces  choses  qu'il  faut  être  disposé  à 
prendre  l'avis  que  celui  à  qui  l'on  se  conseille  donne  ; 
et,  quand  il  vous  dira  quelque  chose  contre  votre  senti- 
ment, qu'il  n'y  faudra  point  retourner  deux  fois.  Faites 
pourtant  ce  que  Xotre-Seigneur  vous  suggérera.  D'une 
chose  vous  assuré-je  bien,  qu'il  ne  vous  conseillera  rien 
que  de  parfait,  et  que  je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Sei- 
gneur  et  de  sa  sainte  Mère,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  Depaul. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

102.  —  A  N*** 

[i632i.] 

Vous  savez  bien  que  les  religieux  de  [Saint- Victor] 
nous  contestent  Saint-Lazare  -.  Vous  ne  sauriez  croire 
les  devoirs  de  soumission  que  je  leur  ai  rendus,  selon 
l'ordre  de  l'Evangile,  quoiqu'en  vérité  ils  ne  soient  point 
fondés  en  raison,  à  ce  que  M.  Duval  m'a  assuré  et  à  ce 
que  me  disent  toutes  les  personnes  qui  savent  de  quoi 


Il  n'est  même  pas  sur  qu'il  s'agisse  ici  de  Tancien  garde  des  sceaux. 
Saint  Vincent  pourrait  aussi  bien  avoir  en  vue  un  autre  Marillac,  le 
maréchal  par  exemple  ou  le  petit-fils  de  Michel. 

Lettre  102.  —  Abelly,  of.  cit.,  t.  I,  chap.  xxii,  fin,  p.   ici. 

1.  Voir  note  2. 

2.  Les  religieux  de  Saint-Victor  avaient  produit  une  première  re- 
quête le  17  décembre  1631  pour  empêcher  le  contrat  d'union.  Ils  en 
présentèrent  une  seconde  le  13  mai  1632  pour  le  faire  casser.  Malgré 
l'appui  que  leur  prêtèrent  l'abbé  de  Quincy  et  les  curés  de  Paris  et  de 
la  banlieue,  ils  ne  purent  obtenir  gain  de  cause.  Le  Parlement  dé- 
cida, le  21  aoiit,  qu'il  verrait  le  concordat,  et  le  7  septembre  il  en 
ordonna  l'enregistrement,  tout  en  exigeant  des  prêtres  de  la  Mission 
qu'ils  se  retirassent  «  par  devers  le  sieur  archevêque  de  Paris  pour  ob- 
tenir lettres  d'établissement  à  perpétuité  en  ladite  maison  de  Saint- 
Lazare  ».    (Arch.   Xat.  M  212,  liasse  n°  4.) 


—     152    — 

i]  s'agit.  Il  en  sera  ce  qu'il  plaira  à  Notre-Seigneur,  qui 
sait  en  vérité  que  sa  bonté  m'a  rendu  autant  indifférent 
en  cette  occasion  qu'en  aucun  autre  affaire  que  j'aie  ja- 
mais eu.  Aidez-moi  à  l'en  remercier,  s'il  vous  plaît. 

103.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Il  vaut  donc  mieux  en  user  ainsi  que  vous  me  mandez, 
Mademoiselle,  et  différer  pour  ne  rien  hasarder.  Que  si 
entre  ci  et  mon  retour  vous  trouvez  quelque  personne  af- 
fidée,  faites  ;  sinon,  différez  ^  ;  Notre-Seigneur  y  pour- 
voira, surtout  si  vous  vous  aimez  bien  aux  pieds  de  la 
croix,  oii  vous  vous  trouvez  à  présent  et  qui  est  la  meil- 
leure place  que  vous  puissiez  avoir  en  ce  monde.  Aimez- 
vous-y  donc,  Mademoiselle,  et  ne  craignez  rien.  Ne  nous 
oubliez  pas  en  vos  prières  et  j'aurai  soin  de  vous  recom- 
mander à  nos  bonnes  gens  des  champs. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

104.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Avant  1634I.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Ce  billet  sera  à  trois  fins  :  pour  vous  donner  le  bon 

Lettre  103.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  On  peut,  avec  les  biographes  de  Louise  de  Marillac,  interpréter 
ces  mots  de  démarches  qu'elle  désirait  faire  pour  la  délivrance  soit 
de  Michel  de  Marillac,  ancien  garde  des  sceaux,  soit  du  maréchal 
Louis   de    Marillac. 

Lettre  104.  —  L.  a.  —  Copie  du  xviie  ou  du  xyiii»  siècle  à  l'hôpi- 
tal  de  Pernambuco    (Brésil). 

I.  Tout  porte  à  croire  que  la  lettre  a  précédé  l'institution  des  Filles 
de  la  Charité.  L'insistance  que  met  le  saint  à  parler  de  saint  Joseph 
n'indiquerait-elle  pas  qu'il  l'écrivit  le   19  mars    ? 


—  153  — 

jour,  pour  vous  remercier  de  ce  tant  beau  et  agréable 
parement  que  votre  charité  nous  a  envoyé,  lequel  me 
pensa  ravir  hier  le  cœur  d'aise,  voyant  le  vôtre  là  de- 
dans, et  cela  tout  à  coup  entrant  dans  la  chapelle,  ne 
sachant  pas  qu'il  y  fût  ;  et  cette  aise  dura  hier  et  dure 
encore  avec  une  tendresse  inexplicable,  laquelle  opère 
en  moi  plusieurs  pensées,  lesquelles,  si  Dieu  l'a  agréable, 
je  vous  pourrai  dire,  me  contentant  cependant  de  vous- 
dire  que  je  prie  Dieu  qu'il  embellisse  votre  âme  de  son 
parfait  et  divin  amour,  pendant  que  vous  embellissez 
ainsi  sa  maison  de  tant  de  beaux  parements. 

La  troisième  an  est  la  prière  que  je  vous  fais  de  ne 
point  aller  aujourd'hui  aux  pauvres,  et  qu'ainsi  vous 
honorerez  le  non- faire  du  Fils  de  Dieu  et  celui  de  saint 
Joseph,  lequel,  ayant  la  puissance  du  ciel  et  de  la  terre 
en  sa  conduite  et  sous  son  pouvoir,  a  voulu  néanmoins 
paraître  sans  pouvoir.  Envoyez-y  Madame  Richard. 
Peut-être  que  Dieu  lui  communiquera  là  quelque  grâce 
dont  elle  a  besoin,  et  à  vous  celle  de  quelque  degré  d'hu- 
milité, de  compassion  des  infirmes  ou  de  connaissance 
de  vous-même,  l'impuissance  que  vous  avez  de  tendre 
à  ce  que  votre  ferveur  vous  fait  prétendre. 

Enfin  vous  y  gagnerez,  si  vous  le  faites,  pource  que 
Notre-Seigneur  le  veut  ainsi,  en  l'amour  duquel  et  celui 
de  sa  sainte  Mère  et  de  saint  Joseph,  je  suis  votre  très 
humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

105.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Mai   i632  ^] 
Mademoiselle, 

Ce  que  vous  me  mandez  de  M.  le  maréchal  de  Maril- 

Lettre  105.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.   74. 

I.  La  lettre  est  du  8,  9  ou   10  mai.    (Cf.  note  2.) 


—  154  — 

lac  me  paraît  digne  de  grande  compassion  et  m'afflige  -. 
Honorons  là  dedans  le  bon  plaisir  de  Dieu  et  le  bonheur 
de  ceux  qui  honorent  le  supplice  du  Fils  de  Dieu  par 
le  leur.  Il  ne  nous  importe  comme  quoi  nos  parents  vont 
à  Dieu,  pourvu  qu'ils  y  aillent.  Or,  le  bon  usage  de  ce 
genre  de  mort  est  un  des  plus  assurés  pour  la  vie  éter- 
nelle. Ne  le  plaignons  donc  point  ;  ains  acquiesçons  à 
l'adorable  volonté  de  Dieu. 


106.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  i632  et  i636  K] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Jésus-Christ  Notre-Seigneur  soit  avec 
vous  pour  jamais    ! 

Me  voici  votre  voisin  depuis  midi  ^.  J'ai  envoyé  voir 
si  vous  étiez  chez  vous,  sur  les  deux  heures  ;  mais  vous 
étiez   allée  en    dévotion.   Si    demain,    incontinent  après 


2.  Louis  de  Marillac,  comte  de  Beaumont-le-Roger  et  maréchal  de 
France,  Michel  de  Marillac,  garde  des  sceaux,  et  Louis  de  Marillac, 
père  de  Louise  de  Marillac,  étaient  fils  d'un  même  père.  Le  premier, 
qui  était  le  plus  jeune  des  trois,  fut  ambassadeur  en  Savoie,  en  Ita- 
lie, en  Lorraine,  en  Allemagne,  commissaire  général  des  armées  de 
Louis  XIII,  maréchal  de  camp,  capitaine  général  des  gens  d'armes 
de  la  reine,  lieutenant  général  pour  les  diocèses  de  Metz,  Toul  et 
Verdun,  gouverneur  de  la  ville  et  citadelle  de  Verdun  et  maréchal  de 
France.  Il  se  signala  au  siège  de  Montauban,  où  il  fut  blessé,  au 
combat  de  l'île  de  Ré,  au  siège  de  La  Rochelle,  à  la  prise  de  Pri- 
vas et  ailleurs.  Il  était  lieutenant  général  du  roi  à  l'armée  d'Italie, 
quand  Richelieu  décida  de  l'arrêter.  Le  cardinal-ministre  le  fit  saisir 
par  ses  commissaires,  le  30  octobre  1630,  au  camp  de  Felizzo,  en 
Piémont,  et  le  tint  de  longs  mois  en  prison.  La  sentence  de  mort  fut 
portée  contre  lui  à  Rueil  le  8  mai  1632  et  mise  à  exécution  le  surlen- 
demain sur  la  place  de  Grève,  à  Paris. 

Lettre  106.    —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original 

1.  Cette  lettre  est  du  temps  où  saint  Vincent  était  établi  à  Saint- 
Lazare  (après  1631)  et  Louise  de  Marillac  près  du  collège  des 
Bons-Enfants    (avant  mai   1636.) 

2.  Saint  Vincent  allait  assez  souvent  au  collège  des  Bons-Enfants. 


—  155  - 

dîner,  il  vous  plait  prendre  la  peine  de  venir  jusques  ici, 
nous  apprendrons  de  vive  voix  ce  que  vous  nous  écrivez  ; 
et  cependant  je  vous  supplie  d'honorer  les  abandons 
intérieurs  auxquels  les  saints,  voire  même  le  Saint  des 
saints  se  sont  trouvés  quelquefois,  et  l'union  plus  étroite 
qu'ils  ont  eue  ensuite  à  Dieu. 

Je  vous  souhaite  le  bon  soir  et  suis,  en  l'amour  de 
Notre-Seigneur,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  D.  P. 

Je  ne  puis  que  je  ne  vous  die  que  je  me  propose  de 
vous  bien  blâmer  demain  de  ce  que  vous  vous  laissez 
aller  ainsi  à  ces  vaines  et  frivoles  appréhensions.  Oh  ! 
apprêtez-vous  à  être  bien  tancée    ! 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

107.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Mai  i632  '.] 
Mademoiselle, 

Quant  à  votre  petite  retraite  -,  faites-la  tout  douce- 
ment,  selon   l'ordre   de   Y  Introduction   de   Monsieur   de 


Lettre  107.  —  L.  a.  —  Original  chez  les  Filles  de  la  Charité  de 
la   maison    centrale    de    Turin. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  à  l'époque  d'un  déménagement  de 
Louise  de  Marillac.  Certains  indices  nous  portent  à  croire  que  ce 
fut  en  mai  1632,  peu  de  jours  avant  sa  retraite  de  l'Ascension.  Le 
changement  de  domicile  projeté  à  la  fin  de  l'année  1631  avait  été 
différé,   ou  bien  Louise  avait  pris  un  logement  provisoire. 

2.  «  Je  désirerais  bien  huit  ou  dix  jours  de  retraite,  deux  fois 
l'année,  à  savoir  les  jours  entre  l'Ascension  et  la  Pentecôte,  pour  ho- 
norer la  grâce  que  Dieu  a  faite  à  son  Eglise,  lui  donnant  son  Saint- 
Esprit  pour  la  conduire,  et  l'élection  des  apôtres  pour  annoncer  son 
saint  Evangile,  pour  lequel  pratiquer  j'aurai  une  particulière  atten- 
tion à  l'entendre  et  dévotion  à  la  loi  de  Dieu,  qui  sont  ses  com- 
mandements. Les  autres  jours  de  retraite  seront  dans  les  Avents...  » 
(Pensées,  p.  5.)  Une  déchirure  empêche  de  connaître  la  suite  du  texte. 


-  156  - 

Genève  ^  ;  mais  ne  faites  que  deux  oraisons  par  jour, 
une  heure  le  matin  et  demi-heure  l'après-dînée,  et  vous 
lirez  pendant  l'intervalle  quelque  chose  de  Gerson  '^  ou 
des  vies  des  saintes  veuves  auxquelles  vous  avez  plus 
particulière  dévotion  ;  et  le  reste  du  temps  vous  l'em- 
ploierez à  penser  à  la  vie  passée  et  à  celle  qui  vous  reste. 
Mais  faites  tout  cela  bien  doucement,  s'il  vous  plaît, 
après  que  vous  aurez  changé  de  logis,  et  contentez-vous 
de  faire  cela  six  jours  durant.  Ne  m'oubliez  pas  en  vos 
prières.  Peut-être  que  je  ferai  la  mienne  en  même  temps. 
Dieu  nous  fasse  la  grâce  de  la  bien  faire  ! 

Je  suis,  en  son  amour  et  celui  de  sa  sainte  Mère, 
votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

108.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Mai    ou  juin    1632  ^.J 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Jésus-Christ  soit  avec  vous  ! 

Si  vous  jugez  à  propos  avec  M.  Compaing  -  de  ren- 

3.  Introduction  à  la  vie  dévote,   par  saint  François  de  Sales. 

4.  Louise  écrit  dans  une  de  ses  lettres  à  l'abbé  de  Vaux  (lettre 
63)  :  «  Après  la  confession,  la  lecture  est  dans  Gerson  ou  autre 
livre  semblable  qui  excite  à  l'amour  de  Dieu.  »  L'œuvre  littéraire  de 
Gerson  est  considérable.  Parmi  les  ouvrages  écrits  ou  traduits  en 
français  dont  la  lecture  pouvait  être  recommandée  à  Louise  de  Ma- 
ri llac,  nous  signalerons  VOfus  trifariitiim,  le  Dénat  spirituel,  La 
Doctrine  de  bien  vivre  en  ce  7nonde,  Les  règles  de  bien  vivre,  Le 
trésor  de  Safience  et  La  mendicité  sfirituelle.  Notons  que  saint  Vin- 
cent attribue  ailleurs  Vlmitation  de  Jésus-Christ  à  Thomas  a  Kempis. 

Lettre  108.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite,  semble-t-il,  quand  Louise  de  Marillac 
venait  de  changer  de  logis  et  alors  qu'elle  se  trouvait  encore  sur  la 
paroisse   de   Saint-Nicolas-du-Chardonnet. 

2.  Guillaimie    Compaing,    fils    du    seigneur    de  l'Estang,    eut    l'hon- 


—  157  — 

voyer  cette  femme,  faites-le.  S'il  faut  quelque  chose 
pour  cela,  je  le  baillerai.  Et  pource  que  je  suis 
embarrassé  par  dessus  la  tête  de  quantité  d'exercitants, 
un  évêque  nommé,  un  premier  président,  deux  doc- 
teurs, un  professeur  en  théologie  et  M.  Pavillon  ^,  outre 
nos  exercices,  tout  cela,  dis-je,  m'empêche  de  vous  aller 
voir  *.  C'est  pourquoi,  vous  m'enverrez,  s'il  vous  plaît,  le 
mémoire  dont  vous  me  parlez. 

Je  suis  bien  aise  de  votre  beau  logement  et  dirai  une 
douzaine  de  paroles  à  Germaine  quand  il  lui  plaira. 
M.  Belin  est  céans.  Quant  à  cet  honnête  homme,  pour  M. 


neur  d'être  assisté  à  sa  première  messe  par  saint  François  de  Sales. 
Il  prêta  sa  maison  au.x  prêtres  de  Saint-Nicolas-du-Chardonnet  et 
entra  lui-même  dans  leur  communauté  en  1621.  Il  fit  beaucoup  de 
bien  à  la  paroisse  Saint-Nicolas,  dont  il  resta  vicaire  pendant  qua- 
rante-trois ans,  et  aux  Filles  de  Sainte-Geneviève,  dont  il  fut  direc- 
teur. La  reconstruction  de  l'église  paroissiale  lui  occasionna  beaucoup 
de  dépenses  et  lui  coûta  même  la  vie,  car  il  mourut  le  21  août  1665, 
écrasé  par  la  chute  d'un  échafaudage.  (Jean  Darche,  of.  cit.,  t.  I, 
pp.  348-351.) 

3.  Nicolas  Pavillon,  né  à  Paris  le  17  novembre  1597,  se  mit  tout 
jeune  prêtre  sous  la  direction  de  saint  Vincent,  qui  lui  donna  des 
catéchismes  à  faire,  l'employa  à  l'œuvre  des  missions,  l'envoya  aux 
Charités  où  sa  présence  était  jugée  utile,  et  lui  confia  plus  d'une  fois 
la  direction  des  conférences  et  des  retraites  ecclésiastiques.  Nommé 
en  1637  à  l'évêché  d'Alet,  Pavillon  n'accepta  que  sur  les  instances 
du  saint.  Cette  élévation  ne  le  détourna  pas  de  ses  travaux  aposto- 
liques. Il  donna  une  mission  à  Rueil,  sur  l'invitation  de  Richelieu, 
puis  à  Saint-Germain-en-Laye,  à  la  demande  du  roi.  Il  fut  sacré  à 
Saint-Lazare  le  22  août  1639  et  alla  dans  son  diocèse  accompagné 
d'Etienne  Blatiron,  prêtre  de  la  Mission.  Evêque  zélé,  intelligent,  ré- 
formateur, il  justifia  les  espérances  qu'on  avait  mises  en  lui.  Son 
épiscopat  eût  été  plus  fécond  s'il  s'était  mieux  prémuni  contre  les 
idées  jansénistes.  Saint  Vincent  le  supplia  vainement  de  signer  le 
formulaire.  L'évêque  d'Alet  mourut  le  8  décembre  1677.  On  a  plu- 
sieurs vies  imprimées  et  manuscrites  de  ce  prélat.  La  dernière  a  été 
composée  par  M.  Etienne  Dejean  sous  ce  titre  Un  frélat  indéfendant 
au  XVII  e  siècle,   Nicolas  Pavillon,   évêqtie  d'Alet,   Paris,    1909,    in-80. 

4.  Saint  Vincent  ouvrait  toutes  grandes  les  portes  de  sa  maison  aux 
personnes  qui  désiraient  y  faire  leur  retraite.  L'hospitalité  qu'il  leur 
donnait  était  gratuite.  Dieu  seul  connaît  le  nombre  incalculable  d'ec- 
clésiastiques et  de  laïques,  de  tout  pays  et  de  toute  condition,  qu'il 
reçut  soit  aux  Bons-Enfants,  soit  à  Saint-Lazare.  (Abelly,  of  cit., 
t.  I,  chap.  XXVI,  p.  119  et  suiv.) 


-  158  - 

Renouard,  il  faut  le  faire  demander  par  le  petit  Hermite. 
Il  le  connaît.  Il  faut  lui  dire  que  c'est  celui  qu'il  nous 
a  voulu  bailler,  ci-devant  marchand.  Monsieur  votre  fils 
est  ici.  Il  me  revient  toujours  de  mieux  en  mieux. 

Adieu,  Mademoiselle,  je  suis  votre    très    humble  ser- 
viteur. 

Vincent  Depaul. 
Suscriftïon  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


109.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Juin  i632  *.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Mon  Dieu,  Mademoiselle,  que  je  fais  des  fautes  à 
votre  égard  !  Je  vous  assurai  hier  que  j'aurais  le  bien 
d'aller  voir  aujourd'hui  votre  beau  et  dévot  paradis  ^  et 
que  je  verrais  Madame  la  présidente  Goussault  ^  et  Ma- 
demoiselle Poulaillon  *,  et  cependant  je  n'ai  fait  ni  l'un 


Lettre  109.  —  L.   a.  —  Dossier  des  prêtres  de  la  Mission,  original. 

1.  Cette  lettre  demande  à  être  rapprochée  de  la  lettre  iio.  Elle  est 
antérieure  au  départ  de  Louise  de  Marillac  pour  Villeneuve,  où  celle- 
ci   se   trouvait   le   27    iuin. 

2.  Le  nouveau  domicile  de  Louise  de  Marillac. 

3.  Geneviève  Fayet  avait  épousé  en  1613  Antoine  Goussault,  sei- 
gneur de  Souvigny,  conseiller  du  roi  et  président  en  la  Chambre  des 
Comptes  de  Paris,  et  avait  eu  cinq  enfants  de  son  mariage.  Veuve  en 
1631,  elle  se  consacra  avec  un  dévouement  inlassable  aux  œuvres  de 
charité.  Elle  eut  la  première  idée  d'une  association  de  dames  pour 
le  soulagement  des  malades  de  l'Hôtel-Dieu  et  en  fut  la  première 
supérieure.  C'est  grâce  à  elle  que  les  Filles  de  la  Charité  furent  ap- 
pelées à  l'hôpital  d'Angers.  Son  nom  revient  sans  cesse  dans  les  let- 
tres de  saint  Vincent  à  Louise  de  Marillac.  Elle  mourut  dans  l'exer- 
cice de  la  charité  le  20  septembre   1639. 

4.  Marie  de  Lumague,  veuve  de  François  de  Pollalion,  gentil- 
homme ordinaire  de  la  maison  de  Louis  XIII,  était  du  nombre  de  ces 
pieuses   veuves   que   saint   Vincent   appliquait   aux   travaux   de   l'apos- 


—  159  — 

ni  l'autre,  et  m'en  suis  allé  aux  champs,  d'où  je  viens 
de  revenir.  C'est  pour  travailler  à  la  Charité  de  Cham- 
pigny  ^,  qui  requiert  bien  votre  présence.  Je  vous  supplie 
très  humblement  de  me  le  pardonner  et  de  vous  en  aller 
demain  à  Villeneuve,  si  Madame  Goussault  et  Made- 
moiselle Poulaillon  vous  y  mènent,  et  pour  cela  je  vous 
prie  de  leur  écrire  ce  matin  ;  si  elles  ne  peuvent  aller 
l'une  ni  l'autre,  je  ne  sais  si  vous  serez  incommodée  dans 
le  bateau  de  Joigny  *',  qui  part  samedi  à  huit  heures.  Je 
pense  néanmoins  que  non,  pource  qu'il  est  couvert.  Quand 
vous  serez  à  Villeneuve,  il  faudra  vous  retirer  chez 
Mademoiselle  Tranchot  ^  et  rendre  à  Monsieur  le  curé 
celle  que  je  lui  écris,  dont  vous  verrez  la  teneur.  Il  n'y 
aura  point  danger  que  vous  instruisiez  les  filles  seule- 
ment. Cela  vous  facilitera  le  moyen  de  gagner  leurs 
mères  à  Dieu.  Pour  la  Charité,  vous  ne  trouverez  que 
neuf  sœurs  de  la  confrérie  ;  vous  tâcherez  d'en  gagner 
d'autres.  Si  nous  le  pouvons,  nous  vous  enverrons  Mon- 
sieur Pavillon  pour  prêcher  un  dimanche. 

Je  ne  vous  dirai  rien  pour  le  surplus.  Notre-Seigneur 


tolat.  Née  à  Paris  le  29  novembre  1599,  mariée  à  l'âge  de  dix-huit 
ans,  veuve  peu  après,  elle  fit  vœu  de  continence  et  se  mit  sous  la 
direction  du  saint.  En  compagnie  de  Louise  de  Marillac  ou  d'autres 
dames  charitables,  elle  visitait  les  Charités,  instruisait  les  petites 
filles,  portait  des  aumônes  aux  pauvres.  Elle  avait  surtout  à  cœur 
de  recueillir  et  de  relever  les  filles  déréglées  et  fonda  pour  cela  les 
Filles  de  la  Providence.  Saint  Vincent  travailla  aux  règles  de  cet 
institut,  lui  procura  des  secours,  de  bons  directeurs  et  obtint  son 
approbation  par  le  roi  et  l'archevêque  de  Paris.  Mademoiselle  de 
Pollalion  mourut  le  4  septembre  1657.  [Vie  de  la  Vénérable  Servante 
de  Dieu  Marie  Lumague,  veuve  de  M.  Pollalion,  par  M.  Colin,  1754, 
in-i2  ;  Histoire  de  VUnion  chrétienne  de  Fontenay-le-C omte,  par 
l'abbé  Teillet,  Fontenay-le-Comte,  1898,  in-8.  )  Saint  Vincent  écrit 
toujours  Poulaillon  au   lieu  de  Pollalion. 

5.  Champigny-sur-Marne    (Seine). 

6.  Ville  située  sur  les  bords  de  l'Yonne,  un  des  affluents  de  ia 
Seine. 

7.  Louise  de  Marillac  a  écrit  du  côté  de  l'adresse  ces  mots,  em- 
pruntés à  la  lettre  du  12  octobre  1631  :  «  Mademoiselle  Tranchot  vous 
désire   fort   à   Villeneuve,   où   la  Charité  va   mal.    » 


-  •   i6o  — 

vous  conseillera  ce  que  vous  aurez  à  faire  ;  et  vous  aurez 
soin,  s'il  vous  plaît,  de  votre  santé  et  d'honorer  la  gaieté 
de  cœur  de  Notre-Seigneur.  Et  moi  je  prie  Dieu  qu'il 
vous  ramène  en  parfaite  ssinté  et  pleine  de  mérite  et 
chargée  des  dépouilles  de  l'ennemi  de  l'empire  de  Dieu, 
en  l'amour  duquel  je  suis  v.  s. 

V.  D.  P. 

Siiscri-ption  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


110.    —   A    LOUISE    DE    MARILLAC,  A   VILLENEUVE-SAINT- 
GEORGES 

Mademoiselle, 

Votre  lettre  du  27  m'a  été  donnée  céans  ;  à  même 
temps  j'ai  écrit  à  M.  Pavillon  pour  le  prier  de  vous  aller 
voir  et  lui  ai  envoyé  votre  lettre.  Il  ne  m'a  point  fait 
réponse.  Dès  que  je  l'aurai,  je  [la]  vous  enverrai  ;  sinon, 
M.  [Soufliers]  S  qui  a  été  assez  goûté  au  catéchisme  qu'il 
a  fait  à  Villeneuve.  Aussi  bien  M.  de  la  Salle  n'est-il  pas 
ici. 

Je  ne  doutais  point  certes  que  vous  ne  trouviez  très 
grande  difficulté  au  rétablissement  de  la  Charité,  et  plus 
que  vous  ne  m'en  dites  ;  mais  béni  soit  Dieu  de  ce  qu'il 
y  a  quelque  sujet  d'espérer  que  vous  la  rétablirez  ! 

Quant  aux  difficultés  que  vous  me  mandez,  je  trouve 
bon  que  vous  en  usiez  ainsi  que  vous  me  mandez. 

Mademoiselle  Poulaillon  m'a  dit  qu'elle  espère  aller 


Lettre  110.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.  29. 

I.  Le  copiste  a  écrit  So74dier  ;  mais  c'est  là  une  distraction  mani- 
feste, car  les  deux  frères  Le  Soudier  n'entrèrent  dans  la  congré- 
gation de  la  Mission  qu'en  1638.  —  François  Soudiers,  né  à  Mont- 
mirail  en  1606,  reçu  aux  Bons-Enfants  en  août  1629,  ordonné  prêtre 
en  septembre  1631,  fut  supérieur  à  Notre-Dame  de  la  Rose  de  1642  à 
1644.  Saint  Vincent  recommandait  d'imiter  sa  manière  de  traiter 
avec  les  hérétiques. 


—   i6i  — 

coucher  chez  vous  samedi,  et  j'ai  écrit  à  Madame  Gous- 
sault  que  l'on  faisait  état  en  cette  ville  qu'elle  ira  voir 
la  maîtresse  d'école  de  Villeneuve  dimanche  après- 
dîner.  O  Dieu  !  quelle  bonne  petite  compagnie  !  Je 
prie  Notre-Seigneur  qu'il  lie  vos  cœurs  en  un,  qui  soit  le 
sien,  et  qu'il  vous  fortifie  dans  vos  travaux. 

De  Paris,  ce  7  juillet  1632. 

111.  —   A   LOUISE    DE    MARILLAC,    A   VILLENEUVE-SAINT- 
GEORGES 

De  Saint-Lazare,  ce  10  juillet  1632. 

Mademoiselle, 

Béni  soit  Dieu,  Mademoiselle,  de  ce  que  vous  vous 
portez  bien  parmi  tant  de  travail  et  de  ce  qu'il  a  béni 
votre  emploi  !  Je  pense  bien  voirement  qu'il  serait  à 
propos  d'établir  à  Villeneuve  une  maîtresse  d'école  ; 
mais  où  la  prendrons-nous  ?  Germaine  ne  serait  pas 
fâchée  d'y  aller,  à  ce  que  je  juge  par  une  lettre  que  m'a 
écrite  M.  Belin  ;  mais  quel  moyen  de  la  retirer  de  Ville- 
preux,  si  l'on  n'y  met  quelque  autre  ?  Et  puis,  oti  pren- 
drons-nous celle-là  ?  Certes,  je  n'y  vois  point  de  moyen, 
surtout  dans  le  peu  de  temps  que  vous  avez  pour  voir 
Mademoiselle  d'Attichy.  Quand  vous  serez  de  deçà,  l'on 
y  avisera  ;  ce  qui  pourra  être  l'un  des  jours  de  la  semaine 
prochaine  ;  s'il  vous  plaît,  cependant,  vous  ferez  espérer 
aux  mères  de  vos  écolières  que  vous  leur  enverrez  une 
maîtresse  le  plus  tôt  que  vous  pourrez,  ou  que  vous  les 
irez  voir  et  conférer  du  moyen  de  loger  la  maîtresse  et 
de  l'entretenir.  Nous  vous  attendrons  donc  pendant  ce 
temps-là. 

In  formez- vous,  je  vous  en  supplie,  comme  va  la  Cha- 

Lettre  111.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.  31. 

11 


102 


rite  de  Crosnes  '.  C'est  un  petit  village  éloigné  de  [Vil- 
leneuve] -  comme  de  la  porte  Saint- Victor  à  Notre-Dame 
ou  environ.  Si  vous  aviez  une  monture  pour  y  aller,  vous 
n'y  perdriez  pas  le  temps. 


112.  —  A  FRANÇOIS  DU  COUDRAY,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 

A   ROME 

Du  12  de  juillet  i632. 

Dès  que  j'aurai  reçu  les  témoignages  que  la  Congré- 
gation désire  de  Mgr  le  nonce  ^  et  de  Mgr  l'archevêque  ^, 
je  vous  les  enverrai,  si  tant  est  que  nous  puissions  les 
obtenir  ;  car,  il  est  vrai,  on  tâche  à  nous  brouiller, 
comme  vous  m'avez  mandé  ;  et  cela  jusqu'à  la  personne 
de  laquelle  nous  devrions  espérer  la  plus  grande  assis- 
tance après  Dieu.  Mais  tout  cela  ne  m'étonnerait  pas 
sans  mes  péchés,  qui  me  donnent  sujet  de  craindre  non 
pas  le  succès  de  la  chose,  qui  tôt  ou  tard  se  fera  de  delà 
comme  de  deçà  ;  mais  je  ne  saurais  vous  exprimer  com- 
bien les  artifices  m'étonnent.  Le  R.  P.  Général  ^  désavoue 


1.  En  Seine-et-Oise,  arrondissement  de  Corbeil,  à  deux  kilomètres 
de   Villeneuve. 

2.  Le  copiste  du  manuscrit  Saint-Paul  a  écrit  par  distraction  Ville- 
freux. 

Lettre  112.  —  Reg.  2,  p.  2. 

1.  Alexandre  Bichi,  né  à  Sienne,  mort  à  Rome  le  25  mai  1657.  Il 
fut  évêque  d'Isola  (1628),  de  Carpentras  (1630),  nonce  apostolique 
en  France  (1630),  cardinal  (1633),  légat  d'Avignon  (1634).  Mazarin 
lui  confia  des  missions  importantes.  (Cf.  Tamizey  de  Larroque,  Le 
Cardinal  Bichi,  évêque  de  Carfentras.  —  Lettres  à  Peiresc,  Paris. 
1885.) 

2.  Jean-François  de  Gondi. 

3.  Charles  de  Condren,  né  à  Vauxbuin,  près  de  Soissons,  le  15  dé- 
cembre 1588,  entra  à  l'Oratoire  le  17  juin  1617,  après  avoir  pris  le 
doctorat  en  Sorbonne.  Il  alla  fonder  le  séminaire  de  Langres  en 
1619,  celui  de  Saint-Magloire  en  r62o,  puis  établit  une  maison  de 
son  ordre  à  Poitiers,  où  il  resta  plus  d'un  an.  De  retour  à  Paris,  i! 
se  fit  une  grande  réputation  de  directeur  d'âmes,  qui  attira  vers  lui 
Gaston,    duc    d'Orléans,    frère    du    roi,    Olier,    Meyster,    Amelote    et 


—  163  — 

pourtant  tout  cela  et  m'a  promis  d'écrire  à  M.  le  car- 
dinal Bagni  *,  à  M.  l'ambassadeur  ^  et  au  R.  P.  René  ^. 
Dès  que  j'aurai  ses  lettres,  je  vous  les  enverrai.  Cepen- 
dant vous  agirez,  s'il  vous  plait,  le  plus  chrétiennement 
qu'il  vous  sera  possible  avec  ceux  qui  nous  embarras- 
sent. Je  les  vois  ici  aussi  souvent  et  cordialement.  Dieu 
merci,  comme  je  faisais  ;  et  me  semble  que,  par  la  grâce 
de  Dieu,  non  seulement  je  ne  leur  ai  point  d'aversion, 
ains  que  je  les  honore  et  chéris  davantage  ;  et  vous  di- 
rai plus,  que  je  ne  m'en  suis  pas  encore  plaint  au  Père  de 
Gondy  ^  de  peur  de  l'indisposer  en  sa  vocation.  Il  est 
vrai  ce  qu'ils  ont  écrit  de  delà,  que  le  P.  B.  ^  est  allé  en 
mission  en  Normandie,  avec  six  ou  sept,  depuis  environ 
quinze  jours  après  Pâques,  et  que  je  leur  ai  baillé 
M.  Renar  ®,  pource  qu'ils  m'en  ont  fait  instance,  aân  de 

d'autres  personnages  éminents.  Il  gouverna  l'Oratoire  du  30  octobre 
1629  au  7  janvier  1641,  jour  de  sa  mort.  {Vie  du  P.  Charles  de  Con- 
dren,  par  Amelote,  Paris,  1643,  iii-4°-)  Saint  Vincent  l'avait  en  haute 
estime.  «  Il  m'en  a  parlé  en  des  termes  qui  paraîtraient  incroyables, 
écrit  Jean-Jacques  Olier  (Mémoires  autographes,  t.  II,  p.  255),  et  je 
me  souviens  qu'il  me  dit  à  son  sujet  :  Il  ne  s'est  point  trouvé  un 
homme  semblable  à  lui,  non  est  inventus  similis  illi  ;  et  mille  autres 
choses  semblables,  jusque-là  que,  lorsqu'il  apprit  sa  mort,  se  jetant 
à  genoux  et  se  frappant  la  poitrine,  il  s'accusait,  les  larmes  aux 
yeux,  de  n'avoir  point  honoré  ce  saint  homme  autant  qu'il  méritait 
de  l'être.    » 

4.  Jean-François  Bagni,  né  en  juillet  1565,  évêque  de  Cervia,  de 
Reati,  vice-légat  d'Avignon,  nonce  dans  les  Flandres,  puis  en  France 
(1627),    cardinal   en    1629,   mort   le   24  juillet   1641. 

5.  Le  comte  d'Avaux. 

6.  Le  Père  René  Barrême,  disciple  préféré  du  P.  de  Condren,  né 
à  Arles,  reçu  à  l'Oratoire  en  1623,  mort  à  Arles  le  16  jan- 
vier 1685.  Il  avait  un  goût  tout  particulier  pour  les  missions  et  excel- 
lait dans  la  manière  de  faire  le  catéchisme,  qu'il  enseignait  au 
moyen  de  grands  tableaux  représentant  les  principaux  mystères  et 
les  sacrements.  (Bibliothèque  Oratorienne,  par  le  P.  Ingold,  3  vol. 
in-i2,    Paris,    1880-1883,    t.    I,    p.    246,   note    i.) 

7.  Oratorien    depuis    1627. 

8.  Peut-être  François  Bourgoing,  qui  précéda  saint  Vincent  à  la 
cure  de  Clichy  et  devait  succéder  à  Charles  de  Condren  comme  supé- 
rieur de   l'Oratoire. 

9.  Saint  Vincent  n'avait  peut-être  pas  parmi  les  membres  de  la 
conférence  des  mardis  d'auxiliaire  plus  zélé  et  plus  utile  que  Fran- 


—   164  — 

se  conformer  à  nous  ;  et  que,  depuis,  un  des  leurs  est 
venu  passer  deux  ou  trois  jours  à  une  de  nos  missions  de 
ce  diocèse  pour  voir  comme  l'on  fait  ;  et  s'il  leur  plaît 
d'y  venir  davantage,  ils  seront  les  bienvenus  ;  car  je  ne 
croirais  pas  être  chrétien,  si  je  ne  tâchais  de  participer 
à  Vutiiiam  omnes  frofhetarent  de  saint  Paul  ^°.  Hélas  ! 
Monsieur,  la  campagne  est  si  grande  !  Il  y  a  des  peu- 
ples à  milliers  qui  remplissent  l'enfer.  Tous  les  ecclé- 
siastiques ne  suffiraient  pas,  avec  tous  les  religieux, 
pour  subvenir  à  ce  malheur.  Faudrait-il  que  nous  fus- 
sions si  misérables  d'envier  que  ces  persoimes-là  s'appli- 
quassent au  secours  de  ces  pauvres  âmes  qui  se  vont 
incessamment  perdant  !  Oh  !  certes,  ce  serait  être  cou- 

çois  Renar,  né  à  Paris  le  25  avril  1604.  Ce  saint  prêtre  partageait 
son  temps  entre  la  direction  des  âmes  et  les  oeuvres  de  charité.  Tous 
les  matins,  de  six  heures  à  midi,  il  se  tenait  à  la  disposition  de  ses 
pénitentes,  au  nombre  desquelles  était  Jeanne  Potier,  épouse  de  Mi- 
chel de  Marillac.  On  le  voyait  à  l' Hôtel-Dieu  auprès  des  malades, 
qu'il  visitait  et  instruisait.  Il  prêchait  dans  les  hôpitaux  et  les  pri- 
sons, faisait  le  catéchisme  aux  enfants,  allait  annoncer  l'Evangile 
dans  les  villages,  souvent  avec  les  prêtres  de  la  Mission.  Il  prit  part 
aux  missions  qui  se  donnèrent  aux  Quinze-Vingts,  à  la  Pitié,  au  Refuge, 
à  La  Chapelle,  où  il  se  chargea  de  faire  le  catéchisme  aux  pauvres 
Lorrains.  Où  ne  le  trouvait-on  pas  ?  Il  apporta  la  bonne  parole  aux 
populations  du  Poitou,  de  la  Touraine,  de  la  Saintonge,  de  l'Auver- 
gne, de  la  Champagne,  de  la  Bourgogne,  de  «  presque  toutes  les  pro- 
vinces de  France  »,  dit  son  biographe.  Saint  Vincent  l'invita  à  don- 
ner les  entretiens  des  ordinands  à  Saint-Lazare.  François  Renar  ayant 
€U,  comme  beaucoup  d'autres,  la  curiosité  d'aller  voir  sur  place  les 
possédées  de  Loudun,  dont  on  parlait  partout  ;  il  dit  la  messe  dans 
leur  chapelle,  constamment  distrait  par  leurs  vociférations  et  leurs 
blasphèmes.  Sur  la  fin  de  sa  vie,  alors  que  les  infirmités  ne  lui  per- 
mettaient plus  la  même  activité,  il  devint  directeur  des  religieuses 
de  Saint-Thomas.  La  mort  mit  fin  à  ses  travaux  le  14  janvier  1653. 
[Vidée  d'un  véritable  frestre  de  V Eglise  de  Jésus-Christ  et  d'un 
fidèle  directeur  des  âmes,  exfrimée  en  la  vie  de  M.  Renar,  frestre, 
directeur  des  religieuses  du  monastère  de  S.  Thomas,  par  M^  Louis 
Abelly,  prestre,  docteur  en  la  faculté  de  théologie,  Paris,  in-12  ; 
Les  ofuscules  sfirituels  de  Monsieur  Renar,  frestre,  directeur  des  re- 
ligieuses du  7nonastère  de  S.  Thomas,  recueillis  par  les  soins  de  Mes- 
sire  Louis  Abelly,  évêque  de  Rodez,  Paris,   1698,  in-8.  ) 

10.  Saint  Vincent  ne  prétend  pas  faire  une  citation  textuelle.  On 
trouve  l'équivalent  de  ces  mots  dans  la  première  épître  aux  Corin- 
tiens  XIV,  39,  et  surtout  dans  le  livre  des  Nombres  XI,  29. 


-  i65  - 

pable  de  l'accomplissement  de  la  mission  de  Jésus- 
Christ  sur  la  terre.  Que  si  l'on  nous  veut  empêcher  nous 
autres,  il  faut  prier,  s'humilier  et  faire  pénitence  des 
péchés  que  nous  avons  faits  en  ce  saint  ministère.  Je  vous 
supplie  selon  cela.  Monsieur,  de  ne  laisser  pas  de  voir 
ces  Pères  et  de  faire  à  leur  égard  ce  que  Notre-Seigneur 
conseille  que  l'on  fasse  à  l'égard  de  ceux  qui  exercent 
et  empêchent,  et  de  prier  ceux  à  qui  Dieu  a  donné  de  la 
charité  pour  nous,  de  ne  leur  point  nuire  de  parole,  ni 
d'effet. 

113.  —  A  LOUISE  DE    MARILLAC 

[Vers   1632  1.] 
Mademoiselle, 

Il  sera  bon  que  vous  communiquiez  avec  Madame 
Goussault  et  Mademoiselle  Poulaillon  touchant  Ger- 
maine pour  avoir  leur  avis.  Il  n'y  a  que  deux  jours  que 
j'ai  fait  attention  à  cette  manière  d'agir,  qui  me  semble 
de  cordialité  et  de  déférence  ;  et  peut-être  leur  ai-je  pu 
faire  peine  en  vous  faisant  prendre  la  dernière  résolu- 
tion de  votre  emploi  sans  leur  dire. 

114.  —  A  ISABELLE  DU  FAY 

[Entre  1626  et  i635  '.| 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Xotre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Lettre  113.   —   Manuscrit  Saint-Paul,  p.  42. 

I.  Cette  lettre  semble  peu  éloignée  du  temps  où  s'établirent  les  pre- 
mières relations  entre  saint  Vincent,  Madame  Goussault  et  Made- 
moiselle  de   Pollalion. 

Lettre  114.  —  Reg.  i,  f"  68.  Le  copiste  note  que  l'écriture  de  l'ori- 
ginal  était  de  saint  Vincent   lui-même. 

I.   Même  remarque  qu'à  la  lettre  99,  note  i. 


—  i66  — 

Un  mien  intime  ami  ayant  une  affaire  dont  M.  de  Vil- 
lenosse  est  commissaire,  mon  cœur  n'a  pu  lui  celer  que 
j'espérais  lui  pouvoir  rendre  quelque  service  par  votre 
faveur.  Je  vous  supplie  très  humblement,  Mademoiselle, 
de  me  faire  celle  de  vous  employer  pour  cela  et  de  lui 
présenter  le  papier  ci-inclus  avec  votre  recommandation. 
La  vertu  fort  notable  de  la  personne,  son  besoin  et  votre 
charité  pour  moi  me  donnent  la  confiance  de  vous  en 
importmier  ;  et  le  sujet  de  confusion  que  j'ai  de  vous 
importuner  me  fera  plus  considéré  et  réservé  une 
autre  fois  pour  ne  le  pas  faire,  à  la  charge  que  vous  ne 
prendrez  point  la  peine  de  venir  céans  et  que  vous  ne 
m'épargnerez  point  en  ce  que  vous  me  jugerez  digne  de 
vous  servir,  qui  suis,  en  l'amour  de  Jésus  et  de  sa  sainte 
Mère,  Mademoiselle,  votre... 

L'affaire  se  doit  juger  demain.  Je  vous  supplie.  Made- 
moiselle, de  l'avoir  pour  recommandé  aujourd'hui. 

115.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[i632».] 
Mademoiselle, 

La  charité  vers  ces  pauvres  forçats  est  d'un  mérite 
incomparable  devant  Dieu.  Vous  avez  bien  fait  de  les 
assister  et  vous  ferez  bien  de  continuer  en  la  manière 
que  vous  le  pourrez,  jusqu'à  ce  que  j'aie  le  bien  de  vous 
voir,  qui  sera  dans  deux  ou  trois  jours. Pensez  un  peu  si 
votre  Charité  de  Saint-Nicolas  s'en  voudrait  charger,  au 
moins  pour  quelque  temps  ;  vous  les  aideriez  de  l'argent 
qui  vous  reste.  Mais  quoi  !  cela  est  difficile,  et  c'est  ce 
qui  me  fait  jeter  cette  pensée  en  votre  esprit  à  l'aven- 
ture ^. 

Lettre  115.  —  Abelly,  of.  cit.,  t.  I,  chap.   xxviii,  début,  p.   128. 

1.  Voir  note  2. 

2.  Du    jour    où    il    fut    nommé    aumônier    général    des    galères    de 


—  167  — 

116.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  i632  et  i635  '.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  poui 
jamais    ! 

Je  trouve  bien  tout  ce  que  vous  me  mandez  ;  et  pour- 
ce  que  Madame  la  présidente  Goussault  est  aux  champs 
et  que  Mademoiselle  du  Fay  n'a  point  son  carrosse,  je 
tâcherai  de  vous  aller  voir  demain  ou  après.  Fortifiez- 
vous  donc  bien  cependant. 


France,  saint  Vincent  s'occupa  d'améliorer,  au  double  point  de 
vue  corporel  et  spirituel,  le  sort  des  pauvres  forçats  qui  attendaient 
dans  les  cachots  de  la  Conciergerie  ou  dans  les  autres  prisons  de 
Paris  leur  envoi  sur  les  galères.  En  1622,  il  loua  pour  eux  une  mai- 
son au  faubourg  Saint-Honoré,  près  de  l'église  Saint-Roch.  Dans  le 
contrat  passé  le  17  avril  1625  entre  Philippe-Emmanuel  de  Gondi, 
,  son  épouse  et  saint  Vincent,  il  est  stipulé  que  les  missionnaires  seront 
tenus  à  perpétuité  d'  «  assister  spirituellement  les  pauvres  forçats, 
afin  qu'ils  profitent  de  leur  peine  corporelle  ».  En  1632,  le  saint 
obtint  du  roi  et  des  échevins  de  la  ville  qu'une  vieille  tour  carrée, 
placée  près  du  pont  de  la  Tournelle,  entre  la  porte  Saint-Bernard 
et  la  Seine,  serait  aménagée  pour  recevoir  les  galériens  malades. 
Saint  Vincent  leur  rendait  tous  les  devoirs  d'aumônier.  Non  content 
d'aller  lui-même  les  visiter,  il  exhortait  les  personnes  pieuses  à  venir 
leur  apporter  des  paroles  de  consolation.  Louise  de  Marillac  et  ses 
filles  furent  associées  à  cette  bonne  œuvre  comme  aux  autres.  (Abelly, 
c-p.  cit.,  t.  I,  chap.  XXVIII.)  Il  serait  injuste  de  ne  pas  rappeler  ici  que 
les  prêtres  de  la  paroisse  Saint-Nicolas,  dont  le  rôle  a  été  si  bien  mis 
en  lumière  par  l'abbé  Schoenher  {o-p.  cit.,  t.  I,  p.  127),  rivalisèrent  de 
zèle  avec  saint  Vincent  et  Louise  de  Marillac  en  faveur  des  galériens 
établis  sur  leur  paroisse.  Il  est  certain  que  dès  1634,  plus  tôt  peut- 
être,  l'aumônerie  de  la  maison  des  galériens  leur  fut  confiée.  La 
Compagnie  du  Saint-Sacrement,  stimulée  probablement  par  saint 
Vincent,  qui  avait  besoin  d'appui,  prit  la  même  œuvre  à  cœur. 
{Annales  de  la  Compagnie  du  Saint-Sacrement,  par  le  comte  René 
de  Voyer  d'Argenson,  publiées  et  annotées  par  le  R.  P.  dom  H. 
Beauchet-Filleau,   Marseille,    1900,   in-S»,   pp.    54-56.) 

Lettre  116.  —  L.  a.  —  Original  au  collège  d'Antoura,  près  Bey- 
routh. 

I.  Dates  de  la  prise  de  possession  de  Saint-Lazare  (8  janvier 
1632)  et  de  la  mort  de  Mademoiselle  du  Fay  ;  la  lettre  semble  plutôt 
de  1632  ou   1633. 


—   i68   — 

Je  vous  souhaite  le  bon  jour  et  suis,  en  l'amour  de 
Notre-Seig-neur,  Mademoiselle,  votre  très  humble  servi- 
teur. 

Vincent  Depaul. 

De    Saint-Lazare,    ce   dimanche    matin. 

Il  faudra  que  la  ûlle  que  vous  prendrez  à  Villeneuve  ^ 
soit  bien  résolue  ;  elle  aura  beaucoup  à  souffrir  ^. 


117.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Je  loue  Dieu,  Mademoiselle,  de  ce  que  vous  n'êtes  pas 
malade,  comme  Mademoiselle  du  Coudray  ^  m'a  fait 
appréhender  ce  matin.  Mais  est-il  vrai  ce  que  vous  dites, 
que  cela  n'est  point  ?  Or  sus,  je  prie  Notre-Seigneur  que 
cela  soit  ainsi. 

Nous  différerons  donc  au  jour  de  la  sainte  Vierge  la 
confession  de  Mademoiselle  du  Coudray,  puisqu'il  sem- 
ble que  vous  le  désirez  tacitement  ainsi  et  être  de  la  par- 
tie ;  aussi  bien  ai-je  affaire  demain  au  matin  céans.  Je 
lui  souhaite  le  bon  soir,  comme  à  vous,  et  à  Monsieur 
votre  ûls  la  grâce  de  bien  faire  ce  que  vous  me  mandez. 

Je  ne  vous  ai  point  fait  réponse  plus  tôt,  pource  que 
je  ne  fais  que  d'arriver  de  la  ville. 

Bon  soir  Mademoiselle,  offrez  à  Dieu,  s'il  vous  plaît, 
les  besoins  intérieurs  de  celui  qui  est,  [en]  l'amour  de 
Notre-Seigneur,   votre  très  humble  serviteur. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


2.  Villeneuve-Saint-Georges    (Seine-et-Oise) . 

3.  Il    s'agit    vraisemblablement    d'une    fille    destinée    à    faire    l'école 
dans  cette  localité.    (Cf.   lettre   m.) 

Lettre  117.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I     Amie  intime  de  Louise  de  Marillac. 


—   169  — 

118.  —  A  ISABELLE  DU  FAY 

[Entre  1626  et  1635  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  N.-S.  soit  avec  vous  pour  jamais  ! 

Je  n'aurais  pas  tant  mis  à  vous  voir  pour  vous  remer- 
cier de  tant  de  biens  qu'il  vous  a  plu  faire  à  notre 
chapelle  et  à  nous,  ou,  pour  mieux  dire,  à  N.-S.  et  à  sa 
sainte  Mère,  n'était  qu'il  a  plu  à  Dieu  me  faire  la  grâce 
de  m'arrêter  au  logis  par  quelques  petites  fièvres  qui 
m'ont  pris  depuis  /dimanche  passé.  Vous  recevrez  le 
remerciement  par  ces  lignes.  Mademoiselle,  s'il  vous 
plaît,  et  l'assurance  que  mon  cœur,  si  me  semble,  serait 
bien  content  de  voir  le  vôtre  ;  mais,  puisque  N.-S.  ne 
le  veut  pas  pour  encore,  son  saint  nom  soit  béni  !  Je  ne 
manquerai  cependant  de  vous  présenter  à  N.-S.  en  mes 
indignes  prières,  me  recommandant  aussi  bien  humble- 
ment aux  vôtres  et  vous  suppliant  que  vous  honoriez  la 
sainte  tranquillité  de  l'âme  de  N.-S.  par  la  confiance 
que  vous  êtes  sa  chère  fille  et  lui  votre  cher  Père,  et  moi, 
en  son  amour,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 
119.  —  a  louise  de  marillac 

[Avant  1634  ^] 

Puisqu'en  votre  conscience  vous  pouvez  faire  [mettre 
l'affaire  sans  crainte  aucune]  "  et  que  vous  voyez  que,  si 

Lettre   H8.    —  Reg.    i,    f°  68  \°.   Le  copiste  note  que  l'écriture  de 
Toriginal   était   la   propre   écriture   de   saint   Vincent. 
I.    Même  remarque  qu'à   la   lettre  99,   note   i. 

Lettre  119.   —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  La  lettre  a  été  écrite  avant  l'institution  des  Filles  de  la  Charité. 

2.  Les  mots  placés  ici  entre  crochets  ont  été  raturés  avec  tant  de 
soin   que   nous   n'osons   les   donner   comme   absolument  exacts. 


—  170  — 

vous  ne  le  faites,  vous  hasardez  l'affaire  que  tant  de 
monde  [veut],  priez  Monsieur  Clichun  de  vous  faire  cet 
office,  comme  il  le  fera  volontiers  ;  et  si  c'est  du  doute 
que  vous  pussiez  en  user  ainsi  de  cet  affaire,  que  vous 
êtes  troublée,  mettez-vous  en  repos  et  n'y  pensez  plus  ; 
si  c'est  du  traitement  que  vous  recevez  de  vos  audi- 
teurs du  compte,  pensez  quelle  est  la  crainte  de  ceux  qui 
comptent  devant  Dieu  après  l'instant  de  la  mort,  et 
tâchons  à  si  bien  faire  que  nous  ayons  sujet  de  confiance 
en  la  bonté  infinie  de  l'auditeur  du  compte  de  notre  vie 
et  notre  juge  souverain. 

Je  vous  remercie  du  livre  que  [vous]  m'avez  envoyé  et 
vous  prie  d'avoir  soin  de  votre  santé,  qui  n'est  plus 
vôtre,  puisque  vous  la  destinez  pour  Dieu  ^  ;  et  mon 
cœur  n'est  point  mon  cœur,  ains  le  vôtre,  en  celui  de 
Notre- Seigneur,  que  je  désire  qui  soit  l'objet  de  notre 
unique  amour.  Ressouvenez- vous  de  présenter  à  Dieu  un 
affaire  qui  nous  touche,  s'il  vous  plaît. 


120.  -  A  LOUISE  DE  MARILLAC,  A  ASNIÈRES 

]V[ademoiselle, 

Je  salue  IMadame  la  présidente  \  ensemble  IVIonsieur 
le  vicaire  d'Asnières  ^  et  toutes  vos  bonnes  femmes  de 
la  Charité,  et  me  recommande  à  leurs  prières. 


3.  Louise  de  Marillac  attendait  toujours  la  décision  de  son  sanit 
directeur.  Kous  lisons  dans  ses  écrits  :  «  Je  dois  persévérer  en  l'at- 
tente du  Saint-Esprit,  bien  que  je  ne  sache  point  le  temps  de  sa 
venue  ;  mais  en  acceptant  cette  ignorance  et  celle  des  voies  par  les- 
quelles Dieu  veut  que  je  le  serve,  je  me  dois  abandonner  entièrement 
à  sa  disposition  pour  être  entièrement  à  lui  et  préparer  mon  âme  ; 
je  dois  renoncer  volontairement  à  toute  chose  pour  le  suivre.  » 
(Pensées,  p.   18.) 

Lettre  120.  —  Pémartin,  of.  cit.,  t.  I,  p.   141,  lettre  140. 

1.  La  présidente   de   la  Charité. 

2.  Localité    voisine    de    Paris.    Louise    de    Marillac    avait    visité    en 


—  171  — 

Je  vous  prie  de  dire  à  madite  dame  que  je  la  prie  et 
vous  aussi,  de  nous  aider  à  remercier  Dieu  de  ce  que 
notre  affaire  de  céans  ^  fut  avant-hier  vérifié  en  Par- 
lement. 

121.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  i632  et  i636  '.] 

A  votre  avis,  Mademoiselle,  vous  suis-je  pas  bien 
rude  ?  Votre  cœur  n'a-t-il  point  un  peu  murmuré  contre 
le  mien  de  ce  qu'étant  si  proche  je  ne  vous  ai  ni  vue  ni 
fait  savoir  de  nos  nouvelles  ?  Or  sus,  vous  verrez  un 
jour  la  raison  de  tout  cela  devant  Dieu. 

Je  me  suis  retiré  ici  ^  depuis  hier  pour  travailler  à 
quelque  chose  que  j'avais  à  écrire  et  peut-être  que  j'y 
serai  encore  demain  ;  mais  ce  ne  sera  pas  sans  aller  par 
ville,  ni  sans  vous  voir  peut-être  à  la  messe. 

Je  vous  souhaite  cependant  le  bon  soir.  Je  n'ai  quasi 
point  encore  gouverné  M.  votre  fils.  Voilà  la  cloche  qui 
m'ôte  la  plume  de  la  main. 

Bon  soir.  Mademoiselle.  Je  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur,  votre  très  humble  serviteur. 

V.   D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


février    1630  la   confrérie   d'Asnières    (Pensées,   p.    123),   où   elle   était 
peut-être    revenue    depuis. 

3.   Peut-être  l'union   du  prieuré  de  Saint-Lazare. 

Lettre  121.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Même    remarque  qu'à   la    lettre    106,   note    i. 

2.  Au  collège  des   Bons-Enfants. 


—  172  — 

122.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers  1632  1.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour  ja- 
mais ! 

Il  faut  attendre  la  résolution  de  cette  bonne  demoi- 
selle. Madame  Goussault  désire  faire  le  voyage  avec 
Marie  "  avant  que  de  la  vous  livrer. 

Minutez  le  règlement  ;  je  le  verrai  ensuite  et  ferai  ce 
que  vous  me  mandez.  Dites-moi  ces  empêchements  que 
vous  craignez. 

Je  commence  aujourd'hui  ma  retraite  et  remets  toutes 
choses  pour  après.  Priez  Dieu  pour  moi,  s'il  vous  plaît. 

Je  suis,  en  son  amour.... 

V.  D.  P. 


123.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Ne  pouvant  vous  aller  trouver  moi-même,  je  vous 
dirai,  Mademoiselle,  que  je  prie  Notre-Seigneur  qu'il  ait 
agréable  de  vous  dire  lui-même  ce  que  vous  devez  faire. 
Allez  donc  et  faites  in  nomine  Dotnini  ce  qu'il  vous 
semblera  que  notre  aimable  et  toujours  adorable  Sau- 


Lettre  122.  —  Gossin,  Saint  Vincent  de  Paul  feint  far  ses  écrits, 
Paris,    1834,   in-i2,  p.  376. 

1.  Date  de  l'entrée  de  Marie  Joly  en  communauté. 

2.  Marie  Joly.  Elle  fut  employée  à  l'Hôtel-Dieu,  à  la  Charité  de 
Saint-Paul,  à  celle  de  Saint-Germain-l'Auxerrois  et  fut  la  première 
supérieure  de  la  maison  de  Sedan,  où  elle  resta  de  1641  à  1654. 
Rappelée  de  cette  ville,  elle  se  laissa  gagner  par  le  découragement  et 
s'enfuit  de  la  maison-mère.  Réadmise  sur  sa  demande  quelques  jours 
après,  elle  répara  par  une  conduite  exemplaire  sa  faiblesse  d'un 
moment.  Le  5  août  1672,  elle  était  supérieure  à  Saint-Jacques-du- 
Haut-Pas. 

Lettre  123.   —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original 


—   173  — 

veur  demandera  de  vous.  Je  le  prie  de  tout  mon  cœur 
qu'il  vous  amène  et  ramène,  qu'il  soit  la  lumière  de  votre 
cœur  et  sa  douce  chaleur,  qu'il  lui  fasse  connaître  et 
affectionner  ce  qu'il  désire  de  vous,  et  particulièrement 
que  vous  soyez  la  consolation  de  ses  chères  filles,  et  elles 
la  vôtre  en  son  parfait  amour. 

Les  pères  jacobins  sont  l'un  le  père  prieur  et  l'autre  le 
père  maître  des  novices  qui  étaient  il  y  a  deux  ans. 
Quant  aux  chandeliers  que  votre  charité  a  donnés  à 
Sainte-Marie,  je  vous  en  loue,  pourvu  qu'ils  ne  soient 
point  d'argent. 

Ressouvenez-vous  de  moi  devant  Dieu,  en  l'amour 
duquel  et  celui  de  sa  sainte  Mère  je  suis  à  la  supérieure 
qui  sera  élue  de  votre  compagnie  ^  et  à  ses  filles  très 
humble  et  obéissant  serviteur. 

Monsieur  Clichun  s'en  retourna  hier  demi-heure  après 
vous. 

124.  —  A  FRANÇOIS  DU  COUDRAY,  A  ROME 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Monsieur  du  Coudray,  votre  frère,  a  désiré  que  je 
joigne  la  présente  à  celle  qu'il  vous  écrit,  et  mes  prières 
aux  siennes,  afin  que  vous  ayez  agréable  de  terminer 
les  affaires  que  vous  avez  ensemble.  Je  vous  supplie  très 
humblement,  Monsieur,  de  le  faire  au  plus  tôt,  au  cas  que 
vous  ne  soyez  pas  en  état  de  partir  bientôt  et  que  vos 
affaires  se  puissent  terminer  par  un  autre,  auquel  vous 
pourrez    envoyer   votre    procuration    et    des   mémoires  ; 


I.   La    supérieure    de    la   Charité    établie    sur    la    paroisse    Saint-Ni- 
colas-du-Chardonnet. 

Lettre  124.  —  L.  a.  —  Dossier  de  la  Mission,  original. 


—  174  — 

mais  je  vous  prie  que  ce  ne  soit  pas  à  moi,  pource  que 
j'ai  trop  d'embarras  et  que  je  ne  m'entends  point  aux 
affaires.  Je  sais  que  vous  me  direz  qu'il  n'a  point  tenu 
à  vous  et  que  vous  l'avez  recherché  maintes  fois  pour 
cela,  et  m'appellerez  à  témoin  moi-même  pour  avoir  été 
entremetteur  entre  vous  deux  pour  vous  accommoder. 
Mais  à  cela  je  vous  dirai  que  la  plénitude  du  temps 
n'était  point  encore  arrivée  pour  lors,  comme  elle  semble 
l'être  à  présent  par  la  disposition  que  je  vois,  si  me 
semble,  en  mondit  sieur  votre  frère.  Attendant  donc 
votre  favorable  réponse  sur  cela,  je  me  recommande  à 
vos  prières  et  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur  et  de 
sa  sainte  Mère,  Monsieur,  votre  très  humble  et  obéissant 
serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  19  septembre  1632. 

Mondit  sieur  votre  frère  désire  deux  copies  d'annates  ^ 
de  deux  divers  correspondants,  de  M.  Marchand  et  d'un 
autre,  et  qui  soient  bien  assurées  et  exactes.  Je  vous  sup- 
plie, Monsieur,  très  humblement  de  les  lui  envoyer. 

Suscriftion  :  A  Monsieur  Monsieur  du  Coudray,  prê- 
tre de  la  Mission. 


125.  —  A  ANTOINE  PORTAIL 

Monsieur, 

La  grâce    de    Notre-Seigneur    soit    avec    vous  pour 
jamais   ! 


I.  Redevance  que  payaient  à  la  Chambre  apostolique,  en  recevant 
leurs  bulles,  les  titulaires  des  bénéfices  conférés  en  consistoire  ;  elle 
représentait  le  revenu  d'une  année. 

Lettre  125.  —  L.    a.   —  Original  à  la  Bibl.   Nat.,  n.   a.    fr.  22.819. 


—  175  — 

Je  reçus  hier  la  vôtre  du  17  de  ce  mois,  laquelle  m'a 
fait  voir  la  bénédiction  qu'il  plaît  à  Notre-Seigneur  de 
continuer  à  votre  mission,  dont  je  suis  aussi  consolé  que 
vous  pouvez  penser.  O  Monsieur,  que  le  mot  que  vous  me 
mandez  du  succès  de  Courboin  ^  et  de  la  nécessité  de 
Viffort  -  m'a  touché  !  Or  sus,  à  Dieu  soit  la  gloire  de 
tout,  et  à  vous  autres.  Messieurs,  la  reconnaissance  de 
l'obligation  que  vous  lui  avez  de  ce  qu'il  lui  plaît  se  ser- 
vir de  vous  pour  cela,  et  à  moi  la  confusion  de  me  voir 
indigne  de  coopérer  à  ce  bien  ! 

Je  suis,  au  reste,  en  demeure  de  ce  que  je  ne  vous  ai 
pas  écrit  par  tous  les  coches  ;  accusez-en  quelque  em- 
barras un  peu  extraordinaire  que  j'ai  ici. 

Que  vous  dirai-je  de  votre  manière  d'aller  à  Joigny, 
sinon  que  vous  gouverniez  comme  vous  trouverez  pour 
le  mieux  ?  Mais,  si  vous  allez  à  pied  et  ne  prenez  qu'un 
cheval,  je  vous  prie  de  deux  choses  :  c'est  que  vous  fas- 
siez de  petites  journées  et  que  ceux  qui  seront  fatigués 
montent  alternativement  à  cheval.  Que  si  vous  n'avez 
encore  envoyé  à  Soissons,  n'y  envoyez  pas.  ^Monseigneur 
de  Soissons^  doit  être  en  cette  ville  bientôt.  Je  ferai  ce 
qu'il  faudra.  Que  s'il  reste  quelque  village  à  faire,  que 
vous  semble,  Monsieur,  si  vous  laissiez  Messieurs  Bécu 
et  Miloir  *  pour  cela  ?  Toutefois,  s'il  n'y  va  que  de  trois 
ou  quatre  jours,  attendez-les  et  partez,  s'il  vous  plaît, 
dès  que  vous  aurez  fait.  L'on  a  besoin  de  vous  à  Joigny, 
où  vous  trouverez   Monsieur   Pavillon,   ]\I.   Renar,   Mes- 


1.  Petite  localité  de  l'Aisne,  où  saint  Vincent  avait  établi,  le 
19  juin  1622,  une  confrérie  de  la  Charité,  composée  d'hommes  et  de 
femmes,  pour  laquelle  il  dressa  lui-même  un  règlement  que  nous 
avons  encore. 

2.  Petite  localité  de  l'Aisne. 

3.  Simon  Le  Gras    {1624-1656). 

4.  François  Miloir,  prêtre  de  la  Mission,  né  à  Abbeville,  reçu, 
vers  novembre  1630,  dans  la  congrégation  de  la  Mission,  où  il  resta 
peu  de  temps. 


• —   lyô  — 

sieurs  Morel  %  Massé  '^  et  un  autre,  de  Saint-Nicolas  ^ 
outre  Messieurs  de  Sergis  et  de  Renel  *.  M.  de  la  Salle 
n'y  est  point    ;  il  est  demeuré  malade  ici. 

L'ordre  que  nous  avons  donné  est  que  M.  Pavillon 
fera  les  prédications,  et  Messieurs  Renar,  Roche  ^  et 
Grenu  ^°  et  Sergis  feront  :  savoir,  le  premier,  le  sym- 
bole ;  le  2^  les  commandements  de  Dieu  ;  le  3^,  les 
oraisons  dominicale  et  angélicale  ;  et  le  [4*^]  ",  les 
sacrements  ;  et  pour  le  petit  catéchisme,  Messieurs  Ro- 
che et  Sergis  sont  à  être  soulagés,  lorsqu'ils  feront  le 
grand  catéchisme  ;  et  vous,  Monsieur,  aurez  soin  de  la 
direction  de  La  compagnie.  Je  prie  Notre-Seigneur  qu'il 
vous  donne  d'abondante  part  à  son  esprit  et  à  sa  conduite 
pour  cela. 

Or  sus,  entreprenez  donc  cette  sainte  besogne  en  cet 
esprit,  Monsieur.  Honorez  la  prudence,  la  prévoyance, 
la  douceur  et  l'exactitude  de  Notre-Seigneur  à  cette  an. 
Vous  ferez  bien  si  vous  faites  observer  le  règlement 
comme  il  faut.  La  bénédiction  de  Dieu  se  trouve  abon- 


5.  Peut-être  Claude  ^lorel,  célèbre  docteur  de  Sorbonne,  né  à 
Vitry-le-François,  qui  devint  prédicateur  du  roi  en  1640,  théologal  du 
diocèse  de  Paris  en  r662,  doyen  de  la  faculté  de  théologie  et  mourut 
le  30  avril  1679,  après  avoir  pris  une  part  active  à  la  lutte  contre 
les  jansénistes. 

6.  Il  ne  s'agit  ni  de  Jean-Baptiste,  ni  de  René  Macé,  prêtres  de 
Saint-Sulpice,  tous  deux  trop  jeunes  en  1632  pour  prendre  part  à 
une  mission. 

7.  Communauté  de  Saint-Nicolas-du-Chardonnet,  fondée  par  Adrien 
Bourdoise. 

8.  Jacques  de  Renel,  prêtre  de  la  Mission,  né  en  1606  dans  le  dio- 
cèse d'Amiens,  entré  dans  la  congrégation  de  la  Mission  en  août 
1629,  ordonné  prêtre  en  1631,  le  jour  de  Pâques.  Son  nom  paraît 
ici  pour  la  première  et  la  dernière  fois. 

9.  Nicolas  Roche,  prêtre  de  la  Mission,  né  à  Amiens,  reçu  dans 
la  congrégation  de  la   Mission  en   1629,  ordonné  prêtre  en  1631. 

10.  Daniel  Grenu,  né  à  Abbeville  le  i^""  janvier  1606,  ordonné 
prêtre  en  1630,  reçu  dans  la  congrégation  de  la  Mission  en  septembre 
1631,  missionnaire  très  actif,  que  nous  verrons  rayonner  en  Cham- 
pagne,   en  Gascogne   et   en   Dauphiné. 

11.  Texte  de  l'original    :  et  le  j^.   La  rectification  s'impose. 


—  177  — 

damment  là  dedans.  Commencez  donc  par  le  lever,  le 
coucher,  l'oraison,  l'ofûce,  l'entrée  et  la  sortie  de  l'église 
à  point  nommé.  O  Monsieur,  que  l'habitude  formée  de 
ces  choses  est  un  riche  trésor,  et  que  le  contraire  traîne 
d'inconvénients  !  Eh  !  mon  Dieu  !  pourquoi  ne  mettrons- 
nous  pas  peine  à  cela  pour  Dieu,  puisque  nous  voyons 
que  la  plupart  du  monde  est  exact  observateur  de  l'or- 
dre qu'il  s'est  proposé  dans  le  monde  ?  Jamais  ou  fort 
rarement  les  gens  de  justice  ne  manquent  à  se  lever  et 
coucher,  à  aller  et  revenir  du  palais  à  même  heure  ;  la 
plupart  des  artisans  en  font  de  même  ;  il  n'y  a  que  nous 
autres  ecclésiastiques  qui  sommes  si  amateurs  de  nos 
aises  que  nous  ne  marchons  qu'au  branle  de  nos  incli- 
nations. Pour  l'amour  de  Dieu,  Monsieur,  travaillons  à 
nous  dépêtrer  de  cette  chétive  sensualité,  qui  nous  rend 
captifs  de  ses  volontés. 

J'ai  écrit  assez  au  long  à  M.  de  Sergis  sur  ce  que  vous 
aurez  à  faire,  dans  le  doute  si  la  présente  vous  trouvera 
à  Montmirail.  Allez  donc,  in  nomine  Domini,  saluez, 
ains  embrassez  nos  Messieurs  nomine  meo,  s'il  vous 
plaît.  Ecrivez-moi  souvent.  Dites  à  nos  Messieurs  que 
de  toutes  les  missions  qu'on  a  faites,  il  n'y  en  a  point 
de  plus  difficile  ni  importante  que  celle  de  Joigny,  tant 
à  cause  de  la  qualité  des  esprits  du  lieu,  que  pour  l'em- 
pire que  le  malin  y  a  en  quelque  chose,  et  que  hoc  genus 
daemonioruin  non  ejicitur  nisi  in  oratione,  maxima  mo- 
destia  et  frudentia  et  humilitate,  et  que  les  persoimes 
dont  la  compagnie  est  composée  requièrent  cela  même  ; 
et  qu'elle  prenne  garde  à  deux  défauts  notables  qui  ont 
été  remarqués  en  la  précédente  mission,  qui  sont  la  sen- 
sualité, pour  ne  dire  pas  intempérance,  et  la  philaphtie  ^^ 
pour  ne  pas  dire  grosse  vanité  dans  les  prédications  et  les 
discours  qui  se  font  sur  ce  sujet.  Je  vous  supplie,  Mon- 

12.  Philaphtie,  amour  exagéré  de  soi.  On  écrit  aujourd'hui  fhilautie. 

12 


-  178  - 

sieur,  d'en  avertir  la  compagnie,  afin  qu'elle  se  garde 
bien  de  tomber  dans  ces  défauts  ;  et  n'oubliez  pas 
d'avertir  au  chapitre  le  général  et  les  particuliers  que  vous 
verrez  tomber  dans  ces  manquements  ;  car,  croyez-moi, 
Monsieur,  que  si  nous  n'y  prenons  garde,  que  nous 
tomberons  dans  ces  manquements  ;  et  si  cela  est,  ô  Dieu, 
oii  serons-nous  ?  qu'est-ce  que  deviendra  une  compagnie 
si  importante  et  composée  néanmoins  de  personnes  sen- 
suelles, efféminées  et  mal  mortifiées  ?  Qui  ne  voit  qu'elle 
ne  la  peut  pas  faire  longue  et  que  ces  vices  sont  la 
source  de  l'universalité  des  autres  ?  Or  sus,  Monsieur, 
pour  l'amour  de  Dieu,  priez  pour  cela  et  tenez-y  la  main. 
Et  pource  que,  misérable  que  je  suis,  j'ai  sujet  de  crain- 
dre d'être  la  cause  de  tous  ces  défauts,  pource  qu'ils 
sont  tous  en  moi  comme  en  leur  principe  et  que  de  moi 
ils  se  répandent  sur  la  compagnie  ou  sur  partie  d'icelle 
(car.  Dieu  merci,  il  y  en  a  qui  ne  sont  pas  ainsi 
faits,  ains  qui  se  mortifient  et  humilient  en  tout),  priez 
Dieu  pour  moi  qu'il  me  le  pardonne  et  me  fasse  la  grâce 
de  m'en  amender,  qui  suis  cependant,  en  l'amour  de 
Notre- Seigneur  et  de  sa  sainte  Mère,  Monsieur,  votre  très 
humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Saint-Lazare,  ce  28  novembre  1632. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Portail,  prêtre  de 
la  Mission,  à  Montmirail. 

126.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[Vers   1632  ^.] 
Mademoiselle, 

Je  loue  Dieu  de  ce  que  vous  ne  vous  êtes  point  trouvée 

Lettre   126.    —  Manuscrit   Saint-Paul,    p.    9. 

I.  La  phrase  finale  peut  laisser  croire  que  la  lettre  a  été  écrite  aux 


—   179  — 

mal  de  votre  voyage,  ni  du  peu  de  séjour  que  vous  avez 
fait  à  Serain  -,  et  le  prie  qu'il  vous  fortifie  tout  à  fait, 
a&n  que  vous  le  serviez  au  bien  des  petites  âmes  oii  vous 
êtes. 

Quant  à  ce  que  vous  me  dites  de  sainte  Benoîte,  vous 
honorerez  l'esprit  de  Notre-Seigneur  en  elle  par  le  rap- 
port de  votre  emploi  au  sien  et  l'éloignement  de  votre 
demeure  ordinaire  au  sien  ^.  Que  si  vous  ne  le  faites  pas 
en  tout,  béni  soit  Dieu  de  ce  que  c'est  en  quelque  chose, 
en  attendant  plus,  si  sa  divine  bonté  l'agrée  !  Qui  est 
fidèle  en  peu,  dit  Notre-Seigneur,  il  sera  constitué  sur 
un  plus  grand  emploi.  Soyez  fidèle  à  ce  peu,  et  peut- 
être  que  Notre-Seigneur  vous  en  fera  faire  davantage  ; 
et  Dieu  sait  si  cela  ne  servira  pas  à  la  gloire  de  M.  Le 
Gras,  pour  l'âme  duquel  vous  désirez  que  je  prie,  et  pour 
la  vôtre. 

127.  —  A  N*** 

[Vers  1633  1.] 

Monseigneur   l'archevêque  -,   conformément    à  la  pra- 

cnvirons  du  21  décembre,  jour  anniversaire  de  la  mort  de  M.  Le 
Gras.  Ce  qui  précède  semble  indiquer  que  la  compagnie  des  Filles  de 
la  Charité  n'était  pas  encore    fondée. 

2.  Localité    située    dans   l'Aisne,    près    d'Origny-Sainte-Benoîte. 

3.  Sainte  Benoîte,  vierge  et  martyre,  est  honorée  par  l'Eglise  le 
8  octobre,  jour  anniversaire  de  sa  mort.  Ses  biographes  rapportent 
qu'elle  était  fille  d'un  sénateur  romain  et  qu'elle  vint  s'établir  avec 
douze  compagnes  à  Origny-sur-Oise,  aujourd'hui  Origny-Sainte- 
Benoîte,  près  de  Saint-Quentin,  sur  une  colline,  hors  du  bourg  et 
du  côté  de  la  rivière.  Elle  sortait  tous  les  jours  de  sa  cellule  pour 
exhorter  familièrement  les  habitants  du  lieu  et  des  environs.  Les 
conversions  qu'elle  opérait  attirèrent  sur  elle  la  colère  des  persécu- 
teurs, qui  lui  firent  couper  la  tête  le  8  octobre  de  l'an  362.  Louise  de 
Marillac  imitait  sainte  Benoîte  par  ses  emplois  et,  comme  elle,  habitait 
sans  doute  en  un  endroit  éloigné  du  bourg.  Ce  qui  est  dit  ici  de 
sainte  Benoîte  ne  donnerait-il  pas  à  supposer  que  Louise  se  trouvait 
alors  à  Origny-Sainte-Benoîte    ? 

Lettre  127.  —  Abelly,  of.  cit.,  t.  II,  chap.  11,  sect.  11,  début,  p.  215. 

1.  Abelly  dit  que  cette  lettre  a  été  écrite  «  environ  deux  ans  après  » 
l'ordonnance  épiscopale  relative  aux  ordinands,  qui  est  du  21  février 
1631. 

2.  Jean-François  de   Gondi. 


tique  ancienne  de  l'Eglise,  en  laquelle  les  évêques  fai- 
saient instruire  chez  eux  durant  plusieurs  jours  ceux 
qui  désiraient  être  promus  aux  ordres,  a  ordonné  que 
dorénavant  ceux  de  son  diocèse  qui  auront  ce  désir,  se 
retireront,  dix  jours  avant  chaque  ordre,  chez  les  prê- 
tres de  la  Mission,  pour  y  faire  une  retraite  spirituelle, 
s'exercer  à  la  méditation,  si  nécessaire  aux  ecclésiasti- 
ques, faire  une  confession  générale  de  toute  leur  vie 
passée,  faire  une  répétition  de  la  théologie  morale  et 
particulièrement  de  celle  qui  regarde  l'usage  des  sacre- 
ments, apprendre  à  bien  faire  les  cérémonies  de  toutes 
les  fonctions  des  ordres,  et  enfin  s'instruire  de  toutes  les 
autres  choses  nécessaires  aux  ecclésiastiques.  Ils  sont 
logés  et  nourris  pendant  ce  temps-là,  et  il  en  résulte  un 
tel  fruit,  par  la  grâce  de  Dieu,  qu'on  a  vu  que  tous  ceux 
qui  ont  fait  ces  exercices  mènent  ensuite  une  vie  vrai- 
ment ecclésiastique,  et  même  la  plupart  d'entre  eux 
s'appliquent  d'une  manière  toute  particulière  aux  œuvres 
de  piété,  ce  qui  commence  à  être  manifeste  au  public  ^. 


3.  De  163 1  à  1643,  il  y  eut  chaque  année  six  retraites  d'ordinands 
à  la  maison-mère  des  prêtres  de  la  Mission.  Après  1643,  la  retraite 
de  la  mi-carême  fut  supprimée.  A  partir  de  1638,  aux  ordinands  du 
diocèse  de  Paris  s'ajoutèrent  les  ordinands  étrangers  au  diocèse  qui  ve- 
naient recevoir  les  ordres  dans  cette  ville.  Le  nombre  des  hôtes  de  Saint- 
Lazare  oscilla  dès  lors  entre  soixante-dix  et  cent.  Tout  ce  monde  était 
reçu  gratuitement.  Pour  être  en  mesure  de  couvrir  les  frais,  le  saint 
intéressa  à  cette  œuvre  les  dames  de  la  Charité,  qui  donnèrent  libérale- 
ment, surtout  la  présidente  de  Herse  et  la  marquise  de  Maignelay. 
La  reine-mère  fit  aussi  quelques  largesses.  Tout  alla  bien  jusqu'en 
1645.  Alors  les  dons  se  firent  plus  rares,  et  la  maison  de  Saint-Lazare 
fut  obligée  de  supporter  presque  toutes  les  dépenses.  Elle  y  arrivait 
avec  peine  ;  mais  il  résultait  un  si  grand  bien  de  ces  retraites  que  saint 
Vincent  ne  consentit  jamais  à  les  interrompre  ou  à  réduire  le  nombre 
des  ordinands.  Il  appelait  à  Saint-Lazare,  pour  y  donner  les  exer- 
cices, les  prêtres  ou  même  les  évêques  les  plus  recommandables  par 
leurs  vertus,  leurs  talents  et  leur  zèle.  On  y  vit  Pavillon,  Caullet,  Per- 
rochel,  que  la  reine-mère  vint  écouter,  Sevin  et  Bossuet.  (Abelly, 
of.  cit  ,  t.  II,  chap.  II,  sect.  l-v.) 


i8i  — 


128.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC  » 

J'ai  eu  peur  que  vous  n'eussiez  pas  dressé  votre  affaire, 
à  cause  que  Mademoiselle  Delamare  a  été  longtemps 
chez  vous  ;  et  c'est  la  cause  que  je  vous  ai  fait  le  billet 
que  je  vous  ai  envoyé,  et  non  pas  pour  vous  détourner. 
Or,  puisque  votre  discrétion  en  a  usé  ainsi,  nous 
attendrons  donc  à  demain,  incontinent  après  une  heure  ; 
et  cependant  vous  ferez  demain  [oraisonj  de  la  naissance 
de  Notre-Seigneur  au  matin,  et  répéterez  la  même  à  dix 
heures  ;  et  puis,  l'après-dinée,  celle  des  pasteurs  ;  et  la 
dernière  sera  celle  de  la  purification  de  la  sainte 
Vierge. 

Adieu,  Mademoiselle,  ressouvenez-vous  de  nos  besoins 
spirituels  et  que  je  suis  votre  serviteur. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

129.  —  A  UN  PRÊTRE  DE  LA  MISSION  i 

[15  janvier  1633  2.] 

J'ai  appris  de  diverses  personnes  la  bénédiction  qu'il 
plaît  à  la  bonté  de  Dieu  de  répandre  sur  votre  mission 


Lettre  128.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Sur  le  côté  réservé  à  l'adresse,  Louise  de  Marillac  a  écrit  : 
■  Le  lundi  matin,  ce  que  Notre-Seigneur  a  fait  sur  la  terre  depuis 
douze  ans  jusqu'à  trente  ans  ;  à  dix  heures,  le  baptême  de  Notre- 
Seigneur  ;  à  deux,  la  conversion  de  la  Madeleine  ;  à  cinq,  le  lave- 
ment des  pieds  des  apôtres.  Le  mardi,  la  i''^,  la  prière  au  jardin  ; 
la  2^,  la  capture  de  Notre-Seigneur  ;  la  3^,  Notre-Seigneur  chez  Caï- 
phe  et  chez  Hérode    ;   la  4^,  chez  Pilate.    » 

Lettre  129.  —  Abelly,  of.  cit.,  t.  II,  chap.  i,  sect  i,  §  2,  p.  8. 

1.  Probablement  Robert  de  Sergis  ou  Lambert  aux  Couteaux.  Tous 
deux,  nous  le  savons  de  par  ailleurs,  travaillaient  ensemble  du  côté 
de  Bordeaux  en  l'année  1633. 

2.  La  date  et  le  nom  de  la  localité  où  se  faisait  la  mission  sont 
connus  par  Collet  fof.  cit.,  t.  I,  p.  244),  qui  cite  un  extrait  de  cette 
lettre. 


—    l82    — 

de  [Mortagne]  ^.  Nous  en  avons  été  tous  fort  consolés. 
Et  parce  que  nous  reconnaissons  que  cette  abondante 
grâce  vient  de  Dieu,  laquelle  il  ne  continue  qu'aux  hum- 
bles, qui  reconnaissent  que  tout  le  bien  qui  se  fait  par 
eux,  vient  de  Dieu,  je  le  prie  de  tout  mon  cœur  qu'il  vous 
donne  de  plus  en  plus  l'esprit  d'humilité  dans  toutes 
vos  fonctions,  parce  que  vous  devez  croire  très  assuré- 
ment que  Dieu  vous  ôtera  cette  grâce  dès  lors  que  vous 
viendrez  à  dormer  lieu  en  votre  esprit  à  quelque  vaine 
complaisance,  vous  attribuant  ce  qui  n'appartient  qu'à 
Dieu  seul.  Humiliez-vous  donc  grandement,  Monsieur, 
dans  la  vue  que  Judas  avait  reçu  de  plus  grandes  grâces 
que  vous,  et  que  ces  grâces  avaient  eu  plus  d'effets  que 
les  vôtres,  et  que,  nonobstant  cela,  il  s'est  perdu.  Et  que 
prolitera-t-il  donc  au  plus  grand  prédicateur  du  monde 
et  doué  des  plus  excellents  talents  d'avoir  fait  retentir 
ses  prédications  avec  applaudissement  dans  toute  une 
province  et  même  d'avoir  converti  à  Dieu  plusieurs  mil- 
liers d'âmes,  si,  nonobstant  tout  cela,  il  vient  à  se  perdre 
lui-même  ! 

Je  ne  vous  dis  pas  ceci.  Monsieur,  pour  aucun  sujet 
particulier  que  j'aie  de  craindre  cette  vaine  complaisance 
ni  en  vous,  ni  en  M....  ^,  qui  travaille  avec  vous  ;  mais, 
afin  que,  si  le  démon  vous  attaque  de  ce  côté-là,  com- 
me sans  doute  il  le  fera,  vous  apportiez  une  grande  at- 
tention et  fidélité  à  rejeter  ses  suggestions  et  à  honorer 
l'humilité  de  Notre-Seigneur.  J'avais,  ces  jours  passés, 
pour  le  sujet  de  mon  entretien,  la  vie  commune  que  No- 
tre-Seigneur a  voulu  mener  sur  la  terre  ;  et  je  voyais 
qu'il  avait  tant  aimé  cette  vie  commune  et  abjecte  des 
autres  hommes  que,  pour  s'y  ajuster,  il  s'était  abaissé 
autant  qu'il  avait  pu,  jusque-là  même  (ô  chose  merveil- 


3.  Probablement    Moitagne-sur-Gironde    (Charente-Inférieure). 

4.  Lambert   aux   Couteaux   ou   Robert   de   Sergis. 


-  i83  - 

leuse  et  qui  surpasse  toute  la  capacité  de  l'entendement 
humain  !)  qu'encore  qu'il  fût  la  sapience  incréée  du 
Père  éternel,  il  avait  néanmoins  voulu  prêcher  sa  doc- 
trine avec  un  style  beaucoup  plus  bas  et  plus  ravalé  que 
n'a  été  celui  de  ses  apôtres.  Voyez,  je  vous  prie,  quel- 
les ont  été  ses  prédications  et  les  comparez  avec  les  épî- 
tres  et  prédications  de  saint  Pierre,  de  saint  Paul  et  des 
autres  apôtres.  Il  semblerait  que  le  style  dont  il  use,  est 
d'un  homme  qui  a  peu  de  science  et  que  celui  de  ses 
apôtres  paraît  comme  de  personnes  qui  en  avaient  beau- 
coup plus  que  lui  ;  et  ce  qui  est  encore  plus  étonnant, 
est  qu'il  a  voulu  que  ses  prédications  eussent  beaucoup 
moins  d'effet  que  celles  de  ses  apôtres  ;  car  l'on  voit 
dans  l'Evangile  qu'il  gagna  ses  apôtres  et  ses  disciples 
presque  un  à  un,  et  cela  avec  travail  et  fatigue  ;  et  voilà 
que  saint  Pierre  en  convertit  cinq  mille  dès  sa  première 
prédication.  Certainement,  cela  m'a  donné  plus  de  lu- 
mière et  de  connaissance,  comme  il  me  semble,  de  la 
grande  et  merveilleuse  humilité  du  Fils  de  Dieu,  qu'au- 
cune autre  considération  que  j'aie  jamais  eue  sur  ce  sujet. 
Nous  disons  tous  les  jours  à  la  sainte  messe  ces  pa- 
roles :  In  spiritii  huinilitatis,  etc.  Or  un  saint  person- 
nage me  disait  un  jour,  comme  l'ayant  appris  du  bien- 
heureux évêque  de  Genève,  que  cet  esprit  d'humilité,  le- 
quel nous  demandons  à  Dieu  en  tous  nos  sacrifices,  con- 
siste principalement  à  nous  tenir  dans  une  continuelle 
attention  et  disposition  de  nous  humilier  incessamment, 
en  toutes  occasions,  tant  intérieurement  qa'extérieu- 
ment.  Mais,  Monsieur,  qui  est-ce  qui  nous  donnera  cet 
esprit  d'humilité  ?  Hélas  !  ce  sera  Notre-Seigneur,  si 
nous  le  lui  demandons  et  si  nous  nous  rendons  ûdèles  à 
sa  grâce  et  soigneux  d'en  produire  les  actes.  Faisons-le 
donc,  je  vous  en  supplie,  et  tâchons  pour  cela  de  nous 
ressouvenir    l'un    de    l'autre,    quand   nous    prononcerons 


—  i84  — 

ces  mêmes  paroles  au  saint  autel.  Je  l'espère  de  votre 
charité. 


130.  —  SAINTE  CHANTAL  A  SAINT  VINCENT 

II  février  [lôjj  ^.] 
Moji  très  honoré   et  cher  Père^ 

Ah  !  que  votre  cœur  m'est  bon  et  -paternel,  et,  comme  je  veux 
croire  four  m,a  consolation,  très  fidèle  à  me  continuer  son  cher 
souvenir  devant  la  divine  honte,  car  fen  ai  un  extrême  besoin 
dans  Vâge  et  le  tracas  où  je  suis.  Louée  soit  éternellement  la 
divine  bonté  des  miséricordes  quHl  lui  fiait  de  répandre  sur 
les  âm.es  par  la  douceur  sainte  et  efficace  de  Vesprit  de  son  fi- 
dèle et  vrai  serviteur,  notre  très  sai?it  père,  car  il  est  vrai,  je 
le  confesse  avec  vous^  mon  très  cher  Père,  que  Vesprit  de 
notre  très  digne  et  vrai  frère  et  père  -  certes,  s'est  pris  dans 
ses  filets  ;  et  je  ne  crois  pas  qvC aucune  autre  main  que  celle 
de  ce  bienheureux  Veut  pu  conduire  si  sagement,  si  suave- 
ment^ ni  si  fortement  qu^elle  a  fait  dans  cette  retraite  si 
exacte  que  le  voilà  dans  une  absolue  séparation  du  monde, 
avec  V édification  et  consolation  de  tous,  et  qui  plus  est,  à 
la  très  grande  gloire  de  Dieu  et  consolation  de  sa  chère  âme, 
et  certes  à  Vutilité,  honneur  et  co7isolation  des  Filles  de  la 
Visitation,  qui  lui  ont  des  obligations  infinies.  Surtout  nos 
chères  sœurs  de  la  ville  sont  privilégiées  d'un  grand  honneur 
de  Vavoir  si  près  d'elles.  Ah  !  Dieu  nous  fasse  la  grâce  de 
correspondre  fidèlement  à  la  sincère  amitié  et  entière  charité 
qu'a  ce  bon  seigneur  pour  nous  !  Je  vous  puis  assurer,  tnon 
très  cher  Père,  que  je  l'aime,  Vhonore  et  le  révère  de  toute 
l'étendue  et  les  forces  de  tnon  âme. 

Je  vois  que  ?naintenant  vous  faites  plus  de  séjour  à  Paris. 
Eh  !  mon  Dieu,  ayez  bien  soin  de  cette  chère  et  digne  personne 
et  ne  lui  permettez  pas  une  vie  trop  sévère,  ni  trop  austère,  fe 
sais  qu'il  a  grande  confiance  en  vous. 

Il  tne  semble  que  je  m,'endurcis  avec  Vâge. 

Il  faut  finir  pour  aller  à  ce  béni  parloir.  Mon  très  cher  Père, 


Lettre  130.  —  Sainte  Jeanne-Françoise  Frémyot  de  Chantai,  sa  vie 
et  ses  œtivres,  Paris,  1874-1880,  8  vol.  in-8,  t.  VII,  p.  313,  d'après 
une  copie   de   l'original   conservée  à   la  Visitation   de   Chartres. 

1.  Le  commandeur  de  Sillery  avait  pris  logement,  en  juillet  1632, 
près  du  monastère  de  la  Visitation. 

2.  T.e   commandeur  de   Sillery. 


-  i85  - 

Dieu  vous  rende  de  plus  en  plus  selon  son  cœur  !  Priez  fort  sa 
bonté  qu'il  me  fasse  miséricorde,  afin  qu'avec  notre  bienheu- 
reux Père  et  vous  tous,  nos  chers  atnis,  je  le  -puisse  louer  éter- 
nellement.  Amen. 

Mon  très  honoré  Père,  je  suis  de  cœur  votre  très  humble  et 
très  obéissante  fille  et  servante  en  Notre-Seigneur. 


131.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  janvier  1632  et  février  1633  ^.] 
Mademoiselle, 

Je  viens  d'apprendre  tout  maintenajit,  il  n'y  a  qu'une 
heure,  l'accident  qui  est  arrivé  à  la  fille  ^  que  vos  gardes 
des  pauvres  retiraient,  l'opinion  que  le  médecin  en 
a,  et  comme  vous  l'avez  visitée.  Je  vous  avoue,  Made- 
moiselle, que  d'abord  cela  m'a  si  fort  attendri  le  cœur 
que,  n'était  qu'il  était  nuit,  je  fusse  parti  à  l'heure 
même  pour  vous  aller  voir.  Mais  la  bonté  de  Dieu  sur 
ceux  qui  se  dorment  à  lui  dans  l'exercice  de  la  confré- 
rie de  la  Charité,  en  laquelle  jamais  personnes  qui  en 
sont  n'ont  été  frappées  de  la  peste,  me  fait  avoir  une 
très  parfaite  confiance  que  vous  n'en  aurez  point  de  mal. 
Croiriez-vous,  Mademoiselle,  que  non  seulement  je  visi- 
tai feu  M.  le  sous-prieur  de  St-Lazare  ^,  qui  mourut  de 
la  peste,  mais  même  que  je  sentis  son  haleine  ?  Et  néan- 


Lettre  131.  —  Abelly,  op.  cit.,  t.  I,  chap.  xxiii,  fin,  p.  109.  La  pre- 
mière moitié  de  cette  lettre  jusqu'aux  mots  «  Croiriez-vous  »  se  re- 
trouve dans  le  manuscrit  Saint-Paul,  p.  82  ;  et  comme  le  texte  de  ce 
manuscrit  est  plus  pur  que  celui  d'Abelly,  nous  préférons  le  suivre 
pour  cette  partie. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  après  la  prise  de  possession  de  Saint- 
Lazare  (8  janvier  1632)  et  avant  la  mort  de  Marguerite  ISTaseau 
(février    r633). 

2.  Cette  fille,  Marguerite  Naseau    peut-être,  était  atteinte  de  la  peste. 

3.  Nicolas  Maheut,  dont  on  trouve  le  nom  au  bas  du  contrat  passé 
le  7  janvier  r632  entre  les  prêtres  de  la  Mission  et  les  religieux  de 
Saint-Lazare. 


—  i86  — 

moins  ni  moi,  ni  nos  gens  qui  l'assistèrent  jusqu'à  l'extré- 
mité, n'en  avons  point  eu  de  mal.  Non,  Mademoiselle,  ne 
craignez  point  ;  Notre-Seigneur  veut  se  servir  de  vouh> 
pour  quelque  chose  qui  regarde  sa  gloire,  et  j'estime 
qu'il  vous  conserv^era  pour  cela.  Je  célébrerai  la  sainte 
messe  à  votre  intention.  Je  vous  irais  voir  dès  demim, 
n'était  l'assignation  que  j'ai  avec  quelques  docteurs  à  la 
Madeleine  pour  les  affaires  qui  regardent  l'établissement 
oe  cette  maison-là  *. 


4.  En  avril  1618,  Robert  de  Montry,  marchand  à  Paris,  ayant  ap- 
pris que  deux  filles  débauchées  désiraient  changer  de  vie,  leur  offrit 
asile  au  faubourg  Saint-Germain,  dans  une  maison  qui  lui  apparte- 
nait. D'autres  filles,  torturées  par  le  remords,  suivirent  les  premières. 
Ainsi  se  forma  une  petite  communauté.  Le  vertueux  marchand  pour- 
vut à  leurs  besoins  jusqu'à  ce  que  la  marquise  de  Maignelay,  sœur 
de  Philippe-Emmanuel  de  Gondi,  consentit  à  se  charger  de  l'œuvre 
naissante.  Elle  leur  acquit  une  maison,  rue  des  Fontaines,  le  16  juil- 
let 1620,  les  entretint  de  son  vivant  et  leur  fit  par  testament  un  legs 
de  101.600  livres.  Le  nouvel  établissement  fut  autorisé  en  mai  1625  par 
Louis  XIII,  qui  ie  dota  d'une  rente  annuelle  de  3.000  livres,  approuvé 
par  Urbain  VIII  le  15  décembre  r63i  et  confirmé  de  nouveau  par  let- 
tres royales  le  16  novembre  1634.  Saint  Vincent  en  comprit  de  suite 
l'utilité  et  accepta  volontiers  de  travailler  à  l'organisation  de  l'Insti- 
tut. On  peut  dire  qu'il  en  fut  l'âme.  Les  filles  de  mauvaise  vie  qui 
s'enfermaient  à  la  Madeleine,  gardaient  leur  habit  séculier  et  pre- 
naient place  parmi  les  pénitentes.  Plusieurs  étaient  là  malgré  elles, 
par  autorité  de  justice.  Après  quelques  années  d'épreuves,  les  péni- 
tentes revêtaient  un  habit  gris  assez  grossier  et  entraient  dans  la  catégorie 
des  repenties.  Quand  il  n'y  avait  plus  lieu  de  douter  de  la  fermeté 
de  leur  conversion,  elles  devenaient  religieuses,  prenaient  le  costume 
de  Saint-Augustin  et  faisaient  les  vœux  solennels.  A  la  tête  de  la 
communauté  se  trouvaient,  avec  les  titres  de  prieure,  sous-prieure, 
économe  et  portière,  quatre  sœurs  de  la  Visitation,  choisies  par  l'ar- 
chevêque de  Paris.  Elles  avaient  le  maniement  de  tous  les  revenus. 
On  les  changeait  de  temps  en  temps  pour  les  soulager  ;  car  leur  tâche 
était  rude.  La  première  supérieure  fut  la  sœur  Marie-Anne  Bollain, 
qui  commença  à  exercer  ses  fonctions  le  20  juillet  1629.  (Cf.  Relation 
véritable  de  la  naissance  et  -progrès  du  monastère  de  Sainte-Marie -Ma- 
deleine, par  de  Montry,  Paris,  1649,  in-24  ;  Abelly,  cf.  cit.,  t.  II, 
chap.  vu,  p.  328  et  suiv.  ;  Félibien,  of.  cit.,  t.  V,  p.  r52  ;  Histoire 
chronologique  des  fondations  de  tout  VOrdre  de  la  Visitation  Sainte- 
Marie,   t.   I,  pp.   264-272,  Bibl.    Maz.,  ms.   2430.) 


-  i87  - 

132.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Vous  pouvez  penser,  Mademoiselle,  si  mon  cœur  ne 
sent  pas  la  peine  du  vôtre.  De  danger  pour  vous,  il  n'y 
en  a  pas,  par  la  grâce  de  Dieu.  Quant  à  Marguerite  \  il 
serait  bon  de  la  faire  visiter  par  le  chirurgien  de  la 
Santé",  au  cas  que  le  médecin  fasse  difficulté  d'y 
aller  ^.  Monsieur  Cotti  s'effraie  facilement  ;  et  néan- 
moins je  pense  qu'il  sera  bon  de  faire  faire  cela  au 
plus  tôt.  Monsieur  Bourdoise^  donnera  ordre  à  cela. 
Faites-l'en  prier,  s'il  vous  plaît  ;  il  sait  ce  qu'il  faut 
faire  pour  cela  ;  il  y  a  passé  d'autres  fois. 

Et  pour  le  regard  des  pauvres  malades,  je  pense  qu'il 
faudrait  surseoir  l'exercice.  Il  est  à  craindre  que,  si  on 
leur  distribue  l'argent,  que  les  dames  se  contentent  ci- 
après  de  faire  cela.  Toutefois  proposez-le  à  Monsieur 
le  curé  et  suivez  son  ordre. 

Si  cette  pauvre  fille  est  apportée  à  Saint-Louis,  il  faut 
bailler  de  l'argent  à  l'autre  et  l'envoyer  promener. 

Et  pour  vous,  je  ne  sais  s'il  ne  serait  pas  à  propos  que 
vous  allassiez  un  peu  vous  divertir  aux  champs  ^  et  d'al- 


Lettre  132.  —  Original  chez  les  prêtres  de  la  Mission  de  Rongy 
(Belgique). 

1.  Pour  avoir  fait  coucher  une  pestiférée  dans  son  lit,  Marguerite 
Nas-eau,  alors  employée  à  la  confrérie  de  Saint-Nicolas,  avait  con- 
tracté le  terrible  mal    ;   elle  en  mourut  à  l'hôpital   Saint-Louis. 

2.  Hôpital  de  la  Santé  ou  hôpital  Sainte-Anne,  bâti  en  1607- i6o8 
pour   recevoir   les   pestiférés. 

3.  Par  peur  de  la  contagion. 

4    II  n'habitait  pas  loin  de  la  maison  où  logeait  Marguerite  Xaseau 
5.    Le  saint   voulait  éloigner  Louise   de   Marillac   à  cause   de   l'épi- 
démie. 


—  i88  — 

1er  visiter  les  Charités  de  Vemeuil  ®,  Pont  \  Gournay  * 
et  les  autres'-^.  J'ai  donné  charge  à  Jourdain i*^. 
de  vous  aller  trouver  et  vous  dire  quand  le  coche  de 
Senlis  partira  ;  et  [il]  vous  servira  en  ce  qu'il  vous 
plaira. 

Monseigneur  l'archevêque  me  vient  demander  que  je 
l'aille  trouver.  Dès  que  je  le  pourrai,  je  vous  irai  voir. 
Ecrivez-moi  cependant  votre  pensée  sur  ce  que  je  vous 
propose  ;  et  si  vous  avez  besom  d'argent,  vous  pren- 
drez votre  voyage  sur  le  fond  de  votre  Charité,  s'il  vous 
plaît  ;  et,  je  vous  en  prie,  que  cela  soit  ainsi  et  de  vous 
tenir  bien  gaie. 


6.  Dans  l'Oise. 

7.  Pont-Sainte-Maxence    (Oise). 

8.  Goumay-sur-Aronde  (Oise). 

9.  Louise  de  Marillac  alla  aussi  à  La  Neufville-Roy  et  à  Bulles 
(Oise).  Nous  avons  encore  ses  notes  de  voyage  et  le  compte  rendu 
de  ses  visites,  qu'elle  adressa  à  saint  Vincent.  [Pensées,  p.  127,  où  !e 
compte  rendu  est  fausement  daté  de  1631.)  A  Vemeuil,  elle  logea 
chez  un  boulanger.  La  visite  des  malades  laissait  à  désirer.  La  con- 
frérie possédait  quelques  ressources,  qu'on  ne  savait  comment  uti- 
liser. Madame  la  marquise  voulait  acheter  une  maison  pour  loger 
les  malades,  tandis  que  plusieurs  sœurs  préféraient  l'achat  d'un 
petit  morceau  de  terre  «  à  cause  de  la  mortalité  qui  arrive  quelque- 
fois sur  le  bétail  ».  Les  sœurs  de  Pont-Sainte-Maxence  ne  reçoivent 
que  des  éloges  ;  Louise  de  Marillac  était  descendue  à  la  Fleur-de-Lis. 
A  Gournay,  les  sœurs  sont  un  peu  plus  grossières  qu'ailleurs  ;  les  ma- 
lades sans  logement  sont  hospitalisés  chez  une  femme  qui  prend  soin 
d'eux  et  reçoit  pour  sa  peine  cinq  sols  par  jour.  A  la  Neufville-Roy  et 
à  Huiles,  les  confréries  sont  plus  riches  ;  elles  possèdent  des  brebis, 
des  agneaux  et  de  l'argent  ;  mais  l'union  entre  les  sœurs  est  loin 
d'être  parfaite.  A  La  Neufville-Roy,  Louise  de  Marillac  prit  loge- 
ment à  l'hôtellerie. 

10.  Jean  Jourdain,  né  à  Galluis-la-Queue  (Seine-et-Oise)  en  1587, 
fut  le  premier  frère  coadjuteur  de  la  congrégation  de  la  Mission, 
dans  laquelle  il  entra  le  13  février  1627.  Il  était  écuyer  et  maître 
d'hôtel  chez  la  marquise  de  Maignelay  à  l'époque  où  le  saint  exer- 
çait les  fonctions  d'aumônier  chez  les  Gondi,  et  tous  deux  avaient 
dès  lors  commencé  à  se  connaître.  D'un  tempérament  vif,  le  frère 
Jean  Jourdain  était  porté  à  donner  des  avertissements  à  tout  propos  ; 
mais  il  se  reprenait  vite,  et  ceux  qu'il  avait  offensés  le  voyaient  un 
instant  après  à  leurs  genoux.  Il  mourut  le  25  avril  1657.  (Notices, 
t-    I,   pp.   373-375-) 


—  i89  — 

Je  suis  cependant,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Ma- 
demoiselle, votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

M.  Dehorgny  vous  ira  voir  incontinent  après  le  dîner. 

De   Saint-Lazare,    ce  jour   saint   Mathias  [1633  ^^.] 

133.  —  A  MICHEL  ALIX,  CURÉ  DE  SAINT-OUEN-L' AUMONE  ^ 

i^""  mars  1633. 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Celui  à  qui  vous  baillerez  votre  cure  est-il  homme  de 
bien  ?  Pourra-t-il  faire  à  votre  cure  le  bien  que  vous 
y  faites  ?  Pourrez-vous  vous  entretenir  de  quatre  ou  cinq 
cents  livres  ?  Le  premier  me  semble  de  grand  prix  et  la 
seconde  considérable.  J'ai  été  en  ce  lieu.  Le  lieu  me  sem- 
ble assez  agréable,  mais  plus  grand  que  le  vôtre.  Il  se- 
rait bien  à  propos  qu'un  curé  eût  de  quoi  bien  faire  aux 


II.  La  fête  de  saint  Mathias  tombe,  on  le  sait,  suivant  que  l'année 
est  bissextile  ou  non,  le  24  ou  le  25  février.  Pour  déterminer  le  jour,  il 
nous  faut  connaître  l'année.  Tous  les  biographes  de  Louise  de  Ma- 
rillac  font  remonter  la  mort  de  Marguerite  Naseau  à  Tannée  1631. 
Nous  ne  pouvons  accepter  cette  date,  parce  que  la  lettre  ci-dessus 
est  certainement  postérieure  au  8  janvier  1632,  jour  où  saint  Vincent 
et  ses  missionnaires  entrèrent  à  Saint-Lazare,  et  même  à  la  mort  du 
sous-prieur  de  cette  maison.  (Cf.  lettre  131.)  En  supposant  que  le 
sous-prieur  de  Saint-Lazare  soit  mort  quelques  jours  seulement  après 
la  prise  de  possession  de  cet  établissement  par  les  prêtres  de  la  Mis- 
sion, la  lettre  132  pourrait  être  du  25  février  1632.  Mais,  dans  cette 
hypothèse,  la  lettre  131  aurait  suivi  de  peu  la  mort  du  sous-prieur  ; 
ce  qui  est  bien  peu  vraisemblable,  car  cette  mort  n'y  apparaît  pas 
du  tout  comme  un  fait  de  la  veille.  Pour  ces  motifs,  nous  préférons 
croire  que  la  lettre  132   est  du  24   février   1633. 

Lettre  133.  —  Reg.  i,  i°  8  v».  Le  copiste  note  que  l'écriture  de  l'ori- 
ginal  était   de   saint   Vincent   lui-même. 
I.  En  Seine-et-Oise. 


—  190  — 

pauvres.  Je  pense  qu'il  s'en  trouve  assez.  En  tout  cas, 
vous  pourriez  vous  réserver  200  livres  de  pension  ;  ce 
quêtant  ainsi  et  n'étant  question  de  la  première  diffi- 
culté, il  vous  faut  prendre  du  temps  pour  y  penser,  et 
même  vous  transporter  sur  les  lieux  pour  apprendre 
quelle  est  la  persoim^e,  et  voir  si  le  lieu  vous  agréera. 
Quoi  que  ce  soit,  je  vous  prie  de  ne  pas  vous  hâter  ;  c'est 
affaire  de  grande  considération  ;  et  vous  dirai  que  j'au- 
rais peine  que  vous  prissiez  résolution  sans  en  avoir  fait 
prier  Dieu  et  consulté  M.  Duval  ou  M.  Coqueret  ^  ou 
tous  les  deux  ;  car  il  s'agit  de  savoir  si  Dieu  veut  que 
vous  quittiez  l'épouse  que  vous  avez  prise,  ou,  pour  mieux 
dire,  qu'il  vous  a  donnée  lui-même. 

Je  suis,  en  son  amour,  Monsieur,  votre  très  humble 
serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Je  vous  ai  fait  réponse  incontinent  après  la  réception 
de  la  vôtre. 

134.  —  A  ISABELLE  DU  FAY 

[Entre  1626  et  1635  1.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  vous    remercie  très    humblement   des  chapelets  et 

2.  Jean  Coqueret,  docteur  de  Navarre,  principal  du  collège  des 
Grassins  et  supérieur  des  Carmélites  déchaussées  de  France,  ami 
de  saint  François  de  Sales,  d'André  Duval  et  de  saint  Vincent  de 
Paul,  avec  qui  il  avait  donné  une  mission  à  Villepreux  en  1618,  né 
à  Pontoise  en  1592,  mort  à  Marseille  le  7  octobre  1655.  Saint  Vin- 
cent le  consulta  avant  d'introduire  les  vœux  dans  sa  compagnie  et 
l'invita  aux  conférences  qui  se  tinrent  à  Saint-Lazare  au  sujet  du 
jansénisme. 

Lettre  134.  —  Reg.  i,  f°  24.  Le  copiste  note  que  l'écriture  de  l'ori- 
ginal   était   de    saint    Vincent. 

I.  Même  remarque  qu'à  la  lettre  99,  note  i.  La  lettre  a  été  écrite 
pendant   le   carême. 


—  ipl  — 

des  images  que  vous  nous  avez  envoyés,  et  prie  Dieu 
qu'elles  profitent  à  ceux  qu'on  les  départira,  et  qu'il  soit 
votre  gloire,  comme  il  est  celui  qui  vous  a  donné  cette 
dévotion.  Au  reste,  êtes-vous  bien  fidèle  à  ce  qui  vous  a 
été  ordonné  touchant  votre  manière  de  vivre  le  carême, 
Mademoiselle  ?  Je  vous  supplie,  si  vous  ne  l'êtes  pas,  de 
le  devenir  et  de  me  mander  comment  vous  vous  portez. 

Je  me  recommande  très  humblement  à  vos  prières  et 
vous  prie  de  donner  l'incluse  à  M.  de  Vincy. 

Je  suis,  en  l'amour  de  N.-S.  et  de  sa  sainte  Mère,  votre 
très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 


135.  —  MADAME  GOUSSAULT  A  SAINT  VINCENT 

Mon  Révérend  Père, 

Par  la  miséricorde  de  Dieu,  nous  avons  tous  les  jours  entendu 
la  sainte  messe.  Dès  que  nous  étions  au  carrosse,  je  disais  In 
viam  pacis,  et  tous  me  réfondaient,  -puis  je  leur  remettais  en 
mémoire  les  -points  de  Voraison,  après  laquelle  nous  disions 
Z'Angelus. 

Quelquefois  le  pretnier  de  nos  entretiens  était  des  pensées 
de  notre  oraison,  et  puis^  en  quelque  discours  plus  récréatif, 
ou  de  nos  distractions  ou  de  nos  songes,  quelquefois  à  faire 
la  guerre  à  ceux  qui  avaient  dit  quelque  chose  de  travers  ;  puis 
Grandnom  ^  lisait  quelque  demi-heure  du  Pèlerin  de  Lorette  ; 
puis  deux  de  nos  filles  chantaient  les  litanies  du  Saint  Nom  de 
Jésus^  et  nous  autres  répondions  la  même  chose  qiielles 
avaient  chantée.  Quand  nous  passions  en  quelque  village,  nous 
saluions  lange  gardien  ;  et  au  village  où  nous  devions 
arrêter^  je  demandais  assistance  particulière  à  Notre-Seigneur. 

A  Etréchy  ^^  notre  premier  dîné.  ]^ arrivai  à  l'église  et  de- 
mandai s'il  y  avait  un  Hôtel-Dieu.  Je  treuvai  quelques  petits 
enfants,  avec  lesquels  je  m^ arraisonnai  ;  et  tne  vint  en  pen- 
sée qu'ils  étaient  enfants  de  Dieu.  Je  ressentis  une  joie  avec 

Lettre  135.  —  L.  a.  —  Bibl.  Sainte-Geneviève  à  Paris,  ms.  3277, 
fo   283    et   suiv. 

1.  Intendant  de   Madame   Goussault. 

2.  Commune   de   l'arrondissement   d'Etampes. 


—   192  — 

eux,  en  leur  faisant  dire  leur  Pater,  qui  me  fit  -passer  la  -petite 
tristesse  que  f  avais  eue  la  matinée  de  mon  départ.  Toutes  les 
Jieures  que  ma  montre  sonnait,  soit  dans  le  carrosse,  ou  dehors, 
nous  disions  un  Ave  Maria,  en  nous  remettant  en  la  présence 
de  Dieu  et  demandant  V accomplissement  de  sa  sainte  volonté. 

A  Etanipes,  notre  premier  coucher.  Passant  devant  Véglise, 
je  -m'y  fis  descendre  et  envoyai  voir  où  était  V Hôtel-Dieu^  qui 
se  treuva  très  loin.  J'y  fus  pourtant  à  pied  avec  seulement  ma 
fille  et  mon  laquais.  Je  m'adressai  à  une  jeune  religieuse,  qui 
se  treuva  être  la  supérieure.  Je  me  mis  auprès  d^ elle  à  V entre- 
tenir, pendant  que  mon  laquais  était  allé  acheter  quelque  chose 
pour  donner  aux  malades  ;  et  comme  je  lui  parlai  de  la  néces- 
sité d'un  directeur,  elle  me  regarda  au  visage.  J'étais  faite 
avec  un  collet  bas,  sans  vertugadin  ^,  comme  une  servante. 
Elle  me  dit  :  quelle  femme  étes-vous  f  Etes-vous  mariée  ? 
J' ai  tant  oui  parler  d'une  Mademoiselle  Acarie  *,  mais  je  pense 
que  vous  en  êtes  une  autre  j  et  commença  à  me  dire  comine 
elle  avait  eu  volonté  d'être  aux  hospitalières,  que  Von  l'avait 
choisie  pour  être  supérieure  de  six  religieuses,  qui  sont  là  sans 
réform,e,  mais  que  depuis  deux  ans  elle  n'avait  encore  rien 
fait.  Je  l'encourageai  fort.  Elle  me  dit  qu'il  faudrait  qiielle 
vînt  à  Paris.  Je  lui  offris  ma  maison.  J^ avais  bien  désir  de 
prier  Dieu  pour  elle.  A  l'hôtellerie,  j'entendis  dire  que  Vhôtesse 
avait  une  grande  affliction  de  son  fils.  Je  passai  mon  après- 
soupé  à  l'entretenir,  puis  donnai  le  sujet  d'oraison  et  Vexamen 
a   Vordinaire. 

Le  leyidemain,  à  la  dînée,  à  Angerville  '\  je  ne  treuvai  point 
d'Hôtel-Dieu.  Je  fus  à  l'église  pendant  que  le  dîné  s'apprê- 
tait, après  lequel  je  descendis,  où  je  treuvai  quantité  de  pau- 
vres, qui  m'attendaient,  et  aussi  des  etifants  et  grandes  per- 
sonnes, qui  faisaient  de  l'étonné.  Je  commençai  par  leur  faire 
faire  le  signe  de  la  croix,  dont  la  plupart  ne  le  savaient  pas 
faire,  et  jne  firent  grand  pitié.  Ils  m.e  semblèrent  de  bonne  af- 
fection. 

Je  fus   coucher  à  Artenay  ^,   où  je    fis  grand    catéchisine  à 

3.  Bourrelet  que  les  femmes  mettaient  sous  leur  jupe  pour  la  faire 
bouffer. 

4.  Barbe  Avrillot,  devenue  par  son  mariage  Madame  Acarie  et 
par  son  entrée  en  religion  Marie  de  l'Incarnation,  fondatrice  des  Car- 
mélites réformées  de  France,  femme  célèbre  par  ses  vertus  et  ses 
miracles,  qui  lui  valurent  en  1791  les  honneurs  de  la  Béatification. 
Elle  était  morte  à  Pontoise  le  18  avril  1618,  âgée  de  cinquante-trois 
ans.  Sa  vie,  écrite  en  1621  par  André  Duval,  docteur  en  Sorbonne, 
a    tenté   la   plume   de  bien   d'autres  biographes   jusqu'à    nos   jours. 

5.  Commune  de   l'arrondissement  d'Etampes. 

6.  Aujourd'hui  chef-lieu  de  canton  du  Loiret. 


—  193  — 

l'église,  je  crois  vous  Vavoir  mandé,  puis  dîner  à  Orléans,  où 
f  arrivai  à  jeun  aux  Pères  jésuites  -pour  y  commujtier^  car  c'était 
le  jeudi  ;  et  j'admirai  comme  partout  je  treuvai  tout  à  point 
ce  que  je  pouvais  souhaiter,  tant  pour  Vâm.e  que  pour  le  corps. 
Leur  Hôtel-Dieu  est  riche,  à  ce  que  Von  me  dit,  mais  les  ma- 
lades n'en  sont  pas  tnieux.  Il  y  a  peu  de  religieuses,  et  qui  ont 
des  servantes  sous  elles,  à  qui  elles  se  fient  trop.  Je  m'étais 
proposé  d'y  faire  quelque  séjour  pour  affaires.  Je  ne  sais 
comment  je  m,'y  déplus  si  fort.  J'étais  logée  chez  des  huguenots. 
Je  laissai  tout  là  et  m'en  allai  coucher  à  Cléry  '' ,  où  je  visi- 
tai et  fis  dire  le  lendemain  la  sainte  messe  à  Notre-Dame,  et 
dînai  à  Saint-Dyé  *,  oii  je  treuvai  l'église  fort  bien  servie^  les 
pauvres  et  les  enfants  mieux  instruits  que  en  pas  un  lieu. 

Je  fus  coucher  à  Blois,  où  je  treuvai  beaucoup  de  dévotions, 
mais  IHôtel-Dieti  point  visité  et  mal  en  ordre.  Je  parlai  à  une 
de  mes  cousines,  qui  est  fort  dévote,  qui  me  dit  que  le  Père 
Lallemant,  supérieur  des  jésuites  ^,  les  avait  bien  exhortées 
à  le  visiter,  mais  que  peut-être  Dieu  avait-il  permis  que  j'y 
allasse  pour  leur  faire  croire  qu'à  Paris  les  femmes  de  qualité 
y  vont  et  qu'elles  seront  incitées  d'y  aller. 

Je  ne  m-'y  arrêtai  point,  à  cause  de  la  rougeole,  qui  était 
chez  mon  oncle,  de  sorte  que  j'allai  dîner  à  Veuves  ^^  et  cou- 
cher à  Amboise,  où  Dieu  me  fit  bien  des  grâces.  Leur  Hôtel- 
Dieu  est  pauvre  ;  l'on  y  retire  tous  les  passants  estropiés  et 
orphelins,  mais  non  pas  les  malades.  Il  y  a  là  un  jnarchand 
qui  y  a  fait  une  fondation  pour  une  maîtresse  d'école,  devant 
laquelle  j'interrogeai  des  pauvres,  et  la  priai  de  me  venir  voir 
le  lendemain,  ce  qu'elle  fit,  et  en  fus  bien  édifiée.  C'était  le 
premier  dimanche  du  mois.  Je  yne  confessai  et  communiai  aux 
Pères  Minimes  et  V o.près-dînce  ne  laissai  pas  de  repartir  cou- 
cher à  Tours,  où  je  vis  le  plus  bel  Hôtel-Dieu  et  le  tnieux 
ordonné  de  pas  un  ;  et  le  lendemain  communiai  à  Saint-Fran- 
çois-de-Paule^  où  étaient  les  indulgences  et  grand  concours  de 
peuple  ;  et  l'après-dînée  je  partis  et  allai  coucher  à  Angers, 
et  vins  le  lendemain  ouïr  la  sainte  messe  à  Chouzé  ^i,  qui  est 


7.  Dans  le  Loiret. 

8.  Dans  le  Loir-et-Cher. 

9.  Jérôme  Lallemant,  né  à  Paris  le  27  avril  1593,  reçu  au  noviciat 
des  Jésuites  le  2  octobre  1610,  mort  à  Québec  le  26  janvier  1673. 
Après  avoir  professé  les  belles-lettres  et  la  philosophie  et  rempli  les 
fonctions  de  recteur  à  Blois  et  à  La  Flèche,  il  devint  supérieur  de  la 
Mission  du  Canada.  Il  a  laissé  sur  cette  Mission  des  relations  inté- 
ressantes qui  ont  été  publiées  à  Québec  en   1858. 

10.  Commune  du  Loir-et-Cher. 

11.  Commune  d'Indre-et-Loire.* 

13 


—  194  — 

de  cet  évcché  ici  ;  et  le  hon  -prêtre  qui  y  dit  la  messe  aurait 
bon  besoin^  comme  je  -pense,  de  voir  une  mission  ;  même  il 
7ne  vifit  en  pensée  d'en  dire  quelque  chose  à  M.  d'Angers. 
Les  petits  enfants  si  peu  instruits  ! 

De  là  je  vins  à  Saumur,  où  je  séjournai  ce  jour-là,  le  mer- 
credi tout  entier,  et  le  jeudi  y  cojnmuniai  encore.  Tous  mes 
gens,  ils  y  ont  eu  bien  de  la  dévotion.  Dès  que  nous  avisârnes 
le  lieu,  nous  chantâmes  le  Te  Deum. 

Je  m'oubliais  de  vous  dire  notre  après-dinée  :  nous  disions 
quelquefois  notre  chapelet  en  deux  chœurs,  tous  les  jours  les 
litanies  de  la  Sainte  Vierge,  et  les  autres  rechantaient  le  mëniK, 
afin  de  les  dire  doublement. 

Notre  récréation  durait  bien  autant  que  nos  prières.  Quel- 
quefois  nous  jouions  à  ne  dire  ni  oui  ni  non  ;  et  ceux  qui  le 
disaient  payaient  un  Ave  à  celui  qui  lui  pouvait  prendre.  Nous 
chantions  Alléluia  et  d'autres  hymnes,  mais  tout  cela  si  gaie- 
ment, qu'un  de  mes  fermiers,  qui  était  à  cheval,  était  ravi  de 
nous  voir.  Je  voulais  montrer  à  Catherine  à  bien  lire  et  la 
prononciation.  Elle  faisait  des  réponses  et  des  discours  à  rire 
jusqîies  aux  larmes.  Enfin,  mon  Père,  il  est  bien  aisé  de  servir 
Dieu  à  ce  prix-là. 

A  mon  arrivée  ici,  il  vint  deux  Messieurs  au-devant  de  moi. 
qui  ni eynpêchaient  d'aller  à  VHôtel-Dieu,  ni  à  l'église  j  et  puis 
il  était  tôt.  J'arrivai  droit  céans^  où  je  treuvai  tm  souper 
magnifique  et  tant  de  monde  à  me  recevoir  qu'enfin  Von  me 
traita  du  grand. 

Le  lendonain,  je  n'eus  le  loisir  que  d'entendre  la  m.esse. 
MM .  de  la  justice,  et  tous  les  principaux  de  la  ville  me  vin- 
rent visiter  ;  et  encore  le  jour  d'après  j^eus  grand'peine  à  me 
dérober  pour  visiter  l'Hôtel-Dieu,  que  je  treuvai  en  assez  bon 
ordre.  Il  y  a  une  bonne  bourgeoise  qui  a  fait  voeu  d'y  finir 
ses  jours  au  service  des  malades,  qui  leur  a  été  un  grand 
bien  ;  principalement  elle  a  grand  soin  de  leur  salut.  Depuis, 
j'ai  été  deux  fois  visiter  les  prisonniers,  dans  cette  pensée  qtie 
JSJotre-SeigJieur  disait  en  l'Evangile  :  j'ai  été  prisonnier.  Je  leur 
donnai  des  images  et  chapelets  et  délivrai  de  pauvres  prison- 
niers qui  me  firent  grand'pitié.  Ce  qui  est  déplaisant,  c'est 
que  tout  est  su  dans  la  ville ^  et  toujours  l'on  en  dit  plus  qu'il 
n'y  en  a. 

Dimanche,  je  fus  à  vêpres  à  une  religion,  où,  contre  ma 
coutume,  je  fus  deux  heures  devant  le  Saint  Sacrement,  où 
là  il  me  vint  en  pensée  comment  je  pourrais  parler  du  caté- 
chisme devant  ces  demoiselles  de  céans,  que  je  mimaginais  en 
avoir  grand  besoin.  Je  me  résolus  d'aller  aux  pauvres,  aux 
fermes,  où  je  les  jnenai,  et  interrogeai  les  enfants  assez  bien 
instruits.   Il  y  a  un   bon   ecclésiastique   qui   en   a  grand  soin. 


—  195  — 

Mon  Père,  cela  réussit  si  ■parfaitement  bien  que  Mademoiselle 
Le  Fèvre,  qui  est  mariée  à  un  conseiller  et  qui  a  quatre  en- 
fants, me  dit,  au  retour,  y  avoir  fris  très  grand  -plaisir,  et 
qu'elle  ne  savait  presque  rien  de  tout  cela,  et  m^ajouta  :  «  L'on 
voit  bien  que  vous  aifnez  bien  les  pauvres  et  que  vous  êtes  à 
la  joie  de  votre  cœur  parmi  eux.  Vous  paraissiez  deux  fois  plus 
belle  en  leur  parlant.  »  Mon  Père,  cela  est  admirable  que 
Dieu  me  donna  la  hardiesse  de  parler  en  présence  de  leur 
ecclésiastique  et  pour  le  moins  cent  personnes  qui  m^éc oua- 
taient, et  puis  après  me  payèrent  de  tant  de  louanges  ;  même 
ce  bon  prêtre  me  dit  qu'il  s'estitnerait  bien  heureux  de  pouvoir 
finir  ses  jours  auprès  de  moi,  sans  gages,  ni  récotnpense,  mais 
seulement  pour  omr  les  paroles  qui  sortiraient  de  ma  bouche. 
Voilà  ses  propres  termes. 

Or  sus,  mon  Père,  cest  à  vous  que  f écris,  et  dans  la  con- 
fiance que  vous  louerez  Dieu  et  Taimerez  pour  sa  miséricorde 
infinie.  Il  tn'a  fait  des  grâces  à  Saumur  et  ici  que  je  ne  vous 
puis  dire,  et  nonobstant  mon  extrême  infidélité  ;  c'est  ce  qui  me 
doit  ravir  d'amour  vers  lui.  Mon  Père,  priez-le  qiiil  rabaisse 
mon  orgueil  par  quel  moyen  il  lui  plaira.  Je  suis  prête  à  tout 
perdre  et  tout  quitter,  préférant  Vhumilité  à  toutes  les  con- 
solations et  biens.  Lexemple  de  mon  Sauveur  est  bien  puis- 
sant, qui  a  quitté  le  sein  de  son  Père  pour  la  venir  pratiquer 
dans  la  pauvreté   et  anéantissement. 

Or,  revenons  au  fait  du  catéchisme.  Cest  que.  depuis,  ces 
bonnes  demoiselles  viennent  prier  Dieu  avec  moi,  tout  quand 
je  donne  le  sujet  de  l'oraison,  mais  principalement  une,  qui 
est  fille.  Or,  je  la  treuvai  bien  touchée  ;  je  la  peux  dire  gagnée. 
Il  y  a  une  bonne  femme  dévote  qui  me  vint  voir  et  me  dit  que, 
si  j'étais  ici  un  an,  je  convertirais  toute  la  ville.  Je  vous 
assure  qu' elle  me  fit  bien  rire.  Deux  choses  leur  plaisent  ici  : 
que  je  ne  fais  point  la  réformée.,  que  je  ris  à  bon  escient  et 
que  je  vas  à  ma  paroisse. 

Dernièrement,  ils  me  pressèrent  fort  de  me  faire  peindre. 
Ils  ont  un  homme  qui  le  tente  parfaitement  ;  c'&st  celui  qui 
a  peint  feu  Monsieur  i-.  et  c'est  la  coutume.  Il  n'y  a  si  petite 
bourgeoise  qui  ne  le  soit  ;  et,  après  leur  mort.  Von  met  leur 
portrait  à  l'église  auprès  de  leur  tombe.  Or,  je  leur  refusai,  et 
m'en  suis  repentie,  car  il  me  semble  que  c'était  par  une  fausse 
humilité  de  fie  vouloir  pas  paraître  si  vaine  que  de  se  faire 
peindre,  et  qu'il  y  eût  eu  plus  de  vertu  à  le  faire  par  condescen- 
dance. 

Je  jouai  dernièrement  une  heure  au  trictrac  et  me  suis  ré- 
solue de  leur  obéir  en  ce  qui  ne  sera  point  péché,  c' est-à-dire 

12.    Nom  donné,   avant   la  Révolution,   à   l'aîné   des   frères  du  roi. 


—   196  — 

jusqu'à  ce  que  j'aie  une  réponse,  car  je  ferai  tout  ce  que  vous 
voudrez. 

Vous  savez  que  je  suis,  four  Va^nour  de  Notre-Seigneur  et 
de  sa  sainte  Mère,  tnon  Révérend  Père,  votre  très  humble  et 
obéissante  servante. 

D'Angers,  ce  16  avril  16 jj. 

Suscription  :  A  Mo7isieur  Monsieur  Vincent  de  Paul,  supé- 
rieur des  Prêtres  de  la  Mission,  à  Saint-Lazare. 


136.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Avril  1633  1.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  J.-C.  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  ne  vous  écris  point  de  ma  main,  à  cause  que  j'ai  été 
saigné  pour  ma  petite  fièvre.  J'ai  oublié  de  vous  envoyer 
tantôt  Monsieur  Figeard  le  médecin.  Je  vous  supplie  de 
me  le  pardoim.er,  comme  aussi  de  ce  que  je  ne  vous  ai 
pas  envoyé  le  mémoire  des  exercices,  et  de  trouver  bon 
que  je  vous  dise  que  vous  ne  deviez  pas  envoyer  vos  filles 
au  lieu  que  vous  me  dites,  sans  savoir  du  médecin  s'il  y 
a  du  danger  -.  J'espère  pourtant  de  la  bonté  de  Dieu 
qu'elle  ne  permettra  pas  qu'il  en  arrive  du  mal,  car  vous 
savez  la  particulière  protection  qu'il  a  des  personnes  de 
la  Charité. 

J'ai  reçu,une  lettre  de  Madame  Goussault  et  de  la  bé- 
nédiction de  son  voyage  ^.  Quand  j'en  recevrai  d'autres 
nouvelles,  je  vous  en  ferai  part. 

Votre  lettre  d'hier  se  trouve  écartée  et  ne  me  ressou- 
viens point  de  ce  qu'elle  contient,  sincr   à  l'égard   du 


Lettre  136.   —  L.   s.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original. 

1.  Voir  note  3. 

2.  Danger  de  contagion. 

3.  Probablement  la  lettre  135. 


—   197  — 

jeune  homme  ^  duquel  vous  me  parliez  et  à  l'égard  du- 
quel je  vous  dirai  que  je  ne  pense  pas  qu'il  doive  quitter 
la  soutane,  dans  l'incertitude  du  choix  de  la  condition 
dans  laquelle  il  est,  et  me  semble  qu'il  le  faut  laisser  en 
l'état  qu'il  est,  jusqu'à  ce  qu'il  soit  entièrement  résolu, 
et  que  sa  bonne  mère  ne  l'aide  pas  assez  à  prendre  réso- 
lution. Vraisemblablement  l'état  ecclésiastique  lui  est  le 
meilleur.  S'il  y  tend,  je  pense  qu'il  lui  faut  conforter. 

Quant  à  cette  &lle  qui  fait  les  exercices  '\  puisqu'elle 
est  à  sa  confession  générale,  vous  pourrez  vous  servir  de 
Busée  ^  en  français  et  lui  bailler,  en  suite  de  sa  confes- 
sion générale,  le  premier  jour,  de  l'Incarnation  ;  la  se- 
conde, de  la  Nativité,  laquelle  elle  répétera  à  la  troi- 
sième oraison  ;  la  4^  des  pasteurs.  Le  second  jour,  la 
première  sera  de  la  Circoncision  ;  la  2^,  des  Mages  ;  la 
3^  de  la  Purification  et  la  4^  de  la  vie  de  Notre-Seigneur 
depuis  douze  jusqu'à  trente  ans.  Le  3®  jour,  la  vocation 
des  Apôtres  ;  la  2®,  la  première  prédication  de  Notre- 
Seigneur  ;  la  3®  et  la  4*,  des  Béatitudes.  Le  4*  jour  sera 
du  jugement,  où  vous  lui  ferez  peser  le  bonheur  de  ceux 
qui  ont  eu  pitié  des  pauvres,  laquelle  méditation  elle 
répétera  deux  fois  :  la  3®  et  la  4*  seront  de  quelque  mys- 
tère de  lia  Passion,  et  à  la  an  vous  lui  ferez  faire  sa 
règle  de  vie,  c'est-à-dire  son  emploi  de  la  journée.  Les 
heures  pour  faire  l'oraison  :  à  son  lever  la  première  ;  la 
2*  à  dix  heures  ;  la  3*  à  deux  ;  et  la  4^  à  cinq  heures.  Ce 


4.  Il  S'agit  évidemment  de  Michel  Le  Gras,  que  le  saint  ne  nomme 
pas   par   délicatesse. 

5.  C'était  sans  doute  une  des  filles  qui  s'employaient  au  service  des 
pauvres  sous  Louise  de  Marillac  ou  qui  se  proposaient  d'embrasser 
cet   état. 

6.  Le  Père  Jean  Busée,  de  la  Compagnie  de  Jésus,  est  l'auteur 
d'un  ouvrage  de  méditations  très  estimé,  publié  à  Douai  en  1624  sous 
ce  titre  Enchiridion  fiariim  meditaiionum  in  omnes  dominicas^  sanc- 
toriim  fesia,  Christi  fassionem  et  caetera,  traduit  en  français  par  les 
Pères  jésuites  et  en  r644  par  Antoine  Portail,  qui  ajouta  plusieurs 
méditations. 


—  198  — 

qu'elle  peut  lire,  c'est  Grenade  '  et  les  vies  des  saintes 
qui  ont  excellé  en  la  charité. 

Voilà  ce  que  je  vous  puis  dire  pour  le  présent,  sinon 
que,  demain  au  matin,  je  vous  enverrai  Monsieur  Bru- 
net,  ou  bien  après-demain  ;  et  cela  n'empêchera  pas  que 
vous  ne  suiviez  l'ordre  de  ces  méditations.  Vous  me 
manderez  cependant,  s'il  vous  plaît,  ce  que  le  médecin 
juge  de  la  maladie  de  Monsieur  le  vicaire,  et  je  serai, 
en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très  humble  ser- 
viteur. 

Vincent  Depaul. 

Si  la  fille  n'a  coutume  que  faire  trois  méditations  par 
jour,  vous  ne  lui  en  baillerez  pas  davantage,  s'il  vous 
plaît.  Je  pense  que  je  ne  vous  pourrai  envoyer  M.  Bru- 
net  qu'après-demain,  l'après-dînée. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
à  Paris. 

137    —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

La  chute  du  cheval  dessus  et  dessous  moi  a  été  des 


7.  Le  Père  Louis  de  Grenade  appartenait  à  l'ordre  de  Saint-Domi- 
nique. Il  s'est  fait  un  nom  par  sa  sainteté,  ses  sermons  et  ses  écrits. 
On  lui  doit  des  ouvrages  très  estimés,  pleins  d'éloquence  et  de  piété  : 
La  guide  des  fécheurs,  Le  mémorial  de  la  vie  chrétienne,  un  Caté- 
chisme, des  Méditations,  la  Vie  de  dom  Barthélémy  des  Martyrs.  Ses 
sermons  ont  été  publiés.  Grégoire  XIII  disait  que  Louis  de  Grenade 
avait  par  ses  écrits  opéré  plus  de  miracles  que  s'il  avait  rendu  la  vie 
à  des  morts  et  la  vue  à  des  aveugles.  Ce  pieux  religieux  était,  avec 
Thomas  a  Kempis  et  saint  François  de  Sales,  un  des  auteurs  favoris 
de  Louise  de  Marillac  (cf.  Gobillon,  o-p.  cit.,  p.  13)  et  de  saint 
Vincent. 

Lettre  137.  —  L.  a.  —  Original  à  Shanghaï,  dans  la  maison  des 
prêtres  de  la  Mission. 


—   199  — 

plus  dangereuses  et  la  protection  de  Xotre-Seigneur  des 
plus  particulières.  C'est  la  bonté  de  Dieu  qui  m'a  traité 
de  la  sorte  et  le  mésusage  de  ma  vie  qui  a  fait  qu'il  m'a 
montré  ses  verges.  Je  vous  supplie  de  m'aider  à  obtenir 
la  grâce  de  m'amender  pour  l'avenir  et  de  commencer  une 
nouvelle  vie.  Il  ne  m'en  est  resté  qu'une  petite  foulure 
des  nerfs  de  l'un  pied,  laquelle  à  présent  me  fait  peu  de 
douleur. 

Je  dois  être  purgé  demain,  et  après-demain  je  pour- 
rai sortir  en  carrosse  pour  aller  à  une  lieue  d'ici.  Mercre- 
di je  pourrai  aller  à  Sainte-Marie  de  la  ville.  Si  je  le 
puis,  de  là  j'aurai  le  bien  de  vous  aller  voir,  et  vous  di- 
rai cependant,  pour  les  paroles  que  vous  avez  dites  de 
ce  médecin,  que  vous  ferez  bien,  si  vous  avez  dit  quelque 
chose  qui  regarde  la  diminution  de  sa  réputation,  de 
dire  le  bien  que  vous  savez  de  lui,  à  la  même  personne 
et  à  deux  ou  trois  autres. 

Je  suis  cependant,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur  et 
de  sa  sainte  Mère,  Mademoiselle,  votre  très  humble  et 
obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Saint-Lazare,  ce  i^""  mai  [1633  ]  ^. 

Je  vous  envoie  une  lettre  de  Madame  la  présidente 
Goussault  ;  renvoyez-la-moi  demain  au  matin,  s'il  vous 
plaît,  après  que  vous  l'aurez  lue. 


I.  Le  texte  porte  1623,  date  évidemment  fautive,  puisque  le  saint 
ne  prit  possession  de  la  maison  de  Saint-Lazare  qu'en  1632.  La  lettre 
a  été  écrite  un  dimanche  et  pendant  une  absence  de  Madame  Gous- 
sault,   circonstances    qui    conviennent  au    i^r   mai    1633. 


138.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Mai    1633  '.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  ne  crois  pas  que  Monsieur  le  commandeur  -  ait  fait 
donation  ni  testament  en  faveur  de  qui  que  ce  soit.  Je 
verrai  aujourd'hui  le  notaire  et  vous  ferai  savoir  la  ré- 
solution. Que  si  cependant  il  vous  plaît  de  minuter 
votre  voyage,  vous  ferez  bien  ;  car,  en  tout  cas,  s'il  était 
besoin,  vous  pourriez  être  ici  du  jour  au  lendemain.  Dis- 
posez-vous donc,  s'il  vous  plaît,  pour  après-demain.  Je 
voudrais  bien  que  vous  puissiez  aller  en  carrosse  à  cause 
de  la  grande  chaleur. 

Et  pour  le  regard  de  l'affaire  de  votre  emploi  ",  je  n'ai 
pas  encore  le  cœur  assez  éclairci  devant  Dieu  touchant 
une  difficulté  qui  m'empêche  de  voir  si  c'est  la  volonté 
de  sa  divine  Majesté.  Je  vous  supplie.  Mademoiselle,  de 
lui  recommander  cet  affaire  pendant  ces  jours  auxquels 
il  communique  plus  abondamment  les  grâces  du  Saint- 
Esprit,  ains  le  Saint-Esprit  même.  Insistons  donc  aux 
prières  et  tenez-vous  bien  gaie. 


Lettre  138.   —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite,  semble-t-il,  peu  avant  l'institution  des 
Filles  de  la  Charité  (cf.  note  3)  et  aux  approches  ou  dans  l'octave 
de  la   fête  de  la  Pentecôte,  qui,  en   1633,   tombait  le   15  mai. 

2.  Bien  que  ces  mots  M.  le  commandeur  désignent  partout  ailleurs 
dans  les  lettres  de  saint  Vincent,  le  commandeur  de  Sillery,  mort  le 
26  septembre  1640,  il  est  ici  question  d'un  autre  commandeur.  Le 
commandeur  de  Siller}'  fit  en  effet  de  nombreuses  libéralités  par  testa- 
ment,  et  saint  Vincent  ne  les  ignora  pas. 

3.  Abelly  cite  cette  phrase  {o-p.  cit.,  t.  I,  chap.  xxiv,  p.  113),  la 
rapportant  à  l'institution  des  Filles  de  la  Charité,  et  c'est,  en  effet, 
le  sens   le   plus  naturel. 


201    — 

Ce  que  vous  craignez  de  vos  jambes  n'est  pas  à  crain- 
dre, comme  j'espère  parfaitement,  qui  suis  v.  s. 

V.  D. 
r 
Stiscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

139.  —  A  MICHEL  ALIX,   CURÉ   DE  SAINT-OUEN-L'AUMONE 

Ce  jour  de  saint  Barnabe  ^   1633. 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Enfin  la  petite  assemblée  de  vous  autres  Messieurs 
les  curés  se  pourra  tenir  lundi,  à  deux  heures  après  dî- 
né, céans  ^.  Avez-vous  bien  agréable  de  vous  y  trouver, 
Monsieur  ?  Je  l'ai  bien  fait  espérer  à  la  compagnie.  At- 
tendant donc  le  bonheur  de  vous  voir  ce  jour-là,  l'avant- 
dîné,  et  que  vous  recommanderez  cependant  la  chose  à 
N.-S.,  je  suis,  en  son  amour.  Monsieur,  votre  très  humble 
et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

140.  —  a  louise  de  marillac 

[Entre  1633  et  1636  ^.] 
Mademoiselle, 

Je  ne  vous  obéis  point  hier  au  soir,  non  plus  que  le 

Lettre  139.  —  Reg.  i,  f"  9.  Le  copiste  note  que  l'écriture  de  l'ori- 
ginal était   de   saint  Vincent  lui-même. 

1.  II   juin. 

2.  Il  s'agissait  d'organiser  les  conférences  ecclésiastiques,  qui  devin- 
rent en  peu  de  temps  si  célèbres  et  attirèrent  à  Saint-Lazare  les  prê- 
tres les  plus  éminents  en  sainteté  et  en  doctrine.  Abelly  a  raconté 
[of.  cit.,  t.  II,  chap.  III,  sect.  i,  p.  246  et  suiv.)  ce  que  fut  l'assem- 
blée dont  il   est   ici  question. 

Lettre  140.  —  L.   a.  —  L'original  est  exposé  dans  une  des  salles  de 

la   Société  de    Saint-Vincent-de-Paul,   à  Paris,   6,   rue  de   Furstenberg. 

I.    Cette  lettre   a   été  écrite  après   l'institution  des  Conférences   des 


reste  du  jour,  à  l'égard  de  ce  petit  remède,  non  certes 
faute  de  respect,  ni  de  condescendance  à  vos  charitables 
avis,  mais  pour  quelque  empêchement  particulier.  Je  me 
veux  promettre  que  vous  m'excuserez,  comme  aussi  de  ce 
que  je  n'ai  pas  le  bien  de  vous  voir  avant  que  de  m'en 
retourner  à  Saint-Lazare,  à  cause  d'une  assemblée  de 
curés  que  nous  y  avons  aujourd'hui.  Assurez-vous,  Made- 
moiselle, que  j'aurai  soin  d'user  des  remèdes  que  vous 
me  conseillez,  à  Saint-Lazare  et  que  je  reviendrai  ici  ", 
s'il  plaît  à  Dieu,  après,  et  qu'alors  nous  vous  gouverne- 
rons ^  plus  que  je  ne  l'ai  pu  à  cette  fois. 

Cependant  ayez  soin,  s'il  vous  plaît,  de  vous  conser- 
ver, dans  votre  petit  rhume  et  de  n'en  pas  tant  faire  une 
autre  fois.  Je  vous  dis  derechef  adieu  en  cette  confiance 
et  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très  humble 
serviteur. 

Vincent  Depaul. 


141.  —  A  UN  ECCLÉSIASTIQUE 

[9  juillet  1633  1.] 

Dieu  soit  béni.  Monsieur,  de  toutes  les  grâces  et  béné- 
dictions qu'il  répand  sur  votre  mission  !  Ne  vous  semble- 
t-il  pas  que  tant  d'ouvriers  qui  demeurent  oisifs  seraient 
bien  employés  en  la  grande  moisson  à  laquelle  vous  tra- 
vaillez maintenant  et  que  ceux  qui  connaissent  le  besoin 
que  le  Maître  de  la  moisson  a  d  ouvriers,  seront  coupa- 


mardis   et   avant  le   transfert   à  La   Chapelle   de   la  maison-mère   des 
Filles  de  la   Charité. 

2.  Au  collège   des   Bons-Enfants. 

3.  Saint  Vincent  emploie  parfois  ce  terme  pour  parler  de  direction 
spirituelle. 

Lettre  141.  —  Abelly,  of.  cit.,  t.  II,  chap.  m,  sect.  i,  p.  248. 
I.  La  lettre  a  été  écrite  le  jour  de  la  seconde  assemblée  des  curés, 
qu'Abelly  place  ce  jour-là. 


—    203   — 

blés  du  sang  de  son  Fils,  qu'ils  laissent  inutile,  faute 
d'application  ?  Oh  !  que  la  pensée  que  vous  me  fîtes 
l'honneur  de  me  communiquer  ces  jours  passés  a  été  bien 
reçue  de  ^lessieurs  les  ecclésiastiques,  de  tous  lesquels 
nous  av'ons  parlé  en  général  et  de  chacun  en  particulier  ! 
Nous  les  vîmes,  il  y  a  quinze  jours  ',  ensemble  et  ils  réso- 
lurent ce  que  vous  proposâtes,  dans  une  uniformité  d'es- 
prit qui  paraît  toute  de  Dieu.  Je  commençai  mon  discours 
par  les  paroles  que  vous  me  dites,  sans  vous  nommer, 
sinon  lorsqu'il  fallut  vous  mettre  de  leur  nombre  et  rete- 
nir votre  place  parmi  eux.  Ils  se  doivent  encore  assem- 
bler aujourd'hui  ^.  O  Monsieur,  qu'il  y  a  sujet  d'espérer 
beaucoup  de  bien  de  cette  compagnie  !  Vous  en  êtes  le 
promoteur  et  vous  avez  intérêt  qu'elle  réussisse  à  la 
gloire  de  Dieu.  Priez-le  pour  cela,  s'il  vous  plaît.  Mon- 
sieur, et  pour  moi  particulièrement. 


142.  —  A  FRANÇOIS  DU  COUDRAY,  A  ROME» 

[Juillet    16332]. 
Il  faut  que  vous  sachiez  ce  que  je  pense  ne  vous  avoir 


2.  Le    II    juin. 

3.  Abelly  écrit  :  «  Ces  messieurs  les  ecclésiastiques  s'étant  donc 
derechef  assemblés  le  neuvième  du  mois  de  juillet  suivant,  ils  arrê- 
tèrent l'ordre  qu'ils  devaient  tenir  dans  leurs  conférences  ;  ils  firent 
choix  de  quelques  officiers  pour  maintenir  cet  ordre  et  déterminè- 
rent le  jour  du  mardi  de  chaque  semaine...  M.  Vincent  leur  donna 
pour  sujet  de  leur  première  conférence,  qui  se  fit  le  x6  du  même 
mois,  celui  de  l'esprit  ecclésiastique.  »  Plus  de  deux  cent  cinquante 
ecclésiastiques  fréquentèrent  les  conférences  des  mardis  du  vivant  de 
saint  Vincent,  et  parmi  eux  vingt-deux  devinrent  évêques,  entre 
autres  Bossuet. 

Lettre  142.  —  Abelly,  of.  cit.,  t.  II,  chap.  11,  sect.  v,  début,  p.  233. 

1.  Abelly  se  contente  de  dire  que  la  lettre  a  été  adressée  à  un  prê- 
tre de  la  Mission  à  Rome.  Ce  prêtre  de  la  Mission  ne  peut  être  que 
M.  du  Coudray. 

2.  Cette  lettre  a  été  écrite  peu  après  le  16  juillet,  date  de  la  pre- 
mière conférence  ecclésiastique. 


204   - — 

pas  encore  écrit,  qu'il  a  plu  à  la  bonté  de  Dieu  donner 
une  bénédiction  toute  particulière  et  qui  n'est  pas  ima- 
ginable aux  exercices  de  nos  ordinands.  Elle  est  telle 
que  tous  ceux  qui  y  ont  passé,  ou  la  plupart,  mènent  une 
vie  telle  que  doit  être  celle  des  bons  et  parfaits  ecclé- 
siastiques. Il  y  en  a  même  plusieurs  qui  sont  considé- 
rables pour  leur  naissance  ou  pour  les  autres  qualités 
que  Dieu  a  mises  en  eux,  lesquels  vivent  aussi  réglés 
chez  eux  que  nous  vivons  chez  nous,  et  sont  autant  st 
même  plus  intérieurs  que  plusieurs  d'entre  nous,  n'y  eût- 
il  que  moi-même.  Ils  ont  leur  temps  réglé,  font  oraison 
mentale,  célèbrent  la  sainte  messe,  font  les  examens  de 
conscience  tous  les  jours  comme  nous.  Ils  s'appliquent 
à  visiter  les  hôpitaux  et  les  prisons,  où  ils  catéchisent, 
prêchent,  confessent,  comme  aussi  dans  les  collèges,  avec 
des  bénédictions  très  particulières  de  Dieu.  Entre  plu- 
sieurs autres,  il  y  en  a  douze  ou  quinze  dans  Paris  qui 
vivent  de  la  sorte  et  qui  sont  personnes  de  condition  ;  ce 
qui  commence  à  être  connu  du  public  ^.  Or,  ces  jours 
passés,  un  d'entre  eux,  parlant  de  la  manière  de  vie  que 
menaient  ceux  qui  avaient  passé  avec  lui  par  les  exerci- 
ces des  ordinands,  proposa  une  pensée  qu'il  avait  eue, 
de  les  lier  ensemble  par  manière  d'assemblée  ou  de  com- 
pagnie ;  ce  qui  a  été  fait  avec  une  satisfaction  parti- 
culière de  tous  les  autres.  Et  la  fin  de  cette  assemblée 
est  de  vaquer  à  leur  propre  perfection,  à  moyenner  que 
Dieu  ne  soit  point  offensé,  mais  qu'il  soit  connu  et  servi 
dans  leurs  familles,  et  à  procurer  sa  gloire  dans  les 
personnes  ecclésiastiques  et  parmi  les  pauvres  ;  et  cela, 
sous  la  direction  d'une  personne  de  céans,  où  ils  doivent 
s'assembler  tous   les  huit   jours.   Et  parce  que   Dieu   a 


3.  Ils  venaient  de  donner  une  mission  aux  ouvriers  qui  bâtissaient 
l'église  de  la  Visitation.  (Abelly,  of.  cit.,  t.  II,  chap.  m,  sect.  i, 
p.    247.) 


—    205    — 

béni  les  retraites  que  plusieurs  curés  de  ce  diocèse  ont 
faites  ici,  ces  Messieurs  ont  désiré  faire  le  même  et  ont 
en  effet  commencé.  Or,  il  y  a  sujet  d'espérer  de  grands 
biens  de  tout  ceci,  s'il  plaît  à  Notre-Seigneur  doimer  sa 
bénédiction  à  son  œuvre,  que  je  recommande  particu- 
lièrement à  vos  prières. 

143.  —  A  ISABELLE  DU  FAY 

[Entre   1626  et    163^  ^.] 

...  la  dureté  de  leur  cœur.  O  Mademoiselle,  que  ce  genre 
de  péché  captive  tyranniquement  les  cœurs  et  que  bien- 
heureux sont  ceux  qui  en  sont  délivrés  !  Au  fond,  vous 
avez  fait  en  cela  ce  qui  était  en  vous  ;  et  devant  Dieu 
vous  aurez  la  récompense  comme  si  absolument  vous 
étiez  cause  du  salut  de  ces  âmes  ;  car  Dieu  ne  regarde 
point  l'événement  du  bien  que  l'on  entreprend,  mais  la 
charité  avec  laquelle  l'on  s'y  est  porté.  Plaise  à  sa  divine 
bonté  me  pardonner  le  défaut  de  la  mienne,  qui  suis,  en 
son  amour,  votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 
144.  —  a  louise  de  marillac 

[Entre  1632  et    1639  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Lettre  143.  —  Rej;.  i,  f°  4,  v°.  Le  commencement  de  la  lettre  est 
perdu.  Le  copiste  note  que  l'écriture  de  l'original  était  celle  de  saint 
Vincent    lui-même. 

I.   Même  remarque  qu'à  la  lettre  99,  note  i. 

Lettre  144.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original. 
I.   Dates    des     premiers     rapports     de    saint    Vincent  avec    Madame 
Goussault  et    de    la    mort   de    cette   dernière. 


—  2o6  

Comment  vous  portez-vous,  Mademoiselle  ?  Pourriez- 
vous  bien  être  de  la  partie  du  voyage  de  Pontoise  ?  Si 
cela  est,  il  faudrait  vous  tenir  prête  pour  les  deux  heures 
aujourd'hui  dimanche,  et  vous  pourriez  faire  votre  con- 
fession demain  au  matin. 

Bonjour,  Mademoiselle.  Vous  écrirez,  s'il  vous  plaît,  à 
Madame  Goussault  ce  que  vous  aurez  résolu.  Je  vous 
souhaite  derechef  le  bon  jour  et  suis,  en  l'amour  de  No- 
tre-Seigneur,  votre   serviteur. 

V.  D. 

Suscripiion  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


145.  —  A  UN  PRÊTRE  DE  LA  MISSION 

1633- 
O  Monsieur,  que  nous  sommes  heureux  de  ce  que  nous 
honorons  la  parenté  pauvre  de  Notre- Seigneur  par  la 
nôtre  pauvre  et  chétive  !  Je  disais  avec  consolation,  ces 
jours  passés,  en  prêchant  en  une  communauté,  que  je 
suis  le  fils  d'un  pauvre  laboureur,  et  en  une  autre  com- 
pagnie, que  j'ai  gardé  les  pourceaux.  Croiriez-vous 
bien,  Monsieur,  que  je  crains  dfen  avoir  de  la  vaine  satis- 
faction, à  cause  de  la  peine  que  la  nature  en  souffre  ? 
Il  est  vrai  que  le  diable  est  bien  fin  et  rusé  ;  mais 
certes  celui-là  l'est  encore  plus  que  lui  qui  se  tient  honoré 
de  la  pauvre  condition  de  l'Enfant  de  Bethléem  et  de 
celle  de  ses  saints  parents. 

Lettre  145.  —  Abelly^  of.  cit.,  t.  III,  chap.  xix,  p.  289. 


207    — 

146.  —  A  ALAIN  DE  SOLMINIHAC  * 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  n'ai  nullement  douté  de  votre  charité  vers  nous, 
Monsieur  ;  mais  certes  je  me  plains  de  moi-même,  de  ce 
que  cette  vertu  toute  divine  paraît  tout  autrement  dans 
l'usage  que  vous  en  faites  que  dans  le  mien.  La  manière 
dont  vous  avez  fait  recevoir  ces  jeimes  ecclésiastiques  " 
et  celle  dont  vous  les  traitez,  me  font  paraître  comme  an 


Lettre  146.  —  L.  a.  —  Arch.  du  chapitre  de  Cahors,  liasse  I, 
n^"  25,  original. 

1.  Alain  de  Solminihac,  né  au  château  de  Belet,  en  Périgord,  le 
25  novembre  1593,  n'avait  que  vingt-deux  ans  quand  un  de  ses  on- 
cles résigna  en  sa  faveur  l'abbaye  de  Chancelade  (Dordogne),  qui 
dépendait  de  l'Ordre  des  chanoines  réguliers  de  Saint-Augustin.  Il 
remplaça  les  vieux  bâtiments  par  de  nouvelles  constructions  et  fit 
revivre  la  discipline.  Le  21  janvier  1630,  le  cardinal  de  la  Roche- 
foucauld lui  envoya  pleins  pouvoirs  de  visiter  les  maisons  que  pos- 
sédaient les  chanoines  de  Saint-Augustin  dans  les  diocèses  de  Pé- 
rigueux,  Limoges,  Saintes,  Angoulême  et  Maillezais.  Alain  de  Sol- 
minihac fut  demandé  en  divers  lieux  pour  établir  la  réforme. 
Nommé  à  l'évêché  de  Cahors  le  17  juin  1636,  il  se  dévoua  corps  et 
âme  à  l'Eglise  dont  il  était  le  pasteur.  Il  procura  à  son  peuple  le 
bienfait  des  missions,  visita  régulièrement  les  paroisses  de  son 
diocèse,  créa  un  séminaire  pour  la  formation  de  son  clergé  et  en 
confia  la  direction  aux  fils  de  saint  Vincent.  A  sa  mort,  qui  survint 
le  21  décembre  1659,  le  diocèse  de  Cahors  était  tout  renouvelé.  Dieu 
ayant  manifesté  la  sainteté  d'Alain  par  plusieurs  miracles,  sa  Cause 
fut  introduite  en  cour  de  Rome,  à  la  demande  même  du  clergé  de 
France.  {La  vie  de  Mgr  Alain  de  Solminihac,  par  le  R.  Père  Léo- 
nard Chastenet,  nouv.  éd.,  Saint-Brieuc,  1817,  in-12  ;  Histoire 
d'Alain  de  Solminihac,  par  Abel  de  Valon,  Cahors,  in-12,   1900,) 

2.  Lambert  aux  Couteaux  et  Robert  de  Sergis.  Par  acte  du  20  jan- 
vier 1632,  saint  Vincent  s'était  engagé  à  laisser  à  perpétuité  dans  le 
ressort  des  Parlements  de  Toulouse,  de  Bordeaux  ou  de  la  Provence, 
pour  y  donner  gratuitement  des  missions,  deux  missionnaires  et  un 
serviteur.  Il  recevait,  en  échange,  de  Nicolas  Vivien,  conseiller  du 
roi,  la  somme  de  10.000  livres,  dont  il  avait  besoin  pour  couvrir  les 
frais  occasionnés  par  l'aménagement  du  prieuré  de  Saint-Lazare. 
(Arch.  nat.    MM   538,  f»  292  v".) 


—  2o8  — 

brillant  de  la  bonté  de  Dieu  par  la  vôtre  et  ma  lourde 
et  fade  façon  de  recevoir  et  traiter  les  serviteurs  de 
Dieu.  Oh  !  certes,  si  m'en  veux-je  bien  corriger,  s'il  plaît 
à  Notre-Seigneur  m'en  faire  la  grâce,  par  les  prières  que 
je  vous  supplie  d'en  faire  pour  moi.  Au  reste,  ils  me 
mandent  la  réfection  non  seulement  corporelle,  mais  aus- 
si la  spirituelle  que  vous  leur  faites,  et  c'est  avec  de  très 
grands  sentiments  qu'ils  en  ont  et  qu'ils  m'en  donnent, 
et  tels  que  je  me  propose  bien  d'en  faire  un  bon  entre- 
tien à  notre  compagnie.  Oh  bien  !  Monsieur,  continuez, 
s'il  vous  plaît,  au  nom  de  Notre-Seigneur,  à  leur  bien 
profi-ter. 

Monsieur  Lambert  ^    est  tout    bon,  à  tout  prendre    ; 
l'autre  ^  n'est  pas  mauvais,  Dieu  merci,  mais  il   a  une 


3.  Lambert  aux  Couteaux,  né  à  Fossemanant  (Somme)  en  1606, 
appartenait  à  la  congrégation  de  la  Mission  depuis  le  mois  d'août 
1629.  Il  prêchait  alors  dans  le  midi  de  la  France  avec  Robert  de 
Sergis  et  profitait  de  quelques  jours  de  relâche  pour  se  recueillir 
chez  l'abbé  de  Chancelade,  où  saint  Vincent  lui  avait  dit  de  se  ren- 
dre. Il  fonda  la  maison  de  Toul  en  1635  et  en  resta  supérieur  jus- 
qu'en 1637.  En  janvier  1638,  il  commençait  l'établissement  de  Riche- 
lieu (Indre-et-Loire),  où  il  remplit  les  fonctions  de  curé  et  de  supé- 
rieur pendant  quatre  ans.  L'assemblée  générale  de  1642  le  nomma 
assistant  du  supérieur  général.  Nous  le  retrouvons  à  Richelieu  en 
1645,  r650  et  165 1.  Il  fut  pendant  peu  de  temps  supérieur  des  Bons- 
Enfants  (1646-1649),  puis  de  Saint-Charles  (1650).  Le  saint  avait 
en  lui  une  telle  confiance  qu'il  le  chargea  de  visiter  la  maison  de 
Saint-Lazare.  Il  l'envoya  rendre  le  même  service  aux  missionnaires 
de  La  Rose  et  de  Toul  et  aux  sœurs  d'Angers  et  de  Nantes.  Pressé 
par  la  Propagande,  en  1647,  de  désigner  un  sujet  pour  la  coadju- 
torerie  de  Babvlone,  il  n'en  vit  pas  de  plus  digne  que  Lambert  aux 
Couteaux.  Dans  la  réponse  à  Monseigneur  Ingoli,  il  s'exprimait 
ainsi  :  «  Je  vous  avoue,  Monseigneur,  que  la  privation  de  cette  per- 
sonne est  m'arracher  un  œil  et  me  couper  moi-même  un  de  mes  bras.  » 
Le  projet  n'aboutit  pas.  C'est  encore  sur  lui  que  le  saint  jeta  les  yeux 
pour  établir  la  congrégation  en  Pologne,  où  la  reine  appelait  les  mis- 
sionnaires. Lambert  aux  Couteaux  s'y  rendit  en  165 1.  Tout  était  à 
créer  dans  ce  pays  troublé  par  la  guerre  et  dévasté  par  la  peste.  Ses 
travaux  furent  bénis  de  Dieu,  mais  de  courte  durée.  Il  mourut  le 
31  janvier  1653,  victime  de  son  dévouement  pour  les  pestiférés. 
[Notices,   t.   II,   pp.    1-28.) 

4.  Ce  ne  peut  être  que  Robert  de  Sergis,  car,  si  l'on  excepte  Jac- 
ques   Mouton,    reçu    récemment    à     Saint-Lazare     et     peut-être     encore 


—    209   — 

certaine  petite  non-inclination,  pour  ne  dire  pas  aver- 
sion, aux  pratiques  qui  approchent  de  la  religion,  et  n'a 
pas  assez  de  soumission  et  d'humilité  pour  les  choses 
qui  choquent  son  sens.  Il  a  contracté  une  certaine  sorte 
d'esprit  caché  dans  le  séminaire  de  Rouen  '"  et  d'opposi- 
tion à  la  direction  particulière,  de  sorte  que,  quand  il 
se  trouve  en  la  conversation  où  l'on  traite  de  ces  choses, 
il  ne  peut  qu'il  n'en  fasse  toujours  paraître  quelque 
chose  par  ses  discours,  qui  ont  même  nui  à  deux  per- 
soimes  de  céans.  Et  quoique  cela  soit  ainsi,  il  a  toujours 
parfaitement  bien  obéi  et  à  tous  les  supérieurs  que  je  lui 
ai  baillés  à  la  campagne  et  à  moi,  sans  aucun  acte  de 
désobéissance.  J'ai  cru.  Monsieur,  que  je  vous  devais 
dire  ceci,  parce  que  j'espère  que  la  présente  vous  sera 
rendue  pendant  que  je  me  représente  que  vous  le  tiendrez 
aux  exercices. 

Parlons  maintenant  de  l'affaire  de  Pébrac  ®.  Je  suis 
allé  trouver  exprès  Monseigneur  l'archevêque  d'Arles  ^ 
et  lui  ai  rendu  la  lettre  que  vous  lui  aviez  écrite,  et  à 
Monsieur  Fontaine  la  sienne,  et  avons  parlé  ensuite  de 
l'affaire  de  Pébrac.  Voici  l'avis  de  mondit  seigneur.  Il 
juge  que  vous    devez    satisfaire    Monseigneur  de  Bor- 


simple   clerc,    ii   était   le   seul   membre   de   la   congrégation   de  la    Mis- 
sion originaire  du  diocèse  de  Rouen. 

5.  Sur  le  séminaire  de  Rouen,  voir  dans  les  Mémoires  de  la  So- 
ciété des  antiquaires  de  Normandie,  t.  XXVI,  Paris,  1867,  p.  404  et 
suiv.,  l'étude  de  Ch.  R.  de  Beaurepaire  intitulée  'Recherches  sur  les 
établissements  d' instruction  fublique  dans  l'ancien  diocèse  de  Rouen. 

6.  Jean-Jacques  Olier,  abbé  commendataire  des  chanoines  régu- 
liers de  Pébrac,  au  diocèse  de  Saint-Flour,  avait  prié  l'abbé  de  Chan- 
celade,  par  l'intermédiaire  de  saint  Vincent,  de  vouloir  bien  établir  la 
réforme  dans  cette  abbaye.  Alain  aurait  accepté  volontiers  ;  mais 
une  lettre  de  l'archevêque  de  Bordeaux  lui  demandait  le  même  ser- 
vice pour  l'abbaye  de  Sablonceaux  (Charente-Inférieure).  Il  fallait 
choisir.  Alain,  ne  sachant  à  quel  parti  se  résoudre,  avait  demandé 
conseil  à  saint  Vincent,  le  priant  d'en  référer  à  l'archevêque  d'Arles, 
Jean  Jaubert  de  Barrault,  prélat  éclairé  en  qui  il  avait  grande  con- 
fiance. C'est  à  cette  lettre  que  répond  le  saint. 

7.  Jean  Jaubert  de  Barrault    (1630-1643). 

14 


deaux  *  le  premier  et  M.  l'abbé  Olier  ^  le  second.  Mais 
si  mondit  seigneur  l'archevêque  n'a  fait  accommoder 
Sablonceaux  ^",  ni  n'est  sur  le  point  de  le  faire  présen- 
tement, il  juge  que  vous  ferez  bien  de  traiter  pour  Pé- 
brac.  Reste  donc  à  savoir  l'intention  de  mondit  seigneur 
de  Bordeaux,  laquelle,  si  elle  ne  regarde  quelque  exé- 
cution présente,  il  faudra  traiter  avec  le  tout  bon  Mon- 
sieur l'abbé  Olier.  Il  y  a  dix-huit  religieux  dans  cette 
abbaye.  Il  offre  maintenant  mille  francs,  dont  il  sera 
déchargé  à  proportion  du  décès  des  religieux.  Ce  sera 
à  vous,  Monsieur,  à  nous  mander  ce  que  vous  aurez  ré- 
solu avec  Monseigneur  de  Bordeaux,  qui  s'en  va  vers  vos 
quartiers,  et  à  mandervotre  volonté.  Pour  Monseigneur 


8.  Henri  d'Escoubleau  de   Sourdis,   archevêque  de  Bordeaux    (1629- 

1645)- 

9.  Jean-Jacques  Olier,  le  célèbre  fondateur  du  séminaire  de  Saint- 
Sulpice,  que  saint  Vincent  appelle  «  un  homme  abandonné  à  la 
grâce  de  Dieu  et  tout  à  fait  apostolique  »,  fut  l'un  des  principaux 
restaurateurs  de  la  discipline  ecclésiastique  au  xvii®  siècle.  Il  était 
né  à  Paris  le  20  reptembre  1608.  Après  quelques  hésitations,  que 
saint  Vincent  finit  par  dissiper,  il  entra  dans  les  ordres  sacrés  et  reçut 
la  prêtrise  le  21  mai  1633.  Les  débuts  de  la  carrière  sacerdotale  de 
Jean-Jacques  Olier  furent  consacrés  à  l'œuvre  des  missions.  Il  prit 
part  aux  travaux  des  prêtres  de  Saint-Lazare,  qu'il  édifia  par  son 
zèle  et  son  humilité.  Pour  des  motifs  encore  inexpliqués,  peut-être, 
comme  on  l'a  dit,  à  cause  d'une  divergence  de  vues  sur  la  question 
de  savoir  s'il  devait  accepter  l'épiscopat,  Olier  passa  de  la  di 
rection  de  saint  Vincent,  son  confesseur  depuis  trois  ans  (1632-1635), 
sous  celle  du  Père  de  Condren.  Ce  ne  fut  pas  l'abandon  ;  loin  de 
là.  «  Pour  les  affaires  extraordinaires,  écrivait-il  en  1649,  nous  ne 
manquons  pas  de  voir  M.  Vincent,  et  pour  les  ordinaires  tous  nos 
frères  assemblés.  »  Il  ne  commença  le  séminaire  de  Vaugirard  et 
n'accepta  la  cure  de  Saint-Sulpice  qu'après  avoir  pris  l'avis  du  saint. 
«  M.  Vincent  est  notre  père  »,  disait-il  souvent  aux  ecclésiastiques 
de  son  séminaire.  Jean-Jacques  Olier  mourut  le  2  avril  1657,  assisté 
par  son  saint  ami.  Ce  dernier  consola  les  prêtres  de  Saint-Sulpice 
dans  leur  affliction,  et  l'on  croit  encore  avoir  un  fragment  de  l'allo- 
cution qu'il  prononça  devant  eux  à  cette  occasion.  {Vte  de  M.  Olier, 
par  Faillon,  4«  éd.,  Paris,  1873,  3  vol.  in-8°  ;  Vie  de  J ean-Jacqttes 
Olier,  par  Frédéric  Monier,  Paris,  1914,  in-8°.  ) 

10.  Henri  de  Sourdis  était  abbé  commendataire  de  l'abbave 
située  dans  cette  localité  ;  Alain  de  Solminihac  y  envoya  deux  reli- 
gieux  pour   établir   la   réforme. 


le  cardinal  de  la  Rochefoucauld  ",  Monsieur  d'Arles  a 

jugé  qu'il  n'est  pas  encore  expédient  de  lui  en  parler  ^'. 

Nous  avons  ici  aussi  Monsieur  l'abbé  de  Foix  ^^,  qui 


11.  François  de  la  Rochefoucauld  naquit  à  Paris  le  8  décembre 
1558.  Il  devint  évêque  de  Clermont  le  6  octobre  1585,  cardinal  en 
1607,  évêque  de  Senlis  en  1611,  abbé  commendataire  de  Sainte-Ge- 
neviève de  Paris  en  1613.  Il  se  démit  de  son  évêché  en  1622  pour  se 
consacrer  tout  entier  à  la  réforme  des  abbayes  dépendantes  des  Ordres 
de  Saint-Benoit,  Saint-Augustin  et  Saint-Bernard,  et  obtint  à  cet  effet, 
le  8  avril,  du  Pape  Grégoire  XV,  le  titre  de  commissaire  aposto- 
lique et  des  pouvoirs  spéciaux.  Secondé  par  des  hommes  tels  que  saint 
Vincent,  le  P.  Tarrisse  et  le  P.  Charles  Faure,  il  fit  refleurir  dans 
les  monastères  l'ordre  et  la  discipline.  Le  cardinal  mourut  le  14  fé- 
vrier 1645  sous  les  yeux  de  saint  Vincent,  qui  le  prépara  à  paraître 
devant  Dieu.  Son  corps  fut  enterré  à  Sainte-Geneviève  et  son  cœur 
donné  aux  Pères  jésuites.  [Les  vertus  du  vrai  -prélat  représentées  en 
la  vie  de  VEminentissime  cardinal  de  la  Rochefoucauld,  par  le  P.  La 
Morinière,  Paris,  1646,  in-4°  ;  La  Vie  du  Révérend  Père  Charles 
Faure,  abbé  de  Sainte-Geneviève  de  Paris,  par  Lallemand  et  Char- 
tonnet,    Paris,    1698,    in-4''. ) 

12.  L'abbé  de  Chancelade  fut  obligé  de  différer  la  réforme  de 
l'abbaye  de  Pébrac.  Olier  renouvela  sa  demande  le  i^  juin  1634, 
et  ce  fut  avec  plus  de  succès.  Alain  de  Solminihac  vint  à  Pébrac. 
Un  accord  fut  conclu  entre  lui,  Olier  et  les  religieux  de  l'abbaye. 
Tout  semblait  arrangé  quand  des  difficultés  imprévues  renversèrent 
les  dispositions  prises  et  mirent  l'abbaye  dans  l'état  où  elle  se  trouvait 
auparavant. 

13.  François-Etienne  de  Caulet,  né  à  Toulouse  le  19  mai  1610,  fut 
pourvu  en  1627  de  l'abbaye  Saint- Volusien  de  Foix.  Il  s'attacha  à 
Jean-Jacques  Olier,  le  suivit  dans  ses  missions  en  Auvergne,  au 
diocèse  de  Chartres  et  en  d'autres  points  du  royaume,  le  seconda  dans 
son  ministère  paroissial  et  fonda,  avec  lui  et  M.  du  Ferrier,  le  sémi- 
naire de  Vaugirard.  Saint  Vincent,  qui  connaissait  l'abbé  de  Saint- 
Volusien,  jugea  qu'il  ferait  bien  à  la  tête  d'un  diocèse.  Grâce  à  lui, 
François  de  Caulet  fut  sacré  évêque  de  Pamiers  le  5  mars  1645.  Il 
déposa  en  1638  contre  l'abbé  de  Saint-Cyran.  Evêque,  il  continua 
longtemps  à  combattre  le  jansénisme,  interdit  dans  son  diocèse 
la  lecture  des  livres  du  parti  et  s'efforça  de  ramener  dans  le 
chemin  de  la  vérité  ceux  qui  s'en  étaient  écartés.  La  fréquentation  de 
Nicolas  Pavillon,  évêque  d'Alet,  finit  par  le  gagner  à  d'autres  idées. 
I/évêque  de  Pamiers  mourut  le  7  août  16S0,  sans  avoir  fait  acte  de 
soumission  à  l'Eglise.  [Vies  des  quatre  évêques  engagés  dans  la 
cause  du  Port-Royal,  par  Jérôme  Besoigne,  Colo^jne,  i7';6,  2  vol. 
in-i2  ;  Un  -prélat  janséniste,  par  G.  Doublet,  Paris,  1895,  in-8°.) 
M.  Gazier,  dont  on  connaît  la  compétence  en  tout  ce  qui  touche  au 
jansénisme,  possède  dans  sa  bibliothèque,  si  riche  en  livres  et  en 
nranuscrits  rares,  une  Histoire  abrégée  de  la  vie  de  M.  François  de 
Caulet,   évêque  de  Pamiers,   par  le  P.  Gabaret,   ms. 


est  un  très  bon  jeune  homme,  qui  nous  voit  souvent  et 
avec  confiance.  Son  abbaye  est  de  votre  Ordre,  dont  la 
mense  des  religieux,  compris  les  offices  et  bénéfices  qui 
en  dépendent,  vaut  dix  mille  livres.  Il  veut  avoir  la  ré- 
forme à  quelque  prix  que  ce  soit  et  en  a  déjà  commencé 
à  parler  de  deçà  ;  mais  comme  l'on  lui  a  parlé  de  Chan- 
celade,  le  voisinage  lui  fait  souhaiter  ce  service.  Vous 
savez  que  Foix  est  auprès  de  Toulouse  ;  et  Dieu  sait 
que  vous  êtes  une  des  personnes  du  monde  à  laquelle 
Notre-Seigneur  m'a  donné  plus  de  confiance,  et  que  je 
suis,  en  son  amour  et  celui  de  sa  sainte  Mère,  Monsieur, 
votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,   ce  23  août    1633. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  l'abbé  de  Chan- 
celade. 

147.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers  le   2   septembre    1633  ^.] 
Alademoiselle, 

Marie  m'a  fort  industrieusement,  affectionnément  et 
humblement  répondu  qu'elle  est  prête  à  faire  ce  que 
vous  voudrez  et  en  la  manière  que  vous  voudrez, 
qu'elle  est  seulement  marrie  de  ce  qu'elle  n'a  pas  assez 
de  jugement,  de  force  et  d'humilité  pour  servir  à  cela, 
mais  que  vous  lui  direz  ce  qu'il  faudra  qu'elle  fasse  et 
qu'elle  suivra  entièrement   vos   intentions.   Oh  !   qu'elle 


Lettre  147.   —   Manuscrit   Saint-Paul,  p.    79. 

I.  La  phrase  finale,  si  toutefois  elle  n'est  pas  interpolée,  nous 
oblige  à  placer  cette  lettre  avant  les  lettres  161  et  163,  qui  sont  des 
premiers  mois  de  l'année  1634.  Elle  pourrait  être  de  1632  ;  nous  la 
croyons  plutôt  de  1633.  Quoi  qu'il  en  soit,  elle  été  écrite  sûrement 
très  peu   de  jours  après  le  2  septembre.    (Voir  note  2.) 


—    213    — 

me  paraît  bonne  iille  !  Certes,  Mademoiselle,  je  pense 
que  Notre-Seigneur  la  vous  a  donnée  lui-même  pour 
s'en  servir  par  vous. 

Que  vous  dirai- je  du  reste  de  votre  lettre,  sinon  que 
je  loue  Dieu  de  ce  qu'il  vous  a  consolée  le  jour  de  saint 
Lazare  -,  aux  Bons-Enfants,  et  que  ce  qu'il  me  semble 
qu'il  demande  de  vous,  c'est  d'honorer  sa  sainte  Provi- 
dence en  votre  conduite,  sans  vous  presser  ni  vous  em- 
presser ?  Je  tâcherai  d'aller  apprendre  les  sentiments  que 
Notre-Seigneur  vous  a  donnés  pour  cela.  Mais  pour 
Chartres  ",  je  ne  vois  pas  le  moyen  d'y  aller,  car  nous 
voici  au  fort  de  nos  plus  importants  affaires. 

Quant  à  ce  que  vous  dites,  que  vous  avez  besoin  de 
quelque  correction  pour  vous  retenir  de  votre  déchet, 
nous  le  ferons,  s'il  plaît  à  Dieu. 

L'embarras  m'a  fait  retenir  Marie  jusques  à  présent. 
Envoyez-la  tous  les  jours  visiter  ces  bonnes  filles  de 
l'Hôtel-Dieu,  si  vous  pouvez  lui  donner  ce  temps-là  *  ; 
mais  qu'elle  fasse  en  sorte  que  cette  borme  demoiselle 
n'en  soit  pas  peinée,  s'il  vous  plaît. 

Madame  Forest  ^  désire  fort  avoir  liaison  avec  vous  ; 
c'est  une  bonne  et  vertueuse  dame  ;  et  moi  je  suis,  en 
l'amour  de  Notre-Seigneur... 


2.  Saint    Lazare    était    fêté    le    2    septembre. 

3.  Saint  Vincent  et  Louise  de  Marillac  allaient  quelquefois  faire 
leurs  dévotions  à  Notre-Dame  de  Chartres.  Peut-être,  à  la  veille  du 
jour  0X1  devait  prendre  naissance  la  compagnie  des  Filles  de  la  Cha- 
rité, les  fondateurs  voulaient-ils  mettre  leur  projet  sous  la  protection 
de   Marie. 

4.  Si  cette  phrase  appartient  vraiment  à  la  lettre,  il  est  difficile 
de  comprendre  ce  que  sont  les  «  bonnes  filles  »  dont  parle  ici  saint 
Vincent  ;  il  est  peu  probable  qu'il  ait  employé  ce  mot  pour  désigner 
les   religieuses   augustines. 

5.  Un  des  témoins  du  procès  de  béatification  de  saint  Vincent, 
Alexandre-Antoine  de  Francelles,  curé  de  Saint-Jean-en-Grève,  à 
Paris,  présenta  au  tribunal  vingt-sept  lettres  du  saint  à  Madame  Fo- 
rest, sa  dirigée.   Ces  lettres  sont  toutes  perdues. 


214 


148.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Cela  s'entend.  Mademoiselle,  qu'il  est  à  propos  de 
remarquer  les  affections  plus  vives  qui  agitent  votre 
cœur,  afin  de  faire  votre  possible  de  les  régler  au  niveau 
de  la  sainte  et  toujours  adorable  volonté  de  Dieu.  Et 
vous  avez  bien  fait,  en  ce  doute,  de  vous  en  éclaircir, 
pour  faire  ce  que  Notre-Seigneur  demande  de  vous,  sans 
crainte  que  je  m'en  trouve  chargé.  Sachez-le  pour  une 
bonne  fois.  Mademoiselle,  qu'une  personne  que  Dieu  a 
désignée  en  son  conseil  pour  aider  quelqu'autre,  ne  se 
trouve  non  plus  surchargée  des  éclaircissements  qu'elle 
demande,  que  fait  un  père  d'un  sien  enfant. 

Pour  cette  bonne  femme,  Madame  Sarvoisy,  je  pense 
qu'il  sera  à  propos  de  s'en  enquérir  de  ces  bons  Mes- 
sieurs-là, devant  que  de  venir  au  fait  et  au  prendre. 
Mais  nous  n'en  sommes  pas  encore  là,  pource  que  nous 
avons  proposé  à  Sainte-Marie  de  la  reconnaître  pour 
savoir  si  elle  a  vocation  pour  cette  sainte  maison  ;  et, 
quand  elle  aura  été  reconnue  et  éconduite  de  ce  côté- 
là,  alors  l'on  fera  ce  que  vous  proposez. 

Assurez-vous,  Mademoiselle,  du  cœur  de  celui  qui  est, 
en  celui  de  Notre-Seigneur  et  en  son  amour,  votre  très 
humble  serviteur,  et  permettez  que  j'y  ajoute  la  recom- 
mandation de  la  sainte  indifférence,  quoique  la  nature 
gronde  au  contraire,  et  que  je  vous  die  que  tout  est  à 
craindre  jusques  à  ce  qu'on  en  soit  parvenu  là,  nos  incli- 
nations étant  si  malignes  qu'elles  se  recherchent  en  tout. 
Or  sus,  Notre-Seigneur  soit  en  notre  cœur  et  notre  cœur 
dans  le  sien,  afiji  qu'ils  soient  trois  en  un  et  un  en  trois 
et  que  nous  ne  voulions  que  ce  qu'il  veut. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

Lettre  148.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la   Charité,  original. 


—  215  — 

149.  -  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  1632  et  1636  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Xotre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  viens  tout  présentement  de  lire  la  vôtre  en  hâte  ; 
elle  me  met  un  peu  en  peine  à  cause  de  votre  petite 
ûèvre.  Je  vous  supplie  d'envoyer  quérir  M.  Le  Sourd  ; 
c'est  que  vous  avez  trop  mis  à  vous  repurger  ;  mais 
j'espère  que  cela  ne  sera  rien  pourtctnt  Je  vous  dirai 
cependant  que  l'intention  de  Madame  Goussault  est  que 
cette  bonne  fi.lle  de  Montdidier  soit  de  la  Charité.  Re- 
gardez-la donc  comme  cela,  s'il  vous  plaît. 

Je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Mademoiselle, 
votre  très  humble  serviteur. 

V.  D. 

A  dix  heures. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
rue  de  Versailles,  vis-à-vis  de  l'Epée-Royale  ^. 


Lettre  149.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Date  du  transfert  à  La  Chapelle  de  la  maison-mère  des  Filles 
de    la    Charité. 

2.  Cette  petite  rue,  parallèle  à  la  rue  d'Arras,  reliait,  comme  celle- 
ci,  la  rue  Saint-Victor  à  la  rue  Traversière  ou  Traversine.  La  maison 
vis-à-vis  l'enseigne  de  l'Epée-Royale  était  au  milieu  de  la  rue  de 
Versailles.  Son  emplacement  se  trouve  actuellement  à  peu  près  au 
centre  du  triangle  formé  par  le  croisement  des  rues  Monge,  d'Arras 
et  des  Ecoles.  C'est  là  probablement  que  prit  naissance,  le  29  novem- 
bre 1633,  la  compagnie  des  Filles  de  la  Charité. 


2l6    

150.  —  A  MICHEL  ALIX,  CURÉ   DE   SAINT-OUEN-L' AUMONE 

i6   septembre    1633. 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Le  bien  de  la  paix  et  de  l'accommodement  dans  les 
procès  est  chose  si  grande  et  agréable  à  Dieu  qu'il  dit 
à  un  chacun  :  Inquire  -paceni  et  -persequere  eani.  Il  ne 
dit  pas  seulement  que  l'on  l'agrée,  cette  divine  paix, 
quand  l'on  la  nous  offre,  mais  que  nous  la  recherchions 
et  courions  après  elle.  Or,  je  loue  Dieu  de  ce  que  vous 
voulez  faire  cela  en  quittant  tous  vos  affaires  pour 
aller  terminer  le  différend  que  vous  avez  en  vos  quar- 
tiers ;  mais  je  pense  qu'il  est  important  à  la  gloire  de 
Dieu  que  vous  différiez  votre  voyage  jusques  au  lundi 
après  le  dimanche  du  mois.  Vous  avez  ici  vos  deux  vi- 
caires, qui  sont  en  bon  train,  Dieu  merci,  et  nous  édifient 
beaucoup,  auxquels  les  exercices  qu'ils  font  n'étaient  pas 
moins  nécessaires  en  quelque  façon  qu'utiles.  Vous  ne 
pourriez  les  rappeler  avant  la  huitaine  sans  préjudicier 
à  l'Eglise  en  général,  à  la  vôtre  en  particulier  et  à  eux. 
Et  puis,  l'assemblée  prochaine  de  messieurs  les  curés,  qui 
est  de  très  grande  importance  et  qui  requiert  absolument 
votre  présence,  vous  n'y  sauriez  encore  manquer  sans 
préjudicier  au  bien  de  l'Eglise  en  général  et  à  autant 
d'Eglises  particulières  comme  il  y  a  de  curés.  C'est  pour- 
quoi, Monsieur,  je  pense  que  vous  ferez  bien  d'écrire  ou 
à  la  personne  avec  laquelle  vous  avez  à  faire,  ou  à  quel- 
qu'autre  qui  s'entremet  pour  vous  accommoder,  que  vous 
êtes  retenu  par  ces  deux  raisons  de  partir  au  plus  tôt, 


Lettre  150.  —  Reg.  I,  f .  14.  Le  copiste    note  que  l'écriture  de  l'ori- 
ginal  était   de  saint  Vincent  lui-même. 


217    — 

mais  que  vous  ne  manquerez  pas  de  ce  faire  le  jeudi 
d'après  le  premier  dimanche  du  mois,  pour  vous  rendre  au 
lieu  où  il  faut  pour  procéder  à  cet  accommodement, 
dans  l'esprit  de  paix  que  N.-S.  vous  a  donné.  Ce  que  je 
vous  dis  néanmoins.  Monsieur,  c'est  avec  toute  la  sou- 
mission et  déférence  que  je  vous  dois  et  que  je  désire 
vous  rendre  toute  ma  vie  en  N.-S.,  et  dans  la  confiance 
que  j'ai  qu'il  n'y  a  personne  au  monde  si  difficile,  si  elle 
a  quelque  disposition  à  l'accommodement,  qui  n'agrée 
vos  raisons  et  ne  diffère  jusques  à  ce  temps-là,  pendant 
lequel  même  l'on  ne  fait  rien  en  justice.  Et  puis  j'espère, 
Monsieur,  que,  si  quaerimus  sic  primo  regnum  Dei,  om- 
nia  adjicientur  nobis  in  bonum. 

Je   suis,   en  son   amour,   Monsieur,  votre  très  humble 
et  obéissant  serviteur. 

V.  D.  P. 


151.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Août  ou  septembre  ^  vers  1633  -.] 
Madame  ^ 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  viens  de  recevoir  votre  lettre,  qui  m'a  mis  un  peu 
en  peine  pour  votre  rechute,  et  crains  bien  que  vous  ne 
vous  soyez  exposée  trop  tôt.  Oh  bien  !  béni  soit  Dieu  ! 
Je  vous  supplie.  Mademoiselle,  au  nom  de  Notre-Sei- 
gneur, de  faire  tout  votre  possible  pour  vous  ménager, 


Lettre  151.    —   L.    a.     Original     chez     les     prêtres     de    la     Mission 
de   Saint-Sylvestre,   à   Rome. 

1.  Epoque  de  l'année  choisie  habituellement  par  le  saint  pour  faire 
sa  retraite  annuelle. 

2.  Cette  lettre  semble  écrite  peu  avant  l'institution  des  Filles  de  la 
Charité. 

3.  Ce  mot  est  évidemment  le  résultat  d'une  distraction. 


—    2l8    — 

non  plus  comme  une  personne  particulière,  ains  comme 
à  la  conservation  de  laquelle  plusieurs  ont  part. 

Voici  le  huitième  jour  de  notre  petite  retraite  ;  j'es- 
père aller  au  dixième,  Dieu  aidant. 

Je  pense  que  votre  bon  ange  a  fait  ce  que  vous  me 
mandez  par  celle  que  vous  m'écrivîtes.  Il  y  a  quatre  ou 
cinq  jours  qu'il  a  communiqué  avec  le  mien  touchant  la 
Charité  de  vos  filles  ;  car  il  est  vrai  qu'il  m'en  a  suggéré 
souvent  le  ressouvenir  et  que  j'ai  pensé  sérieusement  à 
ce  bon  œuvre  ;  nous  en  parlerons,  Dieu  aidant,  vendredi 
ou  samedi,  si  vous  ne  me  mandez  plus  tôt. 

Quant  à  cette  bonne  fille  de  Beauvais,  ne  l'envoyez 
pas  jeudi,  s'il  vous  plaît.  Serait-elle  propre  pour  ensei- 
gner les  petites  filles  des  villages  ?  C'est  de  quoi  vous 
aurez  principalement  besoin.  Notre-Seigneur,  sur  les 
pas  de  la  Providence  duquel  vous  marchez,  sera  lui- 
même  celui  qui  y  pourvoira.  Il  faut  lui  en  laisser  le  soin 
et  demeurer  en  paix. 

Avez-vous  vu  quelque  médecin  ?  Vous  plaît-il  point 
que  je  vous  envoie  le  nôtre  ?  Disposez  de  nous. 

Je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Mademoiselle, 
votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  mardi,   à  2  heures. 

152.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Septembre  ou  octobre  1633  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Jésus-Christ  soit  avec  vous  pour  jamais  ! 
L'on  me  l'avait  bien  dit  que  vous  ne  feriez  rien  à  pré- 


Lettre  152.   —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Cette   lettre   est  du  temps   des  vendanges  et  semble  assez  proche 

du   jour    (29   novembre     1633)    où    Louise   de     Marillac   retint   auprès 


219    — 

sent  en  ces  quartiers  de  Villeneuve  -  pendant  ce  temps 
de  vendange.  Oh  bien  !  vous  y  irez  au  temps  marqué,  s'il 
vous  plaît.  Si  cependant  vous  désiriez  aller  au  bois  de 
Vincermes,  il  en  est  bien  besoin  ;  mais  quoi  !  ces  bon- 
nes femmes  seront  encore  empêchées.  Je  pense  qu'il  sera 
bon  que  vous  différiez  encore  un  peu. 

Il  faut  voirement  se  voir  avant  que  d'arrêter  les  al- 
lés ;  et  cela  ne  se  peut  que  vers  la  fin  de  la  semaine  ; 
renvoyez-les  cependant,  s'il  vous  plait,  pour  d'ici  à 
douze  ou  quinze  jours,  auquel  temps  vous  les  avertirez 
par  l'écolier.  Il  sera  bon  cependant  de  leur  faire  con- 
naître qu'il  faut  être  dans  l'esprit  d'indifférence.  Alais 
quoi  !  il  faut  les  dresser  à  la  connaissance  des  solides 
vertus  avant  que  de  les  employer. 

L'on  m'ôte  la  plume  de  la  main.  Voilà  un  bon  abbé 
qui  me  demande.  Cela  me  fait  finir  par  le  remerciement 
du  soin  que  vous  avez  de  ma  santé,  en  vous  assurant 
que  je  l'aurai  tel  que  vous  désirez. 

Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Vous  ne  me  mandez  pas  l'état  de  votre  santé,  qu'on 
m'a  dit  un  peu  altérée.  Ayez-en  soin,  s'il  vous  plaît. 

Sîiscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

153.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[Vers  1633  ^] 
Mademoiselle, 

Voici  cette  bonne    fille    que    Madame  la    présidente 

d'elle    à     Saint-Nicolas    un    certain     nombre     de    filles    avant    de    les 
employer,  pour  «    les  dresser  à  la  connaissance  des  solides  vertus   ». 
2.  Villeneuve-Saint-Georges. 

Lettre  153.    —   Manuscrit  Saint-Paul,   p.    73. 

I.  Cette  lettre  semble  antérieure  à  l'institution  des  Filles  de  la 
Charité. 


Goussault  a  été  d'avis  qu'on  vous  envoie  ^.  Je  vous  sup- 
plie d'avoir  agréable  de  la  faire  voir  par  quelqu'un  pour 
l'instruire.  Monsieur  Compaing  ^  vous  pourra  bailler 
quelque  ecclésiastique  pour  cela  ;  ou  bien,  si  besoin  2st, 
Monsieur  Véron  *  prendra  bien  la  peine  de  lui  parler. 
J'espère  que  ce  sera  une  bonne  fille  et  qu'elle  se  portera 
au  bien. 

Madame  la  présidente  vous  donne  le  bonjour,  et  [moi 
je]  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur... 

154.  —  AU  LIEUTENANT  DE  CANNES» 

19  décembre  1633. 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Voici  le  temps  venu  auquel  nous  sommes  obligés  d'al- 
ler travailler  en  vos  terres  de  Picardie  ^.  Le  R.  P.  de 
Gondy  a  trouvé  bon  que  nous  ayons  différé  jusques  à 
présent.  Voilà  donc  six  ecclésiastiques  de  notre  petite 
compagnie  qui  s'en  vont  pour  travailler.  Je  les  vous  re- 
commande et  vous  supplie  de  leur  fournir  de  l'argent. 


2.  Pour  faire  l'école 

3.  Vicaire  à  Saint-Nicolas-du-Chardonnet. 

4.  Peut-être  François  Véron,  controversiste  de  renom,  né  à  Paris 
vers  1575,  membre  de  la  compagnie  de  Jésus  de  1595  à  1620,  grand 
adversaire  des  protestants  et  des  jansénistes,  mort  à  Charenton,  dont 
il  était  curé,  le  6  décembre  1649.  (Ci.  Un  curé  de  Charenton  au 
xviie  siècle,   par   Pierre   Féret,   Paris,    1881,   in-S».) 

Lettre  154.  —  Reg.  i,  f"  i,  v°.  Le  copiste  note  que  l'écriture  de 
l'original  était  celle  de  saint  Vincent  lui-même. 

1.  Ce  fut  à  la  suite  de  la  confession  générale  d'un  paysan  de 
Gannes  (Oise)  que  saint  Vincent  et  Madame  de  Gondi  eurent  la 
première  idée   d'établir   l'œuvre   des   missions. 

2.  Le  contrat  passé  le  17  avril  1625  entre  saint  Vincent  et  les 
époux  de  Gondi  stipule  que  les  prêtres  de  la  Mission  «  seront  tenus 
d'aller  de  5  en  5  ans  par  toutes  les  terres  desdits  seigneur  et  dame 
pour  y  prêcher,  confesser,  catéchiser  et  faire  toutes  les  bonnes 
œuvres   »   mentionnées  dans  ce  même  contrat. 


s'ils  en  ont  besoin,  et  je  le  vous  rendrai  à  lettre  vue  et 
le  délivrerai  à  celui  que  vous  nous  manderez. 

Je  revins  avant-hier  au  soir  de  Villepreux,  où  j'étais 
allé  voir  Madame  la  générale  ^,  qui  est  une  des  plus  ac- 
complies que  j'ai  vues  de  son  âge.  J'espère  qu'elle  suivra 
les  exemples  de  notre  bonne  feue  Madame. 

L'on  m'a  assuré  que  M.  le  duc  de  Chaulnes  *  a  promis 
à  Monsieur  le  général  ^  de  tenir  la  main  à  ce  que  ses 
terres  soient  exemptes  de  gendarmes.  La  nouvelle  qua- 
lité qu'il  va  avoir  de  duc  de  Retz  n'y  nuira  pas. 

Je  vis  Martin  à  Villepreux,  qui  vous  aura  pu  dire 
toutes  sortes  de  nouvelles.  C'est  pourquoi  je  unirai  ici 
par  les  affectionnées  et  humbles  recommandations  que  je 
présente  à  Madame  la  lieutenante,  à  Monsieur  votre  fils 
et  à  Madame  votre  belle-fille,  et  suis,  en  l'amour  de  N.-S. 
et  de  sa  sainte  Mère,  Monsieur,  votre  très  humble  et 
obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

155.  —  a  louise  de  marillac 

[Entre  1632  et  1636  ^.] 
Mademoiselle, 

La  charité  de  Jésus-Christ,  qui  vous  presse  pour  moi, 
soit  votre  santé  ! 

3.  Catherine  de  Gondi,  duchesse  de  Beaupréau  et  femme  de  Pierre 
de  Gondi,  qu'elle  avait  épousé  le  3  août  1633. 

4.  Honoré  d'Albert,  seigneur  de  Cadenet,  pair  et  maréchal  de 
France,  vidame  d'Amiens,  créé  duc  de  Chaulnes  par  lettres  de  jan- 
vier 1621,  gouverneur  de  Picardie  depuis  le  3  iuillet  1633.  Il  devint 
dans  la  suite  gouverneur  de  la  ville  et  de  la  citadelle  d'Amiens,  puis 
de  la  province  d'Auvergne  et  commanda  au  siège  d'Arras  en  1640.  Il 
mourut   le  30  octobre    1649. 

5.  Pierre  de  Gondi,  fils  aîné  du  R.  P.  de  Gondi  et  ancien  élève 
de  saint  Vincent,  avait  succédé  à  son  père  dans  ses  titres  et  dignités. 
Il  était,  comme  lui,  général  des  galères  et  seigneur  de  Gannes. 

Lettre  155.  —  L.  a.  —  Dossier  de  la  Mission,  original. 
I.    Même   remarque  qu'a  la  lettre  106,  note  I. 


Je  viens  d'apprendre  que  vous  êtes  un,  peu  indisposée, 
dont  je  suis  un  peu  en  peine,  et  vous  prie  de  faire  [votre] 
possible  pour  vous  guérir  pour  son  service,  et  vous  remer- 
cie très  humblement  de  tant  de  soin  et  de  charité  que 
vous  exercez  en  mon  endroit,  de  votre  si  bon  pain,  de 
vos  confitures,  de  vos  pommes  et  de  ce  que  je  viens  tout 
maintenant  d'apprendre  que  vous  me  venez  d'envoyer. 
Oh  !  certes.  Mademoiselle,  c'est  trop.  Dieu  sait  de  quel 
cœur  je  les  reçois  ;  mais  aussi  c'est  toujours  en  vue  que 
je  crains  que  vous  vous  ôtiez  à  vous-même  le  nécessaire 
pour  faire  ainsi  charité.  Au  nom  de  Dieu,  ne  le  faites 
plus. 

Je  suis  sorti  aujourd'hui  et  ne  m'en  trouve  pas  plus 
mal  ;  et  demain  il  sera  besoin  que  j'aille  jusques  à  Saint- 
Lazare  ^.  J'avoue  que  j'ai  un  peu  bien  travaillé  ces  jours 
ici  ;  mais  m'en  voilà  dehors,  Dieu  merci. 

Voilà  notre  dépêche  partie  pour  Rome  ;  et  pource 
qu'il  nous  reste  à  travailler  à  quelques  choses  moins  pres- 
sées, je  pourrai  venir  demain  coucher  céans  et  m'y  tenir 
quelques  jours  ;  et  alors  nous  aurons  plus  de  loisir  de 
traiter  avec  vous.  Je  me  réservais  à  vous  voir  demain 
céans  à  la  messe  ;  mais  votre  rhume  requérant  que  vous 
gardiez  la  chambre,  je  vous  prie  de  n'en  point  bouger  ; 
nous  nous  verrons  au  retour.  Si  je  ne  vous  vois  demain 
chez  vous  au  matin  devant  partir,  ce  sera  pour  pratiquer 
la  petite  règle  des  missionnaires  avec  les  personnes  de 
la  Charité  ^.  Que  si  néanmoins  vous  le  désirez,  vous  n'avez 
qu'à  le  dire,  si  par  aventure  vous  êtes  indisposée. 

Je  n'ai  point  parlé  à  Madame  la  garde  des  sceaux  *  ; 

2.  Saint  Vincent  était  au  collège  des  Bons-Enfants  depuis  quelques 
jours. 

3.  Saint  Vincent  avait  fait  une  règle  à  ses  missionnaires  de  n'aller 
voir  les  filles  et  les  dames  de  la  Charité  que  s'il  y  avait  nécessité  ou 
utilité. 

4.  Pierre  Séguier  avait  reçu  les  sceaux  le  28  février  1633.  Sa 
femme  Madeleine  Fabri,  née  le  22  novembre  1597,  mourut  à  Paris  le 


223    — ' 

j'ai  jugé  qu'il  vaut  mieux  que  ce  soit  Madame  la  prési- 
dente Goussault  ou  Madame  Poulaillon,  auxquelles 
j'en  parlerai.  Je  vous  souhaite  cependant  le  bon  soir  et 
suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  v.  s. 

V.  D. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Alademoiselle  Le  Gras. 


156.  —  A  FRANÇOIS  DU  COUDRAY,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 

A  ROME 

17  janvier  1634. 

Que  vous  dirai-je  de  ces  ecclésiastiques  de  Provence  ^  ? 
Vous  avez  vu,  par  la  lettre  qu'ils  m'ont  écrite,  comme 
ils  se  sont  liés  à  la  congrégation  du  P.  Paul  de  Motta  ^, 
qu'ils  me  mandent  avoir  même  dessein  que  nous  ;  que 
si  nous  voulons  nous  unir,  qu'ils  y  pourront  entendre  et 


6  février   1683.    Elle  aida  saint  Vincent  et  Louise  de   Marillac  de  son 
crédit  et  de  sa  fortune. 

Lettre  156.  —  Reg.  2,  pp.  87  et  3. 

1.  La  congrégation  des  Prêtres  Missionnaires  du  très  Saint-Sacre- 
ment, fondée  dans  la  ville  d'Avignon  en  1632  et  approuvée  par  Inno- 
cent X  en  1647.  Elle  avait  pour  fin  l'oeuvre  des  missions  et  la  direc- 
tion des  séminaires.  Son  fondateur,  Christophe  d'Authier  de  Sisgau, 
était  né  à  Marseille  en  1609.  Il  devint  évêque  de  Bethléem  en  165 1 
et  mourut  à  Valence  en  1667.  [Vie  de  Mgr  Christofhe  d'Authier  de 
Sisgau,  évêque  de  Bethléem,  par  Nicolas  Borely,  Lyon,  1703,  in-12.) 
Nous  verrons  plus  loin  les  nouvelles  tentatives  que  fit  d'Authier 
de  Sisgau  pour  unir  sa  congrégation  à  celle  de  saint  Vincent  et  les 
démarches  de  ce  dernier  pour  faire  changer  le  nom  de  Prêtres 
Missionnaires,    à   cause   de   la    confusion   qui   pouvait    en    résulter. 

2.  Paul  Motta,  gentilhomme  milanais,  avait  fondé  à  Rome  en 
1620  la  congrégation  de  Saint-Joseph,  que  Paul  V  approuva  et  à 
laquelle  il  donna  un  oratoire  proche  de  l'église  collégiale  de  Saint- 
Laurent  in  Damaso.  Avant  1646,  les  prêtres  qui  la  composaient  ne 
menaient  pas  la  vie  commune  ;  ils  instruisaient  le  peuple,  entendaient 
les  confessions,  prêchaient  la  parole  de  Dieu,  répandaient  la  pratique 
des  exercices  spirituels.  Le  Père  Paul  Motta  mourut  le  22  janvier 
1650.  Il  est  sorti  de  la  congrégation  de  Saint-Joseph  quelques  person- 
nages illustres,  entre  autres  le  cardinal  Michel-Ange  Ricci.  {Histoire 
des  Ordres  religieux  et  militaires,  par  le  R.  P.  Hélyot,  nouv.  éd., 
Paris,    1792,    8   vol.    in-S",    t.    VIII,    p.    25.) 


--    224    — 

venir  avec  un  de  ladite  congrégation  du  R.  P.  Paul  en 
cette  ville  pour  conférer  ensemble.  Je  loue  Dieu  de  ce 
qu'il  a  agréable  de  se  susciter  en  ce  siècle  tant  de  bonnes 
et  saintes  âmes  pour  l'assistance  du  pauvre  peuple,  et 
le  prie,  de  toute  l'étendue  de  mon  cœur,  qu'il  bénisse 
les  desseins  de  ces  saints  ecclésiastiques  et  les  fasse 
réussir  à  sa  gloire.  Quant  à  l'union,  elle  est  à  désirer  ; 
mais  les  imions  requièrent  même  fin,  mêmes  moyens  et 
encore  un  même  esprit.  Quoiqu'on  ait  les  mêmes  des- 
seins, on  ne  laisse  pas  de  se  désunir.  Tous  les  Ordres  de 
l'Eglise  ont  même  fin,  qui  est  la  charité  ;  et  faute  d'avoir 
les  mêmes  moyens,  ils  ne  s'accordent  pas  toujours.  Un 
Ordre  a  même  fin,  mêmes  moyens  et  même  esprit,  et  il  ne 
laisse  pas  d'avoir  souvent  des  désordres. 

Je  dis  ceci.  Monsieur,  afin  que  vous  voyiez  combien 
il  importe,  si  nous  nous  unissons,  que  nous  ayons  même 
fin,  mêmes  moyens  et  même  esprit  et  que,  devant  que  de 
nous  unir,  nous  soyons  réciproquement  informés  de  nos 
prétentions,  des  moyens  d'y  parvenir  et  si  nous  avons  un 
même  esprit.  Or,  pour  en  être  informés,  ils  ont  raison  de 
proposer  de  nous  voir.  S'il  nous  font  cette  charité.  Dieu 
sait  de  quel  cœur  nous  les  recevrons  et  combien  bonne- 
ment et   simplement  nous  y  procéderons. 

Je  fais  réponse  à  ce  bon  ecclésiastique  ;  vous  la  ver- 
rez ;  et,  s'il  est  en  la  même  disposition  qu'il  m'a  mandée, 
et  que  le  Père  Paul  y  soit  aussi,  vous  la  lui  baillerez  ; 
mais,  s'il  n'y  est  point,  vous  ne  lui  baillerez  pas  ;  et  s'il 
y  est  et  que  le  P.  Paul  n'y  veuille  pas  entrer,  vous  ver- 
rez s'il  sera  expédient  de  lui  bailler.  Si  véritable- 
ment ils  désirent  s'unir  à  nous,  tendre  à  même  fin,  pren- 
dre nos  moyens  et  envoyer  quelques-uns  ici  pour  en  pren- 
dre l'esprit,  je  pense  qu'il  n'y  aurait  rien  à  redire. 

Je  viens  de  me  ressouvenir  d'une  grande  faute,  dont 
je  ne  me  suis    pris    garde    que    trop    tard    ;   c'est  que. 


—    225    — 

dans  l'expositif  de  nos  bulles  ^,  l'on  parle  inju- 
rieusement,  ce  me  semble,  des  curés.  Quel  moyen  d'y 
remédier  ?  Je  vous  prie  de  vous  en  informer  et  de  faire 
ôter  cela. 

157.  —  A  ISABELLE  DU  FAY 

[Entre   1626  et   1635  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  N.-S.  soit  avec  vous  pour  jamais  ! 

Je  vous  remercie  très  humblement  de  tout  le  contenu 
de  votre  lettre  et  ai  été  tout  consolé  de  ce  que  vous  me 
mandez  par  icelle,  et  me  promets  bien  en  effet  que  je 
vous  trouverai  toute  forte  et  généreuse.  Or  sus,  deve- 
nons-le donc,  Mademoiselle,  et  tirons  notre  force  de 
notre  faiblesse,  qui  sert  de  sujet  à  N.-S.  pour  se  rendre 
notre  force  lui-même. 

Je  loue  Dieu  de  ce  que  vous  me  mandez  de  M.  votre 
frère-.  Mademoiselle,  et  le  prie  qu'il  aille  s'affermissant 
de  plus  en  plus  dans  la  fidélité  que  N.-S.  demande  de 
nous. 

Je  me  porte  encore  mieux  que  ces  jours  passés,  et  le 
médecin,  qui  vient  de  sortir  de  céans,  me  conseille  de 
m'en  aller  à  la  mission  au  premier  beau  temps  qu'il  fera,  à 
deux  lieues  d'ici,  011  l'on  la  va  faire.  Je  ne  manquerai 
cependant  de  me  ressouvenir  de  vous  au  saint  Sacrifice, 


3.  Bulle  Salvatoris  Noslri.  [Acta  AfostoUca  in  gratiam  Congrega- 
iionis  Missionis,  Paris,  Chamerot,  p.  3  ;  Arch.  nat.,  M  209,  n»  6.) 
Bien  que  datée  du  12  janvier  1632,  cette  bulle  n'était  pas  encore 
promulguée  au  moment  où  saint  Vincent  écrivait  cette  lettre.  Le  pas- 
sage  qui   choquait   le   saint    fut   supprimé. 

Lettre  157.  —  Reg.  i,  f"  68  v".  Le  copiste  note  que  l'écriture  de 
l'original  était  de  saint  Vincent  lui-même. 

1.  Même  remarque  qu'à  la  lettre  99,  note   i. 

2.  M.   de   Vincy. 

15 


220    

que  je  présenterai  à  Dieu  à  votre  intention,  étant,  en  son 
amour,  votre 

158    —  A  JACQUES  PERDU  ' 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Béni  soit  Dieu  des  difficultés  qu'il  a  agréable  que 
vous  rencontriez  !  Il  faut  bien,  en  cette  occasion,  ho- 
norer celles  que  son  Fils  a  eues  sur  la  terre.  O  Monsieur, 
qu'elles  étaient  bien  plus  grandes,  puisque,  pour  l'aver- 
sion qu'on  avait  de  lui  et  de  sa  doctrine,  l'on  lui  interdit 
l'entrée  de  toute  province,  et  [il]  lui  en  coûta  la  vie  !  L'on 
a  cru  rencontrer  qu'il  a  disposé  ses  disciples  lorsqu'il 
leur  a  dit  qu'il  les  envoyait  comme  des  brebis  au  milieu 
des  loups,  qu'il  leur  a  dit  qu'on  se  moquerait  d'eux,  qu'on 
les  bafouerait  et  leur  cracherait  au  visage,  que  les  pères 
se  rendraient  partie  contre  les  enfants  et  que  les  enfants 
persécuteraient  leurs  pères,  et  finalement  quand  il  a  jus- 
tifié la  cérémonie  de  secouer  leurs  robes  quand  ils  se 
trouveraient  parmi  des  peuples  qui  ne  profiteraient  pas 
de  leurs  enseignements. 

Profitons-en  nous,  Monsieur,  en  ces  rencontres,  et 
souffrons  comme  eux  les  contradictions  qui  nous  sur- 
viendront dans  le  service  de  Dieu.  Ains  réjoujssons-nous 
comme  d'un  grand  bien,  quand  elles  nous  arriveront,  et 
commençons  en  cette  occasion  à  en  faire  l'usage  que  les 
apôtres  en  ont  fait,  à  l'exemple  de  leur  chef  Notre-Sei- 
gneur.  Si  nous  le  faisons,  oh  !  assurez-vous  que  les  mê- 


Lettre  158.   —  Recueil  du  procès  de  béatification. 

I.  Prêtre  de  la  Mission,  né  à  Grandvilliers  (Oise)  le  ig  avril  1607, 
reçu  dans  la  congrégation  de  la  Mission  en  1630,  ordonné  prêtre  en 
r632,  placé  à  Richelieu  en  janvier  1638,  mort  en  septembre  1644. 


227    

mes  moyens  par  lesquels  le  diable  vous  a  voulu  combat- 
tre, vous  serviront  pour  l'abattre,  que  vous  réjouirez  tout 
le  ciel  et  les  bonnes  âmes  de  la  terre  qui  le  verront  ou  en- 
tendront, et  que  celles-là  même  auxquelles  vous  avez  à 
faire,  vous  béniront  enfin  et  vous  reconnaîtront  le  coo- 
pérateur  de  leur  salut,  mais  que  hoc  genus  daemoniorum 
non  ejicitur  nisi  in  oratione  et  patientia. 

La  sainte  modestie  et  récollection  intérieure  de  la 
compagnie  en  seront  encore  des  moyens,  et  notamment 
la  circonspection  aux  demandes  qu'on  ne  fait  point 
sans  difficulté  en  confession. 

Pour  l'amour  de  Dieu,  Monsieur,  qu'on  concerte  bien 
cela  ensemble  des  choses  qu'on  doit  demander  et  de  la 
manière.  Monsieur  Renar  a  grande  expérience  en  cela. 
Convenez-en  ensemble  et  sachez  dominer  l'aversion  qu'a 
ce  peuple  des  missionnaires,  afin  de  vous  abstenir  de 
ce  qui  les  a  scandalisés,  ou  de  faire  le  contraire,  si  le 
cas  y  échoit.  Je  vous  supplie,  Monsieur,  de  vous  informer 
de  cela  et  de  m'en  donner  avis,  comme  aussi  du  lieu 
d'où  vient  le  bruit  de  ce  scandale. 

Toutes  ces  raisons  que  vous  me  mandez,  pesées,  il  sera 
bon  de  ne  faire  désormais  qu'un  petit  catéchisme,  oij 
tous  les  garçons  et  filles  se  trouveront,  sauf  à  en  décider 
autrement,  si  la  multitude  le  requiert.  Et,  pource  que  la 
saturité  de  la  parole  de  Dieu  dat  illis  nauseam,  suivez 
l'avis  de  Monsieur  Renar,  s'il  vous  plaît,  à  l'égard  de  la 
cessation  des  prédications,  les  dimanches  et  fêtes,  voire 
à  l'égard  des  autres  jours,  s'il  le  trouve  à  propos  avec 
Monsieur  le  prieur,  de  l'avis  duquel  il  vous  aura  dit  ce 
qu'il  vous  a  dit  des  prédications,  comme  je  crois,  et 
sagement,  puisque  contraria  contrariis  curantur.  O  Mon- 
sieur, que  II  DUS  devons  acquiescer  volontiers  aux  avis 
d'autrui  !  Saint  Vincent  Ferrier  met  cette  pratique 
comme  un  moyen  de  perfection  et  de  sainteté.  Que  si 


—    228    — 

cela  est  bon  à  l'égard  d'un  particulier,  pourquoi  non  à 
l'égard  d'une  compagnie  ?  Et  n'importe  de  dire  qu'on 
ne  l'a  point  accoutumé,  pource  que  le  bon  plaisir  de 
Dieu  est  que  nous  nous  accommodions  aux  dispositions 
des  persormages,  aux  lieux  et  aux  temps.  Oh  !  faisons 
donc  comme  cela,  et  vous  verrez  toujours  ce  que  cela 
vous   vaudra  devant   Dieu. 

Je  vous  envoie  les  orgues  et  vous  enverrai  à  les  ren- 
dre, si  Monsieur  Régnier  ^  n'y  peut  vaquer,  ou  si  tant  2st 
que  ce  Monsieur  ne  soit  point  bien  modeste  et  que  vous 
soyez  d'avis  que  je  le  rappelle  ;  et  pour  cela  je  vous 
supplie  de  le  bien  veiller,  et  Leleu  ^  aussi,  et  de  me  don- 
ner avis  exactement  de  leurs  déportements. 

Pour  le  bois  et  les  autres  choses,  je  crains  bien  que 
Monsieur  le  prieur  vous  en  refuse  le  paiement.  Infor- 
mez-vous, s'il  vous  plaît,  où  vous  en  pouvez  recevoir 
et  s'il  y  a  moyen  d'en  avoir  d'ailleurs,  quoique  les  choses 
coûtent  assez  cher. 

Je  loue  Dieu  de  ce  que  le  bon  Monsieur  le  prieur 
d'Aiguë  mange  avec  la  compagnie  quelquefois.  Témoi- 
gnez-lui-en  de  l'agrément  et  remerciez-le  affectionnément 
et  humblement. 

Je  vous  supplie,  de  plus,  bien  recommander  la  sainte 
modestie  à  la  compagnie,  comme  étant  peut-être  un  des 
plus  efficaces  moyens  de  profiter  à  ce  peuple. 

C'est,  Monsieur,  ce  que  je  vous  puis  dire  pour  le  pré- 
sent, sinon  que  j'y  ajoute  mes  très  humbles  recomman- 
dations à  Monsieur  le  prieur,  à  Monsieur  Renar,  à  Mon- 
sieur Flahan  ;  et  je  vous  prie  de  faire  recommander  à 
Dieu  un  affaire  d'importance  et  dire  à  Monsieur  Renar 
qu'il  sera  peut-être  expédient  qu'il  assiste  mercredi  pro- 


2.  Jacques  Régnier,  prêtre  de  la   Mission,  né  au  diocèse  de  Boulo- 
gne, reçu  dans  la  congrégation  de  la  Mission  au  mois  d'août  1627. 

3.  Ce  nom  ne  se  trouve  pas  dans  le  catalogue  de  la  Mission. 


—    229    

chain,  à  deux  heures,  à  rassemblée  où  se  trouveront  Mes- 
sieurs les  curés  et  où  l'on  traitera  du  catéchisme,  qu'il 
pourra  partir  le  même  jour  et  être  de  retour  le  lende- 
main à  midi. 

Bon  soir.  Monsieur.  Je  suis  votre  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Février  1634. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Perdu,  prêtre  de 
la  Mission,  à  Poissy. 

159.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  janvier  et  naars  1634  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce    de    Notre-Seigneur    soit    avec    vous  pour 
jamais  ! 

L'assemblée  se  ût  hier  chez  Madame  Goussault  ^.  Mes- 

Lettre  159.   —   L.    a.  —  Dossier  des   Filles   de  la   Charité,   original. 

1.  Collet  {o-p.  cit.,  t.  I,  p.  232)  recule  la  première  assemblée  des 
dames  de  THôtel-Dieu  jusqu'après  le  27  juillet  1634.  La  lettre  177 
rf  nous  permet  pas  de  la  reporter  aussi  loin.  Les  récents  historiens 
de  Louise  de  Marillac,  se  basant  sur  cette  même  lettre  177,  placent 
l'institution  des  dames  au  mois  de  juin  1634.  Ils  n'ont  pas  remarqué 
que  la  lettre  163,  postérieure  à  celle-ci,  est,  au  plus  tard,  du  début 
d'avril. 

2.  Dans  ses  visites  aux  malades  de  l'Hôtel-Dieu,  Madame  Gous- 
sault avait  remarqué  qu'il  y  avait  beaucoup  à  faire  pour  leur  sou- 
lagement. Elle  en  parla  à  Vincent  de  Paul,  qui  n'osa  s'occuper  d'une 
œuvre  dont  d'autres  étaient  chargés.  L'Hôtel-Dieu  dépendait  des 
chanoines  de  Notre-Dame  et  plus  particulièrement  de  l'un  d'eux,  le 
maître,  auquel  ils  en  confiaient  l'administration.  Les  soeurs  augus- 
tines  donnaient  leurs  soins  aux  malades.  Elles  étaient  là  près  de 
cent  professes  et  de  cinquante  novices,  se  dépensant  avec  un  soin 
digne  d'éloges.  On  conçoit  que,  dans  ces  conditions,  saint  Vincent 
n'ait  rien  voulu  entreprendre.  Mais  Madame  Goussault  tint  bon.  Elle 
confia  son  projet  à  l'archevêque  de  Paris,  pensant  qu'il  aurait  assez 
d'autorité  sur  le  saint  pour  le  décider  à  prendre  la  direction  d'une 
société  de  dames  qui  subviendraient  aux  besoins  des  malades  de 
l'Hôtel-Dieu.  Ce  qu'elle  avait  prévu  se  réalisa.  Vincent  de  Paul  réunit 
quelques  dames  pieuses  et  charitables  dans  l'hôtel  de  Madame  Gous- 
sault, rue  du  Roi-de-Sicile.  La  lettre  ci-dessus  nous  dit  ce  qui  y  fut 
décidé.  ' 


—  230 

dames  de  Villesabin  ^,  Bailleul  '\  Dumecq  ^,  Sainctot  ^  et 
Poulaillon  s'y  trouvèrent.  La  proposition  fut  agréée  et 
[l'on]  résolut  d'en  faire  une  autre  Itindi  prochain  ^  que 
cependant  l'on  offrira  l'affaire  à  Dieu  et  communiera 
pour  cela  et  que  chacune  proposera  la  chose  aux  dames 
et  demoiselles  de  sa  connaissance.  Que  vous  semble  de 
Mademoiselle  Guérin  ?  Madame  de  Beau  fort  *  en  sera. 
L'on  aura  besoin  de  vous  et  de  vos  filles.  L'on  estime 
qu'il  en  faudra  quatre.  C'est  pourquoi  il  faut  aviser  au 
moyen  d'en  avoir  de  bonnes.  Pensez  à  la  sœur  de  cette 
bonne  fille  que  vous  avez.  Parlez-en  à  Michelle.  Je  ne 
sais  si  la  veuve  des  Clayes  ®  le  désirerait  et  y  serait  pro- 
pre. Mais  que  fera-t-on  de  ses  enfants  ?  Je  m'en  vas  à 
Saint-Lazare  et  reviendrai    peut-être  à    ce  soir  coucher 

/  in 

céans  '■  . 

Madame  Goussault  me  parla  hier  du  rappel  du  ban- 
nissement de  cette  femme  veuve  que  vous  lui  avez  en- 

3.  Madame  de  Villesabin,  née  Isabeau  Blondeau,  veuve  de  Jean 
Phelippeaux  de  Villesabin  ou  Villesavin,  secrétaire  des  commandements 
de  Marie  de  Médicis  et  comte  de  Busançais,  se  faisait  remarquer  par 
son  élégance,  sa  politesse  et  sa  charité.  Elle  était  cérémonieuse  à  l'excès. 
I/affectation  qu'elle  apportait  dans  ses  manières  l'avait  fait  appeler 
la  servante  très  htimble  du  genre  humain.  Elle  recevait  dans  son  ma- 
gnifique hôtel  de  la  Place  Royale  ce  que  Paris  comptait  de  plus  dis- 
tingué. Elle  mourut  le  26  février  1687,  âgée  de  quatre-vingt-qua- 
torze  ans. 

4.  Elisabeth-Marie  Mallier,  épouse  de  Nicolas  de  Bailleul,  seigneur 
de  Vattetot-sur-Mer  et  de  Soisy-sur-Seine. 

5.  Ce  nom  revient  parfois  dans  les  lettres  du  saint  à  Louise  de 
Marillac,    surtout   à   propos   de    l'œuvre   des    Enfants-Trouvés. 

6.  Marie  Dalibray,  veuve  de  .].-B.  de  Sainctot,  trésorier  de  France, 
femme  très  cultivée  et  en  relation  avec  les  personnages  les  plus 
illustres  dans  les  lettres  et  les  arts.  Elle  recevait  chez  elle  Pascal 
et  sa  famille.  Voiture  lui  avait  dédié  sa  traduction  du  Roland  furieux. 

7.  Cette  seconde  assemblée  fut  plus  nombreuse  que  la  première. 
Madame  Goussault  fut  élue  présidente.  On  lui  adjoignit  une  assis- 
tante et  une  trésorière.    (Abelly,  of.  cit.,  t.   I,  chap.  xxix,  p.   133.) 

8.  Peut-être  Suzanne  de  Fournel,  veuve  de  Gilles  de  Beaufort,  sei- 
gneur de  Mondicourt,  Montdiès,  Malmaison  et  autres  lieux,  mort  en 
1631. 

9.  Petite  commune  de  Seine-et-Oise. 

10.  Aux   Bons-Enfants. 


—     23l     — 

voyée.  Je  lui  ai  dit  que  je  feraisconscience  deme  mêler 
de  ces  choses-là,  si  je  ne  connaissais  la  personne  aussi 
bien  que  je  vous  connais,  et  que  Madame  la  garde  des 
sceaux  "  a  grand'peine  de  se  mêler  de  ces  choses-là  ;  et 
si  vous  m'en  croyez,  vous  vous  déchargerez  de  sembla- 
bles emplois.  La  justice  n'en  a  pas  disposé  de  la  sorte 
sans  de  grandes  raisons. 

Or  sus,  vous  voyez  que  le  sujet  de  votre  travail  croît. 
Fortifiez-vous  le  plus  que  vous  pourrez. 

Je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  v.  s. 

V.  D. 

Sîiscriplion  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

160.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  janvier  et  mars  1634  ^.] 
Mademoiselle, 

Je  vous  remercie  très  humblement  de  la  charité  que 
vous  avez  faite  à  cette  bonne  veuve  ^.  Je  pense  qu'on  ne 
prendra  point  de  vos  filles  pour  l'Hôtel-Dieu.  L'on  es- 
time que  quelques-unes  qu'on  en  présente  de  la  ville  se- 
ront plus  propres  pour  représenter  les  dames  en  leur 
absence,  et  pense  qu'on  a  raison. 

Mais  comment  vous  portez-vous  ?  Je  vous  prie,  man- 
dez-m'en un  mot.  Je  loue  Dieu  de  tout  mon  cœur  des 
plus  tendres  affections  qu'il  vous  donne  d'être  tout  à  lui, 
et  suis,  en  son  amour,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  D.  P. 
Excusez  si  je  suis  si  court  ;  je  suis  fort  pressé. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

II.    Madame  Séguier. 

Lettre  160.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Nul  doute  que  cette  lettre  ne  doive  suivre  de  près  la  lettre   159. 

2.  Peut-être  la  veuve  dont  parle  la  lettre  précédente. 


232    — 

161.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1634,  vers  mars  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Il  vint  hier  trois  braves  filles  d'Argenteuil  ^  s'offrir  à 
la  Charité,  par  l'adresse  de  l'ecclésiastique  auquel  j'en 
avais  fait  parler  et  qui  me  doit  venir  voir  demain  pour 
cela.  Je  ne  les  vous  envoyai  point,  pource  qu'il  était 
trop  tard  quand  elles  vinrent  ;  mais  elles  vous  iront  voir 
vendredi,  à  ce  qu'elles  me  dirent. 

Je  ne  vois  point  grand  inconvénient  à  ce  que  Jacque- 
line^ aille  aux  noces  de  son  frère  ;  Marguerite,  de 
Saint-Paul  "*,  en  fera  de  même  et  vous  doit  adresser  aussi 
une  bonne  grande  fille,  à  ce  qu'elle  dit  ;  et  Mademoi- 
selle de  la  Bistrade  ^  et  Madame  Forest  vous  doivent 
aller  prier  de  les  décharger  de  Nicole,  à  cause  de  ses 
grandes  infirmités  et  que  Marie,  qui  soutient  tout  le  faix, 
n'en  peut  plus,  si  vous  ne  leur  baillez  quelqu'une  à  la 


Lettre  161.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la   Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  semble  de  peu  antérieure  à  la  lettre  163,  qui  est  de 
mars  ou  d'avril   1634. 

2.  Aujourd'hui   chef-lieu    de    canton    en    Seine-et-Oise. 

3.  Dans  ses  lettres,  saint  Vincent  ne  désigne  le  plus  souvent  les 
Filles  de  la  Charité  que  par  leur  petit  nom  ;  parfois,  pour  prévenir 
toute  confusion,  il  ajoute  le  nom  de  la  localité  ou  de  la  paroisse  où 
elles  se  trouvent.  Il  serait  difficile  aujourd'hui  à  distance  de  donner 
le  nom  de  famille  correspondant,  soit  parce  que  nous  ne  le  trouvons 
jamais  sous  la  plume  du  saint  ou  de  Louise  de  Marillac,  soit  parce 
que    plusieurs    sœurs    portaient    le    même    petit    nom. 

4.  La  Charité  de  la  paroisse  Saint-Paul  à  Paris  remontait  à  l'an 
1632  ou  1633.  Là,  comme  ailleurs,  Louise  de  Marillac  avait  mis  ses 
filles    au    service   des    dames. 

5.  Peut-être  l'épouse  de  Jacques  de  la  Bistrade,  seigneur  des  Ma- 
rets,  qui  fut  nommé  maître  des  requêtes  le  i^''  août  1647  ^^  mourut 
le  20  décembre  1650  ;  peut-être  aussi  une  parente  de  Nicolas  Pavillon, 
le  futur  évêque  d'Alet,  qui  avait  pour  mère  Catherine  de  la  Bistrade. 


—  233  — 

place  de  Nicole  '^.  Elles  vous  prieront  donc  de  l'une  et 
de  l'autre,  et  Mademoiselle  de  la  Bistrade  vous  promet- 
tra de  vous  payer  la  nourriture  de  Nicole.  Je  lui  ai  dit 
que  je  vous  en  écrirai.  Pensez-y  donc,  Mademoiselle,  et 
si  cette  pauvre  fille  si  infirme  et  non  propre  à  la  Charité 
pourrait  gagner  sa  vie  à  coudre  ou  à  quelqu'autre  métier, 
lorsqu'elle  sera  un  peu  plus  forte  ;  et  faites  votre  pos 
sible,  au  nom  de  Dieu,  de  vous  guérir. 

Je  suis  bien  aise  de  ce  que  vous  ne  sortîtes  point  hier. 

Prenez  quelque  chose  devant  '  sortir,  le  jour  que  vous 
sortirez.  Notre-Seigneur  est  une  continuelle  communion 
à  ceux  qui  sont  unis  à  son  vouloir  et  non-vouloir. 

Je  suis,  en  son  amour,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Saint-Lazare,   ce   lundi  matin. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

162.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  janvier  et  mars  1634  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Tout  vient  à  point  à  qui  peut  attendre  ;  cela  est  vrai, 
pour  l'ordinaire,  plus  encore  aux  choses  de  Dieu  qu'aux 
autres.  Il  n'est  pas  expédient  que  ce  soit  moi  qui  parle 
à  Monsieur  le  Maître^,  pour  quelque  raison  particulière, 
si  ce  n'est  par  rencontre.  Si  Madame  la  présidente  Gous- 

6.  Voir  lettre   163. 

7.  Devant,    avant   de. 

Lettre   162.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  a  suivi  de  peu  de  jours  l'institution  des  dames  de 
l'Hôtel-Dieu. 

2.  Nom  donné  au  chanoine  administrateur  de  l'Hôtel-Dieu. 


—  234  — 

sault  le  trouve  à  propos,  elle  lui  en  pourra  dire  un  mot, 
s'il  vous  plaît  de  lui  faire  savoir  et  qu'elle  n'y  juge  point 
de  l'inconvénient.  Il  est  vrai  qu'il  est  expédient  de  voir 
encore  les  dames  ^  une  fois,  tant  pour  leur  donner  quel- 
que avis  touchant  cela,  que  pour  leur  enseigner  comme 
elles  doivent  apprendre  aux  malades  à  faire  leur  examen 
et  à  trouver  leurs  péchés. 

Je  n'ai  pu  encore  aller  à  la  Madeleine  ;  j'y  irai  demain, 
si  je  le  puis  ;  pardonnez-le-moi  cependant.  Quant  à  Ni- 
cole, il  est  bien  à  craindre  qu'elle  ne  change  jamais,  à 
cause  de  son  âge.  De  la  renvoyer,  d'un  autre  côté,  j'aurais 
peine  de  donner  ma  voix  encore.  Essayez  un  peu  de  la  pri- 
vation de  la  communion  ;  peut-être  que  cela  lui  servira  ; 
sinon,  in  noniine  Doinini.  Après  que  vous  aurez  fait  ce 
que  vous  aurez  pu,  si  elle  ne  s'amende,  vous  la  ren- 
verrez. 

Je  vous  salue  cependant  et  prie  Dieu  qu'il  vous  con- 
serve en  parfaite  santé  et  en  son  amour,  et  suis,  en  ce 
même  amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très  humble. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


163.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Mars  ou  avril   1634  ^.] 

Je  ne  [puis  pas  ne  pas]  ^  vous  dire.  Mademoiselle, 
combien  je  m'en  vas  à  contre-cœur  à  Villers  ^  avec  M.  Lu- 
mague*,  pource  que  je    n'ai    eu  consolation   de    vous 

3.    Les   dames    de   l'Hôtel-Dieu. 

Lettre  163.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Voir    note    5. 

2.  Les  mots  placés  ici  entre  crochets  ne  se  trouvent  pas  dans  l'ori- 
ginal   ;  ils  ont  été  oubliés. 

3.  Villers-sous-Saint-Leu    (Oise). 

4.  Jean-André  Lumague,  seigneur  de    Villers-sous-Saint-Leu,   père  de 
Mademoiselle   Pollalion   et  grand   ami   de   saint  Vincent. 


—  235  — 

voir,  à  cause  de  nos  ordinands,  du  nombre  desquels  est 
M.  le  commandeur  de  Sillery  ^  Je  vous  assure  que,  si 
vous  saviez  la  peine  que  j'en  ai,  vous  en  auriez  pitié. 
Oh  bien  !  je  vous  prie  de  faire  votre  possible  pour  vous 
bien  porter.  J'espère  revenir  lundi  prochain. 

Madame  Forest  est  venue  céans  pour  nous  remercier 
de  la  bonne  grosse  fille  que  vous  leur  vouliez  bailler, 
pource  que  leur  Nicole  se  porte  mieux.  Cela  étant  ainsi, 
je  pense  que  vous  ferez  bien  de  bailler  Jacqueline  à 
l'Hôtel-Dieu,  ou  bien  Jeanne  ;  et  celle  qui  restera  pourra 
subvenir  à  votre  Charité  ®,  avec  celle  de  Grigny  ^. 

Madame  Goussault  trouve  bon  que  l'on  pense  à  vous 
loger  vers  Notre-Dame  ;  pensez-y,  s'il  vous  plait,  et 
faites  votre  possible  de  vous  bien  porter. 

Bon  jour,  Mademoiselle,  je  pars  dans  une  heure  et 
suis  V.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


164.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[Avant   1640  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Me  voici  de  retour  de  la  mission  de  Villers  "  depuis 
hier  au  soir  en  bonne  santé,  Dieu  merci.  Je  vous  prie  me 

5.  Le  commandeur  dit  sa  première  messe  le  jeudi  saint  13  avril 
1634,   quelques  jours   après   son  ordination. 

6.  La  Charité  de  Saint-Nicolas-du-Chardonnet. 

7.  Commune   de   Seine-et-Oise. 

Lettre  164.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Après  1639,  saint  Vincent  aurait  écrit  les  mots  «  ce  mercredi 
matin    »   en   tête   de   la   lettre. 

2.  Villers-sous-Saint-Leu. 


—  236  — 

mander  l'état  de  la  vôtre  et  si  vous  trouvez  bon  qu'on 
fasse  v^enir  deux  bonnes  grandes  filles  choisies  par  Ma- 
demoiselle Poulaillon  pour  la  Charité  et  qui  semblent 
fort  bonnes  filles.  Mandez-moi  donc  par  ce  porteur  votre 
sentiment,  s'il  vous  plait,  pource  qu'il  faut  que  j'en 
rende  réponse  demain  à  Mademoiselle  Poulaillon,  qui 
vous  salue  et  ne  sera  ici  que  samedi. 

J'aurai  le  bien  de  vous  voir  le  plus  tôt  que  vingt-cinq 
ordinands  me  le  permettront,  et  suis  cependant,  Made- 
moiselle, votre  serviteur. 

V.  D. 

Ce  mercredi  matin. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

165.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre    1634  et    1636  ^.] 
Mademoiselle, 

Il  y  a  environ  un  quart  d'heure  que  je  viens  d'arriver 
de  la  ville.  J'ai  trouvé  l'incluse  à  mon  retour.  Vous  ver- 
rez comme  je  m'oblige  à  être  demain  avant  sept  heures 
à  Saint-Lazare,  ce  qui  me  privera  de  la  consolation  de 
vous  aller  voir  demain  au  matin,  comme  je  m'étais  pro- 
posé. Vous  me  le  pardonnerez,  s'il  vous  plaît  ;  et  jeudi, 
Dieu  aidant,  je  réparerai  la  faute,  ne  le  pouvant  demain, 
à  cause  que  nous  aurons  l'assemblée  des  ecclésiastiques 
à   Saint-Lazare  ". 

J'ai  vu,  ce  matin,  la  bonne  Madame  Saunier  et  l'ai 
trouvée  toute  pleine  de  feu  et  de  flamme  pour  la  Cha- 
rité et  disposée  à  en  être.  Mais  il  est  arrivé  ime  difficulté 


Lettre  165.    —   Manuscrit  Saint-Paul,   p.  73. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  après  l'institution  des  dames  de  l'Hôtel- 
Dieu  et  avant  le  transfert  des  Filles  de  la  Charité  à  La  Chapelle. 

2.  Pour   la   conférence  hebdomadaire. 


—  237   — 

en  cet  affaire,  qui  fait  que  l'on  juge  expédient  de  dif- 
férer l'assemblée  des  dames,  qui  se  devait  faire  jeudi, 
jusques  à  un  autre  jour.  Je  vous  supplie.  Mademoiselle, 
de  lui  en  donner  avis  et  de  faire  votre  possible  pour 
vous  bien  porter  ;  à  quoi  vous  servira  beaucoup  de  ne 
vous  pas  tant  peiner  après  vos  filles,  de  vous  bien  nour- 
rir et  de  ne  pas  sortir  si  tôt. 

Je  vous  souhaite  le  bon  jour  et  suis,  en  l'amour  de 
Notre- Seigneur... 

166.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[i633  ou  i634i.[ 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Xotre-Seigneur  soit  avec  vous  poui 
jamais    ! 

Ma  petite  fièvre  me  continuant  toujours,  j'ai  voulu 
continuer  votre  avis,  qui  est  de  faire  comme  j'ai  fait 
d'autrefois  pour  cela,  qui  est  de  prendre  l'air  des 
champs.  Je  m'en  vas  donc  tâcher  de  visiter  quelques 
Charités  ;  et  peut-être  que,  si  je  me  porte  bien,  je  m'en 
irai  jusques  à  Liancourt  ^  et  à  Montmorency  ^  ébaucher 
ce  que  vous  pourrez  achever  après.  Mais  fortifiez-vous 
cependant,  je  vous  supplie.  Je  vous  promets  que  j'en 
ferai  de  même  de  mon  côté,  qui  vous  salue  et  suis,  en 


Lettre  166.  —  Dossier  de  la  Mission,  copie  prise  sur  l'original  chez 
M.  Corregio,  de  Sainte-Colombe  (Loire).  Cet  original  est  de  la 
main   du  saint. 

1.  Cette  lettre  semble  de  peu  de  temps  antérieure  à  la  lettre  171 
qui  est  de  1634. 

2.  Localité  de  l'Oise,  célèbre  au  XVII^  siècle  par  le  magnifique 
château  du  duc  de  Liancourt.  Le  duc  et  la  duchesse  y  fondèrent  un 
établissement  de  Filles  de  la  Charité  et  un  séminaire,  qu'Adrien 
Bourdoise    dirigea    en   personne   pendant   plusieurs    années. 

3.  Grosse  commune  de  Seine-et-Oise,  célèbre  autrefois  par  son 
château,  son  parc  et  l'Ermitage,  séjour  de  Jean-Jacques  Rousseau. 


—  238  — 

l'amour    de    Notre-Seigneur,    Mademoiselle,    votre  très 
humble  [serviteur  *]. 

Vincent  Depaul. 

Ce  mardi,  à  une  heure. 

167.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers   1634  1.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

J'ai  vu  cette  bonne  allé  Madeleine.  Je  pense  qu'il  y 
aura  un  peu  à  travailler  à  elle,  que  ses  passions  sont  un 
peu  fortes.  Mais  quoi  !  quand  elles  ont  la  force  de  se  sur- 
monter, elles  font,  après,  des  merveilles.  Vous  la  rece- 
vrez donc,  s'il  vous  plaît  ;  et  je  parlerai  à  Madame  la 
garde  des  sceaux  ^. 

Quant  à  cette  bonne  fille  d'Argenteuil  qui  est  mélan- 
colique, je  pense  que  vous  avez  raison  de  faire  difficulté 
de  la  recevoir  ;  car  c'est  un  étrange  esprit  que  celui 
de  la  mélancolie.  Il  me  semble  que  vous  en  ave/,  assez 
pour  quelque  temps  et  que  vous  les  devez  fort  exercer  à 
lire  et  à  travailler  de  l'aiguille,  afin  qu'elles  puissent 
travailler  à  la  campagne. 

Je  vous  attendrai  mardi.  Bon  jour,  Mademoiselle.  Je 
suis,  Mademoiselle,  votre  serviteur  très  humble. 

Vincent  Depaul 


4.  La  copie  porte  frincifal,  titre  auquel  le  saint  avait  droit,  mais 
qu'il  ne  prend  dans  aucune  de  ses  lettres  ;  il  est  hors  de  doute  que 
le    copiste    a    mal    lu. 

Lettre  167.  —  L.  a.  —  Original  à  Madrid,  dans  la  maison  centrale 
française  des  Filles  de  la  Charité. 

1.  Cette  lettre  semble  écrite  dans  les  commencements  de  la  compa- 
gnie des  Filles  de  la  Charité  et  peu  après  la  lettre  161. 

2.  Madame  Séguier. 


—  239  — 

Vous  renverrez  donc  la  compagne  de  celle-ci,  s'il  vous 
plaît. 

168.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[  1634  '.  ] 

Je  reçus  hier  la  vôtre,  qui  m'attendrit  un  peu  le  cœur, 
voyant  par  icelle  la  petite  indisposition  qui  vous  a  obli- 
gée à  vous  mettre  au  lit  à  votre  arrivée,  et  prie  bien 
Dieu,  Mademoiselle,  qu'il  vous  fortifie  pour  le  pouvoir 
servir  en  l'œuvre  pour  laquelle  il  vous  envoie. 

Voici  votre  règlement  de  Saint-Nicolas  et  celui  de 
Saint-Sauveur  ;  mais  servez-vous,  s'il  vous  plaît,  à  Beau- 
vais  de  celui  de  ce  lieu-là  et  tâchez  d'y  mettre  en  usage, 
comme  ailleurs,  les  choses  qui  n'y  sont  pas. 

169.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC,  A  BEAUVAIS 

[1634  '.] 
Mademoiselle, 

Je  vous  le  disais  bien,  Mademoiselle,  que  vous  trou- 
veriez de  grandes  difficultés  en  l'affaire  de  Beauvais. 
Béni  soit  Dieu  de  ce  que  vous  l'avez  si  heureusement 
acheminée  !  Quand  s'établit  la  Charité  à  Mâcon^,  cha- 


Lettre  168.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.  35. 

I.  Si,  comme  il  semble,  Louise  de  Marillac  reçut  les  lettres  i68, 
169,  170,  171,  172,  173  et  174  au  cours  d'un  seul  et  même  voyage 
dans  le  diocèse  de  Beauvais,  cette  date  est  la  seule  qui  puisse  con- 
venir. L'absence  de  Louise  eut  lieu  vraisemblablement  entre 
les  mois  d'avril  et  de  juillet. 

Lettre  169.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.  35. 

1.  La  date  du  25  juillet  1635  que  donne  à  cette  lettre  le  manuscrit 
Saint-Paul  a  contre  elle  la  lettre  201.  Abelly  maintient  l'année  1635 
(of.  cit.,  chap.  XV,  p.  62)  ;  Collet  a  compris  qu'elle  devait  être  de 
1634  (1.  II,  p.  105).  Elle  se  rattache  aux  lettres  168,  170,  171  et 
suivantes. 

2.  C'était  vers  1620.  Le  saint  passait  par  Mâcon.  Le  grand  nombre 
de  pauvres  le  frappa.   Il  s'aperçut  que  leur  dénuement  matériel  était 


—  240  — 

cun  se  moquait  de  moi  et  me  montrait  au  doigt  par  les 
rues  ;  et  quand  la  chose  fut  faite,  chacun  fondait  en 
larmes  de  joie  ;  et  les  échevins  de  la  ville  me  ârent  tant 
d'honneur  au  départ  que,  ne  le  pouvant  porter,  je  fus 
contraint  de  partir  en  cachette  pour  éviter  cet  applaudis- 
sement ;  et  c'est  là  une  des  Charités  [les]  mieux  établies. 
J'espère  que  la  confusion  qu'il  vous  a  fallu  souffrir  au 
commencement  se  convertira  en  consolation,  et  que 
l'œuvre  en  sera  plus  affermi. 

J'approuve  ce  que  vous  dites,  d'ériger  la  confrérie  et 
de  l'accommoder  à  l'état  des  autres  du  diocèse  ;  et  ai 
envoyé  votre  lettre  à  M.  de  Beauvais  pour  cela,  à  ce  ma- 
tin. Il  part  dès  aujourd'hui  et  pourra  être  samedi  à 
Beauvais.  Vous  lui  en  parlerez  et  prendrez  garde  à  vous 
ménager  dans  le  peu  de  santé  que  vous  avez.  J'ai  bien 
peur  que  cette  grande  fatigue  ne  vous  accable. 

Je  salue  de  tout  mon  cœur  et  suis  très  humble  servi- 
teur de  la  bonne  Madame  Villegoubelin,  votre  bonne  et 
charitable  hôtesse,  laquelle  la  Providence  a  menée  à  pro- 
pos à  Beauvais  pour  faire  le  bien  qu'elle  y  fait.  Oh  ! 
que  je  lui  souhaite  une  meilleure  santé  et  une  très  longue 
et  heureuse  vie  !  Ayez  soin  de  la  vôtre,  Mademoiselle, 
je  le  vous  dis  encore  derechef. 


peu  de  chose  auprès  de  leur  dénuement  spirituel.  Il  y  avait  du  bien  à 
faire,  il  s'arrêta.  Les  hommes  et  les  femmes  de  la  classe  aisée,  répon- 
dant à  son  appel,  s'associèrent  en  deux  confréries  distinctes.  Aux  pre- 
miers il  confia  l'assistance  des  pauvres  ;■  aux  secondes,  le  soin  des 
malades.  L'évêque,  les  chanoines,  le  lieutenant  général  le  secondè- 
rent de  leur  mieux.  Un  règlement  fut  fait  et  appliqué.  Le  saint  donna 
la  première  aumône  et  se  retira,  salué  par  la  reconnaissance  de  tous. 
(Abelly,  of.  cit.,  t.  I,  chap.  XV,  p.  61  et  suiv.) 


—  241  — 

170.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[i634^] 
Mademoiselle, 

Je  me  sens  pressé  par  l'aumône  de  Madame  la  garde 
des  sceaux  -  de  faire  ce  qui  se  pourra  pour  établir  la  Cha- 
rité dans  Saint-Laurent  ^  ;  mais  j'attendrai  que  vous 
soyez  ici  pour  y  travailler. 

J'ai  encore  votre  lettre  à  Mademoiselle  Guérin  et  ai  vu 
Marguerite  *,  de  Saint-Paul,  qui  trouve  le  fardeau  de 
cette  paroisse-là  insupportable,  à  cause  de  la  gran- 
deur d'icelle  et  de  la  quantité  des  malades  et  que  les 
dames  ne  vont  point. 


171.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1634».] 
Je  vous  remercie  de  l'avis  qu'il  vous  a  plu  me  don- 
ner de  l'état  de 'la  Charité  de  Beauvais.  M.  de  Beau- 
vais  ^  y  doit  aller  faire  la  mission  au  mois  d'octobre. 
Peut-être  qu'alors  l'on  pourra  disposer  plus  de  personnes 
à  s'y  mettre.  Mondit  sieur  de  Beauvais  s'en  va  faire  la 
mission  à  Liancourt  ;  peut-être  que  vous  y  serez  aupa- 
ravant ;  ne  vous  hâtez  pas  pourtant  pour  l'éviter.  Sui- 
vez l'ordre  de  la  Providence.  Oh  !  qu'il  est  bon  de  se 
laisser  conduire  par  elle    ! 

Lettre  170.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.   35. 

1.  La    Charité   de    Saint-Laurent  fut  fondée    en    1634.     (Voir    lettre 

179- ) 

2.  Madame    Séguier. 

3.  Nom  de  la  paroisse  sur  laquelle  était  située  la  maison  de  Saint. 
Lazare. 

4.  Fille  de  la   Charité 

Lettre  171.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.  36. 

1.  Voir  lettre    168,    note    i. 

2.  Augustin  Potier,  évêque  de  Beauvais. 

16 


—  242  — 

Ayez  bien  soin  de  votre  santé  et  n'épargnez  rien  pour 
vous  nourrir  pendajit  votre  grand  travail  ;  j'ai  toujours 
opinion  que  vous  ne  vous  nourrissez  pas  assez. 

Je  vous  supplie  de  saluer  très  affectionnément,  de  ma 
part,  la  bonne  Mademoiselle  du  Coudray  et  toutes  les 
bonnes  sœurs  de  la  Charité  de  Bulles,  sans  oublier  la 
bonne  Mademoiselle  Toinette,  à  Clermont,  si  le  loisir 
vous  permet  de  la  voir. 


172.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[i634'.] 
Je  suis  bien  étonné.  Mademoiselle,  de  ce  que  vous 
n'avez  reçu  deux  de  mes  lettres,  dont  j'ai  baillé  l'une  à 
M.  le  théologal  de  Beauvais,  et  je  lui  ai  envoyé  l'autre, 
pour  les  vous  bailler  en  main  propre.  Or,  il  m'a  mandé 
qu'il  vous  avait  envoyé  la  première,  et  pour  la  seconde, 
que  vous  étiez  déjà  partie  pour  Bulles  ^  et  qu'il  tâcherait 
de  la  vous  faire  tenir.  Certes,  je  ne  me  puis  empêcher  de 
penser  je  ne  sais  quoi.  Oh  bien  !  cela  n'est  rien,  il  faut 
acquiescer  à  tous  les  rencontres  de  la  Providence. 

Pour  Gournay  ^,  si  Madame  la  présidente  *  y  est,  ce 
que  je  ne  sais  pas,  ni  ne  le  puis  savoir,  il  est  trop  tard 
d'y  envoyer.  Je  dis  donc  qu'au  cas  qu'elle  y  soit,  qu'il 
lui  faudra  deux  jours  pour  le  moins.  Donnez-lui-en  au- 
tant que  vous  trouverez  bon,  s'il  vous  plaît. 

Monsieur  de  la  Salle  a  vu  la  femme  que  Madame  de 
Longueville  ^  a  fait  enfermer  à  Creil  selon  le  désir  de 


Lettre  172.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I  Voir  lettre   168,  note  i. 

2.  Dans  l'Oise 

3.  Gournay-sur-Aronde  (Oise).  René  de  Marillac,  cousin  germain 
de  Louise  de  Marillac,  avait  épousé  Marie  de  Creil,  fille  du  seigneur 
de   Gournay. 

4.  Probablement  la  présidente  de  la  Charité. 

5.  Louise  de  Bourbon,  sœur  du  dernier  comte  de  Soissons,   épouse 


—  243  — 

Madame  de  Liancourt  '^.  Vous  direz,  s'il  vous  plaît,  à 
madite  dame  qu'il  n'a  pu  tirer  autre  raison  de  cette 
bonne  femme  sinon  qu'elle  fera  tout  ce  qu'on  voudra, 
pourvu  qu'elle  ait  liberté,  et  qu'elle  ne  retombera  plus 
au  mal.  Et,  pour  le  regard  des  enfermés,  ledit  sieur  de 
la  Salle  juge  que  jamais  elle  n'y  entendra. 

Je  salue  très  humblement  madite  dame  et  suis  son 
serviteur. 

J'ai  reçu  la  lettre  et  les  clefs  que  Madame  de  Longue- 
ville  m'a  envoyées. 

Quant  à  la  peine  que  vous  avez  eue,  que  vous  me  mar- 
quez vers  la  an  de  votre  lettre,  nous  en  parlerons. 

Je  salue  Mademoiselle  Poulaillon. 

Madame  la  présidente  Goussault  est  de  retour  depuis 
deux  jours. 


Je  suis  v.  s. 


V.  D. 


Suscriftion  :  A  ^Mademoiselle  ^^lademoiselle  Le  Gras, 
à  Liancourt. 


de   Henri   II,   duc   de   Longueville.    Elle  mourut   le  9  septembre   1637, 
laissant  une   fille,    Marie  d'Orléans,   demoiselle   de   Longueville. 

6.  Jeanne  de  Schomberg,  fille  du  maréchal  Henri  de  Schomberg, 
épouse  de  Roger  de  Liancourt  du  Plessis,  avait  de  la  piété  et  des 
talents.  On  a  d'elle  un  opuscule  intitulé  Hèglement  donné  -par  une 
dame  de  haute  qualité  à  Madame  '"  {la  princesse  de  Marsillac), 
sa  petite-fille,  édité  par  l'abbé  Jean-Jacques  Boileau,  Paris,  1698, 
in-i2.  Le  château  de  Liancourt  était  renommé  pour  la  beauté  de  ses 
jardins  et  ses  admirables  jets  d'eau.  C'était  une  demeure  vraiment 
princière,  que  connaissait  toute  la  haute  société.  Madame  de  Lian- 
court y  reçut  plus  d'une  fois  Louise  de  Marillac,  qu'elle  appelait  sa 
chère  amie.  Elle  l'aida  puissamment  dans  ses  œuvres  de  charité,  se- 
conda le  zèle  d'Adrien  Bourdoise  et  prit  sous  sa  protection  les  Filles 
de  la  Providence.  Pascal,  Arnauld,  et  Le  Maistre  de  Sacy  finirent  par 
la  gagner  complètement  au  jansénisme  elle  et  son  mari.  Elle  mourut 
au  château  de  Liancourt  le  14  juin  1674,  âgée  de  soixante-quatorze 
ans.  L'abbé  Boileau  a  écrit  sa  vie  en  tête  de  l'opuscule  mentionné  ci- 
dessus.  On  trouve  aussi  sa  notice  dans  l'ouvrage  janséniste  de  l'abbé 
Leclerc,  Vies  intéressantes  et  édifiantes  de  religieuses  dji  Port- 
Royal  et  de  flusieurs  -personnes  qui  leur  étaient  attachées,  1750-1752, 
4  vol.  in-i2,  t.  I,  p.  411  et  suiv. 


—   244   — 

173.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC,  A  LIANCOURT 

[i634^] 
Béni  soit  Dieu,  Mademoiselle,  de  la  bénédiction  qu'il 
vous  a  donnée  à  Beauvais  et  à  Bulles,  et  plaise  à  sa  bonté 
la  continuer  où  vous  êtes. 

La  proposition  de  l'établissement  de  la  Charité  me 
paraît  bien  ;  mais  je  crains  bien  que  la  maison  ne  la 
ruine  -.  Les  sœurs  de  la  Charité  se  déchargeront  dans 
peu  du  soin  d'aller  trouver  les  malades  chez  eux  et  se 
contenteront  d'apporter  l'ordinaire  à  l'Hôtel-Dieu,  et  les 
gardes  des  malades  y  contribueront  pour  se  décharger 
de  la  même  peine  ;  de  sorte  que  les  unes  et  les  autres 
contribuant  à  ce  désordre,  il  arrivera  bientôt.  L'expé- 
rience que  nous  en  avons  à  Joigny  me  le  fait  craindre 
avec  sujet.  Ce  qui  se  peut,  quant  à  présent,  est  de  faire 
l'établissement  et  de  travailler  à  avoir  des  fi.lles.  J'ap- 
prouverais que  vous  laissassiez  Marie  pour  commencer, 
n'était  le  besoin  que  vous  en  avez.  Si  Madame  ^  vous  pou- 
vait donner  quelque  personne  propre  pour  cela,  ou  Ma- 
demoiselle Pavillon,  vous  la  pourriez  laisser  et  dresser 
ici  celles  que  Madame  vous  pourra  donner,  ou  la  sœur 
de  l'écolier  que  les  gardes  des  malades  de  Saint-Nico- 
las entretiennent,  qui  m'est  venue  voir  et  s'est  offerte  à 
venir  toutes  fois  et  quantes  qu'on  voudra.  Elle  me  pa- 
raît bonne  fille.  Je  vous  enverrai  Monsieur  de  la  Salle, 
qui  pourra  arriver  à  Liancourt  samedi  au  soir  ou  di- 
manche matin.  Vous  verrez  cependant,  avec  Madame,  ce 
qui   sera    pour    le    mieux    ;    mais    il    ne   faut  pas   ou- 

Lettre  173.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Voir  lettre   i68,  note  i. 

2.  Madame  de  Liancourt  tenait  à  ce  qu'il  y  eût  une  maison  com- 
mune où  se  ferait  la  distribution  des  secours  et  des  remèdes.  La  visite 
à  domicile  en  aurait  souffert. 

3.  Madame   de   Liancourt. 


—  245  — 

blier  d'avoir  la  permission  de  Monseigneur  de  Beauvais 
pour  faire  l'établissement,  si  déjà  il  ne  l'a  donnée.  Que 
s'il  a  dit  à  Madame  qu'il  le  veut  bien,  c'est  assez. 
Que  si  Madame  n'a  point  cette  permission  et  qu'elle 
écrive  à  Monsieur  de  Beauvais,  et  il  lui  plaît  envoyer 
Monsieur  Duchesne  ^  pour  faire  la  prédication  le 
dimanche,  M.  de  la  Salle  fera  le  reste,  et  la  pré- 
dication aussi,  au  cas  que  ledit  sieur  Duchesne  ait  com- 
mencé ses  remèdes  ;  mais  pource  que  M.  de  la  Salle  a 
ime  espèce  de  sciatique  à  la  cuisse,  qui  l'empêche  de 
marcher.  Madame  lui  fera  la  charité,  s'il  lui  plait,  de  lui 
envoyer  un  cheval  qui  soit  ici  demain  au  soir. 

Quant  à  ce  qui  reste  à  faire  à  Beauvais,  je  pense  qu'il 
est  nécessaire  que  vous  y  repassiez  et  qu'y  étant  vous 
demandiez  à  Monsieur  le  théologal  la  lettre  que  je  vous 
écrivis  par  son  adresse  dimanche  passé,  s'il  ne  la  vous  a 
envoyée.  Et  voilà  tout  ce  que  je  vous  dirai  pour  le  pré- 
sent, sinon  que  M.  de  la  Salle  vous  portera  des  nouvelles 
de  M.  votre  fils. 

Je  suis  cependant  en  l'amour  de  Notre-Seigneur, 
Mademoiselle,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  D. 
De  Saint-Lazare,  ce  vendredi  à  2  heures. 

174.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC,  A  LIANCOURT 

L1634  '.] 
Mademoiselle, 

Je  crains  ia  maison  -,  si  Madame  ^  y  met  à  présent  les 


4.  Jérôme  Duchesne,   archidiacre   de   Beauvais. 

Lettre  174.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Voir  la  lettre   168,  note  i. 

2.  Voir   la   lettre   précédente,  note   2. 

3.  La  duchesse  de  Liancourt. 


—  246  — 

filles  ■*.  Elle  verra  dans  quelque  temps  s'il  sera  expé- 
dient qu'elle  y  fasse  transporter  les  malades.  La  saison 
n'est  guère  aisée  pour  l'établissement  de  la  Charité  en 
plusieurs  endroits.  Si  Madame  ne  se  contente  de  Lian- 
court  pour  le  présent,  je  pense  qu'il  n'est  pas  expédient 
qu'elle  le  fasse  qu'en  deux  ou  trois  villages  contigus 
seulement. 

A'Ionseigneur  de  Beauvais  désire  que  nous  parlions 
à  plein  fond  de  l'union  de  la  Charité  au  Rosaire  ^  pour 
tout  son  diocèse.  Alors  Madame  pourra  établir  et 
unir  le  Rosaire  et  la  Charité,  à  l'instar  de  ce  qui  aura 
été  résolu.  Mondit  seigneur  me  mande  que  je  lui  en 
écrive  ma  pensée  et  qu'il  en  conférera  cependant  avec  le 
R.  P.  prieur  des  Jacobins  ^.  Peut-être  sera-t-il  nécessaire 
de  se  voir  pour  cela,  pource  que  les  Pères  de  cette  ville 
en  font  difficulté. 

Tout  considéré,  je  pense  qu'il  n'est  pas  expédient  que 
vous  retourniez  pour  le  présent  à  Beauvais.  Quand  vous 
aurez  fait  à  Liancourt  et,  si  besoin  est,  à  Gournay,  ainsi 
que  Mademoiselle  Poulaillon  vous  y  pourra  convier,  si 
vous  le  trouvez  bon,  un  peu  de  repos  sera  nécessaire  ;  et 
étant  ici,  l'on  travaillera  au  règlement  de  Beauvais.  Je 
pense  même  qu'il  n'est  pas  expédient  à  présent  d'arrêter 
celui  de  Liancourt,  à  cause  de  cette  maison  et  des  filles  ; 
mais  baillez-leur  l'ordinaire  non  signé  ;  car  l'expérience 
fera  peut-être  voir  qu'il  faudra  ajouter  ou  diminuer. 
Notre-Seigneur  ayant  donné  la  loi  de  grâce  aux  hommes 


4.  Les  filles  de  bonne  volonté  qui  devaient  aider  les  dames  dans 
leurs  œuvres  de  charité. 

5.  La  confrérie  du  Rosaire  était  alors  très  répandue  dans  les  villes 
et  les  villages.  Saint  Vincent  l'avait  établie  à  Clichy  quand  il  en  était 
curé.    (Abelly,  of.  cit.,  t.  I,  chap.  vi,  fin,  p.  27.) 

6.  Les  religieux  de  Saint-Dominique,  directeurs  de  la  confrérie  du 
Rosaire^  n'étaient  pas  en  général  favorables  à  l'union  de  cette  con- 
frérie   avec   d'autres. 


—  247  — 


sans  l'écrire,  faisons  ici  de  même  pour  quelque  temps.  Je 
suis  cependant  v.  s. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


175.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre    1632  et   1636*,  probablement  le  22  juillet  -.] 

Je  suis  comme  vous,  Mademoiselle  ;  il  n'y  a  rien  qui 
me  peine  plus  que  l'incertitude  ;  mais,  certes,  je  désire 
bien  qu'il  plaise  à  Dieu  me  faire  la  grâce  de  me  rendre 
tout  indifférent,  et  à  vous  aussi.  Or  sus,  nous  travaille- 
rons, s'il  plaît  à  Dieu,  à  nous  acquérir  cette  sainte  vertu. 

Je  fus  hier  jusques  à  cinq  heures  à  Saint- Victor  ^  avec 
Monseigneur  l'archevêque  *,  qui  m'avait  commandé  de 
m'y  rendre  ;  et  à  cette  heure-là,  il  me  fi.t  monter  en  car- 
rosse pour  aller  à  la  ville  avec  lui,  d'où  je  m'en  vins  cou- 
cher céans  ^  sans  aller  au  collège.  Cela  est  cause  que 
vous  n'eûtes  point  de  mes  nouvelles.  Si  tantôt,  après- 
dînée  incontinent,  vous  prenez  la  peine  de  vous  rendre 
au  collège,  nous  parlerons  de  tout,  et  je  serai,  en  l'amour 
de  Notre-Seigneur,  celui  de  la  sainte  Vierge  et  de  sainte 
Madeleine  ^,  votre  serviteur. 


Lettre  175.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  suit  la  prise  de  possession  de  Saint-Lazare  (8  jan- 
vier 1632)  et  précède  l'établissement  des  Filles  de  la  Charité  à  La 
Chapelle    (mai    1636). 

2.  Voir  note  6. 

3.  A  l'abbaye    Saint- Victor. 

4.  Jean-François    de    Goadi. 

5.  A    Saint-Lazare. 

6.  Ce  mot  laisse  supposer  que  saint  Vincent  écrivait  sa  lettre  le 
22  juillet,   fête  de  sainte   Marie   Madeleine. 


—  248  — 

176.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  i634  et  1636  '.] 

Voilà  donc  enfin  la  première  victime  que  Notre-Sei- 
gneur  a  voulu  prendre  de  vos  Filles  de  la  Charité  ^.  Béni 
en  soit-il  à  jamais  !  J'espère,  ^Mademoiselle,  qu'elle  est 
très  heureuse,  puisqu'elle  est  morte  dans  l'exercice  d'une 
vertu  avec  laquelle  elle  ne  s'est  pu  perdre  ;  car  elle 
est  morte  dans  l'exercice  du  divin  amour,  puisqu'elle 
est  morte  dans  celui  de  la  charité.  Je  prie  Notre-Sei- 
gneur  qu'il  soit  là  dedans  votre  consolation  et  celle  de 
nos  très  chères  sœurs.  Je  vous  supplie  de  leur  donner 
à  toutes  le  bon  jour  de  ma  part. 

Il  me  semble  que  c'est  beaucoup  de  différer  l'enter- 
rement à  demain,  attendu  que  vous  n'avez  autre  cham- 
bre pour  le  ^  mettre  et  qu'il  est  à  craindre  que  cela  ne 
soit  à  trop  grand'peine  à  nos  filles  malades  et  à  vou.s. 
Vous  en  pourrez  dire  un  mot  à  Saint-Nicolas  *,  si  cela 
se  pourrait,  ce  soir  ;  sinon,  à  la  bonne  heure,  vous  enver- 
rez le  billet  comme  il  est,  mais  les  officières  ne  se  pour- 
ront point  trouver  si  matin. 

Quant  aux  habits  de  la  fille,  je  ne  vois  pas  d'incon- 
vénient qu'on  les  baille  à  la  mère  ;  cela  n'empêchera 
pas  la  charité  que  vous  lui  ferez,  comme  de  vingt  sels 
ou  demi-écu  par  mois.  Je  pense  qu'il  suffira  d'envoyer 
aux  filles  et  non  aux  officières  des  paroisses. 


Lettre  176.   —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la   Charité,   original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  entre  la  fondation  des  Filles  de  la  Cha- 
rité (29  novembre  1633)  et  le  transfert  de  leur  maison-mère  à  La 
Chapelle    (mai   1636). 

2.  Il  ne  s'agit  certainement  pas  de  Marguerite  Naseau,  morte  de  la 
peste  à  l'hôpital   Saint-Louis. 

3.  Le  corps  de  la  défunte. 

4.  Au   curé   de   Saint-Nicolas. 


—  249  — 

Pour  le  reste  qui  est  à  la  fi.n  de  votre  lettre,  je  le  veux 
bien,  et  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seig-neur... 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


177.  —  A  FRANÇOIS  DU  COUDRAY,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 

A  ROME 

25  juillet  1634. 
Monsieur, 

La  grâce    de    Notre-Seigneur    soit    avec    vous  pour 
jamais  ! 


Je  reçus  hier  la  vôtre  du  2  de  ce  mois,  par  laquelle 
[vous]  me  parliez  de  Saint-Lazare  et  comme  vous  avez 
mis  cet  affaire  en  état.  Vous  me  parlez  de  plus  de  la  ver- 
sion de  la  Bible  syriaque  en  latin  et  du  jeune  homme  ma- 
ronite, et  m'envoyez  la  copie  d'une  partie  des  privilèges 
qu'avez  obtenus.  Or,  je  vous  dirai  que  je  vis  hier  Mon- 
sieur l'avocat  général  Bignon,  estimé  des  plus  savants  et 
des  plus  pieux  et  des  plus  capables  hommes  de  sa  charge 
de  la  chrétienté  \  touchant  Saint-Lazare.  Son  avis  est 
donc  que,  quoiqu'il  ne  juge  pas  nécessaire  que  nous  re- 
courions à  Rome,  que  nous  le  fassions  néanmoins,  pour 
arracher,  comme  il  dit,  tous  les  prétextes  que  l'on  pour- 
rait avoir  ci-après  de  nous  inquiéter,  mais  pourtant  qu'il 


Lettre  177.  —  Recueil  du  procès  de  béatification. 

1.  Jérôme  Bignon,  avocat  général  au  Parlement  de  Paris,  conseil- 
ler d'Etat  et  bibliothécaire  du  roi,  était,  au  témoignage  de  Moreri 
(Le  grand  Dictionnaire  historique,  Paris,  1718,  5  vol.  in-f°J,  a  un 
de  ces  génies  extraordinaires  que  les  derniers  siècles  peuvent  hardi- 
ment opposer  aux  plus  grands  personnages  de  l'antiquité  ».  A  qua- 
torze ans,  il  était  déjà  l'auteur  des  Discours  de  la  ville  de  Rome, 
fricifales  antiquités  et  singularités  d'icelle.  L'année  suivante,  parais- 
sait le  Traité  sommaire  touchant  Véleciion  du  Pafe.  Sa  grande  science 
juridique  en  fit  le  conseiller  écouté  d'Anne  d'Autriche.  Il  travailla  au 
traité  d'alliance  avec  la  Hollande  (1649)  ^^  au  traité  conclu  avec  les 
villes  Hanséatiques  (1654).  Il  mourut  le  7  avril  1656,  à  l'âge  de 
soixante-dix  ans. 


—    250   — 

faut  tâcher  d'en  avoir  le  meilleur  marché  que  l'on 
pourra  ;  que  c'est  beaucoup  de  mille  écus  ;  que  vous 
ferez  un  effort  pour  l'avoir  le  meilleur  marché  qu'il  vous 
sera  possible  ;  que  vous  leur  fassiez  entendre  que  ce  bé- 
néfice ne  dépend  point  du  Pape,  qu'il  n'était  point  aux 
religieux  de  Saint- Augustin  ;  qu'il  est  à  la  ville  de  Pa- 
ris et  que  la  collation  en  a  toujours  appartenu  à  l'évêque 
de  Paris  ;  que  les  prieurs  lui  ont  rendu  compte  tous  les 
ans  de  l'administration  du  revenu  ;  que  cette  adminis- 
tration leur  a  été  baillée  il  n'y  a  que  cent  ou  six  vingts 
ans  ;  que  ce  bien  a  été  administré  auparavant  par  des 
prêtres  séculiers  et  quelquefois  par  des  laïques,  pource 
que  c'est  une  maladrerie  ;  qu'il  se  trouve  qu'il  y  a  en- 
viron trois  cents  ans  un  évêque  de  Paris,  nommé 
Fulco  -,  ôta  cette  administration  à  quelques  prêtres  sé- 
culiers, qui  vivaient  en  commun  dans  la  maison,  dont 
l'un  était  administrateur,  et  le  donna  à  d'autres,  sans 
autre  autorité  que  de  la  sienne  ;  que  Poncher,  aussi  évêque 
de  Paris  ^,  l'ôta  des  mains  des  prêtres  séculiers,  qui  vi- 
vaient aussi  en  commun  et  dont  l'un  était  prieur,  que 
l'évêque  commettait  ad  nutum,  notez  cela,  et  le  mit  entre 
les  mains  des  chanoines  réguliers  de  Saint-Augustin,  l'an 
mil  cinq  cent  dix-sept,  et  en  donna  l'administration  à 
l'un  d'eux,  qu'il  nomma  prieur,  déposable  aussi  ad  nu- 
tum, sans  autorité  du  Pape,  ni  d'autre  que  de  la  sienne, 
non  pas  même  du  roi,  ni  de  la  cour  ;  que  les  provisions 
de  ces  prieurs  ont  toujours  été  ad  nutum  ;  que  tous  ont 

2.  Fulco  de  Chanac,  évêque  de  Paris  de  1342  au  25  juillet  1349, 
jour  de  sa  mort. 

3.  Etienne  de  Poncher  occupa  le  siège  de  Paris  de  1503  à  1519.  Par 
acte  du  20  février  1518,  «  il  promet,  tant  pour  lui  que  pour  ses  suc- 
cesseurs, de  nommer  audit  prieuré  et  maison  hospitalière  de  Saint- 
Lazare  un  religieux  de  la  congrégation  dudit  Saint- Victor,  tant 
qu'elle  sera  en  réforme,  et  qu'en  cas  que  ladite  réforme  vienne  à 
se  relâcher,  lesdits  évêques  de  Paris  rentreront  en  leurs  droits  d'y 
établir,  comme  auparavant,  tels  autres  ecclésiastiques  qu'ils  voudront.  » 
(Arch.    Nat.    MM   534.) 


—    251    — 

rendu  compte  à  l'évêque  de  Paris  et  finalement  que  ja- 
mais aucun  prieur  n'a  pris  provision  en  cour  de  Rome 
que  celui-ci,  pour  tâcher  de  se  perpétuer,  huit  ou  dix  ans 
après  qu'il  a  été  fait  prieur  par  Monsieur  l'évêque 
de  Paris,  et  vous  verrez  cela  même  par  ses  provisions, 
dont  je  vous  ai  envoyé  la  date  ;  que  je  vous  prie  de  tenir 
et  de  bien  considérer  cette  remarque  que  je  vous  dis  ici, 
de  la  nature  de  Saint-Lazare,  et  pour  le  faire  considé- 
rer aux  officiers  de  cette  cour-là  ;  et,  quoique  le  béné- 
fice ne  dépende  point  du  Pape,  néanmoins,  par  la  dévo- 
tion que  nous  avons  de  ne  rien  posséder  que  de  son  auto- 
rité, nous  avons  désiré  en  cela  et  son  approbation  et  sa 
bénédiction.  Monsieur  l'avocat  général,  qui  connaît  la 
cour  de  Rome,  pour  y  avoir  été,  croit  que,  si  vous  repré- 
sentiez bien  tout  cela  aux  officiers,  que  vous  en  sorti- 
riez bientôt  et  à  bon  marché  ;  que  si,  après  tout,  vous 
n'en  pouvez  avoir  raison  dans  un  mois  après  les  ré- 
ceptions des  présentes,  il  est  d'avis  que  cela  ne  vous 
empêche  pas  de  vous  en  revenir  ;  car  la  confiance  que 
nous  devons  avoir  à  la  borme  volonté  de  Monsieur  Mar- 
chand, et  les  recommandations  que  nous  en  ferons  faire 
de  deçà,  nous  en  feront  venir  à  bout  à  condition  rai- 
sonnable, ainsi  qu'on  fait  en  choses  semblables,  à  la 
longue. 

C'est  pourquoi,  Monsieur,  je  vous  supplie  très  hum- 
blement d'en  user  de  la  sorte  et  de  ne  vous  pas  arrêter 
pour  cela,  non  plus  qu'à  la  proposition  qu'on  vous  fait 
de  travailler  à  la  version  de  la  Bible  syriaque  en  latin. 
Je  sais  bien  que  la  version  servirait  à  la  curiosité  de 
quelques  prédicateurs,  mais  non,  comme  je  pense,  au 
gain  des  âmes  du  pauvre  peuple,  auquel  la  Providence 
de  Dieu  vous  a  prédestiné  de  toute  l'éternité.  Il  vous 
doit  suffire.  Monsieur,  que,  par  la  grâce  de  Dieu,  vous 
avez  employé    trois    ou     quatre    ans    pour   apprendre 


—    252    — 

l'hébreu  et  que  vous  en  savez  assez  pour  soutenir  la  cause 
du  Fils  de  Dieu  en  sa  langue  originaire  et  confondre 
ses  ennemis  en  ce  royaume.  Représentez- vous  donc,  Mon- 
sieur, qu'il  y  a  des  millions  d'âmes  qui  vous  tendent  les 
mains  et  vous  disent  ainsi  :  Hélas  !  Monsieur  du  Cou- 
dray,  qui  avez  été  choisi,  de  toute  l'éternité,  par  la  provi- 
dence de  Dieu  pour  être  notre  second  rédempteur,  ayez 
pitié  de  nous,  qui  croupissons  dans  l'ignorance  des  cho- 
ses nécessaires  à  notre  salut  et  dans  les  péchés  que  nous 
n'avons  jamais  osé  confesser,  et  qui,  faute  de  votre  se- 
cours, serons  infailliblement  damnés.  Représentez-vous 
de  plus.  Monsieur,  que  la  compagnie  vous  dit  qu'il  y 
a  trois  ou  quatre  ans  qu'elle  est  privée  de  votre  présence, 
qu'elle  commence  à  s'en  ennuyer  et  que  vous  êtes  des 
premiers  de  la  compagnie,  qu'en  cette  qualité  elle  a 
besoin  de  vos  conseils  et  de  vos  exemples.  Et  écoutez, 
s'il  vous  plaît.  Monsieur,  que  mon  cœur  dit  au  vôtre 
qu'il  se  sent  extrêmement  pressé  du  désir  de  s'en  aller 
travailler  et  de  mourir  dans  les  Cévennes  et  qu'il  s'en 
ira,  si  vous  ne  venez  bientôt  dans  ces  montagnes,  d'où 
l'évêque  crie  au  secours  et  dit  que  ce  pays,  qui  a  été 
d'autres  fois  des  plus  dévots  du  royaume,  périt  main- 
tenant de  mal  faim  de  la  parole  de  Dieu  ;  qu'il  n'y 
a  point  de  village  où  il  n'y  ait  quelques  catholiques 
parmi  les  huguenots,  excepté  cinq  ou  six  ;  et  il  y  en  a 
quantité  où  il  n'y  a  point  de  prêtres,  ni  d'églises,  qui 
peut-être  attendent  leur  salut  de  vous  et  de  moi. 

Venez  donc.  Monsieur,  et  ne  tardez  plus,  s'il  vous  plaît, 
si  ce  n'est  environ  à  un  mois  ou  six  semaines,  pour  faire 
des  efforts  pour  l'affaire  de  Saint-Lazare  ;  et  je  vous 
attendrai,  au  plus  tard,  vers  la  an  de  novembre  ;  et 
amenez  quand  et  vous,  s'il  vous  plaît,  le  bon  Monsieur 
Gilioli  ^  et  ce  bon  enfant  maronite,  si  vous  pensez  qu'il 

4.    Jean   Gilioli,   prêtre  de  la   Mission,   inscrit  par  distraction  au  ca- 


—  253  — 

désire  se  donner  à  Dieu  en  cette  petite  compagnie  ;  et 
exercez-vous,  s'il  vous  plaît,  en  venant,  à  son  grec  vul- 
gaire, pour  l'enseigner  ici,  si  besoin  est  ;  que  sait-on  ? 

Monsieur  l'ambassadeur  de  Turquie  ^  m'a  fait  l'hon- 
neur de  m'écrire,  et  réclame  des  prêtres  de  Saint-Nicolas 
et  de  la  Mission  et  pense  qu'ils  pourront  plus  faire  de 
delà  que  je  n'oserais  vous  dire.  Or  sus,  nous  verrons  ce 
qu'il  conviendra  faire  lorsque  vous  serez  de  deçà,  tant 
en  cela  qu'en  toutes  autres  choses  qui  regardent  notre 
affermissement. 

Mais,  au  nom  de  Dieu,  Monsieur,  faites  votre  possible 
pour  obtenir  les  indulgences  que  Sa  Sainteté  a  données 
aux  Révérends  Pères  jésuites  et  de  l'Oratoire,  quand  ils 
vont  en  mission  à  la  campagne.  L'indulgence  est  plénière 
pour  ceux  qui  assistent  à  leurs  instructions,  se  confes- 
sent et  communient  avec  eux  à  la  campagne.  Et  plût  à 
Dieu  que  vous  en  puissiez  aussi  obtenir  pour  les  con- 
fréries de  la  Charité,  qui  font  des  merveilles,  par  la 
grâce  de  Dieu  !  Nous  l'avons  établie  en  plusieurs  pa- 
roisses de  cette  ville  et  en  avons  fait  une  depuis  peu, 
composée  de  cent  ou  six  vingts  dames  de  haute  qualité  ^, 
qui  visitent  tous  les  jours  et  assistent,  quatre  à  quatre, 
huit  ou  neuf  cents  pauvres  ou  malades  de  gelées,  con- 
sommés, bouillons,  confitures  et  toutes  autres  sortes  de 
douceurs,  outre  leur  nourriture  ordinaire,  que  la  maison 
leur  fournit,  pour  disposer  ces  pauvres  gens  à  faire  con- 
fession générale  de  leur  vie  passée  et  procurer  que  ceux 
qui  mourront  partent  de  ce  monde  en  bon  état  et  que 
ceux  qui  guériront  fassent  résolution  de  ne  jamais  plus 
offenser  Dieu,  de  sorte  que  cela  se  fait  avec  une  béné- 


talogue   des   frères   coadjuteurs,   était  né   à   Ferrare   vers   1606   et  était 
entré  dans  la  congrégation  de  la   Mission  en  juillet   1629. 

5.  Le   comte  de    Marcheville. 

6.  Les  dames  de  l'Hôtel-Dieu. 


—  254  — 

diction  particulière  de  Dieu,  et  non  seulement  à  Paris, 
mais  aussi  aux  villages  ;  et  c'est  pour  cette  confrérie  de 
la  Charité  que  Mademoiselle  Aubry  de  Vitry  vous  de- 
mande des  indulgences,  c'est-à-dire  pour  les  femmes 
qui  sont  du  corps  de  la  confrérie  et  pour  ceux  qui  ont 
soin  des  aumônes. 

Or  sus,  Monsieur,  voilà  une  longue  lettre  ;  mais  quoi  ! 
il  n'y  a  pas  de  moyen  que  j'aie  quitté  la  plume  plus  tôt, 
tant  je  me  console  en  vous  parlant. 

Et  il  faut  que  je  vous  prie  encore  de  nous  apporter 
cinq  ou  six  livres  semblables  aux  trois  premiers  que 
vous  nous  avez  envoyés  touchant  les  paroisses  de  la  con- 
grégation des  prêtres  de  l'Assomption  de  Notre-Dame 
dans  les  jésuites  de  Naples,  faite  par  le  P.  Savone, 
jésuite,  et  s'il  y  en  a  quelqu'autre  qui  nous  puisse  servir 
pour  les  missions  et  pour  nos  ordinands. 

Au  reste,  Monsieur  de  Creil  ''  ne  m'a  point  demandé 
de  l'argent.  J'attendrai  qu'il  le  fasse,  pource  que  j'y  ai 
déjà  envoyé  et  qu'on  ne  l'a  pas  trouvé,  et  que  je  crois 
que,  s'il  avait  reçu  l'ordre,  qu'il  le  nous  aurait  fait  de- 
mander. 

Je  suis  cependant,  en  vous  priant  d'avoir  soin  de  votre 
santé,  dans  l'amour  de  Notre-Seigneur,  en  l'amour  du- 
quel je  suis  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

J'oubliais  à  vous  dire  que  je  n'ai  point  reçu  les  Bulles 
et  que  je  loue  Dieu  de  ce  que  vous  les  avez  fait  raccom- 
moder, et  en  ai  une  joie  que  je  ne  vous  puis  exprimer. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  du  Coudray,  prê- 
tre, à  Rome. 


7.  Jean   de  Creil,    seigneur   de   Gournay,    secrétaire   du   roi,   père   de 
Madame  de   Marillac. 


255 


178.  —  AU  PAPE  URBAIN  VIII 

[Entre  juillet  et  novembre  i634  ^] 
Beatissime  Pater, 

Adest  in  suburbio  Sancti-Dionysii  civitatis  Pari- 
siensis  quaedam  domus  hospitalis  Sancti-Lazari,  lepro- 
saria  nuncupata,  ab  infrascriptis  praeposito  et  scabinis, 
pro  habitatoribus  civitatis  Parisiensis  lepra  afflictis 
alendis  curandisque,  priscis  temporibus  instituta  et  do- 
tata,  quae,  tractu  temporis,  prioratus  nomen  seu  deno- 
minationem  sortita  est,  et  etiam  nunc  prioratus  appella- 
tur,  quaeque,  prout  ejus  reditus,  ab  ipso  illius  funda- 
tionis  primordio,  a  quibusdam  presbyteris  saecularibus 
seu  regularibus,  aut  forsan  etiam  laïcis,  a  pro  tempore 
existente  Episcopo  Parisiensi  poni  et  amoveri  solitis,  ad- 
ministrati  fuerunt,  donec  de  anno  millesimo  quingen- 
tesimo  decimo  tertio  aut  millesimo  quingentesimo  decimo 
quarto  bonae  memoriae  Poncher  ^,  tune  Episcopus  Pari- 
siensis, administrationem  hujusmodi  canonicis  regulari- 
bus reformatis  Ordinis  Sancti-Augustini  demandavit,  il- 
losque  in  dictum  prioratum  introduxit,  cum  onere  horas 
canonicas  in  ecclesia  ipsius  prioratus  recitandi  et  missam 
cantatam  quotidie  celebrandi  et  pauperes  leprosos  adve- 
nientes  recipiendi  eisque  necessaria  subministrandi,  et, 
cum  hoc,  quod  is  ex  dictis  religiosis  quem  dictus  et  pro 
tempore  existens  Episcopus  Parisiensis  in  priorem  depu- 
taret,  ad  ejus  nutum  prioratus  seu  domus  hospitalis  et 
redituum     hujusmodi    administrator   esset,    cum    onere 


Lettre  178.  —  Parisien.  Beatificationis  et  Canonizationis  Ven.  Ser- 
vi Dei  Vinceniii  de  Paulis.  Sufer  dubio  :  An  constet  de  virititibus 
theologalibus...  Suin7narium  responsivum,  p.  43  et  suiv. 

1.  Cf.  lettres  177  et  188. 

2.  Etienne  de  Poncher   (  1503-15 19). 


-  256  - 

administrationis  suae  rationem  quotannis  eidem  epis- 
copo   reddendi. 

Xuper  vero  Adrianus  Le  Bon,  presbyter  ejusdem  Or- 
dinis  expresse  professus,  modernus  prior  seu  adminis- 
trator,  ad  nutum  a  bonae  memoriae  Henrico  de  Gondy, 
dum  vixit,  Sanctae  Romanae  Ecclesiae  Cardinali  de 
Retz  nuncupato  et  Ecclesiae  Parisiensis  praesule  ^,  de- 
putatus,  et  alii  ejusdem  prioratus  seu  hospitalis  domus 
religiosi,  devoti  Sanctitaitis  Vestrae  oratores,  consi- 
dérantes in  praesentiarum  et  a  multo  jam  tempore  in 
dicto  prioratu  seu  leprosaria  nullos  ad  fuisse  nec  adesse 
leprosos  atque  ita  reditus  a  fundatoribus  relictos  desti- 
natis  usibus  amplius  non  inservire  et  operae  pretium  fore 
eosdem  reditus  iis  operariis  assignare  qui,  si  non  corpo- 
rali,  sane  animarum  lepra  afflictis  spiritualia  pabula  et 
medicamina  porrigunt  ;  inter  caetera  vero  instituta 
maxime  conspicuum  esse  institutum  congregationis  pres- 
byterorum  ISIissionis,  non  ita  pridem  in  civitate  Pari- 
siensi  apostolica  auctoritate  erectae,  cujus  alumni,  pro 
suo  proprio  et  peculiari  instituto,  instructionem  rustico- 
rum  in  villis  et  pagis  habitantium,  in  rébus  quae  ad  saîu- 
tem  animarum  pertinerent,  gratis  et  amore  Dei,  laborum 
suorum  mercedem  a  solo  Deo  expectantes,  sibi  propo- 
suerunt  ;  quo  in  opère  exercendo  eos  tantam  tamque 
sedulam  operam  indefessis  animarum  corporumque  stu- 
diis  impendisse  et  impendere  notum  est,  ut,  eorum  doc- 
trina,  multi  in  diversis  Galliae  regionibus  atque  provin- 
ciis,  tum  vero  praecipue  in  Montis-Albani  dioecesi,  hae- 
resis  labe  infecti,  ut  per  Galliam  vulgata  fama  est,  ab- 
jurata  haeresi,  catholicam  ûdem  amplexi  sint. 

Atque  ita  existimantes  a  fundatorum  intentione  alie- 
num  non   fore,  si   dicti  reditus,  corporali  leprae  curan- 


3.    Henri    de   Gondi,    premier  cardinal    de  Retz,    occupa    le   siège   de 
Paris   de   1598   à    1622. 


—  257  — 

dae  destinati,  animarum  lepram  curantibus  assignentur, 
eisque  suppetentibus  sibi  facultatibus  corporalia  etiam 
pabula  praebituris,  cum  devoto  etiam  Sanctitatis  Vestrae 
oratore  Vincentio  de  Paul,  ipsius  congregationis  supe- 
riore,  nomine  ejusdem  congregationis  stipulante  et  accep- 
tante, sub  Sanctitatis  Vestrae  et  Sedis  Apostolicae  ac  Ar- 
chiepiscopi  Parisiensis  beneplacito,  contractum  inierunt, 
per  quem  idem  Adrianus,  prier  seu  administrator,  et  reli- 
giosi  prioratus  seu  domus  hospitalis  hujusmodi  pro  om- 
ni  suo  jure  et  interesse  consenserunt  quod  dictus  prio- 
ratus, una  cum  ecclesia  et  aedificiis  ac  omnibus  et  sin- 
gulis  suis  bonis,  juribus,  fructibus,  pertinentiis  et  depen- 
dentiis,  concederetur  seu  uniretur  dictae  congregationi, 
et  omni  cuicumque  juri  eis  in  dicto  prioratu  seu  lepro- 
saria  vel  ejus  administratione  competenti  cesserunt,  cum 
infradictis  tamen  conditionibus,  reservationibus  et  pac- 
tis,  videlicet  quod  tota  habitatio  quam  in  dicto  prioratu 
occupabat  dictus  Adrianus,  prior  seu  administrator  ille, 
vita  illius  durante,  atque  etiam  denominatio  prioris  rema- 
neret,  et  a  dicta  habitatione  quacumque  causa  vel  occa- 
sione  amoveri  non  posset,  liberumque  ei  esset  ad  eccle- 
siam  prioratus  seu  domus  hospitalis  hujusmodi  accedere 
divinisque  ofâciis  in  suo  loco  seu  sede  assistere  in  capi- 
tule et  refectorio,  cum  ei  liberet  intervenire,  eique  reser- 
vata  intelligeretur,  vita  sua  durante,  terra  de  Rouge- 
mont  "*  a  dicto  prioratu  seu  hospitali  domo  dependens, 
cum  omnibus  ejus  pertinentiis,  et  cum  hoc  quod  pres- 
byteri  dictae  congregationis  eidem  Adriano  pro  sua 
portione  seu  loco  pensionis,  quamdiu  vixerit,  bis  mille 
et  centum  libras  monetae  illarum  partium  ab  omnibus 


4.  La  ferme  de  Rougemont,  située  dans  la  forêt  de  Bondy  (Seine) 
comprenait  une  grande  étendue  de  bois  et  de  terres  cultivées.  Adrien 
Le  Bon  en  fit  donation  à  saint  Vincent  le  ri  février  1645  "  pour  la 
bonne  amitié  et  affection  »  qu'il  portait  à  Messieurs  de  Saint-Lazare. 
(Arch.  nat.,  S  6698,  pièces  i  et  2.) 

17 


—  258  — 

decimis  ordinariis  et  extraordinariis,  reparationibus,  pen- 
sionibus  religiosorum  et  aliis  oneribus  et  impositionibus 
libéras,  annis  singulis,  in  quatuor  terminis,  nempe  Pas- 
chalis  Resurrectionis  Dominicae,  Nativitatis  sancti  Joan- 
nis-Baptistae,  sancti  Remigii  et  Nativitatis  Domini  Nos- 
tri  Jesu  Christi   festivitatibus,  primo  solutionis  termino 
in   altéra   dictarum    festivitatum    apprehensionem   pos- 
sessionis  dicti  prioratus  seu  domus  hospitalis  per  dictos 
presbyteros    immédiate    sequente,   incipientes  solvere    ; 
et   pro    hujusce    solutionis    securitate,    ultra       obliga- 
tionem   et   hypothecam    omnium    bonorum   et   redituum 
ipsius  prioratus  seu  domus    hospitalis    aut  leprosariae, 
etiam   omnia   et   singula  ejusdem  congregationis  bona 
obligare,  et  praeterea  devotus  vester  Philippus  Emma- 
nuel  de     Gondy,    presbyter    Oratorii,   se   Êdejussorem 
praestare  et  constituere  teneretur    ;  item  omnia  crédita 
dicti  prioratus  seu  domus  hospitalis,  omniaque  illi  dé- 
bita et    usque   ad     possessionem   dictae   congregationis 
debenda  in  commodum  dicti  Adriani  cédèrent,  ipseque 
illa  a  debitoribus  exigere  et  ad  hune  effectum  omnibus  re- 
mediis  necessariis,  etiam  sub  nomine  dictae  congrega- 
tionis, uti  posset,   dictique  presbyteri   illi   pretium  pro- 
visionum  et  munitionum  frumenti,  vini  et  lignorum  per 
ipsum  pro  usu  domus  ejusdem  prioratus  seu  domus  hos- 
pitalis  provisionaliter  emptorum,   pro   rata   parte  quae 
tempore  dictae  possessionis  inibi  reperietur,  juxta  aesti- 
mationem  a  peritis  faciendam  rehcere  tenerentur  ;  ipse- 
que   Adrianus    a    redditione    residuorum    computorum 
administrationis  suae,  a  tempore  quo  ei  commissa  fuit 
usque  ad  diem  dictae  possessionis,  liberetur,  et  reciprocc 
iidem  prioratus  seu  hospitalis  domus  presbyteri  erga  ip- 
sum Adrianum,  qui  prioratum  seu  domum  hospitalis  hu- 
jusmodi  tempore  dictae  possessionis  ab  omnibus  debitis 
liberum  redderet,  exonerati  remanerent    ;   quo  vero  ad 


—  259  — 

reditus  seu  census  ab  ipso  Adriano,  durante  sua  admi- 
nistratione,  ad  favorem  prioratus  seu  domus  hospitalis 
hujusmodi  emptos,  ipse  illis,  vita  sua  durante,  gauderet, 
illis  autem  post  ejus  obitum  in  commodum  dictae  con- 
gregationis  cessuris  ;  et  quia  pretium  affictuum  bono- 
rum  prioratus  seu  domus  hospitalis  hujusmodi  et  ma- 
jor pars  illius  censuum  et  redituum  non  solvebantur 
nisi  in  festis  sanctorum  Remigii  et  Martini,  et  hoc  in- 
térim pro  supportandis  illius  oneribus  tam  pro  manu- 
tentione  illius  ecclesiae  et  aedi&ciorum  affictuum,  quam 
etiam  pro  victu  et  alimentis  religiosorum,  dicto  Adria- 
no magni  sumptus  faciendi  erant  et  aes  alienum  contra- 
hendum,  convenerunt  quod  dictus  Adrianus  se  ad  pro- 
portionem  a  se  expensorum  tempore  dictae  possessionis 
super  dictis  affictibus  et  censibus  praevalere  posset.  Oc- 
curente  vero  obitu  Adriani  et  religiosorum  praedictorum, 
iidem  presbyteri  illos,  uti  suos  benefactores,  ecclesias- 
ticae  sepulturae  tradere,  et,  die  obitus  dicti  Adriani  et 
duobus  sequentibus  non  impeditis,  tria  sacra,  et  deinde 
quolibet  anno  in  perpetuum  simili  die  pro  ejus  animae 
refrigerio  in  ecclesia  prioratus  seu  domus  hospitalis 
hujusmodi  unum  anniversarium  celebrare,  et  ad  simi'is 
obiigationis  memoriam  posteritati  relinquendam,  epi- 
taphium  seu  monumentum  aliquod  in  dicta  ecclesia  cum 
hujus  obiigationis  inscriptione  apponere,  et  duo  servi- 
tia  solemnia  pro  fundatoribus,  benefactoribus  et  reli- 
giosis,  unum  videlicet  primo  die  vacante  post  octavam 
Epiphaniae  et  alterum  die  lunae  post  festum  Sanctis- 
simae  Trinitatis  ;  pro  singulis  vero  religiosis  dicti  prio- 
ratus unum  servitium  in  fine  anni  cujuslibet  illorum 
obitus  celebrare  tenerentur  ;  liceret  quoque  aliis  religio- 
sis praedictis  in  eodem  prioratu  seu  hospitali  domo 
manere  et  habitare,  prout  antea  fecerunt,  donec  sub  ju- 
risdictione  dicti  archiepiscopi  viverent,  et  pro  sua  habi- 


—  26o  

tatione  appartamentum  super  magna  via  suburbii  exis- 
tens  et  alia  ipsius  prioratus  seu  domus  hospitalis  loca 
convenientia  occuparent  ;  dormitorium  vero  et  loca  cle- 
ricalia  penitus  libéra  eisdem  presbyteris  relinquerent, 
dictique  presbyteri  cuilibet  ex  dictis  religiosis  quolibet 
anno  quingentas  libras  pro  eorum  victu  et  vestitu,  et  cu- 
juslibet  eorum  vita  durante,  in  praedictis  terminis  aut 
alteris,  prout  eisdem  religiosis  placeret  aut  eorum  néces- 
sitas exigeret,  solvere  obligati  essent  ;  et,  pro  harum 
portionum  tam  Adriani  prioris,  quam  aliorum  religioso- 
rum  solutionis  facilitate,  dicti  presbyteri  religioso  recep- 
tori  ^  continuationem  exactionis  redituum  usque  ad  pa- 
cificam  dictae  congregationis  possessionem  permitterent. 
et  ad  hune  effectum  ei  necessariam  procurationem  concé- 
dèrent. Quod  si  religiosis  praedictis  placeret  in  communi 
cum  dictis  presbyteris  vivere,  id  eis  liceret,  solvendo  ex 
dicta  quingentarum  librarum  summa  cuilibet  illorum,  ut 
praefertur,  solvendo  ducentas  libras  pro  cujuslibet  eo- 
rum victu,  reliquis  trecentis  libris  eis  pro  aliis  eorum  ne- 
cessitatibus  liberis  remanentibus  ;  in  casum  vero  infirmi- 
tatis  tam  Adriani  quam  religiosorum  hujusmodi,  in  infir- 
maria  communi  curari  eisque  cibus  et  potus  ac  medici- 
nae  a  dictis  presbyteris  praestari  ipsisque  de  medico, 
chirurgo  et  pharmacopola  solvendo  pro  rata  temporis 
ad  rationem  ducentarum  librarum  etiam  provideri  debe- 
ret  ;  liberumque  iisdem  religiosis  esset  seorsim  et  parti- 
culariter  in  dicto  prioratu  seu  domo  hospitali  vivere  aut 
ad  alium  regularem  locum,  de  licentia  dicti  archiepis- 
copi,  absque  ulla  diminutione  dictae  summae,  se  reci- 
pere  ;  eveniente  vero  obitu  alicujus  ex  dictis  religiosis, 
iidem  presbyteri  ab  illius  portionis  seu  pensionis  praes- 
tatione  liberi  remanerent,  nec  in  demortui  seu  demor- 
tuorum  locum    alii    religiosi    seu  novitii    reciperentur  ; 

5.  Le  receveur  était   alors   Claude   Cousin. 


201    

et  in  casum  talis  obitus,  supellex  demortui  usibus 
superstitum  religiosorum  in  dicto  prioratu  seu  hospitali 
domo  personaliter  residentium  inserviret,  illis  omnibus, 
post  obitum  omnium  religiosorum  praedictorum,  in  com- 
modum   dictorum   presbyterorum  cessuris. 

Item,  statim  apprehensa  per  praedictos  presbyteros 
dicta  possessione,  ipsi  apud  dictum  prioratum  seu  hospi- 
talem  domum  personaliter  residere  illiusque  ecclesiae 
servira  m  eaque  divino  cultui  ad  Dei  gloriam  et  exonera- 
tionem  suarum  conscientiarum  diligenter  vacare  ac  sub 
inventario  omnia  ornamenta,  reliquias,  supellectilia 
eis  a  dictis  religiosis  tradenda  et  assignanda  recipere  ; 
domos,  possessiones  dicti  prioratus  seu  hospitalis  domus 
manu  tenere  in  eisque  reparationes  necessarias  suis 
sumptibus,  absque  ulla  dictorum  religiosorum  contribu- 
tione,  facere  ;  leprosos  venientes  recipere  eisque  omnia 
necessaria,  tam  spiritualia  quam  corporalia,  subminis- 
trare  deberent.  Si  autem  presbyteri  dictae  congregatio- 
nis,  alias  quam  facto  aut  culpa  dictorum  religiosorum, 
dictum  prioratum  seu  hospitalem  domum  desererent, 
occasione  solutionum  anticipatarum  dictis  Adriano  et 
aliis  religiosis,  aut  reparationum  forsan  factarum  aut 
sumptuum  quovis  alio  modo  supportatorum,  nihil  répé- 
tera possent  ;  et  in  casum  desertionis  seu  discessus  hujus- 
modi,  idem  contractus  nullus  nulliusque  effectus  esset, 
et  iidem  religiosi  ad  sua  primaeva  jura  et  privilégia  re- 
dirent. Quae  quidem  pacta,  conditiones  et  omnia  supe- 
rius  expressa  Vincentius,  superior  praedictus,  nomine 
quo  supra,  casu  quo  dictae  congregationi  idem  priora- 
tus cum  omnibus  suis  pertinentiis  et  dependentiis  con- 
cedatur,  acceptavit  illaque  adimplere  promisit,  et  alias, 
prout  in  contractu  seu  conventione  hujusmodi  ac  publie© 
desuper  confecto  instrumente  plenius   continentur. 

Deinde  vero  devota  creatura  vestra  Joannes  Francis- 


202    

eus  de  Gondy,  modernus  Archiepiseopus  Parisien- 
sis,  ad  quem,  prout  ad  ejus  praedecessores,  ut  su- 
pra dictum  est,  positio  et  amotio  prioris  seu  adminis- 
tratoris  diçti  prioratus  seu  leprosariae  pertinet,  provide 
animadvertens  introductionem  presbyterorum  dictae 
congregationis  in  dictum  prioratum  seu  hospitalem  do- 
mum  illiusque  ac  rerum  ejus,  proprietatum  ac  fructuum 
eidem  congrcgationi  concessionem  in  majorem  Dei  glo- 
riam  et  animarum  salutem  cessuram,  de  dicto  contractu 
omnibusque  in  eo  contentis  plenissime  informatus,  prio- 
ratum seu  hospitalem  domum  hujusmodi,  de  consensu 
serenissimi  principis  Ludovici,  Francorum  et  Navarrae 
régis  christianissimi,  et  praepositi  mercatorum  et  scabi- 
norum  dictae  civitatis,  ipsius  prioratus  seu  domus  hos- 
pitalis  fundatorum,  cum  ejus  ecclesia  omnibusque  et  sin- 
gulis  illius  aedificiis,  hortis,  bonis,  pertinentiis,  rébus  et 
fructibus  et  emolumentis  quibuscumque,  necnon  omni- 
bus et  singulis  libertatibus,  franchisiis  et  privilegiis  ei 
competentibus,  eidem  congrcgationi,  cum  obligatione 
pacta  et  conventiones  in  dicto  contractu  contenta  ob- 
servandi,  in  perpetuum  ordinaria  sua  auctoritate  con- 
cessit,  univit,  annexuit  et  incorporavit,  sub  infradictis 
etiam  conditionibus,  videlicet  quod  dictus  Adrianus 
etiam  deinceps  in  dictos  religiosos  superioritatem  exer- 
ceat  ipsique  religiosi  illi  obedientiam  quam  professi  sunt, 
praestent,  quodque  pro  tempore  existens  Archiepiseopus 
Parisiensis  in  dictiun  prioratum  et  presbyteros  dictae 
congregationis  inibi  pro  tempore  degentes  omnem  jusris- 
dictionem  ac  jus  visitandi  in  spiritualibus  et  tempora- 
libus  habeat  ;  ipsique  presbyteri,  quorum  unus  ab  ipsa 
congregatione  in  superiorem  eligatur,  divinum  officium 
canonicale  in  choro  recitare  voce  mediata,  sine  cantu,  et 
januis  chori  clausis,  ac  sanctum  missae  sacrificium,  sub- 
missa  voce,  ne  in  eorum  labore  percurrendi  pagos  ibique 


203    

docendi  retardentur  celebrare  ;  omnes  fundationes  dicti 
prioratus  seu  domus  hospitalis  adimplere,  leprosos  dic- 
tae  civitatis  ejusque  suburbiorum  excipere  in  dicto  pcio- 
ratu  ;  duodecim  saltem  dictae  congregationis  alumnos, 
quorum  ad  minimun  octo  presbyteri  sint,  qui  in  percur- 
rendis  pagis  Dioecesis  Parisiensis,  sumptibus  ipsius  con- 
gregationis, occupentur,  et  in  singulis  pagis  unum  vel 
duos  menses,  pro  locorum  necessitate,  commorentur,  et  ibi 
fidei  raysteria  doceant,  confessiones  praecipue  générales 
audiant,  auditores  in  rébus  christianis  instituant,  animas 
ad  dignam  sacrosanctae  Eucharistiae  sumptionem  prae- 
parent,  pacem  inter  dissidentes  componant  ;  retinere  te- 
neantur,  temporibus  quibus  de  more  Parisiis  conferantur 
ordines,  canditatos  ordinum  Parisiensis  Dioecesis  ab 
arciiiepiscopo  mittendos  in  dicto  prioratu  seu  domo  hos- 
pitali,  eisque,  spatio  quindecim  dierum  ante  ipsos  dies 
ordinationum,  necessaria  ad  victum  et  habitationem  apud 
se  subministrent,  illos  in  exercitiis  spiritualibus,  utpote 
confessione  generali,  quotidiano  conscientiae  examine, 
meditationibus  mutationis  status  et  vitae  et  eorum  quae 
propria  sunt  cujusque  ordinis  et  viros  ecclesiasticos 
décent,  ac  in  caeremoniis  Ecclesiae  rite  servandis  occu- 
pent ;  hisque  supportatis  oneribus,  quidquid  ex  f  ructibus 
dicti  prioratus  superfuerit  in  communes  dictae  congre- 
gationis usus  convertant.  Quibus  mediantibus,  idem 
Joannes  Franciscus  archiepiscopus,  suo  suorumque  suc- 
cessorum  nominibus,  praedictos  presbyteros  congrega- 
tionis a  redditione  computorum  et  administrationis 
redituum  ipsius  prioratus  seu  domus  hospitalis  ejus- 
que annexorum  et  dependentium  in  perpetuum  liberavit 
et  exoneravit,  prout  in  ipsms  Joannis  Francisci  archie- 
piscopi  litteris  desuper  confectis  etiam  plenius  conti- 
netur. 

Cum  autem,  Pater  Sancte,  praedicta  omnia  pro  majori 


—  264  — 

Dei  gloria  facta  fuerint  dictique  oratores  illa  pro  eorum 
subsistentia  S[anctitatis]  V[estrae]  et  Sedis  Apostolicae 
patrocinio  communiri  cupiant,  supplicant  humiliter  ei- 
dem  Sanctitati  Vestrae  oratores  praedicti,  quatenus  in 
praemissis  opportune  providentes  eosque  specialis  gra- 
tiae  favore  prosequentes,  contractum  inter  dictos  ora- 
tores initum,  necnon  concessionem  seu  unionem  prio- 
ratus  seu  domus  hospitalis  hujusmodi,  illiusque  eccle- 
siae,  bonorum,  rerum,  proprietatum  et  dependentium 
quorumcumque  per  dictum  Joannem  Franciscum  archie- 
piscopum  eidem  congrégation!  Missionis,  ut  praefertur, 
factam,  omniaque  et  singula  in  illis  dictisque  litteris 
contenta,  licita  tamen  et  honesta  et  inde  légitime  secuta 
quaecumque,  apostolica  auctoritate  perpetuo  approbare 
et  confirmare,  illisque  perpetuae  et  inviolabilis  aposto- 
licae firmitatis  robur  adjicere,  ac  omnes  et  singulos  tam 
juris  quam  facti,  et  solemnitatum  etiam,  quantumvis 
substantialium  et  de  jure  requisitarum,  defectus,  si  qui 
desuper  intervenerint,  suppiere,  ipsosque  oratores  ad  con- 
tractus  hujusmodi  et  contentorum  in  eo  observationem 
obligatos  esse  et  ab  illis  recedere  non  posse,  irritumque 
decemere  nihilominus  praevia,  quatenus  opus  sit,  et  qua- 
tenus, ob  praedictam  introductionem  et  permanentiam 
religiosorum  dicti  Ordinis  in  prioratu  seu  domo  hospi- 
tali  hujusmodi  illiusque  fructuum  administrationem, 
aliqua  regularitas  inducta  sit  aut  inducta  dici  vel  censeri 
possit  in  eo  seu  in  ea  omnibusque  ejus  membris  et  perti- 
nentiis,  non  tamen  personis  dictorum  religiosorum  prae- 
dicti Ordinis,  omnisque  regularitatis,  necnon  cujusvis 
status,  naturae,  essentiae,  dependentiae  et  denomina- 
tionis  regularis,  ita  ut  ex  nunc  deinceps  regularia  esse 
desinant  suppressione,  extinctione  illorumque  ad  statum 
saecularem  reductione,  prioratum  seu  hospitalem  domum 
hujusmodi,  qui  seu  quae  titularis  ac  bene&cium  ecclesia<^- 


—  265  — 

ticum  non  est,  sed  simplex  administratio,  ad  nutum  pro 
tempore  existensis  Archiepiscopi  Parisiensis  amovibilis, 
etiam  una  cum  ejus  ecclesia  omnibusque  illius  membris 
et  pertinentiis,  ac  cum  omnibus  et  singulis  oneribus,  re- 
servationibus,  pactis  et  conditionibus  tam  in  contractu  ac 
instrumento,  quam  in  litteris  dicti  Joannis  Francisci  ar- 
chiepiscopi contentis,  quae,  hic  pro  plene  et  sufficienter 
repetitis,  Sanctitati  Vestrae  habere  placeat  eidem  con- 
gregationi  Missionis,  ita  quod  possessionem  illius 
superiori  et  presbyteris  prioratus  seu  domus  hos- 
pitalis  hujusmodi,  illius  ecclesiae  ac  bonorum,  jurium 
et  dependentium  quorumque  realem  et  actualem  li- 
ceret,  per  se  vel  alium  seu  alios,  ejusdem  congre- 
gationis  nomine  seu  nominibus,  propria  auctoritate 
libère  apprehendere,  retinere  illorumque  fructus,  re- 
ditus,  proventus,  jura,  obventiones  et  emolumenta 
quaecumque  recipere,  exigere,  locare,  arrendare  ;  et, 
supportatis  oneribus  et  adimpletis  pactis  et  conditioni- 
bus in  contractu  et  instrumento,  necnon  dicti  Joannis 
Francisci  archiepiscopi  litteris  praedictis  contentis,  resi- 
duum  in  communes  usus  et  utilitatem  dictae  congrega- 
tionis  convertere,  dioecesani  loci  vel  eu  jus  vis  alterius 
licentia  desuper  minime  requisita,  apostolica  auctori- 
tate itidem  perpetuo  concedere  et  assignare,  seu  tmire, 
armectere  et  incorporare  ;  praesentes  quoque  et  desuper 
conficiendas  litteras  sub  quibusvis  similium  vel  dissimi- 
lium  gratiarum  revocationibus,  suspensionibus,  limita- 
tionibus  aut  illis  contrariis  dispositionibus  non  com- 
prehendi,  sed  semper  ab  illis  excipi,  et  quoties  illas  revo- 
cari,  suspendi,  limitari  aut  contra  illas  aliquid  disponi 
contigerit,  toties  illas  in  pristinum  et  validissimum  sta- 
tum  restitutas,  repositas  et  plenarie  reintegratas  esse  et 
fore,  sicque  per  quoscumque  judices,  etc.  judicari,  etc.  de- 
bere,  irritumque,  etc.  decemere  dignemini  de  gratia  spe- 


—  266  — 

ciali,  non  obstantibus  praemissis,  ac  vestra  de  exprimen- 
do  vero  valore,  ac  Lateranensis  Concilii  novissime  cele- 
brati  uniones  perpétuas,  nisi  in  casibus  a  jure  permissis 
fieri  prohibentis,  aliisque  constitutionibus  et  ordinationi- 
bus  apostolicis,  dictorumque  domiis  hospitalis  seu  prio- 
ratus  ac  Ordinis,  etiam  juramento,  etc.,  roboratis,  statu- 
tis,  etc.,  priscis  quoque  Indultis  et  Litteris  Apostoli- 
cis, etc.,  caeterisque  contrariis  quibuscumque  cum  decre- 
tis  opportunis  '^. 

TRADUCTION 

Très  Saint  Père, 

Au  faubourg  Saint-Denis  de  la  ville  de  Paris  se  trouve  la 
maison  hospitalière  ou  léproserie  de  Saint-Lazare,  ainsi  dé- 
nommée parce  qu'elle  a  été  autrefois  fondée  et  dotée  par  le 
prévôt  et  les  échevins  pour  l'entretien  et  le  soulagement  des 
lépreux  de  Paris.  Elle  a  pris,  avec  le  temps,  le  nom  de  prieuré, 
quelle  porte  encore.  L'administration  en  fut  confiée  dès  le 
début  à  des  prêtres  séculiers  ou  réguliers,  peut-être  même  à 
des  laïques,  révocables  au  gré  de  Tévêque  de  Paris,  puis,  en 
15 13  ou  1514,  aux  chanoines  réguliers  de  la  réforme  de  Saint- 
Augustin.  En  y  appelant  ces  religieux,  Poncher,  évêque  de 
Paris,  d'heureuse  mémoire,  leur  imposa  Tobligation  de  réciter 

6.  On  lit  à  la  suite  de  la  supplique  :  «  Fiai  ut  fetilur.  Et  cum 
absolutions  a  censuris  ad  eff-ectum,  etc.,  et  quod  veriores  contractus  ac 
instrumenii  necnon  ] oannis-Francisci  archiepiscofi  Litterarum  hujus- 
ftiodi  tcnores,  ■pra''mi':sis  iamen  non  contrariis  ac  frticiuum  dicti  friora 
tus  seu  do  mus  hospitalis  veri  annui  val  or  es  habeanlur  fro  exfressis 
seu  in  toto,  vel  in  farte  exfrimi  fossint  et  de  ferf étuis  de  confirma 
tione,  affrobatione,  adjeciione,  suffletione,  concessione,  assignatione 
unione,  annexione,  incorforaiione  et  aliis  fraemissis  latissime  existen 
et  quod  ftaernissorum  omniutn  et  singulorum  etiam  qualitate  invoca 
torum  denominatorum,  nuncufatorum  aliortimque  necessariorum  major 
et  verior  sfecificatio  et  exfressio  fieri  fossit  in  Litteris  et  committattir 
Ordinario  cum  clausula  Vocatis,  etc.,  et  ad  fartium  sufflicationem 
et  ex  voto  S.  H.  E.  Cardinalium  negotiis  regularium  fraefositorum. 

«    Datum  Tiomae  apud  S.  fetruni,  idibus  martii,  anno  duodecimo.    » 

Ce   fut  donc  le   15  mars   1635   que  la  supplique   fut  agréée. 

Après  ces  mots,  le  copiste  a  ajouté  :  «  Sumftum  ex  registro  su-p- 
flicationum  afostolicarum.  Collationatum  fer  me  Fr'anciscum  Cau- 
seum  ejiisdem  registri  magistrum,  a  iergo,   22  libro,  folio  223.    » 


—  267  — 

les  heures  canoniales  dans  l'église  du  prieuré,  d'y  chanter 
chaque  jour  la  messe,  de  recevoir  et  d'entretenir  les  lépreux 
indigents  qui  se  présenteraient.  Il  décida,  en  outre,  que  le 
prieur  serait  choisi  par  lui  ou  par  ses  successeurs  et  aurait,  au- 
tant que  l'évê^iue  le  jugerait  bon,  l'administration  du  prieuré 
ou  de  l'hôpital  et  de  ses  revenus  et  rendrait  chaque  année 
compte  de  sa  gestion  à  l'évêque  de  Paris. 

Récemment  Adrien  Le  Bon,  prêtre  profès  du  même  Ordre, 
dernier  prieur  ou  administrateur  de  Saint-Lazare,  nommé  par 
Henri  de  Gondi,  d'heureuse  mémoire,  évêque  de  Paris,  cardinal 
de  la  sainte  Eglise  Romaine,  dit  cardinal  de  Retz,  et  les  autres 
religieux  du  même  prieuré  ou  maison  hospitalière,  tous  dé- 
voués serviteurs  de  Votre  Sainteté,  considérant  que  mainte- 
nant et  depuis  longtemps  il  n'y  a  pas  de  lépreux  dans  ce 
prieuré  ou  léproserie,  qu'ainsi  il  est  impossible  de  faire  servir 
les  revenus  aux  fins  de  la  fondation  et  qu'il  convient  de  les 
attribuer  aux  ouvriers  qui  s'emploient  à  nourrir  et  à  médica- 
menter  spirituellement  les  personnes  atteintes  de  la  lèpre  du 
péché  ;  considérant  de  plus  qu'entre  les  Instituts  se  recom- 
mande tout  spécialement  l'Institut  des  prêtres  de  la  Mission, 
érigé  à  Paris,  par  autorité  apostolique,  il  y  a  peu  d'années, 
et  que  les  membres  qui  le  composent  ont  pour  fin  spéciale  de 
parcourir  les  bourgs  et  les  villages,  afin  d'instruire  les  habi- 
tants des  vérités  nécessaires  au  salut,  sans  demander  aucun 
salaire,  attendant  de  Dieu  seul  la  récompense  due  à  leurs  tra- 
vaux, s'acquittent  de  leurs  fonctions  avec  tant  d'ardeur  et  de 
zèle  que,  grâce  à  eux,  dans  diverses  régions  et  provinces  de 
France,  au  diocèse  de  Montauban  surtout,  bon  nombre  d'héré- 
tiques, ainsi  que  le  bruit  s'en  est  répandu  dans  le  pays,  ont 
abjuré  l'hérésie  et  embrassé  la  foi  catholic[ue  ;  c'est  pourquoi 
les  susdits  religieux,  estimant  rester  dans  l'intention  des  fon- 
dateurs en  employant  pour  la  guérison  de  la  lèpre  spirituelle 
et  le  soulagement  corporel  de  ceux  qui  en  sont  affligés,  des 
revenus  laissés  pour  guérir  la  lèpre  corporelle,  ont  convenu 
ce  qui  suit  avec  Vincent  de  Paul,  humble  suppliant  de  Votre 
Sainteté,  supérieur  dudit  Institut,  stipulant  et  acceptant  au 
nom  de  cette  même  congrégation,  sous  le  bon  plaisir  de  Votre 
Sainteté,   du  Siège  apostolique  et  de  l'archevêque  de  Paris. 

Adrien  Le  Bon,  prieur  ou  administrateur  de  Saint-Lazare,  et 
les  religieux  du  prieuré,  agissant  dans  la  mesure  de  leurs 
droits,  ont  accepté  l'union  à  ladite  congrégation  dudit  prieuré 
avec  son  église,  ses  édifices,  ses  biens,  droits,  fruits,  appar- 
tenances et  dépendances,  et  ont  cédé  tous  leurs  droits  sur  ledit 
prieuré  et  son  administration  aux  conditions,  réserves  et  ac- 
cords que  voici    : 

Le  prieur  ou  administrateur  Adrien  Le  Bon  gardera,  sa  vie 


—  268  — 

durant,  les  appartements  qu'il  occupe  au  prieuré  ;  il  ne  pourra 
en  être  dépossédé  pour  quelque  cause  que  ce  soit,  non  plus 
que  de  sa  qualité  d'ancien  prieur,  qu'il  retiendra  jusqu'à  sa 
mort,  avec  toute  liberté  d'aller  à  l'église,  d'assister  aux 
offices  et  d'y  tenir  son  rang,  de  même  qu'au  chapitre  et  au  ré- 
fectoire, lorsqu'il  voudra  s'y  rendre.  Il  se  réserve  aussi  la 
terre  de  Rougemont,  dépendante  dudit  prieuré,  avec  toutes 
ses  appartenances,  et  une  pension  de  2.100  livres,  exempte  des 
décimes  ordinaires  et  extraordinaires,  réparations,  pen- 
sions des  religieux  et  autres  charges  et  impositions,  payable 
par  les  prêtres  de  ladite  congrégation  à  icelui  prieur  pendant 
sa  vie,  chaque  année,  aux  c[uatre  termes  accoutumés,  c'est-à- 
dire  aux  fêtes  de  Pâques,  de  saint  Jean-Baptiste,  de  saint  Rémi 
et  de  Noël,  le  premier  d'iceux  commençant  à  celle  de  ces  fêtes 
qui  suivra  immédiatement  la  prise  de  possession  du  prieuré 
par  lesdits  prêtres.  Pour  sûreté  de  laquelle  pension  non  seule- 
ment les  fruits  dudit  prieuré  y  demeureront  affectés,  mais 
aussi  tout  le  bien  de  ladite  congrégation,  et  de  plus  le  dévoué 
serviteur  de  Votre  Sainteté  Philippe-Emmanuel  de  Gondi, 
prêtre  de  l'Oratoire^  se  constituera  caution  de  ladite  pension. 

Le  prieur  revendique  peur  lui  toutes  les  créances  dudit 
prieuré,  tout  ce  qui  lui  est  dû  jusqu'à  la  prise  de  possession 
par  ladite  congrégation,  et  se  réserve  le  droit  d'user  de  toutes 
les  voies  en  tel  cas  requises,  même  au  nom  de  ladite  congré- 
gation. Lesdits  prêtres  seront  tenus  de  lui  rendre  en  argent  ou 
en  nature,  d'après  l'estimation  des  experts,  sa  quote-part 
du  froment,  du  vin  et  du  bois  qui  se  trouveront  dans  le  prieuré 
au  moment  de  la  prise  de  possession. 

Pour  le  reliquat  des  comptes  de  son  administration,  depuis 
le  temps  qu'elle  lui  a  été  commise  jusqu'au  jour  de  ladite  pos- 
session, le  prieur  en  sera  déchargé.  Les  prêtres  de  la  Mission, 
de  leur  côté,  seront  exonérés  vis-à-vis  du  prieur,  qui  rendra  le 
prieuré,  au  temps  de  ladite  possession,  quitte  de  toutes  dettes. 
Pour  le  regard  des  rentes  constituées  pendant  le  temps  d'icelui 
prieur  au  profit  dudit  prieuré,  il  en  jouira  sa  vie  durant  et  les 
laissera  après  sa  mort  aux  prêtres  de  la  Mission. 

Et  d'autant  que  le  loyer  des  fermes  dudit  prieuré  et  la  meil- 
leure partie  des  cens  et  rentes  dus  à  icelui  ne  se  paient  et  dé- 
livrent qu'aux  jouis  de  saint  Rémi  et  de  saint  Martin,  et  qu'at- 
tendant ledit  temps  il  convient  audit  sieur  prieur  d'emprunter 
pour  faire  les  avances  des  charges  dudit  prieuré  tant  pour 
l'entretien  de  l'église,  de  la  maison  et  fermes  en  dépendant 
que  pour  la  nourriture  des  religieux,  il  est  entendu  que  ledit 
Adrien  se  remboursera  sur  le  loyer  des  fermes  et  cens,  à  propor- 
tion de  l'avance  qu'il  pourra  avoir  faite  lors  de  la  prise  de' 
possession  desdits  prêtres  de  la  Mission. 


—  269  — 

Advenant  le  décès  dudit  sieur  Adrien  et  des  religieux  sus- 
dits, lesdits  prêtres  de  la  Mission  seront  tenus  de  les  faire 
inhumer  comme  leurs  bienfaiteurs.  Ils  offriront  le  saint  sacri- 
fice de  la  messe  pour  ledit  sieur  Adrien,  le  jour  de  son  décès 
et  les  deux  premiers  jours  libres.  Tous  les  ans,  au  jour  anni- 
versaire du  décès^  ils  célébreront  à  perpétuité  pour  le  repos 
de  son  âme  un  service  solennel  en  l'église  dudit  prieuré  :  et 
pour  perpétuer  le  souvenir  de  cette  obligation  à  la  postérité, 
ils  érigeront  en  ladite  église  un  monument,  sur  lequel  sera  une 
inscription  commémorative.  En  outre,  lesdits  prêtres  seront 
tenus  de  faire  et  célébrer  chaque  année  deux  services  solennels 
pour  les  fondateurs,  bienfaiteurs  et  religieux  dudit  Saint- 
Lazare,  l'un  le  premier  jour  immédiatement  vacant  après  l'oc- 
tave des  Rois,  l'autre  le  lundi  après  la  Trinité,  et  de  faire 
un  service  pour  les  religieux  de  Saint-Lazare  au  bout  de  l'an 
au  décès  d'un  chacun. 

Il  sera  loisible  aux  religieux  de  Saint-Lazare  d'habiter  le 
prieuré,  comme  par  le  passé,  tant  qu'ils  vivront  sous  la  juri- 
diction de  l'archevêque  de  Paris,  d'y  occuper  les  appartements 
qui  donnent  sur  la  grande  rue  du  faubourg  et  autres  endroits 
convenables  audit  prieuré.  Pour  le  dortoir  et  lieux  claustraux, 
ils  en  laisseront  la  libre  disposition  aux  prêtres  de  la  Mission. 

Ces  derniers  devront  fournir  chaque  année  cinq  cents  livres 
aux  religieux  de  Saint-Lazare,  tant  pour  leur  vivre  que  pour 
leur  habillement,  aux  termes  prescrits  ou  autrement,  selon  que 
lesdits  religieux  le  désireront  ou  en  auront  besoin.  Pour  faci- 
liter le  paiement  des  pensions  du  prieur  et  des  autres  reli- 
gieux, lesdits  prêtres  consentent  que  le  religieux  économe  con- 
tinue de  recevoir  le  revenu  du  prieuré  jusqu'à  la  paisible  pos- 
session des  prêtres  de  la  Mission  ;  et,  pour  ce,  ils  lui  en  pas- 
seront toutes  les  procurations  nécessaires.  Si  les  religieux 
désirent  vivre  en  commun  avec  lesdits  prêtres,  on  retiendra 
deux  cents  livres  pour  leur  nourriture  sur  les  cinq  cents  qui 
leur  sont  dues,  le  surplus  les  aidant  à  subvenir  à  leurs  autres 
nécessités. 

En  cas  de  maladie  tant  du  prieur  que  des  autres  religieux, 
ils  pourront  se  faire  traiter  à  l'infirmerie  commune,  aux  dépens 
desdits  prêtres  pour  les  médecins,  apothicaires,  chirurgiens, 
remèdes  et  vivres. 

Ces  mêmes  religieux  pourront  vivre  en  particulier  dans  le 
prieuré  ou  en  tout  autre  lieu  régulier,  avec  la  permission  de 
l'archevêque,  sans  que  pour  cela  ladite  somme  de  cinq  cents 
livres  cesse  de  leur  être  payée.  Advenant  le  décès  de  l'un 
d'eux,  les  prêtres  de  la  Mission  seront  déchargés  du  paiement 
de  ladite  somme,  sans  qu'en  leur  lieu  ou  place  on  puisse  rece- 
voir ou  admettre  d'autres    religieux,  ni  des  novices.  Les  meu- 


—  270  — 

blés  du  défunt  demeureront  au  profit  et  usage  des  religieux 
survivants  restant  audit  prieuré,  et,  après  la  mort  du  dernier 
survivant,  au  profit  et  usage  des  prêtres  de  la  Mission. 

Lesdits  prêtres,  dès  l'instant  de  ladite  possession,  réside- 
ront en  personne  audit  prieuré,  desserviront  son  église,  y  célé- 
breront dignement  le  service  divin  à  la  gloire  de  Dieu  et 
décharge  de  leur  conscience,  recevront  tous  les  ornements, 
reliques,  meubles,  qui  seront  inventoriés  et  baillés  par  les- 
dits religieux,  entretiendront  les  maisons  et  fermes  dudit 
prieuré,  y  feront  les  réparations  nécessaires,  à  leurs  frais,  sans 
y  rendre  les  religieux  susdits  contribuables  en  aucune  sorte^  y 
hébergeront  les  lépreux  qui  se  présenteraient  et  subviendront 
à  tous  leurs  besoins  spirituels  et  corporels. 

Ne  pourront  lesdits  prêtres  de  la  Mission,  en  cas  qu'ils  sor- 
tent du  prieuré  de  Saint-Lazare,  à  moins  que  ce  ne  soit  par  le 
fait  et  faute  desdits  religieux,  demander  aucune  chose  des 
avances  des  deniers  qu'ils  auront  faites  auxdits  sieurs  prieur 
et  religieux,  des  frais  de  réparations  ou  autres  dépenses  quel- 
conques. Audit  cas  de  sortie,  le  présent  concordat  demeurera 
sans  effet  et  lesdits  religieux  rentreront  en  leurs  droits  et  pri- 
vilèges primitifs. 

Ledit  supérieur  Vincent  a  accepté  et  promis,  audit  nom,  de 
remplir,  au  cas  où  le  prieuré  serait  concédé  à  ladite  congréga- 
tion avec  toutes  ses  appartenances  et  dépendances,  les  con- 
ventions, conditions  et  tout  ce  que  dessus  et  encore  ce  qui  est 
marqué  avec  plus  de  détails  dans  un  autre  contrat  de  ce  genre 
et  dans  l'acte  public  fait  ci-dessus. 

Ensuite  Jean-François  de  Gondi,  archevêque  actuel  de  Paris, 
dévoué  serviteur  de  Votre  Sainteté,  auquel  appartient,  ainsi 
qu'à  ses  prédécesseurs,  comme  il  a  été  dit,  le  droit  de  nommer 
ou  de  déposer  le  prieur  dudit  prieuré,  ayant  mûrement  consi- 
déré qu'il  était  avantageux  à  la  gloire  de  Dieu  et  au  bien  des 
âmes  d'introduire  les  prêtres  de  la  Mission  dans  ce  prieuré  et 
de  le  leur  donner  avec  ses  biens,  dépendances  et  revenus,  con- 
naissant, d'autre  part,  le  contrat  et  toutes  ses  clauses,  vu  le 
consentement  du  sérénissime  prince  Louis,  roi  très  chrétien  de 
France  et  de  Navarre,  du  prévôt  des  marchands  et  des  éche- 
vins  de  ladite  cité,  fondateurs  du  prieuré,  en  a  fait,  de  son 
autorité  ordinaire,  la  concession,  union  et  incorporation  à  la 
même  congrégation  avec  l'église,  tous  les  bâtiments,  biens, 
jardins,  appartenances  choses,  fruits  et  émoluments  quelcon- 
ques, sans  excepter  les  libertés,  franchises  et  privilèges  atta- 
chés au  prieuré,  pourvu  que  la  même  congrégation  observe 
pour  toujours  les  accords  et  conventions  exprimés  dans  le 
contrat.  Il  y  a  mis  les  conditions  suivantes  : 

Le  prieur  sera,  comme  par  le  passé,  le  supérieur  de  ses  reli- 


—  271  — 

gieux,  et  ceux-ci  auront  le  devoir  de  lui  obéir.  L'archevêque  de 
Paris  exercera  sa  juridiction  et  aura  droit  de  visite,  tant  pour 
les  affaires  spirituelles  que  pour  les  temporelles,  sur  le  prieuré 
et  les  prêtres  de  ladite  congrégation.  Ces  prêtres  seront  sou- 
mis à  un  supérieur  choisi  par  eux,  réciteront  l'office  canonial 
dans  le  chœur  à  voix  médiocre,  sans  chant,  les  portes  du  chœur 
étant  fermées,  se  contenteront  de  dire  des  messes  basses  pour 
avoir  le  temps  de  parcourir  les  villages  et  d'y  instruire  le 
peuple,  rempliront  toutes  les  fondations  du  prieuré  et  y  rece- 
vront les  lépreux  de  la  ville  et  des  faubourgs.  Les  membres 
de  ladite  congrégation  seront  au  moins  douze,  parmi  lesquels 
huit  prêtres  ou  davantage.  Ils  parcourront,  aux  frais  de  la 
congrégation,  les  villages  du  diocèse  de  Paris,  séjourneront 
dans  chacun  un  ou  deux  mois  suivant  le  besoin,  y  enseigneront 
les  mystères  de  la  foi,  entendront  les  confessions,  surtout  les 
confessions  générales,  habitueront  leurs  auditeurs  aux  prati- 
ques de  la  religion  chrétienne,  les  prépareront  à  la  réception 
de  la  sainte  Eucharistie  et  réconcilieront  les  ennemis.  Ils  lo- 
geront et  nourriront  dans  le  prieuré,  pendant  les  quinze  jours 
qui  précèdent  l'ordination,  aux  époques  reçues  dans  le  diocèse 
de  Paris  pour  la  collation  des  ordres,  les  ordinands  du  dio- 
cèse que  l'archevêque  de  Paris  leur  enverra,  et  ils  les  prépa- 
reront par  des  exercices  spirituels  :  confession  générale, 
examen  de  conscience  de  chaque  jour,  méditations  sur  le 
changement  d'état,  les  prérogatives  de  chaque  ordre  ou  la  vie 
ecclésiastique,  instructions  sur  l'observance  des  cérémonies  de 
l'Eglise. 

Ces  charges  supportées,  ce  qui  restera  du  revenu  du  prieuré 
servira  aux  besoins  communs  de  ladite  congrégation.  Moyen- 
nant quoi,  le  même  archevêque  de  Paris,  agissant  en  son  nom 
et  au  nom  de  ses  successeurs,  a  dispensé  et  déchargé  pour 
toujours  les  prêtres  de  ladite  congrégation  de  la  reddition 
des  comptes  touchant  l'administration  des  revenus  du  prieuré, 
de  ses  annexes  et  dépendances,  ainsi  qu'en  témoignent  plus 
amplement  les  lettres  de  Jean-François,  archevêque. 

Considérant,  très  Saint  Père,  que  les  conventions  susdites 
tendent  à  la  plus  grande  gloire  de  Dieu  et  cjue  le  haut  patro- 
nage de  Votre  Sainteté  et  du  Saint-Siège  Apostolique  contri- 
buera à  les  rendre  plus  fermes,  lesdits  suppliants  jugent 
opportun  de  vous  demander,  comme  une  faveur  toute  spéciale, 
que  vous  veuilliez  bien  approuver  et  confirmer  pour  toujours, 
de  votre  autorité  apostolique,  le  contrat  passé  entre  eux, 
l'union  à  la  congrégation  de  la  Mission  du  prieuré  de  Saint- 
Lazare,  avec  son  église,  ses  biens,  choses,  propriétés  et  dépen- 
dances, faite,  comme  il  est  dit  plus  haut  par  Jean-François, 
archevêque,   le   contenu   de   ces   lettres  et  des  lettres  susdites. 


—   272  — 

dans  l'ensemble  et  dans  les  détails,  si  toutefois  il  n'y  a  rien  que 
d'honnête  et  qui  sensuit  légitimement.  Ils  vous  prient  encore 
de  suppléer,  s'il  en  est  besoin,  à  toutes  les  irrégularités  com- 
mises ou  à  commettre,  tant  de  droit  que  de  fait,  même  sur  des 
points  substantiels  et  absolument  requis  en  droit  ;  de  déclarer 
que  les  suppliants  sont  tenus  à  l'observation  de  ce  contrat  et 
de  toutes  ses  clauses  ;  et  d'annuler,  autant  que  de  besoin,  les 
contrats  précédents,  en  particulier  celui  par  lequel  les  reli- 
gieux dudit  Ordre  ont  été  introduits  dans  le  prieuré  ou  maison 
hospitalière  pour  l'administrer,  ce  qui  fait  qu'il  est  ou  est 
censé  être,  avec  ses  membres  et  ses  dépendances,  un  établis- 
sement de  réguliers.  Nous  demandons  à  Votre  Sainteté  d'avoir 
agréable  que  soit  dévolu  à  la  congrégation  de  la  Mission, 
par  suppression,  extinction  et  retour  à  l'état  séculier,  ce 
prieuré  ou  cette  maison  hospitalière,  qui  n'est  pas  un  bénéfice 
ecclésiastique,  mais  une  simple  administration,  révocable  au 
gré  de  l'archevêque  de  Paris,  avec  ses  membres,  son  église, 
ses  dépendances,  ses  charges,  en  général  et  en  particulier,  en 
tenant  compte  des  réserves,  accords  et  clauses  mentionnés  tant 
dans  le  contrat  que  dans  les  lettres  de  Jean-François,  arche- 
vêque, et  ici  pleinement  et  suffisamment  rappelés  ;  par  suite, 
que  le  supérieur  et  les  prêtres  de  ladite  congrégation  puis- 
sent, par  eux-mêmes  ou  par  des  délégués,  au  nom  de  leur 
Institut,  prendre  librement  et  de  leur  propre  autorité  posses- 
sion réelle  et  actuelle  dudit  prieuré  ou  maison  hospitalière, 
de  son  église,  de  ses  biens,  droits  et  dépendances,  quels  qu'ils 
soient  ;  percevoir,  exiger,  louer  tous  fruits,  revenus,  produits, 
casuels  et  émoluments  ;  et  après  avoir  acquitté  les  charges 
imposées  par  le  contrat  et  les  lettres  de  Jean-François,  arche- 
vêque, consacrer  le  restant  aux  besoins  de  ladite  congrégation, 
sans  qu'il  soit  nécessaire  d'avoir  la  permission  de  l'Ordinaire 
du  lieu  ou  de  qui  que  ce  soit.  Plaise  à  Votre  Sainteté  rendre, 
de  son  autorité  apostolique,  cette  union  perpétuelle  et  faire 
que  les  lettres  d'incorporation  ne  soient  ni  révoquées,  ni  sus- 
pendues, en  tout  ou  en  partie,  par  la  révocation,  suspension, 
limitation  de  grâces  semblables  ou  dissemblables,  ou  par  toute 
autre  disposition,  mais  qu'elles  restent  toujours  valables  dans 
tout  leur  contenu,  etc. 


179.  —  LOUISE  DE  MARILLAC  A  SAINT  VINCENT 

Monsieur, 
Je  vous  renvoie  le  règlement  de  St-Sauvetir  ;  je  ne  lavais  fas 

Lettre  179.   —  L.   a.  —   Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 


—  273  — 

vu.  H  me  semble  que  le  co^nmencetnent  fait  défendre  toute 
la  confrérie  de  Monsieur  le  curé.  Je  ne  sais  si  cela  serait  à  -pro- 
■pos.  Bien  est-il  vrai  que  Messieurs  les  curés  de  Beauvais  en 
seraient  bien  contents  ;  mais  cela  les  -porterait  incontinent  à 
ne  vouloir  plus  que  personne  eût  la  connaissance  de  ce  qui  se 
passerait  à  chaque  confrérie.  Je  crois  pourtant,  Monsieur,  qu'il 
est  nécessaire  que  les  officières  leur  C07nmunique7it  de  la  récep- 
tion des  malades^  au  moins  leur  disent  ceux  qu'elles  rece- 
vront, quil  soit  porté  dans  le  règlement  que  les  voix  seront 
colligées  par  eux  pour  ï élection,  et  que  la  trésorier e  rendra 
ses  comptes  en  sa  présence,  sans  du  tout  parler  de  Monsieur 
le  grand  vicaire,  comme  il  était  porté  dans  le  règlement^  et 
que  le  nombre  des  dames  soit  précisé,  que  les  places  vacantes 
seront  remplies  de  celles  que  la  coinpagnie  agréera  et,  après, 
présentées  à  Messieurs  les  curés  pour  leur  réception  et  rece- 
voir leur  bénédiction. 

Pour  procureur,  je  ne  sais  s'il  serait  facile  £en  mettre  un  à 
chaque  confrérie,  car  jamais  elles  ne  s  assujettiront  à  faire 
écrire  les  quêtes  par  lui.  Pour  dresser  les  comptes,  je  crsis 
que  les  sœurs  le  pourront  elles-mêmes.  Ne  reste  plus  rien  à 
faire  pour  le  procureur,  sinon  faire  exécuter  les  legs,  si  aucun 
y  en  avait  au  profit  des  confréries,  et,  en  ce  cas,  y  a  apparence 
qu^un  seul  pourrait  suffire  pour  tout,  pentends  seulement, 
Monsieur,  pour  Beauvais  ;  car,  pour  Liancourt,  le  règle- 
ment ordinaire  est  bon,  principalement  ce  qui  recommande 
Vatnitié  entre  elles  et  les  plus  amples,  à  cause  des  exercices 
tant  du  soir,  du  matin,  que  du  souvenir  de  la  présence  de  Dieu 
la  journée,  et  aussi^  Monsieur ,  que  les  places  vacantes  soient 
remplies  en  la  manière  ci-dessus.  Il  y  a  partout  de  bons  pro- 
cureurs. 

Vous  aviserez,  s'il  vous  plaît,  Monsieur,  si  vous  ferez  quel- 
que  article  particulier  pour  cet  officier  qui  demande  avec  tant 
d'instance  d'être  admis  pour  procurer  le  bien  de  la  confrérie j 
et  s'il  sera  porté  par  le  règlement  qu^il  y  aura  deux  filles  nom- 
mées par  Madame  de  Liancourt  pour  être  gardes  des  -malades, 
lesquelles  habiteront  dans  le  logis  que  madite  dame  donne  à 
cet  effet,  lesquelles  seront  obligées  à  faire  et  porter  les  médi- 
caments tant  aux  7tialades  de  Liancourt,  que  La  Bruyère,  Cauf- 
fry  et  Rantigny  i.  et  auront  soin  de  visiter  lesdits  malades  au 
moins  deux  fois  la  semaine  et  faire  tout  ce  qui  sera  porté  par 
rétablissement  et  fondatioti  qui  sera  fait  en  ce  sujet. 

La  quête  se  fait,  en  ces  lieux,  les  dimanches  aux  maisons, 
et   les  bonnes  fêtes  aux   églises.   Les   procureurs  tiennent   un 

I.  Petites  communes  du  canton  de  Liancourt. 

i8 


—  274  — 

livre  et  écrivent  les  recettes  de  chaque  quête,  cofnme  aussi  la 
trcsorière  fareillement.  Les  coffres  ne  sont  quTà  deux  serrures. 
Je  -pense  qvCil  faut  dire  que  lesdites  gardes  seront  du  cor-ps  de 
la  confrérie. 

Je  crois,  Monsieur^  quil  serait  très  à  -propos  que  datis  cha- 
que coffre  il  y  ait  un  registre  cotnine  celui  que  je  vous  ai 
laissé,  afin  que  tout  ce  qui  se  passera  dans  la  confrérie  -y  soit 
trouvé.  En  ttte  du  livre,  je  pense  qu'il  y  faut  écrire  l'établisse- 
ment, ensuite  le  règlement,  puis  le  nom  des  sœurs,  puis  Vélec- 
tion  du  procureur  et  des  officières  ;  et  suivant  après,  on  pourra 
mettre   les  nouvelles  élections. 

Vers  la  moitié  du  livre,  marquer  qu'il  y  faut  écrire  les  noms 
des  sœurs  qui  décéderont  et  de  celles  qui  se  mettront  à  leur 
place  j  et  de  l'autre  côté  du  livre,  les  legs  pieux  et  dons  extra- 
ordinaires ;  et  en  un  autre  endroit,  les  meubles  qui  sont  ap- 
partenant aux  pauvres.  Le  livre  que  j^ai  apporté  est  celui  de 
La  Bruyère^  à  cause  que  l établissement  était  entièrement  signé. 

Je  crois  qu'il  faut  qïie  la  supérieure  tienne  un  livre  où  elle 
fasse  écrire  le  no-tn  des  pauvres  malades,  le  jour  de  leur  ré- 
ception et  de  leur  tnort^  ou  celui  que  la  Charité  laisse  de  les 
assister. 

Si  vous  ne  m'aviez  demandé,  Monsieur,  de  faire  ce  -métnoire, 
je  n'y  eusse  osé  penser.  Je  ne  sais  comme  quoi  fai  tant  re- 
tardé, sinon  que  c'est  que  je  sens  bien  que  mon  esprit  se  ralen- 
tit fort  pour  le  bien,  tant  pour  Vautrui  que  pour  le  particulier 
de  mes  exercices. 

La  bonne  sœur  Jeanne,  de  Saint-Benoît"^,  vient  de  -iri ame- 
ner trois  filles  de  Colombes  ^ ,  de  bien  bonne  façon^  et  ont 
grand  désir  de  servir  les  pauvres  partout  où  on  les  voudra 
envoyer.  Je  crois  qu'elles  vo7is  iront  trouver  un  de  ces  jours. 

l'ai  bien  du  regret  d'avoir  perdu  la  journée  que  votre  charité 
■me  voulait  donner  ;  je  crois  quil  y  a  de  ma  faute.  J'aurais  un 
grand  besoin  d'avoir  quelques  jours  pour  -penser  un  l-eu  à  nroi 
pour  quelque  renouvellement. 

Je  crois,  Monsieur,  que,  quand  il  faudra  travailler  four 
l'exercice  de  la  Charité  à  Saint- Laurent,  si  vous  me  voulez 
faire  l'honneur  de  m'y  employer,  qiùil  sera  nécessaire  que  j'y 
séjourne  quelques  jours.  Je  me  pourrais  servir  de  cette  occa- 
sion, si  vous  le  treuvez  à  propos  ;  rnais,  pour  l'amour  de  Dieu, 
Monsieur,  demandez  que  sa  miséricorde  vous  fasse  connaître 
mes  besoins,  autrement  je  croirais  qu'il  me  veut  tout  à  fait 
abandonner,  puisqu'il  permet  que  vous  ayez  ce  sentiment. 

2.  Paroisse  de  Paris. 

3.  Dans  la  banlieue  de  Paris. 


—    275    — 

]e  vous  envoie  le  mémoire  de  ce  qui  fut  fait  en  chaque  as- 
semblée de  Beauvais.  Je  crois  qu'il  sera  bon  que  le  règlement 
que  vous  ferez  dresser  soit  four  Saint-Sauveur,  et  Ven- 
voyant,  mander  qu'elle  le  baille  aux  autres  four  cofier. 

Si  vous  voulez  frendre  la  feine  de  revoir  la  lettre  que  je 
vous  envoyai  de  Liancourt,  vous  y  trouverez  f  eut-être  quelque 
chose  de  flus  que  je  ne  vous  mande.  Pardonnez-moi ,  s'il  vous 
plaît,  le  mauvais  ordre  que  je  tiens  ;  je  voudrais  fresque 
m' excuser  sur  mon  feu  de  méjnoire  ;  mais  vous  savez  telle  que 
je  suis  et  que  je  serai  toujours.  Monsieur,  votre  très  humble 
fille  et  très  obligée  servante. 

L.  DE  Marillac. 

Ce  4.  septembre  [lôj^  *]. 

Les  quêtes  se  font  à  Beauvais  tous  les  lundis,  mais  je  crois 
qu'il  serait  à  frofos  de  faire  quêter  les  bonnes  fêtes  à  V église. 
Je  fense  que,  faisant  l'établissement  incontinent  que  la  mis- 
sion que  Monseigneur  de  Beauvais  y  veut  faire  faire,  qiiil 
sera  facile  d'obtenir  tout  ce  qu'on  fourra  désirer  four  le  bien 
de  la  confrérie.  Je  ne  me  suis  foint  occufée  de  frofoser  cette 
quête. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Vincent. 


180.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers    1634  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de    Jésus-Christ    Notre-Seigneur  soit  avec 
vous  pour  jamais  ! 

Monsieur  de  Cordes  *  a  désiré  que  je  vous  prie,  comme 


4.  Cette  lettre  a  des  liens  étroits  avec  les  lettres  168,  170,  171,  173 
et  174.  D'après  une  note  ajoutée  anciennement  au  dos  de  1  original, 
elle  serait  de  1627  ;  mais  cette  date  est  certainement  erronée  :  la 
confrérie  de  Saint-Sauveur  a  été  établie  plus  tard  et  Louise  de 
Marillac  ne  commença  à  s'occuper  des  Charités  que  dans  le  courant 
de    l'année  1629. 

Lettre  180.  —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Voir  note  2. 

2.  Denis  de  Cordes,  conseiller  au  Châtelet.  C'est  à  sa  prière  et  à 
celle  de  M.  Lamy  que  saint  Vincent  avait  établi  la  Charité  aux 
Quinze-Vingts,  lors  de  la  mission  qu'y  donnèrent,  à  la  fin  de  1633,  les 


—  276  — 

je  fais  très  humblement,  d'avoir  agréable  d'aller  passer 
la  journée  de  demain  aux  Quinze- Vingts  ^  pour  y  voir  les 
ofiicières  de  la  Charité,  le  matin,  et  tous  les  jours 
l'après-dînée.  Il  pense  aussi  que  la  présence  de  Made- 
moiselle Poulaillon  n'y  nuirait  pas  et  que  cela  encou- 
ragerait ces  bonnes  femmes.  Il  y  a  en  ce  lieu-là  quelques 
pratiques  qui  ne  sont  pas  ailleurs  ;  c'est  que  les  malades 
doivent  être  reçus  par  l'ordre  de  Messieurs  les  maîtres 
de  cet  hôpital,  dont  Monsieur  de  Cordes  et  Monsieur 
Lamy  font  partie,  et  que  ledit  sieur  de  Cordes  m'a  pro- 
posé aujourd'hui  qu'il  y  faut  désormais  recevoir  les 
mieux  accommodés  d'entre  eux  qui  le  demandent  et  of- 
frent à  entretenir  la  Charité,  et  qui  sont  vingt  familles 
ou  environ  ;  mais  l'on  pense  qu'il  n'y  faut  pas  recevoir 
les  incurables,  comme  sont  les  pulmoniques,  goutteux  et 
autres.  Il  serait  bon  de  proposer  à  ces  bonnes  gens  don- 
ner vingt  ou  vingt-cinq  poules  à  la  Charité,  dont  le  gou- 
vernement pourrait  être  donné  à  l'une  des  sœurs.  C'est 
pour  avoir  des  œufs,  qui  se  vendent  bien  cher  là  dedans. 
Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  D.  P. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


membres  de  la  Conférence  des  mardis.  (Cf.  Abelly,  op.  cit.,  t.  I, 
chap.  XXIII,  fin,  p.  109.)  (L'idée  du  bon  magistrat  en  la  vie  et  en 
la  mort  de  M.  de  Cordes,  conseiller  au  Chasielet  de  Paris,  par  A. 
G[odeau],    é[vèque]  d[e]    Gérasse],    Paris,    1645,   in-12. 

3.  Hospice  fondé  par  saint  Louis,  roi  de  France,  pour  trois  cents 
(iS  X  20)  aveugles  pauvres.  En  1779,  le  cardinal  de  Rohan  transféra 
l'hospice  de  la  rue  Saint-Honoré  à  l'hôtel  des  Mousquetaires  noirs, 
rue  de  Charenton,  no  38.  L'institution  fut  supprimée  pendant  la  Ré- 
volution et  rétablie  en   1S14. 


—  277  — 

181.  —  A  ISABELLE  DU  FAY 

[Entre  1626  et  1635  ^.1 
Mademoiselle, 

Votre  entrée  à  Sainte-Marie  est  différée  jusques  à 
demain.  Je  vous  supplie,  Mademoiselle,  de  remetttre 
votre  dévotion  jusques-là,  ou  bien  de  vous  confesser  à 
votre  confesseur  et  aller  communier  après-demain  à  la 
Visitation,  pource  qu'il  faudra  que  je  die  demain  là  la 
messe  entre  7  et  8  ;  cela  fait,  que  j'entre  dans  le  monas- 
tère, et,  devant  qu'entrer,  l'on  fera  sortir  tout  le  monde 
de  l'église  et  fera-t-on  fermer  la  porte  ;  ce  qu'étant 
ainsi,  vous  seriez  trop  pressée.  Je  vous  en  donne  avis 
trop  tard.  Votre  charité  me  le  pardonnera  ;  et  moi  je 
serai,  en  l'amour  de  N.-S.  et  de  sa  sainte  Mère,  votre... 

182.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre   1634  et   1638  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  reçus  hier  votre  lettre  et  votre  mémoire  du  règle- 
ment de  vos  filles,  lequel  je  n'ai  point  eu  encore  loisir 
de  lire  ;  je  le  ferai  au  plus  tôt  qu'il  me  sera  possible. 
Quant  à  ce  que  vous  me  mandez  d'elles,  je  ne  doute 
pas  qu'elles  ne  soient  telles  que  vous  me  les  décrivez   ; 


Lettre  181.  —  Reg.  i,  i°  68  v°.  Le  copiste  note  que  l'écriture  de 
l'original    était    celle  de    saint   Vincent. 

I.   Même  remarque  qu'à  la  lettre  99,  note  i. 

Lettre  182.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  I-a  lettre  a  été  écrite  après  l'établissfment  des  Filles  de  la  Cha- 
rité (29  novembre  1633)  et  avant  le  départ  de  Robert  de  Sergis  poui 
le   midi. 


—  278  — 

mais  il  faut  espérer  qu'elles  se  feront  et  que  l'oraison 
leur  fera  voir  leurs  défauts  et  les  encouragera  pour  les 
corriger.  Il  sera  bon  que  vous  leur  disiez  en  quoi  consis- 
tent les  solides  vertus,  notamment  celle  de  la  mortifica- 
tion intérieure  et  extérieure  de  notre  jugement,  de  notre 
volonté,  des  ressouvenirs,  du  voir,  de  l'écouter,  du  par- 
ler et  des  autres  sens  ;  des  affections  que  nous  avons  aux 
choses  mauvaises,  inutiles  et  même  des  bonnes,  pour 
l'amour  de  Notre-Seigneur,  qui  en  a  usé  de  la  sorte  ;  et 
faudra  les  fort  affermir  là-dessus,  notamment  à  la 
vertu  de  l'obéissance  et  à  celle  de  l'indifférence  ;  mais 
pource  que  le  tant  parler  vous  nuit,  faites-le  de  temps  en 
temps  seulement.  Il  sera  bon  que  vous  leur  disiez  qu'il 
faut  qu'elles  soient  aidées  à  acquérir  cette  vertu  de  mor- 
tification, et  exercées  ;  et  je  leur  dirai  aussi,  afin  qu'elles 
y  soient  disposées. 

Laissons  encore  les  pratiques  du  tiers  ordre  à  cette 
bonne  fille  qui  en  est,  et  faites-lui  faire  son  fait  à  part 
le  mercredi,  s'il  vous  plaît. 

Je  voudrais  bien  que  cette  veuve  de  Colombes  ^  sût 
lire  ;  faites-la-nous  voir,  s'il  vous  plaît.  Mais  quoi  !  je 
viens  de  voir,  relisant  votre  lettre,  qu'elle  a  deux  en- 
fants ;  et  quel  moyen  de  la  recevoir,  cela  étant  ? 

J'oublie  toujours  à  faire  acheter  les  images  de  vos 
filles.  Voici  M.  de  Sergis  revenu  ;  je  le  ferai  faire  par 
lui. 

Voici  quatre  lignes  pour  le  fils  de  M.  Gallois  ^  au  R. 
P.  Faure^.  Je  voudrais  avoir  plus  de  crédit  que  j'en  ai 


2.  Commune  des  environs  de  Paris. 

3.  Peut-être  le  fils  de  Philippe  Gallois,  notaire  de  saint  Vincent. 

4.  Charles  Faure,  né  à  Luciennes,  près  de  Saint-Germam-en-Laye, 
le  29  novembre  1594,  prit  l'habit  de  chanoine  régulier  dans  l'abbaye 
de  Saint-Vincent  de  Senlis  et  fit  profession  le  i®*"  mars  1615.  Les 
exemples  de  relâchement  qu'il  avait  sous  les  yeux  ne  ralentirent  pas 
son  progrès  dans  la  vertu.  Sa  réputation  de  sainteté  vint  jusqu'aux 
oreilles  du  roi,  qui  lui  confia  la  délicate  mission  d'établir  la  réforme 


—  279  — 

vers  lui  pour  cela.  Il  verra.  Or  sus,  finissons  par  la  prière 
que  je  vous  fais  d'avoir  soin  de  votre  santé.  Je  suis  en 
cette  espérance,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  ser- 
viteur très   humble^. 

V.  D. 

183.  —  A  MADAME  GOUSSAULT 

[i634  ou  i635  *.] 
Madame, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  pense  qu'il  est  expédient  de  prier  Madame  Fortia  ^ 
de  se  rendre,  à  trois  heures,  à  votre  assemblée  des  offi.- 
cières,  où  je  me  rendrai  pour  aviser  ce  qu'il  faudra  faire 


au  monastère  de  Sainte-Geneviève  à  Paris.  Le  succès  fut  si  complet 
que  le  cardinal  de  La  Rochefoucauld,  pour  étendre  la  réforme, 
groupa  en  une  congrégation,  sous  le  nom  de  Congrégation  de  France, 
diverses  maisons  de  chanoines  réguliers  répandues  dans  toutes  les 
provinces  du  royaume,  les  mit  sous  la  dépendance  de  l'abbaye  de 
Sainte-Geneviève  et  nomma  le  Père  Faure  vicaire  général  du  nouvel 
Institut.  Le  Père  Faure  visita  les  établissements,  y  imposa  des  règle- 
ments, fonda  des  séminaires.  La  Congrégation  de  France  fut  canoni- 
quement  érigée  par  Bulle  du  3  février  1634.  Le  17  octobre,  le  chapitre 
général  élisait  le  Père  Faure  supérieur  général  pour  une  durée  de 
trois  ans.  Il  fut  réélu  en  1637.  Les  Constitutions  ne  permettant  pas 
une  troisième  élection,  il  céda  sa  place  en  1640  au  Père  Boulart, 
mais  garda  des  pouvoirs  si  étendus  que  son  successeur  ne  pouvait  rien 
faire  que  sur  son  conseil.  Le  triennat  du  Père  Boulart  terminé,  le 
Père  Faure  fut  mis  de  nouveau  à  la  tête  de  la  Congrégation  de 
France.  Il  tomba  malade  dans  l'année  et  mourut  le  4  novembre  1644. 
Ses  relations  avec  saint  Vincent  furent  plutôt  froides  et  réservées.  II 
a  laissé  plusieurs  ouvrages  ascétiques.  (Cf.  Lallemand  et  Charton- 
net,  o-p.  cit.) 

5.    Saint  Vincent   termine   sa    lettre  par   les   initiales    v.    s.    V.     D., 
sans   s'apercevoir   que   la    formule  votre  serviteur  est   répétée. 

Lettre  183.   —  L.   a.  —   Original  à   Marseille  chez  les  Filles  de  la 
Charité  de  la  rue  Vincent-Leblanc,  22. 

1.  La  lettre  a  été  écrite  du  vi\ant  de  Mademoiselle  du  Fay   (avant 
1636)    et   après  l'institution   des  dames   de   l'Hôtel-Dieu    (1634). 

2.  Probablement   Anne   de   la   Barre,   veuve   de   François   de   Fortia, 
conseiller  du  roi,  maître  des  requêtes  ordinaires  de  l'hôtel. 


—  28o  — 

touchant  la  difficulté  de  l'Hôtel-Dieu.  Elle  a  grande 
connaissance  de  cette  maison-là,  a  bon  esprit  et  fait  le 
bien  qui  se  peut  faire.  Vous  aurez  aussi  agréable,  Ma- 
dame, s'il  vous  plaît,  de  prier  Mademoiselle  Poulaillon 
et  Mademoiselle  du  Fay  de  s'y  rendre  et  de  m'envoyer 
votre  carrosse  à  la  Madeleine  environ  deux  heures  et 
demie. 

Je  vous  souhaite  cependant  le  bonjour  et  suis,  Ma- 
dame, votre  serviteur  très  humble. 

Vincent  Depaul. 

Ce  lundi,  à  dix  heures. 

Au  bas  de  la  première  page  :  Madame  Goussault. 


184.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Après  1631  ^.] 
Mademoiselle, 

Voici  Mademoiselle  Brou  ",  trésorière  de  Saint-Bar- 
thélémy ^.  Ne  pouvant  avoir  le  bien  de  l'entretenir,  pour- 
ce  que  je  suis  pressé,  je  vous  prie  de  le  faire  et  de  la 
regarder  comme  une  bonne  servante  de  Dieu  et  digne 
de  quelque  bon  emploi  pour  sa  gloire. 

V.  D. 


Lettre  184.  —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Il  n'y  avait  pas  de  confrérie  de  la  Charité  à  Saint-Barthélémy 
avant  cette  date.    (Cf.  Abelly,   of.   cit.,   t.   I,   chap.   xxiii,  p.    109.) 

2.  Mademoiselle  Brou  était  probablement  apparentée  à  Madame  de 
Brou,  qui  fit  partie  de  l'association  des  dames  de  l'Hôtel-Dieu  et  ap- 
pela les  Filles  de  la  Charité  à  Bernay,  où  elle  les  entretint  de  ses 
largesses.   Madame  de  Brou  était  cousine  de  M.  de  Vincy. 

3.  Paroisse   de  Paris. 


—    28l    — 

185.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1634  ou    1635  ^■] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Mademoiselle  Poulaillon  demande  la  bonne  allé. 
Vous  l'enverrez,  s'il  vous  plaît,  avec  son  laquais.  Pour- 
ra-t-elle  aller  à  pied,  ou  s'il  est  à  propos  que  vous  lui 
prêtiez  votre  petit  cheval  ?  Le  premier  serait  plus  édi- 
fiant. Il  y  a  neuf  lieues  d'ici.  Si  elle  ne  le  peut  en  un, 
elle  fera  le  chemin  en  deux  jours.  Vous  la  tiendrez  donc 
prête,  s'il  vous  plaît,  pour  quand  le  laquais  arrivera. 
Je  prie  Notre-Seigneur  qu'il  bénisse  la  bonne  fille. 

Mademoiselle  du  Fay  est  grièvement  malade.  Je  ne 
vous  prie  pas  de  l'offrir  à  Notre-Seigneur.  Je  m'assure 
bien  que  vous  le  ferez. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur,  Mademoiselle,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  Depaul. 

Ce  mardi  au  soir. 

J'ai  fait  dire  au  laquais  qu'il  vienne  demain  de 
matin. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

186.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers   1634  ^.] 
Je  pense.  Mademoiselle,  qu'il  est  expédient  de  faire 

Lettre  lfc5.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.  Date  probable  de  la  mort  d'Isabelle  du  Fay,  dont  saint  Vincent 
annonce  ici  à  Louise  de   Marillac  la  grave  maladie. 

Lettre  186.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.  Cette    lettre    semble    écrite    dans    les    débuts    de    l'institution    des 


—    282    — 

revenir  cette  fille  qui  est  chez  Madame  de  Suivry,  et 
que  vous  l'envoyiez  quérir.  Nous  verrons  cependant  ce 
qu'il  faudra  faire. 

Je  m'en  vas  au  collège  "  et  tâcherai  de  voir  M.  Le 
Gras. 

La  bonne  sœur  Alix  vous  a  amené  une  fille  et  parle 
d'une  autre.  Avez-vous  retenu  la  première   ? 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 
i.  p.  d.  la  M.  ^ 

187.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

Votre  lettre  me  paraît  bien.  Le  malin  esprit  se  fourre 
dans  le  dessein  de  l'assistance  spirituelle  de  ces  pauvres 
femmes.  ]\L  Chenevis  m'en  a  parlé  encore  ce  matin  et 
dit  que  les  Chevitaines  se  formalisent  fort  de  cela  et 
dit  qu'elles  ne  sont  pas  de  la  communauté.  Je  vous  prie 
de  vous  en  éclaircir.  Le  pis  qui  peut  arriver,  c'est  qu'il 
faille  quitter  cela.  Si  cela  est,  à  la  bonne  heure.  Il  faut 
pourtant  doucement  reconnaître  d'où  vient  le  mal  et 
aviser  aux  remèdes.  Je  m'en  vas  voir  Madame  la  prési- 
dente Goussault,  à  laquelle  il  ne  m'a  point  paru  ce  que 
vous  dites,  que  vous  lui  parliez  trop  librement.  Soyez 
toujours  bien  simple  et  sincère,  et  priez  Dieu  qu'il  me 
donne  ces  deux  vertus. 

Je  suis,  en  son  amour... 

De  Saint-Lazare,  ce  29  octobre  1634. 


Filles   de   la  Charité. 

2.  Au  collège  des  Bons-Enfants,  où  était  alors  Michel  Le  Gras. 

3.  Initiales  des  mots    :  indigne  prêtre  de  la    Mission. 
Lettre  187.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.  33. 


—  283  — 

188.  —  A  FRANÇOIS  DU  COUDRAY 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

J'ai  reçu  la  vôtre,  du  huitième  octobre,  si  me  semble, 
par  laquelle  [vous]  me  mandez  ce  que  Monsieur  Le  Bret 
vous  a  dit  que  dom  Le  Bret,  son  cousin,  lui  mande  tou- 
chant votre  retour.  Or  il  faut  que  je  vous  die  devant  Dieu, 
en  la  présence  duquel  je  parle,  que  je  ne  sais  ce  que 
c'est,  que  je  n'ai  point  dit  aucune  parole  à  dom  Le 
Bret,  que  je  sache,  qui  lui  ait  donné  sujet  d'écrire  cela, 
ni  rien  approchant  ;  mais  que  peut-être  cela  vient  de 
ce  qu'on  lui  a  mandé  de  delà  que  vous  n'aviez  plus  à  faire 
à  Rome  et  que  vous  aviez  dit  que  vous  deviez  partir 
dans  quinze  jours.  Voilà  tout  ce  que  je  sais  de  cela  par 
la  conjecture  de  ce  que  je  vous  dis  ;  car  ce  bon  Père  ne 
m'a  rien  dit  de  ce  qu'il  a  écrit. 

Quant  à  ce  que  vous  dites  qu'il  vous  a  dit,  et  devant, 
de  choses  dans  le  même  esprit,  je  vous  dirai  que,  par- 
lant à  ce  bon  Père  de  nos  affaires  de  Rome,  pource  que 
Monsieur  Le  Bret  lui  écrit  tout  ce  qui  se  fait,  parlant, 
dis-je,  de  notre  séjour  à  Ferrare,  je  lui  témoignai  la 
peine  en  laquelle  j'étais  pour  cela,  sans  lui  avoir  dit 
autre  chose  que  ce  que  je  pourrais  dire  en  votre  pré- 
sence, sans  vous  donner  sujet  d'aucune  peine,  et  qu'il 
est  vrai  que  ce  bon  Père,  par  le  zèle  qu'il  a  pour  nous, 
qui  est  tel  que  je  doute  fort  que  je  l'aie  si  grand  pour  !a 
Mission  que  lui,  il  me  dit  qu'il  voulait  écrire  à  Monsieur 
son  cousin  qu'il  levât  les  bulles  en  votre  absence.  Or, 
comme  il  me  dit  cela  d'un  plein  abord,  je  n'y  fis  pas 

Lettre  188.   —  Recueil   du  procès   de  béatification. 


—  284  -- 

tant  d'attention  ;  mais,  ayant  repassé  cela  dans  mon 
esprit,  je  le  fus  trouver  exprès  pour  le  prier  de  n'en  rien 
faire,  pource  que  j'avais  peur  que  cela  ne  vous  fît  peine, 
et  que  je  voyais  qu'il  était  expédient  que  cela  se  fît  par 
vous.  Et  néanmoins  j'ai  su,  après,  qu'il  en  avait  écrit 
quelque  chose,  dont  je  fus  extrêmement  fâché. 

Voilà,  Monsieur,  tout  ce  que  je  puis  dire  touchant 
cela,  avec  toute  la  liberté  et  simplicité  qu'il  m'est  pos- 
sible. Et  n'ayez  pas  pourtant  opinion  que  ce  bon  Père 
ait  de  vous  aucun  sentiment  que  très  bon.  Dieu  merci, 
et  plein  d'estime  et  d'affection,  et  certes  avec  sujet.  C'est 
pourquoi  je  vous  supplie  très  humblement  de  ne  pas 
donner  lieu  à  aucune  pensée  contraire  à  ce  que  je  vous 
dis,  et  d'éloigner  de  vous  celles  que  je  vois  par  la  vôtre 
que  vous  avez  faites  de  moi  et  de  ce  bon  Père.  Vous  sa- 
vez que  la  bonté  de  votre  cœur  m'a  donné,  Dieu  merci, 
la  liberté  de  vous  parler  avec  toute  confiance  et  sans 
vous  rien  celer  ni  déguiser  ;  et  me  semble  que  vous  avez 
cru  connaître  cela  jusques  à  présent  par  mon  procédé 
avec  vous.  Jésus,  mon  Dieu  !  serais-je  réduit  à  ce 
malheur  qu'il  me  fallût  faire  ou  dire  quelque  chose 
à  votre  égard  contre  la  sainte  simplicité  !  Oh  !  Dieu 
m'en  garde.  Monsieur,  et  à  l'égard  de  qui  que  ce  soit  ! 
C'est  la  vertu  que  j'aime  le  plus  et  à  laquelle  je  fais 
plus  d'attention  dans  mes  actions,  si  me  semble  ;  et, 
s'il  m'est  loisible  de  le  dire,  je  dirai  que  cela  se  fait 
avec  quelque  progrès,  par  la  miséricorde  de  Dieu. 

Au  nom  de  Dieu,  mon  petit  Père,  rejetez  ces  pensées 
comme  des  tentations  que  l'esprit  malin  vous  jette  dans 
le  vôtre  et  croyez  que  mon  cœur  n'est  pas  tant  le  mien 
que  le  vôtre,  et  que  vous  m'êtes  plus  que  je  ne  me  suis 
à  moi-même  à  plaisir  et  consolation,  et  que  c'est  cela 
qui  me  fait  espérer  votre  retour  ;  mais  je  ne  désire  pas 
que  ce  soit  pendant  le  fort  de  l'hiver  et  en  ce  danger, 


—  285  — 

mais  en  la  manière  dont  je  vous  ai  écrit  par  ma  dernière, 
qui  est  à  dire  vers  le  mois  de  février  ou  de  mars,  si  ce 
n'est  que  vous  vous  mettiez  sur  les  galères  de  France  qui 
doivent  apporter  le  cardinal  de  Lyon  ^  à  Rome,  qui  doit 
partir  vers  les  avents,  auquel  cas  il  serait  bon  ou  de 
prier  Monsieur  Gilioli  de  vous  aller  trouver  à  Rome,  ou 
de  l'aller  prendre  pour  aller  attendre  les  galères  à  Li- 
vourne,  qui  est  le  port  de  mer  de  Florence. 

Je  ne  vous  dis  rien  de  l'affaire  de  Saint-Lazare,  pour- 
ce  que  je  vous  ai  déjà  mandé  que  je  vous  priais  de  faire 
signer  la  supplique  par  le  Pape  pour  mettre  la  chose  en 
état  d'être  faite  d'ici  à  cinquante  ans,  comme  vous  nous 
mandez  ;  et  si  la  chose  se  pouvait  expédier  à  quelque 
bon  compte,  il  faudrait  y  entendre. 

Or  sus,  voilà  donc,  Monsieur,  tout  ce  que  je  vous  dirai 
pour  le  présent  de  moi,  sinon  que  je  vous  salue  avec 
toute  la  tendresse  de  mon  cœur  et  que  je  vous  prie 
d'avoir  soin  de  votre  santé,  qui  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur,  Monsieur,  votre  très  humble  et  obéissant  ser- 
viteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Saint-Lazare,  ce  6  novembre   1634. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  du  Coudray,  prê- 
tre de  la  Mission,  à  Rome. 


I.  Alphonse  de  Richelieu,  frère  du  cardinal-ministre.  Il  allait  à 
Rome  prêter  main  forte  à  l'ambassadeur  ordinaire  Henri  de  Noail- 
les,  pour  obtenir  du  Pape  l'annulation  du  mariage  que  Gaston  d'Or- 
léans venait  de  contracter  avec  Marguerite  de  Lorraine.  La  lenteur 
des  négociations  finit  par  impatienter  le  ministre  de  Louis  XIII,  qui 
écrivait  le  3  octobre  1635  :  «  Il  serait  important  que  le  roi  envoyât 
à  Rome  quelque  personne  de  condition  en  qualité  d'ambassadeur 
extraordinaire  qui  fût  de  son  naturel  agissant  plus  violemment  que  ?kl. 
de  Npailles  et  que  le  cardinal  de  Lyon.  »  [Lettres,  instructions  di- 
■plomatiques  et  fafiers  d'Etat  du  cardinal  de  Richelieu,  Paris,  1853- 
1877,   8  vol.   in-4,   t.    IV,  p.   307.) 


—  286  — 

189.  —  A  JEAN  DE  FONTENEIL» 

7  décembre    1634. 
Monsieur, 

La  grâce  de  N.-S.  soit  avec  vous  pour  jamais  ! 

M.  de  la  Salle  m'a  écrit  par  plusieurs  fois  l'affection 
que  N.-S.  vous  a  donnée  pour  notre  petite  manière  de  vie 
et  pour  lui  et  pour  M.  Brunet,  et  celle  avec  laquelle  vous 
travaillez  au  salut  du  pauvre  peuple  et  pour  nous  aux 
occasions  ~.  Or,  de  tout  cela.  Monsieur,  je  vous  en  remer- 
cie très  humblement  et  prie  N.-S.  qu'il  soit  lui-même 
votre  remerciement  et  votre  récompense  et  qu'il  répande 
sur  vous  de  plus  en  plus  l'abondance  de  ses  grâces  et 
bénédictions. 

O  Monsieur,  que  mon  cœur  est  rempli  de  consolation 
toutes  les  fois  que  ledit  sieur  de  la  Salle  m'écrit  votre 


Lettre  189.  —  Reg.  i>  £"14  v°.  Le  copiste  note  que  l'original  était 
de    l'écriture    de    saint    Vincent. 

I.  Jean  de  Fonteneil,  né  à  Bordeaux  vers  1605,  fut  l'ami  et  l'imita- 
teur de  saint  Vincent.  Ses  grandes  qualités  lui  firent  obtenir  les  plus 
hautes  dignités  du  diocèse  ;  il  fut  nommé  chanoine  de  Saint-Seurin 
en  juillet  1623,  vicaire  général  archiépiscopal  particulier  le  i^r  no- 
vembre 1639,  vicaire  perpétuel  de  l'église  paroissiale  de  Sainte-Co- 
lombe, puis  de  Saint-Siméon,  à  Bordeaux,  grand  archidiacre,  chan- 
celier de  l'Université  de  Bordeaux  en  1650,  vicaire  général  du  diocèse 
le  10  septembre  1655.  Convaincu,  comme  son  ami  saint  Vincent,  du 
grand  bien  qu'étaient  appelés  à  faire  les  séminaires,  les  missions, 
les  retraites  et  les  réunions  hebdomadaires  d'ecclésiastiques  pour  con- 
férer ensemble  sur  des  questions  de  théologie,  de  discipline  ou  de 
piété,  il  fonda  à  cet  effet  la  congrégation  des  Missionnaires  du  clergé, 
qui  dirigea  le  séminaire  des  ordinands  de  Bordeaux,  les  séminaires 
d'Aire  et  de  Sarlat  et  fut  mise  en  possession  de  la  chapelle  de  Notre- 
Dame-de-Montuzet,  des  cures  de  Saint-Louis-du-Marais  et  de  Saint- 
Simon-Cardonnat  (Gironde).  Cette  congrégation  dura  peu.  Elle  ne 
sur\-écut  que  trois  ans  à  son  fondateur,  qui  mourut  à  Bordeaux  le 
2  mars  167g.  (Cf.  Bertrand,  Histoire  des  séminaires  de  Bordeaux 
et  de  Bazas,  Bordeaux,   1894,  3  vol.,  t.   I,  p.  207  et  suiv.) 

2.  Il  n'y  avait  pas  longtemps  que  Messieurs  de  la  Salle  et  Brunet 
travaillaient  dans  le  diocèse  de  Bordeaux,  car  le  pouvoir  d'y  prêcher 
et  d'y  confesser  leur  avait  été  donné  le  21  octobre  précédent.  (Ber- 
trand,   ibid.,    p.    215.) 


—  287  — 

zèle  au  salut  des  âmes,  votre  assiduité  à  la  conquête 
d'icelles,  la  bénédiction  que  N.-S.  vous  y  donne  et  la 
vertu  solide  qui  est  en  vous  !  Certes,  Monsieur,  tout 
cela  produit  en  moi  une  joie  que  je  ne  vous  puis  expri- 
mer et  une  affection  toute  particulière  à  prier  Dieu  qu'il 
lui  plaise  vous  continuer  et  vous  augmenter  les  mêmes 
grâces. 

C'est  là,  Monsieur,  la  récompense  que  vous  attendez 
de  nous  pour  tant  et  tant  d'actes  de  charité  que  vous 
exercez  incessamment  pour  nous  de  delà.  J'y  ajoute 
l'offre  que  je  vous  fais,  Monsieur,  de  la  petite  compa- 
gnie et  de  son  service,  avec  toute  l'affection  et  l'humilité 
qui  m'est  possible,  et  le  mien  particulièrement,  qui  me 
donne  la  confiance  de  me  recommander  à  vos  saintes 
prières  et  qui  suis,  en  l'amour  de  N.-S.,  Monsieur,  votre 
très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 
p.  d.  1.  M.  i. 


190.  —  A  MONSIEUR  BELIN 

16  décembre  1634. 
Monsieur, 

La  grâce  de  N.-S.  soit  avec  vous  pour  jamais  ! 

Voilà  enfin  le  temps  venu  auquel  nous  allons  glaner 
après  les  grandes  moissons  que  N.-S.  a  faites  par  vous 
en  ce  pays-là.  Je  vous  supplie,  Monsieur,  de  continuer 
votre  charité  à  la  compagnie  et  de  l'avertir  de  tout  ce 
qui  sera  expédient  in  Domino.  Vous  verrez  du  m.onde 


Lettre  190.  —  Reg.   i,  f°   i  \°.   Le  copiste  note  que  l'original  était 
de  l'écriture  de  saint  Vincent. 


—  288  — 

tout  nouveau  en  tous  sens  ;  mais  que  voulez-vous  ?  C'est 
ainsi  que  la  Providence  nous  soumet  à  la  vicissitude. 

Je  vous  prie  de  parler  à  cœur  ouvert  et  sans  retenue  à 
M.  Grenu  et  à  un  chacun  touchant  les  avis  que  vous  ju- 
gerez à  propos  de  leur  donner  dans  les  rencontres  ;  au- 
trement et  eux  et  les  plus  prudents  hommes  pourraient 
faire  des  fautes. 

Et  si  votre  charité  le  peut,  aurez-vous  point  agréable 
d'aller  à  Saint-Nom  ^  ou  aux  Clayes  faire  le  catéchisme 
et  y  confesser  ?  Faites-le,  je  vous  en  supplie,  et  choisis- 
sez. Savez-vous  pas  bien  que  N.-S.  vous  a  fait  mission- 
naire, ains  que  c'est  vous  qui  avez  une  des  meilleures 
parts  à  la  conception,  à  la  grossesse,  à  la  naissance  et 
au  progrès  de  la  Mission,  et  que,  n'étaient  les  témoi- 
gnages évidents  que  Dieu  a  donnés,  qu'il  vous  voulait 
à  \'^illepreux,  que  vous  seriez  à  la  Mission  tout  à  fait. 
Pour  moi,  je  vous  regarde  comme  un  perpétuel  et  très 
parfait  missionnaire. 

Le  bon  M.  Pillé  ^  est  aux  Bons-Enfants,  un  peu  in- 
commodé de  son  estomac  ;  M.  Portail  a  mal  aux  yeux, 
et  moi  aux  jambes  ;  mais  nous  vous  chérissons  tous 
trois  de  tout  notre  cœur.  Ayez  soin.  Monsieur,  au  nom 
de  N.-S.,  de  prier  Dieu  qu'il  nous  fasse  la  grâce  de  faire 
sa  volonté  en  toutes  choses,  et  suis,  en  son  amour.  Mon- 
sieur, votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Je  vous  prie  de  faire  trouver  un  garçon  pour  apporter 
et  apprêter  le  manger  à  Saint-Nom,  et  l'on  le  payera. 

1.  Saint-Nom-la-Bretèche    (Seine-et-Oise) . 

2.  Prêtre  du  diocèse  de  Sens,  reçu  dans  la  congrégation  de  la  Mis- 
sion vers  octobre  1631,  supérieur  du  collège  des  Bons-Enfants  de 
1635  à  1638,  mort  à  Paris  le  7  octobre  1642.  Saint  Vincent  a  retracé 
sa  vie  et  fait  l'éloge  de  ses  vertus  dans  une  longue  lettre  circulaire 
qui  sera  insérée  plus  loin.  On  trouve  aux  Arch.  Nat.  M  211,  liasse  i, 
une  copie  de  son  testament. 


—  289  — 

191.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Avant   1640  ^] 

...  Si  VOUS  trouvez  bon  de  lui  en  faire  ouverture,  vous 
le  ferez  ;  sinon,  ne  lui  en  dites  mot.  Je  vous  renvoie  la 
lettre  de  Madame  de  Villegoubelin  -.  Nous  parlerons 
après  vos  exercices  '  de  ce  qu'elle  contient.  Or  sus,  com- 
ment faites-vous  ?  Vous  empressez-vous  point  ?  Au 
nom  de  Dieu,  faites  doucement  en  la  manière  que  vous 
pouvez  vous  imaginer  que  faisait  notre  bienheureux 
Père  Monseigneur  de  Genève  *. 

Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur,  Mademoiselle,  votre  très  humble  et  obéissant 
serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  mardi  matin. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


192.  —  JEAN   DE  LA  SALLE  ET  JEAN-JOSEPH  BRUNET 
A  SAINT  VINCENT* 

1634. 

Les  prédications  sont  très    suivies   dans  le  diocèse   de   Bor- 
deaux.   Les  fidèles  viennent   de  loin.    Si   vif  est  leur  désir  de 


Lettre  191.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
Le  commencement  de  la  lettre  a  été  découpé  et  perdu. 

1.  Après  1639,  ^^^  mots  «  Ce  mardi  matin  »  figureraient  en  tête 
de  la  lettre. 

2.  Voir  lettre   i6g. 

3.  Vos   exercices,   votre  retraite. 

4.  Saint    François   de    Sales. 

Lettre  192.  —  Abelly,  of.  cit.,  t.  IL  chap.  i,  sect.  11,  §  8,  ire  éd., 
p.   50. 

I.  Cette  lettre,  dit  Abelly,  est  de  missionnaires  que  saint  Vincent 
envoya  en  1634  c  travailler  dans  le  diocèse  de  Bordeaux  »  ;  ces  mis- 
sionnaires,   la    lettre    189   nous  les   fait  connaître. 

19 


—  290  — 

faire  une  confession  générale  qu'ils  attendent  leur  tour  des 
semaines  entières,  sans  rentrer  chez  eux,  et  préféreraient  mou- 
rir que  perdre  cette  occasion  de  se  réconcilier  avec  Dieu.  II  en 
est  qui  s'accusent  tout  haut  pour  mieux  s'humilier. 


193.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  1634  et  1639  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

J'ai  parlé  à  Madame  la  garde  des  sceaux  -  de  la  Cha- 
rité des  filles.  Elle  a  baillé  cent  écus  à  Madame  la  prési- 
dente Goussault,  qu'elle  vous  enverra  aujourd'hui  ;  et 
qui  plus  est,  elle  désire  aller  à  la  campagne  avec  vous 
autres. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Snscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


194.  —  A  CH.^RLES-CHRÉTIEN  DE  GOURNAY,  ÉVÊQUE  DE  TOUL  * 

19  janvier    1635. 

Saint  Vincent  prie  Charles-Chrétien  de  Gournay,  qui  lui 
avait  demandé  une  entrevue,  de  vouloir  bien  attendre  quelques 
jours,  parce  qu'il  doit  commencer  le  lendemain  la  visite  des 
Filles  de  la  Madeleine,  qu'il  continuera  pendant  une  semaine 
au  moins,  et  qu'il  est  attendu  le  dimanche  suivant,  fête  du 
saint  Nom  de  Jésus,  à  Montreuil,  où  il  doit  prêcher  et  se  ren- 
dre compte  du  bon  fonctionnement  de  la  confrérie  établie  en 
ce  lieu. 

Lettre  193.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  La  lettre  a  été  écrite  entre  l'institution  des  Filles  de  la  Charité 
et   la   mort  de   Madame   Goussault. 

2.  Madame    Séguier. 

Lettre  194.  —  Collet,  of.  cit.,  t.  I,  p.  355,  en  note,  d'après  l'ori- 
ginal, trouvé  à  Toul. 

I.  Nommé  en  1634,   mort    à   Nancy   le   14  septembre   1637. 


—  291  - 


195.  —  A  N*** 


[Vers  1635  i.j 

Je  tombai  dangereusement  malade  il  y  a  deux  ou 
trois  jours  ;  ce  qui  m'a  fait  penser  à  la  mort.  Par  la 
grâce  de  Dieu,  j'adore  sa  volonté  et  j'y  acquiesce  de 
tout  mon  cœur  ;  et  m'examinant  sur  ce  qui  me  pourrait 
donner  quelque  peine,  j'ai  trouvé  qu'il  n'y  a  rien  sinon 
de  ce  que  nous  n'avons  pas  encore  fait  nos  règles  ^. 

196.  —  A  GUY-FRANÇOIS  DE  MONTHOLON* 

[1635,   après  le  28  mars  2.] 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  vous  dirai,  avec  une  extrême  douleur,  que  je  suis 
indigne  de  l'honneur  de  votre  bienveillance,  pour  n'avoir 
su  garder  M.  le  chevalier  votre  frère  ^,  qui  s'est  sauvé  à 

Lettre  195.  —  Abelly,  of.  cit.,  t.  I,  chap.  11,  p.  252. 

1.  Abelly  dit  que  ce  fragment  de  lettre  a  été  écrit  par  le  saint  plus 
de  vingt-cinq  ans  avant  sa  mort,  qui  survint,  on  le  sait,  le  27  sep- 
tembre   1660 

2.  Saint  Vincent  ne  commença  à  les  préparer  qu'en  1642. 

Lettre  196.  —  Bulletin  du  Bibliofhile  et  du  Bibliothécaire,  1872, 
p.  382.  L'original,  dont  nous  n'avons  pu  avoir  communication,  est  la 
propriété  de  la  famille  de  Montholon  ;  il  se  trouve  à  Quevillon, 
près  de  Rouen,   au  château  de  la  Rivière-Bourdot. 

1.  Seigneur  du  Vivier  et  d'Auberv-illiers,  avocat  au  Parlement  et 
conseiller  d'Etat,  mort  le  24  janvier  1679,  à  l'âge  de  soixante-dix-huit 
ans. 

2.  Lambert  aux  Couteaux  informait  Guy-François  de  Montholon, 
le  28  mars  1635,  que  son  frère  était  depuis  deux  jours  dans  un  état 
semblable  à  la  folie.  [Archives  du  Prince  de  Montholon  de  L'mbriano. 
Inventaire  des  Titres  de  la  maison  de  Montholon  (1200-1900),  Paris, 
1901,   in-4°,   n°  490.) 

3.  Pour  avoir  épousé  clandestinement,  le  29  juillet  1632,  Jeanne 
Jeannesson,    dont    la   position    sociale   n'était   pas   en   rapport   avec   la 


—  292  — 

ce  soir  par  une  petite  porte  écartée,  qui  sert  à  notre  lé- 
preux *,  pendant  que  je  parlais  à  votre  clerc  qui  m'est 
venu  trouver  de  votre  part,  sur  le  sujet  d'une  lettre  que 
je  vous  avais  écrite.  Je  venais  de  le  laisser  avec  un  reli- 
gieux de  céans  ^  dans  le  jardin  à  M.  de  Saint-Lou.-.in. 
M'étant  venu  trouver,  je  n'ai  fait  que  le  conduire  jusqu'à 
la  porte,  là  011  l'on  m'a  dit  que  votre  clerc  me  deman- 
dait ;  et  à  peine  étais- je  avec  lui  quand  l'on  m'est  venu 
dire  :  Voilà  ce  gentilhomme  qui  se  sauve.  Ce  même  temps, 
je  suis  allé  au  jardin  et  de  là  à  la  petite  porte  par  la- 
quelle l'on  m'a  dit  qu'il  venait  de  sortir  et  qu'il  était 
avec  un  des  religieux  de  céans,  lequel  je  croirais  bien  qu'il 
ne  lui  ait  enseigné  cet  endroit  par  lequel  il  s'est  sauvé.  Et 
de  faire  courir  après,  nous  n'avons  point  de  gens  propres 
pour  cela  ;  et  puis,  les  soldats  l'auraient  infailliblement 
secouru  ^.   De  vous  dire.   Monsieur,   en  quelle  affliction 

sienne,  Jean  de  Montholon  avait  été  arrêté  le  5  décembre  1634  et 
enfermé  dans  la  prison  de  Saint-Lazare,  à  la  requête  de  son  frère  et 
tuteur  Guy-François,  après  sentence  de  la  prévôté  de  Paris.  Il  avait 
vingt  et  un  ans  lors  de  son  incarcération.  (Archives  du  Prince  de 
Montholon    de   Umhriano,    n^^    480   et    483.) 

4.  Saint-Lazare  était  une  ancienne  léproserie.  Dans  le  concordat 
passé,  le  7  janvier  1632,  entre  saint  Vincent  et  les  anciens  religieux 
de  Saint-Lazare,  il  est  noté  que  la  maison  n'abritait  alors  aucun  lé- 
preux. Engagement  fut  pris  par  le  saint  de  recevoir  et  d'héberger 
gratuitement  les  lépreux  qui  se  présenteraient.  Cette  lettre  est,  à 
notre  connaissance,  le  seul  document  qui  signale  la  présence  d'un 
lépreux  à  Saint-Lazare  après  1632.  Dans  sa  supplique  au  Pape  Ur- 
bain VIII,  saint  Vincent  notait,  en  1634  (1.  178),  qu'il  n'y  avait  pas 
eu  depuis  longtemps  de  lépreux  dans  le  prieuré. 

5.  Un   religieux  de  l'ancien   Saint-Lazare. 

6.  La  prison  de  Saint-Lazare  recevait  des  fous  et  des  incorrigibles. 
Quand  saint  Vincent  prit  possession  du  prieuré,  elle  ne  renfermait 
que  deux  ou  trois  pauvres  aliénés.  Leur  nombre  augmenta  dans  la 
suite.  Le  bon  saint  veilla  sur  eux  avec  l'afFection  d'un  père.  Un  jour 
que,  menacé  d'être  spolié  de  Saint-Lazare  par  d'avides  compéti- 
teurs, il  se  demandait  ce  qui  lui  coûterait  de  plus  à  son  départ,  sa 
pensée  se  reporta  sur  les  aliénés  dont  il  avait  la  garde.  «  Il  me  sem- 
blait, à  cette  heure-là,  dit-il  dans  un  entretien,  que  ce  serait  de  ne 
plus  voir  ces  pauvres  gens  et  d'être  obligé  d'en  quitter  le  soin  et  le 
service.  »  (Cf.  Abelly,  cf.  cit.,  t.  II,  chap.  vi,  p.  305  et  suiv. )  Le 
seul  catalogue  des  détenus  qui  nous  reste  va  de  1692  à  1734.  fArch. 
Nat.    MM   543.)    On  y  trouve  plus  d'un  nom  illustre. 


—  293  — 

cela  m'a  mis,  il  n'est  pas  explicable,  ce  étant  le  pre- 
mier service  que  vous  aviez  requis  de  moi.  Ce  mauvais 
service  m'est  si  cuisant  que  Dieu  seul  le  sait  ;  et  n'était 
que  j'espère  que  votre  bonté  me  pardonnera,  et  que  vous 
vous  servirez  de  ce  sujet  de  vous  mieux  assurer  de  lui,  je 
ne  sais  qui  me  pourrait  consoler.  Je  recours  donc  [dere- 
chef] ^  à  votre  bonté.  Monsieur,  et  vous  supplie,  [par]  * 
l'amour  de  Notre-Seigneur,  de  me  vouloir  pardonner  ; 
[ce  qu']  '  espérant  de  votre  bonté,  je  [suis]  ^"t  en  l'amour 
de  Notre- Seigneur  et  de  sa  sainte  Mère,  IVIonsieur,  votre 
très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De   Saint-Lazare,  ce   samedi   au  soir  i'. 

197.  —  A  ANTOINE  PORTAIL,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION 

IMonsieur, 

La  grâce  de  Xotre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

J'ai  reçu  deux  de  vos  lettres  depuis  votre  départ,  voire 
trois,  l'une  de  Brie-Comte-Robert  i,  l'autre  de  Lion,  et  la 


7.  Texte  du  Bulletin    :  de  reste. 

8.  Texte  du  Bulletin    :   pour. 

9.  Texte   du  Bulletin    :    et. 

10.  Texte  du  Bulletin    :  serai. 

11.  Jean  de  Montholon  épousa  légalement  dans  la  suite  Jeanne 
Jeannesson.  Il  prit  du  sen-ice  dans  l'armée,  acquit  en  1640  la  sei- 
gneurie des  Bordes-Cocherets  et  épousa  en  secondes  noces  en  1647 
Demoiselle  Louise  de  Chesneton.  {Archives  du  Prince  de  Montholon 
de  Umbriano,  v\°^  551,   568,   605.) 

Lettre    197.    —    Recueil    du  procès   de  béatification. 

I.  Aujourd'hui  chef -lieu  de  canton  en  Seine-et-Marne.  Cette  loca- 
lité avait  déjà  reçu  la  visite  des  missionnaires  et  de  saint  Vincent 
lui-même  ;  elle  possédait  sa  confrérie  de  la  Charité  depuis  quatre  ans. 
Grâce  à  une  fondation  du  commandeur  de  Sillery,  une  mission  y  sera 
donnée  tous  les  cinq  ans. 


—  294  — 

dernière,  du  lendemain  de  Quasimodo  ^,  de  Luzarches  ^, 
votre  première  mission  ;  et  ne  vous  ai  point  fait  réponse 
à  la  première,  pource  que  je  ne  la  reçus  que  huit  jours 
après  ou  environ,  et  que  je  crus  que  ma  lettre  ne  vous 
trouverait  point  à  Lion  ;  ni  à  la  seconde,  à  cause  que  je 
ne  le  jugeais  pas  expédient.  Voici  la  réponse  à  toutes 
trois. 

Je  vous  dirai  donc,  pour  la  première,  que  je  ne  pense 
pas  que  vous  ayez  besoin  d'autre  licence  que  celle  que  je 
vous  ai  baillée  ;  quant  à  la  seconde,  que  je  loue  Dieu 
de  ce  que  vous  me  mandez  par  le  petit  billet. 

Parlons  de  la  troisième.  Certes,  Monsieur,  elle  m'a 
consolé  plus  que  je  ne  puis  vous  dire,  pour  la  bénédic- 
tion qu'il  a  plu  à  Dieu  de  donner  à  vos  chétifs  caté- 
chismes et  aux  prédications  de  Monsieur  Lucas,  que  vous 
me  dites  bonnes,  et  à  tout  ce  qui  s'en  est  ensuivi.  O  Mon- 
sieur, qu'il  a  été  bon  que  vous  ayez  été  humilié,  d'abord 
pource  que,  pour  l'ordinaire,  il  n'en  arrive  autrement 
dans  le  progrès,  et  que  c'est  de  la  sorte  que  Notre-Sei- 
neur  prépare  ceux  desquels  il  désire  se  servir  utilement  ! 
Et  lui-même  combien  a-t-il  été  humilié  dès  le  premier 
abord  de  sa  mission  !  Comme  extrema  gaudii  lue  tus  oc- 
cupât *,  aussi  est-il  dit  à  ceux  qui  travaillent  dans  l'an- 
goisse et  la  pressure  que  tristitia  eorum  vertetur  in  gau- 
dium.  Aimons  ce  dernier  et  craignons  le  premier.  Et,  au 
nom  de  Dieu,  Monsieur,  je  vous  prie  d'entrer  dans  ces 
sentiments,  et  Monsieur  Lucas  aussi,  de  ne  rien  préten- 
dre de  vos  travaux  que  honte,  qu'ignominie  et  enfin  la 
mort,  s'il  plaît  à  Dieu.  Un  prêtre  doit-il  pas  mourir  de 
honte  de  prétendre  de  la  réputation  dans  le  service 
qu'il  rend  à  Dieu  et  de  mourir  dans  son  lit,  qui  voit  Jé- 


2.  i6   avril. 

3.  Aujourd'hui  chef-lieu   de  canton  en   Seine-et-Oise. 

4.  Livre  des  Proverbes  xiv,    13. 


—  295  - 

sus-Christ  récompensé  de  ses  travaux  par  l'opprobre  et 
le  gibet.  Ressouvenez-vous,  Monsieur,  que  nous  vivons 
en  Jésus-Christ  par  la  mort  de  Jésus-Christ,  et  que  nous 
devons  mourir  en  Jésus-Christ  par  la  vie  de  Jésus- 
Christ,  et  que  notre  vie  doit  être  cachée  en  Jésus-Christ 
et  pleine  de  Jésus-Christ,  et  que,  pour  mourir  comme  Jé- 
sus-Christ, il  faut  vivre  comme  Jésus-Christ.  Or,  ces  fon- 
dements posés,  donnons-nous  au  mépris,  à  la  honte,  à 
l'ignominie  et  désavouons  les  honneurs  qu'on  nous  rend, 
la  bonne  réputation  et  les  applaudissements  qu'on  nous 
donne  et  ne  faisons  rien  qui  ne  soit  à  cette  fin. 

Travaillons  humblement  et  respectueusement.  Qu'on 
ne  défie  point  les  ministres  en  chaire  ;  qu'on  ne  dise 
point  qu'ils  ne  sauraient  montrer  aucun  passage  de  leurs 
articles  de  foi  dans  la  Sainte  Ecriture,  si  ce  n'est  rare- 
ment et  dans  l'esprit  d'humilité  et  de  compassion  ;  car 
autrement  Dieu  ne  bénira  point  notre  travail.  L'on  éloi- 
gnera les  pauvres  gens  de  nous.  Ils  jugeront  qu'il  y  a 
eu  de  la  vanité  en  notre  fait,  et  ne  nous  croiront  pas. 
L'on  ne  croit  point  un  homme  pour  être  bien  savant, 
mais  pource  que  nous  l'estimons  bon  et  l'aimons.  Le 
diable  est  très  savant  et  nous  ne  croyons  pourtant  rien 
de  ce  qu'il  dit,  pource  que  nous  ne  l'aimons  pas.  Il  a 
fallu  que  Notre-Seigneur  ait  prévenu  de  son  amour  ceux 
qu'il  a  voulu  faire  croire  en  lui.  Faisons  ce  que  nous  vou- 
drons ;  l'on  ne  croira  jamais  en  nous,  si  nous  ne  témoi- 
gnons de  l'amour  et  de  la  compassion  à  ceux  que  nous 
voulons  qu'ils  croient  en  nous.  Monsieur  Lambert  et 
Monsieur  Soufliers,  pour  en  avoir  usé  de  la  sorte,  ont 
passé  pour  des  saints  en  l'un  et  l'autre  partis,  et  Notre- 
Seigneur  a  fait  de  grandes  choses  par  eux.  Si  vous  en 
usez  de  la  sorte,  Dieu  bénira  vos  travaux  ;  sinon,  vous 
ne  ferez  que  du  bruit  et  des  fanfares  et  peu  de  fruit.  Je 
ne  vous  dis  pas  ceci.  Monsieur,  pource  que  j'ai  su  que 


—  296  — 

vous  ayez  fait  le  mal  que  je  dis,  mais  afin  que  vous  vous 
en  gardiez  et  travailliez  constamment  et  humblement 
dans  l'esprit  d'humilité  ^.  Que  Monsieur  Lucas  continue 
donc  les  prédications,  et  vous  le  catéchisme. 

Je  doute  fort  que  Monsieur  Olier  ^  et  Perrochel  ^  vous 
aillent  voir.  Le  premier  était  déjà  parti  et  l'autre  le  de- 
vait suivre  quelques  jours  après.  Mais  Monsieur  Olier  a 
été  arrêté  par  la  proposition  avec  instance  que  Monsieur 
de  Langres  *  lui  a  fait  faire  de  prendre  son  évêché.  Ils 
sont  dans  les  pourparlers.  La  chose  est  encore  douteuse  à 
cause   des   conditions.   Il   y   a  plus   d'apparence  que  la 


5.  Saint  Vincent  savait  qu'Antoine  Lucas,  compagnon  d'Antoine 
Portail,  était  d'un  tempérament  ardent  et  porté  à  la  controverse,  pour 
laquelle  il  avait  d'ailleurs  de  grandes  aptitudes. 

6.  M.  Olier  se  repentit  de  n'être  pas  allé  au  secours  des  deux  prê- 
tres de  la  Mission.  La  peine  qu'il  en  éprouva  fut  si  vive  que  sa  santé 
faillit  en  être  ébranlée.  Ce  furent  pendant  deux  ans  des  remords 
cuisants,  des  scrupules  continuels,  accompagnés  de  «  sécheresses  et 
de  grandes  obscurités  »,  de  larmes  et  de  soupirs.  (Faillon,  of.  cit., 
t.   I,   pp.    158,   180,   i8r.] 

7.  François  Perrochel,  né  à  Paris  le  18  octobre  1602,  était  cousin 
de  M.  Olier.  Il  fut  du  nombre  des  ecclésiastiques  pieux  et  zélés  qui 
se  groupèrent  autour  de  saint  Vincent  pour  s'animer  de  son  esprit 
et  travailler  sous  sa  direction.  Il  donna  des  missions  en  divers  lieux, 
en  particulier  en  Auvergne,  à  Joigny  et  au  faubourg  Saint-Germain, 
fit  partie  de  la  conférence  des  mardis  et  assista  aux  réunions  dans 
lesquelles  fut  organisée  l'œuvre  des  retraites  des  ordinands.  Evêque 
nommé  de  Boulogne,  il  fut  invité  à  faire  les  entretiens  des  ordinands 
réunis  aux  Bons-Enfants  et  s'en  acquitta  si  bien  que  la  reine  voulut 
l'entendre.  Touchée  de  ses  paroles,  elle  laissa  d'abondantes  aumônes 
au  saint  pour  l'aider  à  couvrir  une  partie  des  dépenses  faites  par  les 
retraitants.  François  Perrochel  fut  sacré  dans  l'église  de  Saint-Lazare 
le  II  juin  1645.  I^'épiscopat  de  ce  saint  prélat  est  l'un  des  plus  fé- 
conds et  des  plus  glorieux  qu'ait  connu  le  diocèse  de  Boulogne.  Quand, 
accablé  par  l'âge  et  les  infirmités,  l'évêque  de  Boulogne  se  vit  dans 
l'impossibilité  de  gouverner  convenablement  son  diocèse,  il  donna 
sa  démission.  C'était  en  1675.  Il  couronna  sa  carrière  le  8  avril  1682 
par  une  mort  digne  de  sa  vie.  (Cf.  Van  Drivai,  Histoire  des  évêçties 
de  Boulogne,   Boulogne-sur-!Mer,    1852,   in-8°.  ) 

8.  Sébastien  Zamet,  né  en  1588,  sacré  en  1615,  mort  en  son  château 
de  !Mussy  le  2  février  1655.  M.  l'abbé  Prunel  a  publié  sa  vie  (Sé- 
bastien Zamet,  évéqite-duc  de  Langres,  fair  de  France,  Paris,  in-S", 
1912)  et  ses  lettres  spirituelles  {Lettres  spirituelles  de  Sébastien  Za- 
met  -précédées  des   Avis   spirituels,   Paris^    191  ij    in-80.) 


—  297  — 

chose  se  fera  que  du  contraire  *.  Ledit  sieur  Olier  ne 
laissera  pas  pourtant  peut-être  de  faire  un  petit  voyage 
jusqu'à  Pébrac  pour  affermer  son  bail.  Si  Monsieur  Per- 
rochel  avait  quelque  compagnon,  il  ne  laisserait  pas 
peut-être  de  vous  aller  trouver.  L'on  verra.  Je  vous  sup- 
plie cependant  de  m'écrire  souvent  et  de  donner  mandat 
à  qui  j'adresserai  ma  lettre  à  Mende. 

J'ai  envoyé  ce  soir  la  lettre  de  Monsieur  Lucas  à  Mon- 
sieur Tinien,  et  à  Monsieur  Olier  la  sienne  ;  car  c'est  ce 
matin  que  j'ai  reçu  la  vôtre. 

Que  vous  dirai-je  de  nos  nouvelles  ?  Tout  le  monde 
se  porte  bien,  Dieu  merci.  Nous  avons  reçu  depuis  votre 
départ  un  gentilhomme  limousin  qui  a  été  de  la  religion, 
parent  de  Monsieur  de  Saint-Angel,  et  un  écolier  d'Au- 
vergne ^°  ;  mais,  en  récompense^!,  nous  avons  fait  re- 
connaître à  Monsieur  Flahan  qu'il  fera  mieux  ailleurs 
que  céans.  Il  vient  de  s'en  aller,  il  y  a  environ  une 
heure.  Je  pense  que  nous  recevrons  aussi  un  cousin 
de  Monsieur  Aleyster^- ;  c'était  frère  Etienne  aupara- 


9.  Cette  lettre  est  le  seul  document  qui  fasse  mention  de  l'offre 
de  l'évêque  de  Langres  à  Jean-Jacques  Olier  .Sa  découverte  a  mis  fin 
aux  conjectures  des  biographes  du  fondateur  de  Saint-Sulpice.  (Cf. 
Frédéric  Monier,  of.  cit.,  t.   I,  p.   128,  note  3.) 

10.  Annet  Savinier,  né  à  Clermont-Ferrand,  ordonné  prêtre  en  mars 

1637- 

n.  En  récompense,   par   compensation. 

12.  Etienne  Meyster  fut  l'un  des  plus  grands  missionnaires  du 
XYII»  siècle.  M.  du  Ferrier  disait  de  lui  qu'il  était  «  le  premier 
homme  du  inonde  pour  les  missions  »  et  le  P.  de  Condren,  que 
«  c'était  un  homme  à  opposer  à  l'antechrist  ».  Il  était  né  en  la  ville 
d'Ath  (Belgique),  de  l'ancien  diocèse  de  Cambrai.  La  réputation  de 
saint  Vincent  de  Paul  l'attira.  Il  entra  dans  la  congrégation  de  la 
Mission  à  la  fin  de  1634,  après  avoir  reçu  le  sous-diaconat,  fut  or- 
donné prêtre  en  1635  et  quitta  saint  Vincent  en  1636  pour  s'associer  à 
Jean-lacques  Olier  et  se  mettre  sous  la  direction  du  P.  de  Condren. 
Il  prêcha  en  divers  lieux  avec  grand  succès.  La  mission  d'Amiens  fut 
particulièrement  célèbre.  Il  avait  conquis  un  tel  ascendant  sur  le  peu- 
ple, a-t-on  dit,  qu'il  aurait  pu  livrer  la  ville  aux  Espagnols.  Le  P.  de 
Condren  écrivait  un  jour  à  M.  Olier  :  «  Nous  avons  à  le  vénérer 
et  à  nous  humilier  de  ce  que  nous  ne  sommes  pas  dignes  de  la  grâce 


— -  298  — 

vant'3.  Monsieur  de  la  Salle  reçoit  beaucoup  d'assis- 
tance de  Dieu  en  sa  mission'^:  ceux  qui  sont  en  Nor- 
mandie aussi.  L'on  s'en  va  partir  pour  deux  ou  trois 
endroits  du  diocèse  de  Chartres  et  pour  deux  de  ce 
diocèse.  J'ai  mandé  à  M.  du  Coudray  de  s'en  revenir 
avec  Monsieur  Gilioli  ^^. 

Et  voilà  toutes  nos  nouvelles.  Je  n'ai  point  encore  lu 
votre  lettre  à  la  compagnie  ;  je  le  ferai  demain,  Dieu 
aidant,  en  l'amour  duquel  je  salue  et  embrasse  chère- 
ment le  bon  Monsieur  Lucas  et  vous  aussi,  Monsieur, 
sans  oublier  le  bon  frère  Philippe  et  ni  la  simplicité 
dans  laquelle  je  vous  ai  parlé  et  suis  à  vous,  Monsieur, 
votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  i^^  de  mai  1635. 
Suscripiion  :  A  Monsieur  Monsieur  Portail. 

que  Dieu  lui  fait...  Je  reconnais,  ce  me  semble,  et  honore  en  lui 
quelque  chose  de  la  grâce  apostolique  à  laquelle  je  supplie  Notre-Sei- 
gneur  de  nous  donner  quelque  part.  »  Et  il  ajoutait  plus  loin  :  «  Il 
ne  faut  pas  qu'il  serve  de  règle  aux  autres.  »  M.  Meyster  ne  mar- 
chait pas  en  eiïet  par  les  voies  communes.  Son  jugement  n'était  pas 
à  la  hauteur  de  son  grand  talent.  «  Il  était  de  petit  sens  et  fort  vi- 
sionnaire »,  a  écrit  le  P.  Rapin  (Mémoires  du  F.  René  Rafin,  éd.  Au- 
bineau,  Lyon,  3  vol.  in-S*,  t.  I,  p.  50.)  Subitement  frappé  d'aliéna- 
tion mentale  au  milieu  d'un  sermon  qu'il  donnait  en  plein  air  à  Metz, 
sous  un  soleil  brûlant,  il  termina  misérablement  ses  jours  peu  après. 
On  trouve  d'assez  nombreux  renseignements  sur  Meyster  dans  la  Vie 
de  M.  Olier,  par  Faillon.  Saint  Vincent  dit  dans  sa  lettre  qu'un  cou- 
sin de  M.  Meyster  demandait  son  admission  dans  la  congrégation  de 
la  Mission  ;  c'était  Charles  Aulent,  né  le  i"  février  1614  à  Ath,  reçu 
parmi  les  missionnaires  à  la  fin  de  1636,  ordonné  prêtre  en  1640  et 
admis    aux    vœux   le    11   décembre    1644. 

13.  Il  était  et  il  est  encore  d'usage  dans  la  congrégation  de  la  Mis- 
sion de  donner  aux  clercs  le  nom  de  frères  et  de  réserver  aux  prêtres 
celui  de  Messieurs.  Quand  M.  Portail  quitta  Saint-Lazare  pour  aller 
en  mission,  Etienne  Mevster  n'était  pas  encore  prêtre  ;  on  l'appelait 
communément  Frère  Etienne.  Depuis  son  ordination,  qui  remontait  à 
peu  de  jours,  il  était  devenu  M.   Meyster. 

14.  Jean  de  la  Salle  et  Jean  Brunet  donnaient  des  missions  du  côté 
de  Bordeaux. 

15.  Tous  deux  étaient  à  Rome  ou  peut-être  en  route  pour  Paris. 


—  299  — 

198.   —   A   ANTOINE   LUCAS 

28  juin  1635. 

Le  saint  blâme  avec  douceur  Antoine  Lucas  de  ses  procédés 
envers  les  hérétiques,  qu'il  traite  avec  mépris  et  provoque  à 
la  dispute. 

199.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Juin  ou  juillet   1635  ^'^ 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Je  parlai  hier  à  la  compagnie  des  ecclésiastiques  de 
ce  que  Madame  la  présidente  Goussault  m'avait  mandé 
touchant  l'état  de  l'Hôtel-Dieu  ;  mais  enûn  il  a 
été  résolu  de  différer  encore  pour  quelques  jours.  Il  vaut 
mieux  laisser  dire  le  monde  que  d'exposer  tant  de  per- 
sonnes, dont  l'inconvénient  d'une  seule  peut  anéantir 
l'œuvre  tout  à  fait.  Et  puis,  l'on  dit  que  ces  bonnes  filles 
ne  sont  pas  tant  à  croire  en  cette  matière-là. 

Mon  Dieu  !  que  je  suis  en  peine  de  votre  pauvre  fille 
Barbe  -  et     de    l'autre  qui   est    malade   à  l'Hôtel-Dieu, 


Lettre  198.  —  Collet,  of.  cit.,  t.  I,  p.  247. 

Lettre  199.  —  L.  a.  —  Bibl.  Nat.   n.  a.  f.  22.741,  f°  285,  original. 

1.  Cette  lettre  précède  de  peu  la  lettre  201,  qui  est  du  13  juil- 
let  1635. 

2.  Barbe  Angiboust  occupe  dans  l'histoire  des  Filles  de  la  Charité 
des  vingt-cinq  premières  années  une  place  importante,  la  plus  impor- 
tante assurément  après  Louise  de  Marillac.  Entrée  en  communauté 
le  I  '  juillet  1634,  à  l'âge  de  vingt-neuf  ans,  elle  fut  reçue  aux  vœux 
le  25  mars  1642.  Le  saint  fondateur  la  mit  à  la  tête  des  maisons 
fondées  à  Saint-Germain-en-Laye  (1638),  Richelieu  (1638),  Saint- 
Denis  (1645),  Fontainebleau  (1646),  Brienne  (1652),  Bernay  (1655) 
et  Châteaudun  (1657),  o^  ^H^  mourut  le  27  décembre  1658.  Elle  avait 
en  1641  la  conduite  des  sœurs  employées  au  service  des  galériens. 
Rien  de  plus  édifiant  que  la  conférence  que  l'on  fit  sur  ses  vertus  à 
la  maison-mère  le   27  avril   1659. 


—  300  — 

comme  aussi  de  la  bomie  Madame  Mussot  !  Je  ne  les 
vous  recommande  point  ;  vous  en  avez  assez  de  soins. 
Mais  surtout  je  suis  en  peine  de  ce  que  vous  me  dites, 
que  vous  pouvez  si  peu  de  chose  que  c'est  une  pitié. 
Mais  je  crains  que  vous-même  ne  soyez  malade.  Man- 
dez-le-moi, je  vous  en  prie  ;  et  si  cela  est,  ne  retournez  pas 
à  r Hôtel-Dieu.  Marie  ^  suppléera  à  votre  défaut  ;  sinon, 
je  pense  que  vous  ferez  bien  d'y  faire  un  tour  demain, 
et  peut-être  que  vous  couchiez,  et  vous  en  retourner, 
le  lendemain,  à  Saint-Nicolas  pour  apprivoiser  peu  à  peu 
Marie  à  ces  filles,  et  elles  à  Marie. 

Mais  que  vous  dirai -je  de  Mademoiselle  Laurent  ?  Elle 
paraît  de  bon  esprit  ;  mais  son  âge  me  fait  peur  ; 
néanmoins,  si  vous  jugez  à  propos  de  la  faire  venir  à 
l'Hôtel-Dieu  en  passant  '^  deux  ou  trois  jours  avec 
elle,  et,  après  cela,  aller  et  venir  de  l'une  maison  à  l'autre, 
en  attendant  le  temps  opportun  pour  aller  aux  champs, 
faites-le  Elle  verra  et  vous  la  verrez,  mois  faites-lui 
bien  entendre  que  ce  n'est  qu'un  essai,  et  à  votre  cœur 
que  je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très 
humble  serviteur. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras 

200.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Juin  ou  juillet    1635  ^.J 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  poui 
jamais    ! 


3.    Marie  Joly. 

Lettre  200.  —  L.  a.  —  Original  chez  les  Pères  de  Picpus  de  Braine- 
le-Comte    (Belgique). 

I.  Le  passage  relatif  à  Marie  nous  porte  à  placer  cette  lettre  après 
la  lettre   199. 


—  30I  — 

Monsieur  Holden  -  n'est  point  venu  dîner  céans  ; 
faites-m'en  raison  ;  je  m'y  attendais. 

Je  parlerai  à  Monsieur  votre  fils.  Il  ne  faut  pas  qu'il 
quitte  légèrement  la  soutane.  S'il  le  fait,  il  y  aurait  lieu 
de  peine.  Dieu  pourtant,  qui  fait  tout  pour  le  mieux,  y 
trouverait  sa  gloire.  Il  faut  être  résigné  à  sa  divine  vo- 
lonté à  l'égard  de  toutes  choses.  Il  est  plus  l'enfant  de 
Dieu  que  le  vôtre.  Il  fera  ce  qui  sera  pour  le  mieux. 
Soyez  donc  disposée  à  tout  événement  et  ne  vous  relâ- 
chez pas  facilement  à  cette  condescendance.  S'il  quitte 
sa  soutane,  Ton  se  moquera  de  cela,  même  en  ce  collège- 
là  ;  et  d'aller  ailleurs,  il  s'y  perdra,  ou  pour  le  moins 
il  y  courra  grand  risque. 

J'ai  parlé  à  Madame  Goussault.  Elle  ne  s'étonne  pas 
de  la  proposition.  Elle  dit  que  Marie  ^  ne  fera  point 
l'oraison  comme  l'on  l'a  fait,  ni  ne  la  fera  répéter.  Mais 
à  cela  ne  tient.  Vous  la  pourrez  voir  parfois. 

Je  me  recommande  cependant  à  vos  prières  et  suis,  en 
l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


2.  Henri  Holden,  né  dans  le  comté  de  Lancaster  (Angleterre)  en 
1586,  vint  en  France  à  l'âge  de  vingt-deux  ans.  Il  passa  cinq  ans 
au  collège  anglais  de  Douai  et  alla  de  là  au  collège  de  Navarre,  où 
il  termina  sa  théologie.  Michel  de  Marillac,  garde  des  sceaux  et  oncle 
de  Louise,  le  reçut  dans  sa  maison  comme  aumônier  en  1626  et  lui 
confia  la  direction  de  sa  conscience.  Henri  Holden  prit  le  doctorat 
en  1636.  Il  mourut  le  14  mars  1662  dans  la  communauté  de  Saint- 
Nicolas-du-Chardonnet.  On  a  de  lui  une  édition  annotée  du  Novum 
Testamentum  (1660,  2  vol.  in-12),  un  compendium  raisonné  de  la  re- 
ligion catholique,  sous  le  titre  de  Divinae  fidei  analysis  (Paris,  1652, 
in-12),  un  discours  sur  la  grâce  (Francfort,  1656)  et  deux  lettres  à 
Antoine  Amauld,    dont   il   combat   la   doctrine. 

3.  Madame  Goussault  l'avait  envoyée  à  Ironise  de   Marillac. 


—  302  — 

201.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[13  juillet   1635  \] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Vous  réfléchissez  trop  sur  vous-même.  Il  faut  aller 
bomiement  et  simplement.  Vous  ne  me  dites  rien  derniè- 
rement contre  la  charité  ;  ains  vous  eussiez  mal  fait  de 
faire  autrement,  eu  égard  à  la  personne  et  à  ce  dont  il 
est  question.  Allons  un  peu  plus  bonnement  et  simple- 
ment, je  vous  en  supplie,  et  ne  craignez  rien  de  ce  côté- 
là. 

J'ai  reçu  votre  paquet  en  la  personne  de  la  dame  dont 
vous  parlez  ;  mais  je  ne  lui  ai  pas  rendu  et  l'ai  jugé 
ainsi  à  propos. 

Je  ne  sais  que  vous  dire  de  la  Charité,  si  elle  a  com- 
mencé la  même  année.  Je  saurai  de  Madame  de  Chantai, 
qui  sera  ici  dans  douze  jours  ^,  en  quelle  année  elles  ont 
cessé  l'exercice.  Celle-ci  a  commencé,  si  me  semble,  l'an- 
née 1617^.  Nous  concerterons  cela  et  en  parlerons 
à  la  première  occasion,  si  cela  fait  à  l'édification  *. 


Lettre  201.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la   Charité,  original. 

1.  Voir   note   2. 

2.  Sainte  Chantai  a  fait  quatre  voyages  à  Paris  :  le  6  avril  1619 
pour  fonder  le  premier  monastère  de  la  Visitation  de  cette  ville,  en 
janvier  1628,  le  25  juillet  1635  et  le  4  octobre  1641.  Il  ne  peut  s'agir 
ici  que  du  troisième  voyage.  En  1641,  Madame  Goussault  était  morte. 
En  1628,  Louise  de  Marillac  n'avait  pas  «  la  bonne  Barbe  »  avec  elle. 
La  date  de  161g  est  évidemment  trop  éloignée  ;  saint  Vincent  ne 
connaissait   pas   encore   Louise   de    Marillac. 

3.  Ce  fut,  en  effet,  en  161 7,  que  saint  Vincent,  alors  curé  de  Châ- 
tillon-les-Dombes,  établit  la  première  confrérie  de  la  Charité. 

4.  Il  serait  difficile  de  dire  à  quoi  le  saint  fait  ici  allusion.  On 
sait  que  la  visite  des  malades  fut,  au  début,  une  des  fins  de  l'Ins- 
titut de  la  Visitation.  (Cf.  Conférence  de  saint  Vincent  aux  Filles  de 
la  Charité,  du  3  août  1655.)  Mgr  Baunard  suppose  (op.  cit.,  p.  276) 
que   Louise   de    Marillac   avait  demandé   au   saint  quand   les   Filles   de 


—   303  — 

Madame  Goussault  s'en  va  faire  faire  le  billet  pour 
la  bonne  Madame  Lagault.  Oh  !  que  je  suis  mortifié 
de  ne  l'avoir  vue,  non  plus  que  Madame  Mussot,  qui  se 
porte  mieux  !  Mais  sur  quoi  fonder  votre  abjection  en 
cet  œuvre  ?  Or  sus,  Notre-Seigneur  souffre  les  senti- 
ments qu'il  lui  plaît  en  ses  serviteurs. 

Que  vous  dirai-je  de  cette  bonne  demoiselle  Laurent  ? 
Je  ne  sais.  J'appréhende  quelque  rencontre.  Madame 
Mussot  s'est  ouverte  à  M.  Messier,  de  Beauvais,  et  lui 
dit  avant-hier  qu'elle  penche  de  ce  côté-là.  Or  sus, 
pensez,  s'il  vous  plaît,  à  ce  qu'il  faut  faire,  et  me  mandez 
votre  pensée  sur  cela. 

Je  salue  la  bonne  Barbe  ^  et  me  réjouis  de  sa  meilleure 
disposition.  Notre  assemblée  va  commencer  ;  c'est  ce  qui 
me  presse.  Adieu,  donc.  Mademoiselle.  Je  suis,  en 
l'amour  de  Xotre-Seigneur,  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

202.   —   A   ANTOINE    PORTAIL,    PRÊTRE    DE    LA    MISSION, 
AUX  CÉVENNES 

lo  août   1635. 

Je  vous  prie  de  dire  à  notre  frère  Philippe  que  je  suis 
bien  aise  de  ce  que  vous  me  mandez  qu'il  est  ainsi  zélé 
à  l'instruction  des  pauvres  gens  selon  sa  petite  capacité. 
Et  certes.  Monsieur,  il  est  vrai  que  ce  que  vous  m'en 
mandez  m'a  fort  consolé,  notamment  ce  que  vous  me 
dites,  que,  l'envoyant  en  quelque  petit  village,  il  vit  un 
berger  au  haut  d'une  montagne,  là  où  il  l'alla  trouver  et 


la  Visitation   abandonnèrent   cette   œuvre   et   que   le  saint  répond   à   sa 
question. 
6.  Barbe  Angiboust. 

Lettre  202.  —  Reg.  2,  p.  196.  Le  copiste  note  que  l'original  était  de 
l'écriture   de   saint   Vincent. 


—  3°4  — 

le  catéchiser.  Or  sus,  béni  soit  Dieu  de  ce  qu'il  se  peut 
dire  que  Idiotae  rafiunt  caelum   ! 

Que  vous  dirai-je  de  nos  nouvelles  ?  La  compagnie 
est  maintenant  presque  toute  ramassée  céans.  Nous  allons 
faire  nos  retraites  et  puis  recommencer  l'exercice  des 
controverses  et  de  nos  prédications.  Et  pour  les  jeunes, 
peut-être  qu'on  leur  fera  lire  le  Maître  des  Sentences  ^ 

203.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1635  '-1 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  pense  voirement  qu'il  est  à  propos  de  commencer  à 
parler  à  cette  Elle  de  l'Hôtel-Dieu  de  sa  propreté  et  gen- 
tillesse. Mais  comment  ferez-vous  ?  De  lui  faire  quitter 
sa  manière  de  s'habiller,  il  semble  n'être  pas  faisable  ni 
expédient.  Il  semble  qu'il  serait  à  propos  de  lui  ôter  l'af- 
fection à  paraître  bien  vêtue  et  à  se  négliger  un  peu  de 
ce  côté- là.  Vous  verrez. 

Pour  l'Hôtel-Dieu,  d'y  être  toujours,  il  n'est  pas 
expédient  ;  mais  d'y  aller  et  venir,  il  est  à  propos  de 
le  faire.  Ne  craignez  pas  de  trop  entreprendre  de  ce  que 
vous  pourrez  faire  sans  aller  et  venir  ;  mais  craignez 
seulement  la  pensée  de  faire  plus  que  vous  ne  faites  et 
que  Dieu  ne  vous  donne  le  moyen  de  faire,  et  donnez- 
vous  à  sa  divine  Majesté  pour  ne  faire  jamais  que  ce 
que  vous  faites.  La  pensée  contraire  me  fait  trembler  de 
peur,  pource  qu'elle  me  semble  un  crime  aux  enfants  de 


I.    Senieniiarum    lihri  IV,    ouvrage    du    célèbre     Pierre     Lombard, 
évêque  de   Paris. 

Lettre  203.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.   Voir  note  3. 


—  305  — 

la  Providence.  Je  loue  sa  divine  bonté  de  ce  que  vous 
m'ôtâtes  hier  de  cette  peine-là. 

Je  verrai  vos  filles  en  particulier  et  puis  en  général  ; 
et  vous  me  direz  tout  ce  qu'il  vous  plaira  le  plus  tôt 
qu'il  me  sera  possible. 

Ne  craignez  pas  ce  grand  voyage  ;  il  me  semble  que 
l'occasion  diminue.  Peut-être  en  pourrai- je  faire  un,  de 
trois  ou  quatre  jours  seulement,  pour  aller  voir  deux 
fermes  que  la  bonne  Madame  la  présidente  de  Herse  ^ 
nous  a  laissées,  à  douze  lieues  d'ici  ^.  Priez  Dieu  pour 
moi  cependant. 

Je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  serviteur 
très  humble. 

Vincent  Depaul. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


2.  Madame  de  Herse,  de  son  premier  nom  Charlotte  de  Ligny, 
était  fille  de  Jean  de  Ligny,  seigneur  de  Ranticey,  maître  des  re 
quêtes,  mère  de  Félix  Vialart,  évêque  de  Châlons,  parente  de  Jac- 
ques Olier,  veuve  de  Michel  Vialart,  seigneur  de  la  Forest  de  Herse, 
conseiller  du  roi  en  sa  cour  de  parlement,  président  aux  requêtes  du 
palais,  puis  ambassadeur  en  Suisse,  mort  à  Soleure  le  26  octobre  1634. 
Elle  était  chère  à  saint  François  de  Sales,  qui  avait  voulu  être  le 
parrain  de  son  fils.  Elle  s'enrôla  dans  la  compagnie  des  dames  de  la 
Charité  et  devint  une  des  principales  auxiliaires  de  saint  Vincent. 
Elle  donna  beaucoup  aux  pauvres  de  Paris,  de  la  Picardie,  de  la 
Champagne,  soutint  de  ses  libéralités  l'œuvre  des  ordinands  et  celle 
des  Enfants  trouvés,  établit  les  Filles  de  la  Charité  à  Chars  (Seine-et- 
Oise).  Pendant  les  guerres  qui  désolaient  la  capitale,  la  reine-mère  la 
chargea,  avec  d'autres  dames,  de  distribuer  ses  propres  aumônes.  La 
présidente  de  Herse  mourut  en  1662. 

3.  Le  contrat  est  du  23  juillet  1635.  La  présidente  de  Herse  don- 
nait à  la  maison  de  Saint-Lazare  deux  fermes  situées  l'une  à  Mes- 
puits,  l'autre  à  Fréneville,  petit  hameau  de  la  commune  de  Valpui- 
seaux  (Seine-et-Oise) .  Elle  demandait  en  échange  qu'il  fût  fait  une 
mission  à  perpétuité  sur  ses  terres  de  cinq  en  cinq  ans  et  que  deux 
missionnaires  fussent  mis  à  sa  disposition  ou  à  la  disposition  de  son 
second  fils,  Félix  Vialart,  prieur  du  Bu,  pour  être  employés  pendant 
trois  mois,  tous  les  quatre  ans,  dans  les  localités  qui  leur  seraient 
marquées. 


—  3o6  — 

204.  —  A  JEAN  DE  FONTENEIL 

29  août  1635. 
Monsieur, 

La  grâce  de  N.-S.  soit  avec  vous  pour  jamais  ! 

Je  ne  puis  vous  exprimer,  Monsieur,  les  sentiments 
que  N.-S.  me  donne  du  nombre  infini  d'obligations  que 
je  vous  ai  de  tant  d'affection  que  vous  avez  témoignée 
à  Messieurs  de  la  Salle  et  Brunet  et  de  tant  d'assistance 
que  vous  leur  avez  donnée  dans  tous  les  affaires  que 
nous  avons  eus  de  delà. 

Je  suis  encore  confus  de  la  charité  que  vous  avez 
exercée  et  que  vous  exercez  continuellement  vers  mon 
pauvre  frère  i.  Et  pource  que  vous  avez  fait  tout  cela 
pour  l'amour  de  Dieu  et  que  la  reconnaissance  de  tant 
de  bienfaits  est  au-dessus  de  notre  pouvoir,  je  prie  N.-S., 
Monsieur,  qu'il  soit  lui-même  et  votre  remerciement  et 
votre  récompense,  vous  protestant  qu'il  ne  sera  jour  de 
ma  vie  et  que  je  n'en  conserve  le  sentiment  et  que  je 
ne  recherche  les  occasions  de  vous  honorer  et  de  vous 
servir.  Regardez-nous  donc  désormais.  Monsieur,  comme 
des  personnes  sur  qui  vous  avez  acquis  un  absolu  et  sou- 
verain pouvoir,  et  disposez  de  nous  de  la  sorte  et  faites- 
nous  la  charité,  au  nom  de  Notre-Seigneur,  de  prendre 
notre  maison  lorsque  vous  viendrez,  cet  automne,  en  cette 
ville.  Que  si  cependant  vous  désirez  que  nous  vous  ren- 
voyions l'argent  que  vous  avez  fourni  de  delà  pour  nous, 
ou  que  nous  le  baillions  de  deçà,  commandez.  Mon- 
sieur, et  nous  vous  obéirons  en  cela  et  en  toutes  choses. 
Et  si  tant  est  qu'il  vous  plaise  aussi  avancer  ce  que  mon 


Lettre  204.  —  Reg.    i,  i°  5.   Le  copiste  note  que  l'original  était  de 
l'écriture   de   saint  Vincent. 

I.   Bernard  ou  Gayon  de  Paul. 


--  307  — 

pauvre  frère  aura  besoin  de  delà,  pour  l'amende  à  la- 
quelle il  est  condamné,  et  aux  dépens  pour  sa  part,  et 
pour  s'en  retourner,  je  le  vous  rendrai  avec  le  surplus. 
Et  pource  qu'on  m'a  dit  qu'il  a  quelque  pensée  de  venir 
en  cette  ville  me  voir,  je  vous  supplie,  Monsieur,  de  l'en 
détourner,  tant  à  cause  de  son  vieil  âge,  que  pource  que, 
quand  il  y  serait,  je  ne  pourrais  lui  rien  donner,  n'ayant 
la  disposition  de  quoi  que  ce  soit  pour  lui  pouvoir 
donner. 

Je  parle  au  bon  M.  de  Fonteneil  comme  au  cœur  de 
mon  cœur  et  comme  à  celui  que  je  chéris  plus  que  je  ne 
puis  exprimer,  qui  suis,  en  l'amour  de  N.-S.  et  de  sa 
sainte  Mère,  son  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 


205.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

Mon  Dieu,  que  vous  êtes  une  brave  femme  d'avoir  fait 
tout  ce  que  vous  me  mandez  !  Or  sus,  il  ne  faut  point 
demeurer  en  si  beau  chemin.  Si  les  difficultés  qu'on 
vous  oppose  arrivent  et  empêchent  le  succès,  quitte  pour 
le  quitter.  11  n'y  a  point  obligation  à  péché  mortel,  ni 
véniel.  Les  pauvres  auront  eu  cependant  ce  soulage- 
ment, et  les  personnes  qui  les  auront  assistés,  le  mérite. 
Bien  volontiers,  je  désire  que  nous  soyons  de  ce  bienheu- 
reux corps  et  vous  remercie  de  ce  que  vous  nous  four- 
nissez de  personnes  pour  cela. 

Lettre  205.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.  41. 


—  3o8  — 

206.  -  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre   1632  et   1650  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Jésus-Christ  Notre-Seigneur  soit  avec 
vous  pour  jamais  ! 

Béni  soit  Jésus-Christ  souffrant  de  ce  qu'il  vous  re- 
donne la  santé  !  Oui  certes,  Mademoiselle,  je  vous  aide- 
rai à  en  faire  la  volonté  de  Dieu,  moyennant  sa  grâce  et 
le  bon  usage  qu'il  faudra  que  vous  en  fassiez  ;  et  je 
pense,  en  effet,  qu'il  sera  bon  que  vous  alliez  à  la  cam- 
pagne, quand  vous  serez  un  peu  plus  forte,  pour  achever 
de  vous  fortifier  en  faisant  du  bien. 

Nous  avons  ici  -  trente-cinq  ou  36  externes  ordi- 
nands  et  exercitants.  J'espère  qu'il  nous  restera  quelque 
petit  taudis  pour  mettre  M.  votre  fils,  et  le  ferons  purger 
et  saigner  lundi  ;  car,  pour  les  Bons-Enfants,  il  y  a  trois 
jeunes  hommes  qui  y  font  leur  retraite  et  qui  occupent 
tous  nos  lits. 

Nous  avons  ici  une  jeune  fille  luthérienne  d'Allema- 
gne, habillée  en  laquais,  qu'on  nous  a  envoyée  de  la  mis- 
sion de  Gonesse  ^,  du  consentement  d'un  gentilhomme, 
qui  l'entretenait.  Elle  désire  se  convertir  de  mœurs  et  de 
religion  "*... 

Suscri-ption  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


Lettre  206.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Dates  de  l'entrée     des  prêtres     de     la     Mission     à     Saint-Lazare 
et  du  mariage  de  Michel  Le  Gras. 

2.  A  Saint-Lazare. 

3.  En    Seine-et-Oise. 

4.  La  suite  de  la  lettre  a  été  découpée  et  perdue 


—  309  — 

207.  —  A  CLÉMENT  DE  BONZI,  ÉVÊQUE  DE  BÉZIERS 

[Septembre   ou   octobre    1635  ^.] 
Monseigneur, 

Ayant  appris  par  le  frère  d'un  ecclésiastique  de  votre 
ville  de  Béziers  nommé  M.  Cassan,  que  vous  désiriez  sa- 
voir trois  choses  de  nous  ;  or,  n'ayant  pu  avoir  l'hormeur 
de  vous  faire  réponse  pour  lors,  à  cause  que  je  m'en 
allais  aux  champs,  je  me  suis  proposé  de  le  faire  à  pré- 
sent ;  et  vous  dirai,  Monseigneur  :  premièrement,  nous 
sommes  entièrement  sous  l'obéissance  de  nos  seigneurs 
les  prélats  pour  aller  par  tous  les  endroits  de  leur  dio- 
cèse où  il  leur  plaira  nous  envoyer  prêcher,  catéchiser 
et  faire  faire  confession  générale  au  pauvre  peuple  ; 
pour  enseigner  toute  l'oraison  mentale,  la  théologie  pra- 
tique et  nécessaire,  les  cérémonies  de  l'Eglise  à  ceux 
qui  doivent  prendre  les  ordres,  dix  ou  quinze  jours  avant 
qu'ils  les  prennent,  et  pour  les  recevoir  chez  nous  après 
qu'ils  sont  prêtres,  pour  renouveler  la  dévotion  que 
Notre-Seigneur  leur  avait  donnée  en  prenant  les  ordres  ; 
bref,  nous  sommes  comme  les  valets  du  centenier  de 
l'Evangile  '  à  l'égard  de  Messeigneurs  les  prélats,  en 
ce  que  eux  nous  disant  :  allez,  nous  sommes  obligés 
d'aller  ;  s'ils  nous  disent  :  venez,  nous  sommes  obligés 
de  venir  ;  faites  cela,  et  nous  sommes  obligés  de  le  faire. 
Nous  sommes,  de  plus,  soumis  à  leur  visite  et  correc- 
tion, comme  les  curés  et  vicaires  des  champs,  encore  que, 
pour  la  conservation  de  l'uniformité  de  l'esprit,  il  y  ait 
un  supérieur  général,  auquel  les  missionnaires  obéissent 
quant  à  la  discipline  domestique. 


Lettre  207.  —  Reg.  i,  f°  13.  Le  copiste  note  avoir  eu  sous  les  yeux 
i  ne  minute  écrite  de  la  main  de  saint  Vincent. 

1.  Voir  lettre  209. 

2.  Evangile   de   saint    Matthieu  viii,    5-9. 


—  310  — 

Voilà,  Monseigneur,  comment  nous  vivons  avec  nos 
seigneurs  les  prélats.  Savoir  maintenant  si  nous  pou- 
vons vous  en  envoyer  deux,  c'est.  Monseigneur,  ce  qui 
souffre  difficulté,  à  cause  du  peu  que  nous  sommes  et  du 
peu  de  vertu  que  nous  avons.  Vous  pouvez  croire  néan- 
moins, Monseigneur,  que,  si  nous  le  pouvions  faire  pour 
quelque  prélat  du  royaume,  que  ce  serait  pour  Votre 
Seigneurie  Illustrissime,  tant  pour  la  vie  exemplaire 
qu'elle  mène  en  l'Eglise,  que  pour  le  besoin  que  je  me 
représente  que  le  pauvre  peuple  de  vos  montagnes  en  a. 

Et  pour  le  troisième,  je  vous  dirai.  Monseigneur,  que, 
comme  nous  allons  sans  rien  prendre  du  pauvre  peu- 
ple, ni  des  ecclésiastiques  pour  notre  vie,  ni  pour  nos  vê- 
tements, qu'il  faut,  comme  je  pense,  huit  cents  ou  mille 
livres  pour  l'entretien  de  deux  prêtres  et  d'un  frère. 

Et  voilà.  Monseigneur,  ce  que  je  puis  répondre  à  Votre 
Seigneurie  Illustrissime  touchant  les  choses  qu'elle  dé- 
sire savoir  de  moi.  Que  si  j'étais  assez  heureux  de  lui 
pouvoir  rendre  quelque  service,  certes,  Monseigneur,  je 
le  recevrais  à  bénédiction  particulière  de  Dieu^. 

Votre  Seigneurie  Illustrissime  disposera  entièrement 
de  moi,  s'il  lui  plaît,  comme  de  celui  qui  est,  en  l'amour 
de  Notre- Seigneur,  votre  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur. 

208.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Avant    1640  ^.] 

Je  vous  demande  pardon  de  ce  que  je  ne  pus  hier 

3.  Un  prêtre  congédié  des  Bons-Enfants  ou  de  Saint-Lazare  ayant 
appris  la  démarche  de  l'évêque  de  Béziers,  vint  dans  cette  ville,  se 
dit  envoyé  par  saint  Vincent  et  réussit  à  tromper  le  prélat,  qui  l'em- 
ploya. La  conduite  peu  édifiante  de  cet  ecclésiastique  donna  à 
Clément  de  Bonzi  une  idée  peu  avantageuse  des  missionnaires.  (Voir 
plus  loin  la  lettre  du  21   décembre  1651  à  Achille  Le  Vazeux.) 

Lettre  208.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Après  1639  le  saint  aurait  écrit  les  mots  :  «  Ce  dimanche  ma- 
tin »  au  début  de  la  lettre. 


—  3"  — 

vous  aller  trouver,  à  cause  de  l'embarras  auquel  je  me 
trouvai  ;  ce  sera  un  jour  de  cette  semaine,  Dieu  aidant. 
Il  arrive  souvent  qu'on  me  garde  les  confessions  an- 
nuelles à  Sainte-Marie  plus  d'un  mois.  Il  y  en  a  encore 
une  qui  me  la  garde  pour  cela.  J'espère  que  votre  cœur 
me  fera  la  même  charité. 

Je  verrai  vos  pieds  -  aujourd'hui  et  les  vous  enverrai 
demain.  Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis.  Mademoiselle, 
v.  s. 

V.  D. 

Ce  dimanche  matin. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


209.   -  A  ANTOINE   PORTAIL,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 
AUX  CÉVENNES 

Du  i6  octobre  1635. 

Je  prie,  Notre-Seigneur,  Monsieur,  qu'il  vous  continue 
l'esprit  de  la  sainte  douceur  et  aussi  de  la  condescen- 
dance à  ce  qui  n'est  pas  mal,  ni  contraire  à  nos  petits  rè- 
glements ;  car,  pour  cela,  ce  serait  cruauté  que  d'être 
doux  ;  mais,  pour  remédier  à  cela  même,  il  faut  avoir 
l'esprit  de  suavité. 

Monseigneur  de  Mende  ^  m'a  témoigné  beaucoup  de 
satisfaction  de  vos  services.  Monseigneur  de  Béziers  ^ 
m'a  écrit  pour  avoir  des  ouvriers  semblables  à  vous  au- 
tres, Messieurs  ;  mais  le  moyen  de  lui  en  donner  ?  Mon- 
seigneur de  Viviers  ^  nous  est  venu  voir  pareillement  et 
pour  même  un.  Il  n'appartient  qu'à  Dieu  d'être  partout. 

2.  C'est    bien    le    mot    que    porte     l'original.     Ce    mot   a     tant    de 
sens  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  supposer  une  distraction. 

Lettre  209.  —  Reg.  2,  p.  197. 

1.  Sylvestre  de  Crusy  de  Marcillac   (628-1659.) 

2.  Clément  de  Bonzi    (1629-1659). 

3.  Louis-François   de   la   Baume   de   Suze    (1621-1690). 


—    3^2    — 

La  compagnie  est  en  fort  bonne  assiette,  Dieu  merci. 
Dieu  lui  a  communiqué  beaucoup  de  grâces  dans  les 
exercices  spirituels  *,  et  chacun  en  est  sorti  plein  de  fer- 
veur. Le  nombre  de  ceux  qui  sont  entrés  parmi  nous  de- 
puis votre  départ  est  de  six  ^.  O  Monsieur,  que  je  crains 
la  multitude  et  la  propagation  et  que  nous  avons  sujet 
de  louer  Dieu  de  ce  qu'il  nous  fait  honorer  le  petit  nom- 
bre des  disciples  de  son  Fils,  en  qui  je  suis... 

210    —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre    1634   et    1636  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Jésus-Christ  Notre-Seigneur  soit  avec 
vous  pour  jamais  ! 

Je  vous  remercie  très  humblement  de  la  peine  que  vous 
avez  prise  de  me  donner  de  vos  nouvelles,  et  prie  Notre- 
Seigneur  qu'il  vous  fortifie  de  plus  en  plus.  Votre  lettre 
me  trouva  encore  au  lit,  dans  quelques  petits  mou- 
vements de  sueur,  qui  m'empêchèrent  de  vous  faire  ré- 
ponse, et  une  médecine  qu'on  me  fit  prendre  ensuite  ;  et 
les  compagnies  qui  me  survinrent  m'empêchèrent  de  vous 
faire  réponse  dès  hier. 

Je  vous  dirai  donc  touchant  M.  votre  fils,  Made- 
moiselle, que  je  pense  qu'il  n'y  a  pas  d'inconvénient 
qu'il  présente  des  thèses  à  vos  plus  intimes  amis  et  pro- 
ches parents.  Mais  je  pense  que,  pour  honorer  l'humi- 
lité de  Notre-Seigneur,  il  faut  que  ce  soit  à  peu  et  pour 


4.  La    retraite  annuelle. 

5.  Annat  Savinier,  Etienne  Bourel,  Guillaume  Perceval,  Nicolas 
Marceille  et  un  gentilhomme  limousin,  clercs  ;  Simon  Chastel,  frère 
coadjnteur. 

Lettre  210.  —  L.  a.  —  Original  chez  les  Filles  de  la  Charité  de  Col- 
longes    (Haute-Savoie). 

I.  Durée  du  séjour  de  Jean  de  la  Salle  dans  le  midi. 


—  313  — 

se  libérer  de  beaucoup  de  sollicitude.  Quand  il  se  mettra 
sur  les  bancs  de  théologie,  ce  sera  autre  chose. 

Quant  à  cette  bonne  fille  que  vous  m'annonçâtes  hier, 
je  vous  prie  de  la  retenir,  si  vous  la  trouvez  d'un  bon  es- 
prit. Cette  entrée  et  sortie  de  religion  marque  quelque  lé- 
gèreté ;  c'est  à  quoi  vous  devez  prendre  garde.  Que  s'il  y 
a  lieu  de  la  recevoir  pour  examiner  sa  vocation  encore 
quelque  temps,  conférez-en,  s'il  vous  plaît,  avec  Madame 
Goussault. 

Pour  l'Italienne,  ce  serait  un  grand  point  de  l'envoyer 
à  la  mère  de  cette  bonne  fille  de  Mademoiselle  Poulail- 
lon  à  Villers  ^.  Mon  Dieu  !  que  je  souhaite  que  vos  filles 
s'exercent  à  apprendre  à  lire  et  qu'elles  sachent  bien  le 
catéchisme  que  vous  enseignez  !  La  pauvre  Germaine  a 
tort  ne  de  pas  se  tenir  auprès  de  vous.  Elle  vous  soula- 
gerait beaucoup  pour  cela.  Mais,  au  nom  de  Dieu,  gué- 
rissez-vous avant  que  de  travailler  à  l'entour  d'eUes. 

Mes  petites  fiévrottes  ne  s'en  vont  point  encore  ;  vous 
savez  qu'elles  sont  un  peu  longuettes.  Mais  nous  avons  le 
pauvre  M.  de  la  Salle  dangereusement  malade  à  Bor- 
deaux. Je  le  recommande  à  votre  charité  ;  mais  je  vous 
supplie  surtout  d'avoir  soin  de  vous  bien  porter. 

Je  suis,  en  l'amour  de  Notre- Seigiieur,  v.  s. 

V.  D. 

211.  —  SAINTE  CHANT  AL  A  SAINT  VINCENT 

Quoique  mon  cœur^  mon  très  cher  Père^  soit  insensible  à 
toute  autre  chose  qti^à  la  douleur,  si  est-ce  que  jamais  il  n'ou- 
bliera la  charité  que  vous  lui  fîtes  le  jour  de  votre  défart  ; 
car,  mon  très  cher  Père^  il  s'est  trouvé  soulagé  dans  son  mal 
et  même  fortifié  dans  les  occasions  qui  se  trouvent  et  qui  vien- 
nent de  -part  et  d'autre. 


2.   Villers-sous-Saint-Leu. 

Lettre  211.  —  Abelly,  of.  cit.,  t.  IT,  chap.  vu,  i""*  éd.,  p.  316. 


—  ÔI4  - 

]e  me  prosterne  en  esprit  à  vos  pieds,  vous  demandant  par- 
don de  la  peinte  que  je  vous  donnai  par  mon  iviniortification, 
de  laquelle  faime  et  embrasse  chèrement  l'abjection  qui  m'en 
revient.  Mais  à  qui  puis-je  faire  voir  et  savoir  mes  infirmités 
qu'à  mon  très  unique  Père,  qui  les  saura  bien  supporter  ?  p es- 
père de  votre  bonté  qtC elle  ne  s  en  lassera  point. 


212.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Je  loue  Dieu  de  ce  changement,  }kIademoiselle,  et  le 
supplie  de  tout  mon  cœur  qu'il  soit  de  durée  et  qu'il 
vous  perfectiorme  et  sanctifie  votre  âme  de  plus  en 
plus  dans  ces  souffrances.  Au  reste,  je  vous  remercie  de 
l'avis  que  vous  m'en  avez  donné,  qui  m'a  bien  soulagé  ; 
car  qui  ne  sentirait  avec  douleur  celle  qui  presse  cette 
personne  agissante  et  la  pâtissante  !  Certes,  il  ne  se  peut 
autrement. 

Je  vous  souhaite  le  bon  soir  et  suis,  en  l'amour  de 
Jésus  et  de  sa  sainte  Mère,  votre  serviteur  très  humble. 


213.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

^le  voici  de  retour  en  assez  bonne  santé.  Dieu  merci, 
et  suis  en  peine  de  la  vôtre.  Je  vous  irai  voir  le  plus  tôt 
qui  me  sera  possible,  dès  aujourd'hui,  si  je  le  puis.  Faites 
cependant  votre  possible  pour  vous  bien  porter,  je  vous 
en  supplie.  Je  ne  puis  vous  dire  combien  le  pauvre  peu- 
ple a  besoin  que  vous  viviez  longtemps,  et  ne  l'ai  jamais 
mieux  vu  qu'à  présent. 

Lettre  212.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
Lettre  213.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original. 


—  3i5  — 

Cette  boinjie  ûlle  ^  me  paraît  avoir  assez  bon  esprit 
et  bonne  volonté.  II  n'y  a  que  la  difficulté  de  ce  qu'elle 
a  été  en  religion  ;  mais  elle  m'a  dit  qu'en  y  entrant  par 
induction  elle  avait  son  cœur  à  la  Charité.  C'est  pour- 
quoi je  pense  qu'il  n'y  a  point  danger  d'en  essayer.  Et 
pour  la  bonne  veuve  qui  l'accompagne,  elle  me  paraît 
rude,  fort  mélancolique  et  grossière.  Je  pense  qu'il  la  faut 
renvoyer  tout  doucement  et  lui  dire  qu'il  y  faut  penser 
longtemps. 

Bonjour,  Mademoiselle.  Je  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur,  votre  serviteur  très  humble. 

V.  Depaul. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

214.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Ce   jour   des   Rameaux   [i6   mars    1636  ^.] 
Mademoiselle, 

Quatre  ou  cinq  lignes  et  non  plus.  Je  pensais  chaque 
jour  vous  aller  voir  pour  conférer  avec  vous.  Les  affaires 
m'en  ont  empêché.  C'est  touchant  votre  logement.  Confé- 
rez-en avec  Madame  la  présidente  Goussault.  ]\Ion  cœur 
s'attendrit  de  la  consolation  que  je  me  représente  que 
N.-S.  vous  donnera  à  toutes  deux  en  votre  voyage  et 
bonne  occupation.  Je  suis  cependant  et  en  attendant  que 
j'aie  le  bien  de  vous  voir,  demain  ou  après,  céans  ou  aux 
Bons-Enfants,  votre  serviteur. 

Vincent  Depaul. 


I.    Peut-être    celle    dont  parle    la    lettre    210. 

Lettre  214.  —  Gossin,  op.  cit.,  p.  410. 

I.    Le   mot   du   saint  touchant   le  changement  de   logis  montre   que 
cette   lettre  est   de    1636. 


-  3i6  — 

215.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[1636  K] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  m'étais  proposé  de  vous  aller  voir  ;  mais  ne  le  pou- 
vant faire  si  tôt  à  cause  de  quelques  embarras,  je  vous 
prie  me  mander  si  vous  avez  arrêté  im  logis  et  où  c'est 
que  vous  l'aurez  pris.  Peut-être  que  vous  pensez  que  j'ai 
quelque  raison  qui  vous  regarde,  pour  laquelle  je  pense 
qu'il  n'est  pas  expédient  que  vous  vous  logiez  en  ces 
quartiers  ".  Oh  !  non,  cela  n'est  point,  je  vous  en  assure. 
Mais  la  voici  :  rious  sommes  au  milieu  des  gens  qui  regar- 
dent tout  et  jugent  de  tout.  L'on  ne  nous  verrait  pas 
entrer  trois  fois  chez  vous  qu'on  ne  trouvât  à  parler  et  à 
tirer  conséquence  qu'on  ne  doit  pas  trouver  à  redire  où 
qu'ils  aillent.  Ce  n'est  pas  que  nous  les  observions,  ains 
celui  seulement  qui  a  le  pouvoir  de  le  faire.  Quand  j'au- 
rai le  bien  de  vous  voir,  je  vous  en  parlerai  plus  particu- 
lièrement. Dites-moi  cependant  :  quand  serez-vous  en  état 
d'aller  aux  champs  visiter  quelques  Charités  ?  Je  vous 
prie  de  me  le  mander  et,  si  vous  le  pouvez  commodé- 
ment, de  vous  venir  promener  un  de  ces  matins  jusques 
ici  ;  mais  honorez  cependant  la  sainte  gaieté  de  Notre- 
Seigneur  et  celle  de  sa  sainte  Mère.  Je  suis,  en  leur 
a.mour,  v.  s. 

V.  D. 

Suscriftion  :  A  ^Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


Lettre  215.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Le  déménagement  dont  il  est  ici  question  ne  laisse  le  choix  qu'en- 
tre les  années  1636  et  1641.  La  première  date  convient  mieux  que 
la  seconde  à  l'ensemble  de  la  lettre. 

2.  Près   de    Saint-Lazare. 


-  3i7  - 

216.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1636  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Vous  avez  bien  fait  de  faire  venir  cette  bonne  allé.  Il 
y  en  a  quatre  grandes  et  fortes  à  Sucy-en-Brie  -,  dont 
Monsieur  Renar  m'a  parlé.  Je  vous  ferai  voir  la  requête 
qu'elles  lui  ont  présentée  pour  cela.  Il  faut  tâcher  à  leur 
faire  apprendre  le  plus  tôt  que  se  pourra,  à  lire. 

Je  ne  vous  dis  rien  de  la  lettre  de  cette  bonne  demoi- 
selle, sinon  que  je  ne  l'ai  pu  encore  lire,  et  que  je  suis  si 
pressé  que  je  ne  le  puis  faire  à  présent  pour  vous  y  ré- 
pondre, pource  que  je  m'en  vas  entrer  à  la  Madeleine 
pour  y  tenir  le  chapitre  aujourd'hui.  Offrez  à  Dieu  cette 
action,  je  vous  supplie,  comme  de  toute  mon  affection 
je  prie  Dieu  qu'il  soit  le  cœur  de  votre  cœur  et  suis,  en 
son  amour,  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

217.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1636  K] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 


Lettre  216.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  précède  de  peu  de  jours  la  lettre  218. 

2.  Localité  de  Seine-et-Oise. 

Lettre  217.  —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.   La   lettre    précède   de    peu   de   temps    le    transfert   de    la   maison- 
mère  des  sœurs  à  La  Chapelle. 


—  3i8  — 

La  maison  dont  Madame  Goussault  parlait  n'est  pas 
celle  dont  je  vous  ai  parlé.  La  première  est  la  plus  belle, 
du  prix  de  40  ou  50  mille  livres,  et  la  seconde  de  sept  ou 
huit.  La  première  serait  scandaleuse  pour  de  pauvres 
filles  et  la  seconde  trop  éloignée  de  l'église.  Vous  verrez. 
Je  ne  trouve  point  d'inconvénient  d'honorer  également 
la  prudence  comme  la  simplicité  de  Notre-Seigneur  ; 
mais  il  y  a  moins  d'inconvénient  de  faillir  à  la  dernière 
pratique  qu'à  la  première,  notamment  à  vous. 

Je  ferai  vers  M.  votre  fils  comme  vous  me  mandez,  et 
avec  cœur. 

Voici  la  fille   ;  vous  en  essayerez. 

Avez-vous  de  l'argent  ?  Il  nous  est  survenu  un  affaire, 
où  nous  avons  besoin  de  quinze  cents  livres.  Si  vous  en 
avez,  nous  le  vous  rendrons  dans  peu  ;  si  vous  n'en  avez 
point,  ne  vous  en  mettez  pas  en  peine,  s'il  vous  plaît. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  Depaul. 
Suscri-ption  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

218.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Peu  avant  mai    1636  ^.] 
Mademoiselle, 

J'ai  entrevu  ce  que  vous  m'avez  mandé  de  M.  Massé.  Je 
l'ai  proposé  néanmoins  avec  M.  Caignet,  confesseur 
de  M[adame]  Gous[sault]  ^  ;  mais  je  ne  sais  si  l'on  s'ar- 
rêtera à  l'un  ni  à  l'autre.  L'un  de  ces  Messieurs  m'en  a 


Lettre  218.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Même  remarque  qu'à  la  lettre  217,  note   i. 

2.  Antoine  Caignet,  docteur  en  théologie,  plus  tard  chanoine,  chan- 
celier, théologal  et  grand  vicaire  de  Meaux,  prédicateur  recherché, 
mort  en  1669.  Il  est  l'auteur  de  deux  ouvrages  appréciés  :  L'Année 
Pastorale  (Paris,  1659,  7  vol.  in-4)  et  Le  Dominical  des  Pasteurs  ou 
le  Trifle  em-ploi  des  curés   (Paris,  1675,  2»  éd.,  in-4.) 


—  319  — 

proposé  un  autre  en  même  temps  ;  je  dis  de  ces  Mes- 
sieurs de  Notre-Dame.  Ceci  est  secret  ^. 

Je  trouve  fort  bonne  la  pensée  que  vous  me  proposez 
de  M.  votre  ûls,  pourvu  que  vous  lui  en  fassiez  tout  sim- 
plement la  proposition  et  le  laissiez  à  sa  liberté  d'en  user 
comme  il  lui  plaira. 

Il  faut  donc  laisser  ces  bonnes  filles  de  Sucy.  Celle-ci 
et  sa  mère  ont  désiré  néanmoins  que  vous  fassiez  la  cha- 
rité à  la  fille  de  la  Retaux  jusques  à  la  Pentecôte,  non 
tant  pour  se  donner  à  votre  Charité,  en  laquelle  néan- 
moins elle  fera  ce  en  quoi  vous  l'emploierez  ;  son  désir 
est  d'apprendre  quelque  chose  pour  se  rendre  capable 
d'enseigner  les  enfants  dans  Sucy  avec  le  temps.  Vous 
lui  ferez  donc  la  charité,  s'il  vous  plaît,  d'en  essayer. 
Mademoiselle,  et  nous  aviserons  à  vous  faire  bailler  ce 
qu'il  faudra  pour  cela.  J'oubliai  hier  d'en  parler  à  Ma- 
dame la  garde  des  sceaux*. 

Si,  mardi  prochain,  vous  venez,  le  matin,  avec  vos  fil- 
les, nous  irons  à  La  Chapelle  ;  c'est  un  village  proche 
d'ici  allant  à  Saint-Denis  ^  ;  mais  il  faudra  m'en  faire 
souvenir  le  lundi  au  soir. 

Dieu  veuille  que  je  n'aie  point  de  regret  de  ce  que  j'ai 
dit  aux  filles  !  Je  pense  que  vous  feriez  bien  d'aller  visi- 
ter celles  de  Saint-Paul.  Je  voudrais  bien  que  vous  puis- 
siez aussi  voir  celles  de  cette  paroisse. 

Je  suis  cependant,  Mademoiselle,  votre  très  humble 
serviteur. 

V.  Depaul. 
Ce  samedi,  à  9  heures. 

Suscription   :  A  Mademoiselle  demoiselle  Le  Gras. 


3.  Il    était    question    d'organiser    un     corps     d'aumôniers     pour    les 
malades  de  l'Hôtel-Dieu. 

4.  Madame   Séguier. 

5.  L'ancien  village   de   La   Chapelle  est   aujourd'hui   un   des   quar- 
tiers de  la  capitale. 


—    320    — 

219.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1636'.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  vous  supplie  de  me  pardonner  de  ce  que  je  ne  vous 
ai  vue  avant  que  de  m'en  aller  pour  quatre  ou  cinq  jours 
aux  champs.  Monsieur  votre  fils  a  fort  bien  commencé  ; 
M.  de  Sergis  l'a  pris  à  son  retour  des  champs  et  le  sert 
en  sa  retraite.  Il  m'a  dit  qu'il  exclut  l'épée  ;  reste  la 
condition  de  l'état  ecclésiastique  et  celle  du  palais  ; 
il  considérera  les  deux  et  tâchera  de  se  résoudre. 

J'ai  écrit  à  Madame  la  présidente  Goussault  que^  je 
pense  que  vous  ferez  bien  d'aller  voir  la  maison  de  La 
Chapelle  et  de  faire  savoir  ce  qu'on  en  veut  de  louage. 
Cela  vous  divertira  d'autant  ;  car  elle  croit,  comme  je 
fais,  que  l'air  des  champs  vous  est  bon.  Soyez  gaie  cepen- 
dant. Ayez  soin  de  votre  santé. 

Je  vous  supplie  de  faire  savoir  de  nos  nouvelles  et  nos 
excuses  à  la  bonne  Mademoiselle  Viole  -  et  de  lui  dire 
que  j'espère  de  la  voir  à  notre  retour.  Oh  !  que  je  suis 
consolé  et  édifié  de  cette  bonne  demoiselle  ! 

Je  vous  souhaite  le  bon  jour  et  suis  v.  s. 

V.  D. 

J'ai  vu  cette  bonne  fille  de  Sedan  ;  elle  loge  en  notre 


Lettre  219.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Même  remarque   qu'à  la   lettre   217,   note   i. 

2.  Mademoiselle  Viole,  née  Madeleine  Deffita,  veuve  de  Jacques 
Viole,  conseiller  au  Châtelet  de  Paris,  remplissait  ou  plutôt  remplira 
plus  tard  parmi  les  dames  de  la  Charité  de  l' Hôtel-Dieu  l'office  de 
trésorière.  Son  nom  revient  souvent  dans  la  correspondance  de  saint 
Vincent,  qui  appréciait  beaucoup  sa  charité,  son  intelligence  et  son 
activité.   Elle  mourut  à  Paris  le  4  avril   1678. 


-    321    — 

faubourg.  Mon  Dieu  !  qu'elle  me  paraît  faible  et  chan- 
geante ! 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


220.  —  A  UN  PRÊTRE  DE  LA  MISSION 

[1636  ^] 

Je  ne  sais  si  je  vous  ai  mandé  les  afflictions  dont  il  a 
plu  à  Dieu  visiter  notre  pauvre  et  petite  compagnie. 
M.  Bourel  ^  est  mort  à  la  mission  de  Mesnil,  et  cela  sain- 
tement, de  même  qu'il  a  vécu.  Chacun  dit  de  lui  qu'on 
n'a  jamais  remarqué  aucune  imperfection  en  lui,  non 
pas  même  M.  Boudet  ^,  son  directeur  au  séminaire. 

• 

221.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[1636  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  ne  vis  jamais  une  telle  femme  que  vous,  ni  qui 
prenne  certaines  choses  si  fort  au  criminel.  Le  choix  de 
M.  votre  flls,  dites-vous,  est  un  témoignage  de  la  justice 
de  Dieu  sur  vous.  Certes,  vous  avez  tort  de  donner  lieu 


Lettre  220.   —   Manuscrit   de   Lyon. 

1.  Voir  note   2. 

2.  Etienne  Bourel,  né  en  Savoie,  reçu  dans  la  congrégation  de  la 
Mission    en    juillet    1635,    mort    en    1636. 

3.  Jacques  Boudet,  prêtre  de  la  Mission,  né  à  Epinay-sur-Seine, 
reçu  dans  la  congrégation  de  la  Mission  en  1634,  ordonné  prêtre  en 
1635.  Il  donna  des  missions  en  Bretagne  avec  M.  Olier  (Faillon, 
o-p.  cit.,  t.  I,  p.  219),  dans  la  région  de  Toulouse,  en  Champagne  et 
ailleurs.  «  C'est  une  sainte  âme  »,  disait  de  lui  saint  Vincent. 

Lettre  221.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.  Voir  la   note   2. 


—    322    — 

à  ces  pensées  et  plus  encore  de  le  dire.  Je  vous  ai  déjà 
priée  d'autres  fois  de  ne  plus  parler  comme  cela.  Au 
nom  de  Dieu,  Mademoiselle,  corrigez-vous-en  et  sachez 
une  fois  pour  toutes  que  ces  pensées  aigres  sont  du  ma- 
lin et  que  celles  de  Notre-Seigneur  sont  douces  et  suaves, 
et  ressouverxez-vous  que  les  défauts  des  enfants  ne  sont 
pas  toujours  imputés  aux  pères,  notamment  quand  ils  les 
ont  fait  instruire  et  donné  bon  exemple,  comme  vous 
avez  fait,  Dieu  merci,  et  que  Notre-Seigneur  permet  par 
sa  Providence  admirable  que  des  pères  saints  et  des 
mères  soient  déchirés  en  leurs  entrailles.  Abraham  le  fut 
par  Ismaël,  Isaac  par  Esaii,  Jacob  par  la  plupart  de  ses 
fils,  David  par  Absalon,  Salomon  par  Roboam  et  le  Fils 
de  Dieu  par  Judas  ;  et,  par  la  grâce  de  Dieu,  vous  n'en 
êtes  pas  là  ;  ains,  au  contraire,  vous  avez  sujet  de  lotier 
Dieu  de  ce  que  vous  a  dit  M.  Holden  ;  car  il  vous  a  dit 
vrai.  M.  votre  fils  vint  hier  trouver  M.  de  Sergis,  se  con- 
fessa à  lui  et  lui  dit  qu'absolument  il  est  résolu  de  servir 
Dieu  en  l'état  ecclésiastique,  et  quelques  autres  circons- 
tances qui  m'ont  fort  consolé  ;  mais  je  ne  rne  ressouviens 
pas  à  présent  quelles  elles  sont.  Remerciez  donc  Dieu  de 
cela  et  soyez  bien  gaie. 

Madame  Goussault  me  dit  hier  comme  elle  a  passé 
contrat  pour  la  maison  ^.  Il  faudra  nous  voir  pour  voir 
qui  vous  emmènerez.  Je  trouve  fort  à  propos  que  vous 
différiez  cette  bonne  fille  jusques  alors.  Je  ne  connais 


2.  On  loua  la  maison  de  La  Chapelle  ;  on  ne  l'acheta  pas.  Louise 
de  Marillac  et  ses  filles,  nous  dit  Gobillon  [o-p.  cit.,  p.  74)  s'y  éta- 
blirent en  mai  1636.  C'est  peut  être  à  ce  changement  de  demeure  que 
se  rattachent  les  lignes  suivantes  de  la  fondatrice  :  a  Aller  au  nou- 
veau logement  avec  le  dessein  d'honorer  la  divine  Providence  qui  y 
conduit,  et  se  mettre  dans  la  disposition  d'y  faire  ce  que  la  même 
Providence  permettra  y  avoir  à  faire.  Par  ce  changement  de  demeure, 
honorer  celui  de  Jésus  et  de  la  sainte  Vierge  de  Bethléem  en  Egypte, 
et  depuis  en  autres  lieux,  ne  voulant,  non  plus  qu'eux,  avoir  de  de- 
meures propres  en  terre.   »   (  Pensées,  p.  41.) 


—  323  — 

point  l'autre  de  laquelle  vous  me  parlez,  qui  n'est  pas 
encore  chez  vous. 

Je  doute  si  je  pourrai  aller  dimanche  en  vos  quartiers 
et  SI,  quand  cela  serait,  je  devrais  vous  parler  dans  la 
chapelle,  qui  est  si  malsaine.  Il  faudra  tâcher  que  ce  soit 
chez  Madame  Goussault,  quoique  pourtant  il  semble 
qu'il  est  à  propos  que  je  vous  voie  en  particulier  avant 
cela. 

Or  sus,  je  vous  souhaite  la  paix  de  Notre-Seigneur  et 
suis  v.  s. 

V.  D. 

Il  faut  différer  aussi  la  proposition  de  votre  maison  '. 
Ce  que  vous  dites  de  la  relouer  de  gré  à  gré  me  revient. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


222.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

,  [Entre   1635   et   1638  ^] 

Mademoiselle, 

La  grâce    de    Notre-Seigneur    soit    avec    vous  pour 
jéimais  ! 

Je  vous  ferai  faire  un  mémoire  des  matières  des  orai- 
sons, des  exercices  et  de  l'emploi  de  la  journée  et  le  vous 
enverrai. 

Il  faut  faire  cesser  les  paroisses  ^  pendant  ce  rencon- 
tre ^,  et  les  reprendre,  si  cette  611e  a  le  temps,  après  qu'il 


3.  Probablement  la  maison  qu'allaient  quitter  les  sœurs  pour  s'éta- 
blir à  La  Chapelle. 

Lettre  222.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  pendant  que  Jean  Pillé  dirigeait  la 
maison  des  Bons-Enfants  (1635-1638).  Elle  semble  antérieure  d'assez 
peu   de   jours   à   la   lettre   223. 

2.  La  visite  des  pauvres  dans  les  paroisses  de  Paris. 

3.  Le  saint  semble  faire  allusion  à  une  recrudescence  de  la  peste. 


—  324  — 

sera  passé.  Qu'elle  ne  fasse  rien  pendant  ce  temps-là. 
Une  petite  fiévrotte  que  j'ai  m'empêchera  d'entendre 
cette  bonne  fille.  Je  vous  enverrai  quelqu'un  pour  cela, 
si  vous  m'en  faites  avertir  la  veille  au  soir. 

Vous  pouvez  m  écrire  sûrement  de  M.  votre  fils.  Il  fut 
dernièrement  aux  Bons-Enfants.  Je  fis  dire  à  M.  Pillé 
qu'il  le  renvoyât  doucement  et  promptement,  parce  qu'il 
y  est  arrivé  accident  à  l'homme  de  M.  Doignon  *. 

Vous  avez  bien  fait  d'envoyer  cette  bonne  fille  à  la. 
place  de  la  malade. 

Je  m'en  vas  célébrer  la  sainte  messe  et  prier  pour  vous 
et  pour  vos  bons  desseins.  Je  me  recommande  pareille- 
ment à  vos  prières  et  suis  votre  très  humble  serviteur. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

223.  -  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Mai  1636  K] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Il  est  vrai,  je  pars  ce  matin  pour  Pontoise  et  Beau- 
vais  ;  mais  je  vous  puis  bien  assurer  que  c'est  avec  peine 
de  ne  vous  avoir  pas  vue,  ni  votre  nouveau  ménage.  Vous 
seriez  beaucoup  plus  utile  à  Beauvais  que  moi  et  ferai  es- 
pérer aux  dames  de  la  Charité  que  vous  y  irez  ;  car  je  ne 
fais  pas  état  de  les  assembler.  La  raison  de  mon  voyage 
est  sans  raison  qui  me  satisfasse  ;  c'est  pour  visiter  les 


4.   Vraisemblablement  un  cas  de  peste. 

Lettre  223.   — ^  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original. 
I.  Le   a    nouveau    ménage    »    dont    parle    le    saint   ne    peut   être    que 
l'installation  de  Louise  de   Marillac  à  La  Chapelle. 


—  325  — 

Ursulines  -.  O  Mademoiselle,  que  cela  me  fâche  et  que 
ce  temps  me  semble  perdu  pour  un  homme  qui  le  doit 
tout  aux  pauvres  gens  !  Mais  quoi  !  il  y  a  huit  mois  pour 
le  moins  que  M.  de  Beauvais  m'en  presse  ;  et,  pource 
que  je  l'ai  tant  remis,  il  ne  vient  plus  céans  en  passant 
et  repassant,  comme  il  avait  accoutumé,  ni  Monsieur  Mes- 
sier  ^  ne  m'écrit.  Il  n'y  a  que  les  filles  *,  desquelles  je 
n'ai  reçu  que  deux  lettres  pour  cela  la  semaine  passée. 
Passons  cela  et  disons  :  mon  Dieu  !  Mademoiselle,  que 
j'ai  de  la  peine  de  vous  voir  si  longtemps  sans  aller 
prendre  l'air  et  dans  le  travail  continuel  que  vous  faites 
à  l'Hôtel-Dieu  ! 

Je  n'ai  point  vu  Madame  la  supérieure  de  Saint-Sau- 
veur ^  pour  avoir  la  réponse  pour  Marie  ^.  Pourriez-vous 
pas  bien  cependant  aller  à  Grigny  ^  pour  sept  ou  huit 
jours  et  laisser  Marie  pour  tenir  ces  filles  en  état  ?  Elle 
est  assez  sérieuse  et  exacte  pour  cela.  Faites  cela,  je  vous 
en  prie,  pendant  mon  absence.  Je  le  dirai  à  Madame 
Goussault,  qui  vient  à  Pontoise,  à  ce  qu'elle  vous  prenne. 
Mademoiselle  Poulaillon  pourra  aussi  voir  parfois  vos 
filles.  Si  cela  est,  il  sera  bon  que  vous  alliez  visiter,  avec 
Madame  la  présidente  ^  la  Charité  de  Villeneuve- Saint- 
Georges,  les  encourager  et  ôter  la  résolution  que  Ma- 
dame Guérin  leur  a  fait  prendre,  depuis  mon  départ, 
qu'elles  n'iront  pas  visiter  les  malades  quand  il  n'y  en 


2.  Collet  affirme  que  saint  Vincent  visita  deux  fois  les  Ursulines 
de  Beauvais  :  en  1634,  avant  la  première  assemblée  des  dames  de 
l'Hôtel-Dieu,  qu'il  présida  à  son  retour  (op.  cit.,  t.  I,  p.  232),  et 
en  1641  [ib.,  p.  337).  Ou  il  se  trompe  de  date,  ou  il  oublie  la  visite 
de    1636. 

3.  Louis   Messier,  archidiacre  de  Beauvais. 

4.  Les   Ursulines. 

5.  La  présidente  de  la  confrérie  de  la  Charité  établie  à  Saint-Sau- 
veur. 

6.  Marie  Joly. 

7.  Petite  localité  de  Seine-et-Oise. 
8     Madame  Goussault. 


—  326  — 

aura  qu'un  seul  ;  et  la  raison,  c'est  pource  qu'elle  ne  peut 
comprendre  qu'on  puisse  faire  un  bon  bouillon  avec 
cinq  onces  de  chair.  Cette  bonne  dame  est  bonne  et  avan- 
tageuse en  parole,  se  mêle  là-dedans,  quoiqu'elle  ne  soit 
pas  du  corps. 

Si,  en  passant  par  Grigny,  vous  vouliez  faire  prendre 
ce  que  vous  avez  acheté  pour  ce  lieu-là  aux  Bons-En- 
fants, cela  serait  bien.  Mais  non,  vous  direz  à  la  tréso- 
rière  qu'elle  donne  charge  à  quelqu'un  de  les  prendre,  et 
faudrait  que  [ce]  fût  par  le  batelier 

Je  vous  renvoie  les  règles  des  filles.  Cela  est  si  [bien]  ' 
que  je  n'y  ai  voulu  rien  ajouter.  Lisez-leur  donc  tantôt, 
si  vous  ne  jugez  nécessaire  que  j'y  sois  ;  auquel  cas  je 
vous  promets  bien  que  ce  sera  une  des  premières  choses 
que  je  ferai  à  mon  retour,  s'il  plaît  à  Dieu.  Il  sera  expé- 
dient que  celles  de  cette  paroisse  "  s'y  trouvent  en  même 
temps,  afin  qu'elles  soient  uniformes. 

Or  sus,  je  finis  en  vous  priant  de  bien  honorer  la  paix 
et  tranquillité  de  l'âme  de  Notre-Seigneur,  et  me  re- 
commandant à  vos  prières,  comme  étant,  en  l'amour  de 
Notre-Seigneur,  IMademoiselle,  votre  très  humble  servi- 
teur. 

Vincent  Depaul. 

Je  ne  vous  dis  rien  de  IVIadame  de  Liancourt,  sinon 
que,  si  elle  vous  emmenait  pour  sept  ou  huit  jours  seule- 
ment, que  vous  en  ferez  comme  il  vous  plaira,  mais  que, 
les  grands  étant  fort  ir^certains  de  ce  qu'ils  doivent  de- 
venir, si  elle  ne  vous  a  vue,  que  vous  ferez  bien  cepen- 
dant de  prendre  l'occasion  de  Grigny. 


9.  Mot  oublié   dans   l'original. 

10.  La  paroisse  Saint-Laurent. 


—  327  — 

224.    -  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

J'envoie  ce  porteur  exprès  pour  apprendre  de  vos  nou- 
velles, dans  l'espérance  qu'il  les  nous  rapportera  bonnes. 
Au  nom  de  Notre-Seigneur,  Mademoiselle,  faites  votre 
possible  pour  cela.  Vous  avez  sujet  de  vous  plaindre  de 
ce  que  je  ne  vous  ai  fait  réponse  à  celle  que  vous 
m'avez  écrite  à  votre  départ  pour  Gournay  \  Mais  que 
voulez- vous  ?  ce  sont  de  mes  fautes  ordinaires.  J'espère 
que  Notre-Seigneur  me  fera  la  grâce  de  m'en  amender, 
si  vous  me  faites  la  charité  de  me  le  pardonner. 

Or  sus,  parlons  de  votre  indisposition.  Avez-vous 
point  besoin  d'un  médecin  ?  Si  cela  est,  mandez-le-moi  ; 
je  vous  en  enverrai  quelqu'un.  Vous  en  avez  un  [à]  Senlis, 
fort  habile  homme,  qui  est  au  roi  et  qui  va  souvent  à 
Liancourt,  à  cause  de  la  confiance  que  Monseigneur  et 
Madame  de  Liancourt  y  ont  et  avec  sujet.  N'épargnez 
rien  pour  l'avoir  ni  pour  vous  faire  bien  assister.  Peut- 
être  n'avez-vous  pas  apporté  assez  d'argent  ;  si  cela  est, 
mandez-le-moi,  je  vous  en  enverrai. 

Monsieur  votre  ûls  a  passé  ici  une  journée  pendant  ces 
fêtes  et  s'est  allé  faire  purger  aux  Bons-Enfants.  Il  se 
porte  fort  bien.  Dieu  merci.  Madame  Goussault  est  allée 


Lettre  224.    —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Louise  de  Marillac  était  à  Goumay-sur-Aronde  (Oise)  le  i8  mai 
1636,  fête  de  la  sainte  Trinité.  Ce  jour-là,  elle  réunit  les  membres  de 
la  confrérie  de  la  Charité  au  château  de  la  dame  du  lieu,  s'enquit  de 
l'observance  du  règlement,  procéda  à  l'élection  des  officières,  reçut 
de  nouvelles  adhérentes,  entre  autres  Madame  de  Gournay,  et  résolut 
quelques  difficultés  relativement  surtout  au  choix  des  malades  que 
la  confrérie  devait  assister.  Le  rapport  qu'elle  fit  de  cette  assemblée 
nous  a  été  conservé.    [Pensées,  p.  99.) 


—  328  — 

à  Grigny  -  et  de  là  visiter  quelques  Charités  qu'on  a  éta- 
blies depuis  peu  à  l'entour  d'Etampes. 

Vos  filles  de  l'Hôtel-Dieu  font  toujours  bien.  11  n'y  a 
que  Henriette  ^  qui  est  toujours  en  langueur.  Marie  dit 
que  c'est  pour  votre  absence.  Cela  a  empêché  qu'elle  ne 
soit  allée  à  Saint-Nicolas,  et  Barbe'*  à  Saint-Sulpice^. 
Isabelle  °  se  porte  mieux.  Il  n'y  a  que  la  fille  de  Made- 
moiselle Viole  qu'on  a  mise  avec  elle,  qui  les  scandalise  à 
cause  de  ses  façons  de  faire  avec  des  garçons  qui  la  vien- 
nent voir  et  pour  lesquels  sa  maîtresse  l'a  renvoyée.  C'est 
cette  Normande  pour  laquelle  vous  avez  écrit  à  Mademoi- 
selle Viole  qu'elle  priait  Madame  Goussault  de  prendre 
soin  d'elle,  qui  a  un  fâcheux  esprit  et  dangereux. Je  l'en- 
voyai hier  quérir  pour  lui  dire  qu'elle  ne  fit  entrer  des 
garçons  dans  la  maison  ;  mais  elle  ne  le  prit  pas  bien 
et  me  dit  qu'elle  aimait  mieux  s'en  aller.  Il  faut  demeu- 
rer en  paix  après  qu'on  a  fait  ce  qu'on  a  pu  en  ces  cas-là. 

Voilà  pour  les  nouvelles  qui  vous  regardent.  Mais  di- 
sons maintenant  :  quand  reviendrez-vous  ?  O  mon  Dieu  ! 
j'oubliais  à  vous  dire  de  Madame  Mussot  que  je  l'attends 
ce  matin  pour  savoir  au  vrai  quand  elle  partira. 

Madame  de  Liancourt  m'a  mandé  qu'elle  me  viendra 


2.  Petite  localité  de  Seine-et-Oise. 

3.  Henriette  Gesseaume,  fille  de  la  Charité,  très  intelligente  et 
pleine  de  ressources,  mais  d'un  caractère  trop  indépendant.  ?Iabile 
pharmacienne,  elle  fut  d'un  grand  secours  à  l'hôpital  de  Nantes,  où 
elle  resta  de  1646  à  1655.  Une  de  ses  nièces  la  suivit  chez  les  filles 
de  la  Charité  ;  un  frère  et  un  neveu  entrèrent  dans  la  congrégation 
de  la  Mission. 

4.  Barbe    Angiboust. 

5.  Marie  Joly  et  Barbe  Angiboust  étaient  chargées,  en  l'absence  de 
Louise  de  Marillac,  des  sœurs  employées  aux  confréries  de  ces  pa- 
roisses. 

6.  Isabelle  ou  Elisabeth  Martin  fut  parmi  les  premières  Filles  de 
la  Charité  une  des  plus  accomplies.  Sœur  servante  à  l'hôpital  d'An- 
gers en  1640,  à  Richelieu  en  1641,  à  l'hôpital  de  Nantes  en  1646, 
elle  revint  à  Richelieu  en  1648,  pour  y  mourir  l'année  suivante.  Sa 
santé  laissa  toujours  à  désirer. 


—  329  — 

voir  '  ;  mais  j'ai  su,  depuis  ce  dessus  écrit,  que  l'on 
s'est  mépris  ;  et  l'embarras  oi:  je  suis  ne  me  permettant 
pas  une  si  grande  tournée,  je  m'en  vas  l'envoyer  prier 
de  passer  par  ici  en  s'en  retournant.  Madame  Mussot 
m'assura  hier  qu'elle  partira  à  la  un  de  cette  semaine. 
M.  le  prieur  parle  de  s'en  aller  avec  elle  et  d'être  l'un  des 
chapelains  de  Liancourt  avec  un  autre  ecclésiastique  *. 
Hier,  étant  pressé  de  Madame  de  Combalet  '  de  lui 


7.  Saint  Vincent  a  interrompu  la  lettre  en  cet  endroit  pour  ne  la 
reprendre   que    le    lendemain. 

8.  Le  duc  et  la  duchesse  de  Liancourt  avaient  conçu  dès  1606  le 
projet  d'appeler  des  chapelains  sur  leur  terre  de  Liancourt.  Ces  cha- 
pelains devaient  être  au  nombre  de  trois,  mener  la  vie  commune  dans 
une  maison  bâtie  exprès  pour  eux  près  de  l'église,  et  venir  en  aide 
aux  curés  de  Liancourt  et  des  paroisses  voisines  dépendantes  de  la 
seigneurie.  Le  traitement  offert  était  minime  ;  aussi  personne  ne  se 
présentait.  Quelque^  prêtres  de  Provence  finirent  par  accepter.  Après 
deux  ans,  ils  se  retirèrent.  Adrien  Le  Bon,  dont  saint  Vincent  parle 
dans  sa  lettre,  ne  donna  pas  suite  à  son  projet.  Le  duc  s'adressa  à 
saint  Vincent  ainsi  qu'à  Georges  Froger,  curé  de  Saint-Nicolas-du- 
Chardonnet,  et  tous  deux  le  renvoyèrent  à  Adrien  Bourdoise.  Bour- 
doise  se  laissa  gagner.  Il  quitta  Paris  le  i^''  septembre  1642  et  travailla 
si  bien  à  Liancourt  qu'en  peu  de  temps  il  groupa  autour  de  lui  toute 
une  communauté.  {Le  saint  abbé  Bourdoise,  par  Jean  Darche,  t.  II, 
p.    184.) 

9.  Marie  de  Wignerod  de  Pontcourlay,  née  en  1604  au  château 
de  Glénay,  près  de  Bressuire,  de  René  de  Wignerod  et  de  Françoise 
de  Richelieu,  sœur  aînée  du  grand  cardinal,  épousa,  toute  jeune, 
dans  la  chambre  d'Anne  d'Autriche,  le  neveu  du  duc  de  Luynes, 
Antoine  de  Beauvoir  de  Grimoard  du  Roure,  chevalier,  seigneur  de 
Combalet,  qu'elle  n'avait  jamais  vu  et  qu'elle  n'aimait  pas.  Pendant 
les  deux  ans  que  dura  cette  union,  les  époux  ne  vécurent  que  six  mois 
ensemble.  Le  marquis  de  Combalet,  retenu  hors  de  son  foyer  par  les 
nécessités  de  la  guerre,  tombait  frappé  à  mort,  le  3  septembre  1622, 
au  siège  de  Montpellier.  Veuve  à  dix-huit  ans,  la  marquise  de  Com- 
balet quitta  la  cour  et  se  retira  au  Carmel  de  Paris.  Elle  fut  admise 
au  noviciat,  après  un  an  de  clôture  reçut  l'habit  religieux  des  mains 
de  M.  de  Bérulle  et  prononça  les  premiers  vœux.  Richelieu,  qui  l'ai- 
mait beaucoup,  mit  tout  en  jeu  pour  la  ramener  à  la  cour.  Ce  fut  à 
sa  sollicitation  que  le  Pape  interdit  le  cloître  à  la  jeune  marquise, 
que  Marie  de  Médicis  la  choisit,  le  i"  janvier  1625,  pour  dame  d'atours 
et  que  le  roi  érigea  sa  terre  d'Aiguillon  en  duché-pairie  le  i*''  janvier 
1638. 

Ce  jour-là,  le  cardinal  l'emmena,  pour  qu'elle  y  fixât  sa  résidence, 
dans  un  petit  hôtel  aménagé  pour  elle,  rue  de  Vaugirard,  dans  les  dépen- 


—  33°  — 

envoyer  la  ûlle,  et  que  c'était  pour  elle,  j'en  parlai  à 
Marie  Denyse,  pource  qu'elle  me  semblait  plus  propre 
pour  cela  ;  mais  elle  me  fit  une  réponse  digne  d'une  fille 
qui  a  vocation  de  Dieu  à  la  Charité,  qui  fut  qu'elle  avait 
quitté  père  et  mère  pour  se  donner  au  service  des  pauvres 
pour  l'amour  de  Dieu,  et  qu'elle  me  priait  de  l'excuser 
si  elle  ne  pouvait  changer  de  dessein  pour  aller  servir 
cette  grande  dame.  Après  cela,  je  parlai  à  Barbe 
la  grande  ^"  sans  lui  dire  pour  qui  ni  pour  quoi,  et  l'en- 
voyai m'attendre  auprès  de  madite  dame  de  Combalet, 
oii  je  lui  dis  que  cette  bonne  dame  l'emploierait  tantôt  à 
son  service  et  tantôt  aux  pauvres  de  la  paroisse.  Elle  se 


dances  du  petit  Luxembourg,  où  lui-même  avait  sa  demeure.  La 
duchesse  d'Aiguillon  fit  un  noble  usage  de  son  immense  fortune 
et  de  sa  grande  influence.  Elle  fréquenta  et  protégea  les  gens  de 
lettres  et  se  mit  à  la  tête  de  toutes  les  œuvres  de  charité.  Elle  établit 
les  prêtres  de  la  Mission  à  Notre-Dame  de  La  Rose  et  à  Marseille, 
où  elle  leur  confia  la  direction  d'un  hôpital  qu'elle  avait  fait  bâtir 
pour  les  galériens  malades.  La  maison  de  Richelieu  et  celle  de  Rome 
vécurent  de  ses  libéralités.  C'est  elle  qui  fit  donner  à  la  congréga- 
tion de  la  Mission  les  consulats  d'Alger  et  de  Tunis.  Elle  concourut 
à  la  fondation  de  l'hôpital  général  et  de  la  société  des  Mis- 
sions Etrangères,  prit  sous  sa  protection  les  Filles  de  la  Croi-x  et  le« 
Filles  de  la  Providence  et  fut  la  grande  bienfaitrice  du  Carmel. 
Elle  fut  présidente  de  la  confrérie  de  la  Charité  établie  à  Saint- 
Sulpice  et  remplaça  Madame  de  Lamoignon  à  la  tête  des  dames  de 
l'Hôtel-Dieu.  La  duchesse  d'Aiguillon  doit  être  mise  avec  Louise  de 
Marillac,  Madame  de  Gondi  et  Madame  Goussault,  au  premier  rang 
des  collaboratrices  de  saint  Vincent.  Nul  peut-être  ne  lui  donna  davan- 
tage. Peu  de  personnes  lui  furent  aussi  attachées.  Elle  veillait  sur 
sa  santé  avec  une  sollicitude  maternelle.  Le  carrosse  et  les  chevaux 
dont  le  saint  se  servait  dans  ses  vieux  jours  venaient  de  ses  écuries. 
La  mort  du  serviteur  de  Dieu  l'affligea  profondément.  Elle  fit  exé- 
cuter un  reliquaire  de  vermeil  en  forme  de  cœur  surmonté  d'une 
flamme  pour  y  enfermer  le  cœur  du  saint.  La  duchesse  d'Aiguillon 
mourut  le  17  avril  1675,  ^  l'âge  de  soixante  et  onze  ans,  et  fut 
inhumée  avec  l'habit  de  carmélite.  MM.  Brisacier  et  Fléchier  ont 
prononcé  son  oraison  funèbre.  [Le  duchesse  d'' Aiguillon,  par  le  comte 
de  Bonneau-Avenant,  seconde  édition,  Paris,  1882,  in-12.)  Le  Long 
signale  dans  sa  Bibliothèque  historique  de  la  France,  éd.  Fontette, 
Paris,  1768-1778,  5  vol.  in-f°,  t.  III,  tï°  30.854,  un  recueil  manus- 
crit de  ses  lettres,  aujourd'hui  perdu. 
10.  Barbe  Angfiboust. 


—  331  — 

mit  à  pleurer,  et  ayant  acquiescé,  je  la  mis  entre  les 
mains  d'une  demoiselle  de  ladite  dame.  Mais  je  fus  bien 
étonné  quand  incontinent  après  elle  revint  chez  M.  l'abbé 
de  Loyac  ",  où  j'étais  vis-à-vis,  et  me  dit  qu'elle  était 
étonnée  de  voir  une  si  grande  cour,  qu'elle  ne  saurait  y 
vivre,  me  priait  de  l'en  ôter,  que  Notre-Seigneur  l'avait 
donnée  aux  pauvres,  me  priait  de  l'y  renvoyer  ;  ce  qui 
étonna  fort  cet  abbé  de  voir  un  tel  mépris  de  la  grandeur 
du  monde,  et  fit  que  je  dis  à  cette  bonne  fille  qu'elle  s'en 
retournât  chez  ladite  dame  ;  que  si  elle  ne  s'y  trouvait 
pas  bien,  dans  quatre  ou  cinq  jours  qu'elle  s'en  retournât 
à  Saint-Nicolas. 

Que  vous  en  semble.  Mademoiselle  ?  Etes-vous  point 
ravie  de  voir  la  force  de  l'esprit  de  Dieu  dans  ces  deux 
pauvres  filles  et  le  mépris  qu'il  leur  fait  faire  du  monde 
et  de  ses  grandeurs  ?  Vous  ne  sauriez  croire  le  courage 
que  cela  m'a  donné  pour  la  Charité,  ni  le  désir  que  j'ai 
que  vous  reveniez  bientôt  et  en  bonne  santé,  pour  y  tra- 
vailler à  bon  escient.  Faites  donc  votre  possible  pour 
vous  bien  porter.  Mademoiselle,  je  vous  en  supplie,  et 
emmenez  ces  bonnes  filles,  si  vous  leur  reconnaissez  de 
la  vocation  et  de  l'aptitude. 

Or  sus,  je  finis  en  priant  Dieu  qu'il  vous  redonne  une 
parfaite  santé,  comme  j'espère  de  sa  bonté,  qui  suis,  en 
son  amour  et  celui  de  sa  sainte  Mère,  Mademoiselle, 
votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Saint-Lazare,  ce  mardi  matin  27  de  mai  1636. 
Je  vis  hier  vos  filles  de  l'Hôtel-Dieu  ;  elles  font  bien. 


II.  Jean  de  Loyac,  protonotaire  apostolique,  honorait  le  clergé  par 
ses  vertus  et  ses  talents.  Il  était  conseiller,  aumônier  et  prédicateur 
ordinaire  du  roi.  Il  serait  monté  sur  le  siège  de  Toulon  à  la  mort 
d'Auguste  de  Forbin  si  Richelieu  n'avait  arrêté  l'expédition  des  bulles. 
Il  a  écrit  la  vie  de  Pierre  de  Sacjan,  prieur  commandeur  de  l'ordre 
de   Saint-Antoine  à  Paris,  et  celle  de  saint  Jean  de  Dieu. 


—  332 


Si  vous  avez  besoin  de  mon  service,  je  quitterai  tout  pour 
cela  ;  mais  j'espère  bien  que  vous  vous  en  passerez. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


225.   —    A     LAMBERT   AUX  COUTEAUX,    SUPÉRIEUR,    A  TOUL 

13  juin  1636. 

Pressé  par  Charles-Chrétien  de  Gournay,  évêque  de  Toul, 
d'autoriser  les  prêtres  de  la  maison  de  cette  ville  à  confesser 
les  religieuses  de  Saint-Dominique,  qui  pouvaient  difficile- 
ment trouver  des  confesseurs  à  cause  des  troubles  de  la  Lor- 
raine, Vincent  de  Paul  prie  le  supérieur  de  l'établissement  d'al- 
ler se  jeter  aux  pieds  du  prélat  et  de  lui  faire  comprendre  com- 
bien le  service  demandé  est  opposé  aux  fins  de  la  compagnie. 


226.  —  JEAN.JACQUES  OLIER  A  SAINT  VINCENT 
ET  AUX  PRÊTRES  DE  LA  CONFÉRENCE  DES  MARDIS 

Qui  a  Dieu  a  tout. 
Jésus,  Marie,  Joseph. 

Messieurs, 

] e  ne  fuis  être  -plus  longtemfs  absent  de  votre  comfagnie 
sans  vous  rendre  le  comfte  que  je  suis  obligé  de  mes  actions. 
Je  vous  dirai,  Messieurs,  que  nous  fûmes  onze  jours  en  chemin 
'pour  nous  rendre  au  lieu  de  la  mission  nommée  Saitit-Ilpise  1. 
La  faveur  du  ciel  fut  si  grande  que  pendant  ce  temps-là  nous 
n'eïlm.es  pas  deux  heures  de  soleil,  ni  de  pluie,  ayant  toujours 
marché  à  V abri  des  nuées,  étant  tous  arrivés,  par  la  grâce  de 
Dieu^  en  bonne  disposition. 

On  commença  la  mission  le  dimanche  d'après  V  Ascension, 
laquelle  dura  jusqu'au  15  de  ce  mois,  jour  de  leur  fête  Saint- 
Ilpize ,  oit  Von  voulut  que  je  prisse  congé  le  soir,  à  la  présence 
du  Saint  Sacrement  ;  ce  qui  se  fit  avec  toute  la  révérence  pour 
la  majesté  de  Dieu,  qui  présidait^  et  aussi  avec  tant  de  larmes 


Lettre  225.   —  Collet,  o-p.   cit.,   t.   I,   p.  355. 

Lettre    226.    —   Arch.    de    Saint-Sulpice,    copie    ancienne. 

I.   Commune  de  l'arrondissement   de  Brioude    (Haute-Loire). 


—  333  — 

et  soupirs  que  je  fense,  Messieurs^  qûil  faudrait  y  avoir  été 
■pour  le  croire.  Dieu  soit  béni  de  tout   ! 

Presque  la  même  chose  arriva  à  la  procession  des  petits  en- 
fants et  à  leur  communion,  qui  se  fit  dans  toute  la  révérence 
imaginable,  là  où  la  foule  était  si  grande  de  même  que  le 
reste  des  fétes^  qu'il  fallait  toujours  faire  courir  du  vin  dedans 
l'église  pour  les  affaiblies,  dont  une  entre  autres  a  été  plus  de 
trois  seniaines  malade. 

Le  peuple,  au  commencement,  venait  selon  que  nous  le  de- 
vions souhaiter ^  savoir  autant  que  nous  le  pouvions  confesser  ; 
mais  cela,  Messieuts,  avec  tels  mouvements  de  grâce  que  de 
tous  côtés  il  était  aisé  de  savoir  où  les  prêtres  confessaient, 
les  pénitents,  par  leurs  soupirs  et  leurs  sanglots,  se  faisant 
entendre  de  toutes  parts.  Jésus-Christ  soit  loué  de  tout   ! 

Mais,  sur  la  fin,  le  peuple  nous  pressait  si  vivement,  et  la 
foule  était  si  grande  quil  nous  fallait  être  parfois  (savoir 
toutes  les  fêtes)  douze  ou  treize  prêtres  pour  subvenir  à  Var- 
deur  de  ce  zèle.  On  les  voyait  depuis  la  pointe  du  jour  au 
ynilieu  de  la  chaleur,  qui  était  extraordinaire ,  jusqu'à  la  der- 
nière prédication,   sans  boire  ni  manger. 

Parfois,  en  faveur  des  étrangers,  il  fallait  faire  deux  heures 
et  plus  de  catéchisme,  d'où  ils  sortaient  aussi  affamés  qu'en  y 
entrant.  Cela  nous  laissait  tout  confus.  Il  nous  fallait  le  faire 
de  la  chaire,  n'y  ayant  point  de  place  dans  Véglise.  les  envi- 
rons du  cimetière  étant  tout  emplis,  les  portes  bouchées  et  les 
fenêtres  toutes  chargées  de  peuple.  Ce  mêyne  se  voyait  au  ser- 
mon du  matin  et  à  celui  du  soir,  qu'on  nomme  le  grand  caté- 
chisme. Et  après  quoi  je  ne  puis  rien  dire  sinon  :  Benedictus 
Deus  !  Benedictus  Deus  !  lequel  si  libéralement  se  commu- 
nique à  ses  créatures^  mais  surtout  à  ses  pauvres.  Car,  Mes- 
sieurs, nous  avons  remarqué  que  c'est  là  où  il  réside,  et  de- 
mande le  secours  des  créatures  pour  achever  ce  que  lui  seul 
n'a  pas  accoutumé  de  faire,  savoir  l'instruction  et  la  conver- 
sion totale  de  ses  peuples. 

Messieurs^  ne  refusez  pas  ce  secours  à  Jésus.  La  gloire  est 
trop  grande  de  travailler  sous  lui,  de  contribuer  au  salut  de  ses 
âmes  et  à  la  gloire  qu'il  en  doit  retirer  toute  une  éternité.  Vous 
avez  heureusement  commencé  et  vos  premiers  exemples  m'ont 
chassé  de  Paris.  Continuez  en  ces  divins  emplois,  étant  vrai 
que  dessus  la  terre  il  n'y  a  rien  de  semblable. 

Paris.  Paris,  tu  arrêtes  du  monde  qui  convertirait  plusieurs 
mondes  !  Hélas  !  combien  de  bonnes  œuvres  sans  fruit,  âe 
fausses  conversions  et  de  saints  discours  perdus,  faute  de  dis- 
positions que  Dieu  épanche  ailleurs  !  Ici  un  mot  est  une  pré- 
dication, et  rien  ne  nous  parait  inutile.  Ici  Von  n'a  point 
égorgé  les  prophètes  ;  je  veux  dire  que  leur  prédication  n'a 


—  334  — 

■point  été  méprisée  comme  dedans  ces  villes  ;  et  pour  cela, 
Messieurs,  tous  ces  pauvres  avec  -fort  peu  d'instruction  se 
voient  remplis  de  bénédictions  et  de  grâces  de  Dieu.  Oest  ce 
que  je  puis  souhaiter,  puisque,  dans  son  amour,  je  suis 
Messieurs,  votre  très  humble,  très  obéissant  et  obligé  confrère. 

Olier. 
A  Vieille-Brioude  -,  ce  jour  saint  Jean  ^  1636. 


227.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1636  ^] 

Mademoiselle, 

La  grâce    de    Notre-Seigneur    soit   avec    vous  pour 
jamais  ! 

Béni  soit  Dieu  de  tout  ce  que  vous  me  dites  de  Madame 
Turgis  ^.  Je  la  pourrai  aller  entendre  de  confession  sa- 
medi l'après-dînée,  Dieu  aidant.  Vous  lui  baillerez  les 
méditations  de  la  naissance  et  de  la  vie  de  Notre-Sei- 
gneur entre  ci  et  là,  s'il  vous  plaît  ;  et  puis  il  faudra 
continuer  la  passion  et  quelques-unes  des  apparitions, 
et  ne  faut  pas  oublier  de  lui  bailler  [les]  ^  saintes  béati- 
tudes à  deux  ou  trois  fois.  Que  si  vous  ne  pouvez  lui 
bailler  toutes  celles-là,  vous  lui  baillerez  celles  qui  se 
pourront  [pour]  *  le  temps  qu'elle  doit  demeurer  dans  sa 
retraite. 


2.  Commune   de   rarrondissement   de   Brioude. 

3.  24    juin. 

Lettre  227.  —  L.  a.  —  Original  chez  M.  le  marquis  de  Pierre  à 
Aulteribe    (Puy-de-Dôme) . 

1.  Date  d'entrée  de  Madame  Turgis  en  communauté. 

2.  Elisabeth  Le  Goutteux,  veuve  de  M.  Turgis,  quitta  le  monde, 
où  elle  occupait  une  belle  position,  pour  se  consacrer  à  Dieu  cher  les 
Filles  de  la  Charité.  Elle  remplit  les  fonctions  de  supérieure  à 
l'hôpital  d'Angers  (1639-1640,  1644),  aux  Enfants  trouvés  {1642),  à 
Saint-Denis  (1645),  à  Chars  près  Pontoise  (1645,  1647)  et  à  Riche- 
lieu (1646-1647).  Elle  mourut  à  Chantilly  en  octobre  1648,  après  une 
longue   et    cruelle    maladie. 

3.  Mot  oublié   dans   l'original. 

4.  Mot  enlevé  par  une  déchirure  de  l'original. 


—  335  — 

Je  ne  saurais  que  vous  dire  de  ces  ûlles  de  Saint-Vic- 
tor [ni  de  la]  ^  M[ère]  Gabrielle  %  sinon  que  je  prie  Dieu 
qu'il  remédie  à  tout. 

Je  ne  sais  si  je  pourrai  voir  cette  bonne  fille  qu'on  me 
dit  venir  pour  se  présenter.  Je  le  ferai,  si  je  le  puis  ;  si- 
non, je  vous  prie  de  m'excuser  et  de  vous  ressouvenir 
de  moi  en  vos  prières.  Je  vous  recommande  aussi  la 
Mère  supérieure  de  Saint-Marie  de  la  ville  ^  qui  est  fort 
malade. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

'Vincent  Depaul. 

Ce  jeudi,  à  lo  heures. 


228.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 


Mademoiselle, 


[1636  K] 


La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  trouve  bien  à  propos  tout  ce  que  vous  me  dites  du 
service  des  pauvres,  de  l'Hôtel-Dieu,  de  la  chambre  ^  et 
de  Mademoiselle  Viole  et  de  conférer  avec  vous  à  plein 
fond  des  moyens  d'établir  une  parfaite  charité  entre  vos 
filles. 

Et,  pour  IMadame  Turgis,  il  sera  bon  que  d'abord  vous 
la  priiez  de  trouver  bon  d'observer  toutes  les  choses  que 
les  filles  font,  de  faire  comme  elles  et  que  vous  la  trai- 

5.  L'original  est  déchiré  en  cet  endroit. 

6.  Si  le  mot   Mère  est  exact,   il  s'agit  ici  de  la   Mère   Gabrielle   de 
Condren,   religieuse  carmélite,   sœur   du   Père   de  Condren. 

7.  La   Mère   Hélène-Angélique   Lhuillier. 

Lettre  228.   —  L.    a.  —  Original  au  second  monastère  de  la  Visi- 
tation   de    Paris,    110,    rue    de  Vaugirard. 

1.  Voir  lettre  227,  note   i.  Ajoutons  que  la  lettre  semble  postér'".ure 
au  transfert  de  la  maison-mère  à  La   Chapelle. 

2.  Très  probablement  la  chambre  des  sœurs  à  Saint-Nicolas. 


-  33^  — 

tiez  comme  xine  d'entre  elles  et  de  faire  enfin  un  novi- 
ciat de  quelques  mois  :  i°  tant  pour  honorer  l'enfance 
de  Notre-Seigneur  ;  2"  que  pour  donner  exemple  à  ces 
filles  de  bien  faire  et  à  celles  qui  viendront  ci-après,  de 
quelque  condition,  d'en  faire  de  même  et  à  ce  qu'enfin  les 
filles  lui  aient  une  plus  grande  crainte  lorsque  l'on  lui 
donnera  quelque  conduite  ^  sur  elles,  et  qu'à  cet  effet  elle 
se  mette  indifféremment  parmi  les  filles  à  table  et  que 
c'est  ainsi  que  Notre-Seigneur  s'est  voulu  ajuster  aux 
pauvres  pour  nous  donner  exemple  d'en  faire  de  même. 

Si  je  le  puis,  j'irai  samedi,  de  bonne  heure,  pour  con- 
fesser vos  filles,  pour  les  mettre  dans  la  pratique  que  je 
vous  ai  dite  de  la  confession. 

Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


229.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  1634  ^  et  16392.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Voilà  donc  notre  très  chère  sœur  sur  son  départ.  Béni 
soit  Dieu  de  ce  qu'il  la  veut  libérer  de  tant  de  souf- 
frances et  la  récompenser  de  tous  les  services  qu'elle 
lui  a  faits  !  Une  petite  incommodité  que  j'ai  m'empêche 


3.    Le  mot  autorité   s'était  tout  d'abord   présenté  sous  la  plume  du 
saint    ;   réflexion  faite,  il   lui  préféra  le  mot  conduite. 

Lettre  229. —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  est  postérieure  à  la   fondation  des  Filles  de  la   Cha- 
rité. 

2.  Après    1639,  saint   Vincent   aurait   écrit   les   mots    :   «    Ce   samedi 
matin  »  au  début  de  la  lettre,  non  à  la  fin. 


—  337  — 

de  lui  aller  dire  le  dernier  adieu  ;  je  le  ferai  de  l'autel, 
où  j'espère  la  voir  en  Xotre-Seigneur  plus  parfaitement 
que  chez  vous.  Ayant  pensé  et  repensé  à  la  proposition 
que  vous  m'avez  faite  touchant  la  disposition  de  son 
corps,  je  pense  qu'il  n'est  pas  expédient  qu'on  l'enterre 
céans  ^  ;  je  vous  en  dirai  la  raison.  Honorez  en  cela  la 
différence  des  sépulcres  de  Notre-Seigneur  et  de  la 
sainte  Vierge,  et  consolez-vous  dans  l'acquiescement  à 
l'adorable  bon  plaisir  de  Dieu,  s'il  vous  plait.  J'avoue 
que  cela  est  facile  à  dire  ;  mais  les  larmes  de  Notre-Sei- 
gneur sur  le  Lazare  en  font  voir  la  difficulté.  Si  vous 
pleurez,  que  ce  soit  peu  ;  mais  après  cela  fortifiez-vous. 
J'admire  quelquefois  la  composition  ferme  des  bons  re- 
ligieux et  des  religieuses  dans  le  décès  des  leurs.  Oh  ! 
qui  nous  ferait  part  à  la  disposition  qu'avait  la  sainte 
Vierge  dans  la  mort  de  son  Fils  !  Je  m'en  vas  y  deman- 
der part  pour  vous  au  saint  autel.  Si  elle  est  en  état 
de  recommander  à  ses  prières  la  petite  compagnie,  je 
vous  prie  de  le  faire  ;  je  dis  celle  des  filles  et  la  nôtre 
chétive,  et  moi  particulièrement  qui  en  ai  plus  de  be- 
soin et  qui  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Made- 
moiselle, votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  samedi  matin. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


3.  A   Saint-Lazare. 


—  338  — 

230.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre   1634  et  1639  '•] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

J'ai  une  afflictiori  sensible  de  ce  que  je  ne  vous  puis 
aller  voir,  à  cause  du  monde  que  nous  avons  et  d'au- 
tres que  j'attends.  Je  vous  supplie  de  m'en  excuser  et  de 
ne  vous  pas  laisser  aller  à  la  douleur  ;  c'est  le  bon  plai- 
sir de  Dieu,  que  vous  aimez  tant.  O  Dieu  !  quel  motif  que 
celui  du  plaisir  de  Dieu  !  Et  quel  motif  encore  que 
celui  de  penser  que  cette  bonne  fille  jouit  à  présent  du 
bonheur  de  sa  gloire  !  Enfoncez-vous  là  dedans,  Made- 
moiselle, et  n'en  sortez  pas,  je  vous  en  supplie. 

Je  vous  enverrai  quatre  prêtres  pour  assister  à  l'office 
et  tâcherai  de  voir  Madame  Goussault  et  de  lui  dire  la 
chose  en  la  manière  que  vous  me  marquez.  J'espère  de- 
main, Dieu  aidant,  de  vous  allez  voir,  le  matin.  Vous  me 
consoleriez  fort  si  vous  vouliez  vous  mettre  en  repos  dans 
votre  lit  pendant  ces  deux  jours. 

Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  suis  votre  très  humble  ser- 
viteur. 

V.  D.  P. 

Suscriftion  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


Lettre  230.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.   Cette   lettre  a   été  écrite  entre  l'institution  des   Filles  de  la  Cha- 
rité de  la  mort  de    Madame   Goussault. 


—  339  — 

231    —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Août  1636  '.] 
Mademoiselle, 

Me  voici  de  retour  en  meilleure  disposition,  Dieu 
merci  ;  mais  nous  voici  dans  les  armes  qu'on  distribue 
céans  aux  soldats  -.  Si  l'on  amène  ces  pauvres  filles  de 
Liancourt,  je  ne  vois  point  d'inconvénient  que  vous  les 
receviez  chez  vous  en  attendant,  et  cette  bonne  veuve 
pour  la  dresser  ;  après  cela,  Madame  de  Liancourt  les 
pourra  placer  ailleurs.  Cela  me  paraît  mieux  ;  qu'en 
pensez-vous  ? 

Je  ne  réponds  rien  à  la  plainte  que  vous  me  faites 
touchant  mon  voyage  et  mon  séjour  à  La  Chapelle 
sans  vous  voir  ;  mais  je  recours  pour  la  seconde  fois  à 
votre  charité  et  espère  qu'elle  n'attendra  pas  la  troisième 
pour  me  le  pardonner.  J'espère  que  nous  aurons  l'hon- 
neur de  vous  voir  dans  deux  ou  trois  jours  et  suis  ce- 
pendant, en  l'amour  de  Notre-Seig-neur... 

232    —  A  ANTOINE  PORTAIL,  PRÊTRE    DE   LA  MISSION, 
A  PÉBRAG 

Paris,  le  15  août  1636. 
Tant  s'en  faut  qu'il  soit  expédient  de  rappeler  ici  le 

Lettre  231.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.  68. 

1.  Cette  lettre  et  la  lettre  232  sont  du  même  jour,  ou  peu  s'en  faut. 

2.  La  nouvelle  que  les  Espagnols,  maîtres  de  quelques  places 
fortes  en  Picardie,  étaient  entrés  à  Corbie  le  5  août,  avait  jeté  l'épou- 
vante parmi  les  populations  menacées.  Les  habitants  des  campagnes 
se  réfugièrent  dans  les  villes  avec  leurs  meubles  ;  les  religieux  et 
les  religieuses  sortirent  de  leurs  monastères.  Paris  reçut  quantité  de 
malheureux  partis  précipitamment  de  chez  eux  et  dont  la  misère  fai- 
sait pitié.  Le  roi  se  hâta  de  préparer  une  nouvelle  armée  et  de  met- 
tre la  capitale  en  état  de  défense.  Il  partit  lui-même  en  Picardie  à 
la  tête  de  ses  soldats  et  reprit  en  peu  de  temps  les  places  perdues. 
Corbie  se  rendit  le  14  novembre  ;  le  21,  Louis  XIII  entrait  dans 
Paris    en    triomphateur. 

Lettre  232.  —  Reg.  2,  p.  221. 


—  340  — 

frère  [Philippe]  \  que,  s'il  y  était,  il  faudrait  l'envoyer 
ailleurs,  pource  que  Paris  attend  le  siège  des  Espa- 
gnols qui  sont  entrés  en  la  Picardie  et  la  ravagent  avec 
une  puissante  armée,  dont  l'avant-garde  s'étend  jusqu'à 
10  ou  12  lieues  d'ici,  de  sorte  que  le  plat  pays  s'enfuit 
à  Paris  ;  et  Paris  est  si  épouvanté  que  plusieurs  s'en- 
fuient en  d'autres  villes.  Le  roi  tâche  néanmoins  de  dres- 
ser une  armée  pour  s'opposer  à  celle-là,  les  siennes  étant 
hors  ou  aux  extrémités  du  royaume  ;  et  le  lieu  où  se 
dressent  et  s'arment  les  compagnies,  c'est  céans,  où 
l'étable,  le  bûcher,  les  salles  et  le  cloître  sont  pleins 
d'armes,  et  les  cours  de  gens  de  guerre.  Ce  jour  de 
l'Assomption  n'est  pas  exempt  de  cet  embarras  tumul- 
tueux. Le  tambour  commence  à  y  battre,  quoiqu'il  ne 
soit  que  sept  heures  du  matin,  de  sorte  que,  depuis  huit 
jours,  il  s'est  dressé  céans  72  compagnies.  Or,  quoique 
cela  soit  ainsi,  toute  notre  compagnie  ne  laisse  pas  de 
faire  sa  retraite,  trois  ou  quatre  exceptés,  mais  pour  par- 
tir et  s'en  aller  travailler  aux  lieux  éloignés,  afin  que,  si 
le  siège  vient,  la  plupart  soient  exempts  de  la  risque  qui 
se  court  en  cas  pareil.  J'écris  à  M.  l'abbé  ^  que  je  pourrai 
lui  envoyer  quatre  ou  cinq  prêtres  de  la  compagnie  et 
lui  demande  la  charité  pour  cela.  J'en  enverrai  une  autre 
partie  à  Messeigneurs  d'Arles  et  de  Cahors,  et  j'espère 
les  faire  partir  au  plus  tôt,  avant  que  les  affaires  se 
brouillent  davantage.  J'ai  eu  ordre  d'en  user  de  la 
sorte  par  notre  supérieur  ^  lequel  nos  amis  approuvent, 
puisqu'ils  ne  sauraient  s'employer  en  ces  quartiers,  émus 
pour  le  présent.  Or,  jugez  et  faites  juger  de  là  à  ce  bon 
frère  s'il  est  expédient  qu'il  revienne. 

Je  suis  de  votre  avis,  et  m'en  suis  toujours  douté,  qu'il 
a  la  nature  paresseuse  et  qu'il  est  tenté  du  démon  de 

1.  Voir   lettre    202. 

2.  Jacques  Olier,  abbé  de  Pébrac. 

3.  Vraisemblablement    l'archevêque    de    Paris. 


—  341  — 

fainéantise  ;  et  il  se  peut  ressouvenir  que  je  lui  ai  dit.  Je 
vous  supplie  de  l'encourager  à  ce  qu'il  lui  résiste,  et  cela 
par  voie  de  douceur  et  de  suasion,  et  non  de  conviction, 
comme  nous  avons  accoutumé  de  faire.  Les  esprits  mala- 
des ont  besoin  d'être  plus  délicatement  et  charitablement 
choyés  que  ceux  qui  le  sont  du  corps. 

Quant  à  l'aversion  que  M.  Le  P.  témoigne  avoir  des 
exercices  de  la  Mission,  il  faut  honorer  la  douceur,  la 
patience  et  l'humilité  de  Notre-Seigneur  à  l'égard  de 
ceux  qui  avaient  dissentiment  à  sa  personne  et  à  sa  doc- 
trine et  en  user  de  même  qu'il  en  usait. 


233.        A  MONSIEUR  DE  SAINT  MARTIN 

Monsieur, 

Je  vous  envoie,  par  l'occasion  de  Monsieur  Touschard, 
qui  se  rend  à  Dax,  le  petit  tableau  que  j'ai  commandé 
à  Monsieur  Brentel  faire  à  votre  intention  \  Le  présent 
est  de  peu  de  conséquence  ;  mais  j'ai  espérance  que  le 


Lettre  233.  —  Archives  de  la  Mission,  copie  prise  sur  l'original, 
qui  était  en  entier  de  la  main  du  saint. 

I.  Voici  la  description  que  nous  en  fait  Firmin-Joussemet,  qui 
l'a  eu  sous  les  yeu.\  {^Lettre  de  saint  Vincent  de  Paul  sur  sa  capti- 
vité à  Tunis  dans  la  Revue  des  provinces  de  VOuest,  septembre  1856, 
p.  230  et  suiv.)  :  a  Cette  peinture  très  finement  touchée  a  été  e.xé- 
cutée  sur  parchemin  par  un  artiste  nommé  François  Brentel.  Elle 
représente  la  fuite  en  Egypte.  La  Vierge,  assise  à  l'ombre  de  grands 
arbres,  allaite  l'enfant  Jésus,  tandis  que  saint  Joseph  les  contem- 
ple. Plus  loin  l'âne  cherche  sa  nourriture.  Dans  le  fond  du  paysage 
est  une  ville  décorée  de  beaux  édifices  et  bâtie  au  milieu  d'un  site 
sévère.  Deux  anges  en  prière,  portés  sur  des  nuages,  occupent  le 
haut  de  la  composition.  Autour  règne  une  bordure  noire  et  or,  et  au 
bas  se  trouve  une  bande  pourpre,  sur  laquelle  on  lit  en  caractères 
romains  :  Aimez  Dieu  et  votre  frochain,  légende  qui  résume  la  doc- 
trine du  donateur.  Au  dessous  est  la  signature  de  l'artiste  et  la  date 
1636.  L'ensemble  a  o  m.  14  de  haut  sur  o  m.  10  de  large.  Ce  petit 
tableau,  d'une  conservation  parfaite,  se  recommande  surtout  par 
l'extrême  finesse  de  la  touche.  Il  semble  être  la  copie  d'une  œuvre 
d'un    artiste    de    l'école   des   Carrache.    »    Arthur    Loth    l'a    reproduit 


—  342  — 

tiendrez  de  quelque  prix,  venant  d'une  personne  qui  est 
de  si  long-temps  le  tant  obligé  de  votre  maison.  Le 
voyant  devant  vos  yeux,  n'oublierez  en  vos  prières  le 
plus  humble  de  vos  serviteurs. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,   ce   i6  août   1636. 

234.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Août    1636  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce    de    Notre-Seigneur    soit    avec    vous  pour 
jamais  ! 

J'ai  appris  votre  indisposition  à  mon  retour.  Cela 
m'a  contristé.  Je  prie  Notre-Seigneur  qu'il  vous  redonne 
une  parfaite  santé,  dont  j'étais  tout  réjoui  la  dernière 
fois  que  je  vous  vis.  Enân  vous  êtes  fille  de  la  Croix. 
Oh  !  quel  bonheur  !  Dites-moi,  je  vous  prie,  si  cette  pe- 
tite rechute  vous  a  un  peu  troublée. 

Il  n'y  a  point  d'apparence  de  vous  laisser  toujours 
dans  ces  alarmes.  Il  vaut  mieux  vous  retirer  ^.  Cela  n'em- 
pêchera pas,  si  les  choses  s'adoucissent,  que  vous  ne  re- 
tourniez là  où  vous  êtes,  jouir  de  ce  bon  air.  Je  ne  crains 
pas  l'armée  espagnole,  mais  quelque  rencontre  semblable 


dans  son  bel  ouvrage  Saint  Vincent  de  Paul  et  sa  mission  so- 
ciale, Paris,  i88o,  in-8,  p.  74.  Celui  que  Firmin-Joussemet  appelle 
François  Brentel  n'est  autre  vraisemblablement  que  le  Strasbour- 
geois  Frédéric  Brentel,  mort  à  Augsbourg  en  1651,  artiste  de 
grand  talent,  au  dessin  correct,  au  coloris  brillant  et  agréable,  auteur 
de  divers  tableau\  d'histoire,  de  portraits,  de  plusieurs  gravures  et 
des  miniatures  d'un  manuscrit  intitulé  :  Officium  B.  Mariae  Virginis, 
in-8,  1647.  (Bibl.  Nat.  f.  1.  10.567-10.568.)  (Cf.  Schreiber,  Das 
Munster  zu  Strassburg,   Carlsruhe,    1828.) 

Lettre  234.   —  Manuscrit   Saint-Paul,  p.   77. 

1.  L'allusion  à  la  guerre  des  Espagnols  demande  cette  date. 

2.  Probablement    :   vous  retirer  de  La  Chapelle  et  rentrer  à  Paris. 


—  343  - 

à  celui  qui  est  arrivé.  Je  vous  remercie  cependant  du 
soin  que  vous  avez  de  nous,  et  vous  supplie  d  en  avoir 
de  votre  santé,  que  je  prie  Notre-Sei^eur  de  vous  en- 
voyer, étant,  en  son  amour,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 


235.    —   A   ROBERT   DE    SERGIS,   PRÊTRE    DE   LA  MISSION, 
A  LUZARCHES  » 

!«•  septembre  1636. 

Monsieur  le  chancelier  -  me  manda  avant-hier  par 
homme  exprès,  que  je  lui  envoyasse  aujourd'hui  ou  de- 
main vingt  ^nissionnaires  à  Senlis,  qu'il  nous  baillerait 
l'ordre  que  nous  aurions  à  tenir  et  qu'il  aurait  soin  de 
nous.  Je  lui  mandai  que  nous  ne  pouvions  en  fournir  un 
si  grand  nombre,  mais  bien  douze  ou  quinze,  et  que  je 
lui  enverrais  quelqu'im  pour  recevoir  ses  ordres  et  les 
donner  aux  autres  ;  et  je  me  propose  d'y  envoyer  M.  du 
Coudray  dès  demain  matin  ^.  Je  vous  prie  de  m' écrire  à 
toute  main.  L'on  m'a  dit  que  vous  devez  déloger  demain 
matin. 

L'incluse  vous  fera  voir  des  nouvelles  de  M.  Lam- 
bert et  comme  il  s'est  comporté  avec  les  RR.  PP.  Capu- 
cins !  Oh  !  que  cela  est  chrétien  et  que  je  souhaite  que 
chacun  fasse  de  même  ! 


Lettre  235.  —  Reg.  2,  p.  2-j^, 

1.  Dans  cette  localité  campait  le  régiment  dont  Robert  de  Sergis 
était   aumônier. 

2.  Pierre    Séguier. 

3.  Abelly  raconte  (of.  cit.,  t  I,  chap.  xxxiii,  p.  154)  que  saint  Vin- 
cent se  rendit  lui-même  à  Senlis  pour  offrir  ses  services  au  roi,  y 
laissa  un  de  ses  prêtres  pour  transmetttre  les  ordres  du  monarque 
aux  autres  missionnaires  de  l'armée  et  leur  fit  envoyer  une  tente,  des 
meubles  et  des  vivres.  Il  nous  a  conservé  le  règlement  que  le  saint 
dressa  pour  eux  à  cette  occasion.  Quelques  missionnaires  revinrent 
après  six  semaines  ;  les  autres  restèrent  dans  l'armée  jusqu'à  la  fin 
de  novembre. 


—  344  — 

Voici  ces  honnêtes  gens  de  Clichy  qui  réclament  leurs 
enfants  qui  sont  en  votre  régiment.  Ils  offrent  des 
hommes  ou  de  l'argent  à  leur  capitaine,  auquel  j'en  écris. 
C'est  M.  Morin.  J'ai  fait  la  même  prière  à  M.  Piscot. 

236.  —A  UN  PRÊTRE  DE  LA  MISSION 

[Entre  septembre  et  novembre  1636  ^.] 

Béni  soit  Dieu  de  la  bénédiction  qu'il  donne  à  votre 
travail  !  O  Jésus  !  Monsieur,  qu'elle  me  paraît  grande  ! 
Quoi  !  d'avoir  déjà  procuré,  pour  votre  part,  le  bon  état 
de  trois  cents  soldats,  qui  ont  si  dévotement  communié, 
et  de  soldats  qui  s'en  vont  à  la  mort  !  Il  n'y  a  que  celui 
qui  connaît  la  rigueur  de  Dieu  dans  les  enfers,  ou  qui  sait 
le  prix  du  sang  de  Jésus-Christ  répandu  pour  une  âme, 
qui  puisse  comprendre  la  grandeur  de  ce  bien.  Et  quoi- 
que je  connaisse  mal  l'un  et  l'autre,  il  plaît  néanmoins 
à  sa  bonté  de  m'en  donner  quelque  petite  lueur  et  une 
estime  infinie  du  bien  que  vous  avez  fait  en  ces  300  péni- 
tents. Mardi  passé,  il  y  avait  déjà  900  confessions  faites 
en  toutes  les  autres  missions  de  l'armée,  sans  compter 
les  vôtres,  outre  ce  qui  s'est  fait  depuis.  O  Dieu  !  Mon- 
sieur, que  cela  est  au-dessus  de  mon  espérance  !  Il  faut 
s'humilier,  louer  Dieu,  continuer  avec  courage  et  suivre, 
si  vous  n'avez  d'autre  ordre. 

237.  —  LOUISE  D^  MARILLAC  A  SAINT  VINCENT 

[Avant  i6^f)  ^.] 
Monsieur, 

Madame  Traversay  ^  me  manda  hier  de  vous  avertir  que  ce       > 

Lettre  236.  —  Abelly,  of.  cit.,  t.   I,  chap.  xxxiii,  p.    156. 
I.  Voir  lettre  235,  note  3. 

Lettre  237.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Voir  notes  4  et  7. 

2.  Anne   Petau,   veuve    de   René   Regnault,    seigneur    de   Traversay, 


—  345  — 

serait  four  jeudi  que  les  daines  se  trouveraient  où  vous  savez, 
et  que  Madame  la  Chancelicre  ^  y  serait  aussi. 

J^ai  eu  -peine  de  ce  que  je  ne  vous  fus  faire  entendre  le  fro- 
cédé  du  Père  d'Attichy  ^  en  la  visite  quil  avait  rendue  à  Ma- 
dame la  duchesse  ^  au  sujet  de  mon  fils  et  quil  y  avait  fort 
longtemfs  qu'il  la  frojetait  sans  que  j'en  susse  rien,  et  que,  le 
trouvant  aux  Carmélites,  où  Madame  la  comtesse  de  Maure  " 
me  fit  aller  four  son  affaire,  il  Tne  fit  ref roche,  s' enquérant  dti 
bien  qti'avait  mon  fils,  de  ce  que  je  ne  faisais  rien  four  lui. 
Et  Madame  de  Maure  ensemble  me  dit  que  f  avais  assez  de 
connaissance  à  Monsieur  de  Noyers  ''  four  lui  avoir  déjà  farlé. 
Tout  ce  que  je  fis  fut  d'écrire  deux  jours  afrès  au  P.  d'Atti- 
chy,  et  lui  mander  que  tout  ce  que  je  remarquais  avoir  manqué 
de  devoir  de  bonne  mère  à  vton  fils,  était  de  ne  lui  avoir  fas 
fait  connaître  que  feu  mon  tnari  avait  tout  conso7nmé^  son 
temfs  et  sa  vie ^  au  soin  des  affaires  de  sa  maison,  négligeant 
entièrement  les  siennes  frofres,  et  que,  four  réfarer  cette 
faute,  que  je  le  suffliais,  fuisqu'il  était  résolu  de  s'emfloyer 
four  lui  sans  mon  su,  qu'il  frit  la  feine  de  dire  à  madite  dame 
que  Monsieur  de  Noyers  me  connaissait  four  m'avoir  souvent 
vue  chez  Mottsieur  le  garde  des  sceaux  de  Marillac,  et  que  je 


conseiller  au  Parlement  de  Paris,  sœur  du  président  Méliand.  Ce  fut 
une  des  dames  de  la  Charité  les  plus  dévouées  à  saint  Vincent  et  à 
ses  œuvres.  Elle  fonda  le  monastère  de  la  Conception,  rue  Saint- 
Honoré,  et  s'occupa  des  Filles  de  la  Croix  après  la  mort  de  leur 
fondatrice,    Madame    de    Villeneuve. 

3.  Madame   Séguier. 

4.  Achille  d'Attichy,  jésuite,  frère  de  la  comtesse  de  Maure,  né 
le   23   avril    1596,   mort  en    1645. 

5.  Peut-être  la  duchesse  d'Atri. 

6.  Les  travaux  historiques  de  Cousin  ont  attiré  l'attention  des  éru- 
dits  sur  Anne  d'Attichy,  cousine  de  Louise  de  Marillac,  épouse  de 
Louis  de  Rochechouart,  comte  de  Maure,  connu  surtout  par  le  rôle 
qu'il  a  joué  pendant  la  Fronde.  La  comtesse  de  Maure,  dit  la  du- 
chesse de  Montpensier,  «  avait  de  l'esprit  infiniment,  un  esprit  ca- 
pable, instruit,  connaissant  et  extraordinaire  en  toutes  choses.  Il  fal- 
lait avoir  une  grande  politesse  pour  être  de  sa  cour  ;  car  tout  ce 
qu'il  y  avait  d'honnêtes  gens  de  tout  sexe  s'y  rendait  de  tous  côtés.  » 
['Relation  de  l'île  imaginaire.  Histoire  de  la  -princesse  de  Paphla- 
gcnie,  Paris,  1805,  in-12,  p.  69.)  Sur  ses  vieux  jours,  elle  devint 
extrêmement  originale  ;  le  souci  de  sa  santé  lui  enlevait  toute  tran- 
quillité d'esprit.  [Ib.,  p.  72  ;  Le  Dictionnaire  des  Précieuses,  par  le 
sieur  de  Sommaize.  Paris,  2  vol.  in-i6,  t.  I,  p.  167.) 

7.  François  Sublet,  seigneur  de  Noyers,  baron  de  Dangu,  secré- 
taire d'Etat,  mort  le  20  octobre  1645  à  l'âge  de  cinquante-sept  ans. 
Son  oncle  M.  de  Champigny  avait  été  surintendant  des  finances  en 
même  temps  que  Michel  de  Marillac,  oncle  de  Louise. 


—  346  — 

croyais  que  votre  charité  donnerait  connaissance  de  mon  fils, 
si  Von  lui  en  -parlait. 

Devant  Dieu,  voilà  tout  ce  que  j'ai  contribué  en  cette  araire. 
Je  vous  supplie  très  humhletnent  le  croire  ;  ce  que  je  n^eusse 
nullement  fait  sans  le  rencontre  de  ces  personnes-là,  inopiné 
pour  ce  sujet,  et  que  mon  fils  ne  savait  pas  seulement.  Je  sup- 
plie notre  bon  Dieu  vous  donner  la  pensée  de  sa  volonté  en  ce 
sujet  et  vous  faire  connaître  que  f  aimerais  mieux  mourir  que 
de  vous  feindre  quelque  chose^  puisque  je  suis,  Monsieur, 
votre  très  obligée  servante  et  très  humble  fille. 

L.   DE  Marillac. 
Ce  tnardi. 

Suscription   :  A  Monsieur  Monsieur  Vincent. 


238.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Avant   1645  1.] 

Je  tâcherai  de  me  rendre  jeudi,  Dieu  aidant,  à  la 
chambre  des  filles  ^  ;  mais  je  ne  sais  pourquoi  vous  entrez 
en  discussion  de  ce  que  vous  avez  fait  pour  Monsieur 
votre  fils,  comme  s'il  n'est  pas  raisonnable  qu'une  mère 
procure  le  bien  de  son  fils.  Plût  à  Dieu  que  je  le  puisse 
faire  moi-même  !  Sa  bonté  sait  de  quel  cœur  je  le  ferais, 
qui  suis  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

239.  —  A  ANTOINE  PORTAIL,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION 

De  Pans,   ce  20  septembre   1636. 
Il  nous  est  impossible  de  vous  envoyer  si  tôt  ces  mis- 
Lettre  238.  —   Dossier  des   Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  répond  à  la  lettre  237,  à  la  suite  de  laquelle  elle 
a  été  écrite. 

2.  Vraisemblablement  la  chambre  que  les  sœurs  s'étaient  réservée 
dans  leur  ancien  logement  de  la  paroisse  Saint-Nicolas-du-Char- 
dcnnet. 

Lettre  239.  —  Abelly,  op.  cit.,  t.  I,  chap.  xxxiii,   fin,  p.   156. 


—  347   — 

sionnaires  que  vous  attendez,  parce  que  ceux  que  nous 
avions  préparés  ont  été  commandés  de  suivre  les  régi- 
ments qui  étaient  à  Luzarches,  à  Pont  \  Saint-Leu  ^  et  à 
La  Chapelle-Orly,  et  de  camper  avec  eux  dans  l'armée, 
où  déjà  quatre  mille  soldats  ont  fait  leur  devoir  au  tri- 
bunal de  la  Pénitence,  avec  grande  effusion  de  larmes. 
J'espère  que  Dieu  fera  miséricorde  à  plusieurs  par  ce 
petit  secours  et  que  peut-être  cela  ne  nuira  pas  au  bon 
succès  des  armées  du  roi. 


240.  —  A  MADAME  GOUSSAULT 

Madame, 

La  grâce    de    Notre- Seigneur    soit    avec    vous  pour 
jamais  ! 

Béni  soit  Dieu  de  la  bénédiction  qu'il  a  donnée  à  votre 
mission  et  de  ce  qu'il  vous  faut  revenir  par  l'accident  qui 
est  arrivé  !  Vous  ne  manquerez  pas  ici  de  besogne.  En 
voici  une  à  faire  par  les  chemins  :  c'est  de  passer  à 
Estival  S  qui  est  cette  abbaye  de  laquelle  vous  m'avez 
écrit  que  l'abbesse  est  mal  avec  ses  religieuses  et  avec 
sa  mère,  pour  tâcher  à  la  porter  à  l'accommodement. 
Elle  a  un  ecclésiastique  qui  la  perd  et  qui  la  fait  ainsi 
mal  vivre  avec  sa  mère.  Il  serait  à  souhaiter  qu'elle  se 
rapportât  à  arbitres  ou  qu'elle  fût  hors  de  là  par  quelque 
permutation  de  son  abbaye  à  une  autre  ;  car  par  les 
procès  c'est  se  perdre,  et  se  mettre  hors  d'état  de  la  ré- 


1.  Pont-Sainte-Maxence    (Oise). 

2.  Saint-Leu-d'Esserent    (Oisej. 

Lettre  240.  —  Dossier  de  la  Mission,  copie. 

I.  Estival  en  Chamie  (Sarthe).  Il  y  avait  dans  cette  localité  une 
abbaye  de  Bénédictines,  dans  laquelle  Vincent  de  Paul  fit  introduire 
la  réforme.  (Cf.  Dom  Piolin,  Histoire  de  l'Eglise  du  Mans,  Paris, 
1851-1871,  in-8,  t.  VI,  p.  248.) 


-  348  — 

forme  que  de  les  poursuivre.  Cette  permutation  n'est 
point  à  proposer  par  vous,  si  elle  ne  vous  en  parle. 
Reste  l'accommodement.  Si  vous  pouviez  la  disposer  ef- 
fectivement à  le  faire,  ce  serait  un  bon  œuvre.  Madame 
Borrain,  sa  tante,  m'en  a  parlé  avec  grand  sentiment, 
mais  il  ne  le  faudra  pas  dire. 

Je  finis,  en  vous  attendant  avec  grande  affection,  et 
suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Madame,  votre  très 
humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Saint-Lazare-lez-Paris,  ce  20  septembre   1636. 

Suscription  :  A  Madame  Madame  la  présidente  Gous- 
sault,  à  Angers. 

241.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1636  1.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Jésus-Christ  Notre-Seigneur  soit  avec 
vous  pour  jamais   ! 

Madame  la  présidente  Goussault  n'a  pas  été  à  Beau- 
vais.  Elle  est  de  retour  à  Neufchâtel  ~  et  pense  qu'elle 
est  à  présent  à  Groslet  ^  avec  Madame  sa  mère,  de  sorte 
qu'elle  ne  saurait  faire  ce  que  vous  désirez  pour  Lian- 
court.  Je  suis  honteux  de  ce  que  nous  n'avons  point 
encore  fait  le  règlement  pour  ce  lieu-là.  Il  faut  y  travail- 
ler, Dieu  aidant. 


Lettre  241.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Voir  note  4.    Cette   lettre  est   antérieure   à  la   lettre   253. 

2.  Neufchâtel-en-Bray    (Seine-Inférieure). 

3.  Nous  respectons  à  dessein  l'orthographe  de  l'original,  ne  sachant 
s'il  s'agit  de  Groslay  en  Seine-et-Oise  ou  de  Grosley   dans  l'Eure. 


—  349  — 

Pour  la  maison  de  Saint-Nicolas  *,  je  vous  supplie 
d'avoir  patience  et  de  payer  tout  le  louage  des  deniers 
communs  ;  car  peut-être  eii  aurez-vous  besoin  pour  vos 
filles. 

Que  vous  dirai-je  de  cette  bonne  fi.lle  qui  est  auprès 
de  M.  Lhoste  '',  sinon  que  c'est  une  belle  et  bonne 
charité  ;  mais  qu'il  se  faut  bien  garder  d'en  faire  ordi- 
naire. Vaudrait-il  pas  mieux,  puisque  vous  y  voilà  en- 
gagée, que  vous  y  missiez  Jeanne  avec  cette  pauvre 
Suzanne  ?  Deux  subsisteraient  mieux  ensemble,  et  peut- 
être  que  cela  ne  leur  nuira  pas. 

J'ai  envoyé  faire  mes  excuses  à  Madame  de  Ligin  '^y 
laquelle  se  porte  mieux,  comme  je  fais  aussi,  Dieu  merci. 

Et  vous.  Mademoiselle,  quelle  a  été  cette  petite  rechute 
que  vous  avez  eue  ?  Oh  !  qu'il  est  vrai.  Mademoiselle, 
que  le  monde  est  rempli  de  misère  !  Or  sus,  il  faut  pour- 
tant y  souffrir  et  les  nôtres  et  celles  d'autrui,  tant  qu'il 
plaira  à  Dieu.  Hélas  !  la  bonne  Madame  Mesnard  \  o 
Dieu,  que  je  la  crois  heureuse  et  la  prie  de  bon  cœur 
qu'elle  prie  Dieu  pour  moi  !  Et  certes,  je  le  veux  espérer 
de  sa  bonté.  Je  prie  votre  cœur  de  ne  se  pas  attetxdrir 
sur  son  sujet,  ni  sur  aucun  autre  que  du  pur  amour  de 
Dieu. 

Je  suis,  en  ce  même  amour,  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


4.  La  maison  que  les  sœurs  venaient  de  quitter  au  mois  de  mai 
précédent  pour  s'installer  à  La  Chapelle. 

5.  Peut-être  Jean-Marie  Lhoste,  qui,  après  avoir  été  avocat  au 
Parlement,  devint  administrateur  de  l'Hôtel-Dieu,  des  Incurables, 
de  l'hôpital  général  et  de  Saint-Jacques  aux  Pèlerins  et  mourut  le 
17   février   1672. 

6.  Dame  de  la  Charité. 

7.  Peut-être  Anne  Le  Roux,  épouse  d'Antoine  Mesnard,  seigneur 
de  Toucheprès  et  autres  lieux. 


—  350  — 

242.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Septembre  1636  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Il  n'y  a  point  d'apparence  que  vous  fassiez  à  présent 
votre  petite  retraite.  Guérissez-vous  premièrement  et  puis 
nous  verrons,  et  faites  cependant  votre  jubilé  ^,  mais  ne 
jeûnez  pas  ;  vous  êtes  malade.  M.  le  curé  vous  en  dis- 
pensera. Vous  pourrez  faire  votre  confession,  et  si  vous 
désirez  que  ce  soit  depuis  la  dernière  générale  et  que  je 
vous  serve  en  cela,  je  pense  ne  pas  aller  à  un  petit  voya- 
ge de  sept  ou  huit  jours  que  la  semaine  prochaine. 

J'ai  renvoyé  Jeanne  de  But.  Je  crains  voirement, 
comme  vous,  qu'il  y  ait  quelque  chose.  Si  cela  n'était,  l'on 
ne  l'aurait  pas  laissée  si  longtemps  sans  l'envoyer  visi- 
ter, ou  sans  me  le  faire  [savoirl  II  faut  la  satisfaire 
quelque  temps. 

Madame  Goussault  doit  revenir  au  premier  jour.  M. 
votre  fils  me  parla,  samedi  passé,  du  lieu  où  i]  doit  étu- 
dier. Je  lui  improuvai  les  universités  éloignées  ;  à  quoi 
il  acquiesça  fort  volontiers,  pource  que  je  pense  que  cela 
répondait  à  son  sens,  ou  que  vous  lui  aviez  fait  con- 
naître qu'il  répondait  au  vôtre. 

Je  vis  hier  au  soir  Monsieur  de  Liancourt. 


Lettre  242.  —    Manuscrit   Saint-Paul,   p.    79. 

1.  Il  y  eut  jubilé  en  1634  et  1636.  L'ensemble  de  la  lettre  semble 
mieux  convenir  à  l'année  1636  et  à  la  période  des  vacances. 

2.  Lors  du  jubilé  de  1634,  un  des  vieux  ponts  de  bois  jetés  sur  la 
Seine  s'était  rompu  sous  le  poids  de  la  foule  passant  en  procession. 
Pour  éviter  semblable  accident,  il  fut  décidé,  le  13  septembre  1636, 
que  des  barrières  seraient  mises  à  l'entrée  des  ponts,  de  façon  à  ne 
laisser  pénétrer  que  peu  de  monde  à  la  fois.  (Cf.  Michel  Félibien,  o-p. 
cit.,   t.   V,   p.    99.) 


—  351  — 

Guérissez-vous  et  ménagez  soigneusement  votre  santé 
et  suis  en  l'amour  de  Notre-Seigneur... 

243.  —   A    ROBERT   DE   SERGIS,    PRÊTRE   DE    LA   MISSION 

.Septembre   1636. 

Monsieur  du  Coudray  m'a  mandé  qu'il  n'est  pas  néces- 
saire qu'autre  de  la  compagnie  aille  à  cheval  à  l'armée 
qu'un  seul,  avec  un  garçon,  pour  être  à  la  cavalerie  au- 
près de  M.  Lambert,  et  que  M.  Grenu  pense  que  Dieu  se 
pourra  servir  de  vous  en  cela.  Je  vous  supplie,  Monsieur, 
de  le  faire  et  de  partir,  la  présente  reçue,  avec  le  frère 
d'Alexandre  ^,  que  je  vous  envoie,  qui  vous  porte  quel- 
ques hardes,  qu'on  m'a  dit  qu'il  vous  faut,  et  de  prendre 
le  mulet  de  M.  Gallon  ou  notre  mule  et  d'emporter  quand 
et  ^  vous  les  cent  livres  que  j'ai  dit  qu'on  vous  baille. 

Le  bon  Dieu,  qui,  pour  l'ordinaire,  vous  fournit  de 
toutes  choses  à  point  nommé,  ne  vous  abandonnera  pas  en 
cette  occasion.  Vous  trouverez  à  la  cavalerie  de  l'avant- 
garde  M.  Moulan,  que  vous  connaissez  ;  il  vous  don- 
nera de  bons  avis. 

Quand  vous  vous  rencontrerez  avec  Monsieur  Grenu, 
vous  lui  déférerez  et  vous  adresserez  à  lui  pour  recevoir 
l'ordre  de  M.  d'Argenson^,  et  lui  rendrez  l'incluse.  Il  vit 


Lettre  243.  —  Reg.  2,  p.  273. 

1.  Alexandre  Véronne,  frère  coadjuteur,  né  le  15  mai  1610,  à 
Avignon,  reçu  dans  la  congrégation  de  la  Mission  le  22  juillet  1630. 
Il  remplissait  à  Saint-Lazare  les  fonctions  d'infirmier  avec  un  dé- 
vouement et  une  habileté  qui  lui  valaient  l'estime  de  tous  et  parti- 
culièrement de  saint  Vincent.  Sa  mort,  survenue  le  18  novembre  1686, 
fut  annoncée  à  toute  la  compagnie  par  une  circulaire  du  supérieur 
général.  Le  frère  Chollier  a  écrit  sa  vie,  qui  a  été  publiée  dans  le 
Miroir  du  frère  coadjuteur  de  la  Congrégation  de  la  Mission,  Paris, 
1875,  in-S,  p.  145  et  suiv.,  et  qui  a  servi  à  la  composition  de  sa  biogra- 
phie parue  dans  les  Notices,  t.    III,  pp.   528-548. 

2.  Quand  et,  avec. 

3.  René  de  Voyer  d'Argenson,   intendant  de  Picardie     II  devint  su- 


—  352  — 

avec  ledit  sieur  d'Argenson  et  il  a  environ  cinquante  li- 
vres ;  si  néanmoins  il  a  besoin  d'autre  argent,  vous  lui 
baillerez  et  je  vous  en  enverrai.  Or  sus,  Monsieur,  vous 
voilà  donc  appelé  par  la  Providence  à  un  acte  de  charité 
qui  n'en  a  point  de  plus  grand,  puisque  c'est  pour  assis- 
ter votre  prochain  dans  une  nécessité  extrême.  Vous 
voyez  bien  quel  bonheur  ce  vous  est  qu'elle  ait  pensé  à 
vous  pour  cela,  et  la  bénédiction  que  vous  devez  espérer 
là  dedans.  Allez-y  donc  in  nomine  Domini  dans  l'esprit 
que  saint  François  Xavier  alla  aux  Indes,  et  vous  en 
remporterez,  comme  lui,  la  couronne  que  Jésus-Christ 
vous  a  méritée  par  son  sang  précieux  et  qu'il  vous  don- 
nera si  vous  y  honorez  sa  charité,  son  zèle,  sa  mortifica- 
tion et  son  humilité. 

Je  vous  embrasse  de  tout  mon  cœur  avec  la  tendresse 
que  vous  pouvez  penser.  Vous  prendrez  du  linge  pour 
vous  et  pour  M.  Grenu,  de  celui  qui  est  à  Pont  *  et  qu'on 
avait  envoyé  pour  la  compagnie,  et  prendrez  aussi  la 
chapelle  pour  vous.  Je  prie  derechef  Notre-Seigneur 
qu'il  soit  votre  consolation,  votre  force,  votre  exemple 
et  votre  gloire. 


244.  —  A  ROBERT  DE  SERGIS 

Monsieur, 
Béni  soit  le  saint  nom  de  Dieu,  Monsieur,  de  ce  que  sa 


rintendant  de  la  justice  en  Provence  le  4  avril  1646,  ambassadeur  à 
Venise  le  24  juin  1650,  fut  ordonné  prêtre  le  24  février  165 1  et  mou- 
rut à  Venise  le  14  juillet  de  la  même  année  à  l'âge  de  cinquante- 
quatre  ans.  De  son  épouse  Hélène  de  la  Font,  qu'il  perdit  en  1638, 
il  avait  eu  Marc-René,  l'auteur  des  Annales  de  la  Comfagnie  du 
Saint-Sacrement ,  publiées  en  1900  par  le  R.  P.  dom  H.  Beauchet- 
Filleau. 
4.    Pont-Sainte-Maxence. 

Lettre   244.    —   Recueil   du   procès   de  béatification. 


—  353  — 

Providence  vous  a  arrêté  auprès  de  Monseigneur  le  chan- 
celier \  en  suite  de  la  pensée  qu'il  a  eue  de  me  mander 
que  je  lui  envoyasse  quelqu'un  pour  le  suivre  !  O 
Monsieur,  que  les  conseils  de  Dieu  sont  adorables  et 
admirables  !  Joseph  allait  en  Egypte  pour  y  souffrir  les 
misères  qui  accompagnent  l'esclavage,  et  il  y  trouva  son 
bonheur  et  celui  des  siens  ;  vous  vous  en  alliez  à  la  guerre 
pour  souffrir  les  calamités,  et  Notre-Seigneur  vous 
a  arrêté  auprès  du  chef  de  la  justice  du  royaume  et  d'un 
des  plus  hommes  de  bien  qui  soient.  Plaise  à  Notre-Sei- 
gneur vous  y  faire  trouver  le  dégoût  des  choses  du 
monde,  par  la  plus  grande  connaissance  que  vous 
acquerrez  de  la  vanité  d'icelles,  et  que  vous  nous  en 
puissiez  faire  part  à  votre  retour,  qui  est  certes  im  bien 
plus  estimable  que  tous  les  honneurs  et  tous  les  biens 
de  la  terre  !  Soyez-y  donc  à  la  bonne  heure.  Monsieur, 
puisque  ce  n'est  pas  vous  qui  vous  y  êtes  introduit  et 
que  c'est  la  pure  Providence  qui  en  a  disposé  de  la 
sorte. 

Je  n'entends  pas  bien  en  quelle  qualité  c'est,  si  c'est 
ou  pour  servir  en  l'absence  de  M.  Peleiis,  son  aumônier, 
ou  pour  servir  aux  gens  de  guerre  qui  l'accompagnent.  Si 
c'est  en  la  première  manière,  je  n'ai  rien  à  vous  dire  tou- 
chant la  confession,  la  sainte  messe,  ni  les  grâces.  Vous 
savez  ce  qu'il  faut  faire  aux  deux  premières,  et  vous  vous 
informerez  de  ce  qu'il  faut  faire  au  troisième  ;  si  ce 
n'est,  pour  le  premier,  qu'il  nous  suffit  de  ce  que  les  gens 
de  bien  nous  disent,  sans  s'enquérir  ;  car  quod  supra  nos 
nihil  ad  nos,  dit  un  grand  personnage.  Il  y  a  quelques 
cérémonies  à  la  fin  de  la  messe  qu'on  fait  devant  les 
grands  ;  c'est  se  retourner  et  leur  faire  une  inclination  à 
la  fin  de  messe,  après  avoir  ôté  la  chasuble.  J'ai  vu  faire 
cet  acte  de  révérence  par  notre  bienheureux  Monseigneur 

I.   Pierre   Séguier. 

23 


—  354  — 

de  Genève  ^  à  Monsieur  le  général  des  galères  ^.  Votre 
condition  est  infiniment  au-dessous  de  celle  de  ce  grand 
et  saint  prélat.  Il  me  semble,  de  plus,  que  l'on  leur  porte 
le  corporal  à  baiser  et  que  l'on  leur  va  donner  de  l'eau 
bénite  après  la  messe.  Je  ne  l'ai  jamais  fait  et  n'en  sais 
rien  ;  vous  vous  en  informerez.  Si  vous  mangez  parfois 
à  la  table  de  Monsieur  le  maître  d'hôtel,  tâchez  toujours 
Monsieur,  d'y  avoir  la  moindre  place.  Les  maîtres  d'hôtel 
ne  quittent  jamais  la  leur  et  les  gentilshommes  précèdent 
là  les  aumôniers  en  la  plupart  des  lieux,  même  chez  les 
prélats.  J'avais  pour  maxime  de  regarder  Monsieur  le 
général  en  Dieu,  et  Dieu  en  lui,  et  de  lui  obéir  de  même, 
et  à  feu  Madame  comme  à  la  Vierge,  et  de  ne  me  présen- 
ter si  ce  n'était  qu'ils  m'appelassent,  ou  pour  quelque 
affaire  pressant  et  d'importance  *.  Au  nom  de  Dieu, 
Monsieur,  faites-en  de  même.  Quant  aux  domestiques, 
il  les  faut  beaucoup  honorer  et  traiter  doucement,  cor- 
dialement et  fort  respectueusement,  et  surtout  leur  dire 
parfois  quelque  chose  de  Dieu,  et  se  faut  bien  garder 
de  s'enquérir  des  nouvelles  de  la  maison,  ni  de  l'État. 

Que  si  c'est  en  la  seconde  manière,  vous  verrez  si  vous 
pouvez  faire  quelques  exhortations  catéchistiques  dans 
l'église  à  certains  jours  de  la  semaine.  Ressouvenez-vous 
de  ce  que  faisait  saint  François  Xavier  sur  le  navire, 
dans  son  passage  aux  Indes,  et  tâchez  à  l'imiter  et  à  faire 
ce  que  vous  pensez  devant  Dieu  qu'il  ferait,  s'il  était  à 
votre  place.  Prenez-le,  s'il  vous  plaît,  pour  votre  spécial 
protecteur. 

Monsieur  le  curé  de  la  ville  "  est  celui  que  vous  avez 
vu  aux  Bons-Enfants.  Vous  écrirez  à  Monsieur  Grenu 


2.  Saint  François  de  Sales. 

3.  Philippe-Emmanuel  de  Gondi. 

4.  Saint  Vincent  avait  rempli  de  1613  à  1625  les  fonctions  d'aumô- 
nier dans  la  famille  du  général  des  galères. 

5.  Roye  (Somme). 


—  355  — 

pour  le  conforter  souvent,  et  lui  enverrez  environ  six 
écus  ;  et  me  mcUidant  vos  besoins  et  comme  vous  vivez, 
j'y  pourvoirai.  Dieu  aidant,  lequel  je  prie  de  vous  donner 
part  au  zèle  des  âmes  et  à  l'humilité  de  son  Fils.  Vous 
savez  l'ordre  de  Monsieur  le  chancelier  à  l'égard  des  ma- 
lades, et  vous  représentez  que  vous  n'aviez  jamais  plus 
de  besoin  qu'à  présent. 

Je  suis  en  son  amour,  Monsieur,  votre    très    humble 
serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  29  septembre  1636. 

J'ai  pensé  de  vous  dire  encore  au  dos  de  cette  lettre 
ces  deux  proverbes  :  à  l'égard  du  maître,  ut  in  igné  sit 
cuin  principe  ®  ;  et  à  l'égard  des  domestiques,  nimia  fa- 
inïliaritas  parit   conternptuin  '' . 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  de  Sergis,  prêtre 
de  la  Mission,  à  Roye. 


245.    —  A  ROBERT    DE    SERGIS,   PRÊTRE   DE   LA  MISSION, 
A  AMIENS  T^ 

Du  19  d'octobre  1636. 

J'ai  été  consolé  de  recevoir  une  de  vos  lettres  et  égale- 
ment affligé,  voyant  le  danger  oii  vous  croyez  être.  Au 
nom  de  Dieu,  Monsieur,  usez  de  toutes  les  précautions 
que  votre  emploi  vous  permettra,  dans  la  confiance  que 
celui  qui,  de  toute  éternité,  vous  a  choisi  pour  l'assis- 
tance des  pauvres  de  ces  quartiers-là,  vous  conservera 


6.  Célèbre  proverbe  de  Socrate  rapporté  sous  cette  forme  latine 
par  Lactance  dans  ses  Divinae  Insiiiutiones,  1.  III,  ch.  20,  popularisé 
par  les  Adages  d'Erasme  (éd.  H.  Estienne,  s.  1.,  1578,  p.  215.) 

7.  Ce  proverbe  apparaît  pour  la  première  fois  dans  saint  Tho- 
mas, Comment,    in  Joan.,  chap.   IV,  lect.  VI,  n<^  2. 

Lettre  245.  —  Reg.  2,  p.  275. 


—  356  — 

comme  la  prunelle  de  son  œil,  autant  que  sa  gloire  et 
votre  bien  le  requerront.  Après  cela,  qui  est  celui  qui 
veut  vivre  ou  prétendre  quelque  chose  sur  la  terre,  ou 
qui,  sentant  en  soi  des  affections  contraires,  ne  les  mor- 
tifie, dans  la  pensée  que  nos  jours  sont  comptés  et  que 
nous  ne  pouvons  ajouter  un  moment  de  vie  au  dernier 
que  Dieu  nous  a  déterminé  ?  Cela  étant,  Monsieur,  aban- 
donnons-nous à  la  divine  Providence  ;  elle  saura  bien 
ménager  ce  qu'il  nous  faut. 

Et  à  propos  de  la  Providence,  ne  reconnaissez-vous 
point  qu'elle  a  tellement  soin  de  votre  persoime  qu'il 
semble  qu'elle  s'occupe  d'une  manière  particulière  pour 
vous  ?  Et,  si  cela  n'était,  comment  vous  aurait-elle  fait 
choisir  entre  tant  de  saintes  âmes  qui  sont  à  l'armée,  pour 
vous  donner  un  emploi  des  plus  importants  à  la  gloire 
de  Dieu  et  au  bien  des  pauvres  ?  Nous  sommes  ravis 
d'admiration,  tant  que  nous  sommes,  de  voir  comme 
elle  pense  à  ce  qui  vous  regarde,  et  pourvoit  à  tout  ce 
qu'il  vous  faut.  Que  tout  cela  vous  soit  donc  un  motif, 
s'il  vous  plaît,  de  vous  âer  pleinement  à  elle. 

Vous  dites  que  la  charité  se  refroidit.  Oh  !  que  ce 
mot  me  touche  !  Il  faut  grâce  pour  commencer  ;  il  en 
faut  encore  pour  persévérer  jusqu'à  la  fin.  Prions  Dieu 
qu'il  la  donne  à  ceux  qui  doivent  remédier  à  tels  be- 
soins. M.  Desclaux  ^  confesseur  de  Monseigneur  le  car- 
dinal, y  peut  beaucoup  et  n'a  pas  peu  de  charité  pour 
cela.  Si  vous  le  voyez,  je  vous  prie  de  le  saluer  de  notre 
part  et  de  l'assurer  de  notre  obéissance. 

I.   Pierre  Desclaux,  mort  le  7  octobre   1637. 


—  357  — 

246.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  pense  que  vous  ferez  bien,  Mademoiselle,  de  voir 
Madame  Fieubet  ',  si  elle  est  de  la  compagnie  de  l'Hô- 
tel-Dieu,  et  de  lui  dire  ce  que  vousme  mandez.  Je  crains 
bien  qu'il  n'y  ait  un  peu  de  la  faute  de  ces  filles,  pour  le 
moins  indirectement.  Il  faut  principalement  regarder  les 
pauvres  villages,  car,  pour  les  villes,  il  n'en  sera  jamais 
autre  chose  ;  c'est  se  flatter  que  de  s'y  amuser.  J'embrasse 
et  chéris  ces  contradictions;  et  ne  pensez  pas  que  cela  me 
rebute,  je  dis  du  dessein  des  villages  et  d'être,  en 
l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  D.  P. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

247.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

Je  vous  dirai  donc  aujourd'hui  que,  si  vous  preniez  la 
peine  de  venir  à  la  chambre  de  vos  filles  de  Saint-Ni- 
colas demain,  l'après-dinée,  que  j'aurais  le  bonheur  de 
vous  y  voir,  au  cas  que  je  ne  vous  voie  pas  demain  à  La 
Chapelle  le  matin,  ou  que  je  ne  vous  mande  le  contraire. 


Lettre  246.   —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Probablement  Claude  Ardier,  morte  le  29  août  1657.  Elle  avait 
épousé  Gaspard  de  Fieubet,  seigneur  de  Launac-en-Guyenne  et  au- 
tres lieux,  secrétaire  du  roi,  mcrt  trésorier  de  l'Epargne,  le  12  août 
1647,  ^  l'â-gs  de  soixante-dix  ans. 

Lettre  247.   —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.   41. 


-  358  - 

C'est  pourquoi  vous  emprunterez  l'équipage  pour  venir, 
à  condition  que  vous  en  ayez  besoin,  dont  je  vous  don- 
nerai avis  demain,  le  plus  matin  que  je  pourrai,  et  vous 
prie  de  me  pardonner  de  ce  que  je  vous  parle  ainsi  en 
doute  ;  c'est  à  cause  des  diverses  occurrences  qui  arri- 
vent de  moment  à  autre. 

Je  suis  en  peine  de  notre  pauvre  fille  affligée  à  Saint- 
Louis  ^  et  de  ce  que  les  autres  sont  devenues,  car  elles  ne 
sont  point  à  leur  chambre.  Je  vous  prie  me  mander 
ce  que  vous  en  savez.  Nous  avons  eu  un  accident  quasi 
semblable  à  Saint-Lazare  -,  où  je  n'ai  point  encore  été, 
pour  converser  sans  difficulté  avec  quelques  personnes 
avec  lesquelles  j'ai  à  faire. 

Du  collège  des  Bons-Enfants,  ce  21   octobre   1636. 


248.  -  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Ce  2  novembre  1636. 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  vous  écris  de  Fréneville,  à  mon  retour  d'Orléans. 
C'est  la  maison  que  Madame  la  présidente  de  Herse 
nous  a  donnée,  où  j'ai  reçu  la  vôtre,  laquelle  m'a  plus 
consolé  que  je  ne  vous  puis  exprimer,  voyant  la  résolu- 
tion que  vous  me  mandez  que  Monsieur  votre  fils  a  prise. 
Béni  en  soit  Dieu  à  jamais,  qui  vous  a  donné  cette  con- 
solation et  à  moi  aussi,  qui  appréhendais  pour  lui,  en 
toute  manière,  toute  autre  condition  !  Qu'il  étudie  donc, 
à  la  bonne  heure,  en  théologie.  Je  prie  Dieu  qu'il  lui 


X.    C'est   dans    cet   hôpital    qu'étaient   portés   les   pestiférés. 
2.   Un  cas  de   peste. 

Lettre  248.    —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 


—  359  — 

donne  part  au  zèle  du  salut  des  âmes  qu'il  a  donné  à  sa 
mère  et  à  la  grâce  qu'il  lui  a  confiée  pour  cela,  toute 
pauvre  et  chétive  quelle  est.  Je  rends  grâce  à  Notre- Sei- 
gneur, de  plus,  de  ce  qu'il  vous  a  conservé  votre  bonne 
fille  malade  à  Saint-Louis.  Vous  ne  sauriez  croire,  Made- 
moiselle, combien  j'en  ai  de  la  consolation. 

Que  vous  dirai-je  de  la  proposition  de  M.  Drouard  ^  ? 
Certes,  elle  me  parait  pleine  de  piété  et  est  à  souhaiter 
qu'elle  réussisse,  s'il  se  trouve  des  ecclésiastiques  qui 
aient  tant  de  zèle.  Quant  à  l'entretien  qu'il  leur  faudrait, 
ie  ne  doute  point  que  Mesdames  les  of  ficières  de  la  Cha- 
rité de  r Hôtel-Dieu  ne  consentent  qu'on  prenne,  sur  ce 
peu  qu'il  y  a,  ce  qu'il  leur  faudra,  en  attendant  l'assem- 
blée des  dames.  Parlez-en,  s'il  vous  plait,  à  Madame  la 
présidente   Goussault  ^. 

Je  m'en  vas  peut-être  passer  à  Grigny  dans  deux  ou 
trois  jours,  en  allant  un  peu  au  delà  ;  si  elle  y  est,  je  lui 
en  parlerai. 

Je  finis  cependant  dans  un  désir  fort  sensible  que 
vous  vous  portiez  bien  et  suis,  en  l'amour  de  Notre-Sei- 
gneur,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  Depaul. 

J'espère  être  à  Paris  dans  huit  ou  dix  jours,  Dieu 
aidant 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
à  La  Chapelle. 


1.  Bertrand  Drouard,  écuyer,  gentilhomme  de  Monsieur,  duc  d'Or- 
léans, s'occupa  des  Filles  de  la  Providence  avec  saint  Vincent  de 
Paul,  après  la  mort  de  Mademoiselle  Pollalion.  Collet  dit  de  lui,  au 
sujet  de  la  seconde  mission  donnée  à  La  Chapelle  pour  les  Lorrains 
réfugiés  :  c  Un  laïque,  nommé  Drouard,  y  répandit  le  feu  de  la 
charité.    »    {Of.    cit.,   t.    I,   p.   309.) 

2.  Il  s'agit  vraisemblablement  du  projet  d'attacher  deux  prêtres  à 
THôtel-Dieu  pour  les  besoins  spirituels  des  malades.  Leur  nombre 
fut  porté  à  six   en   1642.    Ils  recevaient  quarante  écus  par  an  et  trou- 


—  360  — 

249.  —   A  ROBERT  DE   SERGIS,    PRÊTRE   DE   LA   MISSION, 
A  AMIENS 

Novembre   1636. 

Tous  nos  malades  sont  hors  de  fièvre,  et  depuis,  par 
la  grâce  de  Dieu,  il  n'est  point  arrivé  céans  aucun  acci- 
dent ;  et  chacun  se  porte  bien  en  quatre  endroits  où  se 
fait  la  mission,  et  ici  aussi,  de  sorte  qu'il  y  a  apparence 
que  Notre-Seigneur  aura  pitié  de  cette  petite  compa- 
gnie, par  l'intercession  de  la  sainte  Vierge,  que  nous 
avons  envoyé  visiter  à  cet  effet  par  M.  Boudet,  à  Char- 
tres. Tout  est  néanmoins  dans  l'ordre  de  la  Provi- 
dence, laquelle  aura  peut-être  agréable  d'en  disposer  au- 
trement. Son  saint  nom  soit  béni  !  Il  est  le  maître  et  fait 
tout  pour  le  mieux.  Laissons-lui  conduire  le  tout^. 

Je  vous  ai  voulu  dire  ceci  avant  toutes  choses,  pource 
que  je  crois  que  c'est  la  chose  du  monde  qui  vous  peut  le 
plus  contenter  ;  et  je  vous  avoue  que  ce  que  vous  me 
dites  par  votre  lettre  m'a  fait  voir  clairement  la  part  que 
votre  cœur  a  prise  à  cet  accident;  et  me  semble  que  je 
n'ai  jamais  mieux  connu  les  profondes  racines  que  la 
charité  envers  les  personnes  du  corps  a  jetées  en  vous, 
qu'en  cette  occasion,  et  ne  vous  puis  exprimer  combien 
cela  m'a  attendri. 

Or  sus,  béni  soit  Dieu  de  tout  et  de  ce  qu'il  s'est  voulu 
rendre  le  ciment  qui  vous  a  lié  plus  étroitement  à  la 
compagnie,  et  par  elle  à  lui  !  Je  le  remercie  de  tout  mon 
cœur  des  emplois  qu'il  vous  domie  et  de  la  manière  que 
je  me  persuade  que  vous  vous  en  acquittez,  et  notam- 


vaient  à  l'Hôtel-Dieu  le  logement  et  la  nourriture.  (Cf.  Abelly,  of. 
cit.,  t.  I,  chap.  XXIX,  p.  139  ;  Alexis  Chevalier,  U Hôtel-Dieu  de 
Taris  et  les  Sœurs  Augustines,   Paris,    1901,   p.   320,   in-8.  ) 

Lettre  249.   —  Reg.  2,  p.   276. 

I.  La  peste  s'était  déclarée  à  Saint-Lazare  dans  le  courant  d'octo- 
bre.   (Cf.    lettre    247.) 


—  36i  — 

ment  de  la  façon  que  vous  prenez  l'affaire  de  ces  bonnes 
religieuses  réformables  et  qui  pourront  être  en  effet  ré- 
formées par  le  conseil  et  par  l'ordre  que  Monseigneur  le 
cardinal  ^  a  établis  pour  cela  à  Pans.  Je  vous  en  dirai  seu- 
lement ce  mot,  que  nous  devons,  en  cas  pareil,  nous  con- 
tenter de  proposer  le  bien  à  faire  à  ceux  dont  il  dépend, 
sans  se  persuader  que,  pource  qu'on  l'a  entrepris,  il  le 
faut  faire  réussir.  Les  bons  anges  se  contentent  de  pro- 
poser et  laissent  le  reste  à  faire  à  Dieu  et  aux  personnes 
qui  leur  sont  commises. 

Je  salue  M.  Grenu  et  vous  aussi  avec  toute  la  tendresse 
qui  m'est  possible... 


250.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Comment  vous  portez-vous,  Mademoiselle,  de  votre 
peine  du  matin  ?  Désirez-vous  envoyer  visiter  Monsieur 
votre  fils  ?  Si  cela  est,  je  vous  enverrai  un  homme  à  ce 
soir  ;  mandez-moi  votre  volonté  cependant  tout  simple- 
ment, je  vous  en  prie,  et  conciliez- vous  le  plus  de  gaieté 
qui  vous  sera  possible  en  union  de  celle  de  la  sainte 
Vierge  en  cas  pareil. 

Monsieur  votre  fils  se  porte  bien,  comme  j'espère,  et 
moi  je  suis  votre  serviteur  et  vous  irai  voir  si  le  présent 
porteur  ne  me  dit  que  vous  vous  portez  bien.  Adieu 
donc,  Mademoiselle  ;  soyez  bien  gaie  en  Notre-Seigneur. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


2.   Le  cardinal  de  Richelieu. 

Lettre  250.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 


362 


251.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

De  Saint-Lazare,  ce  mercredi  matin  [1636  1.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Voilà  donc  cette  bonne  fiille  partie  sans  dire  mot.  Béni 
soit  Dieu  !  Oh  !  qu'elle  perd  une  grande  couronne  !  Il 
faut  pourvoir  à  sa  place.  Que  vous  semble,  Mademoiselle, 
si  vous  preniez  pour  cela  ma  sœur  Geneviève,  de  l'Hôtel- 
Dieu,  et  vous  mettiez  à  sa  place  Madame  Pelletier  -  ou 
Madame  Turgis.  Il  est  besoin  d'une  personne  de  consi- 
dération en  ce  lieu-là,  tant  pour  les  rencontres  qui  y  ar- 
rivent pour  les  enfants  ^,  que  pour  recevoir  les  dames. 
La  première,  Madame  Pelletier,  me  semble  plus  conve- 
nable en  ce  lieu-là,  tant  pource  qu'elle  sera  fort  propre 
pour  faire  l'uru  et  l'autre,  que  pource  que  c'est  le  quartier 
de  Madame  Turgis,  qui  lui  pourrait  être  à  tentation.  Si 
cela  vous  revient,  je  vous  prie  de  le  dire  de  ma  part  à 
Madame  Pelletier,  et  que  je  la  prie,  avec  vous,  d'aller 
rendre  ce  service  à  Dieu  en  ce  lieu-là. 

Je  vous  serais  allé  voir,  n'était  une  petite  indisposition 


Lettre  251.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original. 

1.  Le  mot  relatif  à  la  sœur  Geneviève  semble  demander  que  cette 
lettre  soit  mise  à  côté  de  la  lettre  255,  qui  a  àù  la  suivre  de  très 
près. 

2.  Ne  serait-ce  pas  Catherine  Vialart,  épouse,  depuis  le  10  août 
1632,  de  Nicolas  Pelletier,  neveu  de  Madame  Goussault,  seigneur 
de  la  Houssaye  et  maître  des  comptes,  qui  entra  dans  les  ordres 
après  la  mort  de  sa  femme  ?  Si  c'est  elle,  et  tout  porte  à  le  croire, 
saint  Vincent,  en  la  recevant  parmi  ses  Filles  de  la  Charité,  où  du 
reste  elle  ne  persévéra  pas,  fit  en  sa  faveur  une  exception  dont  on 
ne   trouve    aucun    autre    exemple. 

Catherine  Vialart  était  fille  de  Madame   de   Herse. 

3.  Les  enfants  trouvés  apportés  à  l'Hôtel-Dieu,  d'où  ils  étaient 
envoyés  à  la  Couche. 


—  363  - 

que  j'ai  ;  que  si,  l'après-dînée,  je  le  puis,  je  vous  irai  voir. 
Ne  perdez  pas  de  temps  en  tout  cas  et  communiquez  la 
présente  à  Madame  Pelletier,  à  ce  qu'au  plus  tôt  elle 
aille  rendre  service  à  Dieu  en  ce  lieu-là.  Les  personnes 
de  la  Charité  ont  ce  bonheur  d'avoir  ce  rapport  avec  No- 
tre-Seigneur  d'aller  comme  lui  tantôt  en  un  lieu  et  tantôt 
en  un  autre,  pour  l'assistance  du  prochain.  O  Mademoi- 
selle, quel  bonheur  d'avoir  cette  conformité  avec  le  Fils 
de  Dieu,  et  quelle  marque  bienheureuse  de  leur  prédesti- 
nation ont  les  Filles  de  la  Charité  en  cela  !  Plaise  à 
Notre-Seigneur  de  leur  donner  à  toutes  les  dispositions 
qu'il  faut  pour  cela  !  Je  l'espère  de  sa  bonté  et  suis,  en 
son  amour,  Mademoiselle,  votre  très  humble  et  obéissant 
serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


252.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[1636  1.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Puisque  vous  avez  fait  trouver  bon  à  vos  dames  la 
privation  de  Geneviève,  envoyez-la,  s'il  vous  plaît,  donc  ; 
mais  qu'elle  aille  à  pied,  étant  incommodée  comme  elle 
est,  il  est  à  craindre  qu'elle  ne  prerme  quelque  maladie. 
C'est  pourquoi  je  pense  qu'il  est  à  propos  de  la  faire 
aller  dans  le  carrosse  de  Senlis,  qui  part  demain,  ou  dans 


Lettre  252.  —  L.  a.  —  Original  chez  les  prêtres  de  la  Mission  du 
collège  Saint- Vincent  à  Castleknock,  près  Dublin. 

I.  Les  lettres  241,  252  et  255  ont  des  liens  communs  qui  nous  per- 
mettent de  les  rapprocher.  Or,  la  lettre  241  est,  à  n'en  pas  douter,  de 
1636. 


—  364  — 

la  charrette  de  Clermont  -.  Si  c'est  par  le  coche  de  Sen- 
lis,  elle  pourra  aller  de  là  à  Verneuil  ^,  qui  est  le  droit 
chemin,  et  de  là  à  Liancourt.  Ce  seront  trois  lieues  qu'il 
lui  faudra  faire  à  pied.  Si  c'est  par  celui  de  Clermont, 
elle  pourra  se  faire  descendre  au  droit  de  Liancourt.  Je 
vous  envoie  un  écu  pour  cela  et  vous  prie  de  vous  bien 
nourrir  avec  toutes  vos  richesses,  car,  en  vérité,  je  crois 
que  vos  incommodités  ne  vous  arrivent  que  faute  de 
cela.  Faites-le  donc,  s'il  vous  plaît,  pour  l'amour  de 
Dieu. 

Quant  à  ces  filles,  je  ne  saurais  que  vous  en  dire, 
parce  que  je  ne  les  ai  pas  vues.  Je  ferai  entendre  à  la 
bonne  Marie  "*  l'importance  qu'il  y  a  de  préférer  les  plus 
propres,  et  à  Mademoiselle  de  la  Bistrade,  à  son  retour 
de  Bourgogne,  le  jugement  que  vous  faites  de  leurs 
dames,  à  la  charge  que  vous  m'excuserez  de  ce  que  je 
n'ai  pu  travailler  à  notre  règlement  de  Liancourt.  Je  le 
ferai  au  premier  jour  selon  votre  mémoire. 

Je  suis  cependant,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Ma- 
demoiselle, votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 


253.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1636  K] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

2.  Dans   l'Oise. 

3.  Dans  l'Oise. 

4.  Marie    Joly. 

Lettre  253.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Voir  note  2.  Le  mot  relatif  à  Madame  de  Ligin  montre  que 
cette  lettre  est  postérieure  à  la  lettre  241,  qu'elle  a  dû  suivre  de 
près. 


—  365  — 

Cette  bonne  petite  Marie,  de  Péronne,  témoigne  qu'elle 
aime  mieux  être  de  la  Charité  que  d'aller  servir  cette 
bonne  dame.  Elle  me  doit  venir  trouver  demain  au  matin 
ou  après.  Si  elle  persévère  et  que  vous  espériez  qu'elle  y 
fasse  bien,  vous  la  retiendrez,  si  vous  le  trouvez  bon. 
L'on  ne  donne  que  huit  ou  dix  sols  de  la  mouture  d'un 
setier  de  blé.  Quand  vous  me  le  ferez  savoir,  je  vous 
enverrai  le  meunier  qui  tient  les  moulins  de  céans. 

S'il  n'en  coûte  point  à  M.  votre  fils  pour  soutenir  les 
thèses  de  toute  la  philosophie,  il  n'y  a  point  de  danger 
de  le  laisser  faire  ;  cela  l'obligera  à  mieux  étudier  et  à 
s'enhardir  à  la  dispute-. 

Le  bon  usage  que  vous  devez  faire  à  présent  de  votre 
santé,  c'est  de  la  conserver  et  de  la  fortifier  pour  faire 
autre  chose  dans  quelque  temps,  puisque  le  médecin 
l'ordoime. 

Il  est  expédient  de  faire  manger  des  oeufs  à  la  bonne 
fille  Isabelle  ^.  Mon  Dieu,  que  cette  bonne  fille  m'atten- 
drit !  Je  la  salue  de  tout  mon  cœur  et  me  propose  de  cé- 
lébrer la  sainte  messe  demain  pour  elle,  Dieu  aidant. 

Mon  Dieu,  que  je  serais  bien  aise  de  vous  voir,  si 
quelque  embarras  me  le  permettait  !  Le  bruit  court  que 
c'est  l'Hôtel-Dieu  ^  qui  a  fait  mourir  Madame  de  Ligin. 
Il  y  a...  '. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


2.  Michel  Le  Gras  termina  sa  philosophie  en  1636.  Au  mois  de 
novembre  de  cette  même  année  il  se  disposait  à  entrer  en  théologie. 
(Cf.   lettre   248.) 

3.  Elisabeth   Martin. 

4.  La  fréquentation  de  l'Hôtel-Dieu,  où  elle  allait  visiter  les 
malades. 

5.  Le  bas   de  la   lettre  a   été   découpé   et   perdu. 


—  366  — 

254.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[1636  K] 

Je  voudrais  bien.  Mademoiselle,  que  vous  pussiez 
persuader  à  cette  pauvre  Nicole  d'aller  demeurer  à  Saint- 
Benoit  ou  ailleurs.  Si  elle  y  acquiesce,  il  faudrait  en 
écrire  à  Mademoiselle  Viole  pour  l'agréer.  Je  trouvai 
hier  la  ûlle  de  cette  paroisse-là  ^  qui  en  demande  une  au- 
tre. Oh  !  que  vous  feriez  un  bon  œuvre,  si  vous  pouviez 
faire  cela  !  Mais  d'y  procéder  d'autorité,  il  n'est  pas  expé- 
dient, si  me  semble  ;  cela  ferait  de  mauvais  effets.  De 
lui  parler,  je  ne  saurais.  Je  m'en  vas  commencer  la  visite 
à  Sainte-Marie  du  faubourg,  qu'il  y  a  deux  ans  que  je 
diffère. 

Pour  Saint-Jacques,  l'on  avisera.  La  allé  dont  je  vous 
avais  parlé,  de  Fréneville,  ne  viendra  pcLs,  comme  je 
pense.  Je  ferai  selon  le  désir  de  Madame  Goussault  à 
l'égard  de  Mademoiselle  sa  ûlle  ^.  Si  l'on  va  commencer 
à  l'Hôtel-Dieu  et  que  vous  y  alliez,  je  prie  Dieu  qu'il 
vous  y  conserve  en  parfaite  santé  et  qu'il  y  bénisse  vos 
travaux  ^. 

Madame  Bourdin,  de  Villepreux,  m'a  écrit  deux  ou 
trois  fois  et  m'a  fait  dire  par  son  frère  le  capucin  qu'elle 
se  sent  portée  à  la  proposition  que  je  lui  ai  faite.  Je  ne 
lui  ai  point  fait  répor^se  par  écrit  ;  mais  j'ai  dit  à  son 
frère  qu'il  faut  qu'elle  voie  et  que  l'on  la  voie.  Pensez 
un  peu  à  cela,  s'il  vous  plaît,  et  ayez  soin  de  votre  santé. 

Je  suis.  Mademoiselle,  votre  serviteur. 

V.  D. 
Ce  mardi  matin. 

Lettre  254.  —  L.  a.  —  L'original  a  été  donné  au  grand  séminaire 
de   Dijon,    par    Mgr   Rivet,    évêque   du   diocèse. 

1.  C'est  la  date  que  suggère  la  reprise  des  travau.\  des  sœurs  à 
l'Hôtel-Dieu. 

2.  Saint-Benoît. 

3.  Madame    Goussault  songeait   à   marier   sa    fille    Marie-Marthe. 

4.  Voir  lettre  258,  note   i. 


—  3^7  — 

255.  —  A  LOUISE  DE    MARILLAC 

[1636  K] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Nos  gens  m'ont  pressé  daller  aux  champs  pour  ma 
petite  fiévrotte,  laquelle  me  semble  un  peu  verte  pour  en 
guérir  si  tôt.  Nous  verrons  ce  qu'il  plaira  à  Notre-Sei- 
gneur. J'ai  peine  sensible  et  honte  tout  ensemble  de  par- 
tir sans  vous  voir.  Votre  charité  ordinaire  me  le  pardon- 
nera et  aura  soin  de  sa  santé,  s'il  lui  plaît,  pour  l'amour 
de  Notre-Seigneur  et  de  l'œuvre  qu'il  vous  a  commis. 

Votre  Geneviève  peut  être  indisposée,  voire  même  vos 
autres  filles.  Peut-être  il  faut  l'envoyer  à  Hersé  ^  ;  peut- 
être  y  irai-je  avant  le  retour  ou  tôt  après,  s'il  plaît  à 
Dieu.  Elle  disait  qu'un  peu  de  vin  parfois  leur  serait 
bon.  Je  ne  pense  pas  pourtant  qu'il  soit  bon  que  vous 
l'y  accoutumiez. 

Pour  Liancourt,  j'ai  baillé  le  règlement  à  faire  à  Mon- 
sieur de  la  Salle  ^. 

Il  sera  bon  que  vous  voyiez  cette  veuve  de  Villepreux  ^, 
si  déjà  vous  ne  l'avez  fait.  Hors  cela,  je  ne  sais  qui  vous 
adresser.  Vous  verrez.  Si  Barbe  ^  était  employée  à  cela, 
peut-être  y  réussirait-elle.  Il  n'y  a  que  le  changement  ® 
qui  me  peine.  Usez-en  comme  Notre-Seigneur  vous  ins- 
pirera. 


Lettre  255.    —  Arch.   de  la   Mission,   copie  prise  sur  l'original,  qui 
était   en  entier  de  la  main   du  saint. 

1.  Voir  lettre  252,   note   i. 

2.  Peut-être   Hercé   dans   la    Mayenne. 

3.  Il  était  rentré  à  Saint-Lazare  dans  le  courant  de  l'année,  après 
avoir  employé  plus   d'un  an   à  donner  des  missions  dans  le  midi. 

4.  Madame   Bourdin. 

5.  Barbe    Angiboust. 

6.  De  Barbe  Angiboust. 


-  368  — 

Pour  M.  votre  fils,  s'il  veut  venir  céans,  faute  d'autre 
heu  qui  lui  soit  plus  agréable,  disposez-en,  et  soyez  bien 
gaie  en  Notre-Seigneur. 

Je  suis,  en  son  amour  et  celui  de  sa  sainte  Mère,  Ma- 
demoiselle, votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  lundi  matin. 


256.  —  LOUISE  DE  MARILLAC  A  SAINT  VINCENT 

[^Décembre   i6j6  ^.] 
Monsieur, 

Madame  de  Beaufort  nia  mandé  que  voici  le  temps  le  -plus 
propre  pour  travailler  à  l'établissement  de  la  Charité  de  Saint- 
Etienne  2  et  que  Monsieur  le  curé  le  désire  fort  et,  pour  ce  su- 
jet, a  treuvé  bon  qu'elle  et  une  autre  dame  fissent  la  quête 
ces  fêtes  j  ce  qu'elles  ont  fait. 

Je  vous  supplie  très  humblement^  Monsieur,  prendre  la 
peine  de  me  mander  comme  quoi  je  me  conduirai,  /'avais  pensé 
de  lui  mander,  si  vous  le  treuves  bon,  que  les  dames  qui  ont 
plus  de  désir  de  ce  saint  œuvre,  allassent  treuver  Monsieur  le 
curé  et  lui  disent  que^  pour  bien  commencer  et  persévérer, 
elles  ont  besoin  qu'il  y  ait  quantité  de  personnes  qui  s'associent 
pour  ce  saint  exercice,  tant  de  qualité  que  de  médiocre  condi- 
tion, afin  que,  les  unes  contribuant  le  plus,  les  autres  s'adon- 
nent plus  volontiers  à  visiter,  chacune  son  jour^  les  pauvres 
malades,  et  que  afin  que  personne  n'en  fût  inco^nmodé,  l'on 
aviserait  s'il  serait  expédient  de  diviser  en  deux  quartiers  la 
paroisse  ;  mais  que,  pour  travailler  utilement,  il  serait  pre- 
mièrement nécessaire  de  supplier  mondit  sieur  le  curé  de  pren- 
dre la  peine  de  faire  faire  un  mémoire  bien  ample  par  quelque 
ecclésiastique  qui  connaisse  ses  paroissiens,  et,  après,  faire 
faire  dans  son  église  une  prédication  à  ce  dessein,  à  l'issue  de 
laquelle  on  pourrait  assembler  lotîtes  les  dames  nommées, 
avertissant  aussi  à  la  messe  que  toutes  celles  de  toute  condition 
qui  voudraient  en  être,  se  pourront  trouver  à  l'assemblée,  à 
laquelle  assemblée  on  proposera  le  règlement  qui  s'observe  aux 


Lettre  256.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  L'année   est  indiquée   au   dos  de  l'original. 

2.  Paroisse  de  Paris. 


—  3^9  — 

autres  -paroisses.  Je  vous  manie  tout  ceci,  Monsieur  afin 
cCahréger  le  temps,  car  il  y  a  si  longtemps  que  ces  bonnes  da- 
mes essaient  à  s  encourager  pour  cela,  que  je  crois  qu'il  faut 
battre  le  fer  tandis  quil  est  chaud.  Mais,  s'il  vous  plaît,  vous 
me  manderez  toute  autre  chose  de  ce  que  je  vous  propose  car 
vous  savez  bien  quHl  le  faut  ainsi. 

Je  vous  remercie  très  humblement.  Monsieur,  de  votre  cha- 
rité ;  le  bon  Dieu  sait  bien  que  f  avais  besoin  de  ce  secours.^  et 
pour  cela  il  m'a  donné  adresse  d'une  laitière,  qui  nous  en  four- 
nit depuis  trois  fours. 

Nous  voici  près  la  fin  de  Vannée.  Je  désire  bien,  si  Dieu  me 
donne  la  vie  pour  commencer  Vautre,  que  ce  soit  de  bonne 
sorte  pour  son  service.  Je  supplie  votre  charité  de  me  dire 
quelque  bon  mot  pour  cela.  Les  pauvres  se  contentent  de  peu, 
que  festunerai  beaucoup,  m'étant  donnée  à  Dieu  par  vous,  de 
qui  je  suis,  Monsieur,  la  très  humble  fille  et  servante. 

L.  DE  M. 

Monsieur,  toutes  vos  filles  prennent  la  liberté  de  se  [recom- 
tnander]   à  votre   charité. 

Suscription    :  A  Monsieur  Monsieur  Vincent. 


257.  —  SAINTE  CHANTAI  A  SAINT  VINCENT  * 

[Décembre  i6j6^.] 

Mon  très  honoré  et  cher  Père, 

Je  supplie  le  divin  enfant  de  Bethléem  de  faire  abonder  votre 
âme  en  grâces  et  des  bénédictions  de  sa  sainte  nativité.  Il  y  a 
longtemps  que  je  ne  me  ^uis  donné  Vhonneur  de  vous  écrire. 
Je  ne  crains  pas  toutefois  que  vous  m' oubliiez  devant  Dieu  et 
vous  conjure  de  me  donner  une  de  vos  messes,    car    je    suis 


Lettre  257.  —  Les  Efistres  spirituelles  de  la  Mère  Jeanne  Fran- 
çoise Frémiol,   baronne  de   Chantai,   Lyon,    i666,   in-8,   p.    185,   lettre 

85- 

1.  L'éditeur  donne  comme  destinataire  «  un  père  de  religion  »  ; 
c'est,  à  n'en  pas  douter,  le  supérieur  des  monastères  de  Paris,  saint 
Vincent  de   Paul. 

2.  La  première  phrase  de  la  lettre  indique  nettement  l'époque  de 
l'année  ;  le  mot  sur  le  récent  séjour  de  sainte  Chantai  à  Paris  limite 
le  choix  aux  années  1628  ou  1636  ;  le  passage  relatif  au  Visi- 
teur donne  plus  de  poids  à  la  seconde  hypothèse,  car  la  question  ne 
se  posait  pas  encore  en   1628. 

24 


—  370  — 

■pauvre  à  l extrémité.  Cette  vie  me  serait  pesante  si  je  n  y  voyais 
le  bon  plaisir  de  Dieu,  qui  me  suffit  pour  toute  consolation. 
C'est  ce  que  je  puis  dire  de  vioi,  mon  cJier  Père ^  ti en  sachant 
que   dire   autre. 

Notre  chère  sœur  la  supérieure  du  faubourg  Saint-jacques 
de  Paris  ^  tn'a  communiqué  l'avis  qu'il  vous  a  plu  nous  don- 
ner au  sujet  de  notre  union  ^.  Il  est  bon  et  solide,  mais  je  n  ai 
su  néanmoins  y  joindre  mon  cœur  j  ce  que  je  vous  dis  avec 
cette  franchise,  parce  que  votre  bonté  m'en  a  donné  la  con- 
fiance. Notre  esprit  ne  saurait  supporter  nulle  autorité  sur 
nous  que  celle  de  mes  seigneurs  nos  prélats,  ni  nul  secret  con- 
tre eux.  Il  faut,  si  nous  voulons  avoir  nos  esprits  en  repos,  que 
nous  y  traitions  avec  une  entière  confiance  et  simplicité ,  autre- 
ment nous  ne  serons  plus  filles  de  notre  bienheureux  Père,  qui 
nous  a  laissé  cette  affection  gravée  dans  nos  cœurs  ;  outre  que 
nous  avons  un  certain  goût  et  révérence  qui  nous  porte  à  nos 
supérieurs  ;  ce  qui  ne  peut  procéder  que  de  sa  grâce  et  qui  me 
fait  espérer  de  grandes  bénédictions  par  cette  voie-là.  C'est 
pourquoi,  mon  très  cher  Père,  voyant  tous  les  tnoyens  d'union 
que  Ion  nous  propose,  heurter  en  certaine  manière  cette  auto- 
rité, nous  ne  saurions  en  accepter  pas  un  ;  et  fai  cette  con- 
fiance que  Dieu  fera  ce  qui  ne  se  peut  faire  par  formalités  ni 
prudence  humaine.  Jusques  ici  sa  Providence  nous  a  conduites 
et  maintenues  dans  une  parfaite  union  et  conformité  ;  f  es-père 
quelle  nous  y  fera  persévérer  par  les  mêmes  moyens  ;  et  notre 
lien  de  la  sainte  charité  aura  plus  d'efficace  et  de  force  en  sa 
douceur  et  sainte  liberté  que  toutes  les  lois  et  obligations  que 
Von  pourrait  établir.  Voilà  mon  sentiment,  mon  Révérend 
Père,  qui  est  tout  conforme  à  celui  dans  lequel  notre  bienheu- 
reux Père  est  parti  de  cette  vie.  Dites-moi  si  je  ne  dois  pas  de- 
meurer en  paix  là-dessus,  f  écris  à  nos  sœurs  sur  cela  et  les 
exhorte,  en  la  meilleure  façon  que  je  puis,  à  persévérer  en  la 
voie  où  Dieu  les  a  mises,  et  de  conserver  par  ci-après  leurs  es- 
prits en  7inion  et  conformité,  par  les    -mêmes  moyens  qu'elles  ont 

3.  La   Mère  Agnès   Le  Roy. 

4.  Saint  Vincent  craignait  que  l'absence  de  lien  moral  entre  les 
couvents  de  la  Visitation,  qui  étaient  autonomes  et  sous  la  dépendance 
des  Ordinaires  des  lieux,  n'amenât  avec  le  temps  une  déviation  pro- 
fonde de  l'esprit  primitif  et  une  diversité  regrettable.  Pour  prévenir 
ce  danger,  il  ne  voyait  rien  de  mieux  que  l'institution  de  Visiteurs, 
qui  iraient,  à  des  époques  régulières,  faire  la  visite  canonique  des 
monastères  pour  réprimer  les  abus  et  veiller  à  la  conservation  des 
traditions  de  l'Ordre.  Sainte  Chantai,  de  son  côté,  repoussait  ce  pro- 
jet comme  portant  atteinte  à  l'autorité  épiscopale.  Ils  reviendront 
l'un  et  l'autre  sur  cette  question,  sans  réussir  à  se  convaincre  mu- 
tuellement. 


—  371  — 

pratiqués  jusques  ici,  et  lesquels  les  ont  tenues  unies  et  liées  en- 
sevible,  je  -pense  seulement,  mon  chfr  Père,  que  pour  entretenir 
la  mcDioire  de  notre  communication  et  donner  un  peu  d'attention 
aux  supérieures  de  ne  rien  changer  ni  innover  en  nos  ittstitu- 
tions  et  coutumes^  et  de  conserver  la  sainte  union  en  tout  ce 
qu'il  leur  sera  possible  avec  les  autres  maisons  et  spécialement 
avec  celle-ci  £  Annecy ,  comme  avec  la  mère  et  maîtresse  de 
toutes  les  autres,  pour  s'y  conformer  en  tout  ce  qu'il  a  reçu 
de  son  saint  fondateur,  ainsi  qu'il  ^ est  pratiqué  jusques  ici  5. 
Si  vous  trouvez  cela  bon,  vous  pourrez  dire  à  nos  sœurs  de  le 
faire,  mon  très  cher  Père. 

Mais  dites-moi,  s'il  vous  plaît,  comment  vous  trouvez  à  votre 
gré  nos  sœurs  de  ce  lieu-là.  Je  les  trouvai  fort  au  mien  quand 
nous  y  passantes.  Dieu  leur  fasse  la  grâce  de  chejniner  dans 
leur  voie  avec  sincérité  et  simplicité  et  de  vous  rendre  leur 
très  humble  obéissance  selon  cet  esprit.  Soyez-nous  toujours 
vrai  père  et  protecteur,  je  vous  en  supplie,  et  faites  par  voire 
soin  paternel  que  les  volontés  de  celui  que  vous  honorez  au 
ciel  soient  fidèlement  gardées  en  la  terre  par  ses  filles.  Oest 
tout  le  bien  que  je  leur  souhaite,  et  à  vous,  mon  très  cher  Père^ 
la  plus  haute  sainteté  qui  se  puisse  acquérir  en  ce  monde. 

Faites-moi  Vhonneur  de  me  tenir  toujours  (car  je  le  suis  pour 
jamais)  votre  très  humble... 


258.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Dieu  vous  bénisse,  Mademoiselle,  de  ce  que  vous  êtes 
allée  mettre  vos  filles  en  faction  à  l'Hôtel-Dieu  et  de 
tout  ce  qui  s'en  est  ensuivi  ^  !  Mais,  au  nom  de  Dieu,  con- 
servez-vous. Vous  voyez  le  besoin  qu'on  a  de  votre  chéti- 
veté  et  ce  que  votre  œuvre  deviendrait  sans  vous. 

Je  rends  grâces,  de  plus,  à  Notre-Seigneurde  celle  qu'il 
fait  à  vos  filles  d'être  si  bonnes  et  généreuses.  Il  y  a  ap- 
parence que  sa  bonté  supplée  à  ce  que  vous  dites  que 


5.    Cette   phrase   est   incomplète  ou  mal    rendue. 

Lettre  258.   —  L.    a.   —   Dossier  des  Filles  de  la   Charité,  original. 

I.  Bien  qu'employées  à  l'Hôtel-Dieu  depuis  un  certain  temps  déjà, 
les  Filles  de  la  Charité  n'y  étaient  pas  encore  à  demeure.  Elles  ne 
s'établirent  qu'en  décembre  1636  dans  l'appartement  loué  pour  elles 
à  côté  de  l'hôpital  par  les  dames  de  la  Charité. 


—  372  — 

vous  leur  défaillez.  Je  n'en  connais  point  ici  de  propres. 
Je  m'informerai  si  deux  ou  trois  qui  sont  à  deux  lieues 
d'ici  et  vivent  fort  exemplairement  depuis  un  an  en  çà 
ou  environ,  voudraient,  ou  quelqu'une  d'elles,  s'appliquer 
à  ce  genre  de  vie. 

Quant  à  ce  que  vous  me  dites  de  M.  votre  fils,  je  pense 
qu'il  ne  faut  point  écouter  du  tout  la  proposition  de  sor- 
tfr  de  Paris.  Il  n'est  pas  imaginable  combien  la  plupart 
de  ceux  qui  le  font  y  contractent  de  vices  irrémédiable- 
ment, si  ce  n'est  quand  les  parents  le  font  par  eux-mêmes 
pour  quelque  occasion  spéciale,  comme  de  quelque  parent 
jésuite  ou  docteur  en  ce  pays-là.  Il  faut  tâcher  tout  dou- 
cement et  avec  patience  de  lui  faire  passer  le  temps  et 
ses  exercices  à  l'épaule.  Je  soumets  pourtant  ce  que  je 
vous  dis  à  votre  meilleur  avis  et  vous  prie  d'avoir  soin 
de  votre  santé,  étant,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur, 
Mademoiselle,   votre  très   humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Fréneville,  ce  30  décembre  1636. 

Suscri-ption  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
à  La  Chapelle. 

259.  —  A  JEAN  DE  FONTENEIL 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  pense  avoir  fait  réponse  à  votre  dernière  et  m'être 
réjoui  avec  vous  de  la  conduite  de  sa  bonté  sur  vous  et 
sur  ces  bons  missionnaires  de  votre  compagnie,  que  je 
salue  avec  toute  l'affection  et  la  révérence  qui  m'est  pos- 

Lettre  259.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 


—  373  — 

sible,  et  vous  remercie,  vous,  très  humblement,  Monsieur, 
de  la  grâce  que  vous  avez  faite  à  nos  missionnaires  d'Ai- 
guillon ^  de  leur  écrire.  Je  leur  mande  qu'il  n'est  pas 
encore  temps  de  vous  aller  voir.  Ce  sera  dans  quelques 
mois  d'ici.  Je  vous  supplie  cependant,  Monsieur,  de  faire 
tenir  l'incluse  à  M.  de  Saint-Martin,  à  Dax. 

Le  bon  Monsieur  Nevelet,  archifiiacre  de  Troyes,  moa- 
rut,  il  y  a  quelque  temps,  de  la  contagion.  Cela  a  un  peu 
écarté  leur  compagnie  ;  mais  j'espère  que  ce  sera  pour  se 
mieux  réunir.  J'ai  fait  un  voyage  à  Troyes  durant  ce 
temps-là,  et  Dieu  sait  combien  de  fois  le  bon  Monsieur 
Robe,  ce  saint  homme,  me  fit  l'honneur  de  trouver  bon 
que  nous  parlassions  de  vous. 

L'assemblée  de  Messieurs  les  ecclésiastiques  de  cette 
ville  ^  continue  toujours  de  mieux  en  mieux,  si  me  sem- 
ble. Voilà  trois  évêques  qui  viennent  d'en  être  tirés  : 
M.  Godeau  pour  Grasse  ^,  M.  Fouquet  pour  Bayorme  '\ 


1.  Aujourd'hui    chef-lieu    de    canton   dans    le    Lot-et-Garonne. 

2.  L'assemblée   des   mardis. 

3.  Antoine  Godeau,  né  à  Dreux  le  24  septembre  1605,  fut  un  des 
familiers  de  l'hôtel  de  Rambouillet,  où  on  l'avait  surnommé  le  Nain 
de  Julie.  Ses  vers  y  étaient  goûtés.  Ils  lui  valurent  la  faveur  de 
Richelieu  et  une  place  à  l'Académie  française.  Il  fut  sacré  évêque  de 
Grasse  le  24  décembre  1636.  Une  attaque  d'apoplexie  l'emporta  le 
17  avril  1672.  Il  a  beaucoup  écrit  en  vers  et  en  prose  sur  l'histoire, 
l'Ecriture  Sainte,  la  discipline  et  divers  sujets  de  piété.  Ses  œuvres 
poétiques  forment  trois  volumes  in-12.  (Cf.  G.  Doublet,  Godeau, 
évêque  de   Grasse  et  de  Vence,   1605-1672,  Paris,    191 1,   in-8.) 

4.  François  Fouquet  était  fils  de  François  Fouquet,  comte  de 
Vaux,  et  de  la  pieuse  Marie  de  Maupeou,  qui  fut,  parmi  les  dames 
de  la  Charité,  une  des  plus  admirables  par  son  zèle  et  son  dévoue- 
ment à  saint  Vincent.  Nicolas  Fouquet,  surintendant  des  finances,  et 
Louis  Fouquet,  évêque  d'Agde,  étaient  ses  frères.  Sa  sœur  Louise- 
Agnès  prit  l'habit  religieux  au  premier  monastère  de  la  Visita- 
tion. François  Fouquet,  nommé  à  l'évêché  de  Bayonne  en  1636,  ne 
fut  sacré  que  le  15  mars  1639.  Il  fut  transféré  à  l'évêché  d'Agde 
en  1643,  nommé  coadjuteur  de  Narbonne  le  18  décembre  1656  et 
archevêque  de  ce  diocèse  en  1659.  Relégué  à  Alençon  en  1661,  il 
mourut  dans  son  exil  le  19  octobre  1673.  Il  appela  les  prêtres  de  la 
Mission  à  Agde  et  à  Narbonne  et  établit  les  Filles  de  la  Charité  dans 
cette  dernière  ville.  Prélat  très  zélé,  trop  zélé  peut-être,  il  avait  peine 


—  374  — 

M.  Pavillon  pour  Alet  ^,  et  M.  Barreau  vient  d'être 
nommé  par  le  roi  pour  coadjuteur  de  Sarlat,  sans  le  con- 
sentement de  l'évêque  ^. 

Dieu  a  disposé  du  bon  M.  Semusse  ".  Il  a  vécu  en  saint 
et  est  mort  de  même.  Et  moi  je  suis,  en  l'amour  de  No- 
tre-Seigneur  et  de  sa  sainte  Mère,  Monsieur,  votre  très 
humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  PariSj  ce  8  janvier  1637. 

à  comprendre  la  lenteur  de  saint  Vincent,  dont,  plus  que  personne,  il 
admirait  la  vertu.  La  mort  de  ce  grand  serviteur  de  Dieu  lui  fut 
très  sensible.  Dès  qu'il  en  reçut  la  nouvelle,  il  écrivit  aux  prêtres  de 
Saint-Lazare  :  «  Quelque  piéparé  que  je  pusse  être  à  la  mort  de 
M.  Vincent,  vu  le  grand  âge  où  il  était,  je  vous  assure  que  je  n'ai 
point  appris  la  nouvelle  de  son  décès  sans  surprise  et  sans  être  touché 
d'une  vive  douleur,  selon  l'homme,  de  voir  l'Eglise  privée  d'un  très 
digne  sujet,  la  congrégation  de  son  très  cher  père  et  moi  d'un  ami 
très  charitable,  à  qui  j'ai  de  si  étroites  obligations.  Je  ne  pense  pas 
que  de  tous  ceux  que  sa  charité  lui  a  fait  embrasser  comme  ses  en- 
fants il  y  en  ait  aucun  à  qui  il  ait  témoigné  plus  de  tendresse  et  donné 
plus  de  marques  d'amitié  qu'à  moi.    » 

5.  Pavillon  fut  atterré  par  la  nouvelle  de  sa  nomination.  La  tris- 
tesse le  rendit  malade.  Brûlé  par  les  ardeurs  de  la  fièvre,  il  dépé- 
rissait à  vue  d'œil.  L'idée  lui  vint  d'aller  se  jeter  aux  pieds  de  Ri- 
chelieu ;  ses  meilleurs  amis  l'en  détournèrent.  Il  s'isola,  ne  voulant 
plus  voir  personne,  pas  même  saint  Vincent.  Le  bon  saint  finit  tou- 
tefois par  lui  arracher  son  consentement.  Il  alla  jusqu'à  lui  dire 
«  qu'il  s'élèverait  contre  lui  au  jour  du  jugement  dernier  avec  les 
âmes  du  diocèse  d'Alet  destinées  à  mourir  à  Dieu  »,  s'il  les  aban- 
donnait par  son  refus.  Pavillon  fit  sa  retraite  préparatoire  à  Saint-Lazare 
sous  la  direction  de  saint  Vincent.  «  Je  fus  étonné,  raconte  un  de 
ses  amis,  de  voir  entrer  un  matin  dans  sa  chambre  M.  Vincent  avec 
plusieurs  prêtres  de  la  Mission,  qui  se  mirent  à  genoux  en  cercle.  Il 
adressa  la  parole  à  Monsieur  Vincent  et  il  fit  devant  tous  ces  mes- 
sieurs une  confession  des  fautes  qu'il  reconnaissait  avoir  commises 
dans  la  conversation.  Il  leur  demanda  pardon  du  scandale  qu'il  leur 
avait  donné,  en  des  termes  si  humbles  que  j'en  fus  confus  ;  à  quoi 
M.  Vincent  repartit  au  nom  de  l'assemblée  presque  en  mêmes  ter- 
mes. »  M.  Pavillon  fut  sacré  à  l'église  de  Saint-Lazare  le  22  août 
1639  par  l'archevêque  de  Paris.  (Cf.  Suiie  des  mémoires  four  servir 
à  la  vie  de  Messire  Nicolas  Pavillon,  évêque  d'Alet,  1733,  p.  213  ; 
E.    Dejean,    of.   cit.,   p.    15.) 

6.  Louis  de   Salignac   de  Lamothe-Fénelon. 

7.  Une  déchirure  rend  douteuse  la  lecture  de  la  troisième  lettre 
du    mot. 


—  375  —      ■ 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  de  Fonteneil,  cha- 
noine de  Saint-Seurin  de  Bordeaux. 


260.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Ce    vendredi,   à  5    heures.    [Vers   1637  ^] 
Mademoiselle, 

Je  vous  prie  de  me  mander  si  vous  avez  des  allés,  pour 
en  donner  deux  à  Monsieur  de  Saint-Germain  -,  qui  en 
demande  pour  sa  paroisse  et  fait  instance  pour  en  avoir 
au  plus  tôt.  Je  prie  Notre-Seigneur  qu'il  vous  en  envoie 
de  bien  bonnes. 

Vincent  Depaul. 

261.  —  a  la  sœur  marie-euphrosine  turpin  < 

Ma  très  chère  sœur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 


Lettre  260.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  C'est  dans  la  lettre  278,  de  1637,  qu'il  est  fait  mention  pour  la 
première  fois  de  la  Charité  de  Saint-Germain-l'Auxerrois,  paroisse 
de  Paris. 

2.  Pierre   Colombet. 

Lettre  261.  —  L.  a.  —  Original  à  la  Visitation  d'Amiens,  aujour- 
d'hui   transférée   à   Tournay. 

I.  Assistante  et  directrice  à  la  Visitation  d'Angers.  Sœur  Marie- 
Euphrosine  Turpin,  née  à  Paris  en  1605,  quitta  le  monde  à  dix-neuf 
ans,  malgré  l'opposition  de  son  père,  pour  s'enfermer  au  premier  mo- 
nastère de  la  Visitation,  oii  elle  fit  profession  le  22  février  1625.  Elle 
fut  du  nombre  des  sœurs  qui  passèrent  au  monastère  du  faubourg 
lors  de  sa  fondation.  «  Notre  digne  Mère,  lisons-nous  dans  le  livre 
des  professions  du  premier  monastère  (Arch.  Nat.  LL  1718,  p.  6), 
notre  digne  Mère  a  conçu  une  si  grande  estime  pour  elle  dans  un 
voyage  qu'elle  fit  à  Paris,  qu'elle  l'adopta  pour  fille  de  notre  sainte 
source  et  la  choisit  pour  travailler  sous  elle  à  l'achèvement  du  cou- 


—  376  — 

Monsieur  le  commandeur  -  et  notre  chère  Mère  la  su- 
périeure de  la  ville  ^  m'ayajit  fait  l'honneur  de  me  pro- 
poser la  pensée  que  Xotre-Seigneur  leur  a  donnée,  que 
vous  serviriez  Dieu  utilement  à  la  Madeleine,  et  ayant 
considéré  la  chose  en  toutes  ses  circonstances,  je  vous  di- 
rai tout  simplement  qu'il  me  semble  qu'ils  ont  raison  [de 
désirer]  qu'après  avoir  considéré  la  chose  devant  Dieu, 
vous  y  sentiez  de  l'attrait.  Voici  les  raisons  qui  me  por- 
tent à  cette  opinion. 

C'est,  premièrement,  que  l'œuvre  de  soi  est  très  saint, 
puisqu'il  consiste  à  donner  la  main  aux  âmes  qui  se  vont 
perdant,  qui  vont  incessamment  déshonorant  Dieu  et 
remplissant  les  enfers,  pour  les  tirer  de  la  masse  de 
perdition,  les  faire  vivre  selon  Dieu  et  enân  pour  faire 
l'office  de  leur  second  rédempteur  et  les  mener  comme 
par  la  main  dajis  la  gloire  que  Notre-Seigneur  leur  a 
acquise  par  son  sang  précieux,  emploi  qui  est  si  grand 
devant  Dieu  qu'il  l'a  estimé  digne  de  son  Fils  et  seul 
capable  de  l'attirer  sur  la  terre. 

Deuxièmement,  pource  que  cette  pensée  est  tombée 
dans  l'esprit  de  ce  sien  grand  serviteur,  auquel  il  a  donné 
grâce  pour  votre  saint  Ordre  et  pour  la  Madeleine,  et  en 
celui  de  notre  chère  Mère,  que  vous  connaissez,  encore 
que  non  pas  peut-être  tant  que  moi,  l'un  et  l'autre  vous 
ayant  en  estime  et  singulière  affection. 

Troisièmement,  pource  qu'il  me  semble  que  Notre-Sei- 
gneur  vous  a  donné  assez  de  part  à  son  esprit  pour  con- 


tumier  ;  elle  la  consultait  sur  les  difficultés  qui  s'y  rencontraient.  » 
Sœur  Turpin  ne  quitta  le  monastère  d'Angers  qu'en  1640  pour  aller 
fonder  celui  d'Amiens,  dont  elle  fut  la  première  supérieure.  C'est 
là  qu'elle  mourut  le  20  décembre  1651  à  l'âge  de  quarante-six  ans. 
(Cf.  Abrégé  de  la  vie  et  des  vertus  de  la  très  honorée  Mère  Marie- 
Eufhrosine  Tur-pin  dans  Y  Année  Sainte  des  Religieuses  de  la  Visi- 
tation Sainte-Marie,  Annecy,  i867-r87i,  12  vol.  in-8,  t.  XII, 
pp.    395-414-) 

2.  Noël  Brulart  de  Sillery,  grand  bienfaiteur  de  la  Visitation. 

3.  Hélène-Angélique    Lhuillier. 


—  377  — 

naître  l'importance  de  cet  œuvre,  pour  l'affectionner  et 
pour  vous  y  employer  utilement. 

Quatrièmement,  pource  qu'il  me  semble  que  votre  ma- 
nière de  vocation  de  delà,  comme  vous  me  l'avez  dite, 
ne  paraît  pas  si  importante  à  la  gloire  de  Dieu  que  celle 
d'ici. 

Je  ne  vous  mets  que  ces  quatre  raisoriS,  pour  lesquelles 
vous  devez  faire  une  grande  attention  à  cette  proposi- 
tion, quoique  je  vous  en  pourrais  donner  beaucoup  d'au- 
tres. 

Or  je  vois,  si  me  semble,  les  raisons  contraires  qui  vous 
pourront  faire  douter  si  Dieu  le  veut  : 

Premièrement,  que  c'est  votre  supérieure*  qui  vous 
envoie  à  une  qui  vous  demande.  A  quoi  je  réponds  que 
vous  êtes  fille  de  cette  maison  ^  et  non  du  faubourg, 
quoique  vous  y  résidiez,  et  que  cette  maison  a  droit,  si 
me  semble,  de  vous  rappeler  en  son  besoin  et  que,  l'obéis- 
sance de  votre  supérieure  y  intervenant,  vous  avez  obli- 
gation de  revenir  ;  en  second  lieu,  que  la  bonne  Mère 
du  faubourg  a  témoigné  à  Monsieur  le  commandeur 
qu'elle  le  trouvait  bon  et  qu'elle  vous  en  écrirait  elle- 
même,  comme  elle  fait,  et  que,  si  l'on  vous  demande  de 
delà,  vous  n'êtes  pas  moins  souhaitée  ici. 


4.  La  Mère  Marie-Agnès  Le  Roy,  supérieure  du  second  monastère, 
d'où  Marie-Euphrosine  Turpin  avait  été  envoyée  à  Angers.  Cette 
religieuse,  née  à  Mons  en  1603,  était,  par  sa  mère,  nièce  de  Phi- 
lippe de  Cospéan,  évêque  de  Lisieux.  Elle  entra  en  1624  au  pre- 
mier monastère,  qu'elle  quitta,  à  la  demande  de  la  marquise  de  Dam- 
pierre,  pour  s'unir  au  groupe  des  sœurs  qui  furent  envoyées  au  mo- 
nastère du  faubourg  lors  de  sa  fondation.  Elle  y  devint  directrice, 
puis  assistante.  Le  suffrage  des  soeurs  lui  confia  même  six  fois  la 
charge  de  supérieure,  qu'elle  porta  du  11  juin  1634  au  24  mai  1640, 
du  27  mai  1646  au  13  mai  1652  et  du  6  juin  1658  à  l'année  1664. 
Elle  alla  en  personne  commencer  les  monastères  d'Amiens  et  de 
Mons,  où  elle  resta  trois  mois,  fonda  celui  d'Angers  et  le  troisième 
de  Paris  et  eut  une  grande  part  à  l'établissement  de  celui  de  Var- 
sovie.  La  mort  l'enleva  le  18  mai  1669.    [Année  Sainte,  t.  V,  p.  547.) 

5.. Le  premier  monastère,  où  la  sœur  Turpin  avait  fait  son  novi- 
ciat. 


-  378  - 

Deuxièmement,  vous  me  direz  que  l'emploi  de  la  Ma- 
deleine semble  n'être  pas  convenable  à  des  filles  de  Sain- 
te-Marie. A  quoi  je  vous  dirai  que  l'emploi  au  salut  des 
âmes  est  propre  aux  enfants  de  Dieu  et  que,  puisque 
Notre-Seig-neur  a  jugé  le  soin  de  la  Madeleine  pouvoir 
être  digne  de  sa  bonté  et  de  celui  de  la  Vierge  Marie, 
qu'il  ne  faut  pas  douter  qu'il  ne  soit  convenable  aux  fil- 
les de  Sainte-Marie. 

Troisièmement,  vous  m'observerez  que  peut-être  vous 
faites  besoin  à  Angers.  A  quoi  je  vous  réponds  qu'on  y 
pourvoira  de  quelque  autre  qui  n'y  sera  pas  peut-être 
moins  agréable  et  utile  que  vous. 

Quatrièmement,  il  voustomberadansl'espritquepeut- 
être  vous  n'aurez  pas  assez  d'esprit  pour  servir  à  la  con- 
duite d'une  si  grande  maison  et  si  difficile.  A  quoi,  je 
vous  réponds  que  vous  serez  deux  pour  cela,  Notre-Sei- 
gneur  et  vous,  et  qu'avec  lui  vous  pourrez  tout. 

Cinquièmement,  vos  parents  vous  viendront  en  l'es- 
prit, et  qui  peut-être  ne  le  trouveront  pas  bon.  Mais  à 
cela  je  vous  réponds  qu'on  le  saura  avant  que  la  chose 
vous  soit  annotée  et  que,  quand  il  y  aurait  de  la  répu- 
gnance, il  me  semble  que  vous  devriez  passer  par  dessus, 
comme  vous  avez  fait  généreusement  touchant  votre 
voyage  pour  Angers. 

Sixièmement,  que  si  la  pensée  de  l'estime  du  monde 
vous  voulait  donner  quelque  atteinte,  ce  que  je  ne  pense 
pas,  répondez-lui,  ma  chère  sœur,  que  tant  s'en  faut  que 
l'on  ait  moins  estimé  Sainte-Marie  en  son  corps,  ni  les 
filles  qui  y  sont,  pour  s'être  appliquées  au  soin  de  cette 
maison-là,  qu'au  contraire  je  n'ai  jamais  ouï  dire  tant  de 
bien  de  votre  saint  Ordre,  ni  des  filles  qui  sont  à  la  Ma- 
deleine, que  depuis  qu'on  a  pris  soin  de  ces  pauvres  créa- 
tures, et  que  nous  devons  estimer  honorable  tout  ce  que 
Notre-Seigneur  et  la  sainte  Vierge  ont  fait  ;  et  que,  l'un 
et  l'autre  s'étant    appliqués    au  soin  de  la  Madeleine, 


—  379  — 

vous  pouvez  honorablement  servir  selon  Dieu  et  selon  le 
monde  au  salut  de  ces  filles. 

Voilà,  ma  chère  sœur,  les  objections  qu'il  me  semble 
que  la  chair  et  le  sang,  le  monde  et  le  diable  vous  pour- 
ront faire  ;  et  les  réponses  à  icelles  me  semblent  si  rai- 
sonnables et  conformes  au  bon  plaisir  de  Dieu  que,  si 
j'étais  ma  sœur  Marie-Euphrosine  et  qu'une  personne 
me  tînt  la  place  que  je  vous  tiens  et  avait  autant  de  cha- 
rité pour  moi  comme  je  vous  estime  et  vous  chéris  en 
Notre- Seigneur,  il  me  semble  que  je  baisserais  la  tête 
et  acquiescerais  à  cette  proposition.  Et  c'est  aussi,  ma 
chère  sœur,  ce  que  j'espère  que  vous  ferez  si  Notre-Sei- 
gneur  ne  vous  fait  connaître  manifestement  qu'il  désire 
le  contraire  ;  auquel  cas  j'acquiesce  à  ce  que  vous  en 
ferez,  d'aussi  bon  cœur  que  je  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur  et  de  sa  sainte  Mère,  ma  chère  sœur,  votre  très 
humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Prêtre  de  la  Mission  très  indigne 

Je  vous  prie  de  présenter  nos  très  humbles  recommaji- 
dations  à  notre  chère  !Mère  supérieure  d'Orléans  ^  et  de 
m'aider  à  la  remercier  du  très  charitable  accueil  qu'elle 
me  fît,  il  y  a  quelque  temps,  chez  elle. 

De  Paris,  cette  veille  de  saint  Mathias  '   1637. 

Suscription  :  Ma  chère  sœur  Marie-Euphrosine  Tur- 
pin,  religieuse  de  Sainte-Marie. 


6.  Claude-Espérance  Jousse.  Elle  fut  supérieure  pendant  deux 
triennats  consécutifs,  du  21  mai  1634  au  24  mai  1640,  et  le  rede- 
vint dans  la  suite. 

7.  23   février. 


—  38o  - 

262.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[24    février    1637  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  vous  demande  très  humblement  pardon  de  deux 
choses  ;  l'une,  de  ce  que  je  ne  vous  suis  allé  voir,  à  cause 
de  l'embarras  que  j'ai  ;  l'autre,  de  ce  que  je  n'ai  fait  faire 
la  cheminée  à  M.  Le  Gras,  votre  fi.ls,  par  oubliance. 
Voyez  ma  misère,  et,  si  votre  cœur  n'avait  assez  de  cha- 
rité pour  moi,  où  j'en  serais.  J'espère  que  vous  me  le 
pardonnerez  ;  et  ai  dit  à  Monsieur  Soufliers  qu'il  le  loge 
en  une  petite  chambre  chaude,  proche  à  une  que  tient 
à  feu  M.  Morennes,  religieux  de  céans  ^,  où  il  se  pourra 
chauffer 

Je  vis  hier  cette  bonne  ûlle  de  laquelle  vous  m'avez 
écrit.  Je  ne  me  ressouvins  point  de  lui  parler  de  sa  lec- 
ture ni  de  sa  couture.  Le  rencontre  ne  paraît  pas  si  rus- 
tique que  celle  qui  l'accompagnait.  Maridez-moi,  s'il  vous 
plaît,  ce  que  vous  leur  avez  dit. 

J'ai  dit  à  Mademoiselle  Desbordes  ^,  trésorière  de 
Saint-Leu  *,  qu'il  est  besoin  que  Barbe  ait  une  compa- 
gne, pour  le  moins  tandis  qu'il  y  aura  tant  de  malades 
en  cette  paroisse-là.  Il  faudra  penser  qui  vous  lui  pour- 
rez donner  et  se  ressouvenir  des  Incurables  ^.  Madame 


Lettre  262.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Voir  note   5. 

2.  Claude  de  Morennes,  religieux  de    l'ancien    Saint-Lazare. 

3.  Parente  peut-être  de  M.  Desbordes,  auditeur  à  la  cour  des 
Comptes  de  Paris,  avec  lequel  Louise  de-  Marillac  et  saint  Vincent 
étaient  en  rapports  (Cf.  Lettres  de  Louise  de  Marillac,  lettres  267 
et    272.) 

4.  Paroisse    de    Paris. 

5.  Cet  hôpital,  fondé  par  le  cardinal  de  La  Rochefoucauld,  le 
4  novembre  1634,  pour  les  malades  incurables,  était  presque  achevé  en 


-  38i  - 

Fortia  a  dit  à  Madame  Goussault  qu'on  désire  les  filles, 
à  condition  qu'elles  vous  seront  soumises  et  changeables. 
Je  vous  renvoie  la  lettre  dont  vous  vous  êtes  méprise, 
et  vous  promets  de  vous  aller  voir  le  plus  tôt  qui  me  sera 
possible.  Je  vous  souhaite  cependant  le  bon  jour  et  suis, 
Mademoiselle,  v.  s. 

V.  D. 
Ce  jour  de  saint  Mathias. 

263.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre    1636  et    1639  ^.] 

Je  suis  bien  aise  de  la  retraite  que  Madame  de  Lian- 
court  désire  faire  chez  vous.  Mademoiselle  Lamy  en  dé- 
sire faire  autarit.  Je  voudrais  qu'elle  s'y  rencontrât  avec 
Madame  la  présidente  Goussault. 

264.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre   1636  et  1639  ^•] 

Madame  la  présidente  Goussault  et  Mademoiselle 
Lamy  s'en  vont  faire  chez  vous  leur  petite  retraite.  Je 

avril  1637.  On  ne  donna  pas  suite  au  projet  d'y  appeler  les  Filles  de 
la  Charité.  Pierre  Camus,  évêque  de  Belley,  y  passa  les  dernières 
années  de  sa  vie  dans  l'exercice  de  la  charité.  Il  légua  ses  biens  à 
l'hôpital  et  y  fut  enseveli  en  1652.  Les  hommes  furent  transférés  en 
1802  au  faubourg  Saint-Martin,  dans  l'ancien  couvent  des  Récollets. 
Les  femmes  elles-mêmes  en  sortirent  en  1870  pour  habiter  le  nouvel 
hospice  des  Incurables  d'Ivry.  L'hôpital,  inoccupé  pendant  huit  ans, 
fut  cédé  à  l'Assistance  publique  et  revécut  sous  le  nom  d'hôpital 
Laënnec.  (Cf.  Félibien,  of.  cit.,  t.  IV,  p.  98  et  suiv.  ;  Lebeuf-Bour- 
non,   of.   cil.,   t.   VI,   p.   255.) 

Lettre   263.    —   Manuscrit   Saint-Paul,  p.    70. 

I.  Dates  de  l'installation  des  sœurs  à  La  Chapelle  et  de  la  mort  de 
Madame  Goussault.  Ce  fut  à  La  Chapelle,  au  dire  de  Gobillon  (of. 
cit.,   p.    78),   que   commencèrent   les   retraites   des   dames. 

Lettre  264.—  Abelly,  of.  cit.,    t.  I,  chap.  xxvi,  p.  121. 
I.    Voir  lettre   263,    note    i. 


—  382  — 

vous  prie  de  les  servir  en  cela,  de  leur  donner  le  dépar- 
tement du  temps  que  je  vous  ai  mis  en  main,  de  leur 
marquer  les  sujets  de  leurs  oraisons,  d'écouter  le  rap- 
port qu'elles  vous  feront  de  leurs  bonnes  pensées,  en 
présence  Tune  de  l'autre,  et  faire  faire  lecture  de  table 
pendant  leur  repas,  au  sortir  duquel  elles  se  pourront 
divertir  d'une  manière  gaie  et  modeste.  Le  sujet  pourra 
être  des  choses  qui  leur  sont  arrivées  pendant  leur  solli- 
tude^,  ou  qu'elles  auront  lues  des  histoires  saintes.  Et 
s'il  fait  beau,  après  le  dîner  elles  se  pourront  promener 
un  peu.  Hors  ces  deux  temps,  elles  observeront  le  silence. 
Il  sera  bon  qu'elles  écrivent  les  principaux  sentiments 
qu'elles  auront  eus  en  l'oraison  et  qu'elles  disposent  leur 
confession  générale  pour  mercredi.  La  lecture  spiri- 
tuelle pourra  être  de  Vlmitation  de  Jésus-Christ  de 
Thomas  à  Kempis,  en  s'arrêtant  un  peu  à  considérer  sur 
chaque  période,  comme  aussi  quelque  chose  de  Grenade 
rapportant  au  sujet  de  leur  méditation.  Elles  pourront 
encore  lire  quelques  chapitres  des  Evangiles.  Mais  il  sera 
bon  que,  le  jour  de  leur  confession  générale,  vous  leur 
donniez  l'oraison  du  Mémorial  de  Grenade,  qui  est  pour 
exciter  à  la  contrition.  Au  reste,  vous  veillerez  à  ce 
qu'elles  ne  se  pressent  pas  trop  âprement  en  ces  exer- 
cices. Je  prie  Notre- Seigneur  qu'il  vous  donne  son  es- 
prit pour  cela. 

265.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre    1636  et   1639  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce    de    Notre-Seigneur    soit    avec    vous  pour 
jamais   ! 

2.    Solitude,   retraite. 

Lettre  265.  —  L.   a.   —  Dossier  de  la  Mission,  original. 
I.  Voir   lettre   263,  note   i. 


-  383  - 

Je  me  crains  que  Madame  la  présidente  Goussault  se 
trouvât  mal  de  coucher  sur  la  rue  -.  Il  me  semble  lui 
avoir  ouï  dire  qu'elle  est  incommodée  quand  cela  arrive  ; 
et  puis  d'ailleurs  il  est  à  craindre  que  ses  parents,  no- 
tamment Madame  sa  mère,  ne  le  trouvât  mauvais. 

Il  n'y  a  rien  qui  presse  pour  votre  retraite.  Il  n'y  a  pas 
long  temps  que  vous  êtes  sortie  de  maladie.  Je  crain- 
drais que  ce  serait  trop  tôt  vous  exposer  à  ce  travail.  Au 
nom  de  Dieu,  Mademoiselle,  allons  doucement. 

Je  me  crains  bien  de  ne  pouvoir  aller  chez  vous,  et  ai 
peine  de  vous  donner  celle  d'avoir  un  carrosse  pour  venir 
ici.  Que  si  pourtant  vous  pouvez  le  dernier  demain  à 
huit  ou  neuf  heures,  vous  serez  la  bienvenue.  Mais,  au 
nom  de  Dieu,  ne  vous  empressez  pas. 

Quant  à  ces  filles,  je  n'entends  pas  bien  ce  que  vous 
m'en  dites.  Nous  en  parlerons  à  la  première  vue,  à  la- 
quelle vous  prendrez  la  peine,  s'il  vous  plaît,  de  nous 
rapporter  le  cordon.  Soyez  cependant  gaie  et  soigneuse 
de  votre  santé,  et  ressouvenez-vous  que  je  suis,  en 
l'amour  de  Xotre-Seigneur  ^,  v.  s. 

V.  D.  P. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

266.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[Entre   1636  et   1642  ^.] 
Mademoiselle, 

Il  me  semble  que  vous  ne  sauriez  commencer  vos  exer- 

2.  Madame  Goussault    faisait   sa   retraite   chez    Louise   de    Marillac. 

3.  Le  saint  avait  d'abord  écrit  :  çue  je  suis,  de  toute  V étendue  de 
mon  affection  ;  puis,  trouvant  sa  phrase  trop  tendre,  il  barra  ces  mots 
et  les  remplaça  par  ceux  qu'on  lit   dans  le  texte. 

Lettre  266.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original. 

I.  Dates  extrêmes  du  séjour  de  Louise  de  Marillac  à  La  Chapelle. 
On  ne  peut  s'empêcher  de  remarquer  que  le  ton  général  de  la  lettre 
étonne  à  une  époque  aussi  tardive. 


—  384  — 

cices  en  un  temps  plus  propre.  Les  religieux  et  les  reli- 
gieuses les  font  pour  la  plupart  à  présent.  Commencez 
donc  demain  lundi,  s'il  vous  plaît.  Trois  demi-quarts 
d'heure  vous  suffiront  par  jour  pour  votre  oraison, 
demi-heure  pour  chaque  oraison,  les  deux  le  matin  à 
huit  et  à  dix  heures  et  demie,  et  l'autre  à  4  heures  ^. 

Bien  volontiers  j'entendrai  votre  confession  à  La  Cha- 
pelle. Pourrez-vous  avoir  un  carrosse  ?  Sinon,  je  tâcherai 
d'aller  à  Saint-Victor  ^  ;  mais  cela  ne  se  fera  pas  sans 
quelque  difficulté  de  ce  lieu-là.  Vous  finirez  samedi  au 
soir,  irez  à  la  messe  tous  les  jours.  Vous  ferez  dire  que 
vous  êtes  empêchée  et  remettrez  ceux  qui  auraient  à  faire 
nécessairement  à  vous,  immédiatement  après  votre  dîner, 
et  couperez  court.  Vous  communierez  jeudi  prochain, 
prendrez  seulement  les  matières  de  l'oraison  que  M.  de 
Genève  *  met  au  commencement  et  à  la  fin  de  son  Intro- 
duction '"  et  les  départirez  en  façon  qu'elles  vous  suffi- 
sent et  les  fassiez  toutes,  et  en  pourrez  faire  quelques- 
unes  deux  fois,  selon  l'attrait  que  Notre-Seigneur  vous 
donnera.  Lisez  le  Nouveau  Testament,  outre  les  autres 
lectures  que  je  vous  ai  proposées.  Ecrivez-moi  tous  les 
deux  jours  sommairement  ce  qui  se  passera  et  votre  dis- 
position du  corps  et  de  l'esprit,  et  tâchez  sur  toutes 
choses  de  ne  vous  pas  empresser  ;  mais  faites  tout  douce- 
ment comme  vous  pouvez  vous  représenter  que  faisait 
le  bon  M.  de  Genève. 

Je  ne  vous  prie  point  de  vous  ressouvenir  de  moi  en 
vos  prières,  pource  que  je  ne  fais  point  de  doute  qu'après 
le  petit  Le  Gras  vous  ne  me  mettiez  au  premier  rang  ; 
non  pas  que  je  le  mérite  ;  mais  la  connaissance  que  vous 


2.  Tel  est  le  texte  de  l'original.  La  phrase  n'a  de  sens  que  si  on  lit 
trois  demi-heures  au   lieu  de  trois  demi-quarts  d'heure. 

3.  Probablement  aux  Bons-Enfants,  rue  Saint- Victor. 

4.  Saint  François  de  Sales. 

5.  Ulntroduction  à  la  vie  dévote. 


-  385  - 

avez  du  besoin  que  j'en  ai,  et  la  charité  que  Notre-Sei- 
gneur  vous  a  donnée  pour  moi,  me  le  fait  espérer. 

Adieu  donc,  Mademoiselle  ;  ménagez-vous  tellement 
en  cette  retraite  que  vous  nous  laissez  le  moyen  de  vous 
en  conseiller  d'autres. 

J'oubliais  à  vous  dire  que  vous  ne  vous  surchargiez 
pas  de  règles  de  pratique,  ains  que  vous  vous  affer- 
missiez bien  à  bien  faire  celles  [que]  vous  avez,  vos  ac- 
tions journalières,  vos  emplois,  bref  que  tout  tourne  à 
bien  faire  ce  que  vous  faites.  N'admettez  point,  non  plus, 
les  pensées  de  singularité  qui  vous  ont  tracassée  d'autre- 
fois ;  c'est  un  change  que  le  malin  esprit  vous  voudrait 
dormer. 

Or  sus,  je  finis  ici,  avec  la  prière  que  je  fais  à  Notre- 
Seigneur  qu'il  soit  lui-même  votre  conduite  en  votre  re- 
traite, et  sa  sainte  Mère  aussi,  et  suis,  en  leur  amour, 
votre  très  humble  serviteur. 

V.  D.  P. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


267.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  dévotion  des  disciples  de  Notre-Seigneur  assem- 
blés pour  prier  pour  la  venue  du  Saint-Esprit  soit  toute 
sensible  à  votre  cœur  pour  jamais  ^  ! 

J'aurais  été  fort  aise  d'entendre  cette  bonne  fille  de 
Saint-Benoit  -  ;  mais  quel  moyen,  attendu  le  voyage 
que  j'ai  à  faire  ?  Assurez-la  que  je  prierai  Dieu  pour  elle, 

et  recommandez-moi  à  ses  oraisons,  si  vous  plaît.  Je  pense 

» ^ 

Lettre   267.   —  L.    a.   —   Dossier   de   la    Mission,  original. 

1.  La   lettre   est  du  dimanche  qui  précède  la   fête  de  la   Pentecôte 

2.  Paroisse   de    Paris. 

25 


-  386  - 

qu'il  sera  bon  que  vous  la  fassiez  entendre  par  un  con- 
fesseur extraordinaire  ;  M.  Lambert  ou  M.  Soufliers  pour- 
ront lui  rendre  ce  service.  Si  vous  le  mandez  audit  sieur 
Lambert,  M.  Pillé  pourrait  entendre  ce  bon  pauvre 
homme  picard,  lorsque  l'un  desdits  sieurs  ira  entendre 
cette  bonne  fille.  Dieu  vous  rende  la  charité  que  vous 
lui  faites   ! 

Isabelle  ^  ferait  bien  à  Saint-Paul.  Mais,  s'il  faut  faire 
entendre  par  ce  bon  prêtre  à  M.  de  Saint-Paul  '^  ce  que 
vous  me  dites,  il  faut  attendre  à  mon  retour.  Aussi  bien 
n'y  a-t-il  rien  qui  presse,  à  ce  qu'il  m'a  dit. 

Je  suis  consolé  de  votre  charité  pour  Marie  ;  mais  ne 
vous  allez  pas  vous  exposer,  s'il  vous  plaît.  La  bonne 
fille  Isabelle  pourrait-elle  pas  bien  faire  ce  qu'il  faut  ? 

Si  les  ordinands  viennent  à  Saint-Lazare,  M.  de  la 
Salle  y  fera  la  leçon  et  sera  bien  empêché  ;  sinon,  il 
pourra  travailler  à  l'établissement  de  la  Charité  à  La 
Chapelle  ;  et,  à  son  défaut,  M.  Lambert  pourra  faire 
l'action,  si  mieux  vous  n'aimez  la  différer  jusques  à  la 
Fête-Dieu.  Gouvernez  et  soyez  bien  gaie.  Assurez-vous 
que  tout  ce  que  vous  m'avez  dit  est  tentation,  et  que  je 
suis  au  dedans  et  au  dehors,  maintenant  et  pour  l'éter- 
nité, en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Mademoiselle,  votre 
très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  dimanche  au  soir,  24  mai  1637. 
Suscri-ption  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
à  La  Chapelle. 


3.  Elisabeth   Martin,   Fille   de  la    Charité. 

4.  Nicolas  Mazure,  chanoine  de  Coutances,  né  dans  le  diocèse 
d'Avranches,  ordonné  prêtre  le  17  avril  1632.  Il  remplaça  son  oncle 
Guillaume  Mazure,  mort  le  12  mars  1633,  comme  curé  de  la  paroisse 
Saint-Paul,  permuta  sa  cure  en  1664  avec  André  Hameau,  docteur  en 
Sorbonne,  contre  l'abbave  de  Saint-Jean-en-Vallée,  du  diocèse  de 
Chartres,  et  mourut  le  25  juin  1685,  doyen  de  la  Faculté  de  théo- 
logie. 


—  387  — 

268.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[Vers   le  24  mai    1637  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Xotre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  viens  d'arriver  et  m'en  vas  partir  pour  Pontoise, 
pour  revenir  demain  au  soir  et  repartir  le  lendemain  pour 
auprès  de  Dourdan  -,  d'où  j  "espère  être  de  retour  jeudi 
ou  vendredi  de  la  semaine  prochaine.  Je  me  recommande 
cependant  à  vos  prières. 

Vous  pouvez  rappeler  Marie  sans  en  rien  dire  aux 
dames.  Il  sera  bon  de  remettre  l'affaire  de  Saint-Paul  ^. 
Je  vous  prie  de  faire  réponse  pour  nous  deux  à  Madame 
Pelletier. 

L'on  m'ôte  la  plume  de  la  main.  Adieu,  Mademoiselle. 
Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


269.  —  A  ANTOINE  COLEE,  SUPERIEUR,  A  TOUL  * 

1637. 

J'ai  su  .que  votre  pain  n'était  pas  bien  fait  ;  je  vous 
prie  de  le  faire  faire  par  quelque  boulanger,  si  vous  en 
trouvez  ;  car  c'est  le  principal  que  d'avoir  du  bon  pain. 

Lettre  268.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette   lettre   semble   devoir  être   rapprochée   de   la   lettre  267. 

2.  Aujourd'hui   chef-lieu   de   canton   en   Seine-et-Oise. 

3.  Paroisse  de  Paris.   Il  s'agit  sans  doute  de  la  Charité. 
Lettre  269.   —  Collet,   of.  cit.,  t.   II,  p.  314,  note. 

I.  Collet  dit,  parlant  de  cette  lettre  :  «  Voici  comme  le  saint 
écrivait  en  1637  à  M.  Barry,  qui  depuis  peu  était  supérieur  de  la 
maison  de  Toul.  »  Or,  en  1637,  M.  Barry,  qui  ne  fut  jamais  supé- 
rieur  dans   cette   ville,   n'était  ni  prêtre   ni  membre   de   la   congréga- 


—  388  — 

Il  sera  bon  aussi  de  varier  quelquefois  les  viandes  "... 
pour  soulager  la  pauvre  nature,  qui  se  dégoûte  de  voir 
toujours  les  mêmes  choses.  Vous  ferez  encore  bien  de  re- 
commander aux  frères  la  netteté  et  la  propreté  tant  de  la 
cuisine  que  du  réfectoire. 


270.  —  A  MADAME  GOUSSAULT 

[25  août  1637  ^] 
Madame, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  viens  de  recevoir  la  vôtre  tout  présentement,  qui 
m'a  consolé  pource  qu'elle  me  fait  voir  l'état  de  votre 
santé  et  celui  de  la  mission,  et  rends  grâces  à  Dieu  de  tous 
les  deux  et  de  ce  que  vous  voulez  ajouter  à  vos  autres 
bonnes  œuvres  celle  de  recevoir  M.  Le  Houx  et  Made- 
moiselle Le  Gras.  Si  celle-ci  est  en  état  de  vous  aller 
voir,  je  pense  qu'il  lui  sera  bien  employé,  et  je  lui  man- 
derai. 

Pour  l'office  de  bailli,  M.  le  prieur  le  désire  pour  un 
sien  neveu,  qui  est  habile  homme  et  de  probité.  Vous 
pouvez  penser  que,  si  la  chose  était  à  notre  seule  dispo- 
sition, que  vous  y  seriez  la  toute  puissante  ^. 

M.  Cuissot  ^  me  met  un  mot  dans  sa  lettre,  qui  me  fait 


tion   de   la    Mission.    La   maison    de    Toul    avait   alors   à   sa    tête   An- 
toine Colée.  Ce  dernier,  né  à  Amiens  le  28  octobre  i6io,  reçu  dans  la 
congrégation   en    1630,    ordonné   prêtre    en    1635,    supérieur   de   la   mai- 
son de  Toul  de  1637  à  1638,  sortit  de  la  compagnie  en  1646. 
2.    Viandes,   aliments. 

Lettre  270.   —  L.   a.  —   Dossier   de  la  Mission,   original. 

1.  Ces  mots  «  Il  est  encore  nouveau  »,  appliqués  à  Gilbert  Cuis- 
sot,  ne  permettent  pas  de  douter  de  l'année. 

2.  Il  s'agit  du  baillage  de  Saint-Lazare.  Suivant  les  termes  du  con- 
trat du  7  janvier  1632,  saint  Vincent  ne  pouvait  donner  l'emploi  de 
bailli  «    qu'en   présence   et   par  avis   et  consentement...   du   prieur   ». 

3.  Gilbert   Cuissot,   né  le  5  novembre   1607,   était   prêtre  depuis  six 


-  389  — 

douter  si  les  missionnaires  se  nourrissent  eux-mêmes. 
Bon  Dieu  !  Madame,  auriez-vous  fait  cette  brèche  à  la 
Mission,  et  M.  [Cuissot]  '■  se  serait-il  laissé  aller  pour  cela? 
Je  lui  écris  et  le  prie  que,  ma  lettre  reçue,  il  commence 
à  faire  le  petit  ordinaire.  Il  est  encore  nouveau  et  je  ne 
lui  parlai  point  devant  son  départ.  J'ai  seul  le  tort  de 
tout  cela. 

Nous  avons  céans  six  ou  sept  personnes  de  malades, 
la  plupart  de  la  dysenterie.  Dites-en  un  mot  au  bon  Dieu, 
s'il  vous  plaît. 

Je  suis,  en  son  amour,  pourvu  que  vous  soyez  bien 
gaie.  Madame,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul 

De  Paris,   ce  jour  saint  Louis. 

Suscription  :  A  Madame  Madame  la  présidente  Gous- 
sault. 


271.  —  L ASCARIS,  GRAND  MAITRE  DE  L'ORDRE  DE  MALTE^ , 
A  SAINT  VINCENT. 
Monsieur, 

On  m'a  donné  avis  que  le  vénérable  bailli  de  Sillery  vous 

ans  quand  il  entra  dans  la  congrégation  de  la  Mission,  le  14  mai  1637. 
Après  avoir  dirigé  1  établissement  de  Luçon,  il  fut  nommé  supé- 
rieur à  La  Rose  (1640- 1644),  puis  au  collège  des  Bons-Enfants  (14  oc- 
tobre 1644-1646),  oii  il  fit  les  vœux  le  11  novembre  1644.  Nous  le 
trouvons  ensuite  au  séminaire  du  Mans  (1646)  et  à  Saint-Lazare 
(ib46-i647).  Le  séminaire  de  Cahors  l'eut  à  sa  tête  de  1647  à  1662,  et 
la  maison  de  Richelieu  de  1662  à  1666.  Il  a  déclaré  par  écrit  que, 
lors  de  l'élection  du  successeur  de  saint  Vincent,  comme  il  hésitait 
à  voter  pour  René  Aimeras,  dont  l'état  de  santé  laissait  beaucoup 
à  désirer,  le  saint  lui  apparut  et  fixa  son  choix.  On  tient  également 
de  lui  qu'en  1662,  exorcisant  une  possédée,  il  arracha  au  démon  de 
précieux  aveux  sur  la  sainteté  du  fondateur  et  la  récompense  réser- 
vée par  Dieu  aux  missionnaires  fidèles  à  leur  vocation.  Il  mourut 
en   i566. 

4.   Texte  du  manuscrit    :  Buissot.   La  rectification  s'impose.   Antoine 
Buissot  était  entré  dans  la  congrégation  de  la  Mission  en  1630. 

Lettre  271.  —  Abelly,  of.  cit.,  1.  I,  chap.  xxxii,   l'e  éd.,  p.  151. 
I.    Paul  Lascaris,   de  la   famille  des  Lascaris,   empereurs  de  Nicée, 


—  390  — 

avait  choisi  four  lui  aider  à  faire  la  visite  des  églises  et  -pa- 
roisses qui  défendent  du  grand  -prieuré,  à  quoi  vous  avez  déjà 
commencé  d^emplo-yer  utilement  vos  soins  et  fatigues^  pour 
Vinstruction  de  ceux  qui  en  avaient  un  extrême  besoin  2  /  ce 
qui  me  convie  à  vous  en  faire  par  ces  lignes  de  bien  affection- 
nés remercieynents  et  à  vous  en  demander  la  continuation, 
puisqu' elle  n'a  autre  objet  que  l'avancemejit  de  la  gloire  de 
Dieu  et  Vhonneur  et  réputation  de  cet  Ordre. 

Je  supplie  de  tout  mon  cœur  la  bonté  de  Dieu  de  vouloir 
récompenser  votre  zèle  et  charité  de  ses  grâces  et  bénédictions 
et  me  donner  le  pouvoir  de  vous  témoigner  combien  je  tn^en 
reconitais  votre... 

Le  grand  maître  Lascaris  de  Malte. 

Le  sept  septembre  lô^y. 


272.  —  A  CHARLES  DE    MONTCHAL,  ARCHEVÊQUE 
DE  TOULOUSE* 

[Septembre   1637  ou  1638'.] 
Monseigneur, 

Je  vous  demande  très  humblement  pardon  si  je  n'ai 
l'honneur  de  vous  voir  cette  après- dinée,  pource  que  j'ai 
donné  parole  à  Monseigneur  l'évêque  de  Grasse^,  à 
M.  de  Bayonne  *  et  à  Monsieur  Pavillon  de  passer  cette 
après-dînée  avec  eux,  quoique  je  sois  en  retraite,  et  à 
M.   le  commandeur    de    Sillery    pour  lui  parler  sur  le 


né  à  Castellar  en  1560,  élu  grand  maître  de  Tordre  de  Malte  en  1636, 
mort  en  1657. 

2.   Ces  visites  furent  accompagnées  de  missions. 

Lettre  272.  —  Original  à  Paris  chez  les  Filles  de  la  Charité  de 
la   rue   de   la    Ville-l'Evêque,    14. 

1.  Un  des  prélats  les  plus  remarquables  du  xvii®  siècle  par  sa 
piété,  son  zèle,  sa  science  et  sa  fermeté  à  soutenir  les  droits  de 
l'Eglise  contre  les   empiétements  de  l'Etat.   Il   mourut   en    1651. 

2.  Cette  lettre  a  été  écrite  après  la  nomination  d'Antoine  Godeau 
à  l'évêché  de  Grasse  et  de  François  Fouquet  à  celui  de  Bayonne, 
avant  la  consécration  de  Nicolas  Pavillon  et  au  mois  où  saint  Vin- 
cent faisait   d'habitude   sa  retraite   annuelle. 

3.  Antoine  Godeau. 

4.  François  Fouquet 


—  391  — 

tard.  Je  suis  honteux,  Monseigneur,  d'être  contraint 
d'en  user  de  la  sorte.  Votre  charité,  qui  n'a  point  de  me- 
sure pour  nous,  si  me  semble,  me  le  pardonnera. 

Je  viens  d'écrire  tout  présentement  à  Monseigneur 
de  Beauvais^  et  je  vous  assure.  Monseigneur,  que  la 
moitié  de  la  lettre  est  pour  le  moins  de  vous  et  de  ce  que 
Notre-Seigneur  fait  par  vous. 

Je  suis,  en  l'amour  du  même  Seigneur,  Monseigneur, 
votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Suscription  :  A  Monseigneur  Monseigneur  l'arche- 
vêque de  Toulouse. 


273.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers  novembre  1637  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   î 

Si  vous  pouvez  donner  quelqu'une  de  vos  filles  à 
l'Hôtel-Dieu  en  la  place  d'Henriette,  je  pense  que  vous 
lui  ferez  charité  non  petite  ;  car  je  ne  pense  pas  qu'à 
moins  d'être  malade,  elle  puisse  souffrir  la  mortification 
de  ce  voyage.  Que  si  vous  n'en  avez  point  pour  suppléer 

5.  Augustin  Potier. 

Lettre  273.    —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Cette  lettre  semble  intimement  unie  à  la  lettre  276,  qui  a  elle- 
même  des  liens  communs  avec  les  lettres  274,  275,  277.  Elles  ont 
été  écrites  au  temps  oii  la  maison-mère  était  à  La  Chapelle  et  du  vi- 
vant de  Madame  Goussault,  c'est-à-dire  entre  1636  et  septembre  1639. 
Comme  la  lettre  275  est  du  i^  novembre  et  que  le  i®""  novembre  1636 
saint  Vincent  n'était  pas  à  Paris,  le  choix  reste  limité  aux  années 
1637  ^t  1638.  En  comparant  les  lettres  272  et  276  avec  la  lettre  278, 
qui  ne  peut  être  de  1638,  on  s'aperçoit  sans  peine  qu'il  faut  les  rap- 
procher et  par  suite  qu'elles  sont  de    1637. 


—  39^  — 

à  son  défaut,  la  volonté  de  Dieu  paraît  qu'il  faut  qu'elle 
attende,  quoi  qui  en  puisse  arriver.  Mais  je  serais  con- 
solé, si  me  semble,  si  elle  pouvait  avoir  cette  consolation. 
Je  vous  prie  m'excuser  de  ce  que  je  nai  pu  voir  vos 
filles.  Je  le  ferai  au  premier  jour.  Vous  ne  me  dites  rien 
de  votre  santé.  Que  si  vous  n'avez  que  ce  que  vous  avez 
eu  d'autrefois,  j'espère  que  cela  vous  profitera  et  vous 
guérira  tout  à  fait.  Je  n'ai  pu,  non  plus,  voir  l'affaire 
de  Madame  de  Liancourt -.  Je  le  ferai  à  ce  soir,  que  je 
vous  souhaite  aussi  bon  que  je  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur,  Mademoiselle,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  Depaul. 
Ce  mardi  au  soir. 

Siiscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


274.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers  novembre   1637  1.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

J'ai  été  fort  aise  d'apprendre  de  vos  nouvelles  et  que 
vous  vous  portez  mieux.  Je  prie  Notre-Seigneur  qu'il 
achève  à  vous  guérir,  et  vous  de  faire  votre  possible  pour 
cela. 

Madame  Mussot  vous  a  dit  vrai  de  la  maîtresse  de 
Jeanne,  mais  non  pas  de  cette  bonne  fille,  qui  était  fort 
aise  de  ce  rencontre.  Je  trouve  bon  néanmoins  que  vous 
donniez  ce  contentement  à  cette  bonne  Madame  Mussot 


2.    Probablement   l'affaire   des   chapelains   de   Liancourt. 

Lettre  274.    —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de   la  Charité,  original. 
I.   Voir  lettre   273,   note    i. 


—  393  — 

touchant  Nicole  et  que  vous  preniez  l'occasion  dès  au- 
jourd'hui de  l'envoyer. 

Mais,  mon  Dieu,  que  dirons-nous  de  cette  pauvre  fille 
rechutée  ?  Rien  certes,  sinon  qu'il  faut  adorer  la  pro- 
vidence tout  aimable  de  Dieu. 

Je  suis,  en  son  amour,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  Depaul. 

Je  pense  que  vous  ferez  bien  d'en  user  en  la  manière 
que  vous  me  mandez  par  votre  lettre. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


275.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[  i"    novembre    1637  1.  ] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  suis  bien  aise  de  ce  que  vous  me  mandez  de  ces 
bonnes  filles  de  Liancourt  et  notamment  de  celle  qui 
sait  faire  de  la  dentelle.  Elle  pourra  apprendre  cela  aux 
pauvres  gens,  qui  servira  d'attrait  pour  les  choses  spiri- 
tuelles. Mandez-les  donc  quand  il  vous  plaira. 

Je  ne  vois  pas  qu'il  soit  besoin  que  Madame  Gous- 
sault  pour  le  présent  soit  avec  vous  quand  vous  parle- 
rez à  Madame  Mussot,  ni  à  cette  pauvre  femme.  Que  si 
l'une  ni  l'autre  ne  profitent  de  ce  que  vous  leur  direz, 
vous  y  pourrez  faire  intervenir  ladite  dame,  si  ce  n'est  que, 
vous  rencontrant  au  logis  de  ladite  dame,  vous  les  en- 
voyassiez quérir  là.  ^lais  ce  sera  beaucoup  différer,  à 
ce  que  je  crains.  Mais,  si  la  douceur  de  votre  esprit  a 


Lettre  275.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.  Voir  lettre  273,   note   i. 


—  394  — 

besoin  d'un  ûlet  de  vinaigre,  empruntez-en  un  peu  de 
l'esprit  de  Notre-Seigneur.  O  Mademoiselle,  qu'il  savait 
bien  trouver  l'aigre-doux,  quand  il  fallait  ! 

Je  suis,  en  son  amour,  Mademoiselle,  votre  très  humble 
serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  jour  de  la  Toussaint  au  soir. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

276.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers   novembre    1637  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seig-neur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  ne  puis  que  vous  répondre  touchant  les  prêtres  de 
Madame  de  Liancourt,  sinon  que  j'estime  qu'elle  n'en 
trouvera  point  pour  le  peu  qu'elle  donne  ;  ou,  si  elle  le 
fait,  ils  la  quitteront  lorsqu'ils  trouveront  mieux,  si  ce 
n'est  que  le  bon  Monsieur  Bourdoise  lui  en  donne  des 
siens  et  qu'il  plaise  à  Dieu  les  conserver  toujours  dans  la 
manière  de  vie  qu'ils  ont  à  présent,  comme  je  l'espère  de 
sa  bonté.  Et  il  faut  que,  pour  perpétuer  la  chose,  le  re- 
venu soit  en  fonds  ;  ou  autrement,  dans  cinquante  ans 
d'ici,  sa  fondation  sera  réduite  à  la  moitié.  Le  prix  des 
choses  double  de  cinquante  en  cinquante  ans  pour  le 
moins. 

Je  pense  qu'il  sera  bon  que  vous  écriviez  encore  une 
fois  à  Madame  Mussot  touchant  cette  bonne  femme,  à 
ce  qu'elle  vous  die  en  quoi  est  la  résolution  de  cet  af- 
faire. Et  pour  Henriette,  j'attends  Monsieur  de  Lamoi- 


Lettre  276.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
1.  Voir  lettre  273,   note   i. 


—  395  — 

gnon  ^  pour  lui  en  parler,  ou  bien  vous  aurez  plus  tôt  fait 
d'écrire  à  Mademoiselle  Desbordes  et  la  prier  qu'elle 
vous  aille  voir  pour  lui  communiquer  un  affaire  que  vous 
faites  difficulté  de  lui  écrire  ;  et  je  pense  qu'il  est  bon 
que  vous  le  fassiez  plus  tôt  que  plus  tard,  tandis  que  le 
prêtre  est  encore  malade. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  vis  hier  M.  votre  ûls,  qui 
me  paraît  plus  tournant  à  l'ecclésiastique.  Je  vous  prie  de 
me  mander  si  vous  lui  avez  dit  ce  que  vous  m'avez 
mandé  touchant   Mademoiselle  Poulaillon. 

Je  suis  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Mademoiselle, 
votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Je  trouvai  hier  au  soir  cette  lettre,  que  je  croyais  vous 
avoir  envoyée  ;  il  y  a  trois  jours  que  je  l'ai  écrite.  Si  je 
le  puis  tantôt,  j'aurai  le  bien  de  vous  voir  à  La  Chapelle. 

277.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Lundi  matin,   aux  Bons-Enfants 
[Vers  novembre    1637  ^.] 
Mademoiselle, 

L'on  me  demande    fort  souvent   des   ecclésiastiques 

2.  Guillaume  de  Lamoignon,  marquis  de  Basville  et  conseiller  au 
Parlement  de  Paris,  homme  d'une  insigne  piété  et  d'un  grand  carac- 
tère, qui  devint  en  1644  maître  des  requêtes  et  en  1658  premier  prési- 
dent au  Parlement  de  Paris.  En  lui  annonçant  sa  nomination  de  pre- 
mier président,  Louis  XIV  lui  dit  :  «  Si  j'avais  connu  un  plus  homme 
de  bien,  un  plus  digne  sujet,  je  l'aurais  choisi.  »  Il  fut  l'ami  et  le 
protecteur  des  gens  de  lettres,  particulièrement  de  Boileau,  qui  lui 
adressa  sa  sixième  épitre  et  écrivit  le  Lutrin  sur  sa  demande.  Il  était 
intimement  lié  avec  saint  Vincent  de  Paul.  Il  recueillit  chez  lui  ceux 
des  missionnaires  qui  tombèrent  malades  à  Etampes  en  secourant  les 
pauvres.  Sa  mère  et  sa  sœur  prirent  une  grande  part  aux  œuvres  du 
saint.  Il  mourut  le  10  décembre  1677.  {Vie  de  M.  le  -premier  prési- 
dent de   Lamoignon,    Paris,    1781,    in-4.) 

Lettre  277.  —  Pémartin,  o-p.  cit.,  t.  II,  p.  28,  lettre  545. 
I.   Voir   lettre   273,   note    i. 


—  396  — 

de  plusieurs  endroits  ;  mais  j'en  connais  peu  que  je 
puisse  bonnement  donner,  notamment  à  Madame  de 
Liancourt,  pour  les  conditions  qu'elle  désire.  Si  M.  Bour- 
doise  ne  lui  en  peut  donner,  je  pense  qu'elle  fera  bien 
d'en  demander  à  Monseigneur  de  Beauvais  ^,  mais  non 
pas,  pour  La  Roche-Guyon  ^,  à  Monseigneur  de  Rouen*. 
Il  y  a  grande  difficulté  d'un  évêque  à  un  autre. 

Je  suis  bien  fâché  de  ce  que  je  ne  vous  ai  pu  dormer 
le  temps  que  vous  désiriez  à  La  Chapelle,  et  de  ce  que  je 
ne  le  pourrai  non  plus,  si  vous  venez  mercredi  à  Paris, 
à  la  chambre  de  vos  filles  de  Saint-Nicolas.  Je  pars  ce 
matin  pour  aller  voir  Madame  la  présidente  de  Herse 
indisposée,  qui  se  plaint  de  moi,  à  douze  lieues  d'ici,  et 
ne  reviendrai  peut-être  de  quatre  ou  cinq  jours.  Au  re- 
tour, vous  pourrez  faire  quelque  tour  en  cette  ville,  ou 
j'irai  à  La  Chapelle. 

Je  me  recommande  cependant  à  vos  prières  et  suis,  en 
l'amour    de    Notre-Seigneur,    Mademoiselle,   votre... 

Je  loue  Dieu  de  ce  que  vous  êtes  quitte  à  si  bon  marché 
de  ce  grand  embarras  ;  je  vous  prie  de  vous  ménager 
pour  Dieu. 


278.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers    novembre    1637  ^.] 
Mademoiselle, 


jamais  ! 


La    grâce    de    Notre-Seigneur    soit    avec  vous  pour 

nais  ! 

Monsieur  du   Coudray   n'avait   rien   à   vous   dire   de 

2.  Augustin   Potier. 

3.  Le   duc   de   Liancourt   était   seigneur   de   la   terre   de   La   Roche- 
Guyon    (Seine-et-Oise),  qui   fut  érigée  en  duché-pairie  en   1643. 

4.  François  de  Harlay. 

Lettre  278.   —  L.  a.   —  Dossier  des   Filles  de  la  Charité,   original. 
I.  Voir    lettre    273,    note    i.    François    du    Coudray    et    Benoît  Bécu, 


—  397  — 

Monsieur  votre  ûls,  non  plus  que  moi,  si  ce  n'est  de  sa- 
voir s'il  agrée  son  séjour  aux  Bons-Enfants,  pource  que 
la  chambre  à  feu  de  dessus  la  porte  est  vide  et  que 
l'hôtesse  m'a  fait  demander  si  nous  la  prendrions  pour 
lui.  Et  ce  que  je  vous  dis,  c'est  simplement  ;  mandez - 
moi  donc  votre  volonté.  M.  du  Coudray  n'avait  pas 
charge  de  vous  en  parler,  non  plus  que  d'autre  chose  de 
lui  ;  et  assurez-vous  que  nous  n'avons  aucune  peine  de 
lui  et  que  j'en  aurais  s'il  n'agréait  pas  sa  demeure  et 
qu'il  en  changeât,  si  ce  n'était  en  mieux,  que  je  ne  crois 
pas,  si  me  semble. 

Une  ûlle  aveugle  d'Argenteuil  -,  qui  gouverne  la  Cha- 
rité de  ce  lieu-là,  me  vint  trouver  avec  une  cousine  de 
Barbe  de  Saint-Leu,  et  me  pressa  pour  consentir  qu'elle  ^ 
entrât  aux  religieuses  qui  sont  depuis  peu  en  ce  lieu- 
là  *,  mais  je  tins  ferme  contre.  Elle  a  passé  néanmoins 
par  dessus.  C'est  son  voyage  aux  noces  de  son  frère  qui 
a  fait  le  coup.  Béni  soit  Dieu  !  Il  faut  agréer  l'ordre 
de  sa  providence  et  prier  pour  cette  bonne  allé,  à  ce 
qu'il  plaise  à  Dieu  lui  donner  la  persévérance  et  aviser 
qui  c'est  que  vous  lui  baillerez. 

Il  me  semble  voirement  que  vous  ferez  bien  de  bailler 
Marie  ^,  de  Saint-Paul,  à  Saint-Germain  ^.  Je  n'estime 
pas  qu'il  faille  mettre  Nicole,  de  Saint- Sauveur,  en  pas 
un  lieu  de  long  temps.  Mais  qui  aurez-vous  pour  Saint- 
Leu,  si  Henriette  s'en  va  aller  à  Vil  1ers  \  comme  vous 
me  dites  et  elle  me  le  demanda  hier  ? 


dont  il   est   question  dans  cette    lettre,    furent   placés   en  janvier    1638, 
le  premier  à  Toul,   le  second  à  Richelieu. 

2.  Localité  de   Seine-et-Oise. 

3.  Barbe,   de   la   paroisse   Saint-Leu   à   Paris. 

4.  Il  s'agit  du  couvent  des  Bernardines,  fondé  en  1635  P^^  Denis 
Desnault,  aumônier  de  la  reine  Anne  d'Autriche  et  seigneur  de  Ro- 
biolles. 

5.  Peut-être   Marie  Joly. 

6.  Saint-Germain-l'Auxerrois. 

7.  Villers-sous-Saint-Leu. 


-  398  — 

J'enverrai  aujourd'hui  M.  Benoit  ^  voir  sa  bonne  sœur  '\ 
que  je  salue  de  tout  mon  cœur.  Je  suis  un  peu  en  peine 
de  cette  bonne  ûlle  et  de  la  pauvre  Madame  Goussault, 
laquelle  je  vis  hier  au  soir  avec  sa  âèvre  continue  et 
avec  oppression  d'estomac.  Elle  était  pourtant  un  peu 
mieux  que  le  jour  auparavant  ;  mais  l'on  dit  qu'elle 
change  souvent  d'état.  L'on  la  devait  saigner  dans  demi- 
heure.  Je  ne  vous  dis  point  que  vous  l'offriez  à  Dieu  ; 
je  m'assure  que  vous  n'y  manquez  pas.  Je  lui  dis  que 
votre  indisposition  vous  tenait  au  lit.  Je  vous  prie  de  le 
garder  encore  et  de  ne  point  penser  à  l'aller  voir. 

Je  ne  me  mets  point  en  peine  de  vous,  par  la  grâce  de 
Dieu.  Je  pensais  vous  aller  voir  hier  ;  mais  je  fus  accablé 
de  monde,  et  fallut  que  je  m'excusasse  à  deux  dames 
d'aller  à  La  Chapelle.  Je  serai  pourtant  bien  aise  de  sa- 
voir votre  état  présent.  Le  mien  est  mieux,  Dieu  merci, 
et  me  propose  d'aller  aux  champs,  selon  votre  avis  ; 
notre  assemblée  de  mardi  et  la  retraite  de  M.  de  la  Mar- 
guerie  "  m'en  ont  empêché  jusques  à  présent.  M'avez- 
vous  mandé  que  vous  désiriez  que  je  vous  visse  aupara- 
vant  ? 

Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Vous  ne  pourriez  aller  à  la  messe  aujourd'hui  sans 
vous  faire  plus  malade  ;  entendez-la  de  votre  lit,  s'il 
voiis  plaît,  ainsi  que  Vlntroduction  à  la  vie  dévote  l'en- 
seigne, et  cela  doucement,  sans  contention.  N'est-ce  pas 
chez  vous  que  Marie  Bécu  est  malade  ? 

Siiscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


8.  Benoît   Bécu. 

9.  Marie   Bécu,  Fille   de  la   Charité. 

10.  Elie  Laisné,   sieur  de  la   Marguerie. 


—  399  — 

279.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers    novembre    1637  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Ne  me  faites  point  des  excuses,  je  vous  en  prie,  de 
ce  que  vous  avez  envoyé  M.  votre  fils  au  collège  -  ;  vous 
avez  tout  pouvoir.  Je  le  reçois  à  grâce  de  Dieu  ;  et,  au 
cas  qu'il  soit  besoin,  envoyez-le  céans,  s'il  vous  plaît. 
Tout  est  à  vous  et  à  lui.  Je  suis  bien  aise  de  lui  voir 
l'appréhension  de  perdre  ses  leçons   ;  voilà  qui  va  bien. 

Je  vis  hier  M.  Holden  ;  nous  parlâmes  un  peu  de 
l'esprit  du  martyre  ;  mais  la  première  fois  ^  ce  sera  de 
celui  de  la  charité,  qui  est  tant  nécessaire  à  un  esprit 
apostolique. 

Si  la  sœur  du  frère  Jeaji*  est  propre,  je  pense  que  le 
pauvre  garçon  l'estimera  bienheureuse  qu'elle  soit  de  la 
Charité  ;  je  lui  en  parlerai  et  à  vos  filles  demain  l'après- 
dînée  céans  ;  il  me  serait  difficile  d'aller  ailleurs. 

Si  Barbe  veut  aller  en  religion  ;  mettez-lui-en  le  mar- 
ché en  main  tout  doucement,  s'il  vous  plaît  ;  elle  en  sera 
bientôt  lasse,  ou  la  religion  d'elle. 

Et  pour  cette  autre  fille  de  l'Hôtel-Dieu,  il  vaut  mieux 
s'en  défaire  plus  tôt  que  plus  tard  ;  ou  plus  vous  atten- 
drez, la  sortie  fera  plus  d'éclat.  Sachez  bien  au  vrai  ce 
qui  en  est  et  faites  entendre  aux  autres  qu  elle  n'est  pas 
pour   demeurer,  qu'elle  a  été  bien  aise  de  se  mettre  à 


Lettre  279.  —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  peu  après  la  lettre  278. 

2.  Au  collège  des  Bons-Enfants. 

3.  La  -première  fois,   la  prochaine   fois. 

4.  Plusieurs  frères  coadjuteurs  portaient  ce  petit  nom.  Le  saint  a 
peut-être  en  vue  Jean  Jourdain  ou  Jean  Houlie,  beau-frère  de  Jean 
Bécu. 


—  400  — 

couvert  quelque  temps  pour  entrer  en  religion.  Et  si 
Barbe  persévère,  qu'elle  remercie  sa  cousine  et  qu'elle  lui 
die,  comme  elle  vous  a  dit,  qu'elle  s'est  donnée  à  Dieu 
en  la  personne  des  pauvres  ^.  Je  n'ai  pu  parler  à  Barbe  ; 
je  suis  trop  embarrassé. 

Je  suis  bien  aise  du  mémoire  et  le  suivrai.  Je  ferai 
venir  les  filles  de  Saint-Laurent. 

Je  pense  que  le  grand  voyage  est  entièrement  différé  ; 
j'en  ferai  un  petit  de  quatre  ou  cinq  jours  seulement, 
dans  deux  ou  trois  jours  d'ici,  si  Notre-Seigneur  l'a 
agréable. 

Je  suis,  en  son  amour,  Mademoiselle,  votre  serviteur. 

V.  D. 
Suscri-ption  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

280.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers  novembre   1637  ^.1 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

J'ai  une  assignation  d'importance  aujourd'hui,  sur  ^es 
trois  heures,  à  une  assemblée  qui  pourra  durer  jusques  à 
la  nuit.  Je  m'en  vas  passer  cependant  chez  Madame 
Goussault,  que  je  n'ai  point  vue  il  y  a  trois  jours.  Sa 
fièvre  n'est  pas  si  forte  aujourd'hui  ;  on  l'a  néanmoins 
saignée  ce  matin.  C'est  une  double-tierce,  dont  le  jour 
plus  fâcheux  est  aujourd'hui. 

J'ai  de  la  peine  de  ce  que  je  ne  puis  aller  voir  la 
bonne  fille  Marie  -.  Ce  sera  demain.  Dieu  aidant.  Je  la 

5.   Voir  la  lettre  278. 

Lettre  280.  —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.   Cette  lettre  a  suivi  de  près  la  lettre  278. 
2    Marie  Bécu. 


—  4-01  — 

salue  cependant   par   M.   son  frère  ^  que  je   lui  envoie. 

J'ai  eu  peur  que,  retournant  chez  Madame  Goussault, 
vous  ne  retombassiez  comme  vous  avez  fait  à  la  pre- 
mière visite.  Fortiûez-vous  ;  vous  en  avez  besoin,  ou,  quoi 
que  ce  soit,  le  public. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

281.  —  L'ABBÉ  DE  SAINT -CYR AN  "^  A  SAINT  VINCENT 

De  Dissay.  ce  20  novembre  i6s7- 
Monsieur, 

Depuis  la  dernière  fois  que  j'eus  l'honneur  de  vous  voir,  j'ai 
toujours  été  malade  un  m,ois  durant^  d'ufie  impression  mali- 
gne que  m^ avait  faite,  comme  je  crois,  une  personne  mourante 

3.  Benoît  Bécu. 

Lettre  281.  —  Les  reliques  de  Id.  es  sire  Jean  du  Verget  de  Hau- 
ranne,  abbé  de  Saint-Cyran,  par  François  Pinthereau,  Louvain, 
1646,   in-8,   p.   347   et   suiv. 

I.  Jean  du  Verger  de  Hauranne,  abbé  de  Saint-Cyran,  né  à  Bayonne 
en  1581.  L'abbé  de  Saint-Cyran  avait  fait  la  connaissance  de  saint 
Vincent  à  Paris  vers  1622  et  n'avait  pas  tardé  à  se  lier  d'amitié  avec 
lui.  Au  dire  de  Barcos,  son  neveu,  il  aurait  rendu  au  saint  des  ser- 
vices signalés  ;  la  congrégation  de  la  Mission  lui  serait  redevable, 
dans  une  certaine  mesure,  de  la  possession  du  collège  des  Bons-En- 
fants et  de  Saint-Lazare  {Défense  de  feu  'M..  Vincent  de  Paul,  p.  11), 
ainsi  que  de  la  bulle  d'approbation  obtenue  en  cour  de  Rome.  Ce  qui 
est  sûr,  c'est  que  les  entrevues,  assez  fréquentes  au  temps  où  le  saint 
habitait  les  Boiis-Enfants,  devinrent  plus  rares  après  1632  et  cessèrent 
presque  à  partir  de  1634.  Le  motif  se  devine.  Tant  que  le  saint  garda 
quelque  espoir  de  ramener  Saint-Cyran  aux  idées  traditionnelles  de 
l'Eglise,  il  consentit  à  entendre  des  propos  qui  blessaient  ses  senti- 
ments les  plus  intimes  ;  mais  quand  il  eut  la  conviction  que  cet  esprit 
si  profondément  altéré  ne  se  rendrait  ni  à  ses  instances  ni  à  ses  rai- 
sonnements, il  préféra  espacer  ses  visites.  Au  mois  d'août  1637,  pres- 
que à  la  veille  du  l'our  où  l'abbé  de  Saint-Cyran  devait  partir  pour 
le  Poitou,  saint  Vincent  alla  le  voir  chez  lui,  le  supplia  de  renoncer 
à  quatre  erreurs  qu'on  lui  attribuait,  et  devant  l'émotion  que  provo- 
quaient ses  paroles,  il  s'excusa  doucement  et  le  pria  de  vouloir  bien 
accepter  un  cheyal  pour  le  voyage.  L'abbé  ne  se  justifia  que  le  20  no- 
vembre  1637  par  la   lettre   ci-dessus.    Quelques  mois  après,   le   15  mai 

26 


—  402  — 

que  j'assistai  le  long  d'une  nuit  2.  Ne  sachant  pas  à  quoi  mon 
mal  se  terminerait^  que  je  -portais  sans  me  tenir  dans  le  lit, 
j'ai  eu  diverses  pensées^  au  cas  qu'il  plût  à  Dieu  de  me  me- 
ner à  la  veille  de  ma  tnort,  et  parce  que  j'avais  lors  en  Ves- 
prit  les  derniers  discours  que  vous  avez  eus  avec  moi,  je  son- 
geais à  vous  faire  savoir  par  écrit  que^  par  la  grâce  de  Dieu^ 
je  n'avais  mon  cœur  Jiullement  chargé  de  ces  quatre  choses  que 
vous  me  vîntes  dire  chez  m.oi,  et  que  j'eti  avais  d'autres  en 
l'âtne,  que  vous  ignorez  ^ ,  pour  lesqtielles  j'ai  sujet  de  craindra 
les  jugements  de  Dieu,  qui  reçoivent  quelque  sorte  d'allége- 
ment à  l'accusation  de  ces  vérités  catholiques,  qui  passaient 
pour  mensonges  et  faussetés  parini  ceux  qui  aimaient  mieux  la 
lueur  et  l'éclat  que  la  lumière  et  la  vérité  de  la  vertu.  La  dis- 
position d'humilité  que  vous  avez  au  fond  du  cœur  pour  croire 
ce  que  V on  vous  ferait  voir  dans  les  livres  saints,  me  fait  assez 
connaître  qu'il  n'y  avait  rien  de  plus  facile  que  de  vous  faire 
co7isentir,  par  le  témoignage  inéme  de  vos  yeux,  à  ce  que  vous 
détestez  maintenant  comme  des  erreurs.  Mais  quand  je  vous 
ouis,  dans  la  suite  de  votre  fraternelle  admonition^  trouver 
mauvais,  et  quand  ajouter  cette  cinquième  correction  aux  au- 
tres quatre^  de  ce  qu'autrefois  je  vous  avais  dit  en  particu- 
lier que  j'avais  envie  de  vous  faire  rendre  un  bon  office  et  à 


1638,  Saint-Cyran  était  arrêté  et  enfermé  au  château  de  Vincennes. 
Parrni  les  papiers  trouvés  chez  lui  se  trouvait  une  copie  de  la  lettre 
du  20  novembre.  Dans  son  désir  d'accumuler  les  charges  contre  son 
prisonnier,  Richelieu  ne  pouvait  négliger  d'entendre  un  témoin 
aussi  bien  renseigné  que  l'était  saint  Vincent.  Il  le  fit  convoquer  de- 
vant M.  de  Laubardemont,  maître  des  requêtes  ;  puis,  sur  son  refus 
de  répondre  à  un  juge  laïque,  il  l'interrogea  lui-même.  Les  jansé- 
nistes ont  prétendu  que  le  saint  comparut  enfin  devant  Lescot,  con- 
fesseur du  cardinal,  et  ils  ont  publié  un  compte  rendu  de  sa  dépo- 
sition, écrite,  disent-ils,  de  sa  main.  Ce  document,  que  nous 
croyons  authentique,  est  certainement  altéré  ou  incomplet.  L'em- 
prisonnement de  Saint-Cyran  était  l'œuvre  personnelle  de  Richelieu. 
Dès  que  le  cardinal  fut  mort,  Louis  XIII  permit  au  prisonnier  de 
communiquer  avec  les  personnes  du  dehors.  Cette  mesure  de  clémence 
fut  bientôt  suivie  d'une  seconde  :  le  16  février  1643,  Saint-Cyran 
fut  remis  en  liberté.  Il  ne  jouit  pas  longtemps  de  la  faveur  royale  ; 
une  attaque  d'apoplexie  l'enleva  le  11  octobre  1643.  On  a  dit,  s'ap- 
puyant  sur  une  phrase  équivoque  de  Barcos,  que  Vincent  de  Paul 
assista  à  ses  funérailles.  Le  fait  est  inexact,  et  Barcos  lui-même  a 
déclaré  qu'on  l'avait  mal  compris.  (Cf.  notre  étude  sur  les  Raf ports 
de  Saint  Vincent  de  Paul  avec  Vabbé  de  Saint-Cyran,  Toulouse, 
1914,   in-8.) 

2.  Madame    d'Andilly.     (Interrogatoire   de    l'abbé    de    Saint-Cyran, 
question  9.) 

3.  Ses   péchés.    (Interrogatoire,   question    12.) 


—  403  — 

toute  votre  maison,  je  jugeai  que  ce  n'était  fas  le  temps  de  se 
défendre  et  de  vous  éclaircir  -par  des  preuves  même  sensibles  et 
artificielles,  de  ces  choses  que  vous  trouvez  mauvaises  jusques 
à  les  condamner  hardiment  sans  les  entendre.  Cela  fut  cause 
que  je  me  tins  cotnme  sur  une , pente ^  dans  la  grande  passion 
et  agitation  que  je  tne  sentais  avoir  de  vous  parler  et  de  vous 
faire  voir  la  fausseté  des  choses  que  vous  me  reproches,  plu- 
tôt pour  vous  excuser  de  m'avoir  abandonné  au  temps  d'une 
persécution,  comme  un  criminel,  que  pour  aucune  mauvaise 
opinion  que  vous  eussiez  de  7noi.  J'ai  facilement  supporté  cela 
d'un  hotnine  qui  rn'avait  honoré  dès  longtemps  de  son  amitié 
et  qui  était  dans  Paris  en  créance  d'un  parfaitement  homme  de 
bien,  laquelle  on  ne  pouvait  entamer  sans  blesser  la  charité.  Il 
m'est  seulement  resté  cette  admiration  dans  Vâme,  que  vous, 
qui  faites  profession  d^étre  si  dotix  et  si  retenu  partout^  ayez 
pris  sujet  d'un  soulèvement  qui  s'est  fait  contre  moi  par  une 
triple  cabale  *  et  pour  des  intérêts  assez  connus,  de  me  dire  des 
choses  que  vous  n'eussiez  osé  penser  auparavant,  et  qu  ainsi,  au 
lieu  que  je  devais  attendre  d^  la  consolation  de  vous,  vous 
ayez  pris  de  là  une  hardiesse  extraordinaire ,  contre  votre  in- 
clination et  coutume,  de  vous  joindre  aux  autres  pour  m' acca- 
bler,  ajoutant  cela  de  plus  aux  excès  des  autres,  que  vous  avez 
entrepris  de  me  le  venir  dire  à  moi-même  dans  mon  propre 
logis,  ce  que  nul  des  autres  riavait  osé  faire. 

J'ai  cru  que  je  manquerais  à  la  franchise  de  l'amitié  et 
même  à  la  charité  de  VEvangile,  si,  après  avoir  laissé  passer 
le  temps  nécessaire  pour  évaporer  la  chaleur  qui  in  était  mon- 
tée à  la  tête,  je  ne  vous  faisais  à  vous  seul  cette  plainte,  du 
dedans  de  la  maison  d'un  excellent  évêque  ^ ,  dont  je  vous  écris  ®, 
et  qui  rendra  des  témoignages  tout  autres  de  moi,  s^il  est  be- 
soin, à  toute  l'Italie,  où  il  est  connu,  sans  parler  de  la  France, 
où,  par  la  grâce  de  Dieu,  je  n'en  ai  pas  besoin  j  car,  quand  la 
faction  ne  sera  plus  et  que  les  intérêts  grossiers,  sources  des 
passions  et  des  discours  qiCon  a  tenus  de  moi,  seront  passés, 
je  demeurerai  de  ce  côtc-là  aussi  net  et  irréprochable  devant  les 
hommes,  comme  je  le  prétends  être  devant  Dieu,  qui,  étant  la 
vérité  essentielle ^  a  une  particulière  opposition  à  toute  sorte 
dHgnorance  et  de  fausseté  qui  en  procède    :   ce  que  Madame 


4.  L'abbé  de  Prières,  Sébastien  Zamet,  évêque  de  Langres,  et  les 
Pères  jésuites,  auxquels  s'unirent  quelques  Oratoriens.  (Interroga- 
toire,   question   91.) 

5.  Henri-Louis    Chasteigner  de  la   Rocheposay,   évêque   de  Poitiers. 

6.  Saint-Cyran  écrivait  sa  lettre  de  Dissay,  commune  de  la  Vien- 
ne, près  de  Poitiers.  Louis  Chasteigner  avait  une  maison  de  cam- 
pagne dans  cette  localité. 


—  404  — 

la  duchesse  de  Longueville  '' ,  qii on  avait  suscitée  contre  7noi, 
tne  donne  stijet  de  dire,  sans  me  -flatter  -par  la  réfaration  co- 
■pieuse  quelle  m'en  a  faite,  un  mois  avant  sa  mort  devant  une 
personne  de  nom  qui  en  gouverne  plusieurs  autres  qui  ne  vous 
sont  pas  inconmies  ;  et  après  file,  Monseigneur  le  cardinal  de 
La  Valette,  qui,  ayant  été  informé  par  le  menu  de  ces  accusa- 
tions, s'en  est  moqué  et  a  rendu,  sans  que  je  tn'en  sois  mêlé, 
un  témoignage  de  moi  et  de  ce  quon  in'impute  si  avantageux 
que  f  aurais  honte  de  le  dire.  J'aime  mieux  vous  désigner  un  de 
vos  amis  à  qui  il  l'a  dit,  quand  vous  aurez  envie  de  le  savoir  ; 
et  fose  vous  dire  qu'il  ri  y  a  aucun  de  ces  Messieurs  les  prélats 
qui  hantent  chez  vous,  avec  qui  je  ne  demeure  Raccord  et  à  qui 
je  ne  fasse  passer  et  autoriser  de  leurs  suffrages  toutes  mes 
opinions,  quand  il  me  plaira  de  leur  en  parler  à  loisir  ;  car 
étant  lujnineux  comme  ils  sont  et  la  vraie  source,  par  leurs 
prédécesseurs,  de  toute  la  disciplijie  qu'il  faut  garder  envers 
les  âmes,  tant  s'en  faut  qu'ils  s'y  opposent,  qu'au  contraire  ils 
en  seront  ravis  et  me  remercieront.  Ce  que  je  vous  dis  seule- 
ment pour  vous  faire  savoir  avec  quelle  sûreté  je  parle  sans 
que  j'aie  aucun  dessein  de  vous  troubler  dans  l'honneur  qu'ils 
vous  rendent  et  dans  le  repos  dont  vous  jouisses  dans  leur  en- 
tretien et  conversation.  Car,  pour  le  regard  de  votre  maison, 
vous  avez  cru  rendre  un  bon  office  Savoir  ejnpcché  celui  que 
je  lui  voulais  rendre.  Tant  s'en  faut  que  j'en  sois  fâché,  que  je 
vous  remercie  affectueusement  de  m'avoir  délivré  de  cette 
peine,  sans  peut-être  avoir  diminué  pour  cela  le  gré  que  Dieu 
me  saura  de  la  bonne  volonté  qu'il  m'avait  donnée  de  vous  ser- 
vir autant  dans  le  spirituel  que  dans  le  temporel,  encore  que 
vous  savez  bien  que  je  l'ai  fait  sans  m' être  mêlé  dans  les  com- 
mencements  par  lesquels  vous  vous  êtes  établi  dans  les  lieux 
où  vous  êtes,  auxquels  je  n  aurais  voulu  pour  rien  du  monde 
prendre  aucune  part  ^.  Ce  qui  vous  devait,  plus  que  toute 
autre  chose,  faire  connaître  combien  je  suis  peu  attaché  à 
mon  sens  et  disposé  à  baisser  avec  mes  a^nis,  contre  le  juge- 
ment de  ma  conscience ^  qui  ne  me  pertnettrait  jamais  de  faire 
de  telles  choses.  Je  les  ai  soutenues  par  une  contestation  pu- 
blique, jusqu'à  faire  changer  d'avis,  par  force  de  raisons  et 
d'importunités,  celui  à  qui  vous  ejt  avez  toute  l'obligation  ^.  Je 

7.  Louise  de  Bourbon,  sœur  du  dernier  comte  de  Soissons,  épouse 
de  Henri  II,  duc  de  Longueville,  grande  amie  de  Port-Royal,  morte 
le  9  septembre  1637. 

8.  A  Saint-Lazare.  Ce  n'est  pas  que  l'établissement  de  saint  Vin- 
cent à  Saint-Lazare  répugnât  à  Saint-Cyran,  mais  il  avait  pour  prin- 
cipe de  ne  pas  s'occuper  des  affaires  temporelles  des  autres.  (Inter- 
rogatoire,   questions   37   et    108.) 

g.   Jérôme  Bignon,  avocat  général. 


—  405  — 

ne  Vallègue  que  'par  nécessité  et  en  cette  seule  rencontre^  -pour 
vous  faire  ressouvenir  de  ma  condescendance  et  vous  faire  ra- 
battre de  l'opinion  que  les  autres  vous  ont  donnée  de  ma  rai- 
deur et  sévérité.  Car  fose  bien  dire  que  je  mérite  si  peu  cette 
réputation,  au  jugement  de  ceux  qui  me  connaissent  et  de  la 
vérité,  que  si  je  proposais  à  ce  tnême  personnage  et  à  son  col- 
lègue les  quatre  ou  cinq  reproches  que  vous  m  avez  faits,   ils 
s'en  riraient  et  ils  apaiseraient  ainsi,  sans  mot  dire,   toute  la 
colère  que  j'en  aurais  eue.  J'ai  grand  sujet.  Monsieur,  de  vous 
le  pardonner  et  de  vous  dire  en  mon  cœur  une  partie  des  pa- 
roles que  le  Fils  de  Dieu  dit  à  ceux  qui  le  maltraitaient.  J'es- 
père, et  je  le  dis  avec  confiance,  que  ce  7ie  sera  pas  cela  qui  me 
fera  rougir  devant  son  jugement,  et  qu'au  contraire  j'en  attends 
quelque  faveur  de  sa  miséricorde,  si  je  persiste  à  maitttenir  et 
adorer  dans  mon  cœur  ce  que  la  succession  de  la  doctrine  apos- 
tolique,  par  laquelle  nous  minons  les  hérétiques  et  sans   la- 
quelle VEglise  ne  peut  subsister ^  nia  appris,  par  Vorgane  de 
la  même  Eglise  universelle  et  catholique ^  depuis  2^  ou  30  ans. 
Je  vous  prie  d'agréer  que  le  plus  tôt  que  j'ai  pu  et  en  suite 
d'une  douloureuse  infirmité  qui  nia  pris  à  Cléry  i"  et  qui  me 
dure  encore,  je  vous  aie  dit  ce  que  f avais  sur  le  cœur,  afin  de 
vous  traiter  en  ami  et  en  chrétien,   et  ne  laisser  rien  d''amer 
dans  le  fond  de  Vâ)ne  qui  pût  altérer  tant  soit  peu  Vamitié,  la- 
quelle je  vous  veux  conserver  jusques  à  la  fin  de  ma  vie.   Je 
vous  en  ai  rendu  un  témoignage^  depuis  ce  sensible  déplaisir, 
par  la  lettre  que  j'ai  écrite  à  Monseigneur  Vévêque  de  Poitiers^ 
et  je  vous  eti  eusse  rendu  un  plus  grand,  si  je  me  fusse  senti 
approcher  de  la  mort,  en  vous  dressant  des  articles  sur  des  cho- 
ses que  je  trouve  à  dire  dans  votre  Inst'itut,  afin  de  vous  faire 
voir    pour  le  moins  après  ma  mort,  les  causes  que  j'avais  en 
cela  de  vous  offrir  mon  service,  lequel  vous  avez  si  peu  es- 
timé que  vous  avez  pris  la  simple  proposition  que  je  vous  en 
ai  faite,  pour  une  preuve  de  la  vérité  des  quatre  choses  dont 
vous  m'avez  accusé.  Moyennant  que  Dieji  ne  m'en  accuse  pas, 
j'en  suis  trop  heureux,  et  qu'il  accepte  comme  sienne  la  charité 
avec  laquelle  je  prétendais  vous  ôter  de    certaines    pratiques 
que  j'ai  toujours  tolérées  en  votre  discipline ^  voyant  l'attache 
que  vous  y  aviez,   avec  une  résolution  d'autant  plus  forte  de 
vous  y  tenir  qu'elle  était  autorisée  par  l'avis  de  grands  per- 
sonnages que  vous  consultiez  ^^.   Je   n'ai  garde  après  cela   de 
dire  la  pensée  que  j'en  avais^   que  Dieu,  à  mon  avis,   ne  les 
agrée  point.    Car  il  n'y  a  qùune  véritable  simplicité  dans  la- 


10.  Canton  du  Loiret. 

11.  Saint-Cyran   n'entend   parler   ici   que   d'André   Duval.    (Interro- 
gatoire,   question    119.) 


—  4o6  — 

quelle  on  les  -peut  faire^  qui  est  flus  rare  que  la  grâce  com- 
mune des  chrétiens,  et  si  rare  que  f  oserais  bien  aire  délie  ce 
qu'un  bienheureux  de  notre  tetn-ps  ^-  a  dit  des  directeurs  des 
âmes  de  ce  temfs^  que  de  dix  mille  qui  en  font  froiession,  à 
■peine  y  en  a-t-il  un  à  choisir  qui  les  puisse  rendre  excusables 
devant  Dieu,  p aurai  néa^imoins  la  patience  qu'il  a  lui-même 
de  voîis  laisser  faire,  et  demeurerai  dans  la  mé^ne  volonté  que 
je  vous  ai  témoignée  de  vous  y  servir  par  condescendance^  si 
je  ne  le  puis  par  une  entière  approbation^  laissant  à  part  la 
qualité  de  maître^  pour  prendre  celle  de  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur  i^... 


282.  —  A  MONSIEUR  BELIN 

21  novembre  1637. 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Germaine  m'a  écrit  la  difficulté  qu'elle  a  de  retourner 
à  son  confesseur  ordinaire.  Je  lui  ai  conseillé  d'en  chan- 
ger. Mon  Dieu,  Monsieur,  que  je  vous  plains  !  Oh  bien  ! 
Notre-Seigneur  vous  récompensera  de  tout  ce  que  vous 
souffrez  et  supportez  à  l'entour  d'elle. 

J'ai  retenu  pour  7  ou  8  jours  l'un  des  deux  garçons 
qui  m'ont  apporté  sa  lettre.  Je  ferai  ce  que  je  pourrai 
pour  lui  faire  trouver  un  maître  ;  sinon,  je  le  renverrai. 
Je  vous  prie  me  mander  quel  garçon  c'est,  s'il  y  a  sujet 
d'espérer  qu'il  fasse  bien,  et  cela  au  plus  tôt. 

Je  suis  en  peine  des  deux  écus  que  je  vous  dois  ;  mais 
ne  vous  en  dois-je  point  davantage  ?  Je  n'ai  osé  les  bail- 


12.  Saint  François  de  Sales. 

13.  Saint  Vincent  ne  répondit  pas  à  la  lettre  de  Saint-Cyran,  mais 
dès  qu'il  apprit  son  retour  à  Paris,  il  alla  le  remercier.  (Inter- 
rogatoire, question  34  ;  Barcos,  Défense  de  feu  M.  Vincent  de  Paul, 
1668,  p.    16.) 

Lettre  282.  —  Reg.  i,  f  0  64.  Le  copiste  note  que  l'original  était  de 
l'écriture   de   saint   Vincent. 


—  407 


1er  à  ce  porteur.  Ce  sera  au  premier  que  je  trouverai  en 
qui  il  y  aura  de  la  sûreté. 

Je    suis    cependant,  en    l'amour    de    Notre-Seigneur, 
Monsieur,  votre... 


283.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers  novembre    1637  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Xotre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Il  faut  que  vous  supportiez  avec  patience  l'état  de  l'es- 
prit de  M.  votre  fils,  en  attendant  qu'il  plaise  à  Notre- 
Seigneur  le  faire  entrer  dans  la  manière  de  vie  conve- 
nable à  celle  qu'il  se  propose.  Qui  supportera  l'enfant 
sinon  la  mère  et  à  qui  appartient-il  de  mettre  chacun 
en  son  devoir  qu'à  Dieu  ?  Puisqu'il  n'étudie  pas  et  qu'il 
ne  se  détermine  à  rien,  je  ne  vois  pas  tant  d'inconvé- 
nient que  vous  pensiez  à  M,  de  Riez  -.  Ce  n'est  pas  un 
moyen  pour  le  rendre  meilleur,  mais  pour  le  tenir  un 
peu  occupé  et  diminuer  un  peu  de  l'oisiveté,  mère  de 
tous  vices,  à  ce  qu'elle  ne  prévale  sur  lui.  Mais  en  quelle 
qualité  sera-ce  ?  C'est  ce  qui  m'empêche.  Il  faut  un  peu 
considérer  cela  et  le  recommander  à  Dieu,  et  nous  en 
parlerons.  Je  ferai  dire  à  Madame  Moran  qu'elle  lui 
baille  cette  chambre  de  dessus  la  porte.  Pour  le  reste 
que  vous  dites,  je  vous  prie  de  n'y  pas  penser. 


Lettre  283.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  a  été   écrite  peu   de  jours  après   la   lettre  278. 

2.  Louis-Denis  d'Attichy,  fils  de  Valence  de  Marillac  et  cousin  ger- 
main de  Louise  de  ^lariliac,  né  en  1593  au  château  d'Attichy.  Il 
entra  en  1614  dans  Tordre  des  Minimes,  devint  provincial  de  Bour- 
gogne, fut  élevé  sur  le  siège  de  Riez  en  Provence  (1628),  puis  trans- 
féré à  Autun  (1652),  où  il  mourut  de  la  pierre  le  30  juin  1664.  On 
a  de  lui  plusieurs  ouvrages,  entre  autres  une  histoire  générale  de 
l'ordre  des  Minimes  et  une  vie  du  cardinal  de  Bérulle. 


—  4o8  — 

Ce  que  vous  dites  du  vœu  de  la  petite  Barbe  semble 
inutile,  pource  qu'elle  entre  en  la  religion  pour  assister  les 
malades  qu'on  lui  dira  pauvres,  et  par  conséquent  dans 
le  terme  de  son  vœu.  Que  si  le  scrupule  la  presse,  l'on 
la  fera  dispenser  par  l'évêque.  Assurez-vous  qu'elle  aura 
souvent  du  regret  et  donnera  de  l'exercice  à  ces  bonnes 
religieuses  pour  cela.  Et  quand  elle  reviendrait,  ie  ne 
sais  s'il  serait  expédient  de  la  recevoir. 

Je  n'ai  pomt  vu  Henriette,  ni  Marie  ^.  Il  faut  prier 
pour  les  filles  et,  si  vous  pouvez  vous  fortifier,  aller  à 
la  campagne. 

Je  suis  un  peu  en  peine  de  vos  infirmes.  Je  vous  prie 
de  les  bien  nourrir  et  réjouir  et  de  les  saluer  toutes  deux 
de  ma  part. 

Madame  Goussault  eut  avant-hier  à  la  nuit  une 
grande  crise  par  sueur  et  s'est  bien  portée  depuis,  à  ce 
qu'on  m'a  dit.  Refaites-vous  un  peu  plus  ;  vous  vous 
verrez  toutes  deux  plus  fortes.  Je  lui  ai  toujours  dit 
votre  incommodité.  O  mon  Dieu,  Mademoiselle,  que 
l'agrément  de  la  volonté  de  Dieu  dans  son  mal  a  été 
doux  et  fort  !  Ce  n'est  rien  de  la  voir  en  santé  en  com- 
paraison de  sa  maladie.  Mais  qui  fait  cela  ?  Est-ce 
elle  ?  N'est-ce  pas  Notre-Seigneur  ? 

Je  suis,  en  son  amour,  v.  s.  V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

284.  —  A  LA  MÈRE  DE  LA  TRINITÉ  i 

Ma  très  chère  et  Révérende  Mère, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 


3.    Marie  Bécu. 

Lettre  284.  —  L.    a.   —   Original     au  couvent  de  la     Visitation  de 
Troyes. 

I.    Marie   d'Hanivel,   fille  du  grand  audiencier  de   France.   Dans  sa 


—  409  — 

Je  suis  très  indigne  de  vous  remercier,  comme  nous 
le  sommes,  des  grâces  qu'il  vous  plaît  incessamment  de 
nous  faire  ;  c'est  ce  qui  fait,  ma  très  chère  et  aimable 
Mère,  que  je  prie  la  sainte  Vierge,  à  laquelle  vous  m'avez 
donné  d'une  manière  particulière,  qu'elle  fasse  en  sorte 
avec  son  Fils  qu'ils  soient  tous  deux  v^otre  récompense 
et  votre  remerciement. 

J'ai  jeté  les  yeux  sur  plusieurs  ecclésiastiques  pour 
votre  sacristie  ;  mais  il  n'a  point  plu  à  Dieu  que  j'aie 
rencontré  encore  ce  qu'il  vous  faut.  Je  veillerai,  mais  je 
doute  fort  que  ce  soit  aussi  efficacement  que  votre  bonté 
le  fait  pour  votre  chétiveté.  J'y  ferai  néanmoins  mon  pos- 
sible, comme  aussi  de  vous  faire  faire  des  mémoires  du 
bienheureux  ^Monsieur  Gallemant  -  par  un  sien  vicaire  ^ 
que  nous  avons  céans,  et  par  un  ecclésiastique  duquel  il 
se  servait,  étant  petit  garçon>  pour  lui  répondre  aux  caté- 
chismes qu'il  faisait  partout  où  il  allait.  Je  dirai  aussi 
en  mon  particulier  ce  que  j'en  sais,  qui  ne  l'ai  pu  faire 
depuis  mon  retour,  à  cause  de  mon  embarras,  qui  suis  à 


jeunesse,  elle  ne  trouvait  que  joies  dans  le  monde,  qui  l'adulait.  Ra- 
menée à  des  pensées  sérieuses  par  la  mort  subite  d'une  de  ses  amies 
et  par  la  parole  du  fameux  Père  capucin  Ange  de  Joyeuse,  elle  refusa 
d'épouser  le  neveu  du  duc  de  Villars,  et,  sur  les  conseils  de  son  cousin 
M.  de  Brétigny  et  de  Madame  Acarie,  entra  au  Carmel  de  la  rue 
Saint-Jacques  dès  le  moment  de  sa  fondation,  y  prit  le  nom  de  Ma- 
rie de  la  Trinité  et  fit  profession  au  couvent  de  Dijon  en  1605.  Elle 
fut  prieure  à  Rouen,  à  Pontoise  et  en  dernier  lieu  au  couvent  de 
Troyes,  où  elle  mourut  le  6  mars  1647,  âgée  de  soixante-huit  ans. 
(Placide  Gallemant,  of.  cit.,  pp.   329-339.) 

2.  Jacques  Gallemant,  docteur  de  Sorbonne,  premier  supérieur  des 
Carmélites  de  France,  curé  d'Aumale,  puis  d'Aubervilliers,  près  Pa- 
ris, mort  à  Besançon  le  25  décembre  1630,  à  l'âge  de  soixante-douze 
ans.  Le  Père  Placide  Gallemant  a  publié  sa  vie  en  1653.  C'est  pro- 
bablement pour  lui  que  la  Mère  de  la  Trinité  cherchait  des  rensei- 
gnements  biographiques. 

3.  C'était  Jean  Pillé,  ancien  vicaire  d'Aubervilliers,  entré  dans  la 
congrégation  de   la   Mission   en    1631. 


—  410  — 

ma  très  chère  et  très  aimable  Mère,  son  très  humble  et 
très  obligé  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  28  novembre  1637. 

Suscription  :  A  ma  Révérende  Mère  ma  Révérende 
Mère  de  la  Trinité,  supérieure  du  monastère  second  des 
Carmélites  de  Troyes,  à  Troyes. 

285.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Fin  de  1637  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Je  loue  Dieu  de  ce  que  vous  vous  portez  mieux  et  vous 
prie  de  manger  des  œufs  ;  car  autrement,  il  est  à  crain- 
dre que  vous  retombiez.  Pour  la  pauvre  fille  de  Madrid  ^, 
j'ai  pensé  de  parler  à  plein  fond  à  M.  le  procureur  gé- 
néral ^  de  cet  affaire  et  du  moyen  de  secourir  ces  pauvres 
créatures  aux  Enfants  trouvés  ^.  Madame  Goussault 
vous  aura  peut-être  pu  dire  l'ouverture  qu'on  m'a  faite 
pour  cela.  Nous  en  parlerons  avec  vous  d'ici  à  trois  ou 
quatre  jours,  si  votre  santé  vous  permet  de  venir  jusques 
ici. 

Je  ne  sais  que  vous  dire  pour  ces  filles  de  Saint-Paul  *, 
sinon  que  vous  ne  vous  devez  attendre  à  autre  chose  qu'à 
peine  et  difficulté.  Nous  en  parlerons  quand  vous  vien- 
drez. Ne  croyez    pas    cependant    que  mon  cœur  reçoive 

Lettre  285.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette    lettre  semble     précéder   de    peu    de  jours     l'institution   des 
Enfants   trouvés. 

2.  Ancienne  localité  de  la  banlieue  parisienne,  que  rappelle  encore 
le  château  de  ce  nom,   situé  dans  le  bois  de   Boulogne. 

3.  Matthieu   Mole. 

4.  Les  enfants  trouvés  recueillis  à  la  Couche,  rue  Saint-Landry. 

5.  Paroisse  de  Paris. 


—  411  — 

aucune  altération  à  l'égard  du  service  que  vous  désirez  de 
moi  ;  il  n'y  a  que  la  mort  qui  m'empêche  d'être,  en 
l'amour  de  Notre-Seig-neur,  Mademoiselle,  votre  servi- 
teur très  humble. 

V.  Depaul. 
De  Saint-Lazare,  ce  jeudi  matin. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


286.  -  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Décembre  1637  ^.] 

Vous  verrez  par  l'incluse,  Mademoiselle,  comme  M.  le 
curé  de  Rueil  ^  préfère  la  fille  de  Nanterre  ^  à  Barbe  *. 
J'adore  en  cela  la  Providence.  Il  faut  l'employer  plus 
loin  et  plus  utilement,  ^l.  Lambert,  qui  est  à  Richelieu  ^, 
mande  à  Madame  de  Combalet  qu'il  est  nécessaire  d'y 
établir  la  Charité,  que,  cette  semaine-là,  il  y  était  mort 
deux  pauvres  femmes  sans  assistance.  Que  vous  semble, 
Mademoiselle,  si  l'on  envoyait  là  Barbe  et  quelqu'autre 
fille  ^.  Oh  !  que  de  bien  à  faire  en  ce  pays-là  !  Et  si  vous 
êtes  brave  femme,  au  printemps  vous  y  pourriez  aller 
par  le  coche  jusques  à  Orléans,  et  de  là  par  eau  jusques  à 
Saumur,  qui  en  est  à  huit  lieues.  Enfin  tout  pour  le 
mieux.  Nous  en  parlerons. 


Lettre  286.  —  L.  a.  —  Original  chez  les  Filles  de  la  Charité  de 
Castelsarrasin. 

1.  Saint  Vincent  n'aurait  pas  dit  Madame  de  Combalet  après  le 
i^r  janvier  1638,  mais  bien  Madame  la  duchesse  d^ Aiguillon.  D'autre 
part,  la  date  de  décembre  1637  est  demandée  par  la  présence  de 
Lambert  aux   Couteaux  à  Richelieu.    (Cf.    lettre  287.) 

2.  En   Seine-et-Oise.    Richelieu   y    avait  sa  maison  de  campagne. 

3.  Près    de    Paris. 

4.  Barbe    Angiboust. 

5.  Dans  l'Indre-et-Loire. 

6.  Ce  projet  ne  se  réalisera  que  dans  les  derniers  mois  de  l'an- 
née  1638. 


—  412  

Je  vous  salue  cependant  et  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur,  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


287.    —  A    BERNARD    CODOING,   PRÊTRE   DE    LA   MISSION 
A  ROMANS* 

27  décembre  1637. 

Il  y  a  long-  temps  que  je  balance  si  je  vous  dois  prier 
de  venir  travailler  à  Richelieu,  où  M.  le  cardinal  fonde 
une  Mission  -,  tant  pour  ce  duché-là  ^  que  pour  1  evêché 
de  Luçon  ^,  avec  l'emploi  aux  ordinands  et  aux  exerci- 


Lettre  287.  —  Reg.  2,  p.  277. 

1.  Bernard  Codoing,  né  dans  la  ville  d'Agen  le  11  août  1610,  or- 
donné prêire  en  décembre  1635,  reçu  dans  la  congrégation  de  la 
Mission  le  10  février  1636,  tient  une  place  importante  dans  l'his- 
toire des  premiers  compagnons  de  saint  Vincent.  Il  fut  le  premier 
supérieur  du  séminaire  d'Annecy  (1640- 1642),  dirigea  la  maison  de 
Rome  pendant  deux  ans  (1642-1644),  puis  fut  mis  à  la  tête  du  sé- 
minaire Saint-Charles,  situé  dans  l'enclos  de  Saint-Lazare  (1645- 
1646),  passa  de  là  à  Saint-Méen  dans  des  circonstances  particuliè- 
rement difficiles  (1646-1648),  ensuite  à  La  Rose  (1648-1649J  et  enfin 
à  Richelieu  (1649-1650),  toujours  en  qualité  de  supérieur.  Il  eut  de 
grands  succès  dans  ses  missions  en  France  et  en  Italie.  Ses  sermons 
étaient  si  goiités  que  saint  Vincent  eut  un  moment  l'idée  de  les  pu- 
blier. Bernard  Codoing  aurait  rendu  plus  de  services  au  saint  s'il 
avait  eu  moins  d'attachement  à  ses  idées  propres  et  s'il  avait  su  se 
défendre  contre  la  tendance  à  la  précipitation.  Nous  serions  tenté  de 
dire  :  heureux  défauts  !  car  ils  nous  valent  quelques-unes  des  plus 
belles  lettres  qui   composent  la   correspondance  de  saint  Vincent. 

2.  Le  contrat  de  fondation  fut  passé  le  4  janvier  1638  au  château 
de  Rueil  entre  le  cardinal  de  Richelieu  et  saint  Vincent.  Le  saint 
prenait  l'engagement  d'envoyer  sept  prêtres  à  Richelieu  avant  le  mois 
de  mars  et  d'en  ajouter  trois  autres  avant  deux  ans  pour  remplir  les 
fonctions  curiales  dans  cette  localité,  donner  des  missions  dans  le 
duché,  les  évêchés  de  Luçon  et  de  Poitiers,  préparer  les  ordinands  et 
recevoir  les  prêtres  aux  exercices  spirituels.  Le  cardinal,  de  son  côté, 
faisait  donation  au  saint  du  revenu  des  greffes  de  Loudun,  qui  étaient 
affermés  4.550  livres,  et  s'engageait  à  procurer  le  logement  nécessaire. 

3.  Le  duché-pairie  de  Richelieu  avait  été  constitué  en  163 1  avec  les 
baronnies  de   Faye-la- Vineuse,   de   l'Isle-Bouchard   et  de   Chinon. 

4.  «   ...Desquels  dix,  est-il  dit  dans  le  contrat   (Arch.  Nat.  MM  534), 


—  413  - 

tants  du  diocèse  de  Poitiers  ^,  D'un  côté,  je  regardais  le 
besoin  de  ce  bon  peuple  ou  vous  êtes,  et  le  bon  usage  qu'il 
fait  de  la  grâce  que  Notre-Seigneur  lui  présente  ;  mais, 
de  l'autre,  j'ai  considéré  que  la  même  nécessité  et  le  même 
usage  se  trouvent  dans  le  peuple  du  Poitou  ;  car  l'on 
m'a  écrit,  et  M.  Renar,  qui  en  est  revenu,  me  la  dit,  qu'on 
n'a  jamais  vu  des  âmes  si  touchées,  ni  un  tel  abord  ^  de 
tous  côtés  ;  et  ce  qui  m'a  fait  résoudre  du  côté  de  Riche- 
lieu, c'est  l'obligation  que  nous  y  avons,  la  fondation 
étant  à  perpétuité.  Cela  fait.  Monsieur,  que  je  vous  sup- 
plie très  humblement  de  partir,  la  présente  reçue,  si  vous 
n'êtes  en  mission  ;  et  si  vous  y  êtes,  que  ce  soit,  au  nom 
de  Notre-Seigneur,  incontinent  après  que  vous  l'aurez 
achevée,  sans  divulguer  ceci  que  sur  votre  départ.  Il  ne 
faut  pas  manquer  à  l'obligation  que  nous  avons  d'être 
audit  Richelieu  le  20  ou  25  de  janvier.  Vous  pourrez  as- 
surer les   peuples   de  delà  que   lorsqu'il   plaira   à  Dieu 


il  y  en  aura  quatre  qui  demeureront  dans  la  ville  de  Richelieu  pour 
y  faire  les  fonctions  de  ladite  Mission,  trois  seront  envoyés  de  cinq 
en  cinq  ans  dans  chaque  ville  et  village  dudit  duché  de  Richelieu 
pour  y  faire  aussi  lesdites  fonctions  de  'ladite  Mission  ;  et  après 
qu'ils  auront  été  par  tout  ledit  duché,  attendant  le  temps  convenable 
de  recommencer,  ils  feront  ladite  mission  dans  l'évêché  de  Poitiers 
ou  autres  lieux  circonvoisins  dudit  duché,  ainsi  qu'il  plaira  à  Son 
Eminence,  et  les  trois  autres  seront  envoyés  dans  l'évêché  de  Luçon 
aux  mêmes  fins,  lesquels  six  qui  seront  envoyés  dans  ledit  duché  et 
dans  ledit  évêché  de  Luçon,  seront  obligés  d'y  aller  quatre  fois  l'an- 
née, aux  saisons  les  plus  convenables,  et  s'y  employer  six  semaines  à 
chaque   fois...    » 

5.  c  Ledit  Vincent  s'oblige...  de  recevoir  en  ladite  maison  de  la 
Mission  de  Richelieu  à  perpétuité,  instruire,  loger  et  nourrir  pen- 
dant douze  jours,  avant  chacun  des  quatre-temps  de  l'année,  tous 
ceux  du  diocèse  de  Poitiers  qui  voudront  prendre  les  ordres  sacrés 
esdits  quatre-temps,  et  de  recevoir  toute  l'année  à  perpétuité  en  la- 
dite maison  et  y  loger  et  nourrir  pendant  quinze  jours  tous  les  prê- 
tres que  Monsieur  l'évêque  de  Poitiers  et  ses  successeurs  voudront 
envoyer  pour  faire  les  exercices  spirituels  et  être  instruits  aux  fonc- 
tions ecclésiastiques,  pourvu  toutefois  qu'il  ne  soit  point  envoyé 
plus  de  huit  prêtres  à  la  fois,  outre  ceux  qui  doivent  être  promus 
aux  ordres  sacrés.   »   (Zbid.) 

6.  Abord,   affluence. 


—  414  — 

nous  envoyer  des  hommes  pour  les  servir  en  notre  voca- 
tion, que  nous  en  ferons  part,  mais  que  cependant  la 
nécessité  absolue  nous  contraint  d'en  user  de  la  sorte. 

J'avais  prié  M.  Grenu  d'aller  travailler  à  Aiguillon, 
qui  est  du  voisinage  de  votre  ville  d'Agen  ^  ;  mais,  de- 
puis, je  l'ai  prié  de  venir  à  Troyes,  pour  quelque  raison 
particulière. 

M,  de  Sergis  me  mande  que  tout  Aiguillon  a  fait  son 
devoir  et  que  les  principaux  ont  commencé  les  premiers  ; 
qu'il  n'en  restait  qu'un  fort  petit  nombre,  qui  le  devait 
faire  le  lendemain  ;  que  M.  Hopille,  grand  vicaire,  lui  a 
envoyé  quatre  ou  cinq  curés  du  diocèse,  qui  ont  travaillé 
avec  lui  dans  Aiguillon  trois  semaines  durant,  excepté 
les  dimanches  qu'ils  s'en  allaient  à  leurs  cures.  Il  me  dit, 
de  plus,  qu'il  y  a  eu  quantité  de  peuple  de  la  campagne 
qui  y  est  allé  faire  ses  dévotions,  voire  de  dix  lieues 
à  la  ronde.  Voyez,  Monsieur,  si  les  épines  piquantes  de 
notre  naturel  ne  portent  pas  de  bonnes  roses  et  qui  épa- 
nouissent dès  que  le  soleil  de  justice  fait  paraître  les 
rayons  de  sa  grâce  sur  elles.  Encore  a-t-il  fallu  que  je 
vous  aie  dit  ce  mot  pour  votre  consolation. 

Revenons  à  votre  voyage.  Si  vous  êtes  prêt  à  partir 
avec  M.  Grenu,  vous  pourriez  aller  ensemble  jusqu'à 
Lyon.  De  là  il  tirera  vers  Châlons  et  vous  vers  Roanne, 
où  vous  pourrez  vous  embarquer  jusqu'à  Orléans,  et  de 
là  aller  au  Saumur,  où  vous  serez  à  tme  journée  de  Riche- 
lieu, et  trouverez  Messieurs  Lambert  et  Perdu  à  Cham- 
pigny,  à  une  lieue  de  Richelieu. 

O  Monsieur,  que  de  nécessités  spirituelles  en  ce  pays- 
là,  où  il  y  a  quantité  d'hérétiques,  faute  de  n'avoir  ouï 
parler  de  Dieu,  disent-ils,  à  l'église  des  catholiques  ! 
C'est  en  ce  pays-là  où  l'hérésie  a  été  premièrement  ré- 
pandue, dilatée  et  plus  obstinément  défendue.  C'est  de 

7.   Ville  natale   de   Bernard   Codoing. 


—  415  — 

là  qu'elle  a  tiré  ses  principales  forces  pour  le  renverse- 
ment de  notre  sainte  religion  et  de  l'Etat  même,  si  elle 
eût  pu.  Oh  !  que  Satan  y  a  eu  et  qu'il  y  a  encore  un 
grand  empire  !  J'espère,  Monsieur,  que  Notre-Seigneur 
se  servira  de  vous  et  du  bon  M.  Durot  ®  pour  lui  faire 
une  bonne  guerre,  non  certes  in  sublitnitate  serntonis  et 
humanae  sapientiae  verbis,  sed  in  ostensione  virtutis 
spiritus,  in  humïLitate  et  inansuetudine,  in  -patientia  et 
longanimitate  ^.  Allez  donc,  ^Monsieur,  in  nomine  Do- 
mini.  Je  prie  sa  divine  bonté  qu'elle  vous  donne  sa  sainte 
bénédiction  et,  avec  elle,  une  plus  grande  part  à  son  es- 
prit; Je  ne  doute  point  que  votre  cœur  ne  se  sente  comme 
arraché  de  ce  pays-là,  où  vous  avez  poussé  des  racines  de 
charité  dans  ces  âmes,  et  que  vous  n'éprouviez  les  ten- 
dresses de  saint  Paul  quand  il  dit  le  dernier  adieu  à  ce 
peuple  qui  pleura  tant  sur  lui.  Mais  quoi  I  il  n'appar- 
tient qu'à  un  cœur  vraiment  apostolique  à  s'affermir 
contre  ces  tendresses,  à  passer  par-dessus  et  à  se  rendre 
là  où  la  sainte  obéissance  lui  fait  connaître  que  Notre- 
Seigneur  le  demande.  Certes,  Monsieur,  c'est  être  dans 
l'accomplissement  du  bon  plaisir  de  Dieu  que  d'être  en 
cet  état,  et  commencer  son  paradis  dès  ce  monde.  ]Mais 
que  dis-je  à  une  âme  qui"  m'a  toujours  paru  toute  prête 
d'aller  aux  antipodes  pour  l'amour  de  Dieu,  si  la  sainte 
obéissance  le  requérait  ? 

Je  ne  sais  pourquoi  ma  plume  s'est  échappée  à  vous 
dire  tout  ceci.  Je  sais  bien  que  ce  n'est  pas  pour  penser 
que  vous   ayez  besoin  d'être  persuadé,   ayant   peut-être 


8.  Nicolas  Durot,  né  à  Oisemont  (Somme),  reçu  dans  la  congré- 
gation de  la  Mission  en  août  1633,  ordonné  prêtre  en  décembre  1636. 
Il  prêchait  en  1639  dans  la  région  de  Toulouse.  Nous  le  trouvons 
à  Paris  en  août  1640.  Il  revint  à  Richelieu  en  1642,  quitta  la  con- 
grégation en  1645  et  obtint,  grâce  à  saint  Vincent,  la  chanoinie  de 
Saint-Martin   d'Angers. 

9.  Texte  formé  avec  différents  passages  de  saint  Paul,  I  Cor.  Il, 
I,  4    :  Eph.  IV,  2    ;  Col.  I,  11. 


—  4i6  — 

plutôt  besoin  d'être  retenu  dans  l'ardeur  de  votre  zèle  ; 
et  c'est  de  quoi  j'avais  à  vous  parler  et  vous  parlerai  un 
jour,  s'il  plait  à  Dieu,  lequel  sait,  lui  seul,  pourquoi  je 
me  suis  étendu  sans  y  penser. 

Il  sera  bon  que  vous  preniez  congé,  en  présence  ou  par 
écrit,  de  Mgr  de  Valence  ^°  et  que  vous  le  remerciiez  de 
la  grâce  qu'il  vous  a  faite  d'agréer  votre  service  dans  son 
diocèse,  et  que  vous  lui  disiez  que  rien  moins  que  la  pure 
nécessité  nous  aurait  fait  résoudre  à  vous  rappeler,  et 
que,  s'il  plaît  à  Dieu  de  nous  en  donner  le  moyen,  nous 
tâcherons  d'y  retourner  une  autre  fois. 

Vous  prendrez  aussi  congé  de  la  bonne  et  très  chère 
sœur  Marie  ^^  et  recommanderez,  s'il  vous  plaît,  à  ses 
prières  cette  petite  compagnie  et  le  plus  chétif  et  misé- 
rable de  tous  les  hommes,  qui  est  moi  et  qui  suis,  en 
l'amour  de  Notre-Seigneur,  Monsieur,  votre  très  humble... 

Je  n'attendrai  point  d'autre  réponse  que  celle  de  votre 
partement,  que  je  vous  supplie  qu'il  soit  le  plus  tôt  qu'il 
se  pourra.  Monsieur  votre  frère  attend  de  vos  lettres 
pour  réponse  à  celles  que  je  vous  ai  envoyées  de  sa  part. 
Je  m'imagine  que  Notre-Seigneur  vous  a  guéri  de  l'amour 
trop  tendre  de  vos  parents. 


10.  Charles-Jacques  de  Gélas  de  Leberon   (1624-1654). 

11.  Marie  Tessonnière  ou  Marie  de  Valence  était  une  sainte  veuve, 
animée  d'une  dévotion  toute  spéciale  envers  la  sainte  Trinité.  Saint 
François  de  Sales  l'appelait  une  relique  vivante.  Jacques  Olier  fit 
le  voyage  de  Paris  à  Valence  pour  la  consulter.  Le  cardinal  de  Bé- 
rulle,  saint  Vincent  et  le  Père  Coton,  son  directeur,  avaient  pour  elle 
la  plus  profonde  vénération.  Le  peuple  lui  rendit  après  sa  mort  une 
sorte  de  culte  public.  Sa  vie,  publiée  à  Lyon  en  1650  par  le  Père 
Louis  de  la  Rivière  [Histoire  de  la  vie  et  mœurs  de  Marie  Tesson- 
nière, in-4),  sur  l'ordre  exprès  de  la  reine  régente  et  avec  l'approba- 
tion de  plusieurs  docteurs  de  Sorbonne,  mécontenta  l'évêque  de  Va- 
lence, qui  improuva  le  livre  et  le  fit  condamner  par  l'Assemblée  du 
Clergé  de  France.  Le  prélat  et  l'Assemblée  interdirent  également  le 
culte  qui  lui   était  rendu. 


,  —  417  — 

288.  —  A   LOUISE  DE  MARILLAC 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Il  faudra  aviser  par  ensemble  à  ce  qu'il  faudra  faire 
pour  Saint-Leu  ^ 

L'on  fut  d'avis,  à  la  dernière  assemblée  ^,  que  vous  se- 
riez priée  de  faire  un  essai  des  enfants  trouvés,  s'il  y 
aura  moyen  de  les  nourrir  de  lait  de  vache  et  d'en  pren- 
dre ^  deux  ou  trois  à  cet  effet.  J'ai  eu  consolation  de  ce 
que  la  Providence  s'adresse  à  vous  pour  cela.  Je  sais  bien 
qu'il  y  a  plusieurs  choses  à  redire.  Nous  en  parlerons  *. 

Madame  la  présidente  Goussault  ne  me  semble  point 
bien  forte.  Ayez  soin  de  votre  santé. 

Je  vous  souhaite  un  nouveau  cœur  et  un  amour  tout 
nouveau  pour  celui  qui  nous  aime  incessamment  aussi 


Lettre  288.  —  L.  a.  —  Original   à  Thôpital  de  Moulins. 

1.  Paroisse  de  Paris. 

2.  Assemblée  des   dames   de   la  Charité  de   l'Hôtel-Dieu. 

3.  Le  texte  original  porte  :  de  vache  et  qu'à  cet  effet  et  d'en  pren- 
dre.   Il  est  clair  que  le  saint  a  oublié  d'effacer  et  qu'à  cet  effet. 

4.  Très  grand  était  à  cette  époque  le  nombre  des  enfants  aban- 
donnés chaque  année  dans  la  ville  et  les  faubourgs  de  Paris.  Saint 
Vincent  en  comptait  de  trois  à  quatre  cents.  (Abelly,  of.  cit.,  t.  II, 
chap.  X,  i'®  éd.,  p.  362.)  Le  passant  qui  en  découvrait  un  devait  en 
donner  connaissance  au  commissaire  du  quartier,  auquel  revenait  seul 
le  droit  de  le  ramasser.  Les  enfants  trouvés  étaient  portés  à  l'Hôtel- 
Dieu  et  de  là  à  la  Couche,  rue  Saint-Landry,  où  une  veuve,  qu'ai- 
daient deux  servantes,  était  chargée  d'en  prendre  soin.  Les  revenus 
manquaient  à  la  maison  et  le  dévouement  aux  nourrices.  Aussi  la 
mort  faisait-elle  de  si  nombreuses  victimes  parmi  ces  petites  créritures 
que  saint  Vincent  pouvait  dire  dans  un  de  ses  entretiens  aux  dames 
de  la  Charité  :  «  Il  ne  s'en  trouve  pas  un  seul  en  vie  depuis  50  ans, 
si  ce  n'est  que  depuis  peu  il  s'est  trouvé  que  quelqu'un...  a  vécu.  » 
Les  Servantes  leur  donnaient  des  narcotiques  pour  les  faire  dormir,  ou 
les"  vendaient  huit  sols  à  des  misérables,  qui,  après  avoir  rompu 
bras  et  jambes  à  ces  pauvres  petits,  s'en  servaient  pour  exciter  la 
pitié  des  passants.  Saint  Vincent,  qui  s'occupait  de  tant  d'œuvres  de 
charité,   connaissait   la   Couche.    Il   déplorait   ces   abus   et   cherchait  les 

27 


—  4i8  —  • 

tendrement  comme  s'il  commençait  dès  à  présent  de  nous 
aimer  ;  car  tous  les  plaisirs  de  Dieu  sont  toujours  nou- 
veaux et  pleins  de  variété,  quoiqu'il  ne  change  jamais. 

Je  suis,  en  son  amour,  avec  pareille  affection  que  sa 
bonté  le  veut  et  que  je  le  dois  pour  l'amour  de  lui,  Made- 
moiselle, votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  premier  jour  de  Fan  [1638  ^]. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras 


moyens  d'y  remédier.  La  compagnie  des  dames  de  la  Charité  s'occu- 
pait des  malades  de  l'Hôtel-Dieu.  Le  chapitre  de  Paris  les  pressa 
de  se  charger  aussi  des  enfants  trouvés.  Après  deux  ans  de  réflexion 
et  de  prières,  saint  Vincent  résolut  de  faire  un  essai.  La  lettre  ci- 
dessus  nous  montre  que  l'œuvre  eut  de  modestes  commencements  : 
deux  ou  trois  enfants  confiés  aux  soins  de  quelques  Filles  de  la  Cha- 
rité et  nourris  de  lait  de  vache.  Bientôt  ce  nombre  fut  porté  à  douze, 
et  quatre  nourrices  leur  furent  données.  On  les  installa  rue  des 
Boulangers,  près  de  la  porte  Saint-Victor.  Ce  modeste  essai  donna 
de  bons  résultats.  Aussi  les  dames  furent-elles  d'avis,  en  1640,  de 
recevoir  tous  les  enfants  trouvés  qui  seraient  présentés.  Le  roi  et  la 
reine  s'intéressèrent  à  l'entreprise.  En  1642,  Louis  XIII  donna  4.000 
livres  sur  son  domaine  de  Gonesse  ;  en  1644,  l'aumône  fut  doublée. 
Puis  les  dames  obtinrent  le  château  de  Bicêtre,  où  les  enfants  sevrés 
furent  portés  en  1647.  Enfin  en  165 1,  le  séjour  de  Bicêtre  ayant  été 
reconnu  nuisible  à  la  santé  des  enfants,  ceux-ci  revinrent  à  Paris  et 
furent  logés  à  l'extrémité  du  faubourg  Saint-Denis,  et  plus  tard,  en 
1670,  dans  deux  maisons  situées  l'une  devant  Notre-Dame,  l'autre  au 
faubourg  Saint-Antoine.  [Saint  Vincent  de  Paul  et  les  Dames  de  la 
Charité,  par  P.   Coste,   Paris,    1918,   in-8,   pp.    17-34.) 

Pour  l'histoire  des  Enfants  trouvés,  on  peut  encore  consulter 
avec  profit  les  règlements  faits  par  Louise  de  Marillac  pour  les 
sœurs  chargées  des  enfants  trouvés  (Pensées,  pp.  195  et  196)  ;  ses 
mémoires  sur  le  même  sujet  [ibid.,  p.  199)  ;  la  Vie  de  Madame  de  Mi- 
ramion  [par  l'abbé  de  Choisy],  Paris,  1706,  in-4,  p.  140  et  suiv.  ; 
VHisioire  de  V Assistance  publique,  par  Alexandre  Monnier,  Paris, 
1856,  in-8,  p.  396  et  suiv.  ;  Léon  Lallemant,  Un  chafitre  de  l'His- 
toire des  Enfants  trouvés.  La  maison  de  la  Couche  à  Paris,  Paris, 
1885,  in-8. 

5.  Ce  fut  cette  année-là  que  commença  l'œuvre  des  Enfants  trou- 
vés.   (P.   Coste,   of.  cit.,  p.   21,  note  i.) 


—  419  — 

289.  -  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[Janvier   1638  ^] 
Mademoiselle, 

La  g^âce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Je  vous  renvoie  votre  mémoire  et  les  miens  et  vous  prie 
de  mettre  ces  mots  que  vous  ajoutez  ou  changez  dans  le 
mien,  lequel  je  vous  prie  de  prendre  la  peine  de  copier 
à  votre  commodité,  et  de  me  renvoyer  le  tout  ;  je  dis 
même  le  mémoire  que  vous  avez  fait  et  que  je  vous  ren- 
voie ^. 

J'ai  envoyé  prier  M.  de  Cordes  de  venir  céans  aujour- 
d'hui, et  ai  chargé  mon  mémoire  de  M.  de  Marillac  ". 

Je  ne  trouve  point  d'inconvénient  que  vous  voyiez  Ma- 
dame de  Liancourt  à  votre  loisir. 

Vous  verrez  pour  ces  deux  ûUes.  La  petite  me  paraît 
comme  vous  la  dépeignez  ;  si  l'autre  est  bien  appelée,  sa 
ville  de  Nogent  en  aurait  besoin  avec  le  temps  ^. 

Les  parents  de  la  fi.lle  morte  à  l'Hôtel-Dieu  deman- 
deront leurs  hardes  avec  raison.  Pour  encore,  jusques  à  ce 
que  la  chose  soit  liée,  nous  verrons.  Cependant  il  vaut 
mieux  les  laisser  où  elles  sont.  Il  faudra  faire  la  loi 
avant  que  de  la  mettre  en  pratique. 

Bien  volontiers  je  vous  avertirai  de  vos  fautes  et  i:e 
vous  en  laisserai  passer  pas  iine. 

Je  n'entends  pas  bien  ce  que  vous  me  dites  des  offi.- 

Lettre  289.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  semble  antérieure  de  quelques  jours  à   la   lettre  297. 

2.  Il  s'agit  ici,  pensons-nous,  de  mémoires  relatifs  au  nouvel  éta- 
blissement des  Enfants  trouvés. 

3.  Michel  de  Marillac,  petit-fils  du  garde  des  sceaux,*  seigneur 
d'Ollainville,  conseiller  au  Parlement  de  Paris,  mort  le  29  décembre 
1684. 

4.  Elle  ne  donna  pas  satisfaction.  «  O  mon  Dieu  !  que  cette  pau- 
vre créature  m'a   trompé    !  »,  s'écriera  plus  tard   saint  Vincent. 


420   — 

cières  et  de  vous.  De  dire  de  n'être  pas  nommée  dans  la 
chose,  quelle  raison  avez-vous  pour  cela  ?  Il  faut  se  gar- 
der de  tomber  dans  le  vice  de  singularité,  pource  qu'il 
a  sa  racine  dans  la  vanité,  et  celle-ci  dans  l'orgueil,  qui 
est  le  vice  de  tous  vices  ;  et  moi  je  suis,  en  l'amour  de 
Notre- Seigneur,  votre  serviteur. 

V.  D. 

J'irai  confesser  Mademoiselle  d'Atri  ^  aujourd'hui  à 
La  Chapelle  et  ne  pourrai  voir  M.  de  Cordes  que  ven- 
dredi, à  ce  qu'il  me  vient  de  mander. 

Voici  la  lettre  de  Madame  la  comtesse  de  Maure. 


5.  Marie- Angélique  d'Atri,  née  en  1617,  fut  élevée  au  Port-Royal. 
Elle  y  connut  Saint-Cyran  et  lui  ouvrit  plusieurs  fois  sa  conscience. 
Elle  traversa  dans  sa  jeunesse  une  crise  terrible  dont  nous  aurons 
l'occasion  de  parler  plus  loin.  Son  aversion  des  choses  de  Dieu  était 
telle  qu'on  la  crut  possédée  du  démon  et  que  l'official  de  Paris 
chargea  saint  Vincent  de  l'exorciser.  Peu  après  sa  guérison,  elle 
fut  mise  dans  un  couvent  de  Dominicaines,  d'où  elle  ne  tarda  pas 
à  passer  chez  les  Bénédictines  du  monastère  récemment  fondé 
à  Picpus-les-Paris.  Elle  y  était  déjà  le  19  juin  1638  et  s'y 
trouvait  encore  en  1639,  étudiant  toujours  sa  vocation.  Le  19  juin 
1638,  elle  comparut  devant  le  tribunal  chargé  d'enquêter  sur  Saint- 
Cyran.  Dans  sa  déposition,  qu'a  publiée  le  jésuite  François  Pinthe- 
reau  (Les  reliques  de  messire  Jean  du  Verger  de  Hauranne,  abbé  de 
Saint-Cyran,  Louvain,  1646,  in-8,  p.  421),  elle  déclara  que  son  hu- 
meur mélancolique,  jointe  à  certaines  maladies,  la  portait  aux  scru- 
pules. L'attrait  qu'elle  ressentait  pour  la  vie  religieuse,  voie  dans  la- 
quelle la  poussait  Saint-Cyran,  était  combattue  en  elle  par  sa  répu- 
gnance à  prendre  des  engagements.  En  1639  ou  peu  après,  elle  re- 
tourna à  Port-Royal  et  y  fit  bâtir  près  de  l'église  un  petit  ermitage, 
qu'elle  habita  jusqu'à  la  dispersion,  en  1669.  Elle  termina  ses  jours 
le  21  octobre  1676  près  de  Forcalquier,  où  elle  s'était  retirée.  Jansé- 
niste ardente,  elle  consacra  une  partie  de  son  immense  fortune  aux 
œuvres  du  parti.  Son  esprit  était  peu  pondéré  et  sa  volonté  indécise. 
Saint-Cyran    lui    a    écrit    plusieurs    lettres    de   Vincennes. 


—  421  — 

290.  -  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Janvier   1638  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Je  pensais  vous  aller  voir  ces  jours  ici,  particulièrement 
aujourd'hui  ;  mais  m'en  voilà  absolument  empêché. 
Je  le  ferai  le  plus  tôt  qu'il  me  sera  possible.  Je  vous 
dirai  cependant  que  je  suis  en  peine  de  votre  âèvre 
de  la  nuit  et  que  je  vous  prie  de  vous  ménager  le  plus 
qu'il  vous  sera  possible  pour  Notre-Seigneur  et  pour  son 
œuvre.  Encore  me  semble-t-il  que  vous  êtes  moins  malade 
cet  hiver  que  les  autres,  notamment  pendant  que  vous 
étiez  demeurante  dans  la  ville  ;  et  c'est  ce  qui  me  console 
un  peu. 

Parlons  de  trois  choses.  Des  petits  enfants  trouvés. 
L'on  me  presse  d'une  manière  qui  n'est  pas  imaginable, 
du  côté  de  M.  Hardy  ^.  Il  me  rend  coupable  de  tout  le 
retardement.  Mademoiselle  du  Mée  est  aux  champs.  Quel 
inconvénient  que  vous  fassiez  acheter  une  chèvre  et  que 
vous  continuiez  à  faire  une  plus  ample  expérience  ? 

La  seconde,  c'est  que  l'on  nous  demande  une  sœur  de 
la  Charité  pour  Saint-Germain-en-Laye,  où  se  fait  la 
mission  et  où  la  Charité  est  établie  dès  dimanche  passé  ^  ; 


Lettre  290.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  avant  la  lettre  295,  durant  la  mission 
de    Saint-Germain-en-Laye. 

2.  Sébastien  Hardy,  sieur  de  la  Tabaize,  ancien  conseiller  du 
roi  et  ancien  receveur  des  aides  et  tailles  de  l'élection  du 
Mans,  qui  laissa  à  l'œuvre  des  Enfants  trouvés,  le  27  janvier  1640, 
une  rente  de  cinquante  livres  tournois.   (Arch.  Nat.,  Y  180,  fo  208  v°.) 

3.  Le  roi,  conseillé  par  Richelieu,  avait  choisi,  pour  donner  la  mis- 
sion, Nicolas  Pavillon,  qui  venait  d'être  nommé  à  l'évêché  d'Alet. 
Le  succès  fut  considérable.  Louis  XIII  alla  entendre  plusieurs  fois 
le  prédicateur.  Des  dames  de  la  cour,  des  filles  d'honneur  de  la  reine. 


422    

c'est  pour  mettre  en  train  ces  bonnes  femmes.  Que  vous 
semble  si  vous  y  envoyiez  Barbe  *.  Ils  ont  une  raison  par- 
ticulière là  de  la  souhaiter,  à  cause  des  soldats  que  le  roi 
désire  qui  soient  assistés  ;  et  faudra  une  chambre  pour 
cela,  tandis  que  la  cour  y  sera.  Oh  !  que  je  souhaiterais 
que  vous  y  puissiez  aller  !  Mais  quoi  !  Notre-Seigneur 
tire  plus  de  gloire  de  vous  comme  vous  voilà.  Revenons 
à  Barbe.  Lui  pourrez-vous  donner  une  compagne,  ou  si 
vous  l'enverrez  seule  ?  Le  premier  serait  le  meilleur.  En 
aurez-vous  en  ce  cas  une  autre  pour  Saint-Jacques  ^. 

Je  ne  sais  que  vous  dire  de  celle  de  Saint-Paul  ^,  sinon 
que  j'ai  peur  que  vous  excitiez  du  murmure.  L'esprit  de 
Marguerite  a  quelques  retours  parfois.  J'ai  écrit  à  M.  de 
la  Salle  qu'il  me  mande  si  cette  hlle  pourra  utilement 
faire  l'école.  En  tout  cas,  ce  n'est  que  pour  un  temps  ;  l'on 
en  aura  besoin  pour  Richelieu. 

La  troisième  chose  regarde  Marie,  de  Saint-Laurent  '. 
Son  père  m'a  fait  des  instances  fort  grandes  pour  la  re- 


assidues jusques-là  aux  assemblées  mondaines,  ne  se  montrèrent  plus 
au  milieu  des  courtisans.  Une  confrérie  de  la  Charité  fut  instituée. 
Elles  donnèrent  leur  nom.  On  les  vit,  modestement  vêtues,  visiter  et 
servir,  à  tour  de  rôle,  les  pauvres  et  les  malades.  Les  seigneurs  de 
la  cour,  mécontents,  firent  entendre  au  roi  que  la  fréquentation  des 
malades  par  des  personnes  qui  approchaient  la  reine  de  très  près  était 
un  danger  pour  la  famille  royale.  Le  roi  s'émut  ;  mais  la  reine  prit 
la  défense  de  ses  dames  et  demoiselles  d'honneur.  Les  seigneurs  cher- 
chèrent alors  à  déconsidérer  Pavillon.  Ils  racontèrent  à  Louis  XIII 
que  le  prédicateur  l'avait  comparé  à  la  bête  de  l'Apocalypse.  De  leur 
côté,  les  mousquetaires,  à  l'instigation  des  courtisans,  allèrent  se 
plaindre  de  ce  que  Pavillon  leur  avait  conseillé  de  se  contenter  de 
leur  paye,  sans  rien  exiger  de  leurs  hôtes.  Pavillon  dut  se  défendre. 
Il  le  fit  en  un  long  mémoire  ;  et  comme  le  mémoire  ne  suffisait  pas, 
il  pria  le  roi  de  s'en  rapporter  au  jugement  de  la  Sorbonne,  qui 
lui   donna  gain  de  cause.    (Etienne  Dejean,   op.   cit.,  p.    15,  note  2.) 

4.  Barbe   Angiboust. 

5.  Saint-Jacques-de-la-Boucherie,   paroisse  de  Paris.    La   Charité  ne 
fut  établie  que  plus  tard  à  Saint-Jacques-du-Haut-Pns. 

6.  Paroisse  de  Paris. 

7.  La    paroisse    sur    laquelle    se    trouvait    Saint-Lazare. 


—  423  — 

prendre  ;  le  trouvez-vous  bon  ?  Si  cela  est,  faites-lui  dire 
qu'elle  me  parle. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Je  salue  Madame  Pelletier.  Madame  la  chancelière  * 
travaille  pour  elle.  Madame  de  Chaumont  ^  est  supé- 
rieure de  Saint-Germain-en-Laye. 

Suscriftion  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

291.  —  LOUISE  DE  MARILLAC  A  SAINT  VINCENT 

\_ij  janvier  1638  ^.] 
Monsieur, 

Notre  procureur  de  la  Charité  et  les  sœurs  font  aujourd'hui 
des  merveilles  four  la  fête  du  Saint  Nom  de  Jésus  ;  ils  ont 
désiré,  mais  eux-mêmes,  que  je  vous  envoyasse  suf-plier  de 
leur  faire  avoir  une  exhortation  -pour  vê-pres  ;  elles  ne  se  di- 
ront pas  plus  tôt  qu'à  deux  heures  et  demie.  Ils  désireraient 
bien  Monsieur  de  la  Salle  ;  mais  s'il  ne  se  peut  ils  en  vou- 
draient bien  un  autre  ;  je  joins  ma  prière  à  la  leur, afin  qu'ils 
soient  encouragés  à  la  persévérance. 

Je  crois  que  vous  savez  que  notre  sœur  Barbe  -  est  ici  et 
qu'elle  et  moi  sommes  tantôt  bien  fortes.  Je  crois  qu'il  serait 
bien  bon  qu'elle  eût  l'honneur  de  vous  voir  avant  d'aller  ;  ne 
faut-il  point  penser  au  petit  ameublement  qui  lui  sera  néces- 
saire  ? 

Ne  vous  mettez  point  en  peine,  s  il  vous  plaît,  pour  la  itour- 
rice  des  petits  enfants,  lesquels  nous  n'avons  point  encore,  car 
la  nôtre  suffira  bien  pour  le  temps  que  vous  marquez,  et  plus. 

Je  suis  en  Varnour  de  Jésus,  M onsieur ,  votre  très  humble 
fille  et  très  obligée  servante. 

L.   DE   M. 

Suscription    :  A  Monsieur  Monsieur  Vincent. 

8.  Madame    Séguier. 

9.  Marie  de  Bailleul,  dame  d'honneur  d'Anne  d'Autriche,  épouse 
de  Louis  de  Chaumont,  seigneur  d'Athieules,  et  sœur  de  Nicolas  de 
Bailleul. 

Lettre  291.    —  I..    a.  —  Dossier  des  Filles   de  la   Charité,   original. 

1.  Cette  lettre,  écrite  le  jour  du  Saint  Nom  de  Jésus,  est  à  sa 
place  entre   les  lettres   290   et  295. 

2.  Sœur  Barbe  Angiboust. 


—  424  — 

292.  —  A  LA  MÈRE  DE  LA  TRINITÉ 

Ma  très  chère  Mère, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Voici  Monsieur  du  Coudray,  l'un  de  nos  missionnaires, 
qui  s'en  va  vous  trouver,  avec  le  projet  du  contrat  de  la 
fondation  de  Monseigneur  de  Troyes  \  Monsieur  le  com- 
mandeur ^  a  trouvé  à  propos  d'en  user  de  la  sorte.  C'est 


Lettre  292.    —  L.   a.    —   Original   à  la  Visitation  de  Troyes. 

1.  René  de  Breslay,  évêque  de  Troyes,  avait  tenté  dès  1621,  avec 
le  concours  d'Adrien  Bourdoise  et  sur  les  instances  de  la  Mère  de 
la  Trinité,  de  fonder  une  maison  de  missions  dans  sa  ville  épisco- 
pale.  En  1637,  le  prélat  et  la  prieure  du  Carmel  se  sentirent  pres- 
sés intérieurement  de  reprendre  le  projet  abandonné.  Ils  en  parlèrent 
à  M.  de  Sillery,  titulaire  de  la  commanderie  de  Troyes,  et  il 
fut  décidé  qu'on  demanderait  des  missionnaires  à  saint  Vincent. 
L'accord  fut  conclu  le  3  octobre  1637  au  parloir  du  Carmel,  où  se 
trouvaient  réunis  l'évêque  de  Troyes,  saint  Vincent  et  la  Mère  de  la 
Trinité.  Le  nouvel  établissement  devait  s'ouvrir  le  17  février  1638 
au  plus  tard  et  recevoir  dès  le  début  un  personnel  de  six  prêtres  et  de 
deux  frères,  le  nombre  des  prêtres  pouvant  être  de  quatre 
jusqu'en  1641,  s'il  y  avait  impossibilité  d'en  procurer  davantage.  Les 
missionnaires  avaient  à  évangéliser  les  localités  du  diocèse  où  l'évêque 
de  Troyes  jugerait  bon  de  les  envoyer  et,  de  cinq  en  cinq  ans,  les 
terres  de  la  commanderie.  Le  prélat  leur  assurait  une  rente  annuelle 
de  2.000  livres  et  le  commandeur  la  moitié  de  cette  sommo.  Ce  contrat 
demandait  à  être  complété.  M.  de  Sillery  donna  aux  pri'tres  de  la 
Mission  le  19  janvier  plusieurs  fonds  et  propriétés,  dont  il  se  réserva 
l'usufruit  ,  il  promit  de  plus  de  leur  \erser  tous  les  ans  cent  livres 
tournois.  Mgr  de  Breslay  remplit  ses  engagements,  le  12  mars,  en 
faisant  don  à  la  Mission  d'une  niaison  de  douze  cents  livres  de  re- 
venuj  sise  à  Paris,  grande  rue  du  faubourg  Saint-Michel,  et  d'une 
somme  de  six  cents  livres,  dont  il  ne  versa  d'abord  que  la  rente.  Il 
était  stipulé  dans  ce  nouveau  traité  que  les  missionnaires  prépa- 
reraient les  ordinands  aux  ordres  pendant  dix  jours  et  recevraient 
chez  eux  les  curés  pour  les  exercices  spirituels,  un  à  un  et  en  dehors 
du  temps  consacré  aux  ordinands.  A  la  date  où  fut  écrite  la  lettre 
ci-dessus,  le  contrat  du  12  mars  n'était  encore  qu'à  l'état  de  projet  ; 
c'est  celui  que  saint  Vincent  a  ici  en  vue.  (Arch.  Nat.  MM  534  ; 
A.  Prévost,  Saint  Vincent  de  Paul  et  ses  œuvres  dans  le  diocèse  de 
Troyes,   Troyes,    1896,    in-12.) 

2.  Le   commandeur   de    Sillery. 


—  425  — 

l'œuvre  de  vos  mains.  Il  a  plu  à  sa  divine  Majesté  de 
vous  donner  grâce  pour  cela.  J'espère,  ma  chère  Mère, 
que  vous  la  nous  obtiendrez  pour  le  servir  selon  son  des- 
sein. O  ma  chère  Mère,  combien  de  belles  pierres  pré- 
cieuses vous  ajoutez  à  la  couronne  que  Notre-Seigneur 
vous  va  façonnant  !  Certes,  le  nombre  en  sera  aussi 
grand  qu'il  y  aura  des  âmes  qui  seront  sauvées  par 
ce  moyen  ;  mais  à  ce  que  les  péchés  et  les  misères  de 
cette  pauvre  et  chétive  compagnie  et  particulièrement 
les  miens  ne  soient  point  à  empêchement  à  l'œuvre  de 
Notre-Seigneur,  je  vous  supplie,  ma  chère  Mère,  de  lui 
demander  ou  qu'il  nous  ôte  du  monde,  ou  qu'il  nous  fasse 
tels  que  nous  lui  puissions  rendre  les  services  que  sa  di- 
vine bonté  attend  de  nous.  Je  ne  vous  fais  point  de  re- 
merciement de  tout  cela.  Dieu  seul  est  digne  de  le  vous 
faire  et  d'être  votre  remerciement  lui-même.  Je  dis  la 
même  chose  à  votre  sainte  communauté,  qui  a  tant  prié 
et  fait  de  pénitence  pour  cela.  Je  vous  offre,  à  vous  et  à 
elle,  ma  perpétuelle  recormaissance  de  cette  grâce  que 
vous  nous  avez  faite,  ma  chère  Mère,  et  une  soumission 
éternelle  à  vos  volontés,  qui  sont  celles  de  Notre-Sei- 
gneur même,  en  l'amour  duquel  je  suis  et  celui  de  sa 
sainte  Mère,  ma  très  chère  Mère,  votre  très  humble  et 
obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  22  janvier  1638. 

Monsieur  du  Coudray  a  ordre  de  faire  tout  ce  que 
vous,  ma  chère  Mère,  lui  ordormerez.  Commandez  donc, 
ma  chère  Mère,  et  vous  serez  obéie. 

Suscription  :  Ma  Révérende  Mère  de  la  Trinité,  supé- 
rieure du  monastère  second  des  Carmélites  de  Troyes. 


—  426  — 

293.  —  A  LAMBERT  AUX  COUTEAUX,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 
A  RICHELIEU 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

J'ai  reçu  la  vôtre  du  24  de  ce  mois,  qui  m'a  fort  con- 
solé, pource  qu'il  plaît  à  Dieu  que  vous  vous  portiez  si 
bien,  et  que  M.  Perdu  est  revenu  de  ses  trois  accès  de 
ûèvre. 

J'ai  été  fort  aise  d'être  éclairci  de  l'affaire  de  Toul. 
J'y  ai  envoyé  M.  du  Coudray,  avec  pouvoir  de  traiter 
le  différend  \  M.  Midot  ^  porte  fort  nos  intérêts.  Il  désire 


Lettre  293.  —  L.  a.  —  Dossier  de  Turin,  original. 

1.  Pour  comprendre  a  l'affaire  de  Toul  »,  il  faut  remonter  à  l'ori- 
gine de  l'établissement  fondé  dans  cette  ville.  L'Ordre  du  Saint-Es- 
prit, auquel  Néméric  Barat,  maître  échevin  de  Toul,  avait,  en  1238, 
confié  un  hôpital  qu'il  venait  de  bâtir  pour  orphelins  et  infirmes, 
n'était  plus  représenté  en  cette  ville  en  1635  que  par  maître  Domi- 
nique Thouvignon  et  par  deux  religieux.  Dominique  Thouvignon 
résigna  son  bénéfice  en  faveur  de  l'évêque  Charles  de  Gournay, 
moyennant  une  pension  de  deux  mille  livres  barrois.  Ce  dernier 
l'offrit  aux  prêtres  de  la  Mission,  et  Jean  Dehorgny  en  devint  titu- 
laire par  acte  royal  de  mai  1635.  Lambert  aux  Couteaux  et  Colée 
y  furent  placés  et  y  remplirent  les  fonctions  de  leur  état  :  missions, 
conférences  ecclésiastiques,  retraites.  Le  16  juin,  par  une  convention 
à  l'amiable,  les  deux  frères  du  Saint-Esprit  cédèrent  à  Jean  Dehorgny 
tous  leurs  droits  sur  la  maison  et  l'hospice,  moyennant  une  pension 
de  six  cents  livres  barrois  et  certains  avantages.  L'hôpital  prenait 
aux  missionnaires  une  grande  partie  d'un  temps  qu'ils  auraient  désiré 
consacrer  aux  missions.  Sur  leur  demande,  il  fut  statué,  le  17  mars 
1637,  que  l'évêque,  le  lieutenant  du  roi  et  le  maître  échevin,  l'ad- 
ministreraient par  deux  délégués  de  leur  choix  et  qu'à  la  Mission 
serait  dévolu  le  tiers  des  meubles  et  immeubles  gérés  avant  1635 
par  les  frères  du  Saint-Esprit.  Le  partage  fut  l'occasion  de  nombreu- 
ses contestations  pendant  quatre  ou  cinq  ans.  (Histoire  des  diocèses 
de  Toul,  de  Nancy  et  de  Saint-Diê,  par  Eugène  Martin,  Nancy,  1900- 
1903,  3  vol.,  in-8,  t.  II,  p.  208  et  suiv.)  En  décembre  1657,  le  roi 
supprima  la  commanderie  du  Saint-Esprit  de  Toul  et  l'unit  à  la  con- 
grégation  de   la    Mission. 

2.  Jean  Midot,  docteur  en  théologie,  conseiller  au  parlement  de 
Metz,  grand  archidiacre,  chanoine  et  vicaire  général  de  Toul,  était 
très   considéré    en    cour   de   Rome    et   en   cour   de   Lorraine.    Après    la 


—  427  — 

que  M.  Colée  rende  compte  au  chapitre  ;  et  s'il  se  trouve 
qu'il  n'y  ait  point  de  l'abus  de  notre  côté,  il  espère  faire 
joindre  le  chapitre  à  nous  et  de  venir  lui-même  en  cette 
ville  pour  les  intérêts  de  leur  diocèse.  M.  le  président 
Faberolle,  qui  a  charité  pour  nous,  a  un  peu  émoussé  la 
pointe  de  la  poursuite.  S'il  n'eût  été  contraint  de  s'en  re- 
venir, il  aurait  pu  remédier  à  cet  affaire,  lequel  j'aban- 
donnerais volontiers,  n'était  que  nous  sommes  obligés  de 
justiûer  qu'on  nous  blâme  à  tort  d'avoir  mésusé  de  ce 
bien.  C'est  l'avis  du  bon  M.  de  Cordes  et  de  M.  de 
Sainte-Marthe.  Nous  avons  demandé  l'évocation  ^,  selon 
le  désir  dudit  sieur  Midot.  L'on  m'a  dit  tantôt  que  M.  le 
chancelier  *  a  refusé  de  sceller  les  lettres.  Benedictus 
Deus  ! 

J'ai  été  bien  aise  d  apprendre  la  description  de  ce 
petit  prieuré.  M.  des  Roches  ^  m'a  dit  qu'il  le  nous  voulait 
donner  ;  mais  cela  n'est  pas  encore  fait.  Vous  me  ferez 
plaisir  de  me  mander  si  l'on  le  vous  a  dit  d'ailleurs.  Béni 
soit  Dieu  de  ce  que  vous  dites  qu'il  peut  défrayer  la 
maison  de  pain  et  de  vin    ! 

Je  voudrais  aussi  savoir  si  les  coches  de  Loudun  sont 
à  5.000  livres  ;  ils  ne  sont  baillés  que  pour  4.500  livres 
par  la  fondation.  Peut-être  se  sont-ils  raffermis  depuis 

Je  tiendrai  la  main  au  bâtiment  ^    ;  mais  je  voudrais 


mort  de  Charles  de  Gournay,  il  gouverna  le  diocèse  en  qualité  de 
vicaire  capitulaire.  Au  témoignage  de  Collet  [of.  cit.,  t.  I,  p.  291, 
note),  sa  famille  conservait  au  XVIII'^  siècle  plusieurs  des  lettres  que 
saint  Vincent  lui  avait  adressées.  Une  seule  nous  est  connue.  Jean 
Midot  est  l'auteui  de  Mémoires  sur  les  évêques  de  Toul  restés  ma- 
nuscrits. 

3.  Dessaisissement  du  tribunal  local  et  transfert  de  la  connaissant' 
du  procès  au  parlement  de  Paris. 

4.  Pierre  Séguier. 

5.  Michel  le  Masle,  prieur  des  Roches,  près  Fontevrault,  secré- 
taire du  cardinal  de  Richelieu,  chanoine  et  chantre  de  N.-D.  de 
Paris.  Cette  dernière  qualité  le  rendait  coUateur,  juge  et  directeur 
des  petites  écoles  de   Paris. 

6.  Le  cardinal   de  Richelieu  s'était  engagé  par  une  des  clauses  du 


—  428  — 

bien  savoir  si  le  défaut  est  aux  matériaux  ou  à  l'ouvrage, 
ou  que  vous  les  souhaitiez  plus  exhaussés.  Un  mot  de 
cela,  s'il  vous   plaît  ? 

Cette  grosse  cure  me  fait  peur  \  In  nomine  Domini  ! 

Je  loue  Dieu  de  la  mission  que  vous  faites  parmi  les 
prisonniers,  qui  me  font  très  grande  compassion.  Mais 
prenez  garde,  s'il  vous  plaît,  de  n'y  pas  aller  à  jeun. 

Pour  le  collège  que  désirent  les  habitants,  ipsi  vide- 
rint  ^  Mais  pour  le  neveu  de  ce  bon  chanoine,  ô  Jésus  ! 
Monsieur,  prenez-le. 

J'ai  oublié  de  donner  ordre  pour  avoir  des  fers  à 
pains  à  chanter  ®. 

Venons  à  ceux  qui  vous  doivent  aller  trouver.  Nous 
vous  en  envoyons  trois  d'ici  et  MM.  Codoing  et  Durot, 
qui  vous  doivent  aller  trouver  du  Dauphiné,  où  ils  sont. 
J'espère  que  vous  les  aurez  dans  dix  jours.  Notre-Sei- 
gneur  a  beaucoup  béni  leur  travail  en  ce  pays-là.  Ceux- 
ci  sont  Messieurs  Buissot  ^°,  Benoît  ^^  et  Gourrant  ^^ 
Vous  pouvez  retenir  auprès  de  vous  à  Richelieu  Mes- 
sieurs Buissot  ou  Benoît  et  M.  Gourrant,  et  envoyer  l'un 
de  ceux-là  à  la  Mission  de  Luçon.  J'estime  qu'il  est  ex- 


contrat à  faire  élever  un  bâtiment  pour  les  missionnaires  et  les  ordi- 
nands    ou    retraitants    que    ceux-ci    devaient    hospitaliser. 

7.  La  cure  de  Richelieu.  Elle  n'était  pas  encore  érigée.  Le  cardinal 
avait   promis   de   l'annexer   à   la   Mission. 

8.  Le  cardinal  projetait  de  doter  sa  ville  de  Richelieu  dun  ma- 
gnifique collège.  Il  exposa  ses  idées  à  Louis  XIIL  qui  en  autorisa  la 
fondation  par  deux  déclarations,  du  20  mai  et  du  11  septembre  1640. 
(Bossebœuf,  o-p.  cit.,  p.  321  et  suiv.) 

9.  Fers  pour   faire   des   hosties. 

10.  Nicolas  Buissot,  né  à  Allainville  (Seine-et-Oise),  reçu  dans  la 
congrégation   de  la   Mission  en    1630,   ordonné   prêtre  en   1632. 

11.  Benoît  Bécu,  né  à  Braches  (Somme)  le  21  mars  1602,  ordonné 
prêtre  en  1627,  reçu  dans  la  congrégation  de  la  Mission  le  14  mai 
1637.  Il  alla  fonder  en  1639  l'établissement  de  La  Rose  et  revint 
quelques  mois  après  à   Richelieu,  où  il  était  encore  en  1646. 

12.  Ce  nom  ne  se  trouve  pas  dans  le  catalogue  du  personnel.  Il  est 
fort  probable  que  M.  Gourrant  resta  peu  de  temps  dans  la  congréga- 
tion de  la  Mission. 


—  429  — 

pédient  que  vous  employiez  Messieurs  Codoing  et  Durot 
dans  le  duché  de  Richelieu. 

M.  Gourrant  chante  la  musique,  M.  Benoît  et  M.  Buis- 
sot  savent  entonner  les  psaumes.  M.  Benoît  fait  utile- 
ment le  catéchisme.  Tout  le  monde  demeure  d'accord 
que  le  fruit  qui  se  fait  à  la  Mission  est  par  le  caté- 
chisme ;  et  une  personne  de  qualité  disant  dernièrement 
cela,  ajouta  que  les  missionnaires  s'étudiaient  tous  à 
bien  prêcher  et  qu'ils  ne  savaient  point  faire  le  caté- 
chisme, et  dit  cela  en  ma  présence  et  celle  d'une  bonne 
compagnie.  Au  nom  de  Dieu,  Monsieur,  avertissez  de 
ceci  la  compagnie  de  delà.  Ma  pensée  est  que  ceux  qui 
travailleront  doivent  l'un  faire  le  grand  et  l'autre  le  pe- 
tit catéchisme  seulement,  et  parler  deux  fois  par  jour.  Et 
l'on  peut  rapporter  au  catéchisme  des  moralités  "  pour 
toucher  ;  car,  comme  j'ai  dit,  l'on  remarque  que  tout  le 
fruit  vient  de  là. 

Nous  avons  fait  ici  quelques  conférences  touchant  la 
manière  comme  il  se  faut  prendre  pour  enseigner  les  vé- 
rités controversées  ;  et  me  semble  que  ces  Messieurs  l'en- 
tendent passablement,  pour  le  moins  les  trois  premiers. 
Ils  ont  appris  aussi  la  méthode  de  M.  Véron  par  lui- 
même.  Je  vous  prie.  Monsieur,  d'en  conférer  tous  les 
jours  ensemble  et  de  dire  à  M.  Perdu  que  je  le  prie  de 
rafraîchir  sa  mémoire  sur  cela,  en  sorte  que,  quand  ils 
partiront  de  Richelieu,  ils  sachent  comme  il  faut  hum- 
blement et  familièrement  enseigner  ces  vérités.  Qu'ils  se 
souviennent  qu'ils  ne  vont  pas  là  pour  les  hérétiques, 
mais  que  c'est  pour  les  pauvres  catholiques,  et  que  si 
néanmoins,  chemin  faisant,  l'occasion  d'instruire  quel- 
qu'un se  présente,  qu'ils  le  fassent  doucement  et  humble- 
ment, montrant  que  ce  qu'on  leur  dit  vient  des  entrailles 
de  compassion  et  de  charité  et  non  d'indignation.  Je  ne 

13.   Moralités,  histoires  édifiantes. 


—  430  — 

leur  saurais  proposer  un  meilleur  exemple  que  le  vôtre 
et  celui  de  M.  Soufliers.  Un  seigneur  de  ces  quartiers-là 
m'a  dit  que  vous  vous  y  preniez  justement  comme  il  fal- 
lait pour  instruire  les  catholiques  et  les  huguenots  par 
eux,  et  pour  les  édifier  les  uns  les  autres.  Je  vous  prie, 
Monsieur,  de  leur  dire  ceci  et  surtout  qu'ils  ne  donnent 
jamais  aucun  défi,  aux  ministres,  ni  à  qui  que  ce  soit, 
pour  quelque  occasion  que  ce  soit. 

Ces  Messieurs  partiront  demain  par  le  coche  de  Poi- 
tiers, comme  je  pense,  car  [il]  '■^  s'oblige  de  les  amener 
à  quatre  lieues  de  Richelieu.  J'ai  pourtant  baillé  la  pré- 
sente au  messager  de  Champigny,  à  ce  que  vous  ayez 
avis  de  leur  départ  et  que  vous  donniez  à  les  loger. 

Vous  me  dites  que  vous  manquez  de  meubles.  Je  vous 
enverrai  une  lettre  de  crédit  pour  prendre  jusques  à 
mille  livres  à  Tours,  oii  vous  pourrez  faire  provision 
des  meubles  qu'il  vous  faudra. 

Si  vous  pressentez  qu'on  vous  veuille  assujettir  à  des 
choses  outre  nos  bulles,  priez  Monseigneur  de  Char- 
tres ^^  de  trouver  bon  que  vous  m'en  donniez  avis,  si  vous 
n'y  pouvez  remédier  à  l'heure  même  ;  que  si  après  tout 
il  n'y  a  point  de  moyen,  sk  nomen  Domini  benedictum  ! 

Je  suis,  en  son  amour,  à  M.  Perdu,  que  j'embrasse,  et 
à  vous,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Monsieur,  votre 
très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Saint-Lazare,  ce  30  janvier  1638. 

Dieu  bénit  beaucoup  la  mission  qui  se  fait  à  présent  à 
Saint-Germain  ^^,  où  est  la  cour. 

Au  bas  de  la  première  -page  :  M.  Lambert. 


14.  Mot  oublié  dans   l'original. 

15.  Léonor  d'Estampes  de  Valençay,   évêque  de  Chartres  de   1620  à 
1641,    puis   transféré   à   Reims. 

16.  Saint-Germain-en-Laye. 


—  431  — 

294    —  A  ANTOINE  LUCAS 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Vous  avez  bien  fait,  Monsieur,  de  ne  pas  accepter 
les  offres  de  M.  le  vicomte  de  Soudé  \  et  ferez  bien  de 
n'écouter  jamais  la  proposition  de  nous  nourrir  ;  c'est 
une  règle  fondamentale  de  notre  petit  Institut.  Or  sus, 
je  suppose  que  vous  avez  ainsi  achevé  avant  la  réception 
de  la  présente  et  que  vous  irez  faire  ensuite  les  visites 
que  vous  me  dites  que  vous  désirez  faire  aux  lieux  que 
vous  avez  été.  Mais,  cela  fait,  Monsieur,  je  vous  supplie 
de  vous  reposer  à  Montmirail  jusques  à  ce  que  vous  ayez 
repris  vos  forces,  pour  recommencer  à  travailler  aux  vil- 
lages qui  dépendent  de  Montmirail  et  du  diocèse  de 
Troyes  ;  et  puis  nous  verrons  si  Monseigneur  de  Sois- 
sons  ^  agréera  que  l'on  travaille  dans  ceux  de  son  dio- 
cèse. Je  ne  vois  pas  de  moyen  de  le  faire  ce  carême  dans 
la  ville,  à  cause  qu'il  ne  nous  a  pas  voulu  donner  la 
station. 

Que  vous  dirai-je  de  ce  bon,  mais  fâcheux  garçon, 
sinon  que  je  suis  affligé  de  ce  qu'il  s'est  tant  oublié 
que  de  vous  tenir  les  discours  que    M.  du  Chesne  ^  me 


Lettre  294.  —  L.  a.  —  Dossier  de  Turin,   original. 

1.  Desbordes,  auditeur  des  comptes.  Saint  Vincent  disait  un  jour 
de  lui  :  «  Cet  homme-là  aime  Dieu  plus  que  je  ne  vous  saurais  dire, 
mais  d'un  amour  sensible  ;  c'est  de  plus  un  homme  qui  a  une  grâce 
merveilleuse  pour  accorder  les  différends.    » 

2.  Simon  Le  Gras  (1624-1656). 

3.  Pierre  du  Chesne  appartenait  à  la  congrégation  de  la  Mission  de- 
puis quelques  mois  seulement.  Ce  fut  un  des  meilleurs  missionnaires 
de  saint  Vincent,  qui  lui  confia  la  direction  des  maisons  de  Crécy 
(1641-1644),  des  Bons-Enfants  (1644),  de  la  Mission  d'Irlande  et 
d'Ecosse  (1646-1648),  de  Marseille  (1653-1654)  et  d'Agde  (1654)  et 
l'appela  aux  deux  assemblées  générales  convoquées  à  Saint-Lazare  de 
son  vivant.    Pierre   du   Chesne  mourut  à   Agde   le   3  novembre    1654. 


-  432   — 

mande  qu'il  vous  a  faits  et  que  votre  piété  vous  fait 
taire  ?  Or  sus,  je  n'y  vois  point  d'autre  remède  que  de  le 
nous  renvoyer  ;  mais  comment  ferez-vous  d'un  garçon  ? 
En  trouverez-vous  point  quelqu'un  à  Montmirail  ou  en 
Champagne  en  le  payant  ?  Je  vous  supplie,  Monsieur, 
d'en  prendre  un,  si  vous  en  trouviez  ;  sinon,  nous  tâche- 
rons de  vous  en  envoyer  un  de  céans. 

J'écrirai,  s'il  m'est  possible,  à  M.  du  Chesne.  Mais  voici 
qu'on  m'en  vient  ôter  le  moyen.  Vous  lui  direz,  en  tout 
cas,  que  j'ai  été  fort  consolé  de  sa  lettre  et  que  je  ne 
manquerai  point  de  lui  écrire  à  la  première  occasion. 

La  mission  de  Saint-Germain-en-Laye,  où  est  la  cour, 
s'avance,  et  Dieu  la  bénit  beaucoup.  Je  viens  de  voir  ce 
que  M.  de  la  Salle*  écrit  à  M.  Dehorgny,  qui  est  de  dire 
au  séminaire  ^  que  sans  ce  secours  plusieurs  milliers 
d'âmes  seraient  péries. 

Je  vous  prie  de  prier  et  faire  prier  pour  la  grossesse 
de  la  reine. 

Je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Monsieur,  votre 
très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  30  janvier  1638. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Lucas,  prêtre  de 
la  Mission,  étant  de  présent  à  Soudé  ou  au  Mesnil  ou  à 
Bergues  ®. 


4.  Jean  de  la  Salle  était  du  nombre  des  missionnaires  employés  à 
Saint-Germain. 

5.  Au  séminaire  interne  de  Saint-Lazare.  Saint  Vincent  l'avait  ou- 
vert en  juin  1637  et  en  avait  confié  la  direction  à  Jean  de  la  Salle, 
que  Jean  Dehorgny  remplaçait  provisoirement.  Les  prêtres  de  la  Mis- 
sion appellent  séminaire  interne  ce  que  les  religieux  appelleraient 
noviciat. 

6.  Localité  de  l'Aisne. 


—  433  — 

295.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[Février  1638  ^] 
Mademoiselle. 

La  grâce  de  Xotre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Voici  une  lettre  de  la  Mère  Arbiste.  Monsieur  de  la 
Salle  m'a  mandé  l'arrivée  de  vos  filles  ^  et  qu'il  les  pré- 
senterait hier  aux  sœurs  de  la  Charité  ^.  Madame  Chau- 
mont  lui  dit  qu'elle  leur  baillerait  un  écu  pour  commen- 
cer à  se  nourrir.  Je  lui  dis  qu'il  n'était  pas  besoin,  qu  on 
y  pourvoirait  d'ailleurs.  Donnez-moi  un  mot  d'avis,  je 
vous  en  prie. 

Mademoiselle  Hardy  me  presse  toujours  pour  assem- 
bler les  dames  qui  lui  ont  donné  parole  de  contribuer. 
Si  je  ne  le  fais,  je  la  contristerai  beaucoup  ;  si  je  le  fais, 
c'est  contre  mon  sens.  Je  doute  que  cela  réussisse  en  la 
manière  que  les  choses  sont  ;  car  elle  entend  que  ces 
dames  aillent  à  la  maison  des  enfants  trouvés  "*  et  que 
tout  se  fasse  là  dedans  et  selon  l'ordre  qui  y  est  établi  ; 
et  ma  pensée  est  qu'il  vaudrait  mieux  abandonner  le 
fonds  de  cette  maison  établie  que  de  s'assujettir  à  tant 
de  comptes  à  rendre  et  de  difficultés  à  franchir,  et  faire 
un  établissement  nouveau  et  laisser  celui-là  comme  il 
est,  pour  le  moins  pour  quelque  temps.  Que  vous  en 
semble  ?  Si  je  pensais  qu'elle  voulût  acquiescer  à  l'essai 
que  vous  proposez  d'une  nourrice  et  de  quelque  chèvre 
chez  vous,  baste  ! 


Lettre  295.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  au  moment  de  l'arrivée  des  Filles  de  la 
Charité    à    Saint-Germain-en-Laye,    peu    de   jours  après    la    lettre    290. 

2.  Barbe  Angiboust  et  une  compagne. 

3.  Aux  dames  de  la   Charité   de   Saint-Germain-en-Laye,  dont   Ma- 
dame de  Chaumont  était  présidente. 

4.  La  Couche. 

28 


—  434  — 

L'affaire  de  votre  Charité  ^  me  tient  au  cœur  et  ai 
quelque  remords  parfois  de  n')'  pomt  travailler  ;  mais 
il  m'est  impossible.  L'affaire  du  Temple  consomme  tout 
mon  temps  et  je  serai  encore  quelques  jours  en  cet  embar- 
ras ®.  Quand  je  vois  cela,  je  pense  que  la  Providence  ne  le 
permet  pas  en  vain.  Je  ne  vois  rien  de  plus  commun  que 
les  mauvais  succès  des  choses  précipitées.  Croiriez-vous 
qu'il  est  déjà  arrivé  accident  en  cet  établissement  des 
filles  de  Montmorency  ^,  lesquelles  avaient  déjà  obtenu 


5.  L'établissement  de  la  Charité  à  La  Chapelle. 

6.  L'établissement  d'un  séminaire  dans  la  maison  du  Temple  à 
Paris.  «  Ce  bon  dessein,  écrit  Abelly  (of.  cit.,  chap.  xxxii,  i"  éd., 
p.  151),  n'eut  pas  tout  l'effet  qu'on  en  espérait,  quoique  M.  Vincent 
eût  été  prié  de  s'y  appliquer  et  que  pour  cela  il  eût  fait  quelque 
séjour  dans  le  Temple,  parce  que,  n'ayant  pas  eu  la  liberté  d'y  agir 
à  sa  façon,  il  n'y  put  pas  réussir  comme  il  eût  bien  désiré.  »  a  Une 
des  premières  et  des  plus  fortes  pensées  »  du  commandeur  de  Sil- 
lery  fut,  écrit-il  lui-même  {Vie  de  V illustre  serviteur  de  Dieu  Noël 
Brulart  de  Sillery,  p.  109) ,  «  de  travailler  au  salut  des  âmes,  tant 
par  l'établissement  des  séminaires,  que  par  les  visites  exactes  des 
cures,  églises  et  peuples  qui  sont  dans  l'étendue  du  grand  prieuré 
de  France  commis  à  la  juridiction  et  conduite  »  du  Temple.  Il 
consulta  à  cet  effet  les  Pères  Gibieux  et  de  Condren,  de  l'Oratoire, 
le  P.  Binet,  jésuite,  la  R.  Mère  de  la  Trinité  et  surtout,  laissons-lui 
la  parole,  «  un  grand  serviteur  de  Dieu  auquel  Notre-Seigneur  m'a, 
en  son  amour,  donné  une  entière  confiance,  et  qui,  par  la  grande 
estime  et  révérence  qu'il  a  dès  longtemps  en  son  âme  de  la  profession 
expresse  et  principale  de  notre  Ordre  d'exposer  sa  vie  pour  la  dé- 
fense et  propagation  de  la  foi,  a  une  singulière  dévotion  à  tout  ce 
qui  concerne  le  bien  et  le  service  de  notre  religion.  Ce  saint  person- 
nage m'a,  par  tous  ses  sages  conseils,  continuellement  et  fortement 
incité,  exhorté  et  conforté  de  considérer  profondément,  pour  la 
gloire  de  Dieu,  l'utilité  que  plusieurs  personnes  recevront  de  cet 
emploi  ».  Ce  saint  personnage  était,  on  le  devine,  le  directeur  du 
commandeur,  Vincent  de  Paul.  Le  grand  prieur  de  France  donna 
au  commandeur  de  Sillery  les  pouvoirs  de  vicaire  général,  pour 
qu'il  pût  plus  librement  mener  à  bonne  fin  son  entreprise.  Mais  le 
commandeur  n'avait  pas  l'esprit  temporisateur  de  saint  Vincent  ;  il 
ne  savait  pas,  autant  qu'il  l'aurait  fallu,  profiter  des  leçons  de  l'ex- 
périence. Des  oppositions  surgirent  dans  son  Ordre  même,  et  il  dut 
tout  abandonner.  Une  vde  ses  lettres  au  grand  maître,  datée  du 
22  juin  1638,  montre  avec  quelle  générosité  et  quelle  héroïque  résigna- 
tion il   accepta  cette   pénible  épreuve.   (Ihid.^   pp.    107-122.) 

7.  Aujourd'hui  chef-lieu  de  canton  en  Seine-et-Oise.  On  y  avait 
fondé  un  établissement  en  1636  pour  recueillir  et  élever  les  filles  nées 


—  435  — 

la  permission  de  la  clôture,  ont  une  maison,  une  chapelle 
et  tout  ce  qui  s'ensuit  ;  et  cependant  l'on  pense  qu'il  est 
nécessaire  d'appeler  des  religieuses  à  leur  place  ;  et  si 
cela  dépendait  de  moi,  je  le  ferais.  Tout  ceci  soit  dit  à 
votre  cœur  seulement  et  non  à  qui  que  ce  soit  autre. 

Le  bon  M.  le  curé  de  La  Chapelle  *  doit  venir  dîner 
céans  aujourd'hui  avec  son  frère  pour  aviser  à  ce  qu'il 
faudra  faire  à  son  indisposition,  car  le  voilà  reconnu 
pour  tel  que  vous  craigniez.  O  mon  Dieu,  qu'est-ce  que 
de  nous  ! 

Madame  Goussault  avait  avant-hier  une  âèvre  qu'on 
craignait  continue.  Ayez  soin  de  votre  santé,  je  vous  en 
supplie. 

Je  suis  V.  s. 

V.  D. 

L'on  me  violente  pour  la  précipitation  de  l'affaire  du 
Temple,  duquel  j'appréhende  la  chute  prochaine.  Je  le 
dis  et  le  redis,  et  néanmoins  l'on  passe  par  dessus.  L'hu- 
milité m'oblige  à  déMrer,  et  la  raison  me  fait  appréhen- 
der, hi  nomine  Domini  ! 

296  .  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

De  Saint-Lazare,   ce  mardi  matin  [1638  ^] 
Mademoiselle, 
La  grâce    de    Notre-Seigneur  soit    avec    vous    pour 
jamais  ! 

d'une  union  coupable.  La  Compagnie  du  Saint-Sacrement  s'intéressait 
à  cette  œuvre.  Elle  avait  pris  à  sa  charge  la  pension  d'une  maîtresse 
et  reçu,  en  échange  de  ses  libéralités,  le  droit  d'y  envoyer  douze  pe- 
tites filles  par  an.    (René  de  Voyer  d'Argenson,  of.  cit.,  p.  69.) 

8.   Jean   Paradis,   mort  en  mai   1646. 

Lettre  296.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original. 

I.  La  phrase  «  Il  faut  un  peu  penser  au  moyen  de  faire  apprendre 
à  faire  les  écoles  aux  filles  »  nous  permet  de  conjecturer  que  cette 
lettre  a  précédé  de  très  près  la  lettre  297,  où  Ton  trouve  la  solution 
proposée  par  Louise   de   Marillac. 


—  436  — 

Je  vous  renvoie  les  papiers  -,  et  vous  les  renverrez  au 
plus  tôt,  s'il  vous  plaît,  et  ferez  en  sorte  qu'on  vous  en 
délivre  une  copie  signée. 

Si  vous  n'aviez  les  clefs,  vous  les  ferez  prendre  céans. 

Madame  Pelletier  me  vient  de  parler  de  ses  meubles  ; 
elle  désirerait  qu'on  les  mît  dans  quelqu'autre  petite 
chambre.  Elle  ne  parle  point  de  les  mettre  ailleurs.  Je 
lui  ai  dit  que  nous  en  parlerions  et  qu'il  faut  tendre  à 
rendre  toutes  choses  commîmes  et  à  ôter  les  particula- 
rités. Or,  ce  langage  lui  semble  un  peu  nouveau. 

Cette  bonne  femme  du  Mans  me  paraît  infirme.  Elle 
a  bien  fait  des  conditions  et  des  demeures. 

Il  faut  un  peu  penser  au  moyen  de  faire  apprendre  à 
faire  l'école  aux  ûlles.  Celle-ci  dit  qu'elle  les  a  faites  en 
cette  ville  et  ailleurs.  Il  faut  voir  si  l'on  en  essayera. 

Bonjour,  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

297.  —  A  LOUISE  DE  RÎARILLAC 

[1638  1.] 
Mademoiselle. 

La  grâce  de  Xotre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Béni  soit  Dieu  de  ce  que  votre  indisposition  n'est  pas 
grande  !  Je  vous  prie  de  faire  ce  que  vous  pourrez  pour 
vous  bien  porter. 

J'espère  aller  samedi  à  La  Chapelle. 

Nous  avons  arrêté  votre  mémoire  pour  les  Enfants 
trouvés  en  deux  assemblées  avec  les  officières  de  la  Cha- 


2.    Probablement  des  papiers  relatifs  à  l'établissement  des  Enfants 
trouvés. 

Lettre  297.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.  Cette  lettre  est  des  tout  premiers  commencements  de  l'œuvre  des 
Enfaiits  trouvés. 


—  437   — 

rite  de  l'Hôtel-Dieu  ;  et  dimanche  prochain  nous  com- 
muniquerons l'arrêté,  que  je  réduirai  en  manière  de  rè- 
gle, à  Madame  Pelletier,  pour  voir  si  elle  s'y  veut  assu- 
jettir ;  ce  sera  chez  Madame  Goussault  en  présence  des 
officières.  Toute  la  compagnie  trouve  nécessaire  que 
cette  maison-là  dépende  de  la  supérieure  des  Filles  de  la 
Charité,  comme  je  vous  ai  écrit,  et  que  vous  y  alliez  pas- 
ser sept  ou  huit  jours,  si  votre  santé  le  vous  permet. 

Les  dames  vont  aujourd'hui  à  l'Hôtel-Dieu.  Je  vous 
prie  d'offrir  leurs  personnes  et  leurs  travaux  à  sa  divine 
Majesté. 

Je  n'attends  pas  grand'chose  de  cette  manière  de 
communiquer  des  Ursulines  avec  vos  filles  ^.  Vous  les  y 
enverrez  néanmoins,   s'il   vous   plaît. 

Je  pense  qu'il  vaut  mieux  retenir  cette  fille  auprès  de 
vous  pour  quelque  temps  et  de  la  faire  voir,  avec  celle 
de  Nogent,  à  Madame  Goussault.  Il  n'est  pas  besoin  de 
lui  envoyer  celle  de  Saint-Marceau  ^,  puisque  déjà  elle 
est  en  exercice. 

Je  vous  souhaite  le  bonjour  et  suis,  en  l'amour  de 
Notre-Seigneur,   v.   s. 

V.  Depaul. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


298  .  —  LOUISE  DE  MARILLAC  A  SAINT  VINCENT 

[1638  \] 

Après  avoir  parlé  des  manœuvres  auxquelles  se  livrait  Ma- 
dame Pelletier  auprès  des  autorités  ecclésiastiques  et  judiciai- 
res pour  écarter  saint  Vincent  et  les  dames  de  la  Charité  de 


2.  Voir  la   lettre  296. 

3.  Quartier  de   Paris. 

Lettre  298.  —  Mgr  Baunard,  of.  cit.,  p.  306. 

I.   Cette  lettre  semble  devoir  être  rapprochée  de  la  lettre  297. 


—  43»  — 

Tadministration  des  Enfants  trouvés  et  demeurer  seule  maî- 
tresse, Louise  de  Alarillac  ajoute  :  «  Mais  j  ai  confiance  que  le 
hon  Dieu  saura  tirer  sa  gloire  de  ce  fâcheux  rencontre.  ] e  l'en 
suf-plie  de  tout  mo7i  cœur  et  qiCil  vous  donne  la  santé  four  ce 
même  sujet.  J'es-père  de  votre  bonté  que  vous  nous  rendrez 
fartici-pantes  du  mérite  de  vos  souffrances  et  saints  sacrifices, 
puisque    vous   savez    notre    besoin.  » 


299.  —  A  ROBERT  DE  SERGIS 

[Vers    le   21    février    1638  1.  ] 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

J'ai  reçu  une  consolation  que  je  ne  puis  vous  dire  de 
la  bénédiction  qu'il  a  plu  à  Notre-Seigneur  de  donner 
à  votre  mission  de  Montpezat  ■  ;  mais  je  vous  avoue  que 
j'ai  été  et  suis  bien  en  peine  de  ce  long  et  grand  travail 
de  trois  mois  et  crains  bien  fort  que,  si  vous  ne  prenez 
un  notable  repos,  que  vous  ne  succombiez,  et  M.  Brunet 
aussi.  Au  nom  de  Dieu,  Monsieur,  reposez-vous  et  faites- 
vous  un  peu  traiter  de  votre  mal  d'œil  et  du  gosier,  et 
cela,  à  Aiguillon  ou  à  Agen,  si  déjà  vous  ne  l'avez  fait, 
car  je  crains  que  dès  votre  arrivée  à  Toulouse  l'on  ne 
vous  surcharge  de  travail.  De  dire  de  n'y  pas  retourner, 
je  le  voudrais  bien,  mais  que  dirons-nous  à  Monseigneur 
l'archevêque  ^,  auquel  j'ai  écrit  que  vous  Tiriez  trouver 
incontinent  après   la   mission   de    Montpezat. 

Nous  avons  obligation,  d'un  autre  côté,  à  une  mis- 
sion que  Monsieur  de  la  Marguerie  "^  a  fondée  en  An- 


Lettre  299.  —  L.  a.   —  L'original  appartient  à  Madame  la  générale 
Derrécagaix,   5,  rue  du  Regard,   Paris. 

1.  Cf.  lettre  307. 

2.  Commune   du   Lot-et-Garonne,   arrondissement   d'Agen. 

3.  Charles   de   Montchal    (1628-1651). 

4.  Elie  Laisné,  sieur  de  la   Marguerie  et  de  la  Dourville,   conseil- 
ler  d'Etat   ordinaire.    Il    avait   donné   à   saint   Vincent,    le   31    octobre 


—  439  — 

goumois  pour  de  cinq  en  cinq  ans,  qui  échoit  à  Pâqucii. 
Si  votre  petite  incommodité  ne  vous  empêche  d'aller  à 
Toulouse,  je  vous  prie  de  dire  à  mondit  seigneur  l'arche- 
vêque que  je  lui  demande  très  humblement  pardon  si 
nous  ne  sommes  pas  encore  en  état  de  le  servir  de  pied 
ferme  et  sommes  contraints  de  vous  employer  dans  les 
rencontres,  comme  en  celui-ci,  après  Pâques  ;  auquel 
temps  vous  le  supplierez  de  vous  permettre  de  vous  en 
aller  faire  ladite  mission  à  la  Marguerie  '  et  à  deux  ou 
trois  autres  petits  villages  qui  en  dépendent  ;  et  faudra 
pour  cela  que  vous  descendiez  à  Bordeaux  par  la  Ga- 
ronne et  de  là  à  Bourg  "^  entre  Bordeaux  et  Blaye  ; 
et  puis  de  là  il  faudra  aller  à  Barbezieux,  qui  en  est  à 
deux  journées,  et  la  Marguerie,  à  deux  ou  trois  lieues. 
Mais  il  faudra  donner  jusques  à  Angoulême  pour  avoii 
la  permission  de  M.  le  grand  vicaire,  en  Tabsence  de 
M.  l'évêque  ',  qui  est  auprès  de  la  reine  d'Angleterre; 
qui  m'a  prié  d'envoyer  travailler  dans  son  diocèse,  à 
l'instance  de  M.  son  grand  vicaire,  auquel  vous  témoi- 
gnerez que  j'ai  bien  du  regret  de  ce  que  nous  ne  pour- 
rons travailler  pour  le  présent  qu'en  ces  villages-là,  et 
lui  témoignerez  beaucoup  de  reconnaissance  de  1  obliga- 
tion que  nous  lui  avons. 

Je  suis  si  consolé  de  tout  ce  que  vous  me  mandez,  que 
je  n'ai  pu  ne  pas  vous  en  reparler  en  cet  endroit,  et 
ai  envoyé  celle  que  vous  m'écrivez,  à  Madame  la  du- 
chesse d'Aiguillon,  à  laquelle  je  vous  prie  d'écrire  plus 
particulièrement. 


1633,  deux  cents  livres  de  rente  sur  l'hôtel  de  ville  «  à  condition 
d'envoyer  tous  les  cinq  ans  trois  prêtres  et  un  frère  faire  des  mis- 
sions pendant  quatre  mois,  y  compris  l'aller  et  le  retour,  dans  le 
diocèse  d'Angoulême  y>.  (Arch.  Xat.  M  211,  liasse  i.)  Il  entra  dans 
les  ordres  après  avoir  perdu  sa  femme  et  mourut  le  3  octobre  1656. 

5.  Localité   de   la   Charente-Inférieure. 

6.  Aujourd'hui  chef-lieu  de  canton  dans  l'arrondissement  de  Blaye. 

7.  Jacques  du  Perron    (1637-1646). 


—  440  — 

Je  vous  envoie  celle  que  j'écris  à  Monseigneur  l'arche- 
vêque de  Toulouse  ouverte.  Si  votre  indisposition  vous 
a  retenu  à  Aiguillon,  vous  la  lui  enverrez  ;  si  elle  vous 
trouve  à  Toulouse,  vous  la  cachetterez  et  la  lui  rendrez. 

J'écris  à  M.  Mestre  pour  accompagner  quelques  lettres 
qu'on  lui  écrit  de  son  pays.  Je  vous  prie  de  les  lui  faire  ' 
tenir  par  voie  sûre.  C'est  son  bonhomme  de  père  qui  lui 
écrit.  Je  tâcherai  d'en  faire  de  même  à  M.  Hopille,  qui 
suis  cependant,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très 
humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  de  Sergis,  prêtre 
de  la  Mission,  étant  de  présent  à  Aiguillon  ou  à  Tou- 
louse. 

300.  —  LOUISE  DE  MARILLAC  A  SAINT  VINCENT 

[Février  1638  ^] 
Monsieur  j 

Ma  sœur  Turgis  est  bien  en  'peine  de  ce  que  le  sergent  de  la 
compagnie  de  M .  de  Castillan  lui  est  venu  dire  qu'il  enverra 
des  soldats  loger  tant  au  corps  de  logis  de  devant  qu'en  celui 
où  logent  les  enfants.  Ils  feront  bruit.  Si  vous  trouviez  bon 
qu'y  revenant  elle  fît  refus  de  les  loger .^  se  faisant  fort  de  Ma- 
dame la  duchesse  d'Aiguillon  ou  de  Madame  la  chan- 
celicre,  jusques  à  ce  que  votre  charité  en  obtienne  défense 
de  la  reine  ;  ou,  si  vous  jugiez  autre  chose  mieux,  s'il 
vous  plaît  lui  mander  par  ce  porteur^  si  ce  n'est  elle. 

Je  suis  Monsieur ^  votre  très  humble  et  très  obligée  fille 
et  servante. 

L.  DE  Marillac. 
Ce  jeudi. 

Suscription   :  A  Monsieur  Monsieur  Vincent. 


Lettre  300.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la   Charité,   original. 

I.  11  est  clair  que  les  lettres  300,  301,  302,  303  et  304  se  tiennent.  La 
lettre  303  montre  qu'on  était  en  hiver.  D'autre  part,  le  changement 
de  maison  pour  les  enfants  trouvés  eut  lieu  au  début  de  1638. 


—  441    — 

301.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Février  1638  ^] 
Mademoiselle, 

Je  viens  d'écrire  à  Madame  la  chancelière  et  lui  en- 
voie votre  lettre  et  une  requête  que  j'ai  dressée,  au 
nom  des  dames  de  la  Charité  de  l'Hôtel-Dieu,  à  Mon- 
sieur le  chancelier-,  lui  représentant  qu'elles  ont  loué 
une  maison  pour  y  loger  les  Filles  de  la  Charité  et  les 
enfants  trouvés,  que  les  habitants  vous  ont  envoyé  les 
gendarmes^,  qu'ils  ne  peuvent  demeurer  en  votre  maison, 
où  il  n'y  a  point  d'homme,  sans  danger  de  la  pureté  des 
ûlles,  ni  sans  scandale  ;  que,  ce  considéré,  il  lui  plaise  de 
faire  défense  aux  habitants  d'envoyer  lesdits  soldats 
chez  vous  et  aux  soldats  d'y  aller,  et  prie  Madame  de 
la  présenter  à  M.  le  chancelier.  Et  pource  que  peut-être 
la  chose  ne  pourra  pas  aller  si  vite  que  tout  se  puisse 
faire  aujourd'hui,  il  sera  bon  que  vous  envoyiez  quérir 
M.  votre  curé  et  le  prier  qu'il  s'emploie  vers  les  habitants 
pour  donner  un  autre  logis  à  ces  gendarmes,  ou 
vers  lesdits  gendarmes,  à  ce  qu'ils  se  logent  ailleurs, 
moyennant  demi-écu  plus  ou  moins,  pour  qu'ils 
vous  donnent  deux  jours.  Je  m'en  vas  cepen- 
dant chez  Madame  Goussault,  à  ce  qu'elle  envoie 
M.  Grandnom  ^  pour  hâter  la  chose. 

Monsieur  votre  fils  fait  bien.  Lui  avez-vous  envoyé 
l'acte  ?  Il  m'a  dit  qu'il  appréhende  l'excellence  du  sacer- 
doce, et  cela  est  bon. 


Lettre  301.  —  L.  a.  —  L'original  est  exposé  dans  une  des  salles  de 
la   Société  de   Saint-Vincent-de-Paul,  à  Paris,  6,   rue  de   Furstenberg. 

1.  Cette  lettre  répond  à  la  lettre  300. 

2.  Pierre    Séguier. 

3.  Gendarmes,   gens  d'armes  ou   soldats. 

4.  Rémi  de   Grandnom,   intendant  de   Madame   Goussault. 


—  442  — 

Faites  de  bonne  heure  avec  les  soldats,  s'il  vous  plaît, 
par  Al.  le  curé. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis... 

302    —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Février  1638  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  n'ai  point  vu  Jacqueline  depuis  quelle  me  dit,  il  y 
a  quatre  jours,  qu'elle  la  vous  amenait  pour  la  voir  et 
que  je  lui  promis  de  vous  en  parler  ^. 

Je  serai  sur  mes  gardes  touchant  ce  vicaire  de  Nan- 
terre  et  maintenant  curé  ^  à  l'égard  de  la  fille. 

Cejourd'hui  je  tâcherai  de  voir  Madame  la  duchesse 
d'Aiguillon  pour  vos  soldats.  Madame  la  chancelière 
n'a  pu  rien  faire. 

Il  faudra  parler  de  ce  logis  à  Madame  Goussault  II 
serait  à  désirer  que  vous  fussiez  en  une  autre  paroisse 
qu'en  celle-ci  pour  bien  des  raisons. 

L'une  voie  ne  cessant  pour  l'autre,  vous  verrez  si  vous 
pourrez  faire  quelque  chose  par  le  moyen  de  ce  soldat 
que  vous  pensez,  vers  son  capitaine,  et  par  lui  vers  M.  de 
Castelnau  ". 

Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Siiscri-ption  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

Lettre  302.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Voir  lettre  300,  note   i. 

2.  Jacqueline  désirait  présenter  à  Louise  de  Marillac  une  de  ses 
nièces,   qui   se  sentait   appelée  à  la  vocation   de  Fille  de  la  Charité. 

3.  Paul  Beurrier. 

4.  Probablement  Louis-François  de  Gourdon-Genouillac,  marquis  de 
Castelnau,  capitaine  de  la  compagnie  cicossaise  ;  ou  Jacques  de  Cas- 
telnau, mort  en  1658  maréchal  de  France. 


—  443  '- 

303.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Février  1638  ^.] 

Demain  au  matin  je  vous  enverrai  Monsieur  Soufliers 
ou  M.  Bécu  pour  l'exhortation  et  la  confession. 

J'ai  vu  votre  écrit  ^  et  m'en  vas  le  communiquer  à 
Madame  Goussault,  ou  lui  envoyer. 

L'avertissement  de  ne  point  railler  sur  le  sujet  de  ces 
petites  créatures  ^  me  semble  à  propos. 

Je  vis  hier  Madame  la  duchesse  d'Aiguillon.  Elle  m'a 
dit  qu'elle  avait  donné  charge  à  celui  qui  la  mène  d'aller 
trouver  M.  de  Castelnau.  J'ai  chargé  les  Filles  de  la  Cha- 
rité'' d'en  presser  M.  l'aumônier.  Au  défaut  de  cela,  il 
vaut  mieux  faire  avec  le  fourrier.  Si  vous  n'envoyez 
quelqu'un  à  M.  de  Veines,  je  ne  sais  qui  vous  adresser 
pour  cela.  J'espère  que  nous  aurons  nouvelle  aujour- 
d'hui de  Madame  la  duchesse,  ou  demain  je  vous 
baillerai  un  homme  pour  M.  de  Veines. 

Je  pense  voirement  qu'il  sera  bon  que  vous  alliez  pas- 
ser quelques  jours  à  cette  maison  des  enfaxits  trouvés  et 
que  les  hlles  viennent  une  fois  le  mois  à  La  Chapelle. 
Plaise  à  Dieu  me  domier  le  temps  de  m'y  trouver  ! 

Marie,  de  Saint-Sulpice,  a  deux  tours  de  lit  de  linceul. 
C'est  que  la  maison  est  toute  neuve  et  les  fenêtres  fer- 
ment mal.  Passé  l'hiver,  il  en  faudra  faire  une  règle. 
Nous  n'en  avons  point,  nous  autres. 

Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Suscriftion  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

Lettre   303.  —   L.   a.    —  Original   à  Amiens   chez   les  Filles   de  la 
Charité  de  la  rue  de  Beauvais,   127. 

1.  Voir  lettre  300,  note  i. 

2.  Peut-être    un    mémoire    concernant    l'établissement    des    Enfants 
trouvés. 

3.  Les  enfants  trouvés. 

4.  De  l'établissement   des   Enfants   trouvés. 


—  444  — 

304.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Février  1638  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Voici  de  la  besogne  qui  vous  vient  à  l'égard  du  chan- 
gement des  petits  enfants  trouvés  et  de  l'ordre  qu'on  a 
à  tenir  en  leur  nouvel  établissement.  Je  vous  prie,  Made- 
moiselle, d'y  travailler  demain  et  de  m' envoyer  samedi 
ce  que  vous  aurez  fait.  J'ai  dit  à  Madame  Pelletier  qu'on 
désire  qu'elle  ait  dépendance  de  vous  pour  cette  con- 
duite. Elle  me  dit  que  je  lui  fasse  entendre  en  quoi  elle 
devait  dépendre  des  ofûcières  et  en  quels  cas  de  vous. 
Il  me  semble  que,  pour  les  choses  purement  temporelles, 
qu'elle  doit  dépendre  de  ces  bonnes  dames  ;  mais  que 
pour  les  spirituelles,  comme  pour  la  direction  des  Elles, 
des  nourrices,  des  petits  enfants  échappés  qui  croîtront, 
que  c'est  pour  cela  qu'elle  doit  avoir  relation  à  vous, 
et  à  cet  effet  vous  donner  avis  de  temps  en  temps  de  ce 
qui  se  passera,  comme  toutes  les  semaines  ou,  pour  le 
moins,  tous  les  quinze  jours. 

Jacqueline  est  venue  ce  matin  céans  sans  me  rien  faire 
dire  de  sa  nièce,  mais  seulement  elle  m'a  fait  demander 
la  réponse  à  votre  lettre  d'avant-hier,  que  je  lui  ai  fait 
dire  que  je  vous  &s  dès  hier. 

J'ai  écrit  à  M.  l'aumônier  "  de  Madame  la  duchesse  ^ 
pour  vos  gendarmes.  Il  m'a  mandé  qu'il  en  parlerait  à 
Madame  et  me  ferait  réponse  ;  mais,  comme  il  n'y  a  rien 
de  certain  pour  ce  qui  dépend  des  grands,  l'on  m'a  dit 


Lettre  304.  —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Voir  lettre  300,  note  i. 

2.  Dauzenat. 

^.    La   duchesse   d'Aiguillon. 


—  445  — 

qu'aux  extrémités  il  faudrait  louer  une  chambre  et  une 
couchette  et  leur  bailler.  Je  tâcherai  d'y  aller  demain  ou 
après,  au  cas  que  je  n'en  aie  réponse  demain  au  matin, 
et  suis  cependant,  en  l'amour  de  Notre- Seigneur,  votre 
très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  jeudi  au  soir. 

Vous  verrez  par  Tincluse  de  Madame  Goussault  son 
souhait  touchant  ce  que  je  vous  écris. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  ^lademoiselle  Le  Gras. 


305.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[i8  février  1638  i.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Vous  n'avez  point  encore  trouvé  des  nourrices  aux 
champs  ;  c'est  pourquoi  je  pense  qu'en  attendant  vous 
ferez  bien  de  prendre  celle  qu'on  vous  offre  de  l'Hôtel- 
Dieu  et  qui  est  si  bonne. 

Il  me  le  semble  voirement  qu'il  vous  faut  un  logis  plus 
aisé,  et  que  les  dames  feront  bien  d'en  chercher  un  autre 
ou  de  prendre  celui  dont  vous  m'avez  parlé. 

Il  m'est  impossible  d'aller  aujourd'hui  aux  Bons-En- 
fants. J'espère  y  être  demain  au  dîner  et  de  vous  aller 
voir  de  là.  Il  serait  difficile  de  vous  parler  parmi  tant 


Lettre  305.  —  L.  a.  —  Dossier  de  la  Mission,  original. 

I.  Cette  lettre  est  du  début  de  l'œuvre  des  Enfants  trouvés,  c'est- 
à-dire  de  1638,  et  par  suite  du  i8  février,  puisqu'elle  est  datée  du 
jour  des  Cendres.  La  lettre  302  montre  qu'à  cette  date  Louise  de 
Marillac  cherchait  un  logement  pour  les  enfants  trouves. 


—  446  — 

de  monde  au  collège.  Je  verrai.  S'il  y  a  lieu,  je  le  vous 
enverrai  dire. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur,  Mademoiselle,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  Depaul. 

Ce    jour    des    Cendres. 

306.  —  A  LAMBERT  AUX  COUTEAUX 

De  Paris,   ce  20  février  1638. 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

J'ai  lu  et  relu  votre  lettre  du  9  de  ce  mois  avec  une 
singulière  consolation,  qui  a  été  un  peu  tempérée  par  la 
petite  indisposition  du  bon  M.  Perdu,  lequel  je  ne  vous 
recommande  pas,  parce  que  je  suis  très  assuré  que  vous 
en  avez  tout  le  soin  possible  ;  mais  qui  en  a  de  votre 
santé  ?  Je  prie  Notre-Seigneur  que  ce  soit  lui-même. 

J'ai  envoyé  à  Toul  la  lettre  que  vous  écrivez  à  M.  De- 
horgny.  Cet  affaire  s'alentit  un  peu.  Nous  sommes  en 
quelque  pourparler  avec  M.  Fleury  le  neveu,  docteur  de 
Sorbonne  \ 

Je  suis  bien  aise  de  ce  que  vous  me  dites  de  ce  petit 
prieuré  de  M.  des  Roches-Chamian,  des  deux  fermes  et 


Lettre  306.  —  L.  a.  —  Dossier  de  Turin,  original. 

I.  François  de  Fleury,  du  diocèse  de  Langres,  obtint  un  canonicat 
dans  celui  de  Verdun.  Il  approuva  le  livre  De  la  fréquente  commu- 
nion et  fut  présenté  par  les  jansénistes  à  la  reine  Marie-Louise  de 
Gonzague,  dès  le  départ  de  celle-ci  en  Pologne,  pour  remplir  auprès 
d'elle  les  fonctions  d'aumônier.  Ses  relations  avec  saint  Vincent  et  les 
missionnaires  envoyés  dans  ce  pays  furent  toujours  excellentes,  cor- 
diales même,  comme  on  peut  le  voir  par  les  lettres  du  saint,  qui  l'es- 
timait beaucoup.  Il  mourut  en  France  dans  les  premiers  iours  de  no- 
vembre de  l'année  1658.  Nous  avons  une  partie  de  sa  correspondance 
avec  la  Mère  Angélique. 


—  447   — 

des  deux  maisons.  Puisque  la  Providence  fait  rencontrer 
ce  bon  ecclésiastique  dedans,  il  lui  faut  laisser  faire  son 
temps,  faire  faire  les  vignes  et  réparer  ce  pan  de  mu- 
railles qui  est  tombé. 

Je  men  doute  bien  que  les  greffes  de  Loudun  sont 
au  plus  haut  prix.  Béni  soit  Dieu    ! 

Je  serai  bien  aise  de  voir  cet  architecte  de  Pontoise  et 
le  maçon  pour  les  bâtiments. 

Vous  avez  bien  fait  de  donner  un  état  des  meubles 
à  Monseigneur  de  Chartres  '  et  ferez  encore  bien  de  faire 
faire  des  chopines  et  des  fourchettes  comme  les  nôtres, 
pour  commencer  le  plus  tôt  que  vous  pourrez  à  prendre 
les  repas  en  portion. 

Oh  !  que  je  suis  encore  attendri  de  ce  que  vous  me 
dites  de  la  sorte  d'approbation  qu'a  faite  Monseigneur 
de  Poitiers  ^  du  contrat  passé  avec  Monseigneur  le  car- 
dinal et  de  ce  que  vous  me  mandez  que  vous  vous  en 
allez  à  Poitiers  remercier  ce  bon  prélat  !  Je  le  suis  encore 
pour  ce  que  vous  me  dites  de  la  bonté  et  de  la  douceur 
avec  laquelle  Monseigneur  de  Chartres  a  traité  avec  vous 
et  avec  tout  le  monde.  Je  l'en  remercierai  et  le  dirai  en 
bon  lieu,  comme  je  remercie  Dieu  de  l'attention  que  vous 
avez  fait  faire  à  la  compagnie  à  ce  que  je  vous  ai  dit  du 
catéchisme  et  des  prédications.  Faites-les-en  ressouvenir 
souvent,  s'il  vous  plaît. 

Je  trouve  fort  bien  la  disposition  que  vous  me  dites 
que  vous  faites  de  la  mission  :  i°  dans  le  duché  ; 
2"  achever  celle  de  Richelieu.  Il  faudra  bien  alors  établir 
la  Charité.  J'espère  vous  envoyer  une  excellente  Fille  de 
la  Charité  pour  cela  **.  Elle  saigne,  fait  les  médecines  et 
donne  les  lavements   ;  c'est  celle  qui  a  préféré  le  service 


2.  Léonor   d'Estampes  de  Valançay    (1620-1641). 

3.  Henri-Louis   Chasteignier  de  la   Rocheposay    (1611-1651) 

4.  Barbe  Angiboust. 


—  448  — 

des  pauvres  à  celui  de  la  grande  dame  que  je  vous  ai 
dite  \  Elle  est  à  Saint-Germain-en-Laye,  où  l'on  établit 
une  notable  Chanté,  de  laquelle  sont  la  dame  d'honneur, 
celle  d'atours  et  les  ûlles  de  La  reine,  qui  servent 
elles-mêmes  avec  une  ferveur  admirable.  L'on  a  eu  un 
peu  à  souffrir  à  cette  mission  à  cause  des  gorges  décou- 
vertes ;  mais  il  a  plu  à  Dieu  d'en  tirer  de  la  gloire  non 
petite. 

Au  nom  de  Dieu,  Monsieur,  qu'on  soit  bien  circons- 
pect à  l'explication  du  6^  commandement.  Nous  aurons 
à  souffrir  un  jour  tempête  pour  cela.  Recommandez  sou- 
vent cela  à  la  compagnie,  et  à  ne  rien  faire  à  la  proces- 
sion que,  comme  j'ai  dit  si  souvent,  tout  simplement. 

Quant  à  la  qualité  que  vous  prendrez  pour  les  actes 
curiaux,  qidd  si  vous  mettiez  celle  de  commis  à  l'admi- 
nistration de  la  cure,  en  attendant  que  j'en  confère  ?  Et 
pour  les  aumônes,  à  chaque  mendiant  un  double^,  et 
SI  l'on  le  catéchise,  deux  liards,  plus  ou  moins,  selon  la 
qualité  de  la  personne.  Mais,  pour  les  malades,  si  Mon- 
seigneur ne  fonde  le  nécessaire,  il  faudra  y  contribuer 
quinze  ou  vingt  sols  par  semaine,  que  vous  pourrez  faire 
mettre  au  bassin  de  celle  qui  fera  la  quête.  Mais  com- 
ment ferez- vous  pour  la  rétribution  des  fonctions  cu- 
riales  ?  Je  vous  envoie  deux  cents  livres,  qu'on  baillera 
demain  au  messager  de  Champigny  ;  et  au  prochain 
voyage  nous  lui  baillerons  les   fers  du  pain  à  chanter. 

Voilà  M.  Codoing  et  M.  Durot  à  présent  à  Richelieu. 
O  ^Monsieur,  que  Dieu  a  béni  leurs  travaux  !  Je  vous  prie 
de  les  embrasser  et  toute  la  compagnie  pour  moi,  comme 
je  fais  en  esprit  avec  toute  l'humilité  et  l'affection  qui 
m'est  possible. 

La  mission  de  Saint-Germain  s'achèvera  dans  quatre 


5.  Voir  lettre  224. 

6.  Le  double  valait  deux  deniers    ;  le  liard.   trois. 


—  449  — 

jours,  avec  une  bénédiction  fort  particulière,  prévenue 
par  des  petits  sujets  d'exercer  la  patience.  Oh  !  que  cela 
nous  vaudra  et  que  Dieu  triomphe  là  dedans  !  M.  Grenu 
a  aussi  une  particulière  assistance  de  Dieu  en  Gas- 
cogTie  et  M.  de  Sergis  aussi  tout  à  fait. 

La  compagnie  se  porte  bien,  Dieu  merci,  et  vous  salue. 

Je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très  hum- 
ble serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Depuis  la  présente  écrite,  j'ai  pensé  qu'il  sera  bon  que 
vous  preniez  la  qualité  de  vicaire  de  la  cure  de  Richelieu, 
en  attendant  l'union  et  comme  l'on  en  fera. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Lambert,  prêtre 
de  la  Mission,  étant  de  présent  à  Richelieu. 

307.  —  A  ANTOINE  LUCAS 

De  Paris,  ce  21  février   1638. 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  vous  fais  ces  lignes  avec  un  peu  de  hâte,  qui  sont 
pour  vous  prier  d'avoir  soin  de  votre  santé  et  de  celle  de 
M.  Caignet  ^  et  de  vous  reposer  après  ce  grand  travail, 
avant  que  de  recommencer  la  mission.  Et,  quand  vous  le 
serez,  vous  pourrez  commencer  à  travailler  dans  les  vil- 
lages qui  dépendent  du  diocèse  de  Troyes  et  de  Mont- 
mirail. 

Je  vous  fis  écrire  dimanche  passé  par  M.  Soufliers  et 


Lettre  307.  —  L.  u.  —  Dossier  de  Turin,  original. 
I.    Le  confesseur   de  Madame  Goussault  portait  ce   nom    ;   c'est    de 
lui  peut-être  qu'il   est  ici  que.stion. 

29 


—  45°  — 

vous  priais  alors  de  la  même  chos'î  et  de  nous  renvoyer 
M.  du  Chesne  et  qu'en  sa  place  je  vous  enverrais  M.  Gal- 
lon ;  mais,  quelque  petite  incommodité  qu'il  a  ne  lui  per- 
mettant cette  petite  satisfaction  à  présent,  il  s'en  re- 
tourne à  Aumale,  où  il  pourra  faire  quelque  chose  à 
î'entour  ^. 

J'ai  été  chez  M.  votre  frère  au  pont  Saint-Michel  ^  pour 
le  prier  d'envoyer  celui  qui  demeure  chez  M.  Belin  à  la 
mission.  Mais  il  me  dit  que  celui-ci  n'était  pas  en  ville, 
qu'il  était  encore  à  Milly  ^  et  qu'au  retour  il  l'enverrait  à 
Rueil.  Je  n'ai  pas  su  qu'il  l'ait  fait,  ni  qu'il  soit  revenu. 

Je  vous  envoie  une  lettre  des  Cévennes.  La  compa- 
gnie se  porte  assez  bien,  Dieu  merci. 

La  mission  de  Saint-Germain  s'en  va  achevée  avec 
bénédiction,  quoiqu'au  commencement  l'on  ait  eu  sujet 
d  exercer  la  sainte  vertu  de  patience.  Il  en  est  peu  de  la 
maison  du  roi  qui  n'ait  fait  son  devoir  avec  le  peuple  et 
avec  une  dévotion  digne  d'édification.  La  fermeté 
contre  les  gorges  découvertes  a  donné  lieu  à  cet  exer- 
cice de  patience.  Le  roi  dit  à  M.  Pavillon  qu'il  était  fort 
satisfait  de  tous  les  exercices  de  la  mission,  que  c'est 
ainsi  qu'il  fallait  travailler  et  qu'il  rendrait  ce  témoi- 
gnage partout.  J'avais  grande  difficulté  d'envoyer 
en  ce  lieu-là,  tandis  que  la  cour  y  était  ;  mais.  Sa  Ma- 
jesté m'ayant  fait  l'honneur  de  me  mander  qu'il  le  dé- 
sirait ainsi,  il  fallut  passer  par  dessus  nos  difficultés. 
Celles  qui  en  ont  eu  le  plus  au  commencement  sont 
maintenant  si  ferventes,  qu'elles  se  sont  mises  de  la  Gha- 
rité,  servant  les   pauvres    en    leur    jour,  et  ont  fait  la 


2.  Bien  que  membre  de  la  congrégation  de  la  Mission,     Louis  Cal- 
Ion  habitait  Aumale,   son  pays  d'origine. 

3.  Dans   Paris. 

4.  Il   existe  deux   localités  de   ce  nom,   une   dans  l'Oise,    l'autre  en 
Seine-et-Oise. 


—  451  — 

quête  par  le  bourg  en  quatre  bandes.  Ce  sont  les  filles 
de  la  reine. 

Messieurs  Lambert,  Perdu,  Buissot,  Codoing,  Benoît 
et  Gourrant  sont  à  Richelieu  ;  Messieurs  Grenu  et  Sa- 
vinier  dans  le  duché  d'Aiguillon,  en  Gascogne,  où  Dieu 
leur  donne,  comme  il  a  fait  à  M.  de  Sergis  et  à  M.  Bru- 
net,  une  grande  bénédiction  ;  et  M.  de  Sergis  s'en  re- 
tourne à  Toulouse,  où  Monseigneur  l'archevêque  l'attend 
avec  grande  impatience. 

Je  finis  en  me  recommandant  aux  prières  de  Messieurs 
Caignet  et  du  Chesne  et  je  vous  supplie.  Monsieur,  de 
donner  de  nos  nouvelles  et  nos  recommandations  à  Mes- 
sieurs Mouton  ^  et  Boucher  ®.  J'espère  leur  écrire  mer- 
credi et  de  vous  envoyer  M.  Boudet  à  la  place  de  M.  du 
Chesne. 

Je  suis  cependant,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur, 
votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Je  vous  prie  de  payer  le  port  exactement  à  M.  Oc- 
tobre ^. 

Suscrïftïon  :  A  Monsieur  Monsieur  Lucas,  prêtre  de 
la  Mission,  à  Montmirail. 

308.  —  A  LA  MÈRE  DE  LA  TRINITE 

Ma  très  chère  Mère, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

5.  Jacques  Mouton,  né  à  Pontoise,  reçu  dans  la  congrégation  de  la 
Mission  en   1632. 

6.  Léonard  Boucher,  né  le  29  août  1610,  reçu  dans  la  congrégation 
de    la   Mission   le   12  novembre   1632,  ordonné   prêtre  le    23    septembre 

1634.  ' 

7.  Concierge   du    château   de    Montmirail. 

Lettre  308.  —  L.  a.  —  Original  à  la  Visitation  de  Troyes,  original. 


—  452  — 

Voici  encore  la  plume  d'un  remerciant,  pource  que 
votre  charité  nous  donne  toujours  des  nouveaux  sujets 
de  ce  faire,  par  tant  d'actes  de  bonté  que  de  jour  en  jour 
le  Saint-Esprit  vous  va  suggérant  pour  notre  bien  et  ce- 
lui des  âmes  de  votre  diocèse.  Vous  ne  vous  êtes  pas 
contentée,  ma  chère  Mère,  de  proposer,  de  conduire  et 
de  mener  à  chef  notre  établissement  avec  tant  de  soins, 
de  sollicitudes  et  de  travaux  quasi  continuels  ;  vous  y 
avez  ajouté  l'offre  de  votre  maison  pour  notre  logement 
et  l'exercice  des  ordinands.  O  ma  chère  Mère  !  que  cela 
me  touche  le  cœur  et  qu'il  me  fait  voir  l'état  d'une  âme 
vraiment  chrétienne  et  religieuse  arrivée  au  point  de  la 
plus  haute  perfection  à  laquelle  l'un  et  l'autre  de  ces 
états  peut  élever  une  âme  dans  l'exercice  de  la  vraie  cha- 
rité !  A  Dieu  en  soit  la  gloire,  ma  chère  Mère,  qui  s'est 
ainsi  plu  de  vous  élever  à  im  état  d'une  si  grande  bonté, 
et  à  nous  la  reconnaissance  éternelle  de  tant  de  bien 
que  vous  nous  faites  incessamment,  et  à  vous,  ma  chère 
Mère,  un  degré  de  gloire  au  ciel  répondant  à  la  bonté 
que  Notre-Seigneur  a  mise  en  votre  chère  âme  !  Voilà 
la  reconnaissance  et  les  souhaits  que  vous  peut  faire 
l'âme  du  monde  qui  vous  est  la  plus  obligée,  ma  chère 
Mère,  et  qui  vous  tient  le  plus  pour  sa  très  chère  et  très 
aimable  mère. 

Je  vis  hier  l'un  des  deux  petits  logements  du  devant 
de  la  maison  de  Monseigneur  ^  De  vérité,  il  serait  expé- 
dient qu'on  les  eût  tous  deux  à  cause  des  vues  et  autres 
servitudes.  Mais  quoi  !  le  logement  que  nous  avons  be- 
soin à  Troyes  presse  encore  davantage,  si  me  semble. 
Comment  ferions-nous  pour  cela  sans  les  secours  de  ce 
qu'il  plaît  à  Monseigneur  de  nous  donner  !   S'il  n'était 

I.  René  de  Breslay,  évêque  de  Troyes  (1604-1641),  avait  à  Paris, 
dans  la  grande  rue  du  faubourg  Saint-Michel,  une  maison,  qu'il  offrait 
à  saint  Vincent  pour  les  besoins  des  missionnaires  de  Troyes.  (Cf. 
lettre  292,  note  i.) 


—  453  — 

vendu  que  le  prix  qu'il  vaut,  baste  !  Mais  l'on  l'offre  pour 
6.000  livres,  quoique  je  crains  que  l'on  aura  peine  d'en 
trouver  deux  cents  de  louage  ;  car  il  n'est  point  loué. 
Un  père  capucin  l'avait  pris  et  y  avait  mis  une  bonne 
lemme  dévote  pour  y  retirer  quelques  pauvres  personnes 
nouvellement  converties  ;  mais  je  ne  sais  comme  cela  se 
fait  qu'il  n'y  a  plus  personne  que  cette  bonne  femme  et 
deux  pauvres  filles,  qui  s'en  vont.  D'un  autre  côté,  de 
marchander  avec  notre  bienfaiteur,  ô  Jésus  !  ma  chère 
Mère,  il  ne  le  faut  pas.  C'est  pourquoi,  sauf  votre  meilleur 
avis,  je  pense,  ma  chère  Mère,  qu'il  en  faut  demeurer  là  ^. 

Monsieur  le  commandeur  n'a  point  jugé  nécessaire  de 
ratifier  la  fondation  de  Monseigneur,  pource  que  mon- 
dit  seigneur  ne  le  désirant  qu'à  cause  du  contrat  qui 
avait  été  passé  auparavant  sous  seing  privé  entre  ce  bon 
seigneur  et  moi,  il  dit  que,  rendant  l'original  de  ce  con- 
trat, qu'il  avait,  et  moi  ayant  renvoyé  le  nôtre,  et  que 
tous  deux  étant  déchirés,  il  n'est  point  besoin  qu'il  rati- 
fie. C'est,  ma  chère  Mère,  ce  que  je  vous  supplie  très 
humblement  de  faire  entendre  à  Monseigneur  et  que  je 
n'ai  point  vu  personne  témoigner  avoir  plus  de  satisfac- 
tion de  l'action  qu'il  a  faite  pour  le  bien  de  son  diocèse 
que  M.  son  neveu  Bault.  Certes,  ma  chère  Mère,  la  bonté 
avec  laquelle  il  m'a  reçu  et  traité  avec  nous  n'est  pas 
imaginable. 

Voilà  tantôt  notre  mission  de  la  cour  achevée.  Les 
pauvres  missionnaires  y  ont  travaillé  incessamment, 
depuis  le  matin  jusques  au  soir,  à  prêcher,  catéchiser  et 
à  entendre  la  confession  générale,  depuis  le  matin  jus- 
ques au  soir,  et  sont  si  las  qu'ils  n'en  peuvent  plus. 

Nous  ferons  reposer  et  refaire  un  peu  ceux  qui  sont 


2.  Les  prêtres  de  la  Mission  s'établirent  d'abord  au  village  de 
Sancey,  dans  une  maison  louée  à  Sébastien  Gouault,  bourgeois  de 
Troyes.    Comme    le    local    était    peu    spacieux,    le    commandeur    leur 


—  454  — 

destinés  pour  Troyes,  pour  s'y  rendre  la  veille  du  di- 
manche de  la  Passion  ^,  auquel  temps  Monseigneur  a 
trouvé  bon  qu'ils  commenceront  à  travailler  par  l'exercice 
des  ordinands.  Et  moi  qui  importune  trop  ma  chère 
Mère  et  toute  borme,  je  unirai  en  la  suppliant  très  hum- 
blement de  nous  bien  donner  à  Dieu  et  de  le  prier  qu'il 
nous  pardonne  tant  de  fautes  que  nous  commettons  in- 
cessamment dans  le  dessein  qu'il  nous  a  confié,  et  suis 
à  la  sainte  communauté  de  ma  très  chère  Mère  et  en 
l'amour  de  Notre-Seigneur,  ma  très  chère  Mère,  très 
humble  et  très  obligé  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  bon  docteur  que  M.  Gallemant  avait  fait  son  suc- 
cesseur à  la  cure  d'Aumale*  travaille  aux  mémoires  ou 
la  vie  de  ce  bienheureux,  et  im  autre  prêtre  ou  deux. 
De  Paris,  ce  25  février  1638. 

Suscription  :  A  ma  R.  Mère  ma  R.  Mère  de  la  Sainte- 
Trinité,  prieure  du  monastère  des  Carmélites  du  fau- 
bourg de  Troyes,  à  Troyes. 

309.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1638,  vers  février  ^.] 

Béni  soit  Dieu  de  ce  qu'il  a  pris  cette  petite  âme  en 
état  qu  on  a  sujet  de  croire  qu'elle  est  bien  heureuse    ! 


acheta  la  maison  située  à  l'angle  droit  du  faubourg  Croncels  et  de 
la  rue  des  Bas-Clos,  à  Troyes.  C'est  là  qu'ils  se  transportèrent  le 
25   août   1640. 

3.  20  mars. 

4.  Louis  Callon.  Ses  notes  ont  été  mises  à  contribution  par  l'auteur 
de   la   vie   de  Jacques   Gallemant. 

Lettre  309.    —  L.    a.  —   Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  du  vivant  de  Madame  Goussault,  après 
les  commencements  de  l'œuvre  des  Enfants  trouvés,  au  temps  où 
saint  Vincent  leur  cherchait  un  logis.    (Cf.   lettres  302  et  305.) 


—   455  — 

Je  m'en  vas  vous  envoyer  M.  Bécu  et  un  autre.  Il  me 
sera  difficile  de  voir  M.  Laisné  -.  S'il  agrée  le  mariage, 
qu'on  ne  se  mette  point  en  peine  ;  il  enseignera  ce  qu'il 
faut  à  son  secrétaire,  si  déjà  il  ne  le  sait. 

Le  tableau  de  la  Vierge  et  de  saint  Joseph  tenant  le 
petit  enfant  Jésus  par  la  main  me  semble  bon  pour  ces 
petits  enfants  trouvés  ^. 

Madame  Goussault  m'a  mandé  qu'elle  ira  aujourd'hui 
commencer  sa  retraite  chez  vous.  Si  cela  est,  serez-vous 
absente  ?  Je  pense  qu'il  sera  bon  que  vous  lui  en  écriviez 
un  mot  pour  savoir  sa  volonté. 

Je  vis  hier  Madame  la  présidente  de  Herse  et  lui  dis 
ce  que  je  vous  ai  dit. 

J'oubliai  d'écrire  à  Aladame  Goussault  qu'elle  prenne 
la  méditation  de  la  mort  et  du  jugement  particulier  en 
suite  de  la  première.  Vous  lui  direz,  s'il  vous  plaît,  et 
que  plutôt  elle  ôte  des  péchés  que  je  lui  ai  dits,  pour 
méditer  ceux  qu'elle   trouvera  à   propos. 

Je  pense  souvent  à  l'affaire  du  logement.  Bon  jour, 
Mademoiselle.  Tenez  votre  cœur  en  paix.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

310.  -  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1638,  vers  février  ^.] 
Mademoiselle, 

Je  pense  que  vous  ferez  bien  de  faire  enterrer  ce  petit 


2.  Elle  Laisné,   sieur  de  la    Marguerite. 

3.  Ce  tableau  était  peut-être  l'œuvre  àç.  Louise  He  Marillac.  Les 
Filles  de  la  Charité  de  la  rue  Réaumur,  85,  Paris,  croient  le 
posséder. 

Lettre  310.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.   Cette  lettre  a  été  écrite  peu  de  temps  après  la  fondation  de  Téta- 


—  456  — 

enfant  au  cimetière  et  d'envoyer  prier  M.  le  curé  de 
vous  aller  voir,  et  de  lui  dire  la  chose  comme  elle  est, 
en  attendant  qu'on  avise  comme  l'on  en  fera.  Ce  qui  me 
vient  à  présent  en  l'esprit  est  qu'il  faudrait  donner  quel- 
que chose  par  an  à  M.  le  curé  et  au  fossoyeur  pour  les 
enterrer  tous.  Pour  aujourd'hui,  il  faudra  le  prier 
qu'il  envoie  M.  son  vicaire  le  prendre  et  qu'il  ordonne 
au  fossoyeur  de  faire  la  petite  fosse  et  qu'il  die  à  un 
chacun  la  chose  comme  elle  est,  et  que  c'est  un  essai  qu'on 
désire  faire. 

Je  me  sens  pressé  plus  que  jamais  de  terminer  l'af- 
faire de  la  Charité^.  Demandez  à  Dieu  que  j'aie  du 
temps  pour  y  travailler.  C'est  pitié  de  mon  fait.  Je  n'ai 
point  de  temps.  Dieu  me  donne  l'éternité  ! 

Quand  vous  serez  en  état  d'aller  à  Rueil,  M.  le  curé 
m''a  mandé  qu'il  prendra  la  fille  que  je  lui  baillerai. 

Je  suis  V.  s. 

V.  D. 

Je  ne  vous  dis  rien  de  Madame  Pelletier.  Je  viens 
d'écrire  à  Mademoiselle  ^  le  décès  de  l'enfant.  Elle  me 
manda  hier  qu'elle  vous  en  enverra  aujourd'hui  un  autre, 
s'il  est  à  propos.  Voici  sa  lettre. 

311    —  A   LAMBERT  AUX  COUTEAUX 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

J'ai  chargé  notre  bon  frère  Nicolas  ^  de  passer  à  Ri- 


blissement   des    Enfants  trouvés.    Elle   semble  à  sa   place  non   loin  des 
lettres   295    et  309. 

2.  La  Charité  de  La  Chapelle.    (Cf.   lettre  295. J 

3.  Mademoiselle  Viole,  trésorière  des  dames  de  la  Charité. 

Lettre  311.    —  L.    a.   —    Dossier  de  Turin,  original. 

I.    Nicolas   Corman,    frère  coadjuteur,   né  vers    1603,   entré  dans  la 


—  457  - 

chelieu  en  s'en  allant  trouver  M.  Grenu  en  Gascogne. 
Vous  ne  le  retiendrez  qu'un  jour  de  delà,  s'il  vous  plaît, 
et,  si  vous  le  pouvez,  vous  écrirez  audit  sieur  Grenu  et 
lui  ferez  écrire  par  tous  ceux  de  la  compagriie  qui  le 
pourront.  Il  me  semble  que  le  présent  porteur  vous  trou- 
vera sur  le  point  de  recommencer  la  mission  à  Richelieu. 
Je  vous  supplie.  Monsieur,  de  recommander  plus  que  ja- 
mais la  précaution  à  l'explication  du  sixième  comman- 
dement et  aux  demandes  qu'on  fait  sur  cela.  Si  nous 
n'y  prenons  garde,  la  compagnie  en  souffrira  un  jour  ". 

Qu'on  fasse  les  processions  sans  apparat,  je  dis  même 
sans  faire  habiller  les  enfants  que  des  surplis  qu'on 
trouvera  sur  les  lieux.  L'on  a  trouvé  à  redire  notable- 
ment à  l'un  et  à  l'autre,  quoique  M.  d'Alet  ^  ait  fait  la 
première  action  et  qu'à  la  seconde  il  n'y  avait  que  quel- 
ques enfants  habillés  avec  des  aubes.  Il  plaît  à  Dieu 
que  cela  nous  fasse  un  peu  exercer  la  vertu  de  patience 
et  que  cela  procède  de  l'envie  de  la  notable  conversion 
de  quelques  âmes  principales. 

Je  n'ai  point  eu  l'homieur  de  voir  Monseigneur  de 
Chartres,  et  n'a  pas  été  expédient.  Je  le  ferai,  s'il  plaît 
à  Dieu,  quand  il  sera  temps. 

Il  sera  bon  que  vous  établissiez  la  Charité  et  que  vous 
en  donniez  avis  à  Monseigneur  de  Chartres,  à  ce  qu'il 
sache  de  Son  Eminence**,  si  elle  l'agrée,  et  que  vous  lui 
proposiez  la  Fille  de  la  Charité  ^. 

Je  finis  en  me  recommandant  à  vos  saintes  prières, 
ensemble  l'état  présent  de  la  mission  et  salue  très  hum- 
blement et  très  affectioimément  la  compagnie,  étant,  en 


congrégation   de   la    Mission  en    1633,   reçu   aux   vœux   le    13   novembre 
1643. 

2.  Voir  lettre   306. 

3.  Nicolas   Pavillon,   évêque   d'Alet. 

4.  Le   cardinal   de  Richelieu. 

5.  Barbe   Angiboust. 


—  458  — 

l'amour  de  Notre-Seigneur,  Monsieur,  votre  très  humble 
serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Vallegrand,  ce  3  mars   1638. 

312.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Mars   163S  \] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Jeanne,  la  Fille  de  Charité  de  cette  paroisse,  a  fait 
beaucoup  de  fautes,  pour  lesquelles  Monsieur  le  curé  ', 
les  ofûcières  et  M.  de  Vincy  ont  jugé  aujourd'hui  qu'il 
la  faut  changer.  Je  vous  supplie.  Mademoiselle,  de  nous 
en  envoyer  une  autre  qui  ait  l'esprit  plus  doux  et  accom- 
modant, et  cela  dès  demain  au  matin,  afin  qu'elle  n'ait 
pas  le  loisir  de  cabaler  comme  ^  les  autres  ;  car  il  n'est 
pas  imaginable  combien  elle  en  est  capable.  Or,  je  pense 
qu'il  faudra  néanmoins  la  reprendre  pour  l'Hôtel-Dieu 
ou  ailleurs,  afin  que  la  justice  soit  accompagnée  de  misé- 
ricorde. Croiriez-vous  qu'elle  a  donné  un  soufflet  à  Jac- 
queline et  qu'elle  fait  tout  à  sa  tête  et  plusieurs  choses 
sans  en  parler,  comme  d'avoir  traité  une  malade  sans 
congé  *  ;  et  qui  pis  est,  elle  a  averti  le  prédicateur  du 
carême   de   quelques    manquements   des   dames   et  les  a 


Lettre  312.  —  L.    a.   —   Dossier   des   Filles   de  la   Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  pendant  le  carême,  quelques  jours,  sem- 
ble-t-il,  avant  la  lettre  313,  qui  est  manifestement  de   1638. 

2.  M.   de  Lestocq,  curé  de  la  paroisse  Saint-Laurent. 

3.  C'est  bien  le     mot  de  l'original.   Le  sens  semblerait     plutôt  de- 
mander cofitre. 

4.  Sans  permission. 


—  459  — 

commencé  à  faire  prêcher.  Or  sus,  qui  nous  donnerez- 
vous  sans  vous  incommoder  ?  Gouvernez. 
Je  suis,  en  l'amour  de  N.-S.,  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


313.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Mars   1638  1.] 

Je  revins  hier  au  soir  de  Pontoise.  Voici  la  réponse  à 
votre  dernière.  Il  faudra  voirement  aviser  aux  Enfants 
trouvés.  L'on  fait  une  assemblée  aujourd'hui  chez  Ma- 
dame la  présidente  Goussault.  Je  voudrais  bien  que  vous 
y  puissiez  assister  et  que  vous  écrivissiez  à  madite  dame 
de  vous  envoyer  son  carrosse.  Il  est  vrai  que  je  pense 
que  vous  serez  priée  d'assister  à  celle  de  Saint-Etienne 
par  Madame  de  Beaufort,  la  supérieure.  Si  cela  est,  je 
pense  qu'il  sera  à  propos  que  vous  y  alliez  et  que  vous 
me  mandiez  votre  sentiment  touchant  la  proposition  de 
M.  Dieu  et  celle  de  M.  Foucauld  à  Messieurs  du  chapi- 
tre. Je  vous  supplie  de  plus  de  me  mander  s'il  est  vrai  ce 
que  m'a  dit  Madame  Goussault,  que  vous  savez  quelques 
bonnes  filles  dévotes  qui  aient  disposition  à  s'appliquer 
au  spirituel  des  femmes  du  Légat*,  au  lieu  des  14 
dames  ^.  Il  me  semble  qu'il  est  à  souhaiter  que  cela  soit 


Lettre  313.  —   L.    a.  —  Dossier  des   Filles  rie   la   Charité,   original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  du  vivant  de  madame  Goussault,  pendant 
que  les  sœurs  avaient  leur  maison-mère  à  La  Chapelle.  Le  passage 
relatif  aux  enfants  trouvés  nous  fait  donner  la  préférence  à  l'an- 
née 1638. 

2.  Salle  de  l'Hôtel-Dieu  réservée  aux  maladies  infectieuses.  Son 
nom  lui  venait  du  cardinal  du  Prat,  légat  du  Pape  en  France,  qui 
l'avait   bâtie   vers    1530. 

3.  Quatorze  dames,  choisies  tous  les  trois  mois  à  l'époque  des  quatre- 
temps  par  et  parmi  les  dames  de  la  Charité,  étaient  chargées  d'instruire 
et  de  consoler  les  malades  de  l'Hôtel-Dieu.   (P.  Costa,  op.  cit.,  p.  14.) 


—  460  — 

ainsi  ;  autrement,  l'on  sera  toujours  dans  l'appréhension 
que  lesdites  dames  n'y  prerment  mal.  Vous  m'enverrez 
la  réponse  chez  Madame  Goussault  sur  les  3  heures, 
s'il  vous  plaît. 

Il  est  vrai  qu'on  m'a  dit  que  les  choses  vont  mal  à 
l'Hôtel-Dieu  et  qu'il  est  à  souhaiter  que  votre  santé  vous 
permette  d'y  aller  passer  deux  ou  trois  jours.  Vous 
verrez. 

J'ai  fait  dire  à  Jeanne,  de  Saint-Laurent,  qu'elle  aille 
à  La  Chapelle. 

Les  dames  de  Saint-Sulpice  ont  une  merveilleuse  at- 
tache à  leur  sœur  Jeanne.  On  les  mortifiera  si  l'on  leur 
ôte.  Il  faudra  l'avertir  de  ses  défauts. 

J'espère  que  ce  ne  sera  rien  que  de  l'indisposition  de 
M.  votre  fils  qu'une  plus  grande  santé  après  cette  petite 
ébullition  de  sang. 

Vous  avez  raison  de  destiner  Marie-Denise  *  pour 
Saint-Etienne  °.  Je  me  défie  de  cette  Charité-là  à  cause 
de  la  condition  de  l'esprit  des  personnes  qui  s'en  mêlent 
et  que  des  hommes  s'en  mêlent. 

Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

314.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Mars   1638  1.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

4.  Fille  de  la   Charité. 

5.  Saint-Etienne-du-Mont,  paroisse  de  Paris. 

Lettre  314.   —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.  Cette  lettre  semble  à  sa  place  près  de  la  lettre  313. 


—  4^1   — 

Me  voici  de  retour  au  collège  des  Bons-Enfants  de- 
puis avant-hier  et  me  propose  d'aller  coucher  aujour- 
d'hui à  Saint-Lazare,  Dieu  aidant. 

Voici  une  lettre  de  Mademoiselle  Poulaillon,  que  je 
viens  de  recevoir  tout  présentement.  Que  vous  semble 
de  ce  qu'elle  propose,  Mademoiselle  ? 

Je  n'ai  point  ouï  parler  de  l'affaire  que  vous  savez. 
J'aurai  le  bien  de  voir  tantôt  le  confesseur  du  person- 
nage. 

Je  trouve  M.  votre  fils  un  peu  pâle  ;  ce  mal  de  la  main 
est  un  peu  douloureux.  Il  a  promis  à  M.  Pavillon  de 
travailler  à  la  résolution  qu'il  doit  prendre  ;  et  moi  je 
suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Mademoiselle,  votre 
très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  lundi,  à  lo  heures,  au  collège  des  Bons-Enfants. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

315.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  novembre   1637  et  mars    1638  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  fus  hier  purgé  ;  cela  fut  cause  que  je  ne  vous  fis 
réponse,  et  un  petit  embarras  que  j'eus  l'après-dînée.  Je 
vis  avant-hier  la  bonne  Madame  la  présidente  Goussault 
assez  gaie  dans  le  commencement  de  son  mal.  J'y  en- 
voyai hier.  Elle  me  manda  qu'elle  n'avait  pas  grand 
mal  et  que  pourtant  l'on  l'avait  saignée  le  pied  dans  l'eau. 


Lettre  315.    —  L.    a.   —   Dossier  des  Filles  de   la  Charité,   orifrinal. 

I.  Cette  lettre  a  été  écrite  pendant  une  des  maladies  de  Madame 
Goussault,  avant  le  mariage  de  Michel  de  Marillac  avec  Jeanne 
Potier,    nièce   de  l'évêque  de    Beauvais. 


—  4^2  — 

Je  m'en  vas  la  voir  tantôt.  Votre  indisposition  m'em- 
pêche de  vous  dire  que  vous  lui  feriez  la  charité  de  l'aller 
voir.  Je  sais  bien  que  votre  présence  lui  serait  à  grande 
consolation  et  utilité  ;  mais  vous  succomberiez  à  ce  que 
je  crains,  de  l'aller  voir.  Si  vous  pouviez  supporter  le  car- 
rosse sans  incommodité,  à  la  bonne  heure  !  Mais,  au  nom 
de  Dieu,  si  vous  avez  la  moindre  incommodité  du 
monde,  ne  le  faites  pas,  cela  lui  ferait  peine. 

Je  m'en  vas  voir  ^Madame  de  Marillac  -.  Si  elle  me 
croit,  elle  terminera  l'affaire.  Il  siéra  bien  à  sa  piété  de 
se  mortifier  dans  cette  satisfaction  qu'elle  désire.  Cela 
fera  souche  de  bénédiction  dans  la  chose  du  côté  de  M. 
son  fils  ^.  Voilà  ce  que  je  me  propose  de  lui  dire.  Mais 
ne  lui  dites  pas  mon  sentiment,  s'il  vous  plaît,  jusques 
à  ce  que  je  l'aie  vue  et  que  je  vous  aie  dit  le  succès  de 
notre  entrevue  aujourd'hui.  Monsieur  de  Beau  vais  '*  m'a 
parlé  de  nous  voir  nous  deux  ensemble  pour  cela.  Nous 
verrons. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  vous  prie  de  recommander 
à  Notre-Seigneur  un  affaire. 

Je  suis,  en  son  amour,  Mademoiselle,  votre  serviteur 
très  humble. 

Vincent  Depaul. 

Ce  dimanche,  à  7  heures  et  demie. 

Suscri-ption  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


2.  Marie    de   Creil,    veuve    de    René    de   Marillac.    Elle    abandonna 
plus  tard  le  monde  pour  entrer  au  Carmel. 

3.  Michel  de   Marillac,  conseiller  au  Parlement  de  Paris. 

4.  Augustin  Potier. 


—  463  — 

316.  —  A  LAMBERT  AUX  COUTEAUX 

De  Paris,  ce  13  mars  1638. 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  reçus  hier  la  vôtre  du  4  de  ce  mois,  mais  non  encore 
celle  de  M.  l'avocat  du  roi  de  Loudun.  Je  suis  bien  con- 
solé de  ce  que  vous  vous  meublez  peu  à  peu.  Il  n'est 
pas  temps  de  parler  d'avancer  l'église.  Je  n'en  perdrai 
point  l'occasion  ;  car  j'ai  bien  de  la  peine  de  vous  voir 
souffrir  ^  dans  ce  petit  lieu. 

Béni  soit  Dieu  du  succès  de  votre  mission  et  de  celle 
de  Messieurs  Buissot  et  Durot  !  Oh  !  que  le  succès  de 
ceux-ci  doit  servir  à   plusieurs   d'entre  nous  ! 

Je  suis  un  peu  en  peine  de  l'indisposition  de  M.  Gour- 
rant  et  de  celle  de  Bastien  -.  Quoique  j'aie  une  parfaite 
confiance  en  votre  soin,  au  nom  de  Notre-Seigneur,  Mon- 
sieur, souffrez  que  je  les  vous  recommande. 

Quant  à  ce  que  vous  dites  que  M.  Codoing  s'atta- 
che fort  à  donner  de  l'intelligence  du  ô*"  commandement, 
je  vous  supplie,  Monsieur,  de  lui  dire  que  je  le  prie 
très  humblement  de  n'en  plus  parler,  à  Richelieu  ni  ail- 
leurs, que  fort  sobrement  ^,  pour  quelques  raisons  que  je 
lui  dirai,  qui  sont  d'importance  très  grande  *. 

Je  m'en  vas  à  Rueil  et  ferai  parler  à  Monseigneur  ^  de 


Lettre  316.   —  L.  a.  —  Dossier  de  Turin,  original. 

1.  Première  rédaction  :  de  la  peine  de  voir  souffrir  ceux  de  qui 
nous...  Saint  Vincent  a  barré  ces  quatre  derniers  mots  et  ajouté  en 
interligne  vous  avant  voir. 

2.  Sébastien  Nodo,  frère  coadjuteur,  né  vers  1603  au  diocèse  de 
Rouen,    reçu   dans   la   congrégation   de    la    Mission   en    1633. 

3.  Les  mots  ni  ailleurs  que  fort  sobrement  sont   en   interligne, 

4.  Les  mots  très  grande  sont  en  interligne 

5.  Le   cardinal    de   Richelieu. 


~  464  — 

la  Charité  ^  à  ce  qu'il  voie  s'il  aura  agréable  de  faire 
cet  établissement  tandis  que  le  peuple  est  en  bonne  dis- 
position. Mandez-moi  cependant  ''  combien  de  pauvres 
malades  il  y  a  pour  l'ordinaire  à  Richelieu*,  je  ne  dis 
pas  en  août,  mais  à  présent  ^ 

Je  vois  que  vous  avez  vu  notre  petit  frère  Nicolas  ^° 
et  reçu  ma  lettre  ;  c'est  le  neveu  de  M.  de  la  Quin  (?). 
Il  présente  tin  fort  bon  garçon  du  Poitou  pour  être  frère 
céans.  Il  s'en  va  voir  sa  mère,  qui  est  en  danger  de  son 
salut,  et,  cela  fait,  s'en  ira  vous  trouver. 

Je  vous  prie  derechef  de  faire  entendre  de  ma  part  à 
la  compagnie  qu'on  soit  extrêmement  retenu  sur  l'expli- 
cation et  les  demandes  du  6^  commandement  et  que  l'on 
n'habille  point  les  enfants  à  la  procession  en  quelque 
manière  que  ce  soit,  pas  même  de  surplis,  si  ce  n'est  ceux 
qui  ont  accoutumé  d'en  porter.  Nous  sommes  dans  la 
souffrance  pour  cela  et  ne  sommes  pas  prêts  d'en  sortir. 
Béni  soit  Dieu  de  ce  que  ça  été  sans  sujet  pour  la  mis- 
sion ^^  qui  a  donné  sujet  depuis  peu  de  nous  mettre  sur 
la  langue  du  monde  ^-  ! 

Je  vous  écrivis  hier  au  soir  en  dormant  ce  que  vous 
voyez  si  raturé.  Priez  Dieu  et  le  faites  prier  pour  la 
compagnie. 

Je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  serviteur. 

Vincent  Depaul 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Lambert,  prêtre 
de  la  Mission,  à  Richelieu. 


6.  Les  mots   de  la   Charité   sont   en   interligne. 

7.  Mot  ajouté  en  interligne. 

8.  Mot    ajouté    en    interligne. 

9.  Le  saint   avait  ajouté  ici  trois  mots  Selon  cela  nous,   qu'il   a  en- 
suite  raturés. 

10.  Nicolas  Corman,  frère  coadjuteur. 

11.  La  mission  de  Saint-Germain-en-Laye. 

12.  Première  rédaction    :   de  tout  le  monde. 


Monsieur, 


-  465  — 

317.  —  A  JEAN  BÉCU 

[Février  ou  mars  1638  ^] 


La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Vous  voilà  sur  votre  départ.  Nous  vous  attendons 
avec  grand  désir  de  vous  revoir  en  bonne  disposition. 
Je  vous  supplie  cependant  de  pressentir  de  ^l.  le  curé 
de  Saint-Victor  -  (au  cas  que  vous  le  jugiez  de  bonnes 
mœurs  et  de  capacité  suffisante),  s'il  a  intention  de  se 
faire  religieux  de  l'ordre  de  Malte,  ainsi  que  les  sta- 
tuts le  requièrent  de  ceux  qui  en  ont  les  cures.  Et,  au  cas 
que  vous  le  trouviez  incertain,  vous  lui  ferez  entendre 
que  c'est  l'intention  de  M.  le  commandeur  ^,  et  qu'il  le 
faut  *,  et  par  ainsi  qu'il  y  pense  et  lui  mande  sa  dernière 
résolution  dans  un  mois,  pource  que,  s'il  ne  le  désire,  il 
est  résolu  de  suivre  le  statut  de  l'Ordre  et  de  bailler  la 
cure  à  im  autre  ;  et  s'il  le  désire,  mondit  sieur  le  com- 
mandeur désire  le  voir  et  lui  faire  entendre  son  inten- 
tion sur  quelque  préparation  qu'il  désire  qu'il  fasse  avant 
que  de  commencer  le  noviciat.  Vous  lui  ferez  entendre 
ceci  doucement  et  prudemment,  s'il  vous  plaît,  et  rap- 
porterez à  M.  le  commandeur  son  intention.  Vous  pas- 
serez aussi  à  Champagne  ^,  près  de  Houdan  ®,  s'il  vous 
plaît,  et  vous  informerez  de  quelques  habitants  comme 
ils  se  trouvent  de  l'ecclésiastique  que  M.  le  commandeur 
y  a  envoyé  depuis  peu,  si  ce  n'est  que  vous  ayez  besoin 


Lettre  317.   —  L.   a.   —  Dossier  de  Turin,  original. 

1.  Une  main  étrangère  a  écrit  près  de  l'adresse    :  en  caresme  1638. 

2.  Saint-Victor-de-Buthon    (Eure-et-Loir). 

3.  Le  commandeur  de   Sillery. 

4.  Ces  mots  sont  ajoutés  en   interligne. 

5.  Petite    localité    de    Seine-et-Oise. 

6.  Chef-lieu  de  canton  en   Seine-et-Oise. 

3o 


—  466  — 

de  prendre  le  coche  à  Dreux,  auquel  cas  vous  le  pren- 
drez. M.  le  commandeur  saura  cela  d'ailleurs,  et  moi  je 
salue  M.  le  curé  de  Saint- Victor  et  M.  Cuissot  et  suis, 
en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très  humble  servi- 
teur. 

Vincent  Depaul. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Bécu,  prêtre  de  la 
Mission,  à  Saint-Victor. 


318.  —  A  LÉONARD  BOUCHER 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  reçus,  dimanche  passé,  en  m'en  allant  à  la  ville 
pour  aller  aux  champs,  la  vôtre  du  lo  de  ce  mois,  et  re- 
venant avant-hier  soir  un  peu  harassé,  je  n'eus  pas  l'es- 
prit de  pourvoir  à  vous  envoyer  quelqu'un  pour  l'assis- 
tance du  bon  M.  Mouton.  Je  le  fais  ce  matin  et  vous 
envoie  Matthieu^  qui  est  plein  d'ardeur  et  de  charité, 
comme  vous  savez.  Je  vous  supplie,  Monsieur,  de  ne  lui 
rien  épargner.  Il  y  a  des  apothicaires  à  Montmirail  et 
de  bons  chirurgiens  ;  et  pour  le  médecin,  il  faut  l'envoyer 
quérir  à  Château-Thierry.  Il  y  a  un  nommé  M.  Fournier, 
qui  est  bon  médecin  et  de  nos  amis.  Vous  pourrez  em- 
ployer celui-là,  si  déjà  vous  n'en  avez  pris  quelqu'autre. 
Et,  pource  qu'il  sera  en  lieu  plus  commode  à  Montmi- 


Lettre  318.  —  L.   a.  —  Dossier  de  Turin,  original. 

I.  Le  frère  Matthieu  Régnard,  né  à  Brienne-le-Château,  aujourd'hui 
Brienne-Xapoléon  (Aube),  le  26  juillet  i,SQ-2,  entré  dans  la  congré- 
gation de  la  Mission  en  octobre  1631,  reçu  aux  vœux  le  28  octobre 
1644,  mort  le  5  octobre  1669.  Ce  fut  le  grand  distributeur  des  au- 
mônes de  saint  Vincent  en  Lorraine  et  pendant  les  troubles.  Il  fut 
d'un  grand  secours  au  saint  par  son  audace,  son  sang-froid  et  son 
savoir-faire. On  trouve  sa  biographie  au  t.   II  des  Notices,  pp.  29-33. 


—  467  — 

rail,  je  vous  prie  de  l'y  faire  transporter.  J'écris  à  M.  Oc- 
tobre, le  concierge,  pour  lui  faire  trouver  logement.  Je 
vous  supplie.  Monsieur,  de  ne  le  pas  abondonner,  si  ce 
n'est  qu'il  se  porte  mieux,  auquel  cas  vous  pourrez  ache- 
ver la  mission  commencée  ou  vous  joindre  à  M.  Lucas, 
tandis  que  M.  Mouton  se  reposera. 

Je  salue  très  humblement  ledit  sieur  Mouton  et  l'em- 
brasse en  esprit  avec  un  cœur  tout  attendri  de  douleur  et 
douceur.  Nous  ne  manquerons  à  prier  Dieu  pour  lui, 
comme  vous  pouvez  penser. 

Je  ne  vous  dis  rien  quant  au  reste  de  votre  lettre  tou- 
chant les  Charités,  sinon  que  je  vois  bien  que  nous  ne 
sommes  pas  au  temps  de  les  rétablir.  Notre-Seigneur  le 
nous  donnera  plus  opportun  à  la  paix,  s'il  lui  plaît. 

Je  suis,  en  son  amour.  Monsieur,  votre  très  humble  ser- 
viteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  17  mars  1638. 
Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Boucher,  prêtre  de 
la  Mission,  à  Montmirail. 


319    —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Mars   1638  \] 
Mademoiselle, 


jamais    ! 


La  grâce   de    Notre-Seigneur    soit    avec    vous    pour 

mais    ! 

Voici  une  lettre  de  Barbe  -.  Je  ne  lui  ai  envoyé  que  ce 

Lettre  319.  —  L.  a.  —  L'original  a  été  donnée  en  igoi  au  cardinal 
Langénieux,  archevêque  de  Reims,  par  M.  Antoine  Fiat,  supérieur 
général   des  prêtres   de   la   congrégation  'de   la    Mission. 

1.  La  présence  de  sœur  Barbe  Angiboust  à  Saint-Germain-en-Laye 
ne  permet  pas  de  douter  de  l'année.  D'autre  part,  la  lettre  est  an- 
térieure  à    la    lettre    320. 

2.  Barbe    Angiboust. 


—  468  — 

matin  celle  que  vous  lui  avez  écrite.  Je  l'ai  toujours  ou- 
bliée lorsque  j'ai  écrit  à  Saint- Germain  ^. 

Mais  comment  vous  portez-vous,  Mademoiselle  ?  L'on 
m'a  dit  que  mieux.  J'en  loue  Dieu  et  le  prie  qu'il  vous 
redonne  autant  de  force  comme  il  faut  pour  aller  à  la 
campag-ne  à  ce  printemps. 

Je  vis  hier  au  soir  Madame  la  présidente  Goussault, 
que  je  n'avais  point  vue  durant  sa  maladie  qu'au  com- 
mencement, il  y  a  dix  jours.  Elle  se  porte  mieux  et  désire 
revoir  le  beau  temps  et  un  peu  plus  de  santé  pour  s'aller 
promener  aux  champs.  Elle  n'eut  point  hier  la  fièvre 
quelle  attendait. 

Notre  frère  Alexandre*  vous  ira  voir  aujourd'hui. 

Comment  se  portent  vos  enfants  ?  Un  mot,  je  vous  en 
prie,  de  cela,  non  par  écrit,  n'en  prenez  pas  la  peine,  mais 
de  bouche  seulement. 

Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  suis  votre  très  humble  et 
obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 


320.  —  A  LAMBERT  AUX  COUTEAUX 

De  Paris,  ce  22  mars   1638. 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Ce  petit  nombre  de  lignes  sera  pour  vous  dire  deux 
choses  :  l'une  que  ce  jeune  homme  poitevin  demande  à 
être  de  la  compagnie,  en  suite  d'un  voyage  qu'il  va  faire 
en  son  pays  pour  voir  sa  bonne  mère,  et  que,  si  vous  en 
avez  besoin,  qu'il  lui  est  indifférent  d'être  avec  vous  ou 


3.  Saint-Germain-en-Laye. 

4.  Alexandre  Véronne. 

Lettre  320.  — ■  L.   a.   —  Dossier  de  Turin,  original. 


—  469  — 

céans*.   Vous  en  userez  donc  comme  il  vous  plaira. 

La  seconde  est  pour  vous  dire  que  Monseigneur  le  car- 
dinal m'a  donné  charge  de  vous  dire  que  vous  établis- 
siez la  Charité  à  Richelieu  et  qu'il  y  donnera  quelque 
chose  annuellement,  en  attendant  qu'elle  se  puisse  entre- 
tenir des  quêtes  ordinaires.  Selon  cela,  en  attendant,  il 
sera  à  propos  que  vous  y  dormiez  d'abord  huit  ou  dix 
écus,  si  vous  le  pouvez. 

M.  l'avocat  du  roi  de  Loudun  m'a  dit  que  le  procédé 
de  la  Mission  est  excellent  à  l'égard  des  hérétiques,  en 
ce  qu'elle  établit  les  vérités  divines,  sans  disputer  des 
points  controversés,  et  que  les  hugenots  sont  ravis  de 
cela.  Qu'on  continue  donc,  s'il   vous   plaît. 

Monseigneur  le  cardinal  est  d'avis  qu'on  se  donne  un 
jour  de  repos  la  semaine  pendant  la  mission,  par  exem- 
ple le  samedi,  et  m'a  commandé  de  faire  en  sorte  que 
cela  se  pratique  partout.  Je  vous  prie.  Monsieur,  de  com- 
mencer à  Richelieu  -. 

Je  vous  enverrai  la  Fille  de  la  Charité  ^.  Peut-être  que 
Madame  Goussault  la  vous  amènera  au  plus  tôt  après 
Pâques. 

La  hâte  que  j'ai  ne  me  permet  point  de  vous  en  dire 
davantage,  sinon  que  je  ferai  réponse  à  ceux  qui  nous 
ont  écrit  par  le  premier  messager.  Je  les  embrasse  ce- 
pendant tous  et  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur, 
votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Lambert,  prêtre 
de  la  Mission,  à  Richelieu. 

1.  Voir    la  lettre   .^16. 

2.  Lambert  aux  Couteaux  écrivit  au  cardinal  de  Richelieu  le 
16  avril  1638  pour  lui  rendre  compte  des  heureux  résultats  de  la 
mission.  Sa  lettre  se  trouve  aux  Arch.  Hu  ministère  Hes  Ait.  Etrang., 
France,  Mémoires  et  Documents,  830,  £«  105. 

3.  Barbe  Angiboust.  Le  départ  de  la  soeur  fut  remis  en  octobre. 


—  470  — 

321.    -  AU  DUC  D'ATRI  i 

[Vers  mars  1638  ^.] 
Monseigneur, 

M.  le  comte  de  Bourlemont  ^  et  M.  l'abbé  son  âls  * 
m'ont  fait  l'honneur  de  me  dire  que  Votre  Grandeur  au- 
rait agréable  que  je  lui  rendisse  compte  de  l'état  de 
Mademoiselle  d'Atri,  votre  fijlle^,  afin  que  de  là  Votre 
Grandeur  puisse  juger  ce  qui  lui  sera  le  meilleur  \  ce  que 
je  leur  promis  que  je  ferai  d'autant  plus  volontiers, 
Monseigneur,  que  je  dois  à  une  particulière  bénédiction 
de  Dieu  l'occasion  de  servir  Votre  Grandeur. 

Il  y  a  3  ou  4  mois  que  j'eus  ordre  de  M.  l'official  de 
Paris  de  visiter  Mademoiselle  votredite  fille,  sur  ce  que 
M.  le  comte  de  Maure  ^  lui  avait  demandé  permission  de 


Lettre  321.  —  Reg.  i,  f°  7  v".  —  Le  copiste  a  pris  son  texte  sur 
la  minute,  écrite  de   la   main  de   saint   Vincent. 

1.  Scipion  d'Acquaviva  d'Aragon,  duc  d'Atri,  époux  de  Geneviève 
Doni  d'Attichy,  qui  était,  par  sa  mère  Valence  de  Marillac,  cousine 
germaine  de  Louise  de  Marillac.  Pour  le  punir  d'avoir  servi  la  France, 
le  gouvernement  espagnol  le  dépouilla  de  tous  ses  biens,  qui  passèrent 
aux  mains  de  ses  enfants.  Son  fils  Joseph-François  mourut  en  1643, 
sans  laisser  de  postérité.  Une  de  ses  deux  filles,  Marie,  entra  au 
Carmel.    L'autre,    Marie-Angélique,  est   celle   dont   il    est   ici   question. 

2.  Voir   note    14. 

3.  Claude  d'Anglure,  prince  d'Amblise,  marquis  de  Sy,  comte  de 
Bourlemont,  vicomte  de  Forest  et  baron  de  Busancy.  Il  avait  épousé 
Angélique  Diacette,  fille  d'Anne  d'Acquaviva  d'Aragon,  duchesse 
d'Atri. 

4.  Charles-François  d'Anglure,  abbé  de  la  Crète,  de  Béchamp  et 
de  Saint-Pierremont,  mort  le  215  décembre  i66q.  Il  occupa  successi- 
vement les  sièges  épiscopaux  d'Aire,  de  Castres  et  de  Toulouse.  Un 
de  ses  frères,  Louis,  qui  joua  un  certain  rôle  dans  la  diplomatie,  de- 
vint évêque  de  Fréjus  et  archevêque  de  Bordeaux. 

5.  Marie-Angélique  d'Atri. 

6.  Louis  de  Rochechouart,  comte  de  Maure,  est  surtout  connu  par 
l'opposition  qu'il  fit  à  la  politique  de  Mazarin.  Alors  que  tout  'e 
monde  tremblait  devant  le  puissant  ministre,  il  vint  à  la  cour  le 
20  mars  1649,  ^^  prononça  une  harangue  en  plein  conseil  pour  de- 
mander son  expulsion.  Il  combattit  dans  le  parti  des  princes  jusqu'au 
jour   où,  blessé    à  la  tête   et  au   bras    dans   un  combat   qui   eut    lieu    à 


—  471  — 

la  faire  exorciser,  selon  l'avis  que  plusieurs  personnes  de 
grave  piété  lui  avaient  donné,  qu'elles  craignaient  que 
cette  bonne  enfant  ne  fût  travaillée  de  quelque  posses- 
sion ou  obsession  maligne.  Le  sujet  qu'ils  avaient  de  le 
croire  était  l'aversion  qu'avait  cette  bonne  allé  des 
choses  de  Dieu,  qui  était  venue  à  un  tel  point  depuis 
son  enfance  qu'elle  était  à  la  Ville-l'Evêque  ^  auprès  de 
Mademoiselle  de  Longueville  ^  qu'il  y  avait  trois  ans 
qu'elle  ne  priait  point  Dieu,  et  environ  deux  ans  qu'on 
l'avait  tenue  enfermée  dans  une  chambre  au  Port-Réal  ', 
sans  entendre  la  sainte  messe.  Ce  fut  donc  là  le  sujet 
qui  fit  avoir  cette  opinion  à  ces  bonnes  âmes  et  la  raison 
pour  laquelle  j'eus  le  bien  de  la  voir.  D'abord  elle  me 
montra  son  état  avec  jugement  et  candeur  ;  car  elle  a 
l'esprit  fort  bon  et  solide  incomparablement  au  delà 
du  commun  des  ûlles,  mais  un  peu  mélancolique.  Ma 
pensée  fut  d'abord  qu'il  n'y  avait  que  cette  humeur  mé- 
lancolique qui  la  travaillait.  Le  respect  que  je  devais 
néanmoins  à  ceux  qui  étaient  d'avis  qu'il  y  avait  quel- 


Libourne  en  1652,  il  fut  pris  et  retenu  prisonnier  par  les  troupes  du 
roi.  Il  mourut  dans  sa  terre  d'Essai,  près  d'Alençon,  le  9  novembre 
1669,  à  l'âge  de  soixante-sept  ans,  sans  laisser  de  prostérité.  (Cf. 
Histoire  de  la  maison  de  Kochechouart,  par  le  général-comte  de  Ro- 
chechouart,   Paris,   1859,  in-4,   t.  II,  pp.  81-88.) 

7.  Dans  la  paroisse  Sainte-Madeleine  de  la  Ville-l'Evêque,  à  Paris. 

8.  Marie  d'Orléans,  née  le  5  mars  1625  d'Henri  d'Orléans  II  et  de 
Louise  de  Bourbon,  mariée  le  22  mai  1657  à  Henri  de  Savoie  II,  duc 
de  Nemours,  veuve  le  14  janvier  1659.  Après  la  mort  de  ses  frères, 
elle  succéda  en  tous  les  biens  de  sa  maison.  Elle  mourut  sans  laisser 
d'enfants  le  16  juin  1707.  C'était,  dit  Saint-Simon  (Mémoires,  éd.  de 
Boislisle,  Paris,  1879-1914,  26  vol.,  in-8,  t.  II,  p.  225),  une  «  femme 
fort  haute,  extraordinaire,  de  beaucoup  d'esprit,  qui  se  tenait  fort 
chez  elle  à  l'hôtel  de  Soissons,  où  elle  ne  voyait  pas  trop  bonne  com- 
pagnie,  riche  immensément  et  vivant  très  magnifiquement.   » 

9.  Le  fait  de  cette  séquestration  est  tellement  étrange  qu'on  peut 
se  demander  si  le  copiste  du  reg.  I  a  bien  lu.  Ne  faudrait-il  pas  : 
elle  était  restée  au  lieu  de  on  Pavait  tenue  ?  Mais  peut-être  Made- 
moiselle d'Atri  se  livrait-elle  pendant  la  sainte  messe  à  des  excentri- 
cités impies.  Dans  cette  hypothèse,  il  n'y  aurait  pas  lieu  de  croire  le 
texte  fautif. 


—  472  — 

que  obsession  maligne,  fit  que  je  soumis  mon  jugement 
au  leur  et  que,  faisant  mon  rapport  à  M.  l'official,  je  lui 
dis  que  je  pensais  qu'il  n'y  avait  point  d'inconvénient 
que  M.  Charpentier  —  c'est  un  ecclésiastique  d'insigne  pié- 
té de  cette  ville  ^"  —  lui  fit  quelques  exorcismes  secrets, 
doucement  et  sans  provoquer  l'esprit  malin  au  dehors, 
plutôt  par  imprécation  que  par  exécration,  qui  était 
l'avis  du  R.  P.  Général  de  l'Oratoire  ^\  ce  qui  ne  fut 
point  exécuté  à  cause  de  la  maladie  dudit  sieur  Char- 
pentier. Cependant  il  plut  à  Dieu  envoyer  à  Mademoi- 
selle votre  fille  une  maladie  assez  grande  et  dange- 
reuse, en  laquelle  son  esprit  s'ouvrit  ;  et  AI.  ^-  et  Ma- 
dame la  comtesse  de  Maure,  craignant  son  salut,  la 
portèrent  à  se  confesser  à  moi  ;  ce  qu'elle  fit  d'une  con- 
fession générale  de  toute  sa  vie  passée,  avec  la  plus 
grande  exactitude  que  j'aie  jamais  vue,  car  elle  y  em- 
ploya trois  ou  quatre  heures  à  diverses  reprises  ;  et  ce 
fut  en  cette  action  en  laquelle  je  me  confirmai  en  l'opi- 
nion que  j'avais  eue  auparavant  ;  et  la  maladie  ayant 
été  un  peu  longue  et  en  quelque  espèce  de  langueur,  il 
me  sembla  qu'elle  était  rentrée  dans  le  travail  de  la 
même  humeur.  Or,  comme  elle  fut  guérie  néanmoins, 
elle  s'en  trouva  tout  à  fait  délivrée,  de  sorte  qu'elle 
demanda  à  se  reconfesser  à  moi  et  à  communier,  ce 
qu'elle  n'avait  fait  pendant  sa  maladie,  et  fit  ces  actions 
avec  liberté  d'esprit,  comme  aurait  fait  une  autre  per- 
sonne. A  quelque  temps  de  là,  elle  demanda  d'être  re- 


10.  Hubert  Charpentier,  gradué  en  théologie  de  la  maison  de  Sor- 
bonne,  était  né  à  Coulommiers  le  3  novembre  1565.  Après  avoir  con- 
tribué à  la  fondation  de  Notre-Dame  de  Garaison,  il  fonda  deux 
établissements  pour  honorer  la  croix  du  Sauveur  :  l'un  à  Bétharram, 
l'autre  au  Mont-Valérien,  près  de  Paris.  Il  mourut  à  Paris  le  10  dé- 
cembre   1650. 

11.  François  Bourgoing,  prédécesseur  de  saint  Vincent  à  la  cure  de 
Ciichy. 

12.  Texte  du  manuscrit  :  et  le  soin  de  M.  —  Ainsi  construite,  la 
phrase  n'a  aucuni  sens. 


—  473  — 

ligieuse  et  qu'on  la  reçût  au  Port-Réal.  D'abord  qu'elle 
me  le  dit,  je  lui  répondis  qu'il  n'était  pas  temps  et  qu'il 
lui  fallait  pour  le  moins  un  an  avec  Madame  sa  tante  ^^ 
et  qu'elle  l'emmenât  prendre  l'air  des  champs,  avant  que 
de  penser  à  l'exécution  de  ce  dessein  ;  et  lui  ai  dit  la 
même  chose  toutes  les  fois  que  Monsieur  et  Madame  la 
comtesse  de  Maure  et  elle  m'ont  fait  l'honneur  de  m'en 
parler.  Cela  pourtant  ne  l'a  pas  empêchée  de  poursuivre 
secrètement  son  entrée  en  religion,  ni  d'alléguer  quantité 
de  raisons,  partie  fondées  sur  les  jugements  de  Dieu  et 
partie  sur  ce  qu'elle  ne  pouvait  supporter  les  façons  de 
faire  du  monde.  Ce  qu'ayant  su  Messieurs  de  Bourle- 
mont,  et  ayant  fait  entendre  à  Monsieur  et  à  Madame  ia 
comtesse  de  Maure  que  l'intention  de  Votre  Grandeur 
est  qu'elle  entrât  en  religion,  après  quelque  difficulté  de 
part  et  d'autre  ils  y  ont  acquiescé,  quoiqu'avec  grande 
peine,  dans  l'appréhension  que  cette  borme  enfant  ne 
rentre  dans  la  même  humeur  ;  et  moi,  après  avoir  re- 
présenté à  mesdits  sieurs  de  Bourlemont  le  danger  dans 
lequel  l'on  mettait  cette  bonne  fille,  et  eux  passant  par 
dessus  toutes  lesdites  difficultés,  estimant  que  c'est  votre 
intention,  ils  l'ont  mise  non  au  Port-Réal,  mais  en  un 
monastère  de  Jacobines  ^^. 

Voilà,  Monseigneur,  ce  qui  s'est  passé  en  cet  affaire  et 


13.  La  comtesse  ue   Maure 

14.  Bien  qu'elle  parle  plus  d'une  fois,  dans  ses  lettres,  de  la  pré- 
tendue possession  et  de  la  guérison  de  Mademoiselle  d'Atri,  la  Mère 
Angélique-Arnauld  passe  sous  silence  l'intervention  de  saint  Vincent. 
Elle  écrivait  à  M.  Macquet  le  29  juin  1637  [Lettres  de  la  Révérende 
Mère  Marie-Angélique  Ar^taitld,  abbesse  et  réformatrice  de  Port- 
Royal,  Utrecht,  1742,  3  vol.  in-12,  t.  I,  p.  106)  :  «  N'oubliez  pas  la 
demoiselle  dont  je  vous  ai  parlé,  qui  est  toujours  au  misérable  état 
qu'elle  était.  »  Même  recommandation  à  sainte  Chantai  le  9  novem- 
bre :  «  Je  vous  supplie  très  humblement  de  prier  Dieu  pour  la  déli- 
vrance d'une  pauvre  fille  possédée.  »  (Communication  de  M.  Gazier. ) 
«  C'est  la  plus  pitoyable  histoire  du  monde  »,  écrivait-elle  encore  à 
la  sainte  le  22  décembre,  et  elle  lui  demandait  quelques  reliques  de 
saint  François  de  Sales  pour  chasser  le  démon.   (Lettres,  t.  I,  p.  132.; 


—  474  — 

ce  que  Messieurs  de  Bourlemont  ont  trouvé  à  propos  que 
j'écrivisse  à  Votre  Grandeur  ;  ce  sera  à  elle,  Monsei- 
gneur, à  juger  à  présent  ce  qui  sera  le  meilleur  pour  la 
conduite  de  cette  bonne  fille.  J'ai  de  la  peine  de  vous 
entretenir  de  cette  sorte  de  discours  ;  mais  j'ai  cru. 
Monseigneur,  y  être  obligé  selon  ma  conscience,  et  que 
vous,  Monseigneur,  ne  l'aurez  ipas  désagréable,  puis- 
qu'il y  a  du  danger  du  salut  de  Mademoiselle  votre  ûlle. 
Que  s'il  plaisait  à  Dieu  me  faire  digne  de  rendre  à 
Votre  Grandeur  quelque  service  plus  agréable,  sa  di- 
vine bonté  sait  que  j'en  ai  un  très  grand  désir  et  qu'il 
n'y  a  personne  au  monde  sur  qui  N.-S.  ait  donné  à  Votre 
Grandeur  plus  de  pouvoir  que  sur  moi,  qui  suis  en 
l'amour  de  N.-S... 


La  guérison  ne  se  fit  pas  attendre,  puisque  la  Mère  Angélique  pouvait 
ajouter  le  17  février  1638  :  «  La  demoiselle  que  je  vous  avais  tant 
recommandée...  fut  délivrée  deux  heures  après  avoir  mis  à  son  cou 
l'image  de  bois  de  la  sainte  Vierge  que  la  bonne  Mère  nous  a  donnée.  » 
Les  dispositions  de  Mademoiselle  d'Atri  changèrent  si  bien  qu'elle  se 
sentit  portée  vers  la  vie  religieuse  et  aurait  suivi  ses  goûts  sans  l'oppo- 
sition de  sa  famille.  {Lettres,  t.  I,  p.  136.)  Un  mois  après,  la  Mère 
Angélique  recommandait  à  M.  Macquet  la  plus  grande  discrétion  sur 
cette  merveilleuse  conversion.  «  Je  vous  supplie,  au  nom  de  Dieu, 
qu'on  ne  parle  point  de  ce  miracle  de  la  sainte  Vierge  que  vous  savez. 
Voila  l'humeur  des  filles,  et  c'est  la  mode,  de  ne  vouloir  honorer 
Dieu,  sa  sainte  Mère  et  les  saints  que  par  miracles  et  discours...  J'ai 
tort  de  vous  l'avoir  dit,  et  je  vois  bien  que  ce  n'a  pas  été  par  l'esprit 
de  Dieu,  puisqu'au  lieu  de  produire  dans  ses  filles  une  nouvelle, 
secrète  et  intérieure  confiance  en  la  sainte  Vierge,  elle  n'a  fait  que  du 
bruit.  Je  m'assure  que  pas  une  ne  l'a  priée  ensuite  de  la  délivrer  de 
ses  imperfections.  Il  vaut  bien  mieux  qu'elles  ne  parlent  jamais  que  de 
parler  même  des  miracles  de  cette  façon  ;  la  sainte  Vierge  aime 
mieux  leur  silence.  »  {Lettres,  t.  I,  p.  138.)  Comment  concilier  le 
récit  de  la  Mère  Angélique  avec  celui  de  saint  Vincent  ?  Il  semble 
qu'il  y  eut  deux  guérisons,  dont  l'une  ne  dura  pas  ;  mais  il  serait 
difi^icile  de  dire  quelle  fut  la  première.  Le  désir  exprimé  par  la  Mère 
Angélique  dans  sa  lettre  de  mars  16^8,  qu'il  ne  soit  plus  parlé  du  mi- 
racle, n'aurait-il  pas  été  provoqué  par  une  rechute  ?  Quoi  qu'il  en  soit,  la 
guérison  était  définitive  avant  le  19  juin.  Plus  tard,  dans  une  lettre 
du  22  octobre,  la  Mère  Angélique  rappelle  à  Mademoiselle  d'Atri  la 
grâce  dont  elle  a  été  l'objet. 


—   475  — 

322.  —  A  ANTOINE  PORTAIL,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 
A  FRÉNEVILLE 

De  Paris,  ce  28  avril  1638. 

...  Or  sus,  Monsieur,  en  voilà  beaucoup  pour  le  tempo- 
rel. Plaise  à  la  bonté  de  Dieu  que,  selon  votre  souhait,  il 
ne  vous  éloigne  pas  du  spirituel,  qu'il  nous  donne  part  à 
l'éternelle  pensée  qu'il  a  de  lui-même,  tandis  que  perpé- 
tuellement il  sapplique  au  gouvernement  de  ce  monde  et 
à  pourvoir  au  besoin  de  toutes  ses  créatures  jusques  à  un 
petit  moucheron  !  O  Monsieur,  qu'il  faut  travailler  à 
l'acquisition  de  la  participation  de  cet  esprit  ! 

Je  suis,  dans  ce  même  esprit.  Monsieur... 

323.  —  A  JEAN  BÉCU 

[20  ou  21  mai  1638  ^.] 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Puisque  vous  avez  tant  de  difficulté  à  la  campagne, 
je  vous  supplie,  Monsieur,  d'aller  faire  la  mission  à 
Montmirail.  Il  faudra  que  vous  fassiez  la  prédication  du 
matin   M.   Abeline-,  qui  est  à  M.   de  Ba}'onne,   fera  le 


Lettre   322.    —   Dossier   de  Turin,    copie  prise   par   Antoine    Portail. 

Lettre  323.  —  L.  a.  —  Dossier  de  Turin,  original. 

1.  Sur  le  côté  réservé  à  l'adresse  sont  écrits  les  mots  :  «  Le  mardi 
ou  mercredi   devant  la   Pentecôte    1638,  mai.   » 

2.  Plus  connu  sous  le  nom  d'Abelly.  Louis  Abelly  naquit  à  Paris 
en  1604.  Dès  les  premières  années  de  son  sacerdoce,  il  prit  part  aux 
travaux  apostoliques  de  saint  Vincent,  qui  reconnut  son  mérite  et  en 
dit  tant  de  bien  à  François  Fouquet,  évêque  nommé  de  Bayonne,  que 
celui-ci  le  prit  pour  vicaire  général.  Son  séjour  à  Bayonne  ne  fut  pas 
long.  Il  accepta  une  modeste  cure  de  village  aux  environs  de  Paris 
et   fut     peu     après     (1644)      chargé      d'une      paroisse      de  la     capi- 


—  476  — 

grand  catéchisme,  et  M.  Le  Breton,  qui  est  encore  à  lui, 
fera  le  petit  peut-être.  Il  n'a  jamais  été  à  la  mission  ; 
il  est  savant,  fort  pieux  et  a  très  bon  esprit  néanmoins  ; 
c'est  ce  qui  fait  juger  qu'il  fera  bien.  J'en  conférerai 
avec  lui.  S'il  ne  le  fait,  ce  sera  M.  Boucher  ou  M.  Cuis- 
sot ;  vous  en  aviserez  avec  M.  Lucas.  Ils  pourront  par- 
tir demain  pour  être  samedi  à  Montmirail.  Il  sera  à 
propos  que  vous  alliez  dormer  ordre  au  logement.  J'en 
écris  un  mot  à  M.  Octobre,  le  concierge  ^.  Vous  pourrez 
vous  faire  aider,  si  besoin  est  parfois,  par  M.  Lucas 
pour  la  prédication  du  matin.  Si  Monsieur  de  Soissons  * 
envoie  quelqu'un  pour  l'octave  du  Saint-Sacrement,  vous 
vous  reposerez.  Il  faudra  veiller  aux  accommodements 
qui  seront  à  faire  et  assembler  les  dames  de  la  Charité. 
Je  vous  enverrai  un  frère  pour  servir  à  Montmirail, 
Gallemant  ^  ou  un  autre  ;  mais  il  faudra  que  vous  pre- 
niez un  peu  de  soin  pour  le  vivre. 

Je  salue  très  humblement  la  Compagnie.  M.  Abeline 


taie,  la  paroisse  Saint-Josse,  où  il  forma  une  communauté  ecclésias- 
tique. Il  devint  dans  la  suite  directeur  des  sœurs  de  la  Croix  (1650), 
aumônier  de  l'hôpital  général  (1657),  et  évêque  de  Rodez  (1662).  Il 
se  démit  de  son  évêché  en  i566  pour  raisons  de  santé  et  se  retira  à 
Saint-Lazare,  où  il  passa,  dans  le  recueillement  et  l'étude,  les  vingt- 
cinq  dernières  années  de  sa  vie.  Nous  avons  de  lui  près  de  trente  ouvra- 
ges de  piété,  d'histoire  et  de  théologie.  Les  plus  connus  sont  le  Sacerdos 
christianus  (Paris,  1656,  in-8),  la  Medulla  theologica  (Paris,  1652- 
1653,  2  vol.  in-12),  qui  lui  a  valu  de  l'auteur  du  Lutrin 
l'épithète  de  moelleux,  et  surtout  la  Vie  du  Vénérable  Vincent  de 
Paul.  Il  n'est  pas  seulement  le  parrain  de  ce  dernier  écrit,  comme  on 
l'a  prétendu  ;  il  en  est  réellement  l'auteur.  Sa  tâche  lui  fut  singu- 
lièrement facilitée  par  le  frère  Ducournau,  qui  recueillit  et  classa 
les  documents.  Il  fit  don  à  la  maison  de  Saint-Lazare  d'une  propriété 
qu'il  avait  à  Pantin  et  qui  devint,  depuis,  la  maison  de  campagne  des 
étudiants  Louis  .Abelly  mourut  le  4  octobre  1691  et  fut  inhumé, 
comme  il  l'avait  désiré,  dans  l'église  de  Saint-Lazare,  sous  la  cha- 
pelle des  Saints- Anges.    (Cf.   Collet,  0^.  cit.,  t.   I,  p.  5  et  suiv.) 

3.  Du  château  de  Montmirail. 

4.  Simon  Le  Gras   (1624-1656). 

5.  Jean  Gallemant,  frère  coadjuteur,  né  en  1608  à  Conteville  (Seine- 
Inférieure),  reru   dans  la  congrégation  de  la  Mission  le  3   avril  1638. 


^  477  — 

est  un  fort  bon  esprit,  fort  sage  et  judicieux,  et  M.  Le 
Breton  fort  fervent.  Je  conjure  la  Compagnie,  par  les 
entrailles  de  Jésus-Christ,  de  leur  donner  bon  exemple 
et  leur  témoigner  beaucoup  de  charité  et  de  déférence. 
L'un  d'eux  s'en  va  être  grand  vicaire  de  Bayonne.  Au 
nom  de  Dieu,  Monsieur,  qu'ils  sortent  édifiés  de  la  Com- 
pagnie. Je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre 
très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Je  vous  prie  d'être  soigneux  de  rendre  les  ports  des 
lettres  à  M.  Octobre  et  de  vous  rendre  samedi  de  bonne 
heure  à  Montmirail  pour  faire  accommoder  le  logement 
et  y  recevoir  M.  Abeline  et  M.  Le  Breton. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Bécu,  prêtre  de  la 
Mission,  étant  de  présent  à  Marchais  ^. 


324.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Vers  mai    1638  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

La  proposition  que  vous  me  faites  de  Madame  de 
Herse  me  semble  d'abord  embarrassante  ;  toutefois  il 
faudra  voir. 

Je  m'en  vas  à  la  ville  et  espère  vous  voir  demain  à 
La  Chapelle  ;  mais  si  le  carrosse  vous  va  prendre,  ne 
laissez  pas  d'aller,  s'il  vous  plaît,  et  donnez  l'ordre  qui 
vous  semblera  le  meilleur  chez  vous. 


6.  Petite  localité  de  l'Aisne. 

Lettre  324.   —  L.  a.   —  Dossier  de  Turin,   original. 

1.   Cette  lettre  semble  devoir  être  rapprochée  de  la  lettre  325. 


—  47«  — 

Je  loue  Dieu  de  ce  que  vous  me  dites  de  Madame 
Turgis  et  le  prie  qu'il  lui  augmente  sa  grâce. 

Je  n'entends  pas  ce  que  vous  me  dites  d'Isabelle  -  et 
de  Barbe  ^  ;  vous  me  l'expliquerez  ;  il  y  a  un  mot  que 
je  n'ai  su  lire  touchant  cela. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


325.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[24  mai  1638  1.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Vous  verrez  devant  Dieu,  comme  j'espère,  que  vous 
avez  bien  fait  de  renvoyer  cette  borme  fille,  et  ferez  bien 
de  vous  contenter  au  prorata  de  200  livres  pour  sa  pen- 
sion et  de  laisser  aller  Isabelle  ^  à  Argenteuil. 

Ma  petite  fiévrotte  ne  me  permettra  pas  de  parler  à 
vos  filles  cette  semaine. 

Voici  un  billet  d'un  don  du  Saint-Esprit,  qu'on  vous 
envoie  de  Sainte-Marie. 

Au  nom  de  Dieu,  Mademoiselle,  ayez  soin  de  votre 
santé.  Je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Made- 
moiselle, votre  serviteur. 

V.  Depaul. 
Ce  lundi  ^. 


2.  Elisabeth   Martin. 

3.  Barbe   Angiboust. 

Lettre  325.   —   L.    a.  —  Dossier  des  Filles   de  la  Charité,  original. 

1.  Le  retour  de  Barbe  Angiboust  à   Saint-Germain-en-Laye  ne  put 
avoir  lieu  qu'en  1638.   Pour  le  jour  et  le  mois  voir  note  3. 

2.  Elisabeth   Martin.    Elle   était  d'Argenteuil    (Seine-et-Oise) . 

3.  Ce  qui     précède     laisse  supposer     que  ce  lundi     était  le     lundi 
de   la    Pentecôte. 


—  479  — 

Vous  pourrez  envoyer  Barbe  à  Saint-Germain  *  quand 
il  vous  plaira.  Mademoiselle  de  Chaumont  juge  qu'elle 
est  nécessaire  de  delà,  et  Madame  Goussault  ne  trouve 
pas  qu'il  soit  besoin  de  l'envoyer  à  Richelieu  ;  mais 
elle  souhaiterait  bien,  sans  pourtant  le  demander,  qu'on 
en  pût  envoyer  trois  à  l'hôpital  d'Angers  ^.  Je  lui  ai 
mandé  qu'on  en  parlera  à  son  retour. 

Les  officières  des  dames  de  l'Hôtel-Dieu  viendront 
demain  céans.  Voyez  si  vous  avez  quelque  avis  à  me 
donner. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


Monsieur, 


326.  —  A  JEAN  BÉCU 

Ce  2  de  juin  [1638  i]  à  Paris. 


La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Béni  soit  Dieu  de  tout  ce  que  vous  me  mandez  !  Je 
m'informerai  d'une  maîtresse  d'école,  si  vous  me  mandez 
à  quoi  pourra  monter  ce  qu'elle  gagnera  et  qu'il  ne  s'en 
trouve  de  delà.  Il  est  bien  dangereux  que  les  ûlles  et 
les  garçons  aillent  à  l'école  ensemble. 

La  direction  de  la  Charité  appartient  à  M.  le  prieur  ^- 
S'il  y  a  du  fonds,  il  n'y  aura  point  danger  qu'on  en 
fasse  accommoder   la   chapelle. 


4.  Saint  Vincent  avait  récemment  rappelé  Barbe  Angiboust  de  Saint- 
Germain-en-Laye  pour  l'envoyer  à  Richelieu,  oîi  elle  n'alla  que  plus 
tard.    (Voir   1.    320.) 

5.  L'hôpital  Saint-Jean-Baptiste  d'Angers.  Les  Filles  de  la  Charité 
s'y  rendirent  à  la  fin  de  l'année. 

Lettre  326.  —  L.  a.  —  Dossier  de  Turin,  original. 

1.  Voir  lettres  323  et  32g. 

2.  Jean-François  Delabarre,  né  à  Château-Thierry,  nommé  prieur 
de  Montmirail  en  1636.  Il  résigna  sa  cure  en  1646  et  mourut  en  1647. 


—  48o  — 

Je  soupçonne  un  peu  l'attache  de  cette  pauvre  femme 
à  se  piqueter  la  tête  ;  il  faut  tâcher  à  lui  faire  changer. 
Si  elle  ne  le  veut  pas,  in  nomine  Domini.  Ce  que  vous 
lui  proposez  me  semble  raisonnable. 

J'ai  écrit  à  Monseigneur  de  Soissons  ^  touchant  les 
deux  Messieurs  Abeline  et  Breton. 

Il  sera  bon  de  faire  appliquer  quelque  restitution  ou 
quelque  aumône  pour  la  délivrance  de  ce  prisonnier. 

Je  vous  prie  de  dire  à  M.  Cuissot  que  son  bon  frère 
m'est  venu  voir  plusieurs  fois,  qu'il  demeure  et  travaille 
chez  un  orfèvre,  que  j'ai  oublié  son  nom  et  ne  sais  comme 
quoi  lui  faire  donner  sa  lettre  qu'il  se  propose  de  lui 
écrire,  et  qu'il  me  paraît  bon  enfant. 

Nous  avons  eu  soixante  ordinands  ou  environ,  qui 
ont  bien  fait.  Dieu  merci.  Monseigneur  l'archevêque  * 
les  est  venu  voir  et  s'en  est  retourné  bien  satisfait.  Dieu 
merci  ;  et  c'est  avec  sujet,  par  la  miséricorde  de  Dieu. 

M.  Mouton  n'a  plus  de  fièvre.  Chacun  se  porte  bien, 
Dieu  merci.  Il  n'y  a  que  le  bon  M.  Fouquet  le  père  ^, 
qui  est  plus  mal  et  en  danger.  Je  vous  supplie  de  prier 
et  de  faire  prier  Dieu  pour  lui,  comme  pour  l'un  des  plus 
hommes  de  bien  que  je  connaisse,  qui  suis  à  M.  Abe- 
line et  à  M.  Le  Breton  et  à  toute  la  compagnie  votre 
très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Bécu,  prêtre  de  la 
Mission,  à  Montmirail. 


3.  Simon  Le  Gras. 

4.  Jean-François    de    Gondi. 

5.  François  Fouquet,  vicomte  de  Vaux,  né  en  Bretagne  en  1587, 
mort  à  Paris  le  22  avril  1640.  Il  était  armateur  quand  Richelieu 
l'appela  au  conseil  de  la  marine  et  du  commerce.  Il  devint  conseiller 
au  parlement,  maître  des  requêtes,  ambassadeur  en  Suisse.  De  Marie 
de  Maupeou,  son  épouse,  il  eut  douze  enfants  :  cfnq  filles  entrèrent 
à  la  Visitation   ;  Nicolas,  le  plus  célèbre,  obtint  la  charge  de  surinten- 


—  48i  — 

327.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1638   ou   1639  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  tâcherai  d'aller  servir  -  cette  bonne  ûlle  samedi  à 
l'accoutumée. 

Je  suis  étonné  de  la  mort  de  tant  de  ces  petites  créa- 
tures et  pense  qu'il  y  peut  avoir  quelque  chose  de  ce  que 
vous  dites.  Je  vous  pne  me  mander  ce  que  vous  en  a  dit 
Madame  la  présidente  de  Herse.  Il  faudra  aviser  sérieu- 
sement et  tout  de  bon  à  ce  qu'il  faut  faire  en  cela. 

J'ai  écrit  déjà  à  Madame  Goussault,  si  me  semble, 
que  je  louais  Dieu  de  la  pensée  qu'il  lui  avait  donnée 
de  vous  convier  d'aller  à  Grigny.  Je  vous  dis  le  même 
à  vous.  Vous  y  trouverez  M.  Pavillon  et  deux  prêtres 
de  céans,  dont  l'un  ne  fait  que  sortir  du  séminaire  et 
l'autre  y  est  encore.  Il  y  a  encore  un  neveu  de  M.  le 
curé  de  Saint-Gervais  ^,  qui  demeure  à  Saint-Nicolas  *. 
Et  moi  je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Made- 
moiselle, votre  très  humble  serviteur. 

V.  D.  P. 

Ce  jeudi,  à  4  heures. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

dant  des  finances  ;  François  occupa  les  sièges  épiscopaux  de  Bayonne, 
d'Agde  et  de  Xarbonne  ;  Louis  remplaça  son  frère  comme  évêque 
d'Agde. 

Lettre  327.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  a  été  écrite  après  les  commencements  de  l'œuvre  des 
Enfants  trouvés  (janvier  1638)  et  avant  la  dernière  maladie  de  Ma- 
dame Goussault    (juillet   1639). 

2.  Entendre  en  confession. 

3.  Paroisse  de  Paris.  Le  curé  de  Saint-Gervais  était  alors  Charles- 
François  Talon,  docteur  de  Sorbonne,  ancien  avocat  général  au  par- 
lement  de   Paris. 

4.  Au  séminaire  de  Saint-Xicolas-du-Chardonnet. 

3i 


—  482  — 

328.  —  A  NICOLAS  MARCEILLEi 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  vous  remercie  très  humblement  du  soin  que  vous 
avez  eu  de  nous  envoyer  si  à  point  tout  ce  que  je  vous 
ai  demandé  par  ma  dernière,  et  vous  prie,  au  nom  de 
Notre- Seigneur,  d'avoir  soin  de  votre  santé.  M.  de  la 
Salle  me  mande  que  vous  paraissez  un  peu  indisposé.  Je 
vous  supplie,  Monsieur,  de  vous  reposer  et  de  vous  faire 
purger  et  saigner. 

Je  suis  en  peine  si  vous  n'avez  pas  fait  parler  M.  le 
prieur  "  dans  le  bail   fait  au  fermier  du  Bourget  ^ 

Il  ne  faut  point  faire  couper  le  foin  tandis  que  ce 
temps  pluvieux  durera,  quoi  que  les  ouvriers  vous  disent. 

Il  serait  bon  d'écrire  de  ma  part  à  Bertrand  Denise,  de 
Villepreux,  et  le  prier  de  vous  envoyer  ce  bonhomme 
qui  est  venu  de  sa  part  à  Saint-Lazare  pour  fener  et 
bêcher  les  foins,  et  que  vous  l'envoyiez  ici  et  lui  don- 
niez à  cet  effet  de  l'argent.  Jourdain  "*  sait  où  logent  ceux 
de  Villepreux  et  pourra  envoyer  la  lettre  par  main 
sûre.  Le  maître  du  pré  qui  est  vis-à-vis  de  l'église  de  La 
Chapelle  s'entend  bien  à  le  ménager.  Quand  vous  saurez 
qu'il  fait  couper  le  sien,  vous  pourrez  faire  couper  les 
nôtres,  et  non  plus  tôt.  Bertrand  Denise  est  fermier   du 


Lettre  328.   —  L.   a.   —  Dossier  de  Turin,  original. 

1.  Nicolas  Marceille,  prêtre  de  la  Mission,  né  au  Pont-Sainte- 
Maxence,  reçu  dans  la  congrég^atinn  de  la  Mission  en  1635.  Il  était 
procureur   de   la   maison   de   Saint-Lazare. 

2.  Adrien  Le  Bon. 

3.  Localité  située  près  de  Saint-Denis,  sur  les  confins  de  la  Seine  et 
de  la  Seine-et-Oise.  Il  y  avait  là  des  terres  qui  dépendaient  du  prieuré 
de  Saint-Lazare  depuis  le  Xli'  siècle.    (Arch.   Nat.   S  6651.) 

4.  Jean  Jourdain,  frère  coadjuteur. 


—  483  — 

R.  P.  de  Gondy  en  sa  ferme  de  Villepreux.  Il  sera  bon 
que  vous  fassiez  marché  à  la  journée  avec  le  bonhomme 
qu'il  vous  enverra  et  que  vous  le  nous  envoyiez  ici. 

Ma  petite  indisposition  continue  toujours.  Il  me  sem- 
ble néanmoins  que  j'entrevois  quelque  petit  amende- 
ment. Je  me  propose,  Dieu  aidant,  de  me  faire  purger, 
si  quelque  chose  ne  requiert  absolument  mon  retour. 

Or  sus,  je  ânis  en  me  recommandant  à  vos  prières  et 
en  esprit  à  votre  bon  et  saint  homme  de  père,  et  suis,  en 
l'amour  de  Notre-Seigneur,   votre  serviteur. 

V.  Depaul. 

Fréneville,   ce  jour  de  l'octave   du  Saint-Sacrement  ^. 

Si  vous  avez  besoin  du  petit  Pasquier,  vous  le  pour- 
rez retenir  ;  l'on  s'en  passera  ici.  Pierre  fait  ce  que  celui- 
ci  faisait.  Je  vous  prie  de  faire  saigner  et  purger  M.  Bou- 
det,  si  déjà  il  ne  l'a  été  depuis  son  retour.  Je  le  salue 
htmiblement.  Je  vous  prie  de  faire  tenir  les  lettres  de  notre 
frère  Louistre  ®  là  oii  elles  s'adressent  pour  Mantes  sa- 
medi au  matin.  Le  messager  part  ce  jour-là  de  Paris. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  de  Marceille,  prê- 
tre de  la  Mission,  à  Saint-Lazare. 


5.  Une  main  étrangère  a  écrit  près  de  ces  mots  :  17  juin  1638. 
Celui  qui  a  écrit  cette  date  n'a  pas  songé  qu'en  1638  l'octave  du  Saint- 
Sacrement  tombait  le  10  juin  et  non  le  17.  En  juin  163S,  saint  Vin- 
cent était  à  Fréneville  et  malade  ;  c'est  ce  qui  nous  fait  conclure 
que   l'année   et  le  mois  sont  exacts. 

6.  Jean  Louistre,  frère  coadjuteur,  né  à  Mantes  en  1613,  entré  dans 
la  congrégation  de  la  Mission  le  14  mars  1637,  reçu  aux  vœux  le 
15  mars  1642. 


—  484  — 

329.   —  A  JEAN  BÉCU 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  reçus  hier  au  soir  à  Fréneville  celle  que  vous  m'avez 
écrite  du  5  de  ce  mois.  Je  suis  bien  en  peine  de  votre 
petite  indisposition  et  prie  Notre-Seigneur  qu'il  vous 
rende  votre  pleine  santé. 

Vous  ferez  bien  de  donner  vingt  sols  aux  bedeaux 
et  demi-écu  au  jardinier. 

Vous  ne  pouvez  faire  que  ce  que  vous  avez  fait,  qui  est 
de  renvoyer  les  deux  adultères  couverts,  si  ce  n'est  si 
l'un  ou  l'autre  revient,  auquel  cas  il  sera  bon  de  faire 
ce  qui  se  pourra  pour  les  porter  à  la  séparation.  La 
femme  aura  peut-être  plus  de  disposition  à  cela. 

L'affaire  de  la  maîtresse  d'école  est  un  ouvrage  à 
faire  par  le  R.  P.  de  Gondy  \  étant  sur  le  lieu,  comme 
le  remboursement  des  deniers  de  la  Charité. 

Je  ne  doute  point  que  la  mission  n'aille  lentement, 
dans  l'embarras  que  les  esprits  ont  à  présent  à  cause  du 
temps  qui  court.  La  division  avec  M.  le  prieur  ^  y  peut 
bien  aussi  contribuer.  Il  ne  faut  point  prendre  parti  là 
dedans  ;  il  n'y  a  que  les  personnes  neutres  qui  puissent 
réunir  les  esprits. 

L'exposition  du  Saint-Sacrement  n'est  pas  en  usage 
partout  dans  les  octaves.  Il  faut  faire  à  Rome  comme 
à  Rome  et  agréer  les  coutumes  des  lieux,  si  elles  ne  sont 
vicieuses. 

Le  notaire  qui  a  écrit  comme  les  parties  lui  ont  dit, 
a  fait  son  devoir  de  les  avertir  avant  que  d'écrire,  et, 

Lettre  329.   —  L.   a.   ■ —  Dossier   de  Turin,   original. 

1.  Seigneur  du  lieu. 

2.  Jean-François    Delabarre. 


—  485  — 

quoiqu'il  sût  le  contraire,  il  a  dû  néanmoins  croire  les 
contractants.  Il  est  là  comme  un  juge  qui  doit  ajouter 
plus  de  foi  à  ce  que  les  parties  lui  prouvent,  qu'au  con- 
traire qu'il  a  vu.  Et  voilà  pour  le  premier  cas. 

Et  pour  le  second,  je  doute  que  celui  qui  a  acheté  le 
pré,  au  cas  du  rachat  dans  trois  ans,  soit  en  bonne  foi,  à 
cause  qu'il  n'est  pas  vendu  son  juste  prix.  Il  y  a  lésion 
d'environ  soixante  livres.  Cet  homme-là  fera  bien  de 
libérer  le  vendeur  de  la  rigueur  de  la  clause  qu'il  ne 
pourra  être  reçu  au  rachat  trois  ans  faits  (?),  ou  bien 
qu'il  lui  dorme  soixante  livres  outre  les  cent  pour  la 
vente  pure  et  simple.  Par  ce  moyen,  il  achètera  le  pré  au 
denier  vingt,  qui  est  le  juste  prix  du  bien  en  roture.  Et 
puis  cette  nature  de  contrats  qui  portent  la  rigueur  de  la 
clause  ci-dessus,  est  contre  les  bonnes  mœurs,  quand 
l'on  ne  donne  le  juste  prix. 

Voilà,  Monsieur,  ce  que  je  vous  puis  dire  de  Fréne- 
ville,  où  je  suis  avec  ma  petite  ûévrotte  de  l'ordre 
d'Alexandre  ^.  Quantité  de  monde  demande  ici  de  vos 
nouvelles.  Frère  Hubert  *  y  fait  incomparablement  bien. 
Mademoiselle  de  la  Grange  est  fort  dangereusement 
malade  ;  elle  crache  son  poumon.  Ce  sera  une  grande 
perte  pour  cette  paroisse.  Je  la  recommande  à  vos  prières 
et  salue  très  humblement  le  bon  M.  Abeline,  M.  Le 
Breton  et  le  reste  de  la  compagnie  et  suis,  en  l'amour 
de  Notre-Seigneur,  Monsieur,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De   Fréneville,    l'octave  du   Saint-Sacrement^    1638. 
Suscription   :   A     Monsieur   Monsieur    Octobre,    con- 

3.  Petit  nom   du   frère   Véronne,   infirmier  de   Saint-Lazare. 

4.  Hubert  Bécu,  frère  du  destinataire  de  cette  lettre,  né  à  Bra- 
ches  (Somme)  vers  1607,  entré  dans  la  congrégation  de  la  Mission  en 
juillet  1629  en  qualité  de  frère  coadjuteur,  reçu  aux  vœux  le  24  fé- 
vrier  1645. 

5.  10  juin. 


—  486  — 

cierge  du  château  de  Montmirail,  pour  rendre,  s'il  lui 
plaît,  à  Monsieur  Bécu,  prêtre  de  la  Mission,  à  Mont- 
mirail. 


330.  —  A  JEAN  DEHORGNY 

[Juin   1638  1.] 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  vous  envoie  ce  porteur  exprès  pour  vous  dire  que 
ce  bon  homme  d'Osny,  à  une  petite  lieue  par  delà  de 
Pontoise,  n'est  point  venu.  Je  ne  sais  si  c'est  sa  faute  ou 
celle  du  portier.  Je  vous  prie  d  envoyer  dès  demain  ma- 
tin quelqu'un  au  fermier  de  Courcelles  -  lui  dire  que  je 
le  prie  de  m' envoyer  quelqu'un  de  ses  gendres,  qui  parte 
le  même  jour  sur  le  tard  pour  aller  coucher  à  Saint- 
Lazare,  et  le  lendemain  de  bon  matin  pour  être  ici  le  soir 
mardi,  pource  que  la  saison  de  semer  l'avoine  du  fermier 
presse.  Il  ne  lui  reste  plus  que  quinze  arpents  à  faire. 

Et  de  plus  je  vous  prie  d'envoyer  quérir  le  fi.ls  aîné 
du  fermier  qui  est  marié  à  La  Chapelle,  et  de  vous  infor- 
mer de  lui  comment  M.  Bienvenu,  notre  fermier  de  Go- 
nesse  ^,  lui  fait  herser  deux  fois  en  même  temps  la 
pièce  de  blé  dans  laquelle  M.  le  prieur  *  a  fait  semer  son 
sainfoin,  derrière  la  grange.  Il  me  semble  que  la  pre- 
mière fois  fut  la  herse  renversée  d'un  bout,  et  l'autre  au 


Lettre  330.  —  L.   a.  —  Dossier  de  Turin,  original. 

1.  Une  main  étrangère  a  écrit  sur  le  côté  réservé  à  l'adresse  : 
Fréneville,  ib^8.  La  place  de  la  lettre  semble  être  entre  les  lettres 
329  et  3;?i. 

2.  Courcelles  n'avait  pas  grande  étendue.  Son  territoire  est  englobé 
de  nos  jours  dans  la  commune  de  Levallois-Perret.  (Cf.  Lebeuf,  o-p. 
cit.,  t.    I,  p.  429.) 

3.  Aujourd'hui   chef-lieu   de    canton   en   Seine-et-Oise. 

4.  Adrien  Le  Bon. 


—  487  — 

travers  de  la  pièce,  la  herse  non  renversée,  ains  à  l'or- 
dinaire. Je  vous  supplie,  Monsieur,  de  savoir  bien  cela 
de  ce  jeune  homme,  ou,  s'il  ne  s'en  ressouvient  pas,  du- 
dit  sieur  Bienvenu  et  de  me  l'écrire. 

Je  n'ai  point  passé  outre  pour  Limouron  ^  à  cause  que 
j'ai  été  un  peu  incommodé  de  la  première  journée,  et 
Jean  Besson  ®  aussi,  joint  que  j'y  ai  trouvé  assez  d'occu- 
pation. Nous  avons  fait  marché  pour  les  réparations  à 
faire  et  pour  la  muraille  du  jardin  à  environ  cent  écus  ; 
et  ce  matin  l'on  doit  arrêter  le  marché  des  brebis  du  fer- 
mier, qui  a  désiré  que  nous  les  ayons  présentes. 

Si  je  le  puis,  je  partirai  tajitôt  pour  Limouron.  Ce 
pays  est  tout  à  fait  à  Dieu.  O  Monsieur,  quel  effet  ad- 
mirable de  sa  bonté  sur  ce  peuple   ! 

Je  doute  que  je  puisse  être  de  retour  à  Paris  avant 
jeudi  ou  vendredi.  Vous  renverrez,  s'il  vous  plaît,  le  por- 
teur avec  celui  qui  viendra  semer,  lequel  vous  assurerez 
que  nous  reconnaîtrons  '' . 

Je  vous  salue  cependant  ensemble,  Monsieur  le  prieur 
et  toute  la  maison  et  suis  v.  s. 

V.  Depaul. 

Suscriftion  :  A  Monsieur  Monsieur  Dehorgny,  prêtre 
de  la  Mission,  à  Saint-Lazare. 

331.  —  A  lEAN  DE  LA  SALLE 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

5.  Probablement  Limoron,  quartier  de  la  commune  de  Villamblain 
(Loiret),  dans  lequel   était  un  prieuré. 

6.  Jean  Besson,  frère  coadjuteur,  né  à  Carisey  (Yonne)  le  30  no- 
vembre i6ii,  entré  dans  la  congrégation  de  la  Mission  le  8  dé- 
cembre   1635,   reçu   aux  vœux   le   21    octobre    1646. 

7.  Nous   reconnaîtrons,   nous    récompenserons. 
Lettre  331.  —  L.  a.  —  Dossier  de  Turin,  original. 


Je  revins  hier  de  Limouron  fort  tard  et  n'ai  pu  encore 
lire  que  votre  lettre  et  celle  de  M.  Marceille.  Je  vous  en- 
voie ce  bon  enfant  de  Mespuits  ',  que  j'ai  trouvé  céans, 
faute  que  M.  Portail  ne  le  vous  a  envoyé.  Vous  lui  ferez 
faire  sa  retraite  d'abord,  s'il  vous  plaît.  Je  retiens  le 
petit  Jean  jusques  à  demain. 

Par  la  grâce  de  Dieu,  je  me  porte  bien  de  mon  voyage. 
C'est  un  grand  cas  que,  pendant  que  j'ai  été  ici  sans  rien 
faire,  je  me  suis  trouvé  quasi  comme  à  Paris,  et  que  le 
grand  tracas  m'a  quasi  ôté  mon  incommodité  tout  à 
fait.  Si  je  continue  en  l'état  que  je  suis,  je  m'en  retour- 
nerai vers  la  un  de  la  semaine.  Dieu  aidant. 

Que  vous  dirai-je  cependant  de  M.  le  prieur  ^  ?  S'il 
y  a  quelque  sujet  de  l'aller  voir,  vous  le  ferez,  ou  M.  de 
Marceille  ;  cependant  je  ne  sais  s'il  a  parlé  au  dernier 
bail  du  Bourget.  Je  suis  été  étonné  de  ce  qu'on  m'a 
mandé  que  j'avais  dit  qu'on  le  passât  en  mon  absence, 
pource  que  je  pense  ne  m'être  pas  bien  fait  entendre.  Il 
me  semble  que  j'avais  dit  qu'on  remît  le  fermier  à  mon 
retour  ;  car  je  voyais  bien  qu'il  y  avait  quelque  chose  à 
faire  trouver  bon  à  AI.  le  prieur.  C'est  sans  doute  que 
AI.  de  Alarceille  l'entendit  autrement.  Je  sais  pourtant 
que  j'ai  parlé  de  l'offre  dudit  premier  à  mondit  sieur  le 
prieur  le  jour  avant  mon  départ  et  qu'il  me  dit  qu'il  va- 
lait mieux  accepter  son  offre  que  celui  qu'un  autre  faisait. 

Je  vous  supplie.  Monsieur,  que  l'un  de  nos  portiers 
ne  sorte  jamais  de  la  porte  pour  quelque  raison  que  ce 
soit,  et  qu'il  y  en  ait  toujours  deux. 

Vous  ne  me  dites  point  qui  c'est  qui  fait  les  prisons 
et  qui  en  a  les  clefs. 

Que  vous  dirai-je  touchant  ces  personnes  qui  deman- 
dent à  être  de  la  compagnie  ?  Rien,  sinon  que  je  m'en 


1.  Petite   commune   de   Seine-et-Oise. 

2.  Adrien  Le  Bon. 


—  489  — 

rapporte  à  vous  à  l'égard  de  tous  et  que  ce  jeune  homme 
de  Caen  qui  appréhende  les  tendresses  de  son  père  doit 
être  un  plus  long-  temps  considéré,  surtout  si  son  père 
est  incommodé  et  lui  n'a  quelque  chose  de  bien  recom- 
mandable. 

J'écris  ceci  au  sortir  du  lit.  La  présente  servira  pour 
M.  de  Marceille  aussi,  lequel  je  prie  de  donner  huit  cents 
livres  à  Alexandre  pour  les  étoffes  et  de  tâcher  d'allon- 
ger avec  le  reste  qu'il  a.  Nous  verrons,  à  mon  retour,  ce 
qui  se  pourra  faire  pour  avoir  de  quoi  subsister.  Je  le 
prie  bien  fort  d'avoir  soin  de  sa  santé,  et  Alexandre  de 
la  sienne,  et  d'envoyer  Henri  à  Saint-Denis  pour  faire 
l'emploi  des  étoffes.  -S'il  est  incommodé,  M.  de  Marceille 
pourra  dire  à  ]^I.  de  Vincy  que  je  penserai  à  la  demande 
qu'il  fait  d'un  garçon.  Mais,  pour  notre  frère  Besson,  il 
n'y  faut  pas  penser.  Je  le  salue  très  humblement.  Vous 
assurerez  aussi  M.  le  prieur,  si  vous  l'allez  voir,  de  mon 
obéissance  et  saluerez  M.  Cosin. 

Bon  jour,  Monsieur,  je  suis  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Un  boucher  d'auprès  de  Limouron,  frère  de  la  Mère 
supérieure  des  Filles  de  la  Charité  de  la  place  Royale  ^ 
mènera  son  troupeau  de  moutons  coucher  à  Saint-Lazare. 
Je  vous  prie  de  faire  en  sorte  avec  le  fermier  qu'il  lui 
baille  les  étables,  et  de  loger  le  Monsieur  et  ses  valets 
dans  notre  maison  et  de  les  traiter  cordialement,  allant 
et  venant  à  la  foire  Saint-Denis.  Je  vous  renverrai  de- 
main petit  Jean.   M.   de   Marceille   fera  marché  avec  le 


3-  Un  hôpital  pour  femmes  malades  fonctionnait  depuis  1629  près 
de  la  place  Royale,  là  où  s'élevait  récemment  l'hôpital  Andral,  à 
l'angle  des  rues  des  Touriielles  et  des  Minimes  ;  il  était  confié  aux 
Hospitalières  de  la  Charité  Notre-Dame.  [Histoire  de  la  ville  et  de 
tout  le  diocèse  de  Paris,  par  Lebeuf,  rectifications  et  additions  de 
Boumon,  p.    isq) 


—  490  — 

feneur  de  Villepreux  et  ne  l'enverra  ici  que  quand  nous 
lui  manderons. 

Ce    14  juin    1638. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  de  la  Salle,  prêtre 
de  la  Mission,  à  Saint-Lazare-lès-Paris,  à  Paris. 


332.  —  A  DENIS  DE  CORDES 

[1638  K] 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  m'en  vas  à  Rueil.  Notre  affaire  presse.  Je  vous  sup- 
plie très  humblement  de  faire  nos  excuses  à  M.  Guil- 
lotin,  d'Etampes,  qui  vous  doit  aller  trouver  cette  après- 
dînée  pour  la  ferme  de  Fréneville,  et  d'arrêter,  voire  de 
passer  le  contrat,  si  vous  le  trouvez  bon.  M.  de  Marceille 
vous  apportera  l'argent  et  stipulera,  si  besoin  est.  Le 
prix  est  douze  cents  livres,  sur  lesquelles  il  faut  re- 
tenir le  fonds  de  50  livres  de  rente  au  denier  douze  d'un 
côté  et  de  10  livres  d'un  autre.  Il  serait  bon  de  retirer 
les  lettres  qu'il  a  et  de  faire  spécifier  le  nombre  d'arpents 
de  terre,  qu'on  dit  être  de  cent  cinquante,  dont  il  y  en  a 
une  grande  quantité  en  friche. 

Pardon,  Monsieur,  de  tant  d'importunité.  Je  suis  votre 
très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  lundi  matin. 

Suscription  :  A  Monsieur  de  Marceille  pour  bailler  à 
Monsieur  Monsieur  de  Cordes,  conseiller  du  Châtelet. 


Lettre  332.  —  L.  a.  —  Dossier  de  Turin,  original. 

I.  Une  main  étrangère  a  aiouté  i6^^8  après  les  mots  ce  lundi  matin. 


—  491 


333.   -  LOUISE  DE  MARILLAC  A  SAINT  VINCENT 

Monsieur^ 

L'on  me  vient  de  dire  quil  y  a  de  la  contagion  dans  la  mai- 
son où  logent  les  filles  de  l'Hôtel-Dieu.  Je  vous  supplie  me 
mander  s'il  les  en  faut  ôter^  ou  si,  les  y  laissant^  il  faut  faire 
avertir  les  dames  de  n^y  -pas  aller ^  et  si  nous-mêmes  y  devons 
aller ^  f  entends  les  filles  de  céans,  s'il  n''y  a  point  de  danger  de 
prendre  des  confitures  pour  porter  à  VHôtel-Dieu. 

Vous  m  avez  oubliée  pour  le  besoin  que  je  vous  témoignai 
avoir  de  vous  parler.  Je  ne  sais  pas  ce  que  notre  bon  Dieu  veut 
faire  entendre,  mais  f  espère  que  votre  charité  m'en  avertira^ 
puisque  je  suis,  Monsieur,  votre  très  humble  fille  et  très  obli- 
gée servante. 

L.    DE  M. 

Je  ne  vous  parle  point  pour  l'action  que  j'ai  fait  faire  si  mal 
à  propos  aux  filles  ;  j'attends  ce  qu'il  plaira  à  votre  charité  de 
m'ordonner. 

Ce   2  juillet.    [Probablement   en   i6j8  ^.] 
Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Vincent. 


334.  —  A  JEAN  DE  FONTENEIL 

Monsieur, 
La  grâce   de   Notre-Seigneur    soit    avec    vous     pour 


jamais 


Je  vous  rends  mille  actions  de  grâces  de  la  charité 
que  vous  avez  faite  au  pauvre  Beyrie  ^  et  prie  Dieu  qu'il 
soit  sa  patience  et  votre  récompense. 


Lettre  333.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Année  pendant  laquelle  la  peste  sévit  avec  une  violence  excep- 
tionnelle à  Paris.  Saint  Vincent  ne  jugea  pas  à  propos  d'interrompre 
alors  le  service  de  la  collation. 

Lettre  334.  —  I^.  a.  —  Dossier  de  Turin,  original. 

I.  Ce  nom  se  rencontre  très  souvent  dans  les  anciens  registres  de 
catholicité  du  village  natal  de  saint  Vincent  de  Paul.  Ce  Beyrie  ne 
serait-il  pas  le  fils  d'une  des  soeurs  du  saint  ? 


—  492  — 

J'ai  envoyé  votre  paquet  à  Châlons  et  n'en  ai  point 
reçu  réponse  à  vous  faire  tenir.  S'il  vous  plaît  de  récrire, 
je  donnerai  charge  expresse  à  la  maîtresse  du  coche,  qui 
est  de  ma  connaissance,  de  la  retirer. 

Je  SUIS,  de  plus,  inhniment  consolé  de  la  bénédiction 
qu'il  plaît  à  Dieu  de  donner  à  votre  sainte  communauté 
et  le  prie  qu'il  la  bénisse  de  plus  en  plus.  Il  me  semble 
que  vous  ne  devez  point  avoir  de  la  peine  d'avoir  mis 
tant  de  temps  à  honorer  la  vie  cachée  de  Xotre-Seigneur, 
ni  ne  devez  faire  difficulté  de  commencer  à  faire  paraî- 
tre la  pointe  de  cette  aurore  sur  l'horizon  des  rencontres, 
dans  l'esprit  d'humilité  dont  il  me  semble  que  Notre- 
Seigneur  vous  a  fait  part. 

Vous  êtes  notre  recours  à  Bordeaux  dans  toutes  les 
occasions  qui  se  présentent.  Je  vous  supplie,  Monsieur, 
de  me  pardonner  si  j'en  use  trop  librement. 

Nous  rappelons  ici  M.  Grenu.  Peut-être  qu'il  passera 
chez  vous  et  qu'il  se  pourra  rencontrer  avec  Messieurs  de 
Sergis  et  Brunet  ou  encore  avec  M.  Boudet,  qui  s'en  va 
de  Bretagne  à  Toulouse.  Si  les  uns  et  les  autres  ont  be- 
soin de  l'argent  à  change,  je  vous  supplie.  Monsieur,  de 
leur  en  faire  bailler,  et  j'acquitterai  la  lettre  à  point 
nommé. 

Je  salue  Messieurs  de  votre  compagnie  avec  toute 
l'humilité  et  la  révérence  qui  m'est  possible,  et  suis,  en 
l'amour  de  Notre-Seigneur,  Monsieur,  votre  très  humble 
et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De   Paris,    ce    20   juillet    163S. 

Suscriftion  :  A  Monsieur  Monsieur  de  Fonteneil,  cha- 
noine du  chapitre  de  Saint-Seurin,  à  Bordeaux. 


—  493  — 

335.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1638  ou    163g  '.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Xotre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Prendriez- vous  bien  un  enfant  trouvé  qui  fut  apporté 
hier  céans  par  des  gens  de  qualité,  qui  le  trouvèrent 
dans  un  champ  qui  dépend  de  céans  ?  Il  n'a  que  deux 
ou  trois  jours  et  fut  baptisé  hier  au  soir  à  Saint-Lau- 
rent. Etant  de  la  qualité  des  enfants  trouvés,  il  n'y  a 
rien  à  redire,  sinon  que  vous  ne  le  prenez  point  à  la 
Couche  ni  à  l'Hôtel-Dieu.  Si  l'on  juge  qu'il  soit  expé- 
dient de  faire  cette  cérémonie,  l'on  le  fera.  Je  vous  sup- 
plie cependant  de  le  recevoir.  Mademoiselle,  et  de  le 
recommander  à  la  nourrice. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur,  Mademoiselle,  votre  serviteur  très  humble. 

V.  D. 
Ce  mardi  matin. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

336.  —  LOUISE  DE  MARILLAC  A  SAINT  VINCENT 

[1638  1.] 
Monsieur, 

Voilà  une  lettre.  Je  crois  quil  est  nécessaire  de  pourvoir 
froniftement  à   cette   -pauvre  fille,    qui  a   telletnent   gagné   le 

Lettre  335.  —  Dossier  de  la  Mission,  original. 

I.  Cette  lettre  est  postérieure  à  la  fondation  de  l'œuvre  des  En- 
fants trouvés  (1638).  Après  1639,  saint  Vincent  aurait  écrit  «  Ce 
mardi  matin  »  au  début  de  la  lettre,  non  à  la  fin. 

Lettre  336.  —  L.  a.  —  Revue  des  Documents  Historiques,  juin 
1873,   p.    45,    fac-similé. 

I.  Cette  lettre  a  été  écrite  après  la  lettre  289  et  avant  le  départ  de 
Bprbe   Angiboust    pour   Richelieu. 


—   494  — 

cœur  des  habitants  que  le  bruit  court  que,  si  on  Vote,  que  Ion 
ne  recevra  -pas  d'autre  fille.  Elle  se  conseille  à  tous  dès  y  a 
longtem-ps  et  -particulièrement  des  vieils  garçons  nommés 
Messieurs  de  la  Noue,  de  qui  elle  retire  commodités^  et  fait 
bonne  chère,  reçoit  bouteille  de  vin  et  pâtés.  Je  vous  supplie 
très  humblemejit  et  pour  Vamour  de  Dieu  de  songer  aux  incon- 
vénients de  cette  ?nauvaise  affaire,  dont  je  pense  ître  cause. 
Je  vous  supplie  de  prier  notre  bon  Dieu  qu'il  me  pardonne. 
Monsieur,   votre  très  humble  et  très  obligée  fille  et  servante. 

L.    DE    M. 
Ce  mardi. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Vincent. 

337.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[  1638  K  ] 

Ne  vous  étonnez  pas  de  voir  la  rébellion  de  cette  pau- 
vre créature.  Nous  en  verrons  bien  d'autres,  si  nous  vi- 
vons ;  et  si  nous  n'en  souffrirons  pas  tant  des  nôtres 
qu'a  fait  Notre-Seigneur  des  siens.  Soumettons-nous 
bien  à  son  bon  plaisir  au  fait  qui  se  présente.  Il  faut 
tâcher  de  la  faire  venir,  soit  en  lui  écrivant  moi-même, 
ou  lui  envoyant  la  dame  fondatrice,  ou  y  envoyant  un 
prêtre  de  céans,  car  enfin  il  faut  la  retirer.  Vous  verrez 
la  lettre  qu'elle  m'écrit.  O  bon  Dieu,  que  cette  pauvre 
créature  m'a  trompé   ! 

Je  vous  prie  de  me  mander  votre  pensée  sur  cela,  ou 
si  Barbe  -  serait  plus  propre  pour  la  gagner,  ou  bien  si 
votre  santé  vous  permettrait  d'y  amener  la  petite 
Jeanne  '  et  l'établir  à  la  place. 

Lettre  337.  —  L.  a.  —     Revue  des     Documents    Historiques,     juin 
1S-3,   p.   45,    fac-similé. 

1.  Cette  lettre  répond  à  la  précédente,  à  la  suite  de  laquelle  saint 
Vincent    l'a    écrite. 

2.  Barbe  Angiboust. 

3.  Jeanne  Lepeintre,  que  Madame  Goussault,  sa  maîtresse,  avait  en- 
voyée chez  les  Filles  de  la  Charité.  C'était,  dit  ailleurs  saint  Vincent, 

«     une     fort     bonne  fille,     judicieuse     et     douce      ».     Elle     devint 
maîtresse    d'école    à    Saint-Germain-en-Laye     (1642),    supérieure    des 


—  495  — 

Si  c'est  à  Nogent  quelle  veuille  s'établir,  Madame 
de  Brou  *,  cousine  de  M.  de  Vincy,  y  a  tout  pouvoir. 

Vincent  Depaul. 
338  —  a  louise  de  marillac 

[1638  ou   1639  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  fais  récrire  M.  de  la  Salle  à  M.  le  curé  de  Saint- 
Germain  pour  qu'il  renvoie  cette  fille.  Madame  de  Chau- 
mont  m'en  vient  d'écrire,  à  l'instance  de  Mademoiselle 
Chemerault  -,  qui  lui  en  donna  avis  hier  au  soir.  Il  fau- 
dra faire  ce  que  nous  pourrons  pour  cela  ;  mais  il  fau- 
dra enfin,  céder  à  la  force,  si  les  puissances  s'en  mêlent. 

Madame  Goussault  est  satisfaite  de  la  sœur  de  Bar- 
be ^.  Je  pense  que  vous  ferez  bien  de  la  retenir.  Son 
frère  s'en  va  retourner. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Je  mande  à  Madame  Goussault  qu'elle  vous  envoie  la 

sœurs  de  Nantes  (1647),  puis  de  celles  de  Châteaudun  (1655)  et  de  la 
Salpêtrière  (1657).  a  Dès  le  vivant  de  Mademoisel.e  Le  Gras,  lisons- 
nous  dans  un  manuscrit  [Recueil  de  Pièces  relatives  aux  Filles  de 
la  Charité,  p.  24),  elle  parut  hypocondriaque,  et  on  ne  pouvait  point 
lui  faire  faire  ce  qui  ne  lui  agréait  point,  ni  lui  donner  d'autres 
sentiments  que  ceux  qui  occupaient  sa  pensée.  »  Ce  défaut  lui  valut 
plus  d'une  réprimande  de  saint  Vincent.  Ses  dernières  années  se  pas- 
sèrent tristement  au  Nom-de-Jésus,  où,  vu  l'égarement  de  sa  raison, 
on  avait  dû  l'enfermer.  (lèid.J 
4.  Dame  de  la  Charité. 

Lettre  338.  —  L.  a.  — =■  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  se  place  entre  la  fondation  de  Saint-Germain-en- 
Laye  et   la  mort  de   Madame   Goussault. 

2.  Une  des  filles  d'honneur  de  la  reine  d'Autriche,  très  influente 
sur  Richelieu. 

3.  Cécile-Agnès  Angiboust   rendit  de  grands  services   à  la  commu- 


—  496  — 

lettre  de  Madame  Chaumont,  que  je  viens  de  lui  envoyer 
à  elle. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


339.  —  A  ROBERT  DE  SERGIS 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

J'ai  reçu  celle  que  vous  m'avez  écrite  partie  de  Plas- 
sac  '  et  partie  d'Angoulême,  du  jour  de  sainte  Marthe  -, 
par  laquelle  je  vois,  si  me  semble,  que  les  difficultés 
qu'on  vous  avait  mises  dans  l'esprit  sont  tombées,  et  je 
l'ai  toujours  bien  cru  ainsi.  J'ai  seulement  à  vous  prier 
sur  ce  sujet.  Monsieur,  que  vous  travailliez  à  vous  faire 
quitte  de  l'estime  que  vous  avez  faite  jusques  à  présent 
de  l'éclat  et  du  brillant  de  la  vertu  et  des  vains  applau- 
dissements du  monde,  que  Notre-Seigneur  a  tant  fuis 
et  qu'il  nous  recommande  si  souvent  de  fuir,  et  de  tra- 
vailler à  bon  escient  à  l'acquisition  des  vraies  et  solides 
rertus. 

J"ai  un  peu  de  oeine  de  ce  que  M.  Brunet  est  parti 
sans  vous,  contre  le  règlement  qui  oblige  de  ne  pas  se 
séparer.  Au  nom  de  Dieu,  Monsieur,  soyons  bien  reli- 
gieux en  l'observance  de  tout  ce  qui  nous  est  marqué, 
et  Notre-Seigneur  nous  bénira.  Tout  est  à  craindre  au 
contraire. 

Je  suis  bien  aise  de  ce  que  vous  êtes  content   d'avoir 


nauté,  surtout  à  l'hôpital  d'Angers,  où  elle-  fut  supérieure  de  1647 
à  1657.  «  La  sœur  Cécile  ne  se  peut  estimer  »,  disait  saint  Vincent, 
après    l'avoir    vue    à    l'œuvre. 

Lettre  339.   —  L.  a.  — ■  Dossier  de  Turin,  original. 

1.  Petite  localité  de  la  Charente. 

2.  29   juillet. 


—  497  — 

M.  Boudet  ;  et  certes,  vous  avez  raison  de  l'être  ;  car 
c'est  une  sainte  âme.  J'espère  que  vous  le  regarderez  en 
cette  vue.  Cela  n'empêchera  pas  pourtant  que  vous  ne 
continuiez  la  direction,  jusques  à  ce  que  vous  ayez  ordre 
du  contraire.  J'ai  écrit  à  M.  l'archevêque  de  Toulouse  * 
touchant  cela. 

Je  serais  bien  aise  que  vous  visitiez  les  Charités  de 
Sàintonge  et  que  vous  prissiez  avec  vous  ce  bon  ecclé- 
siastique de  Plassac,  jusques  à  ce  que  vous  ayez  joint 
M.  Boudet  à  Bordeaux,  où  il  a  ordre  de  se  rendre  au 
plus  tôt. 

Je  suis  bien  aise,  de  plus,  de  la  commodité  que  vous 
avez  de  prendre  de  l'argent  à  Agen.  Je  le  ferai  rendre 
ici  à  lettre  vue.  Il  reste  encore  cent  livres  à  payer  selon 
le  mémoire  et  vos  récépissés,  que  M.  le  grand  vicaire 
m'envoya  hier  et  que  je  lui  ferai  bailler  aujourd'hui.  Il 
a  reçu  sept  cents  livres  de  nous  et  vous  huit  cents  de 
delà.  Cela  est-il  ainsi  ? 

Je  pense  que  vous  ferez  encore  bien  de  visiter  les  Cha- 
rités établies  au  diocèse  de  Bordeaux.  M.  Fonteneil  vou<^ 
donnera  les  noms  des  lieux.  En  passant  pourtant  à 
Bourg*,  vous  visiterez  celle-là  ;  c'est  en  vous  en  retour- 
nant à  Bordeaux.  Bourg  est  sur  la  Garonne  entre  Blaye 
et  Bordeaux  ;  et  moi  je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Sei- 
gneur,  Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  ser- 
viteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  14  août  1638. 

Suscriftion  :  A  Monsieur  Monsieur  de  Sergis,  prêtre 
de  la  congrégation  de  la  Mission,  étant  de  présent  au- 
près de  Monseigneur  l'évêque  d'Angoulême,  à  Angou- 
lême. 


3.  Charles   de   Montchal. 

4.  Aujourd'hui  chef-lieu  de  canton  de  la  Gironde. 


32 


—  498  — 

340.  —  LOUISE  DE  MARILLAC  A  SAINT  VINCENT 

[Vers   1638  1.] 
Monsieur, 

Je  vas  envoyer  votre  réfonse  à  Madame  Pelletier  -par  ma 
sœur  Turgis.  Je  suis  si  méchante  que  f  eusse  bien  voulu  que 
ce   m,ot   de   son   retour   bientôt   n'y   eitt  -pas   été. 

Monsieur  de  Liancourt  -passa  hier  ici  j  je  ne  le  vis  pas  ; 
mais  il  me  fit  dire  que  Madame  sa  femme  était  fort  en  peine 
de  mon  retour. 

Ma  petite  saignée  d'hier  m'a  facilité  une  sueur  toute  la  nuii. 
qui  m'a  bien  soulagée,  Dieu  merci,  et  en  sorte  que  j'en  ai  quit- 
té le  lit.  Et  pour  riavoir  pas  assez  de  force  ni  de  santé  pour 
vous  aller  treuver,  voyant  le  jnauvais  temps  et  que  j'ai  besoin 
de  vous  parler  j'avais  fait  dire  au  frère  portier  que  je  vous 
suppliais  prendre  la  peine  de  venir  céans.  Je  prends  cette  li- 
berté par  la  confiance  que  votre  charité  m^en  a  donnée  autre- 
fois, puisque  je  crois  être  toujours.  Monsieur,  votre  très  humble 
et  très  obligée  fille  et  servante. 

L.  DE  M. 

Ce  dimanche. 

Suscnption  :  A  Monsieur  Monsieur  "Vincent. 

341.  —A  NOËL  BRULART  DE  SILLERY 

[Entre  1634  et  1640  1.] 
Monsieur, 

Je  n'ai  jamais  connu  une  si  aimable  bonté  que  la  vô- 
tre ;  et  si  j'avais  autant  de  grâces  que  vous,  je  vous  le- 
rais  un  des  plus  beaux  remercîments  que  vous  ayez  ja- 
mais reçus.  Notre-SeigTieur  ne  me  donnant  pas  cette  suf- 


Leltre  340.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la   Charité,   original. 
I.   La  présence  à  Paris  ou  aux  environs  de   Madame  Pelletier  et   de 
sœur  Turgis  demande  cette  date  approximative. 

Lettre  341.  —  Vie  de  Villustre  serviteur  de  Dieu  Noël  Brulari  de 
Sillery,  p.    126. 

I.  C'est  entre  ces  deux  dates  que  Noël  Brulart  de  Sillery  combla 
la  congrégation  de  la   Mission  de  ses  bienfaits. 


—  499  — 

ûsance,  je  le  prie  qu'il  soit  lui-même  ma  capacité  pour 
cela  et  qu'il  fasse  bien  connaître  à  votre  bon  cœur  l'es- 
time que  toute  notre  congrégation  et  moi  en  particulier 
faisons  de  vous,  et  l'invariable  et  très  tendre  affection 
qu'il  a  plu  à  la  divine  Majesté  me  donner  pour  votre 
digne  personne.  Je  voudrais  avoir  des  paroles  répon- 
dant à  la  reconnaissance  que  j'ai  de  la  charité  et  des 
biens  que  cette  pauvre  petite  compagnie  reçoit  inces- 
samment de  votre  libéralité.  Je  prie  Notre-Seigneur 
qu'il  en  soit  votre  récompense  et  qu'il  vous  augmente  la 
couronne  qu'il  vous  a  préparée  au  ciel,  tandis  que  vous 
faites  votre  possible  d'établir  son  empire  dans  les  âmes 
sur  la  terre. 


342.  —  A  JEAN  BÉCU 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  SUIS  plus  consolé  que  je  ne  vous  puis  exprimer  de 
la  nouvelle  que  votre  lettre,  que  je  viens  de  recevoir,  me 
vient  d'apprendre,  et  en  rends  grâces  à  Dieu  et  au  bon 
M.  Pecoul.  O  mon  Dieu,  que  d'obligations  nous  avons 
à  ce  grand  serviteur  de  Dieu  !  Je  vous  prie  de  le  saluer 
très  humblement  de  ma  part  et  de  l'assurer  de  ma  recon- 
naissance. 

Je  pense  qu'il  ne  faut  point  penser  à  prendre  à  partie 
M.  le  procureur  du  roi  ;  vous  le  rendriez  doublement 
contraire  et  vous  n'avez  pas  besoin  de  cela. 

Je  ferai  travailler  dès  demain  à  obtenir  les  lettres 
qu'il  faut  pour  votre  neveu.  Il  n'est  pas  besoin  que  vous 
demeuriez  de  delà,  oui  bien  de  charger  quelque  ami  pour 


LiCttre  342.  —  L.  a.  —  Dossier  de  Turin,  original. 


—  500  — 

travailler  à  l'entérinement  des  lettres.  C'est  un  affaire  qui 
ira  de  longue,  et  je  ne  sais  s'il  est  à  propos  de  la  pour- 
suivre présentement  à  la  chaude.  Les  affaires  criminelles 
veulent  être  vieillies  pour  en  mieux  venir  à  bout.  Appor- 
tez de  deçà  tous  les  mémoires  que  vous  pourrez.  Il  sera 
bon  que  vous  preniez  le  conseil  d'un  ou  de  deux  fameux 
avocats  d'Amiens  pour  voir  comme  vous  devez  procéder, 
et  les  assembler  à  cet  effet.  Et  quand  vous  serez  ici,  nous 
ferons  le  même  de  deçà  ;  et  apportez,  s'il  vous  plaît,  leur 
avis  par  écrit. 

Très  volontiers,  nous  enverrons  ce  que  vous  dites  à  la 
bonne  nièce  de  M.  votre  bienfaiteur,  lequel  je  salue,  et 
suis  à  lui,  à  M.  Leleu,  comme  à  vous.  Monsieur,  très 
humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  PariSj  ce  29  août  1638. 

Depuis  la  présente  reçue,  j'ai  relu  votre  lettre  et  vu 
qu'il  faut  quelques  pièces  de  delà  pour  obtenir  les  let- 
tres royaux  ^.  Nous  différerons  à  y  travailler  jusques  à 
votre  retour  ;  en  effet,  nous  ne  saurions  à  présent  sur 
quoi  les  fonder. 

Suscnption  :  A  Monsieur  Monsieur  Antoine,  chape- 
lain organiste  [de]  Notre-Dame,  demeurant  proche  de 
Saint-Remy  ^,  pour  faire  tenir  à  Monsieur  Bécu,  prêtre 
de  la  Mission,  à  Amiens. 


1.  Cette    forme   plurielle   s'employait   autrefois   au   féminin   comme 
au  masculin. 

2.  Eglise  d'Amiens. 


50I 


343.  -    A   BERNARD    CODOING,    PRÊTRE    DE    LA    MISSION, 
A  RICHELIEU 

29  août   1638. 

Je  loue  Dieu,  Monsieur,  de  la  grâce  qu'il  vous  a  faite 
de  vous  surmonter  de  la  sorte  que  vous  avez  fait  tou- 
chant l'instance  qu'on  vous  a  faite  d'aller  au  pays,  et  je 
le  prie  qu'il  vous  rende  souverain  et  absolu  sur  vous- 
même,  en  sorte  que  vous  n'ayez  qu'un  même  vouloir  et 
non-vouloir  avec  Dieu  toujours  et  en  toutes  choses,  ce 
qui  est,  certes,  l'état  parfait  des  personnes  de  notre  vo- 
cation. Mais  la  consolation  que  mon  âme  a  reçue  de  ce 
côté-là  a  été  mêlée  de  la  douleur  de  votre  indisposition. 
Au  nom  de  Notre-Seigneur,  Monsieur,  faites  votre  pos- 
sible de  recouvrer  la  santé  et  de  la  ménager  pour  en 
servir  Dieu  et  les  pauvres  plus  longtemps.  Ce  soin  mo- 
déré n'empêche  pas  la  générosité  que  nous  devons  avoir 
d'exposer  nos  vies  dans  les  rencontres  pour  le  salut  de 
notre  prochain.  O  Monsieur,  que  je  demande  instam- 
ment à  Dieu  qu'il  nous  anime  tous  de  cette  générosité  ! 

344.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

Je  tâcherai  d'aller  ou  d'envoyer  pour  vos  filles 
samedi  à  La  Chapelle.  Je  n'ai  plus  ma  petite  fiévrotte, 
ce  me  semble,  ou  peu.  Assurez-vous,  Mademoiselle,  que 
j'aurai  plus  de    soin  de    ma  santé,  s'il  se  peut  ajouter 

Lettre  343.  —  Reg.  2,  p.  33. 

I.  Le  registre  fait  adresser  la  lettre  «  à  M.  N.  à  Richelieu  ».  La 
mention  Au  même  M.  N .  mise  en  tête  des  deux  lettres  qui  font 
suite  sur  ce  registre,  l'une  du  12  décembre  1638,  l'autre  du  25  mai  1642, 
nous  permet  de  conclure  que  toutes  trois  étaient  destinées  à  Bernard 
Codoing,  car  la  troisième  est,  à  n'en  pas  douter,  pour  lui. 

Lettre  344.   —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.  i;o. 


—  502  — 

quelque  chose  à  celui  que  j'ai,  pource  que  vous  me  le 
recommandez. 

Je  prie  Notre-Seigneur  qu'il  bénisse  votre  voyage  et 
votre  personne  et  qu'il  multiplie  ses  bénédictions  à  votre 
âme  et  à  celle  de  Madame  la  présidente  Goussault,  avec 
laquelle  je  vous  prie  d'être  bien  gaie,  dussiez-vous  di- 
minuer un  peu  de  la  petite  sériosité  que  la  nature  vous 
a  donnée  et  que  la  grâce  adoucit,  par  la  miséricorde  de 
Dieu,  en  l'amour  duquel  je  suis... 

De   Paris,    ce   30   août    1638. 

345    —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[Septembre    1638  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  suis  en  demeure  vers  vous  ;  l'embarras  que  j'ai  eu 
depuis  votre  lettre  en  est  cause.  Je  loue  Dieu  de  la  satis- 
faction que  vous  aurez  retirée  de  Monsieur  votre  fils,  et 
le  prie  qu'il  lui  fasse  la  grâce  d'exécuter  ses  bonnes  réso- 
lutions. 

Quant  au  garçon,  je  n'ai  rien  à  redire,  si  vous  lui  en 
avez  parlé,  sinon  que  je  ne  puis  que  je  n'appréhende  que, 
faisant  plus  que  vous  ne  pouvez,  la  chose  ait  quelque 
suite  ;  néanmoins  je  vous  prie  de  n'avoir  aucun  égard 
à  ce  que  je  vous  en  dis. 

Jai  été  à  Saint-Germain  ^.  Madame  de  Liancourt  se 


Lettre  345.   —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Saint  Vincent  annonçait  à  Lambert  aux  Couteaux,  le  i"  oc- 
tobre 1638,  le  départ  de  Barbe  et  de  Louise  pour  Richelieu.  La  lettre 
ci-dessus  est  antérieure.  Comme  elle  est  de  l'époque  des  vendanges, 
il  faut  la  placer  en  septembre. 

2.  Saint-Germain-en-Laye. 


—  503  — 

porte  mieux.  Je  lui  dis  l'offre  que  vous  lui  faisiez  de 
l'aller  servir  ;  à  quoi  elle  me  répartit  :  O  mon  Dieu,  ce 
serait  bien  l'achever  de  peindre  !  Elle  me  parla  de  vous 
à  diverses  fois  et  de  la  satisfaction  qu'elle  a  de  sa  maî- 
tresse des  filles. 

La  Charité  de  Richelieu  a  bien  besoin  à  présent  de 
notre  sœur  Barbe  à  cause  de  la  quantité  de  malades 
qu'il  y  a.  Que  vous  en  semble,  Mademoiselle,  si  l'on  en- 
voyait assister  ces  bonnes  gens  en  ce  besoin  ?  Ce  ne  sont 
point  maladies  contagieuses.  En  ce  cas-là,  nous  pour- 
riez-vous  point  donner  notre  sœur  Louise  pour  ici  ^   ? 

Madame  de  Chaumont  estime  qu'il  est  expédient  que 
vous  alliez  à  Saint-Germain  pour  voir  la  compagnie  * 
en  corps,  et  Madame  Goussault  avec  vous.  Il  est  vrai 
qu'on  est  maintenant  en  vendange.  Il  faudra  voir  dans 
quelque  temps. 

Je  suis,  en  attendant,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur, 
votre  très  humble  serviteur. 

V.  D 

Suscripiion  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


346.  —  A  MADAME  GOUSSAULT 

De  Saint-Lazare.   [Entre  1636  et   1639  ^.] 
Madame, 

J'eusse  été  consolé  de  vous  voir  aujourd'hui,  Madame, 
mais  ce  sera  une  autre  fois.  Mademoiselle  Le  Gras  m'a 


3.  Pour  la  paroisse   Saint-Laurent.   Elle  accompagna  la  sœur  Barbe 
à    Richelieu. 

4.  La   confrérie  de   la   Charité. 

Lettre  269.    —   Pémartin,    of.   cit.,   t.    III,   p.    i,   lettre    1007. 
I.    Dates   de    l'arrivée   des   sœurs   à    La    Chapelle   et   de   la  mort   de 
Madame    Goussault. 


—  504  — 

parlé  de  la  confesser  demain  au  matin  avec  ses  filles  à 
La  Chapelle  et  désirerait  bien  que  vous  lui  puissiez 
prêter  votre  carrosse  pour  cela  ;  mais  je  ne  sais  pas  com- 
ment vous  le  pourriez,  ayant  à  présent  tant  d'affaires. 
Je  vous  supplie,  Madame,  de  lui  mander  qu'elle  ne 
vienne  pas,  au  cas  que  vous  ayez  à  venir  demain  au 
matin  céans.  Ce  que  je  voulais  vous  dire  ne  requiert  pas 
que  vous  vous  hâtiez  de  mon  côté.  Je  vous  souhaite  ce- 
pendant le  bonjour  et  suis,  en  Notre- Seigneur... 

347.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Septembre    1638  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Si  vous  jugez  qu'Henriette  ^  sache  faire  l'école,  à  la 
bonne  heure,  essayez-en.  L'essai  aurait  été  mieux  ail- 
leurs ;  toutefois  faites  comme  Dieu  vous  inspirera.  Je 
ne  pense  pas  que  Perrette  ait  l'esprit  propre  pour  cela. 

Il  sera  voirement  bon  que  vous  assembliez  les  dames 
de  la  Charité  ^,  si  M.  le  curé  l'a  agréable  ;  je  dis  celles 
du  bourg.  Madame  de  Chaumont  sera  contristée  si  Ma- 
dame Goussault  et  vous  ne  la  voyez  ^.  Priez-la  qu'elle 
n'en  parle  point  aux  filles  de  la  reine*. 


Lettre  347.   —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  trouve  naturellement  sa  place  entre  les  lettres  345 
et  348. 

2.  Henriette  Gesseaume. 

3.  La  Charité  de  Saint-Germain-en-Laye. 

4.  La  Charité  de  Saint-Germain-en-Laye,  dont  il  est  ici  question, 
était  composée  de  demoiselles  ou  dames  d'honneur  de  la  reine  et  de 
dames  du  bourg.  Saint  Vincent  demande  à  Louise  de  Marillac  d'as- 
sembler ces  dernières  seulement.  Il  l'engage  toutefois  à  voir  la  prési- 
dente, Madame  de  Chaumont. 

5.  Les  demoiselles  d'honneur  de  la  reine. 


—  5°5  — 

Si  votre  santé  vous  permet  d'être  là  sept  ou  huit  jours, 
faites,  et  davantage,  si  besoin  est.  Donnez  cependant 
charge  à  Madame  Pelletier  de  la  maison  "^  et  les  ordres 
qu'elle  doit  observer.  Madame  Goussault  s'en  pourra  re- 
venir deux  ou  trois  jours  après  et  vous  pourra  aller  qué- 
rir. 

Je  vous  prie  de  dire  à  Madame  Goussault  qu'il  sera 
bon  qu'elle  voie  Madame  Souscarrière  '^  ou  Madame  Tra- 
versay  pour  faire  savoir  à  l'Hôtel-Dieu  la  cessation  de 
la  collation  *  et  que  j'ai  oublié  de  parler  de  la  maison 
et  qu'au  premier  jour  je  parlerai  au  R.  P.  Sirmond  '. 

Or  sus,  je  prie  cependant  Notre-Seigneur  qu'il  bénisse 
votre  voyage  et  suis,  en  son  amour,  votre  serviteur. 

V.  D.  P. 

Ce  dimanche  matin. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


6.  La  maison-mère. 

7.  Marie  du  Tremblay,  veuve  depuis  1627  de  Maximilien  Grangier, 
seigneur  de  Souscarrière,  maître  des  requêtes,  intendant  de  la  justi- 
ce à  Lyon,  puis  conseiller  d'Etat  ordinaire.  Sa  fille  Marguerite 
épousa  Antoine  Goussault,  fils  aîné  de  Madame  Goussault.  Madame 
de  Souscarrière  succéda  à  cette  dernière  en  163g  comme  présidente  des 
dames  de  la  Charité.  Elle  mourut  en  1670,  dans  le  courant  de  sep- 
tembre. 

8.  «[  Après  le  dîner,  sur  les  trois  heures,  écrit  Abelly,  parlant  des 
dames  de  la  Chanté  (o-p.  cit.,  t.  I,  chap.  xxix,  l'e  éd.,  p.  136),  elles 
portaient  la  collation  pour  tous  ;  c'est  à  savoir  du  pain  blanc,  du 
biscuit,  des  confitures  et  de  la  gelée,  des  raisins  et  des  cerises  en 
la  saison,  et  durant  l'hiver  des  citrons,  des  poires  cuites  et  des  rôtis 
au  sucre...  Elles  allaient  quatre  ou  cinq  ensemble  chaque  jour  à 
leur  tour  distribuer  cefte  collation,  ceintes  de  tcbliers  ;  et  se  séparant 
par  les  salles,  elles  passaient  d'un  lit  à  un  autre  pour  présenter  ces 
petites  douceurs.  »  La  dépense  augmentant  avec  le  nombre  des  ma- 
lades, les  dames  durent  bientôt  supprimer  le  pain,  les  biscuits  et  les 
citrons.  Plusieurs  fois,  particulièrement  en  1638  et  1649,  elles  ces- 
sèrent la  collation,  soit  à  cause  des  milndies  contagieuses,  soit  pour 
raison  d'économie.  L'interruption  de  lô  jS  dur?  vingt  iours  ;  elle 
fut  provoquée  par  la  contagion,  qui  chassa  de  leur  demeure  les 
Filles   de    la    Charité    employées   à   l'Hôtel-Dieu.    (P.    Coste,   o-p.    cit., 

F-   II-) 

9.  Célèbre  jésuite,  né  à  Riom  en  1559.   Il  enseigna  d'abord  à  Paris, 


—  5o6  — 

348.  ~  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Septembre    1638  ^.] 
Mademoiselle, 

Il  faudra  donc  envoyer  quelqu'un  quérir  dès  demain 
notre  sœur  Barbe  et  envoyer  dès  aujourd'hui  Henriette 
et  mettre  Nicole  à  sa  place.  Mais  il  sera  bon  que  vous 
tiriez  parole  d'aller  et  de  revenir  toutes  fois  et  quantes 
l'on  la  rappellera.  Le  voyage  de  Notre-Dame-des- 
Vertus  ^  lui  pourra  faire  obtenir  quelque  grâce  de  Dieu. 

Je  suis,  en  son  amour.  Mademoiselle,  votre  très  humble 
serviteur. 

Vincent  Depaul. 

349.  —  a  louise  de  marillac 

[1638  1.] 
Mademoiselle, 

Cette  bonne  demoiselle  me  fait  compassion  comme 
à  vous  ;  mais  quel  remède  ?  Nulle  religion  -  s'en  char- 
gera avec  cette  incommodité.  Vaudrait-il  pas  mieux  la 
renvoyer  en  son  pays  ?  Si  vous  trouvez  bon  d'en  conférer 


puis  fut  appelé  à  Rome  pour  servir  de  secrétaire  au  supérieur  géné- 
ral. Il  devint  confesseur  de  Louis  XIII  en  1637  et  mourut  en  1651. 
On  lui  doit  un  recueil  des  anciens  conciles  de  France.  Il  a  égale- 
ment édité  quelques  œuvres  de  Pères  et  d'auteurs  ecclésiastiques. 

Lettre  348.  —  Lettres  de  saint  Vincent  à  Louise  de  Mariîlac,  éd. 
aut.,  lettre  175.   Le  texte  a  été  pris  directement  sur  l'autographe. 

1.  Cette   lettre   semble   à   sa  place   près  de  la   lettre  347. 

2.  A  Aubervilliers. 

Lettre  349  .  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cette  lettre  date  certainement  des  débuts  de  l'œuvre  des  En- 
fants trouvés,  c'est-à-dire  de  1638.  La  présence  de  Barbe  à  Paris 
nous  montre  qu'elle  a  été  écrite  au  plus  tard  dans  les  premiers  jours 
d'octobre. 

2.  Nulle  religion,  nulle  communauté  religieuse. 


—  5°?  — 

sérieusement  avec  Mademoiselle  Musnier  et  la  garder 
cependant  quinze  jours,  à  la  bonne  heure. 

J'ai  écrit,  ce  matin,  à  Madame  Traversay  qu'elle  rem- 
plisse les  places  vides  des  petits  enfants  jusques  à  sept, 
partie  de  ceux  de  l'Hôtel-Dieu  et  partie  de  la  Couche, 
jusques  à  ce  que  vous  ayez  une  autre  nourrice,  ime  chèvre 
et  une  vache. 

Barbe  ^  ne  saurait  venir  si  matin  que  je  ne  lui  puisse 
parler. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis  votre  serviteur. 

V.  D. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

350.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Septembre    1638  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  suis  bien  aise  du  retour  de  M.  votre  fils  et  qu'il  soit 
au  collège  ^.  Il  y  est  mieux  que  céans  ^,  pource  que  la 
plupart  sont  en  retraite,  et  le  reste  ou  malade  ou  au 
séminaire.  Je  serai  bien  aise  pourtant  qu'il  y  vierme  pas- 
ser deux  jours,  après  qu'on  sera  sorti  de  la  retraite,  vers 
"mercredi  de  la  semaine  prochaine. 

Je  vous  écris  en  hâte.  Vous  me  consolerez  de  me  man- 
der l'état  de  votre  santé,  de  vos  filles  et  de  l'Hôtel-Dieu. 
Vous  avez  su  que  M.  Lavocat*  n'a  pas  été  d'avis  qu'on 

3.  Barbe  Angiboust. 

Lettre  350.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Cf.  note  5. 

2.  Au  collège  des  Bons-Enfants. 

3.  A   Saint-Lazare. 

4.  En   tête   des   constitutions   des   religieuses    augustines   nous   lisons 


—  5o8  — 

recommence  qu'après  la  saint  Denis  ^,  et  vous  saurez 
un  jour  que  je  suis  plus  que  je  ne  vous  dis,  en  son 
amour,  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


351.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[i"  octobre   1638  1.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  vous  avais  dit  que  je  vous  irais  voir  aujourd'hui, 
et  je  m'y  attendais  ;  mais  une  petite  indisposition  qui 
m'est  survenue,  m'en  ôte  le  moyen.  Je  vous  supplie,  Ma- 
demoiselle, de  m'excuser  et  d'envoyer  donner  ordre  aux 
filles  qu'elles  ne  viennent  point  chez  vous  pour  aujour- 
d'hui à  cause  de  cela. 

Je  vous  envoie  cinquante  livres,  lesquelles  je  vous 
prie  de  donner  à  Barbe  et  à  Louise  pour  leur  voyage.  Il 
sera  bon  qu'elles  se  mettent  dans  le  coche  de  Tours  et 


ces  mots,  qui  le  feront  connaître  :  «  Ces  présentes  constitutions  ont 
été  composées  par  Messire  François  Lavocat,  prêtre,  conseiller,  au- 
mônier du  roi,  abbé  de  Notre-Dame  d'Humblières  et  chanoine  de 
l'Eglise  de  Paris,  commis  par  Messieurs  de  ladite  église  à  la  charge 
de  visiteur  de  cet  hôpital  (Hôtel-Dieu),  laquelle  il  a  exercée  pen- 
dant douze  ans  avec  une  charité  et  une  assiduité  incroyables,  y  ayant 
fait  refleurir  le  zèle  et  la  piété  pour  les  services  des  malades  ;  et 
continuant  dans  ces  saints  exercices,  il  fut  attaqué  d'une  fièvre  con- 
tinue, dont  il  décéda  le  15  janvier  1646,  âgé  de  quarante-huit  ans. 
Son  corps  repose  à  Notre-Dame,  devant  l'autel  de  la  Vierge,  et  son 
cœur  proche  le  maître-autel  de  l' Hôtel-Dieu.  »  Ajoutons  qu'il  fut 
chambrier  du  chapitre,  et,  à  ce  titre,  chargé  de  l'administration  des 
finances    capitulaires. 

5.  9  octobre.    Il  s'agit      peut-être   de   la   collation      de   l'Hôtel-Dieu, 
dont  il  a  été  parlé  plus  haut,   lettre  347,  note  8. 

Lettre  351.   —  T..   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.   Voir  note   a. 


—  soc- 
que là  elles  s'informent  d'un  homme  qui  conduit  pour 
l'ordinaire  à  Richelieu  ceux  qui  y  veulent  aller,  et 
qu'elles  le  prennent  et  louent  un  âne  ou  une  petite  char- 
rette pour  se  rendre  à  Richelieu,  qui  en  est  distant  de 
dix  lieues  ;  et  là  elles  feront  ce  qu'elles  pourront  pour 
les  pauvres  malades,  selon  l'ordre  de  M.  Lambert  ou  de 
celui  qui  le  représentera.  Voici  un  mot  de  lettre  que  je 
lui  écris  ^. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis  votre  serviteur  très 
humble. 

Vincent  Depaul. 

L'on  paye  12  livres  pour  chaque  personne  par  le  co- 
che jusques  à  Tours.  Je  dirai  à  quelqu'un  de  nos  gens 
qu'il  leur  retierme  place  pour  le  premier  qui  partira. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


352    —  A  LAMBERT  AUX  COUTEAUX 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Voici  deux  Filles  de  la  Charité  ^  qui  s'en  vont  vous 
trouver  pour  soulager  les  dames  de  la  Charité  et  assis- 
ter les  pauvres  malades  ;  elles  savent  faire  les  écoles 
des  petites  filles  toutes  deux  ;  l'on  vous  en  pourra  lais- 
ser l'une  pour  cela,  quand  les  malades  seront  diminués, 
et  l'autre  s'en  reviendra.  Madame  la  duchesse  d'Aiguil- 
lon m'a  mandé  qu'elle  écrirait  à  M.  de  Grandpré  ^  pour 


2.   La   lettre  352. 

Lettre  352.  —  L.   a.  —  Dossier  de  Turin,  original. 

1.  Sœur  Barbe  Angiboust  et  sœur  Louise. 

2.  Antoine-François   de   Joyeuse,   comte   de   Grandpré. 


—  5IO  — 

les  faire  loger.  J'espère  qu'elle  donnera  ordre  aussi  pour 
leur  entretien,  ou  bien  Son  Eminence.  Je  vous  supplie 
cependant  de  leur  fournir  ce  qu'il  leur  faudra  pour  leur 
nourriture. 

Je  suis  en  peine  de  votre  indisposition  et  de  celle  de 
Messieurs  Codoing,  Durot  et  Buissot  ;  et,  au  cas  que  M. 
Codoing  ait  la  fièvre  quarte,  comme  il  m'a  mandé  qu'il 
s"en  doutait,  il  faudra  aviser  au  moyen  de  le  faire  ve- 
nir ici  par  charrette  jusques  à  Tours  et  de  là  par  le  co- 
che, si  ses  accès  ne  sont  pas  si  forts. 

Au  nom  de  Dieu,  Monsieur,  faites  votre  possible  et 
n'épargnez  rien  pour  votre  santé.  Je  prie  Dieu  et  le  fais 
prier  qu'il  la  vous  rende  parfaite. 

Je  vous  enverrai  dans  dix  ou  quinze  jours  deux  ou 
trois  de  la  compagnie,  et  peut-être  que  M.  Boudet  se 
rendra  de  Bordeaux  à  Richelieu.  Il  est  un  peu  indis- 
posé à  Bordeaux,  où  M.  de  Sergis  l'a  laissé  pour  le  faire 
traiter,  étant  pressé  de  partir  pour  Toulouse.  S'il  va  à 
Richelieu,  je  vous  le  recommande.  Si  M.  l'abbé  Olier  dit 
vrai,  c'est  un  saint  que  le  bon  M.  Boudet.  Il  a  été  en 
Bretagne  avec  lui,  où  il  a  reconnu  sa  vertu,  et  m'en  écrit 
en  des  termes  bien  exprimant  l'opinion  qu'il  en  a.  Il  n'y 
a  que  moi  qui  suis  un  misérable  pêcheur,  qui  ne  fais  que 
du  mal  sur  la  terre  et  qui  dois  souhaiter  qu'il  plaise  à 
Dieu  de  m'en  retirer  bientôt,  comme  je  l'espère  de  sa 
bonté,  et  qu'il  me  fera  miséricorde. 

Je  minutais  mon  voyage  pour  vous  aller  voir  quand 
Monseigneur  l'archevêque  m'a  donné  un  mandement  de 
visiter  une  maison  religieuse  de  cette  ville,  qui  m'occu- 
pera assez  longtemps  ^.  Je  l'avais  fait  prier  de  m'en  dis- 
penser, et  il  l'avait  fait  en  effet  ;  mais,  en  partant  pour 
Anjou,  il  m'a  mandé  qu'il  était  contraint  de  se  rétracter 


3.    Le   voyage    fut   remis.    Saint  Vincent   était    de   retour   de   Riche- 
lieu avant  la  mi-décembre. 


—  511  — 

de  la  dispense  qu'il  lui  avait  plu  me  donner,  pour  des 
raisons  particulières  et  d'importance  qu'il  me  dirait  au 
retour.  Or  bien,  je  suis  enfant  d'obéissance.  Il  me  semble 
que,  s'il  me  recommandait  de  m'en  aller  aux  extrémités 
de  son  diocèse  et  d'y  demeurer  toute  ma  vie,  que  je  le 
ferais  comme  si  Notre-Seigneur  me  le  commandait  et  que 
cette  solitude  ou  l'emploi  qu'il  m'y  donnerait  serait  un 
paradis  anticipé,  puisque  je  serais  dans  l'accomplisse- 
ment du  bon  plaisir  de  Dieu. 

Je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Monsieur,  votre 
très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Saint-f.azare,  ce  i*""  octobre  1638. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Lambert,  supé- 
rieur des  prêtres  de  la  Mission,  à  Richelieu. 

353.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[2  octobre  1638  '.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  ne  vous  écris  point  de  ma  main,  parce  que  j'ai  été 
saigné  ce  matin  pour  une  petite  incommodité,  qui  m'em- 
pêche d'aller  voir  ma  bonne  Madame  de  Liancourt,  et 
pense  que  vous  n'êtes  pas  en  l'état  de  porter  la  fatigue 
que  vous  auriez  à  l'entour  d'elle,  et  qu'elle  en  aurait  de 
la  peine. 

Il  n'y  a  point  de  danger  de  permettre  à  notre  sœur 
Louise  d'aller  voir  le  bon  Monsieur  de  Bezay  ^,  ni  que 


Lettre  353.  —  Dossier  de  la  Mission,  original  ou  copie  du  xvii^  siècle. 

1.  Voir  note  10. 

2.  Peut-être  Antoine  du  DefFand,  chevalier,  seigneur  du  Tremblay, 
Fontenay,  Sementron,  Bezée  et  autres  lieux. 


—    512    — 

vous  lui  disiez  qu'elle  suspende  la  disposition  de  ses 
affaires.  J'ai  donné  charge  aujourd'hui  qu'on  retienne 
deux  [places]  et  qu'on  en  donne  des  arrhes  ^  au  coche  de 
Tours.  Je  saurai  à  ce  soir  le  jour,  l'heure,  le  lieu  d'où  il 
part.  Je  pense  qu'il  sera  à  propos  de  donner  la  supério- 
rité à  notre  sœur  Barbe  ^  jusques  à  ce  qu'on  en  dispose 
autrement.  Il  me  semble  qu'il  sera  bon  voirement  de  pro- 
fiter de  leur  petit  travail  lorsqu'il  n'y  aura  plus  tant  de 
malades. 

Je  loue  Dieu  de  la  satisfaction  que  vous  avez  plus  am- 
plement de  Monsieur  votre  fils. 

J'ai  oublié  d'écrire  à  Monsieur  Dehorg-ny  ^  touchant  le 
petit  garçon.  Vous  n'aurez  qu'à  lui  en  mander  un  mot 
par  lui-même,  au  cas  que  j'oublie. 

Notre  sœur  Elisabeth  ®  pourra  faire  sa  confession  à 
tel  autre  que  vous  jugerez  à  propos.  Et  pour  Jacqueline, 
il  n'y  a  qu'à  la  renvoyer. 

Je  suis  bien  aise  que  vous  ayez  retenu  sœur  Margue- 
rite et  de  ce  que  vous  lui  faites  faire  une  retraite. 

Pensez-vous  bien.  Mademoiselle,  que  les  deux  filles 
de  cette  paroisse  puissent  assister  les  malades  en  fai- 
sant les  écoles  ?  Si  cela  est,  dont  je  doute,  il  serait  bon 
d'envoyer  sœur  Jacqueline  à  la  place  de  sœur  Margue- 
rite en  la  paroisse  de  Saint-Jacques.  Mais,  si  cela  est, 
il  en  faudra  dire  un  mot  auparavant  à  Monsieur  le  curé 
et  aux  officières  de  la  Charité  de  cette  paroisse. 

Je  vous  écrivis  hier  celle  qui  accompagne  la  présente, 
que  je  ne  vous  pus  envoyer. 

Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  suis  votre  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  samedi,  à  onze  heures. 


3.  Arguent   donné   d'avance   pour  assurer   l'exécution   d'un   marché. 

4.  Barbe  Angiboust. 

5.  Alors  directeur  du  collège  des  Bons-Enfants. 

6.  Elisabeth    Martin. 


—  513  — 

334.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Octobre    1638  \] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  NotreSeigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Très  volontiers  je  prie  Notre-Seigneur  qu'il  donne  sa 
sainte  bénédiction  à  nos  chères  sœurs  et  qu'il  leur  fasse 
part  de  l'esprit  qu'il  a  donné  aux  saintes  dames  qui  l'ac- 
compagnaient et  coopéraient  avec  lui  à  l'assistance  des 
pauvres  malades  et  à  l'instruction  des  enfants.  Bon  Dieu, 
Mademoiselle,  quel  bonheur  à  ces  bonnes  filles  de  s'en 
aller  continuer  la  charité  que  Notre-Seigneur  exerçait 
sur  la  terre,  au  lieu  où  elles  vont  !  Et  qui  le  dirait,  les 
voyant  ensemble,  ces  deux  couvre-chefs",  dans  ce  coche, 
qu'elles  s'en  allassent  pour  un  œuvre  si  admirable  aux 
yeux  de  Dieu  et  des  anges  que  l'Homme-Dieu  l'a  trouvé 
digne  de  lui  et  de  sa  sainte  Mère  ?  Oh  !  que  le  ciel  se 
réjouira  de  voir  cela  et  que  les  louanges  qu'elles  en  auront 
en  l'autre  monde  seront  admirables  !  Qu'elles  iront  la 
tête  levée  au  jour  du  jugement  !  Certes,  il  me  semble 
que  les  couronnes  et  les  empires  sont  de  la  boue  en  com- 
paraison de  celles  dont  elles  seront  couronnées.  Il  ne 
reste  qu'à  aviser  qu'elles  se  comportent  dans  l'esprit  de 


Lettre  354.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Mois  et  année  du  départ  des  soeurs  Barbe  et  Louise  pour  Riche- 
lieu. 

2.  Allusion  à  la  coifFure  des  Filles  de  la  Charité.  «  Les  premières 
Filles  de  la  Charité,  presque  toutes  originaires  des  environs  de  Paris, 
avaient  conservé  les  vêtements  en  usage  chez  elles  parmi  les  femmes 
du  peuple,  c'est-à-dire  habituellement  la  robe  de  serge  grise  et  une 
petite  coiflFe  ou  serre-tête  de  toile  blanche,  appelée  toquois,  qui  ca- 
chait les  cheveux.   »   (Baunard,  op.  cit.,  p.  297.) 

33 


—   514  -- 

la  sainte  Vierg-e  en  leur  voyage  et  en  leur  action  ;  qu'elles 
la  voient  souvent  comme  devant  leurs  yeux,  devant  ou 
à  côté  d'elles  ;  qu'elles  fassent  comme  elles  s'imagine- 
ront que  pourrait  faire  la  sainte  Vierge  ;  qu'elles  consi- 
dèrent sa  charité  et  son  humilité,  et  qu'elles  soient  bien 
humbles  à  l'égard  de  Dieu  et  cordiales  entre  elles-mê- 
mes, bienfaisantes  à  tout  le  monde  et  à  mésédihcation 
à  nul  ;  qu'elles  fassent  leurs  petits  exercices  tous  les 
matins,  ou  avant  que  le  coche  parte,  ou  par  les  chemins  ; 
qu'elles  apportent  quelque  petit  livre  pour  lire  parfois, 
et  que  d'autres  ^  elles  disent  le  chapelet  ;  qu'elles  contri- 
buent aux  entretiens  qui  se  feront  de  Dieu  et  nullement 
à  ceux  du  monde,  moins  encore  aux  gaillards  "*,  et 
qu'elles  soient  des  rochers  contre  les  familiarités  que  des 
hommes  voudraient  prendre  avec  elles.  Elles  coucheront 
à  part  dans  ime  chambre,  qu'elles  demanderont  d'abord 
aux  hôtelleries,  ou  dans  celle  de  quelques  honnêtes  fem- 
mes, s'il  y  en  a  dans  le  coche  ;  que  s'il  n'y  en  a  aux  hô- 
telleries des  coches,  qu'elles  se  logent  auprès,  si  elles  y 
trouvent  cette  commodité. 

Etant  arrivées  à  Richelieu,  elles  iront  saluer  le  Saint- 
Sacrement  d'abord,  verront  M.  Lambert,  recevront  ses 
ordres  et  tâcheront  de  les  accomplir  à  l'égard  des  ma- 
lades et  des  enfants  qui  iront  à  l'école,  observant  les 
petits  exercices  journaliers  qu'elles  pratiquent  à  pré- 
sent ;  se  confesseront  tous  les  huit  jours  seulement,  s'il 
n'arrive  quelque  fête  principale  le  long  de  la  semaine  ; 
tâcheront  de  profiter  aux  âmes  tandis  qu'elles  traiteront 
les  corps  des  pauvres  ;  honoreront  et  obéiront  aux  offi- 
cières  de  la  Charité  et  respecteront  beaucoup  les  autres 
et  les  animeront  à  s'affectionner  à  leur  saint  exercice  ; 
et  continuant  de  la  sorte,  il   se  trouvera   devant  Dieu 


3.  D'autres  fois. 

4.  Entretiens  gaillards,  entretiens  libres. 


—  515  — 

qu'elles  auront  mené  une  fort  sainte  vie  et  que  de  pau- 
vres allés  elles  deviendront  de  grandes  reines  au  ciel  ; 
et  c'est  ce  que  je  demande  à  Dieu,  en  l'amour  duquel 
je  suis,  à  elles  et  à  leur  chère  supérieure,  très  humble 
serviteur. 

V.  D. 

Je  vous  prie  me  mander  si  le  petit  garçon  vous  a 
baillé  les  50  livres  que  je  vous  ai  envoyées  par  lui  et  de 
prier  Dieu  pour  la  bonne  Madame  de  Liancourt,  qui  a 
fort  empiré  ". 


355.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[1638,  vers  octobre  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Quand  j'aurai  le  bien  de  vous  voir,  je  vous  dirai 
l'état  de  l'esprit  de  M.  votre  iils  à  l'égard  des  ordres. 
Je  ne  sais  pas  si  j'irai  tantôt  à  La  Chapelle.  Si  je  n'y 
vas,  vous  ferez  charité  à  Madame  de  Marillac^  et  à  M. 
son  ûls  ^.  ^Mandez  donc  le  carrosse  quand  il  vous 
plaira.  Il  vaudra  mieux  que  ce  soit  pour  demain  di- 
manche, puisqu'il  faut  que  vous  y  couchiez,  à  cause  de 
ce  jour  de  jeûne.  Mais  qu'est-ce  que  du  mal  de  ce  bon 


2.  Mots  raturés   :  Elle  m'a  mandé  que  je  Tallasse  trouver  et  M.  Mar- 
tinet.... je  l'ai  priée  de  m'excuser...  à  cause... 
Lettre  355.   —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original, 

1.  Voir  note  5. 

2.  Marie  de  Creil,   veuve  de  René  de   Marillac. 

3.  Michel   de  Marillac,   conseiller  au  parlement  de  Paris,   petit-fil> 
du  garde  des  sceaux  de  même  nom. 


-  5i6  - 

seigneur  ^  et  de  la  grossesse  de  Madame  sa  femme'^  ? 
Je  ne  sais  qui  m'en  dorme  la  curiosité  ;  mais  il  me  semble 
que  cette  famille  me  touche  le  cœur  avec  tendresse. 

J'attends  la  sauvegarde  que  M.  le  chancelier  ^  nous 
fait  espérer,  et  suis,  en  l'amour  de  Notre-Segneur,  Ma- 
demoiselle, votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  samedi  matin. 

J'ai  reçu,  ce  matin,  la  vôtre,  depuis  la  présente  écrite, 
pour  réponse  à  laquelle  je  vous  dirai  que  M.  votre  fils 
a  dit  à^Monsieur  de  la  Salle  qu'il  n'entrait  en  cette  con- 
dition que  pource  que  vous  le  vouliez,  qu'il  s'est  désiré 
la  mort  '  à  cause  de  cela  et  que  pour  vous  complaire  il 
prendrait  les  moindres  ordres.  Or,  cela,  est-ce  une  voca- 
tion ?  Je  crois  qu'il  aimerait  mieux  mourir  qu'il  ne 
souhaite  votre  mort.  Quoi  que  ce  soit,  ou  que  cela  vienne 
de  la  nature  ou  du  diable,  sa  volonté  n'est  pas  libre 
pour  se  déterminer  en  chose  de  telle  importance,  et 
vous  ne  le  devez  pas  désirer.  Il  y  a  quelque  temps  qu'un 
bon  enfant  de  cette  ville  prit  le  [sous-diaconat]  *  en  cet 
esprit-là  et  n'a  pu  passer  aux  autres  ordres  ;  voulez- 
vous  exposer  M.  votre  fils  au  même  danger  ?  Laissez-le 
conduire  à  Dieu  ;  il  est  plus  son  père  que  vous  n'êtes  sa 
mère,  et  l'aime  plus  que  vous.  Laissez-lui  en  avoir  la  con- 
duite. Il  saura  bien  l'appeler  en  un  autre  temps,  s'il  le 
désire,  ou  lui  donner  l'emploi  convenable  à  son  salut.  Je 
me  ressouviens    d'un  prêtre,  qui  a  été    céans,  qui  a  pris 


4.  Michel   de   Marillac. 

5.  Je.inne    Potier,  nièce  de   l'évêque    de    Beauvais.    Son  premier-né 
René   fut  bantisé  le    18   février  1639. 

6.  Pierre   Séguier. 

7.  Première  rédaction    :  qu'il   vous  a  désiré   la  mort  et  à  lui   aussi. 
8    Soint  Vincent  a  écrit  sous-diacre    ;   il  est  évident  qu'il   faut  sous- 
diaconat. 


—  517  — 

l'ordre  de  prêtrise  en  ce  trouble  d'esprit.  Dieu  sait  ou  il 
en  est  maintenant  ! 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Soyez  toute  à  Notre-Seigneur 
et  conforme  à  son  bon  plaisir.  Je  suis,  en  son  amour,  v.  s. 

V.  D. 

Je  vous  prie  de  faire  votre  oraison  sur  Zébédée  et  ses 
enfants,  auxquels  Notre-Seigneur  dit,  comme  elle  s'em- 
pressait pour  l'établissement  de  ses  enfants  :  «  Vous  ne 
savez  ce  que  vous  demandez.  » 

Siiscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

356.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Avant   1640  ^.] 

Je  vous  supplie  très  humblement.  Mademoiselle,  de  me 
mander  si  vous  êtes  d'avis  que  j'aille,  cette  après-dînée, 
vous  voir  pour  vos  lilles,  ou  que  j'attende  à  demain  au 
matin,  et  s'il  y  en  aura  d'autres  que  les  vôtres. 

Je  vous  souhaite  cependant  le  bon  jour  et  suis,  en 
l'amour  de  Notre-Seigneur,  Mademoiselle,  votre  servi- 
teur très  humble. 

V.  Depaul. 
Ce  dimanche  matin. 

Suscriftion  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

357    —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Je  rends  mille  actions  de  grâces  à  Dieu  de  votre  bon 

Lettre  356.   —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.   Après   1639,   les  mots  «    Ce  dimanche  matin  »  auraient  etc  écrits 
au   début   de    la   lettre. 

Lettre  357.   —  L.   a.  —  Dossier  des  FlTes  de  la  Charité,  original. 


-  5i8  - 

portement  et  le  prie  qu'il  vous  conserve  en  parfaite  santé. 
Je  suis  de  l'avis  du  bon  M.  votre  curé,  que  vous  commu- 
niiez chez  vous  ;  et  n'importe  que  vous  n'en  sentez  pas 
tant  de  désir  ;  Notre-Seigneur  le  fait  exprès,  comme  j'es- 
père, afin  que  vous  ayez  le  mérite  de  l'obéissance,  joint 
à  celui  de  l'amour  pour  lequel  vous  le  ferez  et  que  j'es- 
père que  sa  bonté  vous  donnera. 

Je  vis  hier  voirement  Monsieur  votre  fils  et  l'aime  plus 
chèrement  que  je  ne  vous  puis  dire  ;  mais  je  n'aime  pas 
que  vous  donniez  lieu  aux  pensées  trop  tendres  que  vous 
avez  pour  lui,  pource  qu'elles  sont  contre  la  raison  et  par 
conséquent  contre  Dieu,  qui  veut  que  les  mères  fassent 
part  de  leur  bien  à  leurs  enfants,  mais  non  pas  qu'elles 
se  privent  de  tout.  Or  sus,  nous  en  parlerons  le  plus  tôt 
que  je  vous  pourrai  aller  voir,  qui  sera  après  la  fête. 

Oh  !  que  je  voudrais  vous  pouvoir  dire  tout  ce  qui  se 
dit  hier  céans  à  la  conférence  des  raisons  que  nous  avons 
de  dignement  célébrer  cette  sainte  fête  et  des  moyens 
pour  cela  !  Certes,  j'en  suis  tout  consolé  et  prie  Notre-Sei- 
gneur  qu'il  le  vous  inspire  lui-même. 

Je  vous  envoie  le  livre,  à  la  charge  que  vous  n'en  lirez 
ou  ferez  lire  que  deux  ou  trois  sonnets  en  un  jour,  à 
heures  différentes  et  distantes  ;  cela  vous  occuperait 
trop. 

Je  suis  fâché  contre  M.  Dehorgny  de  ce  qu'il  s'en 
est  allé  aux  champs  sans  vous  envoyer  de  l'argent.  Man- 
dez-moi si  vous  en  avez  besoin.  J'ai  la  clef  du  coffre, 
mais  non  pas  le  loisir  de  l'aller  prendre. 

Je  ne  fus  jamais  plus  embarrassé,  ni  plus,  en  l'amour 
de  Notre-Seigneur,  v.  s. 

V.  D. 

Prenez  cette  fille  de  Lorraine,  s'il  vous  plaît,  pour  en 
essayer  en  attendant. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le' Gras. 


519 


358.  —  A  LAMBERT  AUX  COUTEAUX,  SUPÉRIEUR, 
A  RICHELIEU 

Ce    i"  novembre  1638. 

...M.  le  président  Fouquet  ^  a  été  guéri  d'un  hydropisie 
par  l'usage  d'un  demi-verre  de  jus  de  cerfeuil,  avec 
autant  de  vin  blanc,  bien  versés  l'un  dans  l'autre  et  cou- 
lés par  un  linge,  pris  à  jeun,  sans  manger  que  deux  heures 
après  et  boire  qu'un  demi-setier  de  boisson  par  repas. 
Un  de  nos  frères  du  séminaire  a  été  guéri  de  même  ma- 
ladie par  le  même  moyen.  Faites-en  user,  s'il  vous  plaît, 
à  N.  et  continuer  quelque  temps.  C'est  un  remède  sou- 
verain et  facile. 


359.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  1636  et  1639  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Jésus-Christ  Notre-Seigneur  soit  avec 
vous  pour  jamais  ! 

J'ai  reçu  deux  de  vos  lettres  ou,  pour  mieux  dire,  une 
en  deux  et  ai  vu  et  parlé  ensuite  à  Monsieur  votre  ûls, 
sans  lui,  donner  à  connaître  que  je  susse  rien  de  ce  qui  se 
passa  hier  ;  or,  il  me  dit  d'un  esprit  fort  rassis  et  tran- 
quille qu'il  vous  avait  vue,  que  vous  vous  étiez  un  peu 
trouvée  mal.  Après  cela,  je  lui  parlai  de  sa  vocation  et 
s'il  y  persévérait.  Or,  il  me  dit  de  fort  boime  façon  que 


Lettre  Z^^.  —  Reg.  2,  p.  264. 

I.   François  Fouquet.    Saint  Vincent  écrivait  le  2  juin  qu'il  était  en 
danger. 

Lettre  359.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.    Avant    1636,    Louise    de    Marillac    n'était    pas   à    La    Chapelle 
après  1639,  le  saint  aurait  commencé  sa  lettre  par  les  mots  qui  la  ter- 
minent   :  «   Du  collège  des...   » 


—    520    — 

oui  et  qu'il  allait  en  Sorboime  -  à  cet  effet  et  qu'il  était 
résolu  de  bien  faire  ;  c'est  ce  qui  a  fait  que  j'ai  pensé 
qu'il  n'était  pas  besoin  de  lui  parler,  non  pas  même  de  se 
défier  de  ce  que  vous  appréhendez.  Soyez-en  donc  en 
repos,  s'il  vous  plaît  ;  et  qui  plus  est,  quand  les  choses 
que  vous  craignez  arriveraient,  encore  faudrait-il  adorer 
la  providence  de  Dieu  sur  lui  et  croire  que  le  voyage  ou 
le  changement  de  condition  contribuerait  à  son  salut  et 
peut-être  à  une  plus  grande  perfection.  Hélas  !  Made- 
moiselle, si  tous  ceux  qui  se  sont  éloignés  de  leurs  parents 
étaient  en  danger  de  se  perdre,  où  en  serais-je  ?  Oh  bien  ! 
ressouvenez- vous  que  tout  sert  aux  prédestinés  pour  par- 
venir à  leur  fin,  et  que  je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Sei- 
gneur,  Mademoiselle,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Du  collège  des  Bons-Enfants,  à  onze  heures. 

Sjiscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
à  La  Chapelle. 

360.  -  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  1633  ^  et  1639  -.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  vous  remercie  du  soin  que  vous  avez  de  moi  et  vous 
prie  d'en  avoir  de  votre  santé  et  de  n'en  pas  tant  faire. 

Quant  à  l'affaire  dont  vous  parlez,  assurez  ces  bonnes 


2.   Probablement  pour  y   étudier  la  théologie. 

Lettre  360.   —  L.    a.   —  Dossier  des  Filles  de  la   Charité,  original. 

1.  Uate   de  la   fondation  de   l'Institut  des  Filles  de  la  Charité. 

2.  Après  1639,  saint  Vincent  aurait  écrit    :  «  Ce  samedi  matin   »  en 
tête   de   la   lettre. 


filles  que  je  parlerai  à  M.  le  doyen  pour  la  conservation 
de  leur  communauté,  mais  je  ne  pense  pas  que  vous  de- 
viez parier  aux  dames  pour  la  conservation  de  la  per- 
sonne. Cela  serait  inutile  et  nuisible,  comme  aussi  le  re- 
cours à  Monsieur  le  cardinal  ^  ;  mais  pour  celui-là,  c'est  à 
elles  à  y  aviser  ;  elles  ne  vous  en  croiront  pas  aussi  bien. 
Quant  à  vos  filles,  après  ceci  nous  serons  à  vous  et  à 
elles,  et  suis,  en  l'amour  de  Notre- Seigneur,  Alademoi- 
selle,  V.  s. 

V.  D. 

Ce  samedi  matin. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


361    —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

Alademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Vous,  soyez  la  très  bien  venue  et  Notre-Seigneur  loué 
de  la  santé  qu'il  vous  a  donnée.  Au  nom  de  Dieu,  Ma- 
demoiselle, ménagez-la.  Si  je  le  puis,  demain  je  vous  irai 
voir,  ou  pour  le  moins  après-demain. 

Voici  la  réponse  à  Madame  de  Liancourt.  Je  vous  prie 
de  lui  envoyer. 

M.  votre  fils  vient  de  sortir  de  céans.  Il  me  parait  d'un 
autre  esprit,  ou  en  disposition  d"y  entrer,  quoique  je  ne 
lui  aie  dit  que  deux  paroles. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


3.  Le  cardinal  de  Richelieu. 

Lettre  361.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 


—    522    — 

362.  —  A  MADAME  GOUSSAULT 

[Novembre    1638  ^.] 
Madame, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  vous  remercie  du  soin  que  vous  prenez  de  moi  et 
de  mon  voyage  et  des  prières  que  votre  charité  fera  pour 
cela,  et  vous  supplie  m'excuser,  si  je  ne  vous  attends. 
J'ai  promis  de  partir  ce  matin. 

Il  faut  recommander  ces  nouvelles  propositions  à 
Dieu  dans  la  reconnaissance  et  civilité  ordinaire  à  l'égard 
de  ces  personnes  en  cas  pareil.  N'est-il  pas  à  propos 
que  vous  sachiez  déterminément  l'intention  de  Made- 
moiselle votre  fille  -  ?  Le  dernier  dont  l'on  vous  a  parlé 
est  homme  de  bien  et  d'un  excellent  esprit  et  d'égal  ju- 
gement pour  son  âge.  Mais,  pesé  ce  que  vous  savez, 
Lotin  ^  semble  préférable,  si  me  semble,  quoique  moins 
accommodé.  Mais  il  faudra  une  merveilleuse  civilité 
pour  en  user  de  la  sorte  vers  le  dernier  proposé.  Vous 
pourrez,  en  ce  cas,  alléguer  le  désir  de  la  parenté  et  le 
long  pourparler.  Je  recommanderai  cet  affaire,  votre 
santé  et  toute  votre  famille  à  Notre-Dame  des  Ardil- 


Lettre  362.  —  L.  a.  —  Original  chez  les  prêtres  de  la  Mission  de 
Naples,   via   San-Nicola-da-Tolentino. 

1.  Voir  note  2.  Saint  Vincent  écrivait  cette  lettre  la  veille  de 
son   départ  pour   Richelieu. 

2.  Marie-Aiarthe  Goussault.  Madame  Goussault  eut  quatre  en- 
fants :  Antoine,  sieur  de  Roquemone,  maître  des  comptes  ;  Guillaume, 
reçu  conseiller  au  parlement  le  27  mai  1653  ;  Jacques,  prêtre,  docteur 
en  Sorbonne  ;  Marie-Marthe,  mariée  à  Nicolas  Lotin  le  10  janvier 
1639    ;    Michel,  époux  d'Elisabeth  Compaing. 

3.  Nicolas  Lotin,  seigneur  de  Martilly,  était  fils  de  Guillaume,  vi- 
comte de  Vaux.  Il  fut  nommé  conseiller  au  grand  conseil  le  17  dé- 
cembre 163 1,  maître  des  requêtes  le  7  juillet  1642  et  président  au 
grand  conseil  le  11  avril  1644.  Il  mourut  le  25  décembre  1650,  lais- 
sant un  enfant,  qui  ne  tarda  pas  à  le  suivre  au  tombeau. 


—  523  — 

liers  '^  avec  une  affection  toute  particulière  et  une  pareille 
tendresse,  car  Dieu  sait  combien  il  en  a  rempli  mon 
cœur  et  combien  je  la  sens  maintenant  que  je  vous  parle, 
qui  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Madame,  votre 
très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

■    Ce  lundi  matin. 

Je  m'en  vas  dire  adieu  à  Mademoiselle  Le  Gras  et  lui 
dirai  un  mot  de  ceci. 

Suscription  :  A  Madame  Madame  la  présidente  Gous- 
sault. 


363    —   A   BERNARD   CODOING,    PRÊTRE    DE    LA   MISSION 
A  RICHELIEU 

Du  12  décembre  1638. 

Je  suis  tout  à  fait  consolé  de  voir  la  bonté  de  votre 
cœur  à  agréer  la  proposition  de  Luçon  contre  sa  propre 
affection  ^   O   Monsieur,  que  c'est  être  bon  chrétien  et 

4.  Lieu  de  pèlerinage  situé  sur  un  coteau  de  la  ville  de  Saumur. 
Notre-Dame-des-Ardilliers  compte  parmi  ses  pèlerins  les  plus  connus 
saint  Vincent  de  Paul,  Louise  de  Marillac,  Jean-Jacques  Olier, 
Louis  XIII,  Richelieu,  Madame  de  Montespan,  le  Père  Grignon  de 
Montfort.  Henriette  d'Angleterre  y  fit  sa  première  communion. 

Lettre  363.  —  Reg.  2,  p.  ^^. 

I.  Une  des  clauses  du  contrat  passé  le  4  janvier  1638  au  sujet  de 
l'établissement  de  Richelieu  entre  saint  Vincent  et  le  cardinal-ministre, 
ancien  évêque  de  Luçon,  portait  que  trois  des  prêtres  en  résidence 
dans  cette  maison  devaient  donner  des  missions  dans  le  diocèse  de 
Luçon  «  quatre  fois  l'année,  aux  saisons  les  plus  convenables,  et  s'y 
employer  six  semaines  à  chaque  fois  ».  (Cf.  lettre  287,  note  4.) 
Réflexion  faite,  il  fut  jugé  convenable  d'établir  à  Luçon  une  maison 
distincte.  Bernard  Codoing,  pressenti  pour  la  supériorité,  accepta. 
Mais  peut-être,  pour  raison  de  santé,  ne  prit-il  pas  possession  de  son 
poste.  Nulle  part  ailleurs,  en  effet,  son  nom  n'est  prononcé  à  propos 
de  Luçon.  S'il  y  alla,  il  y  resta  fort  peu  de  temps,  puisque,  le  6  oc- 
tobre 1640,  quand  Jacques  Chiroye  fut  envoyé  dans  cette  ville,  pour 
diriger  l'établissement  confié  à  la  congrégation  de  la  Mission,  ce  fut 
en  remplacement  de  Gilbert  Cuissot. 


—  524  — 

bon  missionnaire  que  cela,  que  de  passer  ainsi  sur  le  ven- 
tre de  ses  inclinations  !  Dieu  m'a  donné  aujourd'hui 
une  tendresse  toute  particulière  pour  lui  demander  cette 
même  vertu  de  choisir  toujours  le  pire  et  ce  qui  est  con- 
traire à  mon  affection.  Mais,  hélas  !  Monsieur,  que  je  suis 
infidèle  à  cette  pratique  !  Je  vous  supplie  de  prier  Dieu 
qu'il  m'y  rende  plus  fidèle  à  l'avenir. 


364.  —  A  ANTOINE  LUCAS 
Monsieur, 

La  grâce  de  NotreSeigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Me  voici  de  retour  de  Richelieu.  J'ai  reçu  une  de  vos 
lettres  en  ces  quartiers-là  et  une  autre  ici.  L'une  et  l'autre 
me  font  voir  la  bénédiction  de  Dieu  sur  vos  travaux,  et 
la  dernière  l'indisposition  de  Messieurs  Renar  et  Mou- 
ton et  comme  vous  vous  en  alliez  à  Joigny.  Je  rends 
grâces  à  Dieu  de  tout  cela  et  le  prie  qu'il  redonne  une 
parfaite  santé  à  ces  Messieurs. 

Nous  avons  besoin  ici  de  Monsieur  Mouton.  Si  sa  santé 
lui  permet,  après  la  fête,  je  vous  supplie  de  le  nous  ren- 
voyer. 

J'ai  vu  celle  que  vous  écrivez  à  Monsieur  le  comman- 
deur \  qui  m'a  été  aussi  à  grande  consolation  ;  mais  je 
suis  en  doute  si  vous  avez  achevé  la  mission  de  Ce- 
rise ^.  Monsieur  le  commandeur  se  plaint  que  non.  Je 
vous  prie  me  mander  ce  qui  en  est.  Celle  que  vous  écrivez 
à  Monsieur  de  la  Salle  m'a  aussi  fort  consolé,  notam- 
ment ce  que  vous  lui  dites,  que  vous  continuerez  l'ordre 


Lettre   364.    —  L.    a.    —   Dossier   de  Turin,   original. 

1.  Le  commandeur  de  Sillery. 

2.  Près  d'Alençon,  dans  l'Orne. 


—  525  — 

qu'il  a  tenu  avec  le  séminaire  en  la  mission  qu'ils  ont 
faite  depuis  peu  ;  c'est  là  le  nerf  de  la  mission.  Je  prie 
Dieu,  Monsieur,  qu'il  vous  fasse  la  grâce  d'en  user  de 
même. 

Mais,  mon  Dieu  !  Monsieur,  comment  se  portent  Mes- 
sieurs Pavillon,  Renar  et  Perrochel  ?  Je  vous  supplie 
d'avoir  bien  soin  d'eux  et  de  la  santé  de  toute  la  com- 
pagnie. Il  ne  faut  pas  manquer,  le  jeudi,  de  leur  donner 
du  repos  et  quelque  divertissement  agréable,  autant  que 
faire  se  pourra  inter  privatos  parietes.  Je  salue  très  hum- 
blement ces  Messieurs  et  toute  la  compagnie  et  envoie 
à  M.  Perrochel  un  paquet  qu'on  a  envoyé  céans  pour 
lui.  Je  vous  supplie  de  lui  dire  que  nous  conférerons,  à 
son  retour,  de  ce  que  la  religieuse  qui  lui  écrit,  lui  mande. 

Le  R.  P.  de  Gondy  m'a  dit  que  la  Charité  n'est  pas 
en  bon  ordre  à  Joigny.  Je  vous  supplie,  Monsieur,  de 
prier  Monsieur  Pavillon  de  travailler  à  la  rétablir  au 
meilleur  état  qui  se  pourra.  Il  a  expérience  de  la  façon 
qu'il  s'y  faut  prendre  pour  bien  faire  réussir  cela,  et 
grâce  de  Dieu. 

Nous  avons  environ  70  exercitants,  dont  il  y  en  a  cinq 
ou  six  qui  sont  bacheliers  et  des  plus  savants,  quoiqu'en 
Sorbonne  l'on  ait  fait  rumeur  contre  l'ordre  établi  et 
l'obligation  aux  personnes  de  cette  condition  d'assister 
aux  exercices  ^.  M.  Hopille  "^  fait  le  pontifical,  et  M. 
Hobier  ^  l'entretien  du  matin.  Messieurs  de  la  Salle, 
Dehorgny,    Soufliers,    Cuissot  et    quelques-uns  de  nos 


3.  L"ordonnance  de  Tarchevêque  de  Paris  datait  de  163 1  et  avait 
été  appliquée  pour  la  première  fois  au  carême  de  cette  même  année. 
Elle  prescrivait  à  quiconque  voulait  recevoir  les  ordres  dans  le  dio- 
cèse, de  faire  une  retraite  chez  les  prêtres  de  la  Mission  les  dix  jours 
qui  précèdent  l'ordination.  (Cf.  Abelly,  of.  cit.,  t.  I,  chap.  xxv, 
p.    119.) 

4.  Grand  vicaire  d'Agen. 

5.  Il  a  traduit  la  vie  d'Agricola  par  Tacite  (1639),  le  traité  de  ia 
patience  de  TertuUien  et  celui  de  l'oraison  (1640).  Balzac  écrivait 
à   Chapelain  le   30  aoiit    1639,    après   avoir  lu   le  premier  de   ces  ou- 


—  526  — 

jeunes  théologiens  servent  à  cela.  C'est  aux  Bons-En- 
fants, où  les  choses  s'accommodent  mieux  que  nous 
n'eussions  osé  espérer. 

Le  reste  de  la  maison  se  porte  bien,  à  M.  Portail  et 
M.  de  Rien  près,  qui  commencent  néarmioins  à  se  mieux 
porter. 

L'on  fait  de  même  à  Richelieu,  où  j'ai  été  fort  con- 
solé, voyant  le  bien  qui  s'est  fait  dans  la  ville.  Je  n'ai 
jamais  vu  peuple  plus  assidu  ni  dévot  à  la  sainte  messe. 
L'on  y  fréquente  souvent  les  saints  sacrements.  Il  n'y  a 
personne  qui  y  mène  vie  scandaleuse.  Il  y  paraît  grande 
paix  entre  les  habitants  et  point  de  division  comme 
auparavant.  Les  tavernes  y  sont  moins  fréquentées  et 
quasi  point  pour  tout,  notamment  pendant  les  of- 
fices, les  dimanches  et  fêtes.  La  Charité  y  va  fort  bien. 
Elle  a  traité  soixante  malades  depuis  Pâques,  sans  qu'il 
en  [soit]  mort  qu'une  seule  ûlle  ;  et  auparavant  il  n'en 
échappait  point.  Les  deux  sœurs  servantes  des  pauvres 
que  nous  y  avons  envoyées  d'ici  y  font  des  merveilles, 
l'une  à  l'égard  des  malades  et  l'autre  à  l'égard  de  l'ins- 
truction des  filles. 

Je  ne  sais  si  l'on  pourrait  en  établir  deux  à  Joigny. 
Marie  des  pauvres,  qui  servait  les  pauvres  de  la  Cha- 
rité, vit-elle  encore  ?  Toutes  les  petites  filles  de  la  ville 
vont-elles  à  l'école  aux  filles  de  Notre-Dame  ?  Ce  qui 
rend  la  chose  plus  notable  à  Richelieu,  c'est  que  c'est 
un  peuple  ramassé  et  la  plupart  éloignés  de  leur  pays 
pour  leurs  déportements  ^. 

Voilà,  Monsieur,  tout  ce  que  je  vous  puis  dire  pour  le 


vrages  :  «  Qu'il  y  a  de  sagesse  et  de  bon  sens  en  M.  Hobier  ! 
Que  sa  diction  est  chaste  et  réglée  !  Il  me  semble  que  la  définition 
de  Vtr  bonus  dicendi  -periius  est  faite  pour  lui.  »  [Lettres  familières 
de   Monsieur    de    Balzac    à    Monsieur    Chafeîain,    Paris,    1856,    in-8, 

P-  Z7S-) 
6.  Mots  raturés    :  M.   Lambert  me  disait  qu'il  y  en  a  quantité. 


-  527  — 

présent,  sinon  que  je  vous  prie  de  m'écnre,  toutes  les  se- 
maines, l'état  de  la  compagnie  et  de  ses  travaux.  Je 
salue  très  humblement  Messieurs  les  curés  et  tous  ceux 
qui  m'honorent  de  leur  ressouvenance  et  suis,  en  l'amour 
de  Notre-Seigneur,  Monsieur,  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  jour  sainte  Luce'  i63S. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Lucas,  prêtre  de 
la  Mission,  à  Joigny. 


365    —  A  ROBEKT  DE  SERGIS 

De  Paris,  ce  17  décembre  1638. 
Monsieur, 

La  grâce  de  NotreSeigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  reçus  avant-hier  la  vôtre  du  7®  de  ce  mois,  par 
laquelle  vous  me  donnez  avis  :  1°  de  l'arrivée  de  M.  Du- 
rot  ;  2°  que  vous  craignez  de  m'avoir  mécontenté  ;  3"  que 
je  fasse  réponse  à  tout  ce  que  vous  me  demanderez  par 
vos  lettres  ;  4°  qu'on  désire  que  vous  fassiez  l'examen 
à  Saint-Michel  ^  ;  5*^  que  l'on  vous  a  fait  confesser  dans 
le  faux  bourg  ;  6"  qu'on  doit  vous  envoyer  ceux  qui  ont 
des  dimissoires  ;  7°  que  vous  demandez  un  peu  de  la 
vraie  croix  que  vous  avez  laissée  ici  ;  8°  vous  me  dites 
que  vous  avez  acheté  un  réveille-matin  .Voici  la  réponse 
à  tout  cela,  selon  l'ordre  proposé. 

1°  Je  rends  grâces  à  Dieu  de  l'arrivée  de  M.  Durot  et 


7.  i.^  décembre. 

Lettre  365.  —  Dossier  de  Turin,  copie  du  X^^Ie  ou  du  xviii«  siècle. 

I.    Saint-Michel   fait  aujourd'hui  partie  de  la  ville  de  Toulouse. 


-  528- 

vous  prie  d'avoir  soin  de  sa  santé  et  de  laider  de  pa- 
role et  d'exemple  à  parvenir  à  la  perfection  d'un  mis- 
sionnaire, et  d'observer  tous  deux,  à  cet  effet,  le  petit  rè- 
glement, sans  vous  en  départir  pour  quelque  raison,  ni 
sous  quelque  prétexte  que  ce  soit.  Un  prélat  m'a  fait 
l'honneur  de  me  dire  qu'il  vous  a  vu  avec  un  collet  plus 
grand  que  les  nôtres  et  avec  un  manteau  à  gros  boutons, 
dans  un  esprit  de  suffisance  et  moins  d'humilité  que  les 
autres  missionnaires.  Que  si  cela  est,  je  vous  prie.  Mon- 
sieur, de  vous  ajuster  en  toutes  choses  au  petit  règle- 
ment, à  nos  petites  observances  et  à  notre  manière  de 
nous  habiller  et  d'honorer  plus  que  jamais  l'humilité  de 
Notre-Seigneur.  Chacun  dit  que  T'esprit  de  missionnaire 
est  esprit  d'humilité  et  de  simplicité.  Tenez-vous-en  là. 
L'esprit  de  douceur,  de  simplicité  et  d'humilité  est  l'es- 
prit de  Notre-Seigneur  ;  celui  d'orgueil  ne  subsistera 
point  longtemps  à  la  Mission. 

2°  Ne  craignez  pas  de  m'avoir  mécontenté.  Je  vous 
connais  bien.  Je  m'assure  que  vous  ne  retournerez  jamais 
deux  fois  aux  manquements  dont  je  vous  ai  averti  et 
vous  avertirai  ci-après.  Vous  n'êtes  ni  infaillible,  ni 
incorrigible.  Vous  faudrez  moins  si  vous  vous  tenez  à 
ce  que  je  vous  ai  dit,  et  vous  éloignez  du  brillant  et  de 
l'esprit  du  monde.  Neuto  potest  duobus  dominis  servire. 
Je  voudrais  que  vous  vissiez  l'humilité  et  la  simplicité 
que  Notre-Seigneur  répand  dans  notre  séminaire  et  com- 
bien tout  ce  qui  est  contraire  à  cela  le  choque. 

3°  Je  vous  promets  ce  que  vous  demandez  au  3^  point, 
que  je  vous  ferai  réponse  désormais  à  toutes  vos  de- 
mandes, que  vous  mettrez,  s'il  vous  plaît,  par  articles. 

Voici  la  réponse  au  4^  et  au  5*  points.  Les  personnes 
plus  oculées  me  disent  souvent  qu'il  faut  tenir  ferme 
à  la  pratique  de  ne  prêcher,  catéchiser,  ni  confesser  dans 
les  villes,  ni  dans  les  faux  bourgs  011  il  y  a  archevêché  ou 


-    529  — 

présidial  ;  et  puis,  vous  savez  que  notre  bulle  y  est  ex- 
presse -.  Ceux  qui  pourraient  avoir  quelque  pente  au  con- 
traire à  l'instant  qu'ils  le  désirent  resteront  plus  edi&és 
avec  le  temps. 

Je  ne  trouve  point  de  difficulté  que  vous  voyiez  ceux 
que  Monseigneur  ^  vous  adressera  pour  les  dimissoires, 
lorsque  vous  serez  à  Toulouse,  et  pense  que  vous  avez 
bien  fait  d'acheter  un  réveille-matin. 

Un  accident  qui  est  arrivé  en  la  compagnie  me  fait 
voir  qu'il  est  nécessaire  que  je  voie  les  comptes  de  la  dé- 
pense et  de  la  recette.  Je  les  ai  vus  et  arrêtés  à  Richelieu, 
d'où  je  viens.  Je  vous  prie,  Monsieur,  de  m'envoyer  les 
vôtres  ;  ou,  si  vous  n'avez  point  tenu  compte  de  votre  dé- 
pense ni  de  votre  recette,  commencez  à  le  faire  pour 
l'avenir,  afin  qu'on  observe  un  même  ordre  partout.  Vous 
pouvez  bien  penser  que  je  connais  votre  fidélité  et  que  je 
me  défie  plus  de  la  mienne  que  de  la  vôtre. 

Je  m'en  vas  dire  à  M.  de  Marceille  qu'il  cherche  et 
vous  envoie  la  relique  de  la  vraie  croix  que  vous  de- 
mandez, si  elle  se  trouve. 

Or  sus.  Monsieur,  voilà  tout.  Il  me  reste  à  vous  dire 
que  je  n'aurais  eu  garde  de  vous  aller  voir  à  Toulouse, 
ou  de  vous  prier  de  vous  rendre  à  Bordeaux,  si  j'y  fusse 
allé.  O  Jésus  !  Monsieur,  il  me  tarde  trop  que  je  n'aie  la 
consolation  de  vous  voir  !  car  vous  savez  combien  mon 
cœur  chérit  le  vôtre  chèrement  aimable.  J'ai  promis  à 
M.  Pavillon  de  me  rendre  à  Alet  incontinent  après  qu'il 
y  sera  "*.  Si  Notre-Seigneur  me  fait  la  grâce  de  le  voir, 
ce  sera  alors  que  j  aurai  cette  consolation.  Mais,  si  une 


2.  a  In  civitatibus  auiem  et  urbibus  quae  arckie-piscopatuum,  efis- 
cofaiuum,  ■parlamenloriim  et  bajulatuiim  tilucis  insignitae  sunt,  clerici 
et  sacerdotes  dictae  congregationis  nulla  fublica  eorum  Instituti  mu- 
nera      obeant.    »      (Bulle     Salvatoris     nostri,     du     12     janvier     1632.) 

3.  Charles  de  Montchal    (1628-1651J. 

4.  Nicolas  Pavillon  n'alla  dans  sorj  diocèse  qu'en  septembre  1639. 
Saint  Vincent  ne  put  tenir  sa  promesse. 

34 


—  53°  — 

occasion  que  j'entrevois  ne  me  porte  à  faire  un  voyage 
en  Gascogne  ^,  j'aurai  le  bien  de  vous  voir  plus  tôt.  je 
vous  salue,  en  attendant,  avec  toute  l'affection  qui  m'est 
possible  et  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Monsieur, 
votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Suscnftion  :  A  Monsieur  Monsieur  de  Sergis,  prêtre 
de  la  Mission,  à  Toulouse. 


366.  —  A  PIERRE  DU  GHESNE 

[8  janvier  1639  ^.] 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  ne  puis  vous  dire  combien  la  consolation  que  ma 
donnée  votre  lettre,  a  adouci  l'amertume  de  la  nouvelle 
de  la  maladie  du  bon  Monsieur  Dufestel  ^.  Je  rends 
grâces  à  Dieu  de  l'une  et  de  l'autre  nouvelles,  non  certes 
sans  beaucoup  gourmander  mes  chétifs  sentiments,  qui 
se  révoltent  contre  l'acquiescement  que  je  désire  donner 
à  l'adorable  volonté  de  Dieu.  Je  lui  écris  et  le  prie  de 


5.    Ce   voyage   n'eut   pas   lieu. 

Lettre  366.   —  Recueil  du  procès  de  béatification. 

1.  La  copie  du  procès  de  béatification  ne  porte  pas  de  date.  Nous 
ne  pouvons  accepter  celle  que  propose  le  manuscrit  d'Avignon  (8  jan- 
vier 1649),  car  en  1649  François  Dufestel  ne  faisait  plus  partie  de  la 
compagnie.  Le  contenu  de  cette  lettre  et  surtout  ses  rapports  étroits 
avec  la  lettre  368  nous  amènent  à  conclure  qu'elle  est  de  1639.  Sur 
le  jour  et  le  mois  nous  pouvons  nous  fier  au  manuscrit  d'Avignon. 

2.  François  Dufestel,  né  à  Oisemont  (Somme),  reçu  dans  la  con- 
grégation de  la  Mission  en  1633,  ordonné  prêtre  en  septembre  1636. 
Il  fut  supérieur  à  Troyes  (1638-1642),  à  Annecy  (1642),  à  Cahors 
(1643-1644)  et  à  Marseille  (1644-1645).  Il  quitta  la  congrégation  en 
1646   pour   devenir   doyen   de    Saint-Omer   de   Lillers    (Pas-de-Calais). 


—  531  — 

faire  son  possible  et  de  ne  rien  épargner  pour  se  faire 
traiter.  Je  vous  supplie,  Monsieur,  d'y  tenir  la  main  et, 
à  cet  effet,  de  faire  en  sorte  que  le  médecin  le  voie  tous 
les  jours  et  que  ni  les  remèdes  ni  la  nourriture  lui  man- 
quent. Oh  !  que  je  souhaite  que  la  compagnie  soit  sain- 
tement profuse  pour  cela  !  Je  serais  ravi  si  l'on  me  man- 
dait de  quelque  lieu  que  quelqu'un  de  la  compagnie  eût 
vendu  les  calices  pour  cela. 

Et  que  vous  dirai-je  de  la  mission  de  Saint-Lyé  ^  ? 
C'est  de  la  différer,  sous  le  bon  plaisir  de  Monseigneur  *, 
jusqu'à  ce  qu'il  soit  entièrement  guéri  et  remis  en  sa 
première  santé.  Il  n'y  aura  pas  pourtant  danger  que  vous 
alliez  visiter  ces  peuplés  et  leur  faire  agréer  l'attente, 
jusqu'à  ce  que  la  mission  s'y  puisse  faire  commodément. 

Or  sus,  vous  voilà  donc  dans  la  sollicitude  de  Mar- 
the, pour  l'amour  que  vous  avez  pour  Monsieur  Dufestel 
et  pour  toute  la  compagnie.  Je  prie  Notre-Seigneur 
qu'il  veille  et  travaille  avec  vous  au  recouvrement  de 
la  santé  de  ce  sien  serviteur. 

Je  salue  le  bon  Monsieur  Savary  ^  et  notre  frère  René  * 
et  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Monsieur,  votre 
très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 
ind.  p.  de  la  Mission. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  du  Chesne,  prêtre 
de  la  Mission,  à  Sancey  \ 


3.  Petite  localité  de  l'arrondissement  de  Troyes. 

4.  René  de  Breslay,  évêque  de  Troyes    (1604-1641). 

5.  Pierre  Savary,  né  à  Neuville-Vitasse  (Pas-de-Calais),  reçu  dans 
la  congrégation  de  la  Mission  le  16  août  1637  à  l'âge  de  trente  et 
un  ans.    Il  sortit,  puis  revint  et  fit  les  vœux  à  Annecy  en   1659. 

6.  Il  y  avait  dans  la  congrégation  de  la  Mission  deux  frères  Re- 
né   :   René   Bisson  et   René   Perdreau. 

7.  Lieu  de  résidence  des  missionnaires  du  diocèse  de  Troyes. 


—  532  — 

367    —  A  PIERRE  DU  CHESNE 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  reçus  hier  au  soir  votre  dernière,  par  laquelle  vous 
me  dites  l'état  de  la  maladie  du  bon  Monsieur  Dufes- 
tel  et  ce  que  le  médecin  lui  a  ordonné.  Je  vous  remercie 
très  humblement  du  soin  que  vous  avez  de  m'en  donner 
avis  si  promptement  et  si  exactement,  et  de  toutes  les 
assistances  que  vous  lui  rendez,  et  prie  Notre-Seigneur 
qu'il  soit  votre  récompense  et  la  guérison  parfaite  de 
notre  malade,  la  maladie  duquel  j'espère  qu'elle  ne  sera 
pas  dangereuse  ;  mais  je  vous  supplie,  Monsieur,  comme 
toujours,  de  ne  lui  rien  épargner.  Cette  sorte  de  maladie 
n'a  pas  tant  besoin  de  remèdes  que  de  patience  et  de  dou- 
ceur et  de  suavité  d'esprit.  J'espère  que  Notre-Seigneur 
lui  fera  part  de  toutes  ces  vertus  et  qu'il  en  fera  un  fort 
bon  usage.  Que  si  le  médecin  estime  qu'il  lui  fallût  faire 
quelques  remèdes  qui  eussent  besoin  de  sa  présence  plus 
fréquente  qu'il  ne  lui  peut  rendre  à  Sancey,  pourriez- 
vous  point  lui  avoir  une  chambre  au  faux  bourg  ?  Et  cela 
étant,  y  serait-il  mieux  assisté  ?  La  sorte  de  sa  maladie 
me  semble  n'être  point  de  cette  nature.  Toutefois  vous 
verrez  et  en  conférerez  avec  ledit  sieur  médecin  avec  qui 
ledit  sieur  Dufestel  le  juge  expédient.  Enfin,  Monsieur, 
je  vous  prie  de  faire  pour  lui  tout  ce  que  vous  voudriez 
faire  pour  Notre-Seigneur  ;  car,  en  effet,  la  bonté  et  la 
charité  que  vous  avez  en  son  endroit,  c'est  à  Notre-Sei- 
gneur même  que  vous  le  faites  et  ensemble  à  toute  notre 
petite  compagnie  et  à  moi  particulièrement,  qui  souffre 
en  lui  ce  que  Notre-Seigneur  sait.  Je  l'embrasse  en  esprit 

Lettre  367.   —  Recueil   du  procès  de  béatification. 


—  533  — 

avec  toute  l'affection  qui  m'est  possible  et  salue  très 
humblement  le  bon  Monsieur  Savary  et  suis,  en  l'amour 
de  Notre-Seigneur,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  28  janvier  1639  ^. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  du  Chesne,  prêtre 
de  la  Mission,  à  Sancey. 

368.  —  A  ROBERT  DE  SERGIS 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Voici  la  réponse  à  trois  de  vos  lettres,  l'une  du  4,  l'au- 
tre du  9  et  l'autre  du  17,  que  je  reçus  il  y  a  deux  ou  trois 
jours.  La  première  ne  me  faisait  pas  voir  que  vous  dési- 
rassiez si  promptement  réponse,  ni  la  seconde  non  plus, 
si  me  semble,  si  fait  bien  la  troisième. 

Je  commencerai  donc  à  vous  dire,  touchant  vos  bons 
parents,  que  j'ai  envoyé  exprès  les  visiter  et  qu'ils  se 
portent  tous  bien  et  se  recommandent  à  vous  et  à  vos 
prières.  Soyez  donc  en  repos  de  ce  côté-là,  s'il  vous 
plaît. 

Le  prélat  dont  je  vous  ai  parlé  ^  ne  m'a  dit  autre  chose 
qu'aux  trois  dont  je  vous  ai  écrit  et  dont  j'ai  oublié  la 
troisième,  à  votre  collet,  aux  boutons  de  votre  manteau, 


1.  C'est  la  date  proposée  par  le  frère  Chollier  dans  sa  déposition 
au  procès  de  béatification.  Nous  la  préférons  à  celle  que  donne  le 
copiste  de  la  lettre  (28  janvier  1634),  car  en  1634  MM.  du  Chesne  et 
Savary  ne  faisaient  pas  encore  partie  de  la  congrégation,  M.  Du- 
festel  n'était  pas  prêtre  et  les  prêtres  de  la  Mission  n'avaient  pas 
de   résidence   à   Sancey. 

Lettre  368.   —  L.    a.   —  Dossier   de  la   Mission,   original. 
I.   Dans  la  lettre  365. 


—  534  — 

et,  si  je  ne  me  trompe,  le  3*  est  de  votre  manière  d'agir 
moins  rapportante  à  la  simplicité  et  à  l'humilité  d'iin 
missionnaire.  Je  vous  envoie  un  collet  ;  vous  pourrez 
faire  ajuster  les  vôtres  à  celui-là.  Si  peu  que  nous  vou- 
lions suivre  le  monde  quant  aux  habits,  cela  montre  que 
nous  en  avons  quelque  petit  échantillon  dans  le  cœur  et 
que,  si  nous  n'y  prenons  garde,  nous  nous  laisserons 
emporter  à  l'esprit  du  monde.  De  dire  qu'on  nous  pren- 
dra pour  d'autres,  c'est  orgueil  et  vanité  d'esprit  que  de 
changer  de  façon  pour  cela.  O  Monsieur,  que  qui  sau- 
rait bien  J.-C.  cruci&é  serait  bien  aise  de  passer,  comme 
lui,  pour  le  moindre  des  hommes,  voire  pour  le  pire,  non 
seulement  pour  les  actions  personnelles,  mais  même  pour 
celles  de  notre  condition  !  Eh  !  que  nous  profitera 
d'avoir  eu  quelque  humilité  selon  la  personne,  si  nous 
avons  de  la  vanité  dans  notre  condition  !  O  Monsieur, 
qui  nous  donnera  la  grâce  de  nous  mettre  à  la  dernière 
place  des  hommes  et  de  nous  y  tenir  selon  l'état  de  notre 
personne  et  selon  celui  de  notre  vocation  !  Si  nous  vou- 
lons nous  préférer  aux  autres  et  avoir  des  choses  qui 
nous  distinguent  d'eux,  tenez  pour  certain.  Monsieur, 
que  Notre-Seigneur  nous  fera  tomber  dans  telle  confu- 
sion que  nous  serons  à  mépris  à  ceux-là  et  à  tout  le 
monde.  Je  crois  cette  vérité  comme  je  crois  qu'il  faut 
que  je  meure. 

Je  vous  dis  ceci  pour  répondre  à  quelque  chose  que 
vous  m'écrivîtes  peu  après  votre  retour  à  Toulouse,  dans 
la  parfaite  confiance  que  j'ai  que  votre  cœur  le  trouvera 
bon  et  que  vous  vous  tiendrez  ferme  dans  les  petites 
pratiques  et  dans  les  maximes  que  vous  avez  vues  ici. 
Je  n'ai  garde  que  je  demande  à  qui  que  ce  soit  comme 
vous  faites,  ni  comme  vous  êtes.  Je  désire  que  tout  le 
monde  sache  que  je  suis  toujours  dans  la  bonne  opinion 
que  j'ai  eue  de  vous  quand  l'on  vous  a  destiné    pour 


—  535  — 

l'emploi  que  la  Providence  vous  a  donné.  Et,  qui  plus 
est,  c'est  que  je  crois,  comme  ce  que  je  vous  ai  dit  ci-des- 
sus, que,  quand  vous  auriez  à  dire  quelque  petite  chose 
différente  de  nous,  que  le  même  ange  qui  a  rendu  saint 
François-Xavier  si  exact  à  l'observance  de  ce  qu'il  avait 
vu  en  la  Compagnie  et  si  soigneux  d'apprendre  tout 
ce  qui  s'introduisait  de  nouveau  de  deçà,  pour  faire 
de  même  de  delà,  que  le  même  ange,  dis- je,  vous  fera 
faire  le  même  à  vous.  Oh  !  cela  je  le  tiens  pour  indu- 
bitable. 

Il  est  vrai.  Monsieur,  ce  que  vous  me  dites  touchant 
le  bon  Monsieur  Durot  ;  mais,  comme  il  a  une  bonne 
âme  et  l'esprit  bien  fait,  j'espère  qu'il  sera  un  jour  un 
fort  bon  missionnaire.  Il  a  l'esprit  doux.  Je  vous  prie, 
Monsieur,  de  le  traiter  de  même.  J'ai  fait  voyage  avec 
trois  carmes  déchaussés  sans  avoir  pu  discerner  quel 
était  le  supérieur,  jusques  à  ce  que  je  l'aie  demandé  trois 
jours  après  que  j'ai  été  avec  eux  ;  tant  il  est  vrai  que  le 
supérieur  vivait  avec  les  autres  avec  bonté,  douceur,  con- 
descendance et  humilité,  et  que  les  autres  vivaient  avec 
lui  avec  confiance  et  simplicité.  O  Monsieur,  qui  nous 
donnera  cet  esprit  ! 

Je  pense,  pour  la  confession  dans  le  faux  bourg,  que 
quoiqu'il  ne  nous  soit  pas  loisible  d'y  confesser,  que  nous 
le  pourrions  à  un  quart  de  lieue  de  là,  s'il  y  avait  une 
chapelle,  quoique  les  pénitents  fussent  de  la  paroisse 
du  faux  bourg. 

Vous  pouvez  penser,  Monsieur,  quant  à  la  dépense, 
qu'il  ne  m'est  jamais  entré  dans  l'esprit  qu'il  y  eût  quel- 
que chose  à  redire  en  vous.  O  Jésus  !  jamais  cette  pen- 
sée ne  s'est  présentée  à  moi,  bien  éloigné  qu'elle  soit 
entrée  en  moi.  Ce  que  je  vous  en  ai  dit,  c'est  pour  garder 
un  ordre  et  pour  faire  trouver  la  compagnie  en  cette  pra- 
tique pour  les  siècles  à  venir.  La  manière  sera  comme  M. 


—  536  — 

Durot  vous  pourra  dire  que  faisait  M.  Codoing.  Que  si 
elle  vous  paraît  trop  occupante,  vous  la  mettrez  moin<î 
par  le  menu  ;  et  puis  je  pense  qu'un  supérieur  fait  bien 
de  se  faire  soulager  du  temporel   par  son  compagnon. 

Pour  le  voyage  de  Toulouse,  je  suis  engagé  à  le  faire 
quand  M.  d'Alet  y  ira  ;  mais  il  n'est  pas  prêt  à  cela,  car 
ni  lui  ni  quinze  ou  dix-huit  autres  évêques  nommés  n'ont 
point  encore  leurs  bulles.  Dès  quil  les  aura  pourtant,  il 
fait  état  de  partir. 

Je  travaille  à  la  mission  de  Joigny  avec  M.  Perrochel, 
il  y  aura  tantôt  trois  mois.  Monsieur  Renar  y  était  aussi, 
qui  en  est  revenu  indisposé  avec  M.  Mouton. 

Je  loue  Dieu  de  ce  que  la  fin  de  la  mission  de  Ver- 
non  ~  a  été  plus  à  votre  gré  que  le  commencement,  et  le 
prie  qu'il  vous  fasse  la  grâce  de  vous  tenir  à  l'esprit  de 
douceur  et  d'humilité  que  Notre-Seigneur  vous  a  dorme. 
Jamais  l'aigreur  n'a  servi  qu'à  aigrir.  Saint  Vincent  de 
Ferrier  dit  qu'il  n'y  a  pas  de  moyen  de  profiter  par  la 
prédication  si  l'on  ne  prêche  des  entrailles  de  compas- 
sion. Eh  !  bon  Dieu  !  et  quel  moyen  de  vaincre  des  es- 
prits tels  que  vous  dépeignez  ceux-là  par  le  même  es- 
prit !  Si  nous  combattons  le  diable  par  esprit  d'orgueil 
e*-  de  suffisance,  nous  ne  le  vaincrons  jamais,  car  il  a  plus 
d'orgueil  et  de  suffisance  que  nous  ;  mais  si  nous  agis- 
sons contre  lui  par  humilité,  nous  le  vaincrons,  car  il 
n'a  point  de  ces  armes-là,  ni  ne  s'en  saurait  défendre. 
C'est  ce  que  disait  saint  Dominique  à  quelques  docteurs 
d  Espagne  qui  étaient  venus  à  son  secours  contre  les 
Albigeois,  avec  lesquels  ils  agissaient  par  esprit  de  suf- 
fisance. Je  prie  bien  Dieu  qu'il  vous  fasse  la  grâce  d'agir 
dans  cet  esprit  à  Muret,  où  vous  vous  en  allez.  Quant  à 
la  Charité  que  vous  vous  proposez  d'y  établir,  voici  le 
règlement  qu'on  a  accoutumé  de  pratiquer  dans  les  pa- 

2.    Vemon-lès-Joyeuse,   au   diocèse   de   Viviers. 


—  537  — 

roisses  de  Paris,  que  vous  pourrez  donner  aux  villes  ; 
et  pour  les  villages,  tenez-vous,  s'il  vous  plaît,  à  celui 
duquel  l'on  s'est  servi  jusques  à  présent.  J'ai  écarté  celui 
que  vous  m'avez  envoyé,  dont  l'auteur  s'est  retiré  et  est 
à  présent  curé  d  Etiolles  *. 

M.  Codoing  est  en  mission  ;  il  ne  saurait  vous  faire 
copier  ses  prédications.  Il  faut  attendre  à  l'été  qu'il  se 
retirera,  auquel  temps  on  pourra  les  faire  copier  et  peut- 
être  imprimer  pour  la  compagnie  seulement. 

M.  le  pénitencier  estime  que  l'un  ni  l'autre  cas  de  cons- 
cience que  vous  avez  posés  ne  sont  point  loisibles,  et  le 
P.  Rebardeau  est  du  même  avis  touchant  la  confession 
des  pénitents  des  diocèses  circonvoisins  de  la  mission. 
Je  ne  me  ressouviens  point  du  second  cas  et  ne  l'ai  fait 
proposer  qu'à  M.  le  pénitencier,  qui  est  de  l'avis  que  je 
vous  ai  dit,  qui  est  de  la  négative. 

Voici  la  réponse  à  la  dernière.  Vous  pouvez  donner 
un  écu  ou  deux  à  la  Charité  de  Muret,  si  vous  l'établis- 
sez. Pour  la  manière  de  conférer  avec  les  prêtres  de  Mu- 
ret selon  l'intention  de  îvlonseigneur  l'archevêque,  M. 
Durot  vous  pourra  dire  l'ordre  que  M.  Codoing  tenait 
pour  les  assemblées  en  Dauphiné  ;  et  pour  les  matières 
de  la  conférence,  vous  n'en  sauriez  proposer  de  plus  uti- 
les que  celles  des  ordinands,  que  vous  avez  ;  par  exem- 
ple, pour  les  censures  :  i°  dire  qu'il  importe  que  les  ec- 
clésiastiques sachent  la  doctrine  des  censures  ;  2°  quelle 
est  la  doctrine  des  censures  ;  et,  au  3®  point,  les  moyens 
qu'il  faut  tenir  pour  libérer  les  peuples  qui  ont  encouru 
lesdites  censures.  Or,  pourriez-vous  diviser  le  second 
point  en  plusieurs  conférences,  comme,  par  exemple, 
des  censures  en  général,  et  puis  de  chacune  en  particu- 
lier. Mais,  pour  bien  faire  utilement  cela,  il  faudrait  que 


3.    En  Seine-et-Oise. 


-  538  - 

celui  qui  présidera,  ou  vous,  disiez  la  doctrine  et  que 
les  autres  rapportassent  chacun  ce  que  vous  aurez  dit 
ou,  pour  le  moins,  quelques-uns  d'entre  eux  alternative- 
ment. Il  est  vrai  que,  pour  bien  faire  ceci,  il  serait  expé- 
dient que  chacun,  à  l'assemblée,  eiit  vos  écrits  ou  pour 
le  moins  deux  sur  deux  ;  ce  que  n'étant  pas,  il  faut  leur 
laisser  étudier  sur  les  sujets  que  vous  donnerez  et  rap- 
porter comme  ils  pourront  ce  qu'ils  auront  retenu,  si  ce 
n'est  que  vous  ayez  quelque  meilleure  méthode. 

En  voilà  bien  pour  une  bonne  fois.  J'ai  fait  la  pré- 
sente à  trois  ou  quatre  diverses  reprises. 

Nos  petites  nouvelles  sont  :  i°  que  M.  Dufestel  et  sa 
famille  de  Troyes  travaillent  avec  beaucoup  de  béné- 
diction, mais  qu'il  est  tombé  malade  depuis  peu  ;  que 
Messieurs  Pavillon,  Renar,  Perrochel  et  six  de  la  com- 
pagnie [travaillent]  à  Joigny  depuis  les  avents  et  sont 
à  présent  aux  villages,  où  ils  en  ont  encore  pour  environ 
un  mois  ;  que  trois  ou  quatre  s'en  vont  partir  pour  les 
cures  dépendantes  de  Malte,  dans  le  grand  prieuré  de 
France,  pour  lesquels  M.  le  commandeur  de  Sillery  a 
fondé  trois  mille  livres  de  rente  et  mille  pour  Troyes  ; 
que  Messieurs  du  Coudray  ^  et  Boucher  ont  quarante 
pauvres,  partie  malades,  partie  d'autres  sains,  qui 
les  servent  dans  leur  maison,  quoique  petite,  car  ils  n'ont 
point  d'hôpital,  et  cent  cinquante  au  dehors  de  la  ville, 
tous  lesquels  ils  nourrissent  et  assistent  avec  une  cha- 
rité qui  tire  la  larme  des  yeux  de  ceux  qui  l'entendent  ; 
mais  il  est  bien  à  craindre  qu'ils  ne  succombent.  Le  pre- 
mier me  mande,  sur  ce  que  je  lui  ai  écrit  qu'il  ména- 
geât son  corps  et  le  peu  d'argent  que  nous  lui  envoyons, 
ou  que  je  l'assiste,  ou  que  je  le  rappelle,  ou  que  je  le 
laisse  mourir  avec  ces  pauvres  gens.  Si  je  le  puis,  je  vous 


4.  Alors  supérieur  de  la  maison  de  Toul. 


—  539  — 

enverrai  la  lettre  que  m'en  écrit  M.  Boucher  dans  sa 
simplicité. 

Notre  jeunesse  demande  à  faire  ce  que  vous  et  moi 
avons  fait.  Je  pense  que  le  séminaire  est  composé  de 
plus  de  vingt,  quoique  nous  en  ayons  tiré  cette  année 
dix  ou  douze  ou  pour  étudier  en  théologie  aux  Bons- 
Enfants,  ou  pour  travailler  aux  missions.  Notre  bon 
frère  Aimeras  ^,  qui  est  un  notable  sujet,  a  fait  comme 
nous  et  s'en  va  aux  Bons-Enfants  étudier. 

Voilà  nos  petites  nouvelles  d'à  présent.  Je  souhaite 
d'en  avoir  souvent  des  vôtres  [et]  plus  de  temps  pour 
vous  écrire.  Je  le  ferai  le  plus  souvent  que  je  le  pourrai, 
qui  embrasse  en  esprit  le  bon  Monsieur  Durot,  lequel 
je  prie  de  me  pardonner  au  cas  que  je  ne  lui  puisse  faire 


5.  René  Aimeras,  neveu  de  Madame  Goussault,  naquit  à  Paris  le 
5  février  1613.  Conseiller  au  grand  conseil  à  vingt-quatre  ans,  il  quitta 
tout,  sa  famille,  sa  position,  ses  espérances,  malgré  l'opposition  de 
son  père,  qui  devait  le  suivre  plus  tard,  pour  entrer  dans  la  congré- 
gation de  la  Mission,  où  il  fut  reçu  le  24  décembre  1637.  Saint 
Vincent  lui  confia  les  emplois  importants  de  directeur  du  séminaire 
et  d'assistant  de  la  maison,  l'admit  à  son  conseil,  s'en  remit  souvent  à 
sa  prudence  pour  traiter  avec  les  personnes  du  dehors  des  affaires 
délicates  et  le  chargea  des  retraitants.  Tant  de  travail  ruina  la 
santé  de  René  Aimeras.  Le  saint  fondateur,  convaincu  par  son  expé- 
rience personnelle  que  le  changement  d'air  contribuait  à  redonner 
la  santé,  l'envoya  en  1646  visiter  plusieurs  établissements  de  France 
et  d'Italie.  Arrivé  à  Rome,  René  Aimeras  reçut  avis  qu'il  était  nommé 
supérieur  de  la  maison.  Il  y  resta  jusqu'en  1651.  De  retour  en 
France,  il  prit  la  direction  du  séminaire  Saint-Charles.  Nous  le 
trouvons  en  1654  occupé  à  distribuer  des  secours  aux  pauvres  de  la 
Picardie  et  de  la  Champagne.  Il  visita  encore  diverses  maisons  de  la 
congrégation  et  reçut  de  nouveau  le  titre  d'assistant  de  la  maison- 
mère,  qu'il  conserva  jusqu'à  la  mort  de  saint  Vincent.  A  ce  titre,  il 
ajoutait  celui  de  visiteur  de  la  province  du  Poitou.  Il  était  à  Riche- 
lieu quand  le  saint,  sentant  sa  fin  prochaine,  le  fit  prier  de  se  ren- 
dre en  toute  hâte  à  Paris.  René  Aimeras  était  souffrant.  Il  vint,  por- 
té sur  un  brancard,  et  eut  la  consolation  de  recevoir  une  dernière  bé- 
nédiction du  saint  fondateur.  Nommé  vicaire  général  par  saint  Vin- 
cent, puis  supérieur  général  par  l'assemblée  de  1661,  il  gouverna  les 
deux  communautés  avec  sagesse  jusqu'au  2  septembre  1672,  jour  de 
sa    mort. 


—  540  — 

réponse,  qui  suis,   en   l'amour   de  Notre-Seigneur,  votre 
très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  3  février  1639. 

Dieu  a  disposé  de  la  mère  de  M.  Durot.  Vous  prendrez 
le  temps  opportun  pour  lui  dire,  s'il  vous  plaît.  Je  viens 
de  dire  qu'on  dise  les  messes  à  son  intention.  Je  prie 
Notre-Seigneur  qu'il  soit  l'adoucissement  de  la  douleur 
de  son  cœur.  J'ai  pensé  qu'il  vaut  mieux  que  vous  lui 
disiez,  et  ne  lui  en  parle  point  par  ma  lettre. 

Suscription  :  A  Monsieur  de  Sergis,  prêtre  de  la  Mis- 
sion, à  Toulouse. 

369.  —  A  PIERRE  DU  CHESNE 

[Vers  février  163g  '.] 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

En  chose  du  monde  ne  pouvez-vous  plus  consoler  mon 
âme  que  dans  la  charité  que  vous  exercez  envers  le  bon 
Monsieur  Dufestel.  Je  vous  remercie  très  humblement 
des  fréquentes  nouvelles  que  vous  m'en  donnez,  et  vous 
supplie  de  continuer,  pour  l'amour  de  Jésus-Christ  qui 
vous  presse.  Il  faut  donc  attendre,  Monsieur,  que  la  na- 
ture se  délivre  tout  doucement  de  l'humeur  qui  l'op- 
presse. Il  faut  que  je  vous  avoue  que  je  suis  du  senti- 
ment du  médecin  qui  le  traite,  qu'il  ne  faut  pas  presser 


Lettre  369.   —  Recueil  du  procès  de  béatification. 

I.  Cette  lettre  a  des  rapports  étroits  avec  les  lettres  366  et  367, 
qu'elle  a  dû  suivre  de  peu  de  jours.  M.  Pémartin  la  date,  nous  ne 
savons  pourquoi,  du  iq  février. 


—  541  — 

à  l'égard  de  cette  sorte  de  maladie.  J'espère  que  le  sou- 
verain médecin  sera  à  lui-même  sa  guérison,  sinon  du 
jour  au  lendemain,  du  moins  peu  à  peu.  Je  l'embrasse 
en  esprit  avec  tendresse  tout  de  coeur. 

J'écris  à  Monsieur  Gouault  -  que  je  travaille,  selon 
l'intention  de  Monseigneur  de  Troyes,  à  la  vente  de  ses 
maisons  et  ne  perdrai  point  de  temps. 

J'ai  écrit  à  Messieurs  Lucas  et  Perceval  ^  de  vous  aller 
trouver,  ainsi  que  je  vous  ai  mandé. 

Monsieur  de  Beauvais  %  qui  sait  l'importance  de 
l'exercice  des  ordinands,  a  prié  nos  seigneurs  les  évêques 
circonvoisins  qui  dormeront  les  ordres,  de  renvoyer  à 
Paris  ceux  des  autres  évêchés  qui  y  ont  étudié,  afin 
qu'ils  profitent  ici  des  exercices.  Selon  cela,  Monseigneur 
de  Troyes,  semble-t-il,  ferait  leur  bien  s'il  en  faisait 
de  même  à  l'égard  des  externes,  auquel  cas  peut-être 
que,  sa  bonté  en  étant  avertie,  elle  en  pourrait  user  de 
même.  Vous  en  userez  selon  que  Monsieur  Dufestel  et 
vous  le  trouverez  expédient,  et  vous  nous  enverrez  ce  bon 
bûcheron  et  vigneron,  s'il  est  entièrement  résolu  ^.  Nous 
nous  trouvons  bien  de  ceux  de  Champagne. 

J'embrasse  le  bon  Monsieur  Dufestel  et  suis  de  Mon- 
sieur Savary,  de  René  et  de  lui  le  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Suscriftion  :  A  Monsieur  Monsieur  du  Chesne,  prêtre 
de  la  Mission,  à  Sancey. 


2.  Sébastien  Gouault,  bourgeois  de  Troyes.  Il  prêta  sa  maison  de 
Sancey   aux  prêtres  de  la  Mission,  qui  l'habitèrent  près  de  deux  ans. 

3.  Guillaume  Perceval,  né  à  Saint-Guillain,  dans  le  diocèse  de 
Cambrai,  entré  dans  la  congrégation  de  la  Mission  en  1635,  ordonné 
prêtre   en   décembre    1637,   sorti   en    1644. 

4.  Augustin  Potier. 

5.  Peut-être  Edme  Picardat,  frère  coadjuteur,  né  le  23  avril  1613 
à  Rumilly-lès-Vaudes  (Aube),  entré  dans  la  congrégation  de  la  Mis- 
sion  le  5  octobre   1639,   reçu  aux  vœux  le  i"  janvier   1643. 


—  542  — 

370.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Je  ne  sais  si  je  vous  dis  avant-hier  que  Monsieur  de 
Beauvais  me  doit  venir  prendre  ce  matin  pour  aller  pour 
huit  ou  dix  jours  jusques  à  Beauvais.  Je  me  recom- 
mande cependant  à  vos  prières  et  vous  prie  d'avoir  soin 
de  votre  santé  et  de  la  conserver  pour  son  saint  ser- 
vice. Je  m'en  vas  le  prier  que  ce  soit  jusques  à  ce  que  vous 
soyez  en  état  d'envoyer  vos  petites  filles  travailler  à  la 
Charité  des  champs. 

Bon  jour,  Mademoiselle.  Je  suis  votre  serviteur. 

V.  Depaul. 

Suscription  :  Pour  Mademoiselle  Le  Gras. 

371.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1639  1.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour  ja- 
mais ! 

Voici  trois  pauvres  Lorraines,  qui  arrivèrent  hier  au 
soir.  L'une  a  un  enfant.  Il  faudra  tâcher  de  la  faire  met- 
tre au  Refuge  et  peut-être  l'ancienne  aussi.  Je  vous  prie 


Lettre  370.  —  L.   a.  —  Dossier  de  la  Mission,  original. 

Lettre  371.   —   Dossier   de   la  Mission,  copie  prise  sur   l'original. 

I.  Après  1639,  le  saint  aurait  écrit  les  mots  «  Ce  mardi,  à  10  heu- 
res »  au  début  de  la  lettre,  non  à  la  fin  ;  et  comme,  au  dire  d'Abelly 
(of.  cit.,  t.  I,  chap.  XXXV,  p.  164),  ce  fut  justement  cette  année-là 
qu'-il  commença  à  s'occuper  des  pauvres  Lorrains,  chassés  par  la 
guerre  et  la  misère,  cette  lettre  ne  peut  être  que  de   1639. 


—  543  — 

de  les  envoyer  à  Madame  de  Herse,  après  que  vous  les 
aurez  vues,  si  elle  trouve  bon  qu'elles  soient  aux  Enfants 
du  faubourg  Saint-Victor  en  attendant.  Je  suis  un  peu 
pressé  et  ne  lui  en  peux  écrire. 

Bonjour,  Mademoiselle  Je  suis,  en  l'amour  de  N.-S., 
Mademoiselle,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Ce  mardi,  à  lo  heures. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras 
auprès  de  N[otre-]  D[ame]. 


372.  -   A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre   1636  et   1639  ^] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  loue  Dieu  de  tout  ce  o'ie  vous  me  mandez  de  Saint- 
Nicolas  -,  et  proposerai  à  Madame  la  garde  des  sceaux  ^ 
l'affaire  des  forçats*  et  à  Madame  Goussault  celui  de 
cette  maison  et  vous  en  rendrai  réponse. 

Pour  Catherine  ^,  vous  ne  la  cormaissez  pas  bien  encore, 
si  me  semble  ;  nous  en  parlerons. 

C'est  aujourd'hui  que  je  vas  à  La  Chapelle  après- 
dînée,  avec  Mademoiselle  Poulaillon  et  trois  ou  quatre 
autres  personnes.  Il  vaut  mieux  remettre  à  samedi  pro- 


Lettre  372.   —   L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Dates    de    l'établissement    des   sœurs    à   La    Chapelle    et    de    la 
mort  de   Madame  Goussault. 

2.  Saint-Nicolas-du-Chardonnet. 

3.  Madame  Séguier. 

4.  Cette  affaire,  ne  serait-ce  pas  le  legs  Comuel,  dont  il  sera  ques- 
tion plus  loin   ? 

5.  Catherine    Bagard.    Elle    fut    plus    tard    placée    à    l'hôpital    de 
Nantes,   d'où  elle  quitta  la  communauté. 


—  544  — 

chain,  que  je  suis  obligé  d'y  aller  pour  Madame  la  garde 
des  sceaux. 

Dieu  soit  béni  de  ce  que  vous  avez  beaucoup  d'argent  ! 
Il  donnera  d'autres  filles  quand  il  lui  plaira. 

Marguerite,  de  Saint-Paul,  vint  hier  céans  me  dire 
que  M.  son  curé  ^  l'a  envoyé  quérir  et  lui  a  demandé 
comme  elles  vivent,  quels  sont  leurs  exercices,  qui  les 
conduit,  qu'il  les  veut  conduire,  et  désire  qu'elles  dépen- 
dent de  lui  entièrement,  et  elle  ajouta  qu'elle  est  toute 
prête  néanmoins  à  tout  quitter  quand  il  nous  plaira.  Je 
lui  ai  dit  qu'elle  lui  die  tout  et  qu'elle  ne  lui  cèle  rien  et 
puis  qu'on  verra. 

Il  sera  bien  difficile  de  conserver  ces  créatures  dans 
l'état  nécessaire  pour  bien  aller.  Celles  de  Saint-Sau- 
veur, depuis  leur  révolte,  ne  sont  plus  si  soigneuses,  et 
s'en  plaignent  beaucoup  ;  elles  verront  avec  le  temps 
le  mal  qu'elles  font. 

Je  vois  ceux  que  je  fais  et  je  ne  m'en  amende  pas. 
Priez  pour  cela,  je  vous  en  prie. 

Je  suis,  en  son  amour,  v.  s. 

V.  D. 

SiiscripHon  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


373.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1639 '-J 
Je  me  suis  disposé  ce  matin  pour  vous  aller  voir,  et 
le  ferai  si  je  puis   ;  mais,  au  cas  que  je  ne  le  puisse  et 
que  vous  puissiez  avoir  le  carrosse  que  vous  me  mandez, 


6.  Nicolas  Mazure,  curé  très  zélé,  mais  d'un  zèle  que  gâtaient  les 
défauts   de    son    caractère   jaloux   et    tracassier. 

Lettre  373.   —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Cette  lettre,  écrite  avant  la  mort  de  Madame  Goussault, 
semble  de  la  même  année  que  la  lettre  393. 


—  545  — 

demain  au  matin,  je  vous  prie  de  passer  ici  sur  les  huit 
heures,  si  votre  santé  le  \ous  permet  ;  sinon,  me  le  man- 
dant, je  vous  irai  trouver  chez  vous. 

Je  vois  bien  que  Madame  Goussault  ne  vous  a  pas 
bien  fait  entendre  ce  que  je  lui  ai  dit  de  M.  votre  fils. 
Je  lui  ai  dit  que  M.  de  Saint-Nicolas  ^  l'a  reçu  sans 
titre  ^,  qui  est  une  faveur  contre  les  formes,  et  que,  de 
peur  qu'il  n'arrivât  quelque  difficulté  pour  cela,  il  est 
bon  que  vous  le  teniez  prêt  ;  mais  il  n'est  point  arrivé 
de  changement,  que  je  sache,  dans  l'esprit  de  mondit 
sieur  votre  fils. 

Il  est  nécessaire  voirement  que  nous  nous  voyions 
pour  les  filles  de  Saint-Sulpice  au  plus  tôt. 

Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Sîiscri-ption  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

374.  —  A  ADRIEN  BOURDOISE 

Saint-Lazare.    29   avril    1639. 
Monsieur, 

Les  missionnaires  reçoivent,  avec  toute  l'humilité  et 
la  révérence  possible,  la  proposition  de  M.  Bourdoise  et 
lui  offrent  ce  qu'il  demande  S  d'un  côté,  avec  bien  de  la 
confusion  de  leur  indignité  de  la  grâce  que  ledit  sieur 
Bourdoise.  leur  offre  par  sa  présence,  et  d'un  autre,  avec 
confiance  qu  il  supportera  leurs  défauts  et  qu'il  leur  pro- 


2.  Georges  Froger, 

3.  On  exigeait  des  ordinands  ou  un  titre  clérical,  c'est-à-dire  un 
bénéfice  ecclésiatique,  ou  un  titre  patrimonial  d'au  moins  cent  li- 
vres de  revenu. 

Lettre  374.  —  Pémartin,   o;p.   cii.,   t.   I,  p.  247,   lettre  239. 
I.   Adrien  Bourdoise  avait  sans  doute  demandé  de  venir   faire  une 
retraite  à  Saint-Lazare. 

35 


—  546  — 

fitera  infiniment  par  son  bon  exemple.  Ils  lui  demandent 
aussi  la  charité,  pour  l'amour  de  Notre- Seigneur,  de  re- 
cevoir quelqu'un  de  leur  compagnie  en  la  communauté 
de  Saint-Nicolas  pour  quelque  temps,  avec  telle  condi- 
tion qu'il  lui  plaira. 

375.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Saint-Lazare,  ce  mercredi  à  midi. 
[Entre  septembre  1638  et  septembre  1639  ^.] 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

L'on  a  suivi  votre  opinion  pour  les  Enfants  trouvés, 
que  cet  oeuvre  sera  uni  à  celui  de  l'Hôtel-Dieu,  si  les 
dames  l'agréent  ;  et  par  conséquent  voilà  les  mêmes  of- 
ficières,  à  une  trésorière  près,  qu'il  faut  pour  chacun  des 
œuvres. 

Ce  que  vous  me  dites  des  petites  filles  ne  peut  entrer 
dans  l'esprit. 

Puisque  vous  estimez  que  Nicole  se  sera  corrigée,  à 
la  bonne  heure,  essayez-en  encore,  et  de  Henriette  à 
Saint-Germain  ^  ;  mais  je  pense  qu'il  faut  laisser  passer 
quelques  jours  pour  cela. 

M.  de  Cordes  n'est  pas  encore  revenu  des  champs.  Au 
retour,  je  lui  parlerai  de  cette  bonne  femme  mariée. 

Je  m'en  vas  à  Grigny  voir  Madame  la  présidente 
Goussault  et  Madame  Le  Roux  en  sa  retraite.  J'espère 
être  ici  samedi  prochain  pour  une  petite  assemblée  de 
dimanche. 


Lettre  375.  —  L.   a.  —  Original  communiqué  par  M.  Honoré  Bou- 
quillard,    notaire    à    Nevers. 

1.  Voir  lettre  348  et  lettre  399,  note  2. 

2.  Saint-Germain-en-Laye. 


—  547  — 

Faites  votre  possible  pour  vous  bien  porter,  je  vous  en 
prie,  pour  l'amour  de  Notre-Seigneur. 

Je  suis,  en  son  amour,  votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Madame  la  chancelière  ^  m'a  baillé  huit  écus  pour  une 
chèvre.  Je  me  ressouviens  que  c'est  à  Mademoiselle  du 
Mée  qu'il  les  faut  bailler.  C'est  pour  les  enfants  trouvés. 

Suscriftion  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


376.  —  A  LOUIS  LEBRETON  ' 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  reçus  hier  au  soir  les  vôtres  du  quatre  et  du  douze 
du  mois  passé.  La  première  m'ôte  d'une  très  grande 
peine  que  j'avais  que  mon  paquet,  que  vous  accusez  par 
celle  du  quatre,  ne  fût  perdu.  Béni  soit  Dieu  de  ce  qu'il 
ne  l'est  pas  et  de  ce  que  vous  me  dites  par  vos  lettres  ! 
Voici  la  réponse  à  tous  vos  points. 

I.  Je  loue  Dieu  de  la  permission  de  confesser  que  vous 
avez  obtenue,  et  de  l'usage  que  vous  en  faites  à  l'égard 
des  pauvres,  des  prisonniers  et  des  gens  des  champs. 

3.    Madame    Séguier. 

Lettre  376.  —  Recueil  du  procès  de  béatification. 

1.  Louis  Lebreton,  né  à  Saint-Jean-sur-Erve  (Mayenne),  en  1591, 
reçu  dans  la  congrégation  de  la  Mission  le  8  mai  1638,  envoyé  à 
Rome  dans  les  premiers  mois  de  l'année  1639  pour  traiter  près  de  la 
cour  romaine  les  affaires  de  la  compagnie  et  particulièrement  la 
question  des  vœux.  Il  donna  plusieurs  missions  dans  la  campagne 
romaine,  où  sa  parole  obtint  un  plein  succès.  Sa  carrière  de  mission- 
naire fut  courte  et  bien  remplie.  Il  mourut  à  Rome  le  17  octobre  164 1. 
La  biographie  qui  lui  est  consacrée  dans  le  tome  II  des  Notices, 
pp.  205-222,  ne  renferme  aucun  détail  qu'on  ne  retrouve  dans  la 
correspondance  de  saint  Vincent. 


—  548  — 

2.  J'admire  la  providence  de  cette  Congrégation^ 
pour  les  missions  et  prie  le  souverain  pasteur  et  maître 
des  missions  d'en  tirer  de  la  gloire.  Y  a-t-il  danger  que 
vous  leur  disiez  tout  simplement  celle  de  deçà  ?  Ne 
pourriez-vous  point  par  ce  moyen  procurer  quelque  éta- 
blissement pour  cela  ?  Je  vous  ai  écrit  touchant  la 
petite  chapelle  hors  le  Vatican.  Elle  me  tente  plus  que 
la  cura  Quid  si  vous  faisiez  offre  à  Sa  Sainteté  ou  à 
quelque  évêque  de  battre  la  campagne  ?  et  je  vous  enver- 
rais quelqu'un  de  la  compagnie  pour  vous  suivre.  Je  vous 
ai  parlé  de  Monseigneur  le  cardinal  Bagni  '',  pource  que 
je  l'estime  des  plus  grands  prélats  que  je  connaisse  à 
l'Eglise,  et  que  j'ai  de  l'affection  fort  tendre  pour  lui  de 
le  servir,  et  qu'il  m'a  dit  d'autrefois  qu'il  nous  ferait 
l'honneur  de  se  servir  de  nous.  Jamais  je  n'ai  eu  tableau 
de  prélat  que  de  lui.  Sa  sagesse,  sa  bonté  et  l'affection 
dont  il  honorait  ici  notre  petite  compagnie  m'a  été 
l'image  de  la  sagesse  de  Dieu,  de  sa  bonté  et  de  l'œil 
dont  il  plaît  à  sa  divine  Majesté  d'honorer  notre  petite 
compagnie. 

3.  Que  vous  dirai-je  de  la  manière  d'agir  avec  ces 
Messieurs  les  ecclésiastiques  à  la  mission,  sinon  que  la 
charité  et  la  candeur  doivent  tenir  le  dessus  et  que  l'es- 
prit du  pays  requiert  précaution  ? 

4.  Vous  faites  bien  de  ne  manger  dehors  et  de  rece- 
voir la  rétribution  pour  la  messe.  En  attendant,  il  y  a  hu- 
milité à  en  user  de  la  sorte,  et  sagesse  pour  vivre  jusqu'à 
ce  que  vous  soyez  connu  ;  mais  je  pense  que  vous  ferez 
bien  de  distribuer  cette  rétribution  aux  pauvres. 

5.  J'attends  avec  désir,  pour  ne  pas  dire  avec  impa- 
tience, les  vues  de  votre  mission  et  de  la  manière  que  la 
chose  aura  été  reçue  au  retour. 


2.,    La  Propagande 

3.  Jean-François  Bagni,  ancien  nonce  en  France     (1627-1630). 


—  549  — 

6.  Guiilard  est  né  de  père  et  mère  catholiques.  C'est 
lui  qui  est  tombé  dans  l'hérésie  et  y  est  demeuré  trois 
ans.  C'est  maintenant  un  des  plus  fervents  de  la  com- 
pagnie. Nous  l'avons  envoyé  en  Lorraine  pour  y  assis- 
ter les  pauvres  corporellement  et  spirituellement,  lui 
sixième.  Il  n'a  pas  encore  quarante  ans  et  n'est  point 
docteur  ni  noble.  L'emploi  qu'il  a  en  Lorraine  mérite- 
t-il  point  un  extra  tenipora  *  ?  Monsieur  Parisos  l'a  ob- 
tenu pour  Lescar,  qui  n'a  point  aucune  de  ces  trois  qua- 
lités. 

7.  L'église  de  Richelieu  a  Notre-Dame  pour  titr.e  ou 
patron  '". 

8.  le  rendrai  ici  les  cent  livres  et  l'échange  au  répon- 
dant de  Monsieur  Marchand  ^  ou  l'enverrai  par  Mon- 
sieur Lumague  \  si  je  n'ai  ordre  à  qui  le  bailler  de  deçà. 

9.  Pour  l'affaire  de  Toul,  nous  sommes  ici  en  procès  *. 
Je  tâcherai  de  vous  envoyer  les  pièces  que  vous  me  de- 
mandez ;  on  en  a  besoin  pour  les  produire.  Je  verrai  l 
j'en  puis  avoir  une  copie  collationnée. 

10.  Pour  celui  de  Saint-Lazare,  nous  sommes  fondés 
en  arrêt  du  Parlement  ^  Monsieur  de  Paris  y  a  toujours 

4.  Privilège  de  recevoir  l'ordination  en  dehors  des  jours  fixés  par 
les  règles  canoniques. 

5.  L'évêque  de  Poitiers  avait  érigé  la  cure  de  Richelieu  par  acte 
du  27  mai  163S,  et  Urbain  VIII  avait  donné  son  approbation  ;  mais 
certaines  difficultés  retardèrent  jusqu'en  1645  l'enregistrement  de  la 
bulle   au  greffe   des  nominations   ecclésiastiques   du   Poitou. 

6.  Riche  banquier   avec   lequel   saint   Vincent   eut  sou\ent  à   traiter. 
7    André  Lumague,  un  des  principaux  banquiers  de  l'époque,  auque" 

eurent  plus  d'une  fois  recours  Marie  de  Médicis  et  le  cardinal  de 
Richelieu.  Chargé  en  1616  de  négocier  pour  la  reine  l'achat  de  la 
principauté    de    Monaco,    il    ne    réussit    pas    dans    sa   mission. 

8.  Voir  lettre  293,  note   i. 

9.  L'arrêt  du  parlement  pour  l'enregistrement  des  lettres  patentes 
confirmant  le  contrat  d'union  de  Saint-Lazare  est  du  7  septembre  1632. 
Le  Saint-Siège  avait  donné  son  consentement  le  15  mars  1635  ;  mais 
les  bulles  ne  furent  expédiées  que  le  18  avril  1655.  Les  prélats  de  la 
cour  romaine  hésitaient  encore  à  croire  en  1639,  malgré  les  preuves 
fournies  par  saint  Vincent,  que  la  collation  du  prieuré  dépendît  de 
l'archevêque  de  Paris. 


—  55°  — 

pourvu.  A  la  dernière  vacation,  il  y  en  a  eu  un  qui  prit 
brevet  du  roi  et  un  autre  de  Monsieur  l'archevêque, 
qui  est  Monsieur  le  prieur  d'aujourd'hui  ;  mais  il  lui  de- 
meura à  lui.  Il  est  vrai  que  c'est  par  accommodement  en- 
tre Monsieur  le  président  Janin,  qui  le  demanda  au  roi, 
et  Monsieur  Le  Bret,  conseiller  d'Etat  ^^  qui  l'obtint 
pour  Monsieur  le  prieur  ^^  de  mondit  sieur  de  Paris.  Et 
depuis,  Monsieur  le  prieur,  pour  s'affermir  contre  sa  com- 
mission ou  provision  déposable  ad  mituin,  a  fait  venir 
une  provision  de  Rome.  Hors  cela,  jamais  autre  n'a  pris 
provision,  que  je  sache,  que  des  évêques  de  Paris  ; 
encore  étaient-ce  des  commissions  ad  mitmn,  et  le  prieur 
comptait  tous  les  ans  devant  l'évêque  de  Paris. 

Quid  si  vous  écriviez  à  Monsieur  Gilioli  pour  lui  faire 
des  excuses  si  vous  ne  l'êtes  allé  voir,  comme  je  vous  ai 
témoigné  que  je  serais  fort  aise  que  vous  passassiez  à 
Ferrare  pour  le  voir  et  l'assurer  qu'il  tient  toujours  la 
même  place  d'estime  et  d'affection  dans  le  cœur  de  la 
compagnie  que  ci-devant,  et  pour  lui  donner  de  nos 
nouvelles  ? 

L'on  doute  ici  que  l'autel  privilégié  qu'il  a  plu  à  Sa 
Sainteté  nous  accorder  pour  Saint-Lazare  soit  valable, 
pource  qu'il  arrive  parfois,  quoique  rarement,  qu'il  ne  s'y 
dit  que  trois  ou  quatre  messes  par  jour.  Je  dis  rarement 
L'on  pense  néanmoins  qu'il  serait  bon  qu'il  plaise  à  Sa 
Sainteté  de  diminuer  le  nombre  de  sept  messes  par  jour 
à  trois  ou  quatre.  Conférez-en,  s'il  vous  plaît. 

J'ai  envoyé  vos  indulgences  à  Jouy.  Je  ne  vous  dirai 
rien  de  votre  affaire  pour  le  présent,  je  dis  pour  celui 
pour  lequel  vous  êtes  allé,  sinon  que,  toutes  choses  pesées 
et  considérées,  je  pense  qu'il  faudra  tendre  à  l'affermis- 


10.  Julien   Le    Bret,    seigfneur   de   Flacourt,    conseiller   au   parlement 
en    1635,    |>nis   conseiller   d'Etat,    mort   en    avril    1688. 

11.  Adrien    T.e    Bon. 


—  551  — 

sèment  entier,  pource  qu'il  y  a  des  raisons  que  je  vous 
dirai,  dont  en  voici  une  pressante,  c'est  que  je  viens  de 
voir  tout  présentement  un  de  la  compagnie,  des  meil- 
leurs entre  tous,  des  plus  employés  et  un  esprit  des  plus 
doux,  et  lequel  est  néanmoins  dans  une  volonté  déter- 
minée depuis  huit  jours  de  se  retirer,  sans  m'en  dire 
aucune  raison  particulière,  quelque  représentation,  ins- 
tance et  humiliation  que  j'aie  pu  pratiquer  vers  lui.  Et 
ce  qui  est  le  plus  étrange,  c'est  que  sa  vocation  paraît 
toute  de  Dieu,  qu'il  est  exemple  fort  grand  à  la  compa- 
gnie  et  qu'il  est  affermi  en  icelle  en  la  manière  que  plu- 
sieurs particuliers  et  plus  anciens  ont  fait,  comme  vous 
savez,  cest-à-dire  par  vœu  ^^. 

Après  cet  exemple-là,  je  ne  saurais  de  qui  l'on  se  puisse 
assurer.  Je  ne  vous  le  nomme  point,  pource  que  je  ne  l'ai 
encore  dit  à  personne  de  céans. 

Nous  avons  entrepris,  avec  l'aide  de  Notre-Seigneur, 
l'assistance  des  pauvres  gens  qui  sont  en  Lorraine  '^  et 


12.  Nous  ne  pouvons  certifier  l'exactitude  de  ces  deux  derniers 
mots.    La   copie  est  illisible. 

13.  La  guerre,  la  peste  et  la  famine  s'acharnaient  sur  les  n-ia'heu- 
icux  habitants  de  la  Lorraine.  Les  bandes  de  brigands  s'y  multi- 
pliaient à  tel  point  que  les  habitants  des  villages  étaient  ob'igés  de 
chercher  un  refuge  dans  les  villes  fortifiées.  Les  terres  demeuraient 
incultes  et  les  denrées  étaient  à  des  prix  inabordables.  Près  de  quatre- 
vingts  bourgs  et  villages  se  vidèrent  de  tous  leurs  habitants.  On  vit 
une  femme  tuer  et  dévorer  sa  mère,  des  filles  égorger  des  enfants 
et  se  nourrir  de  leur  chair.  En  divers  lieux,  la  chair  humaine  était 
devenue  une  nourriture.  Les  religieuses  durent  émigrer,  comme  les 
autres,  pour  ne  pas  mourir  de  faim.  Bon  nombre  de  Lorrai'-'s  vin- 
rent à  Paris,  comptant  y  lutter  plus  facilement  contre  la  misère, 
c  Pour  rencontrer  une  pareille  désolation,  écrit  Digot  {Histoire  de 
la  Lorraine,  2^  éd.,  Nancy,  1880,  5  vol.  in-8,  t.  V,  p.  277),  il  fallait 
remonter  jusqu'à  H  guerre  des  Juifs  contre  les  Romains  et  au  sac 
de  Jérusalem  par  les  soldats  de  Titus.  j>  Saint  Vincent  se  sentit  le 
cœur  ému  au  récit  de  tant  de  souffrances.  Il  quêta  partout  pour  les 
pauvres  Lorrains,  à  la  cour,  dans  les  palais,  dans  les  maisons  bour- 
geoises. Il  leur  fit  porter  par  ses  prêtres  et  par  ses  frères  du  pain, 
des  habits,  des  outils,  de  l'argent.  Il  offrit  des  abris  sûrs  aux  jeunes 
filles  et  aux  religieuses  dont  la  vertu  était  plus  particulièrement  ex- 


—  552  — 

y  avons  envoyé  Messieurs  Bécu  et  Rondet  ^',  FF.  Guil- 
lard,  Aulent  ^'%  Baptiste  '"  et  Bourdet  '',  deux  en  chaque 
ville  de  Toul,  Metz,  Verdun  et  Nancy.  J'espère  leur  four- 
nir deux  mille  livres  par  mois. 

Nous  achevâmes  hier  la  mission  que  nous  avons  faite 
à  La  Chapelle,  qui  est  auprès  de  Saint-Lazare,  où  nous 
avons  fait  assembler  tous  les  pauvres  Lorrains  qui  se 
sont  trouvés  en  cette  ville,  et  l'on  a  donné  un  pain  à 
chacun  par  jour  pendant  huit  jours  à  environ  trois  cents 
qu'ils  étaient  ^^ 

Or  sus,  voilà  tout.  Je  finis  en  me  recommajidant  à  vos 
saints  Sacrifi.ces  en  ces  saints  lieux.  J'espère  vous  écrire 
désormais  par  tous  les  courriers  et  que  Notre- Seigneur 
se  servira  de  vous  en  maintes  bonnes  œuvres,  si  vous 
avez  soin  de  votre  santé,  comme  je  vous  en  supplie,  qui 


posée.  Il  se  forma  à  Paris,  sur  son  initiative,  dans  la  classe  aisée,  une 
association  qui  avait  pour  but  exclusif  de  venir  en  aide  par  des  coti- 
sations mensuelles  aux  nobles  I^orrains  ruinés.  Abelly  a  consacré  tout 
un  chapitre  de  son  ouvrage  (t.  i,  chap.  xxxv)  à  raconter  ce  que  saint 
Vincent  a  fait  pour  secourir  la  Lorraine. 

14.  Ne  faudrait-il  pas  lire  Boudet  ?  Le  nom  de  Rondet  n'apparaît 
qu'ici  et  ne  figure  pas  dans  le  catalogue  du  personnel. 

15.  Charles  Aulent,  né  à  Ath,  ville  du  Hainaut  (Belgique)  le 
I*'  février  1614,  entré  dans  la  congrégation  de  la  Mission  à  la  fin 
de  1636,  ordonné  prêtre  en  1640,  reçu  aux  vœux  le  11  décembre  1644. 
Il  dirigea  la  maison  de  Toul  de  1646  à  1647,  année  de  sa  mort. 

16.  Jean-Baptiste  de  l'Estoile,  né  à  Bar-le-Duc,  reçu  dans  la  con- 
grégation  de  la  Mission   le   i®''   avril   1637,  à   l'âge  de  vingt-deux   ans. 

17.  Deux  clercs  de  la  Mission  portaient  alors  ce  nom  :  Jean  Bour- 
det, né  à  Saint-Babel  (Puy-de-Dôme)  le  14  mai  1614,  entré  dans  la 
congrégation  de  la  Mission  à  la  fin  de  1636,  ordonné  prêtre  en  1640, 
reçu  aux  vœux  en  1643,  supérieur  à  Troyes  de  1642  à  1644  et  à  Saint- 
Méen  de  1645  ^  1646  ;  Etienne  Bourdet,  né  au  même  lieu  le  27  avril 
161 5,  entré  dans  la  congrégation  de  la  Mission  le  9  octobre  1638,  or- 
donné prêtre  le  2  juin  1640,  supérieur  à  Toul  de  i64r  à  1642,  reçu 
aux   vœux    le    10  juin    1648. 

18.  Abelly,  qui  rappelle  les  deux  missions  données  à  La  Chapelle 
au  carême  des  années  1641  et  1642  en  faveur  des  pauvres  Lorrains 
réfugiés  à  Paris  (of.  cit.,  t.  I,  chap.  xxxv,  i"*  éd.,  p.  166  ;  t.  II, 
chap.  XI,  sect.  i,  p.  386),  semble  ignorer  la  mission  de  1639.  Les 
missionnaires  furent  aidés  par  des  personnes  de  condition,  qui  vin- 
rent distribuer  des  aurhônes. 


~    553  — 

SUIS,  en  son  amour  et  celui  de  sa  sainte  Mère,  Monsieur, 
votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

De  Paris,  ce   lo  mai   1639. 

Suscription  :  A  Monsieur  Monsieur  Lebreton,  prêtre 
de  la  Mission,  à  Rome. 


377.    —   A  ROBERT   DE    SERGIS,   PRÊTRE   DE    LA   MISSION, 
A  TOULOUSE 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

J'ai  reçu  la  vôtre  il  y  a  quatre  jours, .mais  je  l'ai  per- 
due et  ne  me  ressouviens  pas  de  tout  ce  que  vous  me 
mandez.  Voici  ce  qui  me  ressouvient  :  i"  que  vous 
travaillez  avec  bénédiction  ;  2°  que  j'ai  manqué  à  vous 
répondre  à  deux  points  de  votre  pénultième  ;  3°  que 
vous  auriez  jugé  expédient  de  [ne  pas]  ^  proposer  à  Mon- 
seigneur l'archevêque  -  ce  que  je  vous  ai  mandé  du 
louage  de  la  maison  et  des  ordinands  qu'on  vous  fera 
ordonner  par  ^lonseigneur  l'archevêque  ;  d'aller  en 
Saintonge. 

Or,  je  vous  dirai  pour  réponse  au  premier  point,  que 
je  loue  Dieu  de  la  bénédiction  qu'il  donne  à  vos  mis- 
sions et  le  prie  qu'il  vous  forti&e  de  plus  en  plus  le  corps 
pour  travailler,  et  l'esprit  pour  le  mieux  aimer   ; 

2°  Que  je  suis  bien  fâché  d'avoir  oublié  ces  deux 
points  en  ma  pénultième,  que  je  vous  en  demande  très 


Lettre  377.   —  L.  a.   —  Dossier  de  la   Mission,  original. 

1.  Saint   Vincent   a   sans   nul   doute   oublié   ces   deux  mots,    que   la 
suite  de  la  lettre  semble  réclamer. 

2.  Charles  de  Montchal. 


—  554  — 

humblement  pardon  et  que  j'espère  que  Notre-Seigneur 
me  fera  la  grâce  de  m'amender  ; 

3°  Que  tout  ce  que  vous  me  mandez  pour  raison  de 
n'avoir  pas  fait  les  propositions  du  logement  et  des  or- 
dinands,  ne  vous  devait  pas  empêcher  de  les  faire,  pource 
que  ce  ne  sont  que  productions  naturelles  de  l'esprit 
humain,  qui  raisonne  pour  l'ordinaire  selon  ses  disposi- 
tions, et  qu'il  s'agit  ici  non  pas  du  désir  de  s'établir, 
comme  vous  dites,  mais  de  faire  le  bien  que  je  vous  ai 
proposé  ^,  que  l'adorable  providence  de  Dieu  a  suggéré 
à  une  bonne  âme,  qui  en  désire  faire  la  dépense,  et  qu'on 
ne  devait  pas  espérer  moins  de  bénédiction  de  delà  que 
la  bonté  de  Dieu  en  donne  de  deçà  aux  ordinands, 
quoique  les  esprits  soient  élevés  et  méprisent  pour  l'or- 
dinaire les  choses  médiocres.  Cela  aurait  été  bon  à  juger 
à  Monseigneur  l'archevêque,  et  à  nous  à  respecter  son 
jugement  et  ses  volontés  et  à  nous  y  soumettre,  comme 
je  fais  en  cela  au  vôtre,  vous  disant  cependant  tout  sim- 
plement. Monsieur,  que  nul  de  la  Compagnie  n'a  ja- 
mais fait  difficulté  d'aucune  chose  que  je  lui  ai  écrite, 
qu'un  qui  m'écrivit  des  difficultés  et  ne  laissa  pas  de 
faire  ce  que  je  lui  écrivais,  et  un  autre  qui,  par  son  pro- 
pre jugement,  a  fait  difficulté  de  signer  un  accord  que 
j'avais  fait,  et  m'en  manda  quantité  de  raisons  et  d'ex- 
cuses et  m'en  fit  écrire  par  d'autres  ;  à  cause  de  quoi 
nous  avons  un  grand  procès  au  Conseil,  que  nous  ne  pou- 
vons soutenir  qu'avec  risque  de  perdre  un  établissement 
et  avec  honte  *. 

O  Monsieur  de  Sergis,  que  la  soumission  d'esprit  à 
un  supérieur  est  une  grande  pièce  !  J'avoue  que  la  con- 
naissance que  vous  avez  de  mes  misères  et  de  la  gravité 
de  mes  péchés  vous  ôte  la  confiance  ;  mais  celui  qui  a 

3.  Première  rédaction    :    de   faire   le  bien    dont   il   s'agit. 

4.  Il    s'agit  probablement   de    l'établissement    de    Toul   et    d'Antoine 
Colée,  qui  en  fut  supérieur  de   1637  à   1638. 


—  555  — 

dit  :  quaecumque  dixerint  vobis  facile,  s'est  obligé  par  là 
sans  doute  à  suggérer  la  lumière  suffisante  à  ceux  qu'il 
oblige  d'obéir  ;  et  je  pense  n'avoir  jamais  vu,  ni  ouï  dire 
que  l'inférieur  ait  manqué  en  obéissant  au  supérieur  en 
choses  qui  ne  sont  pas  mauvaises  ;  mais  si  bien  pour  l'or- 
dinaire de  ceux  qui  leur  désobéissent.  Vous  vous  êtes 
proposé  de  prendre  pour  patron  saint  François  Xavier. 
Au  nom  de  Dieu,  Monsieur,  faites-le  particulièrement 
à  l'égard  de  l'obéissance  et  n'estimez  pas  que  Notre-Sei- 
gneur  ait  moins  agréable  celle  que  vous  rendrez  à  un 
pauvre  misérable  pécheur,  que  celle  qu'il  rendait  à  un 
saint,  le  faisant,  comme  lui,  pour  l'amour  de  Dieu,  qui  se 
plaît  que  les  choses  aillent  ainsi  et  qui  se  déplaît  du  con- 
traire. Nous  en  parlerons  plus  particulièrement  lorsque 
j'aurai  le  bien  de  vous  voir  de  delà,  oh  j'espère  m'en 
aller  bientôt  avec  M.  d'Alet,  qui  attend  ses  bulles  et 
espère  partir  bientôt  après.  Cela  fait  que  je  vous 
prie  de  ne  pas  sortir  de  l'archevêché  de  Toulouse  pour 
aller  en  Saintonge  ni  ailleurs,  qui  est  le  dernier  point 
de  votre  lettre. 

Je  suis  cependant,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Mon- 
sieur, votre  très  humble  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce   13  mai   1639. 

378.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

LEntre  i635  et  i63q  '.] 
Mademoiselle, 

Je  ne  pus  vous  faire  réponse  hier,  pource  que  je  fus 
saigné,  ni  ce  matin,  pource  que  j'avais  pris  médecine. 

Lettre  378.  —  Pémartin,  o-p.  cit.,  t.  II,  p.  3,  lettre  522.  Les  der- 
nières lignes,  depuis  «  Je  vous  envoie  la  lettre  »  sont  reproduites  dans 
le   manuscrit   Saint-Paul,   p     69. 

I.    Cette   lettre  a   été   écrite  du   vivant    de    Mme   Goussault,    en  un 


-  556  - 

Je  vous  dirai,  en  peu  de  mots,  touchant  le  logement 
de  ^Monsieur  votre  fils,  que  j'estime,  toutes  choses  consi- 
dérées, de  le  metttre  avec  M.  Rebours,  s'il  demeure  et 
ne  change  de  logis  ;  mais,  s'il  le  fait,  je  ne  vois  rien  de 
mieux  que  M.  Coqueret.  La  hantise  d'autres  ecclésiasti- 
ques lui  serait  à  difficulté  ou  inutile.  Je  sais  que  vous 
avez  beaucoup  de  choses  contre  ce  dernier  et  que  j'ai 
prévues  ;  néanmoins  voilà  ma  pensée.  M.  Rebours  ^  ne 
quittera  pas  si  tôt  son  logis  ;  quand  bien  même  il  quit- 
terait, jouissez  de  ce  temps-là  ;  l'on  verra  puis  après.  Il 
sera  bon  cependant  que  vous  le  laissiez  revenir  à  vous, 
si  vous  voulez  que  la  correction  que  vous  lui  fîtes  ces 
jours  passés,  lui  profite. 

Je  vous  envoie  la  lettre  de  Madame  Goussault,  que 
je  viens  de  recevoir. 

Mandez-moi  vos  pensées  sur  le  fait  de  vos  filles,  tant 
pour  ce  lieu-là  que  pour  le  pays  en  Auvergne. 

Si  vous  étiez  brave  femme,  vous  vous  feriez  quitte  de 
vos  petits  amusements  et  tendretés  maternelles,  et  vous 
fortifieriez  le  corps  et  l'esprit  en  vue  de  tant  d'occa- 
sions de  bien  faire.  Faites-le,  au  nom  de  Dieu,  Made- 
moiselle. Dieu  sait  ce  que  je  vous  suis  et  ce  que  vous 
m'êtes  et  que  je  suis... 

Je  vous  prie  de  me  faire  réponse  ce  soir. 


temps  où    Michel  Le   Gras   semblait   disposé   à  renoncer  à  la   carrière 
sacerdotale. 

2.  Le  Père  Hilarion  Rebours,  chartreux,-  était  cousin  germain  du 
mari  de  Louise  de  Marillac.  (Cf.  Gobillon,  of.  cit,,  p.  21.)  Il  s'agit 
ici  d'un  autre  Rebours,  peut-être  d'Antoine  Rebours,  né  en  1591,  qui  se 
retira  à  Port-Royal  en  1640,  reçut  le  sacerdoce  en  1642,  sur  les  con- 
seils de  Saint-Cyran,  dirigea  les  religieuses  du  Port-Royal,  et  mou- 
rut  le   16  août   1661,   à   l'âge  de  soixante-neuf  ans. 


—  557  — 

379.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

LEntre  i635  et  lôSg'.J 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour  ja- 


mais 


Béni  soit  Dieu  de  ce  que  vous  voilà  hors  votre  grand 
mal  et  de  ce  que  vous  vous  êtes  conservée  aujourd'hui 
sans  aller  à  la  messe  !  Je  vous  supplie,  pour  l'amour  de 
Notre-Seigneur,  d'avoir  soin  de  votre  santé  et  de  n'y 
rien  épargner. 

Si  vous  avez  besoin  de  l'argent,  mandezle-moi  ;  peut- 
être  vous  est-il  même  dû  quelque  chose.  Je  le  saurai  ds 
M.  Dehorgny  et  de  vous,  s'il  vous  plait. 

J'ai  vu  cette  allé  et  ne  sais  que  vous  en  dire,  sinon 
qu'il  me  semble  que  votre  expédient  de  la  voir  trois  ou 
quatre  jours  avant  qu'elle  entre,  est  bon.  Je  lui  ai  baillé 
à  cet  effet   demi-écu  pour  vivre. 

]\I.  votre  double  cousin  de  Rebours  vint  hier  céans. 
Nous  demeurâmes  d'accord  que  le  bien  de  M.  votre  fils 
est  l'état  ecclésiastique  ;  secondement,  que  ses  com- 
plexions  semblent  plutôt  y  tendre  qu'au  monde  ;  3°  que 
ce  peut  être  ce  jeune  homme  qui  a  brouillé  sa  fantaisie 
sur  cela  et  que  cela  lui  a  fait  revenir  les  petites  aversions 
de  la  communauté  de  Saint-Nicolas  -  ;  mais  que,  les  cho- 
ses lui  étant  bien  représentées,  la  raison  reprendra  sa 
place  ;  qu'il  y  a  danger  de  favoriser  sa  fantaisie  que  de 
lui  donner  un  habit  court,  si  ce  n'est  allant  à  la  cam- 
pagTie  ;  encore  faudra-t-il  qu'il  soit  modeste.  Que  si 
après  tout  cela  il  persévère,  in  nomine  Doinini,  il   fau- 


Lettre  379.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles   de  la   Charité,  original. 

1.  Période  des  hésitations  de  Michel   Le  Gras  sur  sa  vocation. 

2.  Saint-Nicolas-du-Chardonnet. 


-558  - 

dra  donner  les  mains.  Mais  que  d'aller  facilement  ac- 
quiescer au  renversement  des  dispositions  qu'il  a  fait 
paraître  toute  sa  vie  qu'il  avait  d'être  ecclésiastique,  en 
suite  de  l'altération  que  ce  jeune  homme  débauché^  a 
faite  en  son  esprit,  que  je  ne  pense  pas  cela  à  propos. 
Soyez  donc,  s'il  vous  plaît,  en  repos  de  ce  côté-là,  Made- 
moiselle. Notre-Seigneur  conduira  le  tout.  N'ayez  pas 
peur  et  ne  nous  hâtons  pas. 

Je  me  porte  assez  bien,  Dieu  merci,  et  suis,  en  l'amour 
de  N.-S.,  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
à  La  Chapelle. 


380.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre   1636  et   1639  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  suis  ravi  d'aise  de  ce  que  Notre-Seigneur  vous  for- 
tifie dans  la  retraite  ;  mais,  au  nom  de  Dieu,  ne  le  tentons 
point.  Finissez  à  ce  soir  et  ajoutez  à  votre  confession  ce 
qui  s'est  passé  depuis,  et  cela  succinctement  ;  vous  y  êtes 
un  peu  trop  longue  et  souhaite  que  vous  appreniez  à  vos 
filles  d'être  plus  courtes.  Il  suffit  qu'elles  s'accusent  de 
trois  ou  quatre  défauts  qui  leur  font  plus  de  confusion. 


3.  Serait-ce  le  comte  de  Mony,  qui  exerça  une  fâcheuse  influence 
sur  l'esprit  de  Michel  Le  Gras  et  dont  Louise  de  Marillac  se  plaint 
dans  une  de  ses  lettres  (Lettres  de  Louise  de  Marillac,  lettre  152), 
postérieure,   il  est  vrai,  de  quelques  années  à  celle-ci? 

Lettre  380.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original. 

I.   Avant    1636,    Louise  de    Marillac  n'était   pas  à   La  Chapelle,   et 

après  1639,  saint  Vincent  n'aurait  pas  écrit  «  Ce  jeudi  matin  »  à  la 
fin  de  la  lettre. 


—  559  — 

Je  pense  que  les  pauvres  filles  ne  font  point  de  péché 
mortel,  Dieu  merci,  et  il  suffit  qu'on  s'accuse  de  deux  ou 
trois  péchés  véniels,  voire  même  d'un,  pource  qu'il  est 
matière  suffisante  et  non  nécessaire  de  la  confession. 

Je  n'ai  reçu  votre  paquet  que  hier  au  soir,  pource  que 
je  couchai,  la  nuit  passée,  aux  Bons-Enfants,  et  n'ai  pu 
voir  encore  vos  médi[tations.  Je  le]  ferai  au  plus  tôt 
avec  plaisir.  Et  pour  votre  confession,  j'irai  à  la  Cha- 
pelle, si  je  le  puis,  samedi  prochain. 

Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  vous  souhaite  un  cœur  tout 
plein  de  celui  de  Notre-Seigneur  et  suis,  en  l'amour  du 
même  J.-C,  Mademoiselle,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  D.  P. 
Ce  jeudi  matin. 

Je  pense  que  vous  ferez  bien  d'attendre  après  les  exer- 
cices à  voir  les  fautes  de  vos  ûUes  et  à  les  en  reprendre. 
Il  faut  penser  à  un  chapitre. 

Suscriftion  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

381.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC  ' 

Je  ne  vous  puis  indiquer  d'autre  cause  de  votre  mal 
que  celle  du  bon  plaisir  de  Dieu.  Adorez-le  donc,  ce  bon 
plaisir,  sans  vous  enquérir  d'oiî  vient  que  Dieu  se  plaît 
de  vous  voir  en  l'état  de  souffrance.  Il  est  souveraine- 
ment glorifié  de  notre  abandon  à  sa  conduite,  sans  dis- 
cussion de  la  raison  de  sa  volonté,  si  ce  n'est  que  sa 


Lettre  381.  —  Abeily,  op.   cit.,  t.  III,  chap.  v,  sect.   i,  p.  37. 

I.  Abeily  fait  précéder  la  lettre  de  ces  mots  :  a  Cette  même  demoir 
selle  étant  un  jour  malade,  lui  écrivit  pour  le  prier  de  l'avertir  du 
mal  de  son  âme,  qui  causait  celui  de  son  corps.  »  Bien  qu'Abelly 
taise  le  nom  de  la  demoiselle,  nul  doute  qu'il  ne  s'agisse  de  Louise 
de  Marillac,  toujours  portée  à  voir  la  punition  de  fautes  passées  dans 
les  épreuves  ou   les  souffrances  que   Dieu   lui   envoyait. 


—  56o  — 

volonté  est  sa  raison  même  et  que  sa  raison  est  sa  vo- 
lonté. Enfermons-nous  donc  là  dedans  de  la  façon  que 
fit  Isaac  au  vouloir  d'Abraham  et  Jésus-Christ  au  vou- 
loir de  son  Père. 


382.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre- Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  ne  puis  vous  exprimer  la  douleur  que  j'ai  de  celle 
que  vous  souffrez  encore  par  le  retour  de  votre  mal  de 
tête.  Mon  Dieu,  Mademoiselle,  serait-ce  point  l'air  de 
La  Chapelle  qui  vous  cause  ce  mal  ?  Je  vous  supplie 
d'en  prendre  l'avis  du  médecin,  et,  si  cela  est,  d'en  sortir 
au  plus  tôt  et  de  prendre  une  maison  dans  notre  fau- 
bourg, s'il  y  en  a  à  louer,  ou  dans  la  ville.  Et  si  tant  est 
que  vous  n'en  trouviez  point  à  louer  présentement  et  que 
celle  de  Mademoiselle  Poulaillon  soit  encore  en  état, 
voyez  si  elle  la  vous  voudrait  prêter  pour  quelque  temps, 
pendant  lequel  vous  en  trouverez  quelque  autre.  Je  vous 
supplie.  Mademoiselle,  de  faire  cela  au  plus  tôt  et  tout 
votre  possible  pour  vous  bien  porter. 

Mon  Dieu,  que  j'ai  eu  de  la  peine  de  m'en  venir  sans 
vous  voir  et  que  j'en  ai  de  plus  demeurer  que  je  ne  pen- 
sais ^  !  Oh  bien  !  votre  charité  me  pardonnera  celle-ci 
comme  elle  est  accoutumée  d'en  supporter  tant  d'autres. 
Soyez  cependant  la  plus  gaie  qui  vous  sera  possible,  et 
n'omettez  point  chose  quelconque  pour  votre  santé,  pour 
l'amour  de  celui  qui  vous  aime  tant  qu'il  a  donné  sa 
vie  pour  vous. 


Lettre  382.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.  Le  saint  était  allé  à  Troyes  faire  la  visite  de  la  maison  des  mis- 
sionnaires. 


-  56i  - 

Je  suis  encore  ici  pour  sept  ou  huit  jours,  passés  les- 
quels j'espère  être  au  plus  tôt  à  Paris  -,  et  m'en  vas  célé- 
brer la  sainte  messe  à  ce  qu'il  plaise  à  Dieu  que  je  vous 
trouve  bien  guérie  et  bien  gaie  pour  le  servir  longuement 
dans  l'œuvre  auquel  sa  bonté  vous  a  appelée. 

Je  suis  un  peu  en  peine  de  la  santé  de  Madame  la 
présidente  Goussault.  Je  vous  prie  de  m'écrire  deux  li- 
gnes de  la  disposition  de  lune  et  l'autre ^  qui  suis,  en 
son  amour,  Mademoiselle,  votre  très  humble  et  obéissant 
serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Troyes,  ce  4  juillet  1639. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
à  La  Chapelle. 

383.  —  A  SAINTE  JEANNE  DE  CHANTAL 

De  Troyes,  ce  14  iuillet  163g. 
Ma  très  chère  et  très  digne  Mère, 

La  grâce  de  Xotre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Etant  venu  en  cette  ville  de  Troyes,  avec  M.  le  com- 
mandeur de  Sillery,  pour  y  visiter  la  petite  famille  que 
nous  avons  dans  ce  diocèse,  j'ai  vu,  par  celle  qu'il  y  a 
reçue  de  vous,  ma  très  digne  Mère,  la  réponse  que  vous 
lui  faites  sur  la  proposition  de  sa  fondation  de  deux 
de  notre  petite  compagnie  pour  travailler  parmi  les 
pauvres  gens  des  champs  de  votre  diocèse  ^. 

2.  Saint  Vincent  était  encore  à  Troyes  le  28  iuillet. 

3.  Madame  Goussault  et  Louise  de  Marillac. 

Lettre  383.  —  L.  a.  —  Original  au  monastère  de  la  Visitation 
d'Annecy. 

I.  Ce  fut  encore  grâce  aux  largesses  du  commandeur  de  Sillery  que 

36 


—  562  — 

Or,  je  vous  dirai,  ma  très  digne  Mère,  que  j'ai  reçu, 
avec  une  consolation  que  je  ne  vous  peux  exprimer,  la 
proposition  que  m'a  faite  le  commandeur  de  cette  fon- 
dation, tant  pource  qu'il  nous  donne  le  moyen  de  travail- 
ler dans  le  diocèse  des  saints,  que  pource  que  c'est  à 
l'abri  et  par  la  direction  de  notre  digne  mère  et  que  par 
conséquent  nous  avons  sujet  d'espérer  que  Notre-Sei- 
gneur  bénira  les  saintes  intentions  du  bon  Monsieur  le 
commandeur  et  les  petits  travaux  de  ses  missionnaires. 

Et  pource  que  vous  désirez  savoir  en  quoi  consiste 
notre  petite  manière  de  vie,  je  vous  dirai  donc,  ma  très 
digne  Mère  : 

Que  notre  petite  compagnie  est  instituée  pour  aller 
de  village  en  village  à  ses  dépens,  prêcher,  catéchiser  et 
faire  faire  confession  générale  de  toute  la  vie  passée 
au  pauvre  peuple  ;  de  travailler  à  l'accommodement  des 
différends  que  nous  y  trouvons,  et  de  faire  notre  possible 
à  ce  que  les  pauvres  malades  soient  assistés  corporelle- 
ment  et  spirituellement  par  la  confrérie  de  la  Charité, 
composée  de  femmes,  que  nous  établissons  aux  lieux 
oii  nous  faisons  la  mission,  et  qui  le  désirent   ; 

Qu'à  cet  emploi,  qui  est  notre  capital,  et  pour  le 
mieux  accomplir,  la  providence  de  Dieu  a  ajouté  celui 
de  retirer  chez  nous  ceux  qui  doivent  prendre  les  ordres, 
dix  jours  avant  l'ordination,  les  nourrir  et  entretenir  et 
leur  enseigner  pendant  ce  temps-là  la  théologie  pratique, 
les  cérémonies  de  l'Eglise  et  à  faire  et  pratiquer  l'oraison 


l'établissement  d'Annecy  fut  fondé.  Par  contrat  du  3  juin  1639,  il  don- 
nait à  saint  Vincent  40.000  livres,  à  prendre  s'ir  les  aides  de  Melim, 
pour  l'entretien  de  deux  prêtres  et  d'un  frère  en  état  de  donner  des 
missions,  plus  5.000  livres  pour  l'achat  de  chapelets  et  de  feuilles  "u 
brochures  de  piété.  Les  missionnaires  devaient  se  trouver  à  leur  poste 
avant  le  15  septembre  et  travailler  gratuitement  pendant  huit  mois  de 
l'année  dans  les  paroisses  que  l'évêque  leur  désignerait,  et  tous  les 
cinq  ans,  à  partir  de  1641,  à  Brie-Comte-Robert  en  Seine-et-Marne. 
(Cf.  Arch.   Nat.   S    6716.) 


—  5^3  — 

mentale  selon  la  méthode  de  notre  bienheureux  Père 
Monseigneur  de  Genève  ',  et  cela  à  l'égard  de  ceux 
qui  sont  du  diocèse  où  nous  sommes  établis   ; 

Que  nous  vivons  dans  l'esprit  des  serviteurs  de  l'Evan- 
gile à  l'égard  de  nos  seigneurs  les  évêques,  lesquels  nous 
disant  :  ((  Allez  là  »,  nous  y  allons  ;  ((  venez  ici  »,  nous 
y  venons  ;  <(  faites  cela  »,  nous  le  faisons  ;  et  cela  pour 
ce  qui  regarde  les  fonctions  ci-dessus  ;  et  pour  le  regard 
de  la  discipline  domestique  de  la  congrégation,  elle  dé- 
pend d'un  supérieur  général  ; 

Que  la  plupart  d'entre  nous  avons  fait  les  trois  vœux 
de  pauvreté,  de  chasteté  et  d'obéissance,  un  quatrième 
de  nous  appliquer,  toute  notre  vie,  à  l'assistance  du  pau- 
vre peuple,  et  que  nous  travaillons  à  les  faire  approuver 
par  Sa  Sainteté  ^  et  demandons  permission  d'en  faire 
un  cinquième,  qui  est  l'obéissance  à  nos  seigneurs  les 
évêques  dans  le  diocèse  desquels  nous  sommes  établis, 
à  l'égard  des  fonctions  susdites  *  ; 

Que  nous  sommes  en  la  pratique  de  la  pauvreté  et  de 
l'obéissance  et  travaillons,  par  la  miséricorde  de  Dieu, 
à  vivre  religieusement,  quoique  nous  ne  soyons  pas  re 
ligieux.  Nous  nous  levons,  le  matin,  à  quatre  heures, 
employons  une  demi-heure  à  nous  habiller  et  à  faire 
notre  lit,  faisons  une  heure  d'oraison  mentale  ensemble 
à  l'église,  récitons  prime,  tierce,  sexte  et  none  ensemble  ; 
puis  nous  célébrons  nos  messes,  chacun  à  son  rang  ; 
cela  fait,  chacun  se  retire  à  sa  chambre  pour  étudier.  A 
dix  heures  et  demie,  l'on  fait  un  examen  particulier  sur 
la  vertu  qu'on  tâche  d'acquérir  ;  puis  l'on  s'en  va  au 
réfectoire,  oià  l'on  dîne,  avec  portion  et  lecture  de  table  ; 
cela  fait,  l'on  va  adorer  le  Saint-Sacrement  ensemble  et 


2.  Saint  François  de  Sales. 

3.  Urbain  VIII. 

4.  Ce  projet  ne  se  réalisa  pas. 


—  564  — 

dire  VAjtgelus  Doniini  nuntiavit  Mariae,  etc.,  et  l'on 
fait  ensuite  lUie  heure  de  récréation  ensemble  ;  après 
quoi  chacun  se  retire  à  sa  chambre  jusqu'à  deux  heures, 
qu'on  récite  vêpres  et  complies  ensemble.  Après  cela,  l'on 
retourne  étudier  à  sa  chambre  jusqu'à  cinq  heures,  qu'on 
récite  matines  et  laudes  ensemble.  Puis  l'on  fait  un 
autre  examen  particulier,  et  l'on  soupe  ensuite  et  puis 
l'on  fait  une  heure  de  récréation,  laquelle  achevée,  on 
va  à  l'église  faire  l'examen  général,  les  prières  du  soir 
et  la  lecture  des  points  de  l'oraison  du  lendemain  au 
matin.  Cela  fait,  Ton  se  retire  à  sa  chambre  et  se  couche 
à  neuf  heures. 

Quand  nous  sommes  en  mission  à  la  campagne,  nous 
faisons  de  même,  à  cela  près  qu'on  va  à  l'église  à  six 
heures  du  matin  pour  célébrer  la  sainte  messe  et  con- 
fesser, en  suite  de  la  prédication  qu'un  de  la  compagnie 
vient  de  faire  en  suite  de  la  sainte  messe  qu'il  a  dite 
auparavant  ;  l'on  confesse  jusques  à  onze  heures  ;  puis 
l'on  s'en  va  dîner  et  l'on  retourne  à  l'église  à  deux  heures 
pour  y  confesser  jusques  à  cinq  heures  ;  en  suite  de  quoi 
l'un  fait  le  catéchisme,  et  les  autres  s'en  vont  dire  ma- 
tines et  laudes,  pour  souper  à  six  heures. 

L'on  a  pour  maxime  de  ne  point  prêcher,  catéchiser, 
ni  confesser  dans  les  villes  où  il  y  a  évêché  et  de  ne  point 
sortir  d'un  village  que  tout  le  peuple  ne  soit  instruit  des 
choses  nécessaires  au  salut  et  que  chacun  n'ait  fait  sa 
confession  générale  ;  et  l'on  va  en  peu  de  lieux  où  il 
reste  quelqu'un  qui  y  manque.  Comme  l'on  a  fait  dans 
un  village,  l'on  s'en  va  en  un  autre,  où  l'on  fait  de 
même.  L'on  travaille  depuis  environ  la  Toussaint  jus- 
ques à  la  Saint  Jean  et  l'on  laisse  les  mois  de  juillet, 
août  et  septembre  et  une  partie  d'octobre  au  peuple  pour 
faire  la  moisson  et  les  vendanges  ;  et  comme  l'on  a  tra- 
vaillé vingt  jours  ou  environ,  l'on  se  repose  huit  ou  dix 


-  565  - 

jours  ;  puis  l'on  retourne  au  travail,  n'étant  point  pos- 
sible de  subsister  longtemps  au  delà  à  ce  travail  sans  ce 
repos  et  celui  d'un  jour  par  semaine. 

Nous  faisons  nos  solitudes  tous  les  ans,  tenons  cha- 
pitre tous  les  vendredis  au  matin,  où  chacun  s'accuse 
de  ses  manquements,  reçoit  la  pénitence  que  le  supé- 
rieur lui  donne  et  est  tenu  de  l'accomplir  ;  et  deux  prê- 
tres et  deux  frères  demandent  à  la  compagnie  la  cha- 
rité d'être  avertis  de  leurs  manquements  et  après  ceux- 
là  d'autres,  chacun  à  son  tour,  et  le  soir  du  même  jour 
l'on  fait  une  conférence  sur  le  sujet  de  nos  règles  et  de 
la  pratique  des  vertus,  où  chacun  dit  les  pensées  que 
Notre-Seigneur  lui  a  données,  sur  le  sujet  duquel  l'on 
confère,  en  faisant  son  oraison  là-dessus. 

L'on  ne  sort  jamais  sans  congé,  ni  que  deux  à  deux, 
et,  au  retour,  chacun  va  trouver  le  supérieur  pour  lui 
rendre  compte  de  ce  qu'il  a  fait.  L'on  n'écrit  ni  reçoit 
des  lettres  que  le  supérieur  ne  les  ait  vues  et  ne  l'agrée. 
Chacun  est  obligé  d'agréer  que  ses  fautes  soient  chari- 
tablement rapportées  à  son  supérieur  et  à  s'étudier  à 
recevoir  et  à  donner  les  avertissements  qu'il  faut  aux 
autres.  L'on  observe  le  silence  depuis  le  soir  jusqu'à  la 
fin  du  dîner  le  lendemain  et  après  la  récréation  du  ma- 
tin jusques  à  celle  du  soir. 

L'on  fait  deux  ans  de  séminaire,  qui  est  à  dire  de 
noviciat,  où  l'on  est  exercé  assez  exactement,  par  la  mi- 
séricorde de  Dieu,  en  sorte  que,  pour  plusieurs  raisons, 
les  séminaristes  ne  communiquent  point  avec  les  prêtres 
sans  congé. 

Ladite  congrégation  est  approuvée  par  Sa  Sainteté 
et  établie  dans  la  ville  et  dans  le  faubourg  de  Saint- 
Denis  à  Paris,  dans  les  diocèses  de  Poitiers,  de  Luçon, 
de  Toul,  d'Agen  et  de  Troyes. 

Voilà,  ma  très  chère  et  très  digne  Mère,  notre  petite 


—  566  - 

manière  de  vie.  Vous  nous  ferez  la  charité,  pour  l'amour 
de  Notre-Seigneur,  de  nous  donner  vos  avis  sur  cela, 
s'il  vous  plaît,  et  vous  pouvez  croire,  ma  chère  Mère, 
que  je  les  recevrai  comme  venant  de  la  part  de  Dieu, 
pour  l'amour  duquel  je  vous   demande  cette  charité  ^... 

Je  ne  vous  dis  rien  de  vos  chères  filles  de  Paris,  sinon 
qu'il  me  semble  qu'elles  s'avancent  de  plus  en  plus  en 
l'amour  de  leur  divin  Sauveur.  J'ai  un  grand  pardon  à 
vous  demander  de  ce  que  je  ne  les  ai  point  visitées  il  y 
a  longtemps.  Celles  d'ici  '^  sont  aussi  en  odeur  et  suavité, 
et  certes  avec  sujet.  Vous  ne  sauriez  croire,  ma  chère 
Mère,  combien  l'esprit  de  Notre-Seigneur  paraît  en  la 
Mère  '  et  en  la  déposée  *,  ni  combien  le  reste  de  la  mai- 
son va  bien,  vu  les  difficultés  quelle  a  eues  par  le  passé. 

Or  sus,  ma  chère  Mère,  permettez-vous  que  je  vous  de- 
mande si  votre  bonté  la  non  pareille  me  laisse  encore 
le  bonheur  de  la  jouissance  de  la  place  qu'elle  m'a  don- 
née dans  son  cher  et  tout  aimable  cœur  ?  Certes,  je  le 
veux  espérer,  quoique  mes  misères  m'en  rendent  très  in- 
digne. Au  nom  de  Dieu,  ma  chère  [Mère]  ®,  continuez- 


5.  Nous  regreUons  vivement  de  n'avoir  pu  déchiffrer  trois  lignes, 
volontairement  noircies   d'encre  sur  l'original. 

6.  De  Troyes. 

7.  Françoise-Madeleine  Ariste,  élue  le  20  mai  1638.  Saint  Vincent 
l'avait  connue  au  premier  monastère  de  Paris,  où  elle  avait  commencé 
sa  vie  religieuse,  et  au  second  monastère,  où  elle  avait  suivi  en  1626 
la  Mère  de  Beaumont.  Cette  pieuse  Visitandine  mourut  à  Troyes  le 
10  juin    1667,    après   avoir    gouverné    la   maison   pendant   douze   ans. 

8.  Nom  donné  à  la  supérieure  qui  sort  de  charge.  Il  s'agit  ici  de 
la  Mère  Claire-Marie  Amaury,  qui  avait  dirigé  le  monastère  pendant 
un  peu  plus  de  deux  triennats,  du  6  juillet  1631  au  20  mai  r638,  fut 
réélue  en  1641  et  mourut  le  10  octobre  1651.  Dès  la  première  année 
de  son  entrée  au  premier  monastère  de  Paris,  la  Mère  Amaury  resta 
pendant  sept  mois  en  proie  à  une  horrible  tentation,  dont  saint  Vin- 
cent lui-même  a  fait  le  récit  au  procès  de  Béatification  de  saint  Fran- 
çois de  Sales.  (Abelly,  op.  cit.,  t.  II,  chap.  Vil,  p.  331  et  suiv.  ; 
Annales  Salésiennes,  20  déc.  1907,  p.  213   ;  Arifiée  Sainte,  t.  x,  p.  225.) 

9.  Mot  oublié  dans  l'original. 


—  5^7  — 

moi,  s'il  vous  plaît,  cette  grâce.  Je  suis,  dans  cette  con- 
fiance, votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul 
prêtre  de  la  Mission. 

Suscription  :  A  ma  très  digne  Mère,  ma  très  digne 
Mère  de  Chantai,  fondatrice  de  l'ordre  de  la  Visitation 
Sainte-Marie,  à  Annecy. 


384.  —  A  LÉONARD  BOUCHER,  PRÊTRE  DE  LA  MISSION, 

A  TOUL 

De  Troyes,  ce  20  juillet  1639. 
Monsieur, 

J'ai  reçu  deux  de  vos  lettres  depuis  que  je  suis  ici, 
l'une  par  la  voie  de  Paris,  l'autre  par  ce  porteur  au  pre- 
mier voyage  qu'il  vous  a  été  trouver  ^.  La  dernière  dit 
peu  de  chose  ;  la  première  me  fait  voir  la  diligence  que 
vous  avez  faite  pour  envoyer  mes  lettres.  Je  vous  remer- 
cie également  de  l'une  et  de  l'autre,  comme  aussi  de  ce 
que  vous  me  dites  touchant  la  difficulté  que  nous  avons 
avec  le  bon  Monsieur  Fleury  ;  à  quoi  je  n'ai  à  dire  autre 
chose  que  ce  que  j'ai  écrit  à  Monsieur  le  président  ^,  si- 
non qu'il  est  à  souhaiter  que  nous  ayons,  vous  et  moi, 
un  peu  plus  d'estime  des  maximes  de  l'Evangile  que 
nous  n'avons  pas,  et  que  je  vous  prie  de  faire  oraison  un 
jour  sur  ces  paroles  :  ((  A  qui  t'ôtera  la  soutane,  donne- 
lui  aussi  ton  manteau  ^  »  ;  et  sur  celles-ci  :  Inqidre  pacem 
et  posequere  eam  *   ;  et  une  autre  sur  ces  paroles  :  quae- 


Lettre  384.  —  Reg.   2,  p.  279. 

1.  A  Toul,  où  était  Léonard  Boucher. 

2.  M.    le   président   de    Trélon,   neveu    du    commandeur   de    Sillery. 

3.  Evangile  de  saint  Matthieu  V,  40. 

4.  Psaume  xxxiii,  p.    15. 


—  568  — 

cumque  dixerint  vobis  facile  '"  ;  et  sur  celles-ci  :  qui  vos 
audit  7ne  audit,  et  qui  vos  spernit  me  sfernit  ^  ;  et  vous 
prendrez  la  peine  de  me  mander  les  pensées  que  Notre- 
Seigneur  vous  donnera  là-dessus  et  ensuite  les  résolu- 
tions que  vous  prendrez.  Je  serai  consolé  de  voir  cela  \ 

Je  suis  cependant,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur  et  de 
sa  sainte  Mère,  Monsieur,  votre... 


385.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

De  Iroyes.  ce  28  juillet  163g. 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

J'étais  en  peine  ;  l'on  m'avait  mandé  que  vous  vous 
étiez  trouvée  un  peu  plus  mal.  Monsieur  Portail  me 
manda  hier  le  contraire,  et  votre  lettre  me  le  fait  voir. 
J'en  loue  Dieu  et  le  prie  qu'il  vous  redonne  une  par- 
faite santé.  Faites-y  votre  possible,  Mademoiselle,  je 
vous  en  supplie,  pour  l'amour  de  Notre-Seigneur. 

Quel  remède  pour  empêcher  le  rabais  de  votre  rente 
au  denier  dix-huit  ?...  A  1  "égard  de  M.  Arnaud,  je  n'en 
vois  point,  puisque  le  prince  l'a  ainsi  ordonné.  Vous 
pourrez  encore  par  pareil  recours  et  rencontre  l'augmen- 
ter, en  achetant  des  rentes  sur  le  sel  ;  mais  vous  en  sa- 
vez le  risque...  Les  honnêtes  gens  vous  paient  bien.  Je 
ne  vois  point  de  lieu  d'y  faire  autrement. 


5.  Evangile   de   saint  Jean  II,   5. 

6.  Evangile  de  saint  Luc  x,   16. 

7.  La  congrégation  de  la  Mission  était  en  procès  avec  l'ordre  du 
Saint-Esprit. 

Lettre  385.  —  Gossin,  of.  cit.,  p.  438,  d'après  l'original  communi- 
qué par  l'abbé  Dumesnil,  chanoine  de  Notre-Dame  de  Versailles. 
Le  texte  de  la  lettre  est  malheureusement  incomplet,  M.  Gossin 
n'ayant  pas  su  déchiffrer  en  deux  endroits  l'écriture  de  saint  Vincent. 


—   5^9  — 

Je  serai  bien  aise,  au  retour,  de  voir  ce  que  vous  me 
dites  de  vos  pensées  à  l'égard  de  la  providence,  comme 
je  le  suis  de  ce  que  vous  avez  envoyé  l'honneur  de  votre 
souvenir  à  Saint-Sulpice. 

Je  vous  remercie  des  nouvelles  que  vous  me  dormez 
de  Madame  Goussault.  J'espère  vous  voir  toutes  deux 
vers  la  fin  de  cette  semaine  où  nous  allons  entrer,  et  suis 
à  jamais,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très  hum- 
ble serviteur. 

Vincent  Depaul. 


386.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1639  ^J 

...  Jeanne,  renvoyez-la,  et  dites-lui  que  c'est  pour  avoir 
battu  sa  compagne.  Donnez-lui  quelque  chose  et  laissez 
passer  la  fête  de  demain.  Elle  sera  bien  avec  celles  de 
Saint-Sauveur  jusques  à  ce  qu'elle  ait  trouvé  condition, 
et  dites  aux  autres  que  ce  n'est  pas  la  première  fois 
qu'elle  a  battu,  qu'on  lui  avait  pardonné  le  reste,  mais 
que  le  scandale  serait  trop  grand  qu'il  fût  dit  des  Filles 
de  la  Charité  qu'elles  se  battent  comme  chien  et  chat.' 
Dites-en  un  mot  à  Madame  la  présidente  Goussault  et 
pensez  s'il  serait  à  propos  d'en  parler  aux  autres  offi- 
cières. 

Je  tâcherai  d'avertir  M.  Renar  sans  vous  nommer. 
Vous  avez  raison  pour  les  médailles.  Usez-en,  s'il  vous 
plaît,  comme  vous  me  mandez. 


Lettre  386.   —  L.    a.   —  Dossier  des  Filles  de   la   Charité,   original. 

I.  Les  lettres  386,  387  et  388  se  tiennent.  Elles  sont  antérieures  à 
la  mort  de  Madame  Goussault  (20  septembre  1639)  et  postérieures  à 
la  fondation  de  l'œuvre  des  Enfants  trouvés  (  1638) .  La  place  donnée 
aux  mots  «  De  Saint-Lazare,  ce  jeudi  matin  »  en  tête  de  la  lettre 
3S8,  nous  montre  qu'elle  est  de  1639  ^"  P^"^  ^°^-  C'est  donc  en  1639 
que  nous  devons  les  placer  toutes  trois.  Le  commencement  de  l'ori- 
ginal de  la  lettre  386  a  été  découpé  et  perdu. 


—  570  — 

Si  j'oubliais  de  vous  renvoyer  sainte  Brigitte  ^  un 
jour  de  cette  semaine,  faites-m'en  ressouvenir,  s'il  vous 
plaît. 

Je  vous  prie  de  communier  demain  pour  un  affaire, 
à  ce  qu'il  plaise  à  Dieu  que  deux  personnes  n'entrent 
point  dans  la  désunion  de  la  Charité  dont  Notre-Sei- 
g-neur  les  a  liées. 

Je  vous  souhaite  le  bon  jour  et  à  votre  bonne  petite 
malade  aussi.  Je  ne  vous  recommande  point  le  soin  qu'il 
en  faut  avoir,  pource  que  vous  n'en  [manquerez  pas, 
voyant  en  elle  Notre-Seigneur,  en  l'amour  duqujel  je  suis 
et  celui  de  sa  sainte  Mère,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  D.  P. 
Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

387.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[1639  1.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
.jamais  ! 

Vous  me  paraissez  dans  la  pressure  du  cœur.  Vous 
craignez  que  Dieu  ne  soit  fâché  et  qu'il  ne  veuille  point 
du  service  que  vous  lui  rendez,  à  cause  qu'il  vous  prend 
vos  filles.  Tant  s'en  faut,  Mademoiselle.  C'est  un  signe 
qu'il  le  chérit,  puisqu'il  en  use  de  la  sorte  ;  car 
il  vous  traite  comme  sa  chère  épouse  l'Eglise,  au  com- 
mencement de  laquelle  non  seulement  il  faisait  mourir 
la  plupart  par  la  mort  naturelle,  mais  aussi  par  supplices 
et  des  tourments.  Qui  n'aurait  dit,  à  voir  cela,  qu'il  était 


2.   La  vie  de  sainte  Brigitte. 

Lettre  387.   —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 
I.  Voir  lettre  386,  note  i. 


—  071   — 

en  colère  contre  ces  jeunes  et  saintes  plantes  ?  Ne  croyez 
donc  plus  cela,  ains  le  contraire. 

Puisque  vous  en  êtes  d'avis,  je  ferai  chercher  cette 
grande  Jeanne,  ou,  si  vous  savez  où  elle  est,  envoyez- la- 
moi,  s'il  vous  plaît.  J'ai  dit  qui  elle  est  à  Madame  de 
Herse  ^. 

Hubert  "  n'est  point  allé  en  Picardie  ;  je  doute  si  je 
l'y  enverrai  si  tôt.  Il  verra  sa  soeur/  avant  partir. 

Je  ne  gagnerai  rien  à  ce  prêtre  ;  vous  y  ferez  plus  que 
moi. 

Vous  êtes  étrange  d'appréhender  ainsi  mon  départ. 
Soyez  en  repos  ;  mon  voyage  est  rompu.  Le  plus  long 
que  je  prévois,  c'est  celui  de  Pontoise  demain. 

Au  nom  de  Dieu,  Mademoiselle,  aimez  votre  indi- 
gence et  soyez  tranquille.  C'est  l'honneur  des  honneurs 
que  vous  pouvez  rendre  présentement  àr  Notre-Seigneur, 
qui  est  la  tranquillité  même. 

Pourrez-vous  point  vous  rendre  aujourd'hui  chez  Ma- 
dame la  présidente  Goussault  ?  J'en  serais  bien  aise. 
Cela  vous  divertirait  un  peu  dans  les  continuels  travaux 
que  vous  avez.  Je  suis  cependant,  en  l'amour  de  Notre- 
Seigneur,  V.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


2   Madame  de   Herse  avait  envoyé  Jeanne  à  Louise  de  Marillac, 

3.  Hubert  Bécu,   frère  coadjuteur. 

4.  Marie  Bécu,   Fille   de  la   Charité.    Elle   était  ajors   à   la   maison- 
mère. 


572 


388.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

De   Saint-Lazare,    ce   jeudi  matin   [1639  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  ne  sais  qui  a  dit  à  vos  filles  que  je  me  porte  mal.  Par 
la  miséricorde  de  Dieu,  je  me  porte  bien.  Plaise  à  sa 
bonté  me  faire  la  grâce  de  faire  bon  usage  de  la  santé 
qu'il  me  donne  ! 

Je  pense  que  vous  ferez  bien  d'écrire  à  cette  bonne 
fille  que  nous  sommes  consolés  de  ce  que  Notre-Seigneur 
lui  a  fait  voir  sa  faute,  d'avoir  écouté  cette  tentation, 
qu'il  faut  qu'elle  fasse  bon  usage  de  la  grâce  que  Dieu 
lui  a  faite,  qu'il  faut  qu'elle  informe  bien  son  esprit  de 
cette  vérité,  que  tous  les  gens  de  bien  sont  condamnés  de 
Dieu  à  souffrir  de  la  tentation,  que  celle-là  et  d'autres  ne 
lui  défaudront  jamais,  si  elle  est  fidèle  à  Dieu,  et  qu'en 
quelque  lieu  et  en  quelque  condition  elle  sera  toujours 
tentée  et  peinée,  qui  est  sa  croix  ;  que  si  elle  veut  suivre 
J.-C,  qu'il  faut  qu'elle  la  porte. 

L'assemblée  -  ne  se  saurait  faire  demain.  Nous  avons 
indiqué  celle  des  Enfants  ^  à  demain  chez  Mademoiselle 
Viole. 

Je  fis  connaître  hier  au  soir  à  cette  grosse  Jeanne  qu'il 
faut  qu'elle  se  retire  ;  que  je  vous  ai  baillé  cinquante 
livres,  qu'elle  m'envoya  par  Madame  Forest.  Il  me  sem- 
ble qu'il  y  avait  52  livres  ;  elle  dit  dix-huit  écus  ;  nous 
lui  ferons  bailler  le  surplus.  Elle  pensait  que  Madame 


Lettre  388.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Voir   lettre   386,   note   i. 

2.  L'assemblée  des  dames  de  la  Charité. 

3.  L'assemblée  des  dames  pour  les  Enfants  trouvés. 


—  573  — 

de  Herse  m'eût  baillé  cent  francs,  qu'elle  dit  que  cette 
bonne  dame  a  à  elle.  Je  lui  ai  dit  qu'elle  les  demande. 
Je  pense  qu'il  est  bon  que  vous  agissiez  selon  cela  dou- 
cement, mais  fortement  et  efficacement. 
Vos  eaux  viendront  aujourd'hui. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


389.  —  SAINTE  CHANT  AL  A  SAINT  VINCENT 

Vive  Jésus  ! 

[Anftecy^  163c  '.] 

...Au  reste,  mon  très  cher  Père,  ce  m  est  une  consolation  ex- 
trême d'espérer  d^ avoir  ici  de  vos  chers  enfants  ;  notre  tout 
bon  et  cher  -père  M .  le  commandeur  de  Sillery  nous  la  promis. 
N'est-il  pas  incomparable  en  sa  charité,  et  nous  très  obligées 
à  la  divine  Providence  de  nous  avoir  donné  un  tel  appui  f 
Bénie  soit-elle  éternellement  !  Vous  nous  manderez  bien,  mon 
très  cher  Père,  tout  ce  qui  sera  requis  de  faire  et  de  savoir  four 
la  consolation  de  ce  bon  serviteur  de  Dieu. 

Je  supplie  sa  douceur  infinie  de  vous  conserver  longuement 
pour  sa  gloire  et  l'utilité  de  la  sainte  Eglise.  Conservez-vioi 
en  votre  soîivenir  devant  Dieu  et  en  votre  affection  paternelle . 
puisque  je  suis  de  tout  mon  cceur,  quoique  iftdigne^  etc. 

Mon  cher  Père,  qtiand  je  considère  les  fruits  que  ces  deux 
bons  ouvriers  feront  en  ce  grand  et  noynbreux  évêché,  j'en  suis 
ravie,  et  m'assure  de  votre  piété  et  zèle  en  la  divine  gloire,  que 
vous  ferez  faire  cet  établissement  si  solide  qu'il  71e  puisse  ja- 
mais déchoir,  ni  pour  la  disette  ihomines,  ni  de  moyeyis  qui 
pourrait  arriver  en  votre  congrégation.  Faites-nous  aussi  savoir 
comme  il  faut  les  lits  et  autres  aîneublements  nécessaires  à  vos 
bons  pères. 


Lettre  389.  —  Sainte  Jeanne-Françoise  Frémyot  de  Chantai,  sa  vie 
et  ses  œuvres,  t.  VIII,  p.  163,  lettre  1633. 

I.  Date  de  la  fondation  d'Annecy.  Il  semble  que  la  lettre  390 
répond  à  celle-ci. 


—  574  — 

390.  —  A  SAINTE  JEANNE  DE  CHANTAL 

De  Paris,  ce   15  août   163g. 
Ma  très  chère  et  digne  Mère, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

J'ai  reçu  la  vôtre  sans  date,  que  M.  le  commandeur 
m'a  fait  l'honneur  de  me  rendre,  sans  date,  et  vous  pou- 
vez penser,  ma  très  digne  Mère,  avec  quelle  révérence  et 
affection  c'a  été,  puisque  c'est  une  lettre  de  mon  unique 
Mère  et  qu'elle  est  pleine  de  l'odeur  et  de  la  suavité  de 
son  esprit.  Jésus  !  ma  chère  Mère,  qu'elle  a  embaumé  mon 
pauvre  cœur  !  Or  sus,  béni  soit  celui  pour  l'amour  duquel 
votre  bonté  s'offre  à  nous  recevoir,  à  nous  loger  et  à  nous 
meubler  M  Je  ne  vous  en  remercie  point,  ma  chère  Mère, 
pource  que  je  n'en  suis  pas  digne  ;  mais  je  prie  Dieu 
qu'il  soit  lui-même  votre  remerciement  et  votre  récom- 
pense... ^. 

A  ce  que  votre  charité  me  dit  touchant  la  mission, 
qu'on  l'établisse  de  sorte  qu'elle  ne  manque  point  ci- 
après  faute  d'hommes,  ni  d'argent  ;  or,  je  vous  dirai, 
quant  aux  hommes,  ma  chère  Mère,  que  l'affermissement 
de  la  compagnie,  que  je  vous  ai  dit  que  nous  moyen- 
nons  à  Rome,  par  celle  que  je  vous  ai  écrite  de  Troyes, 


Lettre  390.  —  L.   a.  —  Oriç^inal   à  la  Visitation  d'Annecy. 

1.  Par  le  contrat  du  3  juin  1639,  le  commandeur  de  Sillery  avait 
promis  aux  missionnaires  d'Annecy  de  leur  procurer  le  logement  et 
l'ameublement.  Il  n'avait  pas  encore  tenu  parole.  Le  26  janvier  sui- 
vant, les  missionnaires  le  déchargeaient  de  sa  promesse,  moyennant 
2.000  livres  tournois,  qui  devaient  servir,  avec  i.ooo  autres  livres,  à 
l'achat  d'une  maison.  Ils  s'installèrent,  pour  commencer,  dans  un 
local  oflFert,   préparé  et  aménagé  par  sainte  Chantai. 

2.  Nous  omettons  ici  quarante  lignes  de  l'original  surchargées  de 
ratures.  Il  est  profondément  regrettable,  répétons-le,  qu'on  ait  pris 
tant  de  soin  pour   nous  cacher  ce   qu'un   saint  écrivait   à  une  sainte. 


—  575  — 

est  l'affermissement  des  lieux  particuliers  où  elle  sera 
établie,  moyennant  l'aide  de  Dieu,  que  je  vous  prie  de 
lui  demander  à  cet  effet  ;  et,  pour  le  regard  du  bien,  que 
Monsieur  le  commandeur  m'a  fait  l'homieur  de  me  dire 
que,  s'il  vend  de  son  bien,  qu'il  nous  baillera  le  fonds 
de  la  rente  qu'il  nous  a  donnée,  et  que  nous  en  emploie- 
rons en  fonds  d'héritage  en  vos  quartiers  autant  qu'il 
faudra  pour  l'entretien  de  ces  deux  missionnaires  et  d'un 
frère  ;  et  que,  cela  étant,  s'il  plaît  à  Notre- Seigneur  de 
donner  sa  bénédiction  à  ce  bon  œuvre,  il  ne  manquera 
point  faute  d'hommes,  ni  faute  d'argent.  Monsieur  le 
commandeur  semble  n'en  vouloir  point  demeurer  à  ce 
nombre-là  ^.  Le  saint  nom  de  Dieu  en  soit  béni   ! 

Je  vous  ai  dit  quantité  de  choses  à  l'avantage  de  cette 
petite  compagnie  ^.  Certes,  ma  chère  Mère,  cela  me  fait 
peur  ;  c'est  pourquoi  je  vous  supplie  d'en  beaucoup  di- 
minuer et  de  ne  point  dire  cela  à  personne.  La  trop 
grande  réputation  nuit  beaucoup  et  fait  d'ordinaire,  par 
un  juste  jugement  de  Dieu,  que  les  effets  ne  répondent 
point  à  l'attente,  soit  pource  que  l'on  tombe  en  élation 
d'esprit  ou  pource  que  le  public  réfère  aux  hommes  ce 
qui  n'est  dû  qu'à  Dieu  seul.  C'est  pourquoi  je  supplie 
derechef  très  humblement  votre  charité  de  ne  point  souf- 
frir en  votre  esprit  les  pensées  que  ce  que  M.  le  comman- 
deur vous  dit  de  nous  vous  pourraient  donner  et  moins 
encore  d'en  parler  à  personne.  Hélas  !  ma  digne  Mère, 
si  vous  saviez  notre  ignorance  et  le  peu  de  vertu  que 
nous  avons,  vous  auriez  grand'pitié  de  nous  !  Vous  le 
verrez  néanmoins,  en  effet,  par  ces  deux  que  nous  enver- 


3.  Le  26  février  1640,  il  faisait  une  nouvelle  donation  pour  per- 
mettre d'élever  à  quatre  le  nombre  des  prêtres  et  à  deux  celui  des 
frères.    (Cf.  Arch.  Nat.   S  6716.) 

4.  Saint  Vincent  croit  avoir  dit  trop  de  bien  de  sa  Compagnie  dans 
sa  lettre  du  14  juillet.  Il  s'efforce  ici  de  la  rabaisser  pour  se  punir 
d'en   avoir   parlé   avec   trop   de   complaisance. 


—  576  — 

rons  ;  et  c'est  ce  qui  me  console,  pource  que  vous  prie- 
rez Dieu  pour  nous  avec  plus  de  compassion  de  notre 
misère  ;  et  pource  que  je  vous  dis  ceci  les  larmes  aux 
yeux,  en  la  vue  de  la  vérité  de  ce  que  je  vous  dis 
et  des  abominations  de  ma  pauvre  âme,  je  vous  supplie, 
ma  chère  Mère,  d'offrir  à  Dieu  la  confusion  que  j'en  ai 
et  la  confession  que  je  vous  en  fais  en  la  présence  de  sa 
divine  Majesté,  et  de  me  pardormer  si  j'abuse  de  votre 
patience  en  vous  disant  ainsi  mes  pauvres  sentiments, 
qui  suis  à  ma  très  digne  et  très  unique  mère,  en  l'amour 
de  Notre- Seigneur  et  de  sa  sainte  Mère,  ma  très  digne 
Mère,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul 
prêtre  de  la  Mission. 

Ma  digne  Mère,  M.  le  commandeur  a  désiré  que  je 
vous  envoie  un  mémoire  du  petit  ameublement  qu'il  nous 
faut  et  que  sa  charité  nous  doit  fournir. 

Suscription  :  A  ma  Révérende  Mère  de  Chantai,  fon- 
datrice de  l'Ordre  de  la  Visitation  et  supérieure  du  mo- 
nastère d'Annecy,  à  Annecy. 


391.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Août  ou  septembre  1639  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  viens  de  voir  Madame  Goussault,  qui  n'est  pas  griè- 
vement, mais  dangereusement  malade   ;  et  elle  le  recon- 


5.    Bernard    Codoing   et   Pierre   Escart. 

Lettre  391.    —   L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.    Voir  note   2. 


—  577  — 

nait  et  me  l'a  dit".  Il  faut  prier  Dieu  pour  elle.  Son  cœur 
est  toujours  dans  son  carré  de  la  volonté  de  Dieu.  J'y  ai 
laissé  Madame  la  chancelière  ^.  Elle  m'a  dit  qu'elle  vous 
enverra  demain  son  carrosse.  Je  vous  baillerai  un  papier 
avant  que  vous  partiez. 

S'il  y  avait  du  logement  a^sez,  il  faudrait  entendre 
cet  affaire-là  ;  mais  n'y  en  ayant  point,  cela  est  consi- 
dérable ;  nous  en  parlerons.  Je  vous  souhaite  cependant 
le  bonsoir  et  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
en  sa  maison. 


392.  —  A  LA  MÈRE  DE  LA  TRINITÉ 

De  Saint-Lazare-lez-Paris,  ce  28  août  1639. 
Ma  très  chère  Mère, 

L'esprit  d'union  par  lequel  le  Fils  de  Dieu  a  uni  les 
hommes  à  son  Père  soit  toujours  avec  vous  pour  ja- 
mais   ! 

Je  vous  rends  un  million  d'actions  de  grâces,  ma  chère 
Mère,  de  l'ardente  charité  avec  laquelle  vous  me  faites 
celle  de  m'écrire  ;  et,  pource  que  c'est  Dieu  qui  a  mû 
votre  cher  cœur  à  cela,  et  qu'il  vous  a  inspiré  tout  ce  que 
vous  me  dites,  je  l'embrasse  avec  toute  l'affection  et  la 
révérence  qui  m'est  possible  et  vous  promets,  ma  très 
unique  Mère,  d'accomplir  exactement  tout  ce  qu'il  vous 


2.  Madame    Goussauît    mourut  le    20    septembre    1639,    assistée    pai 
saint  Vincent. 

3.  Madame  Séguier. 

Lettre  392.   —  L.  a.   —  Original   chez  les   Filles  de  la   Charité  de 
Nancy,    rue   de   la    Charité,    18. 

37 


578  - 

plait  me  prescrire,  li  est  vrai,  ma  chère  Mère,  que  je 
crains  bien  que  ma  misère  nait  donné  beaucoup  de  sujet 
de  peine  à  notre  très  bon  et  très  aimable  Monsieur  le 
commandeur  '.  Mais  que  peut-il  sortir  d'un  misérable 
pécheur  que  des  manquements  et  des  fautes  en  toutes 
choses  ?  et  cela,  certes,  pourtant  sans  aucun  dessein,  car 
je  n'en  ai  jamais  eu  d'autre,  depuis  que  j'ai  eu  l'hon- 
neur d'être  connu  de  lui,  et  bien  longtemps  auparavant, 
que  de  l'honorer  et  respecter  comme  un  grand  serviteur  de 
Dieu,  que  je  suis  indigne  d'approcher.  Et  pource  que  je 
n'ai  autre  moyen  de  le  satisfaire  que  de  recourir  à  sa 
bonté,  je  le  fais,  ma  chère  Mère,  par  l'entremise  de  la 
vôtre  et  lui  demande  très  humblement  pardon,  étant 
prosterné  en  esprit  à  ses  pieds  et  aux  vôtres,  et  certes 
avec  des  mouvements  de  larmes  que  mon  cœur  tout 
échauffé  et  attendri  envoie  à  mes  yeux. 

Et  pource  qu'il  est  si  bon  de  s'accommoder  à  ma  prière 
à  l'égard  de  Monseigneur  de  T[royes]  "  et  de  trouver  bon 
qu'il  ait  une  chambre  à  la  maison,  je  l'en  remercie  très 
humblement  et  le  supplie,  au  nom  de  Xotre-Seigneur, 
de  compatir  encore  à  ma  chétiveté  à  l'égard  de  l'autre 
point  qui  regarde  le  consentement  de  la  ville,  et  d'avoir 
agréable  de  leur  en  parler  lui-même,  puisque  vous  ne 
jugez  pas  expédient  de  leur  en  faire  écrire  ;  car  sans  dif- 
ficulté, ma  chère  Mère,  l'on  ne  nous  y  souffrira  pointa 
J'ai  avis  que  la  femme  d'un  magistrat  a  dit  à  une  per- 
sonne '  ces  paroles  :  "  Qu'on  ne  pense  pas  à  établir  au 
faubourg  les  prêtres  de  la  Mission  ;  l'on  ne  les  y  souffrira 
pas  !  »  Quel  déplaisir,  ma  chère  Mère,  aurait  M.  le  com- 
mandeur s'il  se  voyait  offenser  en  l'œuvre  de  ses  mains  ! 

1.  Le  commandeur  de  Sillery. 

2.  René   de   Breslay    (1604-1641). 

3.  Les  missionnaires  avaient  leur  résidence  à  Sancey  près  de  Troyes. 
Le  commandeur  de  Sillery  leur  en  cherchait  une  autre  dans  le  fau- 
bourg. 

4.  Première  rédaction    :  à  une  personne  qui  me  l'a  écrit. 


—  579  — 

Si,  faisant  ce  qui  sera  en  nous  dans  la  simplicité,  nous 
sommes  refusés,  à  la  bonne  heure,  la  volonté  de  Dieu 
nous  sera  connue  ;  nous  nous  accommoderons  comme 
nous  pourrons  hors  l'étendue  de  la  ville  et  des  faux 
bourgs.  Que  s'ils  l'agréent,  comme  je  l'espère,  si  Monsieur 
le  commandeur  leur  en  parle,  ce  nous  sera  une  grande 
consolation  d'être  entrés  dans  cet  établissement  par  la 
porte  de  la  déférence,  de  la  soumission,  de  l'humilité,  de 
la  simplicité,  de  la  candeur  et  de  la  charité.  Si  ceci  cho- 
que votre  sens,  ma  chère  Mère,  ou  celui  de  ]*kIonsieur  le 
commandeur,  je  vous  en  demande  très  humblement 
pardon  et  à  lui  aussi,  et  vous  supplie  encore  derechef,  au 
nom  de  Notre-Seigneur,  de  me  supporter  en  cette  misère. 
De  dire  que  sa  présence  empêchera  qu'on  ne  fasse  vio- 
lence, je  le  veux  croire,  mais  je  ne  doute  nullement  que, 
dès  qu'il  aura  tourné  le  dos,  l'on  n'en  use  autrement. 

Je  sais  bien,  ma  chère  Mère,  que  sainte  Thérèse  en  a 
usé  autrement  en  quelques-unes  de  ses  fondations  ;  mais 
quoi  !  c'était  une  sainte  qui  avait  inspiration  de  Dieu 
pour  cela.  Mais  aussi,  ma  chère  Mère,  je  ne  sais  si  elle 
en  aurait  usé  de  la  sorte  à  l'égard  d'un  peuple  qui  au- 
rait aversion  des  établissements  nouveaux  et  qui  l'aurait 
témoigné  en  plusieurs  rencontres.  C'est  pourquoi  je  sup- 
plie derechef  votre  charité  sans  mesure  d'agréer  ce  que 
je  vous  propose  avec  toute  l'humilité  et  le  respect  qui 
m'est  possible  et  de  le  proposer  à  mondit  sieur  le  com- 
mandeur, comme  aussi  de  lui  dire  que  très  volontiers 
je  trouve  bon  qu'il  prenne  les  quatre  mille  cinq  cents 
livres  qui  sont  entre  les  mains  de  nos  chères  sœurs  de 
Sainte-Marie  %  où  le  bon  Alonseigneur  de  Troyes  nous 
fit  ouverture  de  les  mettre.  J'écris  à  Monsieur  Dufestel 
à  cet  effet  qu'il  fasse  délivrer  ladite  somme  à  mondit 
sieur  le  commandeur  lorsqu'il  commandera. 

5.   Du   couvent   de  la   Visitation   de  Troyes. 


—  58o  — 

Pour  le  regard  de  l'augmentation  de  la  fondation  de 
Genève  ^,  certes,  ma  chère  Mère,  je  ne  puis  vous  exprimer 
la  reconnaissance  que  Notre-Seigneur  m'en  donne  ;  et 
pource  que  je  suis  si  mal  gracieux  que  je  ne  le  sais  pas 
bien  témoigner  dans  les  rencontres,  je  vous  supplie  très 
humblement,  ma  chère  Mère,  de  m'aider  à  l'en  remercier 
et  à  l'assurer  de  mon  obéissance.  Et  pour  vous,  ma  chère 
Mère,  pource  que  je  ne  suis  pas  digne  non  plus  de  vous 
faire  un  remercîment  digne  de  toutes  les  grâces  que 
nous  recevons  incessamment  de  votre  charité,  je  prie 
Notre-Seigneur,  ma  chère  Mère,  qu'il  le  vous  fasse  lui- 
même  et  qu'il  soit  notre  remercîment,  et  suis,  en  son 
amour  et  celui  de  sa  sainte  Mère,  ma  très  chère  Mère, 
votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Suscri-ption  :  A  ma  Révérende  Mère  ma  Révérende 
Mère  de  la  Trinité,  supérieure  des  carmélites  du  fau- 
bourg de  Troyes,  à  Troyes. 

393.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Ce  mercredi  matin.   [1639  ^.] 

J'ai  été  consolé  de  voir  la  lettre  d'Angers  et  pense 
qu'il  ne  faut  pas  différer  à  envoyer  les  fi-lles,  quoique 
l'acte  ne  soit  pas  fait  ;  en  tout  cas,  l'on  sera  toujours  sur 
ses  pieds.  Mais  j'ai  de  la  peine  de  ce  que  vous  me  man- 
dez du  reste.  O  Jésus  !  Mademoiselle,  il  n'est  pas  temps. 
Seigneur  Dieu    !  vous  faites  trop  de  besoin  au  monde   ! 


6.  D'Annecy,  au  diocèse  de  Genève.  Le  siège  épiscopal  d'Annecy 
fut  établi  en  1822. 

Lettre  393.  —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Les  sœurs  destinées  à  l'hôpital  d'Angers  quittèrent  Paris  en  no- 
vembre.  Cette  lettre  précède  de  peu  leur  départ. 


-  58i  - 

Au  nom  de  Dieu,  faites  votre  possible  pour  vous  bien 
porter  et  traitez-vous  mieux.  Si  je  le  puis,  j'aurai  le  bien 
de  vous  voir  ce  soir,  sinon  demain,  Dieu  aidant. 

Monsieur  votre  fils  me  dit,  hier  au  soir,  qu'il  s'en 
allait  trouver  Monsieur  de  Saint-Nicolas  pour  l'exa- 
men ^.  Il  paraît  tout  à  fait  déterminé.  Il  ne  vous  est 
point  allé  voir,  à  cause  que  son  manteau  long  s'est  dé- 
chiré en  passant  en  quelque  lieu  ;  il  le  fera  raccom- 
moder. Peut-être  ne  vous  veut-il  aller  voir  qu'étant  lié  à 
l'Eglise,  ainsi  qu'il  vous  a  mandé.  Soyez  bien  gaie,  au 
nom  de  Dieu.  Je  suis,  en  son  amour,  v.  s. 

V.  D. 

Je  pense  que  vous  avez  bien  choisi,  touchant  les  Lor- 
raines, et  que  l'autre  grande,  dont  vous  me  parlez,  fera 
bien. 

Suscriftion  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


394.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[Entre  1636  et  1648  1.] 

Votre  médecine,  Mademoiselle,  m'a  fait  faire  neuf  opé- 
rations. Les  eaux  ne  m'ont  jamais  profité  pendant  la 
fièvre  à  Forges  ni  ici.  Nous  en  essayerons  néanmoins  ; 
car  nous  en  avons  céans  à  votre  service,  si  vous  en  avez 
besoin.  Ma  petite  fiévrotte  est,  comme  vous  dites,  double- 
tierce  ;  mais  vous  savez  qu'en  cette  saison  je  l'ai  pour 
l'ordinaire  double-quarte  et  l'ai  déjà  eue  telle  cet  au- 
tomne. 


2.  Les  règlements  diocésains  prescrivaient  aux  ordinands  de  passer 
l'examen  devant  Messieurs  de  Saint-Nicolas-du-Chardonnet.  (Cf. 
Schœnher,  o-p.  cit.,  t.   II,  p.   650.) 

Lettre  394.  —  L.   a.   —   Dossier  des  Filles  de  la   Charité,  original. 

I.  Dates  de  l'entrée  de  Madame  Turgis  en  communauté  et  de  sa 
mort. 


—  582  — 

Vous  ferez  bien  de  faire  venir  Madame  Turgis. 

Je  vous  supplie  me  mander  combien  il  reste  encore  de 
petites  filles.  Mais  pour  votre  mal  de  tête,  que  faites- 
vous  ?  Je  pense  bien  que  peut-être  vous  avez  besoin  en- 
core de  vous  purger  un  peu. 

Je  suis  bien  aise  de  ce  que  vous  me  dites  de  votre  petite 
peine.  Or  sus,  Notre-Seigneur  sera  votre  consolation, 
comme  je  l'en  prie  de  tout  mon  cœur,  et  vous  de  faire 
votre  possible  pour  cela. 

Je  suis,  en  son  amour,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  D.  P. 


395.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG 

[  Entre    1636   et    1642  '.  ] 

Je  dois  aller  tantôt  à  La  Chapelle.  S'il  est  besoin  que 
j'aille  chez  vous,  vous  me  le  manderez,  s'il  vous  plaît. 
Je  suis  bien  aise  de  n'y  aller  point  autrement,  selon  la 
résolution  que  nous  en  avons  prise  dès  le  commencement. 

396.  —  A  NICOLAS  SANGUIN,  ÉVÊQUE   DE  SENLIS 

Paris,  13  septembre  1639. 
Monseigneur, 

La  chanté  dont  il  vous  plaît  honorer  notre  petite  con- 
grégation de  la  Mission,  me  donne  la  confiance  de  vous 
supplier  très  humblement  d'avoir  agréable  de  donner 
un  dimissoire  ad  omnes  ordines  à  Michel  Dupuis,  aco- 
lyte de  votre  diocèse  et  qui  est  de  notredite  congréga- 


Lettre   395.    —  Abelly,  of.   cit.,   t.    111,   chap.   xx,   i^e  éd.,  p.  305. 
I.   Dates  extrêmes  du  séjour  de  Louise  de  Marillac  à  La  Chapelle. 

Lettre  396.  —  Reg.  i,   f°  63  v^.  Le  copiste  note  que  l'original  était 
de  l'écriture  de  saint  Vincent. 


~  583  - 

tion  '.  Il  fait  son  cours  en  philosophie  et  a  étudié  en 
théologie  et  est,  par  la  grâce  de  Dieu,  de  bonnes  mœurs 
et  d'espérance  pour  servir  Dieu  utilement  parmi  les  pau- 
vre? gens  des  champs.  C'est,  [Monseigneur,  ce  qui  me 
donne  la  confiance  de  vous  faire  cette  ttès  humble  sup 
plication  avec  toute  l'humilité  et  le  respect  qui  m'est  pos- 
sible, et  de  renouveler  ici  les  offres  de  mon  obéissance, 
qui  suis,  en  lamour  de  N.-S.,  Monseigneur,  votre... 

Le  jeune  homme  n'a  qu'un  titre  de  cent  ou  de  50  li- 
vres  ;  j'espère  le  faire  recevoir  à  cela. 

397.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Bon  soir,  Mademoiselle.  Je  vous  prie  de  penser  aux 
points  que  je  dois  traiter  demain  ^  et  de  me  le  mander 
entre  ci  et  huit  heures  et  demie  du  soir,  comme  aussi  l'état 
de  votre  santé. 

Je  vous  remercie  très  humblement  de  votre  présent  et 
vous  prie  me  mander  lequel  des  deux  chapelets  est 
celui  qui  a  servi  à  feu  ^Madame  la  générale  -. 

398.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

...  Je  vous  souhaite  le  bon  jour,  ayant  encore  le  cœur 
plein  de  consolation  de  la  conférence  de  nos  bonnes 
Filles  de  la  Charité.  Il  me  semble  que  jamais  je  n'ai  plus 

I.  Michel  Dupuis,  né  à  Ver  (Oise),  reçu  dans  la  congrégation  de  la 
Mission  le  29  mars  1639  à  l'âge  de  vingt-trois  ans.  Bien  qu'il  ne  fût 
encore  que  simple  clerc  en  1646,  saint  Vincent  l'occupait  alors  au  sémi- 
naire de  Cahors. 

Lettre  397.  —  L.   a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

1.  Pour  la  conférence  qui  devait  se  faire  chez  les  Filles  de  la  Cha- 
rité. 

2.  François-Marguerite  de  Silly,  épouse  de  Philippe-Emmanuel  de 
Gondi,  ancien  général  des  galères. 

Lettre  398.  —  L.   a.  —  Dossier  des  Filles  de  la   Charité,  original. 


—  584  — 

admiré  la  bonté  de  Dieu  ni  sa  conduite,  que  j'ai  fait  et 
que  je  fais  encore  en  cette  occasion.  O  Mademoiselle, 
qui  nous  donnera  assez  d'humilité  pour  regarder  notre 
place  au  fond  des  enfers,  si  nous  ne  sommes  fidèles  à 
ses  desseins  éternels  pour  le  servir  selon  son  désir,  et 
ne  nous  abandonnons  entièremeent  à  sa  conduite  si  ad- 
mirable et  si  aimable  ! 


399.   -  A  LOUISE  DE  MARILLAC. 

Si  vous  désirez  que  j'aie  le  bien  de  vous  voir  en  votre 
maladie,  mandez-le-moi.  Je  me  suis  imposé  la  loi  de  ne 
vous  aller  voir  sans  être  mandé  pour  chose  nécessaire 
ou  fort  utile. 


400.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Ce  vendredi   matin. 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

Je  n'ai  jamais  vu  une  mère  si^  fort  mère  que  vous  ; 
vous  n'êtes  point  quasi  femme  en  autre  chose.  Au  nom  de 
Dieu,  Mademoiselle,  laissez  votre  fils  au  soin  de  son 
Père,  qui  l'aime  plus  que  vous,  ou,  pour  le  moins,  ôtez-en 
l'empressement.  Je  m'en  vas  envoyer  aux  Bons-Enfants, 
pour  savoir,  sans  faire  semblant  de  rien,  l'état  de  cet 
affaire  et  le  vous  ferai  dire. 

Bon  jour.  Mademoiselle.  Je  suis  v.  s. 

V.  D. 

Suscriftion  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 

Lettre  399.   —  Abelly,  of.   cit.,  t.   III,  chap.  xx,  p.   306. 

Lettre  400.   —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 


-  585  - 

401.  —  A  LA  MERE  DE  LA  TRINITÉ 

AI  a  très  chère  Mère, 

La  grâce  de  l'union  des  cœurs  de  Jésus-Christ  soit 
avec  vous  ^ 

J'ai  reçu  celle  qu'il  a  plu  à  votre  charité  de  m'envoyer, 
de  laquelle  je  vous  remercie  très  humblement,  comme 
aussi  de  toutes  les  bontés  dont  il  plaît  à  votre  chère 
âme  d'user  envers  la  mienne  chétive  et  vers  cette  pauvre 
compagnie,  et  prie  X.-S.,  qui  vous  a  donné  si  abondam- 
ment part  à  son  esprit,  qu'il  la  vous  augmente  à  l'infini 
pour  votre  récompense,  étant  bien  marri,  ma  très  chère 
Mère,  de  la  peine  que  je  vous  ai  doimé  sujet  d'avoir 
dans  le  rencontre  de  cet  affaire.  Mais  quoi  !  la  charité 
est  patiente.  O  ma  chère  Mère,  que  vous  avez  sujet  d'es- 
pérer un  beau  fleuron  à  votre  couronne  par  la  patience 
que  votre  charité  exerce  vers  nous  en  cet  affaire  !  C'est 
aussi  la  prière,  ma  chère  Mère,  que  je  fais  à  Notre-Sei- 
gneur  et  à  vous,  de  ne  vous  pas  lasser  de  nous  supporter 
dans  la  peine  que  vous  avez  pour  nous. 

M.  Dufestel  me  mande  que  la  bonté  de  M.  le  com- 
mandeur se  démet  de  ses  sentiments  pour  s'accommoder 
à  ma  misère  -  et  que  je  fasse  en  sorte  que  M.  le  procureur 
général  ^  écrive,  et  qu'aussitôt  il  parlera  à  Messieurs  les 
magistrats.  Je  vous  supplie,  ma  chère  Mère,  de  l'en  re- 


Lettre  401.  —  Archives  du  séminaire  Saint-Sulpice  à  Paris,  ancienne 
copie  authentiquée  le  12  mars   1772   par  l'évêque  de   Cydom. 

1.  Cette  phrase  n'a  aucun  sens  ;  le  copiste  a  sans  doute  mal  lu  ; 
n'y  avait-il  pas  sur  l'original  :  La  grâce  de  l'union  des  cœurs  en  Jé- 
sus-Christ soit  avec  vous  ?  ou  :  La  grâce  de  l'union  des  cœurs  de  Jé- 
sus-Christ et  de  Marie  soit  avec  vous   ? 

2.  Le  commandeur  de  Sillery,  peu  porté  tout  d'abord  à  demander 
l'assentiment  de  la  ville  pour  l'établissement  de  la  maison  des  mis- 
sionnaires dans  le  faubourg  de  Troyes,  avait  fini  par  se  rendre  aux 
instances  et  aux  raisons  du  saint. 

3.  Matthieu  Mole. 


—  586  - 

mercier  de  ma  part,  comme  je  fais  avec  toute  l'humilité 
qui  m'est  possible,  et  de  lui  dire  que  je  mets  cette  grâce 
au  rang  des  plus  grandes  que  j'aie  jamais  reçues  de  lui, 
et  que,  dans  deux  ou  trois  jours,  j'aurai  le  bien  d'aller 
voir  M.  le  procureur  général  aux  champs,  où  il  est,  et 
de  le  prier  d'écrire  selon  le  sens  que  mondit  sieur  le  com- 
mandeur a  ordonné  à  M.  Dufestel  que  la  lettre  soit  faite. 

Nos  missionnaires  destinés  pour  le  diocèse  de  Ge- 
nève commencent  à  se  réunir,  je  dis  l'un  d'eux,  de  la 
maladie  de  laquelle  il  sort*.  J'espère  qu'il  sera  en  état 
de  partir  au  plus  tard  vers  le  dixième  octobre  ^. 

Je  vous  supplie,  ma  chère  Mère,  de  faire  encore  nos 
excuses  à  M.  le  commandeur  de  ce  côté-là  et  de  vous 
assurer  que  mon  âme  est  pleine  de  reconnaissance  des 
obligations  que  nous  vous  avons,  et  que  vous  serez,  ma 
chère  Mère,  dans  le  temps  et  dans  l'éternité,  et  moi,  en 
l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul 

De  Paris,   ce  27  septembre  1639. 

402.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Mademoiselle, 

Il  faut  agir  contre  ce  qui  fait  peine,  et  briser  son  cœur 
ou  l'amollir  pour  le  préparer  à  tout.  Il  y  a  apparence 
que   Notre-Seigneur   veut  prendre  sa   part   de  la  petite 


4.  Cette  phrase  est  inintelligible  par  suite  d'une  mauvaise  lecture 
du  copiste. 

5.  D'après  le  contrat  de  fondation,  saint  Vincent  devait  envoyer 
deu.x  de  ses  prêtres  à  Annecy  avant  le  15  septembre.  Nous  voyons 
ici  que  des  circonstances  indépendantes  de  sa  volonté  retardèrent 
leur  départ. 

Lettre  402.  —  Abelly,  o-p.  cit.,  t.  III,  chap.  v,  sect.  i,  p.  37. 


-  587  - 

compagnie.  Elle  est  tout  à  lui,  comme  je  l'espère,  et  il 
a  droit  d'en  user  comme  il  lui  plaira.  Et  pour  moi,  mon 
plus  grand  désir  est  de  ne  désirer  que  l'accomplissement 
de  sa  sainte  volonté.  Je  ne  puis  vous  exprimer  combien 
notre  malade  '  est  avant  dans  cette  pratique  ;  et  c'est 
pour  cela  qu'il  semble  que  Xotre-Seigneur  le  veuille 
mettre  dans  un  lieu  où  il  pourra  continuer  plus  heureu- 
sement durant  toute  l'éternité.  Oh  !  qui  nous  donnera  la 
soumission  de  nos  sens  et  de  notre  raison  à  cette  ado- 
rable volonté  !  Ce  sera  l'auteur  des  sens  et  de  la  raison, 
si  nous  ne  nous  en  servons  qu'en  lui  et  pour  lui.  Prions-le 
que  vous  et  moi  ayons  toujours  un  même  vouloir  et  non- 
vouloir  avec  lui  et  en  lui,  puisque  c'est  un  paradis  anti- 
cipé dès  cette  vie. 


403    —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[9  ou  10  octobre   163g  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Je  vous  remercie  très  humblement  du  soin  que  vous 
avez  de  moi.  Ma  petite  fièvre  est  tierce  ;  voici  le  troi- 
sième accès.  Elle  me  prit  le  soir  que  j'eus  le  bien  de  vous 
voir,  pour  être  descendu  au  réfectoire  incontinent  après 
avoir  rendu  le  petit  remède  que  je  pris.  Le  premier  ac- 


I.  Ce  malade,  «  un  des  principaux  prêtres  »  de  la  «  congrégation 
et  des  plus  utiles  »,  dit  Abellv,  était,  semble-t-il,  de  ceux  qui  prê- 
tèrent leur  concours  à  Louise  de  Marillac.  Ce  pourrait  bien  être  Jean 
de  la  Salle,  mort  à  Paris  le  9  octobre  1639.  M.  Pémartin  pense  que 
cette  lettre  a  été  écrite  à  l'occasion  de  la  maladie  d'Antoine  Portail 
en  1660.  Ce  n'est  pas  probable  ;  car  Louise  de  Marillac  elle-même 
était   alors   à   toute   extrémité. 

Lettre  403.  —  L.  a.   —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,  original. 

I.  Cette  lettre  a  été  écrite  le  jour  ou  le  lendemain  de  la  mort  de 
Jean  de  la    Salle. 


—  588  — 

ces  m'ôta  le  sommeil  tout  à  fait.  Le  lendemain,  comme 
depuis,  je  me  provoquai  à  suer,  qui  a  fait  que  les  accès 
sont  diminués,  avec  ce  que  j'ai  été  saigné  deux  fois,  de 
sorte  que  celui  que  j'ai  à  présent  est  fort  doux  M.  notre 
médecin  est  d'avis  que  je  me  purge  mercredi  prochain. 
Je  vous  prie  de  nous  faire  faire  la  médecine.  Celle  que 
vous  envoyâtes  dernièrement  a  été  inutile,  non  pas  celle 
que  prit  M.  Blatiron  -,  qui  s'en  est  allé  avec  Monsieur 
d'Alet^,  car  il  s'en  est  fort  bien  trouvé. 

Je  vous  remercie  de  l'avis  que  vous  me  donnez  tou- 
chant l'infirmerie  et  de  la  part  que  vous  prenez  à  notre 
sujet  de  douleur,  et  vous  recommande  notre  frère 
Alexandre  *,  auquel  l'on  donnera  à  ce  soir  l'extrême  onc- 
tion, ensemble  au  serviteur  de  M.  le  prieur  ^.  Le  reste 
se  porte  bien.  Dieu  merci. 

Je  fus  hier  fort  consolé,  sachant  que  vous  vous  por- 
tez mieux,  et  prie  Dieu  qu'il  vous  redonne  la  force  qu'il 
faut  pour  tant  de  besogne  que  Notre-Seigneur  vous 
prépare. 

Je  vous  dirai  un  mot  seulement  touchant  la  perte  que 


2.  Etienne  Blatiron,  prêtre  de  la  Mission,  né  à  Saint-Julien-Chap- 
teuil  (Haute- Loire)  le  6  janvier  1614,  reçu  dans  la  congrégation  de 
la  Mission  le  6  janvier  1638,  ordonné  prêtre  en  1639,  placé  à  Alet 
(1639-1641),  Saintes  (1641),  Richelieu,  Rome  {1644-1645),  Gênes 
(1645-1657).  Il  se  signala  surtout  dans  ce  dernier  poste,  où,  comme 
supérieur  d'une  maison  nouvelle,  il  eut  tout  à  organiser.  Saint  Vin- 
cent voyait  en  lui  un  de  ses  missionnaires  les  plus  accomplis  et  «  un 
très  grand  serviteur  de  Dieu  ».  (Cf.  AbelUy,  o-p.  cit.,  t.  III,  p.  70.) 
Etienne  Blatiron  mourut  à  Gênes  le  24  juillet  1657,  victime  de  son 
dévouement  pour  les  pestiférés.  Sa  biographie  a  été  publiée  dans  le 
t.  II  des  Notices,  pp.  151-203.  On  trouve  dans  le  manuscrit  de  Lyon 
un  rapport  sur  les  vertus  adressé  à  saint  Vincent. 

3.  Nicolas  Pavillon  avait  reçu  la  consécration  épiscopale  le  22  août 
dans  l'église  de  Saint-Lazare.  Saint  Vincent  avait  promis  d'aller  avec 
lui  dans  son  diocèse.  Il  ne  le  put.  Le  nouvel  évêque  quitta  Paris  le 
8  octobre,  accompagné  d'Etienne  Blatiron,  qui  devait  diriger  son  sé- 
minaire. E.  Dejean  fait  connaître  les  incidents  de  ce  voyaire. 
{O-p.    cit.,   p.    17.) 

4.  Alexandre  Véronne. 

5.  Adrien  Le  Bon. 


-  589  - 

nous  avons  faite  de  feu  M.  de  la  Salle  et  celle  que  nous 
sommes  en  danger  de  faire,  que,  par  la  grâce  de  Dieu, 
j'en  ai  mon  cœur  en  paix,  en  la  vue  que  c'est  le  bon  plai- 
sir de  Dieu.  Il  me  vient  parfois  quelque  appréhension 
que  mes  péchés  en  sont  la  cause  ;  mais,  voyant  en  cela 
même  le  bon  plaisir  de  Dieu,  je  l'agrée  de  tout  mon  cœur 
et  suis,  en  l'amour  de  Xotre-Seigneur,  v.  s. 

V.  D. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


404.  —  A  LOUIS  LEBRETON,  PRÊTRE   DE   LA  MISSION, 
A  ROME 

Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

J'ai  reçu  la  vôtre  du  13  septembre  et  quelques  autres 
auparavant,  auxquelles  j'ai  fait  réponse  depuis  mon 
retour  de  Troyes,  et  vous  redirai  par  celle-ci  que  j'ai 
prié  M.  le  curé  de  Saint-Leu  \  qui  a  fait  le  martyrologe 
français  -,  de  me  donner  les  mémoires  qu'il  a  de  sainte 


Lettre  404.  —  L.  a.  —  L'original  nous  a  été  communiqué  j^ar 
M.    Gloutier,   vice-président  des  hôpitaux   de  Langres. 

1.  André  du  Saussay,  né  à  Paris  vers  1589,  docteur  en  l'un  et  en 
l'autre  droits,  controversiste  de  talent,  orateur  renommé,  écrivain 
abondant,  curé  de  Saint-Leu  et  Saint-Gilles  (1624-1656),  en  faveur 
auprès  du  roi,  qui  le  prit  pour  conseiller  et  prédicateur.  Il  devint 
officiai  et  grand  vicaire  de  Paris  (1643-1655).  Proposé  par  la  reine 
régente  en  1649  pour  le  siège  épiscopal  de  Toul,  il  ne  fut  agréé  par 
le  Pape  qu'en  1656.  Il  gouverna  sagement  son  diocèse  et  mourut  le 
9  septembre  1675,  après  avoir  mérité  cet  éloge  gravé  sur  sa  tombe  : 
vir  clero  et  fofulo  amabilis.  [Histoire  des  Diocèses  de  Toul,  de 
Nancy  et  de  Saini-Dié,  par  l'abbé  Eugène  Martin,  Nancy,  3  vol.  in-8, 
1900-iQO^,    t.    II,   p.    236   et  suiv.) 

2.  Martyrologium  Gallicanum,  Paris,  1638,  2  vol.  in-f",  ouvrage 
sans   valeur    historique. 


—  590  — 

Vénéranda  ^  ;  et  qu'avant  que  la  présente  parte,  je  le 
ferai  voir  encore  pour  le  prier  de  m'envoyer  ce  qu'il  a, 
et  le  vous  enverrai  par  même  moyen. 

Quant  aux  frais  des  missions,  vous  les  ferez,  sil 
vous  plaît,  quand  vous  y  irez,  voire  pour  ce  bon  prêtre 
sicnnois  aussi,  s'il  n'insiste  au  contraire. 

Pour  les  litanies  de  Jésus,  je  voudrais  bien  que  vous 
obteniez  la  permission  de  les  dire  au  choeur  le  matin 
média  voce  sine  cantu,  comme  nous  avons  accoutumé. 

Quand  je  'vous  ai  parlé  de  vous  envoyer  des  mission- 
naires, ce  n'était  qu'une  simple  proposition.  Il  nous  serait 
impossible,  à  présent  que  nous  avons  augmenté  le  nom- 
bre des  missionnaires  d'Aiguillon  ^,  que  nous  en  avons 
donné  quatre  pour  fonder  à  Alet  et  que  nous  en  allons 
envoyer  autres  quatre  dans  le  diocèse  de  Genève,  où  M. 
le  commandeur  de  Sillery  a  fait  une  fondation,  et 
qu'outre  les  missionnaires  de  Toul,  nous  en  avons  en- 
voyé à  Nancy,  à  Verdun,  à  Bar-le-Duc  et  en  allons  en- 
voyer à  Metz  pour  assister  corporellement  et  spirituel- 
lement le  pauvre  peuple  des  champs  retiré  dans  ces  vil 
les  :  corporellement,  en  leur  départant  pour  cinq  cents 
livres  de  pain  par  mois  en  chaque  ville,  qui  reviennent  à 
deux  mille  cinq  cents  livres,  qu'il  faut  que  nous  trou- 
vions par  mois  ;  et,  par  la  grâce  de  Dieu,  cela  n'a  point 
manqué  jusques  à  présent  ;  et  si  j'espère  que  nous  n'y 
manquerons  pas  ;  pour  le  moins  avons-nous  du  fonds 
pour  cette  année  ;  et  spirituellement,  en  leur  enseignant 
à  tous  les  choses  nécessaires  à  salut  et  leur  faisant 
faire  une  confession  générale  de  toute  leur  vie  passée 
d'abord  et  continuer  de  deux  ou  de  trois  en  trois 
mois.    Notre  frère     Matthieu,    qui     fait   des   merveilles 


3.  Sainte  Vénérande  eut  la  tête  tranchée  à  Rome,  sous  la  persécution 
d'Antonin,  le   14  novembre,  jour  011  l'Eglise  célèbre  sa  fête. 

4.  Ou  plutôt  La  Rose,  près  d'Aiguillon. 


—  591  — 

pour  cela,  selon  la  grâce  que  Notre-Seigneur  lui  a  don- 
née toute  spéciale,  a  pensé  qu'il  ferait  bien,  d'en  amener 
en  France  le  plus  qu'il  pourra.  Il  en  emmena  cent  le  mois 
passé,  entre  lesquels  il  y  avait  quarante-six  allés,  demoi- 
selles et  autres,  qu'il  a  conduites  et  nourries  jusques  en 
cette  ville,  où  Ion  en  a  déjà  placé  la  plupart  ;  et  en  at- 
tendant, l'on  les  nourrit  en  une  maison  où  l'on  a  pris 
soin  des  enfants  trouvés  de  cette  ville.  Quelques  bonnes 
dames"'  font  des  merveilles  pour  nous  aider  en  cela. 
Tout  cela  posé,  vous  voyez  bien,  ^Monsieur,  qu'il  nous 
est  impossible  de  vous  envoyer  du  secours  pour  le  pré- 
sent ;  ce  sera  quand  nous  le  pourrons.  Nous  en  allons 
faire  partir  douze  ou  treize  pour  envoyer  en  ces  lieux-là. 
Voilà  des  nouvelles  qui  vous  consoleront  ;  mais  en 
voici  une  qui  contristera  bien  votre  cher  cœur  ;  c'est  la 
nouvelle  de  la  mort  de  notre  bon  feu  M.  de  la  Salle, 
qui  alla  à  Dieu  le  jour  de  saint  Denis  ^,  entre  trois  et 
quatre  heures  du  matin,  en  suite  d'une  fièvre  pourprée, 
en  laquelle  il  a  été  si  attaché  à  la  volonté  de  Dieu  qu'il 
n'en  est  pas  sorti  un  moment,  de  sorte  qu'il  se  peut  dire 
que  sa  mort  a  répondu  à  sa  vie.  Un  jour  avant  mourir, 
il  tira  sa  chemise,  pour  mourir  nu,  avec  tant  de  propreté 
que  chacun  a  admiré  comme  quoi  un  corps  qui  ne  re- 
muait plus  il  y  avait  deux  jours,  avait  pu  faire  cela.  Et 
en  effet,  je  lui  demandai  pourquoi  il  s'était  mis  nu,  et  il 
me  fi.t  une  réponse  non  articulée,  que  je  n'entendis  pas  ; 
mais  M.  Dehorgny  nous  dit  qu'il  croyait  qu'il  l'avait 
fait  pour  imiter  saint  François  "  ou,  pour  mieux  dire, 
Notre-Seigneur,  pource  qu'il  le  vit,  l'année  passée,  fort 
touché  de  cet  acte  de  saint  François,  le  jour  que  l'on  en 
lisait  la  vie. 


5.  La  duchesse  d'Aiguillon  surtout. 

6.  9  octobre. 

7.  Saint  François  d'Assise. 


—  592  — 

Notre-Seigneur  semble  n'en  vouloir  pas  demeurer  là, 
car,  à  l'heure  que  je  vous  parle,  nous  avons  deux  de  nos 
frères  dans  l'extrême-onction,  dont  notre  cher  et  admi- 
rable frère  Alexandre  ^  en  est  1  un.  Je  recommande  à  vos 
prières  le  mort  et  les  vivants,  et  vous  prie  de  nous  faire 
dépêcher  l'autel  privilégié  avec  la  dispense  du  nombre 
préfix  de  neuf  messes.  Il  s'en  dit  pour  l'ordinaire  des 
quinze  ou  vingt  ;  mais  il  arrive  parfois,  quand  l'on  va 
à  la  mission,  qu'on  n'est  ici  que  quatre  ou  cinq  prêtres. 
Monseigneur  le  cardinal  ^  vient  d'envoyer  céans  pour 
faire  demander  si  nous  en  avons  un,  avec  ordre  d'y 
faire  dire  des  messes  pour  feu  Monseigneur  le  cardinal 
de  la  Valette  '\ 

Mon  Dieu,  Monsieur,  que  cette  supplique  est  longue  à 
faire"  !  Je  vous  supplie,  Monsieur,  de  la  hâter  ;  et,  quoi 
que  die  ce  bon  prélat  et  plusieurs  autres,  standiim  est 
proposito.  Je  viens  de  parler  de  cet  affaire  avec  notre 
bon  M.  Gallon,  qui  estime,  comme  moi,  la  chose  absolu- 
ment nécess:aire,  et  m'a  dit  de  si  bormes  choses  pour  cela 
que  j'en  ai  le  cœur  tout  attendri,  entre  autres  l'argu- 
ment de  saint  Thomas  :  quae  appUcantur  primo  et  id- 
timo  debent  esse  immobilia.  Ce  bon  M.  Gallon,  c'est  un 
docteur  en  théologie  qui  travaille  incessamment  à  la 
mission  devers  Aumale.  Faites  donc.  Monsieur,  je  vous 
en  supplie.  Je  ne  sais  s'il  n'aurait  pas  été  à  souhaiter 
que  vous   vous   fussiez  adressé  d'abord   à  Monseigneur 


8.  Le    frère   Alexandre   Véronne. 

9.  Le  cardinal  de  Richelieu. 

10.  Louis  de  la  Valette  de  Nogaret  avait  occupé  le  siège  de  Tou- 
louse de  1614  à  1627  et  reçu  le  chapeau  de  cardinal  en  1621.  Son 
humeur  martiale  lui  fit  accepter  le  commandement  des  armées  du 
roi,  qu'il  conduisit  en  Allemagne,  dans  les  Pays-Bas  et  en  Italie.  Il 
mourut  à  Rivoli,  près  de  Turin,  le  28  septembre   1639. 

11.  Cette  supplique  avait  trait  à  l'organisation  de  la  congrégation 
de  la  Mission,  dans  laquelle  le  fondateur  voulait  introduire  la  pra- 
tique des  vœux. 


—  593  — 

le  cardinal  Antonio  ^',  ni  si  la  personne  que  vous  savez 
n'en  veut  pas  faire  une  vache  à  lait  pour  avoir  encore  de 
l'argent,  ou  service  qui  l'équivale.  Plût  à  Dieu  que  vous 
eussiez  quelque  autre  moyen  en  main  pour  faire  la  chose, 
c'est  la  pensée  de  M.  de  Cordes,  pourvu  que  cela  se  peut 
sans  rien  gâter  !  Ceci  soit  dit  à  l'oreille  de  votre  cœur 
et  non  jamais  à  aucun  autre.  Que  si  vous  trouviez  du 
danger  au  changement  des  moyens,  in  nomine  Domini, 
tenez-vous  à  celui  que  vous  avez.  Voyez-vous,  Monsieur, 
nous  sommes  mortels.  Je  ne  la  puis  pas  faire  longue,  car 
j'entrerai  au  mois  d'avril  prochain  en  ma  soixantième  ^^. 
Ajoutez  à  cela  les  accidents  qui  peuvent  arriver.  Le  mé- 
decin vient  de  sortir  d'avec  moi,  qui  me  vient  de  dire 


12.  Antoine  Barberini,  neveu  du  Pape  Urbain  VIII,  n'avait  que 
vingt  ans  quand  il  entra  au  Sacré  Collège  en  1627.  Il  fut  chargé 
de  plusieurs  légations.  Louis  XIII  le  nomma  protecteur  des  affaires 
de  France  en  cour  de  Rome.  Les  démarches  qu'il  fit  pour  empêcher 
l'élection  d'Innocent  X  n'ayant  pas  abouti,  il  vint  en  France,  obtint 
en  1652  l'évêché  de  Poitiers  et  en  1657  l'archevêché  de  Reims.  Il 
mourut  à  Nemi,   près  de  Rome,   le   3   août   1671. 

13.  Saint  Vincent  serait  donc  né  en  1581,  cinq  ans  après  la  date 
acceptée  par  tous  ses  biographes,  et  son  âge  ne  serait  pas  celui  qui 
fut  gravé  sur  son  tombeau.  Nous  ne  chercherons  pas  à  élucider 
ici  le  problème  historique  que  ce  désaccord  soulève  ;  nous  nous  con- 
tenterons de  noter  que  le  saint  n'a  jamais  varié.  Si  l'on  tient  compte 
de  ce  fait  que,  dans  sa  bouche  ou  sous  sa  plume,  l'année  en  cours 
est  considérée  comme  accomplie,  ses  divers  témoignages  sur  ce  point, 
(on  en  compte  douze)  sont  tous  parfaitement  concordants.  (Voir  les 
lettres  du  25  juillet  1640  à  Pierre  Escart,  du  21  novembre  1642  à 
Bertrand  Codoing,  du  17  septembre  1640  à  Etienne  Blatiron.  Hu  27 
avril  1655  au  Pape  Alexandre  VII,  du  15  juillet  1659  au  cardinal  de 
Retz,  du  24  août  1659  à  François  Feydin  ;  la  répétition  d'oraison  du 
3  novembre  1656  ;  les  conférences  du  6  janvier  et  du  n;  juin  1657 
aux  Filles  de  la  Charité.)  C'est  dans  cette  conviction  qu'il  déclarait 
avoir  près  de  quarante-huit  ans,  le  17  avril  1628,  devant  les  juges 
chargés  d'informer  sur  les  vertus  de  saint  François  de  Sales,  et  près 
de  cinquante-neuf  ans,  le  31  mars  1639,  dans  sa  déposition  écrite 
concernant  Saint-Cyran.  Autour  de  lui,  on  pensait  de  même,  puis- 
qu'à  la  fin  de  i6:;9  le  Père  de  Gondi  lui  attribue  soixante-dix-neut 
ans  (lettre  des  frères  Chandenier  à  saint  Vincent,  du  10  septem- 
bre 1659)  et  que  son  secrétaire  le  frère  Louis  Robineau,  dans  un  ma- 
nuscrit composé  après  1660  (Arch.  de  la  Mission,  p.  85),  l'appelle 
«  un  vieillard  de  près  de  quatre-vingts  ans  ». 

38 


—  594  — 

que  voilà  !\I.  Dehorgny  qui  a  la  fièvre.  Pour  celle  que  j'ai 
à  présent,  c'est  mon  ordinaire. 

Je  suis  plus  touché  que  je  ne  vous  puis  dire  de 
l'heureux  rencontre  que  vous  avez  fait  de  ce  bon  prêtre 
siennois.  O  Monsieur,  que  je  le  serais  parfaitemeent  s'il 
plaisait  à  la  bonté  de  Dieu  de  l'unir  à  vous  en  son  es- 
prit !  Je  le  dis  posïtïs  ponendis  ;  il  me  semble  que  No- 
tre-Seigneur  me  fait  la  miséricorde  de  ne  pas  convoiter 
les  hommes  que  lorsque  sa  providence  les  attire.  Hélas  ! 
Monsieur,  que  nos  souhaits  sont  vains  et  fautifs  '  Je  prie 
Notre-Seigneur  cependant  qu'il  donne  sa  bénédiction  sur 
la  nouvelle  vie  que  vous  allez  commencer  ensemble  dans 
votre  maison  et  à  la  mission  à  laquelle  je  me  persuade 
que  vous  êtes  maintenant.  J'ose  me  donner  la  confiance 
de  le  saluer  très  humblement  avec  tout  le  respect  et  la 
révérence  que  je  lui  dois,  et  me  recommander  à  ses  sain- 
tes prières.  Je  salue  pareillement  cet  autre  bon  prêtre  du- 
quel vous  me  parlez  pour  faire  peut-être  le  troisième. 

Vous  m'avez  parlé  du  R.  P.  Garanita  quasi  par  toutes 
les  lettres  et  de  tout  le  bien  qu'il  fait  ;  mais  je  ne  sais 
si  vous  m'avez  mandé  de  qael  Ordre  il  est.  Quoi  que 
ce  soit,  je  ne  puis  que  louer  Dieu  de  la  grâce  qu'il 
vous  fait,  comme  aussi  de  celle  que  vous  a  faite  ce  bon 
prélat  qui  fait  cette  académie  d'ecclésiastiques.  Je  prie 
Notre-Seigneur  qu'il  verse  ses  bénédictions  sur  eux  de 
plus  en  plus. 

Jésus  !  Monsieur,  que  je  suis  consolé  du  mémorial  que 
vous  avez  présenté  pour  avoir  la  faculté  de  travailler, 
et  des  indulgences  pour  la  Compagnie  !  Je  vous  prie 
de  me  l'envoyer  dès  que  vous  l'aurez  obtenu.  O  Mon- 
sieur, que  je  sens  tendrement  la  grâce  que  vous  a  faite 
en  cela  Monseigneur  le  cardinal  Bagni  et  que  je  prie 
Dieu  de  bon  cœur  qu'il  le  conserve  longues  années  !  Je 
vous  dirai  deux  choses  de  lui  :  l'une,  que  je  n"ai  jamais 
vu  une  bonté  plus  rapportante  à  celle  du  bienheureux 


—  595  — 

François  de  Sales,  év-êque  de  Genève,  que  la  sienne  ; 
l'autre,  que  je  garde  son  portrait  fort  chèrement  ;  et  n'en 
ai  point  d'autre  que  le  sien  et  celui  de  notre  bienheu- 
reux prélat.  Je  vous  supplie,  Monsieur,  de  l'assurer  de 
mon  obéissance,  d'avoir  soin  de  votre  santé  et  de  m'aider 
par  vos  prières  pour  obtenir  miséricorde  devant  sa  di- 
vine Majesté  pour  moi  et  de  lui  demander  la  grâce  de 
mieux  vivre  pour  bien  mourir,  comme  a  fait  Madame  la 
présidente  Goussault,  qui  a  fait  un  divin  usage  de  la 
maladie  qui  a  précédé  sa  mort,  qui  a  été  longue  et  dou- 
loureuse, et  est  morte  avec  joie  et  jubilation. 

Je  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  Monsieur,  votre 
très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

De  Paris,  ce  12  octobre  1639. 

Sîiscriplion  :  A  Monsieur  Marchand,  banquier  en 
cour  de  Rome,  pour  rendre,  s'il  lui  plaît,  à  Monsieur  Le- 
breton,  prêtre  de  la  Mission,  à  Rome. 

405.  —  A  UN  PRÊTRE  DE  LA  MISSION 

[Octobre    1639  ^.] 

Or  sus,  Alonsieur,  élevez  votre  cœur  à  Dieu  et  recevez 
dans  l'acquiescement  de  son  bon  plaisir  la  triste  nou- 
velle que  je  m'en  vas  vous  donner.  Il  a  plu  à  la  divine 
bonté  de  retirer  à  lui  le  bon  Monsieur  de  la  Salle.  Il 
mourut  le  jour  de  saint  Denis,  entre  3  et  4  heures  du 
matin,  d'une  fièvre  pourpreuse,  le  14*  jour  de  son  mal. 
Sa  mort  a  répondu  à  sa  vie.  Il  a  eu  un  perpétuel  acquies- 
cement au  bon  plaisir  de  Dieu  depuis  le  commencement 


Lettre  405.   —  Ms.  de  Lyon. 

I.   Mois  et  année  de  la  mort  de  Jean  de  la  Salle. 


—  596  — 

de  sa  maladie  jusqu'à  la  fin,  sans  aucune  pensée  con- 
traire. Il  avait  toujours  craint  la  mort  ;  mais,  comme 
il  vit  dès  le  commencement  qu'il  l'envisageait  avec  plai- 
sir, il  me  dit  qu'il  en  mourrait,  parce,  disait-il,  qu'il  m'a- 
vait ouï  dire  que  Dieu  ôte  à  la  fi.n  l'appréhension  de  la 
mort  à  ceux  qui  l'ont  eue  pendant  leur  vie  et  qui  ont 
exercé  la  charité  envers  les  pauvres.  Je  ne  puis  vous  dire 
les  sentiments  de  dévotion  qu'il  a  laissés  à  la  compa- 
gnie. L'on  était  pour  lors  dans  la  retraite  et,  au  rapport 
de  l'oraison,  chacun  disait  ce  qu'il  lui  avait  ouï  dire  de 
plus  édifiant  et  rapportait  les  vertus  qu'il  lui  avait  vu 
pratiquer  ;  ce  qui  nous  a  donné  sujet  de  faire  des  con- 
férences sur  cela  même.  Nous  fîmes  avant-hier  la  pre- 
mière et  continuerons  vendredi  prochain.  Vous  ne  sauriez 
vous  représenter  les  effets  de  cette  conférence.  J'avais 
difficulté  à  cela  ;  mais,  considérant  que  l'esprit  de 
l'Eglise  est  qu'on  s'entretienne  des  vertus  de  ceux  qui 
sont  morts  en  Notre-Seigneur,  et  que  pour  cela  elle  a 
établi  des  notaires  pour  recueillir  et  manifester  les  com- 
bats des  martyrs  et  les  saintes  actions  des  confesseurs, 
les  oraisons  funèbres  qu'on  fait  à  Paris  pour  les  grands 
et  pour  toutes  sortes  de  personnes  en  Provence  et  en 
Languedoc,  en  quelques  endroits  sur  la  fosse  à  son  en- 
terrement, un  dimanche,  après  le  dîné  du  jour  des  obsè- 
ques, j'ai  pensé  que  nous  pourrions  faire  cela  utilement 
et  en  ai  consolation.  Je  désire  même  que  cela  se  conserve 
dans  l'humilité  et  la  charité  chrétienne.  Il  me  semble 
qu'il  y  a  lieu  d'espérer  que  quelques-uns  se  corrigeront 
de  leurs  défauts  et  d'autres  s'encourageront  dans  la 
vertu.  Il  y  en  a  un  de  ceux  qui  parla  avant-hier,  qui  dit 
qu'il  s'était  résolu,  par  la  grâce  de  Dieu  et  par  les  prières 
et  l'exemple  du  défunt,  à  une  chose  d'importance,  à  la- 
quelle il  n'avait  aucune  disposition  auparavant.  Je  pense, 
Monsieur,  que  vous  ferez  bien  d'en  faire  une  chez  vous, 
dont  le  premier  point  pourra  être  des  motifs  de  nous 


—  597  — 

entretenir  des  bonnes  paroles  et  des  bons  exemples  que 
nous  avons  remarqués  dans  le  défunt  ;  2*  point,  quelles 
sont  les  paroles  que  vous  lui  avez  ouï  dire  ;  3*  point, 
quels  exemples. 


406.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[13  octobre  1639  ^.] 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  vous  remercie  très  humblement  de  votre  bonne  méde- 
cine ;  je  la  pris  hier  et  me  fit  trois  opérations.  Monsieur 
notre  médecin  est  d'avis  que  j'en  prenne  encore  demain 
une  avec  du  sirop  de  rosepale  ^.  Je  vous  supplie  très 
humblement  de  me  faire  encore  cette  seconde  charité  et 
de  me  l'envoyer  à  ce  soir. 

J'ai  toujours  ma  petite  fiévrotte.  Notre  frère  Alexan- 
dre ^  nous  donne  quelque  espérance,  et  l'autre  frère  aussi. 
Le  premier  a  encore  le  jour  de  demain,  qui  est  son  14®, 
un  peu  à  craindre.  Monsieur  Dehorgny  est  malade  d'une 
colique  avec  un  peu  de  fièvre. 

Cette  petite  incommodité  me  donnera  le  moyen  de 
penser  un  peu  plus  à  nos  petites  affaires  de  la  Charité  ; 
et  après  cela,  si  Notre-Seigneur  me  donne  vie,  nous  y 
travaillerons  à  bon  escient.  Votre  lettre  me  fit  voir  avant- 
hier  quelque  petit   regret  pour   cela  dans   votre  esprit. 


Lettre  406.  —  Manuscrit    Saint-Paul,  p.   56. 

1.  C'est  la  date  qui  ressort  de  la  comparaison  de  cette  lettre  avec 
la  lettre  403.  Le  saint  dit  ici  qu'il  a  pris  médecine  la  veille.  Il  écrivait 
le  9  ou  le  10  octobre  :  «  Notre  médecin  est  d'avis  que  je  me  purge 
mercredi  prochain.  »  Le  mercredi  suivant  était  le  12.  C'est  donc  le  jeu- 
di  13  qu'il   écrit  la   lettre  ci-dessus. 

2.  Sirop    astringent. 

3.  Alexandre  Véronne.   Il   se  remit  complètement. 


-  598  — 

Mon  Dieu  !  Mademoiselle,  que  vous  êtes  heureuse  d'avoir 
le  correctif  de  l'empressement  !  Les  œuvres  que  Dieu  fait 
lui-même  ne  se  gâtent  jamais  par  le  non-faire  des 
hommes.  Je  vous  prie  d'avoir  cette  confiance  en  lui  et  que 
je  suis,  en  son  amour,  autant  que  Notre-Seigneur  le  veut, 
Mademoiselle,  votre  très  humble  serviteur. 

V.  D.  P. 
Suscrïption  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


407.  —  A  BENOIT  BÉCU,  PRÊTRE  DE  LA   MISSION, 
A  RICHELIEU 

De  PariSj  ce  28  octobre   1639. 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

La  Providence  de  Dieu  a  jeté  les  yeux  sur  vous  pour 
l'aller  servir  à  Notre-Dame  de  La  Rose,  au  diocèse 
d'Agen -,  où  sont  Messieurs  Brunet  et  Savinier. 

Je  vous  envoie  un  mémoire  secret,  que  vous  ne  com- 
muniquerez à  personne  qu'à  M.  Lambert. 

La  nouveauté  de  l'emploi  vous  fera  appréhender. 
Ressouvenez-vous  que  Notre-Seigneur  sera  votre  direc- 
teur et  votre  direction  et  que  vous  pouvez  toutes  choses 
avec  lui   ;  Jérémie  était  un  enfant  qui  ne  savait  que  dire 


Lettre  407.  —  L.  a.  —  Original  à  Martel  (Lot)  chez  les  Filles  de 
la   Charité. 

I.  La  fondatrice  de  la  maison  établie  à  Notre-Dame  de  La  Rose 
n'était  autre  que  la  duchesse  d'Aiguillon.  Par  contrat  du  18  août 
1637,  elle  avait  donné  une  somme  de  22.000  livres  pour  l'entretien  de 
quatre  prêtres,  à  charge  par  eux  de  faire  des  missions,  aux  quatre 
fêtes  principales  de  l'année,  dans  les  villes,  bourgs  et  villages  de  son 
duché  et  d'assurer  dans  leur  chapelle  une  messe  rpiotidienne  pour  elle 
et  les  siens.    (Arch.  Nat.    MM  584.) 


-    599  — 

à  Dieu  :  Domine,  nescio  loqui  ;  et  que  cependant  le  des- 
sein de  Dieu  était  de  s'en  servir  en  l'affaire  le  plus  impor- 
tant que  Sa  Majesté  eût  pour  lors  à  l'égard  de  son  peu- 
ple, et  que  vous  avez  sujet  d'espérer  les  mêmes  grâces 
qu'il  lui  fit,  si,  comme  lui,  quoi  qu'on  fasse,  vous  répondez 
dans  son  esprit  d'humilité  à  votre  vocation.  J'espère 
cela  de  sa  bonté  et  de  la  reconnaissance  qui]  me  sem- 
ble que  vous  avez  de  votre  indignité  et  insuffisance,  et 
suis,  en  son  amour  et  celui  de  sa  sainte  Mère,  votre  très 
humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

M.  Bécu  ^,  qu'on  nomme  à  Nancy  M.  de  Montigny,  se 
porte  bien  et  fait  des  merveilles  à  l'entour  de  quatre 
cents  pauvres,  qu'il  nourrit  corporellement  et  spirituel- 
lement, et  frère  Hubert  ^  fait  toujours  de  mieux  en 
mieux. 

Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 


408.  —  A  LOUIS  LEBRETON 

De  Paris,   ce   15   novembre   1639. 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais  ! 

J'ai  reçu  la  vôtre  et  la  formule  de  votre  supplique  ; 
et  l'ayant  considérée,  ensemble  les  dispositions  présen- 
tes de  nos  seigneurs  les  prélats,  nous  avons  pensé  qu'il 


2.  Jean   Bécu. 

3.  Hubert  Bécu. 

Lettre  410.   —  L.  a.  —  L'original  se  trouve  à  l'hôpital  du  Bon-Se- 
cours à   Metz. 


• —  6oo  — 

est  expédient  de  leur  attribuer  la  correction  des  fautes 
que  teront  les  missionnaires  à  l'égard  des  peuples,  fai- 
sant les  missions,  comme  aussi  de  leur  attribuer  la  visite 
et  correction  des  maisons  qui  se  dérégleront  scandaleu- 
sement, après  qu'ils  en  auront  averti  le  général  deux  ou 
trois  fois  et  marqué  le  dérèglement  scandaleux  sur  lequel 
ils  se  doivent  corriger,  et  qu'ils  auront  fait  une  informa- 
tion du  dérèglement.  Et,  pource  que  nous  craignons  que 
vous  ayez  peine  d'obtenir  la  grâce  di7nittendi  incorrigi- 
biles,  nous  avons  pensé  qu'il  sera  expédient  de  deman- 
der qu'on  ne  fasse  les  vœux  solennels  et  que  ceux  qui 
auront  ^  fait  leurs  deux  années  du  séminaire  feront  les 
quatre  vœux  simples,  et  que  ceux  qui  auront  fait  leur 
première  année  du  séminaire  feront  un  bon  propos  de 
vivre  et  de  mourir  en  la  compagnie  dans  la  pauvreté,  la 
chasteté  et  l'obéissance  aux  évêques  circa  missiones  et  au 
supérieur  général  circa  clisciplmam  et  directionem  socie- 
tatis,  que  ces  derniers  ne  pourront  se  retirer,  ni  être  ren- 
voyés qu'en  suite  des  exercices  spirituels,  les  seconds  ne 
pourront  pareillement  se  retirer,  ni  être  renvoyés  qu'après 
avoir  usé  de  tous  les  moyens  imaginables  avant  d'en  venir 
là,  ni  qu'avec  l'autorité  du  Pape  ou  du  général,  qu'aux 
cas  que  je  marquerai,  comme  aussi  tout  ce  qui  est  con- 
tenu en  la  présente,  par  un  mémoire  que  j'espère  vous 
envoyer  dans  trois  jours.  C'est  pourquoi  je  vous  prie  de 
différer  à  présenter  ladite  supplique.  Je  répondrai  par 
la  prochaine  à  tout  ce  que  vous  me  mandez  par  la  vôtre, 
qui  suis,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur,  votre  très  hum- 
ble et  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

Suscription    :  A  Monsieur  Monsieur  Marchand,  ban- 


I.    Première    rédaction     :    les    vœux    solennels    et    d'obéissance    au.x 
évêques  qu'aj)rès  plusieurs  années  et  que  ceux  qui  auront... 


—  6oi  — 

quier  expéditionnaire  en  cour  de  Rome,  pour  rendre, 
s'il  lui  plaît,  à  Monsieur  Monsieur  Lebreton,  prêtre  de 
la  Mission,  à  Rome. 


409.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

De  Richelieu,  ce  24  novembre  '   1639. 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

Les  dysenteries  de  ce  quartier  dégénèrent  en  conta- 
gion. Les  magistrats  de  cette  ville  viennent  d'envoyer 
quérir  M.  Lambert,  leur  curé,  pour  aviser  à  l'ordre  qu'il 
faut  tenir  en  cette  ville  pour  la  peste,  qui  y  est  en  trois 
endroits.  Cela  me  donne  sujet  de  vous  prier  de  différer 
votre  voyage,  quoique  j'aie  mandé  à  M.  l'abbé  de  Vaux, 
grand  vicaire  d'Angers  ^  que  vous  y  pourriez  être  vers 

Lettre  412.  —  Manuscrit  Saint-Paul,  p.  56. 

I.  Guy  Lasnier,  mort  le  20  avril  1681  à  l'âge  de  soixante-dix-neuf 
ans,  fut  l'un  des  ecclésiastiques  les  plus  remarquables  de  l'Anjou 
au  XVII*  siècle.  Il  n'avait  longtemps  songé  qu'à  satisfaire  sa  vaine 
gloire  et  sa  passion  pour  la  chasse  et  autres  amusements  mondains. 
Pourvu  le  29  février  1627  de  l'abbaye  de  Saint-Etienne  de  Vaux  en 
Saintonge,  nommé  en  1628  vicaire  général  d'Angers,  puis  chanoine 
de  Notre-Dame  de  Paris,  il  continua,  malgré  les  obligations  que  lui 
imposaient  ces  dignitts,  de  mener  une  vie  fort  peu  ecclésiastique.  En 
1632,  il  eut,  comme  bien  d'autres,  la  curiosité  de  voir  les  faits  éton- 
nants qui  se  passaient  au  couvent  des  Ursulines  de  Loudun.  Mal  lui 
en  prit.  Une  des  religieuses,  dit-on,  pénétrant  dans  sa  vie  intime,  dé- 
voila, à  sa  grande  confusion,  des  fautes  dont  il  n'avait  jamais  parlé 
à  personne.  Dès  lors,  ce  fut  un  homme  nouveau.  En  1635,  il  vint 
faire  une  retraite  à  Saint-Lazare  et  y  connut  saint  Vincent  de  Paul,  avec 
qui  il  resta  en  relation.  Il  eut  aussi  des  rapports  avec  sainte  Chantai, 
Jean-Jacques  Olier,  le  P.  Surin  et  le  baron  de  Renty.  Il  établit  dans 
sa  ville  d'Angers  im  couvent  de  la  Visitation,  dota  richement  le  sémi- 
naire et  fonda  dans  son  diocèse  les  conférences  ecclésias- 
tiques. Les  Filles  de  la  Charité  de  l'hôpital  d'Angers  n'eurent  pas  de 
protecteur  plus  dévoué  et  de  conseiller  plus  éclairé.  Il  reçut  dans 
sa  maison  saint  Vincent,   Louise  de   Marillac  et  Jean-Jacques  Olier. 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'une  seule  des  lettres  que  saint  Vincent  lui 


—  6o2   

le  commencement  du  mois  prochain  -.  Attendez  notre  re- 
tour, Mademoiselle,  je  vous  en  prie,  et  nous  verrons. 

Je  suis  en  cette  ville,  il  y  a  deux  jours,  et  ai  vu  sœur 
Louise  en  passant  dans  l'église  ;  elle  est  ravie  dans  l'es- 
pérance de  vous  voir.  Je  n'ai  point  encore  vu  notre  sœur 
Barbe  •\  Les  choses  vont  mieux.  Dieu  merci  \ 

J'espère  partir  de  cette  ville  dans  trois  ou  quatre 
jours  "  et  d'être  à  Paris  vers  le  dix  ou  douze  du  mois  pro- 
chain, et  suis  cependant,  dans  l'espérance  de  vous  y 
trouver,  en  l'amour  de  Notre-Seigneur... 


410.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

[  30    novembre    1639  '•  ] 
Mademoiselle, 

La  grâce    de    Notre-Seigneur    soit    avec    vous  pour 
jamais    ! 

Je  ne  puis  répondre  à  toute  votre  lettre   ;  je  l'ai  per- 


écrivit.  Celles  de  Lcuise  de  Marillac  sont  nombreuses  ;  on  en  compte 
une  centaine.  (Cf.  Les  vies  des  saints  fersontiages  d'Anjou,  par  Dom 
Chamard,  Paris,   1863,  3  vol.  in-12,  pp.  279-303.) 

2.  Pour  la   fondation  d'Angers. 

3.  La  sœur  Barbe  et  la  sœur  Louise  étaient  à  Richelieu  depuis  le 
mois  d'octobre  de  l'année  précédente. 

4.  Une  lettre  de  Louise  de  ^Lirillac  (lettre  11)  nous  apprend  que 
Barbe  et  Louise  ne  s'accordaient  pas.  Sœur  Louise  était  trop  indépen- 
dante,  et  sœur  Barbe  ne  se  montrait  pas  assez  cordiale  à  son  égard. 

5.  Saint  Vincent  fut  retenu  à  Richelieu  jusqu'au  5  décembre.  (Voir 
la  lettre  411.) 

Lettre  409.  —  L.  a.  —  L'original,  trouvé  après  sa  mort  (1807)  dans 
les  papiers  de  Jean-François  Daudet,  prêtre  de  la  Mission,  a  été  donné 
aux  Filles  de  la  Charité  de  la  rue  de  Vaugirard,  80,  Paris,  qui  le 
possèdent  encore  aujourd'hui. 

I.  Dans  la  lettre  du  24  novembre,  saint  Vincent  annonce  à  Louise 
de  Marillac  sa  récente  arrivée  à  Richelieu  et  son  intention  d'y  rester 
encore  trois  ou  quatre  jours  ;  dans  celle-ci,  écrite  un  mercredi,  il 
parle  de  son  prochain  départ.  Le  24  novembre  étant  un  jeudi,  nul 
doute  que  la  lettre  ci-dessus  ne  soit  du  30.  Le  saint  n'était  plus  à 
Richelieu  le  mercredi  suivant. 


—  6o3  — 

due.  Puisque  Notre-Seigneur  vous  donne  mouvement 
d'aller  à  Angers,  ailez-y  iti  nomitie  Doviini  ;  ce  qu'il 
garde  est  bien  gardé  -. 

Aussi  bien  Madame  Traversay  a  toujours  sa  difti- 
culté.  *  Cela  m'a  fait  penser  que  peut-être  Notre-Sei- 
gneur  veut  que  l'œuvre  ^  se  fasse  par  soi-mêm.e  et  de 
soi-même  sans  mélange. 

S'il  vous  plait  de  prendre  le  coche  de  Châteaudun, 
vous  passerez  par  Chartres  et  y  pourrez  faire  votre  dévo- 
tion en  passant  *.  De  Châteaudun  vous  avez  onze  lieues 
jusques  à  Orléans  et  peut-être  moins  jusques  à  Notre- 
Dame  de  Cléry  '',  où  passe  la  rivière,  ou  auprès,  si  me 
semble.  Vous  éviterez  par  ce  moyen  le  pavé,  excepté 
trois  ou  quatre  lieues  près  d'Orléans,  où  je  vous  conseille 
d'aller  passer  ;  et  pour  y  aller,  faudra  que  vous  louiez 
une  charrette  à  Châteaudun.  Le  coche  ne  vous  coûtera 
rien  pour  cela   ;  il  est  de  céans. 

J'ai  dit  à  notre  frère  Louistre  qu'il  vous  baille  les 
places  que  vous  demanderez  ;  il  partira  mardi.  Voyez 
si  vous  le  pourrez  pour  ce  jour-là. 

Nous  avons  assez  parlé  de  la  manière  de  traiter  avec 
ces  Messieurs,  qui  est  à  la  charge  de  changer  les  filles 
et  qu'il  n'y  en  aura  point  d'autres  avec  elles.  J  écrirai 
de  cela  à  Monsieur  l'abbé  de  Vaux,  qui  est  le  grand 
vicaire  qui  dirige  cet  affaire. 

Il  faudra  bien,  au  retour,  que  vous  visitiez  la  Charité 
de  Richelieu,  qui  est  à  huit  lieues  de  Saumur,  où  est 
Notre-Dame  des  Ardilliers  ;  et  de  Richelieu  vous  repren- 


2.  La  peste  faisait  alors  des  ravages  à  Angers  et  à  Richelieu  ;  et 
pour  ce  motif  le  saint  avait  d'abord  conseillé  à  Louise  de  Marillac  de 
retarder  son  voyage. 

3.  Peut-être    l'œuvre    des    Enfants    trouvés. 

4.  Grande  était  la  dévotion  de  saint  Vincent  et  de  Louise  de  iLi- 
rillac  à  Notre-Dame  de  Chartres  ;  ils  firent  maintes  fois  ce  pèleri- 
nage pour  recommander  leurs  œuvres  à  Marie. 

5.  Aujourd'hui  chef-lieu  de  canton  dans  le  Loiret. 


—  6o4  — 

drez  le  carrosse  de  Tours,  qui  est  à  dix  grandes  lieues 
de  Richelieu  par  deçà.  Dès  que  vous  serez  arrivée  à 
Orléans,  vous  enverrez  sur  les  ports  pour  trouver  un  ba- 
teau, que  vous  ne  prendrez  pas  exprès.  A  Angers,  vous 
vous  logerez  selon  l'adresse  que  vous  donnera  M.  Grand- 
nom,  par  lequel  et  par  Madame  Lotin  vous  ferez  écrire 
à  ses  parents  et  amis  à  Angers,  qui  vont  aller  outre 
l'intention  de  feu  Madame  Goussault,  et  qu'elle  recom- 
manda beaucoup  en  sa  maladie  à  ce  qu'ils  vous  assistent. 
Vous  y  verrez  aussi  les  filles  de  Sainte-Marie  de  ma 
part  ^ 

Je  vous  envoie  le  petit  règlement  \  que  vous  ferez 
mettre  au  net  et  changerez  ce  qu'il  faudra.  Peut-être 
que  je  vous  trouverai,  en  revenant,  à  Tours  ou  par  les 
chemins.  Je  prie  Notre-Seigneur  cependant  qu'il  vous 
conduise  par  la  main  lui-même,  qu'il  bénisse  votre  voyage 
et  ramène  en  parfaite  santé,  et  suis,  en  l'amour  de 
Notre-Seigneur,  Mademoiselle,  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 

A  Richelieu^  ce  mercredi  matin. 

Ecrivez-moi,  s'il  est  besom,  par  homme  exprès  à  Fré- 
neville  où  je  serai  deux  jours  ou  par  là.  S'il  y  a  quelque 
réponse  qui  presse,  je  la  vous  enverrai  aux  Elles  de 
Sainte-Marie  d'Orléans. 

Siiscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras. 


6.  La  supérieure  du  monastère  de  la  Visitation  d'Angers  était  la 
Mère  Claire-Madeleine  de  Pierre,  professe  du  premier  monastère  de 
Paris,  où  saint  Vincent  l'avait  connue. 

7.  Les  Filles  de  la  Charité  conservent  dans  leurs  archives  la  mi- 
nute de  ce  règlement,  écrite  en  entier  de  la  main  du  saint. 


—  6o5  — 

411.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Du  12  [décembre  ^]   163g. 
Mademoiselle, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais    ! 

J'arrivai  hier  au  soir  tout  tard  et  vis  votre  lettre  de 
Saumur,  la  première  entre  plusieurs.  O  mon  Dieu  !  que  je 
suis  en  peine  de  vous  et  de  vos  Elles  !  J'espérais  vous 
trouver  ici  à  cause  de  la  défluxion  que  [vous]  m'avez 
mandé  qui  vous  avait  prise.  Nous  verrons  au  ciel  pour- 
quoi la  Providence  en  a  disposé  de  la  sorte  Cependant 
je  vous  supplie  sur  toutes  choses  de  vous  bien  conserver 
parmi  les  grands  dangers  que  vous  rencontrerez  à  An- 
gers -. 

Voici  la  réponse  à  ce  que  vous  demandez.  J  aime- 
rais mieux  que  vous  logeassiez  à  la  ville  que  dans  la 
maison  ^  et  pense  qu'il  est  expédient  que  vous  ne  rece- 
viez rien  de  votre  voyage.  Notre-Seigneur  y  pourvoira, 
s'il  lui  plait.  Il  serait  bien  à  souhaiter  que  les  filles  fus- 
sent seules  dans  l'hôpital  ;  il  est  à  craindre  que  la  pré- 
sence de  cette  demoiselle  ne  soit  un  sujet  d'embarras 
L'on  ne  m'avait  point  dit  cela.  Xous  aurions  stipulé  au- 
trement si  je  l'eusse  su.  Il  sera  pourtant  fâcheux  de  la 
faire  sortir  en  présence.  Quel  remède  ?  Votre  prudence 
en  usera  selon  qu'elle  jugera  pour  le  mieux  *. 

Je   suis    bien    aise  que    vous  ayez    emmené    la     petite 

Lettre  411.   —  L.  a.  —  Dossier  des  Filles  de  la  Charité,   original. 

1.  Le  texte  porte  «  novembre  ».  Il  y  a  eu  certainement  distraction, 
comme  on  peut  s'en  convaincre  en  comparant  cette  lettre  avec  la 
lettre  409. 

2.  La  peste  y   faisait  de  nombreuses  victimes. 

3.  Peut-être   à   l'hôpital,    où    elle   devait   installer   les   sœurs. 

4.  Louise  de  Marillac  chercha  pour  cette  personne  une  autre  situa- 
tion hors  de  l'hôpital,  et  il  est  probable  qu'elle  aboutit.  (Cf.  Lettres  de 
Louise  de  Marillac,   lettre  12.) 


—  6o6  - 

Jeanne  •'.  Si  vous  avez  besoin  de  quelque  autre  ûlle  pour 
revenir,  vous  pourrez  mander  à  sœur  Barbe  qu'elle  vous 
aille  voir  à  Saumur,  à  Chmon  ou  à  Tours  avec  sœur 
Louise"'',  et  qu'elles  vous  amènent  la  bonne  fille  qui  s'est 
présentée  là  à  moi  pour  être  de  la  Charité. 

J'ai  un  peu  de  peine  que  vous  alliez  à  Richelieu,  à 
cause  de  la  maladie  qui  y  est.  Nos  chères  sœurs  ont  cessé 
la  visite  des  malades  et  les  écoles.  Il  mourut,  le  lundi 
que  je  partis,  une  petite  fille  qui  avait  été  à  leur  école 
le  samedi  auparavant.  Que  si  vous  y  allez,  n'y  soyez 
qu'un  jour,  je  vous  en  prie. 

Votre  lettre  a  fait  des  merveilles  à  l'égard  de  vos  fil- 
les ",  et  sont  bien  à  présent  et  contentes,  pourvu  qu'elles 
vous  voient.  Nous  y  avons  laissé  un  de  nos  prêtres  et 
un  frère  séparés  pour  assister  les  pestiférés. 

Je  trouve  fort  bon  que  notre  sœur  Barbe  visite  celles 
d'Angers  et  je  vous  promets,  Dieu  aidant,  de  voir  celles 
de  La  Chapelle  et,  si  je  le  puis,  les  Enfants  trouvés 
aussi  **.  Je  n'ai  encore  pu  voir  M.  votre  fils  ;  ce  sera  au 
premier  jour  et  vous  pouvez  croire  que  je  suivrai  vos  sen- 
timents, pourvu  que  vous  ayez  bien  soin  de  votre  santé, 
que  je  recommande  à  Notre-Seigneur  de  tout  mon  cœur, 
étant  en  son  amour,  Mademoiselle,  [votre  très  humble 
serviteur. 

Vincent  Depaul.] 


5.  Jeanne  Lepeintre. 

6.  La   compagne   de   Barbe   à   Richelieu. 

7.  Barbe  et  Louise.  Louise  de  Marillac  leur  avait  adressé  de  Paris, 
le  26  octobre,  une  lettre  de  reproches  et  de  conseils  (Lettres  de  Louise 
de  Marillac,  lettre  11),  que  Mgr  Baunard  reproduit  en  grande  par- 
tie   (o-p.  cit.,  p.   245). 

8.  Les  sœurs  des  Enfants  trouvés. 


6o7 


412.    —   A   NICOLAS   DUROT,    PRÊTRE    DE    LA   MISSION. 
A  TOULOUSE 

Décembre  1639. 

J'ai  reçu  votre  lettre  de  Toulouse  et  ai  rendu  grâces 
à  Dieu  de  vous  y  avoir  conduit.  J'arrivai  à  Richelieu 
deux  ou  trois  jours  après  votre  départ  et  fus  bien  con- 
triste  de  ne  vous  y  pas  trouver.  J'y  ai  fait  la  visite  et 
ai  vu  1  état  des  choses  et  ce  qui  s'y  est  passé  jusqu'à 
maintenant.  Je  vous  supplie,  Monsieur,  au  nom  de  X.-S., 
de  reprendre  l'esprit  qu'il  vous  avait  donné  à  Saint- 
Lazare.  Jamais  personne  n'y  a  été  à  plus  grande  édifi- 
cation. Je  prie  Dieu  qu'il  vous  fasse  la  grâce  d  en  don- 
ner autant  de  delà.  M.  de  Sergis  vous  a  désiré  à  l'exclu- 
sion de  tout  autre  ;  ce  qui  vous  doit  faire  connaître  l'es- 
time et  l'affection  qu'il  a  pour  vous.  Il  me  mande  qu'il 
vivra  en  frère  avec  vous.  Je  vous  supplie,  Monsieur, 
d'honorer  la  direction  de  Xotre-Seigneur  en  sa  personne, 
de  l'estimer,  de  l'affectionner  et  de  lui  obéir  en  cette 
qualité.  Oh  !  que  la  direction  de  ceux  qui  nous  aiment 
et  qui  nous  estiment  est  douce  et  que  ce  nous  est  un  grand 
attrait  pour  entrer  dans  tous  leurs  sentiments  !  Si  nous 
étions  bien  mortifiés,  nous  serions  indifférents  en  ce 
point  ;  et  selon  la  règle  de  la  volonté  de  Dieu,  nous  de- 
vrions préférer  les  plus  exacts  aux  plus  acquiesçant  à 
nos  humeurs  ;  et  comme  je  vous  ai  vu  fort  tendrement 
aiïectiormé  à  l'heureuse  pratique  de  la  divine  volonté, 
j'espère  que,  quand  votre  nature  ne  trouvera  pas  son 
compte  dans  l'exactitude  d'un  directeur,  la  pratique  fi- 
dèle de  la  volonté  de  Dieu  vous  fera  supporter,  pour 
l'amour  de  lui,  toutes  les  petites  difficultés  qui  vous 
pourront  arriver  ;  car  nous  n'en  maïKquons  jamais  avec 

Lettre  412.  —  Reg.   2,  p.  279. 


—  6o8  — 

qui  et  en  quelque  lieu  que  nous  soyons.  Si  nous  sommes 
contraires  bien  souvent  à  nous-mêmes,  comment  n'au- 
rions-nous pas  de  petites  aversions,  des  rencontres  et  des 
aliénations  avec  un  autre  ?  L'un  des  actes  principaux  de 
la  charité,  c'est  de  supporter  notre  prochain  ;  et  il  faut 
tenir  pour  maxime  indubitable  que  les  difficultés  que 
nous  avons  avec  notre  prochain  viennent  plutôt  de  nos 
humeurs  mal  mortifiées  que  d'autre  chose. 

Je  ne  vous  dis  que  ceci,  Monsieur,  quoique  j'aurais  à 
vous  dire  beaucoup  d'autres  choses  touchant  la  sainte 
dilection,  pource  qu'elle  est  un  état  si  parfait  que  celui 
qui  a  le  bonheur  de  l'avoir  est  pour  vivre  comme  dans 
un  petit  paradis  en  ce  monde  et  pour  avoir  la  gloire 
éternelle  en  l'autre,  etc. 


413.  —  A  UN  DIACRE  DE  LA  MISSION,  AUX  BONS-ENFANTS 

15   décembre   163g. 

Ne  pouvant  avoir  le  bien  de  vous  aller  voir,  comme 
je  vous  l'avais  mandé,  je  vous  prie  par  ces  lignes  de  ne 
point  céder  à  la  tentation  qui  vous  détourne  de  prendre 
le  saint  ordre  de  prêtrise,  pour  auquel  parvenir  vous  avez 
fait  quasi  tout  ce  que  vous  avez  fait  depuis  que  vous 
êtes  au  monde.  Disposez-vous-y  donc,  je  vous  en  prie, 
pour  le  recevoir  à  cette  ordination.  Si  vous  différiez  da- 
vantage, vous  priveriez  Dieu  de  la  gloire  qu'il  en  prétend, 
les  bienheureux  de  la  consolation  qu'ils  en  auraient,  les 
âmes  du  purgatoire  du  soulagement  qu'elles  en  rece- 
vraient et  toute  l'Eglise  militante  des  grâces  que  vous  lui 
obtiendrez  par  vos  sacrifices  ;  et  qui  pis  est,  vous  ré- 
jouiriez le  diable  d'avoir  eu  le  pouvoir  de  vous  détourner 
de  faire  tous  ces  biens.  De  penser  que  vous  en  soyez  une 

Lettre  413.  —  Reg.  2,  p.  280. 


—  6o9  — 

autre  fois  plus  digne,  ô  Jésus  !  il  ne  le  faut  pas  espérer. 
De  ne  le  faire  jamais,  Dieu  vous  garde  d'avoir  à  répon- 
dre de  cela  devant  Dieu  ;  ce  serait  enfouir  le  talent  qu'il 
vous  a  mis  en  main,  auquel  cas  les  Saintes  Ecritures  vous 
menacent  d'un  horrible  châtiment.  De  dire  que  vous 
n'êtes  pas  capable  d'un  tel  ordre  et  ne  le  serez  jamais, 
je  l'avoue,  mon  très  cher  frère,  eu  égard  à  l'infinie  sain- 
teté de  l'œuvre  ;  mais,  eu  égard  à  notre  misère,  espérez 
que  Notre-Seigneur  sera  votre  capacité,  comme  il  sera 
lui-même  le  sacrificateur  avec  vous. 


414.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAC 

Paris,   17  décembre  1639. 
Mademoiselle, 

J'ai  reçu,  hier  au  soir,  la  vôtre,  du  jour  de  saint  Nico- 
las S  laquelle  me  porte  une  fort  sensible  consolation  en 
suite  de  la  peine  que  j'avais  du  lieu  oii  vous  pouviez  être 
et  de  l'état  de  votre  santé.  Béni  soit  Dieu  de  ce  que  vous 
voilà  donc  à  Angers  et  logée  avec  le  bon  M.  l'abbé  de 
Vaux!  Je  ne  vous  répondrai  pas  par  la  présente  à  tout  ce 
que  vous  me  mandez,  parce  que  je  n'ai  encore  pu  voir 
vos  filles  de  La  Chapelle  et  que  le  messager  s'en  va 
partir  bientôt. 

Je  vous  ai  écrit  cette  semaine  pour  répondre  à  la 
vôtre  de  Saumur  et  adressé  ma  lettre  à  M.  l'abbé  de 
Vaux,  auquel  je  me  suis  donné  l'hormeur  d'écrire. 

C'est  aujourd'hui  le  samedi  des  quatre-temps,  qui 
m'oblige  à  aller  dire  une  messe  à  Notre-Dame  pour  la 
Charité.  Après  dînée  ou  demain  matin,  j'irai  à  La  Cha- 


Lettre  414.  —  Pémartin,  op.  cit.,  i.    I,    p.    272,   lettre  261.    Le   ma- 
nuscrit  Saint-Paul      a  reproduit   des   extraits   de   cette  lettre,   p.    58. 
I.    6   décembre. 

39 


—  6io  — 

pelle,  parlerai  à  Madame  Turgis  ^  et  commencerai  à  don- 
ner l'ordre  pour  les  nlles  que  vous  demandez  ;  mais  je 
pense  qu'il  ne  faut  pas  parler  à  Marie,  de  Saint-Ger- 
main ',  ni  à  celle  de  Saint-Paul  *.  Je  tâcherai  de  vous 
envoyer  les  autres  au  plus  tôt  et  parlerai  un  peu  à  Ma- 
dame Turgis.  Il  y  a  des  choses  à  dire  beaucoup  pour  et 
contre.  Hélas  !  mon  Dieu,  que  ferons-nous  pour  Nan- 
tes, où  il  est  nécessaire  que  nous  en  envoyions  au  plus 
tôt  °.  Je  fis  hier  espérer  cela  à  Madame  la  duchesse  d'Ai- 
guillon. Pour  Henriette,  je  ne  finis,  dit-on,  rien  de  rien. 

Pour  les  articles,  je  pense  que  vous  avez  bien  répondu 
et  qu'il  n'est  pas  besoin  d'en  faire  encore  ;  nous  verrons 
dans  quelque  temps,  pendant  lequel  l'on  fera  un  essai 
du  bon  plaisir  de  Dieu.  Vous  ferez  bien  d'en  parler  de 
la  sorte,  ce  me  semble,  et  même  de  montrer  leur  petit 
règlement  de  vie  à  M.  de  Vaux  et  à  tel  autre  qu'il  jugera 
convenable,  et  notamment  de  bien  affermir  les  filles  dans 
la  résolution  de  le  bien  garder,  de  suivre  la  direction  en 
la  manière  qu'elle  est  touchée  dans  ledit  règlement  ;  et 
vous  leur  inculquerez,  tant  à  ces  Messieurs  qu'à  elles, 
l'importance  de  ne  le  pas  changer.  Madame  la  duchesse 
d'Aiguillon  me  le  disait  encore  ces  jours  passés. 

Je  fus  hier  samedi  à  La  Chapelle,  oii  je  vis  toutes  vos 
filles.  Elles  sont  fort  bien,  par  la  grâce  de  Dieu.  Madame 
Turgis  en  est  fort  contente.  Henriette  est  encore  chez 
elle.  Son  frère  est  venu  dire  qu'avant  d'aller  à  Saint- 
Germain  ^  elle  viendrait  à  La  Chapelle.  Il  n'est  pas  ex- 
pédient qu'elle  y  aille.  Je  ferai  envoyer  quelque  autre  à 
Saint-Germain  et  la  ferai  retenir  ici  pour  lui  faire  con- 
naître sa  faute. 


2.  Madame    Turgis   tenait    à    La    Chapelle   la    place    de    Louise   de 
Marillac. 

3.  Marie  Joly,   de   Saint-Germain-l'Auxerrois. 

4.  Marie,  de  Saint-Paul. 

5.  Le  saint  ne  put  en  envoyer  qu'en   1646. 

6.  Saint-Germain-en-Laye. 


—   Gil   — 

Je  trouve  difâculté  à  vous  envoyer  Madame  Turgis  ' 
et  je  pense  qu'il  sera  bien  de  vous  envoyer  Geneviève  *, 
qui  était  auprès  de  vous  lorsque  vous  étiez  ici,  ou  bien 
Marie  ^  qui  était  aux  Enfants  trouvés.  Que  si  nous  vous 
envoyons  celle-ci,  l'on  enverra  celle-là  à  Saint-Germain, 
ou  toute  autre.  Je  tâcherai  de  les  faire  partir  dans  trois 
jours. 

Monsieur  votre  fils  se  porte  bien  ;  je  ne  l'ai  pas  encore 
entretenu.  Je  m'en  vas  envoyer  quérir  vos  filles  après  dî- 
née  pour  les  faire  partir  après-demain  deux  à  deux,  et 
leur  ai  dit  que  vous  ayez  soin  de  votre  santé. 

Suscription  :  A  Mademoiselle  Mademoiselle  Le  Gras, 
au  logis  de  M.  l'abbé  de  Vaux,  à  Angers. 


415.  —  A  LOUISE  DE  MARILLAG  A  ANGERS 

De  Paris,  ce  dernier  du  mois  et  de  l'an  1639. 

Mademoiselle, 

Vous  voilà  malade  par  l'ordre  de  la  providence  de 
Dieu.  Son  saint  nom  soit  béni  !  J'espère  de  sa  bonté 
qu'elle  se  glorifiera  encore  en  cette  maladie,  comme  elle 
a  fait  en  toutes  les  autres  ;  et  c'est  ce  que  je  lui  fais 
demander  incessamment,  et  céans  et  ailleurs,  où  je  me 
trouve.  Oh  !  que  je  voudrais  que  Notre-Seigneur  vous 
fît  voir  de  quel  cœur  chacun  le  fait  et  la  tendresse  des 
officières  de  la  Charité  de  l'Hôtel-Dieu  pour  cela,  lors- 


7.  Louise  de  Marillac  Tavait  demandée. 

8.  Geneviève  Caillou.  Elle  fut  du  nombre  des  premières  sœurs  en- 
voyées à  Angers.  Une  lettre  de  Louise  de  Marillac  fop.  cit.,  lettre  19) 
nous  apprend  qu'elle  tomba  malade  après  trois  ou  quatre  mois  de 
séjour.  On  la  rappela  en  1644. 

9.  Peut-être  Marie  Matrilomeau,  qui  fit  partie  du  groupe  des  pre- 
mières sœurs  placées  à  l'hôpital  d'Angers. 

Lettre  415.   —   Manuscrit   Saint-Paul,   p.    58. 


—    6l2    — 

que  je  le  leur  dis  avant-hier  en  une  petite  assemblée  ! 
Je  vous  supplie,  Mademoiselle,  de  faire  votre  possible 
pour  le  recouvrement  de  votre  santé  et  de  ne  vous  rien 
épargner  surtout.  Si  vous  avez  besoin  d'argent,  le  bon 
M.  l'abbé  de  Vaux  ne  vous  en  refusera,  en  attendant  que 
je  vous  en  envoie,  comme  je  le  ferai,  si  vous  me  le  man- 
dez. Et  pour  votre  retour,  il  faudra  que  ce  soit  en  litière  ; 
nous  tâcherons  de  vous  en  envoyer  une,  lorsque  vous 
serez  en  état  de  cela. 

Monsieur  votre  fils  vint  hier  céans  m'apporter  votre 
lettre,  qui  me  fut  une  consolation  que  vous  pouvez  pen- 
ser, à  cause  de  ce  que  l'on  m'en  avait  mandé. 

Vous  avez  à  présent  à  Angers  Madame  Turgis,  Bar- 
be ^  et  Clémence  -,  comme  j'espère  ;  elle  partirent  d'ici 
l'avant-veille  de  Noël  par  le  coche  d'Orléans  ■\ 

Les  choses  vont  assez  bien  à  La  Chapelle,  selon  votre 
ordre.  Je  salue  vos  bonnes  filles  et  suis,  en  l'amour  de 
Notre-Seigneur... 


1.  Barbe   Toussaint.    Elle    fut    rappelée   d'Angers   en    1644. 

2.  Clémence  Ferre.  Elle  quitta  l'hôpital  d'Angers  en  même  temps 
que  sa  compagne  Barbe  Toussaint. 

3.  Les  Filles  de  la  Charité  trouvèrent  l'hôpital  dans  le  dénuement 
le  ])lus  complet.  L'une  d'elles  écrivit  un  petit  mémoire,  que  nous  avons 
encore  (Arch.  des  Filles  de  la  Charité)  et  dont  voici  quelques 
lignes  :  «  Les  pauvres  y  étaient  si  mal  que  ceux  de  la  ville  ne  s'y 
faisaient  pas  porter  ;  et  s'il  s'en  trouvait  quelques-uns  qui  y  fussent 
contraints,  ils  se  faisaient  apporter  des  chemises  blanches  de  chez 
eux  ou  de  leur  amis,  car  il  s'y  trouvait  alors  trente  ou  quarante  ma- 
lades, tant  hommes  que  femmes,  et  pour  ce  nombre  trois  douzaines 
de  chemises  en  tout...  C'était  pitié  de  voir  ainsi  tant  de  dérèglement 
et  de  df'îjâts  aux  dépens  du  bien  des  pauvres.    » 


—   6i3  — 

416.  —  A  GUY  LASNIER  DE  VAUX 

De  Paris^  ce  dernier  du  mois  et  de  l'an   1639. 
Monsieur, 

La  grâce  de  Notre-Seigneur  soit  avec  vous  pour 
jamais   ! 

Je  ne  puis  vous  remercier  assez  affectionnément,  ni 
humblement,  au  gré  de  Mademoiselle  Le  Gras  et  au 
mien,  de  la  charité  la  non  pareille  que  vous  exercez  vers 
elle  et  vers  ses  ûlles.  Je  vous  en  remercie  très  humble- 
ment en  la  manière  que  je  le  puis,  Monsieur,  et  prie 
Notre-Seigneur,  pour  l'amour  duquel  vous  faites  tout 
cela,  qu'il  soit  lui-même  votre  remercîment  et  votre  ré- 
compense, et  vous  offre  tout  ce  que  je  puis  en  la  terre 
pour  le  ciel  et  toutes  les  reconnaissances  qui  me  sont 
possibles  devant  Dieu  et  devant  le  monde. 

La  voilà  donc  tombée  malade  cette  bonne  demoiselle. 
In  nomine  Domint  !  Il  faut  adorer  la  sagesse  de  la  Pro- 
vidence divine  là  dedans.  Je  ne  vous  la  recommande  pas, 
Monsieur  ;  votre  lettre  me  fait  voir  combien  elle  vous 
tient  au  cœur,  et  c'est  ce  qu'elle  m'écrit  aussi.  Je  voudrais 
être  en  lieu  pour  vous  libérer  du  som  que  votre  bonté  en 
a  et  de  la  peine  qu'elle  en  prend.  Notre-Seigneur  veut 
ajouter  le  fleuron  de  ce  mérite  à  la  couronne  que  Notre- 
Seigneur  va  vous  façonnant. 

Je  lui  écris  un  mot.  Je  vous  supplie,  Monsieur,  de  lui 
envoyer  ma  lettre  et  de  me  regarder  comme  une  personne 
que  Notre-Seigneur  vous  a  doimée  et  qui  est,  en  son 
amour  et  celui  de  sa  sainte  Mère,  votre  très  humble  et 
très  obéissant  serviteur. 

Vincent  Depaul. 


Lettre  416.  —  LeUre  publiée  dans  la  Revue  de  l'Anjou,  1854,  t.   I, 
p.    211,    sur   l'original,    qui   était    alors   à    l'Hôtel-Dieu    d'Angers. 


TABLE    DES    MATIERES 


Lettre  de  M.  François  Verdicr  à  l'auteur vu 

Introduction xi 

Abréviations  et  remarques xxxix 

I  .  A  M.  de  Cornet,  24  juillet  1607 i 

2.  A  M.  de  Cometj  28  février  1608 i3 

3.  A  sa  mère,  17  février  i6ia 18 

4.  A  Edme  Mauljean,  20  juin  1616 20 

3.  Edme  Mauljean  à  saint  Vincent,  20  juin  1616   ...  20 

6.  A  P.  E.  de  Gondi  [août  ou  sept.   1617.] 21 

7.  Mme  de  Gondi  à  s.  Vincent   sept.  1617.] 21 

8.  A  Mme  de  Gondi  [sept,  ou  oct.  1617.] 23 

9.  P.    E.  de  Gondi  à  s.  Vincent,  i5  oct.  1617 23 

10.  A  Charles  du  Fresne  [^octobre  1617.J 23 

11.  A  Nicolas  de  Bailleul,  25  juillet  1625 24 

12.  A  Louise  de  Marillac,  3o  octobre  1626 25 

i3.  A  Isabelle  du  Fay  [octobre  ou  novembre  1626.  j    .    .  27 

14.  Louise  de  Marillac  à  saint  Vincent,  5  juin    1627  .    .  28 

i5.  A  Louise  de  Marillac  [octobre  1627] 3o 

16.  A  Louise  de  Marillac,  8  octobre  1627 3i 

17.  A  Isabelle  du  Fay  [entre  1626  et  i635] 32 

18.  A  Louibe  de  Marillac  .entre  1626  et  i635] 53 

19.  Sainte  Chantai  à  saint  Vinrent,  novembre  1627.    .  34 

20.  Un  abbé  à  saint  Vincent,  décembre  1627 35 

21.  Louise  de  Marillac  à  saint  Vincent,  i3  janv.  1628.  36 

22.  A  Louise  de  Marillac,  17  janvier  1628 3y 

23.  A  Louise  de  Marillac,  9  février  1628 38 

24.  A  Louise  de  Marillac  [février  1628J 40 

25.  Brulart  de  Sillery  à  s.  Vincent  [entre  1625  et  i63oj.  41 

26.  Au  pape  Urbain  VIII   [juin    1628.] 42 

27.  A  Louise  de  Marillac 5i 

28.  Au  Pape  Urbain  VIII,  V  août  1628 52 

29.  A  Louise  de  Marillac  icntre  1626  et  mai  1629^    ...  62 

30.  A  François  du  Coudray.  i5  septembre  1628  ....  64 

3i.  A  Louise  de  Marillac    vers  1629] 68 

32.  A  Louise  de  Marillac 58 


-    6i6  — 

33.  A  Louise  de  Marillac  (vers  1629] 69 

34.  A  Louise  de  Marillac  [vers  1629] 69 

35.  A  Louise  de  Marillac  [vers  1629] 70 

36.  A  Louise  de  Marillac  [vers  1629] 71 

37     A  Louise  de  Marillac  [vers  1629] 71 

38.  A  Louise  de  Marillac  [avril  ou  mai  1629] 72 

39.  A  Louise  de  Marillac,  6  mai  1629 73 

40.  A  Louise  de  Marillac,  19  février  i63o 75 

41.  A  Louise  de  Marillac  [février  i63o] jj 

42.  A  Louise  de  Marillac  [i63o.] 78 

43.  A  Louise  de  Marillac  [vers  i63o] 79 

44.  A  Louise  de  Marillac  [i63o^ 80 

45.  A  Louise  de  Marillac  [i63o 80 

46.  A  Louise  de  Marillac  [avril  i63ol 81 

47.  A  Louise  de  Marillac,  4  mai  [i63o] 82 

48.  A  Louise  de  Marillac  [mai  i63o] 84 

.49.   A  Louise  de  Marillac  [vers  i63oi 85 

5o.   A  Louise  de   Marillac  [vers  i63oj 86 

5i.   A  Antoine  Portail,  27  juin  i63o 88 

52.  A  une  dame,  1"'  juillet  i63o 89 

53.  A  Louise  de   Marillac  [vers  i63oj 90 

54.  A  M.  de  Saint-Martin,  i"'  septembre  i63o 90 

55.  A  Louise  de  Marillac  [septembre  i63oj 91 

56.  A  Louise  de  Marillac,    22  octobre  i63o 93 

57.  A  Louise  de  Marillac,  29  octobre  i63o 94 

58.  A  Louise  de  Marillac,  7  décembre  i63o 95 

59.  A  Louise  de  Marillac  [i63o  ou   i63i| 99 

60.  A  Louise  de  Marillac  [avant  1634' loi 

61.  A  Louise  de  Marillac  [mars  i63i] loi 

62.  A  Louise  de  Marillac,  3i  mars  i63i io3 

63.  A  Louise  de  Marillac,  2  avril  i63i io3 

64.  A  Louise  de  Marillac    [avril   i63i] 104 

65.  A  Louise  de  Marillac,  11  avril  i63i 106 

66.  A  Louise  de  Marillac  [avril  i63i) 107 

67.  A  Louise  de  Marillac  [avril  i63i] 108 

68.  A  Isabelle  du  Fay  [entre  1626  et  i632j 109 

69.  A  Louise  de  Marillac  [mai  i63i] 1 10 

70.  A  Antoine  Portail,  21  juin  i63i 112 

71.  A  Louise  de  Marillac  [avant  i632J n3 

72.  A  François  du  Coudray,  20  juillet  i63i 114 

73.  A  François  du  Coudray,  i63i ii5 

74.  A  Louise  de  Marillac  [i63i] 116 

75.  A  L.  de  Marillac  [entre  le  29  août  et  le  2  sept     i63i(.  118 

76.  Au  curé  de  Bergères,  2  septembre   i63i 119 

77.  A  Louise  de  Marillac,  2  septembre  i63i 120 

78.  A  François  du  Coudray,  4  septembre  i63i 121 

79.  Sainte  Chantai  à  saint  Vincent  [septembre  i63i].  .  121 


—   6i7   — 

80.   A  François  du  Coudray.  12  septembre  i63i    ....  122 

8i .    A  Louise  de  Marillac,  i3  septembre  i63i 122 

82.  A  Isabelle  du  Fay  [i63ij i25 

83.  A  Louise  de  Marillac,  i5  septembre    i63i 126 

84.  A  Louise  de  Marillac     22  ou  23  septembre  i63ij.    .  128 

85.  A  Louise  de  Marillac,  12  octobre  i63i 129 

86.  A  Louise  de  Marillac.  17  octobre  i63i i3i 

87.  A  M.   Colletot i33 

88.  A  Louise  de   Marillac,  3i    octobre  i63i i34 

89.  A  Louise  de  Marillac  jiôiij i36 

90.  A  Jean  de  la  Salle,  11  novembre  i63i i36 

91.  A   Guillaume  de  Lestocq   [i63ij 07 

92.  A  Louise  de  Marillac  [i63i] 141 

93.  A  Louise  de  Marillac  [avant  1634] 143 

94.  A  François  du  Coudray.  23  décembre  i63i 144 

95.  A  Louise  de  Marillac 144 

96.  A  Louise  de  Marillac 145 

97.  A  Louise  de  Marillac  [vers  i632] 146 

98.  A  Louise  de  Marillac  [vers  i632] 146 

99.  A  Isabelle  du  Fay  [entre  1626  et  i635] 147 

100.  A  François  du  Coudray,  2  mars  i632 148 

101.  A  Louise  de  Marillac 1  5o 

102.  A  X***  [i632J i3i 

io3.   A  Louise  de  Marillac i52 

104.   A  Louise  de  Marillac  1  avant  i634'i i52 

io5.   A  Louise  de  Marillac  [mai  i632] i53 

106.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i632  et  i636^ i54 

107.  A  Louise  de  Marillac  Lmai  i632] i55 

108.  A  Louise  de  Marillac  "mai  ou  juin  i632 i56 

109.  A  Louist;  de  Marillac  juin  i632 i58 

iio.   A  Louise  de  Marillac,  7  juillet  i632 160 

m.   A  Louise  de  Marillac,  10  juillet  i632 161 

112.   A  François  du  Coudray,  12  juillet  i632 162 

ii3.   A  Louise  de  Marillac  [vers  i632l i65 

114.   A  Isabelle  du  Fay  [entre  1626  et  i635] i65 

ii5.   A  Louise  de  Marillac  ri632J 166 

116     A  Louise  de  Marillac  [entre  i632  et  1639] 167 

117.  A  Louise  de  Marillac 168 

118.  A  Isabelle  du  Fay   entre  1626  et  i6351 169 

119.  A  Louise  de  Marillac  [avant  1634] 169 

120.  A  Louise  de  Marillac 170 

121.  A  Louise  de  Marillac  Lentie  i632  et  i636] 171 

122.  A  Louise  de  Marillac  .vers  i632] 172 

123.  A  Louise  de  Marillac 172 

124.  A  François  du  Coudray,  19  septembre  i632   ....  173 

125.  A  Antoine  Portail,  28  novembre    i632 174 

i2t).   A  Louise  de  Marillac  ,vers  i632j 178 


—  6i8  — 

27.  A  N***  [vers  i633J 179 

28.  A  Louise  de  Marillac 181 

zq.   A  un  prêtre  de  la  Mission  [i5  janvier  i633J    ....  i8i 

3o.    Sainte  Chantai  à  saint  Vincent,  11  février  [i633].    .  184 

3i.    AL.  de  Marillac  [entre  janv.    i632  et  fév.  i633]    .    .  i85 

32.  A  Louise  de  Marillac,  24  février  [i633] 187 

33.  A  Michel  Alix,  1"  mars  i632 189 

34.  A  Isabelle  du  Fay  [entre  1626  et  i635] 190 

35.  Mme  Goussault  à  saint  Vincent,  16  avril  i633    .    .    .  191 

36.  A  Louise  de  Marillac  [avril  i633] 196 

5y .   A  Louise  de  Marillac,  i»' mai  [i633) 198 

38.  A  Louise  de   Marillac  [mai  i633] 200 

39.  A  Michel  Alix,  11  juin  i633 201 

40.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i633  et  i636] 201 

41.  A  un  ecclésiastique  [9  juillet  i633] 202 

42.  A  François  du  Coudray  [juillet  i633! 2o3 

43.  A  Isabelle  du  Fay  [entre  1626  et  i635] 2o5 

44.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i632  et   1639] 2o5 

45.  A  un  prêtre  de  la  Mission,  i633 266 

46.  A  Alain  de  Solminihac,  23  août  i633 207 

47.  A  Louise  de  Marillac  [vers  le  2  septembre  i633].    .  212 

48.  A  Louise  de  Marillac 214 

49.  A  Louise  de   Marillac  [^entre  i632  et  i636] 21 5 

50.  A  Michel  Alix,  16  septembre  i633 216 

5i.   A  Louise  de  Marillac  |août  ou  sept.,  vers  i633]  .    .  217 

52.  A  Louise  de  Marillac  [septembre  ou  octobre  i633].  218 

53.  A  Louise  de  Marillac  [vers  i633] 219 

54.  Au  lieutenant  de  Gannes,  19  décembre   i633.    .    .    .  220 

55.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i632  et  i636] 221 

56.  A  François  du  Coudray,  17  janvier  i634 223 

57.  A  Isabelle  du  Fay  [entre  1626  et   i635] 225 

58.  A  Jacques  Perdu,  février  1634 226 

59.  A  Louise  de  Marillac  [entre  janvier  et  mars  1634J  .  229 

60.  A  Louise  de  Marillac  [entre  janvier  et  mars  1634]  .  23i 

61.  A  Louise  de  Marillac  [i634,  vers  mars[ 232 

62.  A  Louise  de  Marillac  [entre  janvier  et  mars  1634]  .  233 

63.  A  Louise  de  Marillac  [mars  ou  avril  i634] 234 

64.  A  Louise  de  Marillac  [avant  1640] 235 

65.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i634et  i636] 236 

66.  A  Louise  de  Marillac  |i633  ou  1634] 237 

67.  A  Louise  de  Marillac  [vers  1634] 238 

68.  A  Louise  de  Marillac  [1634] 239 

69.  A  Louise  de  Marillac  [1634] 239 

70.  A  Louise  de  Marillac  [1634] 241 

71.  A  Louise  de  Marillac  [1634] 241 

72.  A  Louise  de  Marillac  [1634] 242 

73.  A  Louise  de  Marillac  [1634J 244 


—  6i9  — 

174.  A  Louise  de  Marillac  [1634] 245 

175.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i632  et  i636] 247 

176.  A  Louise  de  Marillac  [entre  1634  et  i636j 248 

177.  A  François  du  Coudray,  25  juillet  1634 249 

178.  Au   Pape  Urbain  VIII  [entre  juillet  et  nov.    i634j    .  255 

179.  Louise  de  Marillac  à  saint  Vincent,  4  sept.  [1634)  •  272 

180.  A  Louise  de  Marillac  [vers  1634] 275 

181.  A  Isabelle  du  Fay  [enire  1626  et  i635] 277 

182.  A  Louise  de  Marillac  [entre   1634  et  i638 277 

i83.  A  Madame  Goussault  [i634  ou  i635] 279 

184.  A  Louise  de  Marillac  [après  i63i] 280 

i85.  A  Louise  de  Marillac  [1634  ou  i635] 281 

186.  A  Louise  de  Marillac  [vers   1634] 281 

187.  A  Louise  de  Marillac,  29  octobre  1634 282 

188.  A  François  du  Coudray,  6  novembre  i63j 283 

189.  A  Jean  de  Fonteneil,  7  décembre  1634 286 

190.  A  M.  Belin.  16  décembre  i634 287 

191.  A  Louise  de  Marillac  [avant  1640 289 

192.  Jean  de  la  Salle  et  Jean  Brunet  à  s.  Vincent.  1634.  289 

193.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i634  et  1639]    .        ...  290 

194.  A  Charles-Chrétien  de  Gournay,  19  janvier  i635  290 
193  A  N***  [vers  i635" 291 

196.  A  Guy-Fr.  de  Montholon  [i635,  après  le  28  mars]   .  291 

197.  A  Antoine  Portail.  1"  mai    i635 293 

198.  A  Antoine  Lucas,  28  juin  i635 299 

199.  A  Louise  de  Marillac  [juin  ou  juillet  i635]   ....  299 

200.  A  Louise  de  Marillac  [juin  ou  juillet  i635J   ....  3oc 

201.  A  Louise  de  Marillac  [i3  juillet  i635| 3o2 

202.  A  Antoine  Portail,   10  août  i635 3o3 

203.  A  Louise  de  Marillac  [i635j 304 

204.  A  Jean  de  Fonteneil,  29  août  i635 3o6 

2o5  .  A  Louise  de  Marillac 307 

2  6.  A  Louise  de  Marillac  l^entre  i632  et  i65oj 3o8 

207.  A  Clément  de  Bonzi  [septembre  ou  octobre  i635i    •  3o9 

208.  A  Louise  de  Marillac    avant  1640] 3io 

209  A  Antoine  Portail,  16  octobre  i635 3ii 

210  A  Louise  de  Marillac   [entre  i634  et  i636j 3 12 

211.  Sainte  Chantai  à  saint  Vincent 3i3 

212.  A  Louise  de  Marillac 3i4 

2i3.  A  Louise  de  Marillac 314 

214.  A  Louise  de  Marillac  [16  mars  i636J 3i5 

2i5.  A  Louise  de  Marillac  [i636j 3i6 

216.  A  Louise  de  Marillac  [i636] 317 

217.  A  Louise  de  Marillac  [i636] 317 

218.  A  Louise  de  Marillac  [peu  avant  mai  i636j   ....  3 18 

219.  A  Louise  de  Marillac  [i636] 320 

220.  A  un  prêtre  de  la  Mission  [i636J 32i 


620    

221.  A  Louise  de  Marillac  [i636] 32i 

222.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i635  et  i638] 323 

223.  A  Louise  de  Marillac  [mai  i636J 324 

224.  AJLouise  de  Marillac,  27  mai  i636 327 

225.  A  Lambert  aux  Couteaux,  i3  juin  it>36 332 

226.  Jean-Jacques  Olier  à  saint  Vincent.  24  juin  i636.    .  332 

227.  A  Louise  de  Marillac  (  i636] 334 

228.  A  Louise  de  Marillac  [i636! 335 

229.  A    Louise  de  Marillac  [entre  1034  et  1639] 336 

230.  A'Louise  de  Marillac  [entre  1634  et  1639] 338 

23i.   A  Louise  de  Marillac  [août  i636j 339 

23^.  A  Antoine  Portail,  i5  août  i636 339 

233.  A  M.  de  Saint  Martin,  16  août  i636 341 

234.  A^Louise  de  Marillac  [août  i636] 342 

235.  A  Robert  de  Sergis,  i'^  septembre  i636 343 

236.  A  un  prêtre  de  la  Mission  jentre  sept,  et  nov.  i636].  344 

237.  Louise  de  Marillac  à  saint  Vincent  [avant  1645]    .    .  344 

238.  A  Louise  de  Marillac  (avant  1645] 246 

239.  A  Antoine  Portail,  20  septembre  i636 346 

240.  A^Mme  Goussault,  20  septembre  i636 347 

241.  A^Louise  de  Marillac  [i6361 348 

242.  A  Louise  de  Marillac  [septembre  i636j 35o 

243.  A  Robert  de  Sergis,  septembre  i636 35 1 

344.   A  Robert  de  Se. -gis,  29  septembre  i636 352 

245.  AfRobert  de  Sergis,  19  octobre  i636 355 

246.  A  Louise  de  Marillac 357 

247.  A  Louise  de  Marillac,  21  octobre  i636 357 

248.  A  Louise  de  Marillac,  2  novembre  i636 358 

249.  A  Robert  de  Sergis,  novembre  i636 36o 

250.  A  Louise  de  Marillac 36i 

25 1.  A  Louise  de  Marillac  [i636] 362 

252.  A.Louise  de  Marillac  [i636] 363 

253.  A  Louise  de  Marillac  [i636] 364 

254.  Aî_Louise  de  Marillac,  i636 366 

255.  A|Louise  de  Marillac  [i636] 367 

256.  Louise  de  Marillac  à  saint  Vincent  [décembre  i636].  368 

257.  Sainte  Chantai  à  saint  Vincent  [décembre  i636]  i .    .  369 

258.  A^Louise  de  Marillac,  3o  décembre  i636 371 

25g.   A  Jean  de  Fonteneil,  8  janvier  1637 372 

260.  A  Louise  de  Marillac  [vers    1637] 375 

261.  A  la  sœur  Marie-Euphrosine  Turpin,  23  févr.  1637.  375 

262.  A  Louise  de  Marillac,  24  février  [1637] 38o 

263.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i636  et  1639] 38i 

264.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i636  et  1639J 38i 

265.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i635  et  1639] 382 

266.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i636  et  1642] 383 

267.  A  Louise  de  Marillac,  24  mai  1637 385 


%    -~  621  — 

268.  A  Louise  de  Marillac  [vers  le  24  mai  làij 38; 

269.  A  Antoine  Colée.   1637 ^  .     38/ 

270.  A  Madame  Goussault,  25  août  ^1637] 388 

271.  Lascaris  à  saint  Vincent,  7  septembre  1637   ....     389 

272.  A  Charles  de  Montchal  [septembre  1637  ou  i638|.    .  390 

273.  A  Louise  de  Marillac  [vers  novembre  1637]    ....  391 

274.  A  Louise  de  Marillac  [vers  novembre  1637]   ....  392 

275.  A  Louise  de  Marillac,  i*^  novembre  '1637].'.    .    .    .  393 

276.  A  Louise  de  Marillac  [vers  novembre  1637]    ....  294 

277.  A  Louise  de  Marillac  [vers  novembre  1637]   ....  395 

278.  A  Louise  de  Marillac  [vers  novembre  1637]    ....  396 

279.  A  Louise  de  Marillac  [vers  novembre  1637]    ....  399 

280.  A  Louise  de  Marillac  [vers  novembre  1637]    .        .    .  400 

281 .  L'abbé  de  Saint-Cyran  à  s.  Vincent,  20  nov.  1637  401 

282.  A  M.  Belin,  21  novembre  1637 406 

283.  A  Louise  de  Marillac  [vers  novembre  16371   •    •    •    •  407 

284.  A  la  Mère  de  la  Trinité,  28  novembre  1637 408 

285.  A  Louise  de  Marillac  [fin   de  1637] 410 

286.  A  Louise  de  Marillac  [décembre  1637J 411 

287.  A  Bernard  Codoing,  27  décembre  1637 412 

288.  A  Louise  de  Marillac,  i"  janvier  [i638i 417 

289.  A  Louise   de  Marillac  [janvier  i638] 419 

290     A  Louise  de  Marillac  [janvier  i658J 421 

291.  Louise  de  Marillac  à  saint  Vincent  I17  janvier  i638].  420 

292.  A  la  Mère  de  la  Trinité,  22  janvier  i638 424 

293.  A  Lambert  aux  Couteaux,  3o  janvier  i638 426 

294.  A  Antoine  Lucas,  3o  janvier  i638 401 

295.  A  Louise  de  Marillac  [février  i638| 433 

296.  A  Louise  de  Marillac  [i638] 435 

297.  A  Louise  de  Marillac  [i638] 406 

298.  Louise  de  Marillac  à  saint  Vincent  [i638] 437 

299.  A  Robert  de  Sergis  [vers  le  21  février  i638]  ....  43S 

300.  Louise  de  Marillac  à  saint  Vincent  [février  i638]    .  440 
3oi .   A  Louise  de  Marillac  [février  i638] 441 

302.  A  Louise  de  Marillac  [février  i6381 442 

303.  A  Louise  de  Marillac  [février  i638) 443 

304.  A  Louise  de  Marillac  [février  i638j 444 

305.  A  Louise  de  Marillac  [18  février  i638j 445 

306.  A  Lambert  aux  Couteaux,  20  février  i638 446 

307.  A  Antoine  Lucas,  21  février  i636 449 

308.  A  la  Mère  de  la  Trinité,  25  février  i638 45 1 

309.  A  Louise  de  Marillac  [i638.  vers  février! 454 

3io.   A  Louise  de  Marillac  ii638.  vers  février] 455 

3ii.   A  Lambert  aux  Couteaux,  3  mars  i638 456 

3i2.   A  Louise  de  Marillac  fmars  i638] 458 

3i3.   A  Louise  de  Marillac  (mars  i638] 459 

314.   A  Louise  de  Marillac  [mars  i638| 460 


—    622    

3i5.   A  Louise  de  Marillac  [entre  nov.  iù3j  et  mars  i638].  461 

3i6.    A  Lambert  aux  Couteaux,  i5  mars  i638 463 

317.    A  Jean  Bécu  [fév-rier  ou  mars  i638j 465 

3i8.   A  Léonard  Boucher,  17  mars  i638 466 

319.  A  Louise  de  Marillac  [mars  i638] 467 

320.  A  Lambert  aux  Couteaux,  22  mars  i638 468 

321.  Au   duc  d'Atri  [vers  mars  i638j 470 

322.  A  Antoine  Portail,  28  avril  i638 475 

323.  A  Jean  Bécu  [20  ou  21  mai  i638] 475 

324.  A  Louise  de  Marillac  [vers  mai  i638J 477 

325.  A  Louise  de  Marillac  [24  mai  i638] 478 

326.  A  Jean  Bécu,  2  juin  [i638] 479 

327.  A  Louise  de  Marillac  [1038  ou  1639] 481 

328.  A  Nicolas  Marceille  [10  juin  i638] 482 

329.  A  Jean  Bécu,  10  juin  i638 484 

330.  A  Jean  Dehorgny  [juin  1638] 486 

33i .   A  Jean  de  la  Salle,  14  juin  i638 487 

332.  A  Denis  de  Cordes  [i638j 490 

333.  Louise  de  Marillac  à  saint  V^incent,  2  juillet    .    .    .  491 

334.  A  Jean  de  Fonteneil,  20  juillet  i638 491 

335.  A  Louise  de  Marillac  [i638  ou  1639] 493 

336.  Louise  de  Marillac  à  saint  Vincent  [i638] .     .     .        .  493 

337.  A  Louise  de  Marillac  [i638] 494 

338.  A  Louise  de  Marillac  [i638  ou  1639] .                            .  495 

339.  A  Robert  de  Sergis,  14  août  i638 496 

340.  Louise  de  Marillac  à  saint  Vincent  [vers  i638|.    .    .  498 

341.  A  Noël  Brulart  de  Sillery  [entre   i634  et  1640]      .    .  498 

342.  A  Jean  Bécu,  29  août  i638 499 

343.  A  Bernard  Codoing,  29  août  i638 5oi 

344.  A  Louise  de  Marillac,  3o  août  i638 5oi 

345.  A  Louise  de  Marillac  [septembre  i638) 5o2 

346.  A  Madame  «joussault  [entre  i636  et  1639] 5o3 

347.  A  Louise  de  Marillac  [septembre  i638] 5o4 

348.  A  Louise  de  Marillac  [septembre  i638] 5o6 

349.  A  Louise  de  Marillac  [i63S] 5o6 

350.  A  Louise  de  Marillac  [septembre  i638] 507 

35i.   A  Louise  de  Marillac  [i"  octobre  i638] 5o8 

552.   A  Lambert  aux  Couteaux,  i*"^  octobre  i638 509 

353.  A  Louise  de  Marillac  [2  octobre  i638] 5ii 

354.  A  Louise  de  Marillac  [octobre  i638J 5i3 

355.  Louise  de  Marillac  à  s.  Vincent  [i638,  vers  oct.l.    .  5i5 

356.  A  Louise  de  Marillac  [avant  1640] 317 

357.  A  Louise  de  Marillac 5i7 

358.  A  Lambert  aux  Couteaux,  r-  novembre  i638.    .    .    .  519 

359.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i636et  1639] 519 

360.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i633  et  1639] 520 

36i .   A  Louise  de  Marillac 52i 


—  623  — 

362.  A  Madame  Gousàault  [novembre  i638j 322 

363.  A  Bernard  Codoing,  12  décembre  i638.    .    .  523 

364.  A  Antoine  Lucas,  i3  décembre  i638 324 

365.  A  Robert  de  Sergis.  17  décembre  i638 827 

366.  A  Pierre  du  Chesne  [8  janvier  1639]  53o 

367.  A   Pierre  du  Chesne.  28  janvier  1639 532 

368.  A  Robert  de  Sergis,  3  février  1639 533 

369.  A   Pierre  du  Chesne  [vers  février  16391 540 

370.  A  Louise  de  Marillac 342 

371.  A  Louise  de  Marillac  [1639^      542 

372.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i636  et  1639^ ^4^ 

373.  A  Louise  de  Marillac  [1639] 544 

374.  A  Adrien  Bourdoise,  29  avril    1639 545 

375.  A  L.' de  Marillac  [entre  sept.  i638  et  sept.    16391.    .  346 

376.  A  Louis  Lebreton.   10  mai  1639 547 

377.  A  Robert  de  Sergis,  i3  mai  i63y 553 

378.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i635  et  1639I  .....  555 

379.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i636  et  1639] 557 

380.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i636  et  1639]   ....  558 
38i.   A  Louise  de  Marillac 559 

382.  A  Louise  de  Marillac,  4  juillet  1639 56o 

383.  A  saiute  Chantai,  14  juillet  ib3Q 56i 

384.  A  Léonard  Boucher.  20  juillet  1639        567 

385.  A  Louise  de  Marillac,  28  juillet  1639 568 

386.  A  Louise  de  Marillac  [1639' 569 

387.  A  Louise  de  Marillac  [1639] 570 

388.  A  Louise  de  Marillac  [1639] 572 

389.  Sainte  Chantai  à  saint  Vincent  :i639l 373 

390.  A  sainte  Chantai,  i5  août  1659 574 

391.  A  Louise  de  Marillac  [août  ou  septembre  1639].    .    .  576 

392.  A  la  Mère  de  la  Trinité,  28  août  1639 577 

393.  A  Louise  de  Marillac  [1639] 58o 

394.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i636  et  1648] 58i 

395.  A  Louise  de  Marillac  [entre  i636  et  1642I 582 

396.  A  Nicolas  Sanguin,  i3  septembre  1639 582 

397.  A  Louise  de  Marillac 583 

398.  A  Louise  de  Marillac 583 

399.  A  Louise  de  Marillac 584 

400.  A  Louise  de  Marillac 584 

401.  A  la  Mère  de  la  Trinité,  27  septembre  1639    ...  585 

402.  A  Louise  de  Marillac 586 

403.  A  Louise  de  Marillac  [9  ou  10  octobre  1639 ■ .    .    .  587 

404.  A  Louis  Lebreton,  12  octobre   1639 589 

405 .  A  un  prêtre  de  la  Mission  [octobre  1639] 595 

406.  A  Louise  de  Marillac  ri3  octobre  1639^ 597 

407.  A  Benoît  Bécu,  28  octobre   1639 398 

408.  A  Louis  Lebreton,  i5  novembre  1639 599 


—  6x4  — 

409.  A  Louise  de  Marillac.  24  novembre  lôSg.  .....  601 

410.  A  Louise  de  Marillac  l3o  novembre    lôJg]  .....  602 

411.  A  Louise  de  Marillac,  12  [décembre]  1639 6o5 

412.  A  Nicolas  Durot,  décembre  lôSg 607 

4i3.  A  un  diacre  de  la  Mission,  i5  décembre   1639   .    .    .  608 

414.  A  Louise  de  Marillac,  17  décembre  1639 609 

4i5.  A  Louise   de  Marillac.  3i  décembre  1639 6u 

416.  A  Guy  Lasnier  de  Vaux,  3i  décembre  1639 6i3 


Imprimerie  de  J.  Dumoulin,  à  Paris.  —  49.10.20. 


G.   H.   NEWLANDS 

Bookbinder 
Caledon     East,     Ont. 


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