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JRANSFEJ^RED
SAINT
VINCENT DE PAUL
CORRESPONDANCE
TOME I
Reproduction d'un tableau qui a appartenu à la reine Anne d'Autriche, puis à l'hôtel
des Invalides et appartient aujourd'hui à la maison-mère des Prêtres de la Mission,
gS, rue de Sèvres, Paris. Ce tableau a été fait, au dire des experts, du temps de saint
Vincent de Paul par un peintre qui avait le saint sous les yeux.
SAINT
VINCENT DE PAUL
CORRESPONDANCE
ENTRETIENS, DOCUMENTS
I
CORRESPONDANCE
TOME I (1607 — 1639)
ÉDITION PUBLIÉE ET ANNOTÉE
PAR
PIERRE COSTE
PRÊTRE DE LA MISSION
PARIS
LIBRAIRIE LECOFFRE. J. GABALDA, ÉDITEUR
90, RUE BONAPARTE, 90
1920
A
MONSIEUR FRANÇOIS VERDIER
SUPÉRIEUR GÉNÉRAL
DE LA CONGRÉGATION DE LA MISSION
ET
DE LA COMPAGNIE DES FILLES DE LA CHARITÉ
NIHIL OBSTAT
Clément Vidal, Prêtre de la Mission,
Emile Neveut, Prêtre de la Mission.
PERMIS D'IMPRIMER
Paris, i8 novembre 1919.
F. Verdier,
Swp. gén.
HilKi 5 1956
IMPRIMATUR
Parisiis, die 19* novembris 1919.
Ed. Thomas,
Vie. gén.
LETTRE DE M VERDIER
SUPERIEUR GENERAL DE LA CONGREGATION DE LA MISSION
Paris, le 17 février 1920.
Monsieur et bien cher Confrère,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Vous avez entrepris et vous venez de conduire à
bonne fin un beau et consciencieux travail destine' à
mieux faire connaître saint Vincent de Paul par la
publication de ses lettres.
Le premier recueil imprime' remonte à 1880; il est
près d'être épuisé ; surtout il présente bien des lacunes.
Plus complet, le vôtre contiendra plusieurs centaines
de lettres inédites, ou connues seulement en partie,
qui avaient échappé aux recherches de votre prédé-
cesseur. Vous y ajoutez, et l'.innovation est heureuse,
les lettres reçues par le saint.
Après avoir rappelé qu'au lendemain de sa mort, on
estimait à trente mille le nombre de ses lettres, et que
Collet, au dix-huitième siècle, avait pu en consulter
près de sept mille, l'éditeur de 1880 ajoute, non sans
— VIII —
quelque mélancolie : « Il nous en reste aujourd'hui
deux mille cinq cents; les autres, hélas ! sont à jamais
perdues ou enfouies dans quelques archives particu-
lières. Si incomplète que soit cette collection quand
on la compare à ce qui a péri, on n'a négligé aucun
moyen de Tenrichir, et il reste désormais peu de
chances de l'accroître d'une manière notable. »
Vous n'avez pas voulu faire vôtre cette résignation;
et s'il est vrai que la fortune aide les audacieux, il
n'est pas moins vrai que la Providence récompense
les persévérants. Vous en êtes un exemple encoura-
geant. Vous avez cherché beaucoup, longtemps et
partout, jusqu'en Amérique, et vous avez fait de pré-
cieuses découvertes: précieuses par le grand nombre
de lettres nouvelles, précieuses par la valeur intrin-
sèque de plusieurs d'entre elles. Ces découvertes
vous ont permis de compléter telle lettre dont on ne
possédait qu'une partie, de mieux dater telle autre,
de rectifier le nom de tel destinataire, jusque-là incer-
tain, parfois erroné.
Vous avez su chercher et trouver; vous avez su
lire ; de telle sorte que vous nous restituez le texte de
saint Vincent dans sa parfaite intégrité. C'est bien le
saint qui parle toujours et qui toujours nous redit ce
qu'il a voulu dire à ses correspondants, et de la ma-
nière, formes et expressions, dont il a voulu le dire.
Je suis heureux de vous en remercier. A mieux
connaître les grands hommes, on les apprécie mieux;
et s'ils sont vraiment grands hommes, on les aime
davantage. Saint Vincent a sa place marquée parmi
ces véritables grands hommes : l'Église le reconnaît
et le proclame comme un de ses héros, et son pays le
— IX —
compte parmi ceux de ses enfants qui l'honorent le
plus.
La lecture de ses lettres, où il se peint lui-même,
le fera mieux connaître, partant le fera aimer. A le
mieux connaître et à l'aimer, vos lecteurs, ou plutôt
les siens, se sentiront devenir meilleurs. Je ne parle
pas du plaisir spécial qu'e'prouveront les amateurs
des choses de l'esprit, connaisseurs de l'histoire et
des mœurs de l'époque où vécut le saint.
Cet intérêt d'édification et d'érudition, ce ne sont
pas seulement les enfants de la famille spirituelle de
saint Vincent de Paul : congrégation de la Mission
et Filles de la Charité, qui seront à même de le goû-
ter ; les grandes associations qui se réclament de son
nom : dames de la Charité, conférences de Saint- Vin-
cent, d'autres encore, moins connues, mais non moins
attachées à son nom comme à son esprit, l'y trouve-
ront également.
Enfin le public lettré lui-même aura toute facilité
de faire connaissance plus intime avec ce grand
homme et ce grand saint. Votre ouvrage, en effet,
s'il apporte un heureux démenti aux regrets découra-
gés du précédent éditeur au sujet du nombre des
lettres, donne, par ailleurs, satisfaction à son
désir de rendre public ce trésor. « Un tel ouvrage,
dit-il, parlant de son recueil, s'il était livré au public,
ne pourrait manquer d'exciter l'intérêt des lecteurs,
auxquels il offrirait un nombre considérable de docu-
ments aussi précieux qu'éditants et presque tous
inédits. »
Ce vœu est désormais rempli, et bien rempli,
grâce à votre publication.
— X —
Il me reste à souhaiter à votre travail la plus large
diffusion ; et ce souhait, c'est de tout cœur que je le
forme, comme aussi c'est en toute confiance que j'en
attends la re'alisation.
Croyez-moi toujours. Monsieur et bien cher Con-
frère, votre tout dévoué en Notre-Seigneur.
F. Verdier,
Supérieur général.
INTRODUCTION
Saint Vincent de Paul a beaucoup agi. Il a aussi
beaucoup écrit. Un homme d'action est, par la force
des choses, un homme de relations. Et plus les rela-
tions sont nombreuses, plus abondante est la corres-
pondance qui sert à les entretenir.
On évalue à plus de trente mille le nombre des
lettres qui sont sorties de la plume du saint ou de ses
secrétaires. Au témoignage de Collet*, il en restait
de six à sept mille en 1748. Après plus de trois siècles,
ce trésor s'est considérablement appauvri. Nous ne
pourrions même pas en éditer aujourd'hui mille huit
cents si nous nous en tenions aux lettres dont nous
avons le texte complet.
De tous les correspondants de Vincent de Paul, nul
ne fut en relations plus suivies avec lui que Louise de
Marillac. Ce recueil renferme environ quatre cents
lettres du saint à sa pieuse collaboratrice. Le plus
favorisé après elle est Firmin Get, supérieur de la
maison de Marseille, à qui reviennent cent cinquante
lettres. Jean Martin, supérieur à Turin, en a, pour
I. La Vie de saint Vincent de Paul, Nancy, 1748, 2 vol. in-4, t. I,
p. IV.
XII
sa part, près de cent trente ; Edme Jolly, supérieur à
Rome, près de cent vingt; Charles Ozenne, supérieur
à Varsovie, près de cent; Etienne Blatiron, supérieur
à Gênes, près de quatre-vingts. Puis viennent par
ordre Bernard Codoing, le frère Jean Parre, Antoine
Portail, Louis Rivet, Jacques Pesnelle, Marc Coglée,
tous membres de la congrégation de la Mission. Le
saint se fit une règle, durant plusieurs années, d'écrire
chaque semaine aux supérieurs des maisons de Mar-
seille, Rome, Gênes, Turin, Varsovie et à d'autres -,
et il y était fidèle, même lorsqu'il n'avait rien à dire 3.
Aussi, en bien des cas, les dates des lettres qui nous
restent nous permettent-elles de deviner presque à
coup sûr les dates de celles qui sont perdues.
Vincent de Paul ne cessa jamais, sauf quand la ma-
ladie l'en empêchait, d'écrire de sa main à Louise de
Marillac. Jusqu'en 1645, il fit lui-même toute sa cor-
respondance. Débordé par les occupations, il prit
pour secrétaire, cette année-là, son compatriote le
frère Bertrand Ducournau^, qui avait de l'instruction,
écrivait bien, aimait le travail et unissait à un juge-
ment sûr un dévouement sans limites. L'année
d'après, le frère Louis Robineau fut nommé second
secrétaire. Les lettres qui nous restent sont
2. Voir les lettres du i6 novembre i658 au frère Jean Parre, du 9 oc-
tobre 1643 à Bernard Codoing, du 14 septembre 1646 à Jean Martin, du
3 mai i652 à Lambert aux Couteaux, du 2 janvier 1654 à Etienne Bla-
tiron, du li octobre i655 à Charles Ozenne, du 21 décembre 1657 à An-
toine Durand. En i658, Vincent de Paul n'écrivait plus à Charles Ozenne
que tous les quinze jours. (Cf. lettre du 18 janvier i658.)
3. Voir la lettre du 12 octobre ibSy à Charles Ozenne et une autre non
datée au frère Jean Parre, 'qui trouvera place parmi les lettres de no-
vembre i658.
4. La première lettre écrite par le frère IDucournau est celle du
3 mai 164S à Jacques Chiroye.
— XIII —
presque toutes de l'écriture de Vincent de Paul ou de
ces deux frères. La transcription des lettres circulaires
était confiée à des secrétaires d'occasion.
Le saint dit parfois qu'il dicte ses lettres-^ Etait-ce
chez lui une habitude, et ce mot dictei^ a-t-il dans son
esprit le sens absolu qu'on lui donne couramment?
On ne peut s'empêcher de constater une différence
sensible entre le style des lettres écrites de sa main et
de celles qui sont simplement revêtues de sa signa-
ture. Les premières ont un tour plus concis, plus
mâle, plus vif; elles portent davantage l'empreinte
du supérieur qui détient l'autorité et a conscience de
sa responsabilité ; on y sent mieux le langage d'un
homme qui parle en son nom personnel ; leur lecture
est plus attachante.
Sa lettre finie, saint Vincent la relisait, faisait les
corrections qu'il jugeait utiles, signait et ajoutait en
post-scriptum ce qu'il avait oublié. Puis il la pliait et
la cachetait. Le sceau, qu'on peut voir en tête du
volume, représentait le Sauveur évangélisant les
pauvres. Tout autour, les mots Superior Ge7ieralis
Congreg. Missiouis indiquaient extérieurement la
provenance de la lettre.
Ses grandes occupations laissaient au saint peu de
temps pour sa correspondance ; aussi le vo3^ons-nous
utiliser jusqu'aux moments libres qu'il passait hors
de sa demeure^. Il dit lui-même dans une de ses
lettres qu'il l'écrivait en pleine rue". Il prenait sou-
5. Voir les lettres du 21 juin i653 à Emerand Bajoue, du lo août 1657
à Edme Jolly et du 24 août ibSg à François Feydin.
6. Voir les lettres du 3o juin i656 à Jean Martin, du 25 octobre i658 à
Firmin Get et du 26 juin 1654 au même.
7. Lettre du 28 juillet i65i à Jean Martin.
— XIV —
vent sur son repos, et parfois, brisé de fatigue, il s'en-
dormait en écrivant; l'écriture de plusieurs lettres se
ressent visiblement de l'influence du sommeil^.
Avant 1689, la date suit toujours la signature, sauf
quand la place a manqué au bas de la page^; à partir
de 1640, elle est toujours en tête^o. Les lettres à
Louise de Marillac ne sont datées que lorsqu'elle est
en voyage, ou que le saint lui-même est absent de
Paris. Quand la date manque, elle est assez souvent
remplacée par Tindication du jour de la semaine.
Les lettres aux missionnaires et aux sœurs com-
mencent uniformément par ce souhait : La grâce de
Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais ! expres-
sion bien sincère du désir le plus intime de son cœur.
L'occurrence de certaines fêtes lui suggérait parfois
une formule différente : La sainte Passioii du Sauveur
nous fasse tout faire et tout soutenir pour son amour^^!
ou: La dévotion des disciples de Notre-Seigneur assem-
blés pour pilier pour la venue du Sai?it-Esprit soit
toute sensible à votre cœur pourjamais^'^l
Saint Vincent nous apparaît dans sa correspondance
tel que le dépeignent ses biographes : simple, bon,
humble, judicieux, pratique, ne perdant pas de vue
les détails les plus minutieux d'une affaire, les yeux
toujours levés vers Dieu, sa règle et son guide, recon-
8. Par exemple, la lettre du i5 mars i638 à Lambert aux Couteaux.
9. C'est le cas pour les lettres du 2 novembre i636 à Louise de Marillac,
du 21 février i638 à Antoine Lucas, du 20 février, du i5 et du 22 mars i638
à Lambert aux Couteaux et du 2 juin i638 à Jean Bécu. Les copistes
ont presque toujours reporté en tête de la lettre la date et l'indication
du jour de la semaine.
10. De juillet 1639 au premier janvier 1640 le saint varie; l'ancienne
habitude prend parfois le dessus.
11. Lettres du 11 avril 1659 à Guillaume Desdames et à Edme Jolly.
12. Lettre du 24 mai 1637 à Louise de Marillac.
— XV —
naissant des bienfaits reçus, plein de respect pour les
personnes constituées en dignité.
11 va droit au but, sauf quand il a un reproche à
faire, car alors il commence par s'humilier lui-même.
Il ne faut pas chercher dans ses citations scriptu-
raires, faites le plus souvent de mémoire, la reproduc-
tion absolument fidèle du texte sacré.
Il savait donner à sa phrase un tour original, par
exemple: « M. Aimeras n'a plus de fièvre, ni moi
d'autres nouvelles à vous donner^^ », ou quitter le
ton sérieux pour dire un mot plaisant : « Je suis fort
consolé, écrit-il au supérieur de Turin i^, de ce que
notre frère Desmortiers a déjà fait un tel progrès en
la langue qu'il sait dire: Signo?^, si. » Après avoir
raconté le naufrage d'un vaisseau qui portait des mis-
sionnaires envoyés à Madagascar, le saint ajoute ^^
que ceux-ci, montés sur une petite barque, avec des
provisions pour trois ou quatre jours, arrivèrent à
Saint-Jean-de-Luz après deux grandes semaines « en
bonne santé et avec bon appétit ».
Bien que saint Vincent ne fût guère sujet aux dis-
tractions, on en remarque quelques-unes dans sa
correspondance. Une de ses lettres à Pierre Escart,
prêtre de la Mission^^, se termine par les mots « qui
suis, en son amour, Madame, votre très humble ser-
viteur ». Ce titre de Madame, il le donne deux fois à
Mademoiselle Le Gras, sans y penser i^. Deux lettres
i3. Lettre du 19 juin 1654 à Thomas Berthe. Voir encore les lettres
du 14 août i638 à Robert de Sergis et du !«■■ décembre 1646 à Antoine
Portail.
14. Lettre du 22 juin ibS/ à Jean Martin.
i5. Lettre du 26 août 1640.
16. Lettre du 9 janvier 1660 à Guillaume Desdames.
17. Lettres 49 et i5i.
— XVI —
sont restées inachevées sans que le saint le remarque***.
Ici ou là on trouve des mots répétés, oubliés *9, ou
évidemment fautifs-^. Nous avons dû rectifier certaines
dates inexactes des originaux^*. Dans ces distractions,
que l'on pourrait facilement compter, tant elles sont
rares, il faut faire la part des secrétaires.
Les lettres de saint Vincent méritaient d'être pu-
bliées à titre de documents historiques, pour éclairer
la vie de ce grand homme, qui tient sans contredit la
première place dans l'histoire de la bienfaisance et
doit être mis au premier rang des réformateurs du
clergé français; elles le méritaient encore à cause de
leur valeur littéraire, qui place leur auteur au nombre
des bons prosateurs de la langue française au dix-sep-
tième siècle.
Nous possédons encore les originaux d'un bon
nombre de ses lettres, la plupart répartis en cinq
collections ou dossiers.
*
* *
Dossier de la Mission. — La Maison-Mère des
Prêtres de la Mission possède trois cent cinq origi-
i8. Lettres du 17 septembre 1647 à Mathurin Gentil et du i3 juin 1654
à Marc Coglée.
19. Lettres de décembre 1654 et du i" août lôSg à Jean Martin et de
mars lôSg à Louise de Marillac.
20. Lettres du i3 mai 1639 à Robert de Sergis, du i3 novembre 1640
à Jacques Tholard, du 20 novembre 1644 à Guillaume Delville, du 14 fé-
vrier 1648 à Antoine Portail, du 22 mars lôSa à Lambert aux Cou-
teaux, du i5 juin 1654 à Marc Coglée, du 5 février 1660 à Jean Martin.
ai. Lettres du i"mai i633 et du 12 décembre 1639 à Louise de Maril-
lac, du 22 mars i652 à Lambert aux Couteaux, du 10 octobre 1657 à
Jacques Chiroye, du 12 septembre 1659 à Guillaume Desdames.
— XVII —
naux^^, trente-six minutes, dix fac-similés, quarante-
deux copies du dix-septième ou du dix-huitième siècle.
Elle était bien plus riche avant la Révolution. Le pil-
lage de Saint-Lazare en 1789, la dissolution de la
congrégation en r 792 et des dons trop répétés ont
contribué à l'appauvrir. Toutes ces lettres, à l'excep-
tion de dix-sept, ont été publiées en 1 880 par le secré-
taire général de la Congrégation de la Mission,
M. Jean-Baptiste Pémartin, avec les autres lettres du
saint.
Dossier des Filles de la Chafité. — La collection
conservée à la Maison-Mère des Filles de la Charité
est faite presque uniquement de lettres à Louise de
Marillac et aux premières sœurs de la compagnie.
Elle renferme deux cent soixante-quinze originaux,
dont vingt-deux ont échappé aux investigations de
M. Pémartin.
Dossier de Turin. — Le dossier de Turin s'est
formé au moment de la Révolution. Les lettres qui
le composent furent apportées de Paris à la maison
des prêtres de la Mission de Turin par Charles-Domi-
nique Siccardi, assistant de la congrégation, qui
était chargé de les déposer en lieu sûr. Elles sont
au nombre de trois cent quarante-six, parmi lesquelles
trois cent vingt-quatre originaux, onze minutes et
onze copies du dix-septième ou du dix-huitième
siècle. Vingt-quatre sont inédites. Nous trouvons là
presque toutes les lettres à Jean Martin.
22. Trois cent quarante-sept, si l'on ajoute les quarante-deux lettres
du dossier Hains dont il sera parlé plus loin.
— XVIII —
Dossier de Cracovie. — Le 5 décembre 1904, une
personne vint apporter à M. Joseph Kiedrowski,
visiteur de la province de Pologne et supérieur de
la maison de Cracovie, les originaux de cent soixante-
sept lettres adressées aux premiers missionnaires de
Pologne ; il y en avait cent cinquante de saint Vincent,
une de la reine de Pologne, deux de René Aimeras,
deux d'Edme JoUy, deux de Jean Dehorgny, deux de
Thomas Berthe, etc. On croit que ces documents ap-
partenaient à la maison de Varsovie avant la disper-
sion de 1864 ^ï qu'un prêtre de la Mission les avait
mis en sûreté dans une famille catholique ^^. M. Pé-
martin a connu toutes ces lettres, sauf cinq.
Dossie?^ de la fa?nille Haiiis. — Lors de la disper-
sion des congrégations religieuses à la fin du dix-hui-
tième siècle, Jean-Baptiste Moissonnier, supérieur de
la maison de Marseille, prit avec lui les lettres de
saint Vincent conservées dans les archives de l'éta-
blissement. Ces lettres passèrent, après sa mort
(17 janvier 18 13), à M. Nodet, son héritier, beau-père
de M. Hains, négociant à Marseille, qui en avait cin-
quante-sept en 1886. La fille de ce dernier. Fille de
la Charité à Neuilly-sur-Seine, en possédait encore
dernièrement quarante-deux. Elle vient de s'en des-
saisir généreusement pour les donner au supérieur
général des prêtres de la Mission. Le dossier compre-
nait au début plus de cent cinquante lettres. Celles
qui restent sont presque toutes adressées à Firmin
Get. Quatre d'entre elles manquent dans le recueil
publié en 1880.
23. Annales de la Cottgrégaiion de la Mission, igoS, t. LXX, p. 210.
— XIX —
Les originaux mis en vente par la maison Chara-
vay, de Paris, formeraient à eux seuls une collection
importante s'ils étaient réunis, puisqu'on en compte
quatre-vingt-dix environ. Nous avons pu en copier
quelques-uns sur place avant la vente ou en retrou-
ver chez les collectionneurs. La plupart de ces lettres
ne nous sont connues que par des copies, l'ouvrage
de M. Pémartin ou les brèves indications des cata-
logues.
La bibliothèque Sainte-Geneviève nous aurait four-
ni dix originaux si une main peu scrupuleuse ne les
avait fait disparaître. Il en reste du moins lescopies^*,
toutes, sauf la lettre à l'abbé de Grandmont,
prises par le Père Prévôt, qui a écrit au verso du
folio 2 : « Ces lettres du bienheureux Vincent
sont, en général, au chartrier de la congrégation de
Sainte-Geneviève, dans un volume folio intitulé sur
le dos: Lettres de prélats depuis l'an i653 jusqu'en
1660. Ce volume est couvert de basane verte et ren-
ferme quelques lettres antérieures à i653. » Le volume
existe toujours, mais sans les lettres en question.
Quatre de ces originaux ont depuis été mis en vente
par M. Charavay.
* *
Les recueils anciens des lettres de saint Vincent
nous ont été très utiles. Là se trouvent quantité de
lettres dont nous n'avons plus les originaux. Passons
en revue les principaux.
Lors du procès de béatification de saint Vincent,
24. Ms. 2555.
— XX —
plusieurs sessions furent consacrées, comme toujours,
à l'examen des e'crits. Le tribunal fit reviser trois cent
quarante-quatre lettres et en retint trente-deux, les
plus importantes sans doute, pour les joindre au dos-
sier du procès. Ces trente-deux originaux, tous de
l'écriture du saint, appartenaient à la maison de
Saint-Lazare. Des experts furent appelés pour en
constater l'authenticité. Un copiste juré les transcri-
vit dans le volume des procès-verbaux des séances ;
la copie fut confrontée avec l'original, et les quelques
légères variantes que l'on découvrit furent signalées
en marge. Ce sont donc des copies authentiques, de
même valeur que l'original ; et on peut encore aujour-
d'hui constater la parfaite conformité de celles dont
les originaux n'ont pas été perdus. Parmi ces lettres,
cinq sont inédites, vingt ne nous étaient connues que
par des fragments généralement altérés, les sept
autres nous donnent un texte plus pur que le texte
publié en 1880.
Les archives de la Mission possèdent deux anciens
registres de copies, que nous appellerons, pour les
distinguer, registre i et registre 2, Le registre i est
cartonné et mesure 840 millimètres sur 220. Ces
mots italiens ajoutés en première page : Copie di lettere
n" cento settantotto- 1 j 8-scritte da San Vincen^o di
Paoli poî^tate da Parigi Panno iyg2, nous font con-
naître le nombre de lettres qu'il contenait quand il
était complet. La disparition du dernier ou des der-
niers feuillets a réduit ce nombre à cent soixante-qua-
torze. La cent soixante-quinzième lettre termine le
soixante-douzième feuillet et se continuait sur le
soixante-treizième, que nous n'avons plus.
— XXI —
Un portrait de saint Vincent, au-dessous duquel
sont écrits les mots Sanctus Vincentiiis a Paulo, Con-
gregationis Missionis et Puellarum Cliaritatis fuuda-
tor, a été ajouté en tête du recueil. Le manuscrit lui-
même pourrait bien être du dix-septième siècle.
L'écriture, sans être belle, est lisible. Les lettres sont
données dans leur entier. Les mentions signée^ non
signée^ olographe '^'^, minute de la tnain, montrent que
le copiste a eu sous les yeux les documents originaux
eux-mêmes ou leurs minutes. On ne trouve dans son
recueil aucune lettre à des prêtres de la Mission.
Quatre sont adressées à la reine de France, trois à la
reine de Pologne, deux au Pape, deux à Mazarin, une
au nonce, neuf à des cardinaux, vingt-trois à des
évêques, sept à la duchesse d'Aiguillon, une à Tu-
renne, une à Louise de Marillac, cinq à des Filles de
la Charité, onze à Mademoiselle du Fay, onze à des
religieuses de la Visitation, deux à Philippe-Emma-
nuel de Gondi, deux à Louis de Chandenier, etc.
Autant qu'on peut en juger par les treize lettres du
registre dont les originaux sont venus jusqu'à nous,
nous pouvons nous fier complètement à l'exactitude
du texte. Toutes les lettres de ce recueil ont paru en
1880, sauf une.
Nous lisons dans la vie manuscrite de René Aimé-
ras, successeur de saint Vincent : « On ne peut expri-
mer le soin qu'il a pris de suivre pas à pas les senti-
ments de ce premier supérieur. Non content d'avoir
fait mettre en lumière sa vie, où sont décrites les qua-
25. Ce mot ne s'emploie plus de nos jours que pour les testaments.
— XXII —
lités de sa conduite, il a cru les devoir de plus recher-
cher dans ses lettres, où il semble qu'il a comme
grave' son esprit, ses maximes et son caractère sur une
infinité de sujets, parlant à toutes sortes de personnes.
A cette fin, il en a fait faire des extraits et les
a liés dans i3 ou 14 mains de papier... Et afin
que ceux qui lui succéderaient dans la conduite de la
Compagnie pussent aussi profiter de ces mêmes
lettres et en tirer plus facilement les instructions
dont ils auraient besoin, il les fit aussi ranger,
quelques mois avant sa mort, selon les diverses
matières et transcrire proprement dans de gros
livres reliés, comme un précieux trésor pour la Com-
pagnie. »
Ces extraits furent classés sous quinze titres:
1° Institution, perfection, gouvernement et emplois
de la congrégation de la Mission en général;
2" Ordres et avis donnés aux visiteurs et aux supé-
rieurs;
3° Avertissements, encouragements et congratula-
tions à des particuliers;
4" Missions dans les pays chrétiens et chez les
infidèles;
5° Séminaires et autres fonctions de l'Institut;
6° Pratique de quelques vertus ;
7° Défunts de la Compagnie;
8" Lettres de consolation aux externes dans l'afflic-
tion ;
9° Reconnaissance envers les amis et bienfaiteurs ;
10* Conseils donnés et bonnes œuvres suggérées
même à des personnages éminents ;
1 1° Affaires diverses ;
— XXIII —
12' Lutte contre le jansénisme;
13° Assistance des pauvres;
14" Conduite des Filles de la Charité;
1 5° Conduite des religieuses de la Visitation.
Le tome I est le seul que nous ayons. Il n'épuise
que les trois premières parties de ce vaste programme.
Nous l'appellerons registre 2. Sa hauteur est de
370 millimètres et sa largeur de 270. Il comprend
trois cent cinquante pages et nous donne cinq cent
quarante-neuf fragments, ou plutôt cinq cent qua-
rante-huit, car l'un d'eux est en double. Plus de cent
de ces fragments font partie de lettres dont nous
avons de par ailleurs le texte entier. Si l'on en excepte
une vingtaine, tous sont extraits de lettres adressées
à des membres de la congrégation de la Mission.
L'écriture, belle et régulière, se lit avec la plus
grande facilité. Le copiste ne reproduit jamais le mot
Monsieur au début des lettres, ni la formule initiale
habituelle au saint. Il ne s'est pas cru tenu de copier
servilement l'original. Il arrange d'ordinaire la pre-
mière phrase de ses extraits de manière à lui enlever
toute dépendance de la partie qu'il omet, modernise
des mots^ supprime des longueurs. Ses modifications
toutefois n'offrent pas grande importance, et dans
l'ensemble son texte est bien celui de l'original. Pour
qu'on puisse s'en faire une idée, voici, dans la
lettre 91, le passage qui a été le plus altéré :
Texte du registre 2. — // me fit donc l'honneur de
me dire qu'il avait conféré avec Messieurs ses reli-
gieux touchant notre manière de faire au choeur, le
logement et l'ameublement et la pension que donne-
— XXIV —
raient ceux qui voudraient vivre parmi nous. Or,
pour ce dernier chef, qui est que chacun de Messieurs
les religieux ne paiera que 200 livres de pension, je
vous dirai, Monsieur, que j'acquiesce très volontiers
à cela, quoique ayant supputé la dépense aw fitr que
les choses valent à présent, il nous en coûtera davan-
tage, et que les pensions même des écoliers sont de
A'o écus.
Vrai texte. — Mondit sieur le prieur me fit donc
l'honneur de me dire hier au soir, qu'il avait conféré
avec Messieurs ses religieux touchant notre manière
de faire au chœur, le logement et ameublement et la
pension que donneraient ceux qui voudraient vivre
parmi nous. Or, je vous dirai que, pour la dernière
difficulté, qui est que chacun de Messieurs les reli-
gieux ne payera que 200 livres de pension, que j'ac-
quiesce très volontiers à cela, quoique ayant supputé
la dépense au Juste de ce quil nous a coûté à présent,
il nous en coûtera davantage, et que les pensions
même des écoliers sont de po livides.
Quelque peu importantes que soient ces altérations,
il est regrettable que le copiste les ait faites. Son
excuse est qu'il vivait au dix-septième siècle, qui
n'avait pas, comme le vingtième, le souci d'une
exactitude minutieuse et que la plupart de ses con-
temporains se montraient moins scrupuleux que lui.
Nous empruntons au registre 2 huit fragments iné-
dits.
Le manuscrit 1292 de la Bibliothèque municipale
d'Avignon est ainsi décrit dans le catalogue: « Dix-
huitième siècle, papier, 94 feuillets, 262 sur 190 mil-
limètres, reliure peau chamoisée. » Il a pour titre :
— XXV —
Lettres choisies du Vénérable Vincent de Paul, insti-
tuteur et premier Supérieur Général de la... Congré-
gation de la Mission. Ces lettres ou plutôt ces extraits
de lettres, au nombre de quatre-vingt-dix-neuf, aux-
quels s'ajoutent en supple'ment dix autres fragments,
sont rangés en huit groupes, suivant l'enseignement
qu'ils contiennent:
1° Confiance en Dieu et abandon à la Providence;
2" Persévérance dans sa vocation ;
3° Régularité et perfection;
4° Soin de la santé et charité envers le prochain ;
5° Soin des malades, support mutuel et union ;
6" Courage de surmonter ses propres inclinations
pour la gloire de Dieu ;
7" Confiance en Dieu et défiance de soi-même ;
8° Oraison, reconnaissance.
Presque tous les fragments du manuscrit d'Avignon
se trouvent dans le registre 2, et ils s'y trouvent avec
les mêmes variantes. Parmi les trois fragments qui
font exception, deux sont connus de par ailleurs. Nous
n'emprunterons donc à ce manuscrit qu'un seul
extrait, déjà publié dans le recueil de i88o.
Le manuscrit d'Avignon représente une famille de
manuscrits assez répandus avant 1792 dans les mai-
sons des prêtres de la Mission. Il nous en reste deux
autres spécimens.
L'un d'eux est le manuscrit 20 de la Chambre des
députés : dix-huitième siècle, papier, cent quarante-
trois pages, 200 millimètres sur 145, reliure basane.
Même titre, mêmes divisions, même groupement des
lettres, réduites ici à soixante-quinze. On y trouve de
plus copie de la prétendue sentence de mort portée
— XXVI —
contre Notre-Seigneur par Pilate et un supplément
de vingt-trois fragments qui lui sont propres, tous
relatifs à la Compagnie des Filles de la Charité, dont
cinq sont restés inédits.
L'autre manuscrit est à la Maison-Mère des prêtres
de la Mission. Il est cartonné, de la seconde moitié
du dix-huitième siècle, contient soixante-quatorze
fragments en cent vingt-deux pages et mesure
217 millimètres sur i5o. 11 s'arrête à la sixième par-
tie, dont il ne donne qu'une lettre ou plutôt un frag-
ment de lettre. En somme, copie inachevée du ma-
nuscrit d'Avignon, sans rien de spécial.
Le manuscrit 869 delà Bibliothèque de Lyon a pour
titre : Livre contenant l'abrégé de la vie des prêtres,
clercs et frères de la Cojigi^égation de la Mission qui
ont vécu et qui sont moi^ts dans la pratique des vertus
convenables à leur vocation. Dans ce recueil, où Ton
trouve tout au long les notices de René Aimeras,
d'Edme Jolly et de Jean-Baptiste Anselme, prêtres
de la Mission, une place a été faite à la correspon-
dance de saint Vincent. Les Extraits des lettres de
saint Vincent vont du folio 168 au folio 196. Ils con-
tiennent l'éloge des missionnaires récemment décé-
dés. Quelques-uns de ces fragments n'ont pas encore
été publiés. On les trouve aussi à la Bibliothèque du
musée Calvet d'Avignon, dans le manuscrit 774 De-
landine, qui reproduit tout le contenu du manuscrit
de Lyon et quelques documents en plus. Les deux
manuscrits sont du dix-huitième siècle. Celui de Lyon
est relié en parchemin et se compose de deux cent
quatre-vingt-six feuillets mesurant 260 millimètres
sur 90.
— XXVII —
Les archives départementales de Vaucluse pos-
sèdent un registre in-4'' de trente-sept feuillets, coté D
274, qui contient quarante-deux extraits de lettres
de saint Vincent, lettres adressées pour la plupart
aux supérieurs de Rome. Il ne se trouve dans ce ma-
nuscrit rien que nous ne connaissions par d'autres
sources.
Le manuscrit de Marseille, que nous nommons
ainsi à cause de son titre : Extraits des lettres de saint
Vincent de Paul déposées dans les archives de la Mis-
sion de France à Mat^seille^ appartient à la Maison-
Mère des prêtres de la Mission. C'est un simple
cahier de dix-sept pages, sur lequel ont été transcrits,
dans leur ordre chronologique ou à peu près, proba-
blement à l'occasion de l'ouvrage de M. Pémartin,
peu après sa publication, soixante-quatre frag-
ments, généralement courts, de lettres adressées en
très grande partie à Firmin Cet. Il nous a été impos-
sible de retrouver le document que le copiste a eu
sous la main. La conformité du texte constatée pour
les extraits des lettres dont nous possédons l'original,
garantit l'exactitude de l'ensemble. Vingt de ces frag-
ments seront publiés ici pour la première fois.
Les Filles de la Charité de la paroisse Saint-Paul
à Paris possédèrent jusqu'en 1814 un recueil in-folio
de quatre-vingt-huit pages, écrit dans la seconde
moitié du dix-septième siècle et intitulé: Extraits de
Lettres de feu Monsieur Vincent et feu Mademoiselle
Le Gras. Les lettres du saint y sont représentées par
plus de cent fragments, celles de sa fille spirituelle par
sept seulement. L'écriture n'est pas toujours la même;
on reconnaît à la page 7 celle de Julienne Loret, une
— XXVIII —
des principales collaboratrices de la fondatrice. Les
extraits sont séparés assez souvent par un léger
espace blanc ou par un simple alinéa. Il est parfois
difficile de les distinguer entre eux, et il se pourrait
qu'une fois ou l'autre, faute d'indication suffisante,
nous ayons rattaché à une même lettre des extraits
de lettres différentes, ou inversement. Le manuscrit
fut donné en 1814 à Dominique-François Hanon,
vicaire général de la Congrégation de la Mission. Il
est allé enrichir depuis les archives de la Maison-
Mère des sœurs. Nous lui ferons une quarantaine
d'emprunts.
*
Acôtédes recueils manuscrits se placent les recueils
imprimés et les ouvrages anciens qui ont mis large-
ment à contribution la correspondance du saint. Il
convient de placer en première ligne la Vie du Véné-
rable Serviteur de Dieu Vincent de Paul-^ par Louis
Abelly. Nombreuses sont les lettres de saint Vincent
citées ou simplement signalées par son premier bio-
graphe. On en compte un peu plus de deux cents,
parmi lesquelles cent environ figurent dans le recueil
de M. Pémartin. Comme la plupart des écrivains de
son temps, Abelly ne s'est pas fait scrupule de retou-
cher les textes qu'il cite, sous prétexte d'en améliorer
le style ou de les rendre plus clairs. Du moment que
la pensée était respectée, on trouvait tout naturel que
26. Paris, 1664, 3 t. in-4° en un vol. C'est toujours à cette édition que
nous nous référerons, parce que les autres éditeurs ont plus ou moins
retouché les citations d'^Abelly.
— XXIX —
les imperfections de l'expression fussent écartées.
Malheureusement le mauvais goût rendait souvent
l'expression plus défectueuse, au lieu de l'améliorer,
et la pensée à laquelle on prétendait ne pas toucher,
souffrait parfois de ces changements.
Abelly remplace des mots, intercale de petits com-
mentaires, modifie des tournures. Sous sa plume
prédicament devient réputation -'• \ hommes de bien^
honnêtes hommes '-^ ; vous ave\ mille ?'aisons, vous ave^
tout sujet^\ gaillards^ ceux qui servaient trop libres^^ ;
dévots,Jlorissants en pi été ^^.AheWy se plaît à accentuer
la note pieuse des expressions du saint. Ainsi il écrit:
ces saints fours au lieu de ces jours'-^-^', le très saint
Sacrement au lieu de le saint Sacrement ^3.
La concision de saint Vincent lui semble parfois
nuire à la clarté; il y remédie en allongeant la phrase.
En voici quelques exemples :
27. Abelly, o-p. cit., t. III, chap. xxiv, sect. I, p. 348, et lettre du
6 août 1657 à Honoré Bélart.
28. Abelly, of. cit., t. II, chap. xii, p. 4i5, et lettre du 4 octobre 1646
au cardinal Grimaldi.
29. Abelly, o-p. cit., t. III, chap. XXII, fin, p. 325, et lettre du
27 juin i6bo à une religieuse de la Visitation.
30. Abelly, op cit., t. II, chap. IX, p. 35i, et lettre d'octobre i658 à
Louise de Marillac.
3i. Abelly, t. II, chap. i, sect. 11, § 3, p. 3i, et lettre du 25 juillet i634
à François du Coudray.
Autres exemples de mots et d'e.xpressions échangés : brayes (lettre
du 24 juillet 1607 à M. de Comety et caleçons (Abelly, op. cit., t. I,
chap. IV, p. i5); cruelles (lettre du 29 février 1660 à Anne-Marie Bol-
lain) et pleines d'angoisse (Abelly, t. II, ch. VII, p. 33o) ; sollicitude
(lettre du 18 juillet 1659 à Antoine Durand) et vigilance (Abelly,
t. III, ch. XXIV, p. ii^)^, vigilance [ibid.) et ferveur (ibid.); avec sujet
(lettre du 18 juillet 1659 à Antoine Durand) et non sans raison (Abelly,
t. III, ch. XXIV, p. 337) ; consommer ses jours (lettre du 27 février 1660
à Firmin Get) et se consumer (Abelly, t. III, chap. XXI, fin, p. 3x4);
conservez-vous (lettre du 3o décembre i63b à Louise de Marillac) et
ménagez votre santé (Abelly, t. I, chap. xxix, p. i35).
32. Abelly, t. I, chap. xxiv, p. ii3, et lettre i38 à Louise de Marillac.
2)3). Abelly, t. II, ch. IX, p. 35i et lettre 354 ^ Louise de Marillac.
— XXX —
Vrai texte. — Oh! cej^tes, c'est une illusion^^.
•Abelly. — Oh! certes, si vous avie^ cette pe?îsée,
vous vous tromperie:^ grandement^ et ce serait une pu?^e
illusion^'^.
Vrai texte. — Qu'elles iront la tête levée au jour du
jugement^^ !
Abelly. — Mais avec quelle sainte confiance parai-
tront-elles au jour du jugement après tant de saintes
œuvres de charité quelles auront exercées^"' !
Vrai texte. — Aye^ pitié de nous^^.
Abelly. — Aye'^ donc pitié de nous et nous vene!{
doîiner la main pour nous tirer du mauvais état oii
nous sommes^^.
Assez souvent la phrase de Vincent de Paul est
plus alerte, plus vive, plus française que celle que
lui prête son biographe. Le saint écrit à Louise de
Marillac^°: « Oh! quel arbre vous avez paru aujour-
d'hui aux yeux de Dieu, puisque vous avez produit
un tel fruit ! » Nous ne voyons pas pourquoi à ces
mots Abelly a substitué les suivants ^^: « Oh! que
vous avez paru aujourd'hui devant les yeux de Dieu
34. Lettre 69.
35. Abelly, t. III, chap. viii, sect. i, p. 77.
36. Lettre 354.
37. Abelly, t. II, chap. ix, 35o.
38. Lettre du 25 juillet 1634 à François du Coudray.
39. Abelly, t. II, chap. i, sect. 11, § 3, p. 3i. Nous trouvons encore :
Cette femme, comme un autre Caïfhe ou comme ûânesse de Balaam (Abel-
ly, t. I, chap. IV, p. 17) au lieu de cet autre Caïfhe ou ânesse de Balaam
(lettre du 24 juillet 1607 à M. de Cornet); Vous avez une très grande
horreur de tout ce qui fourrait déflaire à Dieu {AhcWy, t. III, chap. xxii,
fin, p. 326) au lieu de Vous le haïssez trof (lettre du 27 juin 1660
à une religieuse de la Visitation).
40. Lettre 27.
41. Abelly, of cit., t. I, chap. xxiii, p. io5.
— XXXI —
comme un bel arbre, puisque, par sa grâce, vous avez
produit un tel fruit ! » Saint Vincent continue : « A
jamais puissiez-vous être un bel arbre de vie pro-
duisant des fruits d'amour ! » N'est-ce pas mieux que :
« Je supplie qu'il fasse par son infinie bonté que vous
soyez à jamais un véritable arbre de vie qui pro-
duise des fruits d'une vraie charité ! » Nous lisons dans
une lettre à François du Coudray ^'^ : « Tout le monde
est-il en bonne disposition? Chacun est-il bien gai?»
Abelly a préféré ^^ : « Chacun est-il en bonne dispo-
sition et bien content? »
Quelques altérations de texte proviennent de fautes
de lecture. C'est sans doute pour n'avoir pas su
déchiffrer l'écriture de saint Vincent que le premier
biographe a lu songe:{ pour sqye:{^^.
Parmi les trente fragments environ dont nous avons
pu contrôler le texte, il n'en est pas un qui nous soit
donné dans sa pureté parfaite; plusieurs même sont
presque méconnaissables*^, tant ils ont subi de
retouches.
Dans sa Viede saifit Vincent de Paul, Pierre Collet
utilise souvent, lui aussi, les écrits du saint. Il cite
ou signale plus de deux cent cinquante lettres. Ses
citations, moins fréquentes et en général moins éten
dues que celles d'Abelly, se retrouvent presque toutes
dans le premier biographe, assez souvent avec les
42. Lettre du i5 septembre 1628.
43. Abelly, t. II, chap. i, sect. I, § 4, p. 18.
44. Abelly, t. I, chap. xxiv, p. ii3, et lettre 71.
45. Comparer en particulier Abelly, t. II, chap. i, sect. VII, § i,
p. 96, et la lettre du 6 septembre 1646 au frère Jean Barreau ; t. III,
chap. VIII, sect. I, p. 77, et la lettre 69 ; t. III, chap. viii, sect. II,
p. 83, et la lettre 5o.
— XXXII —
mêmes altérations". Quand il a directement recours
à l'original, ce n'est pas pour en donner le mot à mot.
Peut-être toutefois prend-il avec le texte moins de
liberté qu'Abelly.
En 1834, Gossin, avocat à la cour royale de Paris,
publia sur les originaux, dans un livre intitulé Saint
Vincent de Paul peint par ses écrits'^"' ^ soixante-seize
lettres du saint, la plupart adressées à Louise de
Marillac, et une supplique au Parlement. Il conserve
l'orthographe primitive, place les lettres datées dans
leur ordre chronologique et donne le nom des posses-
seurs des originaux qu'il a mis à profit. Quoique
très incomplet, ce travail serait excellent si l'auteur
avait su mieux lire l'écriture de saint Vincent. Les
noms propres en particulier sont complètement déna-
turés. Qui reconnaîtrait Goussault, Laurent, Sous-
carrières, de Herse, Mussot, Romilly, Fortia, de
Brou, Pascal, Pillé, d'Authier dans Toustain, Lun-
veni, Souharries, Bierse, Mussut, Clomilly, Foren,
Bron, Fasral, Filé et Autin ? Qui ne demeurerait
surpris de lire dans la correspondance du saint des
phrases du genre de celle-ci : « Faites... bien
entendre... à votre tour que je suis en témoin de
Notre- Seigneur*^?» Remplacez tour par cœur, témoin
par rameur, et vous aurez ce qu'a écrit le saint.
Quelque nombreuses que soient ces fautes de lec-
ture, il est presque toujours facile à qui connaît bien
46. Comparer Abelly, t. III, chap. xxiv, sect. I, p. 348, Collet, op.
cit., t. II, p. 3o8, et la lettre du 6 août 1657 à Honoré Bélart ;
Abelly, t. III, chap. Il, vers la fin, p. 8, Collet, t. II, p. 107, et la
lettre du 7 février 1641 à Louise de Marillac.
47. Paris, in-i2.
48. P. 5oo. C'est la lettre 199 de notre recueil.
— XXXIIl —
la manière et l'histoire de saint Vincent, de reconsti-
tuer le texte véritable. Gossin a fait œuvre bonne et
utile. Notre recueil lui doit plusieurs lettres, que
nous n'avons trouvées nulle part ailleurs.
A peine élu supérieur général de la Congrégation
de la Mission, M. Jean-Baptiste Etienne comprit que
son devoir était de mettre à la disposition des mission-
naires et des Filles de la Charité les discours et les
écrits de saint Vincent, afin que, mieux instruits par
cette lecture des enseignements de leur saint fonda-
teur, ils se remplissent plus parfaitement de son
esprit et conforment davantage leur conduite à la
sienne. Il fit autographier en 1844 un recueil in-4 de
cinq cent quatre-vingt-cinq pages: Collection des con-
férences de saint Vincent^ de plusieurs de ses lettres et
de quelques conférences de M. Aimeras. Toutes ces
lettres, sauf une, ont été choisies dans la correspon-
dance du saint avec ses missionnaires. 11 y en a
soixante et onze, placées sans ordre. Ce ne sont, le
plus souvent, que des extraits.
L'année suivante paraissaient cent vingt-six lettres,
plus ou moins complètes, dans un ouvrage édité à
Paris sous ce titre : Conférences spirituelles tenues
pour les Filles de la Charité par saint Vincent de
Paul^^.
Cette publication fut suivie dix ans après du
Recueil des diverses Exhortations et Lettres de saint
Vincent aux Missionnaires., qui contient près de sept
cents lettres ou fragments de lettres autographiés. Là
encore l'éditeur ne s'est laissé guider par aucune
49. Paris, in-4".
— XXXIV —
préoccupation historique : pas de notes, pas d'ordre
chronologique, un texte assez souvent retouché et
par suite défectueux, parfois des lettres composites,
qui, sous apparence d'unité, sont composées en réa-
lité de phrases empruntées à des lettres différentes.
Un recueil de cette nature a son utilité; il ne saurait
suffire. Les lettres de saint Vincent ne sont pas seu-
lement un aliment pour la piété ; elles sont aussi des
documents pour l'histoire. Les érudits appelaient de
leurs vœux un recueil complet de lettres entières,
fidèlement reproduites et classées dans le seul
ordre qui convienne à l'histoire, l'ordre chronolo-
gique.
Un compatriote du saint,M. Jean-Baptiste Pémartin,
secrétaire général de la Congrégation de la Mission,
voulut lui-même entreprendre le travail, malgré les
nombreuses occupations de sa charge. Il recueillit
deux mille quarante et une lettres^», qui remplissent
5o. Nous disons 2041 lettres, bien que la dernière porte le numéro
2078, parce que l'éditeur mêle aux lettres du saint huit documents qui
n'en sont pas (5, 7, 286, 841, 945, 1014, 1370, 1947), répète onze lettres
(comparer 186 plus 187 et 864, 334 ^t 492, 469 et 480, 671 et 1966, 375 et
922, 179 et 932, 83 et ii3o, 1467 et 1936, 722 et 1994, ôSg et 1995, 472 et 2o65),
avec des fragments de seize autres fait trente-quatre lettres distinctes
{348, 35o et 35i appartiennent à une même lettre; de même 46 et 117,
172 et 173, 24 et 322, 357 et 359 389 et 390, 186 et 187, 704 et 7i3, 170
et 769, 845 et loio, 677, 876 et 877, 1347 et 1589, 958 et 1049, io23 et
1026, 1046 et 1047, 1999 et 2001).
L'éditeur a bien fait de ne pas insérer dans son recueil la lettre que
le chanoine Maynard [Saint Vincent de Paul, 3» édition, Paris, 1886,
t. I, p. 83) prête gratuitement au saint récemment sorti de Clichy pour
entrer dans la famille des Gondi : « Je m'éloignai tristement de ma
petite église de Clichy, mes yeux étant baignés de larmes, aurait écrit
le saint prêtre, et je bénis ces hommes et ces femmes qui venaient vers
moi et que j'avais tant aimés. Mes pauvres y étaient aussi, et ceux-là
me fendaient le cœur. J'arrivai à Paris avec mon petit mobilier et je
me rendis chez M. de BéruUe. » Cet extrait est d'un style qui ressemble
fort peu au style de saint "Vincent; d'autre part, Maynard, qui seul nous
le fait connaître, ne donne aucune référence.
— XXXV —
quatre volumes in-8, imprimés à Paris, en 1880, chez
Pillet et Dumoulin.
Les Lettres de saint Vincent de Paul eurent un suc-
cès mérité auprès des deux familles religieuses de ce
grand saint, auxquelles l'ouvrage était exclusivement
destiné. Il fut connu et désiré au dehors, et c'est pour
répondre aux nombreuses demandes qui lui furent
adressées que M. Pémartin fit choix de huit cent
soixante lettres parmi celles qu'il venait d'éditer, et
les livra au public en 18825*-
L'ouvrage de 1880 suppose des recherches considé-
rables et marque un progrès sérieux sur les recueils
antérieurs. Il présente toutefois bien des lacunes et
beaucoup d'inexactitudes.
La découverte de documents nouveaux permet
aujourd'hui de compléter ou de rectifier des lettres
puisées à des sources moins complètes et moins sûres.
Les dates attribuées par M. Pémartin aux lettres non
datées par saint Vincent sont le plus souvent fautives.
On exige avec raison de nos jours que les dates, les
mots, les phrases ajoutés par l'éditeur à des textes
incomplets tirés de documents détériorés par les
mites, l'humidité ou une déchirure soient placés entre
crochets. Dans le recueil de 1880 rien ne les distingue.
L'annotation n'est pas assez abondante. Le lecteur
aimerait savoir si le texte suivi par l'éditeur est un
original, une minute ou une copie, et, quand c'est un
original, si l'écriture est du saint ou de ses secrétaires.
Il y aurait intérêt à lui dire, en signalant les mots
raturés ou en donnant les rédactions différentes,
5i. Lettres de saint Vincent de Paul, Paris, Dumoulin, 2 vol. in-8.
— XXXVI —
quand il s'en trouve, par quelles phases successives
est passée la pensée ou l'expression du saint. Un mot
d'explication sur les événements ou les personnages
dont il est question dans les lettres, l'aiderait à
mieux connaître le milieu dans lequel vivait Vincent
de Paul et parfois à mieux saisir le sens de sa phrase.
Le recueil de 1880 aurait gagné à être conçu sur un
plan plus vaste. Il est des lettres de saint Vincent
dont nous ignorons le texte, mais dont Abelly, Col-
let ou d'autres nous résument le contenu; pourquoi
ne pas les mentionner? Pourquoi ne pas accompa-
gner les lettres qu'il a écrites de celles qu'il a reçues?
Celles-ci éclairent celles-là.
Enfin des recherches patiemment poursuivies ont
amené de fructueuses découvertes. M. Pémartin écri-
vait dans sa préface : « Si incomplète que soit cette
collection quand on la comipare à ce qui a péri, on
n'a négligé aucun moyen de l'enrichir, et il reste
désormais peu de chances de l'accroître d'une manière
notable. » Affirmation téméraire, car il est déjà pos-
sible d'ajouter plusieurs centaines de lettres inédites
à son recueil.
Un supplément aux lettres de saint Vincent publié
en 1888 en contient plus de cent nouvelles^^^Q^elques
52. Lettres et Conférences de saint Vincent dePaul (Sufflément), Paris,
in-8. La première lettre du Sufflément porte le numéro 2079, '^ ^^'^"
nière le numéro 3i36. Il s'en faut toutefois que nous ayons mille cin-
quante-sept lettres. L'éditeur passe par distraction du numéro 2099 au
numéro 3ooo. Ajoutons que six documents ne sont pas des lettres
(2128, 3oo5, 3046, 3o65, 3107, 3i3i), que onze lettres ont déjà leur
place dans le recueil de 1880 (cf. 2082 et i32, 2084 et 23i ,
2094 et 1627, 2091 et 116, 3oi8 et 46 plus 117, 3042 et 840, 3o35 et 45o,
3o54 et 952, 3089 et 1570, 3iio et i68i, 3117 et 1968) et que hait lettres
sont de simples fragments complémentaires de lettres publiées en par-
tie dans ce même recueil (2092 et 66, 3027 et 396, 3o28 et 408, 3o3i et
420, 3o47 et 610, 3io2 et i326, 3104 et 1340, 3127 et 2072).
— XXXVII —
lettres inédites ont paru vers 1889, le plus souvent
d'après les originaux, dans un recueil autographié,
composé exclusivement des lettres du saint à Louise
de Marillac, au nombre de trois cent dix-huit ^^^ j)es
extraits de lettres, tous empruntés à l'ouvrage de
M. Pémartin et relatifs à la fondatrice ou aux œuvres
des sœurs, sont ajoutés en appendice. La sœur de
Geoffre, Fille de la Charité, à qui a été confié ce
travail, l'a fait avec tout son cœur et toute son intel-
ligence, et c'est justice de dire qu'elle l'a bien réussi.
Après quarante ans, le moment semble venu de
reprendre l'œuvre de M. Pémartin pour lui donner
plus d'étendue, plus d'ordre, plus d'exactitude, et pour
l'adapter aux exigences de la critique moderne.
La conservation de l'orthographe des docujnents
aurait présenté, nous semble-t-il, plus d'inconvé-
nients que d'avantages ; nous avons préféré la moder-
niser pour rendre la lecture de l'ouvrage plus acces-
sible au public et éviter la diversité d'orthographes
qui existe entre les lettres écrites par saint Vincent et
par ses secrétaires, entre les originaux et leurs copies.
La moitié environ des lettres qui forment ce recueil
sont empruntées à des copistes de la fin du dix-
septième siècle ou de plus tard. Pourquoi conser-
ver leur orthographe, qui n'est ni celle du document
original, ni la nôtre? Par raison d'uniformité et de
clarté, les derniers éditeurs de la correspondance de
Bossuet ont été amenés à laisser de côté l'ortho-
graphe du grand orateur; nous les imiterons.
Les lettres de saint Vincent seront suivies de ses
53. Lettres de saint Vincent de Paul adressées à Mademoiselle Le Gras,
m-4.
— XXXVIII —
entretiens, et les entretiens des documents principaux
relatifs à sa vie et à ses institutions. L'œuvre que
nous entreprenons est considérable; nous avons l'es-
poir qu'elle sera utile : aux érudits d'abord, qui trou-
veront dans ces pages beaucoup de renseignements
nouveaux; aux futurs biographes du saint, auxquels
elle évitera de longues et souvent vaines recherches;
enfin à tous nos lecteurs, car saint Vincent est de ces
hommes que l'on estime et que l'on aime davantage
quand on les connaît plus parfaitement; or, l'estimer
et l'aimer, n'est-ce pas déjà se sentir porté à l'imiter?
ABRÉVIATIONS ET REMARQUES
L. a., lettre autographe, c'est-à-dire en son entier de la main
de saint Vincent de Paul.
L. s., lettre signée, c'est-à-dire écrite par un secrétaire et
signée par saint Vincent de Paul.
L'introduction indique ce que signifient les expressions
Reg [istre] i, Reg [istre] 2 et donne des détails circonstanciés
sur les autres sources.
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SAINT VINCENT DE PAUL
CORRESPONDANCE
1 — A MONSIEUR DE COMET
Monsieur,
L'on aurait jugé, il y a deux ans, à voir l'apparence
des favorables progrès de mes affaires, que la fortune
ne s'étudiait, contre mon mérite, qu'à me rendre plus
Lettre 1. — L. a. — L'original, d'une écriture fine et serrée,
comprend trois pages in-4°. Son histoire mérite d'être connue. Il
passa, avec l'original de la lettre qui suit, des mains de M. de Co-
rnet dans celles de Catherine de Cornet, épouse de Jean de Saint-
Martin. Saint-Martin d'Agés, leur fils, les trouva en 1658 en dépouil-
lant les papiers de famille. Heureux de sa découverte, il les porta
au chanoine de Saint-Martin, son oncle, ami intime du saint. Quel
plaisir va éprouver M. Vincent en lisant ces pages ! pensa le bon cha-
noine ; et aussitôt il en fit prendre copie pour son illustre ami. Les
copies ne restèrent pas longtemps aux mains de saint Vincent ; après
les avoir lues, il les brûla. En levant le voile qui cachait deux an-
nées de sa jeunesse, les plus tragiques et les plus glorieuses à la fois,
la révélation de ces documents était de nature à blesser sa profonde
humilité. Sa lettre de remerciement fut aussi une lettre de suppli-
cation. Il demanda instamment à M. de Saint-Martin de lui en-
voyer les originaux. Le frère Ducoumau, son secrétaire, qui tenait
la plume, prévint le chanoine de Dax du danger que courraient les
précieux manuscrits s'ils venaient à tomber entre les mains du samt,
et il lui conseilla de les adresser à Jean Watebled, supérieur du col-
lège des Bons-Enfants. Ainsi fut fait. (Abelly, op. cit., t. I, chap. IV,
p. 17.)
Jean Watebled communiqua les lettres à Antoine Portail. René
Aimeras, Thomas Berthe, Jean Dehorgny, le frère Ducoumau, d'au-
tres peut-être en prirent connaissance. Inutile de décrire leur éton-
nement et leur joie. Ces pages étaient une révélation pour eux. On
était au mois d'août rôiS. Le frère Ducournau s'empressa de remercier
le chanoine de Saint-Martin. Le saint attendit longtemps les firigi-
naux qu'il avait demandés. Le r8 mars 1660, sentant sa fin prochaine,
il renouvela ses instances par une lettre que nous publierons plus loin.
Les deux lettres à M. de Comet restèrent dans les archives de
envié qu'imité ^ ; mais, hélas ! ce n'était que pour repré-
senter en moi sa vicissitude et inconstance, convertis-
sant sa grâce en disgrâce et son heur en malheur.
Vous avez pu savoir. Monsieur, comme trop averti
de mes affaires, comme je trouvai, à mon retour de
Bordeaux -, un testament fait à ma faveur par une bonne
femme vieille de Toulouse, le bien de laquelle consistait
en quelques meubles et quelques terres, que la chambre
mi-partie de Castres ^ lui avait adjugés pour trois ou
Saint-Lazare jusqu'en 1789 ou 1791. Elles furent volées lors du pil-
lage ou confisquées deux ans après avec les autres biens. Comment
la première de ces lettres vint-elle aux mains de Pelletier de Saint-
Fargeau, puis de srn collègue Carnot ? Nous ne savons. Le 31 janvier
1854, elle figurait à une vente d'autographes, ainsi que quelques
autres lettres de samt Vincent et plusieurs plans de sermons ou dis-
cours pour les assemblées des dames de la Charité de l'Hôtel-Dieu.
Au mois de mai de la même année, elle est signalée dans un catalo-
gue de Laverdet, comme provenant de la collection de M. de La
Bouisse-Rochefort, et cotée 500 francs. Laverdet l'échangea contre des
manuscrits de Montesquieu. Nous la retrouvons peu après à Fonte-
nay-le-Comte dans la collection d'autographes de Madame Joseph
Fillon. Benjamin Fillon l'a donnée aux Filles de la Charité qui des-
servent l'hôpital de Fontenay. C'est là qu'elle se trouve encore au-
jourd'hui, soigneusement enfermée dans un album de prix, qui la pro-
tège contre l'usure. Abelly ne l'a pas reproduite tout entière ; il a
omis les passages qui lui semblaient peu dignes d'un saint, entre
autres ceux qui pouvaient laisser soupçonner chez saint Vincent la
croyance à l'alchimie. Firmin Joussemet, neveu de Madame Fillon,
l'a publiée intégralement en 1856 dans la Revue des frovinces de
rOuest.
Le destinataire de la lettre est M. de Cornet le jeune. (Cf.
Abelly, of. cit., t. I, chap. iv, p. 14.) Nous écrivons Cornet et non
Commet pour nous conformer à l'orthographe suivie par le saint et
les membres de la famille Comet.
1. Saint Vincent dirigeait alors avec succès à Toulouse un pension-
nat très fréquenté.
2. On a conjecturé que le duc d'Epernon avait appelé le saint
près do lui pour lui proposer un siège épiscopal. (Cf. La vie de
Saint Vincent de Paul [par Pierre Collet], Nancy, 1748, 2 vol. in-40,
t. I, p. 15.)
3. Chambres établies par l'édit de pacification de 1576 dans le
parlement de Paris et dans celui de Toulouse, avec résidence à
Castres, pour juger des causes dans lesquelles étaient intéressés des
réformés ; les catholiques et les protestants y étaient en nombre
égal.
quatre cents écus qu'un méchant mauvais garnement
lui devait ; poiu: retirer partie duquel je m'acheminai
sur le lieu pour vendre le bien, comme conseillé de
mes meilleurs amis et de la nécessité que j'avais d'argent
pour satisfaire aux dettes que j'avais faites, et grande
dépense que j'apercevais qu'il me convenait faire
à la poursuite de l'affaire que ma témérité ne me
permet de nommer ■^.
Etant sur le lieu, je trouvai que le galant avait ^
quitté son pays, pour une prise de corps que la bonne
femme avait contre lui pour la même dette, et fus
averti comme il faisait bien ses affaires à Marseille et
qu'il y avait de beaux moyens. Sur quoi mon procureur
conclut (comme aussi, à la vérité, la nature des affaires
le requérait) qu'il me fallait acheminer à Marseille,
eistimant que l'ayant prisonnier, j'en pourrais avoir
deux ou trois cents écus. N'ayant point d'argent pour
expédier cela, je vendis le cheval que j'avais pris de
louage à Toulouse, estimant le payer au retour, que
l'infortune fit être aussi retardé que mon déshonneur
est grand pour avoir laissé mes affaires si embrouillées ;
ce que je n'aurais fait si Dieu m'eût donné aussi
heureux succès en mon entreprise que l'apparence me
le promettait.
Je partis donc sur cet avis, attrapai mon homme
à Marseille, le fis emprisonner et m'accordai à trois
cents écus, qu'il me bailla comptant ^. Etant sur le
point de partir par terre, je fus persuadé par un
gentilhomme, avec qui j'avais logé, de m'embarquer
avec lui jusques à Narbonne, vu la faveur du temps
qui était ; ce que je fis pour plus tôt y être et pour
4. Serait-ce le siège épiscopal proposé, a-t-on dit, par le duc
d'Epernon ?
5. Le saint a écrit content ; mais l'orthographe importe peu ; nous
pensons que le mot comptant répond mieux à sa pensée.
épargner, ou, pour mieux dire, pour n'y jamais être
et tout perdre.
Le vent nous fut aussi favorable qu'il fallait pour
nous rendre, ce jour, à Narbonne, qu'était faire cin-
quante lieues, si Dieu n'eût permis que trois brigantins *
turcs, qui côtoyaient le golfe du Lion pour attraper
les barques qui venaient de Beaucaire, où il y avait
foire que l'on estime être des plus belles de la chré-
tienté \ ne nous eussent donné la charge et attaqués
si vivement que, deux ou trois des nôtres étant tués
et tout le reste blessé, et même moi, qui eus un coup
de flèche, qui me servira d'horloge tout le reste de ma
vie *, n'eussions été contraints de nous rendre à ces
félons et pires que tigres, les premiers éclats de la rage
desquels furent de hacher notre pilote en cent mille piè-
ces, pour avoir perdu un des principaux des leurs, outre
quatre ou cinq forçats que les nôtres leur tuèrent.
Ce fait, nous enchaînèrent, après nous avoir grossièrement
pansés, poursuivirent leur pointe, faisant mille voleries,
donnint néanmoins liberté à ceux qui se rendaient sans
combattre, après les avoir volés. Et enûn, chargés de
marchandise, au bout de sept ou huit jours, prirent
la route de Barbarie, tanière et spélonque ® de voleurs,
6. Les brigantins étaient alors de petits navires pontés, de la
famille des galères, ne gréant qu'une seule voile, ayant de huit à
seize bancs à un seul rameur et aux rames larges et minces.
7. Beaucaire était le marché central des produits venus du Levant.
La foire s'ouvrait chaque année le 22 juillet et amenait dans cette
ville, de Marseille, Cette, Aiguës- Mortes et d'ailleurs, un nombre incal-
culable de barques. Au départ, les barques qui prenaient la direction
de la mer s'escortaient entre elles ou se faisaient accompagner par les
galères pour se protéger en~ cas d'attaque. Les pirates levantins ou
barbaresques guettaient leur passage, placés à l'affût le long des
côtes, non loin des embouchures du Rhône. (Cf. Théodore Fassin,
Essai historique et juridique sur la foire de Beaucaire, Aix, 1900,
în-80 ; Abel Boutin, Les traités de faix et de commerce de la France
avec la Barbarie, 1^1^-18^0, in-8°, Paris, 1902)
8. Le saint souffrait de sa blessure aux changements de temps.
9. Du mot latin sfelunca, caverne.
— 5 —
sans aveu du Grand Turc, où étant arrivés, ils nous
exposèrent en vente, avec procès-verbal de notre cap-
ture, qu'ils disaient avoir été faite dans un navire
espagnol, parce que, sans ce mensonge, nous aurions
été délivrés par le consul que le roi tient de delà pour
rendre libre le commerce aux Français ^°.
Leur procédure à notre vente fut qu'après qu'ils
nous eurent dépouillés tout nus, ils nous baillèrent
à chacun une paire de braies ^\ un hoqueton ^^ de lin,
avec une bonnette, nous promenèrent par la ville de
Tunis, où ils étaient venus expressément pour nous
vendre. Nous ayant fait faire cinq ou six tours par la
ville, la chaîne au col, ils nous ramenèrent au bateau,
afin que les marchands vinssent voir qui pouvait bien
manger et qui non, pour montrer comme nos plaies
n'étaient point mortelles ; ce fait, nous ramenèrent
à la place, où les marchands nous vinrent visiter, tout
de même que l'on fait à l'achat d'un cheval ou d'un
bœuf, nous faisant ouvrir la bouche pour visiter nos
dents, palpant nos côtes, sondant nos plaies et nous
faisant cheminer le pas, trotter et courir, puis tenir des
fardeaux et puis lutter pour voir la force d'un chacun,
et mille autres sortes de brutalités ^^.
Je fus vendu à un pêcheur, qui fut contraint de se
10. Les Capitulations de 1535, 1569, 1581 et 1604 stipulaient que
les corsaires barbaresques respecteraient la liberté du commerce fran-
çais.
11. Braies t culottes.
12. Hoqueton, casaque.
13. Cette description correspond presque trait pour trait à celles que
nous ont laissées d'autres esclaves libérés. Abel Boutin résume ainsi
leurs témoignages (o-p cit., p. 162) : « Durant toute la matinée, il
y avait exposition des captifs. Au dire des témoins oculaires, c'était
l'heure la plus pénible de la captivité. Entièrement nus, sous les
rayons ardents d'un soleil tropical, ils devaient se prêter à toutes
sortes d'attouchements de la part des acheteurs. Ceux-ci les palpaient,
comme sur nos marchés modernes on palpe bœufs ou chevaux. Ils
examinaient leur conformation, la valeur de leur? muscles. Ils es-
défaire bientôt de moi, pour n'avoir rien de si contraire
que la mer, et depuis par le pêcheur à un vieillard,
médecin spagirique ^^, souverain tireur de quintessences,
homme fort humain et traitable, lequel, à ce qu'il me
disait, avait travaillé cinquante ans à la recherche de
la pierre philosophale, et en vain quant à la pierre,
mais fort heureusement à autre sorte de transmutation
des métaux. En foi de quoi, je lui ai vu souvent fondre
autant d'or que d'argent ensemble, les mettre en petites
lamines, et puis mettre un lit de quelques poudres, puis
un autre de lamines, et puis un autre de poudres dans un
creuset ou vase à fondre des orfèvres, le tenir au feu
vingt-quatre heures, puis l'ouvrir et trouver l'argent être
devenu or ; et plus souvent encore congeler ou axer
de l'argent vif en fin argent, qu'il vendait pour donner
aux pauvres. Mon occupation était à tenir le feu à
dix ou 4ouze fourneaux ; en quoi, Dieu merci, je n'avais
plus ^^ de peine que de plaisir. Il m'aimait fort et se
sayaient leur force. Ils les faisaient marcher, courir ou sauter. Ils
regardaient leurs dents, les paumes de leurs mains... »
A Alger, la vente se faisait par l'intermédiaire de courtiers. Ceux-
ci faisaient successivement le tour du marché, passant devant les
arcades, et énuméraient les qualités, vraies ou fausses, des captifs...
Ils terminaient leur harangue par le prix demandé : à tant de fias-
ires. Les acheteurs présents enchérissaient, et l'esclave était adjugé
au plus offrant et dernier enchérisseur. Mais il y avait aussi des
esclaves défectueux, infirmes, malingres ou vieux, qui n'auraient pu
trouver acquéreur si on les avait mis individuellement en vente ;
alors on faisait un lot d'esclaves, mi-robustes, mi-malingres, et le
tout était adjugé selon la règle ordinaire. (A. Boutin, o;p. cit., p. i66. )
Pierre Dan (Histoire de Barbarie et de ses corsaires, Paris, 2^ éd.,
1649, in-8°, p. 285) évalue à sept mille le nombre des chrétiens en
captivité dans la seule régence de Tunis, aux premières années du
XVII® siècle. Le maître avait sur son esclave droit de vie et de mort.
Il pouvait le garder, le mettre en liberté ou le revendre. L'esclave
était sa chose.
14. Les médecins spagiristes expliquaient les changements organi-
ques du corps humain en santé et en maladie comme les chimistes de
leur temps expliquaient ceux du règne inorganique. Paracelse fut, au
XVI® siècle, le fondateur et le chef de cette école.
15. Je n'avais flus, je n'avais pas plus.
— 7 —
plaisait fort de me discourir de l'alchimie et plus de
sa loi, à laquelle il faisait tous ses efforts de m'attirer,
me promettant force richesses et tout son savoir.
Dieu opéra toujours en moi une croyance de déli-
vrance par les assidues prières que je lui faisais et
à la sainte Vierge Marie, par la seule intercession de la-
quelle je crois fermement avoir été délivré. L'espérance
et ferme croyance donc que j'avais de vous revoir, Mon-
sieur, me fit être assidu à le prier de m'enseigner le
moyen de guérir de la gravelle, en quoi je lui voyais
journellement faire miracle ; ce qu'il fit ; voire me fit
préparer et administrer les ingrédients. Oh ! combien
de fois ai-je désiré ^® depuis d'avoir été esclave aupara-
vant la mort de feu Monsieur votre frère et commaece-
nas ^^ à me bien faire ^*, et avoir eu le secret que je vous
envoie ^', vous priant le recevoir d'aussi bon cœur que
i6. Ce mot est répété dans Toriginal.
17. Mécène, favori d'Auguste, fut, de son temps, le protecteui des
gens de lettres et en particulier de Virgile et d'Horace.
18. M. de Comet l'aîné, avocat du présidial de Dax et juge de
Pouy, avait eu, ainsi que son frère, le mérite de deviner le jeune
Vincent. Jusqu'au jour de son départ pour l'université de Toulouse,
celui-ci se laissa conduire par les Comet, qui, pour accroître ses
faibles ressources, lui confièrent un préceptorat dans leur propre
famille. Il ne faudrait pas dire toutefois, avec le janséniste Martin de
Barcos (Défense de feu Monsieur Vincent de Paul... contre les faux
discours du livre do sa vie fubiiée -par M. Abelly, ancien évêque de
Rodez, et contre les impostures de quelques autres écrits sur ce su-
jet, 1666, in-8°, p. 87), que saint Vincent de Paul est entré dans les
ordres sans vocation, pour ne pas contrarier ses deux bienfaiteurs.
19. Nous lisons dans un ancien cahier manuscrit sans date conservé
à l'hospice de Marans (Charente-Inférieure) : « Remède de saint
Vincent de Paul pour la gravelle. Prenez thérébentine de Venise,
deux onces ; turbith blanc, deux onces ; mastic, galanga, girofle,
cannelle cubés, de chacun demi-once ; bois d'aloès battu, une once.
Empâtez le tout ensemble avec demi-livre de miel blanc et une pinte
d'eau-de-vie la plus forte. Laissez le tout en digestion quelque temps,
puis le distillez. Il faut prendre, le matin, à jeun, la quatrième partie
d'une cuillère et observer de l'emplir d'eau de bourrache ou de bu-
glosse, en prendre autant de fois que l'on voudra, parce qu'elle ne
peut être nuisible ; au contraire, elle est très bonne pour la santé ;
— 8 —
ma croyance est ferme que, si j'eusse su ce que je vous
envoie, que la mort n'en aurait jà -" triomphé (au moins
par ce moyen), ores que l'on die que les jours de
l'homme sont comptés devant Dieu. Il est vrai ; mais ce
n'est point parce que Dieu avait compté ses jours être
en tel nombre, mais le nombre a été compté devant Dieu,
parce qu'il est advenu ainsi ; ou, pour plus clairement
dire, il n'est point mort lorsqu'il est mort pource que
Dieu l'avait ainsi prévu ou compté le nombre de ses
jours être tel, mais il l'avait prévu ainsi et le nombre de
ses jours a été connu être tel qu'il a été, parce qu'il est
mort lorsqu'il est mort.
Je fus donc avec ce vieillard depuis le mois de
y septembre 1605 '-^ jusques au mois d'août prochain ^^,
qu'il fut pris et mené au grand sultan ^^ pour travailler
pour lui, mais en vain, car il mourut de regret par
les chemins. Il me laissa à un sien neveu, vrai anthro-
pomorphite ^*, qui me revendit tôt après la mort de son
oncle, parce qu'il ouit dire comme M. de Brèves ^^, am-
bassadeur pour le roi en Turquie, venait, avec bonnes
et la principale opération est pour les urineg. C'est pourquoi on n'y
est point obligé de garder d'autre régime de vivre, sinon qu'il ne faut
mfinger qu'une heure après, et on peut aller à ses aiFaires ordinaires.
On en verra l'expérience. Ce grand serviteur de Dieu l'a appris en
Barbarie, lorsqu'il était captif. »
20. /à, déjà.
21. Il n'était donc resté que de un à deux mois avec son premier
maître.
22. Prochain, suivant.
23. Achmet I^r, fils et successeur de Mohammed III.
24. Nom donné à ceux qui attribuent à Dieu une figure humaine. Il
a paru étrange à Martin de Barcos [Réplique à V écrit que M. Abelly,
ancien évêque de Rodez, a fublié four défendre son livre de la vie
de M. Vincent, 1669, in-4°, p. 13) que saint Vincent ait fait ici men-
tion des opinions théologiques de son maître, et il a supposé qu' Abelly
avait mal lu l'original. Il est possible qu'après coup Abelly ait eu des
doutes, car, dans sa seconde édition, le mot anthrofomor-phite est
omis.
25. François Savary, seigneur de Brèves, ambassadeur à Constan-
tinople de 1589 à 1607 et à Rome de 1607 à 1615, gouverneur de
— 9 —
et expresses patentes du Grand Turc, pour recouvrer
les esclaves chrétiens.
Un renégat -® de Nice, en Savoie, ennemi de nature,
m'acheta et m'en emmena en son temat -' ; ainsi s'ap-
pelle le bien que l'on tient comme métayer du Grand
Seigneur, car le peuple n'a rien ; tout est au sultan. Le
temat de celui-ci était dans la montagne, où le pays
est extrêmement chaud et désert. L'une des trois femmes
qu'il avait (comme grecque-ch retienne, mais schisma-
tique) avait un bel esprit et m'affectionnait fort ; et
plus à la fin, une naturellement turque, qui servit d'ins-
trument à l'immense miséricorde de Dieu pour retirer
son mari de l'apostasie et le remettre au giron de
l'Eglise, fit me délivrer de mon esclavage. Curieuse
qu'elle était de savoir notre façon de vivre, elle me
venait voir tous les jours aux champs où je fossoyais,
Gaston, frère de Louis XIII, premier écuyer de la reine et membre
du conseil des dépêches, un des négociateurs les plus habiles du règne
d'Henri IV, mort en 1628, à l'âge de soixante-huit ans.
Savary de Brèves débarqua à Tunis le 17 juin 1606. Il avait
ordre de demander l'élargissement de tous les esclaves français, la
restitution des marchandises et des navires pris par les pirates, enfin
l'abolition du droit de visite. Au mois d'août, après de longs pourpar-
lers, les Tunisiens s'engagèrent à ne plus troubler le trafic des négo-
ciants français et à restituer au consul tout ce que les corsaires enlè-
veraient à la France. L'ambassadeur repartit le 24 août, accompag[né
de soixante-dou^e esclaves. Il n'avait obtenu que des promesses res-
tées vaines et la libération de quelques captifs. (Relation des voyages
de Monsieur de Brèves tant en Grèce, Terre Sainte et Egyfte qu'aux
royaumes de Tunis et d'Alger, ensemîïe un traité fait Van 1604
par Jacques de Castel, son secrétaire, Paris, 1628, in-4°.)
26. Les renégats étaient nombreux. Ils se recrutaient soit parmi les
esclaves, soit parmi les étrangers venus d'eux-mêmes en Barbarie pour
se soustraire à leurs créanciers. Ceux qui embrassaient l'Islam étaient,
de par la loi musulmane, quittes de toutes dettes. Les esclaves
convertis à la religion de Mahomet avaient plus de liberté que les
autres et étaient soumis à des traitemenU moins rigoureux. Les capi-
taines les plus redoutés dont parle l'histoire de la piraterie barba-
resque, étaient presque tous des renégats. Une fois leur fortune faite,
ils en jouissaient paisiblement dans de somptueux palais.
27. Mot turc.
et après tout me commanda de chanter louanges à mon
Dieu. Le ressouvenir du Quornodo cantabimus in terra
aliéna des enfants d'Israël captifs en Babylone me fit
commencer, avec la Larme à l'œil, le psaume Super
fiwnina Babylonis et puis le Salve, Regina, et plusieurs
autres choses ; en quoi elle prit autant de plaisir que
la merveille en fut grande. Elle ne manqua point de
dire à son mari, le soir, qu'il avait eu tort de quitter sa
religion, qu'elle estimait extrêmement bonne, pour un
récit que je lui avais fait de notre Dieu et quelques
louanges que je lui avais chantées en sa présence ; en
quoi, disait-elle, elle avait un si divin plaisir qu'elle ne
croyait point que le paradis de ses pères et celui qu'elle
espérait fût si glorieux, ni accompagné de tant de joie
que le plaisir qu'elle avait pendant que je louais mon
Dieu, concluant qu'il y avait quelque merveille.
Cet autre Caïphe ou ânesse de Balaam fit, par ses
discours, que son mari me dit dès le lendemain qu'il
ne tenait qu'à commodité que nous ne nous sauvassions
en France ^*, mais qu'il y donnerait tel remède, dans
peu de temps, que Dieu y serait loué. Ce peu de jours
furent dix mois qu'il m'entretint en ces vaines, mais
à la fin exécutées espérances, au bout desquels nous
nous sauvâmes avec un petit esquif et nous rendîmes, le
vingt-huitième de juin , à Aigues-Mortes ~° et tôt après
en Avignon, où Monseigneur le vice-légat ^^ reçut publi-
28. Il était impossible de fuir par terre, la régence de Tunis étant
entourée de déserts infestés de bêtes fauves. Par mer, la fuite était
périlleuse, vu la surveillance continuelle que l'on exerçait sur les
côtes. Les renégats en fuite, quand ils étaient repris, payaient de leur
vie leur tentative audacieuse.
29. Petite ville du Gard placée sur les bords d'un grand étang, à
près de deux lieues de la mer, à laquelle elle est reliée par un canal
construit sous Louis XV.
30. Pierre-François Montorio, né en mars 1558 à Narni, évêque de
Nicastro en 1593, vice-légat d'Avignon en 1604, nonce à Cologne en
1621, mort à Rome en juin 1643.
quement le renégat, avec la larme à l'œil et le sanglot
au gosier, dans l'église de Saint-Pierre, à l'honneur de
Dieu et édification des spectateurs. Mondit seigneur
nous a retenus tous deux pour nous mener à Rome, où
il s'en va tout aussitôt que son successeur à la trienne",
qu'il acheva le jour de la saint Jean, sera venu ^^. Il a
promis au pénitent de le faire entrer à l'austère couvent
des Fate ben fratelli ", oii il s'est voué ^^, et à moi de me
faire pourvoir de quelque bon bénéfice. Il me fait cet
honneur de me fort aimer et caresser, pour quelques
secrets d'alchimie que je lui ai appris, desquels il
fait plus d'état, dit-il, que si io H avesse datto 7in
monte di oro ^^, parce qu'il y a travaillé tout le temps de
sa vie et qu'il ne respire autre contentement. Mondit
seigneur, sachant comme je suis homme d'église, m'a
commandé d'envoyer quérir les lettres de mes ordres,
m' assurant de me faire du bien et très bien pourvoir
de bénéfice. J'étais en peine pom: trouver homme affidé
pour ce faire, quand un mien ami, de la maison de
mondit seigneur, m'adressa Monsieur Canterelle, pré-
sent porteur, qui s'en allait à Toulouse, lequel j'ai
prié de prendre la peine de donner un coup d'éperon
jusques à Dax pour vous aller rendre la présente et
recevoir mesdites lettres avec celles que j'obtins à
Toulouse de bachelier en théologie ^*', que je vous supplie
31. Les vice-légats d'Avignon étaient nommés pour trois ans.
32. Le successeur de Pierre-François Montorio fut Joseph Ferreri,
archevêque d'Urbino.
33. Faites bien, frères, nom vulgaire d'un hôpital tenu par les
frères de Saint-Jean-de-Dieu.
34. Abelly ne donne pas la suite de la lettre.
35. Si io H avesse daito un monte di attro, si je lui avais donné une
montagne d'or.
36. On retrouva dans la chambre du saint, après sa mort, ses let-
tres de bachelier en théologie, reçues à l'université de Toulouse, et
celles de licencié en droit canon, que lui avait conférées l'université
de Paris- (Déposition du frère Chollier au procès de béatification ;
lui délivrer. Je vous en envoie, à ces nns, un reçu. Ledit
sieur Canterelle est de la maison et a exprès comman-
dement de Monseigneur de s'acquitter fidèlement de sa
charge et de m'envoyer les papiers à Rome, si tant est
que nous soyons partis.
J'ai porté deux pierres de Turquie que nature a tail-
lées en pointe de diamant, l'une desquelles je vous
envoie, vous suppliant la recevoir d'aussi bon cœur que
humblement je la vous présente.
Il ne peut point être. Monsieur, que vous et mes
parents n'ayez été scandalisés en moi par mes créan-
ciers, que j'aurais déjà en partie satisfaits de cent ou
six- vingts écus, que notre pénitent m'a dormes, si je
n'avais été conseillé par mes meilleurs amis de les
garder jusques à mon retour de Rome, pour éviter les
accidents qu'à faute d'argent me pourraient advenir
(ores que j'aie la table et le bon œil de Monseigneur) ;
mais j'estime que tout ce scandale se tournera en bien.
J'écris à Monsieur d'Arnaudin ''^ et à ma mère. Je vous
supplie leur faire tenir mes lettres par homme que Mon-
sieur Canterelle paiera. Si, par cas fortuit, ma mère
avait retiré les lettres, à tout événement, elles sont
insinuées chez Monsieur Rabel ^^. Autre chose ^^ sinon
que, vous priant me continuer votre sainte affection, je
cf. Summarium ex frocessu ne fereant frobaliones auctoritate a-pos-
tolica fabricato, in-^^ -p. §.J Vincent de Paul ne se donne jamais
d'autres titres. Ceux qui lui attribuent la licence en théologie (Abelly,
op. cit., t. III, chap. XIII, p. 199), ou le doctorat en la même ma-
tière (Gallia Christiana, t. II, col. 1413), font certainement erreur.
37. Vraisemblablement Pierre Darnaudin, notaire.
38. Pierre Rabel ou Ravel était, croyons-nous, secrétaire épiscopal.
Nous le voyons figurer dans une pièce de 1603 comme procureur cons-
titué de l'évêque de Dax devant le notaire Bayle. (Archiv. non clas-
sées du sénéchal civil de Dax.)
39. Autre chose, rien autre chose.
— 13 —
demieure, Monsieur, votre très humble et obéissant
serviteur
Depaul ^°.
En Avignon, ce 24 juillet 1607.
Suscription : A Monsieur Monsieur de Cornet, avocat
à la Cour présidiale de Dax, à Dax.
2. — A MONSIEUR DE COMET
Monsieur,
Je vous ai écrit deux fois par l'ordinaire d'Espagne,
qui passe à Paris et à Bayonne, et adressé mes lettres
chez Monsieur de la Lande ^ pour les faire tenir à
Monsieur le procureur du roi, que je me ressouviens
être parents, et ne savoir cîii altari vovere vota mea pour
40. Les trois premières lettres de saint Vincent sont signées De-paul,
les suivantes Vincent Defaul, ou, par abréviation, V. D., parfois
V. D, P. Jamais sous la plume du saint on ne trouve de Paul en deux
mots, bien que ses contemporains eux-mêmes aient ainsi séparé les
deux syllabes de son nom. Dans les registres paroissiaux de son vil-
lage natal et des lieux environnants et au bas des actes notariés de la
famille, nous trouvons l'une et l'autre orthographes. Au reste, la ques-
tion est sans importance. La particule n'est regardée, et avec raison,
par aucun généalogiste comme un signe de noblesse. Il suffit de par-
courir les plus anciens registres de catholicité de Pouy pour s'en con-
vaincre ; presque tous les paysans ont un de devant leur nom. La rai-
son en est dans ce fait que, au moins dans cette partie des Landes,
beaucoup de noms de personnes étaient à l'origine des noms de lieux.
Nous trouvons à Pouy deux endroits qui s'appelaient anciennemenc
et s'appellent encore aujourd'hui Paul : une maison sise dans le quar-
tier de Buglose, et un ruisseau qui traverse presque à mi-chemin la
route reliant Buglose au Berceau. Il est assez probable que les pa-
rents éloignés du saint avaient habité ou cette maison ou les bords de
ce ruisseau. Ils étaient de Paul ; le nom leur est resté.
Lettre 2- — L. a. Dossier de la Mission, original. Nous avons
déjà raconté l'histoire de l'original de cette lettre en parlant de l'ori-
ginal de la lettre i.
I. Très probablement Bertrand de Lalande, conseiller du roi et
lieutenant général du présidial de Dax, qui, par son mariage avec
Jeanne de Parage, dame d'Escanebaque, est devenu la tige des de
Lalande, seigneurs d'Escanebaque à Sabres (T^andes) .
— 14 —
avoir de vos nouvelles, quand Dieu, qui, etiamsi dif-
férai, non aufert tanien spei effectus, m'a fait ren-
contrer ce vénérable Père religieux sur son embar-
quement, par le moyen duquel j'espère jouir du bien
duquel la perfidie de ceux à qui l'on âe les lettres
m'avait privé.
Ce bien n'est autre chose. Monsieur, qu'une assu-
rance nouvelle de votre bon portement et de celui de
toute votre famille, que je prie le Seigneur féliciter du
comble de ses grâces. Je vous rendais grâces par mes
précédentes du soin paternel qu'il vous plaît avoir de
moi et de mes affaires, et priais mon Dieu, comme je
fais encore et ferai toute ma vie, me vouloir faire la
grâce de me donner le moyen de m'en revancher par
mon service, que vous vous êtes hypothéqué au prix
de tout le bien qu'un père peut faire à son ûls propre.
Je suis extrêmement marri que je ne vous puisse écrire
que ^ trop sommairement l'état de mes affaires pour le
hâté départ des mariniers peu courtois avec lesquels
ce vénérable Père s'en va, non à Dax, à ce qu'il m'a dit,
mais bien en Béam, où il m'a dit que le Révérend Père
Antoine Pontanus, qui a toujours été de mes bons amis,
prêche, auquel, comme à celui duquel j'espère un bon
office, j'adresse mes lettres, le prie vous vouloir faire
tenir la présente, et de me renvoyer, s'il a commodité,
comme ce Père m'a dit qu'il aurait, la réponse que
j'espère qu'il vous plaira me faire.
Alon état est donc tel, en un mot, que je suis en cette
ville de Rome, où je continue mes études, entretenu
par Monseigneur le vice-légat qui était d'Avignon ^,
qui me fait l'honneur de m'aimer et de désirer mon avan-
2. Ce mot est répété dans l'original.
3. Pierre-François de Montorio.
— 15 —
cernent, pour lui avoir montré force belles choses
curieuses que j'appris pendant mon esclavage de ce
vieillard turc à qui je vous ai écrit que je fus vendu,
du nombre desquelles curiosités est le commencement,
non la totale perfection, du miroir d'Archimède ; un
ressort artificiel pour faire parler ime tête de mort, de
laquelle ce misérable se servait poux séduire le peuple,
leur disant que son dieu Mahomet lui faisait entendre
sa volonté par cette tête, et mille autres belles choses
géométriques, que j'appris de lui, desquelles mondit
seigneur est si jaloux qu'il ne veut pas même que j'ac-
coste personne, de peur qu'il a que je l'enseigne, dési-
rant avoir, lui seul, la réputation de savoir ces choses,
lesquelles il se plaît de faire voir quelquefois à Sa
Sainteté * et aux cardinaux. Cette sienne affection et
bienveillance donc me fait promettre, comme il me l'a
promis aussi, le moyen de faire une retirade honorable,
me faisant avoir, à ces fins, quelque honnête bénéfice
en France ; à quoi m'est nécessaire extrêmement une
copie de mes lettres d'ordres, signée et scellée de
Monseigneur de Dax ^, avec un témoignage de mondit
seigneur, qu'il pourrait retirer par une enquête som-
maire de quelques-uns de nos amis, comme l'on m'a
toujours reconnu vivant en homme de bien, avec toutes
4. Paul V.
5. La copie envoyée au saint sur sa demande commençait ainsi : Ex-
trait du quatrième registre des Insinuations ecclésiastiques du diocèse
d^Acqs ; puis venait le texte des lettres d'ordination, et à la suite :
« L'an mil six cent quatre et le vingtième jour du présent mois d'oc-
tobre, toutes les susdites lettres d'ordre de prêtrise ont été insi-
nuées et enregistrées au quatrième registre des Insinuations ecclésias-
tiques du diocèse d'Acqs, ce requérant ledit Vincent de Paul y nommé.
Et le quinzième du présent mois de mai mil six cent huit, le tout a été
bien et dûment extrait, vidimé et collationné dudit quatrième registre
des Insinuations, ce requérant [la place réservée au nom est restée en
blanc] son frère, au non? et comme ayant charge dudit Vincent de
Paul, pour lui servir ce que 'ie raison. Fait à d'Acqs ledit jour et an
— i6 —
les autres petites solennités à ce requises. C'est ce que
mondit seigneur m'exhorte tous les jours de retirer.
C'est pourquoi, Monsieur, je vous supplie très hum-
blement me vouloir faire encore ce bien de vouloir
relever une autre cédule de m.es lettres et de tenir ia
main à me faire obtenir de mondit seigneur de Dax
cet attestatoire, en la forme que dessus, et de me l'en-
voyer par la voie dudit Révérend Père Pontanus. Je
vous aurais envoyé de l'argent à ces fins, n'était que
je crains que l'argent ne fasse perdre la lettre. Voilà
pourquoi je vous prie faire, avec ma mère ^, qu'elle
fournisse ce qu'il faudra. Je présuppose qu'il y fau-
dra 3 ou 4 écus. J'en ai baillé deux, comme par
aumône sans reproche à ce religieux, qui me promit
de les rendre audit Père Antoine ^ pour les envoyer à
cet effet. Si cela est, je vous prie les prendre ; sinon, je
vous promets vous renvoyer ce qu'on aura fourni pen-
dant quatre ou cinq mois, par lettre d'échange avec
ce que je dois à Toulouse ; car je suis résolu de m'ac-
quitter, puisqu'il a plu à Dieu m'en donner le juste
que dessus par moi. De Luc, greffier. » L'attestation de Jean-Jac-
ques Dusault, évêque de Dax, terminait le tout. « Joannes-Jacobus
Diisattlt, Dei et Sanctae Sedis Apostolicae gratia Aquensis efiscofus,
omnibus fraesentes litteras insfecturis saluiem in Domino. Notum
facimus et attestamur quod fraedictae litterae omnium ordinum et
dimissoriae Magistri Vinceniii PariJi, nostrae dioecesis fresbyteri, su-
frascriftae et in registro Insinuatiomtm ecclesiasticarum dictae nos
trae dioecesis ex vero originali insinuatae, exinde extractae fueruni,
frout tenore fraesentium attestamur : in cujus rei fidem dictas lit-
teras certificatorias signo et sigillo nostris signoque secretarii nostri
jussimus communiri. Daium Aquis, die decima-seftima mensis maii,
anno Domini millesimo sexcentesimo octavo. J. J. Dîtsault, efiscofns
Aquensis. De mandata fraefati Domini mei IReverendissimi Efis-
co-pi, Duclos, secretarius. » (Arch. des prêtres de la Mission, copie du
xviiio siècle.)
6. Vincent de Paul avait perdu son père en 1598. (Abelly, of cit.,
t. I, chap. III, p. 12.)
7. Antoine Pontanus.
— 17 —
moyen. J'écris à Monsieur Dusin, mon oncle ^, et le prie
de me vouloir assister en cet affaire.
Je reçus, par celui qui vous alla trouver de ma part,
les lettres de' bachelier qu'il vous plut m'envoyer, avec
une copie de mes lettres, que l'on a jugée invalide, pour
n'avoir été autorisée par le seing et apposition du scel
de mondit seigneur de Dax.
Il n'y a rien de nouveau que je vous puisse écrire,
fors la conversion de trois familles tartares, qui se
sont venues christianiser en cette ville, que Sa Sainteté
reçut la larme à l'œil, et la catholisation d'un évêque
ambassadeur pour les Grecs schismatiques.
La hâte me fait conclure la présente, mal empatouil-
lée en cet endroit, avec humble prière que je vous fais
d'excuser ma trop grande importunité et de croire que
je hâterai mon retour le plus qu'il me sera possible
pour m'aller acquitter du service que je vous dois ; ce
qu'attendant, je demeurerai, Monsieur, votre très
humble et obéissant serviteur.
DEPAUL.
De Rome, ce 28 février 1608.
Suscription : A Monsieur Monsieur de Comet, avocat
à la Cour présidiale de Dax, à Dax.
8. Probablement Dominique Dusin, qui était curé de Pouy ou le
devint dans la suite. (Collet, of. cit., t. I, p. 109.)
Ma Mère,
— i8 —
A SA MÈRE, A POUY *
17 février 1610.
L'assurance que Monsieur de Saint-Martin - m'a
donnée de votre bon portement m'a autant réjoui que
le séjour qu'il me faut encore faire en cette ville ^ pour
recouvrer l'occasion de mon avancement (que mes
désastre»; m'ont ravi) me rend fâché pour ne vous
pouvoir aller rendre les services que je vous dois ; mais
j'espère tant en la grâce de Dieu qu'il bénira mon
labeur et qu'il me donnera bientôt le moyen de faire
une honnête retraite *, pour employer le reste de mes
jours auprès de vous ^. J'ai dit l'état de mes affaires
à Monsieur de Saint-Martin, qui m'a témoigné qu'il
voulait succéder à la bienveillance et à l'affection qu'il
a plu à Monsieur de Cornet nous porter. Je l'ai supplié
de vous communiquer le tout.
J'eusse bien désiré savoir l'état des affaires de la
maison et si tous mes frères et sœurs ^ et le reste de nos
Lettre 3. — Reg. I, fo i. Le copiste note que l'original était en
entier de la main du saint.
1. Aujourd'hui Saint-Vincent-de-Paul (Landes). C'est dans ce petit
vdlage, à 6 kilomètres de Dax, que saint Vincent est né. Un vaste
ensemble de bâtiments, comprenant hospice, orphelinats, ateliers et
séminaire, marque l'endroit oii il vint au monde.
2. Probablement Jean de Saint-Martin, époux de Catherine de Cornet,
frère du chanoine de Saint-Martin et juge de Pouy. M. de Comet le
jeune était mort, semble-t-il, avant 1610 ,
3. D'après Abelly (op. cit., t. I, chap. V, au début, p. 20), saint Vin-
cent serait venu de Rome à Paris vers la fin de i6o8, envoyé vers
Henri IV par le cardinal d'Ossat. Aucun document de l'époque ne parle
de celte mission secrète, et il est sûr que le cardinal d'Ossat n'y fut pour
rien, puisqu'il était mort le i3 mars 1604.
4. Saint Vincent eut, le 17 mai, le bénéfice qu'il attendait. Nous
donnerons en son lieu le contrat fait à cette occasion.
5. Comme ce langage diffère de celui que saint Vincent tiendra plus
tard quand il aura pris davantage contact avec les âmes, vu leurs
besoins, senti leurs souffrances, entendu leur appel !
6. Nous savons par Abelly (op. cit., t. II, chap. 11, au début, p. 7)
— 19 —
autres parents et aimis se portent bien, et notamment
si mon frère Gayon est marié et à qui, d'ailleurs,
comment vont les affaires de ma sœur Marie, de Pail-
lole ^, et si elle vit toujours et fait une même maison
avec son beau- frère Bertrand. Quant à mon autre sœur,
j'estime qu'elle ne peut être qu'à son aise, tant qu'il
plaira à Dieu la tenir accompagnée. Je désirerais aussi
que mon frère fît étudier quelqu'un de mes neveux *.
Mes infortunes et le peu de service que j'ai encore pu
faire à la maison lui en pourront possible ôter la^
volonté ; mais qu'il se représente que l'infortune pré-
sente présuppose un bonheur à l'avenir.
C'est tout, ma mère, ce que je vous puis dire par
la présente, fors que je vous supplie présenter mes
humbles recommandations à tous mes frères et sœurs et
à tous nos autres parents et amis, et que je prie Dieu
que Vincent de Paul était le troisième enfant d'une famille comprenant
quatre garçons et deux filles. Dans un acte notarié, du 4 septembre 1626,
signé Vincent Depaul, il est question de « Bernard et Gayon Depaul,
frères dudit sieur Vincent Depaul », ce dernier « son frère second », de
« Marie Depaul, sa sœur, femme de Grégoire », et d'une autre « Marie
Depaul, sa sœur », veuve de « Jehan de Paillole ». Un document,
du 12 mai i63i, publié dans la Revue de Gascogne {\<^ob,\^. 354-357), nous
parle de « Pierre Depaul, dit de Leschine »,fils de «feu Jehan Depaul».
Si nous comparons une lettre de M. Lostalot, du 25 septembre 1682
(Arch. des prêtres de la Mission), avec les registres de catholicité, nous
sommes amenés à cette conclusion que Pierre de Paul était neveu du
saint, et par suite que son père en était le frère. Jean n'est pas nommé
dans l'acte de 1626, parce qu'il était mort à cette date. Jean, Bernard,
Gayon, Marie et une autre Marie, tels seraient donc les noms des frères
et sœurs de saint Vincent; mais rien ne nous dit dans quel ordre il faut
les placer.
7. Paillole est le nom de la maison qu'habitait la sœur du saint.
Cette maison était près de l'église, là où se trouve aujourd'hui celle
qui porte le même nom.
8. Un des neveux de saint Vincent étudia et devint prêtre. Nous
lisons, en effet, dans un registre des prébendiers de Capbreton (Landes) :
« M. François Depaul, prêtre, prébendier de Capbreton en la place de
M. Jean de Ponteils, décéda le 8 juin 1678; il était de Pouy, proche
d'Acqs, et neveu de M. Vincent, prêtre, fondateur de la congrégation
des prêtres de la Mission. » (Arch. de M. l'abbé Gabarra, curé de Cap-
breton).
sans cesse pour votre santé et pour la prospérité de la
maison, comme celui qui vous est et vous sera, ma mère,
le plus humble, le plus obéissant et serviable fils et
serviteur.
DEPAUL.
Je vous supplie présenter mes humbles recomman-
dations à tous mes frères et sœurs et à tous nos parents
et amis, et notamment à Bétan.
4. — A EDME MAULJEAN, VICAIRE GÉNÉRAL DE SENS ^
20 juin 1616.
Monsieur,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Il se trouve quelquefois quelques bonnes personnes
qui désirent faire confession générale, et pource qu'il
s'y rencontre bien souvent des cas réservés et qu'on
a peine de les renvoyer, j'ai pensé de vous supplier
très humblement de me donner permission de les
absoudre desdits cas réservés, vous assurant que je
n'en abuserai point et que je serai toute ma vie. Mon-
sieur, votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
5. — edme mauljean a saint vincent
Monsieur,
f'ai tant d'assurance de votre suffisance, -prudence, capacité
Lettre 4. — Reg. I, f° i. — Le copiste note que l'original était en
entier de la main du saint.
I. Né au diocèse de Châlons,mort le 1°' mars 1617. Vincent de Paul,
précepteur des enfants de Philippe-Emmanuel de Gondi, général des
galères et comte de Joigny, avait souvent l'occasion d'aller avec eux
dans cette ville, située au diocèse de Sens.
Lettre 5. — Reg. I, f° i. Edme Mauljean écrivit sa réponse à la suite
de la requête de Vincent de Paul.
et autres mérites que très volontiers je vous accorde ce que vous
demandez. Dieu vous donne la grâce de vous en acquitter digne-
ment, comme je Vespère ainsi'.
En signe de quoi je vous ai signé ce )not le 20* joîir de
juin 16 16.
Mauljean.
6. — A PHILIPPE-EMMANUEL DE GOXDl', EN PROVENCE
Août ou septembre 1617 ^.
Saint Vincent écrit de Châtillon-les-Dombes^, ciue, n'ayant
aucune des qualités requises pour être précepteur dans une
famille d'aussi haute noblesse que celle des Gondi, il a quitté
secrètement Paris, avec l'intention bien arrêtée d'exercer le
ministère paroissial là où il se trouve.
7. — MADAME DE GONDI A SAINT VINCENT 1
Septembre 161 7*.
Monsieur^
Je n'avais pas tort de craindre de perdre votre assistance,
comme je vous ai té7noigné tant de fois, puisquen effet je Vai
perdue. L'angoisse où j'en suis m'est insupportable sans une
grâce de Dieu tout extraordinaire, que je ne mérite pas. Si ce
n'était que pour un temps, je n^ aurais pas tant de peine ; tnais
Lettre 6. — Abelly, op. cit., t. I, chap. ix, p. 38.
1. Philippe-Emmanuel de Gondi, général des galères de France, était
père du second cardinal de Retz, qui se signala par ses intrigues sous
la Fronde. Devenu veuf, il entra chez les Oratoriens et y passa le reste
de sa vie dans la pratique des vertus chrétiennes et religieuses. 11
mourut à Joigny, le 29 juin 1662. La congrégation delà Mission, l'Ora-
toire et le Carmel honorent en lui un de leurs plus insignes bienfaiteurs.
On peut lire sa notice dans la Bibliothèque oraioriennc du P. Ingold,
Paris, 1882, 3 vol. in-12, t. I. pp. 421-448; et dans les Mémoires domes-
tiques pour servir à I histoire de l'Oratoire, par le P. Louis Batterel, Paris,
1902-1905, 4 vol. in-8, t. I, pp. 322-36i.
2. Abelly nous dit que le général des galères reçut la lettre de
Vincent de Paul à la fin d'août ou dans la première quinzaine de sep-
tembre.
3. Aujourd'hui Châtillon-sur-Chalaronne (Ain), dans le diocèse de
Belley.
Lettre 7. — Abelly, op. cit., t. I, chap. ix, p. 41.
I. Françoise-Marguerite de Silly, épouse de Philippe-Emmanuel
de Gondi, était née en 1580 d'Antoine de Silly, comte de Rochepot,
baron de Montmirail, ambassadeur en Espagne, et de Marie de Lan-
noy. Peu après que saint Vincent fut entré dans sa maison comme
quand je regarde toutes les occasions où f aurai besoin d'être
assistée, far direction et -par conseil, soit en la mort, soit en
la vie, mes douleurs se renouvellent, jugez donc si 7non esprit
et mon corps peuvent longtemps porter ces peines. Je suis en
état de ne rechercher ni recevoir assistance dj ailleurs, parce
que vous savez bien que n'ai pas la liberté pour les besoins
de mon âme avec beaucoup de gens. Monsieur de Bérulle nia
promis de vous écrire, et f invoque Dieu et la Sainte Vierge de
vous redonner à notre maison, pour le salut de toute notre
■famille et de beaucoup d'autres, vers qui vous pourrez
exercer votre charité. Je vous supplie encore une fois^ pra-
tiquez-la envers nous, pour V amour que vous portez à Notre-
Seigneur à la bonté duquel je me remets en cette occasion^ bien
qiCavec grande crainte de ne pouvoir pas persévérer. Si après
cela vous me refusez, je vous chargerai devant Dieu de tout
ce qui m'arrivera et de tout le bien que je manquerai à faire,
faute d'être aidée. Vous me mettrez en hasard d'être en des
lieux bien souvent privée des sacrements, pour les grandes pei-
nes qui m'y arrivent et le peu de gens qui sont capables de
m'y assister. Vous voyez bien que Monsieur le général a le
même désir que moi, que Dieu seul lui donne, par sa miséri-
corde. Ne résistez pas au bien que vous pouvez faire aidant à
son salut, puisqiCil est pour aider un jour à celui de beau-
coup d'autres. Je sais que, m,a vie ne servant qu'à offenser
Dieu, il n'est pas dangereux de la mettre en Jiasard ; mais
mon âme doit être assistée à la mort. Souvenez-vous de l'ap-
prélrension où vous ^n'avez vue en ma dernière maladie en un
village ; je suis pour arriver eri un pire état ; et la seule
peur de cela me ferait tant de tnal que je ne sais si sans ma
grande disposition précédente elle ne me ferait pas mourir.
précepteur de ses enfants, elle lui confia la direction de son âme.
L'influence du saint ne tarda pas à se faire sentir. La pieuse dame
prit l'habitude de visiter et de servir les malades, de distribuer aux
pauvres d'abondantes aumônes. Elle fit donner des missions sur ses
terres et s'affilia à la confrérie de la Charité de Montmirail. Elle
mourut le 23 juin 1625, après avoir fait nommer son saint directeur
principal du collège des Bons-Enfants et lui avoir mis en main les
moyens, par un don de 45.000 livres, de fonder la congrégation de
la Mission. (Voir Abelly, op cit., t. I. chap. vii-xviii ; Hilarion de
Coste, Les éloges et vies des reynes, princesses, dames et damoi-
selles illustres en piété, courage et dociri7ie, Paris, 1647, 2 vol. in-4°
t. II, p. 389 et suiv. ; Chantelauze, Saint "Vincent de Paul et les Gon-
di, Paris, 1882, in-S". )
Madame de Gondi reçut, le 14 septembre, la lettre par laquelle
son mari lui apprenait la résolution de saint Vincent ; ce fut à la
suite de cette lettre qu'elle écrivit la sienne.
— 23 —
8- — A MADAME DE GONDI
Septembre ou octobre 1617*.
Vincent de Paul console et encourage Mme de Gondi, tout
en l'invitant à se soumettre au bon plaisir de Dieu -.
9. — PHILIPPE-EMMANUEL DE GONDI A SAINT VINCENT
i5 octobre 1617.
pai reçu de-puis deux ]oiirs celle que vous m avez écrite de
Lyon, où je vois la résolution que vous avez -prise de faire un
petit voyage à Paris sur la fin de novembre, dont je me réjouis
extrêmement^ espérant de vous y voir en ce temps-là, et que
vous accorderez à mes prières et aux conseils de tous vos
bons amis le bien que je désire de vous.
Je ne vous en dirai pas davantage , puisque vous avez vu la
lettre que j'écris à ma -feinme. Je vous prie seulement de con-
sidérer qu^il semble que Dieu veut que, par votre m,oyen, le
père et les enfants soient gens de bien.
10. — A CHARLES DU FRESNE •
SECRÉTAIRE DE PHILIPPE-EMMANUEL DE GONDI
Octobre 1617 2.
Saint Vincent informe son ami qu'il espère faire un voyage
Lettre 8. — Abelly, op. cit., t. I, chap. ix, p. 43.
1. Cette lettre répond à la précédente.
2. La réponse de saint Vincent de Paul ne découragea pas Ma-
dame de Gondi ; elle fit écrire ses enfants, les principaux officiers
de sa maison, le Père de Bérulle, le cardinal de Retz, évêque de
Paris, des docteurs, des religieux, bref toutes les personnes qui pou-
vaient avoir de rinfl.uence sur son saint directeur. L'intervention du
Père Bence, supérieur de l'Oratoire de Lyon, fut de toutes la plus
efficace ; le saint lui promit d'aller à Paris prendre conseil de ses
amis.
Lettre 9. — Abelly, op. cit., t. I, chap. ix, p. 44.
Lettre 10. — Abelly, op. cit., t. I, chap. ix, p. 44.
I. Sieur de Villeneuve, ancien secrétaire de la reine Marguerite de
Valois, entré après la mort de cette princesse, dans la maison d'Em-
manuel de Gondi, dont il fut secrétaire, puis intendant. (Abelly, o-p.
cit., t. I, chap. V, p. 21.) C'était un des amis les plus intimes de saint
Vincent.
2- Cette lettre est, à très peu de jours près, de même date que la
précédente.
— 24 —
à Paris dans deux mois ; là, suivant les lumières que Dieu
lui donnera, il prendra une décision définitive sur son retour
à Châtillon-les-Dombes ou sa rentrée dans la famille des
Gondi ^.
11. —A NICOLAS DE BAILLEUL, PREVOT DES MARCHANDS '
25 juillet 1625.
Supplie humblement Vincent de Paul, principal du
collège des Bons-Enfants ^, proche la porte Saint-
Victor ^, disant que les bâtiments dudit collège sont
grandement ruinés par leur ancienneté ; et pour éviter
la chute entière d'iceux il est nécessaire d'y remédier
promptement à la chapelle et bâtiment dudit collège,
où il y a quantité de grandes réparations à faire * ; ce
3. Ce fut à ce dernier parti que Vincent de Paul s'arrêta, après
avoir consulté le Père de Bérulle et d'autres personnes éclairées. Ar-
rivé à Paris le 23 décembre, il reprenait sa place, le lendemain, dans
la famille des Gondi.
Lettre 11. — Arch. Nat. S 6373, copie.
r- Nicolas de Bailleul, seigneur de Vattetot-sur-Mer et de Soisy-
sur-Mer, prévôt des marchands de 1622 à 1628, puis président à mor-
tier, surintendant des finances et ministre d'Etat, mort le 20 août
1652 dans sa soixante-sixième année.
2. Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, avait cédé à
saint Vincent de Paul, le i^ mars 1624, le principalat du collège des
Bons-Enfants, afin qu'il eût un local pour loger les prêtres désireux
de se joindre à lui en vue de donner des missions dans les campagnes.
Ce collège, un des plus anciens de l'Université, était presque aban-
donné ; ses murs tombaient en ruines. Le saint attendit la mort de
Madame de Gondi pour venir l'habiter. Il eut, au début, deux auxi-
liaires : Antoine Portail, qui lui restera fidèle jusqu'à la mort, et un
autre prêtre, dont on ignore le nom, mais qui n'est certainement pas
Adrien Gambart, comme on l'a supposé à tort, car Adrien Gambart
fut ordonné prêtre en 1633. (Voir sa notice en tête du Missionnaire
■paroissial, éd. Migne, r866, dans la Collection intégrale et univer-
selle des Orateurs chrétiens, Paris, 1844-1892, 100 vol. in-40, t. 89.^
Quand les missionnaires allaient aux champs, ce qui arrivait souvent,
les clefs étaient confiées à un voisin.
3. Il y avait un autre collège des Bons-Enfants dans le quartier
du Louvre.
4. Le rapport des experts, daté du 27 juillet, nous donne une idée
de l'état des bâtiments. « On y voit que le corps de logis en aile, à
^ — 25 —
considéré, mondit sieur, il vous plaise, afin d'être plus
certiore '" des réparations nécessaires audit collège,
ordonner qu'il sera vu et visité par deux maitres jurés
maçons, ou tels autres qu'il vous plaira nommer, lesquels
en feront leur rapport pour ce faire et ordonner ce que
de raison ; et ferez justice ®.
Suscription : A Monsieur le prévôt de Paris ou Mon-
sieur le lieutenant civil conservateur des privilèges de
l'Université.
12. — A LOUISE DE MARILLAC '
Du 30 octobre 1626.
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
gauche en entrant, le plus considérable de tous, était inhabité pour
sa trop grande caducité et qu'il fut jugé nécessaire de l'abattre pour
le reconstruire de fond en comble ; que les autres avaient tous besoin
de réparations considérables, non seulement relativement aux cou-
vertures, lambris, cloisons, portes et croisées, dont la plupart ne va-
laient rien, mais aussi par rapport aux gros murs, aux fosses d'ai-
sance, aux planchers et aux escaliers. » [Réflexions sur les diffé-
rents comftes du collège des Bons-Enfants en réponse aux observa-
tiens du sieur Reboul, archiviste du collège Loiiis-le-Grand sur le
même objet, Arch. Nat. H^ 3288.)
5. Tlus certiore, plus assuré.
6. Vincent de Paul reçut l'autorisation de faire les réparations ju-
gées urgentes par les experts et d'emprunter pour cela, au besoin en
hypothéquant les biens du collège. Il se contenta, faute de ressources,
des travaux absolument indispensables ; le reste fut remis à plus tard.
(Réflexions sur les différents comptes du collège des Bons-Enfants.)
Lettre 12. — Manuscrit Saint-Paul, p. 2.
I. Louise de Marillac, née à Paris, le 12 août isgr, de Louis de
Marillac, frère du pieux Michel de Marillac, garde des sceaux (1626-
1630), et du maréchal de Marillac, célèbre par ses disgrâces et sa
mort tragique, était veuve d'Antoine Le Gras, secrétaire de la reine
Marie de Médecis, qu'elle avait épousé le 5 février i6r3 et perdu le
21 décembre 1625. Elle en avait eu un fils, Michel, qui venait d'ac-
complir ses treize ans. La pieuse veuve avait mis toute sa confiance
en celui qui dirigeait sa conscience, Vincent de Paul, dont elle sup-
— 26 —
J'ai reçu la vôtre en ce lieu de Loisy-en-Brie ^, qui est
à. vingt-huit lieues de Paris, oti nous sommes en mission ^
Je ne vous ai point donné avis de mon départ, pource
qu'il a été un peu plus prompt que je n'avais pensé, et
que j'avais peine de vous en faire en vous en donnant
avis. Or sus, Notre-Seigneur trouvera son compte en
cette petite mortification, s'il lui plaît, et fera lui-même
l'office de directeur ; oui, certes, il le fera, et de façon
qu'il vous fera voir que c'est lui-même. Soyez donc sa
chère fille, toute humble, toute soumise et toute pleine
de confiance, et attendez toujours avec patience l'évi-
dence de sa sainte et adorable volonté.
Nous sommes ici en un lieu où le tiers des habitants
est hérétique. Priez pour nous, s'il vous plaît, qui en
avons bien besoin, et surtout moi, qui ne vous réponds
point à toutes vos lettres, pource que l'on n'est plus en
état de faire ce que vous me mandez.
portait péniblement les longues absences. Ce saint directeur l'appli-
quait aux œuvres charitables. Le jour était proche où il devait en
faire sa collaboratrice dans la création et l'organisation des confré-
ries de la Charité. La vie de Louise de Marillac, que l'Eglise a
béatifiée le 9 mai 1920, a été écrite par Gobillon (1676), la com-
tesse de Richemont {1883), le comte de Lambel, Monseigneur Bau-
nard (1898) et Emmanuel de Broglie (1911). Ses lettres et autres
écrits ont été autographiés et en partie publiés dans l'ouvrage qui a
pour titre : Louise de Marillac, veuve de M. Le Gras. Sa vie, ses
vertus, son esfrii, Bruges, 1886, 4 vol. in-i6.
On réservait autrefois aux femmes des chevaliers la qualifica-
tion de Madame. Les épouses de simples écuyers, quelle que fût la
noblesse de leurs maris, n'avaient droit qu au titre de Mademoiselle.
(Historique généalogique et héraldique de'; fairs de France, par le
chevalier de Courcelles. Paris, 1822-1823, 12 vol. in-4<', t. I, Intro-
duction, p. 36.) Par son mariage, Louise de Marillac était devenue
a Mademoiselle » Le Gras.
2. Petite localité de la Marne.
3. Vincent de Paul avait alors pour associés dans ses travaux des
missions Antoine Portail, Louis Callon, François du Coudray et Jean
de la Salle. Un de ces missionnaires était avec lui à Loisy.
— 27 —
13. — A ISABELLE DU FAY '
[Octobre ou novembre 1626 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Votre lettre m'a trouvé parti de Paris et m'a été
rendue en ce lieu de Loisy-en-Brie, où nous tâchons
à travailler parmi quantité de gens de la religion, oî;
nous avons besoin de prières pour la confirmation des
catholiques qui restent, n'espérant rien sur les autres,
parce qu'ils ne se trouvent es lieux où ils pussent pro-
fiter. Au reste, je ne vous ai point dorme avis de mon
départ. Me le pardonnerez-vous pas bien ? Mais, je vous
en prie, comment votre cœur a-t-il reçu cela ? N'a-t-il
point tancé le mien de rudesse ? Or sus, j'espère qu'ils
s'accorderont bien ensemble en celui qui les contient,
qui est celui de Notre-Seigneur.
Je ne vous réponds point à la proposition de votre
retour à Paris, pource que j'estime que la chose est faite.
Quant à l'affaire dont vous me faites l'honneur de
m'écrire que vous désirez me communiquer, au retour,
s'il vous plaît ; que si la résolution presse, faites ce
aue Notre-Seigneur vous en conseillera lui-même ;
sinon, au retour, s'il vous plaît, comme je vous ai dit.
Mon Dieu ! combien sont différentes les filles de
Lettre 13. — Reg. i, f° 4 v°. — Le copiste note que l'original était
en entier de la main de saint Vincent.
1. Femme de grande piété, toute dévouée à saint Vincent, qu'elle
aidait de sa fortune. Si une gênante infirmité ne l'en avait
empêchée, elle aurait pris une part plus active aux travaux du saint.
Son oncle paternel René Hennequin, avait épousé Marie de Ma-
rillac, tante de Louise de Marillac.
2. Il suffit de comparer cette lettre avec la lettre précédente pour
se convaincre qu'elles ont été écrites à peu de jours d'intervalle, peut-
être le même jour.
— 28 —
votre directeur : l'une toute pleine de respect envers la
défense de l'Eglise, et l'autre de confiance à l'égard de
l'affaire de Poissy ^ ! Or sus, Notre-Seigneur est éga-
lement honoré en toutes deux, à ce que je vois de votre
communauté, dont je salue la Mère ■*.
Tenez-vous cependant toute gaie, }kIademoiselle, je
vous en prie, et honorez à cet effet la sainte tranquillité
de l'âme de Notre-Seigneur, et soyez toute pleine de
confiance qu'il dirigera votre cher cœur par la sainte
dilection du sien, en l'amour duquel je suis votre très
humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
14. — louise de marillac a saint vincent
Monsieur,
J'es-père que vous me fardontierez la liberté que je -prends
de vous témoigner Vinipatieiice de mon es-prit, tatit pour le
long séjour passé que sur V appréhensioti de Vavenir^ et de ne
savoir le lieu où vous allez, après celui oie vous êtes. Il est
vrai, mon Père, que la pensée du sujet qui vous éloigne est
3. Les religieuses dominicaines tenaient à Poissy (Seine-et-Oise)
un pensionnat renommé, oii Louise de Marillac avait passé quelque
temps dans sa jeunesse, sous la direction d'une cousine germaine de
son père, qui a composé diverses poésies, et de la prieure Jeanne de
Gondi- A cette dernière avait succédé Louise de Gondi, sa nièce,
dont l'élection fut longtemps contestée, bien que sa validité eût
été reconnue par le roi, le R. P. Siccus, général des Dominicains, et
le Pape lui-même. En 1625, le R. P. Siccus dressa de nouveaux sta-
tuts, qu'il fit approuver par le Saint-Siège. L'article 5 portait « que
la Mère Louise de Gondy, maintenant prieure, demeure en sa charge,
selon la concession apostolique qui lui a été faite ; mais si
elle vient à se démettre ou à décéder de cette vie, qu'une prieure nou-
velle soit élue par les sœurs vocales suivant les statuts et règlements
du concile de Trente, de nos constitutions et des chapitres généraux ;
laquelle prieure, ainsi élue et confirmée par le provincial, soit réelle-
ment triennale ; et que l'on observe dorénavant et perpétuellement
cela touchant l'élection et le temps des prieures ». Cet acte ne ferma
pas la bouche aux protestataires. On trouve des détails intéressants
sur cette affaire à la Bibl. Nat., fonds Joly de Fleury, 1475.
4. Louise de Gondi.
Lettre 14. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
— 29 —
U}i -peu cL adoucissement à ma -peine, mais elle n'empêche pas
que, dans ma fainéantise ^ les jotirs quelquefois ne -me sem-
blent des mois. Je veux pourtant attendre avec tranquillité
l'heure de Dieu et reconnaître que mon indignité la retarde.
J'ai bien reconnu que Mademoiselle du Fa-y, outre son ordi-
naire, a un peu le cœur pressé de désir. Nous passâmes le
jour de la Pentecôte ensemble. Après le service, elle e-ût bien
voulu avoir liberté de me parler ouvertement, mais nous
demeurâmes dans Vattente et désir de faire la volonté de
Dieu.
U ouvrage que sa charité m'a donné est fait. Si les 7)iembres
de Jésus en ont besoin et quil vous plaise, mon Père, que je
vous l'envoie, je ny manquerai pas. Je n^ai pas voulu le faire
sans votre conunande-ment.
Enfiîi, mon très honoré Père, après îin peu d^inqtiiétude, mon
fils est au collège et. grâce à Dieu, très content, et s'y porte
bien. Si cela continue, je suis prou forte de ce côté-là ^.
Permettez-moi, mon Père, de vous importuner encore sur le
sujet d'une fille âgée de 28 [ans], qu'on veut faire venir de
Bourgogne pour me donner. Elle est de bonne connaissance
et vertueuse , à ce qu'on m'a dit ; mais auparavant celle-là. la
bonne fille aveugle des Vertus ^ m'avait dit que celle qui était
avec elle, âgée de 22 \ans\ pouvait peut-être venir céans. Elle
est dans la conduite des Révérends Pères de l' Oratoire y
a quatre ans et tout à fait villageoise. Je ne suis pas
assurée qu elle veuille venir ; néanmoins elle m'en témoignait
quelque désir. Je vous supplie très humblement, mon Père, me
mander ce que je ferai pour cela.
La personne qui va en Bourgogne doit partir lundi et, pen-
sant votre retour cette semaine, je lui promis réponse .
Notre bon Dieu a per-mis à -mon âme plus de sentiment de lui
que l'ordinaire depuis un mois ; mais je ne laisse d'être toujours
dans tnes imperfections. Quand je ne mettrai point d'empê-
chem,cnt aux effets des prières que j'espère de votre charité,
je crois que je -m^amenderai.
l'ai bien eu désir, ces jours passés, que vous vous souvins-
siez de me donner à Dieu et que vous lui demandassiez la
grâce d'accomplir entière-ment en -moi sa sainte volonté, nO'
nobstant les oppositions de -ma misère. Doncques, mon Pe*p. je
I- Pour favoriser la vocation de son fils, qui désirait se faire prê-
tre, Louise de Marillac l'avait placé au séminaire de Saint-Nicolas-
du-Chardonnet, qu'avait fondé et que dirigeait l'austère et vertueux
Bourdoise. C'est, semble-t-il, ce séminaire qu'elle appelle ici collège.
2. Localité englobée aujourd'hui dans la commune d'Aubervilliers
(Seine).
— 3° —
■vous fais en toute huniililé cette supplication et vous demande
-pardon de vous tant importuner ^ étant, par la honte de Dieu,
Monsieur, votre très obligée servante et indigne fille.
L. DE Marillac.
Ce 5 juin 1627.
15. — A LOUISE DE MARILLAC
[Octobre 1627 ^.]
Je vous remercie, Mademoiselle, de l'avis que [vous]
me donnez de la charité - de la bonne Mademoiselle du
Fay, et vous prie de la garder jusques à ce que vous
ayez lieu, si elle ne trouve pas bon qu'on la réserve et
destine pour aller gagner des pauvres âmes à Dieu en
ces pays de Poitou et des Cévennes. Que si elle ne
l'entend pas ainsi et qu'elle la désire faire appliquer aux
pauvres gens de deçà, vous me ferez la faveur de me
le mander et d'envoyer deux ou trois chemises à Made-
moiselle Lamy ^ à Gentil ly* pour la Charité^ de ce
lieu- là.
Je vous écris environ la minuit, un peu harassé. Par-
donnez à mon cœur s'il ne s'épand un peu plus dans la
présente. Soyez fidèle à votre âdèle amant qui est Notre-
Seigneur. Soyez de plus toute simple et toute humble.
Et moi je serai, en l'amour de Notre- Seigneur et de sa
sainte Mère...
Lettre 15. — Manuscrit Saint-Paul, p. 77.
1. Cette lettre semble devoir être rapprochée de la lettre suivante.
2. Charité, offrande.
3. Catherine Vigor, femme d'Antoine Lamy, auditeur à la cham-
bre des comptes, présidente de la confrérie de la Charité de Gentilly.
Antoine Lamy et son. épouse fondèrent une mission dans cette loca-
lité et à Ferreux, le 30 septembre 1634.
4. Localité située aux portes de Paris.
5. Les confréries de la Charité, ou plus simplement les Charités,
se composaient de femmes ou de filles de bonne volonté unies en vue
de venir en aide aux nécessiteux. Commencée à Châtillon-les-Dom-
bes (Ain) en 161 7, cette institution répondit si bien aux besoins de la
- 31 —
16. — A LOUISE DE MARILLAC
Verneuil ^, 8 octobre 1627.
Mademoiselle,
Puisque votre bonne demoiselle veut donc que sa
charité corporelle présente n'empêche pas la spirituelle
à l'avenir et qu'on distribue présentement ce qu'elle
vous a baillé -, je vous prie de nous envoyer par M. du
Coudray '', présent porteur, la somme de cinquante livres,
et me ferez la faveur de l'assurer que Xotre-Seigneur
lui en rendra bon compte lui-même et que j'ai commencé
d'en appliquer quatre, étant en ce lieu, pour faire fon-
dement de la Charité qu'on y établit et où nous trouvons
de très grandes nécessités temporelles jointes aux spiri-
tuelles, quantité de huguenots qu'il y a, riches, se ser-
population que Vincent de Paul l'établit sur les terres des Gondi, à
Villepreux, Folleville, Joigny, Montmirail, et partout où il alla
donner des missions. Les règlements variaient quelque peu suivant les
localités. De cette œuvre naquit la Compagnie des Filles de la Cha-
rité. En certains lieux, les Charités de femmes furent complétées
par des Charités d'hommes.
Lettre 16. — Pémartin, op. cit., t. I, p. 21.
1. Près de Creil, dans l'Oise.
2. Voir lettre 15.
3. Nous rencontrerons souvent dans la suite le nom de François du
Coudray. Xé en 1586 dans la ville d'Amiens, ordonné prêtre en sep-
tembre 1618, reçu en mars 1626 dans la congrégation de la Mission,
dont saint Vincent et Antoine Portail faisaient encore seuls partie, il
était doué d'une intelligence peu commune et possédait assez bien
l'hébreu pour être jugé capable de faire une nouvelle traduction de
la Bible.
Ce fut lui que le saint choisit pour négocier à Rome l'approbation
de la congrégation naissante. Il y resta de 1631 à 1635. Nous le re-
trouvons ensuite à Paris, d'où il rayoïma en divers lieux pour secou-
rir les pauvres, assister les soldats ou donner des missions. Le saint
lui confia en 1638 la direction de la maison de Toul, qu'il garda
jusqu'en 1641. Il fut rappelé à Saint-Lazare en 1641, passa une partie
de l'année 1643 ^ Marseille, occupé à l'évangélisation des galériens et
à la fondation d'un établissement dans cette ville, et alla prendre en
— 32 —
vant de quelques soulagements qu'ils donnent aux
pauvres pour les corrompre, en quoi ils font un mal
indicible. Vous nous enverrez de plus quatre chemises
et présenterez nos très humbles recommandations à
votre bonne demoiselle, s'il vous plaît, et vous ferez la
faveur d'assurer votre cœur que, pourvu qu'il honore la
sainte tranquillité de celui de Notre-Seigneur en son
amour, il lui sera agréable, et que je suis, en ce même
amour... '^
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le (jras,
rue Saint-Victor, au logis où logeait M. Tiron Saint-
Priest ^
17. — A ISABELLE DU FAY
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je rends mille millions d'actions de grâces de ce
beau et bon présent que vous nous avez envoyé, Made-
moiselle, et prie Dieu qu'il soit votre unique récom-
pense et qu'il me fasse digne de la mériter par les
services que je suis obligé de vous rendre.
1644 la direction de la maison de La Rose (Lot-et-Garonne) . Sa
vaste érudition n'était malheureusement pas servie par une science
théologique assez solide. Il soutint des opinions plus que hasardées et
y persévéra, malgré les avis qui lui furent donnés. Les mesures que
saint Vincent dut prendre pour l'empêcher de répandre ses erreur^
assombrirent les dernières années de sa vie. De la maison de La
Rose, il passa en 1646 dans celle de Richelieu. C'est là qu'il finit
ses jours en février 1649, dans sa soixante-troisième année.
4. M. Pémartin a cru pouvoir se dispenser de répéter au bas de
chaque lettre la formule finale et la signature.
5. Nous empruntons cette suscription à VHistoire de Mademoiselle
Le Gras par la comtesse de Richemont, Paris, 1883, in-8°, p. 46,
note 2.
Lettre 17. — Reg. I, f° 24. — Le copiste note qu'il a pris son texte
sur une « minute de la main » de saint Vincent.
— 33 —
J'arrivai hier au soir de notre mission en bonne dis-
position, et souhaite bien fort que vous vous portiez de
même. Soudain que je me serai débarrassé de quelques
petites affaires qui m'occupent, je vous irai remercier
de tant et tant d'effets de votre bienveillance. Je vous
supplie de me la continuer, Mademoiselle, et de croire
que mon cœur reçoit une consolation que je ne vous
puis exprimer, en la confiance qu'il est un avec le vôtre
et celui de Notre- Seigneur, et qu'ils font un même amour
en celui du même Seigneur et de sa sainte Mère
18. — A LOUISE DE MARILLAC
Béni soit Dieu, Mademoiselle, de ce que vous vous
portez mieux ! Vous serez la bien venue demain pour
communier à la messe de Monsieur de la Salle \ car pour
moi, je suis obligé de la dire de matin, ce à cause d'une
assemblée d'ecclésiastiques qui se doit faire demain au
matin céans, qui tiendra jusques à midi -. Je ne crains
pas maintenant tant la chapelle qu'en été. S'il plaît
Lettre 18. — L. a. — Original à Naples, dans la maison centrale
des Filles de la Charité.
1. Jean de la Salle, que saint Vincent appelle un « grand mis-
sionnaire » et qw. l'évêque de Beauvais estimait le « plus fort en
raisonnement » qu'il eût jamais connu (Conférence de saint Vincent,
5 août 1659), était né à Seux (Somme) le 10 septembre 1598 et avait
offert ses services à saint Vincent en avril 1626. En 1631, il prê-
chait en Champagne ; en 1634, 1635 et r636, il travaillait dans ia
Gironde et les régions environnantes. Quand s'ouvrit, en juin 1637, le
séminaire interne de Saint-Lazare, on lui en confia la direction. L'an-
née suivante, il reprenait ses missions. Les exercices des ordinands
l'occupèrent ensuite jusqu'à la fin de sa vie. Il mourut le g octobre
1639, très regretté de saint Vincent, qui perdait en lui un de ses
meilleurs ouvriers.
2. L'œuvre des conférences spirituelles ne fut définitivement orga-
nisée que plus tard, en 1633. Il est permis de croire toutefois que
des conférences se donnaient de temps à autre avant cette date au
collège des Bons-Enfants. Nous savons que de nombreux ecclésias-
tiques, attirés par Bourdoise et Le Féron, se réunissaient en ce lieu
pour conférer ensemble, avant même que saint Vincent eût pris pos-
— 34 —
à Mademoiselle Guérin ^ de venir, elle sera la bien venue,
avant que je parte, dont je vous donnerai avis.
Et pour l'argent de la Charité de Mademoiselle du
Fa y, très volontiers j'approuve l'usage que vous en dé-
sirez faire, étant au reste bien aise de la résolution que
ces bonnes filles ^ ont prise de mettre tout en commun,
et ne manquerai demain à la messe, tout misérable pé-
cheur que je suis, de les offrir à Notre-Seigneur, en
l'amour duquel je suis votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
19. — SAINTE CHANT AL ' A SAINT VINCENT
Novembre 162J.
Vous voilà donc, mon très cher Père, engagé à travailler
dans la province de Lyoïi, et 'par conséquent nous voilà pri-
vées de vous voir de longtemps ; mais h ce que Dieu fait il
session de l'immeuble. [Histoire du Séminaire de Saint-Nicolas-du-
Chardonnei, par P. Schoenher, 1909-1911, 2 vol. in-8°, t. I, p. 97.)
3. Epouse de Gilles Guérin, conseiller du roi et correcteur des
comptes. Elle habitait rue Saint-Victor, tout près du collège des Bons-
Enfants.
4. Probablement les membres de la Charité.
Lettre 19. — Abelly, of. cit., t. II, chap. vu, 1^^ éd., p. 315.
I. En novembre 1627, sainte Chantai était en route pour Orléans ;
elle arriva à Paris dans le courant de janvier et n'en partit qu'au
mois de mai. Jeanne-Françoise Frémiot, née à Dijon le 23 janvier
1572, avait eu quatre enfants de son mariage avec le baron de.
Chantai.
Devenue veuve très jeune, elle se mit sous la conduite de saint
François de Sales et établit avec lui l'ordre de la Visitation. La fon-
dation du premier monastère de Paris l'attira et la fixa dans cette
ville de 1619 à 1622. Elle y connut saint Vincent, qu'elle demanda
à Jean-François de Gondi pour supérieur de ses filles. Jusqu'à sa
mort, survenue à Moulins, le 13 décembre 1641, au retour d'un
voyage à Paris, sainte Chantai resta en rapports suivis avec ce saint
prêtre, qu'elle se plaisait à consulter pour sa direction intérieure
et pour les affaires de sa communauté. [La Vie de la Vénérable Mère
Jeanne-Françoise Frémiot, par Messire Henri de Maupas du Tour,
Paris, 1644, in-4*.)
— 35 —
n y a rien à redire, attis à le bénir de tout., comme je fais, mon
très cher Père, de la liberté que votre charité me donne de
vous continuer ma confiance et de vous imfortuner. Je le
ferai tout sivi-plement.
J'ai donc fait quatre jours d'exercices, et non flus, à cause
de plusieurs affaires qui me sont survenues. J'ai vu le besoin
que j'ai de travailler à l humilité et au support du prochain,
vertus que j'avais prises Vannée passée et que Notre-Seigneur
ni a fait la grâce de pratiquer un peu. Mais c'est lui qui a
tout fait et le fera encore^ s'il lui plaît, puisqu'il m'en donne
tant d^ occasions. Pour mon état, il me semble que je suis dans
une simple attente de ce quHl plaira à Dieu faire de moi.
Je liai ni désirs ni intentions y chose aucune ne me tient que de
vouloir laisser faire Dieu ; encore je ne le vois pas^ mais il
me semble que cela est au fond de mon âme. Je n'ai point de
vue ni de sentiment pour l'avenir^ mais je fais à l'heure pré-
sente ce qui me semble être nécessaire à faire, sans penser plus
loin.
Souvent tout est révolté en la partie inférieure, ce qui me
fait bien souffrir, et je suis là, sachant que, par la patience, je
posséderai mon âme. De plus, j'ai un surcroît d'ennuis pour
ma charge, car mon esprit hait grandement l'action, et me for-
çant potir agir dans la nécessité, mon corps et mon esprit en
demeurent abattus. Mon imagination, d'un autre côté, me
peine grandement en tous mes exercices, et avec un ennui
assez grand. Notre-Seigneur permet aussi qu! extérieurement
faie plusieurs difficultés, en sorte que chose aucune ne me
plaît en cette vie que la seule volonté de Dieu, qui veut que
fy sois. Et Dieu me fasse miséricorde, que ie vous supplie de
lui demander -fortement ; et je ne manquerai pas de le prier,
connue je fais de tout mon cœur, qiCil vous fortifie pour
la charge qu'il vous a donnée.
20. — UN ABBÉ^ A SAINT VINCENT
Décembre 162J.
Je suis de retour d'un grand voyage que j'ai fait en quatre
provinces. Je vous ai déià manié la bonne odeur que répand,
dans les provinces où i'ai été. P institution de votre sainte com-
Lettre 20. — Abelly, of. cit., liv. II, chap. i, sect. 2, § 8, i^e éd.
p. 49.
I. Un abbé « fort célèbre », dit Abelly-
- 36 -
■pagnie, qui travaille pour V instruction et -pour l'édification des
pauvres de la campagne. En vérité, je ne crois pas qtVil y ait
rien en V Église de Dieu de plus édifiant ni de plus digne de
ceux qui portent le caractère et Vordrede Jésus-Christ. Il faut
prier Dieu qtûil donne Vinfusion de son esprit de persévérance
à un dessein si avantageux pour le bien des âmes, à quoi bien
peu de ceux qui sont dédiés au service de Dieu s'appliquent
comme il faut.
21. — LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT
Monsieur,
Il y a environ trois semaines qu'étant chez Mademoiselle du
Fay, je trouvai ime occasion par laquelle je vous écrivis ; mais
je crains que mes lettres aient été perdues. Le principal sujet
était un avis que je vous demandais pour mon fils. Mais main-
tenant, Monsieur, je ne suis plus aux mêmes termes; car,
soit que Dieu ne le veuille pas tout présentement en la réso-
lution de se faire ecclésiastique, ou que le monde s'y soit
opposé, ses ferveurs sont de beaucoup diminuées ; et lui
trouvant un si grand changement en l'esprit, j'en ai parlé
librement à la Mère supérieure, qui m'a conseillé de le mettre
siinplement pensionnaire avec ces bons ecclésiastiques ', pour
les raisons que je vous dirai, si Dieu me fait la grâce de voir
votre retour, dont j'ai un grand besoin.
C ertainement votre absence ne me fut jamais plus sensible,
pour les besoins que j'ai eus depuis ; en quoi il faut que
f avoue ma faiblesse, vous assurant, mon Père, que, si Dieu
me fait la grâce me souvenir du passé, je n'aurai pas sujet de
7ne glorifier. Je demande force de l'aide de vos prières, pour
l'amour de Dieu, et vous remercie très humblement de la peine
que vous avez prise de ■ïn' écrire et des témoignages de l'hon-
neur de votre souvenir. Je ne le mérite pas, et Dieu est bien
bon de me souffrir. Or, mon très cher Père, offrez ma volonté
à la miséricorde divitte, car je veux, moyennant sa sainte
grâce, me convertir et m,e dire véritablement. Monsieur, votre
très humble servante et indigne fille en Notre-Seigneur.
L. DE MaRILLAC.
Ce ij janvier 1628.
Mademoiselle du Fay est toujours dans ses infirmités cor-
Lettre 21. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Au séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
— 37 —
forelles et a fresque toujours été au Ut depuis quinze jours,
sans fièvre néanmoins ; elle désire bien votre retour. .
Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.
22. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je ne sais comme je m'étais imaginé, ces jours passés,
que vous étiez malade, si bien que je vous regardais
toujours en cet état. Or, béni soit Dieu de ce que votre
lettre m'a assuré du contraire !
Que vous dirai- je maintenant de votre âls, sinon que,
comme il ne fallait pas se beaucoup assurer sur le
sentiment qu'il avait de la communauté S qu'aussi il ne
faut pas se mettre en peine pour le dissentiment qu'il
en a maintenant ? Laissez-le donc et le livrez entière-
ment au vouloir et non-vouloir de Notre-Seigneur. Il
n'appartient qu'à lui à diriger ces petites et tendres
âmes. Il y a aussi plus d'intérêt que vous, pource qu'il lui
appartient plus qu'à vous. Lorsque j'aurai le bonheur
de vous voir, ou plus de loisir qu'à présent de vous
écrire, je vous dirai la pensée que j'eus ujt jour et que
je dis à Madame de Chantai sur ce su^iet, dont elle
fut consolée et délivrée, par la miséricorde de Dieu,
de quelque peine semblable à celle que vous pouvez
avoir ^. A notre première vue donc ; et si votre autre peine
vous peine, écrivez-le-moi, je vous ferai réponse.
Lettre 22. — L. a. — Original chez les Filles de la Charité de la
rue des Bernardins, 15, à Paris, qui le tiennent de M. Duby, ancien
curé de la paroisse. Il aurait appartenu autrefois aux religieux de
l'abbaye de Saint-Victor.
1. Le séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
2. Celse-Bénigne, fils de sainte Chantai, mort le 22 iuillet 1627,
- 38 -
Disposez-vous cependant à faire une charité à deux
pauvres allés que nous avons jugé expédient qu'elles
sortent d'ici et lesquelles nous vous adresserons d'ici
à huit jours et vous prierons de les adresser à quelque
honnête recommanderesse qui leur trouve condition,
si vous ne connaissez quelque honnête dame qui en ait
besoin.
Nous aurons encore ici de l'emploi pour environ six
semaines ; et après cela, je serai tout à vous et à Made-
moiselle du Fay, laquelle je salue de toute l'étendue
de mon cœur, et prie bien Dieu que je vous trouve en
bonne disposition, qui suis, en l'amour de Notre-
Seigneur et de sa sainte Mère, Mademoiselle, votre très
humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Joigny 3, ce 17 janvier 1628.
23 — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai adressé une des filles dont je vous ai parlé \ à
notre bonne Mademoiselle du Fay, pource qu'elle y
a de la confiance, l'autre étant demeurée à Joigny et
s'étant mise en condition. Peut-être que madite demoi-
en combattant, dans l'île de Ré, contre les Anglais, fut, toute sa vie,
surtout par sa passion pour les duels, le tourment de sa mère.
3. Philippe-Emmanuel de Gondi, général des galères, était comte
de Joigny, où saint Vincent avait fondé sa troisième confrérie de la
Charité. (Abelly, of. cit., t. I, chap. x, i" éd., p. 47.)
Lettre 23. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir la lettre 22.
— 39 —
selle jugera à propos qu'elle demeure quelques jours,
en attendant, chez vous. Si cela est, je ne doute point
que votre charité ne s'y accorde et qu'elle n'agrée la
confiance avec laquelle j'agis avec vous.
Je ne vous dis rien de ce que vous m'avez écrit, pour-
ce que j'espère de vous voir pendant la fin de ce mois
et d'en parler bouche à bouche.
Que diriez-vous, ma chère fille, du département - qui
m'est tombé en notre mission, en l'une des terres de
Monsieur de Vincy ^ ? Certes, il me semble, confessant
ces bonnes gens, que je vois devant moi leur bonne
Mademoiselle *, qu'ils aiment tant. Ne pensant pas de
vous pouvoir écrire, je l'ai priée, par celle que je lui
écris, de vous prier de nous envoyer une douzaine de
chemises de toute sorte. Faites-le donc, Mademoiselle,
je vous en prie, et tenez-vous bien gaie, dans la dispo-
sition de vouloir tout ce que Dieu veut ^ Et pource
que son bon plaisir est que nous nous tenions toujours
en la sainte joie de son amour, tenons-nous-y et atta-
chons-nous-y inséparablement en ce monde, pour être
un jour une même chose en lui, en l'amour duquel je
suis, Alademoiselle, votre très humble et obéissant
servnteur.
Vincent Depaul.
De Villecien ^, ce g février 1628.
2. Département, part-
3. Antoine Hennequin, sieur de Vincy, prêtre, frère de Made-
moiselle du Fay, mort en 1645, après avoir été reçu dans la congré-
gation de la Mission. C'était un grand ami de saint Vincent.
4. Mademoiselle du Fay.
5. Le saint pensait sans doute aux inquiétudes qu'éprouvait Louise
de Marillac au sujet de la vocation de son fils. « Sovez gaie », c'est
le conseil qu'il ne cesse de lui donner. x
6. Petite localité près de Joigny.
4°
24. — A LOUISE DE MARILLAC
[Février 1628 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Ce petit nombre de lignes sera pour vous remercier
de ce que vous avez pris cette bonne fille chez vous,
des douze chemises que vous m'avez envoyées et pour
vous dire [que je m'en vas] ^ partir, pour m'en retourner
dans huit jours, Dieu aidant, et qu'alors nous parlerons
de toutes choses, disant cependant par avance à votre
cœur que je loue Dieu de ce qu'il s'est dégagé du trop
grand attachement qu'il avait pour le petit ' et de ce que
vous l'avez ajusté à la raison et que [maintenant] il n'y
a point danger, ains que vous ferez [selon] son incli-
nation et de lui donner la soutane *. Dieu veuille que
ce soit à sa gloire et au salut des âmes et qu'il vous
donne part à la sainte tranquillité de son esprit, étant,
en son amour, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
à Paris.
Lettre 24. — L. a. — Original chez les Filles de la Charité de la
rue Mage, n° 20, à Toulouse-
1. Cette lettre a suivi de peu de iours la lettre 23.
2. T^'original est mutilé ici et en deux autres endroits.
3. Le petit Michel.
4. Claude Lancelot, du Port-Royal, condisciple du petit Michel au
séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, dit dans ses Mémoires
{Mémoires touchant la vie de Monsieur de Saint-Cyran, Cologne,
1738, 2 vol. in-S», t. I, p. 3), avec quelque exagération peut-être, que
parmi les séminaristes de son temps pas un ne persévéra.
— 41 —
25. — LE COMMANDEUR DE SILLERY^ A SAINT VINCENT
[Entre 162^ et 1630 -.]
Monsieur mon Révérend et très cher Père,
Je ne doute -point que, connaissant, comme vous "faites, le
cœur de votre cliétif fils, que vous n'ayez voulu, far votre tant
aimable et si cordiale lettre, le remflir de tant de douceurs de
votre exubérante bo7ité, qu'encore qu'en matière de cordia-
lité il ne cède à personne, vous l'obligez néanmoins à vous
rendre les armes et à vous reconnaître, ainsi qu'il fait très vo-
lontiers e7i cela et en tout, four son maître et son suférieur. Et
de vrai, il faudrait être bien rude et bien agreste four ne fas
Lettre 25. — Abelly, of. cit., t. I, chap. xxxii, i" éd., p. 149.
Le texte d'Abelly doit être préféré, semble-t-il, à celui qu'on lit
dans la Vie de Villustre serviteur de Dieu Noël Brulart de Sillery,
Paris, 1843, in-i2, p. 30.
1. Noël Brulart de Sillery, chevalier de Malte et commandeur de
Troyes, est l'une des plus belles conquêtes de saint Vincent. Après
avoir rempli à la cour les plus hautes charges, après avoir été le
premier écuyer de la reine, puis son chevalier d'honneur, ambassa-
deur extraordinaire en Italie, en Espagne et plus tard à Rome auprès
des Papes Grégoire XV et Urbain VIII, il renonça à la vie publi-
que, quitta le magnifique hôtel de Sillery, vendit ce qu'il avait de
plus somptueux, licencia la plus grande partie de son personnel et
vint habiter une modeste maison près du premier monastère de la
Visitation. C'était sur la fin de l'année 1632. Saint Vincent, son
directeur, avait su opérer ce miracle. Quand il vit le commandeur
détaché de tous les biens du monde, il lui apprit à faire bon usage
de son immense fortune. Il le conduisit dans les prisons, les hôpi-
taux et l'initia à la charité sous toutes ses formes. Xoël Brulart de
Sillery prit la soutane en 1632 et reçut les ordres sacrés et la prêtrise
en 1634. Il dit sa première messe le jeudi saint 13 avril 1634 dans la
chapelle des sœurs de la Visitation. Sa vie de prêtre fut courte, mais
toute de charité. Il donna beaucoup aux congrégations religieuses,
plus particulièrement à la Visitation, aux prêtres de la 2\Iission, au
monastère de la Madeleine, aux jésuites et au Carmel. Il essaya sans
succès d'organiser un séminaire dans la maison du Temple à Paris.
Dieu le rappela à lui le 26 septembre 1640, à l'âge de soixante-trois
ans. Saint Vincent l'assista à ses derniers moments et fit lui-même la
cérémonie des obsèques. Cf. Vie de Villustre serviteur de Dieu Noël
Brulart de Sillery ; Histoire chronologique, t. I, pp. 290-307 ;
Contribution à PHistoire du monastère de la Visitation Sainte-Marie
du faubourg Saint-Antoine au XYII^ siècle, par Martin Fosseyeux,
dans le Bulletin de la Société de PHistoire de Paris et de Vlle-de-
France, 1910, pp. 184-202.
2. Le commandeur de Sillery était déjà sous la direction de saint
Vincent en 1630 ; d'autre part, sa conversion date de 1625.
— 42 —
fondre tout en dilectioii -pour une c'îiarité si amoureusemetit
exercée far un si digne et si débonnaire -père envers un fils
qui ne lui sert quà lui donner de la peine. Mais il riy a remède.
Je reçois humblement et volontiers la confusion de toutes les
pativretés et faiblesses que vous supportes en moi, après vous
en avoir, en toute révérence et soutnission, requis pardon. ] e
vous proinets bien, mon très cher Père, que c'est à bon escient
que j'ai bonne envie, moyennant la grâce de Notre-Seigneur,
de m'en amender. Oui certes, mon unique Père, il m'est avis
que je ne me suis jamais senti touché pour ce regard jusques au
point où je me trouve. Oh ! que si nous pouvons et venons à
travailler efficacement à un bon amendement de tant de misères
dont Votre Révérence sait que je suis rempli et efzvironné de
tous côtés, je suis assuré qu'elle en recevra des consolations
indicibles. Et quand ce bien n'arriverait pas si promptement ou
si notablement que votre piété le désire, je vous conjure, mon
bon Père, per viscera misericordiae Dei nostri in quibus visi-
tavit nos oriens ex alto ^, que votre bonté ne se lasse point et
ne veuille jamais délaisser ce pauvre fils; vous savez bien
qu'il serait sous une trop mauvaise conduite s'il demeurait
sous la sienne.
26. — AU PAPE URBAIN VIII
[Juin 1628 1.]
Sanctissimo Patri Papae nostro,
Supplicant humiliter Vincentius de Paulo, superior
3. Evangile de saint Luc, I, 78.
Lettre 26. — L. a. — Arch. de la Propagande, III, Lettere di
Francia, Avignone, Suizzera, 1628, n» 130, f° 31, original. Ce docu-
ment a été découvert, après de patientes recherches, par M. Jean
Parrang, prêtre de la Mission. Il est en parchemin et d'une écriture
fort belle, qui recouvre cinq grandes pages in-4°. Le nonce aposto-
lique en France envoya et recommanda cette supplique, le 21 juin
1628, au cardinal-préfet de la Propagande. Le 23 juillet, il transmit
à Mgr Ingoli, secrétaire de la même congrégation, deux lettres du
roi, l'une au Pape, l'autre à l'ambassadeur de France, M. de Bé-
thune, en faveur de la requête présentée par saint Vincent, et il
insista pour l'adoption. Ces recommandations n'aboutirent à rien.
La supplique fut rejetée par la Propagande dans la congrégation
tenue en présence du Pape le 22 août 1628, sur le rapport défavo-
rable fait par le cardinal Bentivoglio. Tout au plus se montrait-on
disposé à autoriser, pour la France seulement, une société de vingt à
vingt-cinq prêtres, qui ne porterait ni le titre de congrégation, ni
celui de confrérie et serait sous la dépendance des évêques-
I. Voir la note générale.
— 43 —
sacerdotum Missionis Lutetiae Parisiorum fundatae, et
magister Ludovicus Callon, doctor Sorbonicus ^, Anto-
nius Portail ', Franciscus du Coudray, Joannes de la
2. Au dire du R. P. Placide Gallemant {La vie du vénérable -pres-
ire de J.-C. M. Jacques Gallemant, Paris, 1653, in-4^', p. 231), Louis
Callon, docteur de Sorbonne, était de ces hommes « en qui la sain-
teté, la science, le zèle et la simplicité avaient fait une belle al-
liance ». A ces dons s'ajoutaient ceux de la fortune, car ses parents
lui avaient laissé de cinquante à soixante mille livres, somme im-
portante pour l'époque. Il abandonna la cure d'Aumale, son pays
natal, pour entrer en juillet 1626 dans la congrégation de la Mis-
sion. Après un séjour d'assez courte durée au collège des Bons-En-
fants, il revint à Aumale, du consentement de saint Vincent, qui
continua de le regarder comme un des siens. Le bien qu'il y fit est
considérable. Il fonda un collège dans sa maison paternelle, acheta
une maison pour l'école des filles, vint en aide à l'église paroissiale,
à l'hôpital, au couvent des religieux pénitents. Les Feuillants de
Rouen et d'autres communautés bénéficièrent également de ses lar-
gesses. Le 23 août 1629, il remettait 4.000 livres à saint Vincent
pour une fondation de missions qui devaient se donner tous les deux
ans par deux prêtres de la congrégation dans le diocèse de Rouen et
plus spécialement dans le doyenné d'Aumale. Il prêcha lui-même
dans les diocèses de Rouen, Paris, Meaux, Chartres et Senlis. Au
milieu de ses travaux, il trouva le temps d'écrire divers ouvrages de
piété, entre autres un Traité four la fréfaraiion à la sainte com-
?nunio>i, Rouen, et Le catéchisme de la chasteté honorable, Paris,
1639. Sentant sa fin prochaine, il quitta Rouen pour aller mourir à
Saint-Lazare ; mais le mal l'empêcha de dépasser Vernon, où il
s'éteignit, le 26 août 1647, dans le couvent des religieux du Tiers-
Ordre de Saint-François. Le R. P. Placide Gallemant, son ami, lui
a consacré quelques pages de son livre sur Jacques Gallemant. [Of-
cit., pp. 319-328.)
3. Antoine Portail, né à Beaucaire, le 22 novembre 1590, vint à
Paris pour étudier en Sorbonne. Il y connut saint Vincent vers 161 2
et s'attacha à lui. Du jour de son ordination (1622) à celui de sa
mort (1660), il fut l'auxiliaire du saint, qui remplo3'a d'abord au
service des galériens, le reçut avant tout autre dans sa nouvelle con-
grégation, l'initia au ministère des missions et à l'œuvre des ordi-
nands, le choisit comme premier assistant en 1642 et lui donna la
direction des Filles de la Charité. Antoine Portail quitta Paris en
1646 pour faire la visite des maisons de sa congrégation ; il com-
mença par l'ouest de la France, puis descendit dans le midi, passa
en Italie et ne fut de retour à Saint-Lazare qu'en septembre 164g.
Sauf une assez longue absence en 1655, il ne quitta presque plus la
maison-mère. On lui doit une nouvelle édition des Méditations de
Busée, qu'il remania et augmenta considérablement. La mort l'enleva
le 14 février 1660, après une maladie de neuf jours. [Notices sur les
■prêtres, clercs et frères défunts de la Congrégation de la Mission,
Paris, 1881-1911, 10 vol. in-8° en 2 séries, 1" série, t. I, pp. 1-94)
— 44 —
Salle, Joannes Bécu ^ Antonius Lucas ^, Josephus Bru-
net ^, Joannes Dehorgny ', dioecesum Aquensis, Rotho-
magensis, Arelatensis, Ambianensis, Parisiensis, Claro-
montensis, Noviomensis, innuentes supranominati sup-
plicantes quod, cum dominus Philippus Emmanuel de
Gondy, cornes Juniocensis, marquio Insularum Aurea-
rum, eques torquatus utriusque ordinis *, Régis a con-
4. Jean Bécu était de Braches (Somme), où il naquit le 24 avril
1592. Il fut ordonné prêtre en septembre 1616 et vint, en septembre
1626, se joindre aux premiers compagnons de saint Vincent. Deux
de ses frères, Benoît et Hubert, le suivirent dans la congrégation,
ce dernier à titre de frère coadjuteur, et une de ses sœurs entra
chez les Filles de la Charité. La direction de la maison de Toul lui
fut confiée de 1642 à 1646. De retour à Paris, il y passa le reste de
sa vie. Il mourut le 19 janvier 1667, après avoir exercé les charges
de vice-visiteur, puis de visiteur de la province de France. [A^otices,
t. I, pp. 125-133.)
5. Antoine Lucas, né à Paris le 20 ianvier 1600, avait fait de for-
tes études en Sorbonne. Il entra dans la congrégation de la Mis-
sion en décembre 1626 et fut ordonné prêtre en septembre 1628. Son
zèle, son talent pour la prédication, son habileté dans les controverses
le firent apprécier du P. de Condren et de Jean-Jacques Olier, qui
le demanda un jour à saint Vincent pour son instruction personnelle
et la conversion d'un hérétique. Antoine Lucas était de la maison de
La Rose en 1645. Il dirigea l'établissement du Mans de 1647 ^ ^^5^
et fut ensuite placé à Sedan.
6. Jean-Joseph Brunet naquit à Riom en 1597, s'unit aux compa-
gnons de saint Vincent en 1627, donna des missions dans le Bordelais,
fut placé à Alet, à Gênes et à Marseille, où il mourut le 6 août
1649, victime de son dévouement pour les pestiférés. (Notices, t. I,
pp. 147-15*-)
7. Jean Dehorgny, d'Estrées-Saint-Denis (Oise), entra dans la
congrégation de la Mission au mois d'août 1627 et fut ordonné prê-
tre le 22 avril 1628. En 1632, quand saint Vincent s'établit à Saint-
Lazare, Jean Dehorgny prit la direction du collège des Bons-Enfants,
charge qu'il remplit jusqu'en 1635 et qu'il reprit de 1638 à 1643 ^^ ^^
1654 à 1659. Il fut de 1642 à 1644 et de 1654 à 1667 assistant du
supérieur général, de 1644 à 1647 ^t de 165 1 à 1653 supérieur de
l'établissement de Rome, de 1660 à 1667 directeur des Filles de la
Charité. En 1640, 1641, 1643, 1644, 1659 et r66o, il visita plusieurs
maisons de la compagnie et rétablit le bon ordre partout où il en
était besoin. Sa sympathie pour les idées jansénistes nous vaut deux
belles lettres de saint Vincent, qui eut la joie de le voir revenir à
des idées plus saines. Il vécut jusqu'au 7 juillet 1667. On a de lui
vingt-trois conférences aux Filles de la Charité et plusieurs lettres.
(Notices, t. I, pp. 153-220.)
8. Les ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit.
— 45 —
siliis, dux quinquaginta cataphractorum mihtum, mari
gallicane in Oriente praepositus et generalis regiarum
triremium praefectus, modo congregationi Oratorii Jesu
in dicta urbe Parisiensi aggregatus, ab aliquot annis
attentiiis considerasset, cum defuncta domina Fran-
cisca Margarita de Silly, tune temporis ejus uxore, ba-
rona Montis-Mirabilis,Trosnay et aliorum locorum,
cum dicto Vincentio de Paulo, tune eorum eleemosyna-
rio et supradictae dominae confessore, urbium incolas
omni auxilio spirituali suffi-cienter juvari celebrium doc-
torum et proborum religiosorum beneficio qui in iisdem
urbibus passim habitant, solum populum rure degentem,
ignorantia et paupertate oppressum, iisdem auxiliis des-
titui quibus alii in urbibus abundant, proptereaque
eumdem populum in perpétua mysteriorum fidei ad sa-
lutem necessariorum ignorantia ad senectutem usque
remanere, sicque misère in peccatis adolescentiae saepe
decedere, quae, nimio pudore praepediti, apud paro-
chos aut vicarios, utpote sibi notos et f amiliares, non au-
dent deponere, existimaverunt supradicti huic tam ur-
genti malo remedium aliquod adhiberi posse missionum
beneficio, quae tune in oppidis et pagis intra eorum
dominia contentis factae sunt a supplicante Vincentio
de Paulo et aliis ecclesiasticis probatis, doctrina et mo-
rum integritate conspicuis, autoritate Reverendissimo-
rum Dominorum Episcoporum eorum locorum : quod
adeo féliciter successit ut, cognito et praesentia sua com-
probato fructu et emolumento quod inde ad gloriam
omnipotentis Dei redundaret ex confessionibus gêner a-
libus de intégra vita quas multa oppida et pagi inte-
gri amplexi sunt, emendatione vitae et meliore fruge
plurimorum, imo etiam aliquorum haereticorum in si-
num sanctae Romanae Ecclesiae receptorum conversione,
supramemoratus dominus et domina hoc pium opus mis-
- 46 -
sionum perpetuum reddere decreverunt ; quod fecerunt
eleemosyna, anno Domini millesimo sexcentesimo vigc-
simo quinto erogata, quadraginta quinque millium
francorum, in sustentationem et alimoniam aliquot ec-
clesiasticorum, qui, prius relictis omnibus beneûciis et
officiis quae in urbibus haberent, imo et spe ad il la in
posterum obtinenda deposita, simul habitare et in con-
gregatione \ivere decrevissent et in salutem pauperis
populi rusticani ex professe incumbere vellent sub di-
rectione dicti Vincentii de Paulo, supplicantis ; qua fun-
datione a Reverendissimo Domino Archiepiscopo Pari-
siens! approbata et confirmata, nominatus Vincentius de
Paulo, ab eodem Domino Archiepiscopo constitutus su-
perior, associavit et aggregavit sibi supramemoratos ;
qui presbyteri ', ut f acilius et utilius possint saluti pau-
perum rusticanorum incumbere, relictis beneûciis quibus
quidam illorum gaudebant, et aliis conditionibus in qui-
bus alii in urbibus occupabantur, simul congregati sunt,
et, societatem conficientes, in ea vivunt sub titulo et no-
mine Sacerdotuni Missionis aut Missionarioruni et sub
directione et correctione dicti Vincentii de Paulo, toti
incumbentes in salutem populi rure commorantis, quem
propterea adeunt, ab oppido ad oppidum, a pago in
pagimi transeuntes, conciones, exhortationes habent ad
populum, edocent unumquemque, et publiée et privatim,
catechismum, mysteria fidei ad salutem necessaria, quae
ut plurimum penitus ignorantur, ad confessiones géné-
rales de tota vita disponunt easque excipiunt, haeretico-
rum conversionem procurant, terminant lites et dissidia,
inimicitias et odia conciliant, confratemitatem Charita-
tis erectam ad subveniendum saluti corporis et animae
pauperum morbo detentorum, ubi nécessitas expetit,
9. Tous les signataires de cette supplique étaient prêtres, sauf
Antoine Lucas, qui le devint trois mois après.
— 47 —
instituant ; liaecque omnia pia opéra jam exercent non
modo in pagis et oppidis ad dommum et dominam fun-
datores pertmentibus, quae loca singulis quinquenniis
adiré ibique praedicta officia exercera tenentur, verum
etiam in multis aiiis partibus et dioecesibus huius re-
gni Franciae felici successu laboraverunt, adjuvante Dei
gratia, ut in archiepiscopatu Senonensi, in dioecesibus
Catalonensi, in Campania, Trecensi, Suessonensi, Bello-
vacensi, Ambianensi et Camutensi, semper cum magna
satisfactione Reverendissimorum Dominorum Archi-
episcoporum et Episcoporum dictorum locorum, cum sa-
lute miseri populi et incredibili omnium aedi&catione.
Quae omnia pia opéra semper suscipiunt sumptibus et
impensis dictae congregationis, quae nullam laborum
suorum mercedem aut compensationem temporalem re-
cipit aut expectat.
Propter dictas causas, Sanctissime Pater, et quia per-
petuitas hujus pii operis ad salutem et conversionem
proximi plurimum conferre potest, placeat Sanctitati
Vestrae approbare et conârmare dictam congregatio-
nem et, in quantum opus est, de novo erigere, Vestram
benedictionem supra illam extendere dictumque Vincen-
tium instituere in institutorem praepositum generalem
dictorum sacerdotum, necnon et aliorum ad societatem
eorum promoveri cupientium et reliquorum ad familiaria
officia necessariorum ^° dictae congregationis Missionis
nuncupatae, qui simul et in societate religiose vivere et
in humilitatis spiritu et piae vitae studiis Altissimo fa-
mulatum exhibere et impendere voluerint, quorum prin-
cipale ac praecipuum institutum erit propriae perfec-
tioni et incolarum rure degentium totaliter incumbere,
cum plena et omnimoda facultate, potestate et auctori-
lo. Ces mots s'entendent des frères coadjuteurs ; il n'y avait alors
dans la compagnie que 'es frères Jean Jourdain et Hector.
- 48 —
tate eidem Vincentio jampridem per dominum Archiepis-
copum Parisiensem ad id assumpto et a dominis fun-
datoribus summopere desiderato, ut praedictam congre-
gationem hujusmodi tam in civitate Parisiensi quam in
omnibus aliis civitatibus, oppidis, terris et locis ad
quae a locorum Episcopis vocatus f uerit, et non alias, ins-
tituendi ", ac demum pro felici statu et directione per-
sonarum ac bonorum spiritualium et temporalium ejus-
dem congregationis seu congregationum sic erigenda-
rum, tum circa receptionem et admissionem, numerum,
aetatem et qualitates in ipsa congregatione recipien-
dorum et admittendorum, eorumque instructionem et
disciplinam, exercitia, ac modum ac formam divinorum
officiorura, precum et orationum aliorumque suffragio-
rum recitandorum, et alia ipsis congregationibus uti-
lia atque necessaria, quaecumque statuta, ordinationes,
alia ipsis congregationibus et capitula licita et honesta
sacrisque canonibus et constitutionibus apostolicis nec-
non Concilii Tridentini decretis minime contraria, a
Sancta Sede Apostolica postmodum approbanda, con-
firmanda ac per ipsarum congregationum praepositum,
presbyteros, officiales, ministres et coadjutores, sub poe-
nis apponendis, adimplenda et observanda, faciendi,
edendi et condendi, factaque, édita et condita, quoties
pro illorum ac rerum et temporum qualitate et vicis-
situdme, seu alias videbitur, corrigendi, limitandi, im-
mutandi, alterandi ac etiam alia, ut praefertur, adim-
plenda et observanda, ex integro faciendi et condendi,
aliaque omnia et singula similium congregationum, nec-
non quorumcumque ordinum approbatorum constituto-
ribus aut aliis superioribus etiam generalibus, de jure
vel consuetudine, sive ex privilegio, aut alias quomodo-
II. La con;^régation de la Mission n'avait alors d'autre établisse-
ment que le collège des Bons-Enfants.
— 49 —
cumque ûeri et exsequi solita, faciendi et exequendi,
dicta auctoritate deputare et assumere ;
Omnesque alias ad instar supradictae canonice eri-
gendas congregationes quas ab ea Parisiensi et a dicto
praeposito generali quocumque locorum stabilitae fue-
rint, in omnibus dependere plaçeat Sanctitati Vestrae,
ex nunc prout postquam auctoritate praedicta erectae
fuerint, eisdem auctoritate et tenore perpetuo appro-
bare et con&rmare ;
Dictosque praepositum, presbyteros et quascumque
personas dictae congregationis liberare a jurisdictione
suorum Ordinariorum et a Sancta Sede Apostolica de-
pendere placeat Sanctitati Vestrae, ita tamen ut dictae
personae obedire teneantur Reverendissimis Dominis
Episcopis et Dioecesanis suae residentiae circa missio-
nes, etiam pergere quocumque et ad quoscumque eos
mittent, absque ulla excusatione super quovis praetextu
lundata, excepta indispositione corporis aut nimio la-
bore praecedente, qui aliquam quietem ad resumendas
novas vires requiret ;
Et postremo eisdem congregationibus, ex nunc prout
etiam postquam institutae et erectae fuerint, ut praefer-
tur, pro illarum dote ac dicti Vincentii, necnon praepo-
siti generalis et presbyterorum eorumdem pro tempore
existentium sustentatione onerumque illis incumbentium
supportatione, omnia et singula, res, bona, fructus, re-
ditus et legata jam facta et facienda tam per dictum
dominum Gondium et dominam Franciscam Marga-
ritam de Silly, fundatores, quam alios quoscumque
christifideles dictis congregationibus quomodolibet re-
linquenda, donanda et elargienda, ita quod liceat dicto
Vincentio vel alii praeposito generali et presbyteris dic-
tarum congregationum pro tempore existentibus, illo-
rum omnium corporalem, realem et actualem posses-
— 5° —
sionem, per se vel per alium seu alios, dictarum congre-
gationum nomine, libère apprehendere et perpétue reti-
nere, fructus quoque, reditus et proventus, jura, obven-
tiones et emolumenta quaecumque eorumdem percipere,
exigere, levare, recuperare ac in dictarum congregationum
usus et utilitatem convertere, Dioecesani loci vel cujusvis
alterius licentia desuper minime requisita, et etiam per-
pétue applicare.
Et ad augendam fidelium devotionem animarumque
saluti consulendum, et ut christifideles ad hujus Insti-
tuti exercitium animentur atque mnitentur, supplicanl
Sanctitatem Vestram dicti oratores ut placeat illis con-
cedere omnes facultates quas solita est concedere reli-
giosis et sacerdotibus saecularibus quos Sua Sanctitas
mittit in Missiones in partes inûdelium :
Scilicet potestatem apostolicam concionandi, cate-
chisandi, excipiendi confessiones, instituendi confrater-
nitatem Charitatis ubique locorum, semper sub benepla-
cito Reverendissimorum Dominorum Episcoporum ;
Potestatem absolvendi ab omnibus censuris ecclesias-
ticis et dispensandi de irregularitatibus occultis, com-
mutandi vota et absolvendi ab omnibus casibus Vestrae
Sanctitati reservatis etiam in Bulla Coenae Domini ;
Potestatem quoque dictis missionariis legendi libros
haereticorum et absolvendi ab haeresi, applicandi ple-
nariam induilgentiam omnibus qui instituunt confes-
siones générales iisdem missionariis et aliis ecclesias-
ticis qui ad missiones ab illis assumentur ;
Instituendi orationem quadraginta horarum in locis
in quibus expedire credent, et applicandi plenariam
indulgentiam iis qui, ea durante, confitebuntur et sa-
cram Eucharistiam sument ;
Célébra ndi sacrum Missae sacrificium super altaria
portatilia, celebrandi etiam hora ante auroram et post
meridiem ;
— 51 —
Moderandi et remittendi restitutiones débitas propter
incursam simoniam ;
Benedicendi omamenta Ecclesiae.
L. Gallon, F. du Coudray, A. Portail, J. de la Salle,
J. Bécu, A. Lucas, J. Brunet, J. Dehorgny, Vincent De-
paul ^~.
27. — A LOUISE DE MARILLAC
Oui enfin, ma chère demoiselle, je le veux bien. Pour-
quoi non ? puisque Notre-Seigneur vous a donné ce
saint sentiment. Communiez donc demain et vous pré-
parez à la salutaire revue que vous vous proposez, et
après cela vous commencerez les saints exercices ^ que
vous vous êtes ordonnés. Je ne saurais vous exprimer
combien mon cœur désire ardemment voir le vôtre pour
12. Le personnel de la congrégation naissante comprenait encore
Jacques Régnier, reçu au mois d'août 1627 et ordonné prêtre en 1631,
deux frères coadjuteurs et peut-être Robert de Sergis, re^u au mois
de juin 1628. Jacques Régnier ne signa pas la supplique, très proba-
blement parce qu'il n'était pas encore prêtre, ni sur le point de le
devenir. — Nous nous contenterons de donner la traduction de la sup-
plique du r"^"" août, qui ne diffère de celle-ci que par deux courtes
additions et des modifications de pure forme.
Lettre 27. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
Cette lettre est tout entière reproduite par Abelly, qui la fait pré-
céder de ces mots : « Cette fidèle servante de Jésus-Christ se sentit
fortement touchée en ses oraisons de s'adonner au service des pau-
vres ; sur quoi ayant demandé l'avis de M. Vincent, il lui fit cette
réponse. » (Op. cit., t. I, chap. xxni, p. 105.)
Mgr Baunard [La Vénérable Louise de Marillac, Paris, 1898,
in-8°, p. 43, note i) pense qu'Abelly se trompe. La lettre serait, d'a-
près lui, un simple encouragement aux exercices d'une retraite, que de-
vait accompagner une conf esnon générale. Nous sommes plutôt de l'avis
d'Abelly. S'il n'y avait eu en Louise de Marillac que le désir de
faire une retraite et une revue de sa vie, saint Vincent ne lui aurait
pas répondu : a Je ne saurais vous exprimer combien mon cœur dé-
sire ardemment voir le vôtre pour savoir comme cela s'est passé en
lui » et « Oh ! quel arbre vous avez paru aujourd'hui aux yeux de
Dieu, puisque vous avez produit un tel fruit ! » Il s'agit, semble-
t-il, d'une grave résolution que venait de prendre Louise de Marillac.
L'explication d'Abelly est plus naturelle ; nous l'adoptons.
I. Les exercices de la retraite.
— 52 —
savoir comme cela s'est passé en lui, mais je m'en
veux bien mortifier, pour l'amour de Dieu, auquel seul
je désire que le vôtre soit occupé.
Or sus, je m'imagine que les paroles de l'Evangile
de ce jour ^ vous ont fort touchée. Aussi sont-elles pres-
santes au cœur aimant d'un parfait amour. Oh ! quel
arbre vous avez paru aujourd'hui aux yeux de Dieu,
puisque vous avez produit un tel fruit ! A jamais
puissiez-vous être un bel arbre de vie produisant des
fruits d'amour, et moi, en ce même amour, votre ser-
viteur.
V. D.
28. — AU PAPE URBAIN VIII
Sanctissimo Patri Nostro Papae.
Supplicant humiliter... et supradictae dominae con-
2. Cette lettre a été écrite le septième dimanche de la Pentecôte,
car c'est ce jour-là qu'on lit, à la messe, l'évangile du bon et du mau-
vais arbre. D'autre part, on peut conjecturer que Louise de Marillac
prit la résolution de se consacrer au service des pauvres avant de se
donner à saint Vincent pour la visite des confréries de la Charité,
par conséquent avant le 6 mai 162c). Ces deux remarques nous por-
tent à penser que la lettre ci-dessus pourrait bien être du 30 juillet
1628.
Lettre 28. — L. s. — Arch. de la Propagande, III, Letiere
di Francia, Avignone e Suizzera, 1628, no 130, f° 36, ancien 60,
original sur parchemin. Nous devons encore la découverte de ce do-
cument à M. Jean Parrang. Tandis qu'on étudiait sa première sup-
plique à Rome, saint Vincent, profitant peut-être des avis de per-
sonnes doctes et amies, la revoyait et la corrigeait. Si l'on excepte
deux additions, que nous signalerons en leur place, le nouveau texte
ne diffère du précédent que par des modifications de pure forme.
Le nonce l'envoya, le 15 août 1628, au cardinal-préfet de la Propa-
gande, avec une lettre de recommandation. Les raisons données par
cette congrégation, le 22 août, pour le rejet de la précédente requête
atteignaient celle-ci. Aussi saint Vincent apprit-il sans étonneraent
qu'elle était rejetée à son tour. D'après une note, le jugement fut
rendu le 25 septembre. Si le procès-verbal de la réunion tenue ce
jour-là n'en fait pas mention, cela tient probablement à ce qu'il n'y
eut pas de délibération sur ce sujet, la seconde demande étant vir-
tuellement repoussée par les considérants de la décision prise contre
— 53 —
fessario, urbium incolas omni auxilio spirituali cele-
brium doctorum proborumque religiosorum qui in
iisdem civitatibus morantur, suffi.cienter adjuvari,
solum populum rure degentem ignorantia et paupertate
oppressum iisdem auxiliis quibus alii in urbibus abun-
dant, destitui, proptereaque eumdem populum... depo-
nere non audent ; huic tam ingenti malo remedium
aliquod adhiberi posse arbitrati sunt supranominati,
si missiones quae tune in oppidis et pagis intra eorum
dominia contentis a dicto Vincentio cum aliis ecclesias-
ticis probitate et doctrina conspicuis factae sunt, sub
beneplacito et obtenta facultate a Reverendissimis DD.
ipsorum locorum Episcopis, continuarentur. Quod adeo
féliciter, cognito et praesentia sua comprobato fructu
et emolumento ad gloriam Omnipotentis Dei emergenti
ex confessionibus gênerai ibus de intégra vita, quas
multa oppida et pagi integri amplexi sunt, cum emen-
datione vitae et meliore fruge in posterum, imo etiam
conversione quorumdam haereticorum, successit, ut su-
pramemorati domini Emmanuel et Francisca, hoc pium
opus missionum perpetuum reddere cupientes, eleemo-
synam quadraginta quinque [millium] francorum in sus-
tentationem et alimoniam aliquot sacerdotum, qui,
relictis gradibus et ecclesiasticis quae in urbibus haberi
soient offi-ciis, imo spe ad illa in posterum rejecta, simul
habitare, necnon in congregatione vivere salutique pau-
peris populi rusticani ex professo incumbere vellent,
la première. Saint Vincent n'était pas homme à se décourager. Il
attendit, réfléchit, prépara une autre requête, que nous n'avons plus,
fit agir des personnages influents et obtint enfin, le 12 janvier 1632,
tout ce qu'il souhaitait, et plus encore, car il ne pensait pas que le
Souverain Pontife déclarerait son Institut très agréable à Dieu, très
utile et même nécessaire aux hommes, Deo acceftissimum, hominibus
utilissitmcm -prorsusque necessarium. ( Bulle Salvatoris Nostri.)
Nous avons jugé inutile de reproduire les passages communs
avec la supplique de juin (lettre 26), le lecteur pouvant facilement
se référer à celle-ci pour les parties omises.
— 54 —
sub directione dicti Vincentii de Paulo supplicantis,
largiti sint, anno Dommi millesimo sexœntesimo vige-
simo quinto.
Qua fundatione a Reverendissimo D. Domino Ar-
chiepiscopo Parisiensi approbata et confirmata, supra-
dictus Vincentius de Paulo, ab eodem superior consti-
tutus, associavit et aggregavit sibi supramemoratos
sacerdotes, qui, ut facilius utiliusque bono animarum
ruri degentium intendere valerent, prius relictis bene-
ficiis quibus quidam illorum fruebantur et aliis condi-
tionibus quarum munere fungentes in urbibus retine-
bantur, simul congregati sunt in societatem sacerdotum
Missionis aut Missionariorum sic nuncupatorum, in qua
vivunt sub directione dicti Vincentii de Paulo, toti
incumbentes in salutem populi ruri commorantis ; quo
se conferunt de oppido in oppidum, de pago in pagum
transeuntes, et, conciones exhortationesque ad populum
habendo, edocent unumquemque, publice et privatim
catechisando, circa mysteria fidei ad salutem necessaria...
terminant lites, odia sedant, dissidia et inimicitias
conciliant, confraternitatem Charitatis ad subveniendum
saluti corporis et animae pauperum morbo detentorum,
ubi nécessitas expetit, instituunt ; haecque omnia pia
opéra jam non modo in pagis et oppidis ad dominum
et dominam fundatores pertinentibus quae loca singulis
quinquenniis adiré, ibique praedicta ofûcia exercere
tenentur, verum etiam in multis aliis partibus hujus
regni Franciae felici successu exercent, adjuvante Dei
gratia, ut in archiepiscopatibus Parisiensi et Senonensi,
in dioecesibus Catalaunensi... et incredibili omnium satis-
factione ; quae omnia pia opéra semper suscipiunt sump-
tibus et impensis dictae congregationis, quae nullam
laborum suorum mercedem et compensationem tempc-
ralem recipit aut expectat.
— 55 —
Quapropter, Sanctissime Pater, et quia perpetuitas
hujus pii operis ad salutem et conversionem proximi
multum conferre videtur, placeat Sanctitati Vestrae...
propriae perfectioni et saluti incolarum ruri degentium
totaliter incumbere, eundo de pago in pagum, illicque
concionando, catechisando, ad anteactae totius vitae con-
scientiae onus deponendum inducere, poenitentium con-
fessionem generalem excipere, parvulos ad sacrosanctae
synaxis primam susceptionem dignanter instruere, nec-
non, ut necessitati pauperum aegrotantium subveniatur,
confraternitatem Charitatis instituere, et hoc gratis, nec
susceptis directe aut indirecte muneribus ^ : cum plena
et omnimoda facultate... summopere expedito, praedic-
tam congregationem hujusmodi... personarum et bono-
rum spiritualium et temporalium... tum circa admis-
sionem, numerum, aetatem... instructionem et disciplinam,
correctionem, exercitia, modum et formam divinorum
officiorum... et alia ipsis congregationibus utilia atque
necessaria, quaecumque statuta, ordinationes et capitula
licita et honesta... Omnesque alias ad instar supradictae
canonice erigendas congregationes ab ipsa Parisiens!
et a dicto praeposito generali... Dictosque praepositum,
presbytères et quascumque personas dictae congrega-
tionis a jurisdictione suorum Ordinariorum liberare,
a Sancta Sede Apostolica dependere placeat Sanctitati
Vestrae ; ita nihilominus ut dictae personae Reverendis-
simis Dominis Episcopis et Dioecesanis suae residentiae
circa missiones obedire teneantur, etiam quocumque et
ad quoscumque eos mittent... novas vires requiret, reser-
vata tamen electione mittendorum ipsorum presbytero-
rum superiori domus necnon reservata praeposito dictae
congregationis potestate instituendi superiores et offi-
I. Ces huit lignes, de eundo de fago à muneribus manquent dans
la supplique de iuin.
- 56 -
ciales in aliis etiam congregationibus erigendis eosque
deponendi, inhabiles vero ab ipsis congregationibus
expellendi, itemque dictos presbyteros et alios transfe-
rendi de una domo in aliam, sicut et accersendi eos
quocumque in loco aut quacumque in domo fuerint, si
mandatum Vestrae Sanctitatis ad aliquam Missionem
aut nécessitas quaedam istud postulaverit ^.
Et postremo eisdem congregationibus, ex nunc prout
postquam institutae et erectae fuerint... tam per dictum
dominum Gondium et dictam dominam Franciscam
Margaritam de Silly, fundatores... ita quod dicto Vin-
centio... libère apprehendere liceat et perpetuo retinere...
vel cujusvis alterius licentia minime requisita, et etiam
perpetuo applicare.
Et ad augendam fidelium devotionem animarumque
saluti consulendum, utque christifideles... dicti oratores
ut sibi placeat illis elargiri omnes facultates quas solita
est concedere religiosis et sacerdotibus saecularibus quos
Sua Sanctitas ad partes Infidelium in missionem mittit :
Potestatem Apostolicam scilicet concionandi, catc-
chisandi, excipiendi confessiones, confraternitatem Cha-
ritatis ubique locorum instituendi, semper tamen sub
beneplacito Reverendissimorum DD. Episcoporum ;
Absolvendi ab omnibus censuris ecclesiasticis et dis-
pensandi de irregularitatibus occultis, commutandi vota
et absolvendi ab omnibus casibus Vestrae Sanctitati
etiam in Bulla Cœnae Domini reservatis ;
Disputandi contra haereticos, conversos ab haeresi
absolvendi, eorum libros legendi, applicandi plenanam
indulgentiam omnibus confessionem generalem facien-
tibus, idque non modo missionariis, sed etiam ecclesias-
2. Ce passage, depuis reservata iameti eleciione, est spécial à cette
seconde supplique ; il en est vraisemblablement l'unique raison
d'être, les autres changements étant tous de peu d'importance.
— 57 —
ticis qui ad missiones ab il lis in casu necessitatis assu-
muntur ;
Instituendi orationem quadraginta horarum... ;
Sacrum Missae sacriûcium super altaria portatilia
celebrandi, etiam ante auroram et post meridiem ;
Moderandi et remittendi restitutiones débitas propter
incursam simoniam ;
Benedicendi ornamenta Ecclesiae.
J. DE LA Salle, J. Becu, du Coudray, A. Portail,
Callon, t. Dehorgny, j. Brunet, a. Lucas, Vin-
cent Depaul.
Datum Parisiis, in collegio Bonorum-Puerorum, prima
die augusti, Domini anno millésime sexceîitesimo vige-
simo-octavo.
TRADUCTION
A notre très Saint Père le Pape,
Vincent de Paul, supérieur des prêtres de la Mission fondée
à Paris, maître Louis Callon, docteur en Sorbonne, Antoine
Portail, François du Coudray, Jean de la Salle, Jean Bécu,
Antoine Lucas, Joseph Brunet et Jean Dehorgny, des diocèses
de Dax, Rouen, Arles, Amiens, Paris, Clermont et Noyon,
présentent leurs humbles supplications et exposent les faits
suivants :
Philippe-Emmanuel de Gondi, comte de Joigny, marquis des
îles d'Or, chevalier des deux ordres, conseiller du roi, capi-
taine de cinquante hommes d'armes, lieutenant général pour
le roi de France es mers du Levant, intendant général des ga-
lères royales, reçu récemment dans la congrégation de l'Ora-
toire de Jésus en la ville de Paris, et feu dame Françoise-
Marguerite de Silly, alors son épouse, baronne de Montmi-
rail, Trosnay et autres lieux, ayant considéré attentivement
depuis plusieurs années avec ledit Vincent de Paul, alors leur
aumônier et confesseur de ladite dame, que les habitants des
villes étaient suffisamment pourvus de tout secours spirituel
par les docteurs distingués et les religieux de bonne vie éta-
blis en icelles, alors que les pauvres gens des champs, privés
- 58 -
de ces mêmes secours, si abondants dans les villes, restent
dans l'ignorance et la pauvreté, ignorant, jusque dans leur
vieillesse, les mystères de la foi nécessaires au salut, et malheu-
reusement meurent souvent dans les péchés de leur jeu-
nesse, pour avoir eu honte de les découvrir à des curés ou
à des vicaires qui leur sont connus et familiers ; ce considéré,
pour remédier à un si grand mal, les susnommés ont pensé
que les missions données jusqu'ici dans les bourgs et les villa-
ges situés sur leurs terres par ledit Vincent et d'autres ecclé-
siastiques connus pour leur probité et leur doctrine, sous le
bon plaisir et avec le consentement des Révérendissimes Sei-
gneurs évêques de ces mêmes lieux, devaient être continuées.
Grâce aux confessions générales, dont la pratique, répandue
en bien des bourgs et villages à la gloire de Dieu tout-puis-
sant, a provoqué le retour d'un grand nombre à la vertu et
m.ême la conversion de quelques hérétiques, et fait espérer
davantage pour l'avenir, les missions ont été couronnées de
tant de succès que lesdits seigneurs Emmanuel et Françoise, té-
moins de ces heureux fruits et désireux de perpétuer l'œuvre sa-
lutaire des missions, ont donné 45.000 francs en l'an du Sei-
gneur 1625 pour l'entretien et subsistance de quelques prêtres
résolus à vivre ensemble et à s'unir en congrégation, après
avoir quitté, avec les titres et les emplois ecclésiastiques qu'on
a d'ordinaire dans les villes, l'espoir même de s'en procurer à
l'avenir, et cela, pour faire profession de s'adonner, sous la
direction dudit Vincent de Paul, au salut des pauvres gens
des champs.
Cette fondation ayant été approuvée et confirmée par le très
Révérend Seigneur archevêque de Paris, le susdit Vincent de
Paul, établi supérieur par ce même archevêque, s'est associé
et agrégé les prêtres susnommés, lesquels, pour se livrer
plus facilement et plus utilement au bien spirituel des habi-
tants des campagnes, ont renoncé aux bénéfices dont plusieurs
avaient la jouissance dans les villes, et à d'autres charges qui
les y retenaient, se sont réunis et forment ensemble la société
connue sous le nom de Prêtres de la Mission ou de Mis-
sionnaires^ pour s'appliquer entièrement, sous la direction
dudit Vincent de Paul, au salut des gens de la campagne,
allant de bourg en bourg, de village en village, prêchant,
exhoitant, enseignant et en public et en particulier les m^'s-
tères de la foi nécessaires au salut, que la plupart ignorent com-
plètement, disposant les fidèles à faire une confession géné-
rale de toute la vie les entendant au tribunal de la Pénitence,
convertissant les hérétiques, mettant fin aux procès, apaisant
les haines, les discordes et les inimitiés, établissant la con-
frérie de la Charité où elle est nécessaire, pour le bien corpo-
- 59 —
rel et spirituel des pauvres malades. Ils remplissent leur pieux
ministère avec grand succès, Dieu aidant, non seulement dans
les bourgs et les villages situés sur les terres desdits sei-
gneur et dame fondateurs (terres qu'ils doivent évangéliser
tous les cinq ans), mais encore dans beaucoup d"autres parties
de ce royaume de France, comme dans les archevêchés de
Paris et de Sens, dans les évêchés de Châlons, en Champagne,
de Troyes, Soissons, Beauvais, Amiens et Chartres, où ils
exercent leurs emplois pour le plus grand bien du pauvre peu-
ple, au grand contentement des très Révérends Seigneurs ar-
chevêques et évêques et à la satisfaction incroyable de tous,
aux frais et dépens de ladite congrégation, ne recevant et
n'attendant aucune récompense ou compensation temporelle.
Pour ces motifs, très Saint Père, et, parce que la perpétuité
de cette pieuse entreprise paraît très utile au salut et à la
conversion du peuple, plaise à Votre Sainteté approuver et
confirmer ladite congrégation, et. autant que besoin est, l'éri-
ger de nouveau, répandre sur elle Votre bénédiction et nom-
mer ledit Vincent instituteur et supérieur général desdits prê-
tres, de ceux qui désirent s'adjoindre à eux et des personnes
indispensables jDour vaquer aux emplois domestiques dans
la congrégation, dite de la Mission, à laquelle ils sunis-
sent pour mener ensemble la vie commune, à l'exemple des
religieux, se mettre humblement et pieusement au service du
Très-Haut, tendre avant tout et de toutes leurs forces à pro-
curer leur propre perfection et le salut des pauvres gens des
champs, allant de village en village pour les prêcher, les caté-
chiser, les exhorter à décharger leur conscience du poids des
péchés de toute leur vie, entendre leur confession générale,
préparer dignement les enfants à s'approcher pour la première
fois de la sainte table, établir des confréries de la Charité pour
le soulagement des pauvres malades, tout cela à leurs dépens
et sans rien accepter des présents qu'on pourrait leur faire
directement ou indirectement.
Daigne Votre Sainteté accorder à ce même Vincent, que Mgr
l'archevêque de Paris a déjà choisi pour cette œuvre et que les
seigneurs fondateurs ont désiré, permission, pouvoir et auto-
rité pleine et entière d'établir ladite congrégation tant en la
ville de Paris qu'en toutes les autres cités, bourgs, terres et
lieux où les évêques la demanderont, et là seulement, notifier
et imposer, en vue de procurer l'heureux état et bon
gouvernement des personnes et des biens spirituels et tem-po-
rels de cette même congrégation et des maisons que l'on éta-
blira, et avec le désir de les soumettre à l'approbation et con-
firmation du Saint-Siège, tous statuts, règlements et ordon-
nances licites, honnêtes et conformes aux saints Canons, aux
— 6o —
Constitutions apostoliques et aux décrets du concile de Trente,
obligatoires pour le supérieur, les prêtres, officiers, ministres
et coadjuteurs des maisons, sous les peines à intervenir, et
portant sur l'admission, le nombre, l'âge et les qualités de
ceux qui seront reçus et admis dans cette congrégation, l'ins-
truction, le gouvernement, la correction et les exercices, le
mode et la forme des divins offices^ des prières, des oraisons
et autres suffrages à réciter, et toutes autres choses utiles et
nécessaires.
Que Votre Sainteté veuille bien accorder encore audit Vin-
cent plein pouvoir de corriger, limiter, modifier tt retducner
les règles, quand elles seront faites, publiées et édictées, toutes
les fois que les dispositions et les changements des personnes,
des choses et des temps le demanderont, comme il pourra
paraître bon, de faire et établir de nouvelles règles, d'en impo-
ser l'observance et la pratique et de faire et exécuter toutes
choses générales et particulières qui se font et s'exécutent
ordinairement en vertu du droit ou de la coutume, d'un pri-
vilège ou autrement, par les fondateurs ou les supérieurs,
même généraux, des congrégations semblables et des ordres
approuvés, quels qu'ils soient.
Plaise à Votre Sainteté approuver et confirmer, de son auto-
rité et pour toujours, dès maintenant, que les maisons qui
seront érigées ailleurs, en quelque lieu que ce soit, à l'instar
de la maison susdite, par la maison de Paris et ledit supérieur
général, dépendent d'eux en toutes choses.
Plaise à Votre Sainteté exempter le supérieur, les prêtres
susdits et tous les membres de ladite congrégation de la juri-
diction de leurs Ordinaires et les faire dépendre du Saint-
Siège apostolique, de telle sorte néanmoins que lesdites per-
sonnes soient tenues, en ce qui regarde les missions, d'obéir
aux très Révérends Seigneurs Evêques et Ordinaires de leur
résidence, d'aller oii et vers qui ils seront envoyés, sans excuse
ni prétexte, sauf pourtant le cas de maladie ou de fatigue exces-
sive, provenant d'un travail antérieur et nécessitant quelque
repos pour reprendre de nouvelles forces, toute liberté étant
laissée au supérieur de la maison de choisir les missionnaires
pour les missions, et au supérieur général de nommer et dépo-
ser les supérieurs et les officiers, même dans les maisons qui
seront fondées dans la suite, de renvoyer de ces maisons ceux
qui ne sont pas aptes, de transférer lesdits prêtres et autres
d'une maison dans une autre et de les rappeler, en quelque
lieu ou en quelque maison ciu'ils soient, si Votre Sainteté l'au-
torise, pour une mission, ou si quelque nécessité l'exige.
Enfin qu'il soit permis, dès maintenant, à ces mêmes maisons,
pour le jour où elles seront établies et érigées (comme il a été dit
-- 6i —
ci-devant), d'accepter pour leur dotatioiij pour rentretien du-
dit Vincent, du supérieur général et des prêtres qui les com-
poseront, et pour les aider à supporter les charges qui leur
incomberont, toutes choses en général et en particulier, ressour-
ces, biens, fruits, revenus et dons, déjà faits et encore à faire
soit par ledit seigneur de Gondi et ladite dame Françoise-Mar-
guerite de Silly, fondateurs, soit par les autres fidèles, pour être
distribués, donnés et accordés auxdites maisons, de quelque
manière que ce soit.
Qu'il soit permis audit Vincent et à tout autre supérieur gé-
néral et aux prêtres qui font partie desdites maisons d'accepter
librement, au nom desdites maisons, par lui-même, par un
autre ou par d autres, la possession corporelle, réelle et
actuelle de tous ces biens et d'en garder à perpétuité les
fruits, revenus et produits, d'en percevoir, exiger, lever,
et récupérer les droits, revenus et intérêts, de les employer
pour l'usage et l'utilité desdites maisons et même de les leur
appliquer à perpétuité sans qu'il soit nécessaire de se munir
de la permission de Tévêque du lieu, ou de tout autre.
Et pour augmenter la dévotion des fidèles, procurer le salut
des âmes et porter les chrétiens à suivre les exercices donnés
par les membres de cet Institut, lesdits prêtres supplient
Votre Sainteté qu'elle ait pour agréable de leur accorder tous
les pouvoirs qu'elle a coutume d'accorder aux religieux et aux
prêtres séculiers que Sa Sainteté envoie en mission dans les
pays infidèles, à savoir le pouvoir apostolique :
De prêcher, catéchiser, entendre les confessions, instituer la
confrérie de la Charité en tous lieux, toujours cependant sous
le bon plaisir de nos très Révérends Seigneurs Evêques ;
D'absoudre de toutes les censures ecclésiastiques et de dis-
penser des irrégularités occultes, de commuer les vœux et
d'absoudre de tous les cas réservés à Votre Sainteté, même des
cas marqués dans la Bulle In caena Doinini ;
De disputer contre les hérétiques, d'absoudre ceux qui abju-
rent leurs erreurs, de lire les livres des hérétiques, d'appli-
quer l'indulgence plénière à tous ceux qui font une confession
générale (pouvoirs demandés même pour ceux qui aideront
les missionnaires en cas de besoin) ;
D'établir l'oraison des Quarante-Heures dans les lieux où
ils le jugeront utile et d'appliquer l'indulgence plénière à ceux
qui pendant ce temps se confesseront et communieront ;
De célébrer le saint sacrifice de la messe sur des autels por-
tatifs, même avant l'aurore et après midi ; de diminuer ou de
remettre entièrement les restitutions dues pour avoir encouru
la simonie ;
— 62 —
De bénir les ornements d'église.
J. de la Salle, J. Bécu, du Coudray, A. Portail, Callon,
J. Dehorgny, J. Brunet, A. Lucas, Vincent Depaul.
Donné à Paris, au collège des Bons-Enfants, le premier
jour du mois d'août, l'an du Seigneur mil six cent vingt-huit.
29. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1626 et mai 1629 1.]
Vous avez tort, ma chère ûlle, de penser que j'ai
eu opinion que vous n'agréiez point la proposition de
la demoiselle, pource que je n'y ai point pensé ; et je
n'y ai point pensé, pource que je suis assuré que vous
voulez et ne voulez ce que Dieu veut et ne veut,
et que vous n'êtes en état de vouloir et ne vouloir que
ce que nous vous dirons qu'il nous semble que Dieu
veut et ne veut. Dites donc votre coulpe de cette pensée
et ne lui donnez jamais entrée à l'avenir. Tâchez à
vivre contente parmi vos sujets de mécontentement et
honorez toujours le non- faire et l'état inconnu du Fils
dé Dieu. C'est là votre centre et ce qu'il demande de
vous pour le présent et pour l'avenir, pour toujours. Si
sa divine Majesté ne vous fait connaître, de la manière
qui ne peut tromper, qu'il veut quelqu'autre chose de
vous, ne pensez point et n'occupez point votre esprit en
cette autre chose-là. Rapportez-vous-en à moi ; j'y pense
assez pour tous deux.
Mais passons au petit frère Michel. Certes, ma chère
fille, cela me touche ; ses souffrances me sont sensibles,
et celles que vous avez pour l'amour de lui aussi. Oh
bien ! tout est pour le mieux.
Lettre 29. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Nous voyons par le contenu de la lettre que Louise de Maril-
lac n'était pas encore fixée sur sa vocation et que la congrégation
de la Mission était presque à ses débuts.
- 63 -
Que vous dirai-je maintenant de celui que votre cœur
chérit tant en Notre-Seigneur ? Il se porte un peu mieux,
si me semble, mais toujours avec quelque petit sentiment
de ses petits frissons. Au reste, l'on lui propose et l'on le
presse d'aller à Forges - et de partir demain, et M. le
médecin le conseille, si une occasion d'aller en car-
rosse qui se présente, n'arrive autrement. Certes, ma
chère fille, et cela me pèse plus que je ne saurais vous
exprimer, qu'il faille tant taire pour une pauvre car-
casse. Mais, si je ne le fais, nos ]\Iessieurs ^ se plaindront
de moi, qui m'en pressent fort, pource qu'on leur a di^
que ces eaux minérales m'ont profité les années passées
en pareilles maladies. Enfin, je me suis proposé de me
laisser faire en la manière qu'il me semble que notre
bienheureux Père * le ferait. Si je pars donc, je vous dis
adieu, ma chère fille, et me recommande à vos bonnes
prières, et à vous de vous tenir en l'état ci-dessus. Vous
ne direz point ceci à personne, s'il vous plaît, pource
que je ne sais point si la chose réussira. Mon cœur n'a
pu le celer au vôtre, non plus qu'à celui de notre ÎMère
de Sainte-Marie ^ et à celui de ^Mademoiselle du Fay.
2. Forges-les-Eaux, bourg situé à six lieues de Neufchâtel (Seine-
Inférieure). Cette localité possède trois sources d'eaux minérales fer-
rugineuses que l'on dit très toniques et très efficaces contre les en-
gorgements abdominaux et les hydropisies. Louis XIII, la reine
Anne d'Autriche et le cardinal Richelieu y allèrent en 1632.
3. Les prêtres de la Mission.
4. Saint François de Sales, évêque de Genève, mort à Lyon le
28 décembre 1622. Il honorait saint Vincent de son amitié. « Bien
des fois, j'ai eu l'honneur de jouir de l'intimité de François de Sa-
les », disait le saint prêtre au procès de béatification de son illustre
ami, le 17 avril 1628. Saint Vincent ne parlait de l'évêque de Genève
qu'avec des sentiments d'admiration ; il le jugeait digne des hon-
neurs réservés aux saints. Saint François de Sales, de son côté, au
témoignage de Coqueret, docteur de Sorbonne, disait qu' tt il ne
connaissait pas de plus digne et de plus saint prêtre que M. Vin-
cent ». (Lettre postulatoire de l'évêque de Tulle, du 21 mars 1706.)
Aussi ayant à désigner un supérieur pour le couvent de la Visitation
établi à Paris, son choix se porta sur Vincent de Paul.
5. Ce fut sur les conseils du cardinal de Savoie, durant leur com-
- 64 —
Or sus, c'est assez parlé à sa fille. Il faut
achever'en lui disant que mon cœur aura un bien tendre
ressouvenir du sien en celui de Notre-Seigneur et pour
celui de Notre-Seigneur seulement, en l'amour duquel
et celui de sa sainte Mère je suis son serviteur très
humble.
30. — A FRANÇOIS DU COUDRAY, PRÊTRE DE LA MISSION
Monsieur,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
mun séjour à Paris, que saint François de Sales établit dans cette
ville un couvent de la Visitation. A son appel, sainte Chantai, alors
occupée à la fondation de Bourges, vint à Paris, le 6 avril 1619,
avec trois de ses filles. L'évêque de Genève les installa lui-même, le
l'S*" mai, dans une maison de louage du faubourg Saint- Michel.
La communauté se transporta en 1620 de la rue de la Cerisaie à
l'hôtel du Petit-Bourbon, que sainte Chantai avait acheté, et en 1628
de l'hôtel du Petit-Bourbon à l'hôtel du Cossé, rue Saint-Antoine, où
le commandeur Noël Brulart de Sillery fit construire, à ses frais,
une magnifique chapelle, dont il posa lui-même la première pierre le
31 octobre r632. (Cf. Fondation dît fremier monastère de la Visita-
tion Sainte-Marie de Paris, ms. conservé à la Visitation d'Angers ;
Histoire chronologique des fondations de tout Vordre de la Visita-
tion de Sainte-Marie, Bibl. Maz., ms. 2430 ; Félibien, Histoire de la
ville de Taris, Paris, 1725, 5 vol. in-f°, t. III, p. 1312).
Le premier monastère avait à sa tête en 1629 Hélène-Angélique
Lhuillier, née en 1592 de François, seigneur d'Interville, et d'Anne
Brachet, dame de Frouville, mariée en 1608 à Thomas Gobelin, sei-
gneur du Val, maître ordinaire de la chambre des comptes, reçue à la
Visitation de Paris le 2 juillet r62o, après annulation de son mariage
et sur le conseil de saint François de Sales, professe le 12 février 1622,
plusieurs fois réélue supérieure. Saint Vincent de Paul disait que
« c'était une des plus saintes âmes qu'il eût connues ». (Sainte Jean-
ne-Françoise Frémyot de Chantai. Sa vie et ses œuvres, Paris, 1874-
1880, 8 vol. in-8, t. V, p. 65, en note.) Il la mit en rapports avec le
commandeur de Sillery, dans l'espoir qu'elle achèverait de le ramener
à Dieu. Cette sainte religieuse mourut, le 25 mars 1655, au monastère
du Chiillot, dont elle fut la première supérieure. Son nom revient
souvent dans la vie de sa sœur, Madayne de Villeneuve par le P. de
Salinis, Paris, I5r8, in-S*. (Vie manuscrite de la Mère Hélène-An-
gélique Lhuillier, Arch. des Filles de la Croix de Tréguier.)
Lettre 30. — Recueil du procès de béatification.
- 65 -
11 y a trois jours qixe nous sommes arrivés en cette
ville, en bonne disposition, Dieu merci, où l'on com-
mença hier l'examen des ordinands ^ et continuera-t-on
aujourd'hui, qui est vendredi, et demain, pour com-
mencer l'exercice dont Dieu a donné la première pensée
à Monseigneur de Beauvais -, dimanche prochain. L'ordre
était que lesdits ordinands vivront et logeront ensemble
au collège ^, là oîi Monsieur Duchesne le jeune * doit aller
vivre avec eux et leur faire observer le règlement qui
leur a été prescrit pour l'emploi de la journée. Et Mon-
seigneur de Beauvais fera l'ouverture de l'exercice
dimanche au matin ; et Monsieur Messier ^ et Monsieur
1. Ce fut en juillet 1628, dit Abelly (o;p. cit., t. I, chap. xxv,
p. 117J, au cours d'un voyage, après une conversation avec saint Vin-
cent, que l'évêque de Beauvais résolut de recevoir chez lui les ordi-
nands, au mois de septembre, pour leur faire dormer les connaissances
nécessaires à leur nouvel état et les instruire des vertus qu'ils de-
vaient pratiquer. Le saint prépara un règlement écrit et vint tout
disposer une quinzaine de jours avant l'ordination. Telle fut l'origine
des retraites des ordinands, qui devaient attirer à Saint-Lazare Bos-
suet, le commandeur de Sillery et tant d'illustres personnages.
2. Augustin Potier, seigneur de Blancmesnil, sacré à Rome le
17 septembre 161 7, renouvela son diocèse, avec l'aide de saint Vin-
cent et d'Adrien Bourdoise. Il appela les Ursulines à Beauvais et à
Clermont, fit donner des missions, auxquelles il prit lui-même part,
établit un séminaire dans son palais épiscopal et multiplia les confré-
ries de la Charité. Il devint grand aumônier de la reine et fit partie
du conseil de conscience. Nommé premier ministre à la mort de
Louis XIII, il allait recevoir le chapeau de cardinal quand l'in-
fluence de Mazarin l'emporta définitivement sur la sienne. Il mou-
rut le 20 juin 1650. (Cf. Histoire du diocèse de Beauvais, par De-
lettre, Beauvais, 1842-1843, 3 vol. in-8°, t. III, pp. 377-438 ; Augustin
Potier, par Femand Potier de la Morandière, Paris, 1902, in-S". )
3. Le Clerc, ami intime de Bourdoise, en était le principal. L'é-
poque des vacances lui donnait toute facilité de disposer du collège
en faveur des ordinands.
4. Bernard Duchesne, docteur de Sorbonne, faisait partie de la
communauté de Bourdoise dès son origine. Il prit une part active
aux oeuvres de ce saint homme.
5. Louis Messier, un des premiers compagnons de Bourdoise, dont
il fut le bras droit, archidiacre de Beauvais et docteur en Sorbonne.
Son frère fut curé de Saint-Landry et doyen de la faculté de théo-
logie à la Sorbonne.
— 66 —
Duchesne ^ et moi ' devons parler alternativement chacun
son tour, selon la matière qu'on a jugée convenable ;
et Monsieur Duchesne le jeune et un autre bachelier,
curé d'ici, doivent enseigner les cérémonies requises a
chaque ordre. Plaise à Notre- Seigneur donner sa sainte
bénédiction sur ce bon œuvre, qui semble être utile à
son Eglise ! Et je vous prie de le recommander à Notre-
Seigneur.
Mais comment se porte la compagnie ? Tout le monde
est-il en bonne disposition ? Chacun est-il bien gai ? Les
petits règlements s'observent-ils toujours ? Etudie-t-on
et s'exerce-t-on sur la controverse ? Y tenez-vous l'ordre
prescrit ? Je vous supplie. Monsieur, qu'on travaille à
cela qu'on possède bien le petit Bécan ®. Il ne se peut
dire combien ce petit livre sert.
Il a plu à Dieu de se servir de ce misérable à la con-
version de trois personnes, depuis que je suis parti ;
mais il faut que j'avoue que la douceur, l'humilité et
la patience, en traitant avec ces pauvres dévoyés, est
l'âme de ce bien. Les deux premières personnes ne m'ont
guère coûté, parce qu'elles avaient disposition ; mais
i[ m'a fallu employer deux jours avec le troisième. J'ai
bien voulu vous dire cela à ma confusion, afin que la
compagnie voie que, s'il a plu à Dieu se servir du plus
6. Jérôme Duchesne, docteur de Sorbonne et membre de la com-
munauté de Saint-Nicolas depuis 1612, devint archidiacre de Beau-
vais. Il avait donné une mission à Montmirail en 1621 en compagnie
de saint Vincent. (Abelly, of. cit., t. I, chap. xiii, p. 55.)
7. Saint Vincent expliqua le décalogue. Jérôme Duchesne venait
assister à ses entretiers. Il en fut si touché qu'il se sentit porté à
faire au saint sa confession générale (Abelly, of. cit., t. I, chap.
XXV, p. 118.)
8. Martin Bécan, jésuite belge, a écrit contre les calvinistes un
grand nombre d'opuscules. Il a composé en outre une Somme théo-
logique, une Analogie de V Ancien et du Nouveau Testament, un ma-
nuel des controverses et un abrégé de ce manuel. Bécan était très
goûté à son époque, surtout à cause de sa clarté et de sa méthode.
- 67 -
ignorant et misérable d'iœlle, qu'il se servira plus effi-
cacement de chacun de ladite compagnie.
Monseigneur de Beauvais n'a point déterminé le jour
qu'on doit commencer la mission en ce diocèse au mois
d'octobre. Il veut que je sois en cette première ; mais
je tâcherai de prendre le temps pendant l'intervalle
pour vous aller voir, afin d'entendre la reddition des
comptes de rintérieur de la compagnie depu's la der-
nière qu'on a rendue, afin que cela serve de disposition
au prochain emploi.
Comment se porte Monsieur Lucas en son travail ?
Cet emploi lui revient-il ? Revient-il souper et coucher
au collège ® ? Assiste-t-il point, les fêtes ^°, à nos confé-
rences ?
Je vous supplie de saluer toute notre compagnie, en
commun et en particulier, et de dire à Monsieur Lucas
que je le prie d'assurer Monseigneur de Bazas ^^ de mon
très humble service ; et vous, je vous prie d'avoir soin
de votre santé et de me mander si Monsieur de Saint-
Martin ^^ est venu au collège et s'il va voir Monsieur de
Bazas avec Monsieur Lucas.
J'oubliais à vous dire que je pense que vous ferez
bien de sentir le tailleur qui travaille au logis, s'il a
quelque pensée de se donner à la maison ^^. Il l'a eue
autrefois ; mais sa vue courte et la difficulté qu'il avait
de faire parfois la cuisine le retint et moi aussi.
Adieu, mon cher petit père ^^. Je suis en l'amour de
9. Collège des Bons-Enfants.
10. Mot de lecture douteuse.
11. Jean-Jaubert de Barrault de Blaignac, évêque de Bazas (1611-
1630), puis d'Arles (1630-30 juillet 1643).
12. Compatriote du saint.
13. Il n'y eut en 1628 aucune entrée de frère coadjuteur dans la
congrégation de la Mission.
14. Ce titre tout familier, le saint le donne en d'autres lettres à
François du Coudray.
- 68 —
Notre-Seig-neur et de sa sainte Mère, Monsieur, votre
très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Beauvais, ce 15 septembre 1628.
Suscripiion : A Monsieur Monsieur du Coudray, ec-
clésiastique, au collège des Bons-Enfants, joignant la
porte de Saint-Victor, à Paris.
31. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1629 "^.j
Mademoiselle,
Je vous souhaite le bonsoir et que vous ne pleuriez
plus le bonheur de votre petit Michel, ni ne vous mettez
en peine de ce que deviendra notre sœur...
Mon Dieu, ma fille, qu'il y a de grands trésors cachés
dcins la sainte Providence et que ceux-là honorent sou-
verainement Notre-Seigneur qui la suivent et qui n'en-
jambent pas sur elle ! — Oui, me direz-vous, mais c'est
pour Dieu que je me mets en peine. • — Ce n'est plus pour
Dieu que vous vous mettez en peine si vous vous peinez
pour le servir.
32. — A LOUISE DE MARILLAC *
Oh ! qu'il y a de grands trésors cachés dans la sainte
Providence et que ceux-là honorent souverainement
Lettre 31. — Manuscrit Saint-Paul, p. 84.
I. Dans les lettres sûrement postérieures à cette date, saint Vincent
n'appelle plus Louise de Marillac « ma fille ».
Lettre 32. — Abelly, op. cit., t. III, chap. m, sect. m, p. 24.
I. Le destinataire de cette lettre est, d'après Abelly, une femme
pieuse, celle qui reçut la lettre 53, dont le ton et le contenu rappel
lent les lettres adressées à Louise de Marillac.
- 69 -
Notre-Seigneur qui la suivent et qui n'enjambent pas
sur elle ^. J'entendais dire dernièrement à un des grands
du royaume qu'il avait bien appris cette vérité par sa
propre expérience, parce que jamais il n'avait entrepris
par soi-même que quatre choses, lesquelles, au lieu de
lui réussir, étaient tournées à son dommage. N'est-il
pas vrai que vous voulez, comme il est bien raisonnable,
que votre serviteur n'entreprenne rien sans vous et sans
votre ordre ? Et si cela est raisonnable d'un homme à
un autre, à combien plus forte raison du Créateur à la
créature !
33. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1629 ^.]
... Donc patience jusques alors, ma chère fille, je vous
en supplie, vous assurant que j'ai pensé encore cette ma-
tinée assez longtemps à vous et que je suis et serai toute
ma vie, en l'amour de Jésus et de sa sainte Mère, votre
serviteur.
34. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1629'.]
Mon Dieu, ma chère fille, que votre lettre et vos pen-
sées que [vous] m'avez envoyées, me consolent ! Certes, il
faut que je vous confesse que le sentiment s'est répandu
par toutes les parties de mon âme, et d'autant plus
volontiers comme elles me font voir que vous êtes en
2. On retrouve cette phrase dans la lettre 31. Ces deu.\ lettres ne
seraient-elles pas deux fragments d'une même, ou la phrase com-
mune n'aurait-elle pas été interpolée ici ou là ?
Lettre 33. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir lettre 31, note i.
Lettre 34. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir lettre 31, note i.
— 70 —
l'état que Dieu vous demande. Or sus, continuez, ma
chère ûlie, à vous maintenir en cette borme assiette et
laissez faire à Dieu. Mais, certes, ma consolation a été
contredite par l'état que vous me mandez et que vous
m'aviez celé de votre maladie. Or sus, béni soit Notre-
Seigneur de tout ! Ayez bien soin de votre santé pour
l'amour de lui et pardonnez-moi de ce que j'ai tant re-
tenu votre homme, pour avoir été embarrassé par quan-
tité de visites. Au reste, je me porte mieux. Dieu merci.
Il me reste encore quelque petit sentiment de fièvre ;
mais cela va toujours en diminuant, et le désir que j'ai
que vous soyez toute sainte, en augmentant.
Adieu, ma fille, Dieu vous dorme le bon soir !
35. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1629 1.]
J'en loue Dieu, Mademoiselle, de ce que vous avez été
ainsi résignée au saint vouloir de Dieu, et le prie que vous
et moi ayons toujours un même vouloir et non-vouloir
avec lui et en lui, puisque c'est un paradis anticipé. Je
vous remercie, de plus, de votre bonne médecine et vous
promets d'en user demain. Dieu aidant, et de bon cœur ;
et je vous supplie, au nom de Dieu, de vous bien guérir
et de ne rien omettre de ce qu'il faut pour cela. Soyez, au
reste, en repos pour votre intérieur ; il ne laisse pas
d'être en l'assiette qu'il faut, ores qu'il ne le vous sem-
ble pas.
Adieu, ma chère fille. Je suis en son amour et celui de
sa sainte Mère, votre, etc.
Lettre 35. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir lettre 31, note r.
71
36. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1629*.]
... le secret de votre cœur, lequel je désire voirement
qu'il soit tout à Notre-Seigneur, et prie la sainte Vierge
de le vous ôter pour l'enlever au ciel et le mettre dans
le sien et dans celui de son cher Fils. Mais ne pensez
pas que tout soit perdu pour les petites révoltes que
vous sentez intérieurement. Il vient de pleuvoir fort dur
et il tonne épouvantablement ; le temps en est-il moins
beau ? Que les larmes de tristesse noient votre cœur et
que les démons tonnent et grondent tant qu'il leur
plaira, assurez-vous, ma chère fille, que vous n'en êtes
pas moins chère à Notre-Seigneur. Vivez donc contente
en son amour et assurez-vous que j'aurai soin de vous
demain au sacrifice qu'indigne que je suis, je présenterai
au souverain Sacrificateur. Si je n'étais fort pressé...
37. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1629 1.]
S'il n'était si tard qu'il est, je vous irais voir à ce
soir pour apprendre de vous le particulier de ce que vous
me mandez ; mais ce sera demain. Dieu aidant. Honorez
cependant la peine de la sainte Vierge qu'elle eut
voyant son Fils dans la souffrance, et ajoutez à cet hon-
neur celui de l'agrément du Père étemel dans la vue des
souffrances de son unique Fils ; et j'espère qu'il vous
Lettre 36. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
Le commencement et la fin de la lettre manquent.
I. Voir la lettre 31, note i.
Lettre 37. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
Au dos se trouvent ces mots, écrits de la main de Louise de Marillac :
« Toute d'instruction au sujet de mon fils. »
I. Voir lettre 3r, note i.
— 72 —
fera voir et connaître combien vous êtes obligée à sa
divine Majesté de ce qu'il vous honore de la relation de
vos souffrances aux siennes, et combien la chair et le sang
vous éloignent de la perfection du vrai amour que le
Père éternel et la sainte Vierge avaient pour leur Fils.
Pensez à cela, ma chère fille, et consolez-vous.
Je vous souhaite le bon jour et que vous soyez toute
forte et que vous me croyiez, en l'amour de Notre-Sei-
gneur, v. s.
38. — A LOUISE DE MARILLAC
[Avril ou mai 1629'.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec
vous pour jamais !
Le R. P. de Gondy ^ me mande que je l'aille trouver
à Montmirail ^ en diligence. Cela m'empêchera peut-être
d'avoir l'honneur de vous voir, pource que je partirai
demain au matin. Votre cœur vous en dit-il d'y venir,
Mademoiselle ? Si cela est, il faudrait partir mercredi
prochain par le coche de Châlons, en Champagne ^ qui
loge au Cardinal, vis-à-vis de Saint-Nicolas-des-
Champs ^ ; et nous aurons le bonheur de vous voir à
Montmirail.
Lettre 38. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre semble précéder la lettre 3g de peu de jours.
2. Philippe-Emmanuel de Gondi, ancien général des galères,
entré chez les Oratoriens le 6 avril 1627.
3. Petite ville de la Brie dans la Marne. C'était une des terres
du R. P. de Gondi. Saint Vincent y avait séjourné maintes fois,
en compagnie de Monsieur et de Madame de Gondi ; il y avait
prêché une mission en 1621 (Abelly, of. cit., t. I, chap. xili,
p. 55, et établi sa quatrième confrérie de la Charité [ibid., chap. X,
fin, p. 47), dont nous avons encore le règlement. 'Le duc de Retz fonda
dans cette localité, en 1644, un établissement de missionnaires.
4. Châlons-sur-Marne.
5. Louise de Marillac connaissait bien l'église Saint-Nicolas-des-
Champs, qu'elle avait fréquentée quand elle habitait la rue Cours-
— 73 —
Je vous prie me mander ce qu'il y a à la Charité de
notre bonne demoiselle ^.
Si ce soir je viens de bonne heure, je pourrai avoir le
bonheur de vous dire un mot ; sinon, je suis, en l'amour
de Xotre-Seigneur, votre serviteur.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
39. — A LOUISE DE MARILLAC ^
Mademoiselle,
Je vous envoie les lettres et le mémoire qu'il vous
faut pour votre voyage. Allez donc, Mademoiselle, allez,
au nom de Notre- Seigneur. Je prie sa divine bonté
qu'elle vous accompagne, qu'elle soit votre soûlas ^ en
votre chemin, votre ombre contre l'ardeur du soleil,
votre couvert à la pluie et au froid, votre lit mollet en
votre lassitude, votre force en votre travail et qu'enân
au-Vilain, sur la paroisse Saint-Sauveur. C'est dans cette église qu'elle
fut délivrée de graves tentations contre la foi et que, par une sorte
d'illumination d'en haut, elle entrevit ce que Dieu ferait d'elle plus
tard. (La Vie de Mademoiselle Le Gras, par Gobillon, Paris, 1676,
in-i2, p. 17.)
6. Mademoiselle du Fay.
Lettre 39. — Manuscrit Saint-Paul, p. 5.
1. Louise de Marillac se disposait à partir pour Montmirail, où
se trouvait saint Vincent. C'était sa première course apostolique,
sa première tournée de femme-missionnaire. {Gobillon, of. cit. y
p. 32. ) Elle voyageait d'ordinaire en compagnie de quelques dames
pieuses, emportant avec elle une ample provision de linge et de
drogues. A peine arrivée dans une localité qui possédait sa confrérie
de la Charité, elle en assemblait les membres, stimulait leur zèle,
se rendait compte des résultats obtenus et recrutait d'autres adhé-
rents. Elle visitait les malades, distribuait des aumônes, assemblait
les enfants et les instruisait des vérités de la foi. S'il y avait une
maîtresse d'école dans l'endroit, elle lui donnait d'utiles conseils ;
s'il n'y en avait pas, elle en formait une. (Gobillon, of. cit.,
PP- 33-35.)
2. Soûlas, consolation-
— 74 —
il vous ramène en parfaite santé et pleine de bonnes
œuvres ^.
Vous communierez le jour de votre départ, pour
honorer la charité de Notre-Seigneur et les voyages qu'il
a faits pour cette même et par la même charité, les
peines, les contradictions, les lassitudes et les travaux
qu'il y a soufferts, et afin qu'il lui plaise bénir votre
voyage, vous donner son esprit et la grâce d'agir en
ce même esprit et de supporter vos peines en la manière
qu'il a supporté les sieimes.
Pour ce que vous demandez, si vous ferez plus long
séjour que nous n'avons dit, je pense que ce sera assez
d'être un jour ou deux en chaque lieu pour la première
fois, sauf à y retourner l'été prochain, si Notre-Seigneur
vous fait paraître que vous lui puissiez rendre quelque
autre service. Quand je dis deux jours, votre charité en
prendra davantage, si besoin est, et nous fera celle de
nous écrire.
Pour la Charité de Mademoiselle Guérin, vous pren-
drez le nom de sa paroisse, s'il vous plaît, et si nous
allons vers Chartres, nous tâcherons de l'aller servir
pour la Charité, ne connaissant personne en ce quartier-là
qui soit fait à cet établissement.
Adieu, Mademoiselle, ressouvenez-vous de nous en
vos prières et ayez sur toutes choses soin de votre santé,
que je prie Dieu vous conserver, étant, en son amour...
De Montmirailj ce 6 mai 1629.
3. Saint Vincent s'inspire ici de ce passage de Vliinéraire des
clercs : « Esta nobis. Domine, in frocinciu su-ffragium, in via so-
latiutn, in aestu umbracuîum, in fluvia et frigore tegumenium, in
lassiiudine vehiculum, in adversitaie praesidium, in lubrico baculus,
in naujragio fortus, ut, te duce, quo tettdimus -prospère perveniamus
et demum incoliimes ad propria redeamus. »
— 75 —
40. — A LOUISE DE MARILLAC, A SAINT-CLOUD
De Paris, ce 19 février 1630.
Mademoiselle,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je loue Dieu de ce que vous avez la santé pour
soixante persoimes, au salut desquelles vous travaillez ;
mais je vous prie me mander exactement si votre pou-
mon n'est point incommodé de tant parler, ni votre tête
de tant d'embarras et de bruit \
Pour Monsieur votre fils, je le verrai ; mais mettez-
vous en repos, je vous en supplie, puisque vous pouvez
espérer qu'il est sous la protection spéciale de Notre-
Seigneur et de sa sainte Mère, par tant de dons et
d'offrandes que vous lui en avez faites, et qu'il est ami
des gens de Dieu, et que, par ainsi, il ne lui peut mésar-
river -. Mais que dirons-nous de cette trop grande ten-
dresse ? Certes, Mademoiselle, il me semble que vous
devez travailler devant Dieu à vous en faire quitte,
Lettre 40. — Manuscrit Saint-Paul, p. 6.
1. Nous lisons dans les Pensées de Louise de Marillac, p. 124 :
« Je suis partie le jour Sainte-Agathe, 5 de février, pour aller à
Saint-Cloud. A la sainte communion, il me sembla que Notre-Sei-
gneur me donnait pensée de le recevoir comme l'époux de mon
âme, et même que ce m'était une manière d'épousailles, et me sentis
plus fortement unie à Dieu en cette considération, qui me fut
extraordinaire, et eus la pensée de tout quitter pour suivre mon
Epoux, de le regarder dorénavant comme tel et regarder les diffi-
cultés que je rencontrerais comme les recevant de la communauté
de ses biens. Dieu permit, ayant le désir de faire dire la messe ce
jour-là, à cause que c'est l'anniversaire de mes noces, et m"en rete-
nant pour faire un acte de pauvreté, voulant être toute dépendante
de Dieu dans l'action que j'allais faire, sans en rien témoigner à
mon confesseur, qui dit la messe, où je communiai ; et entrant à
l'autel, il eut la pensée de la dire pour moi par aumône et de dire
celle des épousailles. »
2. Mésarriver se dit d'un accident fâcheux amené par quelque
faute ou quelque imprévoyance.
- 76 -
puisqu'elle n'est bonne qu'à vous embarrasser l'esprit
e*^ qu'elle vous prive de la tranquillité que Notre-Seigneur
désire en votre cœur et [du] dépouillement de l'affection
de tout ce qui n'est pas lui. Faites-le donc, je vous en
supplie, et vous ferez l'honneur à Dieu, qui est chargé du
souverain et absolu soin de M. votre fils et qui ne veut
point que vous vous intéressiez que d'une manière dé-
pendante et douce.
Nous sommes de retour il y a trois ou quatre jours,
en bonne santé, et notre compagnie est partie aujour-
d'hui pour aller à Chelles ^ où j'espère me rendre dans
deux jours.
Je vous ai adressé une fille de Maisons ^ pour quelque
temps. Je vous supplie. Mademoiselle, de lui faire la
charité que je vous ai priée, par celle qu'elle vous aura
pu rendre, et vous coopérerez au salut de deux âmes
à la fois, et de me mander si elle vous est allée trouver,
et quand vous pensez avoir fait à Saint-Cloud, et si
cette bonne fille de Suresnes ^ qui vous a vue d'autre-
fois et qui s'emploie à enseigner des filles, vous est allée
voir, comme elle me le promit dimanche dernier, étant
ici®.
En attendant de vos nouvelles, je prie Notre-Sei-
gneur qu'il vous fortifie de plus en plus. Mademoiselle,
et suis, en son amour...
3- Ancienne résidence royale en Seine-et-Marne.
4. Maisons-Alfort, près de Paris.
5. Localité de la banlieue de Paris.
6. Marguerite Naseau, que saint Vincent appelle la première
Fille de la Charité et dont il raconte la touchante histoire dans
plusieurs de ses entretiens aux soeurs. (Voir en particulier la con-
férence du 24 février 1653.) Les sœurs de l'hôpital Saint-Eloi de
Montpellier ont donné, il y a quelques années, à la maison-mère
des Filles de la Charité, un tableau qui la représenterait, dit-on ;
mais cette croyance ne repose sur rien.
— 77 —
41. — A LOUISE DE MARILLAC
[Février i63o*.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je loue mille fois Dieu et le bénis de tout mon cœur
de ce qu'il vous a redoimé la santé, et le prie qu'il
la vous conserve et ramène de même^. Revenez- vous-en
donc, Mademoiselle, vers la fin de la semaine et plus
tôt même, si l'occasion s'en présente, non pas par eau,
mais dans une charrette bien fermée. Mademoiselle du
Fay m'a mandé qu'elle n'avait pu trouver de carrosse.
Je lui ai envoyé votre lettre ; mais je n'ai point parlé
à Monsieur votre fils pour quelque raison que je vous
dirai.
Bon Dieu, Mademoiselle, qu'il fait bon être l'enfant
de Dieu, puisqu'il aime encore plus tendrement ceux qui
ont le bonheur d'avoir cette qualité auprès de lui, que
vous n'aimez le vôtre, quoique vous ayez plus de ten-
dresse pour lui que quasi mère que je vois pour ses
enfants ! Oh bien ! nous en parlerons à votre retour.
Cependant soyez pleine de confiance que celle à qui
Notre-Seigneur a donné tant de charité pour les enfants
d' autrui, méritera que Notre-Seigneur en ait une toute
particulière pour le sien, et vivez, s'il vous plaît, en
repos dans cette confiance, je dis même dans la
gaieté d'xm cœur qui désire être tout conforme à celui
de Notre-Seigneur.
Lettre 41. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Deux détails, la présence d'une troupe de missionnaires à
Chelles et celle de Louise de Marillac dans une localité voisine de
Paris, et riveraine de la Seine ou d'un de ses affluents, nous portent
à rapprocher cette lettre de la lettre 40.
2. Louise de Marillac était très probablement à Saint-Cloud.
- 78 -
Notre petite compagnie est à Chelles, et moi im-
muable ici. Il y a un Père jésuite qui fait des merveilles
en votre paroisse ^. Mademoiselle de Villars vous écrit,
et moi je me recommande à vos prières, et suis, en
l'amour de Notre-Seigneur, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
42. — A LOUISE DE MARILLAC
[i63o'.]
Mademoiselle,
Quant à votre Charité ", je ne puis vous dire combien
j'en suis consolé. Je prie Dieu qu'il bénisse votre travail
et qu'il perpétue ce saint œuvre. Faire M. le vicaire
garde de l'argent, il s'en faut bien garder à cause de
quantité d'inconvénients qui en arriveraient et qiie je
vous pourrai dire une autre fois, vous disant en avance
que l'on a expérimenté que, de tous les moyens, les plus
sûrs qu'on puisse pratiquer à la Charité, ce sont ceux
que vous avez eus en l'esprit. Si maintenant vous ôtez
le soin à chacune de la Charité de faire cuire la viande.,
jamais plus vous ne le pourrez remettre ; et de la faire
cuire ailleurs, si quelqu'une l'entreprend par charité à
présent, cela lui sera à charge dans peu de temps ; et si
vous la faites apprêter pour de l'argent, il coûtera beau-
coup ; puis avec quelque temps les dames de la Charité
diront qu'il faut faire apporter la marmite aux malades
par la femme qui apprêtera ; et par ce moyen votre
Charité viendra à manquer. L'expérience nous fait voir
3. Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
Lettre 42. — Manuscrit Saint-Paul, p. 42.
1. Date d'érection de la Charité de Saint-Nicolas, à laquelle
cette lettre semble faire allusion.
2. Probablement la Charité de Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
— 79
qu'il est absolument nécessaire que les femmes ne dépen-
dent point en ceci des hommes, surtout pour la bourse.
Or sus, cela ne vous console-t-il point. Mademoiselle ?
Direz-vous après cela que vous êtes inutile au monde ?
43. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers i63oi.]
... et saura, pour Monsieur votre fi.ls, que M. du Ch. ^
m'en a dit des merveilles. Je vous en parlerai au retour
et vous remercierai de ce que vous me mandez de la fille
de laquelle je vous ai parlé, et de ce que vous avez pensé
à elle, vous suppliant bien fort de vous y employer.
Je me réjouis de l'établissement de ces bonnes filles ^,
loue votre désir de leur donner quelque tableau, mais
non pas que vous dormiez lieu aux pensées qui vous
occupent pour ce sujet. Vous êtes à Notre- Seigneur et
à sa sainte Mère ; tenez-vous à eux et à l'état auquel ils
vous ont mise, en attendant qu'ils témoignent qu'ils
désirent autre chose de vous, à qui je suis, en l'amour de
Notre- Seigneur et de sa sainte Mère, votre très humble
serviteur.
Vincent Depaul.
[Je vous prie d'offrir mes hum]bles recommandations
à Mademoiselle du Fay et à ]\I. Bliar.
Lettre 43. — L. a. Dossier des Filles de la Charité, original. Le
commencement de la lettre manque.
1. Cette lettre précède l'institution des Filles de la Charité et
semble du temps où Michel Le Gras étudiait à Saint-Nicolas-du-
Chardonnet.
2. Peut-être Jérôme Duchesne, un des ecclésiastiques de la com-
munauté fondée par Bourdoise.
3. Peut-être des filles mises à la disposition des dames d'une
Charité de Paris pour les aider dans le service des pauvres.
8o
44. — A LOUISE DE MARILLAC
[i63oi.]
Vous voilà peu d'ouvrières pour beaucoup d'ouvrage.
Oh bien ! Notre-Seigneur travaillera avec vous. La pro-
position de nourrir les malades chacune votre jour à
vos dépens me semble à propos et se fait ainsi ailleurs
jusqu'au jour de l'érection de la confrérie.
45. — A LOUISE DE MARILLAC
[i63o'.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous remercie de la peine que vous avez prise de
m'écrire l'état de la Charité ". Quand il plaira à Notre-
Seigneur que je vous voie, vous me direz l'intérêt de la
com[munauté].
Il sera voirement à propos que vous appliquiez ces
offrandes à l'usage de ces pauvres gens. Je trouve que
vous êtes bonnes ménagères, puisque vous ne dépensez
qu'environ demi-écu.
Si vous levez la permission d'établir la Charité au
Lettre 44. — Manuscrit Saint-Paul, p. 41.
I. Date d'érection de la confrérie de Saint-Nicolas-du-Chardon-
net, à laquelle saint Vincent semble ici faire allusion.
Lettre 45. — L. a. — Dossier de la Mission, fac-similé de l'ori-
ginal.
1. Voir note 2-
2. Louise de Marillac fonda et organisa en 1630 sur la paroisse
Saint-Nicolas-du-Chardonnet, avec l'approbation du curé et le con-
cours de quelques dames, une confrérie de la Charité, dont elle
fut présidente. (Abelly, of. cit., t. I, chap. xxiii, p. 109.) C'est
vraisemblablement de cette confrérie, encore à ses débuts, que parle
saint Vincent. C'était la seconde confrérie établie à Paris. Rien ne
démontre que Louise de Marillac ait eu quelque part à celle de Saint-
Sauveur, qui fonctionnait déjà deouis quelques mois.
— 8i —
greffe de Monsieur de Paris, il vous faudra donner
quelque chose ; mais, si c'est Monsieur Guyard ^ qui la
vous délivre, rien. Vous y pourrez faire mettre le petit
sceau, qui ne coûtera que cinq sols.
\^oilà plus de cinq femmes. Je prie Dieu qu'il vous
en envoie d'autres. Pour les moyens, Notre- Seigneur y
pourvoira.
Quant à votre affaire, je trouve très bon que vous
parliez à Mademoiselle du Fay ; mais pour le reste qu'il
vous demande, prenez avis, s'il vous plaît, quelle réponse
vous avez à faire ; et faites-moi la faveur de remercier
Mademoiselle du Fay de sa gelée et de lui dire que je
me porte toujours de mieux en mieux et que je la prie
de demander à Dieu que j'use bien de cette meilleure
disposition. Pour cette pauvre fille, qu'est-ce qu'elle
demande ?
Ayez soin de votre santé.
Je suis votre très humble serviteur.
V. D. P.
46. — A LOUISE DE MARILLAC, A VILLEPREUX*
[Avril 1630 2.]
Il est fort difficile, Mademoiselle, de faire quelque
bien sans contrariété ; et pource que nous devons, autant
qu'il nous est possible, soulager la peine d'autrui, je
pense que vous feriez un acte agréable à Dieu de voir
3. Louis Guyard, vicaire général de Paris-
Lettre 46. — Manuscrit Saint-Paul, p. 14.
1. Saint Vincent avait eu souvent l'occasion d'aller dans cette loca-
lité quand il était chez les Gondi. Il y donna une mission en 1618, et
y établit à cette occasion sa seconde confrérie de la Charité. (Cf.
Abelly, of. cit., t. I, chap. x, fin, p. 47.)
2. C'est la date que suggèrent Gobillon, p. 39, et la lettre qui suit.
— 82 —
Monsieur le curé ^, de lui faire vos excuses de ce que,
sans son avis, vous avez parlé aux sœurs de la Charité *
et aux filles, que vous en pensiez faire à Villepreux tout
simplement comme à Saint-Cloud et ailleurs, et que cela
vous apprendra votre devoir une autre fois, et, s'il ne
le trouve pas bon, que vous en demeuriez là. Et mon avis
est que vous le fassiez. Notre- Seigneur retirera peut-être
plus de gloire de votre soumission que de tout le bien
que vous pourriez faire. Un beau diamant vaut plus
qu'une montagne de pierres, et un acte de vertu d'ac-
quiescement et de soumission vaut mieux que quantité
de bonnes œuvres qu'on pratique à l'égard d'autrui ■\
47. - A LOUISE DE MARILLAC, A VILLEPREUX
Béni soit Dieu, Mademoiselle, de ce que j'ai plus
tôt la nouvelle de votre guérison que de votre mala-
die ! Et je le prie qu'il vous fortifie entièrement et en
façon qu'il se puisse dire un jour de vous que ces paroles
de la Sainte Ecriture vous regardent, qui sont : Mulie-
reni fortem quis inveniet ^ ? Vous entendez ce latin ;
c'est pourquoi je ne le vous expliquerai point.
Pour le temps que vous dites que les enfants sont
à l'école, qui ne suffit pas pour leur pouvoir profiter ^
et les deux jours encore qu'ils ont de campes^, je ne vois
point d'inconvénient que vous allongiez un peu ce temps-
3- Le curé de Villepreux.
4. Nom donné aux membres des confréries de la Charité.
5. L'acte de soumission conseillé par saint Vincent gagna com-
plètement le curé de Villepreux aux vues de Louise de Marillac,
qui se mit au travail avec tant d'ardeur qu'elle en tomba malade.
(Gobillon, of. cii,, p. 39.)
Lettre 47. — Manuscrit Saint-Paul, p. 13.
1. Livre des Proverbes, xxxi, 10.
2. Louise de Marillac leur enseignait le catéchisme.
3. Cam-pos, iour de congé.
- 83 -
là et que, pour les raisons que vous m'alléguez, vous les
occupiez ces deux jours-là, ni que vous tâchiez de faire
venir à l'école celles qui n'ont point accoutumé d'y aller.
Mais je pense qu'il sera bon de le faire agréer au bon
M. Belin ^ et de rendre capables ceux qui en parleront,
que vous en usez ainsi pour le peu de temps que vous
avez à demeurer, et leur dire que ce n'est pas là une
école, ains un exercice de piété pendant quelques jours.
Pour le petit Michel, soyez en repos ; il n'y a que deux
ou trois jours que je le vis aller à sa leçon et qu'il se
portait bien.
J'ai fait tenir votre lettre à Mademoiselle du Fay et
encouragé ]^Iademoiselle du Fresne^ d'aller à Ville-
preux ; ce qu'elle a toutes les envies du monde de faire.
Mais, certes, son indisposition ne lui permettra pas ce
contentement, qu'elle désire extrêmement. Je la recom-
mande à vos prières, et vous, de bien prendre garde à
votre santé et de ne pas trop prendre sur vous ; ce que
j'ai peur pourtant que vous fassiez, en ne voulant pas
prendre le relâche de ces deux jours, ni vous tenir au
temps qu'on a accoutumé d'employer à l'école. C'est
pourquoi, en cette appréhension, je vous prie de vous
contenter, quoique je vous aie dit ci-dessus, du temps
ordinaire. Ce procédé sera plus au gré, comme je pense,
du bon Monsieur Belin. Que si vous y voyez un notable
détriment, écrivez-m'en, s'il vous plaît, une autre fois,
après que vous aurez commencé.
De Paris, ce 4 mai [1630 ^.]
4. Chapelain de la maison du R. P. de Gondi à Villepreux. Il
avait connu saint Vincent chez le général des galères et le suppléait,
en son absence, auprès des forçats du faubourg Saint-Honoré. (Abelly
of. cit., t. I, chap. XIV, p. 60. ) Il avait eu, dit ailleurs le saint
(lettre du 16 décembre 1634), a une des meilleures parts à la concep-
tion, à la grossesse, à la naissance et au progrès de la Mission. » Le
copiste du manuscrit Saint-Paul a lu Preîin.
5. Sœur de Charles du Fresne, sieur de Villeneuve.
6. Date donnée par Gobillon, of. cit., p. 39.
84
48. — A LOUISE DE MARILLAC
[Mai 1630 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Béni soit Dieu de ce que vous vous portez mieux et du
goût que vous prenez à travailler au salut des âmes !
Mais je me crains bien que vous n'en fassiez trop ; et,
afin que vous voyiez que c'est avec sujet, voyez, s'il vous
plaît, ce que Monsieur Belin m'en mande. Prenez-y
garde, je vous supplie. Mademoiselle. Notre-Seigneur
veut que nous le servions avec jugement ; et le contraire
s'appelle zèle indiscret.
Pour les sœurs de la Charité ^, je pense qu'il est expé-
dient que vous les assembliez toutes, que vous lisiez le
règlement ensemble et tâchiez de remettre toutes choses
en la pratique conforme au règlement, qui est différent
des autres, pource que c'est le second établissement ^.
Mais vous leur pourrez rapporter, s'il vous plaît, la pra-
tique des autres lieux et tâcher à les résoudre de faire
de même, notamment à l'égard de la perpétuité des
sœurs*, de se confesser et communier le jour de leur
décès, d'aller elles-mêmes visiter les malades le plus
qu'elles pourront, et de fréquenter plus souvent les sacre-
ments. Et finalement, pour la viande, recommandez à la
bouchère ^, qui est la supérieure, qu'elle distribue bien
la viande.
Lettre 48. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite peu de jours après la lettre 47.
2. Nom donné aux membres de la confrérie de la Charité.
3. La confrérie de la Charité de Villepreux remontait à l'année
1618 ; celle de Châtillon-les-Dombes était de 1617.
4. Les membres de la confrérie n'étaient pas élus à vie.
5. Nom donné à la sœur chargée de distribuer la viande aux pau-
vres.
- 85 -
Mon indisposition, dont je vous vois touchée, est des
plus petites ; et n'était que l'on m'a fait prendre méde-
cine aujourd'hui, je serais sorti. Je vous remercie du
soin que vous en avez.
Nous n'avons point de l'eau. J'en envoie quérir chez
Monsieur Deure. Monsieur du Fresne et Mademoiselle
sa sœur s'en vont vendredi à Vil lépreux. Dieu sait si
votre considération ne hâte pas un peu le voyage.
Le petit Michel se porte bien. Frère Robert ® l'est
allé voir de ma part. Il lui a témoigné qu'il est fort gai
et content. Soyez-le vous aussi, Mademoiselle, je vous
prie, puisqu'il plaît à Dieu que vous le soyez.
Je suis, en son amour et celui de sa sainte Mère, votre
très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Ce mardi à midi.
Nos recommandations à votre Marthe.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras
à Villepreux.
49. — A LOUISE DE MARILLAG
[Vers i63oi.]
Béni soit Dieu de ce que vous voilà dégagée de la
première affection. Nous parlerons de l'autre au premier
rencontre ; je dis de celle de votre confesseur '. Faites
6. Aucun frère coadjuteur ne portait alors le petit nom
de Robert. Il s'agit sans doute ici de Robert de Sergis, né le 2 mars
i6o8 à Auvers, près Pontoise, reçu dans la congrégation de la Mis-
sion en juin 1628, ordonné prêtre en avril 1632 et mort en décem-
bre 1640 ou janvier 1641.
Lettre 49. — L. a. — Original chez les Filles de la Charité de
Somma Vesuviana (ItalieJ.
1. La nature des conseils que le saint donne à Louise de Marillac
nous fait regarder cette lettre comme antérieure à la fondation des
Filles de la Charité.
2. Louise de Marillac s'était mise sous la direction de saint Vin-
— 86 —
cependant ce qu'il vous conseille et tout ce que votre
ferveur propose, excepté la discipline, sinon trois fois
par semaine. Lisez le livre de l'amour de Dieu ^, notam-
ment celui qui traite de la volonté de Dieu et de l'indif-
férence. Quant à tous ces 33 actes à l'humanité sainte*
et aux autres, ne vous peinez pas quand vous y man-
querez. Dieu est amour et veut que l'on aille par amour.
Ne vous tenez donc point obligée à tous ces bons propos.
Je vous supplie m'excuser de ce que je ne vous ai pu
écrire qu'à ce soir, et de prier Dieu pour nous.
Je suis, en son amour et celui de sa sainte Mère,
Madame ^, votre très humble serviteur.
V. D. P.
La pratique envers Marie m'agrée, pourvu que vous
y procédiez doucement.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
50. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers i63o'.]
Il me semble que ce sera assez de mettre en votre notre
cent dès 1624. Elle s'en trouvait bien, et souffrait beaucoup des ab-
sences de son directeur. Le saint aurait désiré plus d'indifférence.
Le Camus, évêque de Bellay, écrivait déjà à Louise le 26 juil-
let 1625 : « Pardonnez-moi, ma très chère sœur, si je vous dis que
vous vous attachez un peu trop à ceux qui vous conduisent et vous
appuyez un peu trop sur eux. Voilà M. Vincent éclipsé, et Made-
moiselle Le Gras hors de pile et désorientée. » (Dossier des Filles
de la Charité, original)
3. Le Traité de Vamour de Dieu [par saint François de Sales],
Lyon, 1620, in-8^.
4. En mémoire des trente-trois années que Notre-Seigneur passa
sur la terre.
5. Ce mot a échappé à la plume du saint. Louise de Marillac
n'avait pas droit au titre de Madame. La lettre est d'ailleurs adres-
sée à Mademoiselle Le Gras.
Lettre 50. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. La lettre est antérieure à la fondation des Filles de la Charité,
tableau - les mêmes paroles de l'original ^. Mademoi-
selle, raettez-les-y donc, s'il vous plaît, et moi je conser-
verai dans mon cœur celles que vous m'écrivez de votre
généreuse résolution d'honorer l'adorable vie cachée de
Notre-Seigneur, ainsi que Notre- Seigneur vous en a don-
né le désir dès votre jeunesse ^. O ma chère '", que cette
pensée sent l'inspiration de Dieu et qu'elle est éloignée
de la chair et du sang ! Or sus, c'est là l'assiette qu'il
faut à une chère fille de Dieu. Tenez-vous-y, Mademoi-
selle, et résistez courageusement à tous les sentiments
qui vous arriveront contraires à celui-ci, et assurez-vous
que vous serez par ce moyen dans l'état que Dieu vous
demande pour vous faire passer à un autre, pour sa plus
grande gloire, s'il le juge ainsi expédient ; sinon, vous
êtes toujours assurée que vous ferez incessamment la
sainte volonté de Dieu en celui-ci, qui est la fin à la-
quelle nous tendons et à laquelle ont tendu les saints et
sans laquelle nul ne peut être bienheureux *.
Je vous demande, pardon de ce que j'ai tant retenu
votre garçon, à cause de quantité de divertissements que
2. Votre, parce qu'il était peint par Louise de Marillac ; notre,
parce qu'elle le destinait au saint. La fondatrice avait du goût pour
la peinture. Nous avons encore des tableaux faits par elle « petites
aquarelles d'un dessin délicat, d'un frais coloris, mais plutôt images
naïves que véritables œuvres d'art ». [La Vénérable Louise de Ma-
rillac, par Mgr Baunard, Paris, 1898, p. 8.)
3. Le saint entend parler du tableau que copiait Louise de Maril-
lac- Maynard n"a pas su comprendre cette phrase. Il suppose
(Saint Vincent de Paul, troisième édition, Paris, 1886, 4 vol. in-12,
t. III, p. 239) que Louise de Marillac avait résumé en un tableau
les résolutions et les sentiments contenus dans l'acte de consécration
qu'elle fit peu après la mort de son mari.
4. Dans sa jeunesse Louise de Marillac avait eu l'idée d'entrer
chez les Capucines ; et elle aurait donné suite à son projet si le
mauvais état de sa santé n'y avait mis obstacle.
5. Expression inusitée sous la plume du saint, qui a sans doute
voulu écrire : O ma chère fille !
6. Même sens que s'il y avait : vous ferez incessamment en ce-
lui-ci la sainte volonté de Dieu, qui, etc.
— 88 —
j'ai eus, qui vous désire une des plus parfaites images ^
faites à la semblance de Dieu ^..., et qui ai, en son amour,
si me semble, un même cœur avec vous, et suis votre
serviteur très humble.
V. D. P.
51. — A ANTOINE PORTAIL, PRÊTRE DE LA MISSION,
A CROISSYi
Du jeudi 27 juin i63o.
Béni soit Dieu, Monsieur, de ce qvie vous êtes monté
en chaire, et plaise à sa divine bonté donner bénédiction
à ce que vous y enseignerez de sa part ! Vous avez com-
mencé tard. Ainsi fit saint Charles -. Je vous souhaite
part à son esprit, et j'espère que Dieu vous donnera
quelque nouvelle grâce en cette occasion. Je le prie de
tout mon cœur que ce soit celle dont vous m'écrivez à
la fin de votre lettre, qui est d'être exemplaire à la
compagnie, en laquelle il nous manque la sainte mo-
destie, la douceur et le respect dans nos conversations.
L'attention à la présence de Dieu est le moyen de les
acquérir. J'en ai plus de besoin que tous. Demandez-les,
s'il vous plaît, à Dieu pour moi.
7. Allusion à l'image que Louise de Marillac préparait pour
saint Vincent.
8. Ces points remplacent un mot que nous n'avons su lire-
Lettre 51. — Reg. 2, p. 273.
1. Localité de Seine-et-Oise.
2. Les biographes de saint Charles Borromée racontent que ce pré-
lat eut longtemps à lutter contre une timidité excessive, qui le fai-
sait trembler quand il prêchait. Pendant des années, il parla de
l'autel pour être plus loin de l'auditoire ; il n'osa monter en chaire
que sur le tard.
— 89 —
52 — A UNE' DAME
Madame,
l'rjuillet i63o.
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
Jamais !
Depuis hier que je vous fis réponse à votre dernière,
il m'est ressouvenu que je ne vous ai point répondu à
l'avis que vous me faites l'honneur de me demander,
si vous devez recevoir au nombre des sœurs de la Charité
et à la place de feu Madame Brunel, une sierme parente.
Or, je vous dirai, Madame, que la défunte l'ayant nom-
mée et présentée avant mourir, et elle ayant les qualités
requises à faire ce bon œuvre, que je pense que vous
ferez bien de la recevoir, voire même quand la défunte
ne l'aurait pas nommée. Mais je pense bien qu'il est
expédient que vous avertissiez les sœurs qu'elles se res-
souviennent de nommer quelqu'une en leur place quand
il plaira à Dieu de vouloir disposer d'elles, pource que
c'est l'unique moyen de perpétuer cette sainte confrérie.
Je vous supplie, Madame, d'y tenir la main et de leur
bien inculquer cela et de saluer ces bonnes sœurs
de la Charité et votre procureur de ma part et d'assurer
Monsieur votre mari que je suis et serai toute ma vie
à lui et à vous, en l'amour de Notre-Seigneur, Madame,
votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Lettre 52. — Reg. i, f° 8 v°. Le copiste note que l'original était
en entier de l'écriture de saint Vincent.
— 90 —
53. - A LOUISE DE MARILLAC *
[Vers i63o2.1
Déchargez votre esprit de tout ce qui vous fait peine ,
Dieu en aura soin. Vous ne sauriez vous empresser en
cela san.s contrister (pour ainsi dire) le cœur de Dieu,
parce qu'il voit que vous ne l'honorez pas assez par la
sainte confiance. Fiez-vous à lui, je vous en supplie, et
vous aurez l'accomplissement de ce que votre cœur
désire ^. Je vous le dis derechef, rejetez toutes ces
pensées de défiance que vous permettez quelquefois à
votre esprit. Et pourquoi votre âme ne serait-elle pas
pleine de confiance, puisqu'elle est la chère fille de
Notre-Seigneur par sa miséricorde ?
54. — A MONSIEUR DE S.\INT-MARTIN *
1" septembre i63o.
Saint Vincent prie M. de Saint-Martin de procurer des
habits à son frère et à ses neveux et de faire réparer un côté
de leur maison, qui menaçait ruine. Il lui dit ensuite, au
sujet du neveu récemment parti de Paris ^, que celui-ci a reçu
Lettre 53. — Abelly, o-p. cit., t. III, chap. m, sect. m, p. 23.
1. Abelly se contente de dire que cette lettre a été adressée à une
personne pieuse. Le ton et le contenu montrent que cette personne
pieuse n'est autre que Louise de Marillac.
2. Voir note 3.
3. Il semble qu'en écrivant ces mots saint Vincent ait eu en vue la
vocation de Louise de Marillac.
Lettre 54. — Procès de Béatification, déposition de Jean-Jacques de
Castetja, petit-fils de Jean de Saint-Martin et curé de Saint-Paul
(Landes), qui détenait l'original en 1706.
1. Le chanoine de Saint-Martin était alors à Paris ; il s'agit ici,
croyons-nous, de Louis de Saint-Martin, époux de Catherine de Co-
rnet.
2. Ce fut ce neveu qui porta la lettre de saint Vincent. Il était
venu consulter son oncle sur une promesse de mariage. Abelly donne
des détails intéressants sur sa visite {o-p. cit., t. III, chap. Xili, sect. c,
p. 208 ; chap. XIX, p. 292) ; on en trouve d'autres dans les dé-
— 91 —
dix écus, avant de quitter la capitale, et que cet argent venait
d'une aumône, non du bien destiné aux missions. Puis il
ajoute :
Je vous supplie, Monsieur, si l'humeur prenait à quel-
qu'autre mien parent de m'en venir voir, de l'en détour-
ner, parce que, n'ayant pas moyen de leur faire du bien,
ils prendront beaucoup de peine sans profit.
55. — A LOUISE DE MARILLAC
[Septembre i63o^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Ce n'est pas aller sans sujet que d'aller voir une per-
sonne de la qualité de celle qui vous demande ^ et qui
peut-être a besoin de votre conseil pour se résoudre à
quelque chose de bien bon. Allez donc. Mademoiselle,
allez, au nom de Notre-Seigneur et avec sa bénédiction.
Que si l'occasion de faire quelque chose à l'égard des
enfants de ce lieu-là ^ se présente, faites-le avec précau-
tion ; il en faut beaucoup en ce diocèse-là. L'autorité
néanmoins de la dame du lieu sera la vôtre en celle
de Notre-Seigneur, en ne faisant pas d'éclat.
Pour la communion, je pense que vous ferez bien de
positions au procès de béatification de Jean-Jacques Castetja, Jean
de Paul, Charles Le Blanc, Anne Varin et Jacques d'Apremont.
Lettre 55. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite à l'époque des vacances, avant l'instal-
lation de saint Vincent à Saint-Lazare et alors que Louise de Marii-
lac était à la tête de la Charité de Saint-Nicolas, en 1630 par con-
séquent, car en septembre et octobre 163 1 Louise n'était pas à Paris.
2. Probablement Geneviève d'Attichy, épouse de Scipion d'Aqua-
viva, duc d'Atri.
3. Probablement Attichy, au diocèse de Soissons, non loin du dio-
cèse de Beauvais.
— 92 —
vous contenter de ce que vous aviez accoutumé ; et pour
Monsieur votre fils, il sera le très bien venu après que
les ordinands se seront retirés, d'ici à dix ou onze jours,
parce que nous n'avons ni lit ni chambre où le mettre.
Ordonnez-lui donc de venir en ce temps-là, s'il vous
plaît.
Monsieur Dehorgny vous ira parler du jeune homme
qu'on désire envoyer, céans ; et moi je vous demande
pardon si je n'ai l'honneur de vous voir avant votre
départ, à cause de l'embarras que nous avons ici.
Je vous supplie de me mander si votre Charité * est
bien riche et si vous avez besoin d'argent, et de croire
que, grâces à Dieu, je me porte bien et que je suis votre
serviteur.
Vincent.
Il ne faut pas approcher si près des Charités du dio-
cèse de Beauvais sans les visiter à loisir. Peut-être que
Mademoiselle d'Attichy ^ sera bien aise d'aller à la plus
proche.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
4. La Charité de Saint-Nicolas.
5. Valence de Marillac, tante de Louise, épouse d'Octavien Doni,
sieur d'Attichy, surintendant des finances, et marraine de Michel,
avait eu huit enfants : Achille se fit jésuite ; Louis entra chez les
Minimes et devint évêque de Riez {1628), puis d'Autun (1652) ;
Antoine, marquis d'Attichy, fut tué à l'armée en 1637, à l'âge de
vingt-cinq ans ; Geneviève épousa le duc d'Atri ; Anne devint la fem-
me du comte de Maure ; Henriette entra au Carmel ; Madeleine prit
l'habit des Ursulines. Privés de leur père en 1614, de leur mère en
161 7, les enfants encore jeunes furent secourus par Louise de Ma-
rillac et son mari. (Cf. Lettres de Louise de Marillac, p. 150.)
93
56. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur soit avec vous
pour jamais !
Je reçus votre dernière samedi passé, en sortant pour
m'en aller à Maubuisson \ et priai Monsieur de la Salle
de vous faire réponse. Or, la présente sera pour vous
assurer derechef que Monsieur votre fils se porte bien,
Monsieur Bourdoise^ me l'ayant ainsi assuré, et pour
vous dire la consolation que je reçois de votre amen-
dement, et que je souhaite bien fort votre parfaite gué-
rison ; mais le moyen, en parlant tant, comme il faut
que vous parliez, et avec un air si subtil et votre rhume !
Certes, si vous recouvrez votre parfaite santé, il faudra
bien dire que Dieu vous a guérie. Je m'attends à en avoir
aujourd'hui ou demain de plus amples nouvelles. Made-
moiselle du Fay vient tout présentement d'envoyer sa
servante pour en apprendre, et je veux bien me promet-
tre que nous en aurons de boimes à lui envoyer.
Je lui communiquai samedi passé ce que vous me
Lettre 56. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Près Pontoise (Seine-et-Oise) .
2. Adrien Bourdoise, né le i*'" juillet 1584, à Brou (Eure-et-Loir),
mort à Paris le 19 juillet 1655, fut l'un des plus zélés réformateurs
du clergé au XVII^ siècle. Il fonda une communauté de prêtres,
les prêtres de Saint-Nicolas-du-Chardonnet ou les Nicolaîtes, du
nom de la paroisse de Paris sur laquelle ils résidaient. Il fit
une de ses retraites à Saint-Lazare. Ce fait et le conseil qu'il donna
au duc de Liancourt, patron de plusieurs bénéfices, de s'en rapporter
au jugement de Vincent de Paul pour le choix des bénéficiers, mon-
trent en quelle haute estime il avait ce dernier. Cette estime, le
saint la lui rendait : « O Messieurs, disait-il un jour à ses mission-
naires, qu'un bon prêtre est une grande chose ! Que ne peut pas
faire un bon ecclésiastique ! Quelle conversion ne peut-il pas procurer !
Voyez Monsieur Bourdoise, cet excellent prêtre, que ne fait-il pas et
que ne peut-il pas faire ! » (Abelly, of. cit,, t. II, chap. v, p. 298.)
— 94 —
mandez d'elle, dont elle fut bien consolée. Et votre
cœur l'est-il pas aussi, Mademoiselle, de voir qu"il
a été trouvé digne devant Dieu de souffrir en le ser-
vant ? Certes, vous lui devez un remerciement particu-
lier et faire votre possible pour lui demander la grâce
d'en faire bon usage.
Vous désirez savoir si vous parlerez à la Charité en
corps. Certes, je le voudrais bien ; mais je ne sais s'il
est facile et expédient. Cela leur profiterait. Parlez-en
à Mademoiselle Champlin et faites ce que Notre-Sei-
gneur vous inspirera.
Je suis, en son amour et celui de sa sainte Mère,
Mademoiselle, votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 22 octobre 1630.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
à Montmirail ^.
57. — A LOUISE DE MARILLAC, A MONTMIRAIL
Ce 29 octobre i63o.
Mademoiselle,
Béni soit Dieu de ce que vous voilà guérie et que la
Il y aurait beaucoup à dire sur les relations de ces deux hommes.
On peut consulter avec profit une vie manuscrite de M. Bourdoise,
de 1694 (Bibl. Maz., ms. 2453), pp. 2, 667, 671, 673, l'ouvrage de
l'abbé Schoenher, of. cit., t. I, pp. 96, m, 113, 118, 129 ; Le saint
abbé Bourdoise, par Jean Darche, Paris, 1883, 2 vol. in-80, t. I,
p. 536 ; t. II, pp. 25, 284). Comme toujours, la légende s'est mêlée
à l'histoire ; mais ce n'est pas ici le lieu de faire la part de l'une et
deTautre.
3. Au-dessous de l'adresse, Louise de Marillac a écrit elle-même
« Villiers-le-Bel ». Serait-elle allée en cette localité avant ou après
son séjour à Montmirail ? C'est possible.
Lettre 57. — Manuscrit Saint-Paul, p. g.
— 95 —
subtilité de cet air-là ne vous nuit point ! Cela étant
ainsi, vous continuerez, s'il vous plait, jusques à ce que
vous ayez fait le fruit à peu près que vous avez fait
ailleurs. Mais si vous aviez quelque sentiment de
rechute, prévenez-le, s'il vous plaît, et vous en revenez.
Je laisse tout cela à votre disposition pendant que je
m'en vais faire un petit voyage de quinze jours à
Beauvais.
Proposez à Monsieur le prieur \ s'il vous plaît, ce que
vous me mandez de l'élection des officières.
58. — A LOUISE DE MARILLAC, A BEAUVAIS *
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
mais !
Béni soit Dieu de ce que vous voilà arrivée en bonne
jamais !
I. Très probablement le prieur de Montmirail.
Lettre 58. — L. a. — Original au Mans dans le trésor de l'église
Notre-Dame de la Couture.
I. Le saint venait de passer une quinzaine de jours à Beauvais,
où il avait pu se rendre compte que la visite de Louise de Marillac se-
rait utile aux confréries de la Charité établies dans cette ville. L'his-
toire de l'établissement des Charités à Beauvais mérite d'être connue.
Avant 1629, on rencontrait partout à Beauvais dans les rues, aux
portes des églises, dans les églises même, des troupes de mendiants
effrontés qui demandaient ou plutôt exigeaient l'aumône, la menace
à la bouche. Augustin Potier, évêque du diocèse, s'inquiéta de cette
situation. Il fit dresser la liste de tous les indigents, s'enquit de
l'étendue de leurs besoins et pensa qu'il serait utile de créer une cais-
se, qu'alimenteraient les aumônes et le produit des quêtes, et de
constituer un bureau central pour recueillir et répartir les secours. Le
16 avril 1629, il convoqua dans son palais les chanoines, les jurats et
les notables de la ville et leur proposa son plan, qui fut adopté. Pour
l'exécution, on fit appel à saint Vincent, qui accourut et se mit de
suite à l'œuvre. Il monta en chaire, parla des Charités, de leur fonc-
tionnement, de leur utilité et eut bientôt la joie de voir l'œuvre
établie dans chacune des dix-huit paroisses. Cela fait, il partagea
la ville en quartiers pour faciliter la distribution des aumônes. (Cf.
- 96 -
santé ! Oh ! ayez bien soin de la conserver pour l'amour
de Notre- Seigneur et de ses pauvres membres, et prenez
garde de n'en pas faire trop. C'est une ruse du diable,
dont il trompe les bonnes âmes, que de les inciter à faire
plus qu'elles ne peuvent, afin qu'elles ne puissent rien
faire ; et l'esprit de Dieu incite doucement à faire le
bien que raisoimablement l'on peut faire, afi.n que l'on
le fasse persévéramment et longuement Faites donc
ainsi, Mademoiselle, et vous agirez selon l'esprit de
Dieu.
Or, répondons maintenant à tout ce que vous me
mandez. Il me semble qu'il est à propos voirement " que
Madame la trésorière ^ se décharge de la délivrance du
vin et qu'on le baille à quelque autre ; car pour l'hôtel-
lerie, il faudrait payer le huitième. Quelque bonne veuve
Abelly, of. cit., t. I, chap. xxiii, p. io8 ; Delettre, of. cit., t. III,
p. 407 ; Réglemens four la Charité des -pauvres malades establie à
Beauvais Vonziesme novembre mil six cent trente, Beauvais, 1669,
in-i8. ) Cependant les obstacles ne manquèrent pas. Alphonse Feil-
let a découvert dans les Archives du Comité d'Histoire de France
un projet de réquisitoire dressé par le lieutenant de Beauvais pour
se plaindre « que depuis quinze jours environ serait arrivé en cette
ville un certain prêtre nommé Vincent, lequel, au mépris de l'auto-
rité royale, aurait, sans en communiquer aux officiers royaux ni à
aucun autre corps de la ville qui y eût intérêt, fait assembler un
grand nombre de femmes, auxquelles il avait persuadé de se mettre
de la confrérie, à laquelle il donne le nom spéciaux {sic) de Charité
et laquelle il désirait ériger pour subvenir et fournir de vivres et
autres nécessités aux pauvres malades de ladite ville de Beauvais et
aller chaque semaine faire une quête des deniers qu'ils voudraient
bailler à cet effet ; ce qui aurait été, depuis, exécuté par ledit Vin-
cent et icelle confrérie érigée, en laquelle il aurait reçu 300 femmes
ou environ, lesquelles pour faire leurs exercices et fonctions ci-des-
sus, s'assemblent souvent, ce qui ne doit pas être toléré ». Et le
lieutenant de la ville, indigné de l'audace « du prêtre nommé Vin-
cent », requiert qu'une information soit faite et envoyée au procureur
général du roi. Grâce au saint homme, la ville fut bientôt complè-
tement transformée.
2. Voirement, vraiment.
3. Les confréries de la Charité avaient à leur tête une supérieure,
qu'assistaient une trésorière, une garde-meubles et un procureur.
- - 97 —
de la Basse-Œuvre ^ pourra bien faire cela, ou de Saint-
Sauveur. J'estime donc que cela est nécessaire, aûn que
la trésorière ait moyen de vaquer à la conduite de
l'œuvre, à la réception et congédiement des malades ;
car, pour la garde, il n'est nullement à propos qu'elle
fasse cela, ni que l'on lui donne six sols par jour. Eh !
bon Dieu ! elle emporterait le plus liquide de la Charité.
Plût à Dieu que la bonne Madame de la Croix pût
faire ce que vous lui conseillez ! Cela lui vaudrait bien
une borme religion. Pour les drogues, vous avez bien fait
de les délivrer ; mais votre trésorière ne devait pas
faire marché ; elle ne sait point où cela va. Il sera bon
d'y remédier par le moyen de Monsieur le grand vicaire ^
et l'entremise de Monsieur du Rotoir. Quand Monsieur
de Beauvais sera de retour, il sera bon de lui commu-
niquer les choses principales, si vous voyez qu'il l'agrée.
Il veut cela quelquefois. Mais, pour prendre la bénédic-
tion de lui, il me semble qu'il n'est pas expédient, pour-
ce qu'il est fort éloigné de cérémonie et aime qu'on traite
avec lui rondement, et respectueusement néanmoins.
Pour votre logement, si vous l'avez pris chez Monsieur
Ricard ^, vous ne sauriez être mieux ; c'est le meilleur et
un des plus honnêtes hommes que je connaisse ; et
Madame sa femme, que je connais seulement de répu-
tation, fort pieuse. Hélas ! que je pense qu'ils en seront
contents l'un et l'autre ! Je souhaite fort que vous y
soyez.
Quant au doute de M. du Rotoir, il a raison ; et je
pense qu'il sera à propos de mettre dans le règlement
que les sœurs du quartier de la Basse-Œuvre assisteront
4. Nom d'un quartier de la ville.
5. Nicolas Lévesque, qui fut dans la suite premier supérieur du
séminaire de Beauvais.
6. Raoul Ricard, procureur au présidial. Il resta pendant trente
ans procureur de la Charité de Beauvais.
- 98 -
les pauvres qui mourront en la Basse-Œuvre et à Saint-
Gilles ; mais, pour les autres quartiers, je pense qu'il
suffit que ce soient les dames d'une paroisse qui assis-
tent à l'enterrement des pauvres de leur paroisse seule-
ment, pource que les sœurs du quartier de Saint-Sauveur,
de Saint-Etienne et de Saint-Martin ont trop de malades
et trop de mourants, pour qu'elles y assistent à tous leurs
enterrements, et que les autres paroisses sont des faux-
bourgs, qui font chacun un quartier.
Et pour les quêtes, l'on dit, avant de partir, qu'elles
mettront autant de jours qu'il faudra pour les faire '.
Je voudrais bien savoir ce qu'elles ont trouvé à chaque
quête qui a été faite. Alais il faut noter, touchant ce que
j'ai dit de l'enterrement, qu'il faut que Monseigneur
prononce là-dessus sa volonté.
Et moi, je vous promets d'écrire à Villepreux pour
l'élection de l'officière et de parler au R. P. de Gondy
pour avoir du bois pour Montmirail. Je vous promets,
de plus, de vous mander la disposition de Monsieur
votre fils au prochain voyage, ne l'ayant pu par celui-ci,
faute de l'avoir prévu.
Soyez-en cependant en repos et unissez votre esprit
aux moqueries, aux mépris et au mauvais traitement que
le Fils de Dieu a soufferts, lorsque vous serez honorée
et estimée. Certes, Mademoiselle, un esprit vraiment
humble s'humilie autant dans les honneurs que dans les
mépris et fait comme la mouche à miel qui fait son miel
aussi bien de la rosée qui tombe sur l'absinthe que de
celle qui tombe sur la rose. J'espère que vous en userez
ainsi et que vous m'obtiendrez pardon de notre borme
Mère la supérieure des Ursulines de ce que je m'en
vins sans recevoir ses commandements, et que vous assu-
7. I>es sœurs quêtaient dans l'éçlise et à domicile. L'argent re-
cueilli était déposé dans un cofiFre à deux serrures, dont la supérieure
avait une clef et la trésorière l'autre.
— 99 —
rerez Mesdames les ofûcières et Monsieur du Rotoir que
je suis à eux et à vous, en l'amour de Notre-Seigneur et
de sa sainte Mère, Mademoiselle, votre très humble ser-
viteur.
Vincent Depaul.
Je ne suis pas prêt à partir pour notre grand voyage ;
quelques affaires d'importance nous arrêtent ici ; et
Monsieur Lucas, qui a été grièvement malade à la mis-
sion de Berry *, s'en revient ici ®.
De Paris, ce 7 décembre 1630.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
au logis de Monsieur du Rotoir, à Beauvais.
59. — A LOUISE DE MARILLAC
[i63o ou i63i *.]
Je viens de recevoir présentement l'incluse de la bonne
Germaine ^. Je vous supplie. Mademoiselle, de lui faire
réponse pour nous deux. Mais je vous supplie encore plus
humblement que vous m'excusiez de ce que je ne vous
8. Berry-au-Bac, petit village de l'Aisne, arrondissement de Laon.
9. La visite de Louise de Marillac à Beauvais porta des fruits
abondants. Les dames vinrent nombreuses à ses entretiens ; les
hommes réussirent à l'entendre en se cachant. Quand elle repartit
pour Paris, le peuple l'accompagna bien loin sur le chemin, louant et
bénissant Dieu de l'avoir envoyée. Gobillon raconte (op. cit., p. 43)
qu'un enfant tombé sous les roues de la charrette qui la portait se
releva sans mal, grâce à ses prières.
Lettre 59. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Nous lisons dans Abelly [op. cit., t. I, chap. XXIII, p. rog) :
« La même année et la suivante 163 1, cette confrérie (la confrérie
de la Charité) fut établie par M. Vincent, avec la permission de
M. l'archevêque de Paris et l'agrément de MM. les curés dans les
paroisses de Saint-Médéric (Saint-Merry), Saint-Benoît et Saint-Sul-
pice. »
2. Une des filles que Louise de Marillac employait aux écoles.
Elle fut longtemps maîtresse à Villepreux, où nous la trouvons en-
core en 1637.
lOO —
suis allé voir, ni prié de venir ici. Le continuel embarras
que j'ai m'en empêche.
Nous sommes après à mettre la Charité à Saint-
Benoît ; mais je ne sais par quel esprit cela se fait que
chaque paroisse de Paris veut avoir quelque chose de
particulier et ne veulent point avoir rapports avec les
autres. C'est quasi leur faire peine que de dire : l'on fait
ailleurs comme cela. Ou bien elles veulent faire un sal-
migondis ^, en prenant quelque chose de Saint-Sauveur ',
quelqu'autre de Saint-Nicolas, notre paroisse, et quel-
qu'autre chose de Saint-Eustache ^.
Il sera parlé de vous en l'assemblée de Saint-Benoît.
Mademoiselle Tranchot en dit des merveilles. Pensez
s'il serait à propos que vous preniez la peine de voir
cette bonne demoiselle pour stabiliser] " son esprit, afin
qu'elle fortifie les autres. Si vous l'avez vue d'autres fois,
cela se pourrait facilement par quelque prétexte que
vous pourrez prendre ; car elle ne faudra pas de vous en
parler, ni moi d'être, en l'amour de Notre-Seigneur et de
sa sainte Mère, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Je m'en vas demain à Alontreuil ' et reviendrai le
même jour, comme j'espère. Ressouvenez-vous de nous
en vos prières. Je vous souhaite le bonsoir.
Suscriftion : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
3. Salmigondis, mélange de choses disparates.
4. Nous avons encore le règlement de la confrérie établie sur la
paroisse Saint-Sauveur.
5. A lire Abelly {of. cit., t. I, chap. xxiii, p. 109), on croirait que
la confrérie de Saint-Benoît a précédé celle de Saint-Eustache. On
voit ici qu'il n'en est rien.
6. Le mot est resté incomplet dans l'original, à la fin d'une ligne.
7. Montreuil-sous-Bois, commune populeuse située aux portes de
Paris. Saint Vincent y avait établi, le 11 avril 1627, une confrérie
de la Charité, dont on a encore l'acte d'érection.
60. — A LOUISE DE MARILLAG
[Avant i634'.]
Si Germaine a accoutumé de communier, je ne vois
point de difficulté que vous ne fassiez de même. Faites-
le donc, Mademoiselle -. Que si vous ne pouvez pren-
dre la discipline et si tant est que vous ayez une ceinture
de petites rosettes d'argent que Mademoiselle du Fay
m'a fait recouvrer d'autres fois, prenez-la, au lieu de la
discipline et au lieu de celle de poil de cheval, pource
que celles-là échauffent trop ^.
61. — A LOUISE DE MARILLAG
[Mars i63i K]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
La lettre de Monsieur votre fils me paraît fort judi-
Lettre 60. — Manuscrit Saint-Paul, p. 83.
1. Les conseils donnés à Louise de Marillac nous semblent mieux
convenir au temps qui a précédé l'institution des Filles de la Charité.
2. Dans un règlement de vie qui paraît être de 1630 ou 1631,
Louise de Marillac s'engage à communier les « jours de dimanche,
mardis [ici le manuscrit est déchiré], n'était qu'il vînt des fêtes en
la semaine qui » 1' « obligeassent à prendre les autres jours ». (Pen-
sées, p. 4.) La fondatrice nous avertissant elle-même ailleurs (Pen-
sées, p. 376) qu'elle avait reçu de son confesseur l'ordre de commu-
nier tous les samedis, nous pensons qu'à l'endroit de la déchirure,
il y avait et samedis.
3. Le règlement de vie signalé à la note 2 porte ces mots : <c Je
ferai, en esprit de pénitence, deux ou trois fois la discipline, un
Pater, honorant J.-C, un Ave, honorant la sainte Vierge, et le De
Profundis pour les âmes du Purgatoire ; et tous les jours de la
sainte communion je porterai, la matinée, la ceinture de pénitence, et
je la porterai le vendredi tout le jour. i> (Pensées, p. 4.) Saint Vin-
cent corrigea le règlement et remplaça la discipline par « une cein-
ture de petites rosettes d'argent ».
Lettre 61. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Cette lettre précède de un ou deux jours tout au plus le départ
de Louise de Marillac pour Montreuil, 011 elle était le 31 mars 1631.
cieuse. Je pense qu'on lui a aidé ; mais, si elle est de son
cru, il y a sujet d'espérer qu'il aura du jugement. Je
pense qu'il sera bon de différer son retour au vôtre et
que vous ne laissiez point de faire votre voyage. Donnez-
lui donc terme d'ici à quinze jours et dites-lui que vous
l'enverrez quérir quand vous reviendrez -, et lui mandez
que vous avez résolu de le mettre aux Jésuites pension-
naire, aân qu'il étudie ^ ; et sera à propos, à votre
retour, d'en parler à ces Pères et de retenir sa place
avant qu'il revienne, pour l'envoyer de la communauté *
aux Jésuites avec sa soutane, sans loger chez vous. Il
vous coûtera plus qu'il ne fait ; mais quoi ! il faut croire
que celle qui affectiorme la sainte pauvreté au souverain
degré ne saurait s'appauvrir.
Pour mon voyage, je n'y pense point seulement ; le
grand même est interrompu ou notamment différé et
je n'en vois point à présent de moindres. Soyez donc
en repos de ce côté-là et allez avec la bénédiction de
Dieu, que je prie Notre-Seigneur vous donner. Honorez
la tranquillité de son âme et celle de sa sainte Mère
et soyez bien gaie en votre voyage, puisque vous en avez
un grand sujet dans l'occasion en laquelle Notre-
Seigneur vous emploie.
Vous pourrez dire, s'il vous plaît, à Monsieur le curé *
que, s'il lui plaît que vous instruisiez les filles pendant
quelques jours que vous serez à Alontreuil, que vous le
ferez de bon cœur. Il s'est allé devant vous chercher un
logement ; descendez cependant et logez-vous à l'hôtel-
2. Le petit Michel ne se plaisait pas à Saint-Nicolas ; il l'avait
écrit à sa mère. Saint Vincent est d'avis qu'il reste au séminaire jus-
qu'à ce que sa mère soit de retour de Montreuil.
3. Les Jésuites tenaient alors à Paris un célèbre collège, le col-
lège de Clermont, devenu lycée Louis-le-Grand.
4. Le séminaire Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
5. Martin Le Marinel, prêtre du diocèse de Coutances, nommé curé
de Montreuil en 1627, mort en 1637.
— I03 —
lerie. Que s'il vous presse d'aller ailleurs, faites-le in
nomine Domini. L'hôtellerie où vous serez plus commo-
dément, c'est chez la veuve.
Adieu, Mademoiselle, ressouvenez-vous de moi en vos
prières, qui suis votre très humble serviteur.
V. Depaul.
62. — A LOUISE DE MARILLAC, A MONTREUIL
Mandez-moi, je vous supplie, comment vous vous por-
tez et combien vous faites état d'être à Montreuil, et
ressouvenez-vous particulièrement de prier Dieu pour
moi, qui, me trouvant hier entre l'occasion d'exécuter
une promesse que j'avais faite et un acte de charité
à l'égard d'une personne qui nous peut faire du bien
et du mal, je laissai l'acte de charité pour accomplir ma
promesse, dont j'ai beaucoup mécontenté cette personne-
là ; ce qui ne me fâche pas tant comme de ce que j'ai
suivi mon inclination en faisant comme j'ai fait, et qui
suis, en l'amour de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère,
Mademoiselle, votre très humble et obéissant serviteur.
V. Depaul.
De Paris, ce dernier de mars 1631.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
63. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Lettre 62. — L. a. — Original chez les Filles de la Charité de la
rue Alcxandre-Parodi, 10, Paris.
Lettre 63. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
— I04 —
Je suis fort consolé d'avoir appris des nouvelles de
votre santé et de votre travail, et prie Dieu qu'il bénisse
l'un et l'autre de plus en plus et qu'il soit votre conso-
lation lorsque je vous contristerai, comme la semaine
passée, et pendant les peines intérieures dorit il plaira
à Dieu vous affliger.
Je trouve bon tout ce que vous me mandez de la Cha-
rité et vous prie de proposer aux sœurs tout ce que vous
trouverez à propos pour cela, et de l'arrêter, tant sur ce
que vous m'avez écrit, que sur ce qui vous viendra en
pensée pour le mieux, et je vous enverrai le règlement
en forme entre ci ^ et dimanche.
Pour Monsieur votre fils, soyez en repos -. Quand vous
viendrez, nous en parlerons, et je ferai ce qu'il faudra,
et serai, en l'amour de Notre- Seigneur, Mademoiselle,
votre très humble serviteur.
V. Depaul.
Ce jour saint François de Paule. [2 avril 1631 ^.]
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
à Montreuil.
64. — A LOUISE DE MARILLAC, A MONTREUIL
[Avril i63i K]
Béni soit Dieu, Mademoiselle, de la bénédiction et de
la santé qu'il vous donne ! Je vous enverrai, par Mon-
sieur le curé ou par quelqu'autre, le règlement de la Cha-
rité, que j'ai ajusté à ce qui est convenable à Montreuil.
1. Cette lettre est du mercredi.
2. Voir la lettre 61.
3. Cette lettre a sa place à côté des lettres 62 et 64.
Lettre 64. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. La comparaison de cette lettre avec la lettre 63 nous montre
qu'elle est ici à sa place. Nous pensons qu'elle fut écrite le dimanche
suivant 6 avril.
Vous le verrez ; et sil y a quelque chose à ôter ou à
ajouter, mandez-le-moi, s'il vous plaît.
La quête se fera difficilement par le village " ; Dieu
y a pourvu par celles de l'église. Il y a sujet d'espérer
le même ^ pour l'avenir. Ils sont moqueurs en ce pays-
là, et les femmes pourraient tout quitter. L'action * se
pourra faire par Monsieur le vicaire, selon le règlement.
J'en ai parlé à Monsieur le curé \ lequel, n'y pouvant
aller, vous envoie M. Bécu.
Pour ôter quelqu'une, je pense qu'il vaut mieux tolérer
toutes celles qui promettront faire bien leur devoir, et
réduire le nombre, par la mort de celles qui décéderont,
à soixante. Celles qui seront reçues à la Charité seront
censées du Saint-Nom-de-Jésus ; et ne sera point néces-
saire d'être de celles-ci pour être de celles-là ^.
Il y a trois choses à faire aujourd'hui : leur proposer
le règlement de la part de Monseigneur l'archevêque "
et de M. le curé, pour procéder à nouvelle élection, et, en
troisième lieu, arrêter le nombre de celles qui seront de
bonne volonté. Pour le surplus, vous l'introduirez en les
revoyant dimanche. Il faudrait retirer parole d'elles de
se rassembler ce jour-là, ou bien, pour le moins, les offi-
2. A cause des moqueries, qui auraient pu décourager les quêteuses.
3. Le même résultat.
4. La quête.
5. Martin Le Marinel.
6. Nous lisons dans l'acte d'érection de la Confrérie : a Pour évi-
ter la multiplicité des confréries, avons, du consentement des con-
frères de la confrérie du Saint-Xom-de-Jésus, uni et incorporé, unis-
sons et incorporons ladite confrérie de la Charité à celle du Saint-
Nom-de-Jésus établie audit ilontreuil. »
7. Jean-François de Gondi, frère de l'ancien général des galères
Philippe-Emmanuel de Gondi et premier archevêque de Paris, fit
beaucoup pour saint Vincent pendant toute la durée de son épiscopat
(1622-1654). Il lui donna la principalité du collège des Bons-
Enfants, approuva le traité de fondation et les premiers règlements
de la congrégation de la Mission, lui permit de s'établir à Saint-
Lazare, bref le seconda dans toutes les bonnes œuvres. Son nom,
lOÔ
cières, auxquelles vous inculquerez, s'il vous plaît, leur
devoir et celui de la confrérie.
Monsieur votre fils se porte bien, à ce que M. Le Juge *
m'a mandé, lequel lui a envoyé votre lettre. Soyez donc
en repos de ce côté-là. Je parlerai cependant au collège
des jésuites pour lui *.
Nous sommes dans l'embarras de nos ordres ". J'en
recommande le succès à vos prières et vous prie d'avoir
soin de votre santé.
Mademoiselle Sevin " parlait hier de vous aller voir,
si elle peut, avec Madame de Châteaufort ^-.
65. — A LOUISE DE MARILLAC, A MONTREUIL
Mademoiselle,
Mon petit voyage que j'ai fait aux champs, d'où je
revins avant-hier au soir, m'a empêché de vaquer à
comme celui de son frère et de sa belle-soeur, est au premier rang
dans la liste des bienfaiteurs de la congrégation de la ^lission.
8. Thomas Le Juge fut un des principaux auxiliaires de M. Bour-
doise. Membre de la communauté de Saint-Nicolas-du-Chardonnet
dès 1621, il devint économe du séminaire le 27 janvier 1647 ^^ ^"*
réélu le 25 jaillet 1650. Il mourut aveugle en 1653. (Schoenher, of.
cit., t. I, p. 182 ; Darche, of. cit., t. I, pp. 433, 479.)
9. Voir la lettre 61.
10. Les exercices des ordinands se donnaient alors aux Bons-En-
fants.
11. Mademoiselle Sevin, de son premier nom Marie Véron, était
là sœur du savant curé de Charenton, François Véron, très réputé
de son temps comme controversiste, et la mère de Gertrude-Elisabeth
Sevin, qui venait d'entrer au monastère de la Visitation. Son mari,
Jacques Sevin, correcteur en la cour des comptes, était mort en dé-
cembre 1615. C'est elle qui fit adopter dans toutes les paroisses de
Paris l'usage de la marmite pour la distribution des secours aux
pauvres. Sa grande charité et la proximité de son domicile l'avaient
mise en rapport avec saint Vincent, qui s'aidait souvent de ses con-
seils. (Année sainte, t. IV, p. 263-264.)
12. Peut-être Honorée ou Honorade de Forbin, femme du sieur
d'Aiguillenqui, seigneur de Châteaufort.
Lettre 65. — Manuscrit Saint-Paul, p. 11. L'original a été mis en
vente chez M. Charavay, qui l'annonce en ces termes dans son cata-
— 107 —
l'affaire de Monsieur votre fils, joint l'occupation des
ordinands. L'on m'a dit que Dieu bénit votre travail,
dont je le remercie de tout mon cœur, et le prie qu'il
vous ramené pleine de santé et de bonnes œuvres l'un
des jours de la semaine prochaine que vous jugerez
à propos, pour être ici aux offices de la semaine sainte.
De Paris, ce vendredi ii avril i63i.
66 — A LOUISE DE MARILLAC
[Avril i63i '.]
J'ai reçu votre lettre de mercredi. Mademoiselle, à
mon retour de la mission, d'oia je revins le même jour ',
et vous ai fait réponse ^ que j'ai envoyée à ^Monsieur
le curé de Montreuil. Je vous disais par ma lettre comme
j'ai assuré une place qu'on m'a promise pour M. votre
fils aux pensioimaires. C'est le principal qui me l'a
promise et de fort bonne façon. J'ai, de plus, envoyé à
logue : « Lettre autographe signée à Mademoiselle Le Gras à Mon-
treuil. De Paris, ce vendredi 2 avril, i page ^1-4". Le petit voyage
qu'il a fait aux champs, d'où il est revenu avant-hier au soir, l'a
empêché de vaquer à l'affaire de Monsieur son fils. Il a néanmoins
fait retenir parole au R. P. Lateman, principal du collège des jé-
suites, qu'il le recevra pensionnaire, etc. »
M. Charavay a mal lu le quantième du mois. Il est impossible
que la lettre ait été écrite le 2 avril, car : 1° Nous avons, datée de
ce même jour, une lettre qui est antérieure à celle-ci ; 2° le 2 avril
i63r était un mercredi et non un vendredi ; 3° d'après le contenu, la
lettre est de la semaine qui précédait la semaine sainte ; or, en
1631 la semaine sainte commençait le r3 avril.
Le II avril tombait un vendredi, deux jours avant le dimanche
des Rameaux. Cette date semble donc s'imposer.
Lettre 66. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite au commencement de la semaine sainte,
au plus tard le mardi saint 15 avril.
2. L'absence du saint avait été courte ; il était allé se rendre
compte des résultats d'une mission donnée par les siens.
3. C'est la lettre 65, dont nous n'avons donné qu'un fragment.
— io8 —
Monsieur Yart "^ celle que vous lui écrivez, selon laquelle
j'espère que mondit sieur votre fi.ls sera bientôt ici.
Puisqu'il n'a point plu à Dieu que vous ayez fait
autre chose pour la Charité, il l'en faut louer et estimer
qu'il ne veut point autre chose pour encore. Or, vos
filles étant instruites, que reste-t-il à faire et à quoi
tiendra-t-il que vous ne reveniez demain ? L'on a bien
besoin ici de vous à la Charité de Saint-Sulpice, où l'on
y a donné quelque commencement ; mais cela va si mal,
à ce qu'on m'a dit, que c'est une pitié. Peut-être que Dieu
vous réserve l'occasion d'y travailler.
Je m'en pars aujourd'hui pour aller, si je puis, à six
lieues d'ici, d'où j'espère revenir demain ; ce qu'atten-
dant, je suis, en l'amour de Notre- Seigneur, votre très
humble serviteur.
V. Depaul.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras
à Monj:reuil.
67. — A LOUISE DE MARILLAC
Samedi, à 9 heures. [Avril i63i '.]
Mademoiselle,
Je me promettais la consolation de vous aller voir ;
mais j'ai été contraint de partir inopinément pour le bois
de Vincennes ". Votre cher cœur me le pardonnera ; et
3. François Wiart ou Wyart, prêtre du séminaire de Saint-Nicolas-
du-Chardonnet, né à Maries, au diocèse de Laon, mort en 1661 à
Laon, oii il travaillait à fonder le séminaire. Il fut économe ou su-
périeur des Nicolaïtes de 1639 à 1647.
Lettre 67. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre semble écrite avant la reprise des classes, peut-être
le premier samedi qui suivit la semaine de Pâques, c'est-à-dire le
26 avril.
2. Localité de la banlieue-est de Paris.
— 109 —
au retour, Dieu aidant, nous parlerons de tout, vous
disant cependant, par précaution, que je suis bien aise
de ce que le petit s'est résolu au collège ^, que, pour la
pension, de l'autre ^, il n'y a remède. Il faut entrer par
cette porte pour l'accoutumer. Les pensions, à mon avis,
sont de deux cents livres pour personne ; et je pense
qu'il y en a qui paient plus ; mais je crois qu'il se con-
tentera de cela.
Pour la personne que vous désirez ôter, il n'y a point
de danger pour en avoir une selon votre cœur ; mais
celle dont vous me parlez ne vous sera pas propre,
comme je pense. Il vous en faut une toute neuve ou
dévote, qui vous honore et craigne, ou qui ait mêmes
pensées que vous ; demandez-en une à Dieu. Quant à la
saisie dont vous me parlez, il n'y a point d'inconvénient
d'en user ainsi que vous me mandez.
Adieu, ma chère fille ; tenez-vous bien gaie. Au retour,
nous parlerons de tout ce dessein et de votre voyage des
champs. Défendez à votre cœur de murmurer contre le
mien de ce que je m'en vas sans vous parler, pource
que je n'en savais rien au matin. J'espère vous revoir
dans huit ou dix jours, et en attendant, je suis votre
serviteur \
68. — A ISABELLE DU FAY
[Entre 1626 et lôSi *.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
3. Au collège de Clermont.
4. De l'autre, d'autre part.
5. La lettre était vraisemblablement signée ; une découpure ma-
ladroite a fait disparaître le bas de l'original.
Lettre 68. — Reg- i, f° 4. Le copiste note que l'écriture de l'ori-
ginal était celle du saint.
I. D'une part, le nom de Mademoiselle du Fay ne paraît dans
Me voici revenu ; mais en doute s'il ne me faut point
retourner aux champs pour sept ou huit jours ; et pour-
ce que nous avons quelques affaires qui m'occuperont
aujourd'hui et m'empêcheront le bonheur de vous aller
voir chez vous, je vous supplie très humblement de me
faire la faveur, si vous venez vers ces quartiers environ
les deux heures, de m'envoyer quérir chez Mademoiselle
Le Gras, et je vous y irai trouver, ou vous supplierai de
venir jusques à Sainte-Marie du faubourg, au cas que je
ne me puisse rendre chez madite demoiselle à cette
heure-là. Vous voyez bien, Mademoiselle, la confiance
que j'ai que votre cœur n'a jamais de volonté et qu'il se
laisse tourner à toute main. Oh ! heureuse assiette d'un
cœur qui est en cet état !
Bonjour, Mademoiselle. Je suis, en l'amour de Notre-
Seig-neur et de sa sainte Mère, votre très humble ser-
viteur.
Vincent Depaul.
69. — A LOUISE DE MARILLAC
[Mai 1631 1.]
Ma petite indisposition n'est point ma petite fièvre
ordinaire, mais un petit mal de jambe, à cause d'une
petite atteinte d'un coup de pied de cheval, et d'une pe-
tite tumeur, qui avait commencé huit ou quinze jours
auparavant ; ce qui est si peu de chose que, n'était un
peu de tendresse qu'il y a en mon fait, je ne laisserais
aucune des lettres qui sont certainement antérieures à 1626 ; de l'au-
tre, il semble que celle-ci a été écrite avant que saint Vincent se soit
transporté à Saint-Lazare (8 janvier 1632).
Lettre 69. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. M. Vincent n'aurait pas attendu plus longtemps pour dire à
Louise de Marillac d'envoyer une lettre de remerciements à M. Bour-
doise.
point d'aller par ville. Je vous remercie du soin que vous
en avez et vous prie de ne vous en mettre point en peine,
pource que ce n'est rien.
Pour la peine - intérieure qui vous a fait retirer de
la sainte communion aujourd'hui, vous avez un peu mal
fait. Voyez-vous pas bien que c'est une tentation ? et
faut-il, en ce cas, donner prise à l'ennemi de la sainte
communion ? Pensez-vous devenir plus capable de vous
approcher de Dieu en vous en éloignant qu'en vous en
approchant ? Oh ! certes, c'est une illusion.
Et pour le petit Michel, n'est-ce pas une autre ten-
tation de vous troubler par l'appréhension de la su-
jétion qu'il faudra lui rendre ? Oh ! certes, Notre-
Seigneur a bien fait de ne vous pas prendre pour sa
mère, puisque vous ne pensez pas trouver la volonté de
Dieu dans le soin maternel qu'il requiert de vous pour
votre fils ; ou peut-être que vous pensez que cela vous
empêchera de faire la volonté de Dieu en autre chose ;
rien moins encore, pource que la volonté de Dieu ne
s'oppose point à la volonté de Dieu. Honorez donc la
tranquillité de la sainte Vierge en cas pareil.
Je suis bien aise de ce que vous nous enverrez demain
ce bon enfant et de ce qu'il passera la matinée céans.
J'espère aussi que vous lui permettrez d'y faire peinture
et que vous honorerez la tranquillité de l'âme de Xotre-
Seigneur par un parfait acquiescement à sa sainte
volonté en toutes choses.
Quant à la communauté ^, il sera bon que vous pre-
niez la peine de les remercier bien affectueusement. Mais
pour aucun présent, je ne pense pas que vous soyez
maintenant si accommodée que vous leur en puissiez
2. Première rédaction : douleur.
3 La communauté des prêtres de Saint-Xicolas-du-Chardonnet.
Le petit Micbel était resté chez eux près de trois ou quatre ans.
faire beaucoup. Honorez la sainte pauvreté de Notre-
Seigneur ''. Et puis rien ne les contentera tant que la
reconnaissance de paroles. Et si le petit Michel écrivait
une petite lettre de remerciement à M. Bourdoise, il me
semble que cela serait bien.
Ressouvenez-vous, s'il vous plaît, de Saint-Sulpice et
de moi en vos prières, qui suis votre serviteur.
Siiscrifùon : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
70. — A ANTOINE PORTAIL, PRÊTRE DE LA MISSION,
AUX CÉVENNES
21 juin i63i.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais
J'espère beaucoup de fruit de la bonté de Notre-
Seigneur, si l'union, la cordialité et le support sont entre
vous deux. Au nom de Dieu, Monsieur, que ce soit là
votre grand exercice ; et parce que vous êtes le plus
ancien, le second de la compagnie et le supérieur, sup-
portez tout, je dis tout, du bon M. Lucas ; je dis encore
tout, de sorte que, vous déposant de la supériorité,
ajustez-vous à lui en charité. C'est le moyen par lequel
Notre-Seigneur a gagné et dirigé les apôtres et celui
seul par lequel vous viendrez à bout de M. Lucas. Selon
cela, dormez lieu à son humeur ; ne lui contredites ja-
mais sur l'heure ; mais avertissez-le cordialement et
humblement après. Surtout qu'il ne paraisse pomt au-
4. Des ratures recouvrent cette phrase et la précédente. La qua-
lité de l'encre permet de croire qu'elles sont de saint Vincent à par-
tir du mot beaucou-p.
Lettre 70. — Recueil des exhortations et lettres de saint Vincent,
deuxième partie, p. iio.
cune scission entre vous. Vous êtes là sur un théâtre sur
lequel un acte d'aigreur est capable de tout gâter. J'es-
père que vous en userez de la sorte et que Dieu se ser-
vira d'un million d'actes de vertu que vous pratiquerez
là dedans, comme de base et de fondement au bien que
vous devez faire en ce pays-là.
71. — A LOUISE DE MARILLAC
[Avant i632'.]
Je vous remercie de l'argent que [vous] m'avez envoyé,
Mademoiselle, et vous prie de vous mortifi.er d'entendre
demain la messe ici, parce que je la dirai dès les quatre
heures et que vous ne pourriez vous lever à cette heure-
là sans vous mettre en danger de retomber.
Quant au reste, je vous prie une fois pour toutes de
n'y point penser, jusques à ce que Notre-Seigneur fasse
paraître qu'il le veut, qui donne maintenant les senti-
ments contraires à cela. L'on désire plusieurs bonnes
choses d'un désir qui semble être selon Dieu, et néan-
moins il ne l'est pas toujours. Ains Dieu permet cela pour
la préparation de l'esprit à être selon ce qu'on désire.
Saiil cherchait une ânesse ; il trouva un royaume ; saint
Louis, la conquête de la terre sainte, et il trouva la con-
quête de soi-même et de la couronne du ciel. Vous cher-
chez à devenir la servante de ces pauvres filles ^, et Dieu
veut que vous soyez la sienne, et peut-être de plus de per-
Lettre 71. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
Il n'est pas facile de bien saisir le sens de cette lettre ; l'interprétation
qu'en donne Abelly (t. I, chap. xxiv, p. 113) semble quelque peu
contradictoire.
1. Cette lettre a été écrite avant la fondation des Filles de la
Charité et l'acquisition du prieuré de Saint-Lazare.
2. Les filles que Louise de Marillac employait à l'instruction des
enfants dans les villages et au soin des malades dans les confréries
de la Charité.
8
— 114 —
sonnes que vous ne le seriez en cette façon ; et quand
vous ne seriez que la sienne, n'est-ce pas assez pour Dieu
que votre cœur honore la tranquillité de celui de Notre-
Seigneur ? Et il sera propre et en état de le servir. Le
royaume de Dieu est la paix au Saint-Esprit ; il régnera
en vous, si votre cœur est en paix. Soyez-le donc. Made-
moiselle, et vous honorerez souverainement le Dieu de
paix et de dilection.
Je me recommande à vos prières et vous souhaite le
bonsoir avec autant de tendresse de mon cœur que je
suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre serviteur.
Suscriftion : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras
72. — A FRANÇOIS DU COUDRAY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A ROME *
Du 20 juillet i63i.
Vous voilà donc enfin arrivé à Rome, où est le chef
visible de l'Eglise militante, où sont les corps de samt
Pierre et de saint Paul et de tant d'autres martyrs et
saints personnages, qui ont d'autres fois donné leur sang
et employé toute leur vie pour Jésus-Christ. O Monsieur,
que vous êtes heureux de marcher par-dessus la terre où
ont marché tant de grands et saints personnages ! Cette
considération m'émut tellement lorsque je fus à Rome il
y a trente ans ^, que, quoique je fusse chargé de péchés,
Lettre 72. — Reg. 2, p. i.
1. On sait les démarches inutiles que le saint avait faites en 1628
pour obtenir l'approbation de son Institut. Le seul moyen d'aboutir
était d'avoir à Rome un procureur chargé de le représenter et de né-
gocier en son nom. François du Coudray fut choisi et partit en mai
1631. Le 12 janvier 1632, la congrégation de la Mission était officiel-
lement reconnue et les faveurs demandées pour elle accordées.
2. Le voyage que saint Vincent fit à Rome en 1607, après sa cap-
tivité, n'était pas le premier. Le saint affirme à plusieurs reprises,
dans ses conférences aux missionnaiies (Conf. du 17 octobre 1659,
2^ point) et aux Filles de la Charité (Conf. du 30 mai 1647 et du
— 115 —
je ne laissai point de m'attendrir, même jusqu'aux lar-
mes, ce me semble. Je pense, Monsieur, que c'est cette
même considération qui vous fortifia et conserva la nuit
que vous arrivâtes à Rome, là où, après avoir été bien
harassé par le chemin de 30 milles que vous fîtes à pied,
vous fûtes contraint de coucher sur la dure et de travail-
ler tout le lendemain avec l'ardeur du soleil pour entrer
dans la ville. Oh ! que de mérites vous vous êtes acquis
par ce moyen
73 — A FRANÇOIS DU COUDRAY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A ROME
i63i.
Vous devez faire entendre que le pauvre peuple se
damne, faute de savoir les choses nécessaires à salut
et faute de se confesser. Que si Sa Sainteté savait cette
nécessité, elle n'aurait point de repos qu'elle n'eût fait
son possible pour y mettre ordre ; et que c'est la con-
naissance qu'on en a eue qui a fait ériger la compagnie
pour, en quelque façon, y remédier ; que, pour ce faire,
il faut vivre en congrégation et observer cinq choses
comme fondamentales de ce dessein : 1° de laisser le
pouvoir aux évêques d'envoyer les missiormaires [dans]
la part de leur diocèse qu'il leur plaira ; 2° que lesdits
prêtres soient soumis aux curés où ils iront faire la mis-
sion, pendant le temps d'icelle ; 3° qu'ils ne prennent
rien de ces pauvres gens, mais qu'ils vivent à leurs dé-
pens ; 4° qu'ils ne prêchent, ni catéchisent, ni confessent
dans les villes où il y a archevêché, évêché ou présidial,
excepté les ordineinds et ceux qui feront les exercices
dans la maison ; 5° que le supérieur de la compagnie
19 septembre 1649) avoir vu Clément VIII, qui occupa le Siège de
saint Pierre de 1592 à 1605.
Lettre 73. — Reg. 2, p. i.
- ii6 —
ait l'entière direction d'icelle ; et que ces cinq maximes
doivent être comme fondamentales de cette congré-
gation.
Notez que l'avis de M. Duval ^ est qu'il ne faut point
que l'on change rien du tout au dessein dont je vous
envoie les mémoires. Baste pour les paroles ; mais pour
la substance, il faut qu'elle demeure entière ; autrement,
l'on n'y pourrait rien changer ni ôter qui ne portât un
très grand préjudice. Cette pensée est de lui seul, sans
que je lui en aie parlé. Tenez-y donc ferme et faites
entendre qu'il y a longues années que l'on pense à cela
et qu'on en a l'expérience.
74. — A LOUISE DE MARILLAC
[i63i *.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Vous êtes une brave femme d'avoir ainsi accommodé
le règlement de la Charité -, et je le trouve bien. Pour
I. André Duval, célèbre docteur de Sorbonne, auteur de plusieurs
savants ouvrages, ami et conseiller de Vincent de Paul, né à Pontoise
le 15 janvier 1564, mort à Paris le 9 septembre 1638. Le saint ne
prenait aucune décision importante sans recourir à ses lumières. Il
demanda son avis avant d'accepter la maison de Saint-Lazare
(Abelly, of. cit., t. I, chap. xxii, p. 97) et d'établir les vœux dans la
ccngrégation de la Mission (lettre du 4 octobre 1647). L'humble doc-
teur s'émut un jour de voir son portrait dans une des salles de Saint-
Lazare. Il insista tellement que saint Vincent dut enlever le tableau.
{Vie d'André Duval, docteur de Sorbonne, par Robert Duval, son ne-
veu, ms. ; Un confesseur de saint Vincent de Paul, par J. Calvet,
dans les Petites Annales de Saint Vincent de Paul, mai 1903, p. 135.)
Lettre 74. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite peu de temps après l'établissement de la
Charité de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, alors que la peste sévissait à
Paris. Ces deux circonstances réunies indiquent clairement l'année
1631.
2. La Charité de Saint-Nicolas.
— 117 —
Monsieur le procureur général ^ je ne sais s'il y a danger
de lui dire que c'est la même que j'établis oii nous allons
faire la mission, et laquelle il m'a témoigné d'autres fois
qu'il désirait bien qu'elle fût établie à Paris, et me
commanda de conférer des moyens de ce faire avec
Monsieur de Saint-Nicolas * et feu Monsieur de Saint-
Sauveur ^ ; mais cela ne réussit pas.
Vous ne m'avez pas mandé si Monsieur de Saint-
Nicolas a été à l'évêché.
Je voudrais bien savoir s'il y a de la contagion ^ à
l'entour de cette paroisse ou au dedans, et si vos dames ^
craignent.
Je m'en vas boire de l'eau de Monsieur Deure tantôt.
Dieu veuille que, si elle me profite, que j'en use bien !
J'oubliais à vous dire de Monsieur le procureur
3. Mathieu Mole, né en 1584, procureur général en 1614, premier
président en 1641. Nommé garde des sceaux le 3 avril 1651, démis-
sionnaire le 13, renommé le 9 septembre, il garda sa charge de pre-
mier président jusqu'au jour où la reine régente l'appela à la cour
hors de Paris. Mathieu Mole mourut le 3 janvier 1656. (Cf. Le Par-
lement et la Fronde. La vie de Mathieu Mole, Paris, 1859, in-8°.)
4. C'était le doux et zélé Georges Froger, docteur de Sorbonne,
curé de Saint-Xicclas depuis 1603. Il dirigea la communauté des
Filles de la Croix pendant cinq ans et mourut le 3 septembre 1656.
5. Hollandre, docteur de Sorbonne, qu'avait remplacé, le 5 mai
1628, Jacques Foumier, originaire du Mans.
6. La peste de 1631 causa d'effrayants ravages. Dans une quête
faite à domicile pour remédier à la détresse des hôpitaux, on avait
eu l'imprudence d'accepter du drap et du linge. Ces dons répartis
entre l' Hôtel-Dieu, qui eut les deux tiers, et les hôpitaux des pau-
vres enfermés, développèrent la contagion. L'hôpital Saint-Louis se
remplit de pestiférés ; celui de la Santé leur ouvrit aussi ses portes.
En octobre 1631, l'Hôtel-Dieu et les hôpitaux Saint-Louis et Saint-
Marcel avaient plus de 2.400 malades. L'Hôtel-Dieu fit un emprunt de
20.000 livres ; l'archevêque de Paris ordonna à ses prêtres de provo-
quer et de recueillir des secours. Ce fut aux mois de septembre et
d'octobre que le fléau sévit avec le plus de violence. Paris avait
déjà été éprouvé par le terrible mal en 1623 et 1625. En 1636 et
1638, la peste fera de nouveau son apparition, mais durera peu et
pourra être localisée. (Cf. Michel Félibien, of. cit., t. V, pp. 69, 80,
82.)
7. Les dames de la Charité de Saint-Nicolas.
— ii8 —
général que, s'il vous dit qu'il m'en parlera, que vous lui
fassiez entendre que je ne sors point. Que s'il ne fait
point difficulté à la chose, vous n'aurez à faire de lui
parler de moi, qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur
et de sa sainte Mère, votre très humble et obéissant
serviteur.
Vincent.
75. — a louise de marillac
[2 septembre i63i 1.]
Ces lignes seront pour vous dire derechef adieu et
pour vous prier d'avoir bien soin de votre santé. Pour
celle de M. votre &ls, ne vous en mettez pas en peine ;
nous en avons soin '. Ecrivez-nous souvent, s'il vous
plaît.
J'écris au R. P. de Gondy qu'il me semble qu'il est bon
que vous alliez commencer au Mesnil ^ ; et, selon que la
chose réussira, nous aviserons à l'autre lieu ; et si je ne
vous en adresse point d'autre, celui de Bergier ^ me semble
le plus convenable, puis Loisy ^. Monsieur Ferrât, bailli
des terres ^, qui se tient à Vertus '', vous adressera par-
tout. J'écrirai audit sieur Ferrât et à Monsieur le curé
du Mesnil. Vous recevrez les lettres vendredi matin à
Montmirail.
Effacez cependant de votre esprit la raison que vous
Lettre 75. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette date est marquée sur la page de l'original laissée en
blanc ; son exactitude peut être contestée ; la lettre n'est certainement
pas antérieure au 29 août.
2. C'était le temps des vacances.
3. Le Mesnil-sur-Oger (Marne).
4. Aujourd'hui Bergères-lès- Vertus (Marne).
5. Loisy-en-Brie, où le saint avait prêché une mission en 1626.
6. Bailli des terres du R. P. de Gondi. Le bailli rendait la jus-
tice au nom du seigneur.
7. Aujourd'hui chef-lieu de canton de la Marne.
— 119
m'avez alléguée pour laquelle vous allez faire ce voyage.
Vous ne sauriez croire que cela a contristé mon cœur.
Oh ! non, je ne suis pas fait de la sorte, Dieu merci ;
ains Dieu sait ce qu'il m'a donné pour vous, et vous le
verrez au ciel.
Je souhaite le bon jour à Mademoiselle du Fay, et
à vous, que vous reveniez chargée de mérite et de
bonnes œuvres, et suis, en l'amour de Notre-Seigneur,
V. s. V. P.
76. — AU CURÉ DE BERGÈRES
Monsieur,
Monseigneur le R. P. de Gondy ayant vu le grand
bien que fait Mademoiselle Le Gras à Montmirail et
à Villepreux par l'instruction des filles, il a désiré pro-
curer le même bien à celles de votre paroisse et a prié
cette bonne demoiselle de prendre la peine de vous aller
voir pour cela ; ce que sa charité a agréé. Elle s'en va
donc ; et moi je vous supplie très humblement m'assu-
rer que vous. Monsieur, serez bien aise que Notre-Sei-
gneur vous présente cette occasion pour le bien des âmes
qu'il vous a commises, et espère que vous, Monsieur, et
vos paroissiens en aurez de la consolation, s'il plaît à
Dieu lui doimer pareille bénédiction chez vous qu'il lui
a donnée aux autres lieux où elle a été. Or, afiji que votre
peuple soit averti du dessein de Monseigneur le R. Père
de Gondy, vous aurez agréable, s'il vous plaît, de les aver-
tir au prône et de les exciter à ce qu'ils envoient leurs
filles au logis de ladite demoiselle, aux heures qu'elle
vous proposera. Elle est aussi fort entendue au fait de
la Charité. Je vous supplie. Monsieur, de lui faire voir
Lettre 76. — Manuscrit Saint-Paul, p. 15.
120
les femmes de la confrérie et de vous ressouvenir de
moi en vos prières, qui suis, en l'amour de Notre-
Seigneur....
De Paris, ce 2 septembre 163 1.
77. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Voici des lettres que je vous envoie pour Messieurs
les curés de Champagne et pour Monsieur Ferrât. Vous
les fermerez, si vous jugez à propos de leur donner,
comme je pense qu'il n'y aura pomt de danger, quoi que
le R. P. de Gondy écrive. Il m'a écrit l'affection avec
laquelle il vous attendait ; j'espère que vous en serez
demeurée satisfaite.
Je persévère toujours à mon opinion, à ce que vous
commenciez au Mesnil et de là à Bergier \ à Loisy,
à Soulières ^, à Souderon ^ et à Villeseneux "*, si Mon-
seigneur ^, Monsieur Ferrât ou votre prudence ne jugent
qu'il soit mieux de faire autrement.
Je ne vous envoie point d'autre mémoire, ne l'ayant
pas jugé nécessaire. L'esprit de Notre-Seigneur sera
votre règle et votre adresse. Et moi je me recommande
à vos prières pour notre retraite ®, que je m'en vas com-
Lettre 77. — L. a. — Original chez les Filles de la Charité de la
rue Gaudissart, 12, à Amiens.
1. Aujourd'hui Bergères.
2. Commune de la Marne.
3. Aujourd'hui Soudron (Marne).
4. Autre commune du même département.
5. Henri Clausse, évêque de Châlons-sur-Marne (1624-1640).
6. Saint Vincent et les membres de sa communauté avaient l'habi-
tude de faire leur retraite annuelle en commun, d'ordinaire en sep-
tembre.
mencer incontinent la présente écrite, étant cependant,
en l'amour de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère, votre
très humble serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 2 septembre 1631.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
à Montmirail.
78. — A FRANÇOIS DU COUDRAY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A ROME
4 septembre i63i.
Un grand personnage en doctrine et en piété me
disait hier qu'il est de l'opinion de saint Thomas : que
celui qui ignore le mystère de la Trinité et celui de
l'Incarnation, mourant en cet état, meurt en état de
damnation, et soutient que c'est le fond de la doctrine
chrétienne. Or cela me toucha si fort et me touche encore
que j'ai peur d'être damné moi-même, pour n'être inces-
samment occupé à l'instruction du pauvre peuple. Quel
sujet de compassion ! Qui nous excusera devant Dieu
de la perte d'un si grand nombre d'hommes qui peuvent
être sauvés par le petit secours qu'on leur peut donner ?
Plût à Dieu que tant de bons ecclésiastiques qui les
peuvent assister parmi le monde, le fissent ! Priez Dieu,
Monsieur, qu'il nous fasse la grâce de nous redoubler le
zèle du salut de ces pauvres âmes.
79. — SAINTE CHANTAI A SAINT VINCENT
Seftemhre i6p.
Vous êtes toujours ad-tnirahle en votre humilité, dont je re-
Lettre 78. — Reg. 2, p. 2.
Lettre 79. — Abelly, op. cit., t. II, chap. viii, i^e éd., p. 317.
çois une très grande et très particulière consolation mais spé-
cialement de la satisfaction que vous dites avoir reçue en la vi-
site que vous avez faite de notre maison du faubourg. Ma sœur
la supérieure ^ 7n écrit aussi qu' elle et toutes ses filles en ont
reçu un très grand contentement. Dieu soit béni., loué et glorifié
de tout et veuille donner à tnon très cher Père une gravide
couronne four les peines et charités qu'il exerce envers nos
bonnes sœurs ! Hélas ! mon très cher Père, que vous m^étes
toujours bon ! Je le connais par cette petite parcelle de larmes
que vous avez jetées, voyant en gros nos dernières réponses.
80. — A FRANÇOIS DU COUDRAY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A ROME
12 septembre i63i.
Nous vivons d'une vie quasi aussi solitaire à Paris
que les Chartreux, pource que, ne prêchant ni catéchi-
sant ni confessant à la ville, personne presque n'a
à faire à nous, ni nous à personne ; et cette solitude
nous fait aspirer au travail de la campagne, et ce travail
à la solitude.
81. — A LOUISE DE MARILLAC, A MONTMIRAIL
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Puisque la Providence vous retient à Montmirail, il
la faut adorer et faire ce que Dieu vous présente à faire.
N'importe que cette personne ait quelque mauvais bruit ;
I. Marie-Jacqueline Favre, qui fut « la première religieuse, la
seconde professe et la seconde Mère » de la Visitation. [Année Sainte
des Religieuses de la Visitation Sainte-Marie, Annecy, 1867-1871,
12 vol. in-8, t. VI, p. 346.) Sa biographie a été publiée dans les
Vies des premières Religieuses de la Visitation Sainte-Marie, par
la M. de Chaugy, Paris, 1852, 2 vol. in-8, t. I, pp. 3-120.
Lettre 80. — Reg. 2, p. 34.
Lettre 81. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
— i-'3 —
peut-être est-il à faux, ou bien qu'elle s'en sera corrigée.
La Madeleine, dès l'instant de sa conversion, fut faite
compagne de la Vierge et suivante de Xotre-Seigneur.
Comme je suis grand pécheur, je ne puis rejeter ceux
qui l'ont été, pourvu qu'ils aient borme volonté. Et puis
c'est peut-être Monsieur le prieur ^ qui a suggéré cette
pensée au R. P. de Gondy, auquel je ne dirai rien de
l'affaire ; car je pense qu'il la fera sans le dire ; sinon,
vous m'en écrirez, s'il vous plaît.
Pour aller en quelque village d'alentour de Mont-
mirail, ils sont fort écartés. Il n'y a pas apparence d'y
rien faire, vu même la saison.
Une indisposition que j'avais lorsque le fils de
Madame Rousseau vint céans, ne me permit pas de lui
parler ; mais je lui ai fait offrir de le servir et le ferai.
Assurez-en la mère, s'il vous plaît.
Et pour M. votre fils, il passa hier la journée céans
d'une fort bonne façon. Il se porte bien. Dieu merci.
Lorsqu'il sera temps, l'on le fera purger. Il est monté
à la troisième ^. Monsieur Dehorgny vous mande qu'il
vous écrit ; mais le peu de temps que nous avons eu
pour l'en avertir fera que vous n'aurez point des lettres
pour cette fois. Soyez en repos de lui.
Madame Laurent ^ est revenue indisposée de Ville-
preux, il y a quatre ou cinq jours. M. Belin va faire
l'école des filles. Je lui ai mandé qu'il sera relevé dans
sept ou huit jours de cette peine et ai parlé à une bonne
1. Jean Josse, né à Château-Thierry vers 1583, prieur de Montmi-
rail de 1620 au 23 septembre 1636, jour de sa mort. {Histoire de
Monimirail-en-Brie, par l'abbé Boitel, Montmirail, 1862, in-12,
P- 75)
2. L'année scolaire venait de s'ouvrir au collège de Clermont, oîi
Michel Le Gras, alors âgé de dix-huit ans, était pensionnaire.
3. Dame de Charité. Elle faisait probablement l'école aux filles
de Villepreux, à la place de Germaine, qui accompagnait Louise de
Marillac dans sa tournée.
124 —
fille, laquelle ne pourra y aller que dans le temps que
je dis.
Je ne savais rien des nappes dont vous me parlez.
J'en remercierai Mademoiselle du Fay. Pour Mademoi-
selle Guérin, je m'en vas m' in former si elle nous en a
envoyé céans. Elle est venue ce matin me dire adieu,
pource qu'elle s'en est allée à Chartres, et m'a dit que
c'est à cause de la maladie qui augmente ici. Il y a entre
votre logis et céans deux maisons infestées. M. Guérin
et son aîné demeurent néanmoins ici.
Mademoiselle du Fay est indisposée le moins du
monde. M. de Vincy me vint voir hier et m'assura que
ce n'est rien. Je vous dis le même de moi, qui n'ai pas
même eu mes petits sentiments "^ il y a deux jours.
Le frère de Germaine est venu aujourd'hui céans ; je
lui ai baillé sa lettre et la quenouille ; il s'en va à Ville-
preux, oii il donnera de ses nouvelles.
Comment va la Charité ? Les femmes font-elles bien ?
Ont-elles beaucoup de malades et d'argent ? Mademoi-
selle du Fresne est-elle à Montmirail ? Comment se
porte-t-elle ? Je la salue de tout mon cœur et Made-
moiselle sa mère aussi. Je ne dis rien de Monsieur
du Fresne : car je le pense à la cour ; mais je salue
Germaine et vous dirai que la bonne Madame la
maréchale de Marillac^ est fort malade d'un flux de
ventre au Roule ®. Honorez la patience de la sainte Vier-
4. Saint Vincent entend parler des frissons de la fièvre, dont il
souffrait souvent.
5. Catherine de Médicis, cousine de la reine, épouse du maréchal
Louis de Marillac, oncle de Louise. Le maréchal languissait dans
les prisons de l'Etat depuis la fin de 1630, victime des rancunes de
Richelieu. On dit que le chagrin contribua beaucoup à la maladie
de la maréchale, qui mourut le jour même où saint Vincent écrivait
cette lettre.
6. C'était alors un hameau situé hors Paris. Il fut incorporé à la
capitale en 1722. (Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris,
par Lebeuf, Paris, 1883-1893, 7 vol. in-So, t. VI, p. 515.)
— 125 —
ge en cela ; offrez-en la douleur à Dieu. Serait-elle pas
bienheureuse de laisser cette terre de misère et d'aller
jouir de la gloire du ciel ?
Mademoiselle Guérin vous écrit, et moi je suis, en
l'amour de Notre-Seigneur, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 13 septembre 1631.
82. — A ISABELLE DU FAY
[i63i'.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Vous m'obligez beaucoup, Mademoiselle, de me ren-
dre participant de l'état auquel vous vous trouvez. Je
vous en remercie et vous prie de bien vous soulager et de
vous faire traiter soigneusement pour recouvrer vos for-
ces, et de les bien ménager puis après pour servir Dieu ;
car Notre-Seigneur le veut bien ainsi. Mademoiselle, et
je vous en prie. O mon Dieu ! que les voies par lesquelles
il mène les siens sont admirables et adorables. Made-
moiselle ! Certes, rien ne lui coûte pour la sanctification
d'une âme. Il livre le corps et l'esprit à la faiblesse pour
les fortifier dans le mépris des choses de la terre et dans
l'amour de sa Majesté ; il blesse et guérit ; il crucifie
en sa croix pour glorifier en sa gloire ; bref, il donne la
mort pour faire vivre en l'éternité. Agréons ces appa-
rences de mal pour avoir les véritables biens qu'ils pro-
duisent, Mademoiselle, et nous serons bien heureux et en
ce monde et en l'autre.
Lettre 82. — Reg. i, f" 13 v°. Le copiste note que l'original était
en entier de la main du saint.
I. Année pendant laquelle la peste sévit avec intensité à Paris.
120
Au reste, je remercie la Mère des Elles de l'honneur
qu'elle me fait de se ressouvenir de moi, et lui promets
de lui faire raison de ses plaintes. O mon Dieu ! que je
me promets un bon petit quart d'heure à lui ouïr racon-
ter le procédé de ses filles avec elle et comme la com-
munauté s'est portée - ! Mais je désire bien que ce ne soit
pas si tôt ; car les maladies croissent ou pour le moins
ne diminuent pas. L'on m'a dit aujourd'hui qu'il fut
hier tiré trois corps d'une maison proche Mademoiselle
Le Gras et qu'il est mort un Père de l'Oratoire à Saint-
Jacques ^ et un autre à Notre-Dame-des-Vertus *.
Je vous souhaite le bonsoir et suis votre serviteur.
Vincent Depaul.
83. — A LOUISE DE MARILLAC, AU MESNIL
Mademoiselle,
Si Monseigneur de Châlons ^ ne vous a envoyé quérir
et qu'il soit proche, il me semble que vous ferez bien de
l'aller voir et de lui dire tout simplement à la bonne foi
pourquoi le R. P. de Gondy vous a priée de prendre la
peine d'aller en Champagne et ce que vous faites ; et
2. Il semble, d'après cette lettre, que Mademoiselle du Fay avait
un pied-à-terre hors Paris dans une communauté, probablement
au couvent des Dominicaines de Poissy. (Cf. lettre 13.)
3. Saint-Jacques-du-Haut-Pas.
4. Aubervilliers, lieu de pèlerinage très fréquenté sous le nom de
Notre-Dame-des-Vertus ou des Miracles. Les Pères de l'Oratoire y
avaient un établissement.
Lsttre 83. — Manuscrit Saint-Paul, p. 14. M. Charavay, qui a
mis l'original en vente le 28 mars 1874, nous dit qu'il est en entier
de la main du saint. Le résumé qu'il en fait montre que le texte du
manuscrit Saint-Paul est incomplet. Dans le passage supprimé, saint
Vincent donnait à Louise de Marillac des nouvelles de son fils, qui
était retourné la veille au collège le cœur gros, tant il se plaisait au
milieu des prêtres de la Mission.
I. Henri Clausse de Fleury (1624-1640.)
127 —
offrez-vous à retrancher ce qu'il lui plaira de votre pro-
cédé et à tout quitter, s'il l'a agréa'ole ; c'est là l'esprit
de Dieu. Je ne trouve point de bénédiction qu'en cela.
Monseigneur de Châlons est un saint personnage. Vous
devez le regarder comme interprète de la volonté de
Dieu au fait qui se présente. Que s'il trouve bon que
vous changiez quelque chose en votre manière de faire,
soyez-y exacte, s'il vous plaît. S'il trouve bon que vous
vous en reveniez, faites-le tranquillement et gaiement,
puisque vous ferez la volonté de Dieu. Que s'il est éloi-
gné et vous laisse faire, continuez, s'il vous plaît, à en-
seigner les petites filles. Que s'il s'y rencontre des fem-
mes, à la bonne heure ; mais ne faites dire au prône
qu'elles le fassent, s'il vous plaît ; ains seulement vous
pourrez faire avertir les soeurs de la Charité de vous voir
toutes ensemble. Honorez en ce procédé l'humilité du
Fils de Dieu dans le sien.
Notre compagnie étant à présent à Bergier ^, il n'est
pas expédient, je pense, que vous y alliez. Tenez-vous
donc au Mesnil, s'il vous plaît, jusques à ce que la mis-
sion y aille ; alors vous pourrez aller à Bergier et aux
autres lieux ; et mandez-moi, je vous en prie, le succès '
de ce que vous avez fait avec Monseigneur de Châlons.
Ce 15 septembre 1631 ■*.
2. Bergères.
3. Succès, résultat.
4. Date donnée par Charavay.
— 128 —
84. — A LOUISE DE MARILLAC
[22 ou 23 septembre i63i '.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous ai écrit, il y a huit jours, et ai adressé mes let-
tres au R. P. de Gondy ; maintenant je vous envoie ces
trois paquets de chemises et la lettre incluse. Monsieur
votre ùls se porte bien. Dieu merci, et me semble que son
esprit s'ouvre de plus en plus. Dès que les jours seront
un peu rafraîchis, il viendra se purger céans.
Cette bonne Madame Laurent est toujours malade ;
je l'ai envoyé visiter. Mademoiselle du Fay l'a été un
peu ; mais. Dieu merci, elle se porte mieux. Madame la
maréchale de Marillac est allée recevoir au ciel la ré-
compense de ses travaux ^. Or sus, ceci vous attendrira ;
mais quoi ! Notre-Seigneur l'ayant voulu ainsi, il faut
adorer sa Providence et travailler à nous conformer, en
toutes choses, à son saint vouloir. Certes, je sais bien
que votre cher cœur ne demande pas mieux et que, si la
partie intérieure s'émeut, que bientôt elle s'accoisera ^.
Le Fils de Dieu pleura le Lazare ; pourquoi ne pleu-
rerez-vous pas cette bonne dame ? Il n'y a point danger,
pourvu que, comme le Fils de Dieu, vous vous confor-
miez là dedans à la volonté de son Père ; et c'est ce que
je m'assure que vous ferez.
Mais comment vous portez- vous ? Cet air subtil ne
Lettre 84. — L. d. — Original chez les Filles de la Charité de
Montluçon.
1. La lettre 8;^ étant du 15 septembre, celle-ci, écrite huit jours
après, est du 22 ou du 23.
2. Le 13 septembre.
3. S'accoisera, se calmera.
129 —
vous indispose-t-il point ? Et Germaine plaint-elle pas
bien ses ûlles, qu'elle sait être à la merci de M. Belin * ?
Quand irez-vous en Champagne ? Cette bonne fille pro-
fite-t-elle ? Y a-t-il du bien à espérer ? Un mot de tout
cela, s'il vous plaît ?
Je ne vous puis rien dire de nouveau d'ici, sinon que
nous avons la maladie vis-à-vis de céans et que Notre-
Seigneur nous conserve tous en bonne santé. Dieu merci,
à ma petite fiévrotte près. Je m'assure que vous ne nous
oubliez pas en vos prières ^ et que vous croyez bien que
je suis, en l'amour de Notre-Seigneur et de celui de la
sainte Vierge, Mademoiselle, votre très humble servi-
teur.
Vincent Depaul.
Je, me suis trompé en vous disant que je vous envoie
des paquets, pource que je pensais que trois paquets de
toile que j'ai trouvés sur notre table fussent des che-
mises et pour vous.
85. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur soit avec
vous pour jamais !
Voici enfin une lettre de Monsieur votre fils que je
vous envoie. J'espère que nous le ferons purger lundi
prochain et saigner, selon l'ordre que vous nous donnez.
Mademoiselle Sevin m'arrêta avant-hier avec cette
bonne grosse jeime demoiselle qui porte le deuil auprès
4. Voir la lettre 81.
5. Après vos frières, le saint avait écrit Bon soir, Mademoiselle.
Il raya ces trois mots pour continuer la phrase comme ci-dessus.
Lettre 85. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
— I30 —
de votre logis et qui désire entrer à Sainte-Marie sœur
domestique, et me dit qu'elle vous cherchait un logis,
pource que Monsieur Véron ^ a besoin de votre chambre
et que Monsieur son fils ayant à présent un office, il lui
faut une salle pour y recevoir le monde ; sur quoi, je lui
dis que vous seriez bien marrie de l'incommoder et que je
la priais de travailler à vous trouver logement, et que je
vous en donnerais avis, aân de savoir de vous si vous
affectez quelque quartier ^. Mandez-le-moi donc, s'il vous
plaît, et si vous avez besoin d'argent, pource qu'on vous
a apporté les quatre-vingts et tant de livres de votre
rente.
Mademoiselle Tranchot ^ vous désire fort à Ville-
neuve-Saint-Georges *, où la Charité va mal, et moi je
pense que Notre-Seigneur vous réserve le succès de ce
bon œuvre. Mademoiselle du Fay se porte bien. Elle
est toujours en quête de logement aussi.
Il fut hier emporté un prêtre de Saint-Nicolas ^ à
Saint-Louis ^ ; c'est un des nouveaux. J'ai envoyé au-
1. Rappelons ici que Mademoiselle Sevin, veuve de Jacques Sevin,
correcteur en la Chambre des Comptes, était née Marie Véron.
2. Louise de Marillac avait quitté vers 1619 la paroisse Saint-Merry
pour s'établir, avec son mari et son fils, sur la paroisse Saint-Sau-
veur, rue Cours-au-Villain ou Courteau-Villain, formée aujourd'hui
par la partie de la rue de Montmorency qui s'étend de la rue Beau-
bourg à la rue du Temple. En 1626, elle vint habiter rue Saint-Vic-
tor, près des Bons-Enfants (Gobillon, op. cit., p. 29). Le 8 octobre
1627, une lettre lui est adressée rue Saint- Victor chez M. Tiron Saint-
Priest (Madame de Richemont, of. cit., p. 46, note 2) ; elle était en
1629 chez M. Guérin, auditeur des comptes, toujours rue Saint-Vic-
tor. (Lettre d'Alexandre Regourd ; Arch. des Filles de la Charité.)
Nous la trouvons maintenant chez M. Véron. Ce dernier ayant besoin
des appartements qu'elle occupait, elle chercha un autre local dans le
même quartier.
3. Dame de la Charité.
4. En Seine-et-Oise.
5. De la communauté d'Adrien Bourdoise.
6. Hôpital fondé en 1607 pour recevoir les pestiférés, que l'on
soignait jusque-là à l'Hôtel-Dieu.
— i3i —
jourd'hui cette bonne fi.lle de Saint-Sauveur à Ville-
preux \
Or sus, où êtes-vous à présent ? Que fait Notre-Sei-
gneur de vous ? L'on m'a dit que l'on a trouvé le Père de
Gondy sur le chemin de Champagne. J'estime que vous
y êtes aussi. Plaise à Notre-Seigneur d'y bénir votre
travail et de vous bien fortifier pour cela !
Je suis, en son amour et celui de sa sainte Mère, Ma-
demoiselle, votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 12 octobre 1631.
86. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je loue Dieu de votre santé, de votre travail et de tout
ce que vous me mandez. Monsieur votre fils vint céans
avec un petit mal de tête, il y a quatre ou cinq jours.
Nous le fîmes saigner le lendemain et garder le lit.
M. Quartier nous dit qu'il ne fallait point le purger que
son mal de tête ne fût passé, ce qu'il a fait dans trois
jours après, en façon qu'il ne lui reste aucune émotion ;
c'est pourquoi nous l'avons fait prendre sa petite méde-
cine ce matin. Il est gai et sage parmi nous, de sorte qu'il
nous édifie tous. Si cela continue, il y aura sujet de louer
Dieu et d'espérer que vous en aurez de la consolation.
7. Marguerite Naseau. Elle avait quitté les fonctions de maîtresse
d'école à Villepreux pour venir aider à Saint-Sauveur les dames
de la Charité. Saint Vincent la renvoyait provisoirement à Villepreux
pour remplacer M. Bel in.
Lettre 86. — L. a. — Original à la maison centrale des prêtres
de la Mission à Naples.
— 132
Quand il aura été purgé et qu'il se sera bien porté trois
jours après, nous lui permettrons de retourner au collège.
Je dis, quand il se sera bien porté trois jours après, et
entends dire si son mal ne revient, car il n'en a point
pour tout.
J'enverrai aujourd'hui l'argent à Mademoiselle Sevin
pour la robe, et la lettre à notre sœur Germaine, la-
quelle viendra fort à propos.
Si cette bonne fille de dix-huit ans a bon sens et fer-
meté d'esprit, ne faites point difficulté de lui laisser le
soin des filles \ Un bon esprit est meilleur en cet âge-là
qu'un mal fait à cinquante ans.
Je baillerai de plus la couverture à Monsieur votre
fils et je ferai tout ce que vous me mandez.
Il est vrai qu'il est à souhaiter que les personnes qui
se voudront appliquer à ce bon œuvre n'aient d'autre
dessein ni chose à faire que cela. Je m'en vas au pre-
mier jour à Pontoise. L'on m'a parlé d'une qui est là.
Je la retiendrai pour Sartrouville ^, où Madame de Ville-
neuve ^ la désire.
Notre petite compagnie partira dans deux ou trois
jours.
Je vous prie de dire à Monsieur le lieutenant que je
le salue très humblement et suis son serviteur et que je
le prie de nous arrêter trois lits à l'hôtellerie. Je salue
de plus Germaine, à laquelle vous direz, s'il vous plaît,
que j'ai donné ordre pour faire tenir sa lettre à son
frère.
1. Comme maîtresse d'école au Mesnil.
2. Commune de Seine-et-Oise dans le canton d'Argenteuil.
3. Veuve de Claude-Marcel de Villeneuve, maître des requêtes,
sœur de la Mère Hélène-Angélique l'Huillier, de la Visitation, amie
de Mademoiselle Le Gras et de Madame de Lamoignon et fondatrice
des Filles de la Croix, qu'elle établit en 1641, morte le 15 janvier
1650, à l'âge de cinquante-trois ans. [Madame de Villeneuve, par le
P. de Salinis, Paris, 1918, in-S».)
— 133 —
Je suis cependant, en l'amour de Notre-Seigneur, votre
très humble serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, cette veille de saint Luc* 163 1.
SuscTiption : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras
au Mesnil.
87. — A MONSIEUR COLLETOT
Monsieur,
La grâce de Xotre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
La confrérie de la Charité dont je vous ai envoyé le
règlement n'est point pour assister les malades de la
contagion. Il y a quelques endroits là oti les servantes
des pauvres, c'est-à-dire ces honnêtes femmes qui sont de
la Charité, se sont proposé non d'aller visiter lesdits
malades de la contagion, mais bien de leur apporter des
vivres, ou de leur apporter en quelque endroit, de telle
distance du lieu où ces pauvres gens se sont retirés
qu'elles ne soient en danger de prendre le mal. Cela s'en-
tend aux lieux où il n'y a point ordre pour lesdits pau-
vres pestiférés. Mais pour ladite confrérie, elle n'est
point directement pour lesdits pestiférés, ainsi indirecte-
ment seulement. Que si l'on est affligé en votre paroisse
de cette maladie, il faudrait que la Charité députât quel-
que pauvre bonne femme ou quelque bon homme, qu'il
apportât lesdits vivres sans que les servantes des pau-
vres y aillent chacune son jour, comme les autres ma-
lades.
4. 17 octobre.
Lettre 87. — L. a. — Original au British Muséum, foreign fri-
vate lellers, Egleton 27, f° 166.
— 134 —
Et voilà, Monsieur, tout ce que je vous puis dire pour
réponse à la vôtre, excepté que je prie Dieu qu'il bénisse
le saint œuvre que vous entreprenez, qu'il sanctifie votre
âme, qu'il soit lui-même votre récompense en ce monde
et en l'autre et qu'il me fasse digne d'être, en son amour
et celui de sa sainte Mère, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
SuscripHon : A Monsieur Monsieur Colletot, prieur
de la Forêt-le-Roi \
88. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai fait voir votre lettre au Père de Gondy, celles de
Monseigneur de Châlons à vous et la vôtre à lui \ Or,
toutes choses pesées et considérées, et à son grand re-
gret, il est d'avis que vous obéissiez à Monseigneur de
Châlons, pource qu'il estime que Dieu le veut ainsi,
puisque c'est par l'ordre de celui qui est l'interprète de
sa volonté au lieu où vous êtes. Or, telle étant la volonté
de Dieu, revenez-vous-en, s'il vous plaît. Vous ne laisse-
rez pas d'avoir la récompense que vous auriez si vous
aviez instruit toutes les filles de ces quartiers-là. Oh !
que vous êtes heureuse de ce que vous avez ce rapport au
Fils de Dieu d'avoir été, comme lui, obligée de vous re-
I. Mot de lecture douteuse.
Lettre 88. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Le saint veut dire évidemment : j'ai fait voir au P. de Gondi
la lettre que vous m'avez adressée, celles que l'évêque de Châlons
vous a écrites et votre réponse à ce prélat.
— 135 —
tirer d'une province où, Dieu merci, vous ne faisiez pas
du mal ! Le R. Père de Gondy vous remerciera ici de la
peine que vous avez prise et vous témoignera le senti-
ment qu'il en a ; et moi je vous prie de ne pas entrer
dans l'opinion que cela se fasse par votre faute. Non, ce
n'est pas cela, ains une pure disposition de Dieu, pour
sa plus grande gloire et pour le plus grand bien de votre
âme. Ce qui davantage est relevé en la vie de saint
Louis, c'est la tranquillité avec laquelle il s'en revint de
la Terre Sainte sans avoir réussi selon son dessein ; et
peut-être que vous n'aurez jamais occasion en laquelle
vous puissiez plus donner à Dieu qu'en celle-ci. Usez-en
donc selon la mesure de la grâce que Notre-Seigneur a
toujours fait paraître en vous.
Mademoiselle Sevin vous écrit comme elle vous prie
de vous pourvoir d'un autre logis. Vous pourrez aller
descendre chez Mademoiselle du Fay et y demeurer
jusques à ce que vous ayez un logis qui vous soit propre.
Cette bonne Mademoiselle Sevin y travaillera ^.
Pour les cinquante écus, gardez-les ; vous aviserez ici
comme vous en ferez. Monsieur votre fils s'est retiré au
collège ; il se porte fort bien et fait de même.
Je salue très humblement Monsieur le curé, Monsieur
Ferrât et Germaine et suis, en l'amour de Notre-Sei-
gneur, Mademoiselle, votre très humble serviteur.
V. DEPAUt.
De Paris, cette veille de la Toussaint [1631 ^.]
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras
au Mesnil.
2. Eut-elle le temps d'y travailler ? Elle mourut à la fin de- dé-
cembre et fut inhumée le 31 dans l'église de Saint-Nicolas devant la
chaire du prédicateur (Bibl. Nat., ms., fr. 32.590.)
3. 31 octobre. L'année est imposée par le contenu.
— 136 —
89. — A LOUISE DE MARILLAC
fi63i».]
Mademoiselle,
Madame Laurent s'en va vous trouver, l'ayant jugée
la plus propre pour le présent. Je vous envoie les let-
tres que j'avais écrites pour elle ; vous en userez selon
votre prudence. Je loue Dieu de ce que vous voilà mieux
que quand vous partîtes et le prie qu'il vous remplisse de
paix et de tranquillité. Je doute que M. soit propre à ce
que vous dites, et la fille à vous suivre. Je pense qu'il
faut surseoir la résolution de cela.
Quand viendrez-vous ? Sera-ce cette semaine ? Ce sera
lorsque l'établissement de cette bonne Madame Laurent
le vous permettra. Je pense commencer demain la visite
du faubourg -. L'on m'écrit d'une bonne fille d'auprès de
Pontoise, qui est fort propre et qui a grand désir de ser-
vir Dieu en l'instruction des enfants, et moi je suis en
l'amour de Notre-Seigneur...
90. — A JEAN DE LA SALLE, PRÊTRE DE LA MISSION,
AU MESNIL
Du II novembre i63i.
Il n'y a point de difficulté de recevoir la charité de
Lettre 89. — Ivlanuscrit Saint-Paul, p. 81.
1. Cette lettre a des liens étroits avec les lettres 79 et 81. Nous
nous apercevons trop tard qu'elle les a précédées toutes deux. Elle
est du mois de juillet ou du mois d'août. Louise de Marillac Ta
vraisemblablement reçue à Villepreux.
2. C'est-à-dire du second monastère de la Visitation, établi par la
Mère de Beaumont, le 13 -oût 1626, dans la maison de ^I. Le Clère,
au faubourg Saint-Jacques, grâce à la générosité de la marquise
de Dampierre et de Madame de Villeneuve. Saint Vincent en était
supérieur et Marie-Jacqueline Favre supérieure. {Histoire chronolo-
gique det fondations de tout V ordre de la Visitation de Sainte-Marie,
Bibl. Maz., ms. 2439.)
Lettre 90. — Reg. 2, p. 196. Le copiste note que l'original était
de la main du saint.
— 137 —
Monseigneur le R. P. de Gondy. Si déjà vous l'avez re-
fusée, faites-en vos excuses à M. Ferrât. C'est notre fon-
dateur. Nous n'avons point droit de refuser ce qu'il nous
donne pour l'amour de Dieu, non plus que de quel-
qu'autre qui ne serait pas du lieu où l'on ferait la mis-
sion. Saint Paul en usait ainsi et ne prenait jamais au
lieu où il travaillait ; mais il prenait des autres églises
pour travailler aux nouvelles, lorsque l'ouvrage de ses
mains ne suffisait pas, ou que la prédication et les con-
versions l'empêchaient de travailler de ses mains pour
gagner sa vie. Spolians Ecclesias Macedoniae, ut non
essem vobis oneri, dit-il aux Corinthiens ^, quoiqu'il
dise que sa gloire en la prédication de l'Evangile était
de ne rien prendre.
91. — A GUILLAUME DE LESTOCQ, CURÉ DE SAINT-LAURENT *
[i63i 2.]
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je passai hier chez M. le procureur général ^ et trou-
vai quatre ou cinq carrosses devant sa porte ; et, pource
qu'il était fort tard et qu'il m'eût fallu attendre long-
temps, je pensai qu'il valait mieux remettre la partie
jusques aujourd'hui l'après-dînée. Je le verrai donc tan-
I. Deuxième épître aux Corinthiens, XI, 8-9. Le saint ne reproduit
pas textuellement la phrase de saint Paul.
Lettre 91. — Recueil du procès de béatification.
1. Il fut à la tête de la paroisse Saint-Laurent, alors près Paris, de
1628 au 9 mai 1661, jour de sa mort. C'est lui qui fut le principal instru-
ment de l'union à la congrégation de la Mission du prieuré de Saint-
Lazare. Il a fait de cette union un récit détaillé, qui a trouvé place
dans l'ouvrage d'Abelly [of. cit., t I, chap. XXII, p. 95 et suiv.).
2. Voir note 5.
3. Matthieu Mole.
- 138 -
tôt, selon l'ordre de Monsieur le prieur \ lequel je n'au-
rai point l'honneur d'aller trouver ce matin, tant pource
qu'il me semble qu'il désire que nous ayons la parole de
mondit sieur le procureur général avant que de con-
clure ^, qu'a&n que vous. Monsieur, nous fassiez la cha-
rité de lui dire quelques difficultés qui se trouvent aux
propositions qu'il me fit l'honneur de me faire hier.
Mondit sieur le prieur me fit donc l'honneur de me
4. Adrien Le Bon, chanoine régulier de Saint-Augustin, né à Neuf-
châtel (Seine-Inférieuie), mort à Saint-Lazare le 9 avril 1651, dans
sa soixante-quatorzième année.
5. Adrien Le Bon fut porté à résigner le prieuré de Saint-Lazare
par la mésintelligence qui régnait entre lui et ses religieux. Le bruit
des heureux fruits que recueillaient dans leurs courses apostoliques
saint Vincent et ses missionnaires, ainsi que les conseils du curé de la
paroisse, lui firent jeter ses regards de leur côté. M. de Lestocq le
conduisit lui-même aux Bons- Enfants. L'offre généreuse du bon prieur
effraya l'humilité de saint Vincent. Il refusa. Adrien Le Bon persista
dans son dessein. Six mois après, il revenait au collège et renouvelait,
vainement encore, sa proposition. Pendant six autres mois, ce furent
de nouvelles instances, qui devenaient de jour en jour plus pressantes.
Enfin, il fut convenu qu'on s'en remetttrait à la décision d'André Du-
val. Ce dernier fut de l'avis du prieur. Le plus gros obstacle était
écarté. Restait à s'accorder sur les clauses du contrat. Ce ne fut pas
facile. La lettre de saint Vincent à M. de Lestocq nous fait con-
naître quelques-uns des points débattus entre les parties. Le contrat
fut passé le 7 janvier 1632. Le lendemain, saint Vincent et les siens
venaient habiter Saint-Lazare. Ce récit, confirmé par les déclara-
tions du saint (cf. lettre du 30 janvier 1656 à Nicolas Etienne),
mérite une toute autre confiance que le récit contenu dans
VHisioire des chanoines réguliers de Vordre de S. Augustin de
la Congrégation de France, Bibl. Sainte-Geneviève, 4 vol. in-f°,
ms. 611-614, t. III, f° 57 v°. L'auteur de cet ouvrage prétend
que la donation à saint Vincent du prieuré de Saint-Lazare
fut le résultat de ses manœuvres. Pour rester en possession de
son bien Vincent de Paul eut à soutenir plus d'un procès. Son droit
fut toujours reconnu. L'union fut approuvée le 8 janvier par l'arche-
vêque de Paris, quelques jours après par le roi, le 24 mars par le
prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris, le 7 sep-
tembre par le Parlement, le 15 mars 1635 par le Pape Urbain VIII.
Saint-Lazare était en dehors de Paris. Les bâtiments et l'enclos cou-
vraient le vaste quadrilatère compris actuellement entre la rue du
Paradis, la rue du faubourg Saint-Denis, le boulevard de la Cha-
pelle et la rue du faubourg Poissonnière. (Cf. Saint-Lazare, par
Jean Parrang dans les Petites Annales de S. Vincent de Paul, 1903,
PP- 13-30)
— 139 —
dire hier au soir qu'il avait conféré avec Messieurs ses
religieux ^ touchant notre manière de faire au chœur, le
logement et ameublement, et la pension que donneraient
ceux qui voudraient vivre parmi nous. Or, je vous dirai
que, pour la dernière difficulté, qui est que chacun de
Messieurs les religieux ne paiera que deux cents livres
de pension, que j'acquiesce très volontiers à cela, quoi-
qu'ayant supputé la dépense au juste de ce qu'il nous a
coûté à présent il nous en coûtera davantage, et que les
pensions même des écoliers sont de quatre-vingt-dix
livres.
Quant au logement, je crains qu'il n'arrive quelque
difficulté avec le temps, si nous étions ensemble au dor-
toir, parce que nous observons le silence depuis le soir
après la prière jusqu'au lendemain après le diner, que
nous avons une heure de récréation ; et depuis la récréa-
tion jusques au soir après souper, auquel temps nous
avons encore une heure de récréation, laquelle achevée,
nous rentrons dans le silence, pendant lequel nous ne
parlons que de choses nécessaires, et encore tout bas. Or,
quiconque ôte cela d'une communauté y introduit un dé-
sordre et une confusion qui ne se peuvent dire, qui a fait
dire à un saint personnage, qu'il assurera, voyant une
communauté qui observe exactement le silence, qu'elle
observe aussi le reste de la régularité ; et qu'au contraire,
voyant une autre où le silence ne s'observe pas, qu'il est
impossible que le reste de la régularité s'observe. Or, il y
a bien sujet de craindre. Monsieur, que ces Messieurs ne
voulussent pas s'obliger à cela et que, ne le faisant pas,
nous ne ruinassions une pratique si nécessaire et laquelle
6. Les religieux étaient au nombre de neuf : Adrien Le Bon, prieur ;
Nicolas Maheut, sous-prieur ; Claude Cousin, receveur ; Claude
Gothereau, dépensier ; Richard Levasseur, sacristain ; Adrien Des-
courtils ; Jacques Lescellier ; François Caigne et Claude de Moren-
nes. ( Cf. Arch. Nat. M. 212.)
— 140 —
nous avons tâché d'observer jusqu'à présent le moins
mal qu'il nous a été possible ; c'est pourquoi il me sem-
ble qu'il serait expédient de revenir aux propositions que
me firent Messieurs les religieux en la présence de mon-
dit sieur le prieur, qui est qu'ils prendront quelques lo-
gements particuliers que l'on leur fera accommoder à
leur usage, avec des cheminées ; et pour le regard des
meubles, ils pourront prendre les leurs de leurs cham-
bres ; et pour le linge et de la vaisselle, nous leur en bail-
lerons, ou cinquante livres à chacun pour en avoir ; à
quoi tant s'en faut que je trouve de la simonie, qu'au
contraire il me semble qu'il est plus que raisonnable d'en
user ainsi, puisque ces Messieurs nous laisseront leurs
meubles communs. Par ce moyen donc ils nous laisseront
le dortoir, où nous pourrons sans aucune difficulté ob-
server notre silence.
Et pour le regard du chœur, mondit sieur le prieur
propose les rangs, et que nous y porterons le domino ^
depuis la Toussaint jusqu'à Pâques et encore l'aumusse *.
Or, je vous dirai, Monsieur, qu'encore que je ne fais au-
cune difficulté, que, quand ces Messieurs auront agréa-
ble de venir au chœur, la compagnie ne leur doive lais-
ser les premiers rangs, je pense néanmoins qu'il n'est
pas expédient de ne nous point charger de l'aumusse ni
du domino ; et pour éviter la confusion et le soupçon
que le parlement aurait que nous commencerions à deve-
nir chanoines, et par conséquent que nous renonçons ta-
citement à notre dessein de travailler incessamment pour
le pauvre peuple des champs, qu'il est, dis-je, expédient
que l'on ne nous charge ni de l'aumusse ni du domino,
et que l'on nous laisse le service pour le faire selon la
décharge de notre conscience, comme il est conclu dans
7. Camail noir.
8. Fourrure que les chanoines portent d'ordinaire sur le bras.
— 141 —
le concordat. Or, la façon selon laquelle je me propose
de le faire, et comme Monsieur le prieur a trouvé bon
d'autrefois, est de dire l'office média voce sans chanter,
excepté la grand'messe et vêpres les dimanches et fêtes.
Et voilà, Monsieur, les difficultés que je trouve aux
propositions que M. le prieur me fit l'hormeur de me
faire hier au soir et lesquelles je vous supplie très hum-
blement de lui proposer ce matin et de me mander son
sentiment. J'ai une très parfaite confiance que, comme
il regarde principalement la gloire de Dieu et le salut
du peuple en ces affaires, et que voyant les inconvé-
nients qui pourraient arriver si les choses se passaient
comme il les a proposées, qu'il aura agréable la très
humble représentation que je lui en fais, qui aimerais
mieux que nous demeurassions toujours en notre pau-
vreté que de détourner le dessein de Dieu sur nous. Je
suis honteux de vous tant importuner ; votre charité me
le pardonnera, s'il vous plaît.
Je suis cependant en l'amour de Notre-Seigneur et de
sa sainte Mère, votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
Ce samedi matin.
92. — A LOUISE DE MARILLAC
[i63ii.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'enverrai quérir le peintre demain et agirai selon ce
Lettre 92. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. La lettre n'est pas postérieure à l'année 1631, vu qu'il y
est fait mention de Mademoiselle Sevin, morte au mois de décembre
de cette même année ; d'autre part, divers indices nous empêchent
de remonter plus haut.
— 142 —
que vous me mandez, et ferai savoir par même moyen
aux gardes des pauvres malades de Saint-Sauveur ce
que Mademoiselle Tranchot vous a fait dire pour Mon-
sieur votre fils. Nous le verrons quand il vous plaira ;
mais je ne pense pas que vous lui deviez faire prendre
les ordres si tôt. Il n'est point en âge pour les ordres
sacrés ' ; et, pour les quatre mineurs, il. n'y a point d'uti-
lité ni de nécessité pour encore, et il faudrait qu'il se
détournât de ses études pour s'y préparer ; ce qui lui
serait tm aussi grand dommage.
Que j'ai peine de votre peine ! Mais quoi ! tel étant
l'ordre de la Providence, quel remède ? Ains quel mal
véritable en devez-vous appréhender ? Eh bien ! c'est
un homme qui dit que vous lui avez promis mariage ^ ;
et il n'est pas vrai. L'on se plaint de vous à faux. Vous
souffrez en votre intérieur à tort et sans cause. Vous
craignez qu'on ne parle de vous ? Soit, mais assurez-
vous que c'est là un des grands moyens de conformité
au Fils de Dieu que vous pourriez avoir sur la terre et
que vous acquerrez par là des conquêtes sur vous, que
vous n'avez jamais pu avoir. Oh ! que de vaines com-
plaisances sont anéanties par là et que d'actes d'humi-
liation sont produits par ce moyen ! Or sus, il ne vous
en peut arriver que tout bien et pour ce monde et pour
l'autre. Fortifiez-vous donc là dedans contre les senti-
ments de la nature, et le jour viendra que vous bénirez
l'heure de ce que Notre-Seigneur vous exerce de ce côté-
là, et moi je suis, en son amour, votre très humble ser-
viteur. V. D.
Je vous supplie m'excuser de ce que je ne vous ai
point [fait porter] * cette réponse aujourd'hui ; l'em-
2. Michel Le Gras n'avait que dix-huit ans environ.
3. Louise de Marillac avait alors quarante ans.
4. Mots oubliés dans l'original.
— 143 —
barras que me donne notre affaire m'en empêche ^. Je
vous prie vous informer de Mademoiselle Sevin ce
qu'elle en sait et de me le mander. Je ne fais que d'arri-
ver de la ville, où j'ai été depuis au matin.
Ce mardi au soir.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
93. — A LOUISE DE MARILLAC
[Avant i634 '.]
Voici cette bonne fille, qui est venue pour vous servir,
si vous l'avez agréable. Elle se porte bien. Dieu merci,
à un petit sentiment de fièvre près, à l'heure qu'elle
avait accoutumé de la prendre. Je crois que vous en
serez bien servie. Si vous l'avez agréable, vous la pourrez
renvoyer chez elle pour sept ou huit jours.
Quant à l'eau ^ buvez-en hardiment, jamais elle n'a
fait mal à personne et y en a quantité qui en sont gué-
ris. Madame de Portnal commence à s'en bien trouver.
Je ferai dire à Monsieur Deure qu'il vous en envoie, ou
bien mandez à Mademoiselle qu'elle lui fasse dire.
Je partirai demain en hâte. Si je puis, je vous verrai.
Je ne serai que dix ou douze jours, comme j'espère.
Aidez-nous de vos prières et vous consolez en l'objet
de votre amour, qui est Notre- Seigneur souffrant ; et je
5. Ne s'agirait-il pas des négociations en cours pour l'union du
prieuré de Saint-Lazare à la congrégation de la Mission ?
Lettre 93. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre est certainement antérieure à l'institution des Filles
de la Charité (novembre 1633), ^^r, après cette date, Louise de Ma-
rillac n'a 'ait pas de servante à son service.
2. Une eau minérale ou purgative.
— 144 —
serai, en l'amour de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère,
votre serviteur.
V. D.
Je vous dis derechef que vous ne laissiez point de
boire de cette eau.
94 - A FRANÇOIS DU COUDRAY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A ROME
Du 23 décembre i63i.
... Quant aux mémoires que vous désireriez être pré-
sentés par d'autres qui eussent moins d'intérêt à la chose
que nous, je le voudrais bien aussi, quoiqu'il me semble
que cela soit assez ingénu ; mais quel remède ? Qui dit
les choses tout bonnement, comme elles sont, et se sou-
met, Dieu agrée, comme je crois, ce procédé. La vérité
et l'humilité s'accordent bien ensemble \
95. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
Béni soit Dieu de ce que sa bonté vous confirme de
plus en plus en son amour et en l'accomplissement de
sa sainte volonté. Il sera voirement à propos que vous
fassiez quelque pèlerinage pour ce que vous me man-
dez ; mais, pour l'amour de Dieu, Mademoiselle, ne vous
mettez pas malade par les chemins. Il faut dormer lieu
à la maladie comme à un état tout divin. Il est vrai que
Notre-Seigneur vous aide d'une manière spéciale. Il me
Lettre 94. — Reg. 2, p. 2.
I. François du Coudray négociait à Rome l'approbation de la con-
grégation de la Mission.
Lettre 95. — Manuscrit Saint-Paul, p. 66.
— 145 —
semble que vous êtes meurtrière de vous-même pour Je
peu de soin que vous en avez. Soyez bien gaie, je vous
en supplie. Oh ! que les personnes de bonne volonté en
ont grand sujet !
96. — A LOUISE DE MARILLAC
Il faut pour le plus sûr avoir une attestation du mé-
decin, comme il est expédient que vous et Monsieur votre
fils mangiez de la viande, et que vous l'envoyiez au
greffier de Monsieur de Paris, nommé M. Baudouin ;
et sans difficulté il vous mettra la permission au pied ;
et cela étant, ne faites point de difficulté d'en manger.
Ains, en tant qu'en moi est, je le vous ordonne, comme
aussi de rejeter les défiantes pensées que vous permet-
tez à votre cœur. Et soyez pleine de confiance que vous
êtes la chère fille de Notre-Seigneur, par sa miséricorde.
Je vous ordonne de plus de vous concilier la sainte
joie de votre cœur par tous les divertissements qui vous
seront possibles et de me pardormer si je n'ai eu l'hon-
neur de vous voir, à cause de quantité d'affaires qui
m'occupent. Assurez-vous, Mademoiselle, que j'aurai ce
bonheur le plus tôt qu'il me sera possible et que je suis
v'Qftre serviteur.
V. D.
Je vous prie de faire travailler demain au matin à
cette permission, afin que vous puissiez manger de la
viande dès demain ; car l'usage du poisson vous est
entièrement contraire.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
Lettre 96. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
14.6
97. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers i632 i.]
Faites ce que vous dira Monsieur Bouvard ^ avec con-
fiance que Dieu bénira ses remèdes, Mademoiselle, je
vous en prie. Je ne dis pas que vous les preniez tous ;
j'espère qu'il n'en sera pas besoin. Or sus, il le faut donc
faire. Et pour le reste, cela se fera en son temps. Tenez-
vous bien gaie surtout. Je verrai Monsieur Bouvard et
lui parlerai de vous et de l'opiat.
Pour le reste dont nous parlâmes hier, ne vous en
mettez point en peine. Celui qui a la disposition des
temps disposera de cet affaire dans le temps qu'il a pré-
vu convenable de toute éternité.
Faites-vous donc guérir, et bientôt, je vous en supplie,
et je serai, en l'amour de Notre-Seigneur et de sa sainte
Mère, votre très humble et obéissant serviteur.
V. D.
98. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers i632*.]
Ne vous le disais-je pas bien hier, Mademoiselle, qu'il
vous fallait accorder ce que vous demandiez, pource
qu'aussi bien votre cœur n'aurait point de repos que cela
Lettre 97. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. La lettre semble écrite avant l'institution des Filles de la Cha-
rité.
2. Premier médecin du roi Louis XIII, mort le 2.2 octobre 1658 à
l'âge de quatre-vingt-six ans. Plusieurs de ses filles entrèrent à la
Visitation, entre autres Marie-Augustine, qui fut supérieure du monas-
tère du faubourg.
Lettre 98. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. La mention de M. Bouvard, qui fut peu de temps, semble-t-il,
médecin de Louise de Marillac, nous a porté à rapprocher cette
lettre de la lettre 97.
— 147 —
ne fût fait. Faites donc, à la bonne heure, doucement et
sans empressement. Vous serez cause que j'en referai un
pour moi, un de ces matins. Mais voyez après cela Mon-
sieur Bouvard. Ains soyez bientôt guérie pour servir
Dieu. Oh ! que mon cœur désire que cela soit, et promp-
tement ! Or sus, faites-y, de votre côté, ce qu'il faut.
Soyez bien gaie cependant et faites gaiement ce que vous
avez à faire, et je serai, en l'amour de Notre-Seigneur
et de sa sainte Mère, votre très humble serviteur.
V. D.
Je voudrais bien savoir si M. Meynard est procureur
au Châtelet ou à la Cour.
99. — A ISABELLE DU FAY
[Entre 1626 et i635'.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Ces lignes seront pour vous dormer de nos nouvelles
et pour en apprendre des vôtres. Pour les nôtres, elles
sont telles que. Dieu merci, je me porte toujours de
mieux en mieux ; et n'eût été quelques petits ressenti-
ments de fièvre, qui m'ont repris depuis un jour ou deux,
je vous serais allé remercier de tant de charité que vous
m'avez faite.
Et pour vous, comment vous va-t-il, Mademoiselle ?
Etes-vous en meilleure santé que ces jours passés P
Lettre 99 — Reg. i, fo 69. Le copiste note que l'écriture de l'or''-
ginal était celle de saint Vincent.
I. Le nom de Mademoiselle du Fay ne paraît dans aucune des
lettres qui sont certainement postérieures à l'année 1635 ou antérieu-
res à 1626.
— 148 —
Etes-vous plus forte ? Mais ménagez-vous mieux votre
santé que par le passé ? Et le cœur est-il bien généreux ?
Se laisse-t-il point abattre quelquefois ? Pour l'amour de
Dieu, Mademoiselle, fortifiez-vous bien en l'une et en
l'autre manières, afiji que vous serviez Dieu en sainteté
et justice longues années.
Au reste, je vous supplie me mander où l'on achète les
disciplines, pource que j'en ai besoin d'une douzaine ;
mais il n'est point besoin que vous me fassiez réponse
à présent ; il suffira que ce soit dans un jour ou deux.
Je salue de tout mon cœur le bon M. de Vincy ^ et suis
à vous et à lui, en l'amour de Notre Seigneur et de sa
sainte Mère, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
100. - A FRANÇOIS DU COUDRAY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A ROME
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Monsieur le Jarriel, banquier, nous a fait la charité
d'entreprendre l'expédition des bulles d'union de Saint-
I azare à notre petite congrégation et en fait l'adresse à
Monsieur Marchand ^. Vous prendrez la peine. Monsieur,
s'il vous plaît, la présente reçue, d'aller trouver Mon-
sieur Marchand et de commencer à travailler à cet af-
faire, pour en avoir l'expédition le plus tôt que faire se
pourra, pource qu'elle nous est absolument nécessaire,
2. Frère de Mademoiselle du Fay.
Lettre 100. — L. a. — Original à l'hospice Saint-Nicolas de Metz.
I. Banquier expéditionnaire en cour de Rome.
— 149 —
à cause des oppositions qu'on nous fait - et pour les-
quelles l'on nous presse de deçà. J'ose encore espérer de
la charité de Messieurs le Bret ^ et de Luzarches qu'ils
nous continueront leur charité en cette occasion qui re-
garde notre établissement, et nous leur devrons à l'un
et à l'autre ce que Dieu seul leur peut rendre. Vous pour-
rez adresser vos lettres audit sieur Jarriel comme à un
notre ancien ami et auquel, après Dieu, nous devons une
benne partie du bien de cet affaire.
Il me reste à vous prier d'avoir soin de votre santé sur
toutes choses ; et attendant qu'il plaise à Notre-Sei-
gneur bénir le succès de vos travaux, je suis, en son
amour, Monsieur, votre très humble et obéissant servi-
teur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 2 mars 1632.
2. L'opposition venait des religieux de Saint- Victor, de Louis de
Mesgrigny, abbé de Quincy, et des curés de la ville, faubourgs el
banlieue de Paris. Appelés à Saint-Lazare au commencement du
XVi^ siècle par Etienne de Poncher, évéque de Paris, qui espérait
réformer les abus en changeant l'administration, les religieux de
Saint-Victor n'avaient cessé depuis d'occuper le prieuré, qu'ils avaient
fini par considérer comme leur bien propre. Il n'en était rien pour-
tant. Toutes les provisions témoignaient que les évêques de Paris se
réservaient le droit de révoquer le prieur et même d'y mettre d'au-
tres ecclésiastiques à leur place. De plus, le 5 décembre 1625, les
religieux de l'abbaye de Saint-Victor avaient décidé que les diverses
maisons de l'ordre seraient désormais indépendantes de l'abbaye.
C'était par le fait une renonciation à leurs droits sur Saint-Lazare.
Rome prit du temps avant d'accueillir la supplique de saint Vin-
cent. La bulle d'union fut signée par Urbain VIII le 15 mars 1635 ;
mais l'expédition n'eut pas lieu. Alexandre VII en accorda une nou-
velle le 18 avril 1655. (Cf. Arch. Nat. MM 534.)
3. Jacques le Bret, chanoine de Toul, auditeur de Rote et clerc
de la Chambre apostolique, était de Paris. Il fut préconisé à l'évêcbé
de Toul le 24 avtil 1645 et sacré à Saint-Louis-des-Français. Le roi
de France, qui n'avait pas été prévenu diplomatiquement, refusa de
le reconnaître. Le différend fut levé par le décès de l'intéressé, qui
mourut à Rome le 15 juin de la même année. Jacques le Bret rendit
bien des services à la congrégation de la Mission.
— I50 —
101. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je suis bien aise de ce que vous avez pris comme il
faut la nouvelle de la maladie de Mademoiselle de Po-
trincourt \ de laquelle je n'ai point su des nouvelles
depuis cinq ou six jours en ça. Mais je suis marri de ce
que vous laissez tremper votre esprit en quelques vaines
appréhensions qui sont plutôt à empêchement qu'à avan-
cement à votre salut. Mettez- vous toute dans la sainte
dilection qui opère la confiance en Dieu et la défiance de
soi, Mademoiselle, je vous en prie ; et laissez cette
crainte, qui me semble parfois un peu servile, à ceux à
qui Dieu n'a point dorme les sentiments de lui qu'à
vous ; et surtout méprisez ces pensées, qui semblent in-
firmer la sainte foi que Dieu a mise en vous ', et encore
plus l'auteur dont elles procèdent, qui n'a pouvoir que
celui que vous lui donnerez. Or absit que vous lui ayez
jamais donné celui-là ! Les larmes que la peine que vous
en avez produisent sont autant de témoins de ce que je
vous dis. Soyez donc en repos de ce côté-là.
Pour Monsieur de Marillac ^, je veux tout ce que vous
Lettre 101. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Françoise de Mornay, épouse de Jacques de Biancourt, seigneur
de Potrincourt.
2. Louise de Marillac avait été assaillie autrefois de doutes sur
l'immortalité de l'âme et l'existence de Dieu ; ces tentations lui se-
raient-elles revenues ?
3. Les biographes de Louise de Marillac supposent qu'il est ici
question de Michel de Marillac, emprisonné à Clîâteaudun, et que
sa nièce voulait tenter une démarche pour obtenir sa liberté. (Cf. Ma-
dame de Richemont, of. cit., p. 100 ; Mgr Baunard, of. cit., p. 114 ;
M. de Broglie, La Vénérable Louise de Marillac, Paris, 1911, in-12,
p. 65.) Ce n'est là qu'une hypothèse. On pourrait en faire d'autres.
— 151 —
trouverez bon ; mais prenez garde de vous embarrasser.
Il me semble en ces choses qu'il faut être disposé à
prendre l'avis que celui à qui l'on se conseille donne ;
et, quand il vous dira quelque chose contre votre senti-
ment, qu'il n'y faudra point retourner deux fois. Faites
pourtant ce que Xotre-Seigneur vous suggérera. D'une
chose vous assuré-je bien, qu'il ne vous conseillera rien
que de parfait, et que je suis, en l'amour de Notre-Sei-
gneur et de sa sainte Mère, votre très humble serviteur.
V. Depaul.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
102. — A N***
[i632i.]
Vous savez bien que les religieux de [Saint- Victor]
nous contestent Saint-Lazare -. Vous ne sauriez croire
les devoirs de soumission que je leur ai rendus, selon
l'ordre de l'Evangile, quoiqu'en vérité ils ne soient point
fondés en raison, à ce que M. Duval m'a assuré et à ce
que me disent toutes les personnes qui savent de quoi
Il n'est même pas sur qu'il s'agisse ici de Tancien garde des sceaux.
Saint Vincent pourrait aussi bien avoir en vue un autre Marillac, le
maréchal par exemple ou le petit-fils de Michel.
Lettre 102. — Abelly, of. cit., t. I, chap. xxii, fin, p. ici.
1. Voir note 2.
2. Les religieux de Saint-Victor avaient produit une première re-
quête le 17 décembre 1631 pour empêcher le contrat d'union. Ils en
présentèrent une seconde le 13 mai 1632 pour le faire casser. Malgré
l'appui que leur prêtèrent l'abbé de Quincy et les curés de Paris et de
la banlieue, ils ne purent obtenir gain de cause. Le Parlement dé-
cida, le 21 aoiit, qu'il verrait le concordat, et le 7 septembre il en
ordonna l'enregistrement, tout en exigeant des prêtres de la Mission
qu'ils se retirassent « par devers le sieur archevêque de Paris pour ob-
tenir lettres d'établissement à perpétuité en ladite maison de Saint-
Lazare ». (Arch. Xat. M 212, liasse n° 4.)
— 152 —
i] s'agit. Il en sera ce qu'il plaira à Notre-Seigneur, qui
sait en vérité que sa bonté m'a rendu autant indifférent
en cette occasion qu'en aucun autre affaire que j'aie ja-
mais eu. Aidez-moi à l'en remercier, s'il vous plaît.
103. — A LOUISE DE MARILLAC
Il vaut donc mieux en user ainsi que vous me mandez,
Mademoiselle, et différer pour ne rien hasarder. Que si
entre ci et mon retour vous trouvez quelque personne af-
fidée, faites ; sinon, différez ^ ; Notre-Seigneur y pour-
voira, surtout si vous vous aimez bien aux pieds de la
croix, oii vous vous trouvez à présent et qui est la meil-
leure place que vous puissiez avoir en ce monde. Aimez-
vous-y donc, Mademoiselle, et ne craignez rien. Ne nous
oubliez pas en vos prières et j'aurai soin de vous recom-
mander à nos bonnes gens des champs.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
104. — A LOUISE DE MARILLAC
[Avant 1634I.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Ce billet sera à trois fins : pour vous donner le bon
Lettre 103. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. On peut, avec les biographes de Louise de Marillac, interpréter
ces mots de démarches qu'elle désirait faire pour la délivrance soit
de Michel de Marillac, ancien garde des sceaux, soit du maréchal
Louis de Marillac.
Lettre 104. — L. a. — Copie du xviie ou du xyiii» siècle à l'hôpi-
tal de Pernambuco (Brésil).
I. Tout porte à croire que la lettre a précédé l'institution des Filles
de la Charité. L'insistance que met le saint à parler de saint Joseph
n'indiquerait-elle pas qu'il l'écrivit le 19 mars ?
— 153 —
jour, pour vous remercier de ce tant beau et agréable
parement que votre charité nous a envoyé, lequel me
pensa ravir hier le cœur d'aise, voyant le vôtre là de-
dans, et cela tout à coup entrant dans la chapelle, ne
sachant pas qu'il y fût ; et cette aise dura hier et dure
encore avec une tendresse inexplicable, laquelle opère
en moi plusieurs pensées, lesquelles, si Dieu l'a agréable,
je vous pourrai dire, me contentant cependant de vous-
dire que je prie Dieu qu'il embellisse votre âme de son
parfait et divin amour, pendant que vous embellissez
ainsi sa maison de tant de beaux parements.
La troisième an est la prière que je vous fais de ne
point aller aujourd'hui aux pauvres, et qu'ainsi vous
honorerez le non- faire du Fils de Dieu et celui de saint
Joseph, lequel, ayant la puissance du ciel et de la terre
en sa conduite et sous son pouvoir, a voulu néanmoins
paraître sans pouvoir. Envoyez-y Madame Richard.
Peut-être que Dieu lui communiquera là quelque grâce
dont elle a besoin, et à vous celle de quelque degré d'hu-
milité, de compassion des infirmes ou de connaissance
de vous-même, l'impuissance que vous avez de tendre
à ce que votre ferveur vous fait prétendre.
Enfin vous y gagnerez, si vous le faites, pource que
Notre-Seigneur le veut ainsi, en l'amour duquel et celui
de sa sainte Mère et de saint Joseph, je suis votre très
humble serviteur.
Vincent Depaul.
105. — A LOUISE DE MARILLAC
[Mai i632 ^]
Mademoiselle,
Ce que vous me mandez de M. le maréchal de Maril-
Lettre 105. — Manuscrit Saint-Paul, p. 74.
I. La lettre est du 8, 9 ou 10 mai. (Cf. note 2.)
— 154 —
lac me paraît digne de grande compassion et m'afflige -.
Honorons là dedans le bon plaisir de Dieu et le bonheur
de ceux qui honorent le supplice du Fils de Dieu par
le leur. Il ne nous importe comme quoi nos parents vont
à Dieu, pourvu qu'ils y aillent. Or, le bon usage de ce
genre de mort est un des plus assurés pour la vie éter-
nelle. Ne le plaignons donc point ; ains acquiesçons à
l'adorable volonté de Dieu.
106. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre i632 et i636 K]
Mademoiselle,
La grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur soit avec
vous pour jamais !
Me voici votre voisin depuis midi ^. J'ai envoyé voir
si vous étiez chez vous, sur les deux heures ; mais vous
étiez allée en dévotion. Si demain, incontinent après
2. Louis de Marillac, comte de Beaumont-le-Roger et maréchal de
France, Michel de Marillac, garde des sceaux, et Louis de Marillac,
père de Louise de Marillac, étaient fils d'un même père. Le premier,
qui était le plus jeune des trois, fut ambassadeur en Savoie, en Ita-
lie, en Lorraine, en Allemagne, commissaire général des armées de
Louis XIII, maréchal de camp, capitaine général des gens d'armes
de la reine, lieutenant général pour les diocèses de Metz, Toul et
Verdun, gouverneur de la ville et citadelle de Verdun et maréchal de
France. Il se signala au siège de Montauban, où il fut blessé, au
combat de l'île de Ré, au siège de La Rochelle, à la prise de Pri-
vas et ailleurs. Il était lieutenant général du roi à l'armée d'Italie,
quand Richelieu décida de l'arrêter. Le cardinal-ministre le fit saisir
par ses commissaires, le 30 octobre 1630, au camp de Felizzo, en
Piémont, et le tint de longs mois en prison. La sentence de mort fut
portée contre lui à Rueil le 8 mai 1632 et mise à exécution le surlen-
demain sur la place de Grève, à Paris.
Lettre 106. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original
1. Cette lettre est du temps où saint Vincent était établi à Saint-
Lazare (après 1631) et Louise de Marillac près du collège des
Bons-Enfants (avant mai 1636.)
2. Saint Vincent allait assez souvent au collège des Bons-Enfants.
— 155 -
dîner, il vous plait prendre la peine de venir jusques ici,
nous apprendrons de vive voix ce que vous nous écrivez ;
et cependant je vous supplie d'honorer les abandons
intérieurs auxquels les saints, voire même le Saint des
saints se sont trouvés quelquefois, et l'union plus étroite
qu'ils ont eue ensuite à Dieu.
Je vous souhaite le bon soir et suis, en l'amour de
Notre-Seigneur, votre très humble serviteur.
V. D. P.
Je ne puis que je ne vous die que je me propose de
vous bien blâmer demain de ce que vous vous laissez
aller ainsi à ces vaines et frivoles appréhensions. Oh !
apprêtez-vous à être bien tancée !
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
107. — A LOUISE DE MARILLAC
[Mai i632 '.]
Mademoiselle,
Quant à votre petite retraite -, faites-la tout douce-
ment, selon l'ordre de Y Introduction de Monsieur de
Lettre 107. — L. a. — Original chez les Filles de la Charité de
la maison centrale de Turin.
1. Cette lettre a été écrite à l'époque d'un déménagement de
Louise de Marillac. Certains indices nous portent à croire que ce
fut en mai 1632, peu de jours avant sa retraite de l'Ascension. Le
changement de domicile projeté à la fin de l'année 1631 avait été
différé, ou bien Louise avait pris un logement provisoire.
2. « Je désirerais bien huit ou dix jours de retraite, deux fois
l'année, à savoir les jours entre l'Ascension et la Pentecôte, pour ho-
norer la grâce que Dieu a faite à son Eglise, lui donnant son Saint-
Esprit pour la conduire, et l'élection des apôtres pour annoncer son
saint Evangile, pour lequel pratiquer j'aurai une particulière atten-
tion à l'entendre et dévotion à la loi de Dieu, qui sont ses com-
mandements. Les autres jours de retraite seront dans les Avents... »
(Pensées, p. 5.) Une déchirure empêche de connaître la suite du texte.
- 156 -
Genève ^ ; mais ne faites que deux oraisons par jour,
une heure le matin et demi-heure l'après-dînée, et vous
lirez pendant l'intervalle quelque chose de Gerson '^ ou
des vies des saintes veuves auxquelles vous avez plus
particulière dévotion ; et le reste du temps vous l'em-
ploierez à penser à la vie passée et à celle qui vous reste.
Mais faites tout cela bien doucement, s'il vous plaît,
après que vous aurez changé de logis, et contentez-vous
de faire cela six jours durant. Ne m'oubliez pas en vos
prières. Peut-être que je ferai la mienne en même temps.
Dieu nous fasse la grâce de la bien faire !
Je suis, en son amour et celui de sa sainte Mère,
votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
108. — A LOUISE DE MARILLAC
[Mai ou juin 1632 ^.J
Mademoiselle,
La grâce de Jésus-Christ soit avec vous !
Si vous jugez à propos avec M. Compaing - de ren-
3. Introduction à la vie dévote, par saint François de Sales.
4. Louise écrit dans une de ses lettres à l'abbé de Vaux (lettre
63) : « Après la confession, la lecture est dans Gerson ou autre
livre semblable qui excite à l'amour de Dieu. » L'œuvre littéraire de
Gerson est considérable. Parmi les ouvrages écrits ou traduits en
français dont la lecture pouvait être recommandée à Louise de Ma-
ri llac, nous signalerons VOfus trifariitiim, le Dénat spirituel, La
Doctrine de bien vivre en ce 7nonde, Les règles de bien vivre, Le
trésor de Safience et La mendicité sfirituelle. Notons que saint Vin-
cent attribue ailleurs Vlmitation de Jésus-Christ à Thomas a Kempis.
Lettre 108. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite, semble-t-il, quand Louise de Marillac
venait de changer de logis et alors qu'elle se trouvait encore sur la
paroisse de Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
2. Guillaimie Compaing, fils du seigneur de l'Estang, eut l'hon-
— 157 —
voyer cette femme, faites-le. S'il faut quelque chose
pour cela, je le baillerai. Et pource que je suis
embarrassé par dessus la tête de quantité d'exercitants,
un évêque nommé, un premier président, deux doc-
teurs, un professeur en théologie et M. Pavillon ^, outre
nos exercices, tout cela, dis-je, m'empêche de vous aller
voir *. C'est pourquoi, vous m'enverrez, s'il vous plaît, le
mémoire dont vous me parlez.
Je suis bien aise de votre beau logement et dirai une
douzaine de paroles à Germaine quand il lui plaira.
M. Belin est céans. Quant à cet honnête homme, pour M.
neur d'être assisté à sa première messe par saint François de Sales.
Il prêta sa maison au.x prêtres de Saint-Nicolas-du-Chardonnet et
entra lui-même dans leur communauté en 1621. Il fit beaucoup de
bien à la paroisse Saint-Nicolas, dont il resta vicaire pendant qua-
rante-trois ans, et aux Filles de Sainte-Geneviève, dont il fut direc-
teur. La reconstruction de l'église paroissiale lui occasionna beaucoup
de dépenses et lui coûta même la vie, car il mourut le 21 août 1665,
écrasé par la chute d'un échafaudage. (Jean Darche, of. cit., t. I,
pp. 348-351.)
3. Nicolas Pavillon, né à Paris le 17 novembre 1597, se mit tout
jeune prêtre sous la direction de saint Vincent, qui lui donna des
catéchismes à faire, l'employa à l'œuvre des missions, l'envoya aux
Charités où sa présence était jugée utile, et lui confia plus d'une fois
la direction des conférences et des retraites ecclésiastiques. Nommé
en 1637 à l'évêché d'Alet, Pavillon n'accepta que sur les instances
du saint. Cette élévation ne le détourna pas de ses travaux aposto-
liques. Il donna une mission à Rueil, sur l'invitation de Richelieu,
puis à Saint-Germain-en-Laye, à la demande du roi. Il fut sacré à
Saint-Lazare le 22 août 1639 et alla dans son diocèse accompagné
d'Etienne Blatiron, prêtre de la Mission. Evêque zélé, intelligent, ré-
formateur, il justifia les espérances qu'on avait mises en lui. Son
épiscopat eût été plus fécond s'il s'était mieux prémuni contre les
idées jansénistes. Saint Vincent le supplia vainement de signer le
formulaire. L'évêque d'Alet mourut le 8 décembre 1677. On a plu-
sieurs vies imprimées et manuscrites de ce prélat. La dernière a été
composée par M. Etienne Dejean sous ce titre Un frélat indéfendant
au XVII e siècle, Nicolas Pavillon, évêqtie d'Alet, Paris, 1909, in-80.
4. Saint Vincent ouvrait toutes grandes les portes de sa maison aux
personnes qui désiraient y faire leur retraite. L'hospitalité qu'il leur
donnait était gratuite. Dieu seul connaît le nombre incalculable d'ec-
clésiastiques et de laïques, de tout pays et de toute condition, qu'il
reçut soit aux Bons-Enfants, soit à Saint-Lazare. (Abelly, of cit.,
t. I, chap. XXVI, p. 119 et suiv.)
- 158 -
Renouard, il faut le faire demander par le petit Hermite.
Il le connaît. Il faut lui dire que c'est celui qu'il nous
a voulu bailler, ci-devant marchand. Monsieur votre fils
est ici. Il me revient toujours de mieux en mieux.
Adieu, Mademoiselle, je suis votre très humble ser-
viteur.
Vincent Depaul.
Suscriftïon : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
109. — A LOUISE DE MARILLAC
[Juin i632 *.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Mon Dieu, Mademoiselle, que je fais des fautes à
votre égard ! Je vous assurai hier que j'aurais le bien
d'aller voir aujourd'hui votre beau et dévot paradis ^ et
que je verrais Madame la présidente Goussault ^ et Ma-
demoiselle Poulaillon *, et cependant je n'ai fait ni l'un
Lettre 109. — L. a. — Dossier des prêtres de la Mission, original.
1. Cette lettre demande à être rapprochée de la lettre iio. Elle est
antérieure au départ de Louise de Marillac pour Villeneuve, où celle-
ci se trouvait le 27 iuin.
2. Le nouveau domicile de Louise de Marillac.
3. Geneviève Fayet avait épousé en 1613 Antoine Goussault, sei-
gneur de Souvigny, conseiller du roi et président en la Chambre des
Comptes de Paris, et avait eu cinq enfants de son mariage. Veuve en
1631, elle se consacra avec un dévouement inlassable aux œuvres de
charité. Elle eut la première idée d'une association de dames pour
le soulagement des malades de l'Hôtel-Dieu et en fut la première
supérieure. C'est grâce à elle que les Filles de la Charité furent ap-
pelées à l'hôpital d'Angers. Son nom revient sans cesse dans les let-
tres de saint Vincent à Louise de Marillac. Elle mourut dans l'exer-
cice de la charité le 20 septembre 1639.
4. Marie de Lumague, veuve de François de Pollalion, gentil-
homme ordinaire de la maison de Louis XIII, était du nombre de ces
pieuses veuves que saint Vincent appliquait aux travaux de l'apos-
— 159 —
ni l'autre, et m'en suis allé aux champs, d'où je viens
de revenir. C'est pour travailler à la Charité de Cham-
pigny ^, qui requiert bien votre présence. Je vous supplie
très humblement de me le pardonner et de vous en aller
demain à Villeneuve, si Madame Goussault et Made-
moiselle Poulaillon vous y mènent, et pour cela je vous
prie de leur écrire ce matin ; si elles ne peuvent aller
l'une ni l'autre, je ne sais si vous serez incommodée dans
le bateau de Joigny *', qui part samedi à huit heures. Je
pense néanmoins que non, pource qu'il est couvert. Quand
vous serez à Villeneuve, il faudra vous retirer chez
Mademoiselle Tranchot ^ et rendre à Monsieur le curé
celle que je lui écris, dont vous verrez la teneur. Il n'y
aura point danger que vous instruisiez les filles seule-
ment. Cela vous facilitera le moyen de gagner leurs
mères à Dieu. Pour la Charité, vous ne trouverez que
neuf sœurs de la confrérie ; vous tâcherez d'en gagner
d'autres. Si nous le pouvons, nous vous enverrons Mon-
sieur Pavillon pour prêcher un dimanche.
Je ne vous dirai rien pour le surplus. Notre-Seigneur
tolat. Née à Paris le 29 novembre 1599, mariée à l'âge de dix-huit
ans, veuve peu après, elle fit vœu de continence et se mit sous la
direction du saint. En compagnie de Louise de Marillac ou d'autres
dames charitables, elle visitait les Charités, instruisait les petites
filles, portait des aumônes aux pauvres. Elle avait surtout à cœur
de recueillir et de relever les filles déréglées et fonda pour cela les
Filles de la Providence. Saint Vincent travailla aux règles de cet
institut, lui procura des secours, de bons directeurs et obtint son
approbation par le roi et l'archevêque de Paris. Mademoiselle de
Pollalion mourut le 4 septembre 1657. [Vie de la Vénérable Servante
de Dieu Marie Lumague, veuve de M. Pollalion, par M. Colin, 1754,
in-i2 ; Histoire de VUnion chrétienne de Fontenay-le-C omte, par
l'abbé Teillet, Fontenay-le-Comte, 1898, in-8. ) Saint Vincent écrit
toujours Poulaillon au lieu de Pollalion.
5. Champigny-sur-Marne (Seine).
6. Ville située sur les bords de l'Yonne, un des affluents de ia
Seine.
7. Louise de Marillac a écrit du côté de l'adresse ces mots, em-
pruntés à la lettre du 12 octobre 1631 : « Mademoiselle Tranchot vous
désire fort à Villeneuve, où la Charité va mal. »
- • i6o —
vous conseillera ce que vous aurez à faire ; et vous aurez
soin, s'il vous plaît, de votre santé et d'honorer la gaieté
de cœur de Notre-Seigneur. Et moi je prie Dieu qu'il
vous ramène en parfaite ssinté et pleine de mérite et
chargée des dépouilles de l'ennemi de l'empire de Dieu,
en l'amour duquel je suis v. s.
V. D. P.
Siiscri-ption : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
110. — A LOUISE DE MARILLAC, A VILLENEUVE-SAINT-
GEORGES
Mademoiselle,
Votre lettre du 27 m'a été donnée céans ; à même
temps j'ai écrit à M. Pavillon pour le prier de vous aller
voir et lui ai envoyé votre lettre. Il ne m'a point fait
réponse. Dès que je l'aurai, je [la] vous enverrai ; sinon,
M. [Soufliers] S qui a été assez goûté au catéchisme qu'il
a fait à Villeneuve. Aussi bien M. de la Salle n'est-il pas
ici.
Je ne doutais point certes que vous ne trouviez très
grande difficulté au rétablissement de la Charité, et plus
que vous ne m'en dites ; mais béni soit Dieu de ce qu'il
y a quelque sujet d'espérer que vous la rétablirez !
Quant aux difficultés que vous me mandez, je trouve
bon que vous en usiez ainsi que vous me mandez.
Mademoiselle Poulaillon m'a dit qu'elle espère aller
Lettre 110. — Manuscrit Saint-Paul, p. 29.
I. Le copiste a écrit So74dier ; mais c'est là une distraction mani-
feste, car les deux frères Le Soudier n'entrèrent dans la congré-
gation de la Mission qu'en 1638. — François Soudiers, né à Mont-
mirail en 1606, reçu aux Bons-Enfants en août 1629, ordonné prêtre
en septembre 1631, fut supérieur à Notre-Dame de la Rose de 1642 à
1644. Saint Vincent recommandait d'imiter sa manière de traiter
avec les hérétiques.
— i6i —
coucher chez vous samedi, et j'ai écrit à Madame Gous-
sault que l'on faisait état en cette ville qu'elle ira voir
la maîtresse d'école de Villeneuve dimanche après-
dîner. O Dieu ! quelle bonne petite compagnie ! Je
prie Notre-Seigneur qu'il lie vos cœurs en un, qui soit le
sien, et qu'il vous fortifie dans vos travaux.
De Paris, ce 7 juillet 1632.
111. — A LOUISE DE MARILLAC, A VILLENEUVE-SAINT-
GEORGES
De Saint-Lazare, ce 10 juillet 1632.
Mademoiselle,
Béni soit Dieu, Mademoiselle, de ce que vous vous
portez bien parmi tant de travail et de ce qu'il a béni
votre emploi ! Je pense bien voirement qu'il serait à
propos d'établir à Villeneuve une maîtresse d'école ;
mais où la prendrons-nous ? Germaine ne serait pas
fâchée d'y aller, à ce que je juge par une lettre que m'a
écrite M. Belin ; mais quel moyen de la retirer de Ville-
preux, si l'on n'y met quelque autre ? Et puis, oti pren-
drons-nous celle-là ? Certes, je n'y vois point de moyen,
surtout dans le peu de temps que vous avez pour voir
Mademoiselle d'Attichy. Quand vous serez de deçà, l'on
y avisera ; ce qui pourra être l'un des jours de la semaine
prochaine ; s'il vous plaît, cependant, vous ferez espérer
aux mères de vos écolières que vous leur enverrez une
maîtresse le plus tôt que vous pourrez, ou que vous les
irez voir et conférer du moyen de loger la maîtresse et
de l'entretenir. Nous vous attendrons donc pendant ce
temps-là.
In formez- vous, je vous en supplie, comme va la Cha-
Lettre 111. — Manuscrit Saint-Paul, p. 31.
11
102
rite de Crosnes '. C'est un petit village éloigné de [Vil-
leneuve] - comme de la porte Saint- Victor à Notre-Dame
ou environ. Si vous aviez une monture pour y aller, vous
n'y perdriez pas le temps.
112. — A FRANÇOIS DU COUDRAY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A ROME
Du 12 de juillet i632.
Dès que j'aurai reçu les témoignages que la Congré-
gation désire de Mgr le nonce ^ et de Mgr l'archevêque ^,
je vous les enverrai, si tant est que nous puissions les
obtenir ; car, il est vrai, on tâche à nous brouiller,
comme vous m'avez mandé ; et cela jusqu'à la personne
de laquelle nous devrions espérer la plus grande assis-
tance après Dieu. Mais tout cela ne m'étonnerait pas
sans mes péchés, qui me donnent sujet de craindre non
pas le succès de la chose, qui tôt ou tard se fera de delà
comme de deçà ; mais je ne saurais vous exprimer com-
bien les artifices m'étonnent. Le R. P. Général ^ désavoue
1. En Seine-et-Oise, arrondissement de Corbeil, à deux kilomètres
de Villeneuve.
2. Le copiste du manuscrit Saint-Paul a écrit par distraction Ville-
freux.
Lettre 112. — Reg. 2, p. 2.
1. Alexandre Bichi, né à Sienne, mort à Rome le 25 mai 1657. Il
fut évêque d'Isola (1628), de Carpentras (1630), nonce apostolique
en France (1630), cardinal (1633), légat d'Avignon (1634). Mazarin
lui confia des missions importantes. (Cf. Tamizey de Larroque, Le
Cardinal Bichi, évêque de Carfentras. — Lettres à Peiresc, Paris.
1885.)
2. Jean-François de Gondi.
3. Charles de Condren, né à Vauxbuin, près de Soissons, le 15 dé-
cembre 1588, entra à l'Oratoire le 17 juin 1617, après avoir pris le
doctorat en Sorbonne. Il alla fonder le séminaire de Langres en
1619, celui de Saint-Magloire en r62o, puis établit une maison de
son ordre à Poitiers, où il resta plus d'un an. De retour à Paris, i!
se fit une grande réputation de directeur d'âmes, qui attira vers lui
Gaston, duc d'Orléans, frère du roi, Olier, Meyster, Amelote et
— 163 —
pourtant tout cela et m'a promis d'écrire à M. le car-
dinal Bagni *, à M. l'ambassadeur ^ et au R. P. René ^.
Dès que j'aurai ses lettres, je vous les enverrai. Cepen-
dant vous agirez, s'il vous plait, le plus chrétiennement
qu'il vous sera possible avec ceux qui nous embarras-
sent. Je les vois ici aussi souvent et cordialement. Dieu
merci, comme je faisais ; et me semble que, par la grâce
de Dieu, non seulement je ne leur ai point d'aversion,
ains que je les honore et chéris davantage ; et vous di-
rai plus, que je ne m'en suis pas encore plaint au Père de
Gondy ^ de peur de l'indisposer en sa vocation. Il est
vrai ce qu'ils ont écrit de delà, que le P. B. ^ est allé en
mission en Normandie, avec six ou sept, depuis environ
quinze jours après Pâques, et que je leur ai baillé
M. Renar ®, pource qu'ils m'en ont fait instance, aân de
d'autres personnages éminents. Il gouverna l'Oratoire du 30 octobre
1629 au 7 janvier 1641, jour de sa mort. {Vie du P. Charles de Con-
dren, par Amelote, Paris, 1643, iii-4°-) Saint Vincent l'avait en haute
estime. « Il m'en a parlé en des termes qui paraîtraient incroyables,
écrit Jean-Jacques Olier (Mémoires autographes, t. II, p. 255), et je
me souviens qu'il me dit à son sujet : Il ne s'est point trouvé un
homme semblable à lui, non est inventus similis illi ; et mille autres
choses semblables, jusque-là que, lorsqu'il apprit sa mort, se jetant
à genoux et se frappant la poitrine, il s'accusait, les larmes aux
yeux, de n'avoir point honoré ce saint homme autant qu'il méritait
de l'être. »
4. Jean-François Bagni, né en juillet 1565, évêque de Cervia, de
Reati, vice-légat d'Avignon, nonce dans les Flandres, puis en France
(1627), cardinal en 1629, mort le 24 juillet 1641.
5. Le comte d'Avaux.
6. Le Père René Barrême, disciple préféré du P. de Condren, né
à Arles, reçu à l'Oratoire en 1623, mort à Arles le 16 jan-
vier 1685. Il avait un goût tout particulier pour les missions et excel-
lait dans la manière de faire le catéchisme, qu'il enseignait au
moyen de grands tableaux représentant les principaux mystères et
les sacrements. (Bibliothèque Oratorienne, par le P. Ingold, 3 vol.
in-i2, Paris, 1880-1883, t. I, p. 246, note i.)
7. Oratorien depuis 1627.
8. Peut-être François Bourgoing, qui précéda saint Vincent à la
cure de Clichy et devait succéder à Charles de Condren comme supé-
rieur de l'Oratoire.
9. Saint Vincent n'avait peut-être pas parmi les membres de la
conférence des mardis d'auxiliaire plus zélé et plus utile que Fran-
— 164 —
se conformer à nous ; et que, depuis, un des leurs est
venu passer deux ou trois jours à une de nos missions de
ce diocèse pour voir comme l'on fait ; et s'il leur plaît
d'y venir davantage, ils seront les bienvenus ; car je ne
croirais pas être chrétien, si je ne tâchais de participer
à Vutiiiam omnes frofhetarent de saint Paul ^°. Hélas !
Monsieur, la campagne est si grande ! Il y a des peu-
ples à milliers qui remplissent l'enfer. Tous les ecclé-
siastiques ne suffiraient pas, avec tous les religieux,
pour subvenir à ce malheur. Faudrait-il que nous fus-
sions si misérables d'envier que ces persoimes-là s'appli-
quassent au secours de ces pauvres âmes qui se vont
incessamment perdant ! Oh ! certes, ce serait être cou-
çois Renar, né à Paris le 25 avril 1604. Ce saint prêtre partageait
son temps entre la direction des âmes et les oeuvres de charité. Tous
les matins, de six heures à midi, il se tenait à la disposition de ses
pénitentes, au nombre desquelles était Jeanne Potier, épouse de Mi-
chel de Marillac. On le voyait à l' Hôtel-Dieu auprès des malades,
qu'il visitait et instruisait. Il prêchait dans les hôpitaux et les pri-
sons, faisait le catéchisme aux enfants, allait annoncer l'Evangile
dans les villages, souvent avec les prêtres de la Mission. Il prit part
aux missions qui se donnèrent aux Quinze-Vingts, à la Pitié, au Refuge,
à La Chapelle, où il se chargea de faire le catéchisme aux pauvres
Lorrains. Où ne le trouvait-on pas ? Il apporta la bonne parole aux
populations du Poitou, de la Touraine, de la Saintonge, de l'Auver-
gne, de la Champagne, de la Bourgogne, de « presque toutes les pro-
vinces de France », dit son biographe. Saint Vincent l'invita à don-
ner les entretiens des ordinands à Saint-Lazare. François Renar ayant
€U, comme beaucoup d'autres, la curiosité d'aller voir sur place les
possédées de Loudun, dont on parlait partout ; il dit la messe dans
leur chapelle, constamment distrait par leurs vociférations et leurs
blasphèmes. Sur la fin de sa vie, alors que les infirmités ne lui per-
mettaient plus la même activité, il devint directeur des religieuses
de Saint-Thomas. La mort mit fin à ses travaux le 14 janvier 1653.
[Vidée d'un véritable frestre de V Eglise de Jésus-Christ et d'un
fidèle directeur des âmes, exfrimée en la vie de M. Renar, frestre,
directeur des religieuses du monastère de S. Thomas, par M^ Louis
Abelly, prestre, docteur en la faculté de théologie, Paris, in-12 ;
Les ofuscules sfirituels de Monsieur Renar, frestre, directeur des re-
ligieuses du 7nonastère de S. Thomas, recueillis par les soins de Mes-
sire Louis Abelly, évêque de Rodez, Paris, 1698, in-8. )
10. Saint Vincent ne prétend pas faire une citation textuelle. On
trouve l'équivalent de ces mots dans la première épître aux Corin-
tiens XIV, 39, et surtout dans le livre des Nombres XI, 29.
- i65 -
pable de l'accomplissement de la mission de Jésus-
Christ sur la terre. Que si l'on nous veut empêcher nous
autres, il faut prier, s'humilier et faire pénitence des
péchés que nous avons faits en ce saint ministère. Je vous
supplie selon cela. Monsieur, de ne laisser pas de voir
ces Pères et de faire à leur égard ce que Notre-Seigneur
conseille que l'on fasse à l'égard de ceux qui exercent
et empêchent, et de prier ceux à qui Dieu a donné de la
charité pour nous, de ne leur point nuire de parole, ni
d'effet.
113. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1632 1.]
Mademoiselle,
Il sera bon que vous communiquiez avec Madame
Goussault et Mademoiselle Poulaillon touchant Ger-
maine pour avoir leur avis. Il n'y a que deux jours que
j'ai fait attention à cette manière d'agir, qui me semble
de cordialité et de déférence ; et peut-être leur ai-je pu
faire peine en vous faisant prendre la dernière résolu-
tion de votre emploi sans leur dire.
114. — A ISABELLE DU FAY
[Entre 1626 et i635 '.|
Mademoiselle,
La grâce de Xotre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Lettre 113. — Manuscrit Saint-Paul, p. 42.
I. Cette lettre semble peu éloignée du temps où s'établirent les pre-
mières relations entre saint Vincent, Madame Goussault et Made-
moiselle de Pollalion.
Lettre 114. — Reg. i, f" 68. Le copiste note que l'écriture de l'ori-
ginal était de saint Vincent lui-même.
I. Même remarque qu'à la lettre 99, note i.
— i66 —
Un mien intime ami ayant une affaire dont M. de Vil-
lenosse est commissaire, mon cœur n'a pu lui celer que
j'espérais lui pouvoir rendre quelque service par votre
faveur. Je vous supplie très humblement, Mademoiselle,
de me faire celle de vous employer pour cela et de lui
présenter le papier ci-inclus avec votre recommandation.
La vertu fort notable de la personne, son besoin et votre
charité pour moi me donnent la confiance de vous en
importmier ; et le sujet de confusion que j'ai de vous
importuner me fera plus considéré et réservé une
autre fois pour ne le pas faire, à la charge que vous ne
prendrez point la peine de venir céans et que vous ne
m'épargnerez point en ce que vous me jugerez digne de
vous servir, qui suis, en l'amour de Jésus et de sa sainte
Mère, Mademoiselle, votre...
L'affaire se doit juger demain. Je vous supplie. Made-
moiselle, de l'avoir pour recommandé aujourd'hui.
115. — A LOUISE DE MARILLAC
[i632».]
Mademoiselle,
La charité vers ces pauvres forçats est d'un mérite
incomparable devant Dieu. Vous avez bien fait de les
assister et vous ferez bien de continuer en la manière
que vous le pourrez, jusqu'à ce que j'aie le bien de vous
voir, qui sera dans deux ou trois jours. Pensez un peu si
votre Charité de Saint-Nicolas s'en voudrait charger, au
moins pour quelque temps ; vous les aideriez de l'argent
qui vous reste. Mais quoi ! cela est difficile, et c'est ce
qui me fait jeter cette pensée en votre esprit à l'aven-
ture ^.
Lettre 115. — Abelly, of. cit., t. I, chap. xxviii, début, p. 128.
1. Voir note 2.
2. Du jour où il fut nommé aumônier général des galères de
— 167 —
116. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre i632 et i635 '.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous poui
jamais !
Je trouve bien tout ce que vous me mandez ; et pour-
ce que Madame la présidente Goussault est aux champs
et que Mademoiselle du Fay n'a point son carrosse, je
tâcherai de vous aller voir demain ou après. Fortifiez-
vous donc bien cependant.
France, saint Vincent s'occupa d'améliorer, au double point de
vue corporel et spirituel, le sort des pauvres forçats qui attendaient
dans les cachots de la Conciergerie ou dans les autres prisons de
Paris leur envoi sur les galères. En 1622, il loua pour eux une mai-
son au faubourg Saint-Honoré, près de l'église Saint-Roch. Dans le
contrat passé le 17 avril 1625 entre Philippe-Emmanuel de Gondi,
, son épouse et saint Vincent, il est stipulé que les missionnaires seront
tenus à perpétuité d' « assister spirituellement les pauvres forçats,
afin qu'ils profitent de leur peine corporelle ». En 1632, le saint
obtint du roi et des échevins de la ville qu'une vieille tour carrée,
placée près du pont de la Tournelle, entre la porte Saint-Bernard
et la Seine, serait aménagée pour recevoir les galériens malades.
Saint Vincent leur rendait tous les devoirs d'aumônier. Non content
d'aller lui-même les visiter, il exhortait les personnes pieuses à venir
leur apporter des paroles de consolation. Louise de Marillac et ses
filles furent associées à cette bonne œuvre comme aux autres. (Abelly,
c-p. cit., t. I, chap. XXVIII.) Il serait injuste de ne pas rappeler ici que
les prêtres de la paroisse Saint-Nicolas, dont le rôle a été si bien mis
en lumière par l'abbé Schoenher {o-p. cit., t. I, p. 127), rivalisèrent de
zèle avec saint Vincent et Louise de Marillac en faveur des galériens
établis sur leur paroisse. Il est certain que dès 1634, plus tôt peut-
être, l'aumônerie de la maison des galériens leur fut confiée. La
Compagnie du Saint-Sacrement, stimulée probablement par saint
Vincent, qui avait besoin d'appui, prit la même œuvre à cœur.
{Annales de la Compagnie du Saint-Sacrement, par le comte René
de Voyer d'Argenson, publiées et annotées par le R. P. dom H.
Beauchet-Filleau, Marseille, 1900, in-S», pp. 54-56.)
Lettre 116. — L. a. — Original au collège d'Antoura, près Bey-
routh.
I. Dates de la prise de possession de Saint-Lazare (8 janvier
1632) et de la mort de Mademoiselle du Fay ; la lettre semble plutôt
de 1632 ou 1633.
— i68 —
Je vous souhaite le bon jour et suis, en l'amour de
Notre-Seig-neur, Mademoiselle, votre très humble servi-
teur.
Vincent Depaul.
De Saint-Lazare, ce dimanche matin.
Il faudra que la ûlle que vous prendrez à Villeneuve ^
soit bien résolue ; elle aura beaucoup à souffrir ^.
117. — A LOUISE DE MARILLAC
Je loue Dieu, Mademoiselle, de ce que vous n'êtes pas
malade, comme Mademoiselle du Coudray ^ m'a fait
appréhender ce matin. Mais est-il vrai ce que vous dites,
que cela n'est point ? Or sus, je prie Notre-Seigneur que
cela soit ainsi.
Nous différerons donc au jour de la sainte Vierge la
confession de Mademoiselle du Coudray, puisqu'il sem-
ble que vous le désirez tacitement ainsi et être de la par-
tie ; aussi bien ai-je affaire demain au matin céans. Je
lui souhaite le bon soir, comme à vous, et à Monsieur
votre ûls la grâce de bien faire ce que vous me mandez.
Je ne vous ai point fait réponse plus tôt, pource que
je ne fais que d'arriver de la ville.
Bon soir Mademoiselle, offrez à Dieu, s'il vous plaît,
les besoins intérieurs de celui qui est, [en] l'amour de
Notre-Seigneur, votre très humble serviteur.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
2. Villeneuve-Saint-Georges (Seine-et-Oise) .
3. Il s'agit vraisemblablement d'une fille destinée à faire l'école
dans cette localité. (Cf. lettre m.)
Lettre 117. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I Amie intime de Louise de Marillac.
— 169 —
118. — A ISABELLE DU FAY
[Entre 1626 et 1635 ^]
Mademoiselle,
La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !
Je n'aurais pas tant mis à vous voir pour vous remer-
cier de tant de biens qu'il vous a plu faire à notre
chapelle et à nous, ou, pour mieux dire, à N.-S. et à sa
sainte Mère, n'était qu'il a plu à Dieu me faire la grâce
de m'arrêter au logis par quelques petites fièvres qui
m'ont pris depuis /dimanche passé. Vous recevrez le
remerciement par ces lignes. Mademoiselle, s'il vous
plaît, et l'assurance que mon cœur, si me semble, serait
bien content de voir le vôtre ; mais, puisque N.-S. ne
le veut pas pour encore, son saint nom soit béni ! Je ne
manquerai cependant de vous présenter à N.-S. en mes
indignes prières, me recommandant aussi bien humble-
ment aux vôtres et vous suppliant que vous honoriez la
sainte tranquillité de l'âme de N.-S. par la confiance
que vous êtes sa chère fille et lui votre cher Père, et moi,
en son amour, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
119. — a louise de marillac
[Avant 1634 ^]
Puisqu'en votre conscience vous pouvez faire [mettre
l'affaire sans crainte aucune] " et que vous voyez que, si
Lettre H8. — Reg. i, f° 68 \°. Le copiste note que l'écriture de
Toriginal était la propre écriture de saint Vincent.
I. Même remarque qu'à la lettre 99, note i.
Lettre 119. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. La lettre a été écrite avant l'institution des Filles de la Charité.
2. Les mots placés ici entre crochets ont été raturés avec tant de
soin que nous n'osons les donner comme absolument exacts.
— 170 —
vous ne le faites, vous hasardez l'affaire que tant de
monde [veut], priez Monsieur Clichun de vous faire cet
office, comme il le fera volontiers ; et si c'est du doute
que vous pussiez en user ainsi de cet affaire, que vous
êtes troublée, mettez-vous en repos et n'y pensez plus ;
si c'est du traitement que vous recevez de vos audi-
teurs du compte, pensez quelle est la crainte de ceux qui
comptent devant Dieu après l'instant de la mort, et
tâchons à si bien faire que nous ayons sujet de confiance
en la bonté infinie de l'auditeur du compte de notre vie
et notre juge souverain.
Je vous remercie du livre que [vous] m'avez envoyé et
vous prie d'avoir soin de votre santé, qui n'est plus
vôtre, puisque vous la destinez pour Dieu ^ ; et mon
cœur n'est point mon cœur, ains le vôtre, en celui de
Notre- Seigneur, que je désire qui soit l'objet de notre
unique amour. Ressouvenez- vous de présenter à Dieu un
affaire qui nous touche, s'il vous plaît.
120. - A LOUISE DE MARILLAC, A ASNIÈRES
]V[ademoiselle,
Je salue IMadame la présidente \ ensemble IVIonsieur
le vicaire d'Asnières ^ et toutes vos bonnes femmes de
la Charité, et me recommande à leurs prières.
3. Louise de Marillac attendait toujours la décision de son sanit
directeur. Kous lisons dans ses écrits : « Je dois persévérer en l'at-
tente du Saint-Esprit, bien que je ne sache point le temps de sa
venue ; mais en acceptant cette ignorance et celle des voies par les-
quelles Dieu veut que je le serve, je me dois abandonner entièrement
à sa disposition pour être entièrement à lui et préparer mon âme ;
je dois renoncer volontairement à toute chose pour le suivre. »
(Pensées, p. 18.)
Lettre 120. — Pémartin, of. cit., t. I, p. 141, lettre 140.
1. La présidente de la Charité.
2. Localité voisine de Paris. Louise de Marillac avait visité en
— 171 —
Je vous prie de dire à madite dame que je la prie et
vous aussi, de nous aider à remercier Dieu de ce que
notre affaire de céans ^ fut avant-hier vérifié en Par-
lement.
121. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre i632 et i636 '.]
A votre avis, Mademoiselle, vous suis-je pas bien
rude ? Votre cœur n'a-t-il point un peu murmuré contre
le mien de ce qu'étant si proche je ne vous ai ni vue ni
fait savoir de nos nouvelles ? Or sus, vous verrez un
jour la raison de tout cela devant Dieu.
Je me suis retiré ici ^ depuis hier pour travailler à
quelque chose que j'avais à écrire et peut-être que j'y
serai encore demain ; mais ce ne sera pas sans aller par
ville, ni sans vous voir peut-être à la messe.
Je vous souhaite cependant le bon soir. Je n'ai quasi
point encore gouverné M. votre fils. Voilà la cloche qui
m'ôte la plume de la main.
Bon soir. Mademoiselle. Je suis, en l'amour de Notre-
Seigneur, votre très humble serviteur.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
février 1630 la confrérie d'Asnières (Pensées, p. 123), où elle était
peut-être revenue depuis.
3. Peut-être l'union du prieuré de Saint-Lazare.
Lettre 121. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Même remarque qu'à la lettre 106, note i.
2. Au collège des Bons-Enfants.
— 172 —
122. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1632 1.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour ja-
mais !
Il faut attendre la résolution de cette bonne demoi-
selle. Madame Goussault désire faire le voyage avec
Marie " avant que de la vous livrer.
Minutez le règlement ; je le verrai ensuite et ferai ce
que vous me mandez. Dites-moi ces empêchements que
vous craignez.
Je commence aujourd'hui ma retraite et remets toutes
choses pour après. Priez Dieu pour moi, s'il vous plaît.
Je suis, en son amour....
V. D. P.
123. — A LOUISE DE MARILLAC
Ne pouvant vous aller trouver moi-même, je vous
dirai, Mademoiselle, que je prie Notre-Seigneur qu'il ait
agréable de vous dire lui-même ce que vous devez faire.
Allez donc et faites in nomine Dotnini ce qu'il vous
semblera que notre aimable et toujours adorable Sau-
Lettre 122. — Gossin, Saint Vincent de Paul feint far ses écrits,
Paris, 1834, in-i2, p. 376.
1. Date de l'entrée de Marie Joly en communauté.
2. Marie Joly. Elle fut employée à l'Hôtel-Dieu, à la Charité de
Saint-Paul, à celle de Saint-Germain-l'Auxerrois et fut la première
supérieure de la maison de Sedan, où elle resta de 1641 à 1654.
Rappelée de cette ville, elle se laissa gagner par le découragement et
s'enfuit de la maison-mère. Réadmise sur sa demande quelques jours
après, elle répara par une conduite exemplaire sa faiblesse d'un
moment. Le 5 août 1672, elle était supérieure à Saint-Jacques-du-
Haut-Pas.
Lettre 123. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original
— 173 —
veur demandera de vous. Je le prie de tout mon cœur
qu'il vous amène et ramène, qu'il soit la lumière de votre
cœur et sa douce chaleur, qu'il lui fasse connaître et
affectionner ce qu'il désire de vous, et particulièrement
que vous soyez la consolation de ses chères filles, et elles
la vôtre en son parfait amour.
Les pères jacobins sont l'un le père prieur et l'autre le
père maître des novices qui étaient il y a deux ans.
Quant aux chandeliers que votre charité a donnés à
Sainte-Marie, je vous en loue, pourvu qu'ils ne soient
point d'argent.
Ressouvenez-vous de moi devant Dieu, en l'amour
duquel et celui de sa sainte Mère je suis à la supérieure
qui sera élue de votre compagnie ^ et à ses filles très
humble et obéissant serviteur.
Monsieur Clichun s'en retourna hier demi-heure après
vous.
124. — A FRANÇOIS DU COUDRAY, A ROME
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Monsieur du Coudray, votre frère, a désiré que je
joigne la présente à celle qu'il vous écrit, et mes prières
aux siennes, afin que vous ayez agréable de terminer
les affaires que vous avez ensemble. Je vous supplie très
humblement, Monsieur, de le faire au plus tôt, au cas que
vous ne soyez pas en état de partir bientôt et que vos
affaires se puissent terminer par un autre, auquel vous
pourrez envoyer votre procuration et des mémoires ;
I. La supérieure de la Charité établie sur la paroisse Saint-Ni-
colas-du-Chardonnet.
Lettre 124. — L. a. — Dossier de la Mission, original.
— 174 —
mais je vous prie que ce ne soit pas à moi, pource que
j'ai trop d'embarras et que je ne m'entends point aux
affaires. Je sais que vous me direz qu'il n'a point tenu
à vous et que vous l'avez recherché maintes fois pour
cela, et m'appellerez à témoin moi-même pour avoir été
entremetteur entre vous deux pour vous accommoder.
Mais à cela je vous dirai que la plénitude du temps
n'était point encore arrivée pour lors, comme elle semble
l'être à présent par la disposition que je vois, si me
semble, en mondit sieur votre frère. Attendant donc
votre favorable réponse sur cela, je me recommande à
vos prières et suis, en l'amour de Notre-Seigneur et de
sa sainte Mère, Monsieur, votre très humble et obéissant
serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 19 septembre 1632.
Mondit sieur votre frère désire deux copies d'annates ^
de deux divers correspondants, de M. Marchand et d'un
autre, et qui soient bien assurées et exactes. Je vous sup-
plie, Monsieur, très humblement de les lui envoyer.
Suscriftion : A Monsieur Monsieur du Coudray, prê-
tre de la Mission.
125. — A ANTOINE PORTAIL
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
I. Redevance que payaient à la Chambre apostolique, en recevant
leurs bulles, les titulaires des bénéfices conférés en consistoire ; elle
représentait le revenu d'une année.
Lettre 125. — L. a. — Original à la Bibl. Nat., n. a. fr. 22.819.
— 175 —
Je reçus hier la vôtre du 17 de ce mois, laquelle m'a
fait voir la bénédiction qu'il plaît à Notre-Seigneur de
continuer à votre mission, dont je suis aussi consolé que
vous pouvez penser. O Monsieur, que le mot que vous me
mandez du succès de Courboin ^ et de la nécessité de
Viffort - m'a touché ! Or sus, à Dieu soit la gloire de
tout, et à vous autres. Messieurs, la reconnaissance de
l'obligation que vous lui avez de ce qu'il lui plaît se ser-
vir de vous pour cela, et à moi la confusion de me voir
indigne de coopérer à ce bien !
Je suis, au reste, en demeure de ce que je ne vous ai
pas écrit par tous les coches ; accusez-en quelque em-
barras un peu extraordinaire que j'ai ici.
Que vous dirai-je de votre manière d'aller à Joigny,
sinon que vous gouverniez comme vous trouverez pour
le mieux ? Mais, si vous allez à pied et ne prenez qu'un
cheval, je vous prie de deux choses : c'est que vous fas-
siez de petites journées et que ceux qui seront fatigués
montent alternativement à cheval. Que si vous n'avez
encore envoyé à Soissons, n'y envoyez pas. ^Monseigneur
de Soissons^ doit être en cette ville bientôt. Je ferai ce
qu'il faudra. Que s'il reste quelque village à faire, que
vous semble, Monsieur, si vous laissiez Messieurs Bécu
et Miloir * pour cela ? Toutefois, s'il n'y va que de trois
ou quatre jours, attendez-les et partez, s'il vous plaît,
dès que vous aurez fait. L'on a besoin de vous à Joigny,
où vous trouverez Monsieur Pavillon, ]\I. Renar, Mes-
1. Petite localité de l'Aisne, où saint Vincent avait établi, le
19 juin 1622, une confrérie de la Charité, composée d'hommes et de
femmes, pour laquelle il dressa lui-même un règlement que nous
avons encore.
2. Petite localité de l'Aisne.
3. Simon Le Gras {1624-1656).
4. François Miloir, prêtre de la Mission, né à Abbeville, reçu,
vers novembre 1630, dans la congrégation de la Mission, où il resta
peu de temps.
• — lyô —
sieurs Morel % Massé '^ et un autre, de Saint-Nicolas ^
outre Messieurs de Sergis et de Renel *. M. de la Salle
n'y est point ; il est demeuré malade ici.
L'ordre que nous avons donné est que M. Pavillon
fera les prédications, et Messieurs Renar, Roche ^ et
Grenu ^° et Sergis feront : savoir, le premier, le sym-
bole ; le 2^ les commandements de Dieu ; le 3^, les
oraisons dominicale et angélicale ; et le [4*^] ", les
sacrements ; et pour le petit catéchisme, Messieurs Ro-
che et Sergis sont à être soulagés, lorsqu'ils feront le
grand catéchisme ; et vous, Monsieur, aurez soin de la
direction de La compagnie. Je prie Notre-Seigneur qu'il
vous donne d'abondante part à son esprit et à sa conduite
pour cela.
Or sus, entreprenez donc cette sainte besogne en cet
esprit, Monsieur. Honorez la prudence, la prévoyance,
la douceur et l'exactitude de Notre-Seigneur à cette an.
Vous ferez bien si vous faites observer le règlement
comme il faut. La bénédiction de Dieu se trouve abon-
5. Peut-être Claude ^lorel, célèbre docteur de Sorbonne, né à
Vitry-le-François, qui devint prédicateur du roi en 1640, théologal du
diocèse de Paris en r662, doyen de la faculté de théologie et mourut
le 30 avril 1679, après avoir pris une part active à la lutte contre
les jansénistes.
6. Il ne s'agit ni de Jean-Baptiste, ni de René Macé, prêtres de
Saint-Sulpice, tous deux trop jeunes en 1632 pour prendre part à
une mission.
7. Communauté de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, fondée par Adrien
Bourdoise.
8. Jacques de Renel, prêtre de la Mission, né en 1606 dans le dio-
cèse d'Amiens, entré dans la congrégation de la Mission en août
1629, ordonné prêtre en 1631, le jour de Pâques. Son nom paraît
ici pour la première et la dernière fois.
9. Nicolas Roche, prêtre de la Mission, né à Amiens, reçu dans
la congrégation de la Mission en 1629, ordonné prêtre en 1631.
10. Daniel Grenu, né à Abbeville le i^"" janvier 1606, ordonné
prêtre en 1630, reçu dans la congrégation de la Mission en septembre
1631, missionnaire très actif, que nous verrons rayonner en Cham-
pagne, en Gascogne et en Dauphiné.
11. Texte de l'original : et le j^. La rectification s'impose.
— 177 —
damment là dedans. Commencez donc par le lever, le
coucher, l'oraison, l'ofûce, l'entrée et la sortie de l'église
à point nommé. O Monsieur, que l'habitude formée de
ces choses est un riche trésor, et que le contraire traîne
d'inconvénients ! Eh ! mon Dieu ! pourquoi ne mettrons-
nous pas peine à cela pour Dieu, puisque nous voyons
que la plupart du monde est exact observateur de l'or-
dre qu'il s'est proposé dans le monde ? Jamais ou fort
rarement les gens de justice ne manquent à se lever et
coucher, à aller et revenir du palais à même heure ; la
plupart des artisans en font de même ; il n'y a que nous
autres ecclésiastiques qui sommes si amateurs de nos
aises que nous ne marchons qu'au branle de nos incli-
nations. Pour l'amour de Dieu, Monsieur, travaillons à
nous dépêtrer de cette chétive sensualité, qui nous rend
captifs de ses volontés.
J'ai écrit assez au long à M. de Sergis sur ce que vous
aurez à faire, dans le doute si la présente vous trouvera
à Montmirail. Allez donc, in nomine Domini, saluez,
ains embrassez nos Messieurs nomine meo, s'il vous
plaît. Ecrivez-moi souvent. Dites à nos Messieurs que
de toutes les missions qu'on a faites, il n'y en a point
de plus difficile ni importante que celle de Joigny, tant
à cause de la qualité des esprits du lieu, que pour l'em-
pire que le malin y a en quelque chose, et que hoc genus
daemonioruin non ejicitur nisi in oratione, maxima mo-
destia et frudentia et humilitate, et que les persoimes
dont la compagnie est composée requièrent cela même ;
et qu'elle prenne garde à deux défauts notables qui ont
été remarqués en la précédente mission, qui sont la sen-
sualité, pour ne dire pas intempérance, et la philaphtie ^^
pour ne pas dire grosse vanité dans les prédications et les
discours qui se font sur ce sujet. Je vous supplie, Mon-
12. Philaphtie, amour exagéré de soi. On écrit aujourd'hui fhilautie.
12
- 178 -
sieur, d'en avertir la compagnie, afin qu'elle se garde
bien de tomber dans ces défauts ; et n'oubliez pas
d'avertir au chapitre le général et les particuliers que vous
verrez tomber dans ces manquements ; car, croyez-moi,
Monsieur, que si nous n'y prenons garde, que nous
tomberons dans ces manquements ; et si cela est, ô Dieu,
oii serons-nous ? qu'est-ce que deviendra une compagnie
si importante et composée néanmoins de personnes sen-
suelles, efféminées et mal mortifiées ? Qui ne voit qu'elle
ne la peut pas faire longue et que ces vices sont la
source de l'universalité des autres ? Or sus, Monsieur,
pour l'amour de Dieu, priez pour cela et tenez-y la main.
Et pource que, misérable que je suis, j'ai sujet de crain-
dre d'être la cause de tous ces défauts, pource qu'ils
sont tous en moi comme en leur principe et que de moi
ils se répandent sur la compagnie ou sur partie d'icelle
(car. Dieu merci, il y en a qui ne sont pas ainsi
faits, ains qui se mortifient et humilient en tout), priez
Dieu pour moi qu'il me le pardonne et me fasse la grâce
de m'en amender, qui suis cependant, en l'amour de
Notre- Seigneur et de sa sainte Mère, Monsieur, votre très
humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Saint-Lazare, ce 28 novembre 1632.
Suscription : A Monsieur Monsieur Portail, prêtre de
la Mission, à Montmirail.
126. — A LOUISE DE MARILLAG
[Vers 1632 ^.]
Mademoiselle,
Je loue Dieu de ce que vous ne vous êtes point trouvée
Lettre 126. — Manuscrit Saint-Paul, p. 9.
I. La phrase finale peut laisser croire que la lettre a été écrite aux
— 179 —
mal de votre voyage, ni du peu de séjour que vous avez
fait à Serain -, et le prie qu'il vous fortifie tout à fait,
a&n que vous le serviez au bien des petites âmes oii vous
êtes.
Quant à ce que vous me dites de sainte Benoîte, vous
honorerez l'esprit de Notre-Seigneur en elle par le rap-
port de votre emploi au sien et l'éloignement de votre
demeure ordinaire au sien ^. Que si vous ne le faites pas
en tout, béni soit Dieu de ce que c'est en quelque chose,
en attendant plus, si sa divine bonté l'agrée ! Qui est
fidèle en peu, dit Notre-Seigneur, il sera constitué sur
un plus grand emploi. Soyez fidèle à ce peu, et peut-
être que Notre-Seigneur vous en fera faire davantage ;
et Dieu sait si cela ne servira pas à la gloire de M. Le
Gras, pour l'âme duquel vous désirez que je prie, et pour
la vôtre.
127. — A N***
[Vers 1633 1.]
Monseigneur l'archevêque -, conformément à la pra-
cnvirons du 21 décembre, jour anniversaire de la mort de M. Le
Gras. Ce qui précède semble indiquer que la compagnie des Filles de
la Charité n'était pas encore fondée.
2. Localité située dans l'Aisne, près d'Origny-Sainte-Benoîte.
3. Sainte Benoîte, vierge et martyre, est honorée par l'Eglise le
8 octobre, jour anniversaire de sa mort. Ses biographes rapportent
qu'elle était fille d'un sénateur romain et qu'elle vint s'établir avec
douze compagnes à Origny-sur-Oise, aujourd'hui Origny-Sainte-
Benoîte, près de Saint-Quentin, sur une colline, hors du bourg et
du côté de la rivière. Elle sortait tous les jours de sa cellule pour
exhorter familièrement les habitants du lieu et des environs. Les
conversions qu'elle opérait attirèrent sur elle la colère des persécu-
teurs, qui lui firent couper la tête le 8 octobre de l'an 362. Louise de
Marillac imitait sainte Benoîte par ses emplois et, comme elle, habitait
sans doute en un endroit éloigné du bourg. Ce qui est dit ici de
sainte Benoîte ne donnerait-il pas à supposer que Louise se trouvait
alors à Origny-Sainte-Benoîte ?
Lettre 127. — Abelly, of. cit., t. II, chap. 11, sect. 11, début, p. 215.
1. Abelly dit que cette lettre a été écrite « environ deux ans après »
l'ordonnance épiscopale relative aux ordinands, qui est du 21 février
1631.
2. Jean-François de Gondi.
tique ancienne de l'Eglise, en laquelle les évêques fai-
saient instruire chez eux durant plusieurs jours ceux
qui désiraient être promus aux ordres, a ordonné que
dorénavant ceux de son diocèse qui auront ce désir, se
retireront, dix jours avant chaque ordre, chez les prê-
tres de la Mission, pour y faire une retraite spirituelle,
s'exercer à la méditation, si nécessaire aux ecclésiasti-
ques, faire une confession générale de toute leur vie
passée, faire une répétition de la théologie morale et
particulièrement de celle qui regarde l'usage des sacre-
ments, apprendre à bien faire les cérémonies de toutes
les fonctions des ordres, et enfin s'instruire de toutes les
autres choses nécessaires aux ecclésiastiques. Ils sont
logés et nourris pendant ce temps-là, et il en résulte un
tel fruit, par la grâce de Dieu, qu'on a vu que tous ceux
qui ont fait ces exercices mènent ensuite une vie vrai-
ment ecclésiastique, et même la plupart d'entre eux
s'appliquent d'une manière toute particulière aux œuvres
de piété, ce qui commence à être manifeste au public ^.
3. De 163 1 à 1643, il y eut chaque année six retraites d'ordinands
à la maison-mère des prêtres de la Mission. Après 1643, la retraite
de la mi-carême fut supprimée. A partir de 1638, aux ordinands du
diocèse de Paris s'ajoutèrent les ordinands étrangers au diocèse qui ve-
naient recevoir les ordres dans cette ville. Le nombre des hôtes de Saint-
Lazare oscilla dès lors entre soixante-dix et cent. Tout ce monde était
reçu gratuitement. Pour être en mesure de couvrir les frais, le saint
intéressa à cette œuvre les dames de la Charité, qui donnèrent libérale-
ment, surtout la présidente de Herse et la marquise de Maignelay.
La reine-mère fit aussi quelques largesses. Tout alla bien jusqu'en
1645. Alors les dons se firent plus rares, et la maison de Saint-Lazare
fut obligée de supporter presque toutes les dépenses. Elle y arrivait
avec peine ; mais il résultait un si grand bien de ces retraites que saint
Vincent ne consentit jamais à les interrompre ou à réduire le nombre
des ordinands. Il appelait à Saint-Lazare, pour y donner les exer-
cices, les prêtres ou même les évêques les plus recommandables par
leurs vertus, leurs talents et leur zèle. On y vit Pavillon, Caullet, Per-
rochel, que la reine-mère vint écouter, Sevin et Bossuet. (Abelly,
of. cit , t. II, chap. II, sect. l-v.)
i8i —
128. — A LOUISE DE MARILLAC »
J'ai eu peur que vous n'eussiez pas dressé votre affaire,
à cause que Mademoiselle Delamare a été longtemps
chez vous ; et c'est la cause que je vous ai fait le billet
que je vous ai envoyé, et non pas pour vous détourner.
Or, puisque votre discrétion en a usé ainsi, nous
attendrons donc à demain, incontinent après une heure ;
et cependant vous ferez demain [oraisonj de la naissance
de Notre-Seigneur au matin, et répéterez la même à dix
heures ; et puis, l'après-dinée, celle des pasteurs ; et la
dernière sera celle de la purification de la sainte
Vierge.
Adieu, Mademoiselle, ressouvenez-vous de nos besoins
spirituels et que je suis votre serviteur.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
129. — A UN PRÊTRE DE LA MISSION i
[15 janvier 1633 2.]
J'ai appris de diverses personnes la bénédiction qu'il
plaît à la bonté de Dieu de répandre sur votre mission
Lettre 128. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Sur le côté réservé à l'adresse, Louise de Marillac a écrit :
■ Le lundi matin, ce que Notre-Seigneur a fait sur la terre depuis
douze ans jusqu'à trente ans ; à dix heures, le baptême de Notre-
Seigneur ; à deux, la conversion de la Madeleine ; à cinq, le lave-
ment des pieds des apôtres. Le mardi, la i''^, la prière au jardin ;
la 2^, la capture de Notre-Seigneur ; la 3^, Notre-Seigneur chez Caï-
phe et chez Hérode ; la 4^, chez Pilate. »
Lettre 129. — Abelly, of. cit., t. II, chap. i, sect i, § 2, p. 8.
1. Probablement Robert de Sergis ou Lambert aux Couteaux. Tous
deux, nous le savons de par ailleurs, travaillaient ensemble du côté
de Bordeaux en l'année 1633.
2. La date et le nom de la localité où se faisait la mission sont
connus par Collet fof. cit., t. I, p. 244), qui cite un extrait de cette
lettre.
— l82 —
de [Mortagne] ^. Nous en avons été tous fort consolés.
Et parce que nous reconnaissons que cette abondante
grâce vient de Dieu, laquelle il ne continue qu'aux hum-
bles, qui reconnaissent que tout le bien qui se fait par
eux, vient de Dieu, je le prie de tout mon cœur qu'il vous
donne de plus en plus l'esprit d'humilité dans toutes
vos fonctions, parce que vous devez croire très assuré-
ment que Dieu vous ôtera cette grâce dès lors que vous
viendrez à dormer lieu en votre esprit à quelque vaine
complaisance, vous attribuant ce qui n'appartient qu'à
Dieu seul. Humiliez-vous donc grandement, Monsieur,
dans la vue que Judas avait reçu de plus grandes grâces
que vous, et que ces grâces avaient eu plus d'effets que
les vôtres, et que, nonobstant cela, il s'est perdu. Et que
prolitera-t-il donc au plus grand prédicateur du monde
et doué des plus excellents talents d'avoir fait retentir
ses prédications avec applaudissement dans toute une
province et même d'avoir converti à Dieu plusieurs mil-
liers d'âmes, si, nonobstant tout cela, il vient à se perdre
lui-même !
Je ne vous dis pas ceci. Monsieur, pour aucun sujet
particulier que j'aie de craindre cette vaine complaisance
ni en vous, ni en M.... ^, qui travaille avec vous ; mais,
afin que, si le démon vous attaque de ce côté-là, com-
me sans doute il le fera, vous apportiez une grande at-
tention et fidélité à rejeter ses suggestions et à honorer
l'humilité de Notre-Seigneur. J'avais, ces jours passés,
pour le sujet de mon entretien, la vie commune que No-
tre-Seigneur a voulu mener sur la terre ; et je voyais
qu'il avait tant aimé cette vie commune et abjecte des
autres hommes que, pour s'y ajuster, il s'était abaissé
autant qu'il avait pu, jusque-là même (ô chose merveil-
3. Probablement Moitagne-sur-Gironde (Charente-Inférieure).
4. Lambert aux Couteaux ou Robert de Sergis.
- i83 -
leuse et qui surpasse toute la capacité de l'entendement
humain !) qu'encore qu'il fût la sapience incréée du
Père éternel, il avait néanmoins voulu prêcher sa doc-
trine avec un style beaucoup plus bas et plus ravalé que
n'a été celui de ses apôtres. Voyez, je vous prie, quel-
les ont été ses prédications et les comparez avec les épî-
tres et prédications de saint Pierre, de saint Paul et des
autres apôtres. Il semblerait que le style dont il use, est
d'un homme qui a peu de science et que celui de ses
apôtres paraît comme de personnes qui en avaient beau-
coup plus que lui ; et ce qui est encore plus étonnant,
est qu'il a voulu que ses prédications eussent beaucoup
moins d'effet que celles de ses apôtres ; car l'on voit
dans l'Evangile qu'il gagna ses apôtres et ses disciples
presque un à un, et cela avec travail et fatigue ; et voilà
que saint Pierre en convertit cinq mille dès sa première
prédication. Certainement, cela m'a donné plus de lu-
mière et de connaissance, comme il me semble, de la
grande et merveilleuse humilité du Fils de Dieu, qu'au-
cune autre considération que j'aie jamais eue sur ce sujet.
Nous disons tous les jours à la sainte messe ces pa-
roles : In spiritii huinilitatis, etc. Or un saint person-
nage me disait un jour, comme l'ayant appris du bien-
heureux évêque de Genève, que cet esprit d'humilité, le-
quel nous demandons à Dieu en tous nos sacrifices, con-
siste principalement à nous tenir dans une continuelle
attention et disposition de nous humilier incessamment,
en toutes occasions, tant intérieurement qa'extérieu-
ment. Mais, Monsieur, qui est-ce qui nous donnera cet
esprit d'humilité ? Hélas ! ce sera Notre-Seigneur, si
nous le lui demandons et si nous nous rendons ûdèles à
sa grâce et soigneux d'en produire les actes. Faisons-le
donc, je vous en supplie, et tâchons pour cela de nous
ressouvenir l'un de l'autre, quand nous prononcerons
— i84 —
ces mêmes paroles au saint autel. Je l'espère de votre
charité.
130. — SAINTE CHANTAL A SAINT VINCENT
II février [lôjj ^.]
Moji très honoré et cher Père^
Ah ! que votre cœur m'est bon et -paternel, et, comme je veux
croire four m,a consolation, très fidèle à me continuer son cher
souvenir devant la divine honte, car fen ai un extrême besoin
dans Vâge et le tracas où je suis. Louée soit éternellement la
divine bonté des miséricordes quHl lui fiait de répandre sur
les âm.es par la douceur sainte et efficace de Vesprit de son fi-
dèle et vrai serviteur, notre très sai?it père, car il est vrai, je
le confesse avec vous^ mon très cher Père, que Vesprit de
notre très digne et vrai frère et père - certes, s'est pris dans
ses filets ; et je ne crois pas qvC aucune autre main que celle
de ce bienheureux Veut pu conduire si sagement, si suave-
ment^ ni si fortement qu^elle a fait dans cette retraite si
exacte que le voilà dans une absolue séparation du monde,
avec V édification et consolation de tous, et qui plus est, à
la très grande gloire de Dieu et consolation de sa chère âme,
et certes à Vutilité, honneur et co7isolation des Filles de la
Visitation, qui lui ont des obligations infinies. Surtout nos
chères sœurs de la ville sont privilégiées d'un grand honneur
de Vavoir si près d'elles. Ah ! Dieu nous fasse la grâce de
correspondre fidèlement à la sincère amitié et entière charité
qu'a ce bon seigneur pour nous ! Je vous puis assurer, tnon
très cher Père, que je l'aime, Vhonore et le révère de toute
l'étendue et les forces de tnon âme.
Je vois que ?naintenant vous faites plus de séjour à Paris.
Eh ! mon Dieu, ayez bien soin de cette chère et digne personne
et ne lui permettez pas une vie trop sévère, ni trop austère, fe
sais qu'il a grande confiance en vous.
Il tne semble que je m,'endurcis avec Vâge.
Il faut finir pour aller à ce béni parloir. Mon très cher Père,
Lettre 130. — Sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantai, sa vie
et ses œtivres, Paris, 1874-1880, 8 vol. in-8, t. VII, p. 313, d'après
une copie de l'original conservée à la Visitation de Chartres.
1. Le commandeur de Sillery avait pris logement, en juillet 1632,
près du monastère de la Visitation.
2. T.e commandeur de Sillery.
- i85 -
Dieu vous rende de plus en plus selon son cœur ! Priez fort sa
bonté qu'il me fasse miséricorde, afin qu'avec notre bienheu-
reux Père et vous tous, nos chers atnis, je le -puisse louer éter-
nellement. Amen.
Mon très honoré Père, je suis de cœur votre très humble et
très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.
131. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre janvier 1632 et février 1633 ^.]
Mademoiselle,
Je viens d'apprendre tout maintenajit, il n'y a qu'une
heure, l'accident qui est arrivé à la fille ^ que vos gardes
des pauvres retiraient, l'opinion que le médecin en
a, et comme vous l'avez visitée. Je vous avoue, Made-
moiselle, que d'abord cela m'a si fort attendri le cœur
que, n'était qu'il était nuit, je fusse parti à l'heure
même pour vous aller voir. Mais la bonté de Dieu sur
ceux qui se dorment à lui dans l'exercice de la confré-
rie de la Charité, en laquelle jamais personnes qui en
sont n'ont été frappées de la peste, me fait avoir une
très parfaite confiance que vous n'en aurez point de mal.
Croiriez-vous, Mademoiselle, que non seulement je visi-
tai feu M. le sous-prieur de St-Lazare ^, qui mourut de
la peste, mais même que je sentis son haleine ? Et néan-
Lettre 131. — Abelly, op. cit., t. I, chap. xxiii, fin, p. 109. La pre-
mière moitié de cette lettre jusqu'aux mots « Croiriez-vous » se re-
trouve dans le manuscrit Saint-Paul, p. 82 ; et comme le texte de ce
manuscrit est plus pur que celui d'Abelly, nous préférons le suivre
pour cette partie.
1. Cette lettre a été écrite après la prise de possession de Saint-
Lazare (8 janvier 1632) et avant la mort de Marguerite ISTaseau
(février r633).
2. Cette fille, Marguerite Naseau peut-être, était atteinte de la peste.
3. Nicolas Maheut, dont on trouve le nom au bas du contrat passé
le 7 janvier r632 entre les prêtres de la Mission et les religieux de
Saint-Lazare.
— i86 —
moins ni moi, ni nos gens qui l'assistèrent jusqu'à l'extré-
mité, n'en avons point eu de mal. Non, Mademoiselle, ne
craignez point ; Notre-Seigneur veut se servir de vouh>
pour quelque chose qui regarde sa gloire, et j'estime
qu'il vous conserv^era pour cela. Je célébrerai la sainte
messe à votre intention. Je vous irais voir dès demim,
n'était l'assignation que j'ai avec quelques docteurs à la
Madeleine pour les affaires qui regardent l'établissement
oe cette maison-là *.
4. En avril 1618, Robert de Montry, marchand à Paris, ayant ap-
pris que deux filles débauchées désiraient changer de vie, leur offrit
asile au faubourg Saint-Germain, dans une maison qui lui apparte-
nait. D'autres filles, torturées par le remords, suivirent les premières.
Ainsi se forma une petite communauté. Le vertueux marchand pour-
vut à leurs besoins jusqu'à ce que la marquise de Maignelay, sœur
de Philippe-Emmanuel de Gondi, consentit à se charger de l'œuvre
naissante. Elle leur acquit une maison, rue des Fontaines, le 16 juil-
let 1620, les entretint de son vivant et leur fit par testament un legs
de 101.600 livres. Le nouvel établissement fut autorisé en mai 1625 par
Louis XIII, qui ie dota d'une rente annuelle de 3.000 livres, approuvé
par Urbain VIII le 15 décembre r63i et confirmé de nouveau par let-
tres royales le 16 novembre 1634. Saint Vincent en comprit de suite
l'utilité et accepta volontiers de travailler à l'organisation de l'Insti-
tut. On peut dire qu'il en fut l'âme. Les filles de mauvaise vie qui
s'enfermaient à la Madeleine, gardaient leur habit séculier et pre-
naient place parmi les pénitentes. Plusieurs étaient là malgré elles,
par autorité de justice. Après quelques années d'épreuves, les péni-
tentes revêtaient un habit gris assez grossier et entraient dans la catégorie
des repenties. Quand il n'y avait plus lieu de douter de la fermeté
de leur conversion, elles devenaient religieuses, prenaient le costume
de Saint-Augustin et faisaient les vœux solennels. A la tête de la
communauté se trouvaient, avec les titres de prieure, sous-prieure,
économe et portière, quatre sœurs de la Visitation, choisies par l'ar-
chevêque de Paris. Elles avaient le maniement de tous les revenus.
On les changeait de temps en temps pour les soulager ; car leur tâche
était rude. La première supérieure fut la sœur Marie-Anne Bollain,
qui commença à exercer ses fonctions le 20 juillet 1629. (Cf. Relation
véritable de la naissance et -progrès du monastère de Sainte-Marie -Ma-
deleine, par de Montry, Paris, 1649, in-24 ; Abelly, cf. cit., t. II,
chap. vu, p. 328 et suiv. ; Félibien, of. cit., t. V, p. r52 ; Histoire
chronologique des fondations de tout VOrdre de la Visitation Sainte-
Marie, t. I, pp. 264-272, Bibl. Maz., ms. 2430.)
- i87 -
132. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Vous pouvez penser, Mademoiselle, si mon cœur ne
sent pas la peine du vôtre. De danger pour vous, il n'y
en a pas, par la grâce de Dieu. Quant à Marguerite \ il
serait bon de la faire visiter par le chirurgien de la
Santé", au cas que le médecin fasse difficulté d'y
aller ^. Monsieur Cotti s'effraie facilement ; et néan-
moins je pense qu'il sera bon de faire faire cela au
plus tôt. Monsieur Bourdoise^ donnera ordre à cela.
Faites-l'en prier, s'il vous plaît ; il sait ce qu'il faut
faire pour cela ; il y a passé d'autres fois.
Et pour le regard des pauvres malades, je pense qu'il
faudrait surseoir l'exercice. Il est à craindre que, si on
leur distribue l'argent, que les dames se contentent ci-
après de faire cela. Toutefois proposez-le à Monsieur
le curé et suivez son ordre.
Si cette pauvre fille est apportée à Saint-Louis, il faut
bailler de l'argent à l'autre et l'envoyer promener.
Et pour vous, je ne sais s'il ne serait pas à propos que
vous allassiez un peu vous divertir aux champs ^ et d'al-
Lettre 132. — Original chez les prêtres de la Mission de Rongy
(Belgique).
1. Pour avoir fait coucher une pestiférée dans son lit, Marguerite
Nas-eau, alors employée à la confrérie de Saint-Nicolas, avait con-
tracté le terrible mal ; elle en mourut à l'hôpital Saint-Louis.
2. Hôpital de la Santé ou hôpital Sainte-Anne, bâti en 1607- i6o8
pour recevoir les pestiférés.
3. Par peur de la contagion.
4 II n'habitait pas loin de la maison où logeait Marguerite Xaseau
5. Le saint voulait éloigner Louise de Marillac à cause de l'épi-
démie.
— i88 —
1er visiter les Charités de Vemeuil ®, Pont \ Gournay *
et les autres'-^. J'ai donné charge à Jourdain i*^.
de vous aller trouver et vous dire quand le coche de
Senlis partira ; et [il] vous servira en ce qu'il vous
plaira.
Monseigneur l'archevêque me vient demander que je
l'aille trouver. Dès que je le pourrai, je vous irai voir.
Ecrivez-moi cependant votre pensée sur ce que je vous
propose ; et si vous avez besom d'argent, vous pren-
drez votre voyage sur le fond de votre Charité, s'il vous
plaît ; et, je vous en prie, que cela soit ainsi et de vous
tenir bien gaie.
6. Dans l'Oise.
7. Pont-Sainte-Maxence (Oise).
8. Goumay-sur-Aronde (Oise).
9. Louise de Marillac alla aussi à La Neufville-Roy et à Bulles
(Oise). Nous avons encore ses notes de voyage et le compte rendu
de ses visites, qu'elle adressa à saint Vincent. [Pensées, p. 127, où !e
compte rendu est fausement daté de 1631.) A Vemeuil, elle logea
chez un boulanger. La visite des malades laissait à désirer. La con-
frérie possédait quelques ressources, qu'on ne savait comment uti-
liser. Madame la marquise voulait acheter une maison pour loger
les malades, tandis que plusieurs sœurs préféraient l'achat d'un
petit morceau de terre « à cause de la mortalité qui arrive quelque-
fois sur le bétail ». Les sœurs de Pont-Sainte-Maxence ne reçoivent
que des éloges ; Louise de Marillac était descendue à la Fleur-de-Lis.
A Gournay, les sœurs sont un peu plus grossières qu'ailleurs ; les ma-
lades sans logement sont hospitalisés chez une femme qui prend soin
d'eux et reçoit pour sa peine cinq sols par jour. A la Neufville-Roy et
à Huiles, les confréries sont plus riches ; elles possèdent des brebis,
des agneaux et de l'argent ; mais l'union entre les sœurs est loin
d'être parfaite. A La Neufville-Roy, Louise de Marillac prit loge-
ment à l'hôtellerie.
10. Jean Jourdain, né à Galluis-la-Queue (Seine-et-Oise) en 1587,
fut le premier frère coadjuteur de la congrégation de la Mission,
dans laquelle il entra le 13 février 1627. Il était écuyer et maître
d'hôtel chez la marquise de Maignelay à l'époque où le saint exer-
çait les fonctions d'aumônier chez les Gondi, et tous deux avaient
dès lors commencé à se connaître. D'un tempérament vif, le frère
Jean Jourdain était porté à donner des avertissements à tout propos ;
mais il se reprenait vite, et ceux qu'il avait offensés le voyaient un
instant après à leurs genoux. Il mourut le 25 avril 1657. (Notices,
t- I, pp. 373-375-)
— i89 —
Je suis cependant, en l'amour de Notre-Seigneur, Ma-
demoiselle, votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
M. Dehorgny vous ira voir incontinent après le dîner.
De Saint-Lazare, ce jour saint Mathias [1633 ^^.]
133. — A MICHEL ALIX, CURÉ DE SAINT-OUEN-L' AUMONE ^
i^"" mars 1633.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Celui à qui vous baillerez votre cure est-il homme de
bien ? Pourra-t-il faire à votre cure le bien que vous
y faites ? Pourrez-vous vous entretenir de quatre ou cinq
cents livres ? Le premier me semble de grand prix et la
seconde considérable. J'ai été en ce lieu. Le lieu me sem-
ble assez agréable, mais plus grand que le vôtre. Il se-
rait bien à propos qu'un curé eût de quoi bien faire aux
II. La fête de saint Mathias tombe, on le sait, suivant que l'année
est bissextile ou non, le 24 ou le 25 février. Pour déterminer le jour, il
nous faut connaître l'année. Tous les biographes de Louise de Ma-
rillac font remonter la mort de Marguerite Naseau à Tannée 1631.
Nous ne pouvons accepter cette date, parce que la lettre ci-dessus
est certainement postérieure au 8 janvier 1632, jour où saint Vincent
et ses missionnaires entrèrent à Saint-Lazare, et même à la mort du
sous-prieur de cette maison. (Cf. lettre 131.) En supposant que le
sous-prieur de Saint-Lazare soit mort quelques jours seulement après
la prise de possession de cet établissement par les prêtres de la Mis-
sion, la lettre 132 pourrait être du 25 février 1632. Mais, dans cette
hypothèse, la lettre 131 aurait suivi de peu la mort du sous-prieur ;
ce qui est bien peu vraisemblable, car cette mort n'y apparaît pas
du tout comme un fait de la veille. Pour ces motifs, nous préférons
croire que la lettre 132 est du 24 février 1633.
Lettre 133. — Reg. i, i° 8 v». Le copiste note que l'écriture de l'ori-
ginal était de saint Vincent lui-même.
I. En Seine-et-Oise.
— 190 —
pauvres. Je pense qu'il s'en trouve assez. En tout cas,
vous pourriez vous réserver 200 livres de pension ; ce
quêtant ainsi et n'étant question de la première diffi-
culté, il vous faut prendre du temps pour y penser, et
même vous transporter sur les lieux pour apprendre
quelle est la persoim^e, et voir si le lieu vous agréera.
Quoi que ce soit, je vous prie de ne pas vous hâter ; c'est
affaire de grande considération ; et vous dirai que j'au-
rais peine que vous prissiez résolution sans en avoir fait
prier Dieu et consulté M. Duval ou M. Coqueret ^ ou
tous les deux ; car il s'agit de savoir si Dieu veut que
vous quittiez l'épouse que vous avez prise, ou, pour mieux
dire, qu'il vous a donnée lui-même.
Je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble
serviteur.
Vincent Depaul.
Je vous ai fait réponse incontinent après la réception
de la vôtre.
134. — A ISABELLE DU FAY
[Entre 1626 et 1635 1.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous remercie très humblement des chapelets et
2. Jean Coqueret, docteur de Navarre, principal du collège des
Grassins et supérieur des Carmélites déchaussées de France, ami
de saint François de Sales, d'André Duval et de saint Vincent de
Paul, avec qui il avait donné une mission à Villepreux en 1618, né
à Pontoise en 1592, mort à Marseille le 7 octobre 1655. Saint Vin-
cent le consulta avant d'introduire les vœux dans sa compagnie et
l'invita aux conférences qui se tinrent à Saint-Lazare au sujet du
jansénisme.
Lettre 134. — Reg. i, f° 24. Le copiste note que l'écriture de l'ori-
ginal était de saint Vincent.
I. Même remarque qu'à la lettre 99, note i. La lettre a été écrite
pendant le carême.
— ipl —
des images que vous nous avez envoyés, et prie Dieu
qu'elles profitent à ceux qu'on les départira, et qu'il soit
votre gloire, comme il est celui qui vous a donné cette
dévotion. Au reste, êtes-vous bien fidèle à ce qui vous a
été ordonné touchant votre manière de vivre le carême,
Mademoiselle ? Je vous supplie, si vous ne l'êtes pas, de
le devenir et de me mander comment vous vous portez.
Je me recommande très humblement à vos prières et
vous prie de donner l'incluse à M. de Vincy.
Je suis, en l'amour de N.-S. et de sa sainte Mère, votre
très humble serviteur.
Vincent Depaul.
135. — MADAME GOUSSAULT A SAINT VINCENT
Mon Révérend Père,
Par la miséricorde de Dieu, nous avons tous les jours entendu
la sainte messe. Dès que nous étions au carrosse, je disais In
viam pacis, et tous me réfondaient, -puis je leur remettais en
mémoire les -points de Voraison, après laquelle nous disions
Z'Angelus.
Quelquefois le pretnier de nos entretiens était des pensées
de notre oraison, et puis^ en quelque discours plus récréatif,
ou de nos distractions ou de nos songes, quelquefois à faire
la guerre à ceux qui avaient dit quelque chose de travers ; puis
Grandnom ^ lisait quelque demi-heure du Pèlerin de Lorette ;
puis deux de nos filles chantaient les litanies du Saint Nom de
Jésus^ et nous autres répondions la même chose qiielles
avaient chantée. Quand nous passions en quelque village, nous
saluions lange gardien ; et au village où nous devions
arrêter^ je demandais assistance particulière à Notre-Seigneur.
A Etréchy ^^ notre premier dîné. ]^ arrivai à l'église et de-
mandai s'il y avait un Hôtel-Dieu. Je treuvai quelques petits
enfants, avec lesquels je m^ arraisonnai ; et tne vint en pen-
sée qu'ils étaient enfants de Dieu. Je ressentis une joie avec
Lettre 135. — L. a. — Bibl. Sainte-Geneviève à Paris, ms. 3277,
fo 283 et suiv.
1. Intendant de Madame Goussault.
2. Commune de l'arrondissement d'Etampes.
— 192 —
eux, en leur faisant dire leur Pater, qui me fit -passer la -petite
tristesse que f avais eue la matinée de mon départ. Toutes les
Jieures que ma montre sonnait, soit dans le carrosse, ou dehors,
nous disions un Ave Maria, en nous remettant en la présence
de Dieu et demandant V accomplissement de sa sainte volonté.
A Etanipes, notre premier coucher. Passant devant Véglise,
je -m'y fis descendre et envoyai voir où était V Hôtel-Dieu^ qui
se treuva très loin. J'y fus pourtant à pied avec seulement ma
fille et mon laquais. Je m'adressai à une jeune religieuse, qui
se treuva être la supérieure. Je me mis auprès d^ elle à V entre-
tenir, pendant que mon laquais était allé acheter quelque chose
pour donner aux malades ; et comme je lui parlai de la néces-
sité d'un directeur, elle me regarda au visage. J'étais faite
avec un collet bas, sans vertugadin ^, comme une servante.
Elle me dit : quelle femme étes-vous f Etes-vous mariée ?
J' ai tant oui parler d'une Mademoiselle Acarie *, mais je pense
que vous en êtes une autre j et commença à me dire comine
elle avait eu volonté d'être aux hospitalières, que Von l'avait
choisie pour être supérieure de six religieuses, qui sont là sans
réform,e, mais que depuis deux ans elle n'avait encore rien
fait. Je l'encourageai fort. Elle me dit qu'il faudrait qiielle
vînt à Paris. Je lui offris ma maison. J^ avais bien désir de
prier Dieu pour elle. A l'hôtellerie, j'entendis dire que Vhôtesse
avait une grande affliction de son fils. Je passai mon après-
soupé à l'entretenir, puis donnai le sujet d'oraison et Vexamen
a Vordinaire.
Le leyidemain, à la dînée, à Angerville '\ je ne treuvai point
d'Hôtel-Dieu. Je fus à l'église pendant que le dîné s'apprê-
tait, après lequel je descendis, où je treuvai quantité de pau-
vres, qui m'attendaient, et aussi des etifants et grandes per-
sonnes, qui faisaient de l'étonné. Je commençai par leur faire
faire le signe de la croix, dont la plupart ne le savaient pas
faire, et jne firent grand pitié. Ils m.e semblèrent de bonne af-
fection.
Je fus coucher à Artenay ^, où je fis grand catéchisine à
3. Bourrelet que les femmes mettaient sous leur jupe pour la faire
bouffer.
4. Barbe Avrillot, devenue par son mariage Madame Acarie et
par son entrée en religion Marie de l'Incarnation, fondatrice des Car-
mélites réformées de France, femme célèbre par ses vertus et ses
miracles, qui lui valurent en 1791 les honneurs de la Béatification.
Elle était morte à Pontoise le 18 avril 1618, âgée de cinquante-trois
ans. Sa vie, écrite en 1621 par André Duval, docteur en Sorbonne,
a tenté la plume de bien d'autres biographes jusqu'à nos jours.
5. Commune de l'arrondissement d'Etampes.
6. Aujourd'hui chef-lieu de canton du Loiret.
— 193 —
l'église, je crois vous Vavoir mandé, puis dîner à Orléans, où
f arrivai à jeun aux Pères jésuites -pour y commujtier^ car c'était
le jeudi ; et j'admirai comme partout je treuvai tout à point
ce que je pouvais souhaiter, tant pour Vâm.e que pour le corps.
Leur Hôtel-Dieu est riche, à ce que Von me dit, mais les ma-
lades n'en sont pas tnieux. Il y a peu de religieuses, et qui ont
des servantes sous elles, à qui elles se fient trop. Je m'étais
proposé d'y faire quelque séjour pour affaires. Je ne sais
comment je m,'y déplus si fort. J'étais logée chez des huguenots.
Je laissai tout là et m'en allai coucher à Cléry '' , où je visi-
tai et fis dire le lendemain la sainte messe à Notre-Dame, et
dînai à Saint-Dyé *, oii je treuvai l'église fort bien servie^ les
pauvres et les enfants mieux instruits que en pas un lieu.
Je fus coucher à Blois, où je treuvai beaucoup de dévotions,
mais IHôtel-Dieti point visité et mal en ordre. Je parlai à une
de mes cousines, qui est fort dévote, qui me dit que le Père
Lallemant, supérieur des jésuites ^, les avait bien exhortées
à le visiter, mais que peut-être Dieu avait-il permis que j'y
allasse pour leur faire croire qu'à Paris les femmes de qualité
y vont et qu'elles seront incitées d'y aller.
Je ne m-'y arrêtai point, à cause de la rougeole, qui était
chez mon oncle, de sorte que j'allai dîner à Veuves ^^ et cou-
cher à Amboise, où Dieu me fit bien des grâces. Leur Hôtel-
Dieu est pauvre ; l'on y retire tous les passants estropiés et
orphelins, mais non pas les malades. Il y a là un jnarchand
qui y a fait une fondation pour une maîtresse d'école, devant
laquelle j'interrogeai des pauvres, et la priai de me venir voir
le lendemain, ce qu'elle fit, et en fus bien édifiée. C'était le
premier dimanche du mois. Je yne confessai et communiai aux
Pères Minimes et V o.près-dînce ne laissai pas de repartir cou-
cher à Tours, où je vis le plus bel Hôtel-Dieu et le tnieux
ordonné de pas un ; et le lendemain communiai à Saint-Fran-
çois-de-Paule^ où étaient les indulgences et grand concours de
peuple ; et l'après-dînée je partis et allai coucher à Angers,
et vins le lendemain ouïr la sainte messe à Chouzé ^i, qui est
7. Dans le Loiret.
8. Dans le Loir-et-Cher.
9. Jérôme Lallemant, né à Paris le 27 avril 1593, reçu au noviciat
des Jésuites le 2 octobre 1610, mort à Québec le 26 janvier 1673.
Après avoir professé les belles-lettres et la philosophie et rempli les
fonctions de recteur à Blois et à La Flèche, il devint supérieur de la
Mission du Canada. Il a laissé sur cette Mission des relations inté-
ressantes qui ont été publiées à Québec en 1858.
10. Commune du Loir-et-Cher.
11. Commune d'Indre-et-Loire.*
13
— 194 —
de cet évcché ici ; et le hon -prêtre qui y dit la messe aurait
bon besoin^ comme je -pense, de voir une mission ; même il
7ne vifit en pensée d'en dire quelque chose à M. d'Angers.
Les petits enfants si peu instruits !
De là je vins à Saumur, où je séjournai ce jour-là, le mer-
credi tout entier, et le jeudi y cojnmuniai encore. Tous mes
gens, ils y ont eu bien de la dévotion. Dès que nous avisârnes
le lieu, nous chantâmes le Te Deum.
Je m'oubliais de vous dire notre après-dinée : nous disions
quelquefois notre chapelet en deux chœurs, tous les jours les
litanies de la Sainte Vierge, et les autres rechantaient le mëniK,
afin de les dire doublement.
Notre récréation durait bien autant que nos prières. Quel-
quefois nous jouions à ne dire ni oui ni non ; et ceux qui le
disaient payaient un Ave à celui qui lui pouvait prendre. Nous
chantions Alléluia et d'autres hymnes, mais tout cela si gaie-
ment, qu'un de mes fermiers, qui était à cheval, était ravi de
nous voir. Je voulais montrer à Catherine à bien lire et la
prononciation. Elle faisait des réponses et des discours à rire
jusqîies aux larmes. Enfin, mon Père, il est bien aisé de servir
Dieu à ce prix-là.
A mon arrivée ici, il vint deux Messieurs au-devant de moi.
qui ni eynpêchaient d'aller à VHôtel-Dieu, ni à l'église j et puis
il était tôt. J'arrivai droit céans^ où je treuvai tm souper
magnifique et tant de monde à me recevoir qu'enfin Von me
traita du grand.
Le lendonain, je n'eus le loisir que d'entendre la m.esse.
MM . de la justice, et tous les principaux de la ville me vin-
rent visiter ; et encore le jour d'après j^eus grand'peine à me
dérober pour visiter l'Hôtel-Dieu, que je treuvai en assez bon
ordre. Il y a une bonne bourgeoise qui a fait voeu d'y finir
ses jours au service des malades, qui leur a été un grand
bien ; principalement elle a grand soin de leur salut. Depuis,
j'ai été deux fois visiter les prisonniers, dans cette pensée qtie
JSJotre-SeigJieur disait en l'Evangile : j'ai été prisonnier. Je leur
donnai des images et chapelets et délivrai de pauvres prison-
niers qui me firent grand'pitié. Ce qui est déplaisant, c'est
que tout est su dans la ville ^ et toujours l'on en dit plus qu'il
n'y en a.
Dimanche, je fus à vêpres à une religion, où, contre ma
coutume, je fus deux heures devant le Saint Sacrement, où
là il me vint en pensée comment je pourrais parler du caté-
chisme devant ces demoiselles de céans, que je mimaginais en
avoir grand besoin. Je me résolus d'aller aux pauvres, aux
fermes, où je les jnenai, et interrogeai les enfants assez bien
instruits. Il y a un bon ecclésiastique qui en a grand soin.
— 195 —
Mon Père, cela réussit si ■parfaitement bien que Mademoiselle
Le Fèvre, qui est mariée à un conseiller et qui a quatre en-
fants, me dit, au retour, y avoir fris très grand -plaisir, et
qu'elle ne savait presque rien de tout cela, et m^ajouta : « L'on
voit bien que vous aifnez bien les pauvres et que vous êtes à
la joie de votre cœur parmi eux. Vous paraissiez deux fois plus
belle en leur parlant. » Mon Père, cela est admirable que
Dieu me donna la hardiesse de parler en présence de leur
ecclésiastique et pour le moins cent personnes qui m^éc oua-
taient, et puis après me payèrent de tant de louanges ; même
ce bon prêtre me dit qu'il s'estitnerait bien heureux de pouvoir
finir ses jours auprès de moi, sans gages, ni récotnpense, mais
seulement pour omr les paroles qui sortiraient de ma bouche.
Voilà ses propres termes.
Or sus, mon Père, cest à vous que f écris, et dans la con-
fiance que vous louerez Dieu et Taimerez pour sa miséricorde
infinie. Il tn'a fait des grâces à Saumur et ici que je ne vous
puis dire, et nonobstant mon extrême infidélité ; c'est ce qui me
doit ravir d'amour vers lui. Mon Père, priez-le qiiil rabaisse
mon orgueil par quel moyen il lui plaira. Je suis prête à tout
perdre et tout quitter, préférant Vhumilité à toutes les con-
solations et biens. Lexemple de mon Sauveur est bien puis-
sant, qui a quitté le sein de son Père pour la venir pratiquer
dans la pauvreté et anéantissement.
Or, revenons au fait du catéchisme. Cest que. depuis, ces
bonnes demoiselles viennent prier Dieu avec moi, tout quand
je donne le sujet de l'oraison, mais principalement une, qui
est fille. Or, je la treuvai bien touchée ; je la peux dire gagnée.
Il y a une bonne femme dévote qui me vint voir et me dit que,
si j'étais ici un an, je convertirais toute la ville. Je vous
assure qu' elle me fit bien rire. Deux choses leur plaisent ici :
que je ne fais point la réformée., que je ris à bon escient et
que je vas à ma paroisse.
Dernièrement, ils me pressèrent fort de me faire peindre.
Ils ont un homme qui le tente parfaitement ; c'&st celui qui
a peint feu Monsieur i-. et c'est la coutume. Il n'y a si petite
bourgeoise qui ne le soit ; et, après leur mort. Von met leur
portrait à l'église auprès de leur tombe. Or, je leur refusai, et
m'en suis repentie, car il me semble que c'était par une fausse
humilité de fie vouloir pas paraître si vaine que de se faire
peindre, et qu'il y eût eu plus de vertu à le faire par condescen-
dance.
Je jouai dernièrement une heure au trictrac et me suis ré-
solue de leur obéir en ce qui ne sera point péché, c' est-à-dire
12. Nom donné, avant la Révolution, à l'aîné des frères du roi.
— 196 —
jusqu'à ce que j'aie une réponse, car je ferai tout ce que vous
voudrez.
Vous savez que je suis, four Va^nour de Notre-Seigneur et
de sa sainte Mère, tnon Révérend Père, votre très humble et
obéissante servante.
D'Angers, ce 16 avril 16 jj.
Suscription : A Mo7isieur Monsieur Vincent de Paul, supé-
rieur des Prêtres de la Mission, à Saint-Lazare.
136. — A LOUISE DE MARILLAC
[Avril 1633 1.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur J.-C. soit avec vous pour
jamais !
Je ne vous écris point de ma main, à cause que j'ai été
saigné pour ma petite fièvre. J'ai oublié de vous envoyer
tantôt Monsieur Figeard le médecin. Je vous supplie de
me le pardoim.er, comme aussi de ce que je ne vous ai
pas envoyé le mémoire des exercices, et de trouver bon
que je vous dise que vous ne deviez pas envoyer vos filles
au lieu que vous me dites, sans savoir du médecin s'il y
a du danger -. J'espère pourtant de la bonté de Dieu
qu'elle ne permettra pas qu'il en arrive du mal, car vous
savez la particulière protection qu'il a des personnes de
la Charité.
J'ai reçu,une lettre de Madame Goussault et de la bé-
nédiction de son voyage ^. Quand j'en recevrai d'autres
nouvelles, je vous en ferai part.
Votre lettre d'hier se trouve écartée et ne me ressou-
viens point de ce qu'elle contient, sincr à l'égard du
Lettre 136. — L. s. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Voir note 3.
2. Danger de contagion.
3. Probablement la lettre 135.
— 197 —
jeune homme ^ duquel vous me parliez et à l'égard du-
quel je vous dirai que je ne pense pas qu'il doive quitter
la soutane, dans l'incertitude du choix de la condition
dans laquelle il est, et me semble qu'il le faut laisser en
l'état qu'il est, jusqu'à ce qu'il soit entièrement résolu,
et que sa bonne mère ne l'aide pas assez à prendre réso-
lution. Vraisemblablement l'état ecclésiastique lui est le
meilleur. S'il y tend, je pense qu'il lui faut conforter.
Quant à cette &lle qui fait les exercices '\ puisqu'elle
est à sa confession générale, vous pourrez vous servir de
Busée ^ en français et lui bailler, en suite de sa confes-
sion générale, le premier jour, de l'Incarnation ; la se-
conde, de la Nativité, laquelle elle répétera à la troi-
sième oraison ; la 4^ des pasteurs. Le second jour, la
première sera de la Circoncision ; la 2^, des Mages ; la
3^ de la Purification et la 4^ de la vie de Notre-Seigneur
depuis douze jusqu'à trente ans. Le 3® jour, la vocation
des Apôtres ; la 2®, la première prédication de Notre-
Seigneur ; la 3® et la 4*, des Béatitudes. Le 4* jour sera
du jugement, où vous lui ferez peser le bonheur de ceux
qui ont eu pitié des pauvres, laquelle méditation elle
répétera deux fois : la 3® et la 4* seront de quelque mys-
tère de lia Passion, et à la an vous lui ferez faire sa
règle de vie, c'est-à-dire son emploi de la journée. Les
heures pour faire l'oraison : à son lever la première ; la
2* à dix heures ; la 3* à deux ; et la 4^ à cinq heures. Ce
4. Il S'agit évidemment de Michel Le Gras, que le saint ne nomme
pas par délicatesse.
5. C'était sans doute une des filles qui s'employaient au service des
pauvres sous Louise de Marillac ou qui se proposaient d'embrasser
cet état.
6. Le Père Jean Busée, de la Compagnie de Jésus, est l'auteur
d'un ouvrage de méditations très estimé, publié à Douai en 1624 sous
ce titre Enchiridion fiariim meditaiionum in omnes dominicas^ sanc-
toriim fesia, Christi fassionem et caetera, traduit en français par les
Pères jésuites et en r644 par Antoine Portail, qui ajouta plusieurs
méditations.
— 198 —
qu'elle peut lire, c'est Grenade ' et les vies des saintes
qui ont excellé en la charité.
Voilà ce que je vous puis dire pour le présent, sinon
que, demain au matin, je vous enverrai Monsieur Bru-
net, ou bien après-demain ; et cela n'empêchera pas que
vous ne suiviez l'ordre de ces méditations. Vous me
manderez cependant, s'il vous plaît, ce que le médecin
juge de la maladie de Monsieur le vicaire, et je serai,
en l'amour de Notre-Seigneur, votre très humble ser-
viteur.
Vincent Depaul.
Si la fille n'a coutume que faire trois méditations par
jour, vous ne lui en baillerez pas davantage, s'il vous
plaît. Je pense que je ne vous pourrai envoyer M. Bru-
net qu'après-demain, l'après-dînée.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
à Paris.
137 — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
La chute du cheval dessus et dessous moi a été des
7. Le Père Louis de Grenade appartenait à l'ordre de Saint-Domi-
nique. Il s'est fait un nom par sa sainteté, ses sermons et ses écrits.
On lui doit des ouvrages très estimés, pleins d'éloquence et de piété :
La guide des fécheurs, Le mémorial de la vie chrétienne, un Caté-
chisme, des Méditations, la Vie de dom Barthélémy des Martyrs. Ses
sermons ont été publiés. Grégoire XIII disait que Louis de Grenade
avait par ses écrits opéré plus de miracles que s'il avait rendu la vie
à des morts et la vue à des aveugles. Ce pieux religieux était, avec
Thomas a Kempis et saint François de Sales, un des auteurs favoris
de Louise de Marillac (cf. Gobillon, o-p. cit., p. 13) et de saint
Vincent.
Lettre 137. — L. a. — Original à Shanghaï, dans la maison des
prêtres de la Mission.
— 199 —
plus dangereuses et la protection de Xotre-Seigneur des
plus particulières. C'est la bonté de Dieu qui m'a traité
de la sorte et le mésusage de ma vie qui a fait qu'il m'a
montré ses verges. Je vous supplie de m'aider à obtenir
la grâce de m'amender pour l'avenir et de commencer une
nouvelle vie. Il ne m'en est resté qu'une petite foulure
des nerfs de l'un pied, laquelle à présent me fait peu de
douleur.
Je dois être purgé demain, et après-demain je pour-
rai sortir en carrosse pour aller à une lieue d'ici. Mercre-
di je pourrai aller à Sainte-Marie de la ville. Si je le
puis, de là j'aurai le bien de vous aller voir, et vous di-
rai cependant, pour les paroles que vous avez dites de
ce médecin, que vous ferez bien, si vous avez dit quelque
chose qui regarde la diminution de sa réputation, de
dire le bien que vous savez de lui, à la même personne
et à deux ou trois autres.
Je suis cependant, en l'amour de Notre-Seigneur et
de sa sainte Mère, Mademoiselle, votre très humble et
obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Saint-Lazare, ce i^"" mai [1633 ] ^.
Je vous envoie une lettre de Madame la présidente
Goussault ; renvoyez-la-moi demain au matin, s'il vous
plaît, après que vous l'aurez lue.
I. Le texte porte 1623, date évidemment fautive, puisque le saint
ne prit possession de la maison de Saint-Lazare qu'en 1632. La lettre
a été écrite un dimanche et pendant une absence de Madame Gous-
sault, circonstances qui conviennent au i^r mai 1633.
138. — A LOUISE DE MARILLAC
[Mai 1633 '.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je ne crois pas que Monsieur le commandeur - ait fait
donation ni testament en faveur de qui que ce soit. Je
verrai aujourd'hui le notaire et vous ferai savoir la ré-
solution. Que si cependant il vous plaît de minuter
votre voyage, vous ferez bien ; car, en tout cas, s'il était
besoin, vous pourriez être ici du jour au lendemain. Dis-
posez-vous donc, s'il vous plaît, pour après-demain. Je
voudrais bien que vous puissiez aller en carrosse à cause
de la grande chaleur.
Et pour le regard de l'affaire de votre emploi ", je n'ai
pas encore le cœur assez éclairci devant Dieu touchant
une difficulté qui m'empêche de voir si c'est la volonté
de sa divine Majesté. Je vous supplie. Mademoiselle, de
lui recommander cet affaire pendant ces jours auxquels
il communique plus abondamment les grâces du Saint-
Esprit, ains le Saint-Esprit même. Insistons donc aux
prières et tenez-vous bien gaie.
Lettre 138. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite, semble-t-il, peu avant l'institution des
Filles de la Charité (cf. note 3) et aux approches ou dans l'octave
de la fête de la Pentecôte, qui, en 1633, tombait le 15 mai.
2. Bien que ces mots M. le commandeur désignent partout ailleurs
dans les lettres de saint Vincent, le commandeur de Sillery, mort le
26 septembre 1640, il est ici question d'un autre commandeur. Le
commandeur de Siller}' fit en effet de nombreuses libéralités par testa-
ment, et saint Vincent ne les ignora pas.
3. Abelly cite cette phrase {o-p. cit., t. I, chap. xxiv, p. 113), la
rapportant à l'institution des Filles de la Charité, et c'est, en effet,
le sens le plus naturel.
201 —
Ce que vous craignez de vos jambes n'est pas à crain-
dre, comme j'espère parfaitement, qui suis v. s.
V. D.
r
Stiscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
139. — A MICHEL ALIX, CURÉ DE SAINT-OUEN-L'AUMONE
Ce jour de saint Barnabe ^ 1633.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Enfin la petite assemblée de vous autres Messieurs
les curés se pourra tenir lundi, à deux heures après dî-
né, céans ^. Avez-vous bien agréable de vous y trouver,
Monsieur ? Je l'ai bien fait espérer à la compagnie. At-
tendant donc le bonheur de vous voir ce jour-là, l'avant-
dîné, et que vous recommanderez cependant la chose à
N.-S., je suis, en son amour. Monsieur, votre très humble
et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
140. — a louise de marillac
[Entre 1633 et 1636 ^.]
Mademoiselle,
Je ne vous obéis point hier au soir, non plus que le
Lettre 139. — Reg. i, f" 9. Le copiste note que l'écriture de l'ori-
ginal était de saint Vincent lui-même.
1. II juin.
2. Il s'agissait d'organiser les conférences ecclésiastiques, qui devin-
rent en peu de temps si célèbres et attirèrent à Saint-Lazare les prê-
tres les plus éminents en sainteté et en doctrine. Abelly a raconté
[of. cit., t. II, chap. III, sect. i, p. 246 et suiv.) ce que fut l'assem-
blée dont il est ici question.
Lettre 140. — L. a. — L'original est exposé dans une des salles de
la Société de Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, 6, rue de Furstenberg.
I. Cette lettre a été écrite après l'institution des Conférences des
reste du jour, à l'égard de ce petit remède, non certes
faute de respect, ni de condescendance à vos charitables
avis, mais pour quelque empêchement particulier. Je me
veux promettre que vous m'excuserez, comme aussi de ce
que je n'ai pas le bien de vous voir avant que de m'en
retourner à Saint-Lazare, à cause d'une assemblée de
curés que nous y avons aujourd'hui. Assurez-vous, Made-
moiselle, que j'aurai soin d'user des remèdes que vous
me conseillez, à Saint-Lazare et que je reviendrai ici ",
s'il plaît à Dieu, après, et qu'alors nous vous gouverne-
rons ^ plus que je ne l'ai pu à cette fois.
Cependant ayez soin, s'il vous plaît, de vous conser-
ver, dans votre petit rhume et de n'en pas tant faire une
autre fois. Je vous dis derechef adieu en cette confiance
et suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre très humble
serviteur.
Vincent Depaul.
141. — A UN ECCLÉSIASTIQUE
[9 juillet 1633 1.]
Dieu soit béni. Monsieur, de toutes les grâces et béné-
dictions qu'il répand sur votre mission ! Ne vous semble-
t-il pas que tant d'ouvriers qui demeurent oisifs seraient
bien employés en la grande moisson à laquelle vous tra-
vaillez maintenant et que ceux qui connaissent le besoin
que le Maître de la moisson a d ouvriers, seront coupa-
mardis et avant le transfert à La Chapelle de la maison-mère des
Filles de la Charité.
2. Au collège des Bons-Enfants.
3. Saint Vincent emploie parfois ce terme pour parler de direction
spirituelle.
Lettre 141. — Abelly, of. cit., t. II, chap. m, sect. i, p. 248.
I. La lettre a été écrite le jour de la seconde assemblée des curés,
qu'Abelly place ce jour-là.
— 203 —
blés du sang de son Fils, qu'ils laissent inutile, faute
d'application ? Oh ! que la pensée que vous me fîtes
l'honneur de me communiquer ces jours passés a été bien
reçue de ^lessieurs les ecclésiastiques, de tous lesquels
nous av'ons parlé en général et de chacun en particulier !
Nous les vîmes, il y a quinze jours ', ensemble et ils réso-
lurent ce que vous proposâtes, dans une uniformité d'es-
prit qui paraît toute de Dieu. Je commençai mon discours
par les paroles que vous me dites, sans vous nommer,
sinon lorsqu'il fallut vous mettre de leur nombre et rete-
nir votre place parmi eux. Ils se doivent encore assem-
bler aujourd'hui ^. O Monsieur, qu'il y a sujet d'espérer
beaucoup de bien de cette compagnie ! Vous en êtes le
promoteur et vous avez intérêt qu'elle réussisse à la
gloire de Dieu. Priez-le pour cela, s'il vous plaît. Mon-
sieur, et pour moi particulièrement.
142. — A FRANÇOIS DU COUDRAY, A ROME»
[Juillet 16332].
Il faut que vous sachiez ce que je pense ne vous avoir
2. Le II juin.
3. Abelly écrit : « Ces messieurs les ecclésiastiques s'étant donc
derechef assemblés le neuvième du mois de juillet suivant, ils arrê-
tèrent l'ordre qu'ils devaient tenir dans leurs conférences ; ils firent
choix de quelques officiers pour maintenir cet ordre et déterminè-
rent le jour du mardi de chaque semaine... M. Vincent leur donna
pour sujet de leur première conférence, qui se fit le x6 du même
mois, celui de l'esprit ecclésiastique. » Plus de deux cent cinquante
ecclésiastiques fréquentèrent les conférences des mardis du vivant de
saint Vincent, et parmi eux vingt-deux devinrent évêques, entre
autres Bossuet.
Lettre 142. — Abelly, of. cit., t. II, chap. 11, sect. v, début, p. 233.
1. Abelly se contente de dire que la lettre a été adressée à un prê-
tre de la Mission à Rome. Ce prêtre de la Mission ne peut être que
M. du Coudray.
2. Cette lettre a été écrite peu après le 16 juillet, date de la pre-
mière conférence ecclésiastique.
204 - —
pas encore écrit, qu'il a plu à la bonté de Dieu donner
une bénédiction toute particulière et qui n'est pas ima-
ginable aux exercices de nos ordinands. Elle est telle
que tous ceux qui y ont passé, ou la plupart, mènent une
vie telle que doit être celle des bons et parfaits ecclé-
siastiques. Il y en a même plusieurs qui sont considé-
rables pour leur naissance ou pour les autres qualités
que Dieu a mises en eux, lesquels vivent aussi réglés
chez eux que nous vivons chez nous, et sont autant st
même plus intérieurs que plusieurs d'entre nous, n'y eût-
il que moi-même. Ils ont leur temps réglé, font oraison
mentale, célèbrent la sainte messe, font les examens de
conscience tous les jours comme nous. Ils s'appliquent
à visiter les hôpitaux et les prisons, où ils catéchisent,
prêchent, confessent, comme aussi dans les collèges, avec
des bénédictions très particulières de Dieu. Entre plu-
sieurs autres, il y en a douze ou quinze dans Paris qui
vivent de la sorte et qui sont personnes de condition ; ce
qui commence à être connu du public ^. Or, ces jours
passés, un d'entre eux, parlant de la manière de vie que
menaient ceux qui avaient passé avec lui par les exerci-
ces des ordinands, proposa une pensée qu'il avait eue,
de les lier ensemble par manière d'assemblée ou de com-
pagnie ; ce qui a été fait avec une satisfaction parti-
culière de tous les autres. Et la fin de cette assemblée
est de vaquer à leur propre perfection, à moyenner que
Dieu ne soit point offensé, mais qu'il soit connu et servi
dans leurs familles, et à procurer sa gloire dans les
personnes ecclésiastiques et parmi les pauvres ; et cela,
sous la direction d'une personne de céans, où ils doivent
s'assembler tous les huit jours. Et parce que Dieu a
3. Ils venaient de donner une mission aux ouvriers qui bâtissaient
l'église de la Visitation. (Abelly, of. cit., t. II, chap. m, sect. i,
p. 247.)
— 205 —
béni les retraites que plusieurs curés de ce diocèse ont
faites ici, ces Messieurs ont désiré faire le même et ont
en effet commencé. Or, il y a sujet d'espérer de grands
biens de tout ceci, s'il plaît à Notre-Seigneur doimer sa
bénédiction à son œuvre, que je recommande particu-
lièrement à vos prières.
143. — A ISABELLE DU FAY
[Entre 1626 et 163^ ^.]
... la dureté de leur cœur. O Mademoiselle, que ce genre
de péché captive tyranniquement les cœurs et que bien-
heureux sont ceux qui en sont délivrés ! Au fond, vous
avez fait en cela ce qui était en vous ; et devant Dieu
vous aurez la récompense comme si absolument vous
étiez cause du salut de ces âmes ; car Dieu ne regarde
point l'événement du bien que l'on entreprend, mais la
charité avec laquelle l'on s'y est porté. Plaise à sa divine
bonté me pardonner le défaut de la mienne, qui suis, en
son amour, votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
144. — a louise de marillac
[Entre 1632 et 1639 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Lettre 143. — Rej;. i, f° 4, v°. Le commencement de la lettre est
perdu. Le copiste note que l'écriture de l'original était celle de saint
Vincent lui-même.
I. Même remarque qu'à la lettre 99, note i.
Lettre 144. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Dates des premiers rapports de saint Vincent avec Madame
Goussault et de la mort de cette dernière.
— 2o6
Comment vous portez-vous, Mademoiselle ? Pourriez-
vous bien être de la partie du voyage de Pontoise ? Si
cela est, il faudrait vous tenir prête pour les deux heures
aujourd'hui dimanche, et vous pourriez faire votre con-
fession demain au matin.
Bonjour, Mademoiselle. Vous écrirez, s'il vous plaît, à
Madame Goussault ce que vous aurez résolu. Je vous
souhaite derechef le bon jour et suis, en l'amour de No-
tre-Seigneur, votre serviteur.
V. D.
Suscripiion : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
145. — A UN PRÊTRE DE LA MISSION
1633-
O Monsieur, que nous sommes heureux de ce que nous
honorons la parenté pauvre de Notre- Seigneur par la
nôtre pauvre et chétive ! Je disais avec consolation, ces
jours passés, en prêchant en une communauté, que je
suis le fils d'un pauvre laboureur, et en une autre com-
pagnie, que j'ai gardé les pourceaux. Croiriez-vous
bien, Monsieur, que je crains dfen avoir de la vaine satis-
faction, à cause de la peine que la nature en souffre ?
Il est vrai que le diable est bien fin et rusé ; mais
certes celui-là l'est encore plus que lui qui se tient honoré
de la pauvre condition de l'Enfant de Bethléem et de
celle de ses saints parents.
Lettre 145. — Abelly^ of. cit., t. III, chap. xix, p. 289.
207 —
146. — A ALAIN DE SOLMINIHAC *
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je n'ai nullement douté de votre charité vers nous,
Monsieur ; mais certes je me plains de moi-même, de ce
que cette vertu toute divine paraît tout autrement dans
l'usage que vous en faites que dans le mien. La manière
dont vous avez fait recevoir ces jeimes ecclésiastiques "
et celle dont vous les traitez, me font paraître comme an
Lettre 146. — L. a. — Arch. du chapitre de Cahors, liasse I,
n^" 25, original.
1. Alain de Solminihac, né au château de Belet, en Périgord, le
25 novembre 1593, n'avait que vingt-deux ans quand un de ses on-
cles résigna en sa faveur l'abbaye de Chancelade (Dordogne), qui
dépendait de l'Ordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin. Il
remplaça les vieux bâtiments par de nouvelles constructions et fit
revivre la discipline. Le 21 janvier 1630, le cardinal de la Roche-
foucauld lui envoya pleins pouvoirs de visiter les maisons que pos-
sédaient les chanoines de Saint-Augustin dans les diocèses de Pé-
rigueux, Limoges, Saintes, Angoulême et Maillezais. Alain de Sol-
minihac fut demandé en divers lieux pour établir la réforme.
Nommé à l'évêché de Cahors le 17 juin 1636, il se dévoua corps et
âme à l'Eglise dont il était le pasteur. Il procura à son peuple le
bienfait des missions, visita régulièrement les paroisses de son
diocèse, créa un séminaire pour la formation de son clergé et en
confia la direction aux fils de saint Vincent. A sa mort, qui survint
le 21 décembre 1659, le diocèse de Cahors était tout renouvelé. Dieu
ayant manifesté la sainteté d'Alain par plusieurs miracles, sa Cause
fut introduite en cour de Rome, à la demande même du clergé de
France. {La vie de Mgr Alain de Solminihac, par le R. Père Léo-
nard Chastenet, nouv. éd., Saint-Brieuc, 1817, in-12 ; Histoire
d'Alain de Solminihac, par Abel de Valon, Cahors, in-12, 1900,)
2. Lambert aux Couteaux et Robert de Sergis. Par acte du 20 jan-
vier 1632, saint Vincent s'était engagé à laisser à perpétuité dans le
ressort des Parlements de Toulouse, de Bordeaux ou de la Provence,
pour y donner gratuitement des missions, deux missionnaires et un
serviteur. Il recevait, en échange, de Nicolas Vivien, conseiller du
roi, la somme de 10.000 livres, dont il avait besoin pour couvrir les
frais occasionnés par l'aménagement du prieuré de Saint-Lazare.
(Arch. nat. MM 538, f» 292 v".)
— 2o8 —
brillant de la bonté de Dieu par la vôtre et ma lourde
et fade façon de recevoir et traiter les serviteurs de
Dieu. Oh ! certes, si m'en veux-je bien corriger, s'il plaît
à Notre-Seigneur m'en faire la grâce, par les prières que
je vous supplie d'en faire pour moi. Au reste, ils me
mandent la réfection non seulement corporelle, mais aus-
si la spirituelle que vous leur faites, et c'est avec de très
grands sentiments qu'ils en ont et qu'ils m'en donnent,
et tels que je me propose bien d'en faire un bon entre-
tien à notre compagnie. Oh bien ! Monsieur, continuez,
s'il vous plaît, au nom de Notre-Seigneur, à leur bien
profi-ter.
Monsieur Lambert ^ est tout bon, à tout prendre ;
l'autre ^ n'est pas mauvais, Dieu merci, mais il a une
3. Lambert aux Couteaux, né à Fossemanant (Somme) en 1606,
appartenait à la congrégation de la Mission depuis le mois d'août
1629. Il prêchait alors dans le midi de la France avec Robert de
Sergis et profitait de quelques jours de relâche pour se recueillir
chez l'abbé de Chancelade, où saint Vincent lui avait dit de se ren-
dre. Il fonda la maison de Toul en 1635 et en resta supérieur jus-
qu'en 1637. En janvier 1638, il commençait l'établissement de Riche-
lieu (Indre-et-Loire), où il remplit les fonctions de curé et de supé-
rieur pendant quatre ans. L'assemblée générale de 1642 le nomma
assistant du supérieur général. Nous le retrouvons à Richelieu en
1645, r650 et 165 1. Il fut pendant peu de temps supérieur des Bons-
Enfants (1646-1649), puis de Saint-Charles (1650). Le saint avait
en lui une telle confiance qu'il le chargea de visiter la maison de
Saint-Lazare. Il l'envoya rendre le même service aux missionnaires
de La Rose et de Toul et aux sœurs d'Angers et de Nantes. Pressé
par la Propagande, en 1647, de désigner un sujet pour la coadju-
torerie de Babvlone, il n'en vit pas de plus digne que Lambert aux
Couteaux. Dans la réponse à Monseigneur Ingoli, il s'exprimait
ainsi : « Je vous avoue, Monseigneur, que la privation de cette per-
sonne est m'arracher un œil et me couper moi-même un de mes bras. »
Le projet n'aboutit pas. C'est encore sur lui que le saint jeta les yeux
pour établir la congrégation en Pologne, où la reine appelait les mis-
sionnaires. Lambert aux Couteaux s'y rendit en 165 1. Tout était à
créer dans ce pays troublé par la guerre et dévasté par la peste. Ses
travaux furent bénis de Dieu, mais de courte durée. Il mourut le
31 janvier 1653, victime de son dévouement pour les pestiférés.
[Notices, t. II, pp. 1-28.)
4. Ce ne peut être que Robert de Sergis, car, si l'on excepte Jac-
ques Mouton, reçu récemment à Saint-Lazare et peut-être encore
— 209 —
certaine petite non-inclination, pour ne dire pas aver-
sion, aux pratiques qui approchent de la religion, et n'a
pas assez de soumission et d'humilité pour les choses
qui choquent son sens. Il a contracté une certaine sorte
d'esprit caché dans le séminaire de Rouen '" et d'opposi-
tion à la direction particulière, de sorte que, quand il
se trouve en la conversation où l'on traite de ces choses,
il ne peut qu'il n'en fasse toujours paraître quelque
chose par ses discours, qui ont même nui à deux per-
soimes de céans. Et quoique cela soit ainsi, il a toujours
parfaitement bien obéi et à tous les supérieurs que je lui
ai baillés à la campagne et à moi, sans aucun acte de
désobéissance. J'ai cru. Monsieur, que je vous devais
dire ceci, parce que j'espère que la présente vous sera
rendue pendant que je me représente que vous le tiendrez
aux exercices.
Parlons maintenant de l'affaire de Pébrac ®. Je suis
allé trouver exprès Monseigneur l'archevêque d'Arles ^
et lui ai rendu la lettre que vous lui aviez écrite, et à
Monsieur Fontaine la sienne, et avons parlé ensuite de
l'affaire de Pébrac. Voici l'avis de mondit seigneur. Il
juge que vous devez satisfaire Monseigneur de Bor-
simple clerc, ii était le seul membre de la congrégation de la Mis-
sion originaire du diocèse de Rouen.
5. Sur le séminaire de Rouen, voir dans les Mémoires de la So-
ciété des antiquaires de Normandie, t. XXVI, Paris, 1867, p. 404 et
suiv., l'étude de Ch. R. de Beaurepaire intitulée 'Recherches sur les
établissements d' instruction fublique dans l'ancien diocèse de Rouen.
6. Jean-Jacques Olier, abbé commendataire des chanoines régu-
liers de Pébrac, au diocèse de Saint-Flour, avait prié l'abbé de Chan-
celade, par l'intermédiaire de saint Vincent, de vouloir bien établir la
réforme dans cette abbaye. Alain aurait accepté volontiers ; mais
une lettre de l'archevêque de Bordeaux lui demandait le même ser-
vice pour l'abbaye de Sablonceaux (Charente-Inférieure). Il fallait
choisir. Alain, ne sachant à quel parti se résoudre, avait demandé
conseil à saint Vincent, le priant d'en référer à l'archevêque d'Arles,
Jean Jaubert de Barrault, prélat éclairé en qui il avait grande con-
fiance. C'est à cette lettre que répond le saint.
7. Jean Jaubert de Barrault (1630-1643).
14
deaux * le premier et M. l'abbé Olier ^ le second. Mais
si mondit seigneur l'archevêque n'a fait accommoder
Sablonceaux ^", ni n'est sur le point de le faire présen-
tement, il juge que vous ferez bien de traiter pour Pé-
brac. Reste donc à savoir l'intention de mondit seigneur
de Bordeaux, laquelle, si elle ne regarde quelque exé-
cution présente, il faudra traiter avec le tout bon Mon-
sieur l'abbé Olier. Il y a dix-huit religieux dans cette
abbaye. Il offre maintenant mille francs, dont il sera
déchargé à proportion du décès des religieux. Ce sera
à vous, Monsieur, à nous mander ce que vous aurez ré-
solu avec Monseigneur de Bordeaux, qui s'en va vers vos
quartiers, et à mandervotre volonté. Pour Monseigneur
8. Henri d'Escoubleau de Sourdis, archevêque de Bordeaux (1629-
1645)-
9. Jean-Jacques Olier, le célèbre fondateur du séminaire de Saint-
Sulpice, que saint Vincent appelle « un homme abandonné à la
grâce de Dieu et tout à fait apostolique », fut l'un des principaux
restaurateurs de la discipline ecclésiastique au xvii® siècle. Il était
né à Paris le 20 reptembre 1608. Après quelques hésitations, que
saint Vincent finit par dissiper, il entra dans les ordres sacrés et reçut
la prêtrise le 21 mai 1633. Les débuts de la carrière sacerdotale de
Jean-Jacques Olier furent consacrés à l'œuvre des missions. Il prit
part aux travaux des prêtres de Saint-Lazare, qu'il édifia par son
zèle et son humilité. Pour des motifs encore inexpliqués, peut-être,
comme on l'a dit, à cause d'une divergence de vues sur la question
de savoir s'il devait accepter l'épiscopat, Olier passa de la di
rection de saint Vincent, son confesseur depuis trois ans (1632-1635),
sous celle du Père de Condren. Ce ne fut pas l'abandon ; loin de
là. « Pour les affaires extraordinaires, écrivait-il en 1649, nous ne
manquons pas de voir M. Vincent, et pour les ordinaires tous nos
frères assemblés. » Il ne commença le séminaire de Vaugirard et
n'accepta la cure de Saint-Sulpice qu'après avoir pris l'avis du saint.
« M. Vincent est notre père », disait-il souvent aux ecclésiastiques
de son séminaire. Jean-Jacques Olier mourut le 2 avril 1657, assisté
par son saint ami. Ce dernier consola les prêtres de Saint-Sulpice
dans leur affliction, et l'on croit encore avoir un fragment de l'allo-
cution qu'il prononça devant eux à cette occasion. {Vte de M. Olier,
par Faillon, 4« éd., Paris, 1873, 3 vol. in-8° ; Vie de J ean-Jacqttes
Olier, par Frédéric Monier, Paris, 1914, in-8°. )
10. Henri de Sourdis était abbé commendataire de l'abbave
située dans cette localité ; Alain de Solminihac y envoya deux reli-
gieux pour établir la réforme.
le cardinal de la Rochefoucauld ", Monsieur d'Arles a
jugé qu'il n'est pas encore expédient de lui en parler ^'.
Nous avons ici aussi Monsieur l'abbé de Foix ^^, qui
11. François de la Rochefoucauld naquit à Paris le 8 décembre
1558. Il devint évêque de Clermont le 6 octobre 1585, cardinal en
1607, évêque de Senlis en 1611, abbé commendataire de Sainte-Ge-
neviève de Paris en 1613. Il se démit de son évêché en 1622 pour se
consacrer tout entier à la réforme des abbayes dépendantes des Ordres
de Saint-Benoit, Saint-Augustin et Saint-Bernard, et obtint à cet effet,
le 8 avril, du Pape Grégoire XV, le titre de commissaire aposto-
lique et des pouvoirs spéciaux. Secondé par des hommes tels que saint
Vincent, le P. Tarrisse et le P. Charles Faure, il fit refleurir dans
les monastères l'ordre et la discipline. Le cardinal mourut le 14 fé-
vrier 1645 sous les yeux de saint Vincent, qui le prépara à paraître
devant Dieu. Son corps fut enterré à Sainte-Geneviève et son cœur
donné aux Pères jésuites. [Les vertus du vrai -prélat représentées en
la vie de VEminentissime cardinal de la Rochefoucauld, par le P. La
Morinière, Paris, 1646, in-4° ; La Vie du Révérend Père Charles
Faure, abbé de Sainte-Geneviève de Paris, par Lallemand et Char-
tonnet, Paris, 1698, in-4''. )
12. L'abbé de Chancelade fut obligé de différer la réforme de
l'abbaye de Pébrac. Olier renouvela sa demande le i^ juin 1634,
et ce fut avec plus de succès. Alain de Solminihac vint à Pébrac.
Un accord fut conclu entre lui, Olier et les religieux de l'abbaye.
Tout semblait arrangé quand des difficultés imprévues renversèrent
les dispositions prises et mirent l'abbaye dans l'état où elle se trouvait
auparavant.
13. François-Etienne de Caulet, né à Toulouse le 19 mai 1610, fut
pourvu en 1627 de l'abbaye Saint- Volusien de Foix. Il s'attacha à
Jean-Jacques Olier, le suivit dans ses missions en Auvergne, au
diocèse de Chartres et en d'autres points du royaume, le seconda dans
son ministère paroissial et fonda, avec lui et M. du Ferrier, le sémi-
naire de Vaugirard. Saint Vincent, qui connaissait l'abbé de Saint-
Volusien, jugea qu'il ferait bien à la tête d'un diocèse. Grâce à lui,
François de Caulet fut sacré évêque de Pamiers le 5 mars 1645. Il
déposa en 1638 contre l'abbé de Saint-Cyran. Evêque, il continua
longtemps à combattre le jansénisme, interdit dans son diocèse
la lecture des livres du parti et s'efforça de ramener dans le
chemin de la vérité ceux qui s'en étaient écartés. La fréquentation de
Nicolas Pavillon, évêque d'Alet, finit par le gagner à d'autres idées.
I/évêque de Pamiers mourut le 7 août 16S0, sans avoir fait acte de
soumission à l'Eglise. [Vies des quatre évêques engagés dans la
cause du Port-Royal, par Jérôme Besoigne, Colo^jne, i7';6, 2 vol.
in-i2 ; Un -prélat janséniste, par G. Doublet, Paris, 1895, in-8°.)
M. Gazier, dont on connaît la compétence en tout ce qui touche au
jansénisme, possède dans sa bibliothèque, si riche en livres et en
nranuscrits rares, une Histoire abrégée de la vie de M. François de
Caulet, évêque de Pamiers, par le P. Gabaret, ms.
est un très bon jeune homme, qui nous voit souvent et
avec confiance. Son abbaye est de votre Ordre, dont la
mense des religieux, compris les offices et bénéfices qui
en dépendent, vaut dix mille livres. Il veut avoir la ré-
forme à quelque prix que ce soit et en a déjà commencé
à parler de deçà ; mais comme l'on lui a parlé de Chan-
celade, le voisinage lui fait souhaiter ce service. Vous
savez que Foix est auprès de Toulouse ; et Dieu sait
que vous êtes une des personnes du monde à laquelle
Notre-Seigneur m'a donné plus de confiance, et que je
suis, en son amour et celui de sa sainte Mère, Monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 23 août 1633.
Suscription : A Monsieur Monsieur l'abbé de Chan-
celade.
147. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers le 2 septembre 1633 ^.]
Alademoiselle,
Marie m'a fort industrieusement, affectionnément et
humblement répondu qu'elle est prête à faire ce que
vous voudrez et en la manière que vous voudrez,
qu'elle est seulement marrie de ce qu'elle n'a pas assez
de jugement, de force et d'humilité pour servir à cela,
mais que vous lui direz ce qu'il faudra qu'elle fasse et
qu'elle suivra entièrement vos intentions. Oh ! qu'elle
Lettre 147. — Manuscrit Saint-Paul, p. 79.
I. La phrase finale, si toutefois elle n'est pas interpolée, nous
oblige à placer cette lettre avant les lettres 161 et 163, qui sont des
premiers mois de l'année 1634. Elle pourrait être de 1632 ; nous la
croyons plutôt de 1633. Quoi qu'il en soit, elle été écrite sûrement
très peu de jours après le 2 septembre. (Voir note 2.)
— 213 —
me paraît bonne iille ! Certes, Mademoiselle, je pense
que Notre-Seigneur la vous a donnée lui-même pour
s'en servir par vous.
Que vous dirai- je du reste de votre lettre, sinon que
je loue Dieu de ce qu'il vous a consolée le jour de saint
Lazare -, aux Bons-Enfants, et que ce qu'il me semble
qu'il demande de vous, c'est d'honorer sa sainte Provi-
dence en votre conduite, sans vous presser ni vous em-
presser ? Je tâcherai d'aller apprendre les sentiments que
Notre-Seigneur vous a donnés pour cela. Mais pour
Chartres ", je ne vois pas le moyen d'y aller, car nous
voici au fort de nos plus importants affaires.
Quant à ce que vous dites, que vous avez besoin de
quelque correction pour vous retenir de votre déchet,
nous le ferons, s'il plaît à Dieu.
L'embarras m'a fait retenir Marie jusques à présent.
Envoyez-la tous les jours visiter ces bonnes filles de
l'Hôtel-Dieu, si vous pouvez lui donner ce temps-là * ;
mais qu'elle fasse en sorte que cette borme demoiselle
n'en soit pas peinée, s'il vous plaît.
Madame Forest ^ désire fort avoir liaison avec vous ;
c'est une bonne et vertueuse dame ; et moi je suis, en
l'amour de Notre-Seigneur...
2. Saint Lazare était fêté le 2 septembre.
3. Saint Vincent et Louise de Marillac allaient quelquefois faire
leurs dévotions à Notre-Dame de Chartres. Peut-être, à la veille du
jour 0X1 devait prendre naissance la compagnie des Filles de la Cha-
rité, les fondateurs voulaient-ils mettre leur projet sous la protection
de Marie.
4. Si cette phrase appartient vraiment à la lettre, il est difficile
de comprendre ce que sont les « bonnes filles » dont parle ici saint
Vincent ; il est peu probable qu'il ait employé ce mot pour désigner
les religieuses augustines.
5. Un des témoins du procès de béatification de saint Vincent,
Alexandre-Antoine de Francelles, curé de Saint-Jean-en-Grève, à
Paris, présenta au tribunal vingt-sept lettres du saint à Madame Fo-
rest, sa dirigée. Ces lettres sont toutes perdues.
214
148. — A LOUISE DE MARILLAC
Cela s'entend. Mademoiselle, qu'il est à propos de
remarquer les affections plus vives qui agitent votre
cœur, afin de faire votre possible de les régler au niveau
de la sainte et toujours adorable volonté de Dieu. Et
vous avez bien fait, en ce doute, de vous en éclaircir,
pour faire ce que Notre-Seigneur demande de vous, sans
crainte que je m'en trouve chargé. Sachez-le pour une
bonne fois. Mademoiselle, qu'une personne que Dieu a
désignée en son conseil pour aider quelqu'autre, ne se
trouve non plus surchargée des éclaircissements qu'elle
demande, que fait un père d'un sien enfant.
Pour cette bonne femme, Madame Sarvoisy, je pense
qu'il sera à propos de s'en enquérir de ces bons Mes-
sieurs-là, devant que de venir au fait et au prendre.
Mais nous n'en sommes pas encore là, pource que nous
avons proposé à Sainte-Marie de la reconnaître pour
savoir si elle a vocation pour cette sainte maison ; et,
quand elle aura été reconnue et éconduite de ce côté-
là, alors l'on fera ce que vous proposez.
Assurez-vous, Mademoiselle, du cœur de celui qui est,
en celui de Notre-Seigneur et en son amour, votre très
humble serviteur, et permettez que j'y ajoute la recom-
mandation de la sainte indifférence, quoique la nature
gronde au contraire, et que je vous die que tout est à
craindre jusques à ce qu'on en soit parvenu là, nos incli-
nations étant si malignes qu'elles se recherchent en tout.
Or sus, Notre-Seigneur soit en notre cœur et notre cœur
dans le sien, afiji qu'ils soient trois en un et un en trois
et que nous ne voulions que ce qu'il veut.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
Lettre 148. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
— 215 —
149. - A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1632 et 1636 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Xotre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je viens tout présentement de lire la vôtre en hâte ;
elle me met un peu en peine à cause de votre petite
ûèvre. Je vous supplie d'envoyer quérir M. Le Sourd ;
c'est que vous avez trop mis à vous repurger ; mais
j'espère que cela ne sera rien pourtctnt Je vous dirai
cependant que l'intention de Madame Goussault est que
cette bonne fi.lle de Montdidier soit de la Charité. Re-
gardez-la donc comme cela, s'il vous plaît.
Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Mademoiselle,
votre très humble serviteur.
V. D.
A dix heures.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
rue de Versailles, vis-à-vis de l'Epée-Royale ^.
Lettre 149. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Date du transfert à La Chapelle de la maison-mère des Filles
de la Charité.
2. Cette petite rue, parallèle à la rue d'Arras, reliait, comme celle-
ci, la rue Saint-Victor à la rue Traversière ou Traversine. La maison
vis-à-vis l'enseigne de l'Epée-Royale était au milieu de la rue de
Versailles. Son emplacement se trouve actuellement à peu près au
centre du triangle formé par le croisement des rues Monge, d'Arras
et des Ecoles. C'est là probablement que prit naissance, le 29 novem-
bre 1633, la compagnie des Filles de la Charité.
2l6
150. — A MICHEL ALIX, CURÉ DE SAINT-OUEN-L' AUMONE
i6 septembre 1633.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Le bien de la paix et de l'accommodement dans les
procès est chose si grande et agréable à Dieu qu'il dit
à un chacun : Inquire -paceni et -persequere eani. Il ne
dit pas seulement que l'on l'agrée, cette divine paix,
quand l'on la nous offre, mais que nous la recherchions
et courions après elle. Or, je loue Dieu de ce que vous
voulez faire cela en quittant tous vos affaires pour
aller terminer le différend que vous avez en vos quar-
tiers ; mais je pense qu'il est important à la gloire de
Dieu que vous différiez votre voyage jusques au lundi
après le dimanche du mois. Vous avez ici vos deux vi-
caires, qui sont en bon train, Dieu merci, et nous édifient
beaucoup, auxquels les exercices qu'ils font n'étaient pas
moins nécessaires en quelque façon qu'utiles. Vous ne
pourriez les rappeler avant la huitaine sans préjudicier
à l'Eglise en général, à la vôtre en particulier et à eux.
Et puis, l'assemblée prochaine de messieurs les curés, qui
est de très grande importance et qui requiert absolument
votre présence, vous n'y sauriez encore manquer sans
préjudicier au bien de l'Eglise en général et à autant
d'Eglises particulières comme il y a de curés. C'est pour-
quoi, Monsieur, je pense que vous ferez bien d'écrire ou
à la personne avec laquelle vous avez à faire, ou à quel-
qu'autre qui s'entremet pour vous accommoder, que vous
êtes retenu par ces deux raisons de partir au plus tôt,
Lettre 150. — Reg. I, f . 14. Le copiste note que l'écriture de l'ori-
ginal était de saint Vincent lui-même.
217 —
mais que vous ne manquerez pas de ce faire le jeudi
d'après le premier dimanche du mois, pour vous rendre au
lieu où il faut pour procéder à cet accommodement,
dans l'esprit de paix que N.-S. vous a donné. Ce que je
vous dis néanmoins. Monsieur, c'est avec toute la sou-
mission et déférence que je vous dois et que je désire
vous rendre toute ma vie en N.-S., et dans la confiance
que j'ai qu'il n'y a personne au monde si difficile, si elle
a quelque disposition à l'accommodement, qui n'agrée
vos raisons et ne diffère jusques à ce temps-là, pendant
lequel même l'on ne fait rien en justice. Et puis j'espère,
Monsieur, que, si quaerimus sic primo regnum Dei, om-
nia adjicientur nobis in bonum.
Je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble
et obéissant serviteur.
V. D. P.
151. — A LOUISE DE MARILLAC
[Août ou septembre ^ vers 1633 -.]
Madame ^
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je viens de recevoir votre lettre, qui m'a mis un peu
en peine pour votre rechute, et crains bien que vous ne
vous soyez exposée trop tôt. Oh bien ! béni soit Dieu !
Je vous supplie. Mademoiselle, au nom de Notre-Sei-
gneur, de faire tout votre possible pour vous ménager,
Lettre 151. — L. a. Original chez les prêtres de la Mission
de Saint-Sylvestre, à Rome.
1. Epoque de l'année choisie habituellement par le saint pour faire
sa retraite annuelle.
2. Cette lettre semble écrite peu avant l'institution des Filles de la
Charité.
3. Ce mot est évidemment le résultat d'une distraction.
— 2l8 —
non plus comme une personne particulière, ains comme
à la conservation de laquelle plusieurs ont part.
Voici le huitième jour de notre petite retraite ; j'es-
père aller au dixième, Dieu aidant.
Je pense que votre bon ange a fait ce que vous me
mandez par celle que vous m'écrivîtes. Il y a quatre ou
cinq jours qu'il a communiqué avec le mien touchant la
Charité de vos filles ; car il est vrai qu'il m'en a suggéré
souvent le ressouvenir et que j'ai pensé sérieusement à
ce bon œuvre ; nous en parlerons, Dieu aidant, vendredi
ou samedi, si vous ne me mandez plus tôt.
Quant à cette bonne fille de Beauvais, ne l'envoyez
pas jeudi, s'il vous plaît. Serait-elle propre pour ensei-
gner les petites filles des villages ? C'est de quoi vous
aurez principalement besoin. Notre-Seigneur, sur les
pas de la Providence duquel vous marchez, sera lui-
même celui qui y pourvoira. Il faut lui en laisser le soin
et demeurer en paix.
Avez-vous vu quelque médecin ? Vous plaît-il point
que je vous envoie le nôtre ? Disposez de nous.
Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Mademoiselle,
votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Ce mardi, à 2 heures.
152. — A LOUISE DE MARILLAC
[Septembre ou octobre 1633 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Jésus-Christ soit avec vous pour jamais !
L'on me l'avait bien dit que vous ne feriez rien à pré-
Lettre 152. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Cette lettre est du temps des vendanges et semble assez proche
du jour (29 novembre 1633) où Louise de Marillac retint auprès
219 —
sent en ces quartiers de Villeneuve - pendant ce temps
de vendange. Oh bien ! vous y irez au temps marqué, s'il
vous plaît. Si cependant vous désiriez aller au bois de
Vincermes, il en est bien besoin ; mais quoi ! ces bon-
nes femmes seront encore empêchées. Je pense qu'il sera
bon que vous différiez encore un peu.
Il faut voirement se voir avant que d'arrêter les al-
lés ; et cela ne se peut que vers la fin de la semaine ;
renvoyez-les cependant, s'il vous plait, pour d'ici à
douze ou quinze jours, auquel temps vous les avertirez
par l'écolier. Il sera bon cependant de leur faire con-
naître qu'il faut être dans l'esprit d'indifférence. Alais
quoi ! il faut les dresser à la connaissance des solides
vertus avant que de les employer.
L'on m'ôte la plume de la main. Voilà un bon abbé
qui me demande. Cela me fait finir par le remerciement
du soin que vous avez de ma santé, en vous assurant
que je l'aurai tel que vous désirez.
Bon jour. Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Vous ne me mandez pas l'état de votre santé, qu'on
m'a dit un peu altérée. Ayez-en soin, s'il vous plaît.
Sîiscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
153. — A LOUISE DE MARILLAG
[Vers 1633 ^]
Mademoiselle,
Voici cette bonne fille que Madame la présidente
d'elle à Saint-Nicolas un certain nombre de filles avant de les
employer, pour « les dresser à la connaissance des solides vertus ».
2. Villeneuve-Saint-Georges.
Lettre 153. — Manuscrit Saint-Paul, p. 73.
I. Cette lettre semble antérieure à l'institution des Filles de la
Charité.
Goussault a été d'avis qu'on vous envoie ^. Je vous sup-
plie d'avoir agréable de la faire voir par quelqu'un pour
l'instruire. Monsieur Compaing ^ vous pourra bailler
quelque ecclésiastique pour cela ; ou bien, si besoin 2st,
Monsieur Véron * prendra bien la peine de lui parler.
J'espère que ce sera une bonne fille et qu'elle se portera
au bien.
Madame la présidente vous donne le bonjour, et [moi
je] suis, en l'amour de Notre-Seigneur...
154. — AU LIEUTENANT DE CANNES»
19 décembre 1633.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Voici le temps venu auquel nous sommes obligés d'al-
ler travailler en vos terres de Picardie ^. Le R. P. de
Gondy a trouvé bon que nous ayons différé jusques à
présent. Voilà donc six ecclésiastiques de notre petite
compagnie qui s'en vont pour travailler. Je les vous re-
commande et vous supplie de leur fournir de l'argent.
2. Pour faire l'école
3. Vicaire à Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
4. Peut-être François Véron, controversiste de renom, né à Paris
vers 1575, membre de la compagnie de Jésus de 1595 à 1620, grand
adversaire des protestants et des jansénistes, mort à Charenton, dont
il était curé, le 6 décembre 1649. (Ci. Un curé de Charenton au
xviie siècle, par Pierre Féret, Paris, 1881, in-S».)
Lettre 154. — Reg. i, f" i, v°. Le copiste note que l'écriture de
l'original était celle de saint Vincent lui-même.
1. Ce fut à la suite de la confession générale d'un paysan de
Gannes (Oise) que saint Vincent et Madame de Gondi eurent la
première idée d'établir l'œuvre des missions.
2. Le contrat passé le 17 avril 1625 entre saint Vincent et les
époux de Gondi stipule que les prêtres de la Mission « seront tenus
d'aller de 5 en 5 ans par toutes les terres desdits seigneur et dame
pour y prêcher, confesser, catéchiser et faire toutes les bonnes
œuvres » mentionnées dans ce même contrat.
s'ils en ont besoin, et je le vous rendrai à lettre vue et
le délivrerai à celui que vous nous manderez.
Je revins avant-hier au soir de Villepreux, où j'étais
allé voir Madame la générale ^, qui est une des plus ac-
complies que j'ai vues de son âge. J'espère qu'elle suivra
les exemples de notre bonne feue Madame.
L'on m'a assuré que M. le duc de Chaulnes * a promis
à Monsieur le général ^ de tenir la main à ce que ses
terres soient exemptes de gendarmes. La nouvelle qua-
lité qu'il va avoir de duc de Retz n'y nuira pas.
Je vis Martin à Villepreux, qui vous aura pu dire
toutes sortes de nouvelles. C'est pourquoi je unirai ici
par les affectionnées et humbles recommandations que je
présente à Madame la lieutenante, à Monsieur votre fils
et à Madame votre belle-fille, et suis, en l'amour de N.-S.
et de sa sainte Mère, Monsieur, votre très humble et
obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
155. — a louise de marillac
[Entre 1632 et 1636 ^.]
Mademoiselle,
La charité de Jésus-Christ, qui vous presse pour moi,
soit votre santé !
3. Catherine de Gondi, duchesse de Beaupréau et femme de Pierre
de Gondi, qu'elle avait épousé le 3 août 1633.
4. Honoré d'Albert, seigneur de Cadenet, pair et maréchal de
France, vidame d'Amiens, créé duc de Chaulnes par lettres de jan-
vier 1621, gouverneur de Picardie depuis le 3 iuillet 1633. Il devint
dans la suite gouverneur de la ville et de la citadelle d'Amiens, puis
de la province d'Auvergne et commanda au siège d'Arras en 1640. Il
mourut le 30 octobre 1649.
5. Pierre de Gondi, fils aîné du R. P. de Gondi et ancien élève
de saint Vincent, avait succédé à son père dans ses titres et dignités.
Il était, comme lui, général des galères et seigneur de Gannes.
Lettre 155. — L. a. — Dossier de la Mission, original.
I. Même remarque qu'a la lettre 106, note I.
Je viens d'apprendre que vous êtes un, peu indisposée,
dont je suis un peu en peine, et vous prie de faire [votre]
possible pour vous guérir pour son service, et vous remer-
cie très humblement de tant de soin et de charité que
vous exercez en mon endroit, de votre si bon pain, de
vos confitures, de vos pommes et de ce que je viens tout
maintenant d'apprendre que vous me venez d'envoyer.
Oh ! certes. Mademoiselle, c'est trop. Dieu sait de quel
cœur je les reçois ; mais aussi c'est toujours en vue que
je crains que vous vous ôtiez à vous-même le nécessaire
pour faire ainsi charité. Au nom de Dieu, ne le faites
plus.
Je suis sorti aujourd'hui et ne m'en trouve pas plus
mal ; et demain il sera besoin que j'aille jusques à Saint-
Lazare ^. J'avoue que j'ai un peu bien travaillé ces jours
ici ; mais m'en voilà dehors, Dieu merci.
Voilà notre dépêche partie pour Rome ; et pource
qu'il nous reste à travailler à quelques choses moins pres-
sées, je pourrai venir demain coucher céans et m'y tenir
quelques jours ; et alors nous aurons plus de loisir de
traiter avec vous. Je me réservais à vous voir demain
céans à la messe ; mais votre rhume requérant que vous
gardiez la chambre, je vous prie de n'en point bouger ;
nous nous verrons au retour. Si je ne vous vois demain
chez vous au matin devant partir, ce sera pour pratiquer
la petite règle des missionnaires avec les personnes de
la Charité ^. Que si néanmoins vous le désirez, vous n'avez
qu'à le dire, si par aventure vous êtes indisposée.
Je n'ai point parlé à Madame la garde des sceaux * ;
2. Saint Vincent était au collège des Bons-Enfants depuis quelques
jours.
3. Saint Vincent avait fait une règle à ses missionnaires de n'aller
voir les filles et les dames de la Charité que s'il y avait nécessité ou
utilité.
4. Pierre Séguier avait reçu les sceaux le 28 février 1633. Sa
femme Madeleine Fabri, née le 22 novembre 1597, mourut à Paris le
223 — '
j'ai jugé qu'il vaut mieux que ce soit Madame la prési-
dente Goussault ou Madame Poulaillon, auxquelles
j'en parlerai. Je vous souhaite cependant le bon soir et
suis, en l'amour de Notre-Seigneur, v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Alademoiselle Le Gras.
156. — A FRANÇOIS DU COUDRAY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A ROME
17 janvier 1634.
Que vous dirai-je de ces ecclésiastiques de Provence ^ ?
Vous avez vu, par la lettre qu'ils m'ont écrite, comme
ils se sont liés à la congrégation du P. Paul de Motta ^,
qu'ils me mandent avoir même dessein que nous ; que
si nous voulons nous unir, qu'ils y pourront entendre et
6 février 1683. Elle aida saint Vincent et Louise de Marillac de son
crédit et de sa fortune.
Lettre 156. — Reg. 2, pp. 87 et 3.
1. La congrégation des Prêtres Missionnaires du très Saint-Sacre-
ment, fondée dans la ville d'Avignon en 1632 et approuvée par Inno-
cent X en 1647. Elle avait pour fin l'oeuvre des missions et la direc-
tion des séminaires. Son fondateur, Christophe d'Authier de Sisgau,
était né à Marseille en 1609. Il devint évêque de Bethléem en 165 1
et mourut à Valence en 1667. [Vie de Mgr Christofhe d'Authier de
Sisgau, évêque de Bethléem, par Nicolas Borely, Lyon, 1703, in-12.)
Nous verrons plus loin les nouvelles tentatives que fit d'Authier
de Sisgau pour unir sa congrégation à celle de saint Vincent et les
démarches de ce dernier pour faire changer le nom de Prêtres
Missionnaires, à cause de la confusion qui pouvait en résulter.
2. Paul Motta, gentilhomme milanais, avait fondé à Rome en
1620 la congrégation de Saint-Joseph, que Paul V approuva et à
laquelle il donna un oratoire proche de l'église collégiale de Saint-
Laurent in Damaso. Avant 1646, les prêtres qui la composaient ne
menaient pas la vie commune ; ils instruisaient le peuple, entendaient
les confessions, prêchaient la parole de Dieu, répandaient la pratique
des exercices spirituels. Le Père Paul Motta mourut le 22 janvier
1650. Il est sorti de la congrégation de Saint-Joseph quelques person-
nages illustres, entre autres le cardinal Michel-Ange Ricci. {Histoire
des Ordres religieux et militaires, par le R. P. Hélyot, nouv. éd.,
Paris, 1792, 8 vol. in-S", t. VIII, p. 25.)
-- 224 —
venir avec un de ladite congrégation du R. P. Paul en
cette ville pour conférer ensemble. Je loue Dieu de ce
qu'il a agréable de se susciter en ce siècle tant de bonnes
et saintes âmes pour l'assistance du pauvre peuple, et
le prie, de toute l'étendue de mon cœur, qu'il bénisse
les desseins de ces saints ecclésiastiques et les fasse
réussir à sa gloire. Quant à l'union, elle est à désirer ;
mais les imions requièrent même fin, mêmes moyens et
encore un même esprit. Quoiqu'on ait les mêmes des-
seins, on ne laisse pas de se désunir. Tous les Ordres de
l'Eglise ont même fin, qui est la charité ; et faute d'avoir
les mêmes moyens, ils ne s'accordent pas toujours. Un
Ordre a même fin, mêmes moyens et même esprit, et il ne
laisse pas d'avoir souvent des désordres.
Je dis ceci. Monsieur, afin que vous voyiez combien
il importe, si nous nous unissons, que nous ayons même
fin, mêmes moyens et même esprit et que, devant que de
nous unir, nous soyons réciproquement informés de nos
prétentions, des moyens d'y parvenir et si nous avons un
même esprit. Or, pour en être informés, ils ont raison de
proposer de nous voir. S'il nous font cette charité. Dieu
sait de quel cœur nous les recevrons et combien bonne-
ment et simplement nous y procéderons.
Je fais réponse à ce bon ecclésiastique ; vous la ver-
rez ; et, s'il est en la même disposition qu'il m'a mandée,
et que le Père Paul y soit aussi, vous la lui baillerez ;
mais, s'il n'y est point, vous ne lui baillerez pas ; et s'il
y est et que le P. Paul n'y veuille pas entrer, vous ver-
rez s'il sera expédient de lui bailler. Si véritable-
ment ils désirent s'unir à nous, tendre à même fin, pren-
dre nos moyens et envoyer quelques-uns ici pour en pren-
dre l'esprit, je pense qu'il n'y aurait rien à redire.
Je viens de me ressouvenir d'une grande faute, dont
je ne me suis pris garde que trop tard ; c'est que.
— 225 —
dans l'expositif de nos bulles ^, l'on parle inju-
rieusement, ce me semble, des curés. Quel moyen d'y
remédier ? Je vous prie de vous en informer et de faire
ôter cela.
157. — A ISABELLE DU FAY
[Entre 1626 et 1635 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !
Je vous remercie très humblement de tout le contenu
de votre lettre et ai été tout consolé de ce que vous me
mandez par icelle, et me promets bien en effet que je
vous trouverai toute forte et généreuse. Or sus, deve-
nons-le donc, Mademoiselle, et tirons notre force de
notre faiblesse, qui sert de sujet à N.-S. pour se rendre
notre force lui-même.
Je loue Dieu de ce que vous me mandez de M. votre
frère-. Mademoiselle, et le prie qu'il aille s'affermissant
de plus en plus dans la fidélité que N.-S. demande de
nous.
Je me porte encore mieux que ces jours passés, et le
médecin, qui vient de sortir de céans, me conseille de
m'en aller à la mission au premier beau temps qu'il fera, à
deux lieues d'ici, 011 l'on la va faire. Je ne manquerai
cependant de me ressouvenir de vous au saint Sacrifice,
3. Bulle Salvatoris Noslri. [Acta AfostoUca in gratiam Congrega-
iionis Missionis, Paris, Chamerot, p. 3 ; Arch. nat., M 209, n» 6.)
Bien que datée du 12 janvier 1632, cette bulle n'était pas encore
promulguée au moment où saint Vincent écrivait cette lettre. Le pas-
sage qui choquait le saint fut supprimé.
Lettre 157. — Reg. i, f" 68 v". Le copiste note que l'écriture de
l'original était de saint Vincent lui-même.
1. Même remarque qu'à la lettre 99, note i.
2. M. de Vincy.
15
220
que je présenterai à Dieu à votre intention, étant, en son
amour, votre
158 — A JACQUES PERDU '
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Béni soit Dieu des difficultés qu'il a agréable que
vous rencontriez ! Il faut bien, en cette occasion, ho-
norer celles que son Fils a eues sur la terre. O Monsieur,
qu'elles étaient bien plus grandes, puisque, pour l'aver-
sion qu'on avait de lui et de sa doctrine, l'on lui interdit
l'entrée de toute province, et [il] lui en coûta la vie ! L'on
a cru rencontrer qu'il a disposé ses disciples lorsqu'il
leur a dit qu'il les envoyait comme des brebis au milieu
des loups, qu'il leur a dit qu'on se moquerait d'eux, qu'on
les bafouerait et leur cracherait au visage, que les pères
se rendraient partie contre les enfants et que les enfants
persécuteraient leurs pères, et finalement quand il a jus-
tifié la cérémonie de secouer leurs robes quand ils se
trouveraient parmi des peuples qui ne profiteraient pas
de leurs enseignements.
Profitons-en nous, Monsieur, en ces rencontres, et
souffrons comme eux les contradictions qui nous sur-
viendront dans le service de Dieu. Ains réjoujssons-nous
comme d'un grand bien, quand elles nous arriveront, et
commençons en cette occasion à en faire l'usage que les
apôtres en ont fait, à l'exemple de leur chef Notre-Sei-
gneur. Si nous le faisons, oh ! assurez-vous que les mê-
Lettre 158. — Recueil du procès de béatification.
I. Prêtre de la Mission, né à Grandvilliers (Oise) le ig avril 1607,
reçu dans la congrégation de la Mission en 1630, ordonné prêtre en
r632, placé à Richelieu en janvier 1638, mort en septembre 1644.
227
mes moyens par lesquels le diable vous a voulu combat-
tre, vous serviront pour l'abattre, que vous réjouirez tout
le ciel et les bonnes âmes de la terre qui le verront ou en-
tendront, et que celles-là même auxquelles vous avez à
faire, vous béniront enfin et vous reconnaîtront le coo-
pérateur de leur salut, mais que hoc genus daemoniorum
non ejicitur nisi in oratione et patientia.
La sainte modestie et récollection intérieure de la
compagnie en seront encore des moyens, et notamment
la circonspection aux demandes qu'on ne fait point
sans difficulté en confession.
Pour l'amour de Dieu, Monsieur, qu'on concerte bien
cela ensemble des choses qu'on doit demander et de la
manière. Monsieur Renar a grande expérience en cela.
Convenez-en ensemble et sachez dominer l'aversion qu'a
ce peuple des missionnaires, afin de vous abstenir de
ce qui les a scandalisés, ou de faire le contraire, si le
cas y échoit. Je vous supplie, Monsieur, de vous informer
de cela et de m'en donner avis, comme aussi du lieu
d'où vient le bruit de ce scandale.
Toutes ces raisons que vous me mandez, pesées, il sera
bon de ne faire désormais qu'un petit catéchisme, oij
tous les garçons et filles se trouveront, sauf à en décider
autrement, si la multitude le requiert. Et, pource que la
saturité de la parole de Dieu dat illis nauseam, suivez
l'avis de Monsieur Renar, s'il vous plaît, à l'égard de la
cessation des prédications, les dimanches et fêtes, voire
à l'égard des autres jours, s'il le trouve à propos avec
Monsieur le prieur, de l'avis duquel il vous aura dit ce
qu'il vous a dit des prédications, comme je crois, et
sagement, puisque contraria contrariis curantur. O Mon-
sieur, que II DUS devons acquiescer volontiers aux avis
d'autrui ! Saint Vincent Ferrier met cette pratique
comme un moyen de perfection et de sainteté. Que si
— 228 —
cela est bon à l'égard d'un particulier, pourquoi non à
l'égard d'une compagnie ? Et n'importe de dire qu'on
ne l'a point accoutumé, pource que le bon plaisir de
Dieu est que nous nous accommodions aux dispositions
des persormages, aux lieux et aux temps. Oh ! faisons
donc comme cela, et vous verrez toujours ce que cela
vous vaudra devant Dieu.
Je vous envoie les orgues et vous enverrai à les ren-
dre, si Monsieur Régnier ^ n'y peut vaquer, ou si tant 2st
que ce Monsieur ne soit point bien modeste et que vous
soyez d'avis que je le rappelle ; et pour cela je vous
supplie de le bien veiller, et Leleu ^ aussi, et de me don-
ner avis exactement de leurs déportements.
Pour le bois et les autres choses, je crains bien que
Monsieur le prieur vous en refuse le paiement. Infor-
mez-vous, s'il vous plaît, où vous en pouvez recevoir
et s'il y a moyen d'en avoir d'ailleurs, quoique les choses
coûtent assez cher.
Je loue Dieu de ce que le bon Monsieur le prieur
d'Aiguë mange avec la compagnie quelquefois. Témoi-
gnez-lui-en de l'agrément et remerciez-le affectionnément
et humblement.
Je vous supplie, de plus, bien recommander la sainte
modestie à la compagnie, comme étant peut-être un des
plus efficaces moyens de profiter à ce peuple.
C'est, Monsieur, ce que je vous puis dire pour le pré-
sent, sinon que j'y ajoute mes très humbles recomman-
dations à Monsieur le prieur, à Monsieur Renar, à Mon-
sieur Flahan ; et je vous prie de faire recommander à
Dieu un affaire d'importance et dire à Monsieur Renar
qu'il sera peut-être expédient qu'il assiste mercredi pro-
2. Jacques Régnier, prêtre de la Mission, né au diocèse de Boulo-
gne, reçu dans la congrégation de la Mission au mois d'août 1627.
3. Ce nom ne se trouve pas dans le catalogue de la Mission.
— 229
chain, à deux heures, à rassemblée où se trouveront Mes-
sieurs les curés et où l'on traitera du catéchisme, qu'il
pourra partir le même jour et être de retour le lende-
main à midi.
Bon soir. Monsieur. Je suis votre serviteur.
Vincent Depaul.
Février 1634.
Suscription : A Monsieur Monsieur Perdu, prêtre de
la Mission, à Poissy.
159. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre janvier et naars 1634 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
L'assemblée se ût hier chez Madame Goussault ^. Mes-
Lettre 159. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Collet {o-p. cit., t. I, p. 232) recule la première assemblée des
dames de THôtel-Dieu jusqu'après le 27 juillet 1634. La lettre 177
rf nous permet pas de la reporter aussi loin. Les récents historiens
de Louise de Marillac, se basant sur cette même lettre 177, placent
l'institution des dames au mois de juin 1634. Ils n'ont pas remarqué
que la lettre 163, postérieure à celle-ci, est, au plus tard, du début
d'avril.
2. Dans ses visites aux malades de l'Hôtel-Dieu, Madame Gous-
sault avait remarqué qu'il y avait beaucoup à faire pour leur sou-
lagement. Elle en parla à Vincent de Paul, qui n'osa s'occuper d'une
œuvre dont d'autres étaient chargés. L'Hôtel-Dieu dépendait des
chanoines de Notre-Dame et plus particulièrement de l'un d'eux, le
maître, auquel ils en confiaient l'administration. Les soeurs augus-
tines donnaient leurs soins aux malades. Elles étaient là près de
cent professes et de cinquante novices, se dépensant avec un soin
digne d'éloges. On conçoit que, dans ces conditions, saint Vincent
n'ait rien voulu entreprendre. Mais Madame Goussault tint bon. Elle
confia son projet à l'archevêque de Paris, pensant qu'il aurait assez
d'autorité sur le saint pour le décider à prendre la direction d'une
société de dames qui subviendraient aux besoins des malades de
l'Hôtel-Dieu. Ce qu'elle avait prévu se réalisa. Vincent de Paul réunit
quelques dames pieuses et charitables dans l'hôtel de Madame Gous-
sault, rue du Roi-de-Sicile. La lettre ci-dessus nous dit ce qui y fut
décidé. '
— 230
dames de Villesabin ^, Bailleul '\ Dumecq ^, Sainctot ^ et
Poulaillon s'y trouvèrent. La proposition fut agréée et
[l'on] résolut d'en faire une autre Itindi prochain ^ que
cependant l'on offrira l'affaire à Dieu et communiera
pour cela et que chacune proposera la chose aux dames
et demoiselles de sa connaissance. Que vous semble de
Mademoiselle Guérin ? Madame de Beau fort * en sera.
L'on aura besoin de vous et de vos filles. L'on estime
qu'il en faudra quatre. C'est pourquoi il faut aviser au
moyen d'en avoir de bonnes. Pensez à la sœur de cette
bonne fille que vous avez. Parlez-en à Michelle. Je ne
sais si la veuve des Clayes ® le désirerait et y serait pro-
pre. Mais que fera-t-on de ses enfants ? Je m'en vas à
Saint-Lazare et reviendrai peut-être à ce soir coucher
/ in
céans '■ .
Madame Goussault me parla hier du rappel du ban-
nissement de cette femme veuve que vous lui avez en-
3. Madame de Villesabin, née Isabeau Blondeau, veuve de Jean
Phelippeaux de Villesabin ou Villesavin, secrétaire des commandements
de Marie de Médicis et comte de Busançais, se faisait remarquer par
son élégance, sa politesse et sa charité. Elle était cérémonieuse à l'excès.
I/affectation qu'elle apportait dans ses manières l'avait fait appeler
la servante très htimble du genre humain. Elle recevait dans son ma-
gnifique hôtel de la Place Royale ce que Paris comptait de plus dis-
tingué. Elle mourut le 26 février 1687, âgée de quatre-vingt-qua-
torze ans.
4. Elisabeth-Marie Mallier, épouse de Nicolas de Bailleul, seigneur
de Vattetot-sur-Mer et de Soisy-sur-Seine.
5. Ce nom revient parfois dans les lettres du saint à Louise de
Marillac, surtout à propos de l'œuvre des Enfants-Trouvés.
6. Marie Dalibray, veuve de .].-B. de Sainctot, trésorier de France,
femme très cultivée et en relation avec les personnages les plus
illustres dans les lettres et les arts. Elle recevait chez elle Pascal
et sa famille. Voiture lui avait dédié sa traduction du Roland furieux.
7. Cette seconde assemblée fut plus nombreuse que la première.
Madame Goussault fut élue présidente. On lui adjoignit une assis-
tante et une trésorière. (Abelly, of. cit., t. I, chap. xxix, p. 133.)
8. Peut-être Suzanne de Fournel, veuve de Gilles de Beaufort, sei-
gneur de Mondicourt, Montdiès, Malmaison et autres lieux, mort en
1631.
9. Petite commune de Seine-et-Oise.
10. Aux Bons-Enfants.
— 23l —
voyée. Je lui ai dit que je feraisconscience deme mêler
de ces choses-là, si je ne connaissais la personne aussi
bien que je vous connais, et que Madame la garde des
sceaux " a grand'peine de se mêler de ces choses-là ; et
si vous m'en croyez, vous vous déchargerez de sembla-
bles emplois. La justice n'en a pas disposé de la sorte
sans de grandes raisons.
Or sus, vous voyez que le sujet de votre travail croît.
Fortifiez-vous le plus que vous pourrez.
Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, v. s.
V. D.
Sîiscriplion : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
160. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre janvier et mars 1634 ^.]
Mademoiselle,
Je vous remercie très humblement de la charité que
vous avez faite à cette bonne veuve ^. Je pense qu'on ne
prendra point de vos filles pour l'Hôtel-Dieu. L'on es-
time que quelques-unes qu'on en présente de la ville se-
ront plus propres pour représenter les dames en leur
absence, et pense qu'on a raison.
Mais comment vous portez-vous ? Je vous prie, man-
dez-m'en un mot. Je loue Dieu de tout mon cœur des
plus tendres affections qu'il vous donne d'être tout à lui,
et suis, en son amour, votre très humble serviteur.
V. D. P.
Excusez si je suis si court ; je suis fort pressé.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
II. Madame Séguier.
Lettre 160. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Nul doute que cette lettre ne doive suivre de près la lettre 159.
2. Peut-être la veuve dont parle la lettre précédente.
232 —
161. — A LOUISE DE MARILLAC
[1634, vers mars ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Il vint hier trois braves filles d'Argenteuil ^ s'offrir à
la Charité, par l'adresse de l'ecclésiastique auquel j'en
avais fait parler et qui me doit venir voir demain pour
cela. Je ne les vous envoyai point, pource qu'il était
trop tard quand elles vinrent ; mais elles vous iront voir
vendredi, à ce qu'elles me dirent.
Je ne vois point grand inconvénient à ce que Jacque-
line^ aille aux noces de son frère ; Marguerite, de
Saint-Paul "*, en fera de même et vous doit adresser aussi
une bonne grande fille, à ce qu'elle dit ; et Mademoi-
selle de la Bistrade ^ et Madame Forest vous doivent
aller prier de les décharger de Nicole, à cause de ses
grandes infirmités et que Marie, qui soutient tout le faix,
n'en peut plus, si vous ne leur baillez quelqu'une à la
Lettre 161. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre semble de peu antérieure à la lettre 163, qui est de
mars ou d'avril 1634.
2. Aujourd'hui chef-lieu de canton en Seine-et-Oise.
3. Dans ses lettres, saint Vincent ne désigne le plus souvent les
Filles de la Charité que par leur petit nom ; parfois, pour prévenir
toute confusion, il ajoute le nom de la localité ou de la paroisse où
elles se trouvent. Il serait difficile aujourd'hui à distance de donner
le nom de famille correspondant, soit parce que nous ne le trouvons
jamais sous la plume du saint ou de Louise de Marillac, soit parce
que plusieurs sœurs portaient le même petit nom.
4. La Charité de la paroisse Saint-Paul à Paris remontait à l'an
1632 ou 1633. Là, comme ailleurs, Louise de Marillac avait mis ses
filles au service des dames.
5. Peut-être l'épouse de Jacques de la Bistrade, seigneur des Ma-
rets, qui fut nommé maître des requêtes le i^'' août 1647 ^^ mourut
le 20 décembre 1650 ; peut-être aussi une parente de Nicolas Pavillon,
le futur évêque d'Alet, qui avait pour mère Catherine de la Bistrade.
— 233 —
place de Nicole '^. Elles vous prieront donc de l'une et
de l'autre, et Mademoiselle de la Bistrade vous promet-
tra de vous payer la nourriture de Nicole. Je lui ai dit
que je vous en écrirai. Pensez-y donc, Mademoiselle, et
si cette pauvre fille si infirme et non propre à la Charité
pourrait gagner sa vie à coudre ou à quelqu'autre métier,
lorsqu'elle sera un peu plus forte ; et faites votre pos
sible, au nom de Dieu, de vous guérir.
Je suis bien aise de ce que vous ne sortîtes point hier.
Prenez quelque chose devant ' sortir, le jour que vous
sortirez. Notre-Seigneur est une continuelle communion
à ceux qui sont unis à son vouloir et non-vouloir.
Je suis, en son amour, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
De Saint-Lazare, ce lundi matin.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
162. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre janvier et mars 1634 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Tout vient à point à qui peut attendre ; cela est vrai,
pour l'ordinaire, plus encore aux choses de Dieu qu'aux
autres. Il n'est pas expédient que ce soit moi qui parle
à Monsieur le Maître^, pour quelque raison particulière,
si ce n'est par rencontre. Si Madame la présidente Gous-
6. Voir lettre 163.
7. Devant, avant de.
Lettre 162. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a suivi de peu de jours l'institution des dames de
l'Hôtel-Dieu.
2. Nom donné au chanoine administrateur de l'Hôtel-Dieu.
— 234 —
sault le trouve à propos, elle lui en pourra dire un mot,
s'il vous plaît de lui faire savoir et qu'elle n'y juge point
de l'inconvénient. Il est vrai qu'il est expédient de voir
encore les dames ^ une fois, tant pour leur donner quel-
que avis touchant cela, que pour leur enseigner comme
elles doivent apprendre aux malades à faire leur examen
et à trouver leurs péchés.
Je n'ai pu encore aller à la Madeleine ; j'y irai demain,
si je le puis ; pardonnez-le-moi cependant. Quant à Ni-
cole, il est bien à craindre qu'elle ne change jamais, à
cause de son âge. De la renvoyer, d'un autre côté, j'aurais
peine de donner ma voix encore. Essayez un peu de la pri-
vation de la communion ; peut-être que cela lui servira ;
sinon, in noniine Doinini. Après que vous aurez fait ce
que vous aurez pu, si elle ne s'amende, vous la ren-
verrez.
Je vous salue cependant et prie Dieu qu'il vous con-
serve en parfaite santé et en son amour, et suis, en ce
même amour de Notre-Seigneur, votre très humble.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
163. — A LOUISE DE MARILLAC
[Mars ou avril 1634 ^.]
Je ne [puis pas ne pas] ^ vous dire. Mademoiselle,
combien je m'en vas à contre-cœur à Villers ^ avec M. Lu-
mague*, pource que je n'ai eu consolation de vous
3. Les dames de l'Hôtel-Dieu.
Lettre 163. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Voir note 5.
2. Les mots placés ici entre crochets ne se trouvent pas dans l'ori-
ginal ; ils ont été oubliés.
3. Villers-sous-Saint-Leu (Oise).
4. Jean-André Lumague, seigneur de Villers-sous-Saint-Leu, père de
Mademoiselle Pollalion et grand ami de saint Vincent.
— 235 —
voir, à cause de nos ordinands, du nombre desquels est
M. le commandeur de Sillery ^ Je vous assure que, si
vous saviez la peine que j'en ai, vous en auriez pitié.
Oh bien ! je vous prie de faire votre possible pour vous
bien porter. J'espère revenir lundi prochain.
Madame Forest est venue céans pour nous remercier
de la bonne grosse fille que vous leur vouliez bailler,
pource que leur Nicole se porte mieux. Cela étant ainsi,
je pense que vous ferez bien de bailler Jacqueline à
l'Hôtel-Dieu, ou bien Jeanne ; et celle qui restera pourra
subvenir à votre Charité ®, avec celle de Grigny ^.
Madame Goussault trouve bon que l'on pense à vous
loger vers Notre-Dame ; pensez-y, s'il vous plait, et
faites votre possible de vous bien porter.
Bon jour, Mademoiselle, je pars dans une heure et
suis V. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
164. — A LOUISE DE MARILLAG
[Avant 1640 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Me voici de retour de la mission de Villers " depuis
hier au soir en bonne santé, Dieu merci. Je vous prie me
5. Le commandeur dit sa première messe le jeudi saint 13 avril
1634, quelques jours après son ordination.
6. La Charité de Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
7. Commune de Seine-et-Oise.
Lettre 164. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Après 1639, saint Vincent aurait écrit les mots « ce mercredi
matin » en tête de la lettre.
2. Villers-sous-Saint-Leu.
— 236 —
mander l'état de la vôtre et si vous trouvez bon qu'on
fasse v^enir deux bonnes grandes filles choisies par Ma-
demoiselle Poulaillon pour la Charité et qui semblent
fort bonnes filles. Mandez-moi donc par ce porteur votre
sentiment, s'il vous plait, pource qu'il faut que j'en
rende réponse demain à Mademoiselle Poulaillon, qui
vous salue et ne sera ici que samedi.
J'aurai le bien de vous voir le plus tôt que vingt-cinq
ordinands me le permettront, et suis cependant, Made-
moiselle, votre serviteur.
V. D.
Ce mercredi matin.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
165. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1634 et 1636 ^.]
Mademoiselle,
Il y a environ un quart d'heure que je viens d'arriver
de la ville. J'ai trouvé l'incluse à mon retour. Vous ver-
rez comme je m'oblige à être demain avant sept heures
à Saint-Lazare, ce qui me privera de la consolation de
vous aller voir demain au matin, comme je m'étais pro-
posé. Vous me le pardonnerez, s'il vous plaît ; et jeudi,
Dieu aidant, je réparerai la faute, ne le pouvant demain,
à cause que nous aurons l'assemblée des ecclésiastiques
à Saint-Lazare ".
J'ai vu, ce matin, la bonne Madame Saunier et l'ai
trouvée toute pleine de feu et de flamme pour la Cha-
rité et disposée à en être. Mais il est arrivé ime difficulté
Lettre 165. — Manuscrit Saint-Paul, p. 73.
1. Cette lettre a été écrite après l'institution des dames de l'Hôtel-
Dieu et avant le transfert des Filles de la Charité à La Chapelle.
2. Pour la conférence hebdomadaire.
— 237 —
en cet affaire, qui fait que l'on juge expédient de dif-
férer l'assemblée des dames, qui se devait faire jeudi,
jusques à un autre jour. Je vous supplie. Mademoiselle,
de lui en donner avis et de faire votre possible pour
vous bien porter ; à quoi vous servira beaucoup de ne
vous pas tant peiner après vos filles, de vous bien nour-
rir et de ne pas sortir si tôt.
Je vous souhaite le bon jour et suis, en l'amour de
Notre- Seigneur...
166. — A LOUISE DE MARILLAC
[i633 ou i634i.[
Mademoiselle,
La grâce de Xotre-Seigneur soit avec vous poui
jamais !
Ma petite fièvre me continuant toujours, j'ai voulu
continuer votre avis, qui est de faire comme j'ai fait
d'autrefois pour cela, qui est de prendre l'air des
champs. Je m'en vas donc tâcher de visiter quelques
Charités ; et peut-être que, si je me porte bien, je m'en
irai jusques à Liancourt ^ et à Montmorency ^ ébaucher
ce que vous pourrez achever après. Mais fortifiez-vous
cependant, je vous supplie. Je vous promets que j'en
ferai de même de mon côté, qui vous salue et suis, en
Lettre 166. — Dossier de la Mission, copie prise sur l'original chez
M. Corregio, de Sainte-Colombe (Loire). Cet original est de la
main du saint.
1. Cette lettre semble de peu de temps antérieure à la lettre 171
qui est de 1634.
2. Localité de l'Oise, célèbre au XVII^ siècle par le magnifique
château du duc de Liancourt. Le duc et la duchesse y fondèrent un
établissement de Filles de la Charité et un séminaire, qu'Adrien
Bourdoise dirigea en personne pendant plusieurs années.
3. Grosse commune de Seine-et-Oise, célèbre autrefois par son
château, son parc et l'Ermitage, séjour de Jean-Jacques Rousseau.
— 238 —
l'amour de Notre-Seigneur, Mademoiselle, votre très
humble [serviteur *].
Vincent Depaul.
Ce mardi, à une heure.
167. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1634 1.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai vu cette bonne allé Madeleine. Je pense qu'il y
aura un peu à travailler à elle, que ses passions sont un
peu fortes. Mais quoi ! quand elles ont la force de se sur-
monter, elles font, après, des merveilles. Vous la rece-
vrez donc, s'il vous plaît ; et je parlerai à Madame la
garde des sceaux ^.
Quant à cette bonne fille d'Argenteuil qui est mélan-
colique, je pense que vous avez raison de faire difficulté
de la recevoir ; car c'est un étrange esprit que celui
de la mélancolie. Il me semble que vous en ave/, assez
pour quelque temps et que vous les devez fort exercer à
lire et à travailler de l'aiguille, afin qu'elles puissent
travailler à la campagne.
Je vous attendrai mardi. Bon jour, Mademoiselle. Je
suis, Mademoiselle, votre serviteur très humble.
Vincent Depaul
4. La copie porte frincifal, titre auquel le saint avait droit, mais
qu'il ne prend dans aucune de ses lettres ; il est hors de doute que
le copiste a mal lu.
Lettre 167. — L. a. — Original à Madrid, dans la maison centrale
française des Filles de la Charité.
1. Cette lettre semble écrite dans les commencements de la compa-
gnie des Filles de la Charité et peu après la lettre 161.
2. Madame Séguier.
— 239 —
Vous renverrez donc la compagne de celle-ci, s'il vous
plaît.
168. — A LOUISE DE MARILLAC
[ 1634 '. ]
Je reçus hier la vôtre, qui m'attendrit un peu le cœur,
voyant par icelle la petite indisposition qui vous a obli-
gée à vous mettre au lit à votre arrivée, et prie bien
Dieu, Mademoiselle, qu'il vous fortifie pour le pouvoir
servir en l'œuvre pour laquelle il vous envoie.
Voici votre règlement de Saint-Nicolas et celui de
Saint-Sauveur ; mais servez-vous, s'il vous plaît, à Beau-
vais de celui de ce lieu-là et tâchez d'y mettre en usage,
comme ailleurs, les choses qui n'y sont pas.
169. — A LOUISE DE MARILLAC, A BEAUVAIS
[1634 '.]
Mademoiselle,
Je vous le disais bien, Mademoiselle, que vous trou-
veriez de grandes difficultés en l'affaire de Beauvais.
Béni soit Dieu de ce que vous l'avez si heureusement
acheminée ! Quand s'établit la Charité à Mâcon^, cha-
Lettre 168. — Manuscrit Saint-Paul, p. 35.
I. Si, comme il semble, Louise de Marillac reçut les lettres i68,
169, 170, 171, 172, 173 et 174 au cours d'un seul et même voyage
dans le diocèse de Beauvais, cette date est la seule qui puisse con-
venir. L'absence de Louise eut lieu vraisemblablement entre
les mois d'avril et de juillet.
Lettre 169. — Manuscrit Saint-Paul, p. 35.
1. La date du 25 juillet 1635 que donne à cette lettre le manuscrit
Saint-Paul a contre elle la lettre 201. Abelly maintient l'année 1635
(of. cit., chap. XV, p. 62) ; Collet a compris qu'elle devait être de
1634 (1. II, p. 105). Elle se rattache aux lettres 168, 170, 171 et
suivantes.
2. C'était vers 1620. Le saint passait par Mâcon. Le grand nombre
de pauvres le frappa. Il s'aperçut que leur dénuement matériel était
— 240 —
cun se moquait de moi et me montrait au doigt par les
rues ; et quand la chose fut faite, chacun fondait en
larmes de joie ; et les échevins de la ville me ârent tant
d'honneur au départ que, ne le pouvant porter, je fus
contraint de partir en cachette pour éviter cet applaudis-
sement ; et c'est là une des Charités [les] mieux établies.
J'espère que la confusion qu'il vous a fallu souffrir au
commencement se convertira en consolation, et que
l'œuvre en sera plus affermi.
J'approuve ce que vous dites, d'ériger la confrérie et
de l'accommoder à l'état des autres du diocèse ; et ai
envoyé votre lettre à M. de Beauvais pour cela, à ce ma-
tin. Il part dès aujourd'hui et pourra être samedi à
Beauvais. Vous lui en parlerez et prendrez garde à vous
ménager dans le peu de santé que vous avez. J'ai bien
peur que cette grande fatigue ne vous accable.
Je salue de tout mon cœur et suis très humble servi-
teur de la bonne Madame Villegoubelin, votre bonne et
charitable hôtesse, laquelle la Providence a menée à pro-
pos à Beauvais pour faire le bien qu'elle y fait. Oh !
que je lui souhaite une meilleure santé et une très longue
et heureuse vie ! Ayez soin de la vôtre, Mademoiselle,
je le vous dis encore derechef.
peu de chose auprès de leur dénuement spirituel. Il y avait du bien à
faire, il s'arrêta. Les hommes et les femmes de la classe aisée, répon-
dant à son appel, s'associèrent en deux confréries distinctes. Aux pre-
miers il confia l'assistance des pauvres ;■ aux secondes, le soin des
malades. L'évêque, les chanoines, le lieutenant général le secondè-
rent de leur mieux. Un règlement fut fait et appliqué. Le saint donna
la première aumône et se retira, salué par la reconnaissance de tous.
(Abelly, of. cit., t. I, chap. XV, p. 61 et suiv.)
— 241 —
170. — A LOUISE DE MARILLAC
[i634^]
Mademoiselle,
Je me sens pressé par l'aumône de Madame la garde
des sceaux - de faire ce qui se pourra pour établir la Cha-
rité dans Saint-Laurent ^ ; mais j'attendrai que vous
soyez ici pour y travailler.
J'ai encore votre lettre à Mademoiselle Guérin et ai vu
Marguerite *, de Saint-Paul, qui trouve le fardeau de
cette paroisse-là insupportable, à cause de la gran-
deur d'icelle et de la quantité des malades et que les
dames ne vont point.
171. — A LOUISE DE MARILLAC
[1634».]
Je vous remercie de l'avis qu'il vous a plu me don-
ner de l'état de 'la Charité de Beauvais. M. de Beau-
vais ^ y doit aller faire la mission au mois d'octobre.
Peut-être qu'alors l'on pourra disposer plus de personnes
à s'y mettre. Mondit sieur de Beauvais s'en va faire la
mission à Liancourt ; peut-être que vous y serez aupa-
ravant ; ne vous hâtez pas pourtant pour l'éviter. Sui-
vez l'ordre de la Providence. Oh ! qu'il est bon de se
laisser conduire par elle !
Lettre 170. — Manuscrit Saint-Paul, p. 35.
1. La Charité de Saint-Laurent fut fondée en 1634. (Voir lettre
179- )
2. Madame Séguier.
3. Nom de la paroisse sur laquelle était située la maison de Saint.
Lazare.
4. Fille de la Charité
Lettre 171. — Manuscrit Saint-Paul, p. 36.
1. Voir lettre 168, note i.
2. Augustin Potier, évêque de Beauvais.
16
— 242 —
Ayez bien soin de votre santé et n'épargnez rien pour
vous nourrir pendajit votre grand travail ; j'ai toujours
opinion que vous ne vous nourrissez pas assez.
Je vous supplie de saluer très affectionnément, de ma
part, la bonne Mademoiselle du Coudray et toutes les
bonnes sœurs de la Charité de Bulles, sans oublier la
bonne Mademoiselle Toinette, à Clermont, si le loisir
vous permet de la voir.
172. — A LOUISE DE MARILLAC
[i634'.]
Je suis bien étonné. Mademoiselle, de ce que vous
n'avez reçu deux de mes lettres, dont j'ai baillé l'une à
M. le théologal de Beauvais, et je lui ai envoyé l'autre,
pour les vous bailler en main propre. Or, il m'a mandé
qu'il vous avait envoyé la première, et pour la seconde,
que vous étiez déjà partie pour Bulles ^ et qu'il tâcherait
de la vous faire tenir. Certes, je ne me puis empêcher de
penser je ne sais quoi. Oh bien ! cela n'est rien, il faut
acquiescer à tous les rencontres de la Providence.
Pour Gournay ^, si Madame la présidente * y est, ce
que je ne sais pas, ni ne le puis savoir, il est trop tard
d'y envoyer. Je dis donc qu'au cas qu'elle y soit, qu'il
lui faudra deux jours pour le moins. Donnez-lui-en au-
tant que vous trouverez bon, s'il vous plaît.
Monsieur de la Salle a vu la femme que Madame de
Longueville ^ a fait enfermer à Creil selon le désir de
Lettre 172. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I Voir lettre 168, note i.
2. Dans l'Oise
3. Gournay-sur-Aronde (Oise). René de Marillac, cousin germain
de Louise de Marillac, avait épousé Marie de Creil, fille du seigneur
de Gournay.
4. Probablement la présidente de la Charité.
5. Louise de Bourbon, sœur du dernier comte de Soissons, épouse
— 243 —
Madame de Liancourt '^. Vous direz, s'il vous plaît, à
madite dame qu'il n'a pu tirer autre raison de cette
bonne femme sinon qu'elle fera tout ce qu'on voudra,
pourvu qu'elle ait liberté, et qu'elle ne retombera plus
au mal. Et, pour le regard des enfermés, ledit sieur de
la Salle juge que jamais elle n'y entendra.
Je salue très humblement madite dame et suis son
serviteur.
J'ai reçu la lettre et les clefs que Madame de Longue-
ville m'a envoyées.
Quant à la peine que vous avez eue, que vous me mar-
quez vers la an de votre lettre, nous en parlerons.
Je salue Mademoiselle Poulaillon.
Madame la présidente Goussault est de retour depuis
deux jours.
Je suis v. s.
V. D.
Suscriftion : A ^Mademoiselle ^^lademoiselle Le Gras,
à Liancourt.
de Henri II, duc de Longueville. Elle mourut le 9 septembre 1637,
laissant une fille, Marie d'Orléans, demoiselle de Longueville.
6. Jeanne de Schomberg, fille du maréchal Henri de Schomberg,
épouse de Roger de Liancourt du Plessis, avait de la piété et des
talents. On a d'elle un opuscule intitulé Hèglement donné -par une
dame de haute qualité à Madame '" {la princesse de Marsillac),
sa petite-fille, édité par l'abbé Jean-Jacques Boileau, Paris, 1698,
in-i2. Le château de Liancourt était renommé pour la beauté de ses
jardins et ses admirables jets d'eau. C'était une demeure vraiment
princière, que connaissait toute la haute société. Madame de Lian-
court y reçut plus d'une fois Louise de Marillac, qu'elle appelait sa
chère amie. Elle l'aida puissamment dans ses œuvres de charité, se-
conda le zèle d'Adrien Bourdoise et prit sous sa protection les Filles
de la Providence. Pascal, Arnauld, et Le Maistre de Sacy finirent par
la gagner complètement au jansénisme elle et son mari. Elle mourut
au château de Liancourt le 14 juin 1674, âgée de soixante-quatorze
ans. L'abbé Boileau a écrit sa vie en tête de l'opuscule mentionné ci-
dessus. On trouve aussi sa notice dans l'ouvrage janséniste de l'abbé
Leclerc, Vies intéressantes et édifiantes de religieuses dji Port-
Royal et de flusieurs -personnes qui leur étaient attachées, 1750-1752,
4 vol. in-i2, t. I, p. 411 et suiv.
— 244 —
173. — A LOUISE DE MARILLAC, A LIANCOURT
[i634^]
Béni soit Dieu, Mademoiselle, de la bénédiction qu'il
vous a donnée à Beauvais et à Bulles, et plaise à sa bonté
la continuer où vous êtes.
La proposition de l'établissement de la Charité me
paraît bien ; mais je crains bien que la maison ne la
ruine -. Les sœurs de la Charité se déchargeront dans
peu du soin d'aller trouver les malades chez eux et se
contenteront d'apporter l'ordinaire à l'Hôtel-Dieu, et les
gardes des malades y contribueront pour se décharger
de la même peine ; de sorte que les unes et les autres
contribuant à ce désordre, il arrivera bientôt. L'expé-
rience que nous en avons à Joigny me le fait craindre
avec sujet. Ce qui se peut, quant à présent, est de faire
l'établissement et de travailler à avoir des fi.lles. J'ap-
prouverais que vous laissassiez Marie pour commencer,
n'était le besoin que vous en avez. Si Madame ^ vous pou-
vait donner quelque personne propre pour cela, ou Ma-
demoiselle Pavillon, vous la pourriez laisser et dresser
ici celles que Madame vous pourra donner, ou la sœur
de l'écolier que les gardes des malades de Saint-Nico-
las entretiennent, qui m'est venue voir et s'est offerte à
venir toutes fois et quantes qu'on voudra. Elle me pa-
raît bonne fille. Je vous enverrai Monsieur de la Salle,
qui pourra arriver à Liancourt samedi au soir ou di-
manche matin. Vous verrez cependant, avec Madame, ce
qui sera pour le mieux ; mais il ne faut pas ou-
Lettre 173. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Voir lettre i68, note i.
2. Madame de Liancourt tenait à ce qu'il y eût une maison com-
mune où se ferait la distribution des secours et des remèdes. La visite
à domicile en aurait souffert.
3. Madame de Liancourt.
— 245 —
blier d'avoir la permission de Monseigneur de Beauvais
pour faire l'établissement, si déjà il ne l'a donnée. Que
s'il a dit à Madame qu'il le veut bien, c'est assez.
Que si Madame n'a point cette permission et qu'elle
écrive à Monsieur de Beauvais, et il lui plaît envoyer
Monsieur Duchesne ^ pour faire la prédication le
dimanche, M. de la Salle fera le reste, et la pré-
dication aussi, au cas que ledit sieur Duchesne ait com-
mencé ses remèdes ; mais pource que M. de la Salle a
ime espèce de sciatique à la cuisse, qui l'empêche de
marcher. Madame lui fera la charité, s'il lui plait, de lui
envoyer un cheval qui soit ici demain au soir.
Quant à ce qui reste à faire à Beauvais, je pense qu'il
est nécessaire que vous y repassiez et qu'y étant vous
demandiez à Monsieur le théologal la lettre que je vous
écrivis par son adresse dimanche passé, s'il ne la vous a
envoyée. Et voilà tout ce que je vous dirai pour le pré-
sent, sinon que M. de la Salle vous portera des nouvelles
de M. votre fils.
Je suis cependant en l'amour de Notre-Seigneur,
Mademoiselle, votre très humble serviteur.
V. D.
De Saint-Lazare, ce vendredi à 2 heures.
174. — A LOUISE DE MARILLAC, A LIANCOURT
L1634 '.]
Mademoiselle,
Je crains ia maison -, si Madame ^ y met à présent les
4. Jérôme Duchesne, archidiacre de Beauvais.
Lettre 174. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Voir la lettre 168, note i.
2. Voir la lettre précédente, note 2.
3. La duchesse de Liancourt.
— 246 —
filles ■*. Elle verra dans quelque temps s'il sera expé-
dient qu'elle y fasse transporter les malades. La saison
n'est guère aisée pour l'établissement de la Charité en
plusieurs endroits. Si Madame ne se contente de Lian-
court pour le présent, je pense qu'il n'est pas expédient
qu'elle le fasse qu'en deux ou trois villages contigus
seulement.
A'Ionseigneur de Beauvais désire que nous parlions
à plein fond de l'union de la Charité au Rosaire ^ pour
tout son diocèse. Alors Madame pourra établir et
unir le Rosaire et la Charité, à l'instar de ce qui aura
été résolu. Mondit seigneur me mande que je lui en
écrive ma pensée et qu'il en conférera cependant avec le
R. P. prieur des Jacobins ^. Peut-être sera-t-il nécessaire
de se voir pour cela, pource que les Pères de cette ville
en font difficulté.
Tout considéré, je pense qu'il n'est pas expédient que
vous retourniez pour le présent à Beauvais. Quand vous
aurez fait à Liancourt et, si besoin est, à Gournay, ainsi
que Mademoiselle Poulaillon vous y pourra convier, si
vous le trouvez bon, un peu de repos sera nécessaire ; et
étant ici, l'on travaillera au règlement de Beauvais. Je
pense même qu'il n'est pas expédient à présent d'arrêter
celui de Liancourt, à cause de cette maison et des filles ;
mais baillez-leur l'ordinaire non signé ; car l'expérience
fera peut-être voir qu'il faudra ajouter ou diminuer.
Notre-Seigneur ayant donné la loi de grâce aux hommes
4. Les filles de bonne volonté qui devaient aider les dames dans
leurs œuvres de charité.
5. La confrérie du Rosaire était alors très répandue dans les villes
et les villages. Saint Vincent l'avait établie à Clichy quand il en était
curé. (Abelly, of. cit., t. I, chap. vi, fin, p. 27.)
6. Les religieux de Saint-Dominique, directeurs de la confrérie du
Rosaire^ n'étaient pas en général favorables à l'union de cette con-
frérie avec d'autres.
— 247 —
sans l'écrire, faisons ici de même pour quelque temps. Je
suis cependant v. s.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
175. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1632 et 1636*, probablement le 22 juillet -.]
Je suis comme vous, Mademoiselle ; il n'y a rien qui
me peine plus que l'incertitude ; mais, certes, je désire
bien qu'il plaise à Dieu me faire la grâce de me rendre
tout indifférent, et à vous aussi. Or sus, nous travaille-
rons, s'il plaît à Dieu, à nous acquérir cette sainte vertu.
Je fus hier jusques à cinq heures à Saint- Victor ^ avec
Monseigneur l'archevêque *, qui m'avait commandé de
m'y rendre ; et à cette heure-là, il me fi.t monter en car-
rosse pour aller à la ville avec lui, d'où je m'en vins cou-
cher céans ^ sans aller au collège. Cela est cause que
vous n'eûtes point de mes nouvelles. Si tantôt, après-
dînée incontinent, vous prenez la peine de vous rendre
au collège, nous parlerons de tout, et je serai, en l'amour
de Notre-Seigneur, celui de la sainte Vierge et de sainte
Madeleine ^, votre serviteur.
Lettre 175. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre suit la prise de possession de Saint-Lazare (8 jan-
vier 1632) et précède l'établissement des Filles de la Charité à La
Chapelle (mai 1636).
2. Voir note 6.
3. A l'abbaye Saint- Victor.
4. Jean-François de Goadi.
5. A Saint-Lazare.
6. Ce mot laisse supposer que saint Vincent écrivait sa lettre le
22 juillet, fête de sainte Marie Madeleine.
— 248 —
176. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre i634 et 1636 '.]
Voilà donc enfin la première victime que Notre-Sei-
gneur a voulu prendre de vos Filles de la Charité ^. Béni
en soit-il à jamais ! J'espère, ^Mademoiselle, qu'elle est
très heureuse, puisqu'elle est morte dans l'exercice d'une
vertu avec laquelle elle ne s'est pu perdre ; car elle
est morte dans l'exercice du divin amour, puisqu'elle
est morte dans celui de la charité. Je prie Notre-Sei-
gneur qu'il soit là dedans votre consolation et celle de
nos très chères sœurs. Je vous supplie de leur donner
à toutes le bon jour de ma part.
Il me semble que c'est beaucoup de différer l'enter-
rement à demain, attendu que vous n'avez autre cham-
bre pour le ^ mettre et qu'il est à craindre que cela ne
soit à trop grand'peine à nos filles malades et à vou.s.
Vous en pourrez dire un mot à Saint-Nicolas *, si cela
se pourrait, ce soir ; sinon, à la bonne heure, vous enver-
rez le billet comme il est, mais les officières ne se pour-
ront point trouver si matin.
Quant aux habits de la fille, je ne vois pas d'incon-
vénient qu'on les baille à la mère ; cela n'empêchera
pas la charité que vous lui ferez, comme de vingt sels
ou demi-écu par mois. Je pense qu'il suffira d'envoyer
aux filles et non aux officières des paroisses.
Lettre 176. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite entre la fondation des Filles de la Cha-
rité (29 novembre 1633) et le transfert de leur maison-mère à La
Chapelle (mai 1636).
2. Il ne s'agit certainement pas de Marguerite Naseau, morte de la
peste à l'hôpital Saint-Louis.
3. Le corps de la défunte.
4. Au curé de Saint-Nicolas.
— 249 —
Pour le reste qui est à la fi.n de votre lettre, je le veux
bien, et suis, en l'amour de Notre-Seig-neur...
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
177. — A FRANÇOIS DU COUDRAY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A ROME
25 juillet 1634.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je reçus hier la vôtre du 2 de ce mois, par laquelle
[vous] me parliez de Saint-Lazare et comme vous avez
mis cet affaire en état. Vous me parlez de plus de la ver-
sion de la Bible syriaque en latin et du jeune homme ma-
ronite, et m'envoyez la copie d'une partie des privilèges
qu'avez obtenus. Or, je vous dirai que je vis hier Mon-
sieur l'avocat général Bignon, estimé des plus savants et
des plus pieux et des plus capables hommes de sa charge
de la chrétienté \ touchant Saint-Lazare. Son avis est
donc que, quoiqu'il ne juge pas nécessaire que nous re-
courions à Rome, que nous le fassions néanmoins, pour
arracher, comme il dit, tous les prétextes que l'on pour-
rait avoir ci-après de nous inquiéter, mais pourtant qu'il
Lettre 177. — Recueil du procès de béatification.
1. Jérôme Bignon, avocat général au Parlement de Paris, conseil-
ler d'Etat et bibliothécaire du roi, était, au témoignage de Moreri
(Le grand Dictionnaire historique, Paris, 1718, 5 vol. in-f°J, a un
de ces génies extraordinaires que les derniers siècles peuvent hardi-
ment opposer aux plus grands personnages de l'antiquité ». A qua-
torze ans, il était déjà l'auteur des Discours de la ville de Rome,
fricifales antiquités et singularités d'icelle. L'année suivante, parais-
sait le Traité sommaire touchant Véleciion du Pafe. Sa grande science
juridique en fit le conseiller écouté d'Anne d'Autriche. Il travailla au
traité d'alliance avec la Hollande (1649) ^^ au traité conclu avec les
villes Hanséatiques (1654). Il mourut le 7 avril 1656, à l'âge de
soixante-dix ans.
— 250 —
faut tâcher d'en avoir le meilleur marché que l'on
pourra ; que c'est beaucoup de mille écus ; que vous
ferez un effort pour l'avoir le meilleur marché qu'il vous
sera possible ; que vous leur fassiez entendre que ce bé-
néfice ne dépend point du Pape, qu'il n'était point aux
religieux de Saint- Augustin ; qu'il est à la ville de Pa-
ris et que la collation en a toujours appartenu à l'évêque
de Paris ; que les prieurs lui ont rendu compte tous les
ans de l'administration du revenu ; que cette adminis-
tration leur a été baillée il n'y a que cent ou six vingts
ans ; que ce bien a été administré auparavant par des
prêtres séculiers et quelquefois par des laïques, pource
que c'est une maladrerie ; qu'il se trouve qu'il y a en-
viron trois cents ans un évêque de Paris, nommé
Fulco -, ôta cette administration à quelques prêtres sé-
culiers, qui vivaient en commun dans la maison, dont
l'un était administrateur, et le donna à d'autres, sans
autre autorité que de la sienne ; que Poncher, aussi évêque
de Paris ^, l'ôta des mains des prêtres séculiers, qui vi-
vaient aussi en commun et dont l'un était prieur, que
l'évêque commettait ad nutum, notez cela, et le mit entre
les mains des chanoines réguliers de Saint-Augustin, l'an
mil cinq cent dix-sept, et en donna l'administration à
l'un d'eux, qu'il nomma prieur, déposable aussi ad nu-
tum, sans autorité du Pape, ni d'autre que de la sienne,
non pas même du roi, ni de la cour ; que les provisions
de ces prieurs ont toujours été ad nutum ; que tous ont
2. Fulco de Chanac, évêque de Paris de 1342 au 25 juillet 1349,
jour de sa mort.
3. Etienne de Poncher occupa le siège de Paris de 1503 à 1519. Par
acte du 20 février 1518, « il promet, tant pour lui que pour ses suc-
cesseurs, de nommer audit prieuré et maison hospitalière de Saint-
Lazare un religieux de la congrégation dudit Saint- Victor, tant
qu'elle sera en réforme, et qu'en cas que ladite réforme vienne à
se relâcher, lesdits évêques de Paris rentreront en leurs droits d'y
établir, comme auparavant, tels autres ecclésiastiques qu'ils voudront. »
(Arch. Nat. MM 534.)
— 251 —
rendu compte à l'évêque de Paris et finalement que ja-
mais aucun prieur n'a pris provision en cour de Rome
que celui-ci, pour tâcher de se perpétuer, huit ou dix ans
après qu'il a été fait prieur par Monsieur l'évêque
de Paris, et vous verrez cela même par ses provisions,
dont je vous ai envoyé la date ; que je vous prie de tenir
et de bien considérer cette remarque que je vous dis ici,
de la nature de Saint-Lazare, et pour le faire considé-
rer aux officiers de cette cour-là ; et, quoique le béné-
fice ne dépende point du Pape, néanmoins, par la dévo-
tion que nous avons de ne rien posséder que de son auto-
rité, nous avons désiré en cela et son approbation et sa
bénédiction. Monsieur l'avocat général, qui connaît la
cour de Rome, pour y avoir été, croit que, si vous repré-
sentiez bien tout cela aux officiers, que vous en sorti-
riez bientôt et à bon marché ; que si, après tout, vous
n'en pouvez avoir raison dans un mois après les ré-
ceptions des présentes, il est d'avis que cela ne vous
empêche pas de vous en revenir ; car la confiance que
nous devons avoir à la borme volonté de Monsieur Mar-
chand, et les recommandations que nous en ferons faire
de deçà, nous en feront venir à bout à condition rai-
sonnable, ainsi qu'on fait en choses semblables, à la
longue.
C'est pourquoi, Monsieur, je vous supplie très hum-
blement d'en user de la sorte et de ne vous pas arrêter
pour cela, non plus qu'à la proposition qu'on vous fait
de travailler à la version de la Bible syriaque en latin.
Je sais bien que la version servirait à la curiosité de
quelques prédicateurs, mais non, comme je pense, au
gain des âmes du pauvre peuple, auquel la Providence
de Dieu vous a prédestiné de toute l'éternité. Il vous
doit suffire. Monsieur, que, par la grâce de Dieu, vous
avez employé trois ou quatre ans pour apprendre
— 252 —
l'hébreu et que vous en savez assez pour soutenir la cause
du Fils de Dieu en sa langue originaire et confondre
ses ennemis en ce royaume. Représentez- vous donc, Mon-
sieur, qu'il y a des millions d'âmes qui vous tendent les
mains et vous disent ainsi : Hélas ! Monsieur du Cou-
dray, qui avez été choisi, de toute l'éternité, par la provi-
dence de Dieu pour être notre second rédempteur, ayez
pitié de nous, qui croupissons dans l'ignorance des cho-
ses nécessaires à notre salut et dans les péchés que nous
n'avons jamais osé confesser, et qui, faute de votre se-
cours, serons infailliblement damnés. Représentez-vous
de plus. Monsieur, que la compagnie vous dit qu'il y
a trois ou quatre ans qu'elle est privée de votre présence,
qu'elle commence à s'en ennuyer et que vous êtes des
premiers de la compagnie, qu'en cette qualité elle a
besoin de vos conseils et de vos exemples. Et écoutez,
s'il vous plaît. Monsieur, que mon cœur dit au vôtre
qu'il se sent extrêmement pressé du désir de s'en aller
travailler et de mourir dans les Cévennes et qu'il s'en
ira, si vous ne venez bientôt dans ces montagnes, d'où
l'évêque crie au secours et dit que ce pays, qui a été
d'autres fois des plus dévots du royaume, périt main-
tenant de mal faim de la parole de Dieu ; qu'il n'y
a point de village où il n'y ait quelques catholiques
parmi les huguenots, excepté cinq ou six ; et il y en a
quantité où il n'y a point de prêtres, ni d'églises, qui
peut-être attendent leur salut de vous et de moi.
Venez donc. Monsieur, et ne tardez plus, s'il vous plaît,
si ce n'est environ à un mois ou six semaines, pour faire
des efforts pour l'affaire de Saint-Lazare ; et je vous
attendrai, au plus tard, vers la an de novembre ; et
amenez quand et vous, s'il vous plaît, le bon Monsieur
Gilioli ^ et ce bon enfant maronite, si vous pensez qu'il
4. Jean Gilioli, prêtre de la Mission, inscrit par distraction au ca-
— 253 —
désire se donner à Dieu en cette petite compagnie ; et
exercez-vous, s'il vous plaît, en venant, à son grec vul-
gaire, pour l'enseigner ici, si besoin est ; que sait-on ?
Monsieur l'ambassadeur de Turquie ^ m'a fait l'hon-
neur de m'écrire, et réclame des prêtres de Saint-Nicolas
et de la Mission et pense qu'ils pourront plus faire de
delà que je n'oserais vous dire. Or sus, nous verrons ce
qu'il conviendra faire lorsque vous serez de deçà, tant
en cela qu'en toutes autres choses qui regardent notre
affermissement.
Mais, au nom de Dieu, Monsieur, faites votre possible
pour obtenir les indulgences que Sa Sainteté a données
aux Révérends Pères jésuites et de l'Oratoire, quand ils
vont en mission à la campagne. L'indulgence est plénière
pour ceux qui assistent à leurs instructions, se confes-
sent et communient avec eux à la campagne. Et plût à
Dieu que vous en puissiez aussi obtenir pour les con-
fréries de la Charité, qui font des merveilles, par la
grâce de Dieu ! Nous l'avons établie en plusieurs pa-
roisses de cette ville et en avons fait une depuis peu,
composée de cent ou six vingts dames de haute qualité ^,
qui visitent tous les jours et assistent, quatre à quatre,
huit ou neuf cents pauvres ou malades de gelées, con-
sommés, bouillons, confitures et toutes autres sortes de
douceurs, outre leur nourriture ordinaire, que la maison
leur fournit, pour disposer ces pauvres gens à faire con-
fession générale de leur vie passée et procurer que ceux
qui mourront partent de ce monde en bon état et que
ceux qui guériront fassent résolution de ne jamais plus
offenser Dieu, de sorte que cela se fait avec une béné-
talogue des frères coadjuteurs, était né à Ferrare vers 1606 et était
entré dans la congrégation de la Mission en juillet 1629.
5. Le comte de Marcheville.
6. Les dames de l'Hôtel-Dieu.
— 254 —
diction particulière de Dieu, et non seulement à Paris,
mais aussi aux villages ; et c'est pour cette confrérie de
la Charité que Mademoiselle Aubry de Vitry vous de-
mande des indulgences, c'est-à-dire pour les femmes
qui sont du corps de la confrérie et pour ceux qui ont
soin des aumônes.
Or sus, Monsieur, voilà une longue lettre ; mais quoi !
il n'y a pas de moyen que j'aie quitté la plume plus tôt,
tant je me console en vous parlant.
Et il faut que je vous prie encore de nous apporter
cinq ou six livres semblables aux trois premiers que
vous nous avez envoyés touchant les paroisses de la con-
grégation des prêtres de l'Assomption de Notre-Dame
dans les jésuites de Naples, faite par le P. Savone,
jésuite, et s'il y en a quelqu'autre qui nous puisse servir
pour les missions et pour nos ordinands.
Au reste, Monsieur de Creil '' ne m'a point demandé
de l'argent. J'attendrai qu'il le fasse, pource que j'y ai
déjà envoyé et qu'on ne l'a pas trouvé, et que je crois
que, s'il avait reçu l'ordre, qu'il le nous aurait fait de-
mander.
Je suis cependant, en vous priant d'avoir soin de votre
santé, dans l'amour de Notre-Seigneur, en l'amour du-
quel je suis votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
J'oubliais à vous dire que je n'ai point reçu les Bulles
et que je loue Dieu de ce que vous les avez fait raccom-
moder, et en ai une joie que je ne vous puis exprimer.
Suscription : A Monsieur Monsieur du Coudray, prê-
tre, à Rome.
7. Jean de Creil, seigneur de Gournay, secrétaire du roi, père de
Madame de Marillac.
255
178. — AU PAPE URBAIN VIII
[Entre juillet et novembre i634 ^]
Beatissime Pater,
Adest in suburbio Sancti-Dionysii civitatis Pari-
siensis quaedam domus hospitalis Sancti-Lazari, lepro-
saria nuncupata, ab infrascriptis praeposito et scabinis,
pro habitatoribus civitatis Parisiensis lepra afflictis
alendis curandisque, priscis temporibus instituta et do-
tata, quae, tractu temporis, prioratus nomen seu deno-
minationem sortita est, et etiam nunc prioratus appella-
tur, quaeque, prout ejus reditus, ab ipso illius funda-
tionis primordio, a quibusdam presbyteris saecularibus
seu regularibus, aut forsan etiam laïcis, a pro tempore
existente Episcopo Parisiensi poni et amoveri solitis, ad-
ministrati fuerunt, donec de anno millesimo quingen-
tesimo decimo tertio aut millesimo quingentesimo decimo
quarto bonae memoriae Poncher ^, tune Episcopus Pari-
siensis, administrationem hujusmodi canonicis regulari-
bus reformatis Ordinis Sancti-Augustini demandavit, il-
losque in dictum prioratum introduxit, cum onere horas
canonicas in ecclesia ipsius prioratus recitandi et missam
cantatam quotidie celebrandi et pauperes leprosos adve-
nientes recipiendi eisque necessaria subministrandi, et,
cum hoc, quod is ex dictis religiosis quem dictus et pro
tempore existens Episcopus Parisiensis in priorem depu-
taret, ad ejus nutum prioratus seu domus hospitalis et
redituum hujusmodi administrator esset, cum onere
Lettre 178. — Parisien. Beatificationis et Canonizationis Ven. Ser-
vi Dei Vinceniii de Paulis. Sufer dubio : An constet de virititibus
theologalibus... Suin7narium responsivum, p. 43 et suiv.
1. Cf. lettres 177 et 188.
2. Etienne de Poncher ( 1503-15 19).
- 256 -
administrationis suae rationem quotannis eidem epis-
copo reddendi.
Xuper vero Adrianus Le Bon, presbyter ejusdem Or-
dinis expresse professus, modernus prior seu adminis-
trator, ad nutum a bonae memoriae Henrico de Gondy,
dum vixit, Sanctae Romanae Ecclesiae Cardinali de
Retz nuncupato et Ecclesiae Parisiensis praesule ^, de-
putatus, et alii ejusdem prioratus seu hospitalis domus
religiosi, devoti Sanctitaitis Vestrae oratores, consi-
dérantes in praesentiarum et a multo jam tempore in
dicto prioratu seu leprosaria nullos ad fuisse nec adesse
leprosos atque ita reditus a fundatoribus relictos desti-
natis usibus amplius non inservire et operae pretium fore
eosdem reditus iis operariis assignare qui, si non corpo-
rali, sane animarum lepra afflictis spiritualia pabula et
medicamina porrigunt ; inter caetera vero instituta
maxime conspicuum esse institutum congregationis pres-
byterorum ISIissionis, non ita pridem in civitate Pari-
siensi apostolica auctoritate erectae, cujus alumni, pro
suo proprio et peculiari instituto, instructionem rustico-
rum in villis et pagis habitantium, in rébus quae ad saîu-
tem animarum pertinerent, gratis et amore Dei, laborum
suorum mercedem a solo Deo expectantes, sibi propo-
suerunt ; quo in opère exercendo eos tantam tamque
sedulam operam indefessis animarum corporumque stu-
diis impendisse et impendere notum est, ut, eorum doc-
trina, multi in diversis Galliae regionibus atque provin-
ciis, tum vero praecipue in Montis-Albani dioecesi, hae-
resis labe infecti, ut per Galliam vulgata fama est, ab-
jurata haeresi, catholicam ûdem amplexi sint.
Atque ita existimantes a fundatorum intentione alie-
num non fore, si dicti reditus, corporali leprae curan-
3. Henri de Gondi, premier cardinal de Retz, occupa le siège de
Paris de 1598 à 1622.
— 257 —
dae destinati, animarum lepram curantibus assignentur,
eisque suppetentibus sibi facultatibus corporalia etiam
pabula praebituris, cum devoto etiam Sanctitatis Vestrae
oratore Vincentio de Paul, ipsius congregationis supe-
riore, nomine ejusdem congregationis stipulante et accep-
tante, sub Sanctitatis Vestrae et Sedis Apostolicae ac Ar-
chiepiscopi Parisiensis beneplacito, contractum inierunt,
per quem idem Adrianus, prier seu administrator, et reli-
giosi prioratus seu domus hospitalis hujusmodi pro om-
ni suo jure et interesse consenserunt quod dictus prio-
ratus, una cum ecclesia et aedificiis ac omnibus et sin-
gulis suis bonis, juribus, fructibus, pertinentiis et depen-
dentiis, concederetur seu uniretur dictae congregationi,
et omni cuicumque juri eis in dicto prioratu seu lepro-
saria vel ejus administratione competenti cesserunt, cum
infradictis tamen conditionibus, reservationibus et pac-
tis, videlicet quod tota habitatio quam in dicto prioratu
occupabat dictus Adrianus, prior seu administrator ille,
vita illius durante, atque etiam denominatio prioris rema-
neret, et a dicta habitatione quacumque causa vel occa-
sione amoveri non posset, liberumque ei esset ad eccle-
siam prioratus seu domus hospitalis hujusmodi accedere
divinisque ofâciis in suo loco seu sede assistere in capi-
tule et refectorio, cum ei liberet intervenire, eique reser-
vata intelligeretur, vita sua durante, terra de Rouge-
mont "* a dicto prioratu seu hospitali domo dependens,
cum omnibus ejus pertinentiis, et cum hoc quod pres-
byteri dictae congregationis eidem Adriano pro sua
portione seu loco pensionis, quamdiu vixerit, bis mille
et centum libras monetae illarum partium ab omnibus
4. La ferme de Rougemont, située dans la forêt de Bondy (Seine)
comprenait une grande étendue de bois et de terres cultivées. Adrien
Le Bon en fit donation à saint Vincent le ri février 1645 " pour la
bonne amitié et affection » qu'il portait à Messieurs de Saint-Lazare.
(Arch. nat., S 6698, pièces i et 2.)
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decimis ordinariis et extraordinariis, reparationibus, pen-
sionibus religiosorum et aliis oneribus et impositionibus
libéras, annis singulis, in quatuor terminis, nempe Pas-
chalis Resurrectionis Dominicae, Nativitatis sancti Joan-
nis-Baptistae, sancti Remigii et Nativitatis Domini Nos-
tri Jesu Christi festivitatibus, primo solutionis termino
in altéra dictarum festivitatum apprehensionem pos-
sessionis dicti prioratus seu domus hospitalis per dictos
presbyteros immédiate sequente, incipientes solvere ;
et pro hujusce solutionis securitate, ultra obliga-
tionem et hypothecam omnium bonorum et redituum
ipsius prioratus seu domus hospitalis aut leprosariae,
etiam omnia et singula ejusdem congregationis bona
obligare, et praeterea devotus vester Philippus Emma-
nuel de Gondy, presbyter Oratorii, se Êdejussorem
praestare et constituere teneretur ; item omnia crédita
dicti prioratus seu domus hospitalis, omniaque illi dé-
bita et usque ad possessionem dictae congregationis
debenda in commodum dicti Adriani cédèrent, ipseque
illa a debitoribus exigere et ad hune effectum omnibus re-
mediis necessariis, etiam sub nomine dictae congrega-
tionis, uti posset, dictique presbyteri illi pretium pro-
visionum et munitionum frumenti, vini et lignorum per
ipsum pro usu domus ejusdem prioratus seu domus hos-
pitalis provisionaliter emptorum, pro rata parte quae
tempore dictae possessionis inibi reperietur, juxta aesti-
mationem a peritis faciendam rehcere tenerentur ; ipse-
que Adrianus a redditione residuorum computorum
administrationis suae, a tempore quo ei commissa fuit
usque ad diem dictae possessionis, liberetur, et reciprocc
iidem prioratus seu hospitalis domus presbyteri erga ip-
sum Adrianum, qui prioratum seu domum hospitalis hu-
jusmodi tempore dictae possessionis ab omnibus debitis
liberum redderet, exonerati remanerent ; quo vero ad
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reditus seu census ab ipso Adriano, durante sua admi-
nistratione, ad favorem prioratus seu domus hospitalis
hujusmodi emptos, ipse illis, vita sua durante, gauderet,
illis autem post ejus obitum in commodum dictae con-
gregationis cessuris ; et quia pretium affictuum bono-
rum prioratus seu domus hospitalis hujusmodi et ma-
jor pars illius censuum et redituum non solvebantur
nisi in festis sanctorum Remigii et Martini, et hoc in-
térim pro supportandis illius oneribus tam pro manu-
tentione illius ecclesiae et aedi&ciorum affictuum, quam
etiam pro victu et alimentis religiosorum, dicto Adria-
no magni sumptus faciendi erant et aes alienum contra-
hendum, convenerunt quod dictus Adrianus se ad pro-
portionem a se expensorum tempore dictae possessionis
super dictis affictibus et censibus praevalere posset. Oc-
curente vero obitu Adriani et religiosorum praedictorum,
iidem presbyteri illos, uti suos benefactores, ecclesias-
ticae sepulturae tradere, et, die obitus dicti Adriani et
duobus sequentibus non impeditis, tria sacra, et deinde
quolibet anno in perpetuum simili die pro ejus animae
refrigerio in ecclesia prioratus seu domus hospitalis
hujusmodi unum anniversarium celebrare, et ad simi'is
obiigationis memoriam posteritati relinquendam, epi-
taphium seu monumentum aliquod in dicta ecclesia cum
hujus obiigationis inscriptione apponere, et duo servi-
tia solemnia pro fundatoribus, benefactoribus et reli-
giosis, unum videlicet primo die vacante post octavam
Epiphaniae et alterum die lunae post festum Sanctis-
simae Trinitatis ; pro singulis vero religiosis dicti prio-
ratus unum servitium in fine anni cujuslibet illorum
obitus celebrare tenerentur ; liceret quoque aliis religio-
sis praedictis in eodem prioratu seu hospitali domo
manere et habitare, prout antea fecerunt, donec sub ju-
risdictione dicti archiepiscopi viverent, et pro sua habi-
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tatione appartamentum super magna via suburbii exis-
tens et alia ipsius prioratus seu domus hospitalis loca
convenientia occuparent ; dormitorium vero et loca cle-
ricalia penitus libéra eisdem presbyteris relinquerent,
dictique presbyteri cuilibet ex dictis religiosis quolibet
anno quingentas libras pro eorum victu et vestitu, et cu-
juslibet eorum vita durante, in praedictis terminis aut
alteris, prout eisdem religiosis placeret aut eorum néces-
sitas exigeret, solvere obligati essent ; et, pro harum
portionum tam Adriani prioris, quam aliorum religioso-
rum solutionis facilitate, dicti presbyteri religioso recep-
tori ^ continuationem exactionis redituum usque ad pa-
cificam dictae congregationis possessionem permitterent.
et ad hune effectum ei necessariam procurationem concé-
dèrent. Quod si religiosis praedictis placeret in communi
cum dictis presbyteris vivere, id eis liceret, solvendo ex
dicta quingentarum librarum summa cuilibet illorum, ut
praefertur, solvendo ducentas libras pro cujuslibet eo-
rum victu, reliquis trecentis libris eis pro aliis eorum ne-
cessitatibus liberis remanentibus ; in casum vero infirmi-
tatis tam Adriani quam religiosorum hujusmodi, in infir-
maria communi curari eisque cibus et potus ac medici-
nae a dictis presbyteris praestari ipsisque de medico,
chirurgo et pharmacopola solvendo pro rata temporis
ad rationem ducentarum librarum etiam provideri debe-
ret ; liberumque iisdem religiosis esset seorsim et parti-
culariter in dicto prioratu seu domo hospitali vivere aut
ad alium regularem locum, de licentia dicti archiepis-
copi, absque ulla diminutione dictae summae, se reci-
pere ; eveniente vero obitu alicujus ex dictis religiosis,
iidem presbyteri ab illius portionis seu pensionis praes-
tatione liberi remanerent, nec in demortui seu demor-
tuorum locum alii religiosi seu novitii reciperentur ;
5. Le receveur était alors Claude Cousin.
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et in casum talis obitus, supellex demortui usibus
superstitum religiosorum in dicto prioratu seu hospitali
domo personaliter residentium inserviret, illis omnibus,
post obitum omnium religiosorum praedictorum, in com-
modum dictorum presbyterorum cessuris.
Item, statim apprehensa per praedictos presbyteros
dicta possessione, ipsi apud dictum prioratum seu hospi-
talem domum personaliter residere illiusque ecclesiae
servira m eaque divino cultui ad Dei gloriam et exonera-
tionem suarum conscientiarum diligenter vacare ac sub
inventario omnia ornamenta, reliquias, supellectilia
eis a dictis religiosis tradenda et assignanda recipere ;
domos, possessiones dicti prioratus seu hospitalis domus
manu tenere in eisque reparationes necessarias suis
sumptibus, absque ulla dictorum religiosorum contribu-
tione, facere ; leprosos venientes recipere eisque omnia
necessaria, tam spiritualia quam corporalia, subminis-
trare deberent. Si autem presbyteri dictae congregatio-
nis, alias quam facto aut culpa dictorum religiosorum,
dictum prioratum seu hospitalem domum desererent,
occasione solutionum anticipatarum dictis Adriano et
aliis religiosis, aut reparationum forsan factarum aut
sumptuum quovis alio modo supportatorum, nihil répé-
tera possent ; et in casum desertionis seu discessus hujus-
modi, idem contractus nullus nulliusque effectus esset,
et iidem religiosi ad sua primaeva jura et privilégia re-
dirent. Quae quidem pacta, conditiones et omnia supe-
rius expressa Vincentius, superior praedictus, nomine
quo supra, casu quo dictae congregationi idem priora-
tus cum omnibus suis pertinentiis et dependentiis con-
cedatur, acceptavit illaque adimplere promisit, et alias,
prout in contractu seu conventione hujusmodi ac publie©
desuper confecto instrumente plenius continentur.
Deinde vero devota creatura vestra Joannes Francis-
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eus de Gondy, modernus Archiepiseopus Parisien-
sis, ad quem, prout ad ejus praedecessores, ut su-
pra dictum est, positio et amotio prioris seu adminis-
tratoris diçti prioratus seu leprosariae pertinet, provide
animadvertens introductionem presbyterorum dictae
congregationis in dictum prioratum seu hospitalem do-
mum illiusque ac rerum ejus, proprietatum ac fructuum
eidem congrcgationi concessionem in majorem Dei glo-
riam et animarum salutem cessuram, de dicto contractu
omnibusque in eo contentis plenissime informatus, prio-
ratum seu hospitalem domum hujusmodi, de consensu
serenissimi principis Ludovici, Francorum et Navarrae
régis christianissimi, et praepositi mercatorum et scabi-
norum dictae civitatis, ipsius prioratus seu domus hos-
pitalis fundatorum, cum ejus ecclesia omnibusque et sin-
gulis illius aedificiis, hortis, bonis, pertinentiis, rébus et
fructibus et emolumentis quibuscumque, necnon omni-
bus et singulis libertatibus, franchisiis et privilegiis ei
competentibus, eidem congrcgationi, cum obligatione
pacta et conventiones in dicto contractu contenta ob-
servandi, in perpetuum ordinaria sua auctoritate con-
cessit, univit, annexuit et incorporavit, sub infradictis
etiam conditionibus, videlicet quod dictus Adrianus
etiam deinceps in dictos religiosos superioritatem exer-
ceat ipsique religiosi illi obedientiam quam professi sunt,
praestent, quodque pro tempore existens Archiepiseopus
Parisiensis in dictiun prioratum et presbyteros dictae
congregationis inibi pro tempore degentes omnem jusris-
dictionem ac jus visitandi in spiritualibus et tempora-
libus habeat ; ipsique presbyteri, quorum unus ab ipsa
congregatione in superiorem eligatur, divinum officium
canonicale in choro recitare voce mediata, sine cantu, et
januis chori clausis, ac sanctum missae sacrificium, sub-
missa voce, ne in eorum labore percurrendi pagos ibique
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docendi retardentur celebrare ; omnes fundationes dicti
prioratus seu domus hospitalis adimplere, leprosos dic-
tae civitatis ejusque suburbiorum excipere in dicto pcio-
ratu ; duodecim saltem dictae congregationis alumnos,
quorum ad minimun octo presbyteri sint, qui in percur-
rendis pagis Dioecesis Parisiensis, sumptibus ipsius con-
gregationis, occupentur, et in singulis pagis unum vel
duos menses, pro locorum necessitate, commorentur, et ibi
fidei raysteria doceant, confessiones praecipue générales
audiant, auditores in rébus christianis instituant, animas
ad dignam sacrosanctae Eucharistiae sumptionem prae-
parent, pacem inter dissidentes componant ; retinere te-
neantur, temporibus quibus de more Parisiis conferantur
ordines, canditatos ordinum Parisiensis Dioecesis ab
arciiiepiscopo mittendos in dicto prioratu seu domo hos-
pitali, eisque, spatio quindecim dierum ante ipsos dies
ordinationum, necessaria ad victum et habitationem apud
se subministrent, illos in exercitiis spiritualibus, utpote
confessione generali, quotidiano conscientiae examine,
meditationibus mutationis status et vitae et eorum quae
propria sunt cujusque ordinis et viros ecclesiasticos
décent, ac in caeremoniis Ecclesiae rite servandis occu-
pent ; hisque supportatis oneribus, quidquid ex f ructibus
dicti prioratus superfuerit in communes dictae congre-
gationis usus convertant. Quibus mediantibus, idem
Joannes Franciscus archiepiscopus, suo suorumque suc-
cessorum nominibus, praedictos presbyteros congrega-
tionis a redditione computorum et administrationis
redituum ipsius prioratus seu domus hospitalis ejus-
que annexorum et dependentium in perpetuum liberavit
et exoneravit, prout in ipsms Joannis Francisci archie-
piscopi litteris desuper confectis etiam plenius conti-
netur.
Cum autem, Pater Sancte, praedicta omnia pro majori
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Dei gloria facta fuerint dictique oratores illa pro eorum
subsistentia S[anctitatis] V[estrae] et Sedis Apostolicae
patrocinio communiri cupiant, supplicant humiliter ei-
dem Sanctitati Vestrae oratores praedicti, quatenus in
praemissis opportune providentes eosque specialis gra-
tiae favore prosequentes, contractum inter dictos ora-
tores initum, necnon concessionem seu unionem prio-
ratus seu domus hospitalis hujusmodi, illiusque eccle-
siae, bonorum, rerum, proprietatum et dependentium
quorumcumque per dictum Joannem Franciscum archie-
piscopum eidem congrégation! Missionis, ut praefertur,
factam, omniaque et singula in illis dictisque litteris
contenta, licita tamen et honesta et inde légitime secuta
quaecumque, apostolica auctoritate perpetuo approbare
et confirmare, illisque perpetuae et inviolabilis aposto-
licae firmitatis robur adjicere, ac omnes et singulos tam
juris quam facti, et solemnitatum etiam, quantumvis
substantialium et de jure requisitarum, defectus, si qui
desuper intervenerint, suppiere, ipsosque oratores ad con-
tractus hujusmodi et contentorum in eo observationem
obligatos esse et ab illis recedere non posse, irritumque
decemere nihilominus praevia, quatenus opus sit, et qua-
tenus, ob praedictam introductionem et permanentiam
religiosorum dicti Ordinis in prioratu seu domo hospi-
tali hujusmodi illiusque fructuum administrationem,
aliqua regularitas inducta sit aut inducta dici vel censeri
possit in eo seu in ea omnibusque ejus membris et perti-
nentiis, non tamen personis dictorum religiosorum prae-
dicti Ordinis, omnisque regularitatis, necnon cujusvis
status, naturae, essentiae, dependentiae et denomina-
tionis regularis, ita ut ex nunc deinceps regularia esse
desinant suppressione, extinctione illorumque ad statum
saecularem reductione, prioratum seu hospitalem domum
hujusmodi, qui seu quae titularis ac bene&cium ecclesia<^-
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ticum non est, sed simplex administratio, ad nutum pro
tempore existensis Archiepiscopi Parisiensis amovibilis,
etiam una cum ejus ecclesia omnibusque illius membris
et pertinentiis, ac cum omnibus et singulis oneribus, re-
servationibus, pactis et conditionibus tam in contractu ac
instrumento, quam in litteris dicti Joannis Francisci ar-
chiepiscopi contentis, quae, hic pro plene et sufficienter
repetitis, Sanctitati Vestrae habere placeat eidem con-
gregationi Missionis, ita quod possessionem illius
superiori et presbyteris prioratus seu domus hos-
pitalis hujusmodi, illius ecclesiae ac bonorum, jurium
et dependentium quorumque realem et actualem li-
ceret, per se vel alium seu alios, ejusdem congre-
gationis nomine seu nominibus, propria auctoritate
libère apprehendere, retinere illorumque fructus, re-
ditus, proventus, jura, obventiones et emolumenta
quaecumque recipere, exigere, locare, arrendare ; et,
supportatis oneribus et adimpletis pactis et conditioni-
bus in contractu et instrumento, necnon dicti Joannis
Francisci archiepiscopi litteris praedictis contentis, resi-
duum in communes usus et utilitatem dictae congrega-
tionis convertere, dioecesani loci vel eu jus vis alterius
licentia desuper minime requisita, apostolica auctori-
tate itidem perpetuo concedere et assignare, seu tmire,
armectere et incorporare ; praesentes quoque et desuper
conficiendas litteras sub quibusvis similium vel dissimi-
lium gratiarum revocationibus, suspensionibus, limita-
tionibus aut illis contrariis dispositionibus non com-
prehendi, sed semper ab illis excipi, et quoties illas revo-
cari, suspendi, limitari aut contra illas aliquid disponi
contigerit, toties illas in pristinum et validissimum sta-
tum restitutas, repositas et plenarie reintegratas esse et
fore, sicque per quoscumque judices, etc. judicari, etc. de-
bere, irritumque, etc. decemere dignemini de gratia spe-
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ciali, non obstantibus praemissis, ac vestra de exprimen-
do vero valore, ac Lateranensis Concilii novissime cele-
brati uniones perpétuas, nisi in casibus a jure permissis
fieri prohibentis, aliisque constitutionibus et ordinationi-
bus apostolicis, dictorumque domiis hospitalis seu prio-
ratus ac Ordinis, etiam juramento, etc., roboratis, statu-
tis, etc., priscis quoque Indultis et Litteris Apostoli-
cis, etc., caeterisque contrariis quibuscumque cum decre-
tis opportunis '^.
TRADUCTION
Très Saint Père,
Au faubourg Saint-Denis de la ville de Paris se trouve la
maison hospitalière ou léproserie de Saint-Lazare, ainsi dé-
nommée parce qu'elle a été autrefois fondée et dotée par le
prévôt et les échevins pour l'entretien et le soulagement des
lépreux de Paris. Elle a pris, avec le temps, le nom de prieuré,
quelle porte encore. L'administration en fut confiée dès le
début à des prêtres séculiers ou réguliers, peut-être même à
des laïques, révocables au gré de Tévêque de Paris, puis, en
15 13 ou 1514, aux chanoines réguliers de la réforme de Saint-
Augustin. En y appelant ces religieux, Poncher, évêque de
Paris, d'heureuse mémoire, leur imposa Tobligation de réciter
6. On lit à la suite de la supplique : « Fiai ut fetilur. Et cum
absolutions a censuris ad eff-ectum, etc., et quod veriores contractus ac
instrumenii necnon ] oannis-Francisci archiepiscofi Litterarum hujus-
ftiodi tcnores, ■pra''mi':sis iamen non contrariis ac frticiuum dicti friora
tus seu do mus hospitalis veri annui val or es habeanlur fro exfressis
seu in toto, vel in farte exfrimi fossint et de ferf étuis de confirma
tione, affrobatione, adjeciione, suffletione, concessione, assignatione
unione, annexione, incorforaiione et aliis fraemissis latissime existen
et quod ftaernissorum omniutn et singulorum etiam qualitate invoca
torum denominatorum, nuncufatorum aliortimque necessariorum major
et verior sfecificatio et exfressio fieri fossit in Litteris et committattir
Ordinario cum clausula Vocatis, etc., et ad fartium sufflicationem
et ex voto S. H. E. Cardinalium negotiis regularium fraefositorum.
« Datum Tiomae apud S. fetruni, idibus martii, anno duodecimo. »
Ce fut donc le 15 mars 1635 que la supplique fut agréée.
Après ces mots, le copiste a ajouté : « Sumftum ex registro su-p-
flicationum afostolicarum. Collationatum fer me Fr'anciscum Cau-
seum ejiisdem registri magistrum, a iergo, 22 libro, folio 223. »
— 267 —
les heures canoniales dans l'église du prieuré, d'y chanter
chaque jour la messe, de recevoir et d'entretenir les lépreux
indigents qui se présenteraient. Il décida, en outre, que le
prieur serait choisi par lui ou par ses successeurs et aurait, au-
tant que l'évê^iue le jugerait bon, l'administration du prieuré
ou de l'hôpital et de ses revenus et rendrait chaque année
compte de sa gestion à l'évêque de Paris.
Récemment Adrien Le Bon, prêtre profès du même Ordre,
dernier prieur ou administrateur de Saint-Lazare, nommé par
Henri de Gondi, d'heureuse mémoire, évêque de Paris, cardinal
de la sainte Eglise Romaine, dit cardinal de Retz, et les autres
religieux du même prieuré ou maison hospitalière, tous dé-
voués serviteurs de Votre Sainteté, considérant que mainte-
nant et depuis longtemps il n'y a pas de lépreux dans ce
prieuré ou léproserie, qu'ainsi il est impossible de faire servir
les revenus aux fins de la fondation et qu'il convient de les
attribuer aux ouvriers qui s'emploient à nourrir et à médica-
menter spirituellement les personnes atteintes de la lèpre du
péché ; considérant de plus qu'entre les Instituts se recom-
mande tout spécialement l'Institut des prêtres de la Mission,
érigé à Paris, par autorité apostolique, il y a peu d'années,
et que les membres qui le composent ont pour fin spéciale de
parcourir les bourgs et les villages, afin d'instruire les habi-
tants des vérités nécessaires au salut, sans demander aucun
salaire, attendant de Dieu seul la récompense due à leurs tra-
vaux, s'acquittent de leurs fonctions avec tant d'ardeur et de
zèle que, grâce à eux, dans diverses régions et provinces de
France, au diocèse de Montauban surtout, bon nombre d'héré-
tiques, ainsi que le bruit s'en est répandu dans le pays, ont
abjuré l'hérésie et embrassé la foi catholic[ue ; c'est pourquoi
les susdits religieux, estimant rester dans l'intention des fon-
dateurs en employant pour la guérison de la lèpre spirituelle
et le soulagement corporel de ceux qui en sont affligés, des
revenus laissés pour guérir la lèpre corporelle, ont convenu
ce qui suit avec Vincent de Paul, humble suppliant de Votre
Sainteté, supérieur dudit Institut, stipulant et acceptant au
nom de cette même congrégation, sous le bon plaisir de Votre
Sainteté, du Siège apostolique et de l'archevêque de Paris.
Adrien Le Bon, prieur ou administrateur de Saint-Lazare, et
les religieux du prieuré, agissant dans la mesure de leurs
droits, ont accepté l'union à ladite congrégation dudit prieuré
avec son église, ses édifices, ses biens, droits, fruits, appar-
tenances et dépendances, et ont cédé tous leurs droits sur ledit
prieuré et son administration aux conditions, réserves et ac-
cords que voici :
Le prieur ou administrateur Adrien Le Bon gardera, sa vie
— 268 —
durant, les appartements qu'il occupe au prieuré ; il ne pourra
en être dépossédé pour quelque cause que ce soit, non plus
que de sa qualité d'ancien prieur, qu'il retiendra jusqu'à sa
mort, avec toute liberté d'aller à l'église, d'assister aux
offices et d'y tenir son rang, de même qu'au chapitre et au ré-
fectoire, lorsqu'il voudra s'y rendre. Il se réserve aussi la
terre de Rougemont, dépendante dudit prieuré, avec toutes
ses appartenances, et une pension de 2.100 livres, exempte des
décimes ordinaires et extraordinaires, réparations, pen-
sions des religieux et autres charges et impositions, payable
par les prêtres de ladite congrégation à icelui prieur pendant
sa vie, chaque année, aux c[uatre termes accoutumés, c'est-à-
dire aux fêtes de Pâques, de saint Jean-Baptiste, de saint Rémi
et de Noël, le premier d'iceux commençant à celle de ces fêtes
qui suivra immédiatement la prise de possession du prieuré
par lesdits prêtres. Pour sûreté de laquelle pension non seule-
ment les fruits dudit prieuré y demeureront affectés, mais
aussi tout le bien de ladite congrégation, et de plus le dévoué
serviteur de Votre Sainteté Philippe-Emmanuel de Gondi,
prêtre de l'Oratoire^ se constituera caution de ladite pension.
Le prieur revendique peur lui toutes les créances dudit
prieuré, tout ce qui lui est dû jusqu'à la prise de possession
par ladite congrégation, et se réserve le droit d'user de toutes
les voies en tel cas requises, même au nom de ladite congré-
gation. Lesdits prêtres seront tenus de lui rendre en argent ou
en nature, d'après l'estimation des experts, sa quote-part
du froment, du vin et du bois qui se trouveront dans le prieuré
au moment de la prise de possession.
Pour le reliquat des comptes de son administration, depuis
le temps qu'elle lui a été commise jusqu'au jour de ladite pos-
session, le prieur en sera déchargé. Les prêtres de la Mission,
de leur côté, seront exonérés vis-à-vis du prieur, qui rendra le
prieuré, au temps de ladite possession, quitte de toutes dettes.
Pour le regard des rentes constituées pendant le temps d'icelui
prieur au profit dudit prieuré, il en jouira sa vie durant et les
laissera après sa mort aux prêtres de la Mission.
Et d'autant que le loyer des fermes dudit prieuré et la meil-
leure partie des cens et rentes dus à icelui ne se paient et dé-
livrent qu'aux jouis de saint Rémi et de saint Martin, et qu'at-
tendant ledit temps il convient audit sieur prieur d'emprunter
pour faire les avances des charges dudit prieuré tant pour
l'entretien de l'église, de la maison et fermes en dépendant
que pour la nourriture des religieux, il est entendu que ledit
Adrien se remboursera sur le loyer des fermes et cens, à propor-
tion de l'avance qu'il pourra avoir faite lors de la prise de'
possession desdits prêtres de la Mission.
— 269 —
Advenant le décès dudit sieur Adrien et des religieux sus-
dits, lesdits prêtres de la Mission seront tenus de les faire
inhumer comme leurs bienfaiteurs. Ils offriront le saint sacri-
fice de la messe pour ledit sieur Adrien, le jour de son décès
et les deux premiers jours libres. Tous les ans, au jour anni-
versaire du décès^ ils célébreront à perpétuité pour le repos
de son âme un service solennel en l'église dudit prieuré : et
pour perpétuer le souvenir de cette obligation à la postérité,
ils érigeront en ladite église un monument, sur lequel sera une
inscription commémorative. En outre, lesdits prêtres seront
tenus de faire et célébrer chaque année deux services solennels
pour les fondateurs, bienfaiteurs et religieux dudit Saint-
Lazare, l'un le premier jour immédiatement vacant après l'oc-
tave des Rois, l'autre le lundi après la Trinité, et de faire
un service pour les religieux de Saint-Lazare au bout de l'an
au décès d'un chacun.
Il sera loisible aux religieux de Saint-Lazare d'habiter le
prieuré, comme par le passé, tant qu'ils vivront sous la juri-
diction de l'archevêque de Paris, d'y occuper les appartements
qui donnent sur la grande rue du faubourg et autres endroits
convenables audit prieuré. Pour le dortoir et lieux claustraux,
ils en laisseront la libre disposition aux prêtres de la Mission.
Ces derniers devront fournir chaque année cinq cents livres
aux religieux de Saint-Lazare, tant pour leur vivre que pour
leur habillement, aux termes prescrits ou autrement, selon que
lesdits religieux le désireront ou en auront besoin. Pour faci-
liter le paiement des pensions du prieur et des autres reli-
gieux, lesdits prêtres consentent que le religieux économe con-
tinue de recevoir le revenu du prieuré jusqu'à la paisible pos-
session des prêtres de la Mission ; et, pour ce, ils lui en pas-
seront toutes les procurations nécessaires. Si les religieux
désirent vivre en commun avec lesdits prêtres, on retiendra
deux cents livres pour leur nourriture sur les cinq cents qui
leur sont dues, le surplus les aidant à subvenir à leurs autres
nécessités.
En cas de maladie tant du prieur que des autres religieux,
ils pourront se faire traiter à l'infirmerie commune, aux dépens
desdits prêtres pour les médecins, apothicaires, chirurgiens,
remèdes et vivres.
Ces mêmes religieux pourront vivre en particulier dans le
prieuré ou en tout autre lieu régulier, avec la permission de
l'archevêque, sans que pour cela ladite somme de cinq cents
livres cesse de leur être payée. Advenant le décès de l'un
d'eux, les prêtres de la Mission seront déchargés du paiement
de ladite somme, sans qu'en leur lieu ou place on puisse rece-
voir ou admettre d'autres religieux, ni des novices. Les meu-
— 270 —
blés du défunt demeureront au profit et usage des religieux
survivants restant audit prieuré, et, après la mort du dernier
survivant, au profit et usage des prêtres de la Mission.
Lesdits prêtres, dès l'instant de ladite possession, réside-
ront en personne audit prieuré, desserviront son église, y célé-
breront dignement le service divin à la gloire de Dieu et
décharge de leur conscience, recevront tous les ornements,
reliques, meubles, qui seront inventoriés et baillés par les-
dits religieux, entretiendront les maisons et fermes dudit
prieuré, y feront les réparations nécessaires, à leurs frais, sans
y rendre les religieux susdits contribuables en aucune sorte^ y
hébergeront les lépreux qui se présenteraient et subviendront
à tous leurs besoins spirituels et corporels.
Ne pourront lesdits prêtres de la Mission, en cas qu'ils sor-
tent du prieuré de Saint-Lazare, à moins que ce ne soit par le
fait et faute desdits religieux, demander aucune chose des
avances des deniers qu'ils auront faites auxdits sieurs prieur
et religieux, des frais de réparations ou autres dépenses quel-
conques. Audit cas de sortie, le présent concordat demeurera
sans effet et lesdits religieux rentreront en leurs droits et pri-
vilèges primitifs.
Ledit supérieur Vincent a accepté et promis, audit nom, de
remplir, au cas où le prieuré serait concédé à ladite congréga-
tion avec toutes ses appartenances et dépendances, les con-
ventions, conditions et tout ce que dessus et encore ce qui est
marqué avec plus de détails dans un autre contrat de ce genre
et dans l'acte public fait ci-dessus.
Ensuite Jean-François de Gondi, archevêque actuel de Paris,
dévoué serviteur de Votre Sainteté, auquel appartient, ainsi
qu'à ses prédécesseurs, comme il a été dit, le droit de nommer
ou de déposer le prieur dudit prieuré, ayant mûrement consi-
déré qu'il était avantageux à la gloire de Dieu et au bien des
âmes d'introduire les prêtres de la Mission dans ce prieuré et
de le leur donner avec ses biens, dépendances et revenus, con-
naissant, d'autre part, le contrat et toutes ses clauses, vu le
consentement du sérénissime prince Louis, roi très chrétien de
France et de Navarre, du prévôt des marchands et des éche-
vins de ladite cité, fondateurs du prieuré, en a fait, de son
autorité ordinaire, la concession, union et incorporation à la
même congrégation avec l'église, tous les bâtiments, biens,
jardins, appartenances choses, fruits et émoluments quelcon-
ques, sans excepter les libertés, franchises et privilèges atta-
chés au prieuré, pourvu que la même congrégation observe
pour toujours les accords et conventions exprimés dans le
contrat. Il y a mis les conditions suivantes :
Le prieur sera, comme par le passé, le supérieur de ses reli-
— 271 —
gieux, et ceux-ci auront le devoir de lui obéir. L'archevêque de
Paris exercera sa juridiction et aura droit de visite, tant pour
les affaires spirituelles que pour les temporelles, sur le prieuré
et les prêtres de ladite congrégation. Ces prêtres seront sou-
mis à un supérieur choisi par eux, réciteront l'office canonial
dans le chœur à voix médiocre, sans chant, les portes du chœur
étant fermées, se contenteront de dire des messes basses pour
avoir le temps de parcourir les villages et d'y instruire le
peuple, rempliront toutes les fondations du prieuré et y rece-
vront les lépreux de la ville et des faubourgs. Les membres
de ladite congrégation seront au moins douze, parmi lesquels
huit prêtres ou davantage. Ils parcourront, aux frais de la
congrégation, les villages du diocèse de Paris, séjourneront
dans chacun un ou deux mois suivant le besoin, y enseigneront
les mystères de la foi, entendront les confessions, surtout les
confessions générales, habitueront leurs auditeurs aux prati-
ques de la religion chrétienne, les prépareront à la réception
de la sainte Eucharistie et réconcilieront les ennemis. Ils lo-
geront et nourriront dans le prieuré, pendant les quinze jours
qui précèdent l'ordination, aux époques reçues dans le diocèse
de Paris pour la collation des ordres, les ordinands du dio-
cèse que l'archevêque de Paris leur enverra, et ils les prépa-
reront par des exercices spirituels : confession générale,
examen de conscience de chaque jour, méditations sur le
changement d'état, les prérogatives de chaque ordre ou la vie
ecclésiastique, instructions sur l'observance des cérémonies de
l'Eglise.
Ces charges supportées, ce qui restera du revenu du prieuré
servira aux besoins communs de ladite congrégation. Moyen-
nant quoi, le même archevêque de Paris, agissant en son nom
et au nom de ses successeurs, a dispensé et déchargé pour
toujours les prêtres de ladite congrégation de la reddition
des comptes touchant l'administration des revenus du prieuré,
de ses annexes et dépendances, ainsi qu'en témoignent plus
amplement les lettres de Jean-François, archevêque.
Considérant, très Saint Père, que les conventions susdites
tendent à la plus grande gloire de Dieu et cjue le haut patro-
nage de Votre Sainteté et du Saint-Siège Apostolique contri-
buera à les rendre plus fermes, lesdits suppliants jugent
opportun de vous demander, comme une faveur toute spéciale,
que vous veuilliez bien approuver et confirmer pour toujours,
de votre autorité apostolique, le contrat passé entre eux,
l'union à la congrégation de la Mission du prieuré de Saint-
Lazare, avec son église, ses biens, choses, propriétés et dépen-
dances, faite, comme il est dit plus haut par Jean-François,
archevêque, le contenu de ces lettres et des lettres susdites.
— 272 —
dans l'ensemble et dans les détails, si toutefois il n'y a rien que
d'honnête et qui sensuit légitimement. Ils vous prient encore
de suppléer, s'il en est besoin, à toutes les irrégularités com-
mises ou à commettre, tant de droit que de fait, même sur des
points substantiels et absolument requis en droit ; de déclarer
que les suppliants sont tenus à l'observation de ce contrat et
de toutes ses clauses ; et d'annuler, autant que de besoin, les
contrats précédents, en particulier celui par lequel les reli-
gieux dudit Ordre ont été introduits dans le prieuré ou maison
hospitalière pour l'administrer, ce qui fait qu'il est ou est
censé être, avec ses membres et ses dépendances, un établis-
sement de réguliers. Nous demandons à Votre Sainteté d'avoir
agréable que soit dévolu à la congrégation de la Mission,
par suppression, extinction et retour à l'état séculier, ce
prieuré ou cette maison hospitalière, qui n'est pas un bénéfice
ecclésiastique, mais une simple administration, révocable au
gré de l'archevêque de Paris, avec ses membres, son église,
ses dépendances, ses charges, en général et en particulier, en
tenant compte des réserves, accords et clauses mentionnés tant
dans le contrat que dans les lettres de Jean-François, arche-
vêque, et ici pleinement et suffisamment rappelés ; par suite,
que le supérieur et les prêtres de ladite congrégation puis-
sent, par eux-mêmes ou par des délégués, au nom de leur
Institut, prendre librement et de leur propre autorité posses-
sion réelle et actuelle dudit prieuré ou maison hospitalière,
de son église, de ses biens, droits et dépendances, quels qu'ils
soient ; percevoir, exiger, louer tous fruits, revenus, produits,
casuels et émoluments ; et après avoir acquitté les charges
imposées par le contrat et les lettres de Jean-François, arche-
vêque, consacrer le restant aux besoins de ladite congrégation,
sans qu'il soit nécessaire d'avoir la permission de l'Ordinaire
du lieu ou de qui que ce soit. Plaise à Votre Sainteté rendre,
de son autorité apostolique, cette union perpétuelle et faire
que les lettres d'incorporation ne soient ni révoquées, ni sus-
pendues, en tout ou en partie, par la révocation, suspension,
limitation de grâces semblables ou dissemblables, ou par toute
autre disposition, mais qu'elles restent toujours valables dans
tout leur contenu, etc.
179. — LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT
Monsieur,
Je vous renvoie le règlement de St-Sauvetir ; je ne lavais fas
Lettre 179. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
— 273 —
vu. H me semble que le co^nmencetnent fait défendre toute
la confrérie de Monsieur le curé. Je ne sais si cela serait à -pro-
■pos. Bien est-il vrai que Messieurs les curés de Beauvais en
seraient bien contents ; mais cela les -porterait incontinent à
ne vouloir plus que personne eût la connaissance de ce qui se
passerait à chaque confrérie. Je crois pourtant, Monsieur, qu'il
est nécessaire que les officières leur C07nmunique7it de la récep-
tion des malades^ au moins leur disent ceux qu'elles rece-
vront, quil soit porté dans le règlement que les voix seront
colligées par eux pour ï élection, et que la trésorier e rendra
ses comptes en sa présence, sans du tout parler de Monsieur
le grand vicaire, comme il était porté dans le règlement^ et
que le nombre des dames soit précisé, que les places vacantes
seront remplies de celles que la coinpagnie agréera et, après,
présentées à Messieurs les curés pour leur réception et rece-
voir leur bénédiction.
Pour procureur, je ne sais s'il serait facile £en mettre un à
chaque confrérie, car jamais elles ne s assujettiront à faire
écrire les quêtes par lui. Pour dresser les comptes, je crsis
que les sœurs le pourront elles-mêmes. Ne reste plus rien à
faire pour le procureur, sinon faire exécuter les legs, si aucun
y en avait au profit des confréries, et, en ce cas, y a apparence
qu^un seul pourrait suffire pour tout, pentends seulement,
Monsieur, pour Beauvais ; car, pour Liancourt, le règle-
ment ordinaire est bon, principalement ce qui recommande
Vatnitié entre elles et les plus amples, à cause des exercices
tant du soir, du matin, que du souvenir de la présence de Dieu
la journée, et aussi^ Monsieur , que les places vacantes soient
remplies en la manière ci-dessus. Il y a partout de bons pro-
cureurs.
Vous aviserez, s'il vous plaît, Monsieur, si vous ferez quel-
que article particulier pour cet officier qui demande avec tant
d'instance d'être admis pour procurer le bien de la confrérie j
et s'il sera porté par le règlement qu^il y aura deux filles nom-
mées par Madame de Liancourt pour être gardes des -malades,
lesquelles habiteront dans le logis que madite dame donne à
cet effet, lesquelles seront obligées à faire et porter les médi-
caments tant aux 7tialades de Liancourt, que La Bruyère, Cauf-
fry et Rantigny i. et auront soin de visiter lesdits malades au
moins deux fois la semaine et faire tout ce qui sera porté par
rétablissement et fondatioti qui sera fait en ce sujet.
La quête se fait, en ces lieux, les dimanches aux maisons,
et les bonnes fêtes aux églises. Les procureurs tiennent un
I. Petites communes du canton de Liancourt.
i8
— 274 —
livre et écrivent les recettes de chaque quête, cofnme aussi la
trcsorière fareillement. Les coffres ne sont quTà deux serrures.
Je -pense qvCil faut dire que lesdites gardes seront du cor-ps de
la confrérie.
Je crois, Monsieur^ quil serait très à -propos que datis cha-
que coffre il y ait un registre cotnine celui que je vous ai
laissé, afin que tout ce qui se passera dans la confrérie -y soit
trouvé. En ttte du livre, je pense qu'il y faut écrire l'établisse-
ment, ensuite le règlement, puis le nom des sœurs, puis Vélec-
tion du procureur et des officières ; et suivant après, on pourra
mettre les nouvelles élections.
Vers la moitié du livre, marquer qu'il y faut écrire les noms
des sœurs qui décéderont et de celles qui se mettront à leur
place j et de l'autre côté du livre, les legs pieux et dons extra-
ordinaires ; et en un autre endroit, les meubles qui sont ap-
partenant aux pauvres. Le livre que j^ai apporté est celui de
La Bruyère^ à cause que l établissement était entièrement signé.
Je crois qu'il faut qïie la supérieure tienne un livre où elle
fasse écrire le no-tn des pauvres malades, le jour de leur ré-
ception et de leur tnort^ ou celui que la Charité laisse de les
assister.
Si vous ne m'aviez demandé, Monsieur, de faire ce -métnoire,
je n'y eusse osé penser. Je ne sais comme quoi fai tant re-
tardé, sinon que c'est que je sens bien que mon esprit se ralen-
tit fort pour le bien, tant pour Vautrui que pour le particulier
de mes exercices.
La bonne sœur Jeanne, de Saint-Benoît"^, vient de -iri ame-
ner trois filles de Colombes ^ , de bien bonne façon^ et ont
grand désir de servir les pauvres partout où on les voudra
envoyer. Je crois qu'elles vo7is iront trouver un de ces jours.
l'ai bien du regret d'avoir perdu la journée que votre charité
■me voulait donner ; je crois quil y a de ma faute. J'aurais un
grand besoin d'avoir quelques jours pour -penser un l-eu à nroi
pour quelque renouvellement.
Je crois, Monsieur, que, quand il faudra travailler four
l'exercice de la Charité à Saint- Laurent, si vous me voulez
faire l'honneur de m'y employer, qiùil sera nécessaire que j'y
séjourne quelques jours. Je me pourrais servir de cette occa-
sion, si vous le treuvez à propos ; rnais, pour l'amour de Dieu,
Monsieur, demandez que sa miséricorde vous fasse connaître
mes besoins, autrement je croirais qu'il me veut tout à fait
abandonner, puisqu'il permet que vous ayez ce sentiment.
2. Paroisse de Paris.
3. Dans la banlieue de Paris.
— 275 —
]e vous envoie le mémoire de ce qui fut fait en chaque as-
semblée de Beauvais. Je crois qu'il sera bon que le règlement
que vous ferez dresser soit four Saint-Sauveur, et Ven-
voyant, mander qu'elle le baille aux autres four cofier.
Si vous voulez frendre la feine de revoir la lettre que je
vous envoyai de Liancourt, vous y trouverez f eut-être quelque
chose de flus que je ne vous mande. Pardonnez-moi , s'il vous
plaît, le mauvais ordre que je tiens ; je voudrais fresque
m' excuser sur mon feu de méjnoire ; mais vous savez telle que
je suis et que je serai toujours. Monsieur, votre très humble
fille et très obligée servante.
L. DE Marillac.
Ce 4. septembre [lôj^ *].
Les quêtes se font à Beauvais tous les lundis, mais je crois
qu'il serait à frofos de faire quêter les bonnes fêtes à V église.
Je fense que, faisant l'établissement incontinent que la mis-
sion que Monseigneur de Beauvais y veut faire faire, qiiil
sera facile d'obtenir tout ce qu'on fourra désirer four le bien
de la confrérie. Je ne me suis foint occufée de frofoser cette
quête.
Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.
180. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1634 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur soit avec
vous pour jamais !
Monsieur de Cordes * a désiré que je vous prie, comme
4. Cette lettre a des liens étroits avec les lettres 168, 170, 171, 173
et 174. D'après une note ajoutée anciennement au dos de 1 original,
elle serait de 1627 ; mais cette date est certainement erronée : la
confrérie de Saint-Sauveur a été établie plus tard et Louise de
Marillac ne commença à s'occuper des Charités que dans le courant
de l'année 1629.
Lettre 180. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Voir note 2.
2. Denis de Cordes, conseiller au Châtelet. C'est à sa prière et à
celle de M. Lamy que saint Vincent avait établi la Charité aux
Quinze-Vingts, lors de la mission qu'y donnèrent, à la fin de 1633, les
— 276 —
je fais très humblement, d'avoir agréable d'aller passer
la journée de demain aux Quinze- Vingts ^ pour y voir les
ofiicières de la Charité, le matin, et tous les jours
l'après-dînée. Il pense aussi que la présence de Made-
moiselle Poulaillon n'y nuirait pas et que cela encou-
ragerait ces bonnes femmes. Il y a en ce lieu-là quelques
pratiques qui ne sont pas ailleurs ; c'est que les malades
doivent être reçus par l'ordre de Messieurs les maîtres
de cet hôpital, dont Monsieur de Cordes et Monsieur
Lamy font partie, et que ledit sieur de Cordes m'a pro-
posé aujourd'hui qu'il y faut désormais recevoir les
mieux accommodés d'entre eux qui le demandent et of-
frent à entretenir la Charité, et qui sont vingt familles
ou environ ; mais l'on pense qu'il n'y faut pas recevoir
les incurables, comme sont les pulmoniques, goutteux et
autres. Il serait bon de proposer à ces bonnes gens don-
ner vingt ou vingt-cinq poules à la Charité, dont le gou-
vernement pourrait être donné à l'une des sœurs. C'est
pour avoir des œufs, qui se vendent bien cher là dedans.
Bon jour. Mademoiselle. Je suis, en l'amour de Notre-
Seigneur, votre très humble serviteur.
V. D. P.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
membres de la Conférence des mardis. (Cf. Abelly, op. cit., t. I,
chap. XXIII, fin, p. 109.) (L'idée du bon magistrat en la vie et en
la mort de M. de Cordes, conseiller au Chasielet de Paris, par A.
G[odeau], é[vèque] d[e] Gérasse], Paris, 1645, in-12.
3. Hospice fondé par saint Louis, roi de France, pour trois cents
(iS X 20) aveugles pauvres. En 1779, le cardinal de Rohan transféra
l'hospice de la rue Saint-Honoré à l'hôtel des Mousquetaires noirs,
rue de Charenton, no 38. L'institution fut supprimée pendant la Ré-
volution et rétablie en 1S14.
— 277 —
181. — A ISABELLE DU FAY
[Entre 1626 et 1635 ^.1
Mademoiselle,
Votre entrée à Sainte-Marie est différée jusques à
demain. Je vous supplie, Mademoiselle, de remetttre
votre dévotion jusques-là, ou bien de vous confesser à
votre confesseur et aller communier après-demain à la
Visitation, pource qu'il faudra que je die demain là la
messe entre 7 et 8 ; cela fait, que j'entre dans le monas-
tère, et, devant qu'entrer, l'on fera sortir tout le monde
de l'église et fera-t-on fermer la porte ; ce qu'étant
ainsi, vous seriez trop pressée. Je vous en donne avis
trop tard. Votre charité me le pardonnera ; et moi je
serai, en l'amour de N.-S. et de sa sainte Mère, votre...
182. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1634 et 1638 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je reçus hier votre lettre et votre mémoire du règle-
ment de vos filles, lequel je n'ai point eu encore loisir
de lire ; je le ferai au plus tôt qu'il me sera possible.
Quant à ce que vous me mandez d'elles, je ne doute
pas qu'elles ne soient telles que vous me les décrivez ;
Lettre 181. — Reg. i, i° 68 v°. Le copiste note que l'écriture de
l'original était celle de saint Vincent.
I. Même remarque qu'à la lettre 99, note i.
Lettre 182. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. I-a lettre a été écrite après l'établissfment des Filles de la Cha-
rité (29 novembre 1633) et avant le départ de Robert de Sergis poui
le midi.
— 278 —
mais il faut espérer qu'elles se feront et que l'oraison
leur fera voir leurs défauts et les encouragera pour les
corriger. Il sera bon que vous leur disiez en quoi consis-
tent les solides vertus, notamment celle de la mortifica-
tion intérieure et extérieure de notre jugement, de notre
volonté, des ressouvenirs, du voir, de l'écouter, du par-
ler et des autres sens ; des affections que nous avons aux
choses mauvaises, inutiles et même des bonnes, pour
l'amour de Notre-Seigneur, qui en a usé de la sorte ; et
faudra les fort affermir là-dessus, notamment à la
vertu de l'obéissance et à celle de l'indifférence ; mais
pource que le tant parler vous nuit, faites-le de temps en
temps seulement. Il sera bon que vous leur disiez qu'il
faut qu'elles soient aidées à acquérir cette vertu de mor-
tification, et exercées ; et je leur dirai aussi, afin qu'elles
y soient disposées.
Laissons encore les pratiques du tiers ordre à cette
bonne fille qui en est, et faites-lui faire son fait à part
le mercredi, s'il vous plaît.
Je voudrais bien que cette veuve de Colombes ^ sût
lire ; faites-la-nous voir, s'il vous plaît. Mais quoi ! je
viens de voir, relisant votre lettre, qu'elle a deux en-
fants ; et quel moyen de la recevoir, cela étant ?
J'oublie toujours à faire acheter les images de vos
filles. Voici M. de Sergis revenu ; je le ferai faire par
lui.
Voici quatre lignes pour le fils de M. Gallois ^ au R.
P. Faure^. Je voudrais avoir plus de crédit que j'en ai
2. Commune des environs de Paris.
3. Peut-être le fils de Philippe Gallois, notaire de saint Vincent.
4. Charles Faure, né à Luciennes, près de Saint-Germam-en-Laye,
le 29 novembre 1594, prit l'habit de chanoine régulier dans l'abbaye
de Saint-Vincent de Senlis et fit profession le i®*" mars 1615. Les
exemples de relâchement qu'il avait sous les yeux ne ralentirent pas
son progrès dans la vertu. Sa réputation de sainteté vint jusqu'aux
oreilles du roi, qui lui confia la délicate mission d'établir la réforme
— 279 —
vers lui pour cela. Il verra. Or sus, finissons par la prière
que je vous fais d'avoir soin de votre santé. Je suis en
cette espérance, en l'amour de Notre-Seigneur, votre ser-
viteur très humble^.
V. D.
183. — A MADAME GOUSSAULT
[i634 ou i635 *.]
Madame,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je pense qu'il est expédient de prier Madame Fortia ^
de se rendre, à trois heures, à votre assemblée des offi.-
cières, où je me rendrai pour aviser ce qu'il faudra faire
au monastère de Sainte-Geneviève à Paris. Le succès fut si complet
que le cardinal de La Rochefoucauld, pour étendre la réforme,
groupa en une congrégation, sous le nom de Congrégation de France,
diverses maisons de chanoines réguliers répandues dans toutes les
provinces du royaume, les mit sous la dépendance de l'abbaye de
Sainte-Geneviève et nomma le Père Faure vicaire général du nouvel
Institut. Le Père Faure visita les établissements, y imposa des règle-
ments, fonda des séminaires. La Congrégation de France fut canoni-
quement érigée par Bulle du 3 février 1634. Le 17 octobre, le chapitre
général élisait le Père Faure supérieur général pour une durée de
trois ans. Il fut réélu en 1637. Les Constitutions ne permettant pas
une troisième élection, il céda sa place en 1640 au Père Boulart,
mais garda des pouvoirs si étendus que son successeur ne pouvait rien
faire que sur son conseil. Le triennat du Père Boulart terminé, le
Père Faure fut mis de nouveau à la tête de la Congrégation de
France. Il tomba malade dans l'année et mourut le 4 novembre 1644.
Ses relations avec saint Vincent furent plutôt froides et réservées. II
a laissé plusieurs ouvrages ascétiques. (Cf. Lallemand et Charton-
net, o-p. cit.)
5. Saint Vincent termine sa lettre par les initiales v. s. V. D.,
sans s'apercevoir que la formule votre serviteur est répétée.
Lettre 183. — L. a. — Original à Marseille chez les Filles de la
Charité de la rue Vincent-Leblanc, 22.
1. La lettre a été écrite du vi\ant de Mademoiselle du Fay (avant
1636) et après l'institution des dames de l'Hôtel-Dieu (1634).
2. Probablement Anne de la Barre, veuve de François de Fortia,
conseiller du roi, maître des requêtes ordinaires de l'hôtel.
— 28o —
touchant la difficulté de l'Hôtel-Dieu. Elle a grande
connaissance de cette maison-là, a bon esprit et fait le
bien qui se peut faire. Vous aurez aussi agréable, Ma-
dame, s'il vous plaît, de prier Mademoiselle Poulaillon
et Mademoiselle du Fay de s'y rendre et de m'envoyer
votre carrosse à la Madeleine environ deux heures et
demie.
Je vous souhaite cependant le bonjour et suis, Ma-
dame, votre serviteur très humble.
Vincent Depaul.
Ce lundi, à dix heures.
Au bas de la première page : Madame Goussault.
184. — A LOUISE DE MARILLAC
[Après 1631 ^.]
Mademoiselle,
Voici Mademoiselle Brou ", trésorière de Saint-Bar-
thélémy ^. Ne pouvant avoir le bien de l'entretenir, pour-
ce que je suis pressé, je vous prie de le faire et de la
regarder comme une bonne servante de Dieu et digne
de quelque bon emploi pour sa gloire.
V. D.
Lettre 184. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Il n'y avait pas de confrérie de la Charité à Saint-Barthélémy
avant cette date. (Cf. Abelly, of. cit., t. I, chap. xxiii, p. 109.)
2. Mademoiselle Brou était probablement apparentée à Madame de
Brou, qui fit partie de l'association des dames de l'Hôtel-Dieu et ap-
pela les Filles de la Charité à Bernay, où elle les entretint de ses
largesses. Madame de Brou était cousine de M. de Vincy.
3. Paroisse de Paris.
— 28l —
185. — A LOUISE DE MARILLAC
[1634 ou 1635 ^■]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Mademoiselle Poulaillon demande la bonne allé.
Vous l'enverrez, s'il vous plaît, avec son laquais. Pour-
ra-t-elle aller à pied, ou s'il est à propos que vous lui
prêtiez votre petit cheval ? Le premier serait plus édi-
fiant. Il y a neuf lieues d'ici. Si elle ne le peut en un,
elle fera le chemin en deux jours. Vous la tiendrez donc
prête, s'il vous plaît, pour quand le laquais arrivera.
Je prie Notre-Seigneur qu'il bénisse la bonne fille.
Mademoiselle du Fay est grièvement malade. Je ne
vous prie pas de l'offrir à Notre-Seigneur. Je m'assure
bien que vous le ferez.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis, en l'amour de Notre-
Seigneur, Mademoiselle, votre très humble serviteur.
V. Depaul.
Ce mardi au soir.
J'ai fait dire au laquais qu'il vienne demain de
matin.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
186. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1634 ^.]
Je pense. Mademoiselle, qu'il est expédient de faire
Lettre lfc5. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Date probable de la mort d'Isabelle du Fay, dont saint Vincent
annonce ici à Louise de Marillac la grave maladie.
Lettre 186. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Cette lettre semble écrite dans les débuts de l'institution des
— 282 —
revenir cette fille qui est chez Madame de Suivry, et
que vous l'envoyiez quérir. Nous verrons cependant ce
qu'il faudra faire.
Je m'en vas au collège " et tâcherai de voir M. Le
Gras.
La bonne sœur Alix vous a amené une fille et parle
d'une autre. Avez-vous retenu la première ?
Bon jour, Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
i. p. d. la M. ^
187. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
Votre lettre me paraît bien. Le malin esprit se fourre
dans le dessein de l'assistance spirituelle de ces pauvres
femmes. ]\L Chenevis m'en a parlé encore ce matin et
dit que les Chevitaines se formalisent fort de cela et
dit qu'elles ne sont pas de la communauté. Je vous prie
de vous en éclaircir. Le pis qui peut arriver, c'est qu'il
faille quitter cela. Si cela est, à la bonne heure. Il faut
pourtant doucement reconnaître d'où vient le mal et
aviser aux remèdes. Je m'en vas voir Madame la prési-
dente Goussault, à laquelle il ne m'a point paru ce que
vous dites, que vous lui parliez trop librement. Soyez
toujours bien simple et sincère, et priez Dieu qu'il me
donne ces deux vertus.
Je suis, en son amour...
De Saint-Lazare, ce 29 octobre 1634.
Filles de la Charité.
2. Au collège des Bons-Enfants, où était alors Michel Le Gras.
3. Initiales des mots : indigne prêtre de la Mission.
Lettre 187. — Manuscrit Saint-Paul, p. 33.
— 283 —
188. — A FRANÇOIS DU COUDRAY
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai reçu la vôtre, du huitième octobre, si me semble,
par laquelle [vous] me mandez ce que Monsieur Le Bret
vous a dit que dom Le Bret, son cousin, lui mande tou-
chant votre retour. Or il faut que je vous die devant Dieu,
en la présence duquel je parle, que je ne sais ce que
c'est, que je n'ai point dit aucune parole à dom Le
Bret, que je sache, qui lui ait donné sujet d'écrire cela,
ni rien approchant ; mais que peut-être cela vient de
ce qu'on lui a mandé de delà que vous n'aviez plus à faire
à Rome et que vous aviez dit que vous deviez partir
dans quinze jours. Voilà tout ce que je sais de cela par
la conjecture de ce que je vous dis ; car ce bon Père ne
m'a rien dit de ce qu'il a écrit.
Quant à ce que vous dites qu'il vous a dit, et devant,
de choses dans le même esprit, je vous dirai que, par-
lant à ce bon Père de nos affaires de Rome, pource que
Monsieur Le Bret lui écrit tout ce qui se fait, parlant,
dis-je, de notre séjour à Ferrare, je lui témoignai la
peine en laquelle j'étais pour cela, sans lui avoir dit
autre chose que ce que je pourrais dire en votre pré-
sence, sans vous donner sujet d'aucune peine, et qu'il
est vrai que ce bon Père, par le zèle qu'il a pour nous,
qui est tel que je doute fort que je l'aie si grand pour !a
Mission que lui, il me dit qu'il voulait écrire à Monsieur
son cousin qu'il levât les bulles en votre absence. Or,
comme il me dit cela d'un plein abord, je n'y fis pas
Lettre 188. — Recueil du procès de béatification.
— 284 --
tant d'attention ; mais, ayant repassé cela dans mon
esprit, je le fus trouver exprès pour le prier de n'en rien
faire, pource que j'avais peur que cela ne vous fît peine,
et que je voyais qu'il était expédient que cela se fît par
vous. Et néanmoins j'ai su, après, qu'il en avait écrit
quelque chose, dont je fus extrêmement fâché.
Voilà, Monsieur, tout ce que je puis dire touchant
cela, avec toute la liberté et simplicité qu'il m'est pos-
sible. Et n'ayez pas pourtant opinion que ce bon Père
ait de vous aucun sentiment que très bon. Dieu merci,
et plein d'estime et d'affection, et certes avec sujet. C'est
pourquoi je vous supplie très humblement de ne pas
donner lieu à aucune pensée contraire à ce que je vous
dis, et d'éloigner de vous celles que je vois par la vôtre
que vous avez faites de moi et de ce bon Père. Vous sa-
vez que la bonté de votre cœur m'a donné, Dieu merci,
la liberté de vous parler avec toute confiance et sans
vous rien celer ni déguiser ; et me semble que vous avez
cru connaître cela jusques à présent par mon procédé
avec vous. Jésus, mon Dieu ! serais-je réduit à ce
malheur qu'il me fallût faire ou dire quelque chose
à votre égard contre la sainte simplicité ! Oh ! Dieu
m'en garde. Monsieur, et à l'égard de qui que ce soit !
C'est la vertu que j'aime le plus et à laquelle je fais
plus d'attention dans mes actions, si me semble ; et,
s'il m'est loisible de le dire, je dirai que cela se fait
avec quelque progrès, par la miséricorde de Dieu.
Au nom de Dieu, mon petit Père, rejetez ces pensées
comme des tentations que l'esprit malin vous jette dans
le vôtre et croyez que mon cœur n'est pas tant le mien
que le vôtre, et que vous m'êtes plus que je ne me suis
à moi-même à plaisir et consolation, et que c'est cela
qui me fait espérer votre retour ; mais je ne désire pas
que ce soit pendant le fort de l'hiver et en ce danger,
— 285 —
mais en la manière dont je vous ai écrit par ma dernière,
qui est à dire vers le mois de février ou de mars, si ce
n'est que vous vous mettiez sur les galères de France qui
doivent apporter le cardinal de Lyon ^ à Rome, qui doit
partir vers les avents, auquel cas il serait bon ou de
prier Monsieur Gilioli de vous aller trouver à Rome, ou
de l'aller prendre pour aller attendre les galères à Li-
vourne, qui est le port de mer de Florence.
Je ne vous dis rien de l'affaire de Saint-Lazare, pour-
ce que je vous ai déjà mandé que je vous priais de faire
signer la supplique par le Pape pour mettre la chose en
état d'être faite d'ici à cinquante ans, comme vous nous
mandez ; et si la chose se pouvait expédier à quelque
bon compte, il faudrait y entendre.
Or sus, voilà donc, Monsieur, tout ce que je vous dirai
pour le présent de moi, sinon que je vous salue avec
toute la tendresse de mon cœur et que je vous prie
d'avoir soin de votre santé, qui suis, en l'amour de Notre-
Seigneur, Monsieur, votre très humble et obéissant ser-
viteur.
Vincent Depaul.
De Saint-Lazare, ce 6 novembre 1634.
Suscription : A Monsieur Monsieur du Coudray, prê-
tre de la Mission, à Rome.
I. Alphonse de Richelieu, frère du cardinal-ministre. Il allait à
Rome prêter main forte à l'ambassadeur ordinaire Henri de Noail-
les, pour obtenir du Pape l'annulation du mariage que Gaston d'Or-
léans venait de contracter avec Marguerite de Lorraine. La lenteur
des négociations finit par impatienter le ministre de Louis XIII, qui
écrivait le 3 octobre 1635 : « Il serait important que le roi envoyât
à Rome quelque personne de condition en qualité d'ambassadeur
extraordinaire qui fût de son naturel agissant plus violemment que ?kl.
de Npailles et que le cardinal de Lyon. » [Lettres, instructions di-
■plomatiques et fafiers d'Etat du cardinal de Richelieu, Paris, 1853-
1877, 8 vol. in-4, t. IV, p. 307.)
— 286 —
189. — A JEAN DE FONTENEIL»
7 décembre 1634.
Monsieur,
La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !
M. de la Salle m'a écrit par plusieurs fois l'affection
que N.-S. vous a donnée pour notre petite manière de vie
et pour lui et pour M. Brunet, et celle avec laquelle vous
travaillez au salut du pauvre peuple et pour nous aux
occasions ~. Or, de tout cela. Monsieur, je vous en remer-
cie très humblement et prie N.-S. qu'il soit lui-même
votre remerciement et votre récompense et qu'il répande
sur vous de plus en plus l'abondance de ses grâces et
bénédictions.
O Monsieur, que mon cœur est rempli de consolation
toutes les fois que ledit sieur de la Salle m'écrit votre
Lettre 189. — Reg. i> £"14 v°. Le copiste note que l'original était
de l'écriture de saint Vincent.
I. Jean de Fonteneil, né à Bordeaux vers 1605, fut l'ami et l'imita-
teur de saint Vincent. Ses grandes qualités lui firent obtenir les plus
hautes dignités du diocèse ; il fut nommé chanoine de Saint-Seurin
en juillet 1623, vicaire général archiépiscopal particulier le i^r no-
vembre 1639, vicaire perpétuel de l'église paroissiale de Sainte-Co-
lombe, puis de Saint-Siméon, à Bordeaux, grand archidiacre, chan-
celier de l'Université de Bordeaux en 1650, vicaire général du diocèse
le 10 septembre 1655. Convaincu, comme son ami saint Vincent, du
grand bien qu'étaient appelés à faire les séminaires, les missions,
les retraites et les réunions hebdomadaires d'ecclésiastiques pour con-
férer ensemble sur des questions de théologie, de discipline ou de
piété, il fonda à cet effet la congrégation des Missionnaires du clergé,
qui dirigea le séminaire des ordinands de Bordeaux, les séminaires
d'Aire et de Sarlat et fut mise en possession de la chapelle de Notre-
Dame-de-Montuzet, des cures de Saint-Louis-du-Marais et de Saint-
Simon-Cardonnat (Gironde). Cette congrégation dura peu. Elle ne
sur\-écut que trois ans à son fondateur, qui mourut à Bordeaux le
2 mars 167g. (Cf. Bertrand, Histoire des séminaires de Bordeaux
et de Bazas, Bordeaux, 1894, 3 vol., t. I, p. 207 et suiv.)
2. Il n'y avait pas longtemps que Messieurs de la Salle et Brunet
travaillaient dans le diocèse de Bordeaux, car le pouvoir d'y prêcher
et d'y confesser leur avait été donné le 21 octobre précédent. (Ber-
trand, ibid., p. 215.)
— 287 —
zèle au salut des âmes, votre assiduité à la conquête
d'icelles, la bénédiction que N.-S. vous y donne et la
vertu solide qui est en vous ! Certes, Monsieur, tout
cela produit en moi une joie que je ne vous puis expri-
mer et une affection toute particulière à prier Dieu qu'il
lui plaise vous continuer et vous augmenter les mêmes
grâces.
C'est là, Monsieur, la récompense que vous attendez
de nous pour tant et tant d'actes de charité que vous
exercez incessamment pour nous de delà. J'y ajoute
l'offre que je vous fais, Monsieur, de la petite compa-
gnie et de son service, avec toute l'affection et l'humilité
qui m'est possible, et le mien particulièrement, qui me
donne la confiance de me recommander à vos saintes
prières et qui suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre
très humble et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
p. d. 1. M. i.
190. — A MONSIEUR BELIN
16 décembre 1634.
Monsieur,
La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !
Voilà enfin le temps venu auquel nous allons glaner
après les grandes moissons que N.-S. a faites par vous
en ce pays-là. Je vous supplie, Monsieur, de continuer
votre charité à la compagnie et de l'avertir de tout ce
qui sera expédient in Domino. Vous verrez du m.onde
Lettre 190. — Reg. i, f° i \°. Le copiste note que l'original était
de l'écriture de saint Vincent.
— 288 —
tout nouveau en tous sens ; mais que voulez-vous ? C'est
ainsi que la Providence nous soumet à la vicissitude.
Je vous prie de parler à cœur ouvert et sans retenue à
M. Grenu et à un chacun touchant les avis que vous ju-
gerez à propos de leur donner dans les rencontres ; au-
trement et eux et les plus prudents hommes pourraient
faire des fautes.
Et si votre charité le peut, aurez-vous point agréable
d'aller à Saint-Nom ^ ou aux Clayes faire le catéchisme
et y confesser ? Faites-le, je vous en supplie, et choisis-
sez. Savez-vous pas bien que N.-S. vous a fait mission-
naire, ains que c'est vous qui avez une des meilleures
parts à la conception, à la grossesse, à la naissance et
au progrès de la Mission, et que, n'étaient les témoi-
gnages évidents que Dieu a donnés, qu'il vous voulait
à \'^illepreux, que vous seriez à la Mission tout à fait.
Pour moi, je vous regarde comme un perpétuel et très
parfait missionnaire.
Le bon M. Pillé ^ est aux Bons-Enfants, un peu in-
commodé de son estomac ; M. Portail a mal aux yeux,
et moi aux jambes ; mais nous vous chérissons tous
trois de tout notre cœur. Ayez soin. Monsieur, au nom
de N.-S., de prier Dieu qu'il nous fasse la grâce de faire
sa volonté en toutes choses, et suis, en son amour. Mon-
sieur, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Je vous prie de faire trouver un garçon pour apporter
et apprêter le manger à Saint-Nom, et l'on le payera.
1. Saint-Nom-la-Bretèche (Seine-et-Oise) .
2. Prêtre du diocèse de Sens, reçu dans la congrégation de la Mis-
sion vers octobre 1631, supérieur du collège des Bons-Enfants de
1635 à 1638, mort à Paris le 7 octobre 1642. Saint Vincent a retracé
sa vie et fait l'éloge de ses vertus dans une longue lettre circulaire
qui sera insérée plus loin. On trouve aux Arch. Nat. M 211, liasse i,
une copie de son testament.
— 289 —
191. — A LOUISE DE MARILLAC
[Avant 1640 ^]
... Si VOUS trouvez bon de lui en faire ouverture, vous
le ferez ; sinon, ne lui en dites mot. Je vous renvoie la
lettre de Madame de Villegoubelin -. Nous parlerons
après vos exercices ' de ce qu'elle contient. Or sus, com-
ment faites-vous ? Vous empressez-vous point ? Au
nom de Dieu, faites doucement en la manière que vous
pouvez vous imaginer que faisait notre bienheureux
Père Monseigneur de Genève *.
Bon jour. Mademoiselle. Je suis, en l'amour de Notre-
Seigneur, Mademoiselle, votre très humble et obéissant
serviteur.
Vincent Depaul.
Ce mardi matin.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
192. — JEAN DE LA SALLE ET JEAN-JOSEPH BRUNET
A SAINT VINCENT*
1634.
Les prédications sont très suivies dans le diocèse de Bor-
deaux. Les fidèles viennent de loin. Si vif est leur désir de
Lettre 191. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
Le commencement de la lettre a été découpé et perdu.
1. Après 1639, ^^^ mots « Ce mardi matin » figureraient en tête
de la lettre.
2. Voir lettre i6g.
3. Vos exercices, votre retraite.
4. Saint François de Sales.
Lettre 192. — Abelly, of. cit., t. IL chap. i, sect. 11, § 8, ire éd.,
p. 50.
I. Cette lettre, dit Abelly, est de missionnaires que saint Vincent
envoya en 1634 c travailler dans le diocèse de Bordeaux » ; ces mis-
sionnaires, la lettre 189 nous les fait connaître.
19
— 290 —
faire une confession générale qu'ils attendent leur tour des
semaines entières, sans rentrer chez eux, et préféreraient mou-
rir que perdre cette occasion de se réconcilier avec Dieu. II en
est qui s'accusent tout haut pour mieux s'humilier.
193. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1634 et 1639 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai parlé à Madame la garde des sceaux - de la Cha-
rité des filles. Elle a baillé cent écus à Madame la prési-
dente Goussault, qu'elle vous enverra aujourd'hui ; et
qui plus est, elle désire aller à la campagne avec vous
autres.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Snscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
194. — A CH.^RLES-CHRÉTIEN DE GOURNAY, ÉVÊQUE DE TOUL *
19 janvier 1635.
Saint Vincent prie Charles-Chrétien de Gournay, qui lui
avait demandé une entrevue, de vouloir bien attendre quelques
jours, parce qu'il doit commencer le lendemain la visite des
Filles de la Madeleine, qu'il continuera pendant une semaine
au moins, et qu'il est attendu le dimanche suivant, fête du
saint Nom de Jésus, à Montreuil, où il doit prêcher et se ren-
dre compte du bon fonctionnement de la confrérie établie en
ce lieu.
Lettre 193. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. La lettre a été écrite entre l'institution des Filles de la Charité
et la mort de Madame Goussault.
2. Madame Séguier.
Lettre 194. — Collet, of. cit., t. I, p. 355, en note, d'après l'ori-
ginal, trouvé à Toul.
I. Nommé en 1634, mort à Nancy le 14 septembre 1637.
— 291 -
195. — A N***
[Vers 1635 i.j
Je tombai dangereusement malade il y a deux ou
trois jours ; ce qui m'a fait penser à la mort. Par la
grâce de Dieu, j'adore sa volonté et j'y acquiesce de
tout mon cœur ; et m'examinant sur ce qui me pourrait
donner quelque peine, j'ai trouvé qu'il n'y a rien sinon
de ce que nous n'avons pas encore fait nos règles ^.
196. — A GUY-FRANÇOIS DE MONTHOLON*
[1635, après le 28 mars 2.]
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous dirai, avec une extrême douleur, que je suis
indigne de l'honneur de votre bienveillance, pour n'avoir
su garder M. le chevalier votre frère ^, qui s'est sauvé à
Lettre 195. — Abelly, of. cit., t. I, chap. 11, p. 252.
1. Abelly dit que ce fragment de lettre a été écrit par le saint plus
de vingt-cinq ans avant sa mort, qui survint, on le sait, le 27 sep-
tembre 1660
2. Saint Vincent ne commença à les préparer qu'en 1642.
Lettre 196. — Bulletin du Bibliofhile et du Bibliothécaire, 1872,
p. 382. L'original, dont nous n'avons pu avoir communication, est la
propriété de la famille de Montholon ; il se trouve à Quevillon,
près de Rouen, au château de la Rivière-Bourdot.
1. Seigneur du Vivier et d'Auberv-illiers, avocat au Parlement et
conseiller d'Etat, mort le 24 janvier 1679, à l'âge de soixante-dix-huit
ans.
2. Lambert aux Couteaux informait Guy-François de Montholon,
le 28 mars 1635, que son frère était depuis deux jours dans un état
semblable à la folie. [Archives du Prince de Montholon de L'mbriano.
Inventaire des Titres de la maison de Montholon (1200-1900), Paris,
1901, in-4°, n° 490.)
3. Pour avoir épousé clandestinement, le 29 juillet 1632, Jeanne
Jeannesson, dont la position sociale n'était pas en rapport avec la
— 292 —
ce soir par une petite porte écartée, qui sert à notre lé-
preux *, pendant que je parlais à votre clerc qui m'est
venu trouver de votre part, sur le sujet d'une lettre que
je vous avais écrite. Je venais de le laisser avec un reli-
gieux de céans ^ dans le jardin à M. de Saint-Lou.-.in.
M'étant venu trouver, je n'ai fait que le conduire jusqu'à
la porte, là 011 l'on m'a dit que votre clerc me deman-
dait ; et à peine étais- je avec lui quand l'on m'est venu
dire : Voilà ce gentilhomme qui se sauve. Ce même temps,
je suis allé au jardin et de là à la petite porte par la-
quelle l'on m'a dit qu'il venait de sortir et qu'il était
avec un des religieux de céans, lequel je croirais bien qu'il
ne lui ait enseigné cet endroit par lequel il s'est sauvé. Et
de faire courir après, nous n'avons point de gens propres
pour cela ; et puis, les soldats l'auraient infailliblement
secouru ^. De vous dire. Monsieur, en quelle affliction
sienne, Jean de Montholon avait été arrêté le 5 décembre 1634 et
enfermé dans la prison de Saint-Lazare, à la requête de son frère et
tuteur Guy-François, après sentence de la prévôté de Paris. Il avait
vingt et un ans lors de son incarcération. (Archives du Prince de
Montholon de Umhriano, n^^ 480 et 483.)
4. Saint-Lazare était une ancienne léproserie. Dans le concordat
passé, le 7 janvier 1632, entre saint Vincent et les anciens religieux
de Saint-Lazare, il est noté que la maison n'abritait alors aucun lé-
preux. Engagement fut pris par le saint de recevoir et d'héberger
gratuitement les lépreux qui se présenteraient. Cette lettre est, à
notre connaissance, le seul document qui signale la présence d'un
lépreux à Saint-Lazare après 1632. Dans sa supplique au Pape Ur-
bain VIII, saint Vincent notait, en 1634 (1. 178), qu'il n'y avait pas
eu depuis longtemps de lépreux dans le prieuré.
5. Un religieux de l'ancien Saint-Lazare.
6. La prison de Saint-Lazare recevait des fous et des incorrigibles.
Quand saint Vincent prit possession du prieuré, elle ne renfermait
que deux ou trois pauvres aliénés. Leur nombre augmenta dans la
suite. Le bon saint veilla sur eux avec l'afFection d'un père. Un jour
que, menacé d'être spolié de Saint-Lazare par d'avides compéti-
teurs, il se demandait ce qui lui coûterait de plus à son départ, sa
pensée se reporta sur les aliénés dont il avait la garde. « Il me sem-
blait, à cette heure-là, dit-il dans un entretien, que ce serait de ne
plus voir ces pauvres gens et d'être obligé d'en quitter le soin et le
service. » (Cf. Abelly, cf. cit., t. II, chap. vi, p. 305 et suiv. ) Le
seul catalogue des détenus qui nous reste va de 1692 à 1734. fArch.
Nat. MM 543.) On y trouve plus d'un nom illustre.
— 293 —
cela m'a mis, il n'est pas explicable, ce étant le pre-
mier service que vous aviez requis de moi. Ce mauvais
service m'est si cuisant que Dieu seul le sait ; et n'était
que j'espère que votre bonté me pardonnera, et que vous
vous servirez de ce sujet de vous mieux assurer de lui, je
ne sais qui me pourrait consoler. Je recours donc [dere-
chef] ^ à votre bonté. Monsieur, et vous supplie, [par] *
l'amour de Notre-Seigneur, de me vouloir pardonner ;
[ce qu'] ' espérant de votre bonté, je [suis] ^"t en l'amour
de Notre- Seigneur et de sa sainte Mère, IVIonsieur, votre
très humble et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Saint-Lazare, ce samedi au soir i'.
197. — A ANTOINE PORTAIL, PRÊTRE DE LA MISSION
IMonsieur,
La grâce de Xotre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai reçu deux de vos lettres depuis votre départ, voire
trois, l'une de Brie-Comte-Robert i, l'autre de Lion, et la
7. Texte du Bulletin : de reste.
8. Texte du Bulletin : pour.
9. Texte du Bulletin : et.
10. Texte du Bulletin : serai.
11. Jean de Montholon épousa légalement dans la suite Jeanne
Jeannesson. Il prit du sen-ice dans l'armée, acquit en 1640 la sei-
gneurie des Bordes-Cocherets et épousa en secondes noces en 1647
Demoiselle Louise de Chesneton. {Archives du Prince de Montholon
de Umbriano, v\°^ 551, 568, 605.)
Lettre 197. — Recueil du procès de béatification.
I. Aujourd'hui chef -lieu de canton en Seine-et-Marne. Cette loca-
lité avait déjà reçu la visite des missionnaires et de saint Vincent
lui-même ; elle possédait sa confrérie de la Charité depuis quatre ans.
Grâce à une fondation du commandeur de Sillery, une mission y sera
donnée tous les cinq ans.
— 294 —
dernière, du lendemain de Quasimodo ^, de Luzarches ^,
votre première mission ; et ne vous ai point fait réponse
à la première, pource que je ne la reçus que huit jours
après ou environ, et que je crus que ma lettre ne vous
trouverait point à Lion ; ni à la seconde, à cause que je
ne le jugeais pas expédient. Voici la réponse à toutes
trois.
Je vous dirai donc, pour la première, que je ne pense
pas que vous ayez besoin d'autre licence que celle que je
vous ai baillée ; quant à la seconde, que je loue Dieu
de ce que vous me mandez par le petit billet.
Parlons de la troisième. Certes, Monsieur, elle m'a
consolé plus que je ne puis vous dire, pour la bénédic-
tion qu'il a plu à Dieu de donner à vos chétifs caté-
chismes et aux prédications de Monsieur Lucas, que vous
me dites bonnes, et à tout ce qui s'en est ensuivi. O Mon-
sieur, qu'il a été bon que vous ayez été humilié, d'abord
pource que, pour l'ordinaire, il n'en arrive autrement
dans le progrès, et que c'est de la sorte que Notre-Sei-
neur prépare ceux desquels il désire se servir utilement !
Et lui-même combien a-t-il été humilié dès le premier
abord de sa mission ! Comme extrema gaudii lue tus oc-
cupât *, aussi est-il dit à ceux qui travaillent dans l'an-
goisse et la pressure que tristitia eorum vertetur in gau-
dium. Aimons ce dernier et craignons le premier. Et, au
nom de Dieu, Monsieur, je vous prie d'entrer dans ces
sentiments, et Monsieur Lucas aussi, de ne rien préten-
dre de vos travaux que honte, qu'ignominie et enfin la
mort, s'il plaît à Dieu. Un prêtre doit-il pas mourir de
honte de prétendre de la réputation dans le service
qu'il rend à Dieu et de mourir dans son lit, qui voit Jé-
2. i6 avril.
3. Aujourd'hui chef-lieu de canton en Seine-et-Oise.
4. Livre des Proverbes xiv, 13.
— 295 -
sus-Christ récompensé de ses travaux par l'opprobre et
le gibet. Ressouvenez-vous, Monsieur, que nous vivons
en Jésus-Christ par la mort de Jésus-Christ, et que nous
devons mourir en Jésus-Christ par la vie de Jésus-
Christ, et que notre vie doit être cachée en Jésus-Christ
et pleine de Jésus-Christ, et que, pour mourir comme Jé-
sus-Christ, il faut vivre comme Jésus-Christ. Or, ces fon-
dements posés, donnons-nous au mépris, à la honte, à
l'ignominie et désavouons les honneurs qu'on nous rend,
la bonne réputation et les applaudissements qu'on nous
donne et ne faisons rien qui ne soit à cette fin.
Travaillons humblement et respectueusement. Qu'on
ne défie point les ministres en chaire ; qu'on ne dise
point qu'ils ne sauraient montrer aucun passage de leurs
articles de foi dans la Sainte Ecriture, si ce n'est rare-
ment et dans l'esprit d'humilité et de compassion ; car
autrement Dieu ne bénira point notre travail. L'on éloi-
gnera les pauvres gens de nous. Ils jugeront qu'il y a
eu de la vanité en notre fait, et ne nous croiront pas.
L'on ne croit point un homme pour être bien savant,
mais pource que nous l'estimons bon et l'aimons. Le
diable est très savant et nous ne croyons pourtant rien
de ce qu'il dit, pource que nous ne l'aimons pas. Il a
fallu que Notre-Seigneur ait prévenu de son amour ceux
qu'il a voulu faire croire en lui. Faisons ce que nous vou-
drons ; l'on ne croira jamais en nous, si nous ne témoi-
gnons de l'amour et de la compassion à ceux que nous
voulons qu'ils croient en nous. Monsieur Lambert et
Monsieur Soufliers, pour en avoir usé de la sorte, ont
passé pour des saints en l'un et l'autre partis, et Notre-
Seigneur a fait de grandes choses par eux. Si vous en
usez de la sorte, Dieu bénira vos travaux ; sinon, vous
ne ferez que du bruit et des fanfares et peu de fruit. Je
ne vous dis pas ceci. Monsieur, pource que j'ai su que
— 296 —
vous ayez fait le mal que je dis, mais afin que vous vous
en gardiez et travailliez constamment et humblement
dans l'esprit d'humilité ^. Que Monsieur Lucas continue
donc les prédications, et vous le catéchisme.
Je doute fort que Monsieur Olier ^ et Perrochel ^ vous
aillent voir. Le premier était déjà parti et l'autre le de-
vait suivre quelques jours après. Mais Monsieur Olier a
été arrêté par la proposition avec instance que Monsieur
de Langres * lui a fait faire de prendre son évêché. Ils
sont dans les pourparlers. La chose est encore douteuse à
cause des conditions. Il y a plus d'apparence que la
5. Saint Vincent savait qu'Antoine Lucas, compagnon d'Antoine
Portail, était d'un tempérament ardent et porté à la controverse, pour
laquelle il avait d'ailleurs de grandes aptitudes.
6. M. Olier se repentit de n'être pas allé au secours des deux prê-
tres de la Mission. La peine qu'il en éprouva fut si vive que sa santé
faillit en être ébranlée. Ce furent pendant deux ans des remords
cuisants, des scrupules continuels, accompagnés de « sécheresses et
de grandes obscurités », de larmes et de soupirs. (Faillon, of. cit.,
t. I, pp. 158, 180, i8r.]
7. François Perrochel, né à Paris le 18 octobre 1602, était cousin
de M. Olier. Il fut du nombre des ecclésiastiques pieux et zélés qui
se groupèrent autour de saint Vincent pour s'animer de son esprit
et travailler sous sa direction. Il donna des missions en divers lieux,
en particulier en Auvergne, à Joigny et au faubourg Saint-Germain,
fit partie de la conférence des mardis et assista aux réunions dans
lesquelles fut organisée l'œuvre des retraites des ordinands. Evêque
nommé de Boulogne, il fut invité à faire les entretiens des ordinands
réunis aux Bons-Enfants et s'en acquitta si bien que la reine voulut
l'entendre. Touchée de ses paroles, elle laissa d'abondantes aumônes
au saint pour l'aider à couvrir une partie des dépenses faites par les
retraitants. François Perrochel fut sacré dans l'église de Saint-Lazare
le II juin 1645. I^'épiscopat de ce saint prélat est l'un des plus fé-
conds et des plus glorieux qu'ait connu le diocèse de Boulogne. Quand,
accablé par l'âge et les infirmités, l'évêque de Boulogne se vit dans
l'impossibilité de gouverner convenablement son diocèse, il donna
sa démission. C'était en 1675. Il couronna sa carrière le 8 avril 1682
par une mort digne de sa vie. (Cf. Van Drivai, Histoire des évêçties
de Boulogne, Boulogne-sur-!Mer, 1852, in-8°. )
8. Sébastien Zamet, né en 1588, sacré en 1615, mort en son château
de !Mussy le 2 février 1655. M. l'abbé Prunel a publié sa vie (Sé-
bastien Zamet, évéqite-duc de Langres, fair de France, Paris, in-S",
1912) et ses lettres spirituelles {Lettres spirituelles de Sébastien Za-
met -précédées des Avis spirituels, Paris^ 191 ij in-80.)
— 297 —
chose se fera que du contraire *. Ledit sieur Olier ne
laissera pas pourtant peut-être de faire un petit voyage
jusqu'à Pébrac pour affermer son bail. Si Monsieur Per-
rochel avait quelque compagnon, il ne laisserait pas
peut-être de vous aller trouver. L'on verra. Je vous sup-
plie cependant de m'écrire souvent et de donner mandat
à qui j'adresserai ma lettre à Mende.
J'ai envoyé ce soir la lettre de Monsieur Lucas à Mon-
sieur Tinien, et à Monsieur Olier la sienne ; car c'est ce
matin que j'ai reçu la vôtre.
Que vous dirai-je de nos nouvelles ? Tout le monde
se porte bien, Dieu merci. Nous avons reçu depuis votre
départ un gentilhomme limousin qui a été de la religion,
parent de Monsieur de Saint-Angel, et un écolier d'Au-
vergne ^° ; mais, en récompense^!, nous avons fait re-
connaître à Monsieur Flahan qu'il fera mieux ailleurs
que céans. Il vient de s'en aller, il y a environ une
heure. Je pense que nous recevrons aussi un cousin
de Monsieur Aleyster^- ; c'était frère Etienne aupara-
9. Cette lettre est le seul document qui fasse mention de l'offre
de l'évêque de Langres à Jean-Jacques Olier .Sa découverte a mis fin
aux conjectures des biographes du fondateur de Saint-Sulpice. (Cf.
Frédéric Monier, of. cit., t. I, p. 128, note 3.)
10. Annet Savinier, né à Clermont-Ferrand, ordonné prêtre en mars
1637-
n. En récompense, par compensation.
12. Etienne Meyster fut l'un des plus grands missionnaires du
XYII» siècle. M. du Ferrier disait de lui qu'il était « le premier
homme du inonde pour les missions » et le P. de Condren, que
« c'était un homme à opposer à l'antechrist ». Il était né en la ville
d'Ath (Belgique), de l'ancien diocèse de Cambrai. La réputation de
saint Vincent de Paul l'attira. Il entra dans la congrégation de la
Mission à la fin de 1634, après avoir reçu le sous-diaconat, fut or-
donné prêtre en 1635 et quitta saint Vincent en 1636 pour s'associer à
Jean-lacques Olier et se mettre sous la direction du P. de Condren.
Il prêcha en divers lieux avec grand succès. La mission d'Amiens fut
particulièrement célèbre. Il avait conquis un tel ascendant sur le peu-
ple, a-t-on dit, qu'il aurait pu livrer la ville aux Espagnols. Le P. de
Condren écrivait un jour à M. Olier : « Nous avons à le vénérer
et à nous humilier de ce que nous ne sommes pas dignes de la grâce
— - 298 —
vant'3. Monsieur de la Salle reçoit beaucoup d'assis-
tance de Dieu en sa mission'^: ceux qui sont en Nor-
mandie aussi. L'on s'en va partir pour deux ou trois
endroits du diocèse de Chartres et pour deux de ce
diocèse. J'ai mandé à M. du Coudray de s'en revenir
avec Monsieur Gilioli ^^.
Et voilà toutes nos nouvelles. Je n'ai point encore lu
votre lettre à la compagnie ; je le ferai demain, Dieu
aidant, en l'amour duquel je salue et embrasse chère-
ment le bon Monsieur Lucas et vous aussi, Monsieur,
sans oublier le bon frère Philippe et ni la simplicité
dans laquelle je vous ai parlé et suis à vous, Monsieur,
votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce i^^ de mai 1635.
Suscripiion : A Monsieur Monsieur Portail.
que Dieu lui fait... Je reconnais, ce me semble, et honore en lui
quelque chose de la grâce apostolique à laquelle je supplie Notre-Sei-
gneur de nous donner quelque part. » Et il ajoutait plus loin : « Il
ne faut pas qu'il serve de règle aux autres. » M. Meyster ne mar-
chait pas en eiïet par les voies communes. Son jugement n'était pas
à la hauteur de son grand talent. « Il était de petit sens et fort vi-
sionnaire », a écrit le P. Rapin (Mémoires du F. René Rafin, éd. Au-
bineau, Lyon, 3 vol. in-S*, t. I, p. 50.) Subitement frappé d'aliéna-
tion mentale au milieu d'un sermon qu'il donnait en plein air à Metz,
sous un soleil brûlant, il termina misérablement ses jours peu après.
On trouve d'assez nombreux renseignements sur Meyster dans la Vie
de M. Olier, par Faillon. Saint Vincent dit dans sa lettre qu'un cou-
sin de M. Meyster demandait son admission dans la congrégation de
la Mission ; c'était Charles Aulent, né le i" février 1614 à Ath, reçu
parmi les missionnaires à la fin de 1636, ordonné prêtre en 1640 et
admis aux vœux le 11 décembre 1644.
13. Il était et il est encore d'usage dans la congrégation de la Mis-
sion de donner aux clercs le nom de frères et de réserver aux prêtres
celui de Messieurs. Quand M. Portail quitta Saint-Lazare pour aller
en mission, Etienne Mevster n'était pas encore prêtre ; on l'appelait
communément Frère Etienne. Depuis son ordination, qui remontait à
peu de jours, il était devenu M. Meyster.
14. Jean de la Salle et Jean Brunet donnaient des missions du côté
de Bordeaux.
15. Tous deux étaient à Rome ou peut-être en route pour Paris.
— 299 —
198. — A ANTOINE LUCAS
28 juin 1635.
Le saint blâme avec douceur Antoine Lucas de ses procédés
envers les hérétiques, qu'il traite avec mépris et provoque à
la dispute.
199. — A LOUISE DE MARILLAC
[Juin ou juillet 1635 ^'^
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je parlai hier à la compagnie des ecclésiastiques de
ce que Madame la présidente Goussault m'avait mandé
touchant l'état de l'Hôtel-Dieu ; mais enûn il a
été résolu de différer encore pour quelques jours. Il vaut
mieux laisser dire le monde que d'exposer tant de per-
sonnes, dont l'inconvénient d'une seule peut anéantir
l'œuvre tout à fait. Et puis, l'on dit que ces bonnes filles
ne sont pas tant à croire en cette matière-là.
Mon Dieu ! que je suis en peine de votre pauvre fille
Barbe - et de l'autre qui est malade à l'Hôtel-Dieu,
Lettre 198. — Collet, of. cit., t. I, p. 247.
Lettre 199. — L. a. — Bibl. Nat. n. a. f. 22.741, f° 285, original.
1. Cette lettre précède de peu la lettre 201, qui est du 13 juil-
let 1635.
2. Barbe Angiboust occupe dans l'histoire des Filles de la Charité
des vingt-cinq premières années une place importante, la plus impor-
tante assurément après Louise de Marillac. Entrée en communauté
le I ' juillet 1634, à l'âge de vingt-neuf ans, elle fut reçue aux vœux
le 25 mars 1642. Le saint fondateur la mit à la tête des maisons
fondées à Saint-Germain-en-Laye (1638), Richelieu (1638), Saint-
Denis (1645), Fontainebleau (1646), Brienne (1652), Bernay (1655)
et Châteaudun (1657), o^ ^H^ mourut le 27 décembre 1658. Elle avait
en 1641 la conduite des sœurs employées au service des galériens.
Rien de plus édifiant que la conférence que l'on fit sur ses vertus à
la maison-mère le 27 avril 1659.
— 300 —
comme aussi de la bomie Madame Mussot ! Je ne les
vous recommande point ; vous en avez assez de soins.
Mais surtout je suis en peine de ce que vous me dites,
que vous pouvez si peu de chose que c'est une pitié.
Mais je crains que vous-même ne soyez malade. Man-
dez-le-moi, je vous en prie ; et si cela est, ne retournez pas
à r Hôtel-Dieu. Marie ^ suppléera à votre défaut ; sinon,
je pense que vous ferez bien d'y faire un tour demain,
et peut-être que vous couchiez, et vous en retourner,
le lendemain, à Saint-Nicolas pour apprivoiser peu à peu
Marie à ces filles, et elles à Marie.
Mais que vous dirai -je de Mademoiselle Laurent ? Elle
paraît de bon esprit ; mais son âge me fait peur ;
néanmoins, si vous jugez à propos de la faire venir à
l'Hôtel-Dieu en passant '^ deux ou trois jours avec
elle, et, après cela, aller et venir de l'une maison à l'autre,
en attendant le temps opportun pour aller aux champs,
faites-le Elle verra et vous la verrez, mois faites-lui
bien entendre que ce n'est qu'un essai, et à votre cœur
que je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre très
humble serviteur.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras
200. — A LOUISE DE MARILLAC
[Juin ou juillet 1635 ^.J
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous poui
jamais !
3. Marie Joly.
Lettre 200. — L. a. — Original chez les Pères de Picpus de Braine-
le-Comte (Belgique).
I. Le passage relatif à Marie nous porte à placer cette lettre après
la lettre 199.
— 30I —
Monsieur Holden - n'est point venu dîner céans ;
faites-m'en raison ; je m'y attendais.
Je parlerai à Monsieur votre fils. Il ne faut pas qu'il
quitte légèrement la soutane. S'il le fait, il y aurait lieu
de peine. Dieu pourtant, qui fait tout pour le mieux, y
trouverait sa gloire. Il faut être résigné à sa divine vo-
lonté à l'égard de toutes choses. Il est plus l'enfant de
Dieu que le vôtre. Il fera ce qui sera pour le mieux.
Soyez donc disposée à tout événement et ne vous relâ-
chez pas facilement à cette condescendance. S'il quitte
sa soutane, Ton se moquera de cela, même en ce collège-
là ; et d'aller ailleurs, il s'y perdra, ou pour le moins
il y courra grand risque.
J'ai parlé à Madame Goussault. Elle ne s'étonne pas
de la proposition. Elle dit que Marie ^ ne fera point
l'oraison comme l'on l'a fait, ni ne la fera répéter. Mais
à cela ne tient. Vous la pourrez voir parfois.
Je me recommande cependant à vos prières et suis, en
l'amour de Notre-Seigneur, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
2. Henri Holden, né dans le comté de Lancaster (Angleterre) en
1586, vint en France à l'âge de vingt-deux ans. Il passa cinq ans
au collège anglais de Douai et alla de là au collège de Navarre, où
il termina sa théologie. Michel de Marillac, garde des sceaux et oncle
de Louise, le reçut dans sa maison comme aumônier en 1626 et lui
confia la direction de sa conscience. Henri Holden prit le doctorat
en 1636. Il mourut le 14 mars 1662 dans la communauté de Saint-
Nicolas-du-Chardonnet. On a de lui une édition annotée du Novum
Testamentum (1660, 2 vol. in-12), un compendium raisonné de la re-
ligion catholique, sous le titre de Divinae fidei analysis (Paris, 1652,
in-12), un discours sur la grâce (Francfort, 1656) et deux lettres à
Antoine Amauld, dont il combat la doctrine.
3. Madame Goussault l'avait envoyée à Ironise de Marillac.
— 302 —
201. — A LOUISE DE MARILLAC
[13 juillet 1635 \]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Vous réfléchissez trop sur vous-même. Il faut aller
bomiement et simplement. Vous ne me dites rien derniè-
rement contre la charité ; ains vous eussiez mal fait de
faire autrement, eu égard à la personne et à ce dont il
est question. Allons un peu plus bonnement et simple-
ment, je vous en supplie, et ne craignez rien de ce côté-
là.
J'ai reçu votre paquet en la personne de la dame dont
vous parlez ; mais je ne lui ai pas rendu et l'ai jugé
ainsi à propos.
Je ne sais que vous dire de la Charité, si elle a com-
mencé la même année. Je saurai de Madame de Chantai,
qui sera ici dans douze jours ^, en quelle année elles ont
cessé l'exercice. Celle-ci a commencé, si me semble, l'an-
née 1617^. Nous concerterons cela et en parlerons
à la première occasion, si cela fait à l'édification *.
Lettre 201. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Voir note 2.
2. Sainte Chantai a fait quatre voyages à Paris : le 6 avril 1619
pour fonder le premier monastère de la Visitation de cette ville, en
janvier 1628, le 25 juillet 1635 et le 4 octobre 1641. Il ne peut s'agir
ici que du troisième voyage. En 1641, Madame Goussault était morte.
En 1628, Louise de Marillac n'avait pas « la bonne Barbe » avec elle.
La date de 161g est évidemment trop éloignée ; saint Vincent ne
connaissait pas encore Louise de Marillac.
3. Ce fut, en effet, en 161 7, que saint Vincent, alors curé de Châ-
tillon-les-Dombes, établit la première confrérie de la Charité.
4. Il serait difficile de dire à quoi le saint fait ici allusion. On
sait que la visite des malades fut, au début, une des fins de l'Ins-
titut de la Visitation. (Cf. Conférence de saint Vincent aux Filles de
la Charité, du 3 août 1655.) Mgr Baunard suppose (op. cit., p. 276)
que Louise de Marillac avait demandé au saint quand les Filles de
— 303 —
Madame Goussault s'en va faire faire le billet pour
la bonne Madame Lagault. Oh ! que je suis mortifié
de ne l'avoir vue, non plus que Madame Mussot, qui se
porte mieux ! Mais sur quoi fonder votre abjection en
cet œuvre ? Or sus, Notre-Seigneur souffre les senti-
ments qu'il lui plaît en ses serviteurs.
Que vous dirai-je de cette bonne demoiselle Laurent ?
Je ne sais. J'appréhende quelque rencontre. Madame
Mussot s'est ouverte à M. Messier, de Beauvais, et lui
dit avant-hier qu'elle penche de ce côté-là. Or sus,
pensez, s'il vous plaît, à ce qu'il faut faire, et me mandez
votre pensée sur cela.
Je salue la bonne Barbe ^ et me réjouis de sa meilleure
disposition. Notre assemblée va commencer ; c'est ce qui
me presse. Adieu, donc. Mademoiselle. Je suis, en
l'amour de Xotre-Seigneur, v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
202. — A ANTOINE PORTAIL, PRÊTRE DE LA MISSION,
AUX CÉVENNES
lo août 1635.
Je vous prie de dire à notre frère Philippe que je suis
bien aise de ce que vous me mandez qu'il est ainsi zélé
à l'instruction des pauvres gens selon sa petite capacité.
Et certes. Monsieur, il est vrai que ce que vous m'en
mandez m'a fort consolé, notamment ce que vous me
dites, que, l'envoyant en quelque petit village, il vit un
berger au haut d'une montagne, là où il l'alla trouver et
la Visitation abandonnèrent cette œuvre et que le saint répond à sa
question.
6. Barbe Angiboust.
Lettre 202. — Reg. 2, p. 196. Le copiste note que l'original était de
l'écriture de saint Vincent.
— 3°4 —
le catéchiser. Or sus, béni soit Dieu de ce qu'il se peut
dire que Idiotae rafiunt caelum !
Que vous dirai-je de nos nouvelles ? La compagnie
est maintenant presque toute ramassée céans. Nous allons
faire nos retraites et puis recommencer l'exercice des
controverses et de nos prédications. Et pour les jeunes,
peut-être qu'on leur fera lire le Maître des Sentences ^
203. — A LOUISE DE MARILLAC
[1635 '-1
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je pense voirement qu'il est à propos de commencer à
parler à cette Elle de l'Hôtel-Dieu de sa propreté et gen-
tillesse. Mais comment ferez-vous ? De lui faire quitter
sa manière de s'habiller, il semble n'être pas faisable ni
expédient. Il semble qu'il serait à propos de lui ôter l'af-
fection à paraître bien vêtue et à se négliger un peu de
ce côté- là. Vous verrez.
Pour l'Hôtel-Dieu, d'y être toujours, il n'est pas
expédient ; mais d'y aller et venir, il est à propos de
le faire. Ne craignez pas de trop entreprendre de ce que
vous pourrez faire sans aller et venir ; mais craignez
seulement la pensée de faire plus que vous ne faites et
que Dieu ne vous donne le moyen de faire, et donnez-
vous à sa divine Majesté pour ne faire jamais que ce
que vous faites. La pensée contraire me fait trembler de
peur, pource qu'elle me semble un crime aux enfants de
I. Senieniiarum lihri IV, ouvrage du célèbre Pierre Lombard,
évêque de Paris.
Lettre 203. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir note 3.
— 305 —
la Providence. Je loue sa divine bonté de ce que vous
m'ôtâtes hier de cette peine-là.
Je verrai vos filles en particulier et puis en général ;
et vous me direz tout ce qu'il vous plaira le plus tôt
qu'il me sera possible.
Ne craignez pas ce grand voyage ; il me semble que
l'occasion diminue. Peut-être en pourrai- je faire un, de
trois ou quatre jours seulement, pour aller voir deux
fermes que la bonne Madame la présidente de Herse ^
nous a laissées, à douze lieues d'ici ^. Priez Dieu pour
moi cependant.
Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre serviteur
très humble.
Vincent Depaul.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
2. Madame de Herse, de son premier nom Charlotte de Ligny,
était fille de Jean de Ligny, seigneur de Ranticey, maître des re
quêtes, mère de Félix Vialart, évêque de Châlons, parente de Jac-
ques Olier, veuve de Michel Vialart, seigneur de la Forest de Herse,
conseiller du roi en sa cour de parlement, président aux requêtes du
palais, puis ambassadeur en Suisse, mort à Soleure le 26 octobre 1634.
Elle était chère à saint François de Sales, qui avait voulu être le
parrain de son fils. Elle s'enrôla dans la compagnie des dames de la
Charité et devint une des principales auxiliaires de saint Vincent.
Elle donna beaucoup aux pauvres de Paris, de la Picardie, de la
Champagne, soutint de ses libéralités l'œuvre des ordinands et celle
des Enfants trouvés, établit les Filles de la Charité à Chars (Seine-et-
Oise). Pendant les guerres qui désolaient la capitale, la reine-mère la
chargea, avec d'autres dames, de distribuer ses propres aumônes. La
présidente de Herse mourut en 1662.
3. Le contrat est du 23 juillet 1635. La présidente de Herse don-
nait à la maison de Saint-Lazare deux fermes situées l'une à Mes-
puits, l'autre à Fréneville, petit hameau de la commune de Valpui-
seaux (Seine-et-Oise) . Elle demandait en échange qu'il fût fait une
mission à perpétuité sur ses terres de cinq en cinq ans et que deux
missionnaires fussent mis à sa disposition ou à la disposition de son
second fils, Félix Vialart, prieur du Bu, pour être employés pendant
trois mois, tous les quatre ans, dans les localités qui leur seraient
marquées.
— 3o6 —
204. — A JEAN DE FONTENEIL
29 août 1635.
Monsieur,
La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !
Je ne puis vous exprimer, Monsieur, les sentiments
que N.-S. me donne du nombre infini d'obligations que
je vous ai de tant d'affection que vous avez témoignée
à Messieurs de la Salle et Brunet et de tant d'assistance
que vous leur avez donnée dans tous les affaires que
nous avons eus de delà.
Je suis encore confus de la charité que vous avez
exercée et que vous exercez continuellement vers mon
pauvre frère i. Et pource que vous avez fait tout cela
pour l'amour de Dieu et que la reconnaissance de tant
de bienfaits est au-dessus de notre pouvoir, je prie N.-S.,
Monsieur, qu'il soit lui-même et votre remerciement et
votre récompense, vous protestant qu'il ne sera jour de
ma vie et que je n'en conserve le sentiment et que je
ne recherche les occasions de vous honorer et de vous
servir. Regardez-nous donc désormais. Monsieur, comme
des personnes sur qui vous avez acquis un absolu et sou-
verain pouvoir, et disposez de nous de la sorte et faites-
nous la charité, au nom de Notre-Seigneur, de prendre
notre maison lorsque vous viendrez, cet automne, en cette
ville. Que si cependant vous désirez que nous vous ren-
voyions l'argent que vous avez fourni de delà pour nous,
ou que nous le baillions de deçà, commandez. Mon-
sieur, et nous vous obéirons en cela et en toutes choses.
Et si tant est qu'il vous plaise aussi avancer ce que mon
Lettre 204. — Reg. i, i° 5. Le copiste note que l'original était de
l'écriture de saint Vincent.
I. Bernard ou Gayon de Paul.
-- 307 —
pauvre frère aura besoin de delà, pour l'amende à la-
quelle il est condamné, et aux dépens pour sa part, et
pour s'en retourner, je le vous rendrai avec le surplus.
Et pource qu'on m'a dit qu'il a quelque pensée de venir
en cette ville me voir, je vous supplie, Monsieur, de l'en
détourner, tant à cause de son vieil âge, que pource que,
quand il y serait, je ne pourrais lui rien donner, n'ayant
la disposition de quoi que ce soit pour lui pouvoir
donner.
Je parle au bon M. de Fonteneil comme au cœur de
mon cœur et comme à celui que je chéris plus que je ne
puis exprimer, qui suis, en l'amour de N.-S. et de sa
sainte Mère, son très humble et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
205. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
Mon Dieu, que vous êtes une brave femme d'avoir fait
tout ce que vous me mandez ! Or sus, il ne faut point
demeurer en si beau chemin. Si les difficultés qu'on
vous oppose arrivent et empêchent le succès, quitte pour
le quitter. 11 n'y a point obligation à péché mortel, ni
véniel. Les pauvres auront eu cependant ce soulage-
ment, et les personnes qui les auront assistés, le mérite.
Bien volontiers, je désire que nous soyons de ce bienheu-
reux corps et vous remercie de ce que vous nous four-
nissez de personnes pour cela.
Lettre 205. — Manuscrit Saint-Paul, p. 41.
— 3o8 —
206. - A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1632 et 1650 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur soit avec
vous pour jamais !
Béni soit Jésus-Christ souffrant de ce qu'il vous re-
donne la santé ! Oui certes, Mademoiselle, je vous aide-
rai à en faire la volonté de Dieu, moyennant sa grâce et
le bon usage qu'il faudra que vous en fassiez ; et je
pense, en effet, qu'il sera bon que vous alliez à la cam-
pagne, quand vous serez un peu plus forte, pour achever
de vous fortifier en faisant du bien.
Nous avons ici - trente-cinq ou 36 externes ordi-
nands et exercitants. J'espère qu'il nous restera quelque
petit taudis pour mettre M. votre fils, et le ferons purger
et saigner lundi ; car, pour les Bons-Enfants, il y a trois
jeunes hommes qui y font leur retraite et qui occupent
tous nos lits.
Nous avons ici une jeune fille luthérienne d'Allema-
gne, habillée en laquais, qu'on nous a envoyée de la mis-
sion de Gonesse ^, du consentement d'un gentilhomme,
qui l'entretenait. Elle désire se convertir de mœurs et de
religion "*...
Suscri-ption : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
Lettre 206. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Dates de l'entrée des prêtres de la Mission à Saint-Lazare
et du mariage de Michel Le Gras.
2. A Saint-Lazare.
3. En Seine-et-Oise.
4. La suite de la lettre a été découpée et perdue
— 309 —
207. — A CLÉMENT DE BONZI, ÉVÊQUE DE BÉZIERS
[Septembre ou octobre 1635 ^.]
Monseigneur,
Ayant appris par le frère d'un ecclésiastique de votre
ville de Béziers nommé M. Cassan, que vous désiriez sa-
voir trois choses de nous ; or, n'ayant pu avoir l'hormeur
de vous faire réponse pour lors, à cause que je m'en
allais aux champs, je me suis proposé de le faire à pré-
sent ; et vous dirai, Monseigneur : premièrement, nous
sommes entièrement sous l'obéissance de nos seigneurs
les prélats pour aller par tous les endroits de leur dio-
cèse où il leur plaira nous envoyer prêcher, catéchiser
et faire faire confession générale au pauvre peuple ;
pour enseigner toute l'oraison mentale, la théologie pra-
tique et nécessaire, les cérémonies de l'Eglise à ceux
qui doivent prendre les ordres, dix ou quinze jours avant
qu'ils les prennent, et pour les recevoir chez nous après
qu'ils sont prêtres, pour renouveler la dévotion que
Notre-Seigneur leur avait donnée en prenant les ordres ;
bref, nous sommes comme les valets du centenier de
l'Evangile ' à l'égard de Messeigneurs les prélats, en
ce que eux nous disant : allez, nous sommes obligés
d'aller ; s'ils nous disent : venez, nous sommes obligés
de venir ; faites cela, et nous sommes obligés de le faire.
Nous sommes, de plus, soumis à leur visite et correc-
tion, comme les curés et vicaires des champs, encore que,
pour la conservation de l'uniformité de l'esprit, il y ait
un supérieur général, auquel les missionnaires obéissent
quant à la discipline domestique.
Lettre 207. — Reg. i, f° 13. Le copiste note avoir eu sous les yeux
i ne minute écrite de la main de saint Vincent.
1. Voir lettre 209.
2. Evangile de saint Matthieu viii, 5-9.
— 310 —
Voilà, Monseigneur, comment nous vivons avec nos
seigneurs les prélats. Savoir maintenant si nous pou-
vons vous en envoyer deux, c'est. Monseigneur, ce qui
souffre difficulté, à cause du peu que nous sommes et du
peu de vertu que nous avons. Vous pouvez croire néan-
moins, Monseigneur, que, si nous le pouvions faire pour
quelque prélat du royaume, que ce serait pour Votre
Seigneurie Illustrissime, tant pour la vie exemplaire
qu'elle mène en l'Eglise, que pour le besoin que je me
représente que le pauvre peuple de vos montagnes en a.
Et pour le troisième, je vous dirai. Monseigneur, que,
comme nous allons sans rien prendre du pauvre peu-
ple, ni des ecclésiastiques pour notre vie, ni pour nos vê-
tements, qu'il faut, comme je pense, huit cents ou mille
livres pour l'entretien de deux prêtres et d'un frère.
Et voilà. Monseigneur, ce que je puis répondre à Votre
Seigneurie Illustrissime touchant les choses qu'elle dé-
sire savoir de moi. Que si j'étais assez heureux de lui
pouvoir rendre quelque service, certes, Monseigneur, je
le recevrais à bénédiction particulière de Dieu^.
Votre Seigneurie Illustrissime disposera entièrement
de moi, s'il lui plaît, comme de celui qui est, en l'amour
de Notre- Seigneur, votre très humble et très obéissant
serviteur.
208. — A LOUISE DE MARILLAC
[Avant 1640 ^.]
Je vous demande pardon de ce que je ne pus hier
3. Un prêtre congédié des Bons-Enfants ou de Saint-Lazare ayant
appris la démarche de l'évêque de Béziers, vint dans cette ville, se
dit envoyé par saint Vincent et réussit à tromper le prélat, qui l'em-
ploya. La conduite peu édifiante de cet ecclésiastique donna à
Clément de Bonzi une idée peu avantageuse des missionnaires. (Voir
plus loin la lettre du 21 décembre 1651 à Achille Le Vazeux.)
Lettre 208. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Après 1639 le saint aurait écrit les mots : « Ce dimanche ma-
tin » au début de la lettre.
— 3" —
vous aller trouver, à cause de l'embarras auquel je me
trouvai ; ce sera un jour de cette semaine, Dieu aidant.
Il arrive souvent qu'on me garde les confessions an-
nuelles à Sainte-Marie plus d'un mois. Il y en a encore
une qui me la garde pour cela. J'espère que votre cœur
me fera la même charité.
Je verrai vos pieds - aujourd'hui et les vous enverrai
demain. Bon jour, Mademoiselle. Je suis. Mademoiselle,
v. s.
V. D.
Ce dimanche matin.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
209. - A ANTOINE PORTAIL, PRÊTRE DE LA MISSION,
AUX CÉVENNES
Du i6 octobre 1635.
Je prie, Notre-Seigneur, Monsieur, qu'il vous continue
l'esprit de la sainte douceur et aussi de la condescen-
dance à ce qui n'est pas mal, ni contraire à nos petits rè-
glements ; car, pour cela, ce serait cruauté que d'être
doux ; mais, pour remédier à cela même, il faut avoir
l'esprit de suavité.
Monseigneur de Mende ^ m'a témoigné beaucoup de
satisfaction de vos services. Monseigneur de Béziers ^
m'a écrit pour avoir des ouvriers semblables à vous au-
tres, Messieurs ; mais le moyen de lui en donner ? Mon-
seigneur de Viviers ^ nous est venu voir pareillement et
pour même un. Il n'appartient qu'à Dieu d'être partout.
2. C'est bien le mot que porte l'original. Ce mot a tant de
sens qu'il n'y a pas lieu de supposer une distraction.
Lettre 209. — Reg. 2, p. 197.
1. Sylvestre de Crusy de Marcillac (628-1659.)
2. Clément de Bonzi (1629-1659).
3. Louis-François de la Baume de Suze (1621-1690).
— 3^2 —
La compagnie est en fort bonne assiette, Dieu merci.
Dieu lui a communiqué beaucoup de grâces dans les
exercices spirituels *, et chacun en est sorti plein de fer-
veur. Le nombre de ceux qui sont entrés parmi nous de-
puis votre départ est de six ^. O Monsieur, que je crains
la multitude et la propagation et que nous avons sujet
de louer Dieu de ce qu'il nous fait honorer le petit nom-
bre des disciples de son Fils, en qui je suis...
210 — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1634 et 1636 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur soit avec
vous pour jamais !
Je vous remercie très humblement de la peine que vous
avez prise de me donner de vos nouvelles, et prie Notre-
Seigneur qu'il vous fortifie de plus en plus. Votre lettre
me trouva encore au lit, dans quelques petits mou-
vements de sueur, qui m'empêchèrent de vous faire ré-
ponse, et une médecine qu'on me fit prendre ensuite ; et
les compagnies qui me survinrent m'empêchèrent de vous
faire réponse dès hier.
Je vous dirai donc touchant M. votre fils, Made-
moiselle, que je pense qu'il n'y a pas d'inconvénient
qu'il présente des thèses à vos plus intimes amis et pro-
ches parents. Mais je pense que, pour honorer l'humi-
lité de Notre-Seigneur, il faut que ce soit à peu et pour
4. La retraite annuelle.
5. Annat Savinier, Etienne Bourel, Guillaume Perceval, Nicolas
Marceille et un gentilhomme limousin, clercs ; Simon Chastel, frère
coadjnteur.
Lettre 210. — L. a. — Original chez les Filles de la Charité de Col-
longes (Haute-Savoie).
I. Durée du séjour de Jean de la Salle dans le midi.
— 313 —
se libérer de beaucoup de sollicitude. Quand il se mettra
sur les bancs de théologie, ce sera autre chose.
Quant à cette bonne fille que vous m'annonçâtes hier,
je vous prie de la retenir, si vous la trouvez d'un bon es-
prit. Cette entrée et sortie de religion marque quelque lé-
gèreté ; c'est à quoi vous devez prendre garde. Que s'il y
a lieu de la recevoir pour examiner sa vocation encore
quelque temps, conférez-en, s'il vous plaît, avec Madame
Goussault.
Pour l'Italienne, ce serait un grand point de l'envoyer
à la mère de cette bonne fille de Mademoiselle Poulail-
lon à Villers ^. Mon Dieu ! que je souhaite que vos filles
s'exercent à apprendre à lire et qu'elles sachent bien le
catéchisme que vous enseignez ! La pauvre Germaine a
tort ne de pas se tenir auprès de vous. Elle vous soula-
gerait beaucoup pour cela. Mais, au nom de Dieu, gué-
rissez-vous avant que de travailler à l'entour d'eUes.
Mes petites fiévrottes ne s'en vont point encore ; vous
savez qu'elles sont un peu longuettes. Mais nous avons le
pauvre M. de la Salle dangereusement malade à Bor-
deaux. Je le recommande à votre charité ; mais je vous
supplie surtout d'avoir soin de vous bien porter.
Je suis, en l'amour de Notre- Seigiieur, v. s.
V. D.
211. — SAINTE CHANT AL A SAINT VINCENT
Quoique mon cœur^ mon très cher Père^ soit insensible à
toute autre chose qti^à la douleur, si est-ce que jamais il n'ou-
bliera la charité que vous lui fîtes le jour de votre défart ;
car, mon très cher Père^ il s'est trouvé soulagé dans son mal
et même fortifié dans les occasions qui se trouvent et qui vien-
nent de -part et d'autre.
2. Villers-sous-Saint-Leu.
Lettre 211. — Abelly, of. cit., t. IT, chap. vu, i""* éd., p. 316.
— ÔI4 -
]e me prosterne en esprit à vos pieds, vous demandant par-
don de la peinte que je vous donnai par mon iviniortification,
de laquelle faime et embrasse chèrement l'abjection qui m'en
revient. Mais à qui puis-je faire voir et savoir mes infirmités
qu'à mon très unique Père, qui les saura bien supporter ? p es-
père de votre bonté qtC elle ne s en lassera point.
212. — A LOUISE DE MARILLAC
Je loue Dieu de ce changement, }kIademoiselle, et le
supplie de tout mon cœur qu'il soit de durée et qu'il
vous perfectiorme et sanctifie votre âme de plus en
plus dans ces souffrances. Au reste, je vous remercie de
l'avis que vous m'en avez donné, qui m'a bien soulagé ;
car qui ne sentirait avec douleur celle qui presse cette
personne agissante et la pâtissante ! Certes, il ne se peut
autrement.
Je vous souhaite le bon soir et suis, en l'amour de
Jésus et de sa sainte Mère, votre serviteur très humble.
213. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
^le voici de retour en assez bonne santé. Dieu merci,
et suis en peine de la vôtre. Je vous irai voir le plus tôt
qui me sera possible, dès aujourd'hui, si je le puis. Faites
cependant votre possible pour vous bien porter, je vous
en supplie. Je ne puis vous dire combien le pauvre peu-
ple a besoin que vous viviez longtemps, et ne l'ai jamais
mieux vu qu'à présent.
Lettre 212. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
Lettre 213. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
— 3i5 —
Cette boinjie ûlle ^ me paraît avoir assez bon esprit
et bonne volonté. II n'y a que la difficulté de ce qu'elle
a été en religion ; mais elle m'a dit qu'en y entrant par
induction elle avait son cœur à la Charité. C'est pour-
quoi je pense qu'il n'y a point danger d'en essayer. Et
pour la bonne veuve qui l'accompagne, elle me paraît
rude, fort mélancolique et grossière. Je pense qu'il la faut
renvoyer tout doucement et lui dire qu'il y faut penser
longtemps.
Bonjour, Mademoiselle. Je suis, en l'amour de Notre-
Seigneur, votre serviteur très humble.
V. Depaul.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
214. — A LOUISE DE MARILLAC
Ce jour des Rameaux [i6 mars 1636 ^.]
Mademoiselle,
Quatre ou cinq lignes et non plus. Je pensais chaque
jour vous aller voir pour conférer avec vous. Les affaires
m'en ont empêché. C'est touchant votre logement. Confé-
rez-en avec Madame la présidente Goussault. ]\Ion cœur
s'attendrit de la consolation que je me représente que
N.-S. vous donnera à toutes deux en votre voyage et
bonne occupation. Je suis cependant et en attendant que
j'aie le bien de vous voir, demain ou après, céans ou aux
Bons-Enfants, votre serviteur.
Vincent Depaul.
I. Peut-être celle dont parle la lettre 210.
Lettre 214. — Gossin, op. cit., p. 410.
I. Le mot du saint touchant le changement de logis montre que
cette lettre est de 1636.
- 3i6 —
215. — A LOUISE DE MARILLAG
[1636 K]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je m'étais proposé de vous aller voir ; mais ne le pou-
vant faire si tôt à cause de quelques embarras, je vous
prie me mander si vous avez arrêté im logis et où c'est
que vous l'aurez pris. Peut-être que vous pensez que j'ai
quelque raison qui vous regarde, pour laquelle je pense
qu'il n'est pas expédient que vous vous logiez en ces
quartiers ". Oh ! non, cela n'est point, je vous en assure.
Mais la voici : rious sommes au milieu des gens qui regar-
dent tout et jugent de tout. L'on ne nous verrait pas
entrer trois fois chez vous qu'on ne trouvât à parler et à
tirer conséquence qu'on ne doit pas trouver à redire où
qu'ils aillent. Ce n'est pas que nous les observions, ains
celui seulement qui a le pouvoir de le faire. Quand j'au-
rai le bien de vous voir, je vous en parlerai plus particu-
lièrement. Dites-moi cependant : quand serez-vous en état
d'aller aux champs visiter quelques Charités ? Je vous
prie de me le mander et, si vous le pouvez commodé-
ment, de vous venir promener un de ces matins jusques
ici ; mais honorez cependant la sainte gaieté de Notre-
Seigneur et celle de sa sainte Mère. Je suis, en leur
a.mour, v. s.
V. D.
Suscriftion : A ^Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
Lettre 215. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Le déménagement dont il est ici question ne laisse le choix qu'en-
tre les années 1636 et 1641. La première date convient mieux que
la seconde à l'ensemble de la lettre.
2. Près de Saint-Lazare.
- 3i7 -
216. — A LOUISE DE MARILLAC
[1636 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Vous avez bien fait de faire venir cette bonne allé. Il
y en a quatre grandes et fortes à Sucy-en-Brie -, dont
Monsieur Renar m'a parlé. Je vous ferai voir la requête
qu'elles lui ont présentée pour cela. Il faut tâcher à leur
faire apprendre le plus tôt que se pourra, à lire.
Je ne vous dis rien de la lettre de cette bonne demoi-
selle, sinon que je ne l'ai pu encore lire, et que je suis si
pressé que je ne le puis faire à présent pour vous y ré-
pondre, pource que je m'en vas entrer à la Madeleine
pour y tenir le chapitre aujourd'hui. Offrez à Dieu cette
action, je vous supplie, comme de toute mon affection
je prie Dieu qu'il soit le cœur de votre cœur et suis, en
son amour, v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
217. — A LOUISE DE MARILLAC
[1636 K]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Lettre 216. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre précède de peu de jours la lettre 218.
2. Localité de Seine-et-Oise.
Lettre 217. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. La lettre précède de peu de temps le transfert de la maison-
mère des sœurs à La Chapelle.
— 3i8 —
La maison dont Madame Goussault parlait n'est pas
celle dont je vous ai parlé. La première est la plus belle,
du prix de 40 ou 50 mille livres, et la seconde de sept ou
huit. La première serait scandaleuse pour de pauvres
filles et la seconde trop éloignée de l'église. Vous verrez.
Je ne trouve point d'inconvénient d'honorer également
la prudence comme la simplicité de Notre-Seigneur ;
mais il y a moins d'inconvénient de faillir à la dernière
pratique qu'à la première, notamment à vous.
Je ferai vers M. votre fils comme vous me mandez, et
avec cœur.
Voici la fille ; vous en essayerez.
Avez-vous de l'argent ? Il nous est survenu un affaire,
où nous avons besoin de quinze cents livres. Si vous en
avez, nous le vous rendrons dans peu ; si vous n'en avez
point, ne vous en mettez pas en peine, s'il vous plaît.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis v. s.
V. Depaul.
Suscri-ption : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
218. — A LOUISE DE MARILLAC
[Peu avant mai 1636 ^.]
Mademoiselle,
J'ai entrevu ce que vous m'avez mandé de M. Massé. Je
l'ai proposé néanmoins avec M. Caignet, confesseur
de M[adame] Gous[sault] ^ ; mais je ne sais si l'on s'ar-
rêtera à l'un ni à l'autre. L'un de ces Messieurs m'en a
Lettre 218. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Même remarque qu'à la lettre 217, note i.
2. Antoine Caignet, docteur en théologie, plus tard chanoine, chan-
celier, théologal et grand vicaire de Meaux, prédicateur recherché,
mort en 1669. Il est l'auteur de deux ouvrages appréciés : L'Année
Pastorale (Paris, 1659, 7 vol. in-4) et Le Dominical des Pasteurs ou
le Trifle em-ploi des curés (Paris, 1675, 2» éd., in-4.)
— 319 —
proposé un autre en même temps ; je dis de ces Mes-
sieurs de Notre-Dame. Ceci est secret ^.
Je trouve fort bonne la pensée que vous me proposez
de M. votre ûls, pourvu que vous lui en fassiez tout sim-
plement la proposition et le laissiez à sa liberté d'en user
comme il lui plaira.
Il faut donc laisser ces bonnes filles de Sucy. Celle-ci
et sa mère ont désiré néanmoins que vous fassiez la cha-
rité à la fille de la Retaux jusques à la Pentecôte, non
tant pour se donner à votre Charité, en laquelle néan-
moins elle fera ce en quoi vous l'emploierez ; son désir
est d'apprendre quelque chose pour se rendre capable
d'enseigner les enfants dans Sucy avec le temps. Vous
lui ferez donc la charité, s'il vous plaît, d'en essayer.
Mademoiselle, et nous aviserons à vous faire bailler ce
qu'il faudra pour cela. J'oubliai hier d'en parler à Ma-
dame la garde des sceaux*.
Si, mardi prochain, vous venez, le matin, avec vos fil-
les, nous irons à La Chapelle ; c'est un village proche
d'ici allant à Saint-Denis ^ ; mais il faudra m'en faire
souvenir le lundi au soir.
Dieu veuille que je n'aie point de regret de ce que j'ai
dit aux filles ! Je pense que vous feriez bien d'aller visi-
ter celles de Saint-Paul. Je voudrais bien que vous puis-
siez aussi voir celles de cette paroisse.
Je suis cependant, Mademoiselle, votre très humble
serviteur.
V. Depaul.
Ce samedi, à 9 heures.
Suscription : A Mademoiselle demoiselle Le Gras.
3. Il était question d'organiser un corps d'aumôniers pour les
malades de l'Hôtel-Dieu.
4. Madame Séguier.
5. L'ancien village de La Chapelle est aujourd'hui un des quar-
tiers de la capitale.
— 320 —
219. — A LOUISE DE MARILLAC
[1636'.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous supplie de me pardonner de ce que je ne vous
ai vue avant que de m'en aller pour quatre ou cinq jours
aux champs. Monsieur votre fils a fort bien commencé ;
M. de Sergis l'a pris à son retour des champs et le sert
en sa retraite. Il m'a dit qu'il exclut l'épée ; reste la
condition de l'état ecclésiastique et celle du palais ;
il considérera les deux et tâchera de se résoudre.
J'ai écrit à Madame la présidente Goussault que^ je
pense que vous ferez bien d'aller voir la maison de La
Chapelle et de faire savoir ce qu'on en veut de louage.
Cela vous divertira d'autant ; car elle croit, comme je
fais, que l'air des champs vous est bon. Soyez gaie cepen-
dant. Ayez soin de votre santé.
Je vous supplie de faire savoir de nos nouvelles et nos
excuses à la bonne Mademoiselle Viole - et de lui dire
que j'espère de la voir à notre retour. Oh ! que je suis
consolé et édifié de cette bonne demoiselle !
Je vous souhaite le bon jour et suis v. s.
V. D.
J'ai vu cette bonne fille de Sedan ; elle loge en notre
Lettre 219. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Même remarque qu'à la lettre 217, note i.
2. Mademoiselle Viole, née Madeleine Deffita, veuve de Jacques
Viole, conseiller au Châtelet de Paris, remplissait ou plutôt remplira
plus tard parmi les dames de la Charité de l' Hôtel-Dieu l'office de
trésorière. Son nom revient souvent dans la correspondance de saint
Vincent, qui appréciait beaucoup sa charité, son intelligence et son
activité. Elle mourut à Paris le 4 avril 1678.
- 321 —
faubourg. Mon Dieu ! qu'elle me paraît faible et chan-
geante !
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
220. — A UN PRÊTRE DE LA MISSION
[1636 ^]
Je ne sais si je vous ai mandé les afflictions dont il a
plu à Dieu visiter notre pauvre et petite compagnie.
M. Bourel ^ est mort à la mission de Mesnil, et cela sain-
tement, de même qu'il a vécu. Chacun dit de lui qu'on
n'a jamais remarqué aucune imperfection en lui, non
pas même M. Boudet ^, son directeur au séminaire.
•
221. — A LOUISE DE MARILLAG
[1636 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je ne vis jamais une telle femme que vous, ni qui
prenne certaines choses si fort au criminel. Le choix de
M. votre flls, dites-vous, est un témoignage de la justice
de Dieu sur vous. Certes, vous avez tort de donner lieu
Lettre 220. — Manuscrit de Lyon.
1. Voir note 2.
2. Etienne Bourel, né en Savoie, reçu dans la congrégation de la
Mission en juillet 1635, mort en 1636.
3. Jacques Boudet, prêtre de la Mission, né à Epinay-sur-Seine,
reçu dans la congrégation de la Mission en 1634, ordonné prêtre en
1635. Il donna des missions en Bretagne avec M. Olier (Faillon,
o-p. cit., t. I, p. 219), dans la région de Toulouse, en Champagne et
ailleurs. « C'est une sainte âme », disait de lui saint Vincent.
Lettre 221. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir la note 2.
— 322 —
à ces pensées et plus encore de le dire. Je vous ai déjà
priée d'autres fois de ne plus parler comme cela. Au
nom de Dieu, Mademoiselle, corrigez-vous-en et sachez
une fois pour toutes que ces pensées aigres sont du ma-
lin et que celles de Notre-Seigneur sont douces et suaves,
et ressouverxez-vous que les défauts des enfants ne sont
pas toujours imputés aux pères, notamment quand ils les
ont fait instruire et donné bon exemple, comme vous
avez fait, Dieu merci, et que Notre-Seigneur permet par
sa Providence admirable que des pères saints et des
mères soient déchirés en leurs entrailles. Abraham le fut
par Ismaël, Isaac par Esaii, Jacob par la plupart de ses
fils, David par Absalon, Salomon par Roboam et le Fils
de Dieu par Judas ; et, par la grâce de Dieu, vous n'en
êtes pas là ; ains, au contraire, vous avez sujet de lotier
Dieu de ce que vous a dit M. Holden ; car il vous a dit
vrai. M. votre fils vint hier trouver M. de Sergis, se con-
fessa à lui et lui dit qu'absolument il est résolu de servir
Dieu en l'état ecclésiastique, et quelques autres circons-
tances qui m'ont fort consolé ; mais je ne rne ressouviens
pas à présent quelles elles sont. Remerciez donc Dieu de
cela et soyez bien gaie.
Madame Goussault me dit hier comme elle a passé
contrat pour la maison ^. Il faudra nous voir pour voir
qui vous emmènerez. Je trouve fort à propos que vous
différiez cette bonne fille jusques alors. Je ne connais
2. On loua la maison de La Chapelle ; on ne l'acheta pas. Louise
de Marillac et ses filles, nous dit Gobillon [o-p. cit., p. 74) s'y éta-
blirent en mai 1636. C'est peut être à ce changement de demeure que
se rattachent les lignes suivantes de la fondatrice : a Aller au nou-
veau logement avec le dessein d'honorer la divine Providence qui y
conduit, et se mettre dans la disposition d'y faire ce que la même
Providence permettra y avoir à faire. Par ce changement de demeure,
honorer celui de Jésus et de la sainte Vierge de Bethléem en Egypte,
et depuis en autres lieux, ne voulant, non plus qu'eux, avoir de de-
meures propres en terre. » ( Pensées, p. 41.)
— 323 —
point l'autre de laquelle vous me parlez, qui n'est pas
encore chez vous.
Je doute si je pourrai aller dimanche en vos quartiers
et SI, quand cela serait, je devrais vous parler dans la
chapelle, qui est si malsaine. Il faudra tâcher que ce soit
chez Madame Goussault, quoique pourtant il semble
qu'il est à propos que je vous voie en particulier avant
cela.
Or sus, je vous souhaite la paix de Notre-Seigneur et
suis v. s.
V. D.
Il faut différer aussi la proposition de votre maison '.
Ce que vous dites de la relouer de gré à gré me revient.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
222. — A LOUISE DE MARILLAC
, [Entre 1635 et 1638 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jéimais !
Je vous ferai faire un mémoire des matières des orai-
sons, des exercices et de l'emploi de la journée et le vous
enverrai.
Il faut faire cesser les paroisses ^ pendant ce rencon-
tre ^, et les reprendre, si cette 611e a le temps, après qu'il
3. Probablement la maison qu'allaient quitter les sœurs pour s'éta-
blir à La Chapelle.
Lettre 222. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite pendant que Jean Pillé dirigeait la
maison des Bons-Enfants (1635-1638). Elle semble antérieure d'assez
peu de jours à la lettre 223.
2. La visite des pauvres dans les paroisses de Paris.
3. Le saint semble faire allusion à une recrudescence de la peste.
— 324 —
sera passé. Qu'elle ne fasse rien pendant ce temps-là.
Une petite fiévrotte que j'ai m'empêchera d'entendre
cette bonne fille. Je vous enverrai quelqu'un pour cela,
si vous m'en faites avertir la veille au soir.
Vous pouvez m écrire sûrement de M. votre fils. Il fut
dernièrement aux Bons-Enfants. Je fis dire à M. Pillé
qu'il le renvoyât doucement et promptement, parce qu'il
y est arrivé accident à l'homme de M. Doignon *.
Vous avez bien fait d'envoyer cette bonne fille à la.
place de la malade.
Je m'en vas célébrer la sainte messe et prier pour vous
et pour vos bons desseins. Je me recommande pareille-
ment à vos prières et suis votre très humble serviteur.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
223. - A LOUISE DE MARILLAC
[Mai 1636 K]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Il est vrai, je pars ce matin pour Pontoise et Beau-
vais ; mais je vous puis bien assurer que c'est avec peine
de ne vous avoir pas vue, ni votre nouveau ménage. Vous
seriez beaucoup plus utile à Beauvais que moi et ferai es-
pérer aux dames de la Charité que vous y irez ; car je ne
fais pas état de les assembler. La raison de mon voyage
est sans raison qui me satisfasse ; c'est pour visiter les
4. Vraisemblablement un cas de peste.
Lettre 223. — ^ L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Le a nouveau ménage » dont parle le saint ne peut être que
l'installation de Louise de Marillac à La Chapelle.
— 325 —
Ursulines -. O Mademoiselle, que cela me fâche et que
ce temps me semble perdu pour un homme qui le doit
tout aux pauvres gens ! Mais quoi ! il y a huit mois pour
le moins que M. de Beauvais m'en presse ; et, pource
que je l'ai tant remis, il ne vient plus céans en passant
et repassant, comme il avait accoutumé, ni Monsieur Mes-
sier ^ ne m'écrit. Il n'y a que les filles *, desquelles je
n'ai reçu que deux lettres pour cela la semaine passée.
Passons cela et disons : mon Dieu ! Mademoiselle, que
j'ai de la peine de vous voir si longtemps sans aller
prendre l'air et dans le travail continuel que vous faites
à l'Hôtel-Dieu !
Je n'ai point vu Madame la supérieure de Saint-Sau-
veur ^ pour avoir la réponse pour Marie ^. Pourriez-vous
pas bien cependant aller à Grigny ^ pour sept ou huit
jours et laisser Marie pour tenir ces filles en état ? Elle
est assez sérieuse et exacte pour cela. Faites cela, je vous
en prie, pendant mon absence. Je le dirai à Madame
Goussault, qui vient à Pontoise, à ce qu'elle vous prenne.
Mademoiselle Poulaillon pourra aussi voir parfois vos
filles. Si cela est, il sera bon que vous alliez visiter, avec
Madame la présidente ^ la Charité de Villeneuve- Saint-
Georges, les encourager et ôter la résolution que Ma-
dame Guérin leur a fait prendre, depuis mon départ,
qu'elles n'iront pas visiter les malades quand il n'y en
2. Collet affirme que saint Vincent visita deux fois les Ursulines
de Beauvais : en 1634, avant la première assemblée des dames de
l'Hôtel-Dieu, qu'il présida à son retour (op. cit., t. I, p. 232), et
en 1641 [ib., p. 337). Ou il se trompe de date, ou il oublie la visite
de 1636.
3. Louis Messier, archidiacre de Beauvais.
4. Les Ursulines.
5. La présidente de la confrérie de la Charité établie à Saint-Sau-
veur.
6. Marie Joly.
7. Petite localité de Seine-et-Oise.
8 Madame Goussault.
— 326 —
aura qu'un seul ; et la raison, c'est pource qu'elle ne peut
comprendre qu'on puisse faire un bon bouillon avec
cinq onces de chair. Cette bonne dame est bonne et avan-
tageuse en parole, se mêle là-dedans, quoiqu'elle ne soit
pas du corps.
Si, en passant par Grigny, vous vouliez faire prendre
ce que vous avez acheté pour ce lieu-là aux Bons-En-
fants, cela serait bien. Mais non, vous direz à la tréso-
rière qu'elle donne charge à quelqu'un de les prendre, et
faudrait que [ce] fût par le batelier
Je vous renvoie les règles des filles. Cela est si [bien] '
que je n'y ai voulu rien ajouter. Lisez-leur donc tantôt,
si vous ne jugez nécessaire que j'y sois ; auquel cas je
vous promets bien que ce sera une des premières choses
que je ferai à mon retour, s'il plaît à Dieu. Il sera expé-
dient que celles de cette paroisse " s'y trouvent en même
temps, afin qu'elles soient uniformes.
Or sus, je finis en vous priant de bien honorer la paix
et tranquillité de l'âme de Notre-Seigneur, et me re-
commandant à vos prières, comme étant, en l'amour de
Notre-Seigneur, IMademoiselle, votre très humble servi-
teur.
Vincent Depaul.
Je ne vous dis rien de IVIadame de Liancourt, sinon
que, si elle vous emmenait pour sept ou huit jours seule-
ment, que vous en ferez comme il vous plaira, mais que,
les grands étant fort ir^certains de ce qu'ils doivent de-
venir, si elle ne vous a vue, que vous ferez bien cepen-
dant de prendre l'occasion de Grigny.
9. Mot oublié dans l'original.
10. La paroisse Saint-Laurent.
— 327 —
224. - A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'envoie ce porteur exprès pour apprendre de vos nou-
velles, dans l'espérance qu'il les nous rapportera bonnes.
Au nom de Notre-Seigneur, Mademoiselle, faites votre
possible pour cela. Vous avez sujet de vous plaindre de
ce que je ne vous ai fait réponse à celle que vous
m'avez écrite à votre départ pour Gournay \ Mais que
voulez- vous ? ce sont de mes fautes ordinaires. J'espère
que Notre-Seigneur me fera la grâce de m'en amender,
si vous me faites la charité de me le pardonner.
Or sus, parlons de votre indisposition. Avez-vous
point besoin d'un médecin ? Si cela est, mandez-le-moi ;
je vous en enverrai quelqu'un. Vous en avez un [à] Senlis,
fort habile homme, qui est au roi et qui va souvent à
Liancourt, à cause de la confiance que Monseigneur et
Madame de Liancourt y ont et avec sujet. N'épargnez
rien pour l'avoir ni pour vous faire bien assister. Peut-
être n'avez-vous pas apporté assez d'argent ; si cela est,
mandez-le-moi, je vous en enverrai.
Monsieur votre ûls a passé ici une journée pendant ces
fêtes et s'est allé faire purger aux Bons-Enfants. Il se
porte fort bien. Dieu merci. Madame Goussault est allée
Lettre 224. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Louise de Marillac était à Goumay-sur-Aronde (Oise) le i8 mai
1636, fête de la sainte Trinité. Ce jour-là, elle réunit les membres de
la confrérie de la Charité au château de la dame du lieu, s'enquit de
l'observance du règlement, procéda à l'élection des officières, reçut
de nouvelles adhérentes, entre autres Madame de Gournay, et résolut
quelques difficultés relativement surtout au choix des malades que
la confrérie devait assister. Le rapport qu'elle fit de cette assemblée
nous a été conservé. [Pensées, p. 99.)
— 328 —
à Grigny - et de là visiter quelques Charités qu'on a éta-
blies depuis peu à l'entour d'Etampes.
Vos filles de l'Hôtel-Dieu font toujours bien. 11 n'y a
que Henriette ^ qui est toujours en langueur. Marie dit
que c'est pour votre absence. Cela a empêché qu'elle ne
soit allée à Saint-Nicolas, et Barbe'* à Saint-Sulpice^.
Isabelle ° se porte mieux. Il n'y a que la fille de Made-
moiselle Viole qu'on a mise avec elle, qui les scandalise à
cause de ses façons de faire avec des garçons qui la vien-
nent voir et pour lesquels sa maîtresse l'a renvoyée. C'est
cette Normande pour laquelle vous avez écrit à Mademoi-
selle Viole qu'elle priait Madame Goussault de prendre
soin d'elle, qui a un fâcheux esprit et dangereux. Je l'en-
voyai hier quérir pour lui dire qu'elle ne fit entrer des
garçons dans la maison ; mais elle ne le prit pas bien
et me dit qu'elle aimait mieux s'en aller. Il faut demeu-
rer en paix après qu'on a fait ce qu'on a pu en ces cas-là.
Voilà pour les nouvelles qui vous regardent. Mais di-
sons maintenant : quand reviendrez-vous ? O mon Dieu !
j'oubliais à vous dire de Madame Mussot que je l'attends
ce matin pour savoir au vrai quand elle partira.
Madame de Liancourt m'a mandé qu'elle me viendra
2. Petite localité de Seine-et-Oise.
3. Henriette Gesseaume, fille de la Charité, très intelligente et
pleine de ressources, mais d'un caractère trop indépendant. ?Iabile
pharmacienne, elle fut d'un grand secours à l'hôpital de Nantes, où
elle resta de 1646 à 1655. Une de ses nièces la suivit chez les filles
de la Charité ; un frère et un neveu entrèrent dans la congrégation
de la Mission.
4. Barbe Angiboust.
5. Marie Joly et Barbe Angiboust étaient chargées, en l'absence de
Louise de Marillac, des sœurs employées aux confréries de ces pa-
roisses.
6. Isabelle ou Elisabeth Martin fut parmi les premières Filles de
la Charité une des plus accomplies. Sœur servante à l'hôpital d'An-
gers en 1640, à Richelieu en 1641, à l'hôpital de Nantes en 1646,
elle revint à Richelieu en 1648, pour y mourir l'année suivante. Sa
santé laissa toujours à désirer.
— 329 —
voir ' ; mais j'ai su, depuis ce dessus écrit, que l'on
s'est mépris ; et l'embarras oi: je suis ne me permettant
pas une si grande tournée, je m'en vas l'envoyer prier
de passer par ici en s'en retournant. Madame Mussot
m'assura hier qu'elle partira à la un de cette semaine.
M. le prieur parle de s'en aller avec elle et d'être l'un des
chapelains de Liancourt avec un autre ecclésiastique *.
Hier, étant pressé de Madame de Combalet ' de lui
7. Saint Vincent a interrompu la lettre en cet endroit pour ne la
reprendre que le lendemain.
8. Le duc et la duchesse de Liancourt avaient conçu dès 1606 le
projet d'appeler des chapelains sur leur terre de Liancourt. Ces cha-
pelains devaient être au nombre de trois, mener la vie commune dans
une maison bâtie exprès pour eux près de l'église, et venir en aide
aux curés de Liancourt et des paroisses voisines dépendantes de la
seigneurie. Le traitement offert était minime ; aussi personne ne se
présentait. Quelque^ prêtres de Provence finirent par accepter. Après
deux ans, ils se retirèrent. Adrien Le Bon, dont saint Vincent parle
dans sa lettre, ne donna pas suite à son projet. Le duc s'adressa à
saint Vincent ainsi qu'à Georges Froger, curé de Saint-Nicolas-du-
Chardonnet, et tous deux le renvoyèrent à Adrien Bourdoise. Bour-
doise se laissa gagner. Il quitta Paris le i^'' septembre 1642 et travailla
si bien à Liancourt qu'en peu de temps il groupa autour de lui toute
une communauté. {Le saint abbé Bourdoise, par Jean Darche, t. II,
p. 184.)
9. Marie de Wignerod de Pontcourlay, née en 1604 au château
de Glénay, près de Bressuire, de René de Wignerod et de Françoise
de Richelieu, sœur aînée du grand cardinal, épousa, toute jeune,
dans la chambre d'Anne d'Autriche, le neveu du duc de Luynes,
Antoine de Beauvoir de Grimoard du Roure, chevalier, seigneur de
Combalet, qu'elle n'avait jamais vu et qu'elle n'aimait pas. Pendant
les deux ans que dura cette union, les époux ne vécurent que six mois
ensemble. Le marquis de Combalet, retenu hors de son foyer par les
nécessités de la guerre, tombait frappé à mort, le 3 septembre 1622,
au siège de Montpellier. Veuve à dix-huit ans, la marquise de Com-
balet quitta la cour et se retira au Carmel de Paris. Elle fut admise
au noviciat, après un an de clôture reçut l'habit religieux des mains
de M. de Bérulle et prononça les premiers vœux. Richelieu, qui l'ai-
mait beaucoup, mit tout en jeu pour la ramener à la cour. Ce fut à
sa sollicitation que le Pape interdit le cloître à la jeune marquise,
que Marie de Médicis la choisit, le i" janvier 1625, pour dame d'atours
et que le roi érigea sa terre d'Aiguillon en duché-pairie le i*'' janvier
1638.
Ce jour-là, le cardinal l'emmena, pour qu'elle y fixât sa résidence,
dans un petit hôtel aménagé pour elle, rue de Vaugirard, dans les dépen-
— 33° —
envoyer la ûlle, et que c'était pour elle, j'en parlai à
Marie Denyse, pource qu'elle me semblait plus propre
pour cela ; mais elle me fit une réponse digne d'une fille
qui a vocation de Dieu à la Charité, qui fut qu'elle avait
quitté père et mère pour se donner au service des pauvres
pour l'amour de Dieu, et qu'elle me priait de l'excuser
si elle ne pouvait changer de dessein pour aller servir
cette grande dame. Après cela, je parlai à Barbe
la grande ^" sans lui dire pour qui ni pour quoi, et l'en-
voyai m'attendre auprès de madite dame de Combalet,
oii je lui dis que cette bonne dame l'emploierait tantôt à
son service et tantôt aux pauvres de la paroisse. Elle se
dances du petit Luxembourg, où lui-même avait sa demeure. La
duchesse d'Aiguillon fit un noble usage de son immense fortune
et de sa grande influence. Elle fréquenta et protégea les gens de
lettres et se mit à la tête de toutes les œuvres de charité. Elle établit
les prêtres de la Mission à Notre-Dame de La Rose et à Marseille,
où elle leur confia la direction d'un hôpital qu'elle avait fait bâtir
pour les galériens malades. La maison de Richelieu et celle de Rome
vécurent de ses libéralités. C'est elle qui fit donner à la congréga-
tion de la Mission les consulats d'Alger et de Tunis. Elle concourut
à la fondation de l'hôpital général et de la société des Mis-
sions Etrangères, prit sous sa protection les Filles de la Croi-x et le«
Filles de la Providence et fut la grande bienfaitrice du Carmel.
Elle fut présidente de la confrérie de la Charité établie à Saint-
Sulpice et remplaça Madame de Lamoignon à la tête des dames de
l'Hôtel-Dieu. La duchesse d'Aiguillon doit être mise avec Louise de
Marillac, Madame de Gondi et Madame Goussault, au premier rang
des collaboratrices de saint Vincent. Nul peut-être ne lui donna davan-
tage. Peu de personnes lui furent aussi attachées. Elle veillait sur
sa santé avec une sollicitude maternelle. Le carrosse et les chevaux
dont le saint se servait dans ses vieux jours venaient de ses écuries.
La mort du serviteur de Dieu l'affligea profondément. Elle fit exé-
cuter un reliquaire de vermeil en forme de cœur surmonté d'une
flamme pour y enfermer le cœur du saint. La duchesse d'Aiguillon
mourut le 17 avril 1675, ^ l'âge de soixante et onze ans, et fut
inhumée avec l'habit de carmélite. MM. Brisacier et Fléchier ont
prononcé son oraison funèbre. [Le duchesse d'' Aiguillon, par le comte
de Bonneau-Avenant, seconde édition, Paris, 1882, in-12.) Le Long
signale dans sa Bibliothèque historique de la France, éd. Fontette,
Paris, 1768-1778, 5 vol. in-f°, t. III, tï° 30.854, un recueil manus-
crit de ses lettres, aujourd'hui perdu.
10. Barbe Angfiboust.
— 331 —
mit à pleurer, et ayant acquiescé, je la mis entre les
mains d'une demoiselle de ladite dame. Mais je fus bien
étonné quand incontinent après elle revint chez M. l'abbé
de Loyac ", où j'étais vis-à-vis, et me dit qu'elle était
étonnée de voir une si grande cour, qu'elle ne saurait y
vivre, me priait de l'en ôter, que Notre-Seigneur l'avait
donnée aux pauvres, me priait de l'y renvoyer ; ce qui
étonna fort cet abbé de voir un tel mépris de la grandeur
du monde, et fit que je dis à cette bonne fille qu'elle s'en
retournât chez ladite dame ; que si elle ne s'y trouvait
pas bien, dans quatre ou cinq jours qu'elle s'en retournât
à Saint-Nicolas.
Que vous en semble. Mademoiselle ? Etes-vous point
ravie de voir la force de l'esprit de Dieu dans ces deux
pauvres filles et le mépris qu'il leur fait faire du monde
et de ses grandeurs ? Vous ne sauriez croire le courage
que cela m'a donné pour la Charité, ni le désir que j'ai
que vous reveniez bientôt et en bonne santé, pour y tra-
vailler à bon escient. Faites donc votre possible pour
vous bien porter. Mademoiselle, je vous en supplie, et
emmenez ces bonnes filles, si vous leur reconnaissez de
la vocation et de l'aptitude.
Or sus, je finis en priant Dieu qu'il vous redonne une
parfaite santé, comme j'espère de sa bonté, qui suis, en
son amour et celui de sa sainte Mère, Mademoiselle,
votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Saint-Lazare, ce mardi matin 27 de mai 1636.
Je vis hier vos filles de l'Hôtel-Dieu ; elles font bien.
II. Jean de Loyac, protonotaire apostolique, honorait le clergé par
ses vertus et ses talents. Il était conseiller, aumônier et prédicateur
ordinaire du roi. Il serait monté sur le siège de Toulon à la mort
d'Auguste de Forbin si Richelieu n'avait arrêté l'expédition des bulles.
Il a écrit la vie de Pierre de Sacjan, prieur commandeur de l'ordre
de Saint-Antoine à Paris, et celle de saint Jean de Dieu.
— 332
Si vous avez besoin de mon service, je quitterai tout pour
cela ; mais j'espère bien que vous vous en passerez.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
225. — A LAMBERT AUX COUTEAUX, SUPÉRIEUR, A TOUL
13 juin 1636.
Pressé par Charles-Chrétien de Gournay, évêque de Toul,
d'autoriser les prêtres de la maison de cette ville à confesser
les religieuses de Saint-Dominique, qui pouvaient difficile-
ment trouver des confesseurs à cause des troubles de la Lor-
raine, Vincent de Paul prie le supérieur de l'établissement d'al-
ler se jeter aux pieds du prélat et de lui faire comprendre com-
bien le service demandé est opposé aux fins de la compagnie.
226. — JEAN.JACQUES OLIER A SAINT VINCENT
ET AUX PRÊTRES DE LA CONFÉRENCE DES MARDIS
Qui a Dieu a tout.
Jésus, Marie, Joseph.
Messieurs,
] e ne fuis être -plus longtemfs absent de votre comfagnie
sans vous rendre le comfte que je suis obligé de mes actions.
Je vous dirai, Messieurs, que nous fûmes onze jours en chemin
'pour nous rendre au lieu de la mission nommée Saitit-Ilpise 1.
La faveur du ciel fut si grande que pendant ce temps-là nous
n'eïlm.es pas deux heures de soleil, ni de pluie, ayant toujours
marché à V abri des nuées, étant tous arrivés, par la grâce de
Dieu^ en bonne disposition.
On commença la mission le dimanche d'après V Ascension,
laquelle dura jusqu'au 15 de ce mois, jour de leur fête Saint-
Ilpize , oit Von voulut que je prisse congé le soir, à la présence
du Saint Sacrement ; ce qui se fit avec toute la révérence pour
la majesté de Dieu, qui présidait^ et aussi avec tant de larmes
Lettre 225. — Collet, o-p. cit., t. I, p. 355.
Lettre 226. — Arch. de Saint-Sulpice, copie ancienne.
I. Commune de l'arrondissement de Brioude (Haute-Loire).
— 333 —
et soupirs que je fense, Messieurs^ qûil faudrait y avoir été
■pour le croire. Dieu soit béni de tout !
Presque la même chose arriva à la procession des petits en-
fants et à leur communion, qui se fit dans toute la révérence
imaginable, là où la foule était si grande de même que le
reste des fétes^ qu'il fallait toujours faire courir du vin dedans
l'église pour les affaiblies, dont une entre autres a été plus de
trois seniaines malade.
Le peuple, au commencement, venait selon que nous le de-
vions souhaiter ^ savoir autant que nous le pouvions confesser ;
mais cela, Messieuts, avec tels mouvements de grâce que de
tous côtés il était aisé de savoir où les prêtres confessaient,
les pénitents, par leurs soupirs et leurs sanglots, se faisant
entendre de toutes parts. Jésus-Christ soit loué de tout !
Mais, sur la fin, le peuple nous pressait si vivement, et la
foule était si grande quil nous fallait être parfois (savoir
toutes les fêtes) douze ou treize prêtres pour subvenir à Var-
deur de ce zèle. On les voyait depuis la pointe du jour au
ynilieu de la chaleur, qui était extraordinaire , jusqu'à la der-
nière prédication, sans boire ni manger.
Parfois, en faveur des étrangers, il fallait faire deux heures
et plus de catéchisme, d'où ils sortaient aussi affamés qu'en y
entrant. Cela nous laissait tout confus. Il nous fallait le faire
de la chaire, n'y ayant point de place dans Véglise. les envi-
rons du cimetière étant tout emplis, les portes bouchées et les
fenêtres toutes chargées de peuple. Ce mêyne se voyait au ser-
mon du matin et à celui du soir, qu'on nomme le grand caté-
chisme. Et après quoi je ne puis rien dire sinon : Benedictus
Deus ! Benedictus Deus ! lequel si libéralement se commu-
nique à ses créatures^ mais surtout à ses pauvres. Car, Mes-
sieurs, nous avons remarqué que c'est là où il réside, et de-
mande le secours des créatures pour achever ce que lui seul
n'a pas accoutumé de faire, savoir l'instruction et la conver-
sion totale de ses peuples.
Messieurs^ ne refusez pas ce secours à Jésus. La gloire est
trop grande de travailler sous lui, de contribuer au salut de ses
âmes et à la gloire qu'il en doit retirer toute une éternité. Vous
avez heureusement commencé et vos premiers exemples m'ont
chassé de Paris. Continuez en ces divins emplois, étant vrai
que dessus la terre il n'y a rien de semblable.
Paris. Paris, tu arrêtes du monde qui convertirait plusieurs
mondes ! Hélas ! combien de bonnes œuvres sans fruit, âe
fausses conversions et de saints discours perdus, faute de dis-
positions que Dieu épanche ailleurs ! Ici un mot est une pré-
dication, et rien ne nous parait inutile. Ici Von n'a point
égorgé les prophètes ; je veux dire que leur prédication n'a
— 334 —
■point été méprisée comme dedans ces villes ; et pour cela,
Messieurs, tous ces pauvres avec -fort peu d'instruction se
voient remplis de bénédictions et de grâces de Dieu. Oest ce
que je puis souhaiter, puisque, dans son amour, je suis
Messieurs, votre très humble, très obéissant et obligé confrère.
Olier.
A Vieille-Brioude -, ce jour saint Jean ^ 1636.
227. — A LOUISE DE MARILLAC
[1636 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Béni soit Dieu de tout ce que vous me dites de Madame
Turgis ^. Je la pourrai aller entendre de confession sa-
medi l'après-dînée, Dieu aidant. Vous lui baillerez les
méditations de la naissance et de la vie de Notre-Sei-
gneur entre ci et là, s'il vous plaît ; et puis il faudra
continuer la passion et quelques-unes des apparitions,
et ne faut pas oublier de lui bailler [les] ^ saintes béati-
tudes à deux ou trois fois. Que si vous ne pouvez lui
bailler toutes celles-là, vous lui baillerez celles qui se
pourront [pour] * le temps qu'elle doit demeurer dans sa
retraite.
2. Commune de rarrondissement de Brioude.
3. 24 juin.
Lettre 227. — L. a. — Original chez M. le marquis de Pierre à
Aulteribe (Puy-de-Dôme) .
1. Date d'entrée de Madame Turgis en communauté.
2. Elisabeth Le Goutteux, veuve de M. Turgis, quitta le monde,
où elle occupait une belle position, pour se consacrer à Dieu cher les
Filles de la Charité. Elle remplit les fonctions de supérieure à
l'hôpital d'Angers (1639-1640, 1644), aux Enfants trouvés {1642), à
Saint-Denis (1645), à Chars près Pontoise (1645, 1647) et à Riche-
lieu (1646-1647). Elle mourut à Chantilly en octobre 1648, après une
longue et cruelle maladie.
3. Mot oublié dans l'original.
4. Mot enlevé par une déchirure de l'original.
— 335 —
Je ne saurais que vous dire de ces ûlles de Saint-Vic-
tor [ni de la] ^ M[ère] Gabrielle % sinon que je prie Dieu
qu'il remédie à tout.
Je ne sais si je pourrai voir cette bonne fille qu'on me
dit venir pour se présenter. Je le ferai, si je le puis ; si-
non, je vous prie de m'excuser et de vous ressouvenir
de moi en vos prières. Je vous recommande aussi la
Mère supérieure de Saint-Marie de la ville ^ qui est fort
malade.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis v. s.
'Vincent Depaul.
Ce jeudi, à lo heures.
228. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
[1636 K]
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je trouve bien à propos tout ce que vous me dites du
service des pauvres, de l'Hôtel-Dieu, de la chambre ^ et
de Mademoiselle Viole et de conférer avec vous à plein
fond des moyens d'établir une parfaite charité entre vos
filles.
Et, pour IMadame Turgis, il sera bon que d'abord vous
la priiez de trouver bon d'observer toutes les choses que
les filles font, de faire comme elles et que vous la trai-
5. L'original est déchiré en cet endroit.
6. Si le mot Mère est exact, il s'agit ici de la Mère Gabrielle de
Condren, religieuse carmélite, sœur du Père de Condren.
7. La Mère Hélène-Angélique Lhuillier.
Lettre 228. — L. a. — Original au second monastère de la Visi-
tation de Paris, 110, rue de Vaugirard.
1. Voir lettre 227, note i. Ajoutons que la lettre semble postér'".ure
au transfert de la maison-mère à La Chapelle.
2. Très probablement la chambre des sœurs à Saint-Nicolas.
- 33^ —
tiez comme xine d'entre elles et de faire enfin un novi-
ciat de quelques mois : i° tant pour honorer l'enfance
de Notre-Seigneur ; 2" que pour donner exemple à ces
filles de bien faire et à celles qui viendront ci-après, de
quelque condition, d'en faire de même et à ce qu'enfin les
filles lui aient une plus grande crainte lorsque l'on lui
donnera quelque conduite ^ sur elles, et qu'à cet effet elle
se mette indifféremment parmi les filles à table et que
c'est ainsi que Notre-Seigneur s'est voulu ajuster aux
pauvres pour nous donner exemple d'en faire de même.
Si je le puis, j'irai samedi, de bonne heure, pour con-
fesser vos filles, pour les mettre dans la pratique que je
vous ai dite de la confession.
Bon jour. Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
229. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1634 ^ et 16392.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Voilà donc notre très chère sœur sur son départ. Béni
soit Dieu de ce qu'il la veut libérer de tant de souf-
frances et la récompenser de tous les services qu'elle
lui a faits ! Une petite incommodité que j'ai m'empêche
3. Le mot autorité s'était tout d'abord présenté sous la plume du
saint ; réflexion faite, il lui préféra le mot conduite.
Lettre 229. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre est postérieure à la fondation des Filles de la Cha-
rité.
2. Après 1639, saint Vincent aurait écrit les mots : « Ce samedi
matin » au début de la lettre, non à la fin.
— 337 —
de lui aller dire le dernier adieu ; je le ferai de l'autel,
où j'espère la voir en Xotre-Seigneur plus parfaitement
que chez vous. Ayant pensé et repensé à la proposition
que vous m'avez faite touchant la disposition de son
corps, je pense qu'il n'est pas expédient qu'on l'enterre
céans ^ ; je vous en dirai la raison. Honorez en cela la
différence des sépulcres de Notre-Seigneur et de la
sainte Vierge, et consolez-vous dans l'acquiescement à
l'adorable bon plaisir de Dieu, s'il vous plait. J'avoue
que cela est facile à dire ; mais les larmes de Notre-Sei-
gneur sur le Lazare en font voir la difficulté. Si vous
pleurez, que ce soit peu ; mais après cela fortifiez-vous.
J'admire quelquefois la composition ferme des bons re-
ligieux et des religieuses dans le décès des leurs. Oh !
qui nous ferait part à la disposition qu'avait la sainte
Vierge dans la mort de son Fils ! Je m'en vas y deman-
der part pour vous au saint autel. Si elle est en état
de recommander à ses prières la petite compagnie, je
vous prie de le faire ; je dis celle des filles et la nôtre
chétive, et moi particulièrement qui en ai plus de be-
soin et qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Made-
moiselle, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Ce samedi matin.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
3. A Saint-Lazare.
— 338 —
230. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1634 et 1639 '•]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai une afflictiori sensible de ce que je ne vous puis
aller voir, à cause du monde que nous avons et d'au-
tres que j'attends. Je vous supplie de m'en excuser et de
ne vous pas laisser aller à la douleur ; c'est le bon plai-
sir de Dieu, que vous aimez tant. O Dieu ! quel motif que
celui du plaisir de Dieu ! Et quel motif encore que
celui de penser que cette bonne fille jouit à présent du
bonheur de sa gloire ! Enfoncez-vous là dedans, Made-
moiselle, et n'en sortez pas, je vous en supplie.
Je vous enverrai quatre prêtres pour assister à l'office
et tâcherai de voir Madame Goussault et de lui dire la
chose en la manière que vous me marquez. J'espère de-
main, Dieu aidant, de vous allez voir, le matin. Vous me
consoleriez fort si vous vouliez vous mettre en repos dans
votre lit pendant ces deux jours.
Bon jour. Mademoiselle. Je suis votre très humble ser-
viteur.
V. D. P.
Suscriftion : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
Lettre 230. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Cette lettre a été écrite entre l'institution des Filles de la Cha-
rité de la mort de Madame Goussault.
— 339 —
231 — A LOUISE DE MARILLAC
[Août 1636 '.]
Mademoiselle,
Me voici de retour en meilleure disposition, Dieu
merci ; mais nous voici dans les armes qu'on distribue
céans aux soldats -. Si l'on amène ces pauvres filles de
Liancourt, je ne vois point d'inconvénient que vous les
receviez chez vous en attendant, et cette bonne veuve
pour la dresser ; après cela, Madame de Liancourt les
pourra placer ailleurs. Cela me paraît mieux ; qu'en
pensez-vous ?
Je ne réponds rien à la plainte que vous me faites
touchant mon voyage et mon séjour à La Chapelle
sans vous voir ; mais je recours pour la seconde fois à
votre charité et espère qu'elle n'attendra pas la troisième
pour me le pardonner. J'espère que nous aurons l'hon-
neur de vous voir dans deux ou trois jours et suis ce-
pendant, en l'amour de Notre-Seig-neur...
232 — A ANTOINE PORTAIL, PRÊTRE DE LA MISSION,
A PÉBRAG
Paris, le 15 août 1636.
Tant s'en faut qu'il soit expédient de rappeler ici le
Lettre 231. — Manuscrit Saint-Paul, p. 68.
1. Cette lettre et la lettre 232 sont du même jour, ou peu s'en faut.
2. La nouvelle que les Espagnols, maîtres de quelques places
fortes en Picardie, étaient entrés à Corbie le 5 août, avait jeté l'épou-
vante parmi les populations menacées. Les habitants des campagnes
se réfugièrent dans les villes avec leurs meubles ; les religieux et
les religieuses sortirent de leurs monastères. Paris reçut quantité de
malheureux partis précipitamment de chez eux et dont la misère fai-
sait pitié. Le roi se hâta de préparer une nouvelle armée et de met-
tre la capitale en état de défense. Il partit lui-même en Picardie à
la tête de ses soldats et reprit en peu de temps les places perdues.
Corbie se rendit le 14 novembre ; le 21, Louis XIII entrait dans
Paris en triomphateur.
Lettre 232. — Reg. 2, p. 221.
— 340 —
frère [Philippe] \ que, s'il y était, il faudrait l'envoyer
ailleurs, pource que Paris attend le siège des Espa-
gnols qui sont entrés en la Picardie et la ravagent avec
une puissante armée, dont l'avant-garde s'étend jusqu'à
10 ou 12 lieues d'ici, de sorte que le plat pays s'enfuit
à Paris ; et Paris est si épouvanté que plusieurs s'en-
fuient en d'autres villes. Le roi tâche néanmoins de dres-
ser une armée pour s'opposer à celle-là, les siennes étant
hors ou aux extrémités du royaume ; et le lieu où se
dressent et s'arment les compagnies, c'est céans, où
l'étable, le bûcher, les salles et le cloître sont pleins
d'armes, et les cours de gens de guerre. Ce jour de
l'Assomption n'est pas exempt de cet embarras tumul-
tueux. Le tambour commence à y battre, quoiqu'il ne
soit que sept heures du matin, de sorte que, depuis huit
jours, il s'est dressé céans 72 compagnies. Or, quoique
cela soit ainsi, toute notre compagnie ne laisse pas de
faire sa retraite, trois ou quatre exceptés, mais pour par-
tir et s'en aller travailler aux lieux éloignés, afin que, si
le siège vient, la plupart soient exempts de la risque qui
se court en cas pareil. J'écris à M. l'abbé ^ que je pourrai
lui envoyer quatre ou cinq prêtres de la compagnie et
lui demande la charité pour cela. J'en enverrai une autre
partie à Messeigneurs d'Arles et de Cahors, et j'espère
les faire partir au plus tôt, avant que les affaires se
brouillent davantage. J'ai eu ordre d'en user de la
sorte par notre supérieur ^ lequel nos amis approuvent,
puisqu'ils ne sauraient s'employer en ces quartiers, émus
pour le présent. Or, jugez et faites juger de là à ce bon
frère s'il est expédient qu'il revienne.
Je suis de votre avis, et m'en suis toujours douté, qu'il
a la nature paresseuse et qu'il est tenté du démon de
1. Voir lettre 202.
2. Jacques Olier, abbé de Pébrac.
3. Vraisemblablement l'archevêque de Paris.
— 341 —
fainéantise ; et il se peut ressouvenir que je lui ai dit. Je
vous supplie de l'encourager à ce qu'il lui résiste, et cela
par voie de douceur et de suasion, et non de conviction,
comme nous avons accoutumé de faire. Les esprits mala-
des ont besoin d'être plus délicatement et charitablement
choyés que ceux qui le sont du corps.
Quant à l'aversion que M. Le P. témoigne avoir des
exercices de la Mission, il faut honorer la douceur, la
patience et l'humilité de Notre-Seigneur à l'égard de
ceux qui avaient dissentiment à sa personne et à sa doc-
trine et en user de même qu'il en usait.
233. A MONSIEUR DE SAINT MARTIN
Monsieur,
Je vous envoie, par l'occasion de Monsieur Touschard,
qui se rend à Dax, le petit tableau que j'ai commandé
à Monsieur Brentel faire à votre intention \ Le présent
est de peu de conséquence ; mais j'ai espérance que le
Lettre 233. — Archives de la Mission, copie prise sur l'original,
qui était en entier de la main du saint.
I. Voici la description que nous en fait Firmin-Joussemet, qui
l'a eu sous les yeu.\ {^Lettre de saint Vincent de Paul sur sa capti-
vité à Tunis dans la Revue des provinces de VOuest, septembre 1856,
p. 230 et suiv.) : a Cette peinture très finement touchée a été e.xé-
cutée sur parchemin par un artiste nommé François Brentel. Elle
représente la fuite en Egypte. La Vierge, assise à l'ombre de grands
arbres, allaite l'enfant Jésus, tandis que saint Joseph les contem-
ple. Plus loin l'âne cherche sa nourriture. Dans le fond du paysage
est une ville décorée de beaux édifices et bâtie au milieu d'un site
sévère. Deux anges en prière, portés sur des nuages, occupent le
haut de la composition. Autour règne une bordure noire et or, et au
bas se trouve une bande pourpre, sur laquelle on lit en caractères
romains : Aimez Dieu et votre frochain, légende qui résume la doc-
trine du donateur. Au dessous est la signature de l'artiste et la date
1636. L'ensemble a o m. 14 de haut sur o m. 10 de large. Ce petit
tableau, d'une conservation parfaite, se recommande surtout par
l'extrême finesse de la touche. Il semble être la copie d'une œuvre
d'un artiste de l'école des Carrache. » Arthur Loth l'a reproduit
— 342 —
tiendrez de quelque prix, venant d'une personne qui est
de si long-temps le tant obligé de votre maison. Le
voyant devant vos yeux, n'oublierez en vos prières le
plus humble de vos serviteurs.
Vincent Depaul.
De Paris, ce i6 août 1636.
234. — A LOUISE DE MARILLAC
[Août 1636 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai appris votre indisposition à mon retour. Cela
m'a contristé. Je prie Notre-Seigneur qu'il vous redonne
une parfaite santé, dont j'étais tout réjoui la dernière
fois que je vous vis. Enân vous êtes fille de la Croix.
Oh ! quel bonheur ! Dites-moi, je vous prie, si cette pe-
tite rechute vous a un peu troublée.
Il n'y a point d'apparence de vous laisser toujours
dans ces alarmes. Il vaut mieux vous retirer ^. Cela n'em-
pêchera pas, si les choses s'adoucissent, que vous ne re-
tourniez là où vous êtes, jouir de ce bon air. Je ne crains
pas l'armée espagnole, mais quelque rencontre semblable
dans son bel ouvrage Saint Vincent de Paul et sa mission so-
ciale, Paris, i88o, in-8, p. 74. Celui que Firmin-Joussemet appelle
François Brentel n'est autre vraisemblablement que le Strasbour-
geois Frédéric Brentel, mort à Augsbourg en 1651, artiste de
grand talent, au dessin correct, au coloris brillant et agréable, auteur
de divers tableau\ d'histoire, de portraits, de plusieurs gravures et
des miniatures d'un manuscrit intitulé : Officium B. Mariae Virginis,
in-8, 1647. (Bibl. Nat. f. 1. 10.567-10.568.) (Cf. Schreiber, Das
Munster zu Strassburg, Carlsruhe, 1828.)
Lettre 234. — Manuscrit Saint-Paul, p. 77.
1. L'allusion à la guerre des Espagnols demande cette date.
2. Probablement : vous retirer de La Chapelle et rentrer à Paris.
— 343 -
à celui qui est arrivé. Je vous remercie cependant du
soin que vous avez de nous, et vous supplie d en avoir
de votre santé, que je prie Notre-Sei^eur de vous en-
voyer, étant, en son amour, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
235. — A ROBERT DE SERGIS, PRÊTRE DE LA MISSION,
A LUZARCHES »
!«• septembre 1636.
Monsieur le chancelier - me manda avant-hier par
homme exprès, que je lui envoyasse aujourd'hui ou de-
main vingt ^nissionnaires à Senlis, qu'il nous baillerait
l'ordre que nous aurions à tenir et qu'il aurait soin de
nous. Je lui mandai que nous ne pouvions en fournir un
si grand nombre, mais bien douze ou quinze, et que je
lui enverrais quelqu'im pour recevoir ses ordres et les
donner aux autres ; et je me propose d'y envoyer M. du
Coudray dès demain matin ^. Je vous prie de m' écrire à
toute main. L'on m'a dit que vous devez déloger demain
matin.
L'incluse vous fera voir des nouvelles de M. Lam-
bert et comme il s'est comporté avec les RR. PP. Capu-
cins ! Oh ! que cela est chrétien et que je souhaite que
chacun fasse de même !
Lettre 235. — Reg. 2, p. 2-j^,
1. Dans cette localité campait le régiment dont Robert de Sergis
était aumônier.
2. Pierre Séguier.
3. Abelly raconte (of. cit., t I, chap. xxxiii, p. 154) que saint Vin-
cent se rendit lui-même à Senlis pour offrir ses services au roi, y
laissa un de ses prêtres pour transmetttre les ordres du monarque
aux autres missionnaires de l'armée et leur fit envoyer une tente, des
meubles et des vivres. Il nous a conservé le règlement que le saint
dressa pour eux à cette occasion. Quelques missionnaires revinrent
après six semaines ; les autres restèrent dans l'armée jusqu'à la fin
de novembre.
— 344 —
Voici ces honnêtes gens de Clichy qui réclament leurs
enfants qui sont en votre régiment. Ils offrent des
hommes ou de l'argent à leur capitaine, auquel j'en écris.
C'est M. Morin. J'ai fait la même prière à M. Piscot.
236. —A UN PRÊTRE DE LA MISSION
[Entre septembre et novembre 1636 ^.]
Béni soit Dieu de la bénédiction qu'il donne à votre
travail ! O Jésus ! Monsieur, qu'elle me paraît grande !
Quoi ! d'avoir déjà procuré, pour votre part, le bon état
de trois cents soldats, qui ont si dévotement communié,
et de soldats qui s'en vont à la mort ! Il n'y a que celui
qui connaît la rigueur de Dieu dans les enfers, ou qui sait
le prix du sang de Jésus-Christ répandu pour une âme,
qui puisse comprendre la grandeur de ce bien. Et quoi-
que je connaisse mal l'un et l'autre, il plaît néanmoins
à sa bonté de m'en donner quelque petite lueur et une
estime infinie du bien que vous avez fait en ces 300 péni-
tents. Mardi passé, il y avait déjà 900 confessions faites
en toutes les autres missions de l'armée, sans compter
les vôtres, outre ce qui s'est fait depuis. O Dieu ! Mon-
sieur, que cela est au-dessus de mon espérance ! Il faut
s'humilier, louer Dieu, continuer avec courage et suivre,
si vous n'avez d'autre ordre.
237. — LOUISE D^ MARILLAC A SAINT VINCENT
[Avant i6^f) ^.]
Monsieur,
Madame Traversay ^ me manda hier de vous avertir que ce >
Lettre 236. — Abelly, of. cit., t. I, chap. xxxiii, p. 156.
I. Voir lettre 235, note 3.
Lettre 237. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Voir notes 4 et 7.
2. Anne Petau, veuve de René Regnault, seigneur de Traversay,
— 345 —
serait four jeudi que les daines se trouveraient où vous savez,
et que Madame la Chancelicre ^ y serait aussi.
J^ai eu -peine de ce que je ne vous fus faire entendre le fro-
cédé du Père d'Attichy ^ en la visite quil avait rendue à Ma-
dame la duchesse ^ au sujet de mon fils et quil y avait fort
longtemfs qu'il la frojetait sans que j'en susse rien, et que, le
trouvant aux Carmélites, où Madame la comtesse de Maure "
me fit aller four son affaire, il Tne fit ref roche, s' enquérant dti
bien qti'avait mon fils, de ce que je ne faisais rien four lui.
Et Madame de Maure ensemble me dit que f avais assez de
connaissance à Monsieur de Noyers '' four lui avoir déjà farlé.
Tout ce que je fis fut d'écrire deux jours afrès au P. d'Atti-
chy, et lui mander que tout ce que je remarquais avoir manqué
de devoir de bonne mère à vton fils, était de ne lui avoir fas
fait connaître que feu mon tnari avait tout conso7nmé^ son
temfs et sa vie ^ au soin des affaires de sa maison, négligeant
entièrement les siennes frofres, et que, four réfarer cette
faute, que je le suffliais, fuisqu'il était résolu de s'emfloyer
four lui sans mon su, qu'il frit la feine de dire à madite dame
que Monsieur de Noyers me connaissait four m'avoir souvent
vue chez Mottsieur le garde des sceaux de Marillac, et que je
conseiller au Parlement de Paris, sœur du président Méliand. Ce fut
une des dames de la Charité les plus dévouées à saint Vincent et à
ses œuvres. Elle fonda le monastère de la Conception, rue Saint-
Honoré, et s'occupa des Filles de la Croix après la mort de leur
fondatrice, Madame de Villeneuve.
3. Madame Séguier.
4. Achille d'Attichy, jésuite, frère de la comtesse de Maure, né
le 23 avril 1596, mort en 1645.
5. Peut-être la duchesse d'Atri.
6. Les travaux historiques de Cousin ont attiré l'attention des éru-
dits sur Anne d'Attichy, cousine de Louise de Marillac, épouse de
Louis de Rochechouart, comte de Maure, connu surtout par le rôle
qu'il a joué pendant la Fronde. La comtesse de Maure, dit la du-
chesse de Montpensier, « avait de l'esprit infiniment, un esprit ca-
pable, instruit, connaissant et extraordinaire en toutes choses. Il fal-
lait avoir une grande politesse pour être de sa cour ; car tout ce
qu'il y avait d'honnêtes gens de tout sexe s'y rendait de tous côtés. »
['Relation de l'île imaginaire. Histoire de la -princesse de Paphla-
gcnie, Paris, 1805, in-12, p. 69.) Sur ses vieux jours, elle devint
extrêmement originale ; le souci de sa santé lui enlevait toute tran-
quillité d'esprit. [Ib., p. 72 ; Le Dictionnaire des Précieuses, par le
sieur de Sommaize. Paris, 2 vol. in-i6, t. I, p. 167.)
7. François Sublet, seigneur de Noyers, baron de Dangu, secré-
taire d'Etat, mort le 20 octobre 1645 à l'âge de cinquante-sept ans.
Son oncle M. de Champigny avait été surintendant des finances en
même temps que Michel de Marillac, oncle de Louise.
— 346 —
croyais que votre charité donnerait connaissance de mon fils,
si Von lui en -parlait.
Devant Dieu, voilà tout ce que j'ai contribué en cette araire.
Je vous supplie très humhletnent le croire ; ce que je n^eusse
nullement fait sans le rencontre de ces personnes-là, inopiné
pour ce sujet, et que mon fils ne savait pas seulement. Je sup-
plie notre bon Dieu vous donner la pensée de sa volonté en ce
sujet et vous faire connaître que f aimerais mieux mourir que
de vous feindre quelque chose^ puisque je suis, Monsieur,
votre très obligée servante et très humble fille.
L. DE Marillac.
Ce tnardi.
Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.
238. — A LOUISE DE MARILLAC
[Avant 1645 1.]
Je tâcherai de me rendre jeudi, Dieu aidant, à la
chambre des filles ^ ; mais je ne sais pourquoi vous entrez
en discussion de ce que vous avez fait pour Monsieur
votre fils, comme s'il n'est pas raisonnable qu'une mère
procure le bien de son fils. Plût à Dieu que je le puisse
faire moi-même ! Sa bonté sait de quel cœur je le ferais,
qui suis v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
239. — A ANTOINE PORTAIL, PRÊTRE DE LA MISSION
De Pans, ce 20 septembre 1636.
Il nous est impossible de vous envoyer si tôt ces mis-
Lettre 238. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre répond à la lettre 237, à la suite de laquelle elle
a été écrite.
2. Vraisemblablement la chambre que les sœurs s'étaient réservée
dans leur ancien logement de la paroisse Saint-Nicolas-du-Char-
dcnnet.
Lettre 239. — Abelly, op. cit., t. I, chap. xxxiii, fin, p. 156.
— 347 —
sionnaires que vous attendez, parce que ceux que nous
avions préparés ont été commandés de suivre les régi-
ments qui étaient à Luzarches, à Pont \ Saint-Leu ^ et à
La Chapelle-Orly, et de camper avec eux dans l'armée,
où déjà quatre mille soldats ont fait leur devoir au tri-
bunal de la Pénitence, avec grande effusion de larmes.
J'espère que Dieu fera miséricorde à plusieurs par ce
petit secours et que peut-être cela ne nuira pas au bon
succès des armées du roi.
240. — A MADAME GOUSSAULT
Madame,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Béni soit Dieu de la bénédiction qu'il a donnée à votre
mission et de ce qu'il vous faut revenir par l'accident qui
est arrivé ! Vous ne manquerez pas ici de besogne. En
voici une à faire par les chemins : c'est de passer à
Estival S qui est cette abbaye de laquelle vous m'avez
écrit que l'abbesse est mal avec ses religieuses et avec
sa mère, pour tâcher à la porter à l'accommodement.
Elle a un ecclésiastique qui la perd et qui la fait ainsi
mal vivre avec sa mère. Il serait à souhaiter qu'elle se
rapportât à arbitres ou qu'elle fût hors de là par quelque
permutation de son abbaye à une autre ; car par les
procès c'est se perdre, et se mettre hors d'état de la ré-
1. Pont-Sainte-Maxence (Oise).
2. Saint-Leu-d'Esserent (Oisej.
Lettre 240. — Dossier de la Mission, copie.
I. Estival en Chamie (Sarthe). Il y avait dans cette localité une
abbaye de Bénédictines, dans laquelle Vincent de Paul fit introduire
la réforme. (Cf. Dom Piolin, Histoire de l'Eglise du Mans, Paris,
1851-1871, in-8, t. VI, p. 248.)
- 348 —
forme que de les poursuivre. Cette permutation n'est
point à proposer par vous, si elle ne vous en parle.
Reste l'accommodement. Si vous pouviez la disposer ef-
fectivement à le faire, ce serait un bon œuvre. Madame
Borrain, sa tante, m'en a parlé avec grand sentiment,
mais il ne le faudra pas dire.
Je finis, en vous attendant avec grande affection, et
suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Madame, votre très
humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Saint-Lazare-lez-Paris, ce 20 septembre 1636.
Suscription : A Madame Madame la présidente Gous-
sault, à Angers.
241. — A LOUISE DE MARILLAC
[1636 1.]
Mademoiselle,
La grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur soit avec
vous pour jamais !
Madame la présidente Goussault n'a pas été à Beau-
vais. Elle est de retour à Neufchâtel ~ et pense qu'elle
est à présent à Groslet ^ avec Madame sa mère, de sorte
qu'elle ne saurait faire ce que vous désirez pour Lian-
court. Je suis honteux de ce que nous n'avons point
encore fait le règlement pour ce lieu-là. Il faut y travail-
ler, Dieu aidant.
Lettre 241. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Voir note 4. Cette lettre est antérieure à la lettre 253.
2. Neufchâtel-en-Bray (Seine-Inférieure).
3. Nous respectons à dessein l'orthographe de l'original, ne sachant
s'il s'agit de Groslay en Seine-et-Oise ou de Grosley dans l'Eure.
— 349 —
Pour la maison de Saint-Nicolas *, je vous supplie
d'avoir patience et de payer tout le louage des deniers
communs ; car peut-être eii aurez-vous besoin pour vos
filles.
Que vous dirai-je de cette bonne fi.lle qui est auprès
de M. Lhoste '', sinon que c'est une belle et bonne
charité ; mais qu'il se faut bien garder d'en faire ordi-
naire. Vaudrait-il pas mieux, puisque vous y voilà en-
gagée, que vous y missiez Jeanne avec cette pauvre
Suzanne ? Deux subsisteraient mieux ensemble, et peut-
être que cela ne leur nuira pas.
J'ai envoyé faire mes excuses à Madame de Ligin '^y
laquelle se porte mieux, comme je fais aussi, Dieu merci.
Et vous. Mademoiselle, quelle a été cette petite rechute
que vous avez eue ? Oh ! qu'il est vrai. Mademoiselle,
que le monde est rempli de misère ! Or sus, il faut pour-
tant y souffrir et les nôtres et celles d'autrui, tant qu'il
plaira à Dieu. Hélas ! la bonne Madame Mesnard \ o
Dieu, que je la crois heureuse et la prie de bon cœur
qu'elle prie Dieu pour moi ! Et certes, je le veux espérer
de sa bonté. Je prie votre cœur de ne se pas attetxdrir
sur son sujet, ni sur aucun autre que du pur amour de
Dieu.
Je suis, en ce même amour, v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
4. La maison que les sœurs venaient de quitter au mois de mai
précédent pour s'installer à La Chapelle.
5. Peut-être Jean-Marie Lhoste, qui, après avoir été avocat au
Parlement, devint administrateur de l'Hôtel-Dieu, des Incurables,
de l'hôpital général et de Saint-Jacques aux Pèlerins et mourut le
17 février 1672.
6. Dame de la Charité.
7. Peut-être Anne Le Roux, épouse d'Antoine Mesnard, seigneur
de Toucheprès et autres lieux.
— 350 —
242. — A LOUISE DE MARILLAC
[Septembre 1636 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Il n'y a point d'apparence que vous fassiez à présent
votre petite retraite. Guérissez-vous premièrement et puis
nous verrons, et faites cependant votre jubilé ^, mais ne
jeûnez pas ; vous êtes malade. M. le curé vous en dis-
pensera. Vous pourrez faire votre confession, et si vous
désirez que ce soit depuis la dernière générale et que je
vous serve en cela, je pense ne pas aller à un petit voya-
ge de sept ou huit jours que la semaine prochaine.
J'ai renvoyé Jeanne de But. Je crains voirement,
comme vous, qu'il y ait quelque chose. Si cela n'était, l'on
ne l'aurait pas laissée si longtemps sans l'envoyer visi-
ter, ou sans me le faire [savoirl II faut la satisfaire
quelque temps.
Madame Goussault doit revenir au premier jour. M.
votre fils me parla, samedi passé, du lieu où i] doit étu-
dier. Je lui improuvai les universités éloignées ; à quoi
il acquiesça fort volontiers, pource que je pense que cela
répondait à son sens, ou que vous lui aviez fait con-
naître qu'il répondait au vôtre.
Je vis hier au soir Monsieur de Liancourt.
Lettre 242. — Manuscrit Saint-Paul, p. 79.
1. Il y eut jubilé en 1634 et 1636. L'ensemble de la lettre semble
mieux convenir à l'année 1636 et à la période des vacances.
2. Lors du jubilé de 1634, un des vieux ponts de bois jetés sur la
Seine s'était rompu sous le poids de la foule passant en procession.
Pour éviter semblable accident, il fut décidé, le 13 septembre 1636,
que des barrières seraient mises à l'entrée des ponts, de façon à ne
laisser pénétrer que peu de monde à la fois. (Cf. Michel Félibien, o-p.
cit., t. V, p. 99.)
— 351 —
Guérissez-vous et ménagez soigneusement votre santé
et suis en l'amour de Notre-Seigneur...
243. — A ROBERT DE SERGIS, PRÊTRE DE LA MISSION
.Septembre 1636.
Monsieur du Coudray m'a mandé qu'il n'est pas néces-
saire qu'autre de la compagnie aille à cheval à l'armée
qu'un seul, avec un garçon, pour être à la cavalerie au-
près de M. Lambert, et que M. Grenu pense que Dieu se
pourra servir de vous en cela. Je vous supplie, Monsieur,
de le faire et de partir, la présente reçue, avec le frère
d'Alexandre ^, que je vous envoie, qui vous porte quel-
ques hardes, qu'on m'a dit qu'il vous faut, et de prendre
le mulet de M. Gallon ou notre mule et d'emporter quand
et ^ vous les cent livres que j'ai dit qu'on vous baille.
Le bon Dieu, qui, pour l'ordinaire, vous fournit de
toutes choses à point nommé, ne vous abandonnera pas en
cette occasion. Vous trouverez à la cavalerie de l'avant-
garde M. Moulan, que vous connaissez ; il vous don-
nera de bons avis.
Quand vous vous rencontrerez avec Monsieur Grenu,
vous lui déférerez et vous adresserez à lui pour recevoir
l'ordre de M. d'Argenson^, et lui rendrez l'incluse. Il vit
Lettre 243. — Reg. 2, p. 273.
1. Alexandre Véronne, frère coadjuteur, né le 15 mai 1610, à
Avignon, reçu dans la congrégation de la Mission le 22 juillet 1630.
Il remplissait à Saint-Lazare les fonctions d'infirmier avec un dé-
vouement et une habileté qui lui valaient l'estime de tous et parti-
culièrement de saint Vincent. Sa mort, survenue le 18 novembre 1686,
fut annoncée à toute la compagnie par une circulaire du supérieur
général. Le frère Chollier a écrit sa vie, qui a été publiée dans le
Miroir du frère coadjuteur de la Congrégation de la Mission, Paris,
1875, in-S, p. 145 et suiv., et qui a servi à la composition de sa biogra-
phie parue dans les Notices, t. III, pp. 528-548.
2. Quand et, avec.
3. René de Voyer d'Argenson, intendant de Picardie II devint su-
— 352 —
avec ledit sieur d'Argenson et il a environ cinquante li-
vres ; si néanmoins il a besoin d'autre argent, vous lui
baillerez et je vous en enverrai. Or sus, Monsieur, vous
voilà donc appelé par la Providence à un acte de charité
qui n'en a point de plus grand, puisque c'est pour assis-
ter votre prochain dans une nécessité extrême. Vous
voyez bien quel bonheur ce vous est qu'elle ait pensé à
vous pour cela, et la bénédiction que vous devez espérer
là dedans. Allez-y donc in nomine Domini dans l'esprit
que saint François Xavier alla aux Indes, et vous en
remporterez, comme lui, la couronne que Jésus-Christ
vous a méritée par son sang précieux et qu'il vous don-
nera si vous y honorez sa charité, son zèle, sa mortifica-
tion et son humilité.
Je vous embrasse de tout mon cœur avec la tendresse
que vous pouvez penser. Vous prendrez du linge pour
vous et pour M. Grenu, de celui qui est à Pont * et qu'on
avait envoyé pour la compagnie, et prendrez aussi la
chapelle pour vous. Je prie derechef Notre-Seigneur
qu'il soit votre consolation, votre force, votre exemple
et votre gloire.
244. — A ROBERT DE SERGIS
Monsieur,
Béni soit le saint nom de Dieu, Monsieur, de ce que sa
rintendant de la justice en Provence le 4 avril 1646, ambassadeur à
Venise le 24 juin 1650, fut ordonné prêtre le 24 février 165 1 et mou-
rut à Venise le 14 juillet de la même année à l'âge de cinquante-
quatre ans. De son épouse Hélène de la Font, qu'il perdit en 1638,
il avait eu Marc-René, l'auteur des Annales de la Comfagnie du
Saint-Sacrement , publiées en 1900 par le R. P. dom H. Beauchet-
Filleau.
4. Pont-Sainte-Maxence.
Lettre 244. — Recueil du procès de béatification.
— 353 —
Providence vous a arrêté auprès de Monseigneur le chan-
celier \ en suite de la pensée qu'il a eue de me mander
que je lui envoyasse quelqu'un pour le suivre ! O
Monsieur, que les conseils de Dieu sont adorables et
admirables ! Joseph allait en Egypte pour y souffrir les
misères qui accompagnent l'esclavage, et il y trouva son
bonheur et celui des siens ; vous vous en alliez à la guerre
pour souffrir les calamités, et Notre-Seigneur vous
a arrêté auprès du chef de la justice du royaume et d'un
des plus hommes de bien qui soient. Plaise à Notre-Sei-
gneur vous y faire trouver le dégoût des choses du
monde, par la plus grande connaissance que vous
acquerrez de la vanité d'icelles, et que vous nous en
puissiez faire part à votre retour, qui est certes im bien
plus estimable que tous les honneurs et tous les biens
de la terre ! Soyez-y donc à la bonne heure. Monsieur,
puisque ce n'est pas vous qui vous y êtes introduit et
que c'est la pure Providence qui en a disposé de la
sorte.
Je n'entends pas bien en quelle qualité c'est, si c'est
ou pour servir en l'absence de M. Peleiis, son aumônier,
ou pour servir aux gens de guerre qui l'accompagnent. Si
c'est en la première manière, je n'ai rien à vous dire tou-
chant la confession, la sainte messe, ni les grâces. Vous
savez ce qu'il faut faire aux deux premières, et vous vous
informerez de ce qu'il faut faire au troisième ; si ce
n'est, pour le premier, qu'il nous suffit de ce que les gens
de bien nous disent, sans s'enquérir ; car quod supra nos
nihil ad nos, dit un grand personnage. Il y a quelques
cérémonies à la fin de la messe qu'on fait devant les
grands ; c'est se retourner et leur faire une inclination à
la fin de messe, après avoir ôté la chasuble. J'ai vu faire
cet acte de révérence par notre bienheureux Monseigneur
I. Pierre Séguier.
23
— 354 —
de Genève ^ à Monsieur le général des galères ^. Votre
condition est infiniment au-dessous de celle de ce grand
et saint prélat. Il me semble, de plus, que l'on leur porte
le corporal à baiser et que l'on leur va donner de l'eau
bénite après la messe. Je ne l'ai jamais fait et n'en sais
rien ; vous vous en informerez. Si vous mangez parfois
à la table de Monsieur le maître d'hôtel, tâchez toujours
Monsieur, d'y avoir la moindre place. Les maîtres d'hôtel
ne quittent jamais la leur et les gentilshommes précèdent
là les aumôniers en la plupart des lieux, même chez les
prélats. J'avais pour maxime de regarder Monsieur le
général en Dieu, et Dieu en lui, et de lui obéir de même,
et à feu Madame comme à la Vierge, et de ne me présen-
ter si ce n'était qu'ils m'appelassent, ou pour quelque
affaire pressant et d'importance *. Au nom de Dieu,
Monsieur, faites-en de même. Quant aux domestiques,
il les faut beaucoup honorer et traiter doucement, cor-
dialement et fort respectueusement, et surtout leur dire
parfois quelque chose de Dieu, et se faut bien garder
de s'enquérir des nouvelles de la maison, ni de l'État.
Que si c'est en la seconde manière, vous verrez si vous
pouvez faire quelques exhortations catéchistiques dans
l'église à certains jours de la semaine. Ressouvenez-vous
de ce que faisait saint François Xavier sur le navire,
dans son passage aux Indes, et tâchez à l'imiter et à faire
ce que vous pensez devant Dieu qu'il ferait, s'il était à
votre place. Prenez-le, s'il vous plaît, pour votre spécial
protecteur.
Monsieur le curé de la ville " est celui que vous avez
vu aux Bons-Enfants. Vous écrirez à Monsieur Grenu
2. Saint François de Sales.
3. Philippe-Emmanuel de Gondi.
4. Saint Vincent avait rempli de 1613 à 1625 les fonctions d'aumô-
nier dans la famille du général des galères.
5. Roye (Somme).
— 355 —
pour le conforter souvent, et lui enverrez environ six
écus ; et me mcUidant vos besoins et comme vous vivez,
j'y pourvoirai. Dieu aidant, lequel je prie de vous donner
part au zèle des âmes et à l'humilité de son Fils. Vous
savez l'ordre de Monsieur le chancelier à l'égard des ma-
lades, et vous représentez que vous n'aviez jamais plus
de besoin qu'à présent.
Je suis en son amour, Monsieur, votre très humble
serviteur.
Vincent Depaul.
Ce 29 septembre 1636.
J'ai pensé de vous dire encore au dos de cette lettre
ces deux proverbes : à l'égard du maître, ut in igné sit
cuin principe ® ; et à l'égard des domestiques, nimia fa-
inïliaritas parit conternptuin '' .
Suscription : A Monsieur Monsieur de Sergis, prêtre
de la Mission, à Roye.
245. — A ROBERT DE SERGIS, PRÊTRE DE LA MISSION,
A AMIENS T^
Du 19 d'octobre 1636.
J'ai été consolé de recevoir une de vos lettres et égale-
ment affligé, voyant le danger oii vous croyez être. Au
nom de Dieu, Monsieur, usez de toutes les précautions
que votre emploi vous permettra, dans la confiance que
celui qui, de toute éternité, vous a choisi pour l'assis-
tance des pauvres de ces quartiers-là, vous conservera
6. Célèbre proverbe de Socrate rapporté sous cette forme latine
par Lactance dans ses Divinae Insiiiutiones, 1. III, ch. 20, popularisé
par les Adages d'Erasme (éd. H. Estienne, s. 1., 1578, p. 215.)
7. Ce proverbe apparaît pour la première fois dans saint Tho-
mas, Comment, in Joan., chap. IV, lect. VI, n<^ 2.
Lettre 245. — Reg. 2, p. 275.
— 356 —
comme la prunelle de son œil, autant que sa gloire et
votre bien le requerront. Après cela, qui est celui qui
veut vivre ou prétendre quelque chose sur la terre, ou
qui, sentant en soi des affections contraires, ne les mor-
tifie, dans la pensée que nos jours sont comptés et que
nous ne pouvons ajouter un moment de vie au dernier
que Dieu nous a déterminé ? Cela étant, Monsieur, aban-
donnons-nous à la divine Providence ; elle saura bien
ménager ce qu'il nous faut.
Et à propos de la Providence, ne reconnaissez-vous
point qu'elle a tellement soin de votre persoime qu'il
semble qu'elle s'occupe d'une manière particulière pour
vous ? Et, si cela n'était, comment vous aurait-elle fait
choisir entre tant de saintes âmes qui sont à l'armée, pour
vous donner un emploi des plus importants à la gloire
de Dieu et au bien des pauvres ? Nous sommes ravis
d'admiration, tant que nous sommes, de voir comme
elle pense à ce qui vous regarde, et pourvoit à tout ce
qu'il vous faut. Que tout cela vous soit donc un motif,
s'il vous plaît, de vous âer pleinement à elle.
Vous dites que la charité se refroidit. Oh ! que ce
mot me touche ! Il faut grâce pour commencer ; il en
faut encore pour persévérer jusqu'à la fin. Prions Dieu
qu'il la donne à ceux qui doivent remédier à tels be-
soins. M. Desclaux ^ confesseur de Monseigneur le car-
dinal, y peut beaucoup et n'a pas peu de charité pour
cela. Si vous le voyez, je vous prie de le saluer de notre
part et de l'assurer de notre obéissance.
I. Pierre Desclaux, mort le 7 octobre 1637.
— 357 —
246. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je pense que vous ferez bien, Mademoiselle, de voir
Madame Fieubet ', si elle est de la compagnie de l'Hô-
tel-Dieu, et de lui dire ce que vousme mandez. Je crains
bien qu'il n'y ait un peu de la faute de ces filles, pour le
moins indirectement. Il faut principalement regarder les
pauvres villages, car, pour les villes, il n'en sera jamais
autre chose ; c'est se flatter que de s'y amuser. J'embrasse
et chéris ces contradictions; et ne pensez pas que cela me
rebute, je dis du dessein des villages et d'être, en
l'amour de Notre-Seigneur, votre très humble serviteur.
V. D. P.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
247. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
Je vous dirai donc aujourd'hui que, si vous preniez la
peine de venir à la chambre de vos filles de Saint-Ni-
colas demain, l'après-dinée, que j'aurais le bonheur de
vous y voir, au cas que je ne vous voie pas demain à La
Chapelle le matin, ou que je ne vous mande le contraire.
Lettre 246. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Probablement Claude Ardier, morte le 29 août 1657. Elle avait
épousé Gaspard de Fieubet, seigneur de Launac-en-Guyenne et au-
tres lieux, secrétaire du roi, mcrt trésorier de l'Epargne, le 12 août
1647, ^ l'â-gs de soixante-dix ans.
Lettre 247. — Manuscrit Saint-Paul, p. 41.
- 358 -
C'est pourquoi vous emprunterez l'équipage pour venir,
à condition que vous en ayez besoin, dont je vous don-
nerai avis demain, le plus matin que je pourrai, et vous
prie de me pardonner de ce que je vous parle ainsi en
doute ; c'est à cause des diverses occurrences qui arri-
vent de moment à autre.
Je suis en peine de notre pauvre fille affligée à Saint-
Louis ^ et de ce que les autres sont devenues, car elles ne
sont point à leur chambre. Je vous prie me mander
ce que vous en savez. Nous avons eu un accident quasi
semblable à Saint-Lazare -, où je n'ai point encore été,
pour converser sans difficulté avec quelques personnes
avec lesquelles j'ai à faire.
Du collège des Bons-Enfants, ce 21 octobre 1636.
248. - A LOUISE DE MARILLAC
Ce 2 novembre 1636.
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous écris de Fréneville, à mon retour d'Orléans.
C'est la maison que Madame la présidente de Herse
nous a donnée, où j'ai reçu la vôtre, laquelle m'a plus
consolé que je ne vous puis exprimer, voyant la résolu-
tion que vous me mandez que Monsieur votre fils a prise.
Béni en soit Dieu à jamais, qui vous a donné cette con-
solation et à moi aussi, qui appréhendais pour lui, en
toute manière, toute autre condition ! Qu'il étudie donc,
à la bonne heure, en théologie. Je prie Dieu qu'il lui
X. C'est dans cet hôpital qu'étaient portés les pestiférés.
2. Un cas de peste.
Lettre 248. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
— 359 —
donne part au zèle du salut des âmes qu'il a donné à sa
mère et à la grâce qu'il lui a confiée pour cela, toute
pauvre et chétive quelle est. Je rends grâce à Notre- Sei-
gneur, de plus, de ce qu'il vous a conservé votre bonne
fille malade à Saint-Louis. Vous ne sauriez croire, Made-
moiselle, combien j'en ai de la consolation.
Que vous dirai-je de la proposition de M. Drouard ^ ?
Certes, elle me parait pleine de piété et est à souhaiter
qu'elle réussisse, s'il se trouve des ecclésiastiques qui
aient tant de zèle. Quant à l'entretien qu'il leur faudrait,
ie ne doute point que Mesdames les of ficières de la Cha-
rité de r Hôtel-Dieu ne consentent qu'on prenne, sur ce
peu qu'il y a, ce qu'il leur faudra, en attendant l'assem-
blée des dames. Parlez-en, s'il vous plait, à Madame la
présidente Goussault ^.
Je m'en vas peut-être passer à Grigny dans deux ou
trois jours, en allant un peu au delà ; si elle y est, je lui
en parlerai.
Je finis cependant dans un désir fort sensible que
vous vous portiez bien et suis, en l'amour de Notre-Sei-
gneur, votre très humble serviteur.
V. Depaul.
J'espère être à Paris dans huit ou dix jours, Dieu
aidant
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
à La Chapelle.
1. Bertrand Drouard, écuyer, gentilhomme de Monsieur, duc d'Or-
léans, s'occupa des Filles de la Providence avec saint Vincent de
Paul, après la mort de Mademoiselle Pollalion. Collet dit de lui, au
sujet de la seconde mission donnée à La Chapelle pour les Lorrains
réfugiés : c Un laïque, nommé Drouard, y répandit le feu de la
charité. » {Of. cit., t. I, p. 309.)
2. Il s'agit vraisemblablement du projet d'attacher deux prêtres à
THôtel-Dieu pour les besoins spirituels des malades. Leur nombre
fut porté à six en 1642. Ils recevaient quarante écus par an et trou-
— 360 —
249. — A ROBERT DE SERGIS, PRÊTRE DE LA MISSION,
A AMIENS
Novembre 1636.
Tous nos malades sont hors de fièvre, et depuis, par
la grâce de Dieu, il n'est point arrivé céans aucun acci-
dent ; et chacun se porte bien en quatre endroits où se
fait la mission, et ici aussi, de sorte qu'il y a apparence
que Notre-Seigneur aura pitié de cette petite compa-
gnie, par l'intercession de la sainte Vierge, que nous
avons envoyé visiter à cet effet par M. Boudet, à Char-
tres. Tout est néanmoins dans l'ordre de la Provi-
dence, laquelle aura peut-être agréable d'en disposer au-
trement. Son saint nom soit béni ! Il est le maître et fait
tout pour le mieux. Laissons-lui conduire le tout^.
Je vous ai voulu dire ceci avant toutes choses, pource
que je crois que c'est la chose du monde qui vous peut le
plus contenter ; et je vous avoue que ce que vous me
dites par votre lettre m'a fait voir clairement la part que
votre cœur a prise à cet accident; et me semble que je
n'ai jamais mieux connu les profondes racines que la
charité envers les personnes du corps a jetées en vous,
qu'en cette occasion, et ne vous puis exprimer combien
cela m'a attendri.
Or sus, béni soit Dieu de tout et de ce qu'il s'est voulu
rendre le ciment qui vous a lié plus étroitement à la
compagnie, et par elle à lui ! Je le remercie de tout mon
cœur des emplois qu'il vous domie et de la manière que
je me persuade que vous vous en acquittez, et notam-
vaient à l'Hôtel-Dieu le logement et la nourriture. (Cf. Abelly, of.
cit., t. I, chap. XXIX, p. 139 ; Alexis Chevalier, U Hôtel-Dieu de
Taris et les Sœurs Augustines, Paris, 1901, p. 320, in-8. )
Lettre 249. — Reg. 2, p. 276.
I. La peste s'était déclarée à Saint-Lazare dans le courant d'octo-
bre. (Cf. lettre 247.)
— 36i —
ment de la façon que vous prenez l'affaire de ces bonnes
religieuses réformables et qui pourront être en effet ré-
formées par le conseil et par l'ordre que Monseigneur le
cardinal ^ a établis pour cela à Pans. Je vous en dirai seu-
lement ce mot, que nous devons, en cas pareil, nous con-
tenter de proposer le bien à faire à ceux dont il dépend,
sans se persuader que, pource qu'on l'a entrepris, il le
faut faire réussir. Les bons anges se contentent de pro-
poser et laissent le reste à faire à Dieu et aux personnes
qui leur sont commises.
Je salue M. Grenu et vous aussi avec toute la tendresse
qui m'est possible...
250. — A LOUISE DE MARILLAC
Comment vous portez-vous, Mademoiselle, de votre
peine du matin ? Désirez-vous envoyer visiter Monsieur
votre fils ? Si cela est, je vous enverrai un homme à ce
soir ; mandez-moi votre volonté cependant tout simple-
ment, je vous en prie, et conciliez- vous le plus de gaieté
qui vous sera possible en union de celle de la sainte
Vierge en cas pareil.
Monsieur votre fils se porte bien, comme j'espère, et
moi je suis votre serviteur et vous irai voir si le présent
porteur ne me dit que vous vous portez bien. Adieu
donc, Mademoiselle ; soyez bien gaie en Notre-Seigneur.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
2. Le cardinal de Richelieu.
Lettre 250. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
362
251. — A LOUISE DE MARILLAC
De Saint-Lazare, ce mercredi matin [1636 1.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Voilà donc cette bonne fiille partie sans dire mot. Béni
soit Dieu ! Oh ! qu'elle perd une grande couronne ! Il
faut pourvoir à sa place. Que vous semble, Mademoiselle,
si vous preniez pour cela ma sœur Geneviève, de l'Hôtel-
Dieu, et vous mettiez à sa place Madame Pelletier - ou
Madame Turgis. Il est besoin d'une personne de consi-
dération en ce lieu-là, tant pour les rencontres qui y ar-
rivent pour les enfants ^, que pour recevoir les dames.
La première, Madame Pelletier, me semble plus conve-
nable en ce lieu-là, tant pource qu'elle sera fort propre
pour faire l'uru et l'autre, que pource que c'est le quartier
de Madame Turgis, qui lui pourrait être à tentation. Si
cela vous revient, je vous prie de le dire de ma part à
Madame Pelletier, et que je la prie, avec vous, d'aller
rendre ce service à Dieu en ce lieu-là.
Je vous serais allé voir, n'était une petite indisposition
Lettre 251. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Le mot relatif à la sœur Geneviève semble demander que cette
lettre soit mise à côté de la lettre 255, qui a àù la suivre de très
près.
2. Ne serait-ce pas Catherine Vialart, épouse, depuis le 10 août
1632, de Nicolas Pelletier, neveu de Madame Goussault, seigneur
de la Houssaye et maître des comptes, qui entra dans les ordres
après la mort de sa femme ? Si c'est elle, et tout porte à le croire,
saint Vincent, en la recevant parmi ses Filles de la Charité, où du
reste elle ne persévéra pas, fit en sa faveur une exception dont on
ne trouve aucun autre exemple.
Catherine Vialart était fille de Madame de Herse.
3. Les enfants trouvés apportés à l'Hôtel-Dieu, d'où ils étaient
envoyés à la Couche.
— 363 -
que j'ai ; que si, l'après-dînée, je le puis, je vous irai voir.
Ne perdez pas de temps en tout cas et communiquez la
présente à Madame Pelletier, à ce qu'au plus tôt elle
aille rendre service à Dieu en ce lieu-là. Les personnes
de la Charité ont ce bonheur d'avoir ce rapport avec No-
tre-Seigneur d'aller comme lui tantôt en un lieu et tantôt
en un autre, pour l'assistance du prochain. O Mademoi-
selle, quel bonheur d'avoir cette conformité avec le Fils
de Dieu, et quelle marque bienheureuse de leur prédesti-
nation ont les Filles de la Charité en cela ! Plaise à
Notre-Seigneur de leur donner à toutes les dispositions
qu'il faut pour cela ! Je l'espère de sa bonté et suis, en
son amour, Mademoiselle, votre très humble et obéissant
serviteur.
Vincent Depaul.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
252. — A LOUISE DE MARILLAG
[1636 1.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Puisque vous avez fait trouver bon à vos dames la
privation de Geneviève, envoyez-la, s'il vous plaît, donc ;
mais qu'elle aille à pied, étant incommodée comme elle
est, il est à craindre qu'elle ne prerme quelque maladie.
C'est pourquoi je pense qu'il est à propos de la faire
aller dans le carrosse de Senlis, qui part demain, ou dans
Lettre 252. — L. a. — Original chez les prêtres de la Mission du
collège Saint- Vincent à Castleknock, près Dublin.
I. Les lettres 241, 252 et 255 ont des liens communs qui nous per-
mettent de les rapprocher. Or, la lettre 241 est, à n'en pas douter, de
1636.
— 364 —
la charrette de Clermont -. Si c'est par le coche de Sen-
lis, elle pourra aller de là à Verneuil ^, qui est le droit
chemin, et de là à Liancourt. Ce seront trois lieues qu'il
lui faudra faire à pied. Si c'est par celui de Clermont,
elle pourra se faire descendre au droit de Liancourt. Je
vous envoie un écu pour cela et vous prie de vous bien
nourrir avec toutes vos richesses, car, en vérité, je crois
que vos incommodités ne vous arrivent que faute de
cela. Faites-le donc, s'il vous plaît, pour l'amour de
Dieu.
Quant à ces filles, je ne saurais que vous en dire,
parce que je ne les ai pas vues. Je ferai entendre à la
bonne Marie "* l'importance qu'il y a de préférer les plus
propres, et à Mademoiselle de la Bistrade, à son retour
de Bourgogne, le jugement que vous faites de leurs
dames, à la charge que vous m'excuserez de ce que je
n'ai pu travailler à notre règlement de Liancourt. Je le
ferai au premier jour selon votre mémoire.
Je suis cependant, en l'amour de Notre-Seigneur, Ma-
demoiselle, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
253. — A LOUISE DE MARILLAC
[1636 K]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
2. Dans l'Oise.
3. Dans l'Oise.
4. Marie Joly.
Lettre 253. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir note 2. Le mot relatif à Madame de Ligin montre que
cette lettre est postérieure à la lettre 241, qu'elle a dû suivre de
près.
— 365 —
Cette bonne petite Marie, de Péronne, témoigne qu'elle
aime mieux être de la Charité que d'aller servir cette
bonne dame. Elle me doit venir trouver demain au matin
ou après. Si elle persévère et que vous espériez qu'elle y
fasse bien, vous la retiendrez, si vous le trouvez bon.
L'on ne donne que huit ou dix sols de la mouture d'un
setier de blé. Quand vous me le ferez savoir, je vous
enverrai le meunier qui tient les moulins de céans.
S'il n'en coûte point à M. votre fils pour soutenir les
thèses de toute la philosophie, il n'y a point de danger
de le laisser faire ; cela l'obligera à mieux étudier et à
s'enhardir à la dispute-.
Le bon usage que vous devez faire à présent de votre
santé, c'est de la conserver et de la fortifier pour faire
autre chose dans quelque temps, puisque le médecin
l'ordoime.
Il est expédient de faire manger des oeufs à la bonne
fille Isabelle ^. Mon Dieu, que cette bonne fille m'atten-
drit ! Je la salue de tout mon cœur et me propose de cé-
lébrer la sainte messe demain pour elle, Dieu aidant.
Mon Dieu, que je serais bien aise de vous voir, si
quelque embarras me le permettait ! Le bruit court que
c'est l'Hôtel-Dieu ^ qui a fait mourir Madame de Ligin.
Il y a... '.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
2. Michel Le Gras termina sa philosophie en 1636. Au mois de
novembre de cette même année il se disposait à entrer en théologie.
(Cf. lettre 248.)
3. Elisabeth Martin.
4. La fréquentation de l'Hôtel-Dieu, où elle allait visiter les
malades.
5. Le bas de la lettre a été découpé et perdu.
— 366 —
254. — A LOUISE DE MARILLAG
[1636 K]
Je voudrais bien. Mademoiselle, que vous pussiez
persuader à cette pauvre Nicole d'aller demeurer à Saint-
Benoit ou ailleurs. Si elle y acquiesce, il faudrait en
écrire à Mademoiselle Viole pour l'agréer. Je trouvai
hier la ûlle de cette paroisse-là ^ qui en demande une au-
tre. Oh ! que vous feriez un bon œuvre, si vous pouviez
faire cela ! Mais d'y procéder d'autorité, il n'est pas expé-
dient, si me semble ; cela ferait de mauvais effets. De
lui parler, je ne saurais. Je m'en vas commencer la visite
à Sainte-Marie du faubourg, qu'il y a deux ans que je
diffère.
Pour Saint-Jacques, l'on avisera. La allé dont je vous
avais parlé, de Fréneville, ne viendra pcLs, comme je
pense. Je ferai selon le désir de Madame Goussault à
l'égard de Mademoiselle sa ûlle ^. Si l'on va commencer
à l'Hôtel-Dieu et que vous y alliez, je prie Dieu qu'il
vous y conserve en parfaite santé et qu'il y bénisse vos
travaux ^.
Madame Bourdin, de Villepreux, m'a écrit deux ou
trois fois et m'a fait dire par son frère le capucin qu'elle
se sent portée à la proposition que je lui ai faite. Je ne
lui ai point fait répor^se par écrit ; mais j'ai dit à son
frère qu'il faut qu'elle voie et que l'on la voie. Pensez
un peu à cela, s'il vous plaît, et ayez soin de votre santé.
Je suis. Mademoiselle, votre serviteur.
V. D.
Ce mardi matin.
Lettre 254. — L. a. — L'original a été donné au grand séminaire
de Dijon, par Mgr Rivet, évêque du diocèse.
1. C'est la date que suggère la reprise des travau.\ des sœurs à
l'Hôtel-Dieu.
2. Saint-Benoît.
3. Madame Goussault songeait à marier sa fille Marie-Marthe.
4. Voir lettre 258, note i.
— 3^7 —
255. — A LOUISE DE MARILLAC
[1636 K]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Nos gens m'ont pressé daller aux champs pour ma
petite fiévrotte, laquelle me semble un peu verte pour en
guérir si tôt. Nous verrons ce qu'il plaira à Notre-Sei-
gneur. J'ai peine sensible et honte tout ensemble de par-
tir sans vous voir. Votre charité ordinaire me le pardon-
nera et aura soin de sa santé, s'il lui plaît, pour l'amour
de Notre-Seigneur et de l'œuvre qu'il vous a commis.
Votre Geneviève peut être indisposée, voire même vos
autres filles. Peut-être il faut l'envoyer à Hersé ^ ; peut-
être y irai-je avant le retour ou tôt après, s'il plaît à
Dieu. Elle disait qu'un peu de vin parfois leur serait
bon. Je ne pense pas pourtant qu'il soit bon que vous
l'y accoutumiez.
Pour Liancourt, j'ai baillé le règlement à faire à Mon-
sieur de la Salle ^.
Il sera bon que vous voyiez cette veuve de Villepreux ^,
si déjà vous ne l'avez fait. Hors cela, je ne sais qui vous
adresser. Vous verrez. Si Barbe ^ était employée à cela,
peut-être y réussirait-elle. Il n'y a que le changement ®
qui me peine. Usez-en comme Notre-Seigneur vous ins-
pirera.
Lettre 255. — Arch. de la Mission, copie prise sur l'original, qui
était en entier de la main du saint.
1. Voir lettre 252, note i.
2. Peut-être Hercé dans la Mayenne.
3. Il était rentré à Saint-Lazare dans le courant de l'année, après
avoir employé plus d'un an à donner des missions dans le midi.
4. Madame Bourdin.
5. Barbe Angiboust.
6. De Barbe Angiboust.
- 368 —
Pour M. votre fils, s'il veut venir céans, faute d'autre
heu qui lui soit plus agréable, disposez-en, et soyez bien
gaie en Notre-Seigneur.
Je suis, en son amour et celui de sa sainte Mère, Ma-
demoiselle, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Ce lundi matin.
256. — LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT
[^Décembre i6j6 ^.]
Monsieur,
Madame de Beaufort nia mandé que voici le temps le -plus
propre pour travailler à l'établissement de la Charité de Saint-
Etienne 2 et que Monsieur le curé le désire fort et, pour ce su-
jet, a treuvé bon qu'elle et une autre dame fissent la quête
ces fêtes j ce qu'elles ont fait.
Je vous supplie très humblement^ Monsieur, prendre la
peine de me mander comme quoi je me conduirai, /'avais pensé
de lui mander, si vous le treuves bon, que les dames qui ont
plus de désir de ce saint œuvre, allassent treuver Monsieur le
curé et lui disent que^ pour bien commencer et persévérer,
elles ont besoin qu'il y ait quantité de personnes qui s'associent
pour ce saint exercice, tant de qualité que de médiocre condi-
tion, afin que, les unes contribuant le plus, les autres s'adon-
nent plus volontiers à visiter, chacune son jour^ les pauvres
malades, et que afin que personne n'en fût inco^nmodé, l'on
aviserait s'il serait expédient de diviser en deux quartiers la
paroisse ; mais que, pour travailler utilement, il serait pre-
mièrement nécessaire de supplier mondit sieur le curé de pren-
dre la peine de faire faire un mémoire bien ample par quelque
ecclésiastique qui connaisse ses paroissiens, et, après, faire
faire dans son église une prédication à ce dessein, à l'issue de
laquelle on pourrait assembler lotîtes les dames nommées,
avertissant aussi à la messe que toutes celles de toute condition
qui voudraient en être, se pourront trouver à l'assemblée, à
laquelle assemblée on proposera le règlement qui s'observe aux
Lettre 256. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. L'année est indiquée au dos de l'original.
2. Paroisse de Paris.
— 3^9 —
autres -paroisses. Je vous manie tout ceci, Monsieur afin
cCahréger le temps, car il y a si longtemps que ces bonnes da-
mes essaient à s encourager pour cela, que je crois qu'il faut
battre le fer tandis quil est chaud. Mais, s'il vous plaît, vous
me manderez toute autre chose de ce que je vous propose car
vous savez bien quHl le faut ainsi.
Je vous remercie très humblement. Monsieur, de votre cha-
rité ; le bon Dieu sait bien que f avais besoin de ce secours.^ et
pour cela il m'a donné adresse d'une laitière, qui nous en four-
nit depuis trois fours.
Nous voici près la fin de Vannée. Je désire bien, si Dieu me
donne la vie pour commencer Vautre, que ce soit de bonne
sorte pour son service. Je supplie votre charité de me dire
quelque bon mot pour cela. Les pauvres se contentent de peu,
que festunerai beaucoup, m'étant donnée à Dieu par vous, de
qui je suis, Monsieur, la très humble fille et servante.
L. DE M.
Monsieur, toutes vos filles prennent la liberté de se [recom-
tnander] à votre charité.
Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.
257. — SAINTE CHANTAI A SAINT VINCENT *
[Décembre i6j6^.]
Mon très honoré et cher Père,
Je supplie le divin enfant de Bethléem de faire abonder votre
âme en grâces et des bénédictions de sa sainte nativité. Il y a
longtemps que je ne me ^uis donné Vhonneur de vous écrire.
Je ne crains pas toutefois que vous m' oubliiez devant Dieu et
vous conjure de me donner une de vos messes, car je suis
Lettre 257. — Les Efistres spirituelles de la Mère Jeanne Fran-
çoise Frémiol, baronne de Chantai, Lyon, i666, in-8, p. 185, lettre
85-
1. L'éditeur donne comme destinataire « un père de religion » ;
c'est, à n'en pas douter, le supérieur des monastères de Paris, saint
Vincent de Paul.
2. La première phrase de la lettre indique nettement l'époque de
l'année ; le mot sur le récent séjour de sainte Chantai à Paris limite
le choix aux années 1628 ou 1636 ; le passage relatif au Visi-
teur donne plus de poids à la seconde hypothèse, car la question ne
se posait pas encore en 1628.
24
— 370 —
■pauvre à l extrémité. Cette vie me serait pesante si je n y voyais
le bon plaisir de Dieu, qui me suffit pour toute consolation.
C'est ce que je puis dire de vioi, mon cJier Père ^ ti en sachant
que dire autre.
Notre chère sœur la supérieure du faubourg Saint-jacques
de Paris ^ tn'a communiqué l'avis qu'il vous a plu nous don-
ner au sujet de notre union ^. Il est bon et solide, mais je n ai
su néanmoins y joindre mon cœur j ce que je vous dis avec
cette franchise, parce que votre bonté m'en a donné la con-
fiance. Notre esprit ne saurait supporter nulle autorité sur
nous que celle de mes seigneurs nos prélats, ni nul secret con-
tre eux. Il faut, si nous voulons avoir nos esprits en repos, que
nous y traitions avec une entière confiance et simplicité , autre-
ment nous ne serons plus filles de notre bienheureux Père, qui
nous a laissé cette affection gravée dans nos cœurs ; outre que
nous avons un certain goût et révérence qui nous porte à nos
supérieurs ; ce qui ne peut procéder que de sa grâce et qui me
fait espérer de grandes bénédictions par cette voie-là. C'est
pourquoi, mon très cher Père, voyant tous les tnoyens d'union
que Ion nous propose, heurter en certaine manière cette auto-
rité, nous ne saurions en accepter pas un ; et fai cette con-
fiance que Dieu fera ce qui ne se peut faire par formalités ni
prudence humaine. Jusques ici sa Providence nous a conduites
et maintenues dans une parfaite union et conformité ; f es-père
quelle nous y fera persévérer par les mêmes moyens ; et notre
lien de la sainte charité aura plus d'efficace et de force en sa
douceur et sainte liberté que toutes les lois et obligations que
Von pourrait établir. Voilà mon sentiment, mon Révérend
Père, qui est tout conforme à celui dans lequel notre bienheu-
reux Père est parti de cette vie. Dites-moi si je ne dois pas de-
meurer en paix là-dessus, f écris à nos sœurs sur cela et les
exhorte, en la meilleure façon que je puis, à persévérer en la
voie où Dieu les a mises, et de conserver par ci-après leurs es-
prits en 7inion et conformité, par les -mêmes moyens qu'elles ont
3. La Mère Agnès Le Roy.
4. Saint Vincent craignait que l'absence de lien moral entre les
couvents de la Visitation, qui étaient autonomes et sous la dépendance
des Ordinaires des lieux, n'amenât avec le temps une déviation pro-
fonde de l'esprit primitif et une diversité regrettable. Pour prévenir
ce danger, il ne voyait rien de mieux que l'institution de Visiteurs,
qui iraient, à des époques régulières, faire la visite canonique des
monastères pour réprimer les abus et veiller à la conservation des
traditions de l'Ordre. Sainte Chantai, de son côté, repoussait ce pro-
jet comme portant atteinte à l'autorité épiscopale. Ils reviendront
l'un et l'autre sur cette question, sans réussir à se convaincre mu-
tuellement.
— 371 —
pratiqués jusques ici, et lesquels les ont tenues unies et liées en-
sevible, je -pense seulement, mon chfr Père, que pour entretenir
la mcDioire de notre communication et donner un peu d'attention
aux supérieures de ne rien changer ni innover en nos ittstitu-
tions et coutumes^ et de conserver la sainte union en tout ce
qu'il leur sera possible avec les autres maisons et spécialement
avec celle-ci £ Annecy , comme avec la mère et maîtresse de
toutes les autres, pour s'y conformer en tout ce qu'il a reçu
de son saint fondateur, ainsi qu'il ^ est pratiqué jusques ici 5.
Si vous trouvez cela bon, vous pourrez dire à nos sœurs de le
faire, mon très cher Père.
Mais dites-moi, s'il vous plaît, comment vous trouvez à votre
gré nos sœurs de ce lieu-là. Je les trouvai fort au mien quand
nous y passantes. Dieu leur fasse la grâce de chejniner dans
leur voie avec sincérité et simplicité et de vous rendre leur
très humble obéissance selon cet esprit. Soyez-nous toujours
vrai père et protecteur, je vous en supplie, et faites par voire
soin paternel que les volontés de celui que vous honorez au
ciel soient fidèlement gardées en la terre par ses filles. Oest
tout le bien que je leur souhaite, et à vous, mon très cher Père^
la plus haute sainteté qui se puisse acquérir en ce monde.
Faites-moi Vhonneur de me tenir toujours (car je le suis pour
jamais) votre très humble...
258. — A LOUISE DE MARILLAC
Dieu vous bénisse, Mademoiselle, de ce que vous êtes
allée mettre vos filles en faction à l'Hôtel-Dieu et de
tout ce qui s'en est ensuivi ^ ! Mais, au nom de Dieu, con-
servez-vous. Vous voyez le besoin qu'on a de votre chéti-
veté et ce que votre œuvre deviendrait sans vous.
Je rends grâces, de plus, à Notre-Seigneurde celle qu'il
fait à vos filles d'être si bonnes et généreuses. Il y a ap-
parence que sa bonté supplée à ce que vous dites que
5. Cette phrase est incomplète ou mal rendue.
Lettre 258. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Bien qu'employées à l'Hôtel-Dieu depuis un certain temps déjà,
les Filles de la Charité n'y étaient pas encore à demeure. Elles ne
s'établirent qu'en décembre 1636 dans l'appartement loué pour elles
à côté de l'hôpital par les dames de la Charité.
— 372 —
vous leur défaillez. Je n'en connais point ici de propres.
Je m'informerai si deux ou trois qui sont à deux lieues
d'ici et vivent fort exemplairement depuis un an en çà
ou environ, voudraient, ou quelqu'une d'elles, s'appliquer
à ce genre de vie.
Quant à ce que vous me dites de M. votre fils, je pense
qu'il ne faut point écouter du tout la proposition de sor-
tfr de Paris. Il n'est pas imaginable combien la plupart
de ceux qui le font y contractent de vices irrémédiable-
ment, si ce n'est quand les parents le font par eux-mêmes
pour quelque occasion spéciale, comme de quelque parent
jésuite ou docteur en ce pays-là. Il faut tâcher tout dou-
cement et avec patience de lui faire passer le temps et
ses exercices à l'épaule. Je soumets pourtant ce que je
vous dis à votre meilleur avis et vous prie d'avoir soin
de votre santé, étant, en l'amour de Notre-Seigneur,
Mademoiselle, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
De Fréneville, ce 30 décembre 1636.
Suscri-ption : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
à La Chapelle.
259. — A JEAN DE FONTENEIL
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je pense avoir fait réponse à votre dernière et m'être
réjoui avec vous de la conduite de sa bonté sur vous et
sur ces bons missionnaires de votre compagnie, que je
salue avec toute l'affection et la révérence qui m'est pos-
Lettre 259. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
— 373 —
sible, et vous remercie, vous, très humblement, Monsieur,
de la grâce que vous avez faite à nos missionnaires d'Ai-
guillon ^ de leur écrire. Je leur mande qu'il n'est pas
encore temps de vous aller voir. Ce sera dans quelques
mois d'ici. Je vous supplie cependant, Monsieur, de faire
tenir l'incluse à M. de Saint-Martin, à Dax.
Le bon Monsieur Nevelet, archifiiacre de Troyes, moa-
rut, il y a quelque temps, de la contagion. Cela a un peu
écarté leur compagnie ; mais j'espère que ce sera pour se
mieux réunir. J'ai fait un voyage à Troyes durant ce
temps-là, et Dieu sait combien de fois le bon Monsieur
Robe, ce saint homme, me fit l'honneur de trouver bon
que nous parlassions de vous.
L'assemblée de Messieurs les ecclésiastiques de cette
ville ^ continue toujours de mieux en mieux, si me sem-
ble. Voilà trois évêques qui viennent d'en être tirés :
M. Godeau pour Grasse ^, M. Fouquet pour Bayorme '\
1. Aujourd'hui chef-lieu de canton dans le Lot-et-Garonne.
2. L'assemblée des mardis.
3. Antoine Godeau, né à Dreux le 24 septembre 1605, fut un des
familiers de l'hôtel de Rambouillet, où on l'avait surnommé le Nain
de Julie. Ses vers y étaient goûtés. Ils lui valurent la faveur de
Richelieu et une place à l'Académie française. Il fut sacré évêque de
Grasse le 24 décembre 1636. Une attaque d'apoplexie l'emporta le
17 avril 1672. Il a beaucoup écrit en vers et en prose sur l'histoire,
l'Ecriture Sainte, la discipline et divers sujets de piété. Ses œuvres
poétiques forment trois volumes in-12. (Cf. G. Doublet, Godeau,
évêque de Grasse et de Vence, 1605-1672, Paris, 191 1, in-8.)
4. François Fouquet était fils de François Fouquet, comte de
Vaux, et de la pieuse Marie de Maupeou, qui fut, parmi les dames
de la Charité, une des plus admirables par son zèle et son dévoue-
ment à saint Vincent. Nicolas Fouquet, surintendant des finances, et
Louis Fouquet, évêque d'Agde, étaient ses frères. Sa sœur Louise-
Agnès prit l'habit religieux au premier monastère de la Visita-
tion. François Fouquet, nommé à l'évêché de Bayonne en 1636, ne
fut sacré que le 15 mars 1639. Il fut transféré à l'évêché d'Agde
en 1643, nommé coadjuteur de Narbonne le 18 décembre 1656 et
archevêque de ce diocèse en 1659. Relégué à Alençon en 1661, il
mourut dans son exil le 19 octobre 1673. Il appela les prêtres de la
Mission à Agde et à Narbonne et établit les Filles de la Charité dans
cette dernière ville. Prélat très zélé, trop zélé peut-être, il avait peine
— 374 —
M. Pavillon pour Alet ^, et M. Barreau vient d'être
nommé par le roi pour coadjuteur de Sarlat, sans le con-
sentement de l'évêque ^.
Dieu a disposé du bon M. Semusse ". Il a vécu en saint
et est mort de même. Et moi je suis, en l'amour de No-
tre-Seigneur et de sa sainte Mère, Monsieur, votre très
humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De PariSj ce 8 janvier 1637.
à comprendre la lenteur de saint Vincent, dont, plus que personne, il
admirait la vertu. La mort de ce grand serviteur de Dieu lui fut
très sensible. Dès qu'il en reçut la nouvelle, il écrivit aux prêtres de
Saint-Lazare : « Quelque piéparé que je pusse être à la mort de
M. Vincent, vu le grand âge où il était, je vous assure que je n'ai
point appris la nouvelle de son décès sans surprise et sans être touché
d'une vive douleur, selon l'homme, de voir l'Eglise privée d'un très
digne sujet, la congrégation de son très cher père et moi d'un ami
très charitable, à qui j'ai de si étroites obligations. Je ne pense pas
que de tous ceux que sa charité lui a fait embrasser comme ses en-
fants il y en ait aucun à qui il ait témoigné plus de tendresse et donné
plus de marques d'amitié qu'à moi. »
5. Pavillon fut atterré par la nouvelle de sa nomination. La tris-
tesse le rendit malade. Brûlé par les ardeurs de la fièvre, il dépé-
rissait à vue d'œil. L'idée lui vint d'aller se jeter aux pieds de Ri-
chelieu ; ses meilleurs amis l'en détournèrent. Il s'isola, ne voulant
plus voir personne, pas même saint Vincent. Le bon saint finit tou-
tefois par lui arracher son consentement. Il alla jusqu'à lui dire
« qu'il s'élèverait contre lui au jour du jugement dernier avec les
âmes du diocèse d'Alet destinées à mourir à Dieu », s'il les aban-
donnait par son refus. Pavillon fit sa retraite préparatoire à Saint-Lazare
sous la direction de saint Vincent. « Je fus étonné, raconte un de
ses amis, de voir entrer un matin dans sa chambre M. Vincent avec
plusieurs prêtres de la Mission, qui se mirent à genoux en cercle. Il
adressa la parole à Monsieur Vincent et il fit devant tous ces mes-
sieurs une confession des fautes qu'il reconnaissait avoir commises
dans la conversation. Il leur demanda pardon du scandale qu'il leur
avait donné, en des termes si humbles que j'en fus confus ; à quoi
M. Vincent repartit au nom de l'assemblée presque en mêmes ter-
mes. » M. Pavillon fut sacré à l'église de Saint-Lazare le 22 août
1639 par l'archevêque de Paris. (Cf. Suiie des mémoires four servir
à la vie de Messire Nicolas Pavillon, évêque d'Alet, 1733, p. 213 ;
E. Dejean, of. cit., p. 15.)
6. Louis de Salignac de Lamothe-Fénelon.
7. Une déchirure rend douteuse la lecture de la troisième lettre
du mot.
— 375 — ■
Suscription : A Monsieur Monsieur de Fonteneil, cha-
noine de Saint-Seurin de Bordeaux.
260. — A LOUISE DE MARILLAC
Ce vendredi, à 5 heures. [Vers 1637 ^]
Mademoiselle,
Je vous prie de me mander si vous avez des allés, pour
en donner deux à Monsieur de Saint-Germain -, qui en
demande pour sa paroisse et fait instance pour en avoir
au plus tôt. Je prie Notre-Seigneur qu'il vous en envoie
de bien bonnes.
Vincent Depaul.
261. — a la sœur marie-euphrosine turpin <
Ma très chère sœur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Lettre 260. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. C'est dans la lettre 278, de 1637, qu'il est fait mention pour la
première fois de la Charité de Saint-Germain-l'Auxerrois, paroisse
de Paris.
2. Pierre Colombet.
Lettre 261. — L. a. — Original à la Visitation d'Amiens, aujour-
d'hui transférée à Tournay.
I. Assistante et directrice à la Visitation d'Angers. Sœur Marie-
Euphrosine Turpin, née à Paris en 1605, quitta le monde à dix-neuf
ans, malgré l'opposition de son père, pour s'enfermer au premier mo-
nastère de la Visitation, oii elle fit profession le 22 février 1625. Elle
fut du nombre des sœurs qui passèrent au monastère du faubourg
lors de sa fondation. « Notre digne Mère, lisons-nous dans le livre
des professions du premier monastère (Arch. Nat. LL 1718, p. 6),
notre digne Mère a conçu une si grande estime pour elle dans un
voyage qu'elle fit à Paris, qu'elle l'adopta pour fille de notre sainte
source et la choisit pour travailler sous elle à l'achèvement du cou-
— 376 —
Monsieur le commandeur - et notre chère Mère la su-
périeure de la ville ^ m'ayajit fait l'honneur de me pro-
poser la pensée que Xotre-Seigneur leur a donnée, que
vous serviriez Dieu utilement à la Madeleine, et ayant
considéré la chose en toutes ses circonstances, je vous di-
rai tout simplement qu'il me semble qu'ils ont raison [de
désirer] qu'après avoir considéré la chose devant Dieu,
vous y sentiez de l'attrait. Voici les raisons qui me por-
tent à cette opinion.
C'est, premièrement, que l'œuvre de soi est très saint,
puisqu'il consiste à donner la main aux âmes qui se vont
perdant, qui vont incessamment déshonorant Dieu et
remplissant les enfers, pour les tirer de la masse de
perdition, les faire vivre selon Dieu et enân pour faire
l'office de leur second rédempteur et les mener comme
par la main dajis la gloire que Notre-Seigneur leur a
acquise par son sang précieux, emploi qui est si grand
devant Dieu qu'il l'a estimé digne de son Fils et seul
capable de l'attirer sur la terre.
Deuxièmement, pource que cette pensée est tombée
dans l'esprit de ce sien grand serviteur, auquel il a donné
grâce pour votre saint Ordre et pour la Madeleine, et en
celui de notre chère Mère, que vous connaissez, encore
que non pas peut-être tant que moi, l'un et l'autre vous
ayant en estime et singulière affection.
Troisièmement, pource qu'il me semble que Notre-Sei-
gneur vous a donné assez de part à son esprit pour con-
tumier ; elle la consultait sur les difficultés qui s'y rencontraient. »
Sœur Turpin ne quitta le monastère d'Angers qu'en 1640 pour aller
fonder celui d'Amiens, dont elle fut la première supérieure. C'est
là qu'elle mourut le 20 décembre 1651 à l'âge de quarante-six ans.
(Cf. Abrégé de la vie et des vertus de la très honorée Mère Marie-
Eufhrosine Tur-pin dans Y Année Sainte des Religieuses de la Visi-
tation Sainte-Marie, Annecy, i867-r87i, 12 vol. in-8, t. XII,
pp. 395-414-)
2. Noël Brulart de Sillery, grand bienfaiteur de la Visitation.
3. Hélène-Angélique Lhuillier.
— 377 —
naître l'importance de cet œuvre, pour l'affectionner et
pour vous y employer utilement.
Quatrièmement, pource qu'il me semble que votre ma-
nière de vocation de delà, comme vous me l'avez dite,
ne paraît pas si importante à la gloire de Dieu que celle
d'ici.
Je ne vous mets que ces quatre raisoriS, pour lesquelles
vous devez faire une grande attention à cette proposi-
tion, quoique je vous en pourrais donner beaucoup d'au-
tres.
Or je vois, si me semble, les raisons contraires qui vous
pourront faire douter si Dieu le veut :
Premièrement, que c'est votre supérieure* qui vous
envoie à une qui vous demande. A quoi je réponds que
vous êtes fille de cette maison ^ et non du faubourg,
quoique vous y résidiez, et que cette maison a droit, si
me semble, de vous rappeler en son besoin et que, l'obéis-
sance de votre supérieure y intervenant, vous avez obli-
gation de revenir ; en second lieu, que la bonne Mère
du faubourg a témoigné à Monsieur le commandeur
qu'elle le trouvait bon et qu'elle vous en écrirait elle-
même, comme elle fait, et que, si l'on vous demande de
delà, vous n'êtes pas moins souhaitée ici.
4. La Mère Marie-Agnès Le Roy, supérieure du second monastère,
d'où Marie-Euphrosine Turpin avait été envoyée à Angers. Cette
religieuse, née à Mons en 1603, était, par sa mère, nièce de Phi-
lippe de Cospéan, évêque de Lisieux. Elle entra en 1624 au pre-
mier monastère, qu'elle quitta, à la demande de la marquise de Dam-
pierre, pour s'unir au groupe des sœurs qui furent envoyées au mo-
nastère du faubourg lors de sa fondation. Elle y devint directrice,
puis assistante. Le suffrage des soeurs lui confia même six fois la
charge de supérieure, qu'elle porta du 11 juin 1634 au 24 mai 1640,
du 27 mai 1646 au 13 mai 1652 et du 6 juin 1658 à l'année 1664.
Elle alla en personne commencer les monastères d'Amiens et de
Mons, où elle resta trois mois, fonda celui d'Angers et le troisième
de Paris et eut une grande part à l'établissement de celui de Var-
sovie. La mort l'enleva le 18 mai 1669. [Année Sainte, t. V, p. 547.)
5.. Le premier monastère, où la sœur Turpin avait fait son novi-
ciat.
- 378 -
Deuxièmement, vous me direz que l'emploi de la Ma-
deleine semble n'être pas convenable à des filles de Sain-
te-Marie. A quoi je vous dirai que l'emploi au salut des
âmes est propre aux enfants de Dieu et que, puisque
Notre-Seig-neur a jugé le soin de la Madeleine pouvoir
être digne de sa bonté et de celui de la Vierge Marie,
qu'il ne faut pas douter qu'il ne soit convenable aux fil-
les de Sainte-Marie.
Troisièmement, vous m'observerez que peut-être vous
faites besoin à Angers. A quoi je vous réponds qu'on y
pourvoira de quelque autre qui n'y sera pas peut-être
moins agréable et utile que vous.
Quatrièmement, il voustomberadansl'espritquepeut-
être vous n'aurez pas assez d'esprit pour servir à la con-
duite d'une si grande maison et si difficile. A quoi, je
vous réponds que vous serez deux pour cela, Notre-Sei-
gneur et vous, et qu'avec lui vous pourrez tout.
Cinquièmement, vos parents vous viendront en l'es-
prit, et qui peut-être ne le trouveront pas bon. Mais à
cela je vous réponds qu'on le saura avant que la chose
vous soit annotée et que, quand il y aurait de la répu-
gnance, il me semble que vous devriez passer par dessus,
comme vous avez fait généreusement touchant votre
voyage pour Angers.
Sixièmement, que si la pensée de l'estime du monde
vous voulait donner quelque atteinte, ce que je ne pense
pas, répondez-lui, ma chère sœur, que tant s'en faut que
l'on ait moins estimé Sainte-Marie en son corps, ni les
filles qui y sont, pour s'être appliquées au soin de cette
maison-là, qu'au contraire je n'ai jamais ouï dire tant de
bien de votre saint Ordre, ni des filles qui sont à la Ma-
deleine, que depuis qu'on a pris soin de ces pauvres créa-
tures, et que nous devons estimer honorable tout ce que
Notre-Seigneur et la sainte Vierge ont fait ; et que, l'un
et l'autre s'étant appliqués au soin de la Madeleine,
— 379 —
vous pouvez honorablement servir selon Dieu et selon le
monde au salut de ces filles.
Voilà, ma chère sœur, les objections qu'il me semble
que la chair et le sang, le monde et le diable vous pour-
ront faire ; et les réponses à icelles me semblent si rai-
sonnables et conformes au bon plaisir de Dieu que, si
j'étais ma sœur Marie-Euphrosine et qu'une personne
me tînt la place que je vous tiens et avait autant de cha-
rité pour moi comme je vous estime et vous chéris en
Notre- Seigneur, il me semble que je baisserais la tête
et acquiescerais à cette proposition. Et c'est aussi, ma
chère sœur, ce que j'espère que vous ferez si Notre-Sei-
gneur ne vous fait connaître manifestement qu'il désire
le contraire ; auquel cas j'acquiesce à ce que vous en
ferez, d'aussi bon cœur que je suis, en l'amour de Notre-
Seigneur et de sa sainte Mère, ma chère sœur, votre très
humble serviteur.
Vincent Depaul.
Prêtre de la Mission très indigne
Je vous prie de présenter nos très humbles recommaji-
dations à notre chère !Mère supérieure d'Orléans ^ et de
m'aider à la remercier du très charitable accueil qu'elle
me fît, il y a quelque temps, chez elle.
De Paris, cette veille de saint Mathias ' 1637.
Suscription : Ma chère sœur Marie-Euphrosine Tur-
pin, religieuse de Sainte-Marie.
6. Claude-Espérance Jousse. Elle fut supérieure pendant deux
triennats consécutifs, du 21 mai 1634 au 24 mai 1640, et le rede-
vint dans la suite.
7. 23 février.
— 38o -
262. — A LOUISE DE MARILLAG
[24 février 1637 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous demande très humblement pardon de deux
choses ; l'une, de ce que je ne vous suis allé voir, à cause
de l'embarras que j'ai ; l'autre, de ce que je n'ai fait faire
la cheminée à M. Le Gras, votre fi.ls, par oubliance.
Voyez ma misère, et, si votre cœur n'avait assez de cha-
rité pour moi, où j'en serais. J'espère que vous me le
pardonnerez ; et ai dit à Monsieur Soufliers qu'il le loge
en une petite chambre chaude, proche à une que tient
à feu M. Morennes, religieux de céans ^, où il se pourra
chauffer
Je vis hier cette bonne ûlle de laquelle vous m'avez
écrit. Je ne me ressouvins point de lui parler de sa lec-
ture ni de sa couture. Le rencontre ne paraît pas si rus-
tique que celle qui l'accompagnait. Maridez-moi, s'il vous
plaît, ce que vous leur avez dit.
J'ai dit à Mademoiselle Desbordes ^, trésorière de
Saint-Leu *, qu'il est besoin que Barbe ait une compa-
gne, pour le moins tandis qu'il y aura tant de malades
en cette paroisse-là. Il faudra penser qui vous lui pour-
rez donner et se ressouvenir des Incurables ^. Madame
Lettre 262. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Voir note 5.
2. Claude de Morennes, religieux de l'ancien Saint-Lazare.
3. Parente peut-être de M. Desbordes, auditeur à la cour des
Comptes de Paris, avec lequel Louise de- Marillac et saint Vincent
étaient en rapports (Cf. Lettres de Louise de Marillac, lettres 267
et 272.)
4. Paroisse de Paris.
5. Cet hôpital, fondé par le cardinal de La Rochefoucauld, le
4 novembre 1634, pour les malades incurables, était presque achevé en
- 38i -
Fortia a dit à Madame Goussault qu'on désire les filles,
à condition qu'elles vous seront soumises et changeables.
Je vous renvoie la lettre dont vous vous êtes méprise,
et vous promets de vous aller voir le plus tôt qui me sera
possible. Je vous souhaite cependant le bon jour et suis,
Mademoiselle, v. s.
V. D.
Ce jour de saint Mathias.
263. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1636 et 1639 ^.]
Je suis bien aise de la retraite que Madame de Lian-
court désire faire chez vous. Mademoiselle Lamy en dé-
sire faire autarit. Je voudrais qu'elle s'y rencontrât avec
Madame la présidente Goussault.
264. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1636 et 1639 ^•]
Madame la présidente Goussault et Mademoiselle
Lamy s'en vont faire chez vous leur petite retraite. Je
avril 1637. On ne donna pas suite au projet d'y appeler les Filles de
la Charité. Pierre Camus, évêque de Belley, y passa les dernières
années de sa vie dans l'exercice de la charité. Il légua ses biens à
l'hôpital et y fut enseveli en 1652. Les hommes furent transférés en
1802 au faubourg Saint-Martin, dans l'ancien couvent des Récollets.
Les femmes elles-mêmes en sortirent en 1870 pour habiter le nouvel
hospice des Incurables d'Ivry. L'hôpital, inoccupé pendant huit ans,
fut cédé à l'Assistance publique et revécut sous le nom d'hôpital
Laënnec. (Cf. Félibien, of. cit., t. IV, p. 98 et suiv. ; Lebeuf-Bour-
non, of. cil., t. VI, p. 255.)
Lettre 263. — Manuscrit Saint-Paul, p. 70.
I. Dates de l'installation des sœurs à La Chapelle et de la mort de
Madame Goussault. Ce fut à La Chapelle, au dire de Gobillon (of.
cit., p. 78), que commencèrent les retraites des dames.
Lettre 264.— Abelly, of. cit., t. I, chap. xxvi, p. 121.
I. Voir lettre 263, note i.
— 382 —
vous prie de les servir en cela, de leur donner le dépar-
tement du temps que je vous ai mis en main, de leur
marquer les sujets de leurs oraisons, d'écouter le rap-
port qu'elles vous feront de leurs bonnes pensées, en
présence Tune de l'autre, et faire faire lecture de table
pendant leur repas, au sortir duquel elles se pourront
divertir d'une manière gaie et modeste. Le sujet pourra
être des choses qui leur sont arrivées pendant leur solli-
tude^, ou qu'elles auront lues des histoires saintes. Et
s'il fait beau, après le dîner elles se pourront promener
un peu. Hors ces deux temps, elles observeront le silence.
Il sera bon qu'elles écrivent les principaux sentiments
qu'elles auront eus en l'oraison et qu'elles disposent leur
confession générale pour mercredi. La lecture spiri-
tuelle pourra être de Vlmitation de Jésus-Christ de
Thomas à Kempis, en s'arrêtant un peu à considérer sur
chaque période, comme aussi quelque chose de Grenade
rapportant au sujet de leur méditation. Elles pourront
encore lire quelques chapitres des Evangiles. Mais il sera
bon que, le jour de leur confession générale, vous leur
donniez l'oraison du Mémorial de Grenade, qui est pour
exciter à la contrition. Au reste, vous veillerez à ce
qu'elles ne se pressent pas trop âprement en ces exer-
cices. Je prie Notre- Seigneur qu'il vous donne son es-
prit pour cela.
265. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1636 et 1639 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
2. Solitude, retraite.
Lettre 265. — L. a. — Dossier de la Mission, original.
I. Voir lettre 263, note i.
- 383 -
Je me crains que Madame la présidente Goussault se
trouvât mal de coucher sur la rue -. Il me semble lui
avoir ouï dire qu'elle est incommodée quand cela arrive ;
et puis d'ailleurs il est à craindre que ses parents, no-
tamment Madame sa mère, ne le trouvât mauvais.
Il n'y a rien qui presse pour votre retraite. Il n'y a pas
long temps que vous êtes sortie de maladie. Je crain-
drais que ce serait trop tôt vous exposer à ce travail. Au
nom de Dieu, Mademoiselle, allons doucement.
Je me crains bien de ne pouvoir aller chez vous, et ai
peine de vous donner celle d'avoir un carrosse pour venir
ici. Que si pourtant vous pouvez le dernier demain à
huit ou neuf heures, vous serez la bienvenue. Mais, au
nom de Dieu, ne vous empressez pas.
Quant à ces filles, je n'entends pas bien ce que vous
m'en dites. Nous en parlerons à la première vue, à la-
quelle vous prendrez la peine, s'il vous plaît, de nous
rapporter le cordon. Soyez cependant gaie et soigneuse
de votre santé, et ressouvenez-vous que je suis, en
l'amour de Xotre-Seigneur ^, v. s.
V. D. P.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
266. — A LOUISE DE MARILLAG
[Entre 1636 et 1642 ^.]
Mademoiselle,
Il me semble que vous ne sauriez commencer vos exer-
2. Madame Goussault faisait sa retraite chez Louise de Marillac.
3. Le saint avait d'abord écrit : çue je suis, de toute V étendue de
mon affection ; puis, trouvant sa phrase trop tendre, il barra ces mots
et les remplaça par ceux qu'on lit dans le texte.
Lettre 266. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Dates extrêmes du séjour de Louise de Marillac à La Chapelle.
On ne peut s'empêcher de remarquer que le ton général de la lettre
étonne à une époque aussi tardive.
— 384 —
cices en un temps plus propre. Les religieux et les reli-
gieuses les font pour la plupart à présent. Commencez
donc demain lundi, s'il vous plaît. Trois demi-quarts
d'heure vous suffiront par jour pour votre oraison,
demi-heure pour chaque oraison, les deux le matin à
huit et à dix heures et demie, et l'autre à 4 heures ^.
Bien volontiers j'entendrai votre confession à La Cha-
pelle. Pourrez-vous avoir un carrosse ? Sinon, je tâcherai
d'aller à Saint-Victor ^ ; mais cela ne se fera pas sans
quelque difficulté de ce lieu-là. Vous finirez samedi au
soir, irez à la messe tous les jours. Vous ferez dire que
vous êtes empêchée et remettrez ceux qui auraient à faire
nécessairement à vous, immédiatement après votre dîner,
et couperez court. Vous communierez jeudi prochain,
prendrez seulement les matières de l'oraison que M. de
Genève * met au commencement et à la fin de son Intro-
duction '" et les départirez en façon qu'elles vous suffi-
sent et les fassiez toutes, et en pourrez faire quelques-
unes deux fois, selon l'attrait que Notre-Seigneur vous
donnera. Lisez le Nouveau Testament, outre les autres
lectures que je vous ai proposées. Ecrivez-moi tous les
deux jours sommairement ce qui se passera et votre dis-
position du corps et de l'esprit, et tâchez sur toutes
choses de ne vous pas empresser ; mais faites tout douce-
ment comme vous pouvez vous représenter que faisait
le bon M. de Genève.
Je ne vous prie point de vous ressouvenir de moi en
vos prières, pource que je ne fais point de doute qu'après
le petit Le Gras vous ne me mettiez au premier rang ;
non pas que je le mérite ; mais la connaissance que vous
2. Tel est le texte de l'original. La phrase n'a de sens que si on lit
trois demi-heures au lieu de trois demi-quarts d'heure.
3. Probablement aux Bons-Enfants, rue Saint- Victor.
4. Saint François de Sales.
5. Ulntroduction à la vie dévote.
- 385 -
avez du besoin que j'en ai, et la charité que Notre-Sei-
gneur vous a donnée pour moi, me le fait espérer.
Adieu donc, Mademoiselle ; ménagez-vous tellement
en cette retraite que vous nous laissez le moyen de vous
en conseiller d'autres.
J'oubliais à vous dire que vous ne vous surchargiez
pas de règles de pratique, ains que vous vous affer-
missiez bien à bien faire celles [que] vous avez, vos ac-
tions journalières, vos emplois, bref que tout tourne à
bien faire ce que vous faites. N'admettez point, non plus,
les pensées de singularité qui vous ont tracassée d'autre-
fois ; c'est un change que le malin esprit vous voudrait
dormer.
Or sus, je finis ici, avec la prière que je fais à Notre-
Seigneur qu'il soit lui-même votre conduite en votre re-
traite, et sa sainte Mère aussi, et suis, en leur amour,
votre très humble serviteur.
V. D. P.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
267. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La dévotion des disciples de Notre-Seigneur assem-
blés pour prier pour la venue du Saint-Esprit soit toute
sensible à votre cœur pour jamais ^ !
J'aurais été fort aise d'entendre cette bonne fille de
Saint-Benoit - ; mais quel moyen, attendu le voyage
que j'ai à faire ? Assurez-la que je prierai Dieu pour elle,
et recommandez-moi à ses oraisons, si vous plaît. Je pense
» ^
Lettre 267. — L. a. — Dossier de la Mission, original.
1. La lettre est du dimanche qui précède la fête de la Pentecôte
2. Paroisse de Paris.
25
- 386 -
qu'il sera bon que vous la fassiez entendre par un con-
fesseur extraordinaire ; M. Lambert ou M. Soufliers pour-
ront lui rendre ce service. Si vous le mandez audit sieur
Lambert, M. Pillé pourrait entendre ce bon pauvre
homme picard, lorsque l'un desdits sieurs ira entendre
cette bonne fille. Dieu vous rende la charité que vous
lui faites !
Isabelle ^ ferait bien à Saint-Paul. Mais, s'il faut faire
entendre par ce bon prêtre à M. de Saint-Paul '^ ce que
vous me dites, il faut attendre à mon retour. Aussi bien
n'y a-t-il rien qui presse, à ce qu'il m'a dit.
Je suis consolé de votre charité pour Marie ; mais ne
vous allez pas vous exposer, s'il vous plaît. La bonne
fille Isabelle pourrait-elle pas bien faire ce qu'il faut ?
Si les ordinands viennent à Saint-Lazare, M. de la
Salle y fera la leçon et sera bien empêché ; sinon, il
pourra travailler à l'établissement de la Charité à La
Chapelle ; et, à son défaut, M. Lambert pourra faire
l'action, si mieux vous n'aimez la différer jusques à la
Fête-Dieu. Gouvernez et soyez bien gaie. Assurez-vous
que tout ce que vous m'avez dit est tentation, et que je
suis au dedans et au dehors, maintenant et pour l'éter-
nité, en l'amour de Notre-Seigneur, Mademoiselle, votre
très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Ce dimanche au soir, 24 mai 1637.
Suscri-ption : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
à La Chapelle.
3. Elisabeth Martin, Fille de la Charité.
4. Nicolas Mazure, chanoine de Coutances, né dans le diocèse
d'Avranches, ordonné prêtre le 17 avril 1632. Il remplaça son oncle
Guillaume Mazure, mort le 12 mars 1633, comme curé de la paroisse
Saint-Paul, permuta sa cure en 1664 avec André Hameau, docteur en
Sorbonne, contre l'abbave de Saint-Jean-en-Vallée, du diocèse de
Chartres, et mourut le 25 juin 1685, doyen de la Faculté de théo-
logie.
— 387 —
268. — A LOUISE DE MARILLAG
[Vers le 24 mai 1637 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Xotre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je viens d'arriver et m'en vas partir pour Pontoise,
pour revenir demain au soir et repartir le lendemain pour
auprès de Dourdan -, d'où j "espère être de retour jeudi
ou vendredi de la semaine prochaine. Je me recommande
cependant à vos prières.
Vous pouvez rappeler Marie sans en rien dire aux
dames. Il sera bon de remettre l'affaire de Saint-Paul ^.
Je vous prie de faire réponse pour nous deux à Madame
Pelletier.
L'on m'ôte la plume de la main. Adieu, Mademoiselle.
Je suis v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
269. — A ANTOINE COLEE, SUPERIEUR, A TOUL *
1637.
J'ai su .que votre pain n'était pas bien fait ; je vous
prie de le faire faire par quelque boulanger, si vous en
trouvez ; car c'est le principal que d'avoir du bon pain.
Lettre 268. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre semble devoir être rapprochée de la lettre 267.
2. Aujourd'hui chef-lieu de canton en Seine-et-Oise.
3. Paroisse de Paris. Il s'agit sans doute de la Charité.
Lettre 269. — Collet, of. cit., t. II, p. 314, note.
I. Collet dit, parlant de cette lettre : « Voici comme le saint
écrivait en 1637 à M. Barry, qui depuis peu était supérieur de la
maison de Toul. » Or, en 1637, M. Barry, qui ne fut jamais supé-
rieur dans cette ville, n'était ni prêtre ni membre de la congréga-
— 388 —
Il sera bon aussi de varier quelquefois les viandes "...
pour soulager la pauvre nature, qui se dégoûte de voir
toujours les mêmes choses. Vous ferez encore bien de re-
commander aux frères la netteté et la propreté tant de la
cuisine que du réfectoire.
270. — A MADAME GOUSSAULT
[25 août 1637 ^]
Madame,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je viens de recevoir la vôtre tout présentement, qui
m'a consolé pource qu'elle me fait voir l'état de votre
santé et celui de la mission, et rends grâces à Dieu de tous
les deux et de ce que vous voulez ajouter à vos autres
bonnes œuvres celle de recevoir M. Le Houx et Made-
moiselle Le Gras. Si celle-ci est en état de vous aller
voir, je pense qu'il lui sera bien employé, et je lui man-
derai.
Pour l'office de bailli, M. le prieur le désire pour un
sien neveu, qui est habile homme et de probité. Vous
pouvez penser que, si la chose était à notre seule dispo-
sition, que vous y seriez la toute puissante ^.
M. Cuissot ^ me met un mot dans sa lettre, qui me fait
tion de la Mission. La maison de Toul avait alors à sa tête An-
toine Colée. Ce dernier, né à Amiens le 28 octobre i6io, reçu dans la
congrégation en 1630, ordonné prêtre en 1635, supérieur de la mai-
son de Toul de 1637 à 1638, sortit de la compagnie en 1646.
2. Viandes, aliments.
Lettre 270. — L. a. — Dossier de la Mission, original.
1. Ces mots « Il est encore nouveau », appliqués à Gilbert Cuis-
sot, ne permettent pas de douter de l'année.
2. Il s'agit du baillage de Saint-Lazare. Suivant les termes du con-
trat du 7 janvier 1632, saint Vincent ne pouvait donner l'emploi de
bailli « qu'en présence et par avis et consentement... du prieur ».
3. Gilbert Cuissot, né le 5 novembre 1607, était prêtre depuis six
- 389 —
douter si les missionnaires se nourrissent eux-mêmes.
Bon Dieu ! Madame, auriez-vous fait cette brèche à la
Mission, et M. [Cuissot] '■ se serait-il laissé aller pour cela?
Je lui écris et le prie que, ma lettre reçue, il commence
à faire le petit ordinaire. Il est encore nouveau et je ne
lui parlai point devant son départ. J'ai seul le tort de
tout cela.
Nous avons céans six ou sept personnes de malades,
la plupart de la dysenterie. Dites-en un mot au bon Dieu,
s'il vous plaît.
Je suis, en son amour, pourvu que vous soyez bien
gaie. Madame, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul
De Paris, ce jour saint Louis.
Suscription : A Madame Madame la présidente Gous-
sault.
271. — L ASCARIS, GRAND MAITRE DE L'ORDRE DE MALTE^ ,
A SAINT VINCENT.
Monsieur,
On m'a donné avis que le vénérable bailli de Sillery vous
ans quand il entra dans la congrégation de la Mission, le 14 mai 1637.
Après avoir dirigé 1 établissement de Luçon, il fut nommé supé-
rieur à La Rose (1640- 1644), puis au collège des Bons-Enfants (14 oc-
tobre 1644-1646), oii il fit les vœux le 11 novembre 1644. Nous le
trouvons ensuite au séminaire du Mans (1646) et à Saint-Lazare
(ib46-i647). Le séminaire de Cahors l'eut à sa tête de 1647 à 1662, et
la maison de Richelieu de 1662 à 1666. Il a déclaré par écrit que,
lors de l'élection du successeur de saint Vincent, comme il hésitait
à voter pour René Aimeras, dont l'état de santé laissait beaucoup
à désirer, le saint lui apparut et fixa son choix. On tient également
de lui qu'en 1662, exorcisant une possédée, il arracha au démon de
précieux aveux sur la sainteté du fondateur et la récompense réser-
vée par Dieu aux missionnaires fidèles à leur vocation. Il mourut
en i566.
4. Texte du manuscrit : Buissot. La rectification s'impose. Antoine
Buissot était entré dans la congrégation de la Mission en 1630.
Lettre 271. — Abelly, of. cit., 1. I, chap. xxxii, l'e éd., p. 151.
I. Paul Lascaris, de la famille des Lascaris, empereurs de Nicée,
— 390 —
avait choisi four lui aider à faire la visite des églises et -pa-
roisses qui défendent du grand -prieuré, à quoi vous avez déjà
commencé d^emplo-yer utilement vos soins et fatigues^ pour
Vinstruction de ceux qui en avaient un extrême besoin 2 / ce
qui me convie à vous en faire par ces lignes de bien affection-
nés remercieynents et à vous en demander la continuation,
puisqu' elle n'a autre objet que l'avancemejit de la gloire de
Dieu et Vhonneur et réputation de cet Ordre.
Je supplie de tout mon cœur la bonté de Dieu de vouloir
récompenser votre zèle et charité de ses grâces et bénédictions
et me donner le pouvoir de vous témoigner combien je tn^en
reconitais votre...
Le grand maître Lascaris de Malte.
Le sept septembre lô^y.
272. — A CHARLES DE MONTCHAL, ARCHEVÊQUE
DE TOULOUSE*
[Septembre 1637 ou 1638'.]
Monseigneur,
Je vous demande très humblement pardon si je n'ai
l'honneur de vous voir cette après- dinée, pource que j'ai
donné parole à Monseigneur l'évêque de Grasse^, à
M. de Bayonne * et à Monsieur Pavillon de passer cette
après-dînée avec eux, quoique je sois en retraite, et à
M. le commandeur de Sillery pour lui parler sur le
né à Castellar en 1560, élu grand maître de Tordre de Malte en 1636,
mort en 1657.
2. Ces visites furent accompagnées de missions.
Lettre 272. — Original à Paris chez les Filles de la Charité de
la rue de la Ville-l'Evêque, 14.
1. Un des prélats les plus remarquables du xvii® siècle par sa
piété, son zèle, sa science et sa fermeté à soutenir les droits de
l'Eglise contre les empiétements de l'Etat. Il mourut en 1651.
2. Cette lettre a été écrite après la nomination d'Antoine Godeau
à l'évêché de Grasse et de François Fouquet à celui de Bayonne,
avant la consécration de Nicolas Pavillon et au mois où saint Vin-
cent faisait d'habitude sa retraite annuelle.
3. Antoine Godeau.
4. François Fouquet
— 391 —
tard. Je suis honteux, Monseigneur, d'être contraint
d'en user de la sorte. Votre charité, qui n'a point de me-
sure pour nous, si me semble, me le pardonnera.
Je viens d'écrire tout présentement à Monseigneur
de Beauvais^ et je vous assure. Monseigneur, que la
moitié de la lettre est pour le moins de vous et de ce que
Notre-Seigneur fait par vous.
Je suis, en l'amour du même Seigneur, Monseigneur,
votre très humble et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
Suscription : A Monseigneur Monseigneur l'arche-
vêque de Toulouse.
273. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers novembre 1637 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais î
Si vous pouvez donner quelqu'une de vos filles à
l'Hôtel-Dieu en la place d'Henriette, je pense que vous
lui ferez charité non petite ; car je ne pense pas qu'à
moins d'être malade, elle puisse souffrir la mortification
de ce voyage. Que si vous n'en avez point pour suppléer
5. Augustin Potier.
Lettre 273. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Cette lettre semble intimement unie à la lettre 276, qui a elle-
même des liens communs avec les lettres 274, 275, 277. Elles ont
été écrites au temps oii la maison-mère était à La Chapelle et du vi-
vant de Madame Goussault, c'est-à-dire entre 1636 et septembre 1639.
Comme la lettre 275 est du i^ novembre et que le i®"" novembre 1636
saint Vincent n'était pas à Paris, le choix reste limité aux années
1637 ^t 1638. En comparant les lettres 272 et 276 avec la lettre 278,
qui ne peut être de 1638, on s'aperçoit sans peine qu'il faut les rap-
procher et par suite qu'elles sont de 1637.
— 39^ —
à son défaut, la volonté de Dieu paraît qu'il faut qu'elle
attende, quoi qui en puisse arriver. Mais je serais con-
solé, si me semble, si elle pouvait avoir cette consolation.
Je vous prie m'excuser de ce que je nai pu voir vos
filles. Je le ferai au premier jour. Vous ne me dites rien
de votre santé. Que si vous n'avez que ce que vous avez
eu d'autrefois, j'espère que cela vous profitera et vous
guérira tout à fait. Je n'ai pu, non plus, voir l'affaire
de Madame de Liancourt -. Je le ferai à ce soir, que je
vous souhaite aussi bon que je suis, en l'amour de Notre-
Seigneur, Mademoiselle, votre très humble serviteur.
V. Depaul.
Ce mardi au soir.
Siiscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
274. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers novembre 1637 1.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai été fort aise d'apprendre de vos nouvelles et que
vous vous portez mieux. Je prie Notre-Seigneur qu'il
achève à vous guérir, et vous de faire votre possible pour
cela.
Madame Mussot vous a dit vrai de la maîtresse de
Jeanne, mais non pas de cette bonne fille, qui était fort
aise de ce rencontre. Je trouve bon néanmoins que vous
donniez ce contentement à cette bonne Madame Mussot
2. Probablement l'affaire des chapelains de Liancourt.
Lettre 274. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir lettre 273, note i.
— 393 —
touchant Nicole et que vous preniez l'occasion dès au-
jourd'hui de l'envoyer.
Mais, mon Dieu, que dirons-nous de cette pauvre fille
rechutée ? Rien certes, sinon qu'il faut adorer la pro-
vidence tout aimable de Dieu.
Je suis, en son amour, votre très humble serviteur.
V. Depaul.
Je pense que vous ferez bien d'en user en la manière
que vous me mandez par votre lettre.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
275. — A LOUISE DE MARILLAC
[ i" novembre 1637 1. ]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je suis bien aise de ce que vous me mandez de ces
bonnes filles de Liancourt et notamment de celle qui
sait faire de la dentelle. Elle pourra apprendre cela aux
pauvres gens, qui servira d'attrait pour les choses spiri-
tuelles. Mandez-les donc quand il vous plaira.
Je ne vois pas qu'il soit besoin que Madame Gous-
sault pour le présent soit avec vous quand vous parle-
rez à Madame Mussot, ni à cette pauvre femme. Que si
l'une ni l'autre ne profitent de ce que vous leur direz,
vous y pourrez faire intervenir ladite dame, si ce n'est que,
vous rencontrant au logis de ladite dame, vous les en-
voyassiez quérir là. ^lais ce sera beaucoup différer, à
ce que je crains. Mais, si la douceur de votre esprit a
Lettre 275. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir lettre 273, note i.
— 394 —
besoin d'un ûlet de vinaigre, empruntez-en un peu de
l'esprit de Notre-Seigneur. O Mademoiselle, qu'il savait
bien trouver l'aigre-doux, quand il fallait !
Je suis, en son amour, Mademoiselle, votre très humble
serviteur.
Vincent Depaul.
Ce jour de la Toussaint au soir.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
276. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers novembre 1637 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seig-neur soit avec vous pour
jamais !
Je ne puis que vous répondre touchant les prêtres de
Madame de Liancourt, sinon que j'estime qu'elle n'en
trouvera point pour le peu qu'elle donne ; ou, si elle le
fait, ils la quitteront lorsqu'ils trouveront mieux, si ce
n'est que le bon Monsieur Bourdoise lui en donne des
siens et qu'il plaise à Dieu les conserver toujours dans la
manière de vie qu'ils ont à présent, comme je l'espère de
sa bonté. Et il faut que, pour perpétuer la chose, le re-
venu soit en fonds ; ou autrement, dans cinquante ans
d'ici, sa fondation sera réduite à la moitié. Le prix des
choses double de cinquante en cinquante ans pour le
moins.
Je pense qu'il sera bon que vous écriviez encore une
fois à Madame Mussot touchant cette bonne femme, à
ce qu'elle vous die en quoi est la résolution de cet af-
faire. Et pour Henriette, j'attends Monsieur de Lamoi-
Lettre 276. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Voir lettre 273, note i.
— 395 —
gnon ^ pour lui en parler, ou bien vous aurez plus tôt fait
d'écrire à Mademoiselle Desbordes et la prier qu'elle
vous aille voir pour lui communiquer un affaire que vous
faites difficulté de lui écrire ; et je pense qu'il est bon
que vous le fassiez plus tôt que plus tard, tandis que le
prêtre est encore malade.
Bon jour, Mademoiselle. Je vis hier M. votre ûls, qui
me paraît plus tournant à l'ecclésiastique. Je vous prie de
me mander si vous lui avez dit ce que vous m'avez
mandé touchant Mademoiselle Poulaillon.
Je suis en l'amour de Notre-Seigneur, Mademoiselle,
votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Je trouvai hier au soir cette lettre, que je croyais vous
avoir envoyée ; il y a trois jours que je l'ai écrite. Si je
le puis tantôt, j'aurai le bien de vous voir à La Chapelle.
277. — A LOUISE DE MARILLAC
Lundi matin, aux Bons-Enfants
[Vers novembre 1637 ^.]
Mademoiselle,
L'on me demande fort souvent des ecclésiastiques
2. Guillaume de Lamoignon, marquis de Basville et conseiller au
Parlement de Paris, homme d'une insigne piété et d'un grand carac-
tère, qui devint en 1644 maître des requêtes et en 1658 premier prési-
dent au Parlement de Paris. En lui annonçant sa nomination de pre-
mier président, Louis XIV lui dit : « Si j'avais connu un plus homme
de bien, un plus digne sujet, je l'aurais choisi. » Il fut l'ami et le
protecteur des gens de lettres, particulièrement de Boileau, qui lui
adressa sa sixième épitre et écrivit le Lutrin sur sa demande. Il était
intimement lié avec saint Vincent de Paul. Il recueillit chez lui ceux
des missionnaires qui tombèrent malades à Etampes en secourant les
pauvres. Sa mère et sa sœur prirent une grande part aux œuvres du
saint. Il mourut le 10 décembre 1677. {Vie de M. le -premier prési-
dent de Lamoignon, Paris, 1781, in-4.)
Lettre 277. — Pémartin, o-p. cit., t. II, p. 28, lettre 545.
I. Voir lettre 273, note i.
— 396 —
de plusieurs endroits ; mais j'en connais peu que je
puisse bonnement donner, notamment à Madame de
Liancourt, pour les conditions qu'elle désire. Si M. Bour-
doise ne lui en peut donner, je pense qu'elle fera bien
d'en demander à Monseigneur de Beauvais ^, mais non
pas, pour La Roche-Guyon ^, à Monseigneur de Rouen*.
Il y a grande difficulté d'un évêque à un autre.
Je suis bien fâché de ce que je ne vous ai pu dormer
le temps que vous désiriez à La Chapelle, et de ce que je
ne le pourrai non plus, si vous venez mercredi à Paris,
à la chambre de vos filles de Saint-Nicolas. Je pars ce
matin pour aller voir Madame la présidente de Herse
indisposée, qui se plaint de moi, à douze lieues d'ici, et
ne reviendrai peut-être de quatre ou cinq jours. Au re-
tour, vous pourrez faire quelque tour en cette ville, ou
j'irai à La Chapelle.
Je me recommande cependant à vos prières et suis, en
l'amour de Notre-Seigneur, Mademoiselle, votre...
Je loue Dieu de ce que vous êtes quitte à si bon marché
de ce grand embarras ; je vous prie de vous ménager
pour Dieu.
278. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers novembre 1637 ^.]
Mademoiselle,
jamais !
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
nais !
Monsieur du Coudray n'avait rien à vous dire de
2. Augustin Potier.
3. Le duc de Liancourt était seigneur de la terre de La Roche-
Guyon (Seine-et-Oise), qui fut érigée en duché-pairie en 1643.
4. François de Harlay.
Lettre 278. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir lettre 273, note i. François du Coudray et Benoît Bécu,
— 397 —
Monsieur votre ûls, non plus que moi, si ce n'est de sa-
voir s'il agrée son séjour aux Bons-Enfants, pource que
la chambre à feu de dessus la porte est vide et que
l'hôtesse m'a fait demander si nous la prendrions pour
lui. Et ce que je vous dis, c'est simplement ; mandez -
moi donc votre volonté. M. du Coudray n'avait pas
charge de vous en parler, non plus que d'autre chose de
lui ; et assurez-vous que nous n'avons aucune peine de
lui et que j'en aurais s'il n'agréait pas sa demeure et
qu'il en changeât, si ce n'était en mieux, que je ne crois
pas, si me semble.
Une ûlle aveugle d'Argenteuil -, qui gouverne la Cha-
rité de ce lieu-là, me vint trouver avec une cousine de
Barbe de Saint-Leu, et me pressa pour consentir qu'elle ^
entrât aux religieuses qui sont depuis peu en ce lieu-
là *, mais je tins ferme contre. Elle a passé néanmoins
par dessus. C'est son voyage aux noces de son frère qui
a fait le coup. Béni soit Dieu ! Il faut agréer l'ordre
de sa providence et prier pour cette bonne allé, à ce
qu'il plaise à Dieu lui donner la persévérance et aviser
qui c'est que vous lui baillerez.
Il me semble voirement que vous ferez bien de bailler
Marie ^, de Saint-Paul, à Saint-Germain ^. Je n'estime
pas qu'il faille mettre Nicole, de Saint- Sauveur, en pas
un lieu de long temps. Mais qui aurez-vous pour Saint-
Leu, si Henriette s'en va aller à Vil 1ers \ comme vous
me dites et elle me le demanda hier ?
dont il est question dans cette lettre, furent placés en janvier 1638,
le premier à Toul, le second à Richelieu.
2. Localité de Seine-et-Oise.
3. Barbe, de la paroisse Saint-Leu à Paris.
4. Il s'agit du couvent des Bernardines, fondé en 1635 P^^ Denis
Desnault, aumônier de la reine Anne d'Autriche et seigneur de Ro-
biolles.
5. Peut-être Marie Joly.
6. Saint-Germain-l'Auxerrois.
7. Villers-sous-Saint-Leu.
- 398 —
J'enverrai aujourd'hui M. Benoit ^ voir sa bonne sœur '\
que je salue de tout mon cœur. Je suis un peu en peine
de cette bonne ûlle et de la pauvre Madame Goussault,
laquelle je vis hier au soir avec sa âèvre continue et
avec oppression d'estomac. Elle était pourtant un peu
mieux que le jour auparavant ; mais l'on dit qu'elle
change souvent d'état. L'on la devait saigner dans demi-
heure. Je ne vous dis point que vous l'offriez à Dieu ;
je m'assure que vous n'y manquez pas. Je lui dis que
votre indisposition vous tenait au lit. Je vous prie de le
garder encore et de ne point penser à l'aller voir.
Je ne me mets point en peine de vous, par la grâce de
Dieu. Je pensais vous aller voir hier ; mais je fus accablé
de monde, et fallut que je m'excusasse à deux dames
d'aller à La Chapelle. Je serai pourtant bien aise de sa-
voir votre état présent. Le mien est mieux, Dieu merci,
et me propose d'aller aux champs, selon votre avis ;
notre assemblée de mardi et la retraite de M. de la Mar-
guerie " m'en ont empêché jusques à présent. M'avez-
vous mandé que vous désiriez que je vous visse aupara-
vant ?
Bon jour. Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Vous ne pourriez aller à la messe aujourd'hui sans
vous faire plus malade ; entendez-la de votre lit, s'il
voiis plaît, ainsi que Vlntroduction à la vie dévote l'en-
seigne, et cela doucement, sans contention. N'est-ce pas
chez vous que Marie Bécu est malade ?
Siiscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
8. Benoît Bécu.
9. Marie Bécu, Fille de la Charité.
10. Elie Laisné, sieur de la Marguerie.
— 399 —
279. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers novembre 1637 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Ne me faites point des excuses, je vous en prie, de
ce que vous avez envoyé M. votre fils au collège - ; vous
avez tout pouvoir. Je le reçois à grâce de Dieu ; et, au
cas qu'il soit besoin, envoyez-le céans, s'il vous plaît.
Tout est à vous et à lui. Je suis bien aise de lui voir
l'appréhension de perdre ses leçons ; voilà qui va bien.
Je vis hier M. Holden ; nous parlâmes un peu de
l'esprit du martyre ; mais la première fois ^ ce sera de
celui de la charité, qui est tant nécessaire à un esprit
apostolique.
Si la sœur du frère Jeaji* est propre, je pense que le
pauvre garçon l'estimera bienheureuse qu'elle soit de la
Charité ; je lui en parlerai et à vos filles demain l'après-
dînée céans ; il me serait difficile d'aller ailleurs.
Si Barbe veut aller en religion ; mettez-lui-en le mar-
ché en main tout doucement, s'il vous plaît ; elle en sera
bientôt lasse, ou la religion d'elle.
Et pour cette autre fille de l'Hôtel-Dieu, il vaut mieux
s'en défaire plus tôt que plus tard ; ou plus vous atten-
drez, la sortie fera plus d'éclat. Sachez bien au vrai ce
qui en est et faites entendre aux autres qu elle n'est pas
pour demeurer, qu'elle a été bien aise de se mettre à
Lettre 279. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite peu après la lettre 278.
2. Au collège des Bons-Enfants.
3. La -première fois, la prochaine fois.
4. Plusieurs frères coadjuteurs portaient ce petit nom. Le saint a
peut-être en vue Jean Jourdain ou Jean Houlie, beau-frère de Jean
Bécu.
— 400 —
couvert quelque temps pour entrer en religion. Et si
Barbe persévère, qu'elle remercie sa cousine et qu'elle lui
die, comme elle vous a dit, qu'elle s'est donnée à Dieu
en la personne des pauvres ^. Je n'ai pu parler à Barbe ;
je suis trop embarrassé.
Je suis bien aise du mémoire et le suivrai. Je ferai
venir les filles de Saint-Laurent.
Je pense que le grand voyage est entièrement différé ;
j'en ferai un petit de quatre ou cinq jours seulement,
dans deux ou trois jours d'ici, si Notre-Seigneur l'a
agréable.
Je suis, en son amour, Mademoiselle, votre serviteur.
V. D.
Suscri-ption : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
280. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers novembre 1637 ^.1
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai une assignation d'importance aujourd'hui, sur ^es
trois heures, à une assemblée qui pourra durer jusques à
la nuit. Je m'en vas passer cependant chez Madame
Goussault, que je n'ai point vue il y a trois jours. Sa
fièvre n'est pas si forte aujourd'hui ; on l'a néanmoins
saignée ce matin. C'est une double-tierce, dont le jour
plus fâcheux est aujourd'hui.
J'ai de la peine de ce que je ne puis aller voir la
bonne fille Marie -. Ce sera demain. Dieu aidant. Je la
5. Voir la lettre 278.
Lettre 280. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Cette lettre a suivi de près la lettre 278.
2 Marie Bécu.
— 4-01 —
salue cependant par M. son frère ^ que je lui envoie.
J'ai eu peur que, retournant chez Madame Goussault,
vous ne retombassiez comme vous avez fait à la pre-
mière visite. Fortiûez-vous ; vous en avez besoin, ou, quoi
que ce soit, le public.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
281. — L'ABBÉ DE SAINT -CYR AN "^ A SAINT VINCENT
De Dissay. ce 20 novembre i6s7-
Monsieur,
Depuis la dernière fois que j'eus l'honneur de vous voir, j'ai
toujours été malade un m,ois durant^ d'ufie impression mali-
gne que m^ avait faite, comme je crois, une personne mourante
3. Benoît Bécu.
Lettre 281. — Les reliques de Id. es sire Jean du Verget de Hau-
ranne, abbé de Saint-Cyran, par François Pinthereau, Louvain,
1646, in-8, p. 347 et suiv.
I. Jean du Verger de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, né à Bayonne
en 1581. L'abbé de Saint-Cyran avait fait la connaissance de saint
Vincent à Paris vers 1622 et n'avait pas tardé à se lier d'amitié avec
lui. Au dire de Barcos, son neveu, il aurait rendu au saint des ser-
vices signalés ; la congrégation de la Mission lui serait redevable,
dans une certaine mesure, de la possession du collège des Bons-En-
fants et de Saint-Lazare {Défense de feu 'M.. Vincent de Paul, p. 11),
ainsi que de la bulle d'approbation obtenue en cour de Rome. Ce qui
est sûr, c'est que les entrevues, assez fréquentes au temps où le saint
habitait les Boiis-Enfants, devinrent plus rares après 1632 et cessèrent
presque à partir de 1634. Le motif se devine. Tant que le saint garda
quelque espoir de ramener Saint-Cyran aux idées traditionnelles de
l'Eglise, il consentit à entendre des propos qui blessaient ses senti-
ments les plus intimes ; mais quand il eut la conviction que cet esprit
si profondément altéré ne se rendrait ni à ses instances ni à ses rai-
sonnements, il préféra espacer ses visites. Au mois d'août 1637, pres-
que à la veille du l'our où l'abbé de Saint-Cyran devait partir pour
le Poitou, saint Vincent alla le voir chez lui, le supplia de renoncer
à quatre erreurs qu'on lui attribuait, et devant l'émotion que provo-
quaient ses paroles, il s'excusa doucement et le pria de vouloir bien
accepter un cheyal pour le voyage. L'abbé ne se justifia que le 20 no-
vembre 1637 par la lettre ci-dessus. Quelques mois après, le 15 mai
26
— 402 —
que j'assistai le long d'une nuit 2. Ne sachant pas à quoi mon
mal se terminerait^ que je -portais sans me tenir dans le lit,
j'ai eu diverses pensées^ au cas qu'il plût à Dieu de me me-
ner à la veille de ma tnort, et parce que j'avais lors en Ves-
prit les derniers discours que vous avez eus avec moi, je son-
geais à vous faire savoir par écrit que^ par la grâce de Dieu^
je n'avais mon cœur Jiullement chargé de ces quatre choses que
vous me vîntes dire chez m.oi, et que j'eti avais d'autres en
l'âtne, que vous ignorez ^ , pour lesqtielles j'ai sujet de craindra
les jugements de Dieu, qui reçoivent quelque sorte d'allége-
ment à l'accusation de ces vérités catholiques, qui passaient
pour mensonges et faussetés parini ceux qui aimaient mieux la
lueur et l'éclat que la lumière et la vérité de la vertu. La dis-
position d'humilité que vous avez au fond du cœur pour croire
ce que V on vous ferait voir dans les livres saints, me fait assez
connaître qu'il n'y avait rien de plus facile que de vous faire
co7isentir, par le témoignage inéme de vos yeux, à ce que vous
détestez maintenant comme des erreurs. Mais quand je vous
ouis, dans la suite de votre fraternelle admonition^ trouver
mauvais, et quand ajouter cette cinquième correction aux au-
tres quatre^ de ce qu'autrefois je vous avais dit en particu-
lier que j'avais envie de vous faire rendre un bon office et à
1638, Saint-Cyran était arrêté et enfermé au château de Vincennes.
Parrni les papiers trouvés chez lui se trouvait une copie de la lettre
du 20 novembre. Dans son désir d'accumuler les charges contre son
prisonnier, Richelieu ne pouvait négliger d'entendre un témoin
aussi bien renseigné que l'était saint Vincent. Il le fit convoquer de-
vant M. de Laubardemont, maître des requêtes ; puis, sur son refus
de répondre à un juge laïque, il l'interrogea lui-même. Les jansé-
nistes ont prétendu que le saint comparut enfin devant Lescot, con-
fesseur du cardinal, et ils ont publié un compte rendu de sa dépo-
sition, écrite, disent-ils, de sa main. Ce document, que nous
croyons authentique, est certainement altéré ou incomplet. L'em-
prisonnement de Saint-Cyran était l'œuvre personnelle de Richelieu.
Dès que le cardinal fut mort, Louis XIII permit au prisonnier de
communiquer avec les personnes du dehors. Cette mesure de clémence
fut bientôt suivie d'une seconde : le 16 février 1643, Saint-Cyran
fut remis en liberté. Il ne jouit pas longtemps de la faveur royale ;
une attaque d'apoplexie l'enleva le 11 octobre 1643. On a dit, s'ap-
puyant sur une phrase équivoque de Barcos, que Vincent de Paul
assista à ses funérailles. Le fait est inexact, et Barcos lui-même a
déclaré qu'on l'avait mal compris. (Cf. notre étude sur les Raf ports
de Saint Vincent de Paul avec Vabbé de Saint-Cyran, Toulouse,
1914, in-8.)
2. Madame d'Andilly. (Interrogatoire de l'abbé de Saint-Cyran,
question 9.)
3. Ses péchés. (Interrogatoire, question 12.)
— 403 —
toute votre maison, je jugeai que ce n'était fas le temps de se
défendre et de vous éclaircir -par des preuves même sensibles et
artificielles, de ces choses que vous trouvez mauvaises jusques
à les condamner hardiment sans les entendre. Cela fut cause
que je me tins cotnme sur une , pente ^ dans la grande passion
et agitation que je tne sentais avoir de vous parler et de vous
faire voir la fausseté des choses que vous me reproches, plu-
tôt pour vous excuser de m'avoir abandonné au temps d'une
persécution, comme un criminel, que pour aucune mauvaise
opinion que vous eussiez de 7noi. J'ai facilement supporté cela
d'un hotnine qui rn'avait honoré dès longtemps de son amitié
et qui était dans Paris en créance d'un parfaitement homme de
bien, laquelle on ne pouvait entamer sans blesser la charité. Il
m'est seulement resté cette admiration dans Vâme, que vous,
qui faites profession d^étre si dotix et si retenu partout^ ayez
pris sujet d'un soulèvement qui s'est fait contre moi par une
triple cabale * et pour des intérêts assez connus, de me dire des
choses que vous n'eussiez osé penser auparavant, et qu ainsi, au
lieu que je devais attendre d^ la consolation de vous, vous
ayez pris de là une hardiesse extraordinaire , contre votre in-
clination et coutume, de vous joindre aux autres pour m' acca-
bler, ajoutant cela de plus aux excès des autres, que vous avez
entrepris de me le venir dire à moi-même dans mon propre
logis, ce que nul des autres riavait osé faire.
J'ai cru que je manquerais à la franchise de l'amitié et
même à la charité de VEvangile, si, après avoir laissé passer
le temps nécessaire pour évaporer la chaleur qui in était mon-
tée à la tête, je ne vous faisais à vous seul cette plainte, du
dedans de la maison d'un excellent évêque ^ , dont je vous écris ®,
et qui rendra des témoignages tout autres de moi, s^il est be-
soin, à toute l'Italie, où il est connu, sans parler de la France,
où, par la grâce de Dieu, je n'en ai pas besoin j car, quand la
faction ne sera plus et que les intérêts grossiers, sources des
passions et des discours qiCon a tenus de moi, seront passés,
je demeurerai de ce côtc-là aussi net et irréprochable devant les
hommes, comme je le prétends être devant Dieu, qui, étant la
vérité essentielle ^ a une particulière opposition à toute sorte
dHgnorance et de fausseté qui en procède : ce que Madame
4. L'abbé de Prières, Sébastien Zamet, évêque de Langres, et les
Pères jésuites, auxquels s'unirent quelques Oratoriens. (Interroga-
toire, question 91.)
5. Henri-Louis Chasteigner de la Rocheposay, évêque de Poitiers.
6. Saint-Cyran écrivait sa lettre de Dissay, commune de la Vien-
ne, près de Poitiers. Louis Chasteigner avait une maison de cam-
pagne dans cette localité.
— 404 —
la duchesse de Longueville '' , qii on avait suscitée contre 7noi,
tne donne stijet de dire, sans me -flatter -par la réfaration co-
■pieuse quelle m'en a faite, un mois avant sa mort devant une
personne de nom qui en gouverne plusieurs autres qui ne vous
sont pas inconmies ; et après file, Monseigneur le cardinal de
La Valette, qui, ayant été informé par le menu de ces accusa-
tions, s'en est moqué et a rendu, sans que je tn'en sois mêlé,
un témoignage de moi et de ce quon in'impute si avantageux
que f aurais honte de le dire. J'aime mieux vous désigner un de
vos amis à qui il l'a dit, quand vous aurez envie de le savoir ;
et fose vous dire qu'il ri y a aucun de ces Messieurs les prélats
qui hantent chez vous, avec qui je ne demeure Raccord et à qui
je ne fasse passer et autoriser de leurs suffrages toutes mes
opinions, quand il me plaira de leur en parler à loisir ; car
étant lujnineux comme ils sont et la vraie source, par leurs
prédécesseurs, de toute la disciplijie qu'il faut garder envers
les âmes, tant s'en faut qu'ils s'y opposent, qu'au contraire ils
en seront ravis et me remercieront. Ce que je vous dis seule-
ment pour vous faire savoir avec quelle sûreté je parle sans
que j'aie aucun dessein de vous troubler dans l'honneur qu'ils
vous rendent et dans le repos dont vous jouisses dans leur en-
tretien et conversation. Car, pour le regard de votre maison,
vous avez cru rendre un bon office Savoir ejnpcché celui que
je lui voulais rendre. Tant s'en faut que j'en sois fâché, que je
vous remercie affectueusement de m'avoir délivré de cette
peine, sans peut-être avoir diminué pour cela le gré que Dieu
me saura de la bonne volonté qu'il m'avait donnée de vous ser-
vir autant dans le spirituel que dans le temporel, encore que
vous savez bien que je l'ai fait sans m' être mêlé dans les com-
mencements par lesquels vous vous êtes établi dans les lieux
où vous êtes, auxquels je n aurais voulu pour rien du monde
prendre aucune part ^. Ce qui vous devait, plus que toute
autre chose, faire connaître combien je suis peu attaché à
mon sens et disposé à baisser avec mes a^nis, contre le juge-
ment de ma conscience ^ qui ne me pertnettrait jamais de faire
de telles choses. Je les ai soutenues par une contestation pu-
blique, jusqu'à faire changer d'avis, par force de raisons et
d'importunités, celui à qui vous ejt avez toute l'obligation ^. Je
7. Louise de Bourbon, sœur du dernier comte de Soissons, épouse
de Henri II, duc de Longueville, grande amie de Port-Royal, morte
le 9 septembre 1637.
8. A Saint-Lazare. Ce n'est pas que l'établissement de saint Vin-
cent à Saint-Lazare répugnât à Saint-Cyran, mais il avait pour prin-
cipe de ne pas s'occuper des affaires temporelles des autres. (Inter-
rogatoire, questions 37 et 108.)
g. Jérôme Bignon, avocat général.
— 405 —
ne Vallègue que 'par nécessité et en cette seule rencontre^ -pour
vous faire ressouvenir de ma condescendance et vous faire ra-
battre de l'opinion que les autres vous ont donnée de ma rai-
deur et sévérité. Car fose bien dire que je mérite si peu cette
réputation, au jugement de ceux qui me connaissent et de la
vérité, que si je proposais à ce tnême personnage et à son col-
lègue les quatre ou cinq reproches que vous m avez faits, ils
s'en riraient et ils apaiseraient ainsi, sans mot dire, toute la
colère que j'en aurais eue. J'ai grand sujet. Monsieur, de vous
le pardonner et de vous dire en mon cœur une partie des pa-
roles que le Fils de Dieu dit à ceux qui le maltraitaient. J'es-
père, et je le dis avec confiance, que ce 7ie sera pas cela qui me
fera rougir devant son jugement, et qu'au contraire j'en attends
quelque faveur de sa miséricorde, si je persiste à maitttenir et
adorer dans mon cœur ce que la succession de la doctrine apos-
tolique, par laquelle nous minons les hérétiques et sans la-
quelle VEglise ne peut subsister ^ nia appris, par Vorgane de
la même Eglise universelle et catholique ^ depuis 2^ ou 30 ans.
Je vous prie d'agréer que le plus tôt que j'ai pu et en suite
d'une douloureuse infirmité qui nia pris à Cléry i" et qui me
dure encore, je vous aie dit ce que f avais sur le cœur, afin de
vous traiter en ami et en chrétien, et ne laisser rien d''amer
dans le fond de Vâ)ne qui pût altérer tant soit peu Vamitié, la-
quelle je vous veux conserver jusques à la fin de ma vie. Je
vous en ai rendu un témoignage^ depuis ce sensible déplaisir,
par la lettre que j'ai écrite à Monseigneur Vévêque de Poitiers^
et je vous eti eusse rendu un plus grand, si je me fusse senti
approcher de la mort, en vous dressant des articles sur des cho-
ses que je trouve à dire dans votre Inst'itut, afin de vous faire
voir pour le moins après ma mort, les causes que j'avais en
cela de vous offrir mon service, lequel vous avez si peu es-
timé que vous avez pris la simple proposition que je vous en
ai faite, pour une preuve de la vérité des quatre choses dont
vous m'avez accusé. Moyennant que Dieji ne m'en accuse pas,
j'en suis trop heureux, et qu'il accepte comme sienne la charité
avec laquelle je prétendais vous ôter de certaines pratiques
que j'ai toujours tolérées en votre discipline ^ voyant l'attache
que vous y aviez, avec une résolution d'autant plus forte de
vous y tenir qu'elle était autorisée par l'avis de grands per-
sonnages que vous consultiez ^^. Je n'ai garde après cela de
dire la pensée que j'en avais^ que Dieu, à mon avis, ne les
agrée point. Car il n'y a qùune véritable simplicité dans la-
10. Canton du Loiret.
11. Saint-Cyran n'entend parler ici que d'André Duval. (Interro-
gatoire, question 119.)
— 4o6 —
quelle on les -peut faire^ qui est flus rare que la grâce com-
mune des chrétiens, et si rare que f oserais bien aire délie ce
qu'un bienheureux de notre tetn-ps ^- a dit des directeurs des
âmes de ce temfs^ que de dix mille qui en font froiession, à
■peine y en a-t-il un à choisir qui les puisse rendre excusables
devant Dieu, p aurai néa^imoins la patience qu'il a lui-même
de voîis laisser faire, et demeurerai dans la mé^ne volonté que
je vous ai témoignée de vous y servir par condescendance^ si
je ne le puis par une entière approbation^ laissant à part la
qualité de maître^ pour prendre celle de très humble et très
obéissant serviteur i^...
282. — A MONSIEUR BELIN
21 novembre 1637.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Germaine m'a écrit la difficulté qu'elle a de retourner
à son confesseur ordinaire. Je lui ai conseillé d'en chan-
ger. Mon Dieu, Monsieur, que je vous plains ! Oh bien !
Notre-Seigneur vous récompensera de tout ce que vous
souffrez et supportez à l'entour d'elle.
J'ai retenu pour 7 ou 8 jours l'un des deux garçons
qui m'ont apporté sa lettre. Je ferai ce que je pourrai
pour lui faire trouver un maître ; sinon, je le renverrai.
Je vous prie me mander quel garçon c'est, s'il y a sujet
d'espérer qu'il fasse bien, et cela au plus tôt.
Je suis en peine des deux écus que je vous dois ; mais
ne vous en dois-je point davantage ? Je n'ai osé les bail-
12. Saint François de Sales.
13. Saint Vincent ne répondit pas à la lettre de Saint-Cyran, mais
dès qu'il apprit son retour à Paris, il alla le remercier. (Inter-
rogatoire, question 34 ; Barcos, Défense de feu M. Vincent de Paul,
1668, p. 16.)
Lettre 282. — Reg. i, f 0 64. Le copiste note que l'original était de
l'écriture de saint Vincent.
— 407
1er à ce porteur. Ce sera au premier que je trouverai en
qui il y aura de la sûreté.
Je suis cependant, en l'amour de Notre-Seigneur,
Monsieur, votre...
283. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers novembre 1637 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Xotre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Il faut que vous supportiez avec patience l'état de l'es-
prit de M. votre fils, en attendant qu'il plaise à Notre-
Seigneur le faire entrer dans la manière de vie conve-
nable à celle qu'il se propose. Qui supportera l'enfant
sinon la mère et à qui appartient-il de mettre chacun
en son devoir qu'à Dieu ? Puisqu'il n'étudie pas et qu'il
ne se détermine à rien, je ne vois pas tant d'inconvé-
nient que vous pensiez à M, de Riez -. Ce n'est pas un
moyen pour le rendre meilleur, mais pour le tenir un
peu occupé et diminuer un peu de l'oisiveté, mère de
tous vices, à ce qu'elle ne prévale sur lui. Mais en quelle
qualité sera-ce ? C'est ce qui m'empêche. Il faut un peu
considérer cela et le recommander à Dieu, et nous en
parlerons. Je ferai dire à Madame Moran qu'elle lui
baille cette chambre de dessus la porte. Pour le reste
que vous dites, je vous prie de n'y pas penser.
Lettre 283. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite peu de jours après la lettre 278.
2. Louis-Denis d'Attichy, fils de Valence de Marillac et cousin ger-
main de Louise de ^lariliac, né en 1593 au château d'Attichy. Il
entra en 1614 dans Tordre des Minimes, devint provincial de Bour-
gogne, fut élevé sur le siège de Riez en Provence (1628), puis trans-
féré à Autun (1652), où il mourut de la pierre le 30 juin 1664. On
a de lui plusieurs ouvrages, entre autres une histoire générale de
l'ordre des Minimes et une vie du cardinal de Bérulle.
— 4o8 —
Ce que vous dites du vœu de la petite Barbe semble
inutile, pource qu'elle entre en la religion pour assister les
malades qu'on lui dira pauvres, et par conséquent dans
le terme de son vœu. Que si le scrupule la presse, l'on
la fera dispenser par l'évêque. Assurez-vous qu'elle aura
souvent du regret et donnera de l'exercice à ces bonnes
religieuses pour cela. Et quand elle reviendrait, ie ne
sais s'il serait expédient de la recevoir.
Je n'ai pomt vu Henriette, ni Marie ^. Il faut prier
pour les filles et, si vous pouvez vous fortifier, aller à
la campagne.
Je suis un peu en peine de vos infirmes. Je vous prie
de les bien nourrir et réjouir et de les saluer toutes deux
de ma part.
Madame Goussault eut avant-hier à la nuit une
grande crise par sueur et s'est bien portée depuis, à ce
qu'on m'a dit. Refaites-vous un peu plus ; vous vous
verrez toutes deux plus fortes. Je lui ai toujours dit
votre incommodité. O mon Dieu, Mademoiselle, que
l'agrément de la volonté de Dieu dans son mal a été
doux et fort ! Ce n'est rien de la voir en santé en com-
paraison de sa maladie. Mais qui fait cela ? Est-ce
elle ? N'est-ce pas Notre-Seigneur ?
Je suis, en son amour, v. s. V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
284. — A LA MÈRE DE LA TRINITÉ i
Ma très chère et Révérende Mère,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
3. Marie Bécu.
Lettre 284. — L. a. — Original au couvent de la Visitation de
Troyes.
I. Marie d'Hanivel, fille du grand audiencier de France. Dans sa
— 409 —
Je suis très indigne de vous remercier, comme nous
le sommes, des grâces qu'il vous plaît incessamment de
nous faire ; c'est ce qui fait, ma très chère et aimable
Mère, que je prie la sainte Vierge, à laquelle vous m'avez
donné d'une manière particulière, qu'elle fasse en sorte
avec son Fils qu'ils soient tous deux v^otre récompense
et votre remerciement.
J'ai jeté les yeux sur plusieurs ecclésiastiques pour
votre sacristie ; mais il n'a point plu à Dieu que j'aie
rencontré encore ce qu'il vous faut. Je veillerai, mais je
doute fort que ce soit aussi efficacement que votre bonté
le fait pour votre chétiveté. J'y ferai néanmoins mon pos-
sible, comme aussi de vous faire faire des mémoires du
bienheureux ^Monsieur Gallemant - par un sien vicaire ^
que nous avons céans, et par un ecclésiastique duquel il
se servait, étant petit garçon> pour lui répondre aux caté-
chismes qu'il faisait partout où il allait. Je dirai aussi
en mon particulier ce que j'en sais, qui ne l'ai pu faire
depuis mon retour, à cause de mon embarras, qui suis à
jeunesse, elle ne trouvait que joies dans le monde, qui l'adulait. Ra-
menée à des pensées sérieuses par la mort subite d'une de ses amies
et par la parole du fameux Père capucin Ange de Joyeuse, elle refusa
d'épouser le neveu du duc de Villars, et, sur les conseils de son cousin
M. de Brétigny et de Madame Acarie, entra au Carmel de la rue
Saint-Jacques dès le moment de sa fondation, y prit le nom de Ma-
rie de la Trinité et fit profession au couvent de Dijon en 1605. Elle
fut prieure à Rouen, à Pontoise et en dernier lieu au couvent de
Troyes, où elle mourut le 6 mars 1647, âgée de soixante-huit ans.
(Placide Gallemant, of. cit., pp. 329-339.)
2. Jacques Gallemant, docteur de Sorbonne, premier supérieur des
Carmélites de France, curé d'Aumale, puis d'Aubervilliers, près Pa-
ris, mort à Besançon le 25 décembre 1630, à l'âge de soixante-douze
ans. Le Père Placide Gallemant a publié sa vie en 1653. C'est pro-
bablement pour lui que la Mère de la Trinité cherchait des rensei-
gnements biographiques.
3. C'était Jean Pillé, ancien vicaire d'Aubervilliers, entré dans la
congrégation de la Mission en 1631.
— 410 —
ma très chère et très aimable Mère, son très humble et
très obligé serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 28 novembre 1637.
Suscription : A ma Révérende Mère ma Révérende
Mère de la Trinité, supérieure du monastère second des
Carmélites de Troyes, à Troyes.
285. — A LOUISE DE MARILLAC
[Fin de 1637 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je loue Dieu de ce que vous vous portez mieux et vous
prie de manger des œufs ; car autrement, il est à crain-
dre que vous retombiez. Pour la pauvre fille de Madrid ^,
j'ai pensé de parler à plein fond à M. le procureur gé-
néral ^ de cet affaire et du moyen de secourir ces pauvres
créatures aux Enfants trouvés ^. Madame Goussault
vous aura peut-être pu dire l'ouverture qu'on m'a faite
pour cela. Nous en parlerons avec vous d'ici à trois ou
quatre jours, si votre santé vous permet de venir jusques
ici.
Je ne sais que vous dire pour ces filles de Saint-Paul *,
sinon que vous ne vous devez attendre à autre chose qu'à
peine et difficulté. Nous en parlerons quand vous vien-
drez. Ne croyez pas cependant que mon cœur reçoive
Lettre 285. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre semble précéder de peu de jours l'institution des
Enfants trouvés.
2. Ancienne localité de la banlieue parisienne, que rappelle encore
le château de ce nom, situé dans le bois de Boulogne.
3. Matthieu Mole.
4. Les enfants trouvés recueillis à la Couche, rue Saint-Landry.
5. Paroisse de Paris.
— 411 —
aucune altération à l'égard du service que vous désirez de
moi ; il n'y a que la mort qui m'empêche d'être, en
l'amour de Notre-Seig-neur, Mademoiselle, votre servi-
teur très humble.
V. Depaul.
De Saint-Lazare, ce jeudi matin.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
286. - A LOUISE DE MARILLAC
[Décembre 1637 ^.]
Vous verrez par l'incluse, Mademoiselle, comme M. le
curé de Rueil ^ préfère la fille de Nanterre ^ à Barbe *.
J'adore en cela la Providence. Il faut l'employer plus
loin et plus utilement, ^l. Lambert, qui est à Richelieu ^,
mande à Madame de Combalet qu'il est nécessaire d'y
établir la Charité, que, cette semaine-là, il y était mort
deux pauvres femmes sans assistance. Que vous semble,
Mademoiselle, si l'on envoyait là Barbe et quelqu'autre
fille ^. Oh ! que de bien à faire en ce pays-là ! Et si vous
êtes brave femme, au printemps vous y pourriez aller
par le coche jusques à Orléans, et de là par eau jusques à
Saumur, qui en est à huit lieues. Enfin tout pour le
mieux. Nous en parlerons.
Lettre 286. — L. a. — Original chez les Filles de la Charité de
Castelsarrasin.
1. Saint Vincent n'aurait pas dit Madame de Combalet après le
i^r janvier 1638, mais bien Madame la duchesse d^ Aiguillon. D'autre
part, la date de décembre 1637 est demandée par la présence de
Lambert aux Couteaux à Richelieu. (Cf. lettre 287.)
2. En Seine-et-Oise. Richelieu y avait sa maison de campagne.
3. Près de Paris.
4. Barbe Angiboust.
5. Dans l'Indre-et-Loire.
6. Ce projet ne se réalisera que dans les derniers mois de l'an-
née 1638.
— 412
Je vous salue cependant et suis, en l'amour de Notre-
Seigneur, v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
287. — A BERNARD CODOING, PRÊTRE DE LA MISSION
A ROMANS*
27 décembre 1637.
Il y a long- temps que je balance si je vous dois prier
de venir travailler à Richelieu, où M. le cardinal fonde
une Mission -, tant pour ce duché-là ^ que pour 1 evêché
de Luçon ^, avec l'emploi aux ordinands et aux exerci-
Lettre 287. — Reg. 2, p. 277.
1. Bernard Codoing, né dans la ville d'Agen le 11 août 1610, or-
donné prêire en décembre 1635, reçu dans la congrégation de la
Mission le 10 février 1636, tient une place importante dans l'his-
toire des premiers compagnons de saint Vincent. Il fut le premier
supérieur du séminaire d'Annecy (1640- 1642), dirigea la maison de
Rome pendant deux ans (1642-1644), puis fut mis à la tête du sé-
minaire Saint-Charles, situé dans l'enclos de Saint-Lazare (1645-
1646), passa de là à Saint-Méen dans des circonstances particuliè-
rement difficiles (1646-1648), ensuite à La Rose (1648-1649J et enfin
à Richelieu (1649-1650), toujours en qualité de supérieur. Il eut de
grands succès dans ses missions en France et en Italie. Ses sermons
étaient si goiités que saint Vincent eut un moment l'idée de les pu-
blier. Bernard Codoing aurait rendu plus de services au saint s'il
avait eu moins d'attachement à ses idées propres et s'il avait su se
défendre contre la tendance à la précipitation. Nous serions tenté de
dire : heureux défauts ! car ils nous valent quelques-unes des plus
belles lettres qui composent la correspondance de saint Vincent.
2. Le contrat de fondation fut passé le 4 janvier 1638 au château
de Rueil entre le cardinal de Richelieu et saint Vincent. Le saint
prenait l'engagement d'envoyer sept prêtres à Richelieu avant le mois
de mars et d'en ajouter trois autres avant deux ans pour remplir les
fonctions curiales dans cette localité, donner des missions dans le
duché, les évêchés de Luçon et de Poitiers, préparer les ordinands et
recevoir les prêtres aux exercices spirituels. Le cardinal, de son côté,
faisait donation au saint du revenu des greffes de Loudun, qui étaient
affermés 4.550 livres, et s'engageait à procurer le logement nécessaire.
3. Le duché-pairie de Richelieu avait été constitué en 163 1 avec les
baronnies de Faye-la- Vineuse, de l'Isle-Bouchard et de Chinon.
4. « ...Desquels dix, est-il dit dans le contrat (Arch. Nat. MM 534),
— 413 -
tants du diocèse de Poitiers ^, D'un côté, je regardais le
besoin de ce bon peuple ou vous êtes, et le bon usage qu'il
fait de la grâce que Notre-Seigneur lui présente ; mais,
de l'autre, j'ai considéré que la même nécessité et le même
usage se trouvent dans le peuple du Poitou ; car l'on
m'a écrit, et M. Renar, qui en est revenu, me la dit, qu'on
n'a jamais vu des âmes si touchées, ni un tel abord ^ de
tous côtés ; et ce qui m'a fait résoudre du côté de Riche-
lieu, c'est l'obligation que nous y avons, la fondation
étant à perpétuité. Cela fait. Monsieur, que je vous sup-
plie très humblement de partir, la présente reçue, si vous
n'êtes en mission ; et si vous y êtes, que ce soit, au nom
de Notre-Seigneur, incontinent après que vous l'aurez
achevée, sans divulguer ceci que sur votre départ. Il ne
faut pas manquer à l'obligation que nous avons d'être
audit Richelieu le 20 ou 25 de janvier. Vous pourrez as-
surer les peuples de delà que lorsqu'il plaira à Dieu
il y en aura quatre qui demeureront dans la ville de Richelieu pour
y faire les fonctions de ladite Mission, trois seront envoyés de cinq
en cinq ans dans chaque ville et village dudit duché de Richelieu
pour y faire aussi lesdites fonctions de 'ladite Mission ; et après
qu'ils auront été par tout ledit duché, attendant le temps convenable
de recommencer, ils feront ladite mission dans l'évêché de Poitiers
ou autres lieux circonvoisins dudit duché, ainsi qu'il plaira à Son
Eminence, et les trois autres seront envoyés dans l'évêché de Luçon
aux mêmes fins, lesquels six qui seront envoyés dans ledit duché et
dans ledit évêché de Luçon, seront obligés d'y aller quatre fois l'an-
née, aux saisons les plus convenables, et s'y employer six semaines à
chaque fois... »
5. c Ledit Vincent s'oblige... de recevoir en ladite maison de la
Mission de Richelieu à perpétuité, instruire, loger et nourrir pen-
dant douze jours, avant chacun des quatre-temps de l'année, tous
ceux du diocèse de Poitiers qui voudront prendre les ordres sacrés
esdits quatre-temps, et de recevoir toute l'année à perpétuité en la-
dite maison et y loger et nourrir pendant quinze jours tous les prê-
tres que Monsieur l'évêque de Poitiers et ses successeurs voudront
envoyer pour faire les exercices spirituels et être instruits aux fonc-
tions ecclésiastiques, pourvu toutefois qu'il ne soit point envoyé
plus de huit prêtres à la fois, outre ceux qui doivent être promus
aux ordres sacrés. » (Zbid.)
6. Abord, affluence.
— 414 —
nous envoyer des hommes pour les servir en notre voca-
tion, que nous en ferons part, mais que cependant la
nécessité absolue nous contraint d'en user de la sorte.
J'avais prié M. Grenu d'aller travailler à Aiguillon,
qui est du voisinage de votre ville d'Agen ^ ; mais, de-
puis, je l'ai prié de venir à Troyes, pour quelque raison
particulière.
M, de Sergis me mande que tout Aiguillon a fait son
devoir et que les principaux ont commencé les premiers ;
qu'il n'en restait qu'un fort petit nombre, qui le devait
faire le lendemain ; que M. Hopille, grand vicaire, lui a
envoyé quatre ou cinq curés du diocèse, qui ont travaillé
avec lui dans Aiguillon trois semaines durant, excepté
les dimanches qu'ils s'en allaient à leurs cures. Il me dit,
de plus, qu'il y a eu quantité de peuple de la campagne
qui y est allé faire ses dévotions, voire de dix lieues
à la ronde. Voyez, Monsieur, si les épines piquantes de
notre naturel ne portent pas de bonnes roses et qui épa-
nouissent dès que le soleil de justice fait paraître les
rayons de sa grâce sur elles. Encore a-t-il fallu que je
vous aie dit ce mot pour votre consolation.
Revenons à votre voyage. Si vous êtes prêt à partir
avec M. Grenu, vous pourriez aller ensemble jusqu'à
Lyon. De là il tirera vers Châlons et vous vers Roanne,
où vous pourrez vous embarquer jusqu'à Orléans, et de
là aller au Saumur, où vous serez à tme journée de Riche-
lieu, et trouverez Messieurs Lambert et Perdu à Cham-
pigny, à une lieue de Richelieu.
O Monsieur, que de nécessités spirituelles en ce pays-
là, où il y a quantité d'hérétiques, faute de n'avoir ouï
parler de Dieu, disent-ils, à l'église des catholiques !
C'est en ce pays-là où l'hérésie a été premièrement ré-
pandue, dilatée et plus obstinément défendue. C'est de
7. Ville natale de Bernard Codoing.
— 415 —
là qu'elle a tiré ses principales forces pour le renverse-
ment de notre sainte religion et de l'Etat même, si elle
eût pu. Oh ! que Satan y a eu et qu'il y a encore un
grand empire ! J'espère, Monsieur, que Notre-Seigneur
se servira de vous et du bon M. Durot ® pour lui faire
une bonne guerre, non certes in sublitnitate serntonis et
humanae sapientiae verbis, sed in ostensione virtutis
spiritus, in humïLitate et inansuetudine, in -patientia et
longanimitate ^. Allez donc, ^Monsieur, in nomine Do-
mini. Je prie sa divine bonté qu'elle vous donne sa sainte
bénédiction et, avec elle, une plus grande part à son es-
prit; Je ne doute point que votre cœur ne se sente comme
arraché de ce pays-là, où vous avez poussé des racines de
charité dans ces âmes, et que vous n'éprouviez les ten-
dresses de saint Paul quand il dit le dernier adieu à ce
peuple qui pleura tant sur lui. Mais quoi I il n'appar-
tient qu'à un cœur vraiment apostolique à s'affermir
contre ces tendresses, à passer par-dessus et à se rendre
là où la sainte obéissance lui fait connaître que Notre-
Seigneur le demande. Certes, Monsieur, c'est être dans
l'accomplissement du bon plaisir de Dieu que d'être en
cet état, et commencer son paradis dès ce monde. ]Mais
que dis-je à une âme qui" m'a toujours paru toute prête
d'aller aux antipodes pour l'amour de Dieu, si la sainte
obéissance le requérait ?
Je ne sais pourquoi ma plume s'est échappée à vous
dire tout ceci. Je sais bien que ce n'est pas pour penser
que vous ayez besoin d'être persuadé, ayant peut-être
8. Nicolas Durot, né à Oisemont (Somme), reçu dans la congré-
gation de la Mission en août 1633, ordonné prêtre en décembre 1636.
Il prêchait en 1639 dans la région de Toulouse. Nous le trouvons
à Paris en août 1640. Il revint à Richelieu en 1642, quitta la con-
grégation en 1645 et obtint, grâce à saint Vincent, la chanoinie de
Saint-Martin d'Angers.
9. Texte formé avec différents passages de saint Paul, I Cor. Il,
I, 4 : Eph. IV, 2 ; Col. I, 11.
— 4i6 —
plutôt besoin d'être retenu dans l'ardeur de votre zèle ;
et c'est de quoi j'avais à vous parler et vous parlerai un
jour, s'il plait à Dieu, lequel sait, lui seul, pourquoi je
me suis étendu sans y penser.
Il sera bon que vous preniez congé, en présence ou par
écrit, de Mgr de Valence ^° et que vous le remerciiez de
la grâce qu'il vous a faite d'agréer votre service dans son
diocèse, et que vous lui disiez que rien moins que la pure
nécessité nous aurait fait résoudre à vous rappeler, et
que, s'il plaît à Dieu de nous en donner le moyen, nous
tâcherons d'y retourner une autre fois.
Vous prendrez aussi congé de la bonne et très chère
sœur Marie ^^ et recommanderez, s'il vous plaît, à ses
prières cette petite compagnie et le plus chétif et misé-
rable de tous les hommes, qui est moi et qui suis, en
l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble...
Je n'attendrai point d'autre réponse que celle de votre
partement, que je vous supplie qu'il soit le plus tôt qu'il
se pourra. Monsieur votre frère attend de vos lettres
pour réponse à celles que je vous ai envoyées de sa part.
Je m'imagine que Notre-Seigneur vous a guéri de l'amour
trop tendre de vos parents.
10. Charles-Jacques de Gélas de Leberon (1624-1654).
11. Marie Tessonnière ou Marie de Valence était une sainte veuve,
animée d'une dévotion toute spéciale envers la sainte Trinité. Saint
François de Sales l'appelait une relique vivante. Jacques Olier fit
le voyage de Paris à Valence pour la consulter. Le cardinal de Bé-
rulle, saint Vincent et le Père Coton, son directeur, avaient pour elle
la plus profonde vénération. Le peuple lui rendit après sa mort une
sorte de culte public. Sa vie, publiée à Lyon en 1650 par le Père
Louis de la Rivière [Histoire de la vie et mœurs de Marie Tesson-
nière, in-4), sur l'ordre exprès de la reine régente et avec l'approba-
tion de plusieurs docteurs de Sorbonne, mécontenta l'évêque de Va-
lence, qui improuva le livre et le fit condamner par l'Assemblée du
Clergé de France. Le prélat et l'Assemblée interdirent également le
culte qui lui était rendu.
, — 417 —
288. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Il faudra aviser par ensemble à ce qu'il faudra faire
pour Saint-Leu ^
L'on fut d'avis, à la dernière assemblée ^, que vous se-
riez priée de faire un essai des enfants trouvés, s'il y
aura moyen de les nourrir de lait de vache et d'en pren-
dre ^ deux ou trois à cet effet. J'ai eu consolation de ce
que la Providence s'adresse à vous pour cela. Je sais bien
qu'il y a plusieurs choses à redire. Nous en parlerons *.
Madame la présidente Goussault ne me semble point
bien forte. Ayez soin de votre santé.
Je vous souhaite un nouveau cœur et un amour tout
nouveau pour celui qui nous aime incessamment aussi
Lettre 288. — L. a. — Original à Thôpital de Moulins.
1. Paroisse de Paris.
2. Assemblée des dames de la Charité de l'Hôtel-Dieu.
3. Le texte original porte : de vache et qu'à cet effet et d'en pren-
dre. Il est clair que le saint a oublié d'effacer et qu'à cet effet.
4. Très grand était à cette époque le nombre des enfants aban-
donnés chaque année dans la ville et les faubourgs de Paris. Saint
Vincent en comptait de trois à quatre cents. (Abelly, of. cit., t. II,
chap. X, i'® éd., p. 362.) Le passant qui en découvrait un devait en
donner connaissance au commissaire du quartier, auquel revenait seul
le droit de le ramasser. Les enfants trouvés étaient portés à l'Hôtel-
Dieu et de là à la Couche, rue Saint-Landry, où une veuve, qu'ai-
daient deux servantes, était chargée d'en prendre soin. Les revenus
manquaient à la maison et le dévouement aux nourrices. Aussi la
mort faisait-elle de si nombreuses victimes parmi ces petites créritures
que saint Vincent pouvait dire dans un de ses entretiens aux dames
de la Charité : « Il ne s'en trouve pas un seul en vie depuis 50 ans,
si ce n'est que depuis peu il s'est trouvé que quelqu'un... a vécu. »
Les Servantes leur donnaient des narcotiques pour les faire dormir, ou
les" vendaient huit sols à des misérables, qui, après avoir rompu
bras et jambes à ces pauvres petits, s'en servaient pour exciter la
pitié des passants. Saint Vincent, qui s'occupait de tant d'œuvres de
charité, connaissait la Couche. Il déplorait ces abus et cherchait les
27
— 4i8 — •
tendrement comme s'il commençait dès à présent de nous
aimer ; car tous les plaisirs de Dieu sont toujours nou-
veaux et pleins de variété, quoiqu'il ne change jamais.
Je suis, en son amour, avec pareille affection que sa
bonté le veut et que je le dois pour l'amour de lui, Made-
moiselle, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Ce premier jour de Fan [1638 ^].
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras
moyens d'y remédier. La compagnie des dames de la Charité s'occu-
pait des malades de l'Hôtel-Dieu. Le chapitre de Paris les pressa
de se charger aussi des enfants trouvés. Après deux ans de réflexion
et de prières, saint Vincent résolut de faire un essai. La lettre ci-
dessus nous montre que l'œuvre eut de modestes commencements :
deux ou trois enfants confiés aux soins de quelques Filles de la Cha-
rité et nourris de lait de vache. Bientôt ce nombre fut porté à douze,
et quatre nourrices leur furent données. On les installa rue des
Boulangers, près de la porte Saint-Victor. Ce modeste essai donna
de bons résultats. Aussi les dames furent-elles d'avis, en 1640, de
recevoir tous les enfants trouvés qui seraient présentés. Le roi et la
reine s'intéressèrent à l'entreprise. En 1642, Louis XIII donna 4.000
livres sur son domaine de Gonesse ; en 1644, l'aumône fut doublée.
Puis les dames obtinrent le château de Bicêtre, où les enfants sevrés
furent portés en 1647. Enfin en 165 1, le séjour de Bicêtre ayant été
reconnu nuisible à la santé des enfants, ceux-ci revinrent à Paris et
furent logés à l'extrémité du faubourg Saint-Denis, et plus tard, en
1670, dans deux maisons situées l'une devant Notre-Dame, l'autre au
faubourg Saint-Antoine. [Saint Vincent de Paul et les Dames de la
Charité, par P. Coste, Paris, 1918, in-8, pp. 17-34.)
Pour l'histoire des Enfants trouvés, on peut encore consulter
avec profit les règlements faits par Louise de Marillac pour les
sœurs chargées des enfants trouvés (Pensées, pp. 195 et 196) ; ses
mémoires sur le même sujet [ibid., p. 199) ; la Vie de Madame de Mi-
ramion [par l'abbé de Choisy], Paris, 1706, in-4, p. 140 et suiv. ;
VHisioire de V Assistance publique, par Alexandre Monnier, Paris,
1856, in-8, p. 396 et suiv. ; Léon Lallemant, Un chafitre de l'His-
toire des Enfants trouvés. La maison de la Couche à Paris, Paris,
1885, in-8.
5. Ce fut cette année-là que commença l'œuvre des Enfants trou-
vés. (P. Coste, of. cit., p. 21, note i.)
— 419 —
289. - A LOUISE DE MARILLAG
[Janvier 1638 ^]
Mademoiselle,
La g^âce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous renvoie votre mémoire et les miens et vous prie
de mettre ces mots que vous ajoutez ou changez dans le
mien, lequel je vous prie de prendre la peine de copier
à votre commodité, et de me renvoyer le tout ; je dis
même le mémoire que vous avez fait et que je vous ren-
voie ^.
J'ai envoyé prier M. de Cordes de venir céans aujour-
d'hui, et ai chargé mon mémoire de M. de Marillac ".
Je ne trouve point d'inconvénient que vous voyiez Ma-
dame de Liancourt à votre loisir.
Vous verrez pour ces deux ûUes. La petite me paraît
comme vous la dépeignez ; si l'autre est bien appelée, sa
ville de Nogent en aurait besoin avec le temps ^.
Les parents de la fi.lle morte à l'Hôtel-Dieu deman-
deront leurs hardes avec raison. Pour encore, jusques à ce
que la chose soit liée, nous verrons. Cependant il vaut
mieux les laisser où elles sont. Il faudra faire la loi
avant que de la mettre en pratique.
Bien volontiers je vous avertirai de vos fautes et i:e
vous en laisserai passer pas iine.
Je n'entends pas bien ce que vous me dites des offi.-
Lettre 289. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre semble antérieure de quelques jours à la lettre 297.
2. Il s'agit ici, pensons-nous, de mémoires relatifs au nouvel éta-
blissement des Enfants trouvés.
3. Michel de Marillac, petit-fils du garde des sceaux,* seigneur
d'Ollainville, conseiller au Parlement de Paris, mort le 29 décembre
1684.
4. Elle ne donna pas satisfaction. « O mon Dieu ! que cette pau-
vre créature m'a trompé ! », s'écriera plus tard saint Vincent.
420 —
cières et de vous. De dire de n'être pas nommée dans la
chose, quelle raison avez-vous pour cela ? Il faut se gar-
der de tomber dans le vice de singularité, pource qu'il
a sa racine dans la vanité, et celle-ci dans l'orgueil, qui
est le vice de tous vices ; et moi je suis, en l'amour de
Notre- Seigneur, votre serviteur.
V. D.
J'irai confesser Mademoiselle d'Atri ^ aujourd'hui à
La Chapelle et ne pourrai voir M. de Cordes que ven-
dredi, à ce qu'il me vient de mander.
Voici la lettre de Madame la comtesse de Maure.
5. Marie- Angélique d'Atri, née en 1617, fut élevée au Port-Royal.
Elle y connut Saint-Cyran et lui ouvrit plusieurs fois sa conscience.
Elle traversa dans sa jeunesse une crise terrible dont nous aurons
l'occasion de parler plus loin. Son aversion des choses de Dieu était
telle qu'on la crut possédée du démon et que l'official de Paris
chargea saint Vincent de l'exorciser. Peu après sa guérison, elle
fut mise dans un couvent de Dominicaines, d'où elle ne tarda pas
à passer chez les Bénédictines du monastère récemment fondé
à Picpus-les-Paris. Elle y était déjà le 19 juin 1638 et s'y
trouvait encore en 1639, étudiant toujours sa vocation. Le 19 juin
1638, elle comparut devant le tribunal chargé d'enquêter sur Saint-
Cyran. Dans sa déposition, qu'a publiée le jésuite François Pinthe-
reau (Les reliques de messire Jean du Verger de Hauranne, abbé de
Saint-Cyran, Louvain, 1646, in-8, p. 421), elle déclara que son hu-
meur mélancolique, jointe à certaines maladies, la portait aux scru-
pules. L'attrait qu'elle ressentait pour la vie religieuse, voie dans la-
quelle la poussait Saint-Cyran, était combattue en elle par sa répu-
gnance à prendre des engagements. En 1639 ou peu après, elle re-
tourna à Port-Royal et y fit bâtir près de l'église un petit ermitage,
qu'elle habita jusqu'à la dispersion, en 1669. Elle termina ses jours
le 21 octobre 1676 près de Forcalquier, où elle s'était retirée. Jansé-
niste ardente, elle consacra une partie de son immense fortune aux
œuvres du parti. Son esprit était peu pondéré et sa volonté indécise.
Saint-Cyran lui a écrit plusieurs lettres de Vincennes.
— 421 —
290. - A LOUISE DE MARILLAC
[Janvier 1638 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je pensais vous aller voir ces jours ici, particulièrement
aujourd'hui ; mais m'en voilà absolument empêché.
Je le ferai le plus tôt qu'il me sera possible. Je vous
dirai cependant que je suis en peine de votre âèvre
de la nuit et que je vous prie de vous ménager le plus
qu'il vous sera possible pour Notre-Seigneur et pour son
œuvre. Encore me semble-t-il que vous êtes moins malade
cet hiver que les autres, notamment pendant que vous
étiez demeurante dans la ville ; et c'est ce qui me console
un peu.
Parlons de trois choses. Des petits enfants trouvés.
L'on me presse d'une manière qui n'est pas imaginable,
du côté de M. Hardy ^. Il me rend coupable de tout le
retardement. Mademoiselle du Mée est aux champs. Quel
inconvénient que vous fassiez acheter une chèvre et que
vous continuiez à faire une plus ample expérience ?
La seconde, c'est que l'on nous demande une sœur de
la Charité pour Saint-Germain-en-Laye, où se fait la
mission et où la Charité est établie dès dimanche passé ^ ;
Lettre 290. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite avant la lettre 295, durant la mission
de Saint-Germain-en-Laye.
2. Sébastien Hardy, sieur de la Tabaize, ancien conseiller du
roi et ancien receveur des aides et tailles de l'élection du
Mans, qui laissa à l'œuvre des Enfants trouvés, le 27 janvier 1640,
une rente de cinquante livres tournois. (Arch. Nat., Y 180, fo 208 v°.)
3. Le roi, conseillé par Richelieu, avait choisi, pour donner la mis-
sion, Nicolas Pavillon, qui venait d'être nommé à l'évêché d'Alet.
Le succès fut considérable. Louis XIII alla entendre plusieurs fois
le prédicateur. Des dames de la cour, des filles d'honneur de la reine.
422
c'est pour mettre en train ces bonnes femmes. Que vous
semble si vous y envoyiez Barbe *. Ils ont une raison par-
ticulière là de la souhaiter, à cause des soldats que le roi
désire qui soient assistés ; et faudra une chambre pour
cela, tandis que la cour y sera. Oh ! que je souhaiterais
que vous y puissiez aller ! Mais quoi ! Notre-Seigneur
tire plus de gloire de vous comme vous voilà. Revenons
à Barbe. Lui pourrez-vous donner une compagne, ou si
vous l'enverrez seule ? Le premier serait le meilleur. En
aurez-vous en ce cas une autre pour Saint-Jacques ^.
Je ne sais que vous dire de celle de Saint-Paul ^, sinon
que j'ai peur que vous excitiez du murmure. L'esprit de
Marguerite a quelques retours parfois. J'ai écrit à M. de
la Salle qu'il me mande si cette hlle pourra utilement
faire l'école. En tout cas, ce n'est que pour un temps ; l'on
en aura besoin pour Richelieu.
La troisième chose regarde Marie, de Saint-Laurent '.
Son père m'a fait des instances fort grandes pour la re-
assidues jusques-là aux assemblées mondaines, ne se montrèrent plus
au milieu des courtisans. Une confrérie de la Charité fut instituée.
Elles donnèrent leur nom. On les vit, modestement vêtues, visiter et
servir, à tour de rôle, les pauvres et les malades. Les seigneurs de
la cour, mécontents, firent entendre au roi que la fréquentation des
malades par des personnes qui approchaient la reine de très près était
un danger pour la famille royale. Le roi s'émut ; mais la reine prit
la défense de ses dames et demoiselles d'honneur. Les seigneurs cher-
chèrent alors à déconsidérer Pavillon. Ils racontèrent à Louis XIII
que le prédicateur l'avait comparé à la bête de l'Apocalypse. De leur
côté, les mousquetaires, à l'instigation des courtisans, allèrent se
plaindre de ce que Pavillon leur avait conseillé de se contenter de
leur paye, sans rien exiger de leurs hôtes. Pavillon dut se défendre.
Il le fit en un long mémoire ; et comme le mémoire ne suffisait pas,
il pria le roi de s'en rapporter au jugement de la Sorbonne, qui
lui donna gain de cause. (Etienne Dejean, op. cit., p. 15, note 2.)
4. Barbe Angiboust.
5. Saint-Jacques-de-la-Boucherie, paroisse de Paris. La Charité ne
fut établie que plus tard à Saint-Jacques-du-Haut-Pns.
6. Paroisse de Paris.
7. La paroisse sur laquelle se trouvait Saint-Lazare.
— 423 —
prendre ; le trouvez-vous bon ? Si cela est, faites-lui dire
qu'elle me parle.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Je salue Madame Pelletier. Madame la chancelière *
travaille pour elle. Madame de Chaumont ^ est supé-
rieure de Saint-Germain-en-Laye.
Suscriftion : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
291. — LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT
\_ij janvier 1638 ^.]
Monsieur,
Notre procureur de la Charité et les sœurs font aujourd'hui
des merveilles four la fête du Saint Nom de Jésus ; ils ont
désiré, mais eux-mêmes, que je vous envoyasse suf-plier de
leur faire avoir une exhortation -pour vê-pres ; elles ne se di-
ront pas plus tôt qu'à deux heures et demie. Ils désireraient
bien Monsieur de la Salle ; mais s'il ne se peut ils en vou-
draient bien un autre ; je joins ma prière à la leur, afin qu'ils
soient encouragés à la persévérance.
Je crois que vous savez que notre sœur Barbe - est ici et
qu'elle et moi sommes tantôt bien fortes. Je crois qu'il serait
bien bon qu'elle eût l'honneur de vous voir avant d'aller ; ne
faut-il point penser au petit ameublement qui lui sera néces-
saire ?
Ne vous mettez point en peine, s il vous plaît, pour la itour-
rice des petits enfants, lesquels nous n'avons point encore, car
la nôtre suffira bien pour le temps que vous marquez, et plus.
Je suis en Varnour de Jésus, M onsieur , votre très humble
fille et très obligée servante.
L. DE M.
Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.
8. Madame Séguier.
9. Marie de Bailleul, dame d'honneur d'Anne d'Autriche, épouse
de Louis de Chaumont, seigneur d'Athieules, et sœur de Nicolas de
Bailleul.
Lettre 291. — I.. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre, écrite le jour du Saint Nom de Jésus, est à sa
place entre les lettres 290 et 295.
2. Sœur Barbe Angiboust.
— 424 —
292. — A LA MÈRE DE LA TRINITÉ
Ma très chère Mère,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Voici Monsieur du Coudray, l'un de nos missionnaires,
qui s'en va vous trouver, avec le projet du contrat de la
fondation de Monseigneur de Troyes \ Monsieur le com-
mandeur ^ a trouvé à propos d'en user de la sorte. C'est
Lettre 292. — L. a. — Original à la Visitation de Troyes.
1. René de Breslay, évêque de Troyes, avait tenté dès 1621, avec
le concours d'Adrien Bourdoise et sur les instances de la Mère de
la Trinité, de fonder une maison de missions dans sa ville épisco-
pale. En 1637, le prélat et la prieure du Carmel se sentirent pres-
sés intérieurement de reprendre le projet abandonné. Ils en parlèrent
à M. de Sillery, titulaire de la commanderie de Troyes, et il
fut décidé qu'on demanderait des missionnaires à saint Vincent.
L'accord fut conclu le 3 octobre 1637 au parloir du Carmel, où se
trouvaient réunis l'évêque de Troyes, saint Vincent et la Mère de la
Trinité. Le nouvel établissement devait s'ouvrir le 17 février 1638
au plus tard et recevoir dès le début un personnel de six prêtres et de
deux frères, le nombre des prêtres pouvant être de quatre
jusqu'en 1641, s'il y avait impossibilité d'en procurer davantage. Les
missionnaires avaient à évangéliser les localités du diocèse où l'évêque
de Troyes jugerait bon de les envoyer et, de cinq en cinq ans, les
terres de la commanderie. Le prélat leur assurait une rente annuelle
de 2.000 livres et le commandeur la moitié de cette sommo. Ce contrat
demandait à être complété. M. de Sillery donna aux pri'tres de la
Mission le 19 janvier plusieurs fonds et propriétés, dont il se réserva
l'usufruit , il promit de plus de leur \erser tous les ans cent livres
tournois. Mgr de Breslay remplit ses engagements, le 12 mars, en
faisant don à la Mission d'une niaison de douze cents livres de re-
venuj sise à Paris, grande rue du faubourg Saint-Michel, et d'une
somme de six cents livres, dont il ne versa d'abord que la rente. Il
était stipulé dans ce nouveau traité que les missionnaires prépa-
reraient les ordinands aux ordres pendant dix jours et recevraient
chez eux les curés pour les exercices spirituels, un à un et en dehors
du temps consacré aux ordinands. A la date où fut écrite la lettre
ci-dessus, le contrat du 12 mars n'était encore qu'à l'état de projet ;
c'est celui que saint Vincent a ici en vue. (Arch. Nat. MM 534 ;
A. Prévost, Saint Vincent de Paul et ses œuvres dans le diocèse de
Troyes, Troyes, 1896, in-12.)
2. Le commandeur de Sillery.
— 425 —
l'œuvre de vos mains. Il a plu à sa divine Majesté de
vous donner grâce pour cela. J'espère, ma chère Mère,
que vous la nous obtiendrez pour le servir selon son des-
sein. O ma chère Mère, combien de belles pierres pré-
cieuses vous ajoutez à la couronne que Notre-Seigneur
vous va façonnant ! Certes, le nombre en sera aussi
grand qu'il y aura des âmes qui seront sauvées par
ce moyen ; mais à ce que les péchés et les misères de
cette pauvre et chétive compagnie et particulièrement
les miens ne soient point à empêchement à l'œuvre de
Notre-Seigneur, je vous supplie, ma chère Mère, de lui
demander ou qu'il nous ôte du monde, ou qu'il nous fasse
tels que nous lui puissions rendre les services que sa di-
vine bonté attend de nous. Je ne vous fais point de re-
merciement de tout cela. Dieu seul est digne de le vous
faire et d'être votre remerciement lui-même. Je dis la
même chose à votre sainte communauté, qui a tant prié
et fait de pénitence pour cela. Je vous offre, à vous et à
elle, ma perpétuelle recormaissance de cette grâce que
vous nous avez faite, ma chère Mère, et une soumission
éternelle à vos volontés, qui sont celles de Notre-Sei-
gneur même, en l'amour duquel je suis et celui de sa
sainte Mère, ma très chère Mère, votre très humble et
obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 22 janvier 1638.
Monsieur du Coudray a ordre de faire tout ce que
vous, ma chère Mère, lui ordormerez. Commandez donc,
ma chère Mère, et vous serez obéie.
Suscription : Ma Révérende Mère de la Trinité, supé-
rieure du monastère second des Carmélites de Troyes.
— 426 —
293. — A LAMBERT AUX COUTEAUX, PRÊTRE DE LA MISSION,
A RICHELIEU
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai reçu la vôtre du 24 de ce mois, qui m'a fort con-
solé, pource qu'il plaît à Dieu que vous vous portiez si
bien, et que M. Perdu est revenu de ses trois accès de
ûèvre.
J'ai été fort aise d'être éclairci de l'affaire de Toul.
J'y ai envoyé M. du Coudray, avec pouvoir de traiter
le différend \ M. Midot ^ porte fort nos intérêts. Il désire
Lettre 293. — L. a. — Dossier de Turin, original.
1. Pour comprendre a l'affaire de Toul », il faut remonter à l'ori-
gine de l'établissement fondé dans cette ville. L'Ordre du Saint-Es-
prit, auquel Néméric Barat, maître échevin de Toul, avait, en 1238,
confié un hôpital qu'il venait de bâtir pour orphelins et infirmes,
n'était plus représenté en cette ville en 1635 que par maître Domi-
nique Thouvignon et par deux religieux. Dominique Thouvignon
résigna son bénéfice en faveur de l'évêque Charles de Gournay,
moyennant une pension de deux mille livres barrois. Ce dernier
l'offrit aux prêtres de la Mission, et Jean Dehorgny en devint titu-
laire par acte royal de mai 1635. Lambert aux Couteaux et Colée
y furent placés et y remplirent les fonctions de leur état : missions,
conférences ecclésiastiques, retraites. Le 16 juin, par une convention
à l'amiable, les deux frères du Saint-Esprit cédèrent à Jean Dehorgny
tous leurs droits sur la maison et l'hospice, moyennant une pension
de six cents livres barrois et certains avantages. L'hôpital prenait
aux missionnaires une grande partie d'un temps qu'ils auraient désiré
consacrer aux missions. Sur leur demande, il fut statué, le 17 mars
1637, que l'évêque, le lieutenant du roi et le maître échevin, l'ad-
ministreraient par deux délégués de leur choix et qu'à la Mission
serait dévolu le tiers des meubles et immeubles gérés avant 1635
par les frères du Saint-Esprit. Le partage fut l'occasion de nombreu-
ses contestations pendant quatre ou cinq ans. (Histoire des diocèses
de Toul, de Nancy et de Saint-Diê, par Eugène Martin, Nancy, 1900-
1903, 3 vol., in-8, t. II, p. 208 et suiv.) En décembre 1657, le roi
supprima la commanderie du Saint-Esprit de Toul et l'unit à la con-
grégation de la Mission.
2. Jean Midot, docteur en théologie, conseiller au parlement de
Metz, grand archidiacre, chanoine et vicaire général de Toul, était
très considéré en cour de Rome et en cour de Lorraine. Après la
— 427 —
que M. Colée rende compte au chapitre ; et s'il se trouve
qu'il n'y ait point de l'abus de notre côté, il espère faire
joindre le chapitre à nous et de venir lui-même en cette
ville pour les intérêts de leur diocèse. M. le président
Faberolle, qui a charité pour nous, a un peu émoussé la
pointe de la poursuite. S'il n'eût été contraint de s'en re-
venir, il aurait pu remédier à cet affaire, lequel j'aban-
donnerais volontiers, n'était que nous sommes obligés de
justiûer qu'on nous blâme à tort d'avoir mésusé de ce
bien. C'est l'avis du bon M. de Cordes et de M. de
Sainte-Marthe. Nous avons demandé l'évocation ^, selon
le désir dudit sieur Midot. L'on m'a dit tantôt que M. le
chancelier * a refusé de sceller les lettres. Benedictus
Deus !
J'ai été bien aise d apprendre la description de ce
petit prieuré. M. des Roches ^ m'a dit qu'il le nous voulait
donner ; mais cela n'est pas encore fait. Vous me ferez
plaisir de me mander si l'on le vous a dit d'ailleurs. Béni
soit Dieu de ce que vous dites qu'il peut défrayer la
maison de pain et de vin !
Je voudrais aussi savoir si les coches de Loudun sont
à 5.000 livres ; ils ne sont baillés que pour 4.500 livres
par la fondation. Peut-être se sont-ils raffermis depuis
Je tiendrai la main au bâtiment ^ ; mais je voudrais
mort de Charles de Gournay, il gouverna le diocèse en qualité de
vicaire capitulaire. Au témoignage de Collet [of. cit., t. I, p. 291,
note), sa famille conservait au XVIII'^ siècle plusieurs des lettres que
saint Vincent lui avait adressées. Une seule nous est connue. Jean
Midot est l'auteui de Mémoires sur les évêques de Toul restés ma-
nuscrits.
3. Dessaisissement du tribunal local et transfert de la connaissant'
du procès au parlement de Paris.
4. Pierre Séguier.
5. Michel le Masle, prieur des Roches, près Fontevrault, secré-
taire du cardinal de Richelieu, chanoine et chantre de N.-D. de
Paris. Cette dernière qualité le rendait coUateur, juge et directeur
des petites écoles de Paris.
6. Le cardinal de Richelieu s'était engagé par une des clauses du
— 428 —
bien savoir si le défaut est aux matériaux ou à l'ouvrage,
ou que vous les souhaitiez plus exhaussés. Un mot de
cela, s'il vous plaît ?
Cette grosse cure me fait peur \ In nomine Domini !
Je loue Dieu de la mission que vous faites parmi les
prisonniers, qui me font très grande compassion. Mais
prenez garde, s'il vous plaît, de n'y pas aller à jeun.
Pour le collège que désirent les habitants, ipsi vide-
rint ^ Mais pour le neveu de ce bon chanoine, ô Jésus !
Monsieur, prenez-le.
J'ai oublié de donner ordre pour avoir des fers à
pains à chanter ®.
Venons à ceux qui vous doivent aller trouver. Nous
vous en envoyons trois d'ici et MM. Codoing et Durot,
qui vous doivent aller trouver du Dauphiné, où ils sont.
J'espère que vous les aurez dans dix jours. Notre-Sei-
gneur a beaucoup béni leur travail en ce pays-là. Ceux-
ci sont Messieurs Buissot ^°, Benoît ^^ et Gourrant ^^
Vous pouvez retenir auprès de vous à Richelieu Mes-
sieurs Buissot ou Benoît et M. Gourrant, et envoyer l'un
de ceux-là à la Mission de Luçon. J'estime qu'il est ex-
contrat à faire élever un bâtiment pour les missionnaires et les ordi-
nands ou retraitants que ceux-ci devaient hospitaliser.
7. La cure de Richelieu. Elle n'était pas encore érigée. Le cardinal
avait promis de l'annexer à la Mission.
8. Le cardinal projetait de doter sa ville de Richelieu dun ma-
gnifique collège. Il exposa ses idées à Louis XIIL qui en autorisa la
fondation par deux déclarations, du 20 mai et du 11 septembre 1640.
(Bossebœuf, o-p. cit., p. 321 et suiv.)
9. Fers pour faire des hosties.
10. Nicolas Buissot, né à Allainville (Seine-et-Oise), reçu dans la
congrégation de la Mission en 1630, ordonné prêtre en 1632.
11. Benoît Bécu, né à Braches (Somme) le 21 mars 1602, ordonné
prêtre en 1627, reçu dans la congrégation de la Mission le 14 mai
1637. Il alla fonder en 1639 l'établissement de La Rose et revint
quelques mois après à Richelieu, où il était encore en 1646.
12. Ce nom ne se trouve pas dans le catalogue du personnel. Il est
fort probable que M. Gourrant resta peu de temps dans la congréga-
tion de la Mission.
— 429 —
pédient que vous employiez Messieurs Codoing et Durot
dans le duché de Richelieu.
M. Gourrant chante la musique, M. Benoît et M. Buis-
sot savent entonner les psaumes. M. Benoît fait utile-
ment le catéchisme. Tout le monde demeure d'accord
que le fruit qui se fait à la Mission est par le caté-
chisme ; et une personne de qualité disant dernièrement
cela, ajouta que les missionnaires s'étudiaient tous à
bien prêcher et qu'ils ne savaient point faire le caté-
chisme, et dit cela en ma présence et celle d'une bonne
compagnie. Au nom de Dieu, Monsieur, avertissez de
ceci la compagnie de delà. Ma pensée est que ceux qui
travailleront doivent l'un faire le grand et l'autre le pe-
tit catéchisme seulement, et parler deux fois par jour. Et
l'on peut rapporter au catéchisme des moralités " pour
toucher ; car, comme j'ai dit, l'on remarque que tout le
fruit vient de là.
Nous avons fait ici quelques conférences touchant la
manière comme il se faut prendre pour enseigner les vé-
rités controversées ; et me semble que ces Messieurs l'en-
tendent passablement, pour le moins les trois premiers.
Ils ont appris aussi la méthode de M. Véron par lui-
même. Je vous prie. Monsieur, d'en conférer tous les
jours ensemble et de dire à M. Perdu que je le prie de
rafraîchir sa mémoire sur cela, en sorte que, quand ils
partiront de Richelieu, ils sachent comme il faut hum-
blement et familièrement enseigner ces vérités. Qu'ils se
souviennent qu'ils ne vont pas là pour les hérétiques,
mais que c'est pour les pauvres catholiques, et que si
néanmoins, chemin faisant, l'occasion d'instruire quel-
qu'un se présente, qu'ils le fassent doucement et humble-
ment, montrant que ce qu'on leur dit vient des entrailles
de compassion et de charité et non d'indignation. Je ne
13. Moralités, histoires édifiantes.
— 430 —
leur saurais proposer un meilleur exemple que le vôtre
et celui de M. Soufliers. Un seigneur de ces quartiers-là
m'a dit que vous vous y preniez justement comme il fal-
lait pour instruire les catholiques et les huguenots par
eux, et pour les édifier les uns les autres. Je vous prie,
Monsieur, de leur dire ceci et surtout qu'ils ne donnent
jamais aucun défi, aux ministres, ni à qui que ce soit,
pour quelque occasion que ce soit.
Ces Messieurs partiront demain par le coche de Poi-
tiers, comme je pense, car [il] '■^ s'oblige de les amener
à quatre lieues de Richelieu. J'ai pourtant baillé la pré-
sente au messager de Champigny, à ce que vous ayez
avis de leur départ et que vous donniez à les loger.
Vous me dites que vous manquez de meubles. Je vous
enverrai une lettre de crédit pour prendre jusques à
mille livres à Tours, oii vous pourrez faire provision
des meubles qu'il vous faudra.
Si vous pressentez qu'on vous veuille assujettir à des
choses outre nos bulles, priez Monseigneur de Char-
tres ^^ de trouver bon que vous m'en donniez avis, si vous
n'y pouvez remédier à l'heure même ; que si après tout
il n'y a point de moyen, sk nomen Domini benedictum !
Je suis, en son amour, à M. Perdu, que j'embrasse, et
à vous, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre
très humble serviteur.
Vincent Depaul.
De Saint-Lazare, ce 30 janvier 1638.
Dieu bénit beaucoup la mission qui se fait à présent à
Saint-Germain ^^, où est la cour.
Au bas de la première -page : M. Lambert.
14. Mot oublié dans l'original.
15. Léonor d'Estampes de Valençay, évêque de Chartres de 1620 à
1641, puis transféré à Reims.
16. Saint-Germain-en-Laye.
— 431 —
294 — A ANTOINE LUCAS
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Vous avez bien fait, Monsieur, de ne pas accepter
les offres de M. le vicomte de Soudé \ et ferez bien de
n'écouter jamais la proposition de nous nourrir ; c'est
une règle fondamentale de notre petit Institut. Or sus,
je suppose que vous avez ainsi achevé avant la réception
de la présente et que vous irez faire ensuite les visites
que vous me dites que vous désirez faire aux lieux que
vous avez été. Mais, cela fait, Monsieur, je vous supplie
de vous reposer à Montmirail jusques à ce que vous ayez
repris vos forces, pour recommencer à travailler aux vil-
lages qui dépendent de Montmirail et du diocèse de
Troyes ; et puis nous verrons si Monseigneur de Sois-
sons ^ agréera que l'on travaille dans ceux de son dio-
cèse. Je ne vois pas de moyen de le faire ce carême dans
la ville, à cause qu'il ne nous a pas voulu donner la
station.
Que vous dirai-je de ce bon, mais fâcheux garçon,
sinon que je suis affligé de ce qu'il s'est tant oublié
que de vous tenir les discours que M. du Chesne ^ me
Lettre 294. — L. a. — Dossier de Turin, original.
1. Desbordes, auditeur des comptes. Saint Vincent disait un jour
de lui : « Cet homme-là aime Dieu plus que je ne vous saurais dire,
mais d'un amour sensible ; c'est de plus un homme qui a une grâce
merveilleuse pour accorder les différends. »
2. Simon Le Gras (1624-1656).
3. Pierre du Chesne appartenait à la congrégation de la Mission de-
puis quelques mois seulement. Ce fut un des meilleurs missionnaires
de saint Vincent, qui lui confia la direction des maisons de Crécy
(1641-1644), des Bons-Enfants (1644), de la Mission d'Irlande et
d'Ecosse (1646-1648), de Marseille (1653-1654) et d'Agde (1654) et
l'appela aux deux assemblées générales convoquées à Saint-Lazare de
son vivant. Pierre du Chesne mourut à Agde le 3 novembre 1654.
- 432 —
mande qu'il vous a faits et que votre piété vous fait
taire ? Or sus, je n'y vois point d'autre remède que de le
nous renvoyer ; mais comment ferez-vous d'un garçon ?
En trouverez-vous point quelqu'un à Montmirail ou en
Champagne en le payant ? Je vous supplie, Monsieur,
d'en prendre un, si vous en trouviez ; sinon, nous tâche-
rons de vous en envoyer un de céans.
J'écrirai, s'il m'est possible, à M. du Chesne. Mais voici
qu'on m'en vient ôter le moyen. Vous lui direz, en tout
cas, que j'ai été fort consolé de sa lettre et que je ne
manquerai point de lui écrire à la première occasion.
La mission de Saint-Germain-en-Laye, où est la cour,
s'avance, et Dieu la bénit beaucoup. Je viens de voir ce
que M. de la Salle* écrit à M. Dehorgny, qui est de dire
au séminaire ^ que sans ce secours plusieurs milliers
d'âmes seraient péries.
Je vous prie de prier et faire prier pour la grossesse
de la reine.
Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre
très humble serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 30 janvier 1638.
Suscription : A Monsieur Monsieur Lucas, prêtre de
la Mission, étant de présent à Soudé ou au Mesnil ou à
Bergues ®.
4. Jean de la Salle était du nombre des missionnaires employés à
Saint-Germain.
5. Au séminaire interne de Saint-Lazare. Saint Vincent l'avait ou-
vert en juin 1637 et en avait confié la direction à Jean de la Salle,
que Jean Dehorgny remplaçait provisoirement. Les prêtres de la Mis-
sion appellent séminaire interne ce que les religieux appelleraient
noviciat.
6. Localité de l'Aisne.
— 433 —
295. — A LOUISE DE MARILLAG
[Février 1638 ^]
Mademoiselle.
La grâce de Xotre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Voici une lettre de la Mère Arbiste. Monsieur de la
Salle m'a mandé l'arrivée de vos filles ^ et qu'il les pré-
senterait hier aux sœurs de la Charité ^. Madame Chau-
mont lui dit qu'elle leur baillerait un écu pour commen-
cer à se nourrir. Je lui dis qu'il n'était pas besoin, qu on
y pourvoirait d'ailleurs. Donnez-moi un mot d'avis, je
vous en prie.
Mademoiselle Hardy me presse toujours pour assem-
bler les dames qui lui ont donné parole de contribuer.
Si je ne le fais, je la contristerai beaucoup ; si je le fais,
c'est contre mon sens. Je doute que cela réussisse en la
manière que les choses sont ; car elle entend que ces
dames aillent à la maison des enfants trouvés "* et que
tout se fasse là dedans et selon l'ordre qui y est établi ;
et ma pensée est qu'il vaudrait mieux abandonner le
fonds de cette maison établie que de s'assujettir à tant
de comptes à rendre et de difficultés à franchir, et faire
un établissement nouveau et laisser celui-là comme il
est, pour le moins pour quelque temps. Que vous en
semble ? Si je pensais qu'elle voulût acquiescer à l'essai
que vous proposez d'une nourrice et de quelque chèvre
chez vous, baste !
Lettre 295. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite au moment de l'arrivée des Filles de la
Charité à Saint-Germain-en-Laye, peu de jours après la lettre 290.
2. Barbe Angiboust et une compagne.
3. Aux dames de la Charité de Saint-Germain-en-Laye, dont Ma-
dame de Chaumont était présidente.
4. La Couche.
28
— 434 —
L'affaire de votre Charité ^ me tient au cœur et ai
quelque remords parfois de n')' pomt travailler ; mais
il m'est impossible. L'affaire du Temple consomme tout
mon temps et je serai encore quelques jours en cet embar-
ras ®. Quand je vois cela, je pense que la Providence ne le
permet pas en vain. Je ne vois rien de plus commun que
les mauvais succès des choses précipitées. Croiriez-vous
qu'il est déjà arrivé accident en cet établissement des
filles de Montmorency ^, lesquelles avaient déjà obtenu
5. L'établissement de la Charité à La Chapelle.
6. L'établissement d'un séminaire dans la maison du Temple à
Paris. « Ce bon dessein, écrit Abelly (of. cit., chap. xxxii, i" éd.,
p. 151), n'eut pas tout l'effet qu'on en espérait, quoique M. Vincent
eût été prié de s'y appliquer et que pour cela il eût fait quelque
séjour dans le Temple, parce que, n'ayant pas eu la liberté d'y agir
à sa façon, il n'y put pas réussir comme il eût bien désiré. » a Une
des premières et des plus fortes pensées » du commandeur de Sil-
lery fut, écrit-il lui-même {Vie de V illustre serviteur de Dieu Noël
Brulart de Sillery, p. 109) , « de travailler au salut des âmes, tant
par l'établissement des séminaires, que par les visites exactes des
cures, églises et peuples qui sont dans l'étendue du grand prieuré
de France commis à la juridiction et conduite » du Temple. Il
consulta à cet effet les Pères Gibieux et de Condren, de l'Oratoire,
le P. Binet, jésuite, la R. Mère de la Trinité et surtout, laissons-lui
la parole, « un grand serviteur de Dieu auquel Notre-Seigneur m'a,
en son amour, donné une entière confiance, et qui, par la grande
estime et révérence qu'il a dès longtemps en son âme de la profession
expresse et principale de notre Ordre d'exposer sa vie pour la dé-
fense et propagation de la foi, a une singulière dévotion à tout ce
qui concerne le bien et le service de notre religion. Ce saint person-
nage m'a, par tous ses sages conseils, continuellement et fortement
incité, exhorté et conforté de considérer profondément, pour la
gloire de Dieu, l'utilité que plusieurs personnes recevront de cet
emploi ». Ce saint personnage était, on le devine, le directeur du
commandeur, Vincent de Paul. Le grand prieur de France donna
au commandeur de Sillery les pouvoirs de vicaire général, pour
qu'il pût plus librement mener à bonne fin son entreprise. Mais le
commandeur n'avait pas l'esprit temporisateur de saint Vincent ; il
ne savait pas, autant qu'il l'aurait fallu, profiter des leçons de l'ex-
périence. Des oppositions surgirent dans son Ordre même, et il dut
tout abandonner. Une vde ses lettres au grand maître, datée du
22 juin 1638, montre avec quelle générosité et quelle héroïque résigna-
tion il accepta cette pénible épreuve. (Ihid.^ pp. 107-122.)
7. Aujourd'hui chef-lieu de canton en Seine-et-Oise. On y avait
fondé un établissement en 1636 pour recueillir et élever les filles nées
— 435 —
la permission de la clôture, ont une maison, une chapelle
et tout ce qui s'ensuit ; et cependant l'on pense qu'il est
nécessaire d'appeler des religieuses à leur place ; et si
cela dépendait de moi, je le ferais. Tout ceci soit dit à
votre cœur seulement et non à qui que ce soit autre.
Le bon M. le curé de La Chapelle * doit venir dîner
céans aujourd'hui avec son frère pour aviser à ce qu'il
faudra faire à son indisposition, car le voilà reconnu
pour tel que vous craigniez. O mon Dieu, qu'est-ce que
de nous !
Madame Goussault avait avant-hier une âèvre qu'on
craignait continue. Ayez soin de votre santé, je vous en
supplie.
Je suis V. s.
V. D.
L'on me violente pour la précipitation de l'affaire du
Temple, duquel j'appréhende la chute prochaine. Je le
dis et le redis, et néanmoins l'on passe par dessus. L'hu-
milité m'oblige à déMrer, et la raison me fait appréhen-
der, hi nomine Domini !
296 . — A LOUISE DE MARILLAC
De Saint-Lazare, ce mardi matin [1638 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
d'une union coupable. La Compagnie du Saint-Sacrement s'intéressait
à cette œuvre. Elle avait pris à sa charge la pension d'une maîtresse
et reçu, en échange de ses libéralités, le droit d'y envoyer douze pe-
tites filles par an. (René de Voyer d'Argenson, of. cit., p. 69.)
8. Jean Paradis, mort en mai 1646.
Lettre 296. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. La phrase « Il faut un peu penser au moyen de faire apprendre
à faire les écoles aux filles » nous permet de conjecturer que cette
lettre a précédé de très près la lettre 297, où Ton trouve la solution
proposée par Louise de Marillac.
— 436 —
Je vous renvoie les papiers -, et vous les renverrez au
plus tôt, s'il vous plaît, et ferez en sorte qu'on vous en
délivre une copie signée.
Si vous n'aviez les clefs, vous les ferez prendre céans.
Madame Pelletier me vient de parler de ses meubles ;
elle désirerait qu'on les mît dans quelqu'autre petite
chambre. Elle ne parle point de les mettre ailleurs. Je
lui ai dit que nous en parlerions et qu'il faut tendre à
rendre toutes choses commîmes et à ôter les particula-
rités. Or, ce langage lui semble un peu nouveau.
Cette bonne femme du Mans me paraît infirme. Elle
a bien fait des conditions et des demeures.
Il faut un peu penser au moyen de faire apprendre à
faire l'école aux ûlles. Celle-ci dit qu'elle les a faites en
cette ville et ailleurs. Il faut voir si l'on en essayera.
Bonjour, Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
297. — A LOUISE DE RÎARILLAC
[1638 1.]
Mademoiselle.
La grâce de Xotre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Béni soit Dieu de ce que votre indisposition n'est pas
grande ! Je vous prie de faire ce que vous pourrez pour
vous bien porter.
J'espère aller samedi à La Chapelle.
Nous avons arrêté votre mémoire pour les Enfants
trouvés en deux assemblées avec les officières de la Cha-
2. Probablement des papiers relatifs à l'établissement des Enfants
trouvés.
Lettre 297. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Cette lettre est des tout premiers commencements de l'œuvre des
Enfaiits trouvés.
— 437 —
rite de l'Hôtel-Dieu ; et dimanche prochain nous com-
muniquerons l'arrêté, que je réduirai en manière de rè-
gle, à Madame Pelletier, pour voir si elle s'y veut assu-
jettir ; ce sera chez Madame Goussault en présence des
officières. Toute la compagnie trouve nécessaire que
cette maison-là dépende de la supérieure des Filles de la
Charité, comme je vous ai écrit, et que vous y alliez pas-
ser sept ou huit jours, si votre santé le vous permet.
Les dames vont aujourd'hui à l'Hôtel-Dieu. Je vous
prie d'offrir leurs personnes et leurs travaux à sa divine
Majesté.
Je n'attends pas grand'chose de cette manière de
communiquer des Ursulines avec vos filles ^. Vous les y
enverrez néanmoins, s'il vous plaît.
Je pense qu'il vaut mieux retenir cette fille auprès de
vous pour quelque temps et de la faire voir, avec celle
de Nogent, à Madame Goussault. Il n'est pas besoin de
lui envoyer celle de Saint-Marceau ^, puisque déjà elle
est en exercice.
Je vous souhaite le bonjour et suis, en l'amour de
Notre-Seigneur, v. s.
V. Depaul.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
298 . — LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT
[1638 \]
Après avoir parlé des manœuvres auxquelles se livrait Ma-
dame Pelletier auprès des autorités ecclésiastiques et judiciai-
res pour écarter saint Vincent et les dames de la Charité de
2. Voir la lettre 296.
3. Quartier de Paris.
Lettre 298. — Mgr Baunard, of. cit., p. 306.
I. Cette lettre semble devoir être rapprochée de la lettre 297.
— 43» —
Tadministration des Enfants trouvés et demeurer seule maî-
tresse, Louise de Alarillac ajoute : « Mais j ai confiance que le
hon Dieu saura tirer sa gloire de ce fâcheux rencontre. ] e l'en
suf-plie de tout mo7i cœur et qiCil vous donne la santé four ce
même sujet. J'es-père de votre bonté que vous nous rendrez
fartici-pantes du mérite de vos souffrances et saints sacrifices,
puisque vous savez notre besoin. »
299. — A ROBERT DE SERGIS
[Vers le 21 février 1638 1. ]
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai reçu une consolation que je ne puis vous dire de
la bénédiction qu'il a plu à Notre-Seigneur de donner
à votre mission de Montpezat ■ ; mais je vous avoue que
j'ai été et suis bien en peine de ce long et grand travail
de trois mois et crains bien fort que, si vous ne prenez
un notable repos, que vous ne succombiez, et M. Brunet
aussi. Au nom de Dieu, Monsieur, reposez-vous et faites-
vous un peu traiter de votre mal d'œil et du gosier, et
cela, à Aiguillon ou à Agen, si déjà vous ne l'avez fait,
car je crains que dès votre arrivée à Toulouse l'on ne
vous surcharge de travail. De dire de n'y pas retourner,
je le voudrais bien, mais que dirons-nous à Monseigneur
l'archevêque ^, auquel j'ai écrit que vous Tiriez trouver
incontinent après la mission de Montpezat.
Nous avons obligation, d'un autre côté, à une mis-
sion que Monsieur de la Marguerie "^ a fondée en An-
Lettre 299. — L. a. — L'original appartient à Madame la générale
Derrécagaix, 5, rue du Regard, Paris.
1. Cf. lettre 307.
2. Commune du Lot-et-Garonne, arrondissement d'Agen.
3. Charles de Montchal (1628-1651).
4. Elie Laisné, sieur de la Marguerie et de la Dourville, conseil-
ler d'Etat ordinaire. Il avait donné à saint Vincent, le 31 octobre
— 439 —
goumois pour de cinq en cinq ans, qui échoit à Pâqucii.
Si votre petite incommodité ne vous empêche d'aller à
Toulouse, je vous prie de dire à mondit seigneur l'arche-
vêque que je lui demande très humblement pardon si
nous ne sommes pas encore en état de le servir de pied
ferme et sommes contraints de vous employer dans les
rencontres, comme en celui-ci, après Pâques ; auquel
temps vous le supplierez de vous permettre de vous en
aller faire ladite mission à la Marguerie ' et à deux ou
trois autres petits villages qui en dépendent ; et faudra
pour cela que vous descendiez à Bordeaux par la Ga-
ronne et de là à Bourg "^ entre Bordeaux et Blaye ;
et puis de là il faudra aller à Barbezieux, qui en est à
deux journées, et la Marguerie, à deux ou trois lieues.
Mais il faudra donner jusques à Angoulême pour avoii
la permission de M. le grand vicaire, en Tabsence de
M. l'évêque ', qui est auprès de la reine d'Angleterre;
qui m'a prié d'envoyer travailler dans son diocèse, à
l'instance de M. son grand vicaire, auquel vous témoi-
gnerez que j'ai bien du regret de ce que nous ne pour-
rons travailler pour le présent qu'en ces villages-là, et
lui témoignerez beaucoup de reconnaissance de 1 obliga-
tion que nous lui avons.
Je suis si consolé de tout ce que vous me mandez, que
je n'ai pu ne pas vous en reparler en cet endroit, et
ai envoyé celle que vous m'écrivez, à Madame la du-
chesse d'Aiguillon, à laquelle je vous prie d'écrire plus
particulièrement.
1633, deux cents livres de rente sur l'hôtel de ville « à condition
d'envoyer tous les cinq ans trois prêtres et un frère faire des mis-
sions pendant quatre mois, y compris l'aller et le retour, dans le
diocèse d'Angoulême y>. (Arch. Xat. M 211, liasse i.) Il entra dans
les ordres après avoir perdu sa femme et mourut le 3 octobre 1656.
5. Localité de la Charente-Inférieure.
6. Aujourd'hui chef-lieu de canton dans l'arrondissement de Blaye.
7. Jacques du Perron (1637-1646).
— 440 —
Je vous envoie celle que j'écris à Monseigneur l'arche-
vêque de Toulouse ouverte. Si votre indisposition vous
a retenu à Aiguillon, vous la lui enverrez ; si elle vous
trouve à Toulouse, vous la cachetterez et la lui rendrez.
J'écris à M. Mestre pour accompagner quelques lettres
qu'on lui écrit de son pays. Je vous prie de les lui faire '
tenir par voie sûre. C'est son bonhomme de père qui lui
écrit. Je tâcherai d'en faire de même à M. Hopille, qui
suis cependant, en l'amour de Notre-Seigneur, votre très
humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
Suscription : A Monsieur Monsieur de Sergis, prêtre
de la Mission, étant de présent à Aiguillon ou à Tou-
louse.
300. — LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT
[Février 1638 ^]
Monsieur j
Ma sœur Turgis est bien en 'peine de ce que le sergent de la
compagnie de M . de Castillan lui est venu dire qu'il enverra
des soldats loger tant au corps de logis de devant qu'en celui
où logent les enfants. Ils feront bruit. Si vous trouviez bon
qu'y revenant elle fît refus de les loger .^ se faisant fort de Ma-
dame la duchesse d'Aiguillon ou de Madame la chan-
celicre, jusques à ce que votre charité en obtienne défense
de la reine ; ou, si vous jugiez autre chose mieux, s'il
vous plaît lui mander par ce porteur^ si ce n'est elle.
Je suis Monsieur ^ votre très humble et très obligée fille
et servante.
L. DE Marillac.
Ce jeudi.
Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.
Lettre 300. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. 11 est clair que les lettres 300, 301, 302, 303 et 304 se tiennent. La
lettre 303 montre qu'on était en hiver. D'autre part, le changement
de maison pour les enfants trouvés eut lieu au début de 1638.
— 441 —
301. — A LOUISE DE MARILLAC
[Février 1638 ^]
Mademoiselle,
Je viens d'écrire à Madame la chancelière et lui en-
voie votre lettre et une requête que j'ai dressée, au
nom des dames de la Charité de l'Hôtel-Dieu, à Mon-
sieur le chancelier-, lui représentant qu'elles ont loué
une maison pour y loger les Filles de la Charité et les
enfants trouvés, que les habitants vous ont envoyé les
gendarmes^, qu'ils ne peuvent demeurer en votre maison,
où il n'y a point d'homme, sans danger de la pureté des
ûlles, ni sans scandale ; que, ce considéré, il lui plaise de
faire défense aux habitants d'envoyer lesdits soldats
chez vous et aux soldats d'y aller, et prie Madame de
la présenter à M. le chancelier. Et pource que peut-être
la chose ne pourra pas aller si vite que tout se puisse
faire aujourd'hui, il sera bon que vous envoyiez quérir
M. votre curé et le prier qu'il s'emploie vers les habitants
pour donner un autre logis à ces gendarmes, ou
vers lesdits gendarmes, à ce qu'ils se logent ailleurs,
moyennant demi-écu plus ou moins, pour qu'ils
vous donnent deux jours. Je m'en vas cepen-
dant chez Madame Goussault, à ce qu'elle envoie
M. Grandnom ^ pour hâter la chose.
Monsieur votre fils fait bien. Lui avez-vous envoyé
l'acte ? Il m'a dit qu'il appréhende l'excellence du sacer-
doce, et cela est bon.
Lettre 301. — L. a. — L'original est exposé dans une des salles de
la Société de Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, 6, rue de Furstenberg.
1. Cette lettre répond à la lettre 300.
2. Pierre Séguier.
3. Gendarmes, gens d'armes ou soldats.
4. Rémi de Grandnom, intendant de Madame Goussault.
— 442 —
Faites de bonne heure avec les soldats, s'il vous plaît,
par Al. le curé.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis...
302 — A LOUISE DE MARILLAC
[Février 1638 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je n'ai point vu Jacqueline depuis quelle me dit, il y
a quatre jours, qu'elle la vous amenait pour la voir et
que je lui promis de vous en parler ^.
Je serai sur mes gardes touchant ce vicaire de Nan-
terre et maintenant curé ^ à l'égard de la fille.
Cejourd'hui je tâcherai de voir Madame la duchesse
d'Aiguillon pour vos soldats. Madame la chancelière
n'a pu rien faire.
Il faudra parler de ce logis à Madame Goussault II
serait à désirer que vous fussiez en une autre paroisse
qu'en celle-ci pour bien des raisons.
L'une voie ne cessant pour l'autre, vous verrez si vous
pourrez faire quelque chose par le moyen de ce soldat
que vous pensez, vers son capitaine, et par lui vers M. de
Castelnau ".
Bon jour. Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Siiscri-ption : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
Lettre 302. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Voir lettre 300, note i.
2. Jacqueline désirait présenter à Louise de Marillac une de ses
nièces, qui se sentait appelée à la vocation de Fille de la Charité.
3. Paul Beurrier.
4. Probablement Louis-François de Gourdon-Genouillac, marquis de
Castelnau, capitaine de la compagnie cicossaise ; ou Jacques de Cas-
telnau, mort en 1658 maréchal de France.
— 443 '-
303. — A LOUISE DE MARILLAC
[Février 1638 ^.]
Demain au matin je vous enverrai Monsieur Soufliers
ou M. Bécu pour l'exhortation et la confession.
J'ai vu votre écrit ^ et m'en vas le communiquer à
Madame Goussault, ou lui envoyer.
L'avertissement de ne point railler sur le sujet de ces
petites créatures ^ me semble à propos.
Je vis hier Madame la duchesse d'Aiguillon. Elle m'a
dit qu'elle avait donné charge à celui qui la mène d'aller
trouver M. de Castelnau. J'ai chargé les Filles de la Cha-
rité'' d'en presser M. l'aumônier. Au défaut de cela, il
vaut mieux faire avec le fourrier. Si vous n'envoyez
quelqu'un à M. de Veines, je ne sais qui vous adresser
pour cela. J'espère que nous aurons nouvelle aujour-
d'hui de Madame la duchesse, ou demain je vous
baillerai un homme pour M. de Veines.
Je pense voirement qu'il sera bon que vous alliez pas-
ser quelques jours à cette maison des enfaxits trouvés et
que les hlles viennent une fois le mois à La Chapelle.
Plaise à Dieu me domier le temps de m'y trouver !
Marie, de Saint-Sulpice, a deux tours de lit de linceul.
C'est que la maison est toute neuve et les fenêtres fer-
ment mal. Passé l'hiver, il en faudra faire une règle.
Nous n'en avons point, nous autres.
Bon jour. Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Suscriftion : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
Lettre 303. — L. a. — Original à Amiens chez les Filles de la
Charité de la rue de Beauvais, 127.
1. Voir lettre 300, note i.
2. Peut-être un mémoire concernant l'établissement des Enfants
trouvés.
3. Les enfants trouvés.
4. De l'établissement des Enfants trouvés.
— 444 —
304. — A LOUISE DE MARILLAC
[Février 1638 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Voici de la besogne qui vous vient à l'égard du chan-
gement des petits enfants trouvés et de l'ordre qu'on a
à tenir en leur nouvel établissement. Je vous prie, Made-
moiselle, d'y travailler demain et de m' envoyer samedi
ce que vous aurez fait. J'ai dit à Madame Pelletier qu'on
désire qu'elle ait dépendance de vous pour cette con-
duite. Elle me dit que je lui fasse entendre en quoi elle
devait dépendre des ofûcières et en quels cas de vous.
Il me semble que, pour les choses purement temporelles,
qu'elle doit dépendre de ces bonnes dames ; mais que
pour les spirituelles, comme pour la direction des Elles,
des nourrices, des petits enfants échappés qui croîtront,
que c'est pour cela qu'elle doit avoir relation à vous,
et à cet effet vous donner avis de temps en temps de ce
qui se passera, comme toutes les semaines ou, pour le
moins, tous les quinze jours.
Jacqueline est venue ce matin céans sans me rien faire
dire de sa nièce, mais seulement elle m'a fait demander
la réponse à votre lettre d'avant-hier, que je lui ai fait
dire que je vous &s dès hier.
J'ai écrit à M. l'aumônier " de Madame la duchesse ^
pour vos gendarmes. Il m'a mandé qu'il en parlerait à
Madame et me ferait réponse ; mais, comme il n'y a rien
de certain pour ce qui dépend des grands, l'on m'a dit
Lettre 304. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Voir lettre 300, note i.
2. Dauzenat.
^. La duchesse d'Aiguillon.
— 445 —
qu'aux extrémités il faudrait louer une chambre et une
couchette et leur bailler. Je tâcherai d'y aller demain ou
après, au cas que je n'en aie réponse demain au matin,
et suis cependant, en l'amour de Notre- Seigneur, votre
très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Ce jeudi au soir.
Vous verrez par Tincluse de Madame Goussault son
souhait touchant ce que je vous écris.
Suscription : A Mademoiselle ^lademoiselle Le Gras.
305. — A LOUISE DE MARILLAC
[i8 février 1638 i.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Vous n'avez point encore trouvé des nourrices aux
champs ; c'est pourquoi je pense qu'en attendant vous
ferez bien de prendre celle qu'on vous offre de l'Hôtel-
Dieu et qui est si bonne.
Il me le semble voirement qu'il vous faut un logis plus
aisé, et que les dames feront bien d'en chercher un autre
ou de prendre celui dont vous m'avez parlé.
Il m'est impossible d'aller aujourd'hui aux Bons-En-
fants. J'espère y être demain au dîner et de vous aller
voir de là. Il serait difficile de vous parler parmi tant
Lettre 305. — L. a. — Dossier de la Mission, original.
I. Cette lettre est du début de l'œuvre des Enfants trouvés, c'est-
à-dire de 1638, et par suite du i8 février, puisqu'elle est datée du
jour des Cendres. La lettre 302 montre qu'à cette date Louise de
Marillac cherchait un logement pour les enfants trouves.
— 446 —
de monde au collège. Je verrai. S'il y a lieu, je le vous
enverrai dire.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis, en l'amour de Notre-
Seigneur, Mademoiselle, votre très humble serviteur.
V. Depaul.
Ce jour des Cendres.
306. — A LAMBERT AUX COUTEAUX
De Paris, ce 20 février 1638.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai lu et relu votre lettre du 9 de ce mois avec une
singulière consolation, qui a été un peu tempérée par la
petite indisposition du bon M. Perdu, lequel je ne vous
recommande pas, parce que je suis très assuré que vous
en avez tout le soin possible ; mais qui en a de votre
santé ? Je prie Notre-Seigneur que ce soit lui-même.
J'ai envoyé à Toul la lettre que vous écrivez à M. De-
horgny. Cet affaire s'alentit un peu. Nous sommes en
quelque pourparler avec M. Fleury le neveu, docteur de
Sorbonne \
Je suis bien aise de ce que vous me dites de ce petit
prieuré de M. des Roches-Chamian, des deux fermes et
Lettre 306. — L. a. — Dossier de Turin, original.
I. François de Fleury, du diocèse de Langres, obtint un canonicat
dans celui de Verdun. Il approuva le livre De la fréquente commu-
nion et fut présenté par les jansénistes à la reine Marie-Louise de
Gonzague, dès le départ de celle-ci en Pologne, pour remplir auprès
d'elle les fonctions d'aumônier. Ses relations avec saint Vincent et les
missionnaires envoyés dans ce pays furent toujours excellentes, cor-
diales même, comme on peut le voir par les lettres du saint, qui l'es-
timait beaucoup. Il mourut en France dans les premiers iours de no-
vembre de l'année 1658. Nous avons une partie de sa correspondance
avec la Mère Angélique.
— 447 —
des deux maisons. Puisque la Providence fait rencontrer
ce bon ecclésiastique dedans, il lui faut laisser faire son
temps, faire faire les vignes et réparer ce pan de mu-
railles qui est tombé.
Je men doute bien que les greffes de Loudun sont
au plus haut prix. Béni soit Dieu !
Je serai bien aise de voir cet architecte de Pontoise et
le maçon pour les bâtiments.
Vous avez bien fait de donner un état des meubles
à Monseigneur de Chartres ' et ferez encore bien de faire
faire des chopines et des fourchettes comme les nôtres,
pour commencer le plus tôt que vous pourrez à prendre
les repas en portion.
Oh ! que je suis encore attendri de ce que vous me
dites de la sorte d'approbation qu'a faite Monseigneur
de Poitiers ^ du contrat passé avec Monseigneur le car-
dinal et de ce que vous me mandez que vous vous en
allez à Poitiers remercier ce bon prélat ! Je le suis encore
pour ce que vous me dites de la bonté et de la douceur
avec laquelle Monseigneur de Chartres a traité avec vous
et avec tout le monde. Je l'en remercierai et le dirai en
bon lieu, comme je remercie Dieu de l'attention que vous
avez fait faire à la compagnie à ce que je vous ai dit du
catéchisme et des prédications. Faites-les-en ressouvenir
souvent, s'il vous plaît.
Je trouve fort bien la disposition que vous me dites
que vous faites de la mission : i° dans le duché ;
2" achever celle de Richelieu. Il faudra bien alors établir
la Charité. J'espère vous envoyer une excellente Fille de
la Charité pour cela **. Elle saigne, fait les médecines et
donne les lavements ; c'est celle qui a préféré le service
2. Léonor d'Estampes de Valançay (1620-1641).
3. Henri-Louis Chasteignier de la Rocheposay (1611-1651)
4. Barbe Angiboust.
— 448 —
des pauvres à celui de la grande dame que je vous ai
dite \ Elle est à Saint-Germain-en-Laye, où l'on établit
une notable Chanté, de laquelle sont la dame d'honneur,
celle d'atours et les ûlles de La reine, qui servent
elles-mêmes avec une ferveur admirable. L'on a eu un
peu à souffrir à cette mission à cause des gorges décou-
vertes ; mais il a plu à Dieu d'en tirer de la gloire non
petite.
Au nom de Dieu, Monsieur, qu'on soit bien circons-
pect à l'explication du 6^ commandement. Nous aurons
à souffrir un jour tempête pour cela. Recommandez sou-
vent cela à la compagnie, et à ne rien faire à la proces-
sion que, comme j'ai dit si souvent, tout simplement.
Quant à la qualité que vous prendrez pour les actes
curiaux, qidd si vous mettiez celle de commis à l'admi-
nistration de la cure, en attendant que j'en confère ? Et
pour les aumônes, à chaque mendiant un double^, et
SI l'on le catéchise, deux liards, plus ou moins, selon la
qualité de la personne. Mais, pour les malades, si Mon-
seigneur ne fonde le nécessaire, il faudra y contribuer
quinze ou vingt sols par semaine, que vous pourrez faire
mettre au bassin de celle qui fera la quête. Mais com-
ment ferez- vous pour la rétribution des fonctions cu-
riales ? Je vous envoie deux cents livres, qu'on baillera
demain au messager de Champigny ; et au prochain
voyage nous lui baillerons les fers du pain à chanter.
Voilà M. Codoing et M. Durot à présent à Richelieu.
O ^Monsieur, que Dieu a béni leurs travaux ! Je vous prie
de les embrasser et toute la compagnie pour moi, comme
je fais en esprit avec toute l'humilité et l'affection qui
m'est possible.
La mission de Saint-Germain s'achèvera dans quatre
5. Voir lettre 224.
6. Le double valait deux deniers ; le liard. trois.
— 449 —
jours, avec une bénédiction fort particulière, prévenue
par des petits sujets d'exercer la patience. Oh ! que cela
nous vaudra et que Dieu triomphe là dedans ! M. Grenu
a aussi une particulière assistance de Dieu en Gas-
cogTie et M. de Sergis aussi tout à fait.
La compagnie se porte bien, Dieu merci, et vous salue.
Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre très hum-
ble serviteur.
Vincent Depaul.
Depuis la présente écrite, j'ai pensé qu'il sera bon que
vous preniez la qualité de vicaire de la cure de Richelieu,
en attendant l'union et comme l'on en fera.
Suscription : A Monsieur Monsieur Lambert, prêtre
de la Mission, étant de présent à Richelieu.
307. — A ANTOINE LUCAS
De Paris, ce 21 février 1638.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous fais ces lignes avec un peu de hâte, qui sont
pour vous prier d'avoir soin de votre santé et de celle de
M. Caignet ^ et de vous reposer après ce grand travail,
avant que de recommencer la mission. Et, quand vous le
serez, vous pourrez commencer à travailler dans les vil-
lages qui dépendent du diocèse de Troyes et de Mont-
mirail.
Je vous fis écrire dimanche passé par M. Soufliers et
Lettre 307. — L. u. — Dossier de Turin, original.
I. Le confesseur de Madame Goussault portait ce nom ; c'est de
lui peut-être qu'il est ici que.stion.
29
— 45° —
vous priais alors de la même chos'î et de nous renvoyer
M. du Chesne et qu'en sa place je vous enverrais M. Gal-
lon ; mais, quelque petite incommodité qu'il a ne lui per-
mettant cette petite satisfaction à présent, il s'en re-
tourne à Aumale, où il pourra faire quelque chose à
î'entour ^.
J'ai été chez M. votre frère au pont Saint-Michel ^ pour
le prier d'envoyer celui qui demeure chez M. Belin à la
mission. Mais il me dit que celui-ci n'était pas en ville,
qu'il était encore à Milly ^ et qu'au retour il l'enverrait à
Rueil. Je n'ai pas su qu'il l'ait fait, ni qu'il soit revenu.
Je vous envoie une lettre des Cévennes. La compa-
gnie se porte assez bien, Dieu merci.
La mission de Saint-Germain s'en va achevée avec
bénédiction, quoiqu'au commencement l'on ait eu sujet
d exercer la sainte vertu de patience. Il en est peu de la
maison du roi qui n'ait fait son devoir avec le peuple et
avec une dévotion digne d'édification. La fermeté
contre les gorges découvertes a donné lieu à cet exer-
cice de patience. Le roi dit à M. Pavillon qu'il était fort
satisfait de tous les exercices de la mission, que c'est
ainsi qu'il fallait travailler et qu'il rendrait ce témoi-
gnage partout. J'avais grande difficulté d'envoyer
en ce lieu-là, tandis que la cour y était ; mais. Sa Ma-
jesté m'ayant fait l'honneur de me mander qu'il le dé-
sirait ainsi, il fallut passer par dessus nos difficultés.
Celles qui en ont eu le plus au commencement sont
maintenant si ferventes, qu'elles se sont mises de la Gha-
rité, servant les pauvres en leur jour, et ont fait la
2. Bien que membre de la congrégation de la Mission, Louis Cal-
Ion habitait Aumale, son pays d'origine.
3. Dans Paris.
4. Il existe deux localités de ce nom, une dans l'Oise, l'autre en
Seine-et-Oise.
— 451 —
quête par le bourg en quatre bandes. Ce sont les filles
de la reine.
Messieurs Lambert, Perdu, Buissot, Codoing, Benoît
et Gourrant sont à Richelieu ; Messieurs Grenu et Sa-
vinier dans le duché d'Aiguillon, en Gascogne, où Dieu
leur donne, comme il a fait à M. de Sergis et à M. Bru-
net, une grande bénédiction ; et M. de Sergis s'en re-
tourne à Toulouse, où Monseigneur l'archevêque l'attend
avec grande impatience.
Je finis en me recommandant aux prières de Messieurs
Caignet et du Chesne et je vous supplie. Monsieur, de
donner de nos nouvelles et nos recommandations à Mes-
sieurs Mouton ^ et Boucher ®. J'espère leur écrire mer-
credi et de vous envoyer M. Boudet à la place de M. du
Chesne.
Je suis cependant, en l'amour de Notre-Seigneur,
votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
Je vous prie de payer le port exactement à M. Oc-
tobre ^.
Suscrïftïon : A Monsieur Monsieur Lucas, prêtre de
la Mission, à Montmirail.
308. — A LA MÈRE DE LA TRINITE
Ma très chère Mère,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
5. Jacques Mouton, né à Pontoise, reçu dans la congrégation de la
Mission en 1632.
6. Léonard Boucher, né le 29 août 1610, reçu dans la congrégation
de la Mission le 12 novembre 1632, ordonné prêtre le 23 septembre
1634. '
7. Concierge du château de Montmirail.
Lettre 308. — L. a. — Original à la Visitation de Troyes, original.
— 452 —
Voici encore la plume d'un remerciant, pource que
votre charité nous donne toujours des nouveaux sujets
de ce faire, par tant d'actes de bonté que de jour en jour
le Saint-Esprit vous va suggérant pour notre bien et ce-
lui des âmes de votre diocèse. Vous ne vous êtes pas
contentée, ma chère Mère, de proposer, de conduire et
de mener à chef notre établissement avec tant de soins,
de sollicitudes et de travaux quasi continuels ; vous y
avez ajouté l'offre de votre maison pour notre logement
et l'exercice des ordinands. O ma chère Mère ! que cela
me touche le cœur et qu'il me fait voir l'état d'une âme
vraiment chrétienne et religieuse arrivée au point de la
plus haute perfection à laquelle l'un et l'autre de ces
états peut élever une âme dans l'exercice de la vraie cha-
rité ! A Dieu en soit la gloire, ma chère Mère, qui s'est
ainsi plu de vous élever à im état d'une si grande bonté,
et à nous la reconnaissance éternelle de tant de bien
que vous nous faites incessamment, et à vous, ma chère
Mère, un degré de gloire au ciel répondant à la bonté
que Notre-Seigneur a mise en votre chère âme ! Voilà
la reconnaissance et les souhaits que vous peut faire
l'âme du monde qui vous est la plus obligée, ma chère
Mère, et qui vous tient le plus pour sa très chère et très
aimable mère.
Je vis hier l'un des deux petits logements du devant
de la maison de Monseigneur ^ De vérité, il serait expé-
dient qu'on les eût tous deux à cause des vues et autres
servitudes. Mais quoi ! le logement que nous avons be-
soin à Troyes presse encore davantage, si me semble.
Comment ferions-nous pour cela sans les secours de ce
qu'il plaît à Monseigneur de nous donner ! S'il n'était
I. René de Breslay, évêque de Troyes (1604-1641), avait à Paris,
dans la grande rue du faubourg Saint-Michel, une maison, qu'il offrait
à saint Vincent pour les besoins des missionnaires de Troyes. (Cf.
lettre 292, note i.)
— 453 —
vendu que le prix qu'il vaut, baste ! Mais l'on l'offre pour
6.000 livres, quoique je crains que l'on aura peine d'en
trouver deux cents de louage ; car il n'est point loué.
Un père capucin l'avait pris et y avait mis une bonne
lemme dévote pour y retirer quelques pauvres personnes
nouvellement converties ; mais je ne sais comme cela se
fait qu'il n'y a plus personne que cette bonne femme et
deux pauvres filles, qui s'en vont. D'un autre côté, de
marchander avec notre bienfaiteur, ô Jésus ! ma chère
Mère, il ne le faut pas. C'est pourquoi, sauf votre meilleur
avis, je pense, ma chère Mère, qu'il en faut demeurer là ^.
Monsieur le commandeur n'a point jugé nécessaire de
ratifier la fondation de Monseigneur, pource que mon-
dit seigneur ne le désirant qu'à cause du contrat qui
avait été passé auparavant sous seing privé entre ce bon
seigneur et moi, il dit que, rendant l'original de ce con-
trat, qu'il avait, et moi ayant renvoyé le nôtre, et que
tous deux étant déchirés, il n'est point besoin qu'il rati-
fie. C'est, ma chère Mère, ce que je vous supplie très
humblement de faire entendre à Monseigneur et que je
n'ai point vu personne témoigner avoir plus de satisfac-
tion de l'action qu'il a faite pour le bien de son diocèse
que M. son neveu Bault. Certes, ma chère Mère, la bonté
avec laquelle il m'a reçu et traité avec nous n'est pas
imaginable.
Voilà tantôt notre mission de la cour achevée. Les
pauvres missionnaires y ont travaillé incessamment,
depuis le matin jusques au soir, à prêcher, catéchiser et
à entendre la confession générale, depuis le matin jus-
ques au soir, et sont si las qu'ils n'en peuvent plus.
Nous ferons reposer et refaire un peu ceux qui sont
2. Les prêtres de la Mission s'établirent d'abord au village de
Sancey, dans une maison louée à Sébastien Gouault, bourgeois de
Troyes. Comme le local était peu spacieux, le commandeur leur
— 454 —
destinés pour Troyes, pour s'y rendre la veille du di-
manche de la Passion ^, auquel temps Monseigneur a
trouvé bon qu'ils commenceront à travailler par l'exercice
des ordinands. Et moi qui importune trop ma chère
Mère et toute borme, je unirai en la suppliant très hum-
blement de nous bien donner à Dieu et de le prier qu'il
nous pardonne tant de fautes que nous commettons in-
cessamment dans le dessein qu'il nous a confié, et suis
à la sainte communauté de ma très chère Mère et en
l'amour de Notre-Seigneur, ma très chère Mère, très
humble et très obligé et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
Ce bon docteur que M. Gallemant avait fait son suc-
cesseur à la cure d'Aumale* travaille aux mémoires ou
la vie de ce bienheureux, et im autre prêtre ou deux.
De Paris, ce 25 février 1638.
Suscription : A ma R. Mère ma R. Mère de la Sainte-
Trinité, prieure du monastère des Carmélites du fau-
bourg de Troyes, à Troyes.
309. — A LOUISE DE MARILLAC
[1638, vers février ^.]
Béni soit Dieu de ce qu'il a pris cette petite âme en
état qu on a sujet de croire qu'elle est bien heureuse !
acheta la maison située à l'angle droit du faubourg Croncels et de
la rue des Bas-Clos, à Troyes. C'est là qu'ils se transportèrent le
25 août 1640.
3. 20 mars.
4. Louis Callon. Ses notes ont été mises à contribution par l'auteur
de la vie de Jacques Gallemant.
Lettre 309. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite du vivant de Madame Goussault, après
les commencements de l'œuvre des Enfants trouvés, au temps où
saint Vincent leur cherchait un logis. (Cf. lettres 302 et 305.)
— 455 —
Je m'en vas vous envoyer M. Bécu et un autre. Il me
sera difficile de voir M. Laisné -. S'il agrée le mariage,
qu'on ne se mette point en peine ; il enseignera ce qu'il
faut à son secrétaire, si déjà il ne le sait.
Le tableau de la Vierge et de saint Joseph tenant le
petit enfant Jésus par la main me semble bon pour ces
petits enfants trouvés ^.
Madame Goussault m'a mandé qu'elle ira aujourd'hui
commencer sa retraite chez vous. Si cela est, serez-vous
absente ? Je pense qu'il sera bon que vous lui en écriviez
un mot pour savoir sa volonté.
Je vis hier Madame la présidente de Herse et lui dis
ce que je vous ai dit.
J'oubliai d'écrire à Aladame Goussault qu'elle prenne
la méditation de la mort et du jugement particulier en
suite de la première. Vous lui direz, s'il vous plaît, et
que plutôt elle ôte des péchés que je lui ai dits, pour
méditer ceux qu'elle trouvera à propos.
Je pense souvent à l'affaire du logement. Bon jour,
Mademoiselle. Tenez votre cœur en paix. Je suis v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
310. - A LOUISE DE MARILLAC
[1638, vers février ^.]
Mademoiselle,
Je pense que vous ferez bien de faire enterrer ce petit
2. Elle Laisné, sieur de la Marguerite.
3. Ce tableau était peut-être l'œuvre àç. Louise He Marillac. Les
Filles de la Charité de la rue Réaumur, 85, Paris, croient le
posséder.
Lettre 310. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Cette lettre a été écrite peu de temps après la fondation de Téta-
— 456 —
enfant au cimetière et d'envoyer prier M. le curé de
vous aller voir, et de lui dire la chose comme elle est,
en attendant qu'on avise comme l'on en fera. Ce qui me
vient à présent en l'esprit est qu'il faudrait donner quel-
que chose par an à M. le curé et au fossoyeur pour les
enterrer tous. Pour aujourd'hui, il faudra le prier
qu'il envoie M. son vicaire le prendre et qu'il ordonne
au fossoyeur de faire la petite fosse et qu'il die à un
chacun la chose comme elle est, et que c'est un essai qu'on
désire faire.
Je me sens pressé plus que jamais de terminer l'af-
faire de la Charité^. Demandez à Dieu que j'aie du
temps pour y travailler. C'est pitié de mon fait. Je n'ai
point de temps. Dieu me donne l'éternité !
Quand vous serez en état d'aller à Rueil, M. le curé
m''a mandé qu'il prendra la fille que je lui baillerai.
Je suis V. s.
V. D.
Je ne vous dis rien de Madame Pelletier. Je viens
d'écrire à Mademoiselle ^ le décès de l'enfant. Elle me
manda hier qu'elle vous en enverra aujourd'hui un autre,
s'il est à propos. Voici sa lettre.
311 — A LAMBERT AUX COUTEAUX
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai chargé notre bon frère Nicolas ^ de passer à Ri-
blissement des Enfants trouvés. Elle semble à sa place non loin des
lettres 295 et 309.
2. La Charité de La Chapelle. (Cf. lettre 295. J
3. Mademoiselle Viole, trésorière des dames de la Charité.
Lettre 311. — L. a. — Dossier de Turin, original.
I. Nicolas Corman, frère coadjuteur, né vers 1603, entré dans la
— 457 -
chelieu en s'en allant trouver M. Grenu en Gascogne.
Vous ne le retiendrez qu'un jour de delà, s'il vous plaît,
et, si vous le pouvez, vous écrirez audit sieur Grenu et
lui ferez écrire par tous ceux de la compagriie qui le
pourront. Il me semble que le présent porteur vous trou-
vera sur le point de recommencer la mission à Richelieu.
Je vous supplie. Monsieur, de recommander plus que ja-
mais la précaution à l'explication du sixième comman-
dement et aux demandes qu'on fait sur cela. Si nous
n'y prenons garde, la compagnie en souffrira un jour ".
Qu'on fasse les processions sans apparat, je dis même
sans faire habiller les enfants que des surplis qu'on
trouvera sur les lieux. L'on a trouvé à redire notable-
ment à l'un et à l'autre, quoique M. d'Alet ^ ait fait la
première action et qu'à la seconde il n'y avait que quel-
ques enfants habillés avec des aubes. Il plaît à Dieu
que cela nous fasse un peu exercer la vertu de patience
et que cela procède de l'envie de la notable conversion
de quelques âmes principales.
Je n'ai point eu l'homieur de voir Monseigneur de
Chartres, et n'a pas été expédient. Je le ferai, s'il plaît
à Dieu, quand il sera temps.
Il sera bon que vous établissiez la Charité et que vous
en donniez avis à Monseigneur de Chartres, à ce qu'il
sache de Son Eminence**, si elle l'agrée, et que vous lui
proposiez la Fille de la Charité ^.
Je finis en me recommandant à vos saintes prières,
ensemble l'état présent de la mission et salue très hum-
blement et très affectioimément la compagnie, étant, en
congrégation de la Mission en 1633, reçu aux vœux le 13 novembre
1643.
2. Voir lettre 306.
3. Nicolas Pavillon, évêque d'Alet.
4. Le cardinal de Richelieu.
5. Barbe Angiboust.
— 458 —
l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble
serviteur.
Vincent Depaul.
De Vallegrand, ce 3 mars 1638.
312. — A LOUISE DE MARILLAC
[Mars 163S \]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Jeanne, la Fille de Charité de cette paroisse, a fait
beaucoup de fautes, pour lesquelles Monsieur le curé ',
les ofûcières et M. de Vincy ont jugé aujourd'hui qu'il
la faut changer. Je vous supplie. Mademoiselle, de nous
en envoyer une autre qui ait l'esprit plus doux et accom-
modant, et cela dès demain au matin, afin qu'elle n'ait
pas le loisir de cabaler comme ^ les autres ; car il n'est
pas imaginable combien elle en est capable. Or, je pense
qu'il faudra néanmoins la reprendre pour l'Hôtel-Dieu
ou ailleurs, afin que la justice soit accompagnée de misé-
ricorde. Croiriez-vous qu'elle a donné un soufflet à Jac-
queline et qu'elle fait tout à sa tête et plusieurs choses
sans en parler, comme d'avoir traité une malade sans
congé * ; et qui pis est, elle a averti le prédicateur du
carême de quelques manquements des dames et les a
Lettre 312. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite pendant le carême, quelques jours, sem-
ble-t-il, avant la lettre 313, qui est manifestement de 1638.
2. M. de Lestocq, curé de la paroisse Saint-Laurent.
3. C'est bien le mot de l'original. Le sens semblerait plutôt de-
mander cofitre.
4. Sans permission.
— 459 —
commencé à faire prêcher. Or sus, qui nous donnerez-
vous sans vous incommoder ? Gouvernez.
Je suis, en l'amour de N.-S., v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
313. — A LOUISE DE MARILLAC
[Mars 1638 1.]
Je revins hier au soir de Pontoise. Voici la réponse à
votre dernière. Il faudra voirement aviser aux Enfants
trouvés. L'on fait une assemblée aujourd'hui chez Ma-
dame la présidente Goussault. Je voudrais bien que vous
y puissiez assister et que vous écrivissiez à madite dame
de vous envoyer son carrosse. Il est vrai que je pense
que vous serez priée d'assister à celle de Saint-Etienne
par Madame de Beaufort, la supérieure. Si cela est, je
pense qu'il sera à propos que vous y alliez et que vous
me mandiez votre sentiment touchant la proposition de
M. Dieu et celle de M. Foucauld à Messieurs du chapi-
tre. Je vous supplie de plus de me mander s'il est vrai ce
que m'a dit Madame Goussault, que vous savez quelques
bonnes filles dévotes qui aient disposition à s'appliquer
au spirituel des femmes du Légat*, au lieu des 14
dames ^. Il me semble qu'il est à souhaiter que cela soit
Lettre 313. — L. a. — Dossier des Filles rie la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite du vivant de madame Goussault, pendant
que les sœurs avaient leur maison-mère à La Chapelle. Le passage
relatif aux enfants trouvés nous fait donner la préférence à l'an-
née 1638.
2. Salle de l'Hôtel-Dieu réservée aux maladies infectieuses. Son
nom lui venait du cardinal du Prat, légat du Pape en France, qui
l'avait bâtie vers 1530.
3. Quatorze dames, choisies tous les trois mois à l'époque des quatre-
temps par et parmi les dames de la Charité, étaient chargées d'instruire
et de consoler les malades de l'Hôtel-Dieu. (P. Costa, op. cit., p. 14.)
— 460 —
ainsi ; autrement, l'on sera toujours dans l'appréhension
que lesdites dames n'y prerment mal. Vous m'enverrez
la réponse chez Madame Goussault sur les 3 heures,
s'il vous plaît.
Il est vrai qu'on m'a dit que les choses vont mal à
l'Hôtel-Dieu et qu'il est à souhaiter que votre santé vous
permette d'y aller passer deux ou trois jours. Vous
verrez.
J'ai fait dire à Jeanne, de Saint-Laurent, qu'elle aille
à La Chapelle.
Les dames de Saint-Sulpice ont une merveilleuse at-
tache à leur sœur Jeanne. On les mortifiera si l'on leur
ôte. Il faudra l'avertir de ses défauts.
J'espère que ce ne sera rien que de l'indisposition de
M. votre fils qu'une plus grande santé après cette petite
ébullition de sang.
Vous avez raison de destiner Marie-Denise * pour
Saint-Etienne °. Je me défie de cette Charité-là à cause
de la condition de l'esprit des personnes qui s'en mêlent
et que des hommes s'en mêlent.
Bon jour. Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
314. — A LOUISE DE MARILLAC
[Mars 1638 1.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
4. Fille de la Charité.
5. Saint-Etienne-du-Mont, paroisse de Paris.
Lettre 314. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Cette lettre semble à sa place près de la lettre 313.
— 4^1 —
Me voici de retour au collège des Bons-Enfants de-
puis avant-hier et me propose d'aller coucher aujour-
d'hui à Saint-Lazare, Dieu aidant.
Voici une lettre de Mademoiselle Poulaillon, que je
viens de recevoir tout présentement. Que vous semble
de ce qu'elle propose, Mademoiselle ?
Je n'ai point ouï parler de l'affaire que vous savez.
J'aurai le bien de voir tantôt le confesseur du person-
nage.
Je trouve M. votre fils un peu pâle ; ce mal de la main
est un peu douloureux. Il a promis à M. Pavillon de
travailler à la résolution qu'il doit prendre ; et moi je
suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Mademoiselle, votre
très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
Ce lundi, à lo heures, au collège des Bons-Enfants.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
315. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre novembre 1637 et mars 1638 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je fus hier purgé ; cela fut cause que je ne vous fis
réponse, et un petit embarras que j'eus l'après-dînée. Je
vis avant-hier la bonne Madame la présidente Goussault
assez gaie dans le commencement de son mal. J'y en-
voyai hier. Elle me manda qu'elle n'avait pas grand
mal et que pourtant l'on l'avait saignée le pied dans l'eau.
Lettre 315. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, orifrinal.
I. Cette lettre a été écrite pendant une des maladies de Madame
Goussault, avant le mariage de Michel de Marillac avec Jeanne
Potier, nièce de l'évêque de Beauvais.
— 4^2 —
Je m'en vas la voir tantôt. Votre indisposition m'em-
pêche de vous dire que vous lui feriez la charité de l'aller
voir. Je sais bien que votre présence lui serait à grande
consolation et utilité ; mais vous succomberiez à ce que
je crains, de l'aller voir. Si vous pouviez supporter le car-
rosse sans incommodité, à la bonne heure ! Mais, au nom
de Dieu, si vous avez la moindre incommodité du
monde, ne le faites pas, cela lui ferait peine.
Je m'en vas voir ^Madame de Marillac -. Si elle me
croit, elle terminera l'affaire. Il siéra bien à sa piété de
se mortifier dans cette satisfaction qu'elle désire. Cela
fera souche de bénédiction dans la chose du côté de M.
son fils ^. Voilà ce que je me propose de lui dire. Mais
ne lui dites pas mon sentiment, s'il vous plaît, jusques
à ce que je l'aie vue et que je vous aie dit le succès de
notre entrevue aujourd'hui. Monsieur de Beau vais '* m'a
parlé de nous voir nous deux ensemble pour cela. Nous
verrons.
Bon jour, Mademoiselle. Je vous prie de recommander
à Notre-Seigneur un affaire.
Je suis, en son amour, Mademoiselle, votre serviteur
très humble.
Vincent Depaul.
Ce dimanche, à 7 heures et demie.
Suscri-ption : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
2. Marie de Creil, veuve de René de Marillac. Elle abandonna
plus tard le monde pour entrer au Carmel.
3. Michel de Marillac, conseiller au Parlement de Paris.
4. Augustin Potier.
— 463 —
316. — A LAMBERT AUX COUTEAUX
De Paris, ce 13 mars 1638.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je reçus hier la vôtre du 4 de ce mois, mais non encore
celle de M. l'avocat du roi de Loudun. Je suis bien con-
solé de ce que vous vous meublez peu à peu. Il n'est
pas temps de parler d'avancer l'église. Je n'en perdrai
point l'occasion ; car j'ai bien de la peine de vous voir
souffrir ^ dans ce petit lieu.
Béni soit Dieu du succès de votre mission et de celle
de Messieurs Buissot et Durot ! Oh ! que le succès de
ceux-ci doit servir à plusieurs d'entre nous !
Je suis un peu en peine de l'indisposition de M. Gour-
rant et de celle de Bastien -. Quoique j'aie une parfaite
confiance en votre soin, au nom de Notre-Seigneur, Mon-
sieur, souffrez que je les vous recommande.
Quant à ce que vous dites que M. Codoing s'atta-
che fort à donner de l'intelligence du ô*" commandement,
je vous supplie, Monsieur, de lui dire que je le prie
très humblement de n'en plus parler, à Richelieu ni ail-
leurs, que fort sobrement ^, pour quelques raisons que je
lui dirai, qui sont d'importance très grande *.
Je m'en vas à Rueil et ferai parler à Monseigneur ^ de
Lettre 316. — L. a. — Dossier de Turin, original.
1. Première rédaction : de la peine de voir souffrir ceux de qui
nous... Saint Vincent a barré ces quatre derniers mots et ajouté en
interligne vous avant voir.
2. Sébastien Nodo, frère coadjuteur, né vers 1603 au diocèse de
Rouen, reçu dans la congrégation de la Mission en 1633.
3. Les mots ni ailleurs que fort sobrement sont en interligne,
4. Les mots très grande sont en interligne
5. Le cardinal de Richelieu.
~ 464 —
la Charité ^ à ce qu'il voie s'il aura agréable de faire
cet établissement tandis que le peuple est en bonne dis-
position. Mandez-moi cependant '' combien de pauvres
malades il y a pour l'ordinaire à Richelieu*, je ne dis
pas en août, mais à présent ^
Je vois que vous avez vu notre petit frère Nicolas ^°
et reçu ma lettre ; c'est le neveu de M. de la Quin (?).
Il présente tin fort bon garçon du Poitou pour être frère
céans. Il s'en va voir sa mère, qui est en danger de son
salut, et, cela fait, s'en ira vous trouver.
Je vous prie derechef de faire entendre de ma part à
la compagnie qu'on soit extrêmement retenu sur l'expli-
cation et les demandes du 6^ commandement et que l'on
n'habille point les enfants à la procession en quelque
manière que ce soit, pas même de surplis, si ce n'est ceux
qui ont accoutumé d'en porter. Nous sommes dans la
souffrance pour cela et ne sommes pas prêts d'en sortir.
Béni soit Dieu de ce que ça été sans sujet pour la mis-
sion ^^ qui a donné sujet depuis peu de nous mettre sur
la langue du monde ^- !
Je vous écrivis hier au soir en dormant ce que vous
voyez si raturé. Priez Dieu et le faites prier pour la
compagnie.
Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre serviteur.
Vincent Depaul
Suscription : A Monsieur Monsieur Lambert, prêtre
de la Mission, à Richelieu.
6. Les mots de la Charité sont en interligne.
7. Mot ajouté en interligne.
8. Mot ajouté en interligne.
9. Le saint avait ajouté ici trois mots Selon cela nous, qu'il a en-
suite raturés.
10. Nicolas Corman, frère coadjuteur.
11. La mission de Saint-Germain-en-Laye.
12. Première rédaction : de tout le monde.
Monsieur,
- 465 —
317. — A JEAN BÉCU
[Février ou mars 1638 ^]
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Vous voilà sur votre départ. Nous vous attendons
avec grand désir de vous revoir en bonne disposition.
Je vous supplie cependant de pressentir de ^l. le curé
de Saint-Victor - (au cas que vous le jugiez de bonnes
mœurs et de capacité suffisante), s'il a intention de se
faire religieux de l'ordre de Malte, ainsi que les sta-
tuts le requièrent de ceux qui en ont les cures. Et, au cas
que vous le trouviez incertain, vous lui ferez entendre
que c'est l'intention de M. le commandeur ^, et qu'il le
faut *, et par ainsi qu'il y pense et lui mande sa dernière
résolution dans un mois, pource que, s'il ne le désire, il
est résolu de suivre le statut de l'Ordre et de bailler la
cure à im autre ; et s'il le désire, mondit sieur le com-
mandeur désire le voir et lui faire entendre son inten-
tion sur quelque préparation qu'il désire qu'il fasse avant
que de commencer le noviciat. Vous lui ferez entendre
ceci doucement et prudemment, s'il vous plaît, et rap-
porterez à M. le commandeur son intention. Vous pas-
serez aussi à Champagne ^, près de Houdan ®, s'il vous
plaît, et vous informerez de quelques habitants comme
ils se trouvent de l'ecclésiastique que M. le commandeur
y a envoyé depuis peu, si ce n'est que vous ayez besoin
Lettre 317. — L. a. — Dossier de Turin, original.
1. Une main étrangère a écrit près de l'adresse : en caresme 1638.
2. Saint-Victor-de-Buthon (Eure-et-Loir).
3. Le commandeur de Sillery.
4. Ces mots sont ajoutés en interligne.
5. Petite localité de Seine-et-Oise.
6. Chef-lieu de canton en Seine-et-Oise.
3o
— 466 —
de prendre le coche à Dreux, auquel cas vous le pren-
drez. M. le commandeur saura cela d'ailleurs, et moi je
salue M. le curé de Saint- Victor et M. Cuissot et suis,
en l'amour de Notre-Seigneur, votre très humble servi-
teur.
Vincent Depaul.
Suscription : A Monsieur Monsieur Bécu, prêtre de la
Mission, à Saint-Victor.
318. — A LÉONARD BOUCHER
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je reçus, dimanche passé, en m'en allant à la ville
pour aller aux champs, la vôtre du lo de ce mois, et re-
venant avant-hier soir un peu harassé, je n'eus pas l'es-
prit de pourvoir à vous envoyer quelqu'un pour l'assis-
tance du bon M. Mouton. Je le fais ce matin et vous
envoie Matthieu^ qui est plein d'ardeur et de charité,
comme vous savez. Je vous supplie, Monsieur, de ne lui
rien épargner. Il y a des apothicaires à Montmirail et
de bons chirurgiens ; et pour le médecin, il faut l'envoyer
quérir à Château-Thierry. Il y a un nommé M. Fournier,
qui est bon médecin et de nos amis. Vous pourrez em-
ployer celui-là, si déjà vous n'en avez pris quelqu'autre.
Et, pource qu'il sera en lieu plus commode à Montmi-
Lettre 318. — L. a. — Dossier de Turin, original.
I. Le frère Matthieu Régnard, né à Brienne-le-Château, aujourd'hui
Brienne-Xapoléon (Aube), le 26 juillet i,SQ-2, entré dans la congré-
gation de la Mission en octobre 1631, reçu aux vœux le 28 octobre
1644, mort le 5 octobre 1669. Ce fut le grand distributeur des au-
mônes de saint Vincent en Lorraine et pendant les troubles. Il fut
d'un grand secours au saint par son audace, son sang-froid et son
savoir-faire. On trouve sa biographie au t. II des Notices, pp. 29-33.
— 467 —
rail, je vous prie de l'y faire transporter. J'écris à M. Oc-
tobre, le concierge, pour lui faire trouver logement. Je
vous supplie. Monsieur, de ne le pas abondonner, si ce
n'est qu'il se porte mieux, auquel cas vous pourrez ache-
ver la mission commencée ou vous joindre à M. Lucas,
tandis que M. Mouton se reposera.
Je salue très humblement ledit sieur Mouton et l'em-
brasse en esprit avec un cœur tout attendri de douleur et
douceur. Nous ne manquerons à prier Dieu pour lui,
comme vous pouvez penser.
Je ne vous dis rien quant au reste de votre lettre tou-
chant les Charités, sinon que je vois bien que nous ne
sommes pas au temps de les rétablir. Notre-Seigneur le
nous donnera plus opportun à la paix, s'il lui plaît.
Je suis, en son amour. Monsieur, votre très humble ser-
viteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 17 mars 1638.
Suscription : A Monsieur Monsieur Boucher, prêtre de
la Mission, à Montmirail.
319 — A LOUISE DE MARILLAC
[Mars 1638 \]
Mademoiselle,
jamais !
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
mais !
Voici une lettre de Barbe -. Je ne lui ai envoyé que ce
Lettre 319. — L. a. — L'original a été donnée en igoi au cardinal
Langénieux, archevêque de Reims, par M. Antoine Fiat, supérieur
général des prêtres de la congrégation 'de la Mission.
1. La présence de sœur Barbe Angiboust à Saint-Germain-en-Laye
ne permet pas de douter de l'année. D'autre part, la lettre est an-
térieure à la lettre 320.
2. Barbe Angiboust.
— 468 —
matin celle que vous lui avez écrite. Je l'ai toujours ou-
bliée lorsque j'ai écrit à Saint- Germain ^.
Mais comment vous portez-vous, Mademoiselle ? L'on
m'a dit que mieux. J'en loue Dieu et le prie qu'il vous
redonne autant de force comme il faut pour aller à la
campag-ne à ce printemps.
Je vis hier au soir Madame la présidente Goussault,
que je n'avais point vue durant sa maladie qu'au com-
mencement, il y a dix jours. Elle se porte mieux et désire
revoir le beau temps et un peu plus de santé pour s'aller
promener aux champs. Elle n'eut point hier la fièvre
quelle attendait.
Notre frère Alexandre* vous ira voir aujourd'hui.
Comment se portent vos enfants ? Un mot, je vous en
prie, de cela, non par écrit, n'en prenez pas la peine, mais
de bouche seulement.
Bon jour. Mademoiselle. Je suis votre très humble et
obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
320. — A LAMBERT AUX COUTEAUX
De Paris, ce 22 mars 1638.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Ce petit nombre de lignes sera pour vous dire deux
choses : l'une que ce jeune homme poitevin demande à
être de la compagnie, en suite d'un voyage qu'il va faire
en son pays pour voir sa bonne mère, et que, si vous en
avez besoin, qu'il lui est indifférent d'être avec vous ou
3. Saint-Germain-en-Laye.
4. Alexandre Véronne.
Lettre 320. — ■ L. a. — Dossier de Turin, original.
— 469 —
céans*. Vous en userez donc comme il vous plaira.
La seconde est pour vous dire que Monseigneur le car-
dinal m'a donné charge de vous dire que vous établis-
siez la Charité à Richelieu et qu'il y donnera quelque
chose annuellement, en attendant qu'elle se puisse entre-
tenir des quêtes ordinaires. Selon cela, en attendant, il
sera à propos que vous y dormiez d'abord huit ou dix
écus, si vous le pouvez.
M. l'avocat du roi de Loudun m'a dit que le procédé
de la Mission est excellent à l'égard des hérétiques, en
ce qu'elle établit les vérités divines, sans disputer des
points controversés, et que les hugenots sont ravis de
cela. Qu'on continue donc, s'il vous plaît.
Monseigneur le cardinal est d'avis qu'on se donne un
jour de repos la semaine pendant la mission, par exem-
ple le samedi, et m'a commandé de faire en sorte que
cela se pratique partout. Je vous prie. Monsieur, de com-
mencer à Richelieu -.
Je vous enverrai la Fille de la Charité ^. Peut-être que
Madame Goussault la vous amènera au plus tôt après
Pâques.
La hâte que j'ai ne me permet point de vous en dire
davantage, sinon que je ferai réponse à ceux qui nous
ont écrit par le premier messager. Je les embrasse ce-
pendant tous et suis, en l'amour de Notre-Seigneur,
votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Suscription : A Monsieur Monsieur Lambert, prêtre
de la Mission, à Richelieu.
1. Voir la lettre .^16.
2. Lambert aux Couteaux écrivit au cardinal de Richelieu le
16 avril 1638 pour lui rendre compte des heureux résultats de la
mission. Sa lettre se trouve aux Arch. Hu ministère Hes Ait. Etrang.,
France, Mémoires et Documents, 830, £« 105.
3. Barbe Angiboust. Le départ de la soeur fut remis en octobre.
— 470 —
321. - AU DUC D'ATRI i
[Vers mars 1638 ^.]
Monseigneur,
M. le comte de Bourlemont ^ et M. l'abbé son âls *
m'ont fait l'honneur de me dire que Votre Grandeur au-
rait agréable que je lui rendisse compte de l'état de
Mademoiselle d'Atri, votre fijlle^, afin que de là Votre
Grandeur puisse juger ce qui lui sera le meilleur \ ce que
je leur promis que je ferai d'autant plus volontiers,
Monseigneur, que je dois à une particulière bénédiction
de Dieu l'occasion de servir Votre Grandeur.
Il y a 3 ou 4 mois que j'eus ordre de M. l'official de
Paris de visiter Mademoiselle votredite fille, sur ce que
M. le comte de Maure ^ lui avait demandé permission de
Lettre 321. — Reg. i, f° 7 v". — Le copiste a pris son texte sur
la minute, écrite de la main de saint Vincent.
1. Scipion d'Acquaviva d'Aragon, duc d'Atri, époux de Geneviève
Doni d'Attichy, qui était, par sa mère Valence de Marillac, cousine
germaine de Louise de Marillac. Pour le punir d'avoir servi la France,
le gouvernement espagnol le dépouilla de tous ses biens, qui passèrent
aux mains de ses enfants. Son fils Joseph-François mourut en 1643,
sans laisser de postérité. Une de ses deux filles, Marie, entra au
Carmel. L'autre, Marie-Angélique, est celle dont il est ici question.
2. Voir note 14.
3. Claude d'Anglure, prince d'Amblise, marquis de Sy, comte de
Bourlemont, vicomte de Forest et baron de Busancy. Il avait épousé
Angélique Diacette, fille d'Anne d'Acquaviva d'Aragon, duchesse
d'Atri.
4. Charles-François d'Anglure, abbé de la Crète, de Béchamp et
de Saint-Pierremont, mort le 215 décembre i66q. Il occupa successi-
vement les sièges épiscopaux d'Aire, de Castres et de Toulouse. Un
de ses frères, Louis, qui joua un certain rôle dans la diplomatie, de-
vint évêque de Fréjus et archevêque de Bordeaux.
5. Marie-Angélique d'Atri.
6. Louis de Rochechouart, comte de Maure, est surtout connu par
l'opposition qu'il fit à la politique de Mazarin. Alors que tout 'e
monde tremblait devant le puissant ministre, il vint à la cour le
20 mars 1649, ^^ prononça une harangue en plein conseil pour de-
mander son expulsion. Il combattit dans le parti des princes jusqu'au
jour où, blessé à la tête et au bras dans un combat qui eut lieu à
— 471 —
la faire exorciser, selon l'avis que plusieurs personnes de
grave piété lui avaient donné, qu'elles craignaient que
cette bonne enfant ne fût travaillée de quelque posses-
sion ou obsession maligne. Le sujet qu'ils avaient de le
croire était l'aversion qu'avait cette bonne allé des
choses de Dieu, qui était venue à un tel point depuis
son enfance qu'elle était à la Ville-l'Evêque ^ auprès de
Mademoiselle de Longueville ^ qu'il y avait trois ans
qu'elle ne priait point Dieu, et environ deux ans qu'on
l'avait tenue enfermée dans une chambre au Port-Réal ',
sans entendre la sainte messe. Ce fut donc là le sujet
qui fit avoir cette opinion à ces bonnes âmes et la raison
pour laquelle j'eus le bien de la voir. D'abord elle me
montra son état avec jugement et candeur ; car elle a
l'esprit fort bon et solide incomparablement au delà
du commun des ûlles, mais un peu mélancolique. Ma
pensée fut d'abord qu'il n'y avait que cette humeur mé-
lancolique qui la travaillait. Le respect que je devais
néanmoins à ceux qui étaient d'avis qu'il y avait quel-
Libourne en 1652, il fut pris et retenu prisonnier par les troupes du
roi. Il mourut dans sa terre d'Essai, près d'Alençon, le 9 novembre
1669, à l'âge de soixante-sept ans, sans laisser de prostérité. (Cf.
Histoire de la maison de Kochechouart, par le général-comte de Ro-
chechouart, Paris, 1859, in-4, t. II, pp. 81-88.)
7. Dans la paroisse Sainte-Madeleine de la Ville-l'Evêque, à Paris.
8. Marie d'Orléans, née le 5 mars 1625 d'Henri d'Orléans II et de
Louise de Bourbon, mariée le 22 mai 1657 à Henri de Savoie II, duc
de Nemours, veuve le 14 janvier 1659. Après la mort de ses frères,
elle succéda en tous les biens de sa maison. Elle mourut sans laisser
d'enfants le 16 juin 1707. C'était, dit Saint-Simon (Mémoires, éd. de
Boislisle, Paris, 1879-1914, 26 vol., in-8, t. II, p. 225), une « femme
fort haute, extraordinaire, de beaucoup d'esprit, qui se tenait fort
chez elle à l'hôtel de Soissons, où elle ne voyait pas trop bonne com-
pagnie, riche immensément et vivant très magnifiquement. »
9. Le fait de cette séquestration est tellement étrange qu'on peut
se demander si le copiste du reg. I a bien lu. Ne faudrait-il pas :
elle était restée au lieu de on Pavait tenue ? Mais peut-être Made-
moiselle d'Atri se livrait-elle pendant la sainte messe à des excentri-
cités impies. Dans cette hypothèse, il n'y aurait pas lieu de croire le
texte fautif.
— 472 —
que obsession maligne, fit que je soumis mon jugement
au leur et que, faisant mon rapport à M. l'official, je lui
dis que je pensais qu'il n'y avait point d'inconvénient
que M. Charpentier — c'est un ecclésiastique d'insigne pié-
té de cette ville ^" — lui fit quelques exorcismes secrets,
doucement et sans provoquer l'esprit malin au dehors,
plutôt par imprécation que par exécration, qui était
l'avis du R. P. Général de l'Oratoire ^\ ce qui ne fut
point exécuté à cause de la maladie dudit sieur Char-
pentier. Cependant il plut à Dieu envoyer à Mademoi-
selle votre fille une maladie assez grande et dange-
reuse, en laquelle son esprit s'ouvrit ; et AI. ^- et Ma-
dame la comtesse de Maure, craignant son salut, la
portèrent à se confesser à moi ; ce qu'elle fit d'une con-
fession générale de toute sa vie passée, avec la plus
grande exactitude que j'aie jamais vue, car elle y em-
ploya trois ou quatre heures à diverses reprises ; et ce
fut en cette action en laquelle je me confirmai en l'opi-
nion que j'avais eue auparavant ; et la maladie ayant
été un peu longue et en quelque espèce de langueur, il
me sembla qu'elle était rentrée dans le travail de la
même humeur. Or, comme elle fut guérie néanmoins,
elle s'en trouva tout à fait délivrée, de sorte qu'elle
demanda à se reconfesser à moi et à communier, ce
qu'elle n'avait fait pendant sa maladie, et fit ces actions
avec liberté d'esprit, comme aurait fait une autre per-
sonne. A quelque temps de là, elle demanda d'être re-
10. Hubert Charpentier, gradué en théologie de la maison de Sor-
bonne, était né à Coulommiers le 3 novembre 1565. Après avoir con-
tribué à la fondation de Notre-Dame de Garaison, il fonda deux
établissements pour honorer la croix du Sauveur : l'un à Bétharram,
l'autre au Mont-Valérien, près de Paris. Il mourut à Paris le 10 dé-
cembre 1650.
11. François Bourgoing, prédécesseur de saint Vincent à la cure de
Ciichy.
12. Texte du manuscrit : et le soin de M. — Ainsi construite, la
phrase n'a aucuni sens.
— 473 —
ligieuse et qu'on la reçût au Port-Réal. D'abord qu'elle
me le dit, je lui répondis qu'il n'était pas temps et qu'il
lui fallait pour le moins un an avec Madame sa tante ^^
et qu'elle l'emmenât prendre l'air des champs, avant que
de penser à l'exécution de ce dessein ; et lui ai dit la
même chose toutes les fois que Monsieur et Madame la
comtesse de Maure et elle m'ont fait l'honneur de m'en
parler. Cela pourtant ne l'a pas empêchée de poursuivre
secrètement son entrée en religion, ni d'alléguer quantité
de raisons, partie fondées sur les jugements de Dieu et
partie sur ce qu'elle ne pouvait supporter les façons de
faire du monde. Ce qu'ayant su Messieurs de Bourle-
mont, et ayant fait entendre à Monsieur et à Madame ia
comtesse de Maure que l'intention de Votre Grandeur
est qu'elle entrât en religion, après quelque difficulté de
part et d'autre ils y ont acquiescé, quoiqu'avec grande
peine, dans l'appréhension que cette borme enfant ne
rentre dans la même humeur ; et moi, après avoir re-
présenté à mesdits sieurs de Bourlemont le danger dans
lequel l'on mettait cette bonne fille, et eux passant par
dessus toutes lesdites difficultés, estimant que c'est votre
intention, ils l'ont mise non au Port-Réal, mais en un
monastère de Jacobines ^^.
Voilà, Monseigneur, ce qui s'est passé en cet affaire et
13. La comtesse ue Maure
14. Bien qu'elle parle plus d'une fois, dans ses lettres, de la pré-
tendue possession et de la guérison de Mademoiselle d'Atri, la Mère
Angélique-Arnauld passe sous silence l'intervention de saint Vincent.
Elle écrivait à M. Macquet le 29 juin 1637 [Lettres de la Révérende
Mère Marie-Angélique Ar^taitld, abbesse et réformatrice de Port-
Royal, Utrecht, 1742, 3 vol. in-12, t. I, p. 106) : « N'oubliez pas la
demoiselle dont je vous ai parlé, qui est toujours au misérable état
qu'elle était. » Même recommandation à sainte Chantai le 9 novem-
bre : « Je vous supplie très humblement de prier Dieu pour la déli-
vrance d'une pauvre fille possédée. » (Communication de M. Gazier. )
« C'est la plus pitoyable histoire du monde », écrivait-elle encore à
la sainte le 22 décembre, et elle lui demandait quelques reliques de
saint François de Sales pour chasser le démon. (Lettres, t. I, p. 132.;
— 474 —
ce que Messieurs de Bourlemont ont trouvé à propos que
j'écrivisse à Votre Grandeur ; ce sera à elle, Monsei-
gneur, à juger à présent ce qui sera le meilleur pour la
conduite de cette bonne fille. J'ai de la peine de vous
entretenir de cette sorte de discours ; mais j'ai cru.
Monseigneur, y être obligé selon ma conscience, et que
vous, Monseigneur, ne l'aurez ipas désagréable, puis-
qu'il y a du danger du salut de Mademoiselle votre ûlle.
Que s'il plaisait à Dieu me faire digne de rendre à
Votre Grandeur quelque service plus agréable, sa di-
vine bonté sait que j'en ai un très grand désir et qu'il
n'y a personne au monde sur qui N.-S. ait donné à Votre
Grandeur plus de pouvoir que sur moi, qui suis en
l'amour de N.-S...
La guérison ne se fit pas attendre, puisque la Mère Angélique pouvait
ajouter le 17 février 1638 : « La demoiselle que je vous avais tant
recommandée... fut délivrée deux heures après avoir mis à son cou
l'image de bois de la sainte Vierge que la bonne Mère nous a donnée. »
Les dispositions de Mademoiselle d'Atri changèrent si bien qu'elle se
sentit portée vers la vie religieuse et aurait suivi ses goûts sans l'oppo-
sition de sa famille. {Lettres, t. I, p. 136.) Un mois après, la Mère
Angélique recommandait à M. Macquet la plus grande discrétion sur
cette merveilleuse conversion. « Je vous supplie, au nom de Dieu,
qu'on ne parle point de ce miracle de la sainte Vierge que vous savez.
Voila l'humeur des filles, et c'est la mode, de ne vouloir honorer
Dieu, sa sainte Mère et les saints que par miracles et discours... J'ai
tort de vous l'avoir dit, et je vois bien que ce n'a pas été par l'esprit
de Dieu, puisqu'au lieu de produire dans ses filles une nouvelle,
secrète et intérieure confiance en la sainte Vierge, elle n'a fait que du
bruit. Je m'assure que pas une ne l'a priée ensuite de la délivrer de
ses imperfections. Il vaut bien mieux qu'elles ne parlent jamais que de
parler même des miracles de cette façon ; la sainte Vierge aime
mieux leur silence. » {Lettres, t. I, p. 138.) Comment concilier le
récit de la Mère Angélique avec celui de saint Vincent ? Il semble
qu'il y eut deux guérisons, dont l'une ne dura pas ; mais il serait
difi^icile de dire quelle fut la première. Le désir exprimé par la Mère
Angélique dans sa lettre de mars 16^8, qu'il ne soit plus parlé du mi-
racle, n'aurait-il pas été provoqué par une rechute ? Quoi qu'il en soit, la
guérison était définitive avant le 19 juin. Plus tard, dans une lettre
du 22 octobre, la Mère Angélique rappelle à Mademoiselle d'Atri la
grâce dont elle a été l'objet.
— 475 —
322. — A ANTOINE PORTAIL, PRÊTRE DE LA MISSION,
A FRÉNEVILLE
De Paris, ce 28 avril 1638.
... Or sus, Monsieur, en voilà beaucoup pour le tempo-
rel. Plaise à la bonté de Dieu que, selon votre souhait, il
ne vous éloigne pas du spirituel, qu'il nous donne part à
l'éternelle pensée qu'il a de lui-même, tandis que perpé-
tuellement il sapplique au gouvernement de ce monde et
à pourvoir au besoin de toutes ses créatures jusques à un
petit moucheron ! O Monsieur, qu'il faut travailler à
l'acquisition de la participation de cet esprit !
Je suis, dans ce même esprit. Monsieur...
323. — A JEAN BÉCU
[20 ou 21 mai 1638 ^.]
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Puisque vous avez tant de difficulté à la campagne,
je vous supplie, Monsieur, d'aller faire la mission à
Montmirail. Il faudra que vous fassiez la prédication du
matin M. Abeline-, qui est à M. de Ba}'onne, fera le
Lettre 322. — Dossier de Turin, copie prise par Antoine Portail.
Lettre 323. — L. a. — Dossier de Turin, original.
1. Sur le côté réservé à l'adresse sont écrits les mots : « Le mardi
ou mercredi devant la Pentecôte 1638, mai. »
2. Plus connu sous le nom d'Abelly. Louis Abelly naquit à Paris
en 1604. Dès les premières années de son sacerdoce, il prit part aux
travaux apostoliques de saint Vincent, qui reconnut son mérite et en
dit tant de bien à François Fouquet, évêque nommé de Bayonne, que
celui-ci le prit pour vicaire général. Son séjour à Bayonne ne fut pas
long. Il accepta une modeste cure de village aux environs de Paris
et fut peu après (1644) chargé d'une paroisse de la capi-
— 476 —
grand catéchisme, et M. Le Breton, qui est encore à lui,
fera le petit peut-être. Il n'a jamais été à la mission ;
il est savant, fort pieux et a très bon esprit néanmoins ;
c'est ce qui fait juger qu'il fera bien. J'en conférerai
avec lui. S'il ne le fait, ce sera M. Boucher ou M. Cuis-
sot ; vous en aviserez avec M. Lucas. Ils pourront par-
tir demain pour être samedi à Montmirail. Il sera à
propos que vous alliez dormer ordre au logement. J'en
écris un mot à M. Octobre, le concierge ^. Vous pourrez
vous faire aider, si besoin est parfois, par M. Lucas
pour la prédication du matin. Si Monsieur de Soissons *
envoie quelqu'un pour l'octave du Saint-Sacrement, vous
vous reposerez. Il faudra veiller aux accommodements
qui seront à faire et assembler les dames de la Charité.
Je vous enverrai un frère pour servir à Montmirail,
Gallemant ^ ou un autre ; mais il faudra que vous pre-
niez un peu de soin pour le vivre.
Je salue très humblement la Compagnie. M. Abeline
taie, la paroisse Saint-Josse, où il forma une communauté ecclésias-
tique. Il devint dans la suite directeur des sœurs de la Croix (1650),
aumônier de l'hôpital général (1657), et évêque de Rodez (1662). Il
se démit de son évêché en i566 pour raisons de santé et se retira à
Saint-Lazare, où il passa, dans le recueillement et l'étude, les vingt-
cinq dernières années de sa vie. Nous avons de lui près de trente ouvra-
ges de piété, d'histoire et de théologie. Les plus connus sont le Sacerdos
christianus (Paris, 1656, in-8), la Medulla theologica (Paris, 1652-
1653, 2 vol. in-12), qui lui a valu de l'auteur du Lutrin
l'épithète de moelleux, et surtout la Vie du Vénérable Vincent de
Paul. Il n'est pas seulement le parrain de ce dernier écrit, comme on
l'a prétendu ; il en est réellement l'auteur. Sa tâche lui fut singu-
lièrement facilitée par le frère Ducournau, qui recueillit et classa
les documents. Il fit don à la maison de Saint-Lazare d'une propriété
qu'il avait à Pantin et qui devint, depuis, la maison de campagne des
étudiants Louis .Abelly mourut le 4 octobre 1691 et fut inhumé,
comme il l'avait désiré, dans l'église de Saint-Lazare, sous la cha-
pelle des Saints- Anges. (Cf. Collet, 0^. cit., t. I, p. 5 et suiv.)
3. Du château de Montmirail.
4. Simon Le Gras (1624-1656).
5. Jean Gallemant, frère coadjuteur, né en 1608 à Conteville (Seine-
Inférieure), reru dans la congrégation de la Mission le 3 avril 1638.
^ 477 —
est un fort bon esprit, fort sage et judicieux, et M. Le
Breton fort fervent. Je conjure la Compagnie, par les
entrailles de Jésus-Christ, de leur donner bon exemple
et leur témoigner beaucoup de charité et de déférence.
L'un d'eux s'en va être grand vicaire de Bayonne. Au
nom de Dieu, Monsieur, qu'ils sortent édifiés de la Com-
pagnie. Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre
très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Je vous prie d'être soigneux de rendre les ports des
lettres à M. Octobre et de vous rendre samedi de bonne
heure à Montmirail pour faire accommoder le logement
et y recevoir M. Abeline et M. Le Breton.
Suscription : A Monsieur Monsieur Bécu, prêtre de la
Mission, étant de présent à Marchais ^.
324. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers mai 1638 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
La proposition que vous me faites de Madame de
Herse me semble d'abord embarrassante ; toutefois il
faudra voir.
Je m'en vas à la ville et espère vous voir demain à
La Chapelle ; mais si le carrosse vous va prendre, ne
laissez pas d'aller, s'il vous plaît, et donnez l'ordre qui
vous semblera le meilleur chez vous.
6. Petite localité de l'Aisne.
Lettre 324. — L. a. — Dossier de Turin, original.
1. Cette lettre semble devoir être rapprochée de la lettre 325.
— 47« —
Je loue Dieu de ce que vous me dites de Madame
Turgis et le prie qu'il lui augmente sa grâce.
Je n'entends pas ce que vous me dites d'Isabelle - et
de Barbe ^ ; vous me l'expliquerez ; il y a un mot que
je n'ai su lire touchant cela.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
325. — A LOUISE DE MARILLAC
[24 mai 1638 1.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Vous verrez devant Dieu, comme j'espère, que vous
avez bien fait de renvoyer cette borme fille, et ferez bien
de vous contenter au prorata de 200 livres pour sa pen-
sion et de laisser aller Isabelle ^ à Argenteuil.
Ma petite fiévrotte ne me permettra pas de parler à
vos filles cette semaine.
Voici un billet d'un don du Saint-Esprit, qu'on vous
envoie de Sainte-Marie.
Au nom de Dieu, Mademoiselle, ayez soin de votre
santé. Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Made-
moiselle, votre serviteur.
V. Depaul.
Ce lundi ^.
2. Elisabeth Martin.
3. Barbe Angiboust.
Lettre 325. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Le retour de Barbe Angiboust à Saint-Germain-en-Laye ne put
avoir lieu qu'en 1638. Pour le jour et le mois voir note 3.
2. Elisabeth Martin. Elle était d'Argenteuil (Seine-et-Oise) .
3. Ce qui précède laisse supposer que ce lundi était le lundi
de la Pentecôte.
— 479 —
Vous pourrez envoyer Barbe à Saint-Germain * quand
il vous plaira. Mademoiselle de Chaumont juge qu'elle
est nécessaire de delà, et Madame Goussault ne trouve
pas qu'il soit besoin de l'envoyer à Richelieu ; mais
elle souhaiterait bien, sans pourtant le demander, qu'on
en pût envoyer trois à l'hôpital d'Angers ^. Je lui ai
mandé qu'on en parlera à son retour.
Les officières des dames de l'Hôtel-Dieu viendront
demain céans. Voyez si vous avez quelque avis à me
donner.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
Monsieur,
326. — A JEAN BÉCU
Ce 2 de juin [1638 i] à Paris.
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Béni soit Dieu de tout ce que vous me mandez ! Je
m'informerai d'une maîtresse d'école, si vous me mandez
à quoi pourra monter ce qu'elle gagnera et qu'il ne s'en
trouve de delà. Il est bien dangereux que les ûlles et
les garçons aillent à l'école ensemble.
La direction de la Charité appartient à M. le prieur ^-
S'il y a du fonds, il n'y aura point danger qu'on en
fasse accommoder la chapelle.
4. Saint Vincent avait récemment rappelé Barbe Angiboust de Saint-
Germain-en-Laye pour l'envoyer à Richelieu, oîi elle n'alla que plus
tard. (Voir 1. 320.)
5. L'hôpital Saint-Jean-Baptiste d'Angers. Les Filles de la Charité
s'y rendirent à la fin de l'année.
Lettre 326. — L. a. — Dossier de Turin, original.
1. Voir lettres 323 et 32g.
2. Jean-François Delabarre, né à Château-Thierry, nommé prieur
de Montmirail en 1636. Il résigna sa cure en 1646 et mourut en 1647.
— 48o —
Je soupçonne un peu l'attache de cette pauvre femme
à se piqueter la tête ; il faut tâcher à lui faire changer.
Si elle ne le veut pas, in nomine Domini. Ce que vous
lui proposez me semble raisonnable.
J'ai écrit à Monseigneur de Soissons ^ touchant les
deux Messieurs Abeline et Breton.
Il sera bon de faire appliquer quelque restitution ou
quelque aumône pour la délivrance de ce prisonnier.
Je vous prie de dire à M. Cuissot que son bon frère
m'est venu voir plusieurs fois, qu'il demeure et travaille
chez un orfèvre, que j'ai oublié son nom et ne sais comme
quoi lui faire donner sa lettre qu'il se propose de lui
écrire, et qu'il me paraît bon enfant.
Nous avons eu soixante ordinands ou environ, qui
ont bien fait. Dieu merci. Monseigneur l'archevêque *
les est venu voir et s'en est retourné bien satisfait. Dieu
merci ; et c'est avec sujet, par la miséricorde de Dieu.
M. Mouton n'a plus de fièvre. Chacun se porte bien,
Dieu merci. Il n'y a que le bon M. Fouquet le père ^,
qui est plus mal et en danger. Je vous supplie de prier
et de faire prier Dieu pour lui, comme pour l'un des plus
hommes de bien que je connaisse, qui suis à M. Abe-
line et à M. Le Breton et à toute la compagnie votre
très humble serviteur.
Vincent Depaul
Suscription : A Monsieur Monsieur Bécu, prêtre de la
Mission, à Montmirail.
3. Simon Le Gras.
4. Jean-François de Gondi.
5. François Fouquet, vicomte de Vaux, né en Bretagne en 1587,
mort à Paris le 22 avril 1640. Il était armateur quand Richelieu
l'appela au conseil de la marine et du commerce. Il devint conseiller
au parlement, maître des requêtes, ambassadeur en Suisse. De Marie
de Maupeou, son épouse, il eut douze enfants : cfnq filles entrèrent
à la Visitation ; Nicolas, le plus célèbre, obtint la charge de surinten-
— 48i —
327. — A LOUISE DE MARILLAC
[1638 ou 1639 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je tâcherai d'aller servir - cette bonne ûlle samedi à
l'accoutumée.
Je suis étonné de la mort de tant de ces petites créa-
tures et pense qu'il y peut avoir quelque chose de ce que
vous dites. Je vous pne me mander ce que vous en a dit
Madame la présidente de Herse. Il faudra aviser sérieu-
sement et tout de bon à ce qu'il faut faire en cela.
J'ai écrit déjà à Madame Goussault, si me semble,
que je louais Dieu de la pensée qu'il lui avait donnée
de vous convier d'aller à Grigny. Je vous dis le même
à vous. Vous y trouverez M. Pavillon et deux prêtres
de céans, dont l'un ne fait que sortir du séminaire et
l'autre y est encore. Il y a encore un neveu de M. le
curé de Saint-Gervais ^, qui demeure à Saint-Nicolas *.
Et moi je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Made-
moiselle, votre très humble serviteur.
V. D. P.
Ce jeudi, à 4 heures.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
dant des finances ; François occupa les sièges épiscopaux de Bayonne,
d'Agde et de Xarbonne ; Louis remplaça son frère comme évêque
d'Agde.
Lettre 327. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre a été écrite après les commencements de l'œuvre des
Enfants trouvés (janvier 1638) et avant la dernière maladie de Ma-
dame Goussault (juillet 1639).
2. Entendre en confession.
3. Paroisse de Paris. Le curé de Saint-Gervais était alors Charles-
François Talon, docteur de Sorbonne, ancien avocat général au par-
lement de Paris.
4. Au séminaire de Saint-Xicolas-du-Chardonnet.
3i
— 482 —
328. — A NICOLAS MARCEILLEi
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous remercie très humblement du soin que vous
avez eu de nous envoyer si à point tout ce que je vous
ai demandé par ma dernière, et vous prie, au nom de
Notre- Seigneur, d'avoir soin de votre santé. M. de la
Salle me mande que vous paraissez un peu indisposé. Je
vous supplie, Monsieur, de vous reposer et de vous faire
purger et saigner.
Je suis en peine si vous n'avez pas fait parler M. le
prieur " dans le bail fait au fermier du Bourget ^
Il ne faut point faire couper le foin tandis que ce
temps pluvieux durera, quoi que les ouvriers vous disent.
Il serait bon d'écrire de ma part à Bertrand Denise, de
Villepreux, et le prier de vous envoyer ce bonhomme
qui est venu de sa part à Saint-Lazare pour fener et
bêcher les foins, et que vous l'envoyiez ici et lui don-
niez à cet effet de l'argent. Jourdain "* sait où logent ceux
de Villepreux et pourra envoyer la lettre par main
sûre. Le maître du pré qui est vis-à-vis de l'église de La
Chapelle s'entend bien à le ménager. Quand vous saurez
qu'il fait couper le sien, vous pourrez faire couper les
nôtres, et non plus tôt. Bertrand Denise est fermier du
Lettre 328. — L. a. — Dossier de Turin, original.
1. Nicolas Marceille, prêtre de la Mission, né au Pont-Sainte-
Maxence, reçu dans la congrég^atinn de la Mission en 1635. Il était
procureur de la maison de Saint-Lazare.
2. Adrien Le Bon.
3. Localité située près de Saint-Denis, sur les confins de la Seine et
de la Seine-et-Oise. Il y avait là des terres qui dépendaient du prieuré
de Saint-Lazare depuis le Xli' siècle. (Arch. Nat. S 6651.)
4. Jean Jourdain, frère coadjuteur.
— 483 —
R. P. de Gondy en sa ferme de Villepreux. Il sera bon
que vous fassiez marché à la journée avec le bonhomme
qu'il vous enverra et que vous le nous envoyiez ici.
Ma petite indisposition continue toujours. Il me sem-
ble néanmoins que j'entrevois quelque petit amende-
ment. Je me propose, Dieu aidant, de me faire purger,
si quelque chose ne requiert absolument mon retour.
Or sus, je ânis en me recommandant à vos prières et
en esprit à votre bon et saint homme de père, et suis, en
l'amour de Notre-Seigneur, votre serviteur.
V. Depaul.
Fréneville, ce jour de l'octave du Saint-Sacrement ^.
Si vous avez besoin du petit Pasquier, vous le pour-
rez retenir ; l'on s'en passera ici. Pierre fait ce que celui-
ci faisait. Je vous prie de faire saigner et purger M. Bou-
det, si déjà il ne l'a été depuis son retour. Je le salue
htmiblement. Je vous prie de faire tenir les lettres de notre
frère Louistre ® là oii elles s'adressent pour Mantes sa-
medi au matin. Le messager part ce jour-là de Paris.
Suscription : A Monsieur Monsieur de Marceille, prê-
tre de la Mission, à Saint-Lazare.
5. Une main étrangère a écrit près de ces mots : 17 juin 1638.
Celui qui a écrit cette date n'a pas songé qu'en 1638 l'octave du Saint-
Sacrement tombait le 10 juin et non le 17. En juin 163S, saint Vin-
cent était à Fréneville et malade ; c'est ce qui nous fait conclure
que l'année et le mois sont exacts.
6. Jean Louistre, frère coadjuteur, né à Mantes en 1613, entré dans
la congrégation de la Mission le 14 mars 1637, reçu aux vœux le
15 mars 1642.
— 484 —
329. — A JEAN BÉCU
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je reçus hier au soir à Fréneville celle que vous m'avez
écrite du 5 de ce mois. Je suis bien en peine de votre
petite indisposition et prie Notre-Seigneur qu'il vous
rende votre pleine santé.
Vous ferez bien de donner vingt sols aux bedeaux
et demi-écu au jardinier.
Vous ne pouvez faire que ce que vous avez fait, qui est
de renvoyer les deux adultères couverts, si ce n'est si
l'un ou l'autre revient, auquel cas il sera bon de faire
ce qui se pourra pour les porter à la séparation. La
femme aura peut-être plus de disposition à cela.
L'affaire de la maîtresse d'école est un ouvrage à
faire par le R. P. de Gondy \ étant sur le lieu, comme
le remboursement des deniers de la Charité.
Je ne doute point que la mission n'aille lentement,
dans l'embarras que les esprits ont à présent à cause du
temps qui court. La division avec M. le prieur ^ y peut
bien aussi contribuer. Il ne faut point prendre parti là
dedans ; il n'y a que les personnes neutres qui puissent
réunir les esprits.
L'exposition du Saint-Sacrement n'est pas en usage
partout dans les octaves. Il faut faire à Rome comme
à Rome et agréer les coutumes des lieux, si elles ne sont
vicieuses.
Le notaire qui a écrit comme les parties lui ont dit,
a fait son devoir de les avertir avant que d'écrire, et,
Lettre 329. — L. a. ■ — Dossier de Turin, original.
1. Seigneur du lieu.
2. Jean-François Delabarre.
— 485 —
quoiqu'il sût le contraire, il a dû néanmoins croire les
contractants. Il est là comme un juge qui doit ajouter
plus de foi à ce que les parties lui prouvent, qu'au con-
traire qu'il a vu. Et voilà pour le premier cas.
Et pour le second, je doute que celui qui a acheté le
pré, au cas du rachat dans trois ans, soit en bonne foi, à
cause qu'il n'est pas vendu son juste prix. Il y a lésion
d'environ soixante livres. Cet homme-là fera bien de
libérer le vendeur de la rigueur de la clause qu'il ne
pourra être reçu au rachat trois ans faits (?), ou bien
qu'il lui dorme soixante livres outre les cent pour la
vente pure et simple. Par ce moyen, il achètera le pré au
denier vingt, qui est le juste prix du bien en roture. Et
puis cette nature de contrats qui portent la rigueur de la
clause ci-dessus, est contre les bonnes mœurs, quand
l'on ne donne le juste prix.
Voilà, Monsieur, ce que je vous puis dire de Fréne-
ville, où je suis avec ma petite ûévrotte de l'ordre
d'Alexandre ^. Quantité de monde demande ici de vos
nouvelles. Frère Hubert * y fait incomparablement bien.
Mademoiselle de la Grange est fort dangereusement
malade ; elle crache son poumon. Ce sera une grande
perte pour cette paroisse. Je la recommande à vos prières
et salue très humblement le bon M. Abeline, M. Le
Breton et le reste de la compagnie et suis, en l'amour
de Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
De Fréneville, l'octave du Saint-Sacrement^ 1638.
Suscription : A Monsieur Monsieur Octobre, con-
3. Petit nom du frère Véronne, infirmier de Saint-Lazare.
4. Hubert Bécu, frère du destinataire de cette lettre, né à Bra-
ches (Somme) vers 1607, entré dans la congrégation de la Mission en
juillet 1629 en qualité de frère coadjuteur, reçu aux vœux le 24 fé-
vrier 1645.
5. 10 juin.
— 486 —
cierge du château de Montmirail, pour rendre, s'il lui
plaît, à Monsieur Bécu, prêtre de la Mission, à Mont-
mirail.
330. — A JEAN DEHORGNY
[Juin 1638 1.]
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous envoie ce porteur exprès pour vous dire que
ce bon homme d'Osny, à une petite lieue par delà de
Pontoise, n'est point venu. Je ne sais si c'est sa faute ou
celle du portier. Je vous prie d envoyer dès demain ma-
tin quelqu'un au fermier de Courcelles - lui dire que je
le prie de m' envoyer quelqu'un de ses gendres, qui parte
le même jour sur le tard pour aller coucher à Saint-
Lazare, et le lendemain de bon matin pour être ici le soir
mardi, pource que la saison de semer l'avoine du fermier
presse. Il ne lui reste plus que quinze arpents à faire.
Et de plus je vous prie d'envoyer quérir le fi.ls aîné
du fermier qui est marié à La Chapelle, et de vous infor-
mer de lui comment M. Bienvenu, notre fermier de Go-
nesse ^, lui fait herser deux fois en même temps la
pièce de blé dans laquelle M. le prieur * a fait semer son
sainfoin, derrière la grange. Il me semble que la pre-
mière fois fut la herse renversée d'un bout, et l'autre au
Lettre 330. — L. a. — Dossier de Turin, original.
1. Une main étrangère a écrit sur le côté réservé à l'adresse :
Fréneville, ib^8. La place de la lettre semble être entre les lettres
329 et 3;?i.
2. Courcelles n'avait pas grande étendue. Son territoire est englobé
de nos jours dans la commune de Levallois-Perret. (Cf. Lebeuf, o-p.
cit., t. I, p. 429.)
3. Aujourd'hui chef-lieu de canton en Seine-et-Oise.
4. Adrien Le Bon.
— 487 —
travers de la pièce, la herse non renversée, ains à l'or-
dinaire. Je vous supplie, Monsieur, de savoir bien cela
de ce jeune homme, ou, s'il ne s'en ressouvient pas, du-
dit sieur Bienvenu et de me l'écrire.
Je n'ai point passé outre pour Limouron ^ à cause que
j'ai été un peu incommodé de la première journée, et
Jean Besson ® aussi, joint que j'y ai trouvé assez d'occu-
pation. Nous avons fait marché pour les réparations à
faire et pour la muraille du jardin à environ cent écus ;
et ce matin l'on doit arrêter le marché des brebis du fer-
mier, qui a désiré que nous les ayons présentes.
Si je le puis, je partirai tajitôt pour Limouron. Ce
pays est tout à fait à Dieu. O Monsieur, quel effet ad-
mirable de sa bonté sur ce peuple !
Je doute que je puisse être de retour à Paris avant
jeudi ou vendredi. Vous renverrez, s'il vous plaît, le por-
teur avec celui qui viendra semer, lequel vous assurerez
que nous reconnaîtrons '' .
Je vous salue cependant ensemble, Monsieur le prieur
et toute la maison et suis v. s.
V. Depaul.
Suscriftion : A Monsieur Monsieur Dehorgny, prêtre
de la Mission, à Saint-Lazare.
331. — A lEAN DE LA SALLE
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
5. Probablement Limoron, quartier de la commune de Villamblain
(Loiret), dans lequel était un prieuré.
6. Jean Besson, frère coadjuteur, né à Carisey (Yonne) le 30 no-
vembre i6ii, entré dans la congrégation de la Mission le 8 dé-
cembre 1635, reçu aux vœux le 21 octobre 1646.
7. Nous reconnaîtrons, nous récompenserons.
Lettre 331. — L. a. — Dossier de Turin, original.
Je revins hier de Limouron fort tard et n'ai pu encore
lire que votre lettre et celle de M. Marceille. Je vous en-
voie ce bon enfant de Mespuits ', que j'ai trouvé céans,
faute que M. Portail ne le vous a envoyé. Vous lui ferez
faire sa retraite d'abord, s'il vous plaît. Je retiens le
petit Jean jusques à demain.
Par la grâce de Dieu, je me porte bien de mon voyage.
C'est un grand cas que, pendant que j'ai été ici sans rien
faire, je me suis trouvé quasi comme à Paris, et que le
grand tracas m'a quasi ôté mon incommodité tout à
fait. Si je continue en l'état que je suis, je m'en retour-
nerai vers la un de la semaine. Dieu aidant.
Que vous dirai-je cependant de M. le prieur ^ ? S'il
y a quelque sujet de l'aller voir, vous le ferez, ou M. de
Marceille ; cependant je ne sais s'il a parlé au dernier
bail du Bourget. Je suis été étonné de ce qu'on m'a
mandé que j'avais dit qu'on le passât en mon absence,
pource que je pense ne m'être pas bien fait entendre. Il
me semble que j'avais dit qu'on remît le fermier à mon
retour ; car je voyais bien qu'il y avait quelque chose à
faire trouver bon à AI. le prieur. C'est sans doute que
AI. de Alarceille l'entendit autrement. Je sais pourtant
que j'ai parlé de l'offre dudit premier à mondit sieur le
prieur le jour avant mon départ et qu'il me dit qu'il va-
lait mieux accepter son offre que celui qu'un autre faisait.
Je vous supplie. Monsieur, que l'un de nos portiers
ne sorte jamais de la porte pour quelque raison que ce
soit, et qu'il y en ait toujours deux.
Vous ne me dites point qui c'est qui fait les prisons
et qui en a les clefs.
Que vous dirai-je touchant ces personnes qui deman-
dent à être de la compagnie ? Rien, sinon que je m'en
1. Petite commune de Seine-et-Oise.
2. Adrien Le Bon.
— 489 —
rapporte à vous à l'égard de tous et que ce jeune homme
de Caen qui appréhende les tendresses de son père doit
être un plus long- temps considéré, surtout si son père
est incommodé et lui n'a quelque chose de bien recom-
mandable.
J'écris ceci au sortir du lit. La présente servira pour
M. de Marceille aussi, lequel je prie de donner huit cents
livres à Alexandre pour les étoffes et de tâcher d'allon-
ger avec le reste qu'il a. Nous verrons, à mon retour, ce
qui se pourra faire pour avoir de quoi subsister. Je le
prie bien fort d'avoir soin de sa santé, et Alexandre de
la sienne, et d'envoyer Henri à Saint-Denis pour faire
l'emploi des étoffes. -S'il est incommodé, M. de Marceille
pourra dire à ]^I. de Vincy que je penserai à la demande
qu'il fait d'un garçon. Mais, pour notre frère Besson, il
n'y faut pas penser. Je le salue très humblement. Vous
assurerez aussi M. le prieur, si vous l'allez voir, de mon
obéissance et saluerez M. Cosin.
Bon jour, Monsieur, je suis votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Un boucher d'auprès de Limouron, frère de la Mère
supérieure des Filles de la Charité de la place Royale ^
mènera son troupeau de moutons coucher à Saint-Lazare.
Je vous prie de faire en sorte avec le fermier qu'il lui
baille les étables, et de loger le Monsieur et ses valets
dans notre maison et de les traiter cordialement, allant
et venant à la foire Saint-Denis. Je vous renverrai de-
main petit Jean. M. de Marceille fera marché avec le
3- Un hôpital pour femmes malades fonctionnait depuis 1629 près
de la place Royale, là où s'élevait récemment l'hôpital Andral, à
l'angle des rues des Touriielles et des Minimes ; il était confié aux
Hospitalières de la Charité Notre-Dame. [Histoire de la ville et de
tout le diocèse de Paris, par Lebeuf, rectifications et additions de
Boumon, p. isq)
— 490 —
feneur de Villepreux et ne l'enverra ici que quand nous
lui manderons.
Ce 14 juin 1638.
Suscription : A Monsieur Monsieur de la Salle, prêtre
de la Mission, à Saint-Lazare-lès-Paris, à Paris.
332. — A DENIS DE CORDES
[1638 K]
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je m'en vas à Rueil. Notre affaire presse. Je vous sup-
plie très humblement de faire nos excuses à M. Guil-
lotin, d'Etampes, qui vous doit aller trouver cette après-
dînée pour la ferme de Fréneville, et d'arrêter, voire de
passer le contrat, si vous le trouvez bon. M. de Marceille
vous apportera l'argent et stipulera, si besoin est. Le
prix est douze cents livres, sur lesquelles il faut re-
tenir le fonds de 50 livres de rente au denier douze d'un
côté et de 10 livres d'un autre. Il serait bon de retirer
les lettres qu'il a et de faire spécifier le nombre d'arpents
de terre, qu'on dit être de cent cinquante, dont il y en a
une grande quantité en friche.
Pardon, Monsieur, de tant d'importunité. Je suis votre
très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Ce lundi matin.
Suscription : A Monsieur de Marceille pour bailler à
Monsieur Monsieur de Cordes, conseiller du Châtelet.
Lettre 332. — L. a. — Dossier de Turin, original.
I. Une main étrangère a aiouté i6^^8 après les mots ce lundi matin.
— 491
333. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT
Monsieur^
L'on me vient de dire quil y a de la contagion dans la mai-
son où logent les filles de l'Hôtel-Dieu. Je vous supplie me
mander s'il les en faut ôter^ ou si, les y laissant^ il faut faire
avertir les dames de n^y -pas aller ^ et si nous-mêmes y devons
aller ^ f entends les filles de céans, s'il n''y a point de danger de
prendre des confitures pour porter à VHôtel-Dieu.
Vous m avez oubliée pour le besoin que je vous témoignai
avoir de vous parler. Je ne sais pas ce que notre bon Dieu veut
faire entendre, mais f espère que votre charité m'en avertira^
puisque je suis, Monsieur, votre très humble fille et très obli-
gée servante.
L. DE M.
Je ne vous parle point pour l'action que j'ai fait faire si mal
à propos aux filles ; j'attends ce qu'il plaira à votre charité de
m'ordonner.
Ce 2 juillet. [Probablement en i6j8 ^.]
Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.
334. — A JEAN DE FONTENEIL
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais
Je vous rends mille actions de grâces de la charité
que vous avez faite au pauvre Beyrie ^ et prie Dieu qu'il
soit sa patience et votre récompense.
Lettre 333. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Année pendant laquelle la peste sévit avec une violence excep-
tionnelle à Paris. Saint Vincent ne jugea pas à propos d'interrompre
alors le service de la collation.
Lettre 334. — I^. a. — Dossier de Turin, original.
I. Ce nom se rencontre très souvent dans les anciens registres de
catholicité du village natal de saint Vincent de Paul. Ce Beyrie ne
serait-il pas le fils d'une des soeurs du saint ?
— 492 —
J'ai envoyé votre paquet à Châlons et n'en ai point
reçu réponse à vous faire tenir. S'il vous plaît de récrire,
je donnerai charge expresse à la maîtresse du coche, qui
est de ma connaissance, de la retirer.
Je SUIS, de plus, inhniment consolé de la bénédiction
qu'il plaît à Dieu de donner à votre sainte communauté
et le prie qu'il la bénisse de plus en plus. Il me semble
que vous ne devez point avoir de la peine d'avoir mis
tant de temps à honorer la vie cachée de Xotre-Seigneur,
ni ne devez faire difficulté de commencer à faire paraî-
tre la pointe de cette aurore sur l'horizon des rencontres,
dans l'esprit d'humilité dont il me semble que Notre-
Seigneur vous a fait part.
Vous êtes notre recours à Bordeaux dans toutes les
occasions qui se présentent. Je vous supplie, Monsieur,
de me pardonner si j'en use trop librement.
Nous rappelons ici M. Grenu. Peut-être qu'il passera
chez vous et qu'il se pourra rencontrer avec Messieurs de
Sergis et Brunet ou encore avec M. Boudet, qui s'en va
de Bretagne à Toulouse. Si les uns et les autres ont be-
soin de l'argent à change, je vous supplie. Monsieur, de
leur en faire bailler, et j'acquitterai la lettre à point
nommé.
Je salue Messieurs de votre compagnie avec toute
l'humilité et la révérence qui m'est possible, et suis, en
l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble
et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 20 juillet 163S.
Suscriftion : A Monsieur Monsieur de Fonteneil, cha-
noine du chapitre de Saint-Seurin, à Bordeaux.
— 493 —
335. — A LOUISE DE MARILLAC
[1638 ou 163g '.]
Mademoiselle,
La grâce de Xotre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Prendriez- vous bien un enfant trouvé qui fut apporté
hier céans par des gens de qualité, qui le trouvèrent
dans un champ qui dépend de céans ? Il n'a que deux
ou trois jours et fut baptisé hier au soir à Saint-Lau-
rent. Etant de la qualité des enfants trouvés, il n'y a
rien à redire, sinon que vous ne le prenez point à la
Couche ni à l'Hôtel-Dieu. Si l'on juge qu'il soit expé-
dient de faire cette cérémonie, l'on le fera. Je vous sup-
plie cependant de le recevoir. Mademoiselle, et de le
recommander à la nourrice.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis, en l'amour de Notre-
Seigneur, Mademoiselle, votre serviteur très humble.
V. D.
Ce mardi matin.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
336. — LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT
[1638 1.]
Monsieur,
Voilà une lettre. Je crois quil est nécessaire de pourvoir
froniftement à cette -pauvre fille, qui a telletnent gagné le
Lettre 335. — Dossier de la Mission, original.
I. Cette lettre est postérieure à la fondation de l'œuvre des En-
fants trouvés (1638). Après 1639, saint Vincent aurait écrit « Ce
mardi matin » au début de la lettre, non à la fin.
Lettre 336. — L. a. — Revue des Documents Historiques, juin
1873, p. 45, fac-similé.
I. Cette lettre a été écrite après la lettre 289 et avant le départ de
Bprbe Angiboust pour Richelieu.
— 494 —
cœur des habitants que le bruit court que, si on Vote, que Ion
ne recevra -pas d'autre fille. Elle se conseille à tous dès y a
longtem-ps et -particulièrement des vieils garçons nommés
Messieurs de la Noue, de qui elle retire commodités^ et fait
bonne chère, reçoit bouteille de vin et pâtés. Je vous supplie
très humblemejit et pour Vamour de Dieu de songer aux incon-
vénients de cette ?nauvaise affaire, dont je pense ître cause.
Je vous supplie de prier notre bon Dieu qu'il me pardonne.
Monsieur, votre très humble et très obligée fille et servante.
L. DE M.
Ce mardi.
Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.
337. — A LOUISE DE MARILLAC
[ 1638 K ]
Ne vous étonnez pas de voir la rébellion de cette pau-
vre créature. Nous en verrons bien d'autres, si nous vi-
vons ; et si nous n'en souffrirons pas tant des nôtres
qu'a fait Notre-Seigneur des siens. Soumettons-nous
bien à son bon plaisir au fait qui se présente. Il faut
tâcher de la faire venir, soit en lui écrivant moi-même,
ou lui envoyant la dame fondatrice, ou y envoyant un
prêtre de céans, car enfin il faut la retirer. Vous verrez
la lettre qu'elle m'écrit. O bon Dieu, que cette pauvre
créature m'a trompé !
Je vous prie de me mander votre pensée sur cela, ou
si Barbe - serait plus propre pour la gagner, ou bien si
votre santé vous permettrait d'y amener la petite
Jeanne ' et l'établir à la place.
Lettre 337. — L. a. — Revue des Documents Historiques, juin
1S-3, p. 45, fac-similé.
1. Cette lettre répond à la précédente, à la suite de laquelle saint
Vincent l'a écrite.
2. Barbe Angiboust.
3. Jeanne Lepeintre, que Madame Goussault, sa maîtresse, avait en-
voyée chez les Filles de la Charité. C'était, dit ailleurs saint Vincent,
« une fort bonne fille, judicieuse et douce ». Elle devint
maîtresse d'école à Saint-Germain-en-Laye (1642), supérieure des
— 495 —
Si c'est à Nogent quelle veuille s'établir, Madame
de Brou *, cousine de M. de Vincy, y a tout pouvoir.
Vincent Depaul.
338 — a louise de marillac
[1638 ou 1639 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je fais récrire M. de la Salle à M. le curé de Saint-
Germain pour qu'il renvoie cette fille. Madame de Chau-
mont m'en vient d'écrire, à l'instance de Mademoiselle
Chemerault -, qui lui en donna avis hier au soir. Il fau-
dra faire ce que nous pourrons pour cela ; mais il fau-
dra enfin, céder à la force, si les puissances s'en mêlent.
Madame Goussault est satisfaite de la sœur de Bar-
be ^. Je pense que vous ferez bien de la retenir. Son
frère s'en va retourner.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Je mande à Madame Goussault qu'elle vous envoie la
sœurs de Nantes (1647), puis de celles de Châteaudun (1655) et de la
Salpêtrière (1657). a Dès le vivant de Mademoisel.e Le Gras, lisons-
nous dans un manuscrit [Recueil de Pièces relatives aux Filles de
la Charité, p. 24), elle parut hypocondriaque, et on ne pouvait point
lui faire faire ce qui ne lui agréait point, ni lui donner d'autres
sentiments que ceux qui occupaient sa pensée. » Ce défaut lui valut
plus d'une réprimande de saint Vincent. Ses dernières années se pas-
sèrent tristement au Nom-de-Jésus, où, vu l'égarement de sa raison,
on avait dû l'enfermer. (lèid.J
4. Dame de la Charité.
Lettre 338. — L. a. — =■ Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre se place entre la fondation de Saint-Germain-en-
Laye et la mort de Madame Goussault.
2. Une des filles d'honneur de la reine d'Autriche, très influente
sur Richelieu.
3. Cécile-Agnès Angiboust rendit de grands services à la commu-
— 496 —
lettre de Madame Chaumont, que je viens de lui envoyer
à elle.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
339. — A ROBERT DE SERGIS
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai reçu celle que vous m'avez écrite partie de Plas-
sac ' et partie d'Angoulême, du jour de sainte Marthe -,
par laquelle je vois, si me semble, que les difficultés
qu'on vous avait mises dans l'esprit sont tombées, et je
l'ai toujours bien cru ainsi. J'ai seulement à vous prier
sur ce sujet. Monsieur, que vous travailliez à vous faire
quitte de l'estime que vous avez faite jusques à présent
de l'éclat et du brillant de la vertu et des vains applau-
dissements du monde, que Notre-Seigneur a tant fuis
et qu'il nous recommande si souvent de fuir, et de tra-
vailler à bon escient à l'acquisition des vraies et solides
rertus.
J"ai un peu de oeine de ce que M. Brunet est parti
sans vous, contre le règlement qui oblige de ne pas se
séparer. Au nom de Dieu, Monsieur, soyons bien reli-
gieux en l'observance de tout ce qui nous est marqué,
et Notre-Seigneur nous bénira. Tout est à craindre au
contraire.
Je suis bien aise de ce que vous êtes content d'avoir
nauté, surtout à l'hôpital d'Angers, où elle- fut supérieure de 1647
à 1657. « La sœur Cécile ne se peut estimer », disait saint Vincent,
après l'avoir vue à l'œuvre.
Lettre 339. — L. a. — ■ Dossier de Turin, original.
1. Petite localité de la Charente.
2. 29 juillet.
— 497 —
M. Boudet ; et certes, vous avez raison de l'être ; car
c'est une sainte âme. J'espère que vous le regarderez en
cette vue. Cela n'empêchera pas pourtant que vous ne
continuiez la direction, jusques à ce que vous ayez ordre
du contraire. J'ai écrit à M. l'archevêque de Toulouse *
touchant cela.
Je serais bien aise que vous visitiez les Charités de
Sàintonge et que vous prissiez avec vous ce bon ecclé-
siastique de Plassac, jusques à ce que vous ayez joint
M. Boudet à Bordeaux, où il a ordre de se rendre au
plus tôt.
Je suis bien aise, de plus, de la commodité que vous
avez de prendre de l'argent à Agen. Je le ferai rendre
ici à lettre vue. Il reste encore cent livres à payer selon
le mémoire et vos récépissés, que M. le grand vicaire
m'envoya hier et que je lui ferai bailler aujourd'hui. Il
a reçu sept cents livres de nous et vous huit cents de
delà. Cela est-il ainsi ?
Je pense que vous ferez encore bien de visiter les Cha-
rités établies au diocèse de Bordeaux. M. Fonteneil vou<^
donnera les noms des lieux. En passant pourtant à
Bourg*, vous visiterez celle-là ; c'est en vous en retour-
nant à Bordeaux. Bourg est sur la Garonne entre Blaye
et Bordeaux ; et moi je suis, en l'amour de Notre-Sei-
gneur, Monsieur, votre très humble et très obéissant ser-
viteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 14 août 1638.
Suscriftion : A Monsieur Monsieur de Sergis, prêtre
de la congrégation de la Mission, étant de présent au-
près de Monseigneur l'évêque d'Angoulême, à Angou-
lême.
3. Charles de Montchal.
4. Aujourd'hui chef-lieu de canton de la Gironde.
32
— 498 —
340. — LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT
[Vers 1638 1.]
Monsieur,
Je vas envoyer votre réfonse à Madame Pelletier -par ma
sœur Turgis. Je suis si méchante que f eusse bien voulu que
ce m,ot de son retour bientôt n'y eitt -pas été.
Monsieur de Liancourt -passa hier ici j je ne le vis pas ;
mais il me fit dire que Madame sa femme était fort en peine
de mon retour.
Ma petite saignée d'hier m'a facilité une sueur toute la nuii.
qui m'a bien soulagée, Dieu merci, et en sorte que j'en ai quit-
té le lit. Et pour riavoir pas assez de force ni de santé pour
vous aller treuver, voyant le jnauvais temps et que j'ai besoin
de vous parler j'avais fait dire au frère portier que je vous
suppliais prendre la peine de venir céans. Je prends cette li-
berté par la confiance que votre charité m^en a donnée autre-
fois, puisque je crois être toujours. Monsieur, votre très humble
et très obligée fille et servante.
L. DE M.
Ce dimanche.
Suscnption : A Monsieur Monsieur "Vincent.
341. —A NOËL BRULART DE SILLERY
[Entre 1634 et 1640 1.]
Monsieur,
Je n'ai jamais connu une si aimable bonté que la vô-
tre ; et si j'avais autant de grâces que vous, je vous le-
rais un des plus beaux remercîments que vous ayez ja-
mais reçus. Notre-SeigTieur ne me donnant pas cette suf-
Leltre 340. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. La présence à Paris ou aux environs de Madame Pelletier et de
sœur Turgis demande cette date approximative.
Lettre 341. — Vie de Villustre serviteur de Dieu Noël Brulari de
Sillery, p. 126.
I. C'est entre ces deux dates que Noël Brulart de Sillery combla
la congrégation de la Mission de ses bienfaits.
— 499 —
ûsance, je le prie qu'il soit lui-même ma capacité pour
cela et qu'il fasse bien connaître à votre bon cœur l'es-
time que toute notre congrégation et moi en particulier
faisons de vous, et l'invariable et très tendre affection
qu'il a plu à la divine Majesté me donner pour votre
digne personne. Je voudrais avoir des paroles répon-
dant à la reconnaissance que j'ai de la charité et des
biens que cette pauvre petite compagnie reçoit inces-
samment de votre libéralité. Je prie Notre-Seigneur
qu'il en soit votre récompense et qu'il vous augmente la
couronne qu'il vous a préparée au ciel, tandis que vous
faites votre possible d'établir son empire dans les âmes
sur la terre.
342. — A JEAN BÉCU
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je SUIS plus consolé que je ne vous puis exprimer de
la nouvelle que votre lettre, que je viens de recevoir, me
vient d'apprendre, et en rends grâces à Dieu et au bon
M. Pecoul. O mon Dieu, que d'obligations nous avons
à ce grand serviteur de Dieu ! Je vous prie de le saluer
très humblement de ma part et de l'assurer de ma recon-
naissance.
Je pense qu'il ne faut point penser à prendre à partie
M. le procureur du roi ; vous le rendriez doublement
contraire et vous n'avez pas besoin de cela.
Je ferai travailler dès demain à obtenir les lettres
qu'il faut pour votre neveu. Il n'est pas besoin que vous
demeuriez de delà, oui bien de charger quelque ami pour
LiCttre 342. — L. a. — Dossier de Turin, original.
— 500 —
travailler à l'entérinement des lettres. C'est un affaire qui
ira de longue, et je ne sais s'il est à propos de la pour-
suivre présentement à la chaude. Les affaires criminelles
veulent être vieillies pour en mieux venir à bout. Appor-
tez de deçà tous les mémoires que vous pourrez. Il sera
bon que vous preniez le conseil d'un ou de deux fameux
avocats d'Amiens pour voir comme vous devez procéder,
et les assembler à cet effet. Et quand vous serez ici, nous
ferons le même de deçà ; et apportez, s'il vous plaît, leur
avis par écrit.
Très volontiers, nous enverrons ce que vous dites à la
bonne nièce de M. votre bienfaiteur, lequel je salue, et
suis à lui, à M. Leleu, comme à vous. Monsieur, très
humble et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De PariSj ce 29 août 1638.
Depuis la présente reçue, j'ai relu votre lettre et vu
qu'il faut quelques pièces de delà pour obtenir les let-
tres royaux ^. Nous différerons à y travailler jusques à
votre retour ; en effet, nous ne saurions à présent sur
quoi les fonder.
Suscnption : A Monsieur Monsieur Antoine, chape-
lain organiste [de] Notre-Dame, demeurant proche de
Saint-Remy ^, pour faire tenir à Monsieur Bécu, prêtre
de la Mission, à Amiens.
1. Cette forme plurielle s'employait autrefois au féminin comme
au masculin.
2. Eglise d'Amiens.
50I
343. - A BERNARD CODOING, PRÊTRE DE LA MISSION,
A RICHELIEU
29 août 1638.
Je loue Dieu, Monsieur, de la grâce qu'il vous a faite
de vous surmonter de la sorte que vous avez fait tou-
chant l'instance qu'on vous a faite d'aller au pays, et je
le prie qu'il vous rende souverain et absolu sur vous-
même, en sorte que vous n'ayez qu'un même vouloir et
non-vouloir avec Dieu toujours et en toutes choses, ce
qui est, certes, l'état parfait des personnes de notre vo-
cation. Mais la consolation que mon âme a reçue de ce
côté-là a été mêlée de la douleur de votre indisposition.
Au nom de Notre-Seigneur, Monsieur, faites votre pos-
sible de recouvrer la santé et de la ménager pour en
servir Dieu et les pauvres plus longtemps. Ce soin mo-
déré n'empêche pas la générosité que nous devons avoir
d'exposer nos vies dans les rencontres pour le salut de
notre prochain. O Monsieur, que je demande instam-
ment à Dieu qu'il nous anime tous de cette générosité !
344. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
Je tâcherai d'aller ou d'envoyer pour vos filles
samedi à La Chapelle. Je n'ai plus ma petite fiévrotte,
ce me semble, ou peu. Assurez-vous, Mademoiselle, que
j'aurai plus de soin de ma santé, s'il se peut ajouter
Lettre 343. — Reg. 2, p. 33.
I. Le registre fait adresser la lettre « à M. N. à Richelieu ». La
mention Au même M. N . mise en tête des deux lettres qui font
suite sur ce registre, l'une du 12 décembre 1638, l'autre du 25 mai 1642,
nous permet de conclure que toutes trois étaient destinées à Bernard
Codoing, car la troisième est, à n'en pas douter, pour lui.
Lettre 344. — Manuscrit Saint-Paul, p. i;o.
— 502 —
quelque chose à celui que j'ai, pource que vous me le
recommandez.
Je prie Notre-Seigneur qu'il bénisse votre voyage et
votre personne et qu'il multiplie ses bénédictions à votre
âme et à celle de Madame la présidente Goussault, avec
laquelle je vous prie d'être bien gaie, dussiez-vous di-
minuer un peu de la petite sériosité que la nature vous
a donnée et que la grâce adoucit, par la miséricorde de
Dieu, en l'amour duquel je suis...
De Paris, ce 30 août 1638.
345 — A LOUISE DE MARILLAG
[Septembre 1638 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je suis en demeure vers vous ; l'embarras que j'ai eu
depuis votre lettre en est cause. Je loue Dieu de la satis-
faction que vous aurez retirée de Monsieur votre fils, et
le prie qu'il lui fasse la grâce d'exécuter ses bonnes réso-
lutions.
Quant au garçon, je n'ai rien à redire, si vous lui en
avez parlé, sinon que je ne puis que je n'appréhende que,
faisant plus que vous ne pouvez, la chose ait quelque
suite ; néanmoins je vous prie de n'avoir aucun égard
à ce que je vous en dis.
Jai été à Saint-Germain ^. Madame de Liancourt se
Lettre 345. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Saint Vincent annonçait à Lambert aux Couteaux, le i" oc-
tobre 1638, le départ de Barbe et de Louise pour Richelieu. La lettre
ci-dessus est antérieure. Comme elle est de l'époque des vendanges,
il faut la placer en septembre.
2. Saint-Germain-en-Laye.
— 503 —
porte mieux. Je lui dis l'offre que vous lui faisiez de
l'aller servir ; à quoi elle me répartit : O mon Dieu, ce
serait bien l'achever de peindre ! Elle me parla de vous
à diverses fois et de la satisfaction qu'elle a de sa maî-
tresse des filles.
La Charité de Richelieu a bien besoin à présent de
notre sœur Barbe à cause de la quantité de malades
qu'il y a. Que vous en semble, Mademoiselle, si l'on en-
voyait assister ces bonnes gens en ce besoin ? Ce ne sont
point maladies contagieuses. En ce cas-là, nous pour-
riez-vous point donner notre sœur Louise pour ici ^ ?
Madame de Chaumont estime qu'il est expédient que
vous alliez à Saint-Germain pour voir la compagnie *
en corps, et Madame Goussault avec vous. Il est vrai
qu'on est maintenant en vendange. Il faudra voir dans
quelque temps.
Je suis, en attendant, en l'amour de Notre-Seigneur,
votre très humble serviteur.
V. D
Suscripiion : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
346. — A MADAME GOUSSAULT
De Saint-Lazare. [Entre 1636 et 1639 ^.]
Madame,
J'eusse été consolé de vous voir aujourd'hui, Madame,
mais ce sera une autre fois. Mademoiselle Le Gras m'a
3. Pour la paroisse Saint-Laurent. Elle accompagna la sœur Barbe
à Richelieu.
4. La confrérie de la Charité.
Lettre 269. — Pémartin, of. cit., t. III, p. i, lettre 1007.
I. Dates de l'arrivée des sœurs à La Chapelle et de la mort de
Madame Goussault.
— 504 —
parlé de la confesser demain au matin avec ses filles à
La Chapelle et désirerait bien que vous lui puissiez
prêter votre carrosse pour cela ; mais je ne sais pas com-
ment vous le pourriez, ayant à présent tant d'affaires.
Je vous supplie, Madame, de lui mander qu'elle ne
vienne pas, au cas que vous ayez à venir demain au
matin céans. Ce que je voulais vous dire ne requiert pas
que vous vous hâtiez de mon côté. Je vous souhaite ce-
pendant le bonjour et suis, en Notre- Seigneur...
347. — A LOUISE DE MARILLAC
[Septembre 1638 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Si vous jugez qu'Henriette ^ sache faire l'école, à la
bonne heure, essayez-en. L'essai aurait été mieux ail-
leurs ; toutefois faites comme Dieu vous inspirera. Je
ne pense pas que Perrette ait l'esprit propre pour cela.
Il sera voirement bon que vous assembliez les dames
de la Charité ^, si M. le curé l'a agréable ; je dis celles
du bourg. Madame de Chaumont sera contristée si Ma-
dame Goussault et vous ne la voyez ^. Priez-la qu'elle
n'en parle point aux filles de la reine*.
Lettre 347. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre trouve naturellement sa place entre les lettres 345
et 348.
2. Henriette Gesseaume.
3. La Charité de Saint-Germain-en-Laye.
4. La Charité de Saint-Germain-en-Laye, dont il est ici question,
était composée de demoiselles ou dames d'honneur de la reine et de
dames du bourg. Saint Vincent demande à Louise de Marillac d'as-
sembler ces dernières seulement. Il l'engage toutefois à voir la prési-
dente, Madame de Chaumont.
5. Les demoiselles d'honneur de la reine.
— 5°5 —
Si votre santé vous permet d'être là sept ou huit jours,
faites, et davantage, si besoin est. Donnez cependant
charge à Madame Pelletier de la maison "^ et les ordres
qu'elle doit observer. Madame Goussault s'en pourra re-
venir deux ou trois jours après et vous pourra aller qué-
rir.
Je vous prie de dire à Madame Goussault qu'il sera
bon qu'elle voie Madame Souscarrière '^ ou Madame Tra-
versay pour faire savoir à l'Hôtel-Dieu la cessation de
la collation * et que j'ai oublié de parler de la maison
et qu'au premier jour je parlerai au R. P. Sirmond '.
Or sus, je prie cependant Notre-Seigneur qu'il bénisse
votre voyage et suis, en son amour, votre serviteur.
V. D. P.
Ce dimanche matin.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
6. La maison-mère.
7. Marie du Tremblay, veuve depuis 1627 de Maximilien Grangier,
seigneur de Souscarrière, maître des requêtes, intendant de la justi-
ce à Lyon, puis conseiller d'Etat ordinaire. Sa fille Marguerite
épousa Antoine Goussault, fils aîné de Madame Goussault. Madame
de Souscarrière succéda à cette dernière en 163g comme présidente des
dames de la Charité. Elle mourut en 1670, dans le courant de sep-
tembre.
8. «[ Après le dîner, sur les trois heures, écrit Abelly, parlant des
dames de la Chanté (o-p. cit., t. I, chap. xxix, l'e éd., p. 136), elles
portaient la collation pour tous ; c'est à savoir du pain blanc, du
biscuit, des confitures et de la gelée, des raisins et des cerises en
la saison, et durant l'hiver des citrons, des poires cuites et des rôtis
au sucre... Elles allaient quatre ou cinq ensemble chaque jour à
leur tour distribuer cefte collation, ceintes de tcbliers ; et se séparant
par les salles, elles passaient d'un lit à un autre pour présenter ces
petites douceurs. » La dépense augmentant avec le nombre des ma-
lades, les dames durent bientôt supprimer le pain, les biscuits et les
citrons. Plusieurs fois, particulièrement en 1638 et 1649, elles ces-
sèrent la collation, soit à cause des milndies contagieuses, soit pour
raison d'économie. L'interruption de lô jS dur? vingt iours ; elle
fut provoquée par la contagion, qui chassa de leur demeure les
Filles de la Charité employées à l'Hôtel-Dieu. (P. Coste, o-p. cit.,
F- II-)
9. Célèbre jésuite, né à Riom en 1559. Il enseigna d'abord à Paris,
— 5o6 —
348. ~ A LOUISE DE MARILLAC
[Septembre 1638 ^.]
Mademoiselle,
Il faudra donc envoyer quelqu'un quérir dès demain
notre sœur Barbe et envoyer dès aujourd'hui Henriette
et mettre Nicole à sa place. Mais il sera bon que vous
tiriez parole d'aller et de revenir toutes fois et quantes
l'on la rappellera. Le voyage de Notre-Dame-des-
Vertus ^ lui pourra faire obtenir quelque grâce de Dieu.
Je suis, en son amour. Mademoiselle, votre très humble
serviteur.
Vincent Depaul.
349. — a louise de marillac
[1638 1.]
Mademoiselle,
Cette bonne demoiselle me fait compassion comme
à vous ; mais quel remède ? Nulle religion - s'en char-
gera avec cette incommodité. Vaudrait-il pas mieux la
renvoyer en son pays ? Si vous trouvez bon d'en conférer
puis fut appelé à Rome pour servir de secrétaire au supérieur géné-
ral. Il devint confesseur de Louis XIII en 1637 et mourut en 1651.
On lui doit un recueil des anciens conciles de France. Il a égale-
ment édité quelques œuvres de Pères et d'auteurs ecclésiastiques.
Lettre 348. — Lettres de saint Vincent à Louise de Mariîlac, éd.
aut., lettre 175. Le texte a été pris directement sur l'autographe.
1. Cette lettre semble à sa place près de la lettre 347.
2. A Aubervilliers.
Lettre 349 . — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre date certainement des débuts de l'œuvre des En-
fants trouvés, c'est-à-dire de 1638. La présence de Barbe à Paris
nous montre qu'elle a été écrite au plus tard dans les premiers jours
d'octobre.
2. Nulle religion, nulle communauté religieuse.
— 5°? —
sérieusement avec Mademoiselle Musnier et la garder
cependant quinze jours, à la bonne heure.
J'ai écrit, ce matin, à Madame Traversay qu'elle rem-
plisse les places vides des petits enfants jusques à sept,
partie de ceux de l'Hôtel-Dieu et partie de la Couche,
jusques à ce que vous ayez une autre nourrice, ime chèvre
et une vache.
Barbe ^ ne saurait venir si matin que je ne lui puisse
parler.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis votre serviteur.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
350. — A LOUISE DE MARILLAC
[Septembre 1638 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je suis bien aise du retour de M. votre fils et qu'il soit
au collège ^. Il y est mieux que céans ^, pource que la
plupart sont en retraite, et le reste ou malade ou au
séminaire. Je serai bien aise pourtant qu'il y vierme pas-
ser deux jours, après qu'on sera sorti de la retraite, vers
"mercredi de la semaine prochaine.
Je vous écris en hâte. Vous me consolerez de me man-
der l'état de votre santé, de vos filles et de l'Hôtel-Dieu.
Vous avez su que M. Lavocat* n'a pas été d'avis qu'on
3. Barbe Angiboust.
Lettre 350. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cf. note 5.
2. Au collège des Bons-Enfants.
3. A Saint-Lazare.
4. En tête des constitutions des religieuses augustines nous lisons
— 5o8 —
recommence qu'après la saint Denis ^, et vous saurez
un jour que je suis plus que je ne vous dis, en son
amour, v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
351. — A LOUISE DE MARILLAC
[i" octobre 1638 1.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous avais dit que je vous irais voir aujourd'hui,
et je m'y attendais ; mais une petite indisposition qui
m'est survenue, m'en ôte le moyen. Je vous supplie, Ma-
demoiselle, de m'excuser et d'envoyer donner ordre aux
filles qu'elles ne viennent point chez vous pour aujour-
d'hui à cause de cela.
Je vous envoie cinquante livres, lesquelles je vous
prie de donner à Barbe et à Louise pour leur voyage. Il
sera bon qu'elles se mettent dans le coche de Tours et
ces mots, qui le feront connaître : « Ces présentes constitutions ont
été composées par Messire François Lavocat, prêtre, conseiller, au-
mônier du roi, abbé de Notre-Dame d'Humblières et chanoine de
l'Eglise de Paris, commis par Messieurs de ladite église à la charge
de visiteur de cet hôpital (Hôtel-Dieu), laquelle il a exercée pen-
dant douze ans avec une charité et une assiduité incroyables, y ayant
fait refleurir le zèle et la piété pour les services des malades ; et
continuant dans ces saints exercices, il fut attaqué d'une fièvre con-
tinue, dont il décéda le 15 janvier 1646, âgé de quarante-huit ans.
Son corps repose à Notre-Dame, devant l'autel de la Vierge, et son
cœur proche le maître-autel de l' Hôtel-Dieu. » Ajoutons qu'il fut
chambrier du chapitre, et, à ce titre, chargé de l'administration des
finances capitulaires.
5. 9 octobre. Il s'agit peut-être de la collation de l'Hôtel-Dieu,
dont il a été parlé plus haut, lettre 347, note 8.
Lettre 351. — T.. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir note a.
— soc-
que là elles s'informent d'un homme qui conduit pour
l'ordinaire à Richelieu ceux qui y veulent aller, et
qu'elles le prennent et louent un âne ou une petite char-
rette pour se rendre à Richelieu, qui en est distant de
dix lieues ; et là elles feront ce qu'elles pourront pour
les pauvres malades, selon l'ordre de M. Lambert ou de
celui qui le représentera. Voici un mot de lettre que je
lui écris ^.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis votre serviteur très
humble.
Vincent Depaul.
L'on paye 12 livres pour chaque personne par le co-
che jusques à Tours. Je dirai à quelqu'un de nos gens
qu'il leur retierme place pour le premier qui partira.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
352 — A LAMBERT AUX COUTEAUX
Monsieur,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Voici deux Filles de la Charité ^ qui s'en vont vous
trouver pour soulager les dames de la Charité et assis-
ter les pauvres malades ; elles savent faire les écoles
des petites filles toutes deux ; l'on vous en pourra lais-
ser l'une pour cela, quand les malades seront diminués,
et l'autre s'en reviendra. Madame la duchesse d'Aiguil-
lon m'a mandé qu'elle écrirait à M. de Grandpré ^ pour
2. La lettre 352.
Lettre 352. — L. a. — Dossier de Turin, original.
1. Sœur Barbe Angiboust et sœur Louise.
2. Antoine-François de Joyeuse, comte de Grandpré.
— 5IO —
les faire loger. J'espère qu'elle donnera ordre aussi pour
leur entretien, ou bien Son Eminence. Je vous supplie
cependant de leur fournir ce qu'il leur faudra pour leur
nourriture.
Je suis en peine de votre indisposition et de celle de
Messieurs Codoing, Durot et Buissot ; et, au cas que M.
Codoing ait la fièvre quarte, comme il m'a mandé qu'il
s"en doutait, il faudra aviser au moyen de le faire ve-
nir ici par charrette jusques à Tours et de là par le co-
che, si ses accès ne sont pas si forts.
Au nom de Dieu, Monsieur, faites votre possible et
n'épargnez rien pour votre santé. Je prie Dieu et le fais
prier qu'il la vous rende parfaite.
Je vous enverrai dans dix ou quinze jours deux ou
trois de la compagnie, et peut-être que M. Boudet se
rendra de Bordeaux à Richelieu. Il est un peu indis-
posé à Bordeaux, où M. de Sergis l'a laissé pour le faire
traiter, étant pressé de partir pour Toulouse. S'il va à
Richelieu, je vous le recommande. Si M. l'abbé Olier dit
vrai, c'est un saint que le bon M. Boudet. Il a été en
Bretagne avec lui, où il a reconnu sa vertu, et m'en écrit
en des termes bien exprimant l'opinion qu'il en a. Il n'y
a que moi qui suis un misérable pêcheur, qui ne fais que
du mal sur la terre et qui dois souhaiter qu'il plaise à
Dieu de m'en retirer bientôt, comme je l'espère de sa
bonté, et qu'il me fera miséricorde.
Je minutais mon voyage pour vous aller voir quand
Monseigneur l'archevêque m'a donné un mandement de
visiter une maison religieuse de cette ville, qui m'occu-
pera assez longtemps ^. Je l'avais fait prier de m'en dis-
penser, et il l'avait fait en effet ; mais, en partant pour
Anjou, il m'a mandé qu'il était contraint de se rétracter
3. Le voyage fut remis. Saint Vincent était de retour de Riche-
lieu avant la mi-décembre.
— 511 —
de la dispense qu'il lui avait plu me donner, pour des
raisons particulières et d'importance qu'il me dirait au
retour. Or bien, je suis enfant d'obéissance. Il me semble
que, s'il me recommandait de m'en aller aux extrémités
de son diocèse et d'y demeurer toute ma vie, que je le
ferais comme si Notre-Seigneur me le commandait et que
cette solitude ou l'emploi qu'il m'y donnerait serait un
paradis anticipé, puisque je serais dans l'accomplisse-
ment du bon plaisir de Dieu.
Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre
très humble serviteur.
Vincent Depaul.
De Saint-f.azare, ce i*"" octobre 1638.
Suscription : A Monsieur Monsieur Lambert, supé-
rieur des prêtres de la Mission, à Richelieu.
353. — A LOUISE DE MARILLAC
[2 octobre 1638 '.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je ne vous écris point de ma main, parce que j'ai été
saigné ce matin pour une petite incommodité, qui m'em-
pêche d'aller voir ma bonne Madame de Liancourt, et
pense que vous n'êtes pas en l'état de porter la fatigue
que vous auriez à l'entour d'elle, et qu'elle en aurait de
la peine.
Il n'y a point de danger de permettre à notre sœur
Louise d'aller voir le bon Monsieur de Bezay ^, ni que
Lettre 353. — Dossier de la Mission, original ou copie du xvii^ siècle.
1. Voir note 10.
2. Peut-être Antoine du DefFand, chevalier, seigneur du Tremblay,
Fontenay, Sementron, Bezée et autres lieux.
— 512 —
vous lui disiez qu'elle suspende la disposition de ses
affaires. J'ai donné charge aujourd'hui qu'on retienne
deux [places] et qu'on en donne des arrhes ^ au coche de
Tours. Je saurai à ce soir le jour, l'heure, le lieu d'où il
part. Je pense qu'il sera à propos de donner la supério-
rité à notre sœur Barbe ^ jusques à ce qu'on en dispose
autrement. Il me semble qu'il sera bon voirement de pro-
fiter de leur petit travail lorsqu'il n'y aura plus tant de
malades.
Je loue Dieu de la satisfaction que vous avez plus am-
plement de Monsieur votre fils.
J'ai oublié d'écrire à Monsieur Dehorg-ny ^ touchant le
petit garçon. Vous n'aurez qu'à lui en mander un mot
par lui-même, au cas que j'oublie.
Notre sœur Elisabeth ® pourra faire sa confession à
tel autre que vous jugerez à propos. Et pour Jacqueline,
il n'y a qu'à la renvoyer.
Je suis bien aise que vous ayez retenu sœur Margue-
rite et de ce que vous lui faites faire une retraite.
Pensez-vous bien. Mademoiselle, que les deux filles
de cette paroisse puissent assister les malades en fai-
sant les écoles ? Si cela est, dont je doute, il serait bon
d'envoyer sœur Jacqueline à la place de sœur Margue-
rite en la paroisse de Saint-Jacques. Mais, si cela est,
il en faudra dire un mot auparavant à Monsieur le curé
et aux officières de la Charité de cette paroisse.
Je vous écrivis hier celle qui accompagne la présente,
que je ne vous pus envoyer.
Bon jour. Mademoiselle. Je suis votre serviteur.
Vincent Depaul.
Ce samedi, à onze heures.
3. Arguent donné d'avance pour assurer l'exécution d'un marché.
4. Barbe Angiboust.
5. Alors directeur du collège des Bons-Enfants.
6. Elisabeth Martin.
— 513 —
334. — A LOUISE DE MARILLAC
[Octobre 1638 \]
Mademoiselle,
La grâce de NotreSeigneur soit avec vous pour
jamais !
Très volontiers je prie Notre-Seigneur qu'il donne sa
sainte bénédiction à nos chères sœurs et qu'il leur fasse
part de l'esprit qu'il a donné aux saintes dames qui l'ac-
compagnaient et coopéraient avec lui à l'assistance des
pauvres malades et à l'instruction des enfants. Bon Dieu,
Mademoiselle, quel bonheur à ces bonnes filles de s'en
aller continuer la charité que Notre-Seigneur exerçait
sur la terre, au lieu où elles vont ! Et qui le dirait, les
voyant ensemble, ces deux couvre-chefs", dans ce coche,
qu'elles s'en allassent pour un œuvre si admirable aux
yeux de Dieu et des anges que l'Homme-Dieu l'a trouvé
digne de lui et de sa sainte Mère ? Oh ! que le ciel se
réjouira de voir cela et que les louanges qu'elles en auront
en l'autre monde seront admirables ! Qu'elles iront la
tête levée au jour du jugement ! Certes, il me semble
que les couronnes et les empires sont de la boue en com-
paraison de celles dont elles seront couronnées. Il ne
reste qu'à aviser qu'elles se comportent dans l'esprit de
Lettre 354. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Mois et année du départ des soeurs Barbe et Louise pour Riche-
lieu.
2. Allusion à la coifFure des Filles de la Charité. « Les premières
Filles de la Charité, presque toutes originaires des environs de Paris,
avaient conservé les vêtements en usage chez elles parmi les femmes
du peuple, c'est-à-dire habituellement la robe de serge grise et une
petite coiflFe ou serre-tête de toile blanche, appelée toquois, qui ca-
chait les cheveux. » (Baunard, op. cit., p. 297.)
33
— 514 --
la sainte Vierg-e en leur voyage et en leur action ; qu'elles
la voient souvent comme devant leurs yeux, devant ou
à côté d'elles ; qu'elles fassent comme elles s'imagine-
ront que pourrait faire la sainte Vierge ; qu'elles consi-
dèrent sa charité et son humilité, et qu'elles soient bien
humbles à l'égard de Dieu et cordiales entre elles-mê-
mes, bienfaisantes à tout le monde et à mésédihcation
à nul ; qu'elles fassent leurs petits exercices tous les
matins, ou avant que le coche parte, ou par les chemins ;
qu'elles apportent quelque petit livre pour lire parfois,
et que d'autres ^ elles disent le chapelet ; qu'elles contri-
buent aux entretiens qui se feront de Dieu et nullement
à ceux du monde, moins encore aux gaillards "*, et
qu'elles soient des rochers contre les familiarités que des
hommes voudraient prendre avec elles. Elles coucheront
à part dans ime chambre, qu'elles demanderont d'abord
aux hôtelleries, ou dans celle de quelques honnêtes fem-
mes, s'il y en a dans le coche ; que s'il n'y en a aux hô-
telleries des coches, qu'elles se logent auprès, si elles y
trouvent cette commodité.
Etant arrivées à Richelieu, elles iront saluer le Saint-
Sacrement d'abord, verront M. Lambert, recevront ses
ordres et tâcheront de les accomplir à l'égard des ma-
lades et des enfants qui iront à l'école, observant les
petits exercices journaliers qu'elles pratiquent à pré-
sent ; se confesseront tous les huit jours seulement, s'il
n'arrive quelque fête principale le long de la semaine ;
tâcheront de profiter aux âmes tandis qu'elles traiteront
les corps des pauvres ; honoreront et obéiront aux offi-
cières de la Charité et respecteront beaucoup les autres
et les animeront à s'affectionner à leur saint exercice ;
et continuant de la sorte, il se trouvera devant Dieu
3. D'autres fois.
4. Entretiens gaillards, entretiens libres.
— 515 —
qu'elles auront mené une fort sainte vie et que de pau-
vres allés elles deviendront de grandes reines au ciel ;
et c'est ce que je demande à Dieu, en l'amour duquel
je suis, à elles et à leur chère supérieure, très humble
serviteur.
V. D.
Je vous prie me mander si le petit garçon vous a
baillé les 50 livres que je vous ai envoyées par lui et de
prier Dieu pour la bonne Madame de Liancourt, qui a
fort empiré ".
355. — A LOUISE DE MARILLAG
[1638, vers octobre ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Quand j'aurai le bien de vous voir, je vous dirai
l'état de l'esprit de M. votre iils à l'égard des ordres.
Je ne sais pas si j'irai tantôt à La Chapelle. Si je n'y
vas, vous ferez charité à Madame de Marillac^ et à M.
son ûls ^. ^Mandez donc le carrosse quand il vous
plaira. Il vaudra mieux que ce soit pour demain di-
manche, puisqu'il faut que vous y couchiez, à cause de
ce jour de jeûne. Mais qu'est-ce que du mal de ce bon
2. Mots raturés : Elle m'a mandé que je Tallasse trouver et M. Mar-
tinet.... je l'ai priée de m'excuser... à cause...
Lettre 355. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original,
1. Voir note 5.
2. Marie de Creil, veuve de René de Marillac.
3. Michel de Marillac, conseiller au parlement de Paris, petit-fil>
du garde des sceaux de même nom.
- 5i6 -
seigneur ^ et de la grossesse de Madame sa femme'^ ?
Je ne sais qui m'en dorme la curiosité ; mais il me semble
que cette famille me touche le cœur avec tendresse.
J'attends la sauvegarde que M. le chancelier ^ nous
fait espérer, et suis, en l'amour de Notre-Segneur, Ma-
demoiselle, votre très humble et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
Ce samedi matin.
J'ai reçu, ce matin, la vôtre, depuis la présente écrite,
pour réponse à laquelle je vous dirai que M. votre fils
a dit à^Monsieur de la Salle qu'il n'entrait en cette con-
dition que pource que vous le vouliez, qu'il s'est désiré
la mort ' à cause de cela et que pour vous complaire il
prendrait les moindres ordres. Or, cela, est-ce une voca-
tion ? Je crois qu'il aimerait mieux mourir qu'il ne
souhaite votre mort. Quoi que ce soit, ou que cela vienne
de la nature ou du diable, sa volonté n'est pas libre
pour se déterminer en chose de telle importance, et
vous ne le devez pas désirer. Il y a quelque temps qu'un
bon enfant de cette ville prit le [sous-diaconat] * en cet
esprit-là et n'a pu passer aux autres ordres ; voulez-
vous exposer M. votre fils au même danger ? Laissez-le
conduire à Dieu ; il est plus son père que vous n'êtes sa
mère, et l'aime plus que vous. Laissez-lui en avoir la con-
duite. Il saura bien l'appeler en un autre temps, s'il le
désire, ou lui donner l'emploi convenable à son salut. Je
me ressouviens d'un prêtre, qui a été céans, qui a pris
4. Michel de Marillac.
5. Je.inne Potier, nièce de l'évêque de Beauvais. Son premier-né
René fut bantisé le 18 février 1639.
6. Pierre Séguier.
7. Première rédaction : qu'il vous a désiré la mort et à lui aussi.
8 Soint Vincent a écrit sous-diacre ; il est évident qu'il faut sous-
diaconat.
— 517 —
l'ordre de prêtrise en ce trouble d'esprit. Dieu sait ou il
en est maintenant !
Bon jour, Mademoiselle. Soyez toute à Notre-Seigneur
et conforme à son bon plaisir. Je suis, en son amour, v. s.
V. D.
Je vous prie de faire votre oraison sur Zébédée et ses
enfants, auxquels Notre-Seigneur dit, comme elle s'em-
pressait pour l'établissement de ses enfants : « Vous ne
savez ce que vous demandez. »
Siiscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
356. — A LOUISE DE MARILLAC
[Avant 1640 ^.]
Je vous supplie très humblement. Mademoiselle, de me
mander si vous êtes d'avis que j'aille, cette après-dînée,
vous voir pour vos lilles, ou que j'attende à demain au
matin, et s'il y en aura d'autres que les vôtres.
Je vous souhaite cependant le bon jour et suis, en
l'amour de Notre-Seigneur, Mademoiselle, votre servi-
teur très humble.
V. Depaul.
Ce dimanche matin.
Suscriftion : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
357 — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je rends mille actions de grâces à Dieu de votre bon
Lettre 356. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Après 1639, les mots « Ce dimanche matin » auraient etc écrits
au début de la lettre.
Lettre 357. — L. a. — Dossier des FlTes de la Charité, original.
- 5i8 -
portement et le prie qu'il vous conserve en parfaite santé.
Je suis de l'avis du bon M. votre curé, que vous commu-
niiez chez vous ; et n'importe que vous n'en sentez pas
tant de désir ; Notre-Seigneur le fait exprès, comme j'es-
père, afin que vous ayez le mérite de l'obéissance, joint
à celui de l'amour pour lequel vous le ferez et que j'es-
père que sa bonté vous donnera.
Je vis hier voirement Monsieur votre fils et l'aime plus
chèrement que je ne vous puis dire ; mais je n'aime pas
que vous donniez lieu aux pensées trop tendres que vous
avez pour lui, pource qu'elles sont contre la raison et par
conséquent contre Dieu, qui veut que les mères fassent
part de leur bien à leurs enfants, mais non pas qu'elles
se privent de tout. Or sus, nous en parlerons le plus tôt
que je vous pourrai aller voir, qui sera après la fête.
Oh ! que je voudrais vous pouvoir dire tout ce qui se
dit hier céans à la conférence des raisons que nous avons
de dignement célébrer cette sainte fête et des moyens
pour cela ! Certes, j'en suis tout consolé et prie Notre-Sei-
gneur qu'il le vous inspire lui-même.
Je vous envoie le livre, à la charge que vous n'en lirez
ou ferez lire que deux ou trois sonnets en un jour, à
heures différentes et distantes ; cela vous occuperait
trop.
Je suis fâché contre M. Dehorgny de ce qu'il s'en
est allé aux champs sans vous envoyer de l'argent. Man-
dez-moi si vous en avez besoin. J'ai la clef du coffre,
mais non pas le loisir de l'aller prendre.
Je ne fus jamais plus embarrassé, ni plus, en l'amour
de Notre-Seigneur, v. s.
V. D.
Prenez cette fille de Lorraine, s'il vous plaît, pour en
essayer en attendant.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le' Gras.
519
358. — A LAMBERT AUX COUTEAUX, SUPÉRIEUR,
A RICHELIEU
Ce i" novembre 1638.
...M. le président Fouquet ^ a été guéri d'un hydropisie
par l'usage d'un demi-verre de jus de cerfeuil, avec
autant de vin blanc, bien versés l'un dans l'autre et cou-
lés par un linge, pris à jeun, sans manger que deux heures
après et boire qu'un demi-setier de boisson par repas.
Un de nos frères du séminaire a été guéri de même ma-
ladie par le même moyen. Faites-en user, s'il vous plaît,
à N. et continuer quelque temps. C'est un remède sou-
verain et facile.
359. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1636 et 1639 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur soit avec
vous pour jamais !
J'ai reçu deux de vos lettres ou, pour mieux dire, une
en deux et ai vu et parlé ensuite à Monsieur votre ûls,
sans lui, donner à connaître que je susse rien de ce qui se
passa hier ; or, il me dit d'un esprit fort rassis et tran-
quille qu'il vous avait vue, que vous vous étiez un peu
trouvée mal. Après cela, je lui parlai de sa vocation et
s'il y persévérait. Or, il me dit de fort boime façon que
Lettre Z^^. — Reg. 2, p. 264.
I. François Fouquet. Saint Vincent écrivait le 2 juin qu'il était en
danger.
Lettre 359. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Avant 1636, Louise de Marillac n'était pas à La Chapelle
après 1639, le saint aurait commencé sa lettre par les mots qui la ter-
minent : « Du collège des... »
— 520 —
oui et qu'il allait en Sorboime - à cet effet et qu'il était
résolu de bien faire ; c'est ce qui a fait que j'ai pensé
qu'il n'était pas besoin de lui parler, non pas même de se
défier de ce que vous appréhendez. Soyez-en donc en
repos, s'il vous plaît ; et qui plus est, quand les choses
que vous craignez arriveraient, encore faudrait-il adorer
la providence de Dieu sur lui et croire que le voyage ou
le changement de condition contribuerait à son salut et
peut-être à une plus grande perfection. Hélas ! Made-
moiselle, si tous ceux qui se sont éloignés de leurs parents
étaient en danger de se perdre, où en serais-je ? Oh bien !
ressouvenez- vous que tout sert aux prédestinés pour par-
venir à leur fin, et que je suis, en l'amour de Notre-Sei-
gneur, Mademoiselle, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Du collège des Bons-Enfants, à onze heures.
Sjiscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
à La Chapelle.
360. - A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1633 ^ et 1639 -.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous remercie du soin que vous avez de moi et vous
prie d'en avoir de votre santé et de n'en pas tant faire.
Quant à l'affaire dont vous parlez, assurez ces bonnes
2. Probablement pour y étudier la théologie.
Lettre 360. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Uate de la fondation de l'Institut des Filles de la Charité.
2. Après 1639, saint Vincent aurait écrit : « Ce samedi matin » en
tête de la lettre.
filles que je parlerai à M. le doyen pour la conservation
de leur communauté, mais je ne pense pas que vous de-
viez parier aux dames pour la conservation de la per-
sonne. Cela serait inutile et nuisible, comme aussi le re-
cours à Monsieur le cardinal ^ ; mais pour celui-là, c'est à
elles à y aviser ; elles ne vous en croiront pas aussi bien.
Quant à vos filles, après ceci nous serons à vous et à
elles, et suis, en l'amour de Notre- Seigneur, Alademoi-
selle, V. s.
V. D.
Ce samedi matin.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
361 — A LOUISE DE MARILLAG
Alademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Vous, soyez la très bien venue et Notre-Seigneur loué
de la santé qu'il vous a donnée. Au nom de Dieu, Ma-
demoiselle, ménagez-la. Si je le puis, demain je vous irai
voir, ou pour le moins après-demain.
Voici la réponse à Madame de Liancourt. Je vous prie
de lui envoyer.
M. votre fils vient de sortir de céans. Il me parait d'un
autre esprit, ou en disposition d"y entrer, quoique je ne
lui aie dit que deux paroles.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
3. Le cardinal de Richelieu.
Lettre 361. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
— 522 —
362. — A MADAME GOUSSAULT
[Novembre 1638 ^.]
Madame,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous remercie du soin que vous prenez de moi et
de mon voyage et des prières que votre charité fera pour
cela, et vous supplie m'excuser, si je ne vous attends.
J'ai promis de partir ce matin.
Il faut recommander ces nouvelles propositions à
Dieu dans la reconnaissance et civilité ordinaire à l'égard
de ces personnes en cas pareil. N'est-il pas à propos
que vous sachiez déterminément l'intention de Made-
moiselle votre fille - ? Le dernier dont l'on vous a parlé
est homme de bien et d'un excellent esprit et d'égal ju-
gement pour son âge. Mais, pesé ce que vous savez,
Lotin ^ semble préférable, si me semble, quoique moins
accommodé. Mais il faudra une merveilleuse civilité
pour en user de la sorte vers le dernier proposé. Vous
pourrez, en ce cas, alléguer le désir de la parenté et le
long pourparler. Je recommanderai cet affaire, votre
santé et toute votre famille à Notre-Dame des Ardil-
Lettre 362. — L. a. — Original chez les prêtres de la Mission de
Naples, via San-Nicola-da-Tolentino.
1. Voir note 2. Saint Vincent écrivait cette lettre la veille de
son départ pour Richelieu.
2. Marie-Aiarthe Goussault. Madame Goussault eut quatre en-
fants : Antoine, sieur de Roquemone, maître des comptes ; Guillaume,
reçu conseiller au parlement le 27 mai 1653 ; Jacques, prêtre, docteur
en Sorbonne ; Marie-Marthe, mariée à Nicolas Lotin le 10 janvier
1639 ; Michel, époux d'Elisabeth Compaing.
3. Nicolas Lotin, seigneur de Martilly, était fils de Guillaume, vi-
comte de Vaux. Il fut nommé conseiller au grand conseil le 17 dé-
cembre 163 1, maître des requêtes le 7 juillet 1642 et président au
grand conseil le 11 avril 1644. Il mourut le 25 décembre 1650, lais-
sant un enfant, qui ne tarda pas à le suivre au tombeau.
— 523 —
liers '^ avec une affection toute particulière et une pareille
tendresse, car Dieu sait combien il en a rempli mon
cœur et combien je la sens maintenant que je vous parle,
qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Madame, votre
très humble serviteur.
Vincent Depaul.
■ Ce lundi matin.
Je m'en vas dire adieu à Mademoiselle Le Gras et lui
dirai un mot de ceci.
Suscription : A Madame Madame la présidente Gous-
sault.
363 — A BERNARD CODOING, PRÊTRE DE LA MISSION
A RICHELIEU
Du 12 décembre 1638.
Je suis tout à fait consolé de voir la bonté de votre
cœur à agréer la proposition de Luçon contre sa propre
affection ^ O Monsieur, que c'est être bon chrétien et
4. Lieu de pèlerinage situé sur un coteau de la ville de Saumur.
Notre-Dame-des-Ardilliers compte parmi ses pèlerins les plus connus
saint Vincent de Paul, Louise de Marillac, Jean-Jacques Olier,
Louis XIII, Richelieu, Madame de Montespan, le Père Grignon de
Montfort. Henriette d'Angleterre y fit sa première communion.
Lettre 363. — Reg. 2, p. ^^.
I. Une des clauses du contrat passé le 4 janvier 1638 au sujet de
l'établissement de Richelieu entre saint Vincent et le cardinal-ministre,
ancien évêque de Luçon, portait que trois des prêtres en résidence
dans cette maison devaient donner des missions dans le diocèse de
Luçon « quatre fois l'année, aux saisons les plus convenables, et s'y
employer six semaines à chaque fois ». (Cf. lettre 287, note 4.)
Réflexion faite, il fut jugé convenable d'établir à Luçon une maison
distincte. Bernard Codoing, pressenti pour la supériorité, accepta.
Mais peut-être, pour raison de santé, ne prit-il pas possession de son
poste. Nulle part ailleurs, en effet, son nom n'est prononcé à propos
de Luçon. S'il y alla, il y resta fort peu de temps, puisque, le 6 oc-
tobre 1640, quand Jacques Chiroye fut envoyé dans cette ville, pour
diriger l'établissement confié à la congrégation de la Mission, ce fut
en remplacement de Gilbert Cuissot.
— 524 —
bon missionnaire que cela, que de passer ainsi sur le ven-
tre de ses inclinations ! Dieu m'a donné aujourd'hui
une tendresse toute particulière pour lui demander cette
même vertu de choisir toujours le pire et ce qui est con-
traire à mon affection. Mais, hélas ! Monsieur, que je suis
infidèle à cette pratique ! Je vous supplie de prier Dieu
qu'il m'y rende plus fidèle à l'avenir.
364. — A ANTOINE LUCAS
Monsieur,
La grâce de NotreSeigneur soit avec vous pour
jamais !
Me voici de retour de Richelieu. J'ai reçu une de vos
lettres en ces quartiers-là et une autre ici. L'une et l'autre
me font voir la bénédiction de Dieu sur vos travaux, et
la dernière l'indisposition de Messieurs Renar et Mou-
ton et comme vous vous en alliez à Joigny. Je rends
grâces à Dieu de tout cela et le prie qu'il redonne une
parfaite santé à ces Messieurs.
Nous avons besoin ici de Monsieur Mouton. Si sa santé
lui permet, après la fête, je vous supplie de le nous ren-
voyer.
J'ai vu celle que vous écrivez à Monsieur le comman-
deur \ qui m'a été aussi à grande consolation ; mais je
suis en doute si vous avez achevé la mission de Ce-
rise ^. Monsieur le commandeur se plaint que non. Je
vous prie me mander ce qui en est. Celle que vous écrivez
à Monsieur de la Salle m'a aussi fort consolé, notam-
ment ce que vous lui dites, que vous continuerez l'ordre
Lettre 364. — L. a. — Dossier de Turin, original.
1. Le commandeur de Sillery.
2. Près d'Alençon, dans l'Orne.
— 525 —
qu'il a tenu avec le séminaire en la mission qu'ils ont
faite depuis peu ; c'est là le nerf de la mission. Je prie
Dieu, Monsieur, qu'il vous fasse la grâce d'en user de
même.
Mais, mon Dieu ! Monsieur, comment se portent Mes-
sieurs Pavillon, Renar et Perrochel ? Je vous supplie
d'avoir bien soin d'eux et de la santé de toute la com-
pagnie. Il ne faut pas manquer, le jeudi, de leur donner
du repos et quelque divertissement agréable, autant que
faire se pourra inter privatos parietes. Je salue très hum-
blement ces Messieurs et toute la compagnie et envoie
à M. Perrochel un paquet qu'on a envoyé céans pour
lui. Je vous supplie de lui dire que nous conférerons, à
son retour, de ce que la religieuse qui lui écrit, lui mande.
Le R. P. de Gondy m'a dit que la Charité n'est pas
en bon ordre à Joigny. Je vous supplie, Monsieur, de
prier Monsieur Pavillon de travailler à la rétablir au
meilleur état qui se pourra. Il a expérience de la façon
qu'il s'y faut prendre pour bien faire réussir cela, et
grâce de Dieu.
Nous avons environ 70 exercitants, dont il y en a cinq
ou six qui sont bacheliers et des plus savants, quoiqu'en
Sorbonne l'on ait fait rumeur contre l'ordre établi et
l'obligation aux personnes de cette condition d'assister
aux exercices ^. M. Hopille "^ fait le pontifical, et M.
Hobier ^ l'entretien du matin. Messieurs de la Salle,
Dehorgny, Soufliers, Cuissot et quelques-uns de nos
3. L"ordonnance de Tarchevêque de Paris datait de 163 1 et avait
été appliquée pour la première fois au carême de cette même année.
Elle prescrivait à quiconque voulait recevoir les ordres dans le dio-
cèse, de faire une retraite chez les prêtres de la Mission les dix jours
qui précèdent l'ordination. (Cf. Abelly, of. cit., t. I, chap. xxv,
p. 119.)
4. Grand vicaire d'Agen.
5. Il a traduit la vie d'Agricola par Tacite (1639), le traité de ia
patience de TertuUien et celui de l'oraison (1640). Balzac écrivait
à Chapelain le 30 aoiit 1639, après avoir lu le premier de ces ou-
— 526 —
jeunes théologiens servent à cela. C'est aux Bons-En-
fants, où les choses s'accommodent mieux que nous
n'eussions osé espérer.
Le reste de la maison se porte bien, à M. Portail et
M. de Rien près, qui commencent néarmioins à se mieux
porter.
L'on fait de même à Richelieu, où j'ai été fort con-
solé, voyant le bien qui s'est fait dans la ville. Je n'ai
jamais vu peuple plus assidu ni dévot à la sainte messe.
L'on y fréquente souvent les saints sacrements. Il n'y a
personne qui y mène vie scandaleuse. Il y paraît grande
paix entre les habitants et point de division comme
auparavant. Les tavernes y sont moins fréquentées et
quasi point pour tout, notamment pendant les of-
fices, les dimanches et fêtes. La Charité y va fort bien.
Elle a traité soixante malades depuis Pâques, sans qu'il
en [soit] mort qu'une seule ûlle ; et auparavant il n'en
échappait point. Les deux sœurs servantes des pauvres
que nous y avons envoyées d'ici y font des merveilles,
l'une à l'égard des malades et l'autre à l'égard de l'ins-
truction des filles.
Je ne sais si l'on pourrait en établir deux à Joigny.
Marie des pauvres, qui servait les pauvres de la Cha-
rité, vit-elle encore ? Toutes les petites filles de la ville
vont-elles à l'école aux filles de Notre-Dame ? Ce qui
rend la chose plus notable à Richelieu, c'est que c'est
un peuple ramassé et la plupart éloignés de leur pays
pour leurs déportements ^.
Voilà, Monsieur, tout ce que je vous puis dire pour le
vrages : « Qu'il y a de sagesse et de bon sens en M. Hobier !
Que sa diction est chaste et réglée ! Il me semble que la définition
de Vtr bonus dicendi -periius est faite pour lui. » [Lettres familières
de Monsieur de Balzac à Monsieur Chafeîain, Paris, 1856, in-8,
P- Z7S-)
6. Mots raturés : M. Lambert me disait qu'il y en a quantité.
- 527 —
présent, sinon que je vous prie de m'écnre, toutes les se-
maines, l'état de la compagnie et de ses travaux. Je
salue très humblement Messieurs les curés et tous ceux
qui m'honorent de leur ressouvenance et suis, en l'amour
de Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble et très
obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce jour sainte Luce' i63S.
Suscription : A Monsieur Monsieur Lucas, prêtre de
la Mission, à Joigny.
365 — A ROBEKT DE SERGIS
De Paris, ce 17 décembre 1638.
Monsieur,
La grâce de NotreSeigneur soit avec vous pour
jamais !
Je reçus avant-hier la vôtre du 7® de ce mois, par
laquelle vous me donnez avis : 1° de l'arrivée de M. Du-
rot ; 2° que vous craignez de m'avoir mécontenté ; 3" que
je fasse réponse à tout ce que vous me demanderez par
vos lettres ; 4° qu'on désire que vous fassiez l'examen
à Saint-Michel ^ ; 5*^ que l'on vous a fait confesser dans
le faux bourg ; 6" qu'on doit vous envoyer ceux qui ont
des dimissoires ; 7° que vous demandez un peu de la
vraie croix que vous avez laissée ici ; 8° vous me dites
que vous avez acheté un réveille-matin .Voici la réponse
à tout cela, selon l'ordre proposé.
1° Je rends grâces à Dieu de l'arrivée de M. Durot et
7. i.^ décembre.
Lettre 365. — Dossier de Turin, copie du X^^Ie ou du xviii« siècle.
I. Saint-Michel fait aujourd'hui partie de la ville de Toulouse.
- 528-
vous prie d'avoir soin de sa santé et de laider de pa-
role et d'exemple à parvenir à la perfection d'un mis-
sionnaire, et d'observer tous deux, à cet effet, le petit rè-
glement, sans vous en départir pour quelque raison, ni
sous quelque prétexte que ce soit. Un prélat m'a fait
l'honneur de me dire qu'il vous a vu avec un collet plus
grand que les nôtres et avec un manteau à gros boutons,
dans un esprit de suffisance et moins d'humilité que les
autres missionnaires. Que si cela est, je vous prie. Mon-
sieur, de vous ajuster en toutes choses au petit règle-
ment, à nos petites observances et à notre manière de
nous habiller et d'honorer plus que jamais l'humilité de
Notre-Seigneur. Chacun dit que T'esprit de missionnaire
est esprit d'humilité et de simplicité. Tenez-vous-en là.
L'esprit de douceur, de simplicité et d'humilité est l'es-
prit de Notre-Seigneur ; celui d'orgueil ne subsistera
point longtemps à la Mission.
2° Ne craignez pas de m'avoir mécontenté. Je vous
connais bien. Je m'assure que vous ne retournerez jamais
deux fois aux manquements dont je vous ai averti et
vous avertirai ci-après. Vous n'êtes ni infaillible, ni
incorrigible. Vous faudrez moins si vous vous tenez à
ce que je vous ai dit, et vous éloignez du brillant et de
l'esprit du monde. Neuto potest duobus dominis servire.
Je voudrais que vous vissiez l'humilité et la simplicité
que Notre-Seigneur répand dans notre séminaire et com-
bien tout ce qui est contraire à cela le choque.
3° Je vous promets ce que vous demandez au 3^ point,
que je vous ferai réponse désormais à toutes vos de-
mandes, que vous mettrez, s'il vous plaît, par articles.
Voici la réponse au 4^ et au 5* points. Les personnes
plus oculées me disent souvent qu'il faut tenir ferme
à la pratique de ne prêcher, catéchiser, ni confesser dans
les villes, ni dans les faux bourgs 011 il y a archevêché ou
- 529 —
présidial ; et puis, vous savez que notre bulle y est ex-
presse -. Ceux qui pourraient avoir quelque pente au con-
traire à l'instant qu'ils le désirent resteront plus edi&és
avec le temps.
Je ne trouve point de difficulté que vous voyiez ceux
que Monseigneur ^ vous adressera pour les dimissoires,
lorsque vous serez à Toulouse, et pense que vous avez
bien fait d'acheter un réveille-matin.
Un accident qui est arrivé en la compagnie me fait
voir qu'il est nécessaire que je voie les comptes de la dé-
pense et de la recette. Je les ai vus et arrêtés à Richelieu,
d'où je viens. Je vous prie, Monsieur, de m'envoyer les
vôtres ; ou, si vous n'avez point tenu compte de votre dé-
pense ni de votre recette, commencez à le faire pour
l'avenir, afin qu'on observe un même ordre partout. Vous
pouvez bien penser que je connais votre fidélité et que je
me défie plus de la mienne que de la vôtre.
Je m'en vas dire à M. de Marceille qu'il cherche et
vous envoie la relique de la vraie croix que vous de-
mandez, si elle se trouve.
Or sus. Monsieur, voilà tout. Il me reste à vous dire
que je n'aurais eu garde de vous aller voir à Toulouse,
ou de vous prier de vous rendre à Bordeaux, si j'y fusse
allé. O Jésus ! Monsieur, il me tarde trop que je n'aie la
consolation de vous voir ! car vous savez combien mon
cœur chérit le vôtre chèrement aimable. J'ai promis à
M. Pavillon de me rendre à Alet incontinent après qu'il
y sera "*. Si Notre-Seigneur me fait la grâce de le voir,
ce sera alors que j aurai cette consolation. Mais, si une
2. a In civitatibus auiem et urbibus quae arckie-piscopatuum, efis-
cofaiuum, ■parlamenloriim et bajulatuiim tilucis insignitae sunt, clerici
et sacerdotes dictae congregationis nulla fublica eorum Instituti mu-
nera obeant. » (Bulle Salvatoris nostri, du 12 janvier 1632.)
3. Charles de Montchal (1628-1651J.
4. Nicolas Pavillon n'alla dans sorj diocèse qu'en septembre 1639.
Saint Vincent ne put tenir sa promesse.
34
— 53° —
occasion que j'entrevois ne me porte à faire un voyage
en Gascogne ^, j'aurai le bien de vous voir plus tôt. je
vous salue, en attendant, avec toute l'affection qui m'est
possible et suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur,
votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
Suscnftion : A Monsieur Monsieur de Sergis, prêtre
de la Mission, à Toulouse.
366. — A PIERRE DU GHESNE
[8 janvier 1639 ^.]
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je ne puis vous dire combien la consolation que ma
donnée votre lettre, a adouci l'amertume de la nouvelle
de la maladie du bon Monsieur Dufestel ^. Je rends
grâces à Dieu de l'une et de l'autre nouvelles, non certes
sans beaucoup gourmander mes chétifs sentiments, qui
se révoltent contre l'acquiescement que je désire donner
à l'adorable volonté de Dieu. Je lui écris et le prie de
5. Ce voyage n'eut pas lieu.
Lettre 366. — Recueil du procès de béatification.
1. La copie du procès de béatification ne porte pas de date. Nous
ne pouvons accepter celle que propose le manuscrit d'Avignon (8 jan-
vier 1649), car en 1649 François Dufestel ne faisait plus partie de la
compagnie. Le contenu de cette lettre et surtout ses rapports étroits
avec la lettre 368 nous amènent à conclure qu'elle est de 1639. Sur
le jour et le mois nous pouvons nous fier au manuscrit d'Avignon.
2. François Dufestel, né à Oisemont (Somme), reçu dans la con-
grégation de la Mission en 1633, ordonné prêtre en septembre 1636.
Il fut supérieur à Troyes (1638-1642), à Annecy (1642), à Cahors
(1643-1644) et à Marseille (1644-1645). Il quitta la congrégation en
1646 pour devenir doyen de Saint-Omer de Lillers (Pas-de-Calais).
— 531 —
faire son possible et de ne rien épargner pour se faire
traiter. Je vous supplie, Monsieur, d'y tenir la main et,
à cet effet, de faire en sorte que le médecin le voie tous
les jours et que ni les remèdes ni la nourriture lui man-
quent. Oh ! que je souhaite que la compagnie soit sain-
tement profuse pour cela ! Je serais ravi si l'on me man-
dait de quelque lieu que quelqu'un de la compagnie eût
vendu les calices pour cela.
Et que vous dirai-je de la mission de Saint-Lyé ^ ?
C'est de la différer, sous le bon plaisir de Monseigneur *,
jusqu'à ce qu'il soit entièrement guéri et remis en sa
première santé. Il n'y aura pas pourtant danger que vous
alliez visiter ces peuplés et leur faire agréer l'attente,
jusqu'à ce que la mission s'y puisse faire commodément.
Or sus, vous voilà donc dans la sollicitude de Mar-
the, pour l'amour que vous avez pour Monsieur Dufestel
et pour toute la compagnie. Je prie Notre-Seigneur
qu'il veille et travaille avec vous au recouvrement de
la santé de ce sien serviteur.
Je salue le bon Monsieur Savary ^ et notre frère René *
et suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre
très humble et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
ind. p. de la Mission.
Suscription : A Monsieur Monsieur du Chesne, prêtre
de la Mission, à Sancey \
3. Petite localité de l'arrondissement de Troyes.
4. René de Breslay, évêque de Troyes (1604-1641).
5. Pierre Savary, né à Neuville-Vitasse (Pas-de-Calais), reçu dans
la congrégation de la Mission le 16 août 1637 à l'âge de trente et
un ans. Il sortit, puis revint et fit les vœux à Annecy en 1659.
6. Il y avait dans la congrégation de la Mission deux frères Re-
né : René Bisson et René Perdreau.
7. Lieu de résidence des missionnaires du diocèse de Troyes.
— 532 —
367 — A PIERRE DU CHESNE
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je reçus hier au soir votre dernière, par laquelle vous
me dites l'état de la maladie du bon Monsieur Dufes-
tel et ce que le médecin lui a ordonné. Je vous remercie
très humblement du soin que vous avez de m'en donner
avis si promptement et si exactement, et de toutes les
assistances que vous lui rendez, et prie Notre-Seigneur
qu'il soit votre récompense et la guérison parfaite de
notre malade, la maladie duquel j'espère qu'elle ne sera
pas dangereuse ; mais je vous supplie, Monsieur, comme
toujours, de ne lui rien épargner. Cette sorte de maladie
n'a pas tant besoin de remèdes que de patience et de dou-
ceur et de suavité d'esprit. J'espère que Notre-Seigneur
lui fera part de toutes ces vertus et qu'il en fera un fort
bon usage. Que si le médecin estime qu'il lui fallût faire
quelques remèdes qui eussent besoin de sa présence plus
fréquente qu'il ne lui peut rendre à Sancey, pourriez-
vous point lui avoir une chambre au faux bourg ? Et cela
étant, y serait-il mieux assisté ? La sorte de sa maladie
me semble n'être point de cette nature. Toutefois vous
verrez et en conférerez avec ledit sieur médecin avec qui
ledit sieur Dufestel le juge expédient. Enfin, Monsieur,
je vous prie de faire pour lui tout ce que vous voudriez
faire pour Notre-Seigneur ; car, en effet, la bonté et la
charité que vous avez en son endroit, c'est à Notre-Sei-
gneur même que vous le faites et ensemble à toute notre
petite compagnie et à moi particulièrement, qui souffre
en lui ce que Notre-Seigneur sait. Je l'embrasse en esprit
Lettre 367. — Recueil du procès de béatification.
— 533 —
avec toute l'affection qui m'est possible et salue très
humblement le bon Monsieur Savary et suis, en l'amour
de Notre-Seigneur, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 28 janvier 1639 ^.
Suscription : A Monsieur Monsieur du Chesne, prêtre
de la Mission, à Sancey.
368. — A ROBERT DE SERGIS
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Voici la réponse à trois de vos lettres, l'une du 4, l'au-
tre du 9 et l'autre du 17, que je reçus il y a deux ou trois
jours. La première ne me faisait pas voir que vous dési-
rassiez si promptement réponse, ni la seconde non plus,
si me semble, si fait bien la troisième.
Je commencerai donc à vous dire, touchant vos bons
parents, que j'ai envoyé exprès les visiter et qu'ils se
portent tous bien et se recommandent à vous et à vos
prières. Soyez donc en repos de ce côté-là, s'il vous
plaît.
Le prélat dont je vous ai parlé ^ ne m'a dit autre chose
qu'aux trois dont je vous ai écrit et dont j'ai oublié la
troisième, à votre collet, aux boutons de votre manteau,
1. C'est la date proposée par le frère Chollier dans sa déposition
au procès de béatification. Nous la préférons à celle que donne le
copiste de la lettre (28 janvier 1634), car en 1634 MM. du Chesne et
Savary ne faisaient pas encore partie de la congrégation, M. Du-
festel n'était pas prêtre et les prêtres de la Mission n'avaient pas
de résidence à Sancey.
Lettre 368. — L. a. — Dossier de la Mission, original.
I. Dans la lettre 365.
— 534 —
et, si je ne me trompe, le 3* est de votre manière d'agir
moins rapportante à la simplicité et à l'humilité d'iin
missionnaire. Je vous envoie un collet ; vous pourrez
faire ajuster les vôtres à celui-là. Si peu que nous vou-
lions suivre le monde quant aux habits, cela montre que
nous en avons quelque petit échantillon dans le cœur et
que, si nous n'y prenons garde, nous nous laisserons
emporter à l'esprit du monde. De dire qu'on nous pren-
dra pour d'autres, c'est orgueil et vanité d'esprit que de
changer de façon pour cela. O Monsieur, que qui sau-
rait bien J.-C. cruci&é serait bien aise de passer, comme
lui, pour le moindre des hommes, voire pour le pire, non
seulement pour les actions personnelles, mais même pour
celles de notre condition ! Eh ! que nous profitera
d'avoir eu quelque humilité selon la personne, si nous
avons de la vanité dans notre condition ! O Monsieur,
qui nous donnera la grâce de nous mettre à la dernière
place des hommes et de nous y tenir selon l'état de notre
personne et selon celui de notre vocation ! Si nous vou-
lons nous préférer aux autres et avoir des choses qui
nous distinguent d'eux, tenez pour certain. Monsieur,
que Notre-Seigneur nous fera tomber dans telle confu-
sion que nous serons à mépris à ceux-là et à tout le
monde. Je crois cette vérité comme je crois qu'il faut
que je meure.
Je vous dis ceci pour répondre à quelque chose que
vous m'écrivîtes peu après votre retour à Toulouse, dans
la parfaite confiance que j'ai que votre cœur le trouvera
bon et que vous vous tiendrez ferme dans les petites
pratiques et dans les maximes que vous avez vues ici.
Je n'ai garde que je demande à qui que ce soit comme
vous faites, ni comme vous êtes. Je désire que tout le
monde sache que je suis toujours dans la bonne opinion
que j'ai eue de vous quand l'on vous a destiné pour
— 535 —
l'emploi que la Providence vous a donné. Et, qui plus
est, c'est que je crois, comme ce que je vous ai dit ci-des-
sus, que, quand vous auriez à dire quelque petite chose
différente de nous, que le même ange qui a rendu saint
François-Xavier si exact à l'observance de ce qu'il avait
vu en la Compagnie et si soigneux d'apprendre tout
ce qui s'introduisait de nouveau de deçà, pour faire
de même de delà, que le même ange, dis- je, vous fera
faire le même à vous. Oh ! cela je le tiens pour indu-
bitable.
Il est vrai. Monsieur, ce que vous me dites touchant
le bon Monsieur Durot ; mais, comme il a une bonne
âme et l'esprit bien fait, j'espère qu'il sera un jour un
fort bon missionnaire. Il a l'esprit doux. Je vous prie,
Monsieur, de le traiter de même. J'ai fait voyage avec
trois carmes déchaussés sans avoir pu discerner quel
était le supérieur, jusques à ce que je l'aie demandé trois
jours après que j'ai été avec eux ; tant il est vrai que le
supérieur vivait avec les autres avec bonté, douceur, con-
descendance et humilité, et que les autres vivaient avec
lui avec confiance et simplicité. O Monsieur, qui nous
donnera cet esprit !
Je pense, pour la confession dans le faux bourg, que
quoiqu'il ne nous soit pas loisible d'y confesser, que nous
le pourrions à un quart de lieue de là, s'il y avait une
chapelle, quoique les pénitents fussent de la paroisse
du faux bourg.
Vous pouvez penser, Monsieur, quant à la dépense,
qu'il ne m'est jamais entré dans l'esprit qu'il y eût quel-
que chose à redire en vous. O Jésus ! jamais cette pen-
sée ne s'est présentée à moi, bien éloigné qu'elle soit
entrée en moi. Ce que je vous en ai dit, c'est pour garder
un ordre et pour faire trouver la compagnie en cette pra-
tique pour les siècles à venir. La manière sera comme M.
— 536 —
Durot vous pourra dire que faisait M. Codoing. Que si
elle vous paraît trop occupante, vous la mettrez moin<î
par le menu ; et puis je pense qu'un supérieur fait bien
de se faire soulager du temporel par son compagnon.
Pour le voyage de Toulouse, je suis engagé à le faire
quand M. d'Alet y ira ; mais il n'est pas prêt à cela, car
ni lui ni quinze ou dix-huit autres évêques nommés n'ont
point encore leurs bulles. Dès quil les aura pourtant, il
fait état de partir.
Je travaille à la mission de Joigny avec M. Perrochel,
il y aura tantôt trois mois. Monsieur Renar y était aussi,
qui en est revenu indisposé avec M. Mouton.
Je loue Dieu de ce que la fin de la mission de Ver-
non ~ a été plus à votre gré que le commencement, et le
prie qu'il vous fasse la grâce de vous tenir à l'esprit de
douceur et d'humilité que Notre-Seigneur vous a dorme.
Jamais l'aigreur n'a servi qu'à aigrir. Saint Vincent de
Ferrier dit qu'il n'y a pas de moyen de profiter par la
prédication si l'on ne prêche des entrailles de compas-
sion. Eh ! bon Dieu ! et quel moyen de vaincre des es-
prits tels que vous dépeignez ceux-là par le même es-
prit ! Si nous combattons le diable par esprit d'orgueil
e*- de suffisance, nous ne le vaincrons jamais, car il a plus
d'orgueil et de suffisance que nous ; mais si nous agis-
sons contre lui par humilité, nous le vaincrons, car il
n'a point de ces armes-là, ni ne s'en saurait défendre.
C'est ce que disait saint Dominique à quelques docteurs
d Espagne qui étaient venus à son secours contre les
Albigeois, avec lesquels ils agissaient par esprit de suf-
fisance. Je prie bien Dieu qu'il vous fasse la grâce d'agir
dans cet esprit à Muret, où vous vous en allez. Quant à
la Charité que vous vous proposez d'y établir, voici le
règlement qu'on a accoutumé de pratiquer dans les pa-
2. Vemon-lès-Joyeuse, au diocèse de Viviers.
— 537 —
roisses de Paris, que vous pourrez donner aux villes ;
et pour les villages, tenez-vous, s'il vous plaît, à celui
duquel l'on s'est servi jusques à présent. J'ai écarté celui
que vous m'avez envoyé, dont l'auteur s'est retiré et est
à présent curé d Etiolles *.
M. Codoing est en mission ; il ne saurait vous faire
copier ses prédications. Il faut attendre à l'été qu'il se
retirera, auquel temps on pourra les faire copier et peut-
être imprimer pour la compagnie seulement.
M. le pénitencier estime que l'un ni l'autre cas de cons-
cience que vous avez posés ne sont point loisibles, et le
P. Rebardeau est du même avis touchant la confession
des pénitents des diocèses circonvoisins de la mission.
Je ne me ressouviens point du second cas et ne l'ai fait
proposer qu'à M. le pénitencier, qui est de l'avis que je
vous ai dit, qui est de la négative.
Voici la réponse à la dernière. Vous pouvez donner
un écu ou deux à la Charité de Muret, si vous l'établis-
sez. Pour la manière de conférer avec les prêtres de Mu-
ret selon l'intention de îvlonseigneur l'archevêque, M.
Durot vous pourra dire l'ordre que M. Codoing tenait
pour les assemblées en Dauphiné ; et pour les matières
de la conférence, vous n'en sauriez proposer de plus uti-
les que celles des ordinands, que vous avez ; par exem-
ple, pour les censures : i° dire qu'il importe que les ec-
clésiastiques sachent la doctrine des censures ; 2° quelle
est la doctrine des censures ; et, au 3® point, les moyens
qu'il faut tenir pour libérer les peuples qui ont encouru
lesdites censures. Or, pourriez-vous diviser le second
point en plusieurs conférences, comme, par exemple,
des censures en général, et puis de chacune en particu-
lier. Mais, pour bien faire utilement cela, il faudrait que
3. En Seine-et-Oise.
- 538 -
celui qui présidera, ou vous, disiez la doctrine et que
les autres rapportassent chacun ce que vous aurez dit
ou, pour le moins, quelques-uns d'entre eux alternative-
ment. Il est vrai que, pour bien faire ceci, il serait expé-
dient que chacun, à l'assemblée, eiit vos écrits ou pour
le moins deux sur deux ; ce que n'étant pas, il faut leur
laisser étudier sur les sujets que vous donnerez et rap-
porter comme ils pourront ce qu'ils auront retenu, si ce
n'est que vous ayez quelque meilleure méthode.
En voilà bien pour une bonne fois. J'ai fait la pré-
sente à trois ou quatre diverses reprises.
Nos petites nouvelles sont : i° que M. Dufestel et sa
famille de Troyes travaillent avec beaucoup de béné-
diction, mais qu'il est tombé malade depuis peu ; que
Messieurs Pavillon, Renar, Perrochel et six de la com-
pagnie [travaillent] à Joigny depuis les avents et sont
à présent aux villages, où ils en ont encore pour environ
un mois ; que trois ou quatre s'en vont partir pour les
cures dépendantes de Malte, dans le grand prieuré de
France, pour lesquels M. le commandeur de Sillery a
fondé trois mille livres de rente et mille pour Troyes ;
que Messieurs du Coudray ^ et Boucher ont quarante
pauvres, partie malades, partie d'autres sains, qui
les servent dans leur maison, quoique petite, car ils n'ont
point d'hôpital, et cent cinquante au dehors de la ville,
tous lesquels ils nourrissent et assistent avec une cha-
rité qui tire la larme des yeux de ceux qui l'entendent ;
mais il est bien à craindre qu'ils ne succombent. Le pre-
mier me mande, sur ce que je lui ai écrit qu'il ména-
geât son corps et le peu d'argent que nous lui envoyons,
ou que je l'assiste, ou que je le rappelle, ou que je le
laisse mourir avec ces pauvres gens. Si je le puis, je vous
4. Alors supérieur de la maison de Toul.
— 539 —
enverrai la lettre que m'en écrit M. Boucher dans sa
simplicité.
Notre jeunesse demande à faire ce que vous et moi
avons fait. Je pense que le séminaire est composé de
plus de vingt, quoique nous en ayons tiré cette année
dix ou douze ou pour étudier en théologie aux Bons-
Enfants, ou pour travailler aux missions. Notre bon
frère Aimeras ^, qui est un notable sujet, a fait comme
nous et s'en va aux Bons-Enfants étudier.
Voilà nos petites nouvelles d'à présent. Je souhaite
d'en avoir souvent des vôtres [et] plus de temps pour
vous écrire. Je le ferai le plus souvent que je le pourrai,
qui embrasse en esprit le bon Monsieur Durot, lequel
je prie de me pardonner au cas que je ne lui puisse faire
5. René Aimeras, neveu de Madame Goussault, naquit à Paris le
5 février 1613. Conseiller au grand conseil à vingt-quatre ans, il quitta
tout, sa famille, sa position, ses espérances, malgré l'opposition de
son père, qui devait le suivre plus tard, pour entrer dans la congré-
gation de la Mission, où il fut reçu le 24 décembre 1637. Saint
Vincent lui confia les emplois importants de directeur du séminaire
et d'assistant de la maison, l'admit à son conseil, s'en remit souvent à
sa prudence pour traiter avec les personnes du dehors des affaires
délicates et le chargea des retraitants. Tant de travail ruina la
santé de René Aimeras. Le saint fondateur, convaincu par son expé-
rience personnelle que le changement d'air contribuait à redonner
la santé, l'envoya en 1646 visiter plusieurs établissements de France
et d'Italie. Arrivé à Rome, René Aimeras reçut avis qu'il était nommé
supérieur de la maison. Il y resta jusqu'en 1651. De retour en
France, il prit la direction du séminaire Saint-Charles. Nous le
trouvons en 1654 occupé à distribuer des secours aux pauvres de la
Picardie et de la Champagne. Il visita encore diverses maisons de la
congrégation et reçut de nouveau le titre d'assistant de la maison-
mère, qu'il conserva jusqu'à la mort de saint Vincent. A ce titre, il
ajoutait celui de visiteur de la province du Poitou. Il était à Riche-
lieu quand le saint, sentant sa fin prochaine, le fit prier de se ren-
dre en toute hâte à Paris. René Aimeras était souffrant. Il vint, por-
té sur un brancard, et eut la consolation de recevoir une dernière bé-
nédiction du saint fondateur. Nommé vicaire général par saint Vin-
cent, puis supérieur général par l'assemblée de 1661, il gouverna les
deux communautés avec sagesse jusqu'au 2 septembre 1672, jour de
sa mort.
— 540 —
réponse, qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre
très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 3 février 1639.
Dieu a disposé de la mère de M. Durot. Vous prendrez
le temps opportun pour lui dire, s'il vous plaît. Je viens
de dire qu'on dise les messes à son intention. Je prie
Notre-Seigneur qu'il soit l'adoucissement de la douleur
de son cœur. J'ai pensé qu'il vaut mieux que vous lui
disiez, et ne lui en parle point par ma lettre.
Suscription : A Monsieur de Sergis, prêtre de la Mis-
sion, à Toulouse.
369. — A PIERRE DU CHESNE
[Vers février 163g '.]
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
En chose du monde ne pouvez-vous plus consoler mon
âme que dans la charité que vous exercez envers le bon
Monsieur Dufestel. Je vous remercie très humblement
des fréquentes nouvelles que vous m'en donnez, et vous
supplie de continuer, pour l'amour de Jésus-Christ qui
vous presse. Il faut donc attendre, Monsieur, que la na-
ture se délivre tout doucement de l'humeur qui l'op-
presse. Il faut que je vous avoue que je suis du senti-
ment du médecin qui le traite, qu'il ne faut pas presser
Lettre 369. — Recueil du procès de béatification.
I. Cette lettre a des rapports étroits avec les lettres 366 et 367,
qu'elle a dû suivre de peu de jours. M. Pémartin la date, nous ne
savons pourquoi, du iq février.
— 541 —
à l'égard de cette sorte de maladie. J'espère que le sou-
verain médecin sera à lui-même sa guérison, sinon du
jour au lendemain, du moins peu à peu. Je l'embrasse
en esprit avec tendresse tout de coeur.
J'écris à Monsieur Gouault - que je travaille, selon
l'intention de Monseigneur de Troyes, à la vente de ses
maisons et ne perdrai point de temps.
J'ai écrit à Messieurs Lucas et Perceval ^ de vous aller
trouver, ainsi que je vous ai mandé.
Monsieur de Beauvais % qui sait l'importance de
l'exercice des ordinands, a prié nos seigneurs les évêques
circonvoisins qui dormeront les ordres, de renvoyer à
Paris ceux des autres évêchés qui y ont étudié, afin
qu'ils profitent ici des exercices. Selon cela, Monseigneur
de Troyes, semble-t-il, ferait leur bien s'il en faisait
de même à l'égard des externes, auquel cas peut-être
que, sa bonté en étant avertie, elle en pourrait user de
même. Vous en userez selon que Monsieur Dufestel et
vous le trouverez expédient, et vous nous enverrez ce bon
bûcheron et vigneron, s'il est entièrement résolu ^. Nous
nous trouvons bien de ceux de Champagne.
J'embrasse le bon Monsieur Dufestel et suis de Mon-
sieur Savary, de René et de lui le très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Suscriftion : A Monsieur Monsieur du Chesne, prêtre
de la Mission, à Sancey.
2. Sébastien Gouault, bourgeois de Troyes. Il prêta sa maison de
Sancey aux prêtres de la Mission, qui l'habitèrent près de deux ans.
3. Guillaume Perceval, né à Saint-Guillain, dans le diocèse de
Cambrai, entré dans la congrégation de la Mission en 1635, ordonné
prêtre en décembre 1637, sorti en 1644.
4. Augustin Potier.
5. Peut-être Edme Picardat, frère coadjuteur, né le 23 avril 1613
à Rumilly-lès-Vaudes (Aube), entré dans la congrégation de la Mis-
sion le 5 octobre 1639, reçu aux vœux le i" janvier 1643.
— 542 —
370. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je ne sais si je vous dis avant-hier que Monsieur de
Beauvais me doit venir prendre ce matin pour aller pour
huit ou dix jours jusques à Beauvais. Je me recom-
mande cependant à vos prières et vous prie d'avoir soin
de votre santé et de la conserver pour son saint ser-
vice. Je m'en vas le prier que ce soit jusques à ce que vous
soyez en état d'envoyer vos petites filles travailler à la
Charité des champs.
Bon jour, Mademoiselle. Je suis votre serviteur.
V. Depaul.
Suscription : Pour Mademoiselle Le Gras.
371. — A LOUISE DE MARILLAC
[1639 1.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour ja-
mais !
Voici trois pauvres Lorraines, qui arrivèrent hier au
soir. L'une a un enfant. Il faudra tâcher de la faire met-
tre au Refuge et peut-être l'ancienne aussi. Je vous prie
Lettre 370. — L. a. — Dossier de la Mission, original.
Lettre 371. — Dossier de la Mission, copie prise sur l'original.
I. Après 1639, le saint aurait écrit les mots « Ce mardi, à 10 heu-
res » au début de la lettre, non à la fin ; et comme, au dire d'Abelly
(of. cit., t. I, chap. XXXV, p. 164), ce fut justement cette année-là
qu'-il commença à s'occuper des pauvres Lorrains, chassés par la
guerre et la misère, cette lettre ne peut être que de 1639.
— 543 —
de les envoyer à Madame de Herse, après que vous les
aurez vues, si elle trouve bon qu'elles soient aux Enfants
du faubourg Saint-Victor en attendant. Je suis un peu
pressé et ne lui en peux écrire.
Bonjour, Mademoiselle Je suis, en l'amour de N.-S.,
Mademoiselle, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Ce mardi, à lo heures.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras
auprès de N[otre-] D[ame].
372. - A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1636 et 1639 ^]
Mademoiselle,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je loue Dieu de tout ce o'ie vous me mandez de Saint-
Nicolas -, et proposerai à Madame la garde des sceaux ^
l'affaire des forçats* et à Madame Goussault celui de
cette maison et vous en rendrai réponse.
Pour Catherine ^, vous ne la cormaissez pas bien encore,
si me semble ; nous en parlerons.
C'est aujourd'hui que je vas à La Chapelle après-
dînée, avec Mademoiselle Poulaillon et trois ou quatre
autres personnes. Il vaut mieux remettre à samedi pro-
Lettre 372. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Dates de l'établissement des sœurs à La Chapelle et de la
mort de Madame Goussault.
2. Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
3. Madame Séguier.
4. Cette affaire, ne serait-ce pas le legs Comuel, dont il sera ques-
tion plus loin ?
5. Catherine Bagard. Elle fut plus tard placée à l'hôpital de
Nantes, d'où elle quitta la communauté.
— 544 —
chain, que je suis obligé d'y aller pour Madame la garde
des sceaux.
Dieu soit béni de ce que vous avez beaucoup d'argent !
Il donnera d'autres filles quand il lui plaira.
Marguerite, de Saint-Paul, vint hier céans me dire
que M. son curé ^ l'a envoyé quérir et lui a demandé
comme elles vivent, quels sont leurs exercices, qui les
conduit, qu'il les veut conduire, et désire qu'elles dépen-
dent de lui entièrement, et elle ajouta qu'elle est toute
prête néanmoins à tout quitter quand il nous plaira. Je
lui ai dit qu'elle lui die tout et qu'elle ne lui cèle rien et
puis qu'on verra.
Il sera bien difficile de conserver ces créatures dans
l'état nécessaire pour bien aller. Celles de Saint-Sau-
veur, depuis leur révolte, ne sont plus si soigneuses, et
s'en plaignent beaucoup ; elles verront avec le temps
le mal qu'elles font.
Je vois ceux que je fais et je ne m'en amende pas.
Priez pour cela, je vous en prie.
Je suis, en son amour, v. s.
V. D.
SiiscripHon : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
373. — A LOUISE DE MARILLAC
[1639 '-J
Je me suis disposé ce matin pour vous aller voir, et
le ferai si je puis ; mais, au cas que je ne le puisse et
que vous puissiez avoir le carrosse que vous me mandez,
6. Nicolas Mazure, curé très zélé, mais d'un zèle que gâtaient les
défauts de son caractère jaloux et tracassier.
Lettre 373. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Cette lettre, écrite avant la mort de Madame Goussault,
semble de la même année que la lettre 393.
— 545 —
demain au matin, je vous prie de passer ici sur les huit
heures, si votre santé le \ous permet ; sinon, me le man-
dant, je vous irai trouver chez vous.
Je vois bien que Madame Goussault ne vous a pas
bien fait entendre ce que je lui ai dit de M. votre fils.
Je lui ai dit que M. de Saint-Nicolas ^ l'a reçu sans
titre ^, qui est une faveur contre les formes, et que, de
peur qu'il n'arrivât quelque difficulté pour cela, il est
bon que vous le teniez prêt ; mais il n'est point arrivé
de changement, que je sache, dans l'esprit de mondit
sieur votre fils.
Il est nécessaire voirement que nous nous voyions
pour les filles de Saint-Sulpice au plus tôt.
Bon jour. Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Sîiscri-ption : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
374. — A ADRIEN BOURDOISE
Saint-Lazare. 29 avril 1639.
Monsieur,
Les missionnaires reçoivent, avec toute l'humilité et
la révérence possible, la proposition de M. Bourdoise et
lui offrent ce qu'il demande S d'un côté, avec bien de la
confusion de leur indignité de la grâce que ledit sieur
Bourdoise. leur offre par sa présence, et d'un autre, avec
confiance qu il supportera leurs défauts et qu'il leur pro-
2. Georges Froger,
3. On exigeait des ordinands ou un titre clérical, c'est-à-dire un
bénéfice ecclésiatique, ou un titre patrimonial d'au moins cent li-
vres de revenu.
Lettre 374. — Pémartin, o;p. cii., t. I, p. 247, lettre 239.
I. Adrien Bourdoise avait sans doute demandé de venir faire une
retraite à Saint-Lazare.
35
— 546 —
fitera infiniment par son bon exemple. Ils lui demandent
aussi la charité, pour l'amour de Notre- Seigneur, de re-
cevoir quelqu'un de leur compagnie en la communauté
de Saint-Nicolas pour quelque temps, avec telle condi-
tion qu'il lui plaira.
375. — A LOUISE DE MARILLAC
Saint-Lazare, ce mercredi à midi.
[Entre septembre 1638 et septembre 1639 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
L'on a suivi votre opinion pour les Enfants trouvés,
que cet oeuvre sera uni à celui de l'Hôtel-Dieu, si les
dames l'agréent ; et par conséquent voilà les mêmes of-
ficières, à une trésorière près, qu'il faut pour chacun des
œuvres.
Ce que vous me dites des petites filles ne peut entrer
dans l'esprit.
Puisque vous estimez que Nicole se sera corrigée, à
la bonne heure, essayez-en encore, et de Henriette à
Saint-Germain ^ ; mais je pense qu'il faut laisser passer
quelques jours pour cela.
M. de Cordes n'est pas encore revenu des champs. Au
retour, je lui parlerai de cette bonne femme mariée.
Je m'en vas à Grigny voir Madame la présidente
Goussault et Madame Le Roux en sa retraite. J'espère
être ici samedi prochain pour une petite assemblée de
dimanche.
Lettre 375. — L. a. — Original communiqué par M. Honoré Bou-
quillard, notaire à Nevers.
1. Voir lettre 348 et lettre 399, note 2.
2. Saint-Germain-en-Laye.
— 547 —
Faites votre possible pour vous bien porter, je vous en
prie, pour l'amour de Notre-Seigneur.
Je suis, en son amour, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Madame la chancelière ^ m'a baillé huit écus pour une
chèvre. Je me ressouviens que c'est à Mademoiselle du
Mée qu'il les faut bailler. C'est pour les enfants trouvés.
Suscriftion : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
376. — A LOUIS LEBRETON '
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je reçus hier au soir les vôtres du quatre et du douze
du mois passé. La première m'ôte d'une très grande
peine que j'avais que mon paquet, que vous accusez par
celle du quatre, ne fût perdu. Béni soit Dieu de ce qu'il
ne l'est pas et de ce que vous me dites par vos lettres !
Voici la réponse à tous vos points.
I. Je loue Dieu de la permission de confesser que vous
avez obtenue, et de l'usage que vous en faites à l'égard
des pauvres, des prisonniers et des gens des champs.
3. Madame Séguier.
Lettre 376. — Recueil du procès de béatification.
1. Louis Lebreton, né à Saint-Jean-sur-Erve (Mayenne), en 1591,
reçu dans la congrégation de la Mission le 8 mai 1638, envoyé à
Rome dans les premiers mois de l'année 1639 pour traiter près de la
cour romaine les affaires de la compagnie et particulièrement la
question des vœux. Il donna plusieurs missions dans la campagne
romaine, où sa parole obtint un plein succès. Sa carrière de mission-
naire fut courte et bien remplie. Il mourut à Rome le 17 octobre 164 1.
La biographie qui lui est consacrée dans le tome II des Notices,
pp. 205-222, ne renferme aucun détail qu'on ne retrouve dans la
correspondance de saint Vincent.
— 548 —
2. J'admire la providence de cette Congrégation^
pour les missions et prie le souverain pasteur et maître
des missions d'en tirer de la gloire. Y a-t-il danger que
vous leur disiez tout simplement celle de deçà ? Ne
pourriez-vous point par ce moyen procurer quelque éta-
blissement pour cela ? Je vous ai écrit touchant la
petite chapelle hors le Vatican. Elle me tente plus que
la cura Quid si vous faisiez offre à Sa Sainteté ou à
quelque évêque de battre la campagne ? et je vous enver-
rais quelqu'un de la compagnie pour vous suivre. Je vous
ai parlé de Monseigneur le cardinal Bagni '', pource que
je l'estime des plus grands prélats que je connaisse à
l'Eglise, et que j'ai de l'affection fort tendre pour lui de
le servir, et qu'il m'a dit d'autrefois qu'il nous ferait
l'honneur de se servir de nous. Jamais je n'ai eu tableau
de prélat que de lui. Sa sagesse, sa bonté et l'affection
dont il honorait ici notre petite compagnie m'a été
l'image de la sagesse de Dieu, de sa bonté et de l'œil
dont il plaît à sa divine Majesté d'honorer notre petite
compagnie.
3. Que vous dirai-je de la manière d'agir avec ces
Messieurs les ecclésiastiques à la mission, sinon que la
charité et la candeur doivent tenir le dessus et que l'es-
prit du pays requiert précaution ?
4. Vous faites bien de ne manger dehors et de rece-
voir la rétribution pour la messe. En attendant, il y a hu-
milité à en user de la sorte, et sagesse pour vivre jusqu'à
ce que vous soyez connu ; mais je pense que vous ferez
bien de distribuer cette rétribution aux pauvres.
5. J'attends avec désir, pour ne pas dire avec impa-
tience, les vues de votre mission et de la manière que la
chose aura été reçue au retour.
2., La Propagande
3. Jean-François Bagni, ancien nonce en France (1627-1630).
— 549 —
6. Guiilard est né de père et mère catholiques. C'est
lui qui est tombé dans l'hérésie et y est demeuré trois
ans. C'est maintenant un des plus fervents de la com-
pagnie. Nous l'avons envoyé en Lorraine pour y assis-
ter les pauvres corporellement et spirituellement, lui
sixième. Il n'a pas encore quarante ans et n'est point
docteur ni noble. L'emploi qu'il a en Lorraine mérite-
t-il point un extra tenipora * ? Monsieur Parisos l'a ob-
tenu pour Lescar, qui n'a point aucune de ces trois qua-
lités.
7. L'église de Richelieu a Notre-Dame pour titr.e ou
patron '".
8. le rendrai ici les cent livres et l'échange au répon-
dant de Monsieur Marchand ^ ou l'enverrai par Mon-
sieur Lumague \ si je n'ai ordre à qui le bailler de deçà.
9. Pour l'affaire de Toul, nous sommes ici en procès *.
Je tâcherai de vous envoyer les pièces que vous me de-
mandez ; on en a besoin pour les produire. Je verrai l
j'en puis avoir une copie collationnée.
10. Pour celui de Saint-Lazare, nous sommes fondés
en arrêt du Parlement ^ Monsieur de Paris y a toujours
4. Privilège de recevoir l'ordination en dehors des jours fixés par
les règles canoniques.
5. L'évêque de Poitiers avait érigé la cure de Richelieu par acte
du 27 mai 163S, et Urbain VIII avait donné son approbation ; mais
certaines difficultés retardèrent jusqu'en 1645 l'enregistrement de la
bulle au greffe des nominations ecclésiastiques du Poitou.
6. Riche banquier avec lequel saint Vincent eut sou\ent à traiter.
7 André Lumague, un des principaux banquiers de l'époque, auque"
eurent plus d'une fois recours Marie de Médicis et le cardinal de
Richelieu. Chargé en 1616 de négocier pour la reine l'achat de la
principauté de Monaco, il ne réussit pas dans sa mission.
8. Voir lettre 293, note i.
9. L'arrêt du parlement pour l'enregistrement des lettres patentes
confirmant le contrat d'union de Saint-Lazare est du 7 septembre 1632.
Le Saint-Siège avait donné son consentement le 15 mars 1635 ; mais
les bulles ne furent expédiées que le 18 avril 1655. Les prélats de la
cour romaine hésitaient encore à croire en 1639, malgré les preuves
fournies par saint Vincent, que la collation du prieuré dépendît de
l'archevêque de Paris.
— 55° —
pourvu. A la dernière vacation, il y en a eu un qui prit
brevet du roi et un autre de Monsieur l'archevêque,
qui est Monsieur le prieur d'aujourd'hui ; mais il lui de-
meura à lui. Il est vrai que c'est par accommodement en-
tre Monsieur le président Janin, qui le demanda au roi,
et Monsieur Le Bret, conseiller d'Etat ^^ qui l'obtint
pour Monsieur le prieur ^^ de mondit sieur de Paris. Et
depuis, Monsieur le prieur, pour s'affermir contre sa com-
mission ou provision déposable ad mituin, a fait venir
une provision de Rome. Hors cela, jamais autre n'a pris
provision, que je sache, que des évêques de Paris ;
encore étaient-ce des commissions ad mitmn, et le prieur
comptait tous les ans devant l'évêque de Paris.
Quid si vous écriviez à Monsieur Gilioli pour lui faire
des excuses si vous ne l'êtes allé voir, comme je vous ai
témoigné que je serais fort aise que vous passassiez à
Ferrare pour le voir et l'assurer qu'il tient toujours la
même place d'estime et d'affection dans le cœur de la
compagnie que ci-devant, et pour lui donner de nos
nouvelles ?
L'on doute ici que l'autel privilégié qu'il a plu à Sa
Sainteté nous accorder pour Saint-Lazare soit valable,
pource qu'il arrive parfois, quoique rarement, qu'il ne s'y
dit que trois ou quatre messes par jour. Je dis rarement
L'on pense néanmoins qu'il serait bon qu'il plaise à Sa
Sainteté de diminuer le nombre de sept messes par jour
à trois ou quatre. Conférez-en, s'il vous plaît.
J'ai envoyé vos indulgences à Jouy. Je ne vous dirai
rien de votre affaire pour le présent, je dis pour celui
pour lequel vous êtes allé, sinon que, toutes choses pesées
et considérées, je pense qu'il faudra tendre à l'affermis-
10. Julien Le Bret, seigfneur de Flacourt, conseiller au parlement
en 1635, |>nis conseiller d'Etat, mort en avril 1688.
11. Adrien T.e Bon.
— 551 —
sèment entier, pource qu'il y a des raisons que je vous
dirai, dont en voici une pressante, c'est que je viens de
voir tout présentement un de la compagnie, des meil-
leurs entre tous, des plus employés et un esprit des plus
doux, et lequel est néanmoins dans une volonté déter-
minée depuis huit jours de se retirer, sans m'en dire
aucune raison particulière, quelque représentation, ins-
tance et humiliation que j'aie pu pratiquer vers lui. Et
ce qui est le plus étrange, c'est que sa vocation paraît
toute de Dieu, qu'il est exemple fort grand à la compa-
gnie et qu'il est affermi en icelle en la manière que plu-
sieurs particuliers et plus anciens ont fait, comme vous
savez, cest-à-dire par vœu ^^.
Après cet exemple-là, je ne saurais de qui l'on se puisse
assurer. Je ne vous le nomme point, pource que je ne l'ai
encore dit à personne de céans.
Nous avons entrepris, avec l'aide de Notre-Seigneur,
l'assistance des pauvres gens qui sont en Lorraine '^ et
12. Nous ne pouvons certifier l'exactitude de ces deux derniers
mots. La copie est illisible.
13. La guerre, la peste et la famine s'acharnaient sur les n-ia'heu-
icux habitants de la Lorraine. Les bandes de brigands s'y multi-
pliaient à tel point que les habitants des villages étaient ob'igés de
chercher un refuge dans les villes fortifiées. Les terres demeuraient
incultes et les denrées étaient à des prix inabordables. Près de quatre-
vingts bourgs et villages se vidèrent de tous leurs habitants. On vit
une femme tuer et dévorer sa mère, des filles égorger des enfants
et se nourrir de leur chair. En divers lieux, la chair humaine était
devenue une nourriture. Les religieuses durent émigrer, comme les
autres, pour ne pas mourir de faim. Bon nombre de Lorrai'-'s vin-
rent à Paris, comptant y lutter plus facilement contre la misère,
c Pour rencontrer une pareille désolation, écrit Digot {Histoire de
la Lorraine, 2^ éd., Nancy, 1880, 5 vol. in-8, t. V, p. 277), il fallait
remonter jusqu'à H guerre des Juifs contre les Romains et au sac
de Jérusalem par les soldats de Titus. j> Saint Vincent se sentit le
cœur ému au récit de tant de souffrances. Il quêta partout pour les
pauvres Lorrains, à la cour, dans les palais, dans les maisons bour-
geoises. Il leur fit porter par ses prêtres et par ses frères du pain,
des habits, des outils, de l'argent. Il offrit des abris sûrs aux jeunes
filles et aux religieuses dont la vertu était plus particulièrement ex-
— 552 —
y avons envoyé Messieurs Bécu et Rondet ^', FF. Guil-
lard, Aulent ^'% Baptiste '" et Bourdet '', deux en chaque
ville de Toul, Metz, Verdun et Nancy. J'espère leur four-
nir deux mille livres par mois.
Nous achevâmes hier la mission que nous avons faite
à La Chapelle, qui est auprès de Saint-Lazare, où nous
avons fait assembler tous les pauvres Lorrains qui se
sont trouvés en cette ville, et l'on a donné un pain à
chacun par jour pendant huit jours à environ trois cents
qu'ils étaient ^^
Or sus, voilà tout. Je finis en me recommajidant à vos
saints Sacrifi.ces en ces saints lieux. J'espère vous écrire
désormais par tous les courriers et que Notre- Seigneur
se servira de vous en maintes bonnes œuvres, si vous
avez soin de votre santé, comme je vous en supplie, qui
posée. Il se forma à Paris, sur son initiative, dans la classe aisée, une
association qui avait pour but exclusif de venir en aide par des coti-
sations mensuelles aux nobles I^orrains ruinés. Abelly a consacré tout
un chapitre de son ouvrage (t. i, chap. xxxv) à raconter ce que saint
Vincent a fait pour secourir la Lorraine.
14. Ne faudrait-il pas lire Boudet ? Le nom de Rondet n'apparaît
qu'ici et ne figure pas dans le catalogue du personnel.
15. Charles Aulent, né à Ath, ville du Hainaut (Belgique) le
I*' février 1614, entré dans la congrégation de la Mission à la fin
de 1636, ordonné prêtre en 1640, reçu aux vœux le 11 décembre 1644.
Il dirigea la maison de Toul de 1646 à 1647, année de sa mort.
16. Jean-Baptiste de l'Estoile, né à Bar-le-Duc, reçu dans la con-
grégation de la Mission le i®'' avril 1637, à l'âge de vingt-deux ans.
17. Deux clercs de la Mission portaient alors ce nom : Jean Bour-
det, né à Saint-Babel (Puy-de-Dôme) le 14 mai 1614, entré dans la
congrégation de la Mission à la fin de 1636, ordonné prêtre en 1640,
reçu aux vœux en 1643, supérieur à Troyes de 1642 à 1644 et à Saint-
Méen de 1645 ^ 1646 ; Etienne Bourdet, né au même lieu le 27 avril
161 5, entré dans la congrégation de la Mission le 9 octobre 1638, or-
donné prêtre le 2 juin 1640, supérieur à Toul de i64r à 1642, reçu
aux vœux le 10 juin 1648.
18. Abelly, qui rappelle les deux missions données à La Chapelle
au carême des années 1641 et 1642 en faveur des pauvres Lorrains
réfugiés à Paris (of. cit., t. I, chap. xxxv, i"* éd., p. 166 ; t. II,
chap. XI, sect. i, p. 386), semble ignorer la mission de 1639. Les
missionnaires furent aidés par des personnes de condition, qui vin-
rent distribuer des aurhônes.
~ 553 —
SUIS, en son amour et celui de sa sainte Mère, Monsieur,
votre très humble et obéissant serviteur.
De Paris, ce lo mai 1639.
Suscription : A Monsieur Monsieur Lebreton, prêtre
de la Mission, à Rome.
377. — A ROBERT DE SERGIS, PRÊTRE DE LA MISSION,
A TOULOUSE
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai reçu la vôtre il y a quatre jours, .mais je l'ai per-
due et ne me ressouviens pas de tout ce que vous me
mandez. Voici ce qui me ressouvient : i" que vous
travaillez avec bénédiction ; 2° que j'ai manqué à vous
répondre à deux points de votre pénultième ; 3° que
vous auriez jugé expédient de [ne pas] ^ proposer à Mon-
seigneur l'archevêque - ce que je vous ai mandé du
louage de la maison et des ordinands qu'on vous fera
ordonner par ^lonseigneur l'archevêque ; d'aller en
Saintonge.
Or, je vous dirai pour réponse au premier point, que
je loue Dieu de la bénédiction qu'il donne à vos mis-
sions et le prie qu'il vous forti&e de plus en plus le corps
pour travailler, et l'esprit pour le mieux aimer ;
2° Que je suis bien fâché d'avoir oublié ces deux
points en ma pénultième, que je vous en demande très
Lettre 377. — L. a. — Dossier de la Mission, original.
1. Saint Vincent a sans nul doute oublié ces deux mots, que la
suite de la lettre semble réclamer.
2. Charles de Montchal.
— 554 —
humblement pardon et que j'espère que Notre-Seigneur
me fera la grâce de m'amender ;
3° Que tout ce que vous me mandez pour raison de
n'avoir pas fait les propositions du logement et des or-
dinands, ne vous devait pas empêcher de les faire, pource
que ce ne sont que productions naturelles de l'esprit
humain, qui raisonne pour l'ordinaire selon ses disposi-
tions, et qu'il s'agit ici non pas du désir de s'établir,
comme vous dites, mais de faire le bien que je vous ai
proposé ^, que l'adorable providence de Dieu a suggéré
à une bonne âme, qui en désire faire la dépense, et qu'on
ne devait pas espérer moins de bénédiction de delà que
la bonté de Dieu en donne de deçà aux ordinands,
quoique les esprits soient élevés et méprisent pour l'or-
dinaire les choses médiocres. Cela aurait été bon à juger
à Monseigneur l'archevêque, et à nous à respecter son
jugement et ses volontés et à nous y soumettre, comme
je fais en cela au vôtre, vous disant cependant tout sim-
plement. Monsieur, que nul de la Compagnie n'a ja-
mais fait difficulté d'aucune chose que je lui ai écrite,
qu'un qui m'écrivit des difficultés et ne laissa pas de
faire ce que je lui écrivais, et un autre qui, par son pro-
pre jugement, a fait difficulté de signer un accord que
j'avais fait, et m'en manda quantité de raisons et d'ex-
cuses et m'en fit écrire par d'autres ; à cause de quoi
nous avons un grand procès au Conseil, que nous ne pou-
vons soutenir qu'avec risque de perdre un établissement
et avec honte *.
O Monsieur de Sergis, que la soumission d'esprit à
un supérieur est une grande pièce ! J'avoue que la con-
naissance que vous avez de mes misères et de la gravité
de mes péchés vous ôte la confiance ; mais celui qui a
3. Première rédaction : de faire le bien dont il s'agit.
4. Il s'agit probablement de l'établissement de Toul et d'Antoine
Colée, qui en fut supérieur de 1637 à 1638.
— 555 —
dit : quaecumque dixerint vobis facile, s'est obligé par là
sans doute à suggérer la lumière suffisante à ceux qu'il
oblige d'obéir ; et je pense n'avoir jamais vu, ni ouï dire
que l'inférieur ait manqué en obéissant au supérieur en
choses qui ne sont pas mauvaises ; mais si bien pour l'or-
dinaire de ceux qui leur désobéissent. Vous vous êtes
proposé de prendre pour patron saint François Xavier.
Au nom de Dieu, Monsieur, faites-le particulièrement
à l'égard de l'obéissance et n'estimez pas que Notre-Sei-
gneur ait moins agréable celle que vous rendrez à un
pauvre misérable pécheur, que celle qu'il rendait à un
saint, le faisant, comme lui, pour l'amour de Dieu, qui se
plaît que les choses aillent ainsi et qui se déplaît du con-
traire. Nous en parlerons plus particulièrement lorsque
j'aurai le bien de vous voir de delà, oh j'espère m'en
aller bientôt avec M. d'Alet, qui attend ses bulles et
espère partir bientôt après. Cela fait que je vous
prie de ne pas sortir de l'archevêché de Toulouse pour
aller en Saintonge ni ailleurs, qui est le dernier point
de votre lettre.
Je suis cependant, en l'amour de Notre-Seigneur, Mon-
sieur, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 13 mai 1639.
378. — A LOUISE DE MARILLAG
LEntre i635 et i63q '.]
Mademoiselle,
Je ne pus vous faire réponse hier, pource que je fus
saigné, ni ce matin, pource que j'avais pris médecine.
Lettre 378. — Pémartin, o-p. cit., t. II, p. 3, lettre 522. Les der-
nières lignes, depuis « Je vous envoie la lettre » sont reproduites dans
le manuscrit Saint-Paul, p 69.
I. Cette lettre a été écrite du vivant de Mme Goussault, en un
- 556 -
Je vous dirai, en peu de mots, touchant le logement
de ^Monsieur votre fils, que j'estime, toutes choses consi-
dérées, de le metttre avec M. Rebours, s'il demeure et
ne change de logis ; mais, s'il le fait, je ne vois rien de
mieux que M. Coqueret. La hantise d'autres ecclésiasti-
ques lui serait à difficulté ou inutile. Je sais que vous
avez beaucoup de choses contre ce dernier et que j'ai
prévues ; néanmoins voilà ma pensée. M. Rebours ^ ne
quittera pas si tôt son logis ; quand bien même il quit-
terait, jouissez de ce temps-là ; l'on verra puis après. Il
sera bon cependant que vous le laissiez revenir à vous,
si vous voulez que la correction que vous lui fîtes ces
jours passés, lui profite.
Je vous envoie la lettre de Madame Goussault, que
je viens de recevoir.
Mandez-moi vos pensées sur le fait de vos filles, tant
pour ce lieu-là que pour le pays en Auvergne.
Si vous étiez brave femme, vous vous feriez quitte de
vos petits amusements et tendretés maternelles, et vous
fortifieriez le corps et l'esprit en vue de tant d'occa-
sions de bien faire. Faites-le, au nom de Dieu, Made-
moiselle. Dieu sait ce que je vous suis et ce que vous
m'êtes et que je suis...
Je vous prie de me faire réponse ce soir.
temps où Michel Le Gras semblait disposé à renoncer à la carrière
sacerdotale.
2. Le Père Hilarion Rebours, chartreux,- était cousin germain du
mari de Louise de Marillac. (Cf. Gobillon, of. cit,, p. 21.) Il s'agit
ici d'un autre Rebours, peut-être d'Antoine Rebours, né en 1591, qui se
retira à Port-Royal en 1640, reçut le sacerdoce en 1642, sur les con-
seils de Saint-Cyran, dirigea les religieuses du Port-Royal, et mou-
rut le 16 août 1661, à l'âge de soixante-neuf ans.
— 557 —
379. — A LOUISE DE MARILLAC
LEntre i635 et lôSg'.J
Mademoiselle,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour ja-
mais
Béni soit Dieu de ce que vous voilà hors votre grand
mal et de ce que vous vous êtes conservée aujourd'hui
sans aller à la messe ! Je vous supplie, pour l'amour de
Notre-Seigneur, d'avoir soin de votre santé et de n'y
rien épargner.
Si vous avez besoin de l'argent, mandezle-moi ; peut-
être vous est-il même dû quelque chose. Je le saurai ds
M. Dehorgny et de vous, s'il vous plait.
J'ai vu cette allé et ne sais que vous en dire, sinon
qu'il me semble que votre expédient de la voir trois ou
quatre jours avant qu'elle entre, est bon. Je lui ai baillé
à cet effet demi-écu pour vivre.
]\I. votre double cousin de Rebours vint hier céans.
Nous demeurâmes d'accord que le bien de M. votre fils
est l'état ecclésiastique ; secondement, que ses com-
plexions semblent plutôt y tendre qu'au monde ; 3° que
ce peut être ce jeune homme qui a brouillé sa fantaisie
sur cela et que cela lui a fait revenir les petites aversions
de la communauté de Saint-Nicolas - ; mais que, les cho-
ses lui étant bien représentées, la raison reprendra sa
place ; qu'il y a danger de favoriser sa fantaisie que de
lui donner un habit court, si ce n'est allant à la cam-
pagTie ; encore faudra-t-il qu'il soit modeste. Que si
après tout cela il persévère, in nomine Doinini, il fau-
Lettre 379. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Période des hésitations de Michel Le Gras sur sa vocation.
2. Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
-558 -
dra donner les mains. Mais que d'aller facilement ac-
quiescer au renversement des dispositions qu'il a fait
paraître toute sa vie qu'il avait d'être ecclésiastique, en
suite de l'altération que ce jeune homme débauché^ a
faite en son esprit, que je ne pense pas cela à propos.
Soyez donc, s'il vous plaît, en repos de ce côté-là, Made-
moiselle. Notre-Seigneur conduira le tout. N'ayez pas
peur et ne nous hâtons pas.
Je me porte assez bien, Dieu merci, et suis, en l'amour
de N.-S., v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
à La Chapelle.
380. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1636 et 1639 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je suis ravi d'aise de ce que Notre-Seigneur vous for-
tifie dans la retraite ; mais, au nom de Dieu, ne le tentons
point. Finissez à ce soir et ajoutez à votre confession ce
qui s'est passé depuis, et cela succinctement ; vous y êtes
un peu trop longue et souhaite que vous appreniez à vos
filles d'être plus courtes. Il suffit qu'elles s'accusent de
trois ou quatre défauts qui leur font plus de confusion.
3. Serait-ce le comte de Mony, qui exerça une fâcheuse influence
sur l'esprit de Michel Le Gras et dont Louise de Marillac se plaint
dans une de ses lettres (Lettres de Louise de Marillac, lettre 152),
postérieure, il est vrai, de quelques années à celle-ci?
Lettre 380. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Avant 1636, Louise de Marillac n'était pas à La Chapelle, et
après 1639, saint Vincent n'aurait pas écrit « Ce jeudi matin » à la
fin de la lettre.
— 559 —
Je pense que les pauvres filles ne font point de péché
mortel, Dieu merci, et il suffit qu'on s'accuse de deux ou
trois péchés véniels, voire même d'un, pource qu'il est
matière suffisante et non nécessaire de la confession.
Je n'ai reçu votre paquet que hier au soir, pource que
je couchai, la nuit passée, aux Bons-Enfants, et n'ai pu
voir encore vos médi[tations. Je le] ferai au plus tôt
avec plaisir. Et pour votre confession, j'irai à la Cha-
pelle, si je le puis, samedi prochain.
Bon jour. Mademoiselle. Je vous souhaite un cœur tout
plein de celui de Notre-Seigneur et suis, en l'amour du
même J.-C, Mademoiselle, votre très humble serviteur.
V. D. P.
Ce jeudi matin.
Je pense que vous ferez bien d'attendre après les exer-
cices à voir les fautes de vos ûUes et à les en reprendre.
Il faut penser à un chapitre.
Suscriftion : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
381. — A LOUISE DE MARILLAC '
Je ne vous puis indiquer d'autre cause de votre mal
que celle du bon plaisir de Dieu. Adorez-le donc, ce bon
plaisir, sans vous enquérir d'oiî vient que Dieu se plaît
de vous voir en l'état de souffrance. Il est souveraine-
ment glorifié de notre abandon à sa conduite, sans dis-
cussion de la raison de sa volonté, si ce n'est que sa
Lettre 381. — Abeily, op. cit., t. III, chap. v, sect. i, p. 37.
I. Abeily fait précéder la lettre de ces mots : a Cette même demoir
selle étant un jour malade, lui écrivit pour le prier de l'avertir du
mal de son âme, qui causait celui de son corps. » Bien qu'Abelly
taise le nom de la demoiselle, nul doute qu'il ne s'agisse de Louise
de Marillac, toujours portée à voir la punition de fautes passées dans
les épreuves ou les souffrances que Dieu lui envoyait.
— 56o —
volonté est sa raison même et que sa raison est sa vo-
lonté. Enfermons-nous donc là dedans de la façon que
fit Isaac au vouloir d'Abraham et Jésus-Christ au vou-
loir de son Père.
382. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je ne puis vous exprimer la douleur que j'ai de celle
que vous souffrez encore par le retour de votre mal de
tête. Mon Dieu, Mademoiselle, serait-ce point l'air de
La Chapelle qui vous cause ce mal ? Je vous supplie
d'en prendre l'avis du médecin, et, si cela est, d'en sortir
au plus tôt et de prendre une maison dans notre fau-
bourg, s'il y en a à louer, ou dans la ville. Et si tant est
que vous n'en trouviez point à louer présentement et que
celle de Mademoiselle Poulaillon soit encore en état,
voyez si elle la vous voudrait prêter pour quelque temps,
pendant lequel vous en trouverez quelque autre. Je vous
supplie. Mademoiselle, de faire cela au plus tôt et tout
votre possible pour vous bien porter.
Mon Dieu, que j'ai eu de la peine de m'en venir sans
vous voir et que j'en ai de plus demeurer que je ne pen-
sais ^ ! Oh bien ! votre charité me pardonnera celle-ci
comme elle est accoutumée d'en supporter tant d'autres.
Soyez cependant la plus gaie qui vous sera possible, et
n'omettez point chose quelconque pour votre santé, pour
l'amour de celui qui vous aime tant qu'il a donné sa
vie pour vous.
Lettre 382. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Le saint était allé à Troyes faire la visite de la maison des mis-
sionnaires.
- 56i -
Je suis encore ici pour sept ou huit jours, passés les-
quels j'espère être au plus tôt à Paris -, et m'en vas célé-
brer la sainte messe à ce qu'il plaise à Dieu que je vous
trouve bien guérie et bien gaie pour le servir longuement
dans l'œuvre auquel sa bonté vous a appelée.
Je suis un peu en peine de la santé de Madame la
présidente Goussault. Je vous prie de m'écrire deux li-
gnes de la disposition de lune et l'autre ^ qui suis, en
son amour, Mademoiselle, votre très humble et obéissant
serviteur.
Vincent Depaul.
De Troyes, ce 4 juillet 1639.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
à La Chapelle.
383. — A SAINTE JEANNE DE CHANTAL
De Troyes, ce 14 iuillet 163g.
Ma très chère et très digne Mère,
La grâce de Xotre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Etant venu en cette ville de Troyes, avec M. le com-
mandeur de Sillery, pour y visiter la petite famille que
nous avons dans ce diocèse, j'ai vu, par celle qu'il y a
reçue de vous, ma très digne Mère, la réponse que vous
lui faites sur la proposition de sa fondation de deux
de notre petite compagnie pour travailler parmi les
pauvres gens des champs de votre diocèse ^.
2. Saint Vincent était encore à Troyes le 28 iuillet.
3. Madame Goussault et Louise de Marillac.
Lettre 383. — L. a. — Original au monastère de la Visitation
d'Annecy.
I. Ce fut encore grâce aux largesses du commandeur de Sillery que
36
— 562 —
Or, je vous dirai, ma très digne Mère, que j'ai reçu,
avec une consolation que je ne vous peux exprimer, la
proposition que m'a faite le commandeur de cette fon-
dation, tant pource qu'il nous donne le moyen de travail-
ler dans le diocèse des saints, que pource que c'est à
l'abri et par la direction de notre digne mère et que par
conséquent nous avons sujet d'espérer que Notre-Sei-
gneur bénira les saintes intentions du bon Monsieur le
commandeur et les petits travaux de ses missionnaires.
Et pource que vous désirez savoir en quoi consiste
notre petite manière de vie, je vous dirai donc, ma très
digne Mère :
Que notre petite compagnie est instituée pour aller
de village en village à ses dépens, prêcher, catéchiser et
faire faire confession générale de toute la vie passée
au pauvre peuple ; de travailler à l'accommodement des
différends que nous y trouvons, et de faire notre possible
à ce que les pauvres malades soient assistés corporelle-
ment et spirituellement par la confrérie de la Charité,
composée de femmes, que nous établissons aux lieux
oii nous faisons la mission, et qui le désirent ;
Qu'à cet emploi, qui est notre capital, et pour le
mieux accomplir, la providence de Dieu a ajouté celui
de retirer chez nous ceux qui doivent prendre les ordres,
dix jours avant l'ordination, les nourrir et entretenir et
leur enseigner pendant ce temps-là la théologie pratique,
les cérémonies de l'Eglise et à faire et pratiquer l'oraison
l'établissement d'Annecy fut fondé. Par contrat du 3 juin 1639, il don-
nait à saint Vincent 40.000 livres, à prendre s'ir les aides de Melim,
pour l'entretien de deux prêtres et d'un frère en état de donner des
missions, plus 5.000 livres pour l'achat de chapelets et de feuilles "u
brochures de piété. Les missionnaires devaient se trouver à leur poste
avant le 15 septembre et travailler gratuitement pendant huit mois de
l'année dans les paroisses que l'évêque leur désignerait, et tous les
cinq ans, à partir de 1641, à Brie-Comte-Robert en Seine-et-Marne.
(Cf. Arch. Nat. S 6716.)
— 5^3 —
mentale selon la méthode de notre bienheureux Père
Monseigneur de Genève ', et cela à l'égard de ceux
qui sont du diocèse où nous sommes établis ;
Que nous vivons dans l'esprit des serviteurs de l'Evan-
gile à l'égard de nos seigneurs les évêques, lesquels nous
disant : (( Allez là », nous y allons ; (( venez ici », nous
y venons ; <( faites cela », nous le faisons ; et cela pour
ce qui regarde les fonctions ci-dessus ; et pour le regard
de la discipline domestique de la congrégation, elle dé-
pend d'un supérieur général ;
Que la plupart d'entre nous avons fait les trois vœux
de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, un quatrième
de nous appliquer, toute notre vie, à l'assistance du pau-
vre peuple, et que nous travaillons à les faire approuver
par Sa Sainteté ^ et demandons permission d'en faire
un cinquième, qui est l'obéissance à nos seigneurs les
évêques dans le diocèse desquels nous sommes établis,
à l'égard des fonctions susdites * ;
Que nous sommes en la pratique de la pauvreté et de
l'obéissance et travaillons, par la miséricorde de Dieu,
à vivre religieusement, quoique nous ne soyons pas re
ligieux. Nous nous levons, le matin, à quatre heures,
employons une demi-heure à nous habiller et à faire
notre lit, faisons une heure d'oraison mentale ensemble
à l'église, récitons prime, tierce, sexte et none ensemble ;
puis nous célébrons nos messes, chacun à son rang ;
cela fait, chacun se retire à sa chambre pour étudier. A
dix heures et demie, l'on fait un examen particulier sur
la vertu qu'on tâche d'acquérir ; puis l'on s'en va au
réfectoire, oià l'on dîne, avec portion et lecture de table ;
cela fait, l'on va adorer le Saint-Sacrement ensemble et
2. Saint François de Sales.
3. Urbain VIII.
4. Ce projet ne se réalisa pas.
— 564 —
dire VAjtgelus Doniini nuntiavit Mariae, etc., et l'on
fait ensuite lUie heure de récréation ensemble ; après
quoi chacun se retire à sa chambre jusqu'à deux heures,
qu'on récite vêpres et complies ensemble. Après cela, l'on
retourne étudier à sa chambre jusqu'à cinq heures, qu'on
récite matines et laudes ensemble. Puis l'on fait un
autre examen particulier, et l'on soupe ensuite et puis
l'on fait une heure de récréation, laquelle achevée, on
va à l'église faire l'examen général, les prières du soir
et la lecture des points de l'oraison du lendemain au
matin. Cela fait, Ton se retire à sa chambre et se couche
à neuf heures.
Quand nous sommes en mission à la campagne, nous
faisons de même, à cela près qu'on va à l'église à six
heures du matin pour célébrer la sainte messe et con-
fesser, en suite de la prédication qu'un de la compagnie
vient de faire en suite de la sainte messe qu'il a dite
auparavant ; l'on confesse jusques à onze heures ; puis
l'on s'en va dîner et l'on retourne à l'église à deux heures
pour y confesser jusques à cinq heures ; en suite de quoi
l'un fait le catéchisme, et les autres s'en vont dire ma-
tines et laudes, pour souper à six heures.
L'on a pour maxime de ne point prêcher, catéchiser,
ni confesser dans les villes où il y a évêché et de ne point
sortir d'un village que tout le peuple ne soit instruit des
choses nécessaires au salut et que chacun n'ait fait sa
confession générale ; et l'on va en peu de lieux où il
reste quelqu'un qui y manque. Comme l'on a fait dans
un village, l'on s'en va en un autre, où l'on fait de
même. L'on travaille depuis environ la Toussaint jus-
ques à la Saint Jean et l'on laisse les mois de juillet,
août et septembre et une partie d'octobre au peuple pour
faire la moisson et les vendanges ; et comme l'on a tra-
vaillé vingt jours ou environ, l'on se repose huit ou dix
- 565 -
jours ; puis l'on retourne au travail, n'étant point pos-
sible de subsister longtemps au delà à ce travail sans ce
repos et celui d'un jour par semaine.
Nous faisons nos solitudes tous les ans, tenons cha-
pitre tous les vendredis au matin, où chacun s'accuse
de ses manquements, reçoit la pénitence que le supé-
rieur lui donne et est tenu de l'accomplir ; et deux prê-
tres et deux frères demandent à la compagnie la cha-
rité d'être avertis de leurs manquements et après ceux-
là d'autres, chacun à son tour, et le soir du même jour
l'on fait une conférence sur le sujet de nos règles et de
la pratique des vertus, où chacun dit les pensées que
Notre-Seigneur lui a données, sur le sujet duquel l'on
confère, en faisant son oraison là-dessus.
L'on ne sort jamais sans congé, ni que deux à deux,
et, au retour, chacun va trouver le supérieur pour lui
rendre compte de ce qu'il a fait. L'on n'écrit ni reçoit
des lettres que le supérieur ne les ait vues et ne l'agrée.
Chacun est obligé d'agréer que ses fautes soient chari-
tablement rapportées à son supérieur et à s'étudier à
recevoir et à donner les avertissements qu'il faut aux
autres. L'on observe le silence depuis le soir jusqu'à la
fin du dîner le lendemain et après la récréation du ma-
tin jusques à celle du soir.
L'on fait deux ans de séminaire, qui est à dire de
noviciat, où l'on est exercé assez exactement, par la mi-
séricorde de Dieu, en sorte que, pour plusieurs raisons,
les séminaristes ne communiquent point avec les prêtres
sans congé.
Ladite congrégation est approuvée par Sa Sainteté
et établie dans la ville et dans le faubourg de Saint-
Denis à Paris, dans les diocèses de Poitiers, de Luçon,
de Toul, d'Agen et de Troyes.
Voilà, ma très chère et très digne Mère, notre petite
— 566 -
manière de vie. Vous nous ferez la charité, pour l'amour
de Notre-Seigneur, de nous donner vos avis sur cela,
s'il vous plaît, et vous pouvez croire, ma chère Mère,
que je les recevrai comme venant de la part de Dieu,
pour l'amour duquel je vous demande cette charité ^...
Je ne vous dis rien de vos chères filles de Paris, sinon
qu'il me semble qu'elles s'avancent de plus en plus en
l'amour de leur divin Sauveur. J'ai un grand pardon à
vous demander de ce que je ne les ai point visitées il y
a longtemps. Celles d'ici '^ sont aussi en odeur et suavité,
et certes avec sujet. Vous ne sauriez croire, ma chère
Mère, combien l'esprit de Notre-Seigneur paraît en la
Mère ' et en la déposée *, ni combien le reste de la mai-
son va bien, vu les difficultés quelle a eues par le passé.
Or sus, ma chère Mère, permettez-vous que je vous de-
mande si votre bonté la non pareille me laisse encore
le bonheur de la jouissance de la place qu'elle m'a don-
née dans son cher et tout aimable cœur ? Certes, je le
veux espérer, quoique mes misères m'en rendent très in-
digne. Au nom de Dieu, ma chère [Mère] ®, continuez-
5. Nous regreUons vivement de n'avoir pu déchiffrer trois lignes,
volontairement noircies d'encre sur l'original.
6. De Troyes.
7. Françoise-Madeleine Ariste, élue le 20 mai 1638. Saint Vincent
l'avait connue au premier monastère de Paris, où elle avait commencé
sa vie religieuse, et au second monastère, où elle avait suivi en 1626
la Mère de Beaumont. Cette pieuse Visitandine mourut à Troyes le
10 juin 1667, après avoir gouverné la maison pendant douze ans.
8. Nom donné à la supérieure qui sort de charge. Il s'agit ici de
la Mère Claire-Marie Amaury, qui avait dirigé le monastère pendant
un peu plus de deux triennats, du 6 juillet 1631 au 20 mai r638, fut
réélue en 1641 et mourut le 10 octobre 1651. Dès la première année
de son entrée au premier monastère de Paris, la Mère Amaury resta
pendant sept mois en proie à une horrible tentation, dont saint Vin-
cent lui-même a fait le récit au procès de Béatification de saint Fran-
çois de Sales. (Abelly, op. cit., t. II, chap. Vil, p. 331 et suiv. ;
Annales Salésiennes, 20 déc. 1907, p. 213 ; Arifiée Sainte, t. x, p. 225.)
9. Mot oublié dans l'original.
— 5^7 —
moi, s'il vous plaît, cette grâce. Je suis, dans cette con-
fiance, votre très humble et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul
prêtre de la Mission.
Suscription : A ma très digne Mère, ma très digne
Mère de Chantai, fondatrice de l'ordre de la Visitation
Sainte-Marie, à Annecy.
384. — A LÉONARD BOUCHER, PRÊTRE DE LA MISSION,
A TOUL
De Troyes, ce 20 juillet 1639.
Monsieur,
J'ai reçu deux de vos lettres depuis que je suis ici,
l'une par la voie de Paris, l'autre par ce porteur au pre-
mier voyage qu'il vous a été trouver ^. La dernière dit
peu de chose ; la première me fait voir la diligence que
vous avez faite pour envoyer mes lettres. Je vous remer-
cie également de l'une et de l'autre, comme aussi de ce
que vous me dites touchant la difficulté que nous avons
avec le bon Monsieur Fleury ; à quoi je n'ai à dire autre
chose que ce que j'ai écrit à Monsieur le président ^, si-
non qu'il est à souhaiter que nous ayons, vous et moi,
un peu plus d'estime des maximes de l'Evangile que
nous n'avons pas, et que je vous prie de faire oraison un
jour sur ces paroles : (( A qui t'ôtera la soutane, donne-
lui aussi ton manteau ^ » ; et sur celles-ci : Inqidre pacem
et posequere eam * ; et une autre sur ces paroles : quae-
Lettre 384. — Reg. 2, p. 279.
1. A Toul, où était Léonard Boucher.
2. M. le président de Trélon, neveu du commandeur de Sillery.
3. Evangile de saint Matthieu V, 40.
4. Psaume xxxiii, p. 15.
— 568 —
cumque dixerint vobis facile '" ; et sur celles-ci : qui vos
audit 7ne audit, et qui vos spernit me sfernit ^ ; et vous
prendrez la peine de me mander les pensées que Notre-
Seigneur vous donnera là-dessus et ensuite les résolu-
tions que vous prendrez. Je serai consolé de voir cela \
Je suis cependant, en l'amour de Notre-Seigneur et de
sa sainte Mère, Monsieur, votre...
385. — A LOUISE DE MARILLAC
De Iroyes. ce 28 juillet 163g.
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'étais en peine ; l'on m'avait mandé que vous vous
étiez trouvée un peu plus mal. Monsieur Portail me
manda hier le contraire, et votre lettre me le fait voir.
J'en loue Dieu et le prie qu'il vous redonne une par-
faite santé. Faites-y votre possible, Mademoiselle, je
vous en supplie, pour l'amour de Notre-Seigneur.
Quel remède pour empêcher le rabais de votre rente
au denier dix-huit ?... A 1 "égard de M. Arnaud, je n'en
vois point, puisque le prince l'a ainsi ordonné. Vous
pourrez encore par pareil recours et rencontre l'augmen-
ter, en achetant des rentes sur le sel ; mais vous en sa-
vez le risque... Les honnêtes gens vous paient bien. Je
ne vois point de lieu d'y faire autrement.
5. Evangile de saint Jean II, 5.
6. Evangile de saint Luc x, 16.
7. La congrégation de la Mission était en procès avec l'ordre du
Saint-Esprit.
Lettre 385. — Gossin, of. cit., p. 438, d'après l'original communi-
qué par l'abbé Dumesnil, chanoine de Notre-Dame de Versailles.
Le texte de la lettre est malheureusement incomplet, M. Gossin
n'ayant pas su déchiffrer en deux endroits l'écriture de saint Vincent.
— 5^9 —
Je serai bien aise, au retour, de voir ce que vous me
dites de vos pensées à l'égard de la providence, comme
je le suis de ce que vous avez envoyé l'honneur de votre
souvenir à Saint-Sulpice.
Je vous remercie des nouvelles que vous me dormez
de Madame Goussault. J'espère vous voir toutes deux
vers la fin de cette semaine où nous allons entrer, et suis
à jamais, en l'amour de Notre-Seigneur, votre très hum-
ble serviteur.
Vincent Depaul.
386. — A LOUISE DE MARILLAC
[1639 ^J
... Jeanne, renvoyez-la, et dites-lui que c'est pour avoir
battu sa compagne. Donnez-lui quelque chose et laissez
passer la fête de demain. Elle sera bien avec celles de
Saint-Sauveur jusques à ce qu'elle ait trouvé condition,
et dites aux autres que ce n'est pas la première fois
qu'elle a battu, qu'on lui avait pardonné le reste, mais
que le scandale serait trop grand qu'il fût dit des Filles
de la Charité qu'elles se battent comme chien et chat.'
Dites-en un mot à Madame la présidente Goussault et
pensez s'il serait à propos d'en parler aux autres offi-
cières.
Je tâcherai d'avertir M. Renar sans vous nommer.
Vous avez raison pour les médailles. Usez-en, s'il vous
plaît, comme vous me mandez.
Lettre 386. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Les lettres 386, 387 et 388 se tiennent. Elles sont antérieures à
la mort de Madame Goussault (20 septembre 1639) et postérieures à
la fondation de l'œuvre des Enfants trouvés ( 1638) . La place donnée
aux mots « De Saint-Lazare, ce jeudi matin » en tête de la lettre
3S8, nous montre qu'elle est de 1639 ^" P^"^ ^°^- C'est donc en 1639
que nous devons les placer toutes trois. Le commencement de l'ori-
ginal de la lettre 386 a été découpé et perdu.
— 570 —
Si j'oubliais de vous renvoyer sainte Brigitte ^ un
jour de cette semaine, faites-m'en ressouvenir, s'il vous
plaît.
Je vous prie de communier demain pour un affaire,
à ce qu'il plaise à Dieu que deux personnes n'entrent
point dans la désunion de la Charité dont Notre-Sei-
g-neur les a liées.
Je vous souhaite le bon jour et à votre bonne petite
malade aussi. Je ne vous recommande point le soin qu'il
en faut avoir, pource que vous n'en [manquerez pas,
voyant en elle Notre-Seigneur, en l'amour duqujel je suis
et celui de sa sainte Mère, votre très humble serviteur.
V. D. P.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
387. — A LOUISE DE MARILLAC
[1639 1.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
.jamais !
Vous me paraissez dans la pressure du cœur. Vous
craignez que Dieu ne soit fâché et qu'il ne veuille point
du service que vous lui rendez, à cause qu'il vous prend
vos filles. Tant s'en faut, Mademoiselle. C'est un signe
qu'il le chérit, puisqu'il en use de la sorte ; car
il vous traite comme sa chère épouse l'Eglise, au com-
mencement de laquelle non seulement il faisait mourir
la plupart par la mort naturelle, mais aussi par supplices
et des tourments. Qui n'aurait dit, à voir cela, qu'il était
2. La vie de sainte Brigitte.
Lettre 387. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir lettre 386, note i.
— 071 —
en colère contre ces jeunes et saintes plantes ? Ne croyez
donc plus cela, ains le contraire.
Puisque vous en êtes d'avis, je ferai chercher cette
grande Jeanne, ou, si vous savez où elle est, envoyez- la-
moi, s'il vous plaît. J'ai dit qui elle est à Madame de
Herse ^.
Hubert " n'est point allé en Picardie ; je doute si je
l'y enverrai si tôt. Il verra sa soeur/ avant partir.
Je ne gagnerai rien à ce prêtre ; vous y ferez plus que
moi.
Vous êtes étrange d'appréhender ainsi mon départ.
Soyez en repos ; mon voyage est rompu. Le plus long
que je prévois, c'est celui de Pontoise demain.
Au nom de Dieu, Mademoiselle, aimez votre indi-
gence et soyez tranquille. C'est l'honneur des honneurs
que vous pouvez rendre présentement àr Notre-Seigneur,
qui est la tranquillité même.
Pourrez-vous point vous rendre aujourd'hui chez Ma-
dame la présidente Goussault ? J'en serais bien aise.
Cela vous divertirait un peu dans les continuels travaux
que vous avez. Je suis cependant, en l'amour de Notre-
Seigneur, V. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
2 Madame de Herse avait envoyé Jeanne à Louise de Marillac,
3. Hubert Bécu, frère coadjuteur.
4. Marie Bécu, Fille de la Charité. Elle était ajors à la maison-
mère.
572
388. — A LOUISE DE MARILLAG
De Saint-Lazare, ce jeudi matin [1639 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je ne sais qui a dit à vos filles que je me porte mal. Par
la miséricorde de Dieu, je me porte bien. Plaise à sa
bonté me faire la grâce de faire bon usage de la santé
qu'il me donne !
Je pense que vous ferez bien d'écrire à cette bonne
fille que nous sommes consolés de ce que Notre-Seigneur
lui a fait voir sa faute, d'avoir écouté cette tentation,
qu'il faut qu'elle fasse bon usage de la grâce que Dieu
lui a faite, qu'il faut qu'elle informe bien son esprit de
cette vérité, que tous les gens de bien sont condamnés de
Dieu à souffrir de la tentation, que celle-là et d'autres ne
lui défaudront jamais, si elle est fidèle à Dieu, et qu'en
quelque lieu et en quelque condition elle sera toujours
tentée et peinée, qui est sa croix ; que si elle veut suivre
J.-C, qu'il faut qu'elle la porte.
L'assemblée - ne se saurait faire demain. Nous avons
indiqué celle des Enfants ^ à demain chez Mademoiselle
Viole.
Je fis connaître hier au soir à cette grosse Jeanne qu'il
faut qu'elle se retire ; que je vous ai baillé cinquante
livres, qu'elle m'envoya par Madame Forest. Il me sem-
ble qu'il y avait 52 livres ; elle dit dix-huit écus ; nous
lui ferons bailler le surplus. Elle pensait que Madame
Lettre 388. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Voir lettre 386, note i.
2. L'assemblée des dames de la Charité.
3. L'assemblée des dames pour les Enfants trouvés.
— 573 —
de Herse m'eût baillé cent francs, qu'elle dit que cette
bonne dame a à elle. Je lui ai dit qu'elle les demande.
Je pense qu'il est bon que vous agissiez selon cela dou-
cement, mais fortement et efficacement.
Vos eaux viendront aujourd'hui.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
389. — SAINTE CHANT AL A SAINT VINCENT
Vive Jésus !
[Anftecy^ 163c '.]
...Au reste, mon très cher Père, ce m est une consolation ex-
trême d'espérer d^ avoir ici de vos chers enfants ; notre tout
bon et cher -père M . le commandeur de Sillery nous la promis.
N'est-il pas incomparable en sa charité, et nous très obligées
à la divine Providence de nous avoir donné un tel appui f
Bénie soit-elle éternellement ! Vous nous manderez bien, mon
très cher Père, tout ce qui sera requis de faire et de savoir four
la consolation de ce bon serviteur de Dieu.
Je supplie sa douceur infinie de vous conserver longuement
pour sa gloire et l'utilité de la sainte Eglise. Conservez-vioi
en votre soîivenir devant Dieu et en votre affection paternelle .
puisque je suis de tout mon cceur, quoique iftdigne^ etc.
Mon cher Père, qtiand je considère les fruits que ces deux
bons ouvriers feront en ce grand et noynbreux évêché, j'en suis
ravie, et m'assure de votre piété et zèle en la divine gloire, que
vous ferez faire cet établissement si solide qu'il 71e puisse ja-
mais déchoir, ni pour la disette ihomines, ni de moyeyis qui
pourrait arriver en votre congrégation. Faites-nous aussi savoir
comme il faut les lits et autres aîneublements nécessaires à vos
bons pères.
Lettre 389. — Sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantai, sa vie
et ses œuvres, t. VIII, p. 163, lettre 1633.
I. Date de la fondation d'Annecy. Il semble que la lettre 390
répond à celle-ci.
— 574 —
390. — A SAINTE JEANNE DE CHANTAL
De Paris, ce 15 août 163g.
Ma très chère et digne Mère,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai reçu la vôtre sans date, que M. le commandeur
m'a fait l'honneur de me rendre, sans date, et vous pou-
vez penser, ma très digne Mère, avec quelle révérence et
affection c'a été, puisque c'est une lettre de mon unique
Mère et qu'elle est pleine de l'odeur et de la suavité de
son esprit. Jésus ! ma chère Mère, qu'elle a embaumé mon
pauvre cœur ! Or sus, béni soit celui pour l'amour duquel
votre bonté s'offre à nous recevoir, à nous loger et à nous
meubler M Je ne vous en remercie point, ma chère Mère,
pource que je n'en suis pas digne ; mais je prie Dieu
qu'il soit lui-même votre remerciement et votre récom-
pense... ^.
A ce que votre charité me dit touchant la mission,
qu'on l'établisse de sorte qu'elle ne manque point ci-
après faute d'hommes, ni d'argent ; or, je vous dirai,
quant aux hommes, ma chère Mère, que l'affermissement
de la compagnie, que je vous ai dit que nous moyen-
nons à Rome, par celle que je vous ai écrite de Troyes,
Lettre 390. — L. a. — Oriç^inal à la Visitation d'Annecy.
1. Par le contrat du 3 juin 1639, le commandeur de Sillery avait
promis aux missionnaires d'Annecy de leur procurer le logement et
l'ameublement. Il n'avait pas encore tenu parole. Le 26 janvier sui-
vant, les missionnaires le déchargeaient de sa promesse, moyennant
2.000 livres tournois, qui devaient servir, avec i.ooo autres livres, à
l'achat d'une maison. Ils s'installèrent, pour commencer, dans un
local oflFert, préparé et aménagé par sainte Chantai.
2. Nous omettons ici quarante lignes de l'original surchargées de
ratures. Il est profondément regrettable, répétons-le, qu'on ait pris
tant de soin pour nous cacher ce qu'un saint écrivait à une sainte.
— 575 —
est l'affermissement des lieux particuliers où elle sera
établie, moyennant l'aide de Dieu, que je vous prie de
lui demander à cet effet ; et, pour le regard du bien, que
Monsieur le commandeur m'a fait l'homieur de me dire
que, s'il vend de son bien, qu'il nous baillera le fonds
de la rente qu'il nous a donnée, et que nous en emploie-
rons en fonds d'héritage en vos quartiers autant qu'il
faudra pour l'entretien de ces deux missionnaires et d'un
frère ; et que, cela étant, s'il plaît à Notre- Seigneur de
donner sa bénédiction à ce bon œuvre, il ne manquera
point faute d'hommes, ni faute d'argent. Monsieur le
commandeur semble n'en vouloir point demeurer à ce
nombre-là ^. Le saint nom de Dieu en soit béni !
Je vous ai dit quantité de choses à l'avantage de cette
petite compagnie ^. Certes, ma chère Mère, cela me fait
peur ; c'est pourquoi je vous supplie d'en beaucoup di-
minuer et de ne point dire cela à personne. La trop
grande réputation nuit beaucoup et fait d'ordinaire, par
un juste jugement de Dieu, que les effets ne répondent
point à l'attente, soit pource que l'on tombe en élation
d'esprit ou pource que le public réfère aux hommes ce
qui n'est dû qu'à Dieu seul. C'est pourquoi je supplie
derechef très humblement votre charité de ne point souf-
frir en votre esprit les pensées que ce que M. le comman-
deur vous dit de nous vous pourraient donner et moins
encore d'en parler à personne. Hélas ! ma digne Mère,
si vous saviez notre ignorance et le peu de vertu que
nous avons, vous auriez grand'pitié de nous ! Vous le
verrez néanmoins, en effet, par ces deux que nous enver-
3. Le 26 février 1640, il faisait une nouvelle donation pour per-
mettre d'élever à quatre le nombre des prêtres et à deux celui des
frères. (Cf. Arch. Nat. S 6716.)
4. Saint Vincent croit avoir dit trop de bien de sa Compagnie dans
sa lettre du 14 juillet. Il s'efforce ici de la rabaisser pour se punir
d'en avoir parlé avec trop de complaisance.
— 576 —
rons ; et c'est ce qui me console, pource que vous prie-
rez Dieu pour nous avec plus de compassion de notre
misère ; et pource que je vous dis ceci les larmes aux
yeux, en la vue de la vérité de ce que je vous dis
et des abominations de ma pauvre âme, je vous supplie,
ma chère Mère, d'offrir à Dieu la confusion que j'en ai
et la confession que je vous en fais en la présence de sa
divine Majesté, et de me pardormer si j'abuse de votre
patience en vous disant ainsi mes pauvres sentiments,
qui suis à ma très digne et très unique mère, en l'amour
de Notre- Seigneur et de sa sainte Mère, ma très digne
Mère, votre très humble et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul
prêtre de la Mission.
Ma digne Mère, M. le commandeur a désiré que je
vous envoie un mémoire du petit ameublement qu'il nous
faut et que sa charité nous doit fournir.
Suscription : A ma Révérende Mère de Chantai, fon-
datrice de l'Ordre de la Visitation et supérieure du mo-
nastère d'Annecy, à Annecy.
391. — A LOUISE DE MARILLAC
[Août ou septembre 1639 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je viens de voir Madame Goussault, qui n'est pas griè-
vement, mais dangereusement malade ; et elle le recon-
5. Bernard Codoing et Pierre Escart.
Lettre 391. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir note 2.
— 577 —
nait et me l'a dit". Il faut prier Dieu pour elle. Son cœur
est toujours dans son carré de la volonté de Dieu. J'y ai
laissé Madame la chancelière ^. Elle m'a dit qu'elle vous
enverra demain son carrosse. Je vous baillerai un papier
avant que vous partiez.
S'il y avait du logement a^sez, il faudrait entendre
cet affaire-là ; mais n'y en ayant point, cela est consi-
dérable ; nous en parlerons. Je vous souhaite cependant
le bonsoir et suis, en l'amour de Notre-Seigneur, v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
en sa maison.
392. — A LA MÈRE DE LA TRINITÉ
De Saint-Lazare-lez-Paris, ce 28 août 1639.
Ma très chère Mère,
L'esprit d'union par lequel le Fils de Dieu a uni les
hommes à son Père soit toujours avec vous pour ja-
mais !
Je vous rends un million d'actions de grâces, ma chère
Mère, de l'ardente charité avec laquelle vous me faites
celle de m'écrire ; et, pource que c'est Dieu qui a mû
votre cher cœur à cela, et qu'il vous a inspiré tout ce que
vous me dites, je l'embrasse avec toute l'affection et la
révérence qui m'est possible et vous promets, ma très
unique Mère, d'accomplir exactement tout ce qu'il vous
2. Madame Goussauît mourut le 20 septembre 1639, assistée pai
saint Vincent.
3. Madame Séguier.
Lettre 392. — L. a. — Original chez les Filles de la Charité de
Nancy, rue de la Charité, 18.
37
578 -
plait me prescrire, li est vrai, ma chère Mère, que je
crains bien que ma misère nait donné beaucoup de sujet
de peine à notre très bon et très aimable Monsieur le
commandeur '. Mais que peut-il sortir d'un misérable
pécheur que des manquements et des fautes en toutes
choses ? et cela, certes, pourtant sans aucun dessein, car
je n'en ai jamais eu d'autre, depuis que j'ai eu l'hon-
neur d'être connu de lui, et bien longtemps auparavant,
que de l'honorer et respecter comme un grand serviteur de
Dieu, que je suis indigne d'approcher. Et pource que je
n'ai autre moyen de le satisfaire que de recourir à sa
bonté, je le fais, ma chère Mère, par l'entremise de la
vôtre et lui demande très humblement pardon, étant
prosterné en esprit à ses pieds et aux vôtres, et certes
avec des mouvements de larmes que mon cœur tout
échauffé et attendri envoie à mes yeux.
Et pource qu'il est si bon de s'accommoder à ma prière
à l'égard de Monseigneur de T[royes] " et de trouver bon
qu'il ait une chambre à la maison, je l'en remercie très
humblement et le supplie, au nom de Xotre-Seigneur,
de compatir encore à ma chétiveté à l'égard de l'autre
point qui regarde le consentement de la ville, et d'avoir
agréable de leur en parler lui-même, puisque vous ne
jugez pas expédient de leur en faire écrire ; car sans dif-
ficulté, ma chère Mère, l'on ne nous y souffrira pointa
J'ai avis que la femme d'un magistrat a dit à une per-
sonne ' ces paroles : " Qu'on ne pense pas à établir au
faubourg les prêtres de la Mission ; l'on ne les y souffrira
pas ! » Quel déplaisir, ma chère Mère, aurait M. le com-
mandeur s'il se voyait offenser en l'œuvre de ses mains !
1. Le commandeur de Sillery.
2. René de Breslay (1604-1641).
3. Les missionnaires avaient leur résidence à Sancey près de Troyes.
Le commandeur de Sillery leur en cherchait une autre dans le fau-
bourg.
4. Première rédaction : à une personne qui me l'a écrit.
— 579 —
Si, faisant ce qui sera en nous dans la simplicité, nous
sommes refusés, à la bonne heure, la volonté de Dieu
nous sera connue ; nous nous accommoderons comme
nous pourrons hors l'étendue de la ville et des faux
bourgs. Que s'ils l'agréent, comme je l'espère, si Monsieur
le commandeur leur en parle, ce nous sera une grande
consolation d'être entrés dans cet établissement par la
porte de la déférence, de la soumission, de l'humilité, de
la simplicité, de la candeur et de la charité. Si ceci cho-
que votre sens, ma chère Mère, ou celui de ]*kIonsieur le
commandeur, je vous en demande très humblement
pardon et à lui aussi, et vous supplie encore derechef, au
nom de Notre-Seigneur, de me supporter en cette misère.
De dire que sa présence empêchera qu'on ne fasse vio-
lence, je le veux croire, mais je ne doute nullement que,
dès qu'il aura tourné le dos, l'on n'en use autrement.
Je sais bien, ma chère Mère, que sainte Thérèse en a
usé autrement en quelques-unes de ses fondations ; mais
quoi ! c'était une sainte qui avait inspiration de Dieu
pour cela. Mais aussi, ma chère Mère, je ne sais si elle
en aurait usé de la sorte à l'égard d'un peuple qui au-
rait aversion des établissements nouveaux et qui l'aurait
témoigné en plusieurs rencontres. C'est pourquoi je sup-
plie derechef votre charité sans mesure d'agréer ce que
je vous propose avec toute l'humilité et le respect qui
m'est possible et de le proposer à mondit sieur le com-
mandeur, comme aussi de lui dire que très volontiers
je trouve bon qu'il prenne les quatre mille cinq cents
livres qui sont entre les mains de nos chères sœurs de
Sainte-Marie % où le bon Alonseigneur de Troyes nous
fit ouverture de les mettre. J'écris à Monsieur Dufestel
à cet effet qu'il fasse délivrer ladite somme à mondit
sieur le commandeur lorsqu'il commandera.
5. Du couvent de la Visitation de Troyes.
— 58o —
Pour le regard de l'augmentation de la fondation de
Genève ^, certes, ma chère Mère, je ne puis vous exprimer
la reconnaissance que Notre-Seigneur m'en donne ; et
pource que je suis si mal gracieux que je ne le sais pas
bien témoigner dans les rencontres, je vous supplie très
humblement, ma chère Mère, de m'aider à l'en remercier
et à l'assurer de mon obéissance. Et pour vous, ma chère
Mère, pource que je ne suis pas digne non plus de vous
faire un remercîment digne de toutes les grâces que
nous recevons incessamment de votre charité, je prie
Notre-Seigneur, ma chère Mère, qu'il le vous fasse lui-
même et qu'il soit notre remercîment, et suis, en son
amour et celui de sa sainte Mère, ma très chère Mère,
votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
Suscri-ption : A ma Révérende Mère ma Révérende
Mère de la Trinité, supérieure des carmélites du fau-
bourg de Troyes, à Troyes.
393. — A LOUISE DE MARILLAC
Ce mercredi matin. [1639 ^.]
J'ai été consolé de voir la lettre d'Angers et pense
qu'il ne faut pas différer à envoyer les fi-lles, quoique
l'acte ne soit pas fait ; en tout cas, l'on sera toujours sur
ses pieds. Mais j'ai de la peine de ce que vous me man-
dez du reste. O Jésus ! Mademoiselle, il n'est pas temps.
Seigneur Dieu ! vous faites trop de besoin au monde !
6. D'Annecy, au diocèse de Genève. Le siège épiscopal d'Annecy
fut établi en 1822.
Lettre 393. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Les sœurs destinées à l'hôpital d'Angers quittèrent Paris en no-
vembre. Cette lettre précède de peu leur départ.
- 58i -
Au nom de Dieu, faites votre possible pour vous bien
porter et traitez-vous mieux. Si je le puis, j'aurai le bien
de vous voir ce soir, sinon demain, Dieu aidant.
Monsieur votre fils me dit, hier au soir, qu'il s'en
allait trouver Monsieur de Saint-Nicolas pour l'exa-
men ^. Il paraît tout à fait déterminé. Il ne vous est
point allé voir, à cause que son manteau long s'est dé-
chiré en passant en quelque lieu ; il le fera raccom-
moder. Peut-être ne vous veut-il aller voir qu'étant lié à
l'Eglise, ainsi qu'il vous a mandé. Soyez bien gaie, au
nom de Dieu. Je suis, en son amour, v. s.
V. D.
Je pense que vous avez bien choisi, touchant les Lor-
raines, et que l'autre grande, dont vous me parlez, fera
bien.
Suscriftion : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
394. — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1636 et 1648 1.]
Votre médecine, Mademoiselle, m'a fait faire neuf opé-
rations. Les eaux ne m'ont jamais profité pendant la
fièvre à Forges ni ici. Nous en essayerons néanmoins ;
car nous en avons céans à votre service, si vous en avez
besoin. Ma petite fiévrotte est, comme vous dites, double-
tierce ; mais vous savez qu'en cette saison je l'ai pour
l'ordinaire double-quarte et l'ai déjà eue telle cet au-
tomne.
2. Les règlements diocésains prescrivaient aux ordinands de passer
l'examen devant Messieurs de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. (Cf.
Schœnher, o-p. cit., t. II, p. 650.)
Lettre 394. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Dates de l'entrée de Madame Turgis en communauté et de sa
mort.
— 582 —
Vous ferez bien de faire venir Madame Turgis.
Je vous supplie me mander combien il reste encore de
petites filles. Mais pour votre mal de tête, que faites-
vous ? Je pense bien que peut-être vous avez besoin en-
core de vous purger un peu.
Je suis bien aise de ce que vous me dites de votre petite
peine. Or sus, Notre-Seigneur sera votre consolation,
comme je l'en prie de tout mon cœur, et vous de faire
votre possible pour cela.
Je suis, en son amour, votre très humble serviteur.
V. D. P.
395. — A LOUISE DE MARILLAG
[ Entre 1636 et 1642 '. ]
Je dois aller tantôt à La Chapelle. S'il est besoin que
j'aille chez vous, vous me le manderez, s'il vous plaît.
Je suis bien aise de n'y aller point autrement, selon la
résolution que nous en avons prise dès le commencement.
396. — A NICOLAS SANGUIN, ÉVÊQUE DE SENLIS
Paris, 13 septembre 1639.
Monseigneur,
La chanté dont il vous plaît honorer notre petite con-
grégation de la Mission, me donne la confiance de vous
supplier très humblement d'avoir agréable de donner
un dimissoire ad omnes ordines à Michel Dupuis, aco-
lyte de votre diocèse et qui est de notredite congréga-
Lettre 395. — Abelly, of. cit., t. 111, chap. xx, i^e éd., p. 305.
I. Dates extrêmes du séjour de Louise de Marillac à La Chapelle.
Lettre 396. — Reg. i, f° 63 v^. Le copiste note que l'original était
de l'écriture de saint Vincent.
~ 583 -
tion '. Il fait son cours en philosophie et a étudié en
théologie et est, par la grâce de Dieu, de bonnes mœurs
et d'espérance pour servir Dieu utilement parmi les pau-
vre? gens des champs. C'est, [Monseigneur, ce qui me
donne la confiance de vous faire cette ttès humble sup
plication avec toute l'humilité et le respect qui m'est pos-
sible, et de renouveler ici les offres de mon obéissance,
qui suis, en lamour de N.-S., Monseigneur, votre...
Le jeune homme n'a qu'un titre de cent ou de 50 li-
vres ; j'espère le faire recevoir à cela.
397. — A LOUISE DE MARILLAC
Bon soir, Mademoiselle. Je vous prie de penser aux
points que je dois traiter demain ^ et de me le mander
entre ci et huit heures et demie du soir, comme aussi l'état
de votre santé.
Je vous remercie très humblement de votre présent et
vous prie me mander lequel des deux chapelets est
celui qui a servi à feu ^Madame la générale -.
398. — A LOUISE DE MARILLAC
... Je vous souhaite le bon jour, ayant encore le cœur
plein de consolation de la conférence de nos bonnes
Filles de la Charité. Il me semble que jamais je n'ai plus
I. Michel Dupuis, né à Ver (Oise), reçu dans la congrégation de la
Mission le 29 mars 1639 à l'âge de vingt-trois ans. Bien qu'il ne fût
encore que simple clerc en 1646, saint Vincent l'occupait alors au sémi-
naire de Cahors.
Lettre 397. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Pour la conférence qui devait se faire chez les Filles de la Cha-
rité.
2. François-Marguerite de Silly, épouse de Philippe-Emmanuel de
Gondi, ancien général des galères.
Lettre 398. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
— 584 —
admiré la bonté de Dieu ni sa conduite, que j'ai fait et
que je fais encore en cette occasion. O Mademoiselle,
qui nous donnera assez d'humilité pour regarder notre
place au fond des enfers, si nous ne sommes fidèles à
ses desseins éternels pour le servir selon son désir, et
ne nous abandonnons entièremeent à sa conduite si ad-
mirable et si aimable !
399. - A LOUISE DE MARILLAC.
Si vous désirez que j'aie le bien de vous voir en votre
maladie, mandez-le-moi. Je me suis imposé la loi de ne
vous aller voir sans être mandé pour chose nécessaire
ou fort utile.
400. — A LOUISE DE MARILLAC
Ce vendredi matin.
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je n'ai jamais vu une mère si^ fort mère que vous ;
vous n'êtes point quasi femme en autre chose. Au nom de
Dieu, Mademoiselle, laissez votre fils au soin de son
Père, qui l'aime plus que vous, ou, pour le moins, ôtez-en
l'empressement. Je m'en vas envoyer aux Bons-Enfants,
pour savoir, sans faire semblant de rien, l'état de cet
affaire et le vous ferai dire.
Bon jour. Mademoiselle. Je suis v. s.
V. D.
Suscriftion : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
Lettre 399. — Abelly, of. cit., t. III, chap. xx, p. 306.
Lettre 400. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
- 585 -
401. — A LA MERE DE LA TRINITÉ
AI a très chère Mère,
La grâce de l'union des cœurs de Jésus-Christ soit
avec vous ^
J'ai reçu celle qu'il a plu à votre charité de m'envoyer,
de laquelle je vous remercie très humblement, comme
aussi de toutes les bontés dont il plaît à votre chère
âme d'user envers la mienne chétive et vers cette pauvre
compagnie, et prie X.-S., qui vous a donné si abondam-
ment part à son esprit, qu'il la vous augmente à l'infini
pour votre récompense, étant bien marri, ma très chère
Mère, de la peine que je vous ai doimé sujet d'avoir
dans le rencontre de cet affaire. Mais quoi ! la charité
est patiente. O ma chère Mère, que vous avez sujet d'es-
pérer un beau fleuron à votre couronne par la patience
que votre charité exerce vers nous en cet affaire ! C'est
aussi la prière, ma chère Mère, que je fais à Notre-Sei-
gneur et à vous, de ne vous pas lasser de nous supporter
dans la peine que vous avez pour nous.
M. Dufestel me mande que la bonté de M. le com-
mandeur se démet de ses sentiments pour s'accommoder
à ma misère - et que je fasse en sorte que M. le procureur
général ^ écrive, et qu'aussitôt il parlera à Messieurs les
magistrats. Je vous supplie, ma chère Mère, de l'en re-
Lettre 401. — Archives du séminaire Saint-Sulpice à Paris, ancienne
copie authentiquée le 12 mars 1772 par l'évêque de Cydom.
1. Cette phrase n'a aucun sens ; le copiste a sans doute mal lu ;
n'y avait-il pas sur l'original : La grâce de l'union des cœurs en Jé-
sus-Christ soit avec vous ? ou : La grâce de l'union des cœurs de Jé-
sus-Christ et de Marie soit avec vous ?
2. Le commandeur de Sillery, peu porté tout d'abord à demander
l'assentiment de la ville pour l'établissement de la maison des mis-
sionnaires dans le faubourg de Troyes, avait fini par se rendre aux
instances et aux raisons du saint.
3. Matthieu Mole.
— 586 -
mercier de ma part, comme je fais avec toute l'humilité
qui m'est possible, et de lui dire que je mets cette grâce
au rang des plus grandes que j'aie jamais reçues de lui,
et que, dans deux ou trois jours, j'aurai le bien d'aller
voir M. le procureur général aux champs, où il est, et
de le prier d'écrire selon le sens que mondit sieur le com-
mandeur a ordonné à M. Dufestel que la lettre soit faite.
Nos missionnaires destinés pour le diocèse de Ge-
nève commencent à se réunir, je dis l'un d'eux, de la
maladie de laquelle il sort*. J'espère qu'il sera en état
de partir au plus tard vers le dixième octobre ^.
Je vous supplie, ma chère Mère, de faire encore nos
excuses à M. le commandeur de ce côté-là et de vous
assurer que mon âme est pleine de reconnaissance des
obligations que nous vous avons, et que vous serez, ma
chère Mère, dans le temps et dans l'éternité, et moi, en
l'amour de Notre-Seigneur, votre très humble et très
obéissant serviteur.
Vincent Depaul
De Paris, ce 27 septembre 1639.
402. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
Il faut agir contre ce qui fait peine, et briser son cœur
ou l'amollir pour le préparer à tout. Il y a apparence
que Notre-Seigneur veut prendre sa part de la petite
4. Cette phrase est inintelligible par suite d'une mauvaise lecture
du copiste.
5. D'après le contrat de fondation, saint Vincent devait envoyer
deu.x de ses prêtres à Annecy avant le 15 septembre. Nous voyons
ici que des circonstances indépendantes de sa volonté retardèrent
leur départ.
Lettre 402. — Abelly, o-p. cit., t. III, chap. v, sect. i, p. 37.
- 587 -
compagnie. Elle est tout à lui, comme je l'espère, et il
a droit d'en user comme il lui plaira. Et pour moi, mon
plus grand désir est de ne désirer que l'accomplissement
de sa sainte volonté. Je ne puis vous exprimer combien
notre malade ' est avant dans cette pratique ; et c'est
pour cela qu'il semble que Xotre-Seigneur le veuille
mettre dans un lieu où il pourra continuer plus heureu-
sement durant toute l'éternité. Oh ! qui nous donnera la
soumission de nos sens et de notre raison à cette ado-
rable volonté ! Ce sera l'auteur des sens et de la raison,
si nous ne nous en servons qu'en lui et pour lui. Prions-le
que vous et moi ayons toujours un même vouloir et non-
vouloir avec lui et en lui, puisque c'est un paradis anti-
cipé dès cette vie.
403 — A LOUISE DE MARILLAC
[9 ou 10 octobre 163g ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous remercie très humblement du soin que vous
avez de moi. Ma petite fièvre est tierce ; voici le troi-
sième accès. Elle me prit le soir que j'eus le bien de vous
voir, pour être descendu au réfectoire incontinent après
avoir rendu le petit remède que je pris. Le premier ac-
I. Ce malade, « un des principaux prêtres » de la « congrégation
et des plus utiles », dit Abellv, était, semble-t-il, de ceux qui prê-
tèrent leur concours à Louise de Marillac. Ce pourrait bien être Jean
de la Salle, mort à Paris le 9 octobre 1639. M. Pémartin pense que
cette lettre a été écrite à l'occasion de la maladie d'Antoine Portail
en 1660. Ce n'est pas probable ; car Louise de Marillac elle-même
était alors à toute extrémité.
Lettre 403. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Cette lettre a été écrite le jour ou le lendemain de la mort de
Jean de la Salle.
— 588 —
ces m'ôta le sommeil tout à fait. Le lendemain, comme
depuis, je me provoquai à suer, qui a fait que les accès
sont diminués, avec ce que j'ai été saigné deux fois, de
sorte que celui que j'ai à présent est fort doux M. notre
médecin est d'avis que je me purge mercredi prochain.
Je vous prie de nous faire faire la médecine. Celle que
vous envoyâtes dernièrement a été inutile, non pas celle
que prit M. Blatiron -, qui s'en est allé avec Monsieur
d'Alet^, car il s'en est fort bien trouvé.
Je vous remercie de l'avis que vous me donnez tou-
chant l'infirmerie et de la part que vous prenez à notre
sujet de douleur, et vous recommande notre frère
Alexandre *, auquel l'on donnera à ce soir l'extrême onc-
tion, ensemble au serviteur de M. le prieur ^. Le reste
se porte bien. Dieu merci.
Je fus hier fort consolé, sachant que vous vous por-
tez mieux, et prie Dieu qu'il vous redonne la force qu'il
faut pour tant de besogne que Notre-Seigneur vous
prépare.
Je vous dirai un mot seulement touchant la perte que
2. Etienne Blatiron, prêtre de la Mission, né à Saint-Julien-Chap-
teuil (Haute- Loire) le 6 janvier 1614, reçu dans la congrégation de
la Mission le 6 janvier 1638, ordonné prêtre en 1639, placé à Alet
(1639-1641), Saintes (1641), Richelieu, Rome {1644-1645), Gênes
(1645-1657). Il se signala surtout dans ce dernier poste, où, comme
supérieur d'une maison nouvelle, il eut tout à organiser. Saint Vin-
cent voyait en lui un de ses missionnaires les plus accomplis et « un
très grand serviteur de Dieu ». (Cf. AbelUy, o-p. cit., t. III, p. 70.)
Etienne Blatiron mourut à Gênes le 24 juillet 1657, victime de son
dévouement pour les pestiférés. Sa biographie a été publiée dans le
t. II des Notices, pp. 151-203. On trouve dans le manuscrit de Lyon
un rapport sur les vertus adressé à saint Vincent.
3. Nicolas Pavillon avait reçu la consécration épiscopale le 22 août
dans l'église de Saint-Lazare. Saint Vincent avait promis d'aller avec
lui dans son diocèse. Il ne le put. Le nouvel évêque quitta Paris le
8 octobre, accompagné d'Etienne Blatiron, qui devait diriger son sé-
minaire. E. Dejean fait connaître les incidents de ce voyaire.
{O-p. cit., p. 17.)
4. Alexandre Véronne.
5. Adrien Le Bon.
- 589 -
nous avons faite de feu M. de la Salle et celle que nous
sommes en danger de faire, que, par la grâce de Dieu,
j'en ai mon cœur en paix, en la vue que c'est le bon plai-
sir de Dieu. Il me vient parfois quelque appréhension
que mes péchés en sont la cause ; mais, voyant en cela
même le bon plaisir de Dieu, je l'agrée de tout mon cœur
et suis, en l'amour de Xotre-Seigneur, v. s.
V. D.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
404. — A LOUIS LEBRETON, PRÊTRE DE LA MISSION,
A ROME
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai reçu la vôtre du 13 septembre et quelques autres
auparavant, auxquelles j'ai fait réponse depuis mon
retour de Troyes, et vous redirai par celle-ci que j'ai
prié M. le curé de Saint-Leu \ qui a fait le martyrologe
français -, de me donner les mémoires qu'il a de sainte
Lettre 404. — L. a. — L'original nous a été communiqué j^ar
M. Gloutier, vice-président des hôpitaux de Langres.
1. André du Saussay, né à Paris vers 1589, docteur en l'un et en
l'autre droits, controversiste de talent, orateur renommé, écrivain
abondant, curé de Saint-Leu et Saint-Gilles (1624-1656), en faveur
auprès du roi, qui le prit pour conseiller et prédicateur. Il devint
officiai et grand vicaire de Paris (1643-1655). Proposé par la reine
régente en 1649 pour le siège épiscopal de Toul, il ne fut agréé par
le Pape qu'en 1656. Il gouverna sagement son diocèse et mourut le
9 septembre 1675, après avoir mérité cet éloge gravé sur sa tombe :
vir clero et fofulo amabilis. [Histoire des Diocèses de Toul, de
Nancy et de Saini-Dié, par l'abbé Eugène Martin, Nancy, 3 vol. in-8,
1900-iQO^, t. II, p. 236 et suiv.)
2. Martyrologium Gallicanum, Paris, 1638, 2 vol. in-f", ouvrage
sans valeur historique.
— 590 —
Vénéranda ^ ; et qu'avant que la présente parte, je le
ferai voir encore pour le prier de m'envoyer ce qu'il a,
et le vous enverrai par même moyen.
Quant aux frais des missions, vous les ferez, sil
vous plaît, quand vous y irez, voire pour ce bon prêtre
sicnnois aussi, s'il n'insiste au contraire.
Pour les litanies de Jésus, je voudrais bien que vous
obteniez la permission de les dire au choeur le matin
média voce sine cantu, comme nous avons accoutumé.
Quand je 'vous ai parlé de vous envoyer des mission-
naires, ce n'était qu'une simple proposition. Il nous serait
impossible, à présent que nous avons augmenté le nom-
bre des missionnaires d'Aiguillon ^, que nous en avons
donné quatre pour fonder à Alet et que nous en allons
envoyer autres quatre dans le diocèse de Genève, où M.
le commandeur de Sillery a fait une fondation, et
qu'outre les missionnaires de Toul, nous en avons en-
voyé à Nancy, à Verdun, à Bar-le-Duc et en allons en-
voyer à Metz pour assister corporellement et spirituel-
lement le pauvre peuple des champs retiré dans ces vil
les : corporellement, en leur départant pour cinq cents
livres de pain par mois en chaque ville, qui reviennent à
deux mille cinq cents livres, qu'il faut que nous trou-
vions par mois ; et, par la grâce de Dieu, cela n'a point
manqué jusques à présent ; et si j'espère que nous n'y
manquerons pas ; pour le moins avons-nous du fonds
pour cette année ; et spirituellement, en leur enseignant
à tous les choses nécessaires à salut et leur faisant
faire une confession générale de toute leur vie passée
d'abord et continuer de deux ou de trois en trois
mois. Notre frère Matthieu, qui fait des merveilles
3. Sainte Vénérande eut la tête tranchée à Rome, sous la persécution
d'Antonin, le 14 novembre, jour 011 l'Eglise célèbre sa fête.
4. Ou plutôt La Rose, près d'Aiguillon.
— 591 —
pour cela, selon la grâce que Notre-Seigneur lui a don-
née toute spéciale, a pensé qu'il ferait bien, d'en amener
en France le plus qu'il pourra. Il en emmena cent le mois
passé, entre lesquels il y avait quarante-six allés, demoi-
selles et autres, qu'il a conduites et nourries jusques en
cette ville, où Ion en a déjà placé la plupart ; et en at-
tendant, l'on les nourrit en une maison où l'on a pris
soin des enfants trouvés de cette ville. Quelques bonnes
dames"' font des merveilles pour nous aider en cela.
Tout cela posé, vous voyez bien, ^Monsieur, qu'il nous
est impossible de vous envoyer du secours pour le pré-
sent ; ce sera quand nous le pourrons. Nous en allons
faire partir douze ou treize pour envoyer en ces lieux-là.
Voilà des nouvelles qui vous consoleront ; mais en
voici une qui contristera bien votre cher cœur ; c'est la
nouvelle de la mort de notre bon feu M. de la Salle,
qui alla à Dieu le jour de saint Denis ^, entre trois et
quatre heures du matin, en suite d'une fièvre pourprée,
en laquelle il a été si attaché à la volonté de Dieu qu'il
n'en est pas sorti un moment, de sorte qu'il se peut dire
que sa mort a répondu à sa vie. Un jour avant mourir,
il tira sa chemise, pour mourir nu, avec tant de propreté
que chacun a admiré comme quoi un corps qui ne re-
muait plus il y avait deux jours, avait pu faire cela. Et
en effet, je lui demandai pourquoi il s'était mis nu, et il
me fi.t une réponse non articulée, que je n'entendis pas ;
mais M. Dehorgny nous dit qu'il croyait qu'il l'avait
fait pour imiter saint François " ou, pour mieux dire,
Notre-Seigneur, pource qu'il le vit, l'année passée, fort
touché de cet acte de saint François, le jour que l'on en
lisait la vie.
5. La duchesse d'Aiguillon surtout.
6. 9 octobre.
7. Saint François d'Assise.
— 592 —
Notre-Seigneur semble n'en vouloir pas demeurer là,
car, à l'heure que je vous parle, nous avons deux de nos
frères dans l'extrême-onction, dont notre cher et admi-
rable frère Alexandre ^ en est 1 un. Je recommande à vos
prières le mort et les vivants, et vous prie de nous faire
dépêcher l'autel privilégié avec la dispense du nombre
préfix de neuf messes. Il s'en dit pour l'ordinaire des
quinze ou vingt ; mais il arrive parfois, quand l'on va
à la mission, qu'on n'est ici que quatre ou cinq prêtres.
Monseigneur le cardinal ^ vient d'envoyer céans pour
faire demander si nous en avons un, avec ordre d'y
faire dire des messes pour feu Monseigneur le cardinal
de la Valette '\
Mon Dieu, Monsieur, que cette supplique est longue à
faire" ! Je vous supplie, Monsieur, de la hâter ; et, quoi
que die ce bon prélat et plusieurs autres, standiim est
proposito. Je viens de parler de cet affaire avec notre
bon M. Gallon, qui estime, comme moi, la chose absolu-
ment nécess:aire, et m'a dit de si bormes choses pour cela
que j'en ai le cœur tout attendri, entre autres l'argu-
ment de saint Thomas : quae appUcantur primo et id-
timo debent esse immobilia. Ce bon M. Gallon, c'est un
docteur en théologie qui travaille incessamment à la
mission devers Aumale. Faites donc. Monsieur, je vous
en supplie. Je ne sais s'il n'aurait pas été à souhaiter
que vous vous fussiez adressé d'abord à Monseigneur
8. Le frère Alexandre Véronne.
9. Le cardinal de Richelieu.
10. Louis de la Valette de Nogaret avait occupé le siège de Tou-
louse de 1614 à 1627 et reçu le chapeau de cardinal en 1621. Son
humeur martiale lui fit accepter le commandement des armées du
roi, qu'il conduisit en Allemagne, dans les Pays-Bas et en Italie. Il
mourut à Rivoli, près de Turin, le 28 septembre 1639.
11. Cette supplique avait trait à l'organisation de la congrégation
de la Mission, dans laquelle le fondateur voulait introduire la pra-
tique des vœux.
— 593 —
le cardinal Antonio ^', ni si la personne que vous savez
n'en veut pas faire une vache à lait pour avoir encore de
l'argent, ou service qui l'équivale. Plût à Dieu que vous
eussiez quelque autre moyen en main pour faire la chose,
c'est la pensée de M. de Cordes, pourvu que cela se peut
sans rien gâter ! Ceci soit dit à l'oreille de votre cœur
et non jamais à aucun autre. Que si vous trouviez du
danger au changement des moyens, in nomine Domini,
tenez-vous à celui que vous avez. Voyez-vous, Monsieur,
nous sommes mortels. Je ne la puis pas faire longue, car
j'entrerai au mois d'avril prochain en ma soixantième ^^.
Ajoutez à cela les accidents qui peuvent arriver. Le mé-
decin vient de sortir d'avec moi, qui me vient de dire
12. Antoine Barberini, neveu du Pape Urbain VIII, n'avait que
vingt ans quand il entra au Sacré Collège en 1627. Il fut chargé
de plusieurs légations. Louis XIII le nomma protecteur des affaires
de France en cour de Rome. Les démarches qu'il fit pour empêcher
l'élection d'Innocent X n'ayant pas abouti, il vint en France, obtint
en 1652 l'évêché de Poitiers et en 1657 l'archevêché de Reims. Il
mourut à Nemi, près de Rome, le 3 août 1671.
13. Saint Vincent serait donc né en 1581, cinq ans après la date
acceptée par tous ses biographes, et son âge ne serait pas celui qui
fut gravé sur son tombeau. Nous ne chercherons pas à élucider
ici le problème historique que ce désaccord soulève ; nous nous con-
tenterons de noter que le saint n'a jamais varié. Si l'on tient compte
de ce fait que, dans sa bouche ou sous sa plume, l'année en cours
est considérée comme accomplie, ses divers témoignages sur ce point,
(on en compte douze) sont tous parfaitement concordants. (Voir les
lettres du 25 juillet 1640 à Pierre Escart, du 21 novembre 1642 à
Bertrand Codoing, du 17 septembre 1640 à Etienne Blatiron. Hu 27
avril 1655 au Pape Alexandre VII, du 15 juillet 1659 au cardinal de
Retz, du 24 août 1659 à François Feydin ; la répétition d'oraison du
3 novembre 1656 ; les conférences du 6 janvier et du n; juin 1657
aux Filles de la Charité.) C'est dans cette conviction qu'il déclarait
avoir près de quarante-huit ans, le 17 avril 1628, devant les juges
chargés d'informer sur les vertus de saint François de Sales, et près
de cinquante-neuf ans, le 31 mars 1639, dans sa déposition écrite
concernant Saint-Cyran. Autour de lui, on pensait de même, puis-
qu'à la fin de i6:;9 le Père de Gondi lui attribue soixante-dix-neut
ans (lettre des frères Chandenier à saint Vincent, du 10 septem-
bre 1659) et que son secrétaire le frère Louis Robineau, dans un ma-
nuscrit composé après 1660 (Arch. de la Mission, p. 85), l'appelle
« un vieillard de près de quatre-vingts ans ».
38
— 594 —
que voilà !\I. Dehorgny qui a la fièvre. Pour celle que j'ai
à présent, c'est mon ordinaire.
Je suis plus touché que je ne vous puis dire de
l'heureux rencontre que vous avez fait de ce bon prêtre
siennois. O Monsieur, que je le serais parfaitemeent s'il
plaisait à la bonté de Dieu de l'unir à vous en son es-
prit ! Je le dis posïtïs ponendis ; il me semble que No-
tre-Seigneur me fait la miséricorde de ne pas convoiter
les hommes que lorsque sa providence les attire. Hélas !
Monsieur, que nos souhaits sont vains et fautifs ' Je prie
Notre-Seigneur cependant qu'il donne sa bénédiction sur
la nouvelle vie que vous allez commencer ensemble dans
votre maison et à la mission à laquelle je me persuade
que vous êtes maintenant. J'ose me donner la confiance
de le saluer très humblement avec tout le respect et la
révérence que je lui dois, et me recommander à ses sain-
tes prières. Je salue pareillement cet autre bon prêtre du-
quel vous me parlez pour faire peut-être le troisième.
Vous m'avez parlé du R. P. Garanita quasi par toutes
les lettres et de tout le bien qu'il fait ; mais je ne sais
si vous m'avez mandé de qael Ordre il est. Quoi que
ce soit, je ne puis que louer Dieu de la grâce qu'il
vous fait, comme aussi de celle que vous a faite ce bon
prélat qui fait cette académie d'ecclésiastiques. Je prie
Notre-Seigneur qu'il verse ses bénédictions sur eux de
plus en plus.
Jésus ! Monsieur, que je suis consolé du mémorial que
vous avez présenté pour avoir la faculté de travailler,
et des indulgences pour la Compagnie ! Je vous prie
de me l'envoyer dès que vous l'aurez obtenu. O Mon-
sieur, que je sens tendrement la grâce que vous a faite
en cela Monseigneur le cardinal Bagni et que je prie
Dieu de bon cœur qu'il le conserve longues années ! Je
vous dirai deux choses de lui : l'une, que je n"ai jamais
vu une bonté plus rapportante à celle du bienheureux
— 595 —
François de Sales, év-êque de Genève, que la sienne ;
l'autre, que je garde son portrait fort chèrement ; et n'en
ai point d'autre que le sien et celui de notre bienheu-
reux prélat. Je vous supplie, Monsieur, de l'assurer de
mon obéissance, d'avoir soin de votre santé et de m'aider
par vos prières pour obtenir miséricorde devant sa di-
vine Majesté pour moi et de lui demander la grâce de
mieux vivre pour bien mourir, comme a fait Madame la
présidente Goussault, qui a fait un divin usage de la
maladie qui a précédé sa mort, qui a été longue et dou-
loureuse, et est morte avec joie et jubilation.
Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre
très humble et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Paris, ce 12 octobre 1639.
Sîiscriplion : A Monsieur Marchand, banquier en
cour de Rome, pour rendre, s'il lui plaît, à Monsieur Le-
breton, prêtre de la Mission, à Rome.
405. — A UN PRÊTRE DE LA MISSION
[Octobre 1639 ^.]
Or sus, Alonsieur, élevez votre cœur à Dieu et recevez
dans l'acquiescement de son bon plaisir la triste nou-
velle que je m'en vas vous donner. Il a plu à la divine
bonté de retirer à lui le bon Monsieur de la Salle. Il
mourut le jour de saint Denis, entre 3 et 4 heures du
matin, d'une fièvre pourpreuse, le 14* jour de son mal.
Sa mort a répondu à sa vie. Il a eu un perpétuel acquies-
cement au bon plaisir de Dieu depuis le commencement
Lettre 405. — Ms. de Lyon.
I. Mois et année de la mort de Jean de la Salle.
— 596 —
de sa maladie jusqu'à la fin, sans aucune pensée con-
traire. Il avait toujours craint la mort ; mais, comme
il vit dès le commencement qu'il l'envisageait avec plai-
sir, il me dit qu'il en mourrait, parce, disait-il, qu'il m'a-
vait ouï dire que Dieu ôte à la fi.n l'appréhension de la
mort à ceux qui l'ont eue pendant leur vie et qui ont
exercé la charité envers les pauvres. Je ne puis vous dire
les sentiments de dévotion qu'il a laissés à la compa-
gnie. L'on était pour lors dans la retraite et, au rapport
de l'oraison, chacun disait ce qu'il lui avait ouï dire de
plus édifiant et rapportait les vertus qu'il lui avait vu
pratiquer ; ce qui nous a donné sujet de faire des con-
férences sur cela même. Nous fîmes avant-hier la pre-
mière et continuerons vendredi prochain. Vous ne sauriez
vous représenter les effets de cette conférence. J'avais
difficulté à cela ; mais, considérant que l'esprit de
l'Eglise est qu'on s'entretienne des vertus de ceux qui
sont morts en Notre-Seigneur, et que pour cela elle a
établi des notaires pour recueillir et manifester les com-
bats des martyrs et les saintes actions des confesseurs,
les oraisons funèbres qu'on fait à Paris pour les grands
et pour toutes sortes de personnes en Provence et en
Languedoc, en quelques endroits sur la fosse à son en-
terrement, un dimanche, après le dîné du jour des obsè-
ques, j'ai pensé que nous pourrions faire cela utilement
et en ai consolation. Je désire même que cela se conserve
dans l'humilité et la charité chrétienne. Il me semble
qu'il y a lieu d'espérer que quelques-uns se corrigeront
de leurs défauts et d'autres s'encourageront dans la
vertu. Il y en a un de ceux qui parla avant-hier, qui dit
qu'il s'était résolu, par la grâce de Dieu et par les prières
et l'exemple du défunt, à une chose d'importance, à la-
quelle il n'avait aucune disposition auparavant. Je pense,
Monsieur, que vous ferez bien d'en faire une chez vous,
dont le premier point pourra être des motifs de nous
— 597 —
entretenir des bonnes paroles et des bons exemples que
nous avons remarqués dans le défunt ; 2* point, quelles
sont les paroles que vous lui avez ouï dire ; 3* point,
quels exemples.
406. — A LOUISE DE MARILLAC
[13 octobre 1639 ^.]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je vous remercie très humblement de votre bonne méde-
cine ; je la pris hier et me fit trois opérations. Monsieur
notre médecin est d'avis que j'en prenne encore demain
une avec du sirop de rosepale ^. Je vous supplie très
humblement de me faire encore cette seconde charité et
de me l'envoyer à ce soir.
J'ai toujours ma petite fiévrotte. Notre frère Alexan-
dre ^ nous donne quelque espérance, et l'autre frère aussi.
Le premier a encore le jour de demain, qui est son 14®,
un peu à craindre. Monsieur Dehorgny est malade d'une
colique avec un peu de fièvre.
Cette petite incommodité me donnera le moyen de
penser un peu plus à nos petites affaires de la Charité ;
et après cela, si Notre-Seigneur me donne vie, nous y
travaillerons à bon escient. Votre lettre me fit voir avant-
hier quelque petit regret pour cela dans votre esprit.
Lettre 406. — Manuscrit Saint-Paul, p. 56.
1. C'est la date qui ressort de la comparaison de cette lettre avec
la lettre 403. Le saint dit ici qu'il a pris médecine la veille. Il écrivait
le 9 ou le 10 octobre : « Notre médecin est d'avis que je me purge
mercredi prochain. » Le mercredi suivant était le 12. C'est donc le jeu-
di 13 qu'il écrit la lettre ci-dessus.
2. Sirop astringent.
3. Alexandre Véronne. Il se remit complètement.
- 598 —
Mon Dieu ! Mademoiselle, que vous êtes heureuse d'avoir
le correctif de l'empressement ! Les œuvres que Dieu fait
lui-même ne se gâtent jamais par le non-faire des
hommes. Je vous prie d'avoir cette confiance en lui et que
je suis, en son amour, autant que Notre-Seigneur le veut,
Mademoiselle, votre très humble serviteur.
V. D. P.
Suscrïption : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
407. — A BENOIT BÉCU, PRÊTRE DE LA MISSION,
A RICHELIEU
De PariSj ce 28 octobre 1639.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
La Providence de Dieu a jeté les yeux sur vous pour
l'aller servir à Notre-Dame de La Rose, au diocèse
d'Agen -, où sont Messieurs Brunet et Savinier.
Je vous envoie un mémoire secret, que vous ne com-
muniquerez à personne qu'à M. Lambert.
La nouveauté de l'emploi vous fera appréhender.
Ressouvenez-vous que Notre-Seigneur sera votre direc-
teur et votre direction et que vous pouvez toutes choses
avec lui ; Jérémie était un enfant qui ne savait que dire
Lettre 407. — L. a. — Original à Martel (Lot) chez les Filles de
la Charité.
I. La fondatrice de la maison établie à Notre-Dame de La Rose
n'était autre que la duchesse d'Aiguillon. Par contrat du 18 août
1637, elle avait donné une somme de 22.000 livres pour l'entretien de
quatre prêtres, à charge par eux de faire des missions, aux quatre
fêtes principales de l'année, dans les villes, bourgs et villages de son
duché et d'assurer dans leur chapelle une messe rpiotidienne pour elle
et les siens. (Arch. Nat. MM 584.)
- 599 —
à Dieu : Domine, nescio loqui ; et que cependant le des-
sein de Dieu était de s'en servir en l'affaire le plus impor-
tant que Sa Majesté eût pour lors à l'égard de son peu-
ple, et que vous avez sujet d'espérer les mêmes grâces
qu'il lui fit, si, comme lui, quoi qu'on fasse, vous répondez
dans son esprit d'humilité à votre vocation. J'espère
cela de sa bonté et de la reconnaissance qui] me sem-
ble que vous avez de votre indignité et insuffisance, et
suis, en son amour et celui de sa sainte Mère, votre très
humble et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
M. Bécu ^, qu'on nomme à Nancy M. de Montigny, se
porte bien et fait des merveilles à l'entour de quatre
cents pauvres, qu'il nourrit corporellement et spirituel-
lement, et frère Hubert ^ fait toujours de mieux en
mieux.
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
408. — A LOUIS LEBRETON
De Paris, ce 15 novembre 1639.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'ai reçu la vôtre et la formule de votre supplique ;
et l'ayant considérée, ensemble les dispositions présen-
tes de nos seigneurs les prélats, nous avons pensé qu'il
2. Jean Bécu.
3. Hubert Bécu.
Lettre 410. — L. a. — L'original se trouve à l'hôpital du Bon-Se-
cours à Metz.
• — 6oo —
est expédient de leur attribuer la correction des fautes
que teront les missionnaires à l'égard des peuples, fai-
sant les missions, comme aussi de leur attribuer la visite
et correction des maisons qui se dérégleront scandaleu-
sement, après qu'ils en auront averti le général deux ou
trois fois et marqué le dérèglement scandaleux sur lequel
ils se doivent corriger, et qu'ils auront fait une informa-
tion du dérèglement. Et, pource que nous craignons que
vous ayez peine d'obtenir la grâce di7nittendi incorrigi-
biles, nous avons pensé qu'il sera expédient de deman-
der qu'on ne fasse les vœux solennels et que ceux qui
auront ^ fait leurs deux années du séminaire feront les
quatre vœux simples, et que ceux qui auront fait leur
première année du séminaire feront un bon propos de
vivre et de mourir en la compagnie dans la pauvreté, la
chasteté et l'obéissance aux évêques circa missiones et au
supérieur général circa clisciplmam et directionem socie-
tatis, que ces derniers ne pourront se retirer, ni être ren-
voyés qu'en suite des exercices spirituels, les seconds ne
pourront pareillement se retirer, ni être renvoyés qu'après
avoir usé de tous les moyens imaginables avant d'en venir
là, ni qu'avec l'autorité du Pape ou du général, qu'aux
cas que je marquerai, comme aussi tout ce qui est con-
tenu en la présente, par un mémoire que j'espère vous
envoyer dans trois jours. C'est pourquoi je vous prie de
différer à présenter ladite supplique. Je répondrai par
la prochaine à tout ce que vous me mandez par la vôtre,
qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre très hum-
ble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
Suscription : A Monsieur Monsieur Marchand, ban-
I. Première rédaction : les vœux solennels et d'obéissance au.x
évêques qu'aj)rès plusieurs années et que ceux qui auront...
— 6oi —
quier expéditionnaire en cour de Rome, pour rendre,
s'il lui plaît, à Monsieur Monsieur Lebreton, prêtre de
la Mission, à Rome.
409. — A LOUISE DE MARILLAC
De Richelieu, ce 24 novembre ' 1639.
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Les dysenteries de ce quartier dégénèrent en conta-
gion. Les magistrats de cette ville viennent d'envoyer
quérir M. Lambert, leur curé, pour aviser à l'ordre qu'il
faut tenir en cette ville pour la peste, qui y est en trois
endroits. Cela me donne sujet de vous prier de différer
votre voyage, quoique j'aie mandé à M. l'abbé de Vaux,
grand vicaire d'Angers ^ que vous y pourriez être vers
Lettre 412. — Manuscrit Saint-Paul, p. 56.
I. Guy Lasnier, mort le 20 avril 1681 à l'âge de soixante-dix-neuf
ans, fut l'un des ecclésiastiques les plus remarquables de l'Anjou
au XVII* siècle. Il n'avait longtemps songé qu'à satisfaire sa vaine
gloire et sa passion pour la chasse et autres amusements mondains.
Pourvu le 29 février 1627 de l'abbaye de Saint-Etienne de Vaux en
Saintonge, nommé en 1628 vicaire général d'Angers, puis chanoine
de Notre-Dame de Paris, il continua, malgré les obligations que lui
imposaient ces dignitts, de mener une vie fort peu ecclésiastique. En
1632, il eut, comme bien d'autres, la curiosité de voir les faits éton-
nants qui se passaient au couvent des Ursulines de Loudun. Mal lui
en prit. Une des religieuses, dit-on, pénétrant dans sa vie intime, dé-
voila, à sa grande confusion, des fautes dont il n'avait jamais parlé
à personne. Dès lors, ce fut un homme nouveau. En 1635, il vint
faire une retraite à Saint-Lazare et y connut saint Vincent de Paul, avec
qui il resta en relation. Il eut aussi des rapports avec sainte Chantai,
Jean-Jacques Olier, le P. Surin et le baron de Renty. Il établit dans
sa ville d'Angers im couvent de la Visitation, dota richement le sémi-
naire et fonda dans son diocèse les conférences ecclésias-
tiques. Les Filles de la Charité de l'hôpital d'Angers n'eurent pas de
protecteur plus dévoué et de conseiller plus éclairé. Il reçut dans
sa maison saint Vincent, Louise de Marillac et Jean-Jacques Olier.
Il ne nous reste plus qu'une seule des lettres que saint Vincent lui
— 6o2
le commencement du mois prochain -. Attendez notre re-
tour, Mademoiselle, je vous en prie, et nous verrons.
Je suis en cette ville, il y a deux jours, et ai vu sœur
Louise en passant dans l'église ; elle est ravie dans l'es-
pérance de vous voir. Je n'ai point encore vu notre sœur
Barbe •\ Les choses vont mieux. Dieu merci \
J'espère partir de cette ville dans trois ou quatre
jours " et d'être à Paris vers le dix ou douze du mois pro-
chain, et suis cependant, dans l'espérance de vous y
trouver, en l'amour de Notre-Seigneur...
410. — A LOUISE DE MARILLAC
[ 30 novembre 1639 '• ]
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je ne puis répondre à toute votre lettre ; je l'ai per-
écrivit. Celles de Lcuise de Marillac sont nombreuses ; on en compte
une centaine. (Cf. Les vies des saints fersontiages d'Anjou, par Dom
Chamard, Paris, 1863, 3 vol. in-12, pp. 279-303.)
2. Pour la fondation d'Angers.
3. La sœur Barbe et la sœur Louise étaient à Richelieu depuis le
mois d'octobre de l'année précédente.
4. Une lettre de Louise de ^Lirillac (lettre 11) nous apprend que
Barbe et Louise ne s'accordaient pas. Sœur Louise était trop indépen-
dante, et sœur Barbe ne se montrait pas assez cordiale à son égard.
5. Saint Vincent fut retenu à Richelieu jusqu'au 5 décembre. (Voir
la lettre 411.)
Lettre 409. — L. a. — L'original, trouvé après sa mort (1807) dans
les papiers de Jean-François Daudet, prêtre de la Mission, a été donné
aux Filles de la Charité de la rue de Vaugirard, 80, Paris, qui le
possèdent encore aujourd'hui.
I. Dans la lettre du 24 novembre, saint Vincent annonce à Louise
de Marillac sa récente arrivée à Richelieu et son intention d'y rester
encore trois ou quatre jours ; dans celle-ci, écrite un mercredi, il
parle de son prochain départ. Le 24 novembre étant un jeudi, nul
doute que la lettre ci-dessus ne soit du 30. Le saint n'était plus à
Richelieu le mercredi suivant.
— 6o3 —
due. Puisque Notre-Seigneur vous donne mouvement
d'aller à Angers, ailez-y iti nomitie Doviini ; ce qu'il
garde est bien gardé -.
Aussi bien Madame Traversay a toujours sa difti-
culté. * Cela m'a fait penser que peut-être Notre-Sei-
gneur veut que l'œuvre ^ se fasse par soi-mêm.e et de
soi-même sans mélange.
S'il vous plait de prendre le coche de Châteaudun,
vous passerez par Chartres et y pourrez faire votre dévo-
tion en passant *. De Châteaudun vous avez onze lieues
jusques à Orléans et peut-être moins jusques à Notre-
Dame de Cléry '', où passe la rivière, ou auprès, si me
semble. Vous éviterez par ce moyen le pavé, excepté
trois ou quatre lieues près d'Orléans, où je vous conseille
d'aller passer ; et pour y aller, faudra que vous louiez
une charrette à Châteaudun. Le coche ne vous coûtera
rien pour cela ; il est de céans.
J'ai dit à notre frère Louistre qu'il vous baille les
places que vous demanderez ; il partira mardi. Voyez
si vous le pourrez pour ce jour-là.
Nous avons assez parlé de la manière de traiter avec
ces Messieurs, qui est à la charge de changer les filles
et qu'il n'y en aura point d'autres avec elles. J écrirai
de cela à Monsieur l'abbé de Vaux, qui est le grand
vicaire qui dirige cet affaire.
Il faudra bien, au retour, que vous visitiez la Charité
de Richelieu, qui est à huit lieues de Saumur, où est
Notre-Dame des Ardilliers ; et de Richelieu vous repren-
2. La peste faisait alors des ravages à Angers et à Richelieu ; et
pour ce motif le saint avait d'abord conseillé à Louise de Marillac de
retarder son voyage.
3. Peut-être l'œuvre des Enfants trouvés.
4. Grande était la dévotion de saint Vincent et de Louise de iLi-
rillac à Notre-Dame de Chartres ; ils firent maintes fois ce pèleri-
nage pour recommander leurs œuvres à Marie.
5. Aujourd'hui chef-lieu de canton dans le Loiret.
— 6o4 —
drez le carrosse de Tours, qui est à dix grandes lieues
de Richelieu par deçà. Dès que vous serez arrivée à
Orléans, vous enverrez sur les ports pour trouver un ba-
teau, que vous ne prendrez pas exprès. A Angers, vous
vous logerez selon l'adresse que vous donnera M. Grand-
nom, par lequel et par Madame Lotin vous ferez écrire
à ses parents et amis à Angers, qui vont aller outre
l'intention de feu Madame Goussault, et qu'elle recom-
manda beaucoup en sa maladie à ce qu'ils vous assistent.
Vous y verrez aussi les filles de Sainte-Marie de ma
part ^
Je vous envoie le petit règlement \ que vous ferez
mettre au net et changerez ce qu'il faudra. Peut-être
que je vous trouverai, en revenant, à Tours ou par les
chemins. Je prie Notre-Seigneur cependant qu'il vous
conduise par la main lui-même, qu'il bénisse votre voyage
et ramène en parfaite santé, et suis, en l'amour de
Notre-Seigneur, Mademoiselle, votre très humble et très
obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
A Richelieu^ ce mercredi matin.
Ecrivez-moi, s'il est besom, par homme exprès à Fré-
neville où je serai deux jours ou par là. S'il y a quelque
réponse qui presse, je la vous enverrai aux Elles de
Sainte-Marie d'Orléans.
Siiscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
6. La supérieure du monastère de la Visitation d'Angers était la
Mère Claire-Madeleine de Pierre, professe du premier monastère de
Paris, où saint Vincent l'avait connue.
7. Les Filles de la Charité conservent dans leurs archives la mi-
nute de ce règlement, écrite en entier de la main du saint.
— 6o5 —
411. — A LOUISE DE MARILLAC
Du 12 [décembre ^] 163g.
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
J'arrivai hier au soir tout tard et vis votre lettre de
Saumur, la première entre plusieurs. O mon Dieu ! que je
suis en peine de vous et de vos Elles ! J'espérais vous
trouver ici à cause de la défluxion que [vous] m'avez
mandé qui vous avait prise. Nous verrons au ciel pour-
quoi la Providence en a disposé de la sorte Cependant
je vous supplie sur toutes choses de vous bien conserver
parmi les grands dangers que vous rencontrerez à An-
gers -.
Voici la réponse à ce que vous demandez. J aime-
rais mieux que vous logeassiez à la ville que dans la
maison ^ et pense qu'il est expédient que vous ne rece-
viez rien de votre voyage. Notre-Seigneur y pourvoira,
s'il lui plait. Il serait bien à souhaiter que les filles fus-
sent seules dans l'hôpital ; il est à craindre que la pré-
sence de cette demoiselle ne soit un sujet d'embarras
L'on ne m'avait point dit cela. Xous aurions stipulé au-
trement si je l'eusse su. Il sera pourtant fâcheux de la
faire sortir en présence. Quel remède ? Votre prudence
en usera selon qu'elle jugera pour le mieux *.
Je suis bien aise que vous ayez emmené la petite
Lettre 411. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Le texte porte « novembre ». Il y a eu certainement distraction,
comme on peut s'en convaincre en comparant cette lettre avec la
lettre 409.
2. La peste y faisait de nombreuses victimes.
3. Peut-être à l'hôpital, où elle devait installer les sœurs.
4. Louise de Marillac chercha pour cette personne une autre situa-
tion hors de l'hôpital, et il est probable qu'elle aboutit. (Cf. Lettres de
Louise de Marillac, lettre 12.)
— 6o6 -
Jeanne •'. Si vous avez besoin de quelque autre ûlle pour
revenir, vous pourrez mander à sœur Barbe qu'elle vous
aille voir à Saumur, à Chmon ou à Tours avec sœur
Louise"'', et qu'elles vous amènent la bonne fille qui s'est
présentée là à moi pour être de la Charité.
J'ai un peu de peine que vous alliez à Richelieu, à
cause de la maladie qui y est. Nos chères sœurs ont cessé
la visite des malades et les écoles. Il mourut, le lundi
que je partis, une petite fille qui avait été à leur école
le samedi auparavant. Que si vous y allez, n'y soyez
qu'un jour, je vous en prie.
Votre lettre a fait des merveilles à l'égard de vos fil-
les ", et sont bien à présent et contentes, pourvu qu'elles
vous voient. Nous y avons laissé un de nos prêtres et
un frère séparés pour assister les pestiférés.
Je trouve fort bon que notre sœur Barbe visite celles
d'Angers et je vous promets, Dieu aidant, de voir celles
de La Chapelle et, si je le puis, les Enfants trouvés
aussi **. Je n'ai encore pu voir M. votre fils ; ce sera au
premier jour et vous pouvez croire que je suivrai vos sen-
timents, pourvu que vous ayez bien soin de votre santé,
que je recommande à Notre-Seigneur de tout mon cœur,
étant en son amour, Mademoiselle, [votre très humble
serviteur.
Vincent Depaul.]
5. Jeanne Lepeintre.
6. La compagne de Barbe à Richelieu.
7. Barbe et Louise. Louise de Marillac leur avait adressé de Paris,
le 26 octobre, une lettre de reproches et de conseils (Lettres de Louise
de Marillac, lettre 11), que Mgr Baunard reproduit en grande par-
tie (o-p. cit., p. 245).
8. Les sœurs des Enfants trouvés.
6o7
412. — A NICOLAS DUROT, PRÊTRE DE LA MISSION.
A TOULOUSE
Décembre 1639.
J'ai reçu votre lettre de Toulouse et ai rendu grâces
à Dieu de vous y avoir conduit. J'arrivai à Richelieu
deux ou trois jours après votre départ et fus bien con-
triste de ne vous y pas trouver. J'y ai fait la visite et
ai vu 1 état des choses et ce qui s'y est passé jusqu'à
maintenant. Je vous supplie, Monsieur, au nom de X.-S.,
de reprendre l'esprit qu'il vous avait donné à Saint-
Lazare. Jamais personne n'y a été à plus grande édifi-
cation. Je prie Dieu qu'il vous fasse la grâce d en don-
ner autant de delà. M. de Sergis vous a désiré à l'exclu-
sion de tout autre ; ce qui vous doit faire connaître l'es-
time et l'affection qu'il a pour vous. Il me mande qu'il
vivra en frère avec vous. Je vous supplie, Monsieur,
d'honorer la direction de Xotre-Seigneur en sa personne,
de l'estimer, de l'affectionner et de lui obéir en cette
qualité. Oh ! que la direction de ceux qui nous aiment
et qui nous estiment est douce et que ce nous est un grand
attrait pour entrer dans tous leurs sentiments ! Si nous
étions bien mortifiés, nous serions indifférents en ce
point ; et selon la règle de la volonté de Dieu, nous de-
vrions préférer les plus exacts aux plus acquiesçant à
nos humeurs ; et comme je vous ai vu fort tendrement
aiïectiormé à l'heureuse pratique de la divine volonté,
j'espère que, quand votre nature ne trouvera pas son
compte dans l'exactitude d'un directeur, la pratique fi-
dèle de la volonté de Dieu vous fera supporter, pour
l'amour de lui, toutes les petites difficultés qui vous
pourront arriver ; car nous n'en maïKquons jamais avec
Lettre 412. — Reg. 2, p. 279.
— 6o8 —
qui et en quelque lieu que nous soyons. Si nous sommes
contraires bien souvent à nous-mêmes, comment n'au-
rions-nous pas de petites aversions, des rencontres et des
aliénations avec un autre ? L'un des actes principaux de
la charité, c'est de supporter notre prochain ; et il faut
tenir pour maxime indubitable que les difficultés que
nous avons avec notre prochain viennent plutôt de nos
humeurs mal mortifiées que d'autre chose.
Je ne vous dis que ceci, Monsieur, quoique j'aurais à
vous dire beaucoup d'autres choses touchant la sainte
dilection, pource qu'elle est un état si parfait que celui
qui a le bonheur de l'avoir est pour vivre comme dans
un petit paradis en ce monde et pour avoir la gloire
éternelle en l'autre, etc.
413. — A UN DIACRE DE LA MISSION, AUX BONS-ENFANTS
15 décembre 163g.
Ne pouvant avoir le bien de vous aller voir, comme
je vous l'avais mandé, je vous prie par ces lignes de ne
point céder à la tentation qui vous détourne de prendre
le saint ordre de prêtrise, pour auquel parvenir vous avez
fait quasi tout ce que vous avez fait depuis que vous
êtes au monde. Disposez-vous-y donc, je vous en prie,
pour le recevoir à cette ordination. Si vous différiez da-
vantage, vous priveriez Dieu de la gloire qu'il en prétend,
les bienheureux de la consolation qu'ils en auraient, les
âmes du purgatoire du soulagement qu'elles en rece-
vraient et toute l'Eglise militante des grâces que vous lui
obtiendrez par vos sacrifices ; et qui pis est, vous ré-
jouiriez le diable d'avoir eu le pouvoir de vous détourner
de faire tous ces biens. De penser que vous en soyez une
Lettre 413. — Reg. 2, p. 280.
— 6o9 —
autre fois plus digne, ô Jésus ! il ne le faut pas espérer.
De ne le faire jamais, Dieu vous garde d'avoir à répon-
dre de cela devant Dieu ; ce serait enfouir le talent qu'il
vous a mis en main, auquel cas les Saintes Ecritures vous
menacent d'un horrible châtiment. De dire que vous
n'êtes pas capable d'un tel ordre et ne le serez jamais,
je l'avoue, mon très cher frère, eu égard à l'infinie sain-
teté de l'œuvre ; mais, eu égard à notre misère, espérez
que Notre-Seigneur sera votre capacité, comme il sera
lui-même le sacrificateur avec vous.
414. — A LOUISE DE MARILLAC
Paris, 17 décembre 1639.
Mademoiselle,
J'ai reçu, hier au soir, la vôtre, du jour de saint Nico-
las S laquelle me porte une fort sensible consolation en
suite de la peine que j'avais du lieu oii vous pouviez être
et de l'état de votre santé. Béni soit Dieu de ce que vous
voilà donc à Angers et logée avec le bon M. l'abbé de
Vaux! Je ne vous répondrai pas par la présente à tout ce
que vous me mandez, parce que je n'ai encore pu voir
vos filles de La Chapelle et que le messager s'en va
partir bientôt.
Je vous ai écrit cette semaine pour répondre à la
vôtre de Saumur et adressé ma lettre à M. l'abbé de
Vaux, auquel je me suis donné l'hormeur d'écrire.
C'est aujourd'hui le samedi des quatre-temps, qui
m'oblige à aller dire une messe à Notre-Dame pour la
Charité. Après dînée ou demain matin, j'irai à La Cha-
Lettre 414. — Pémartin, op. cit., i. I, p. 272, lettre 261. Le ma-
nuscrit Saint-Paul a reproduit des extraits de cette lettre, p. 58.
I. 6 décembre.
39
— 6io —
pelle, parlerai à Madame Turgis ^ et commencerai à don-
ner l'ordre pour les nlles que vous demandez ; mais je
pense qu'il ne faut pas parler à Marie, de Saint-Ger-
main ', ni à celle de Saint-Paul *. Je tâcherai de vous
envoyer les autres au plus tôt et parlerai un peu à Ma-
dame Turgis. Il y a des choses à dire beaucoup pour et
contre. Hélas ! mon Dieu, que ferons-nous pour Nan-
tes, où il est nécessaire que nous en envoyions au plus
tôt °. Je fis hier espérer cela à Madame la duchesse d'Ai-
guillon. Pour Henriette, je ne finis, dit-on, rien de rien.
Pour les articles, je pense que vous avez bien répondu
et qu'il n'est pas besoin d'en faire encore ; nous verrons
dans quelque temps, pendant lequel l'on fera un essai
du bon plaisir de Dieu. Vous ferez bien d'en parler de
la sorte, ce me semble, et même de montrer leur petit
règlement de vie à M. de Vaux et à tel autre qu'il jugera
convenable, et notamment de bien affermir les filles dans
la résolution de le bien garder, de suivre la direction en
la manière qu'elle est touchée dans ledit règlement ; et
vous leur inculquerez, tant à ces Messieurs qu'à elles,
l'importance de ne le pas changer. Madame la duchesse
d'Aiguillon me le disait encore ces jours passés.
Je fus hier samedi à La Chapelle, oii je vis toutes vos
filles. Elles sont fort bien, par la grâce de Dieu. Madame
Turgis en est fort contente. Henriette est encore chez
elle. Son frère est venu dire qu'avant d'aller à Saint-
Germain ^ elle viendrait à La Chapelle. Il n'est pas ex-
pédient qu'elle y aille. Je ferai envoyer quelque autre à
Saint-Germain et la ferai retenir ici pour lui faire con-
naître sa faute.
2. Madame Turgis tenait à La Chapelle la place de Louise de
Marillac.
3. Marie Joly, de Saint-Germain-l'Auxerrois.
4. Marie, de Saint-Paul.
5. Le saint ne put en envoyer qu'en 1646.
6. Saint-Germain-en-Laye.
— Gil —
Je trouve difâculté à vous envoyer Madame Turgis '
et je pense qu'il sera bien de vous envoyer Geneviève *,
qui était auprès de vous lorsque vous étiez ici, ou bien
Marie ^ qui était aux Enfants trouvés. Que si nous vous
envoyons celle-ci, l'on enverra celle-là à Saint-Germain,
ou toute autre. Je tâcherai de les faire partir dans trois
jours.
Monsieur votre fils se porte bien ; je ne l'ai pas encore
entretenu. Je m'en vas envoyer quérir vos filles après dî-
née pour les faire partir après-demain deux à deux, et
leur ai dit que vous ayez soin de votre santé.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras,
au logis de M. l'abbé de Vaux, à Angers.
415. — A LOUISE DE MARILLAG A ANGERS
De Paris, ce dernier du mois et de l'an 1639.
Mademoiselle,
Vous voilà malade par l'ordre de la providence de
Dieu. Son saint nom soit béni ! J'espère de sa bonté
qu'elle se glorifiera encore en cette maladie, comme elle
a fait en toutes les autres ; et c'est ce que je lui fais
demander incessamment, et céans et ailleurs, où je me
trouve. Oh ! que je voudrais que Notre-Seigneur vous
fît voir de quel cœur chacun le fait et la tendresse des
officières de la Charité de l'Hôtel-Dieu pour cela, lors-
7. Louise de Marillac Tavait demandée.
8. Geneviève Caillou. Elle fut du nombre des premières sœurs en-
voyées à Angers. Une lettre de Louise de Marillac fop. cit., lettre 19)
nous apprend qu'elle tomba malade après trois ou quatre mois de
séjour. On la rappela en 1644.
9. Peut-être Marie Matrilomeau, qui fit partie du groupe des pre-
mières sœurs placées à l'hôpital d'Angers.
Lettre 415. — Manuscrit Saint-Paul, p. 58.
— 6l2 —
que je le leur dis avant-hier en une petite assemblée !
Je vous supplie, Mademoiselle, de faire votre possible
pour le recouvrement de votre santé et de ne vous rien
épargner surtout. Si vous avez besoin d'argent, le bon
M. l'abbé de Vaux ne vous en refusera, en attendant que
je vous en envoie, comme je le ferai, si vous me le man-
dez. Et pour votre retour, il faudra que ce soit en litière ;
nous tâcherons de vous en envoyer une, lorsque vous
serez en état de cela.
Monsieur votre fils vint hier céans m'apporter votre
lettre, qui me fut une consolation que vous pouvez pen-
ser, à cause de ce que l'on m'en avait mandé.
Vous avez à présent à Angers Madame Turgis, Bar-
be ^ et Clémence -, comme j'espère ; elle partirent d'ici
l'avant-veille de Noël par le coche d'Orléans ■\
Les choses vont assez bien à La Chapelle, selon votre
ordre. Je salue vos bonnes filles et suis, en l'amour de
Notre-Seigneur...
1. Barbe Toussaint. Elle fut rappelée d'Angers en 1644.
2. Clémence Ferre. Elle quitta l'hôpital d'Angers en même temps
que sa compagne Barbe Toussaint.
3. Les Filles de la Charité trouvèrent l'hôpital dans le dénuement
le ])lus complet. L'une d'elles écrivit un petit mémoire, que nous avons
encore (Arch. des Filles de la Charité) et dont voici quelques
lignes : « Les pauvres y étaient si mal que ceux de la ville ne s'y
faisaient pas porter ; et s'il s'en trouvait quelques-uns qui y fussent
contraints, ils se faisaient apporter des chemises blanches de chez
eux ou de leur amis, car il s'y trouvait alors trente ou quarante ma-
lades, tant hommes que femmes, et pour ce nombre trois douzaines
de chemises en tout... C'était pitié de voir ainsi tant de dérèglement
et de df'îjâts aux dépens du bien des pauvres. »
— 6i3 —
416. — A GUY LASNIER DE VAUX
De Paris^ ce dernier du mois et de l'an 1639.
Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour
jamais !
Je ne puis vous remercier assez affectionnément, ni
humblement, au gré de Mademoiselle Le Gras et au
mien, de la charité la non pareille que vous exercez vers
elle et vers ses ûlles. Je vous en remercie très humble-
ment en la manière que je le puis, Monsieur, et prie
Notre-Seigneur, pour l'amour duquel vous faites tout
cela, qu'il soit lui-même votre remercîment et votre ré-
compense, et vous offre tout ce que je puis en la terre
pour le ciel et toutes les reconnaissances qui me sont
possibles devant Dieu et devant le monde.
La voilà donc tombée malade cette bonne demoiselle.
In nomine Domint ! Il faut adorer la sagesse de la Pro-
vidence divine là dedans. Je ne vous la recommande pas,
Monsieur ; votre lettre me fait voir combien elle vous
tient au cœur, et c'est ce qu'elle m'écrit aussi. Je voudrais
être en lieu pour vous libérer du som que votre bonté en
a et de la peine qu'elle en prend. Notre-Seigneur veut
ajouter le fleuron de ce mérite à la couronne que Notre-
Seigneur va vous façonnant.
Je lui écris un mot. Je vous supplie, Monsieur, de lui
envoyer ma lettre et de me regarder comme une personne
que Notre-Seigneur vous a doimée et qui est, en son
amour et celui de sa sainte Mère, votre très humble et
très obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
Lettre 416. — LeUre publiée dans la Revue de l'Anjou, 1854, t. I,
p. 211, sur l'original, qui était alors à l'Hôtel-Dieu d'Angers.
TABLE DES MATIERES
Lettre de M. François Verdicr à l'auteur vu
Introduction xi
Abréviations et remarques xxxix
I . A M. de Cornet, 24 juillet 1607 i
2. A M. de Cometj 28 février 1608 i3
3. A sa mère, 17 février i6ia 18
4. A Edme Mauljean, 20 juin 1616 20
3. Edme Mauljean à saint Vincent, 20 juin 1616 ... 20
6. A P. E. de Gondi [août ou sept. 1617.] 21
7. Mme de Gondi à s. Vincent sept. 1617.] 21
8. A Mme de Gondi [sept, ou oct. 1617.] 23
9. P. E. de Gondi à s. Vincent, i5 oct. 1617 23
10. A Charles du Fresne [^octobre 1617.J 23
11. A Nicolas de Bailleul, 25 juillet 1625 24
12. A Louise de Marillac, 3o octobre 1626 25
i3. A Isabelle du Fay [octobre ou novembre 1626. j . . 27
14. Louise de Marillac à saint Vincent, 5 juin 1627 . . 28
i5. A Louise de Marillac [octobre 1627] 3o
16. A Louise de Marillac, 8 octobre 1627 3i
17. A Isabelle du Fay [entre 1626 et i635] 32
18. A Louibe de Marillac .entre 1626 et i635] 53
19. Sainte Chantai à saint Vinrent, novembre 1627. . 34
20. Un abbé à saint Vincent, décembre 1627 35
21. Louise de Marillac à saint Vincent, i3 janv. 1628. 36
22. A Louise de Marillac, 17 janvier 1628 3y
23. A Louise de Marillac, 9 février 1628 38
24. A Louise de Marillac [février 1628J 40
25. Brulart de Sillery à s. Vincent [entre 1625 et i63oj. 41
26. Au pape Urbain VIII [juin 1628.] 42
27. A Louise de Marillac 5i
28. Au Pape Urbain VIII, V août 1628 52
29. A Louise de Marillac icntre 1626 et mai 1629^ ... 62
30. A François du Coudray. i5 septembre 1628 .... 64
3i. A Louise de Marillac vers 1629] 68
32. A Louise de Marillac 58
- 6i6 —
33. A Louise de Marillac (vers 1629] 69
34. A Louise de Marillac [vers 1629] 69
35. A Louise de Marillac [vers 1629] 70
36. A Louise de Marillac [vers 1629] 71
37 A Louise de Marillac [vers 1629] 71
38. A Louise de Marillac [avril ou mai 1629] 72
39. A Louise de Marillac, 6 mai 1629 73
40. A Louise de Marillac, 19 février i63o 75
41. A Louise de Marillac [février i63o] jj
42. A Louise de Marillac [i63o.] 78
43. A Louise de Marillac [vers i63o] 79
44. A Louise de Marillac [i63o^ 80
45. A Louise de Marillac [i63o 80
46. A Louise de Marillac [avril i63ol 81
47. A Louise de Marillac, 4 mai [i63o] 82
48. A Louise de Marillac [mai i63o] 84
.49. A Louise de Marillac [vers i63oi 85
5o. A Louise de Marillac [vers i63oj 86
5i. A Antoine Portail, 27 juin i63o 88
52. A une dame, 1"' juillet i63o 89
53. A Louise de Marillac [vers i63oj 90
54. A M. de Saint-Martin, i"' septembre i63o 90
55. A Louise de Marillac [septembre i63oj 91
56. A Louise de Marillac, 22 octobre i63o 93
57. A Louise de Marillac, 29 octobre i63o 94
58. A Louise de Marillac, 7 décembre i63o 95
59. A Louise de Marillac [i63o ou i63i| 99
60. A Louise de Marillac [avant 1634' loi
61. A Louise de Marillac [mars i63i] loi
62. A Louise de Marillac, 3i mars i63i io3
63. A Louise de Marillac, 2 avril i63i io3
64. A Louise de Marillac [avril i63i] 104
65. A Louise de Marillac, 11 avril i63i 106
66. A Louise de Marillac [avril i63i) 107
67. A Louise de Marillac [avril i63i] 108
68. A Isabelle du Fay [entre 1626 et i632j 109
69. A Louise de Marillac [mai i63i] 1 10
70. A Antoine Portail, 21 juin i63i 112
71. A Louise de Marillac [avant i632J n3
72. A François du Coudray, 20 juillet i63i 114
73. A François du Coudray, i63i ii5
74. A Louise de Marillac [i63i] 116
75. A L. de Marillac [entre le 29 août et le 2 sept i63i(. 118
76. Au curé de Bergères, 2 septembre i63i 119
77. A Louise de Marillac, 2 septembre i63i 120
78. A François du Coudray, 4 septembre i63i 121
79. Sainte Chantai à saint Vincent [septembre i63i]. . 121
— 6i7 —
80. A François du Coudray. 12 septembre i63i .... 122
8i . A Louise de Marillac, i3 septembre i63i 122
82. A Isabelle du Fay [i63ij i25
83. A Louise de Marillac, i5 septembre i63i 126
84. A Louise de Marillac 22 ou 23 septembre i63ij. . 128
85. A Louise de Marillac, 12 octobre i63i 129
86. A Louise de Marillac. 17 octobre i63i i3i
87. A M. Colletot i33
88. A Louise de Marillac, 3i octobre i63i i34
89. A Louise de Marillac jiôiij i36
90. A Jean de la Salle, 11 novembre i63i i36
91. A Guillaume de Lestocq [i63ij 07
92. A Louise de Marillac [i63i] 141
93. A Louise de Marillac [avant 1634] 143
94. A François du Coudray. 23 décembre i63i 144
95. A Louise de Marillac 144
96. A Louise de Marillac 145
97. A Louise de Marillac [vers i632] 146
98. A Louise de Marillac [vers i632] 146
99. A Isabelle du Fay [entre 1626 et i635] 147
100. A François du Coudray, 2 mars i632 148
101. A Louise de Marillac 1 5o
102. A X*** [i632J i3i
io3. A Louise de Marillac i52
104. A Louise de Marillac 1 avant i634'i i52
io5. A Louise de Marillac [mai i632] i53
106. A Louise de Marillac [entre i632 et i636^ i54
107. A Louise de Marillac Lmai i632] i55
108. A Louise de Marillac "mai ou juin i632 i56
109. A Louist; de Marillac juin i632 i58
iio. A Louise de Marillac, 7 juillet i632 160
m. A Louise de Marillac, 10 juillet i632 161
112. A François du Coudray, 12 juillet i632 162
ii3. A Louise de Marillac [vers i632l i65
114. A Isabelle du Fay [entre 1626 et i635] i65
ii5. A Louise de Marillac ri632J 166
116 A Louise de Marillac [entre i632 et 1639] 167
117. A Louise de Marillac 168
118. A Isabelle du Fay entre 1626 et i6351 169
119. A Louise de Marillac [avant 1634] 169
120. A Louise de Marillac 170
121. A Louise de Marillac Lentie i632 et i636] 171
122. A Louise de Marillac .vers i632] 172
123. A Louise de Marillac 172
124. A François du Coudray, 19 septembre i632 .... 173
125. A Antoine Portail, 28 novembre i632 174
i2t). A Louise de Marillac ,vers i632j 178
— 6i8 —
27. A N*** [vers i633J 179
28. A Louise de Marillac 181
zq. A un prêtre de la Mission [i5 janvier i633J .... i8i
3o. Sainte Chantai à saint Vincent, 11 février [i633]. . 184
3i. AL. de Marillac [entre janv. i632 et fév. i633] . . i85
32. A Louise de Marillac, 24 février [i633] 187
33. A Michel Alix, 1" mars i632 189
34. A Isabelle du Fay [entre 1626 et i635] 190
35. Mme Goussault à saint Vincent, 16 avril i633 . . . 191
36. A Louise de Marillac [avril i633] 196
5y . A Louise de Marillac, i»' mai [i633) 198
38. A Louise de Marillac [mai i633] 200
39. A Michel Alix, 11 juin i633 201
40. A Louise de Marillac [entre i633 et i636] 201
41. A un ecclésiastique [9 juillet i633] 202
42. A François du Coudray [juillet i633! 2o3
43. A Isabelle du Fay [entre 1626 et i635] 2o5
44. A Louise de Marillac [entre i632 et 1639] 2o5
45. A un prêtre de la Mission, i633 266
46. A Alain de Solminihac, 23 août i633 207
47. A Louise de Marillac [vers le 2 septembre i633]. . 212
48. A Louise de Marillac 214
49. A Louise de Marillac [^entre i632 et i636] 21 5
50. A Michel Alix, 16 septembre i633 216
5i. A Louise de Marillac |août ou sept., vers i633] . . 217
52. A Louise de Marillac [septembre ou octobre i633]. 218
53. A Louise de Marillac [vers i633] 219
54. Au lieutenant de Gannes, 19 décembre i633. . . . 220
55. A Louise de Marillac [entre i632 et i636] 221
56. A François du Coudray, 17 janvier i634 223
57. A Isabelle du Fay [entre 1626 et i635] 225
58. A Jacques Perdu, février 1634 226
59. A Louise de Marillac [entre janvier et mars 1634J . 229
60. A Louise de Marillac [entre janvier et mars 1634] . 23i
61. A Louise de Marillac [i634, vers mars[ 232
62. A Louise de Marillac [entre janvier et mars 1634] . 233
63. A Louise de Marillac [mars ou avril i634] 234
64. A Louise de Marillac [avant 1640] 235
65. A Louise de Marillac [entre i634et i636] 236
66. A Louise de Marillac |i633 ou 1634] 237
67. A Louise de Marillac [vers 1634] 238
68. A Louise de Marillac [1634] 239
69. A Louise de Marillac [1634] 239
70. A Louise de Marillac [1634] 241
71. A Louise de Marillac [1634] 241
72. A Louise de Marillac [1634] 242
73. A Louise de Marillac [1634J 244
— 6i9 —
174. A Louise de Marillac [1634] 245
175. A Louise de Marillac [entre i632 et i636] 247
176. A Louise de Marillac [entre 1634 et i636j 248
177. A François du Coudray, 25 juillet 1634 249
178. Au Pape Urbain VIII [entre juillet et nov. i634j . 255
179. Louise de Marillac à saint Vincent, 4 sept. [1634) • 272
180. A Louise de Marillac [vers 1634] 275
181. A Isabelle du Fay [enire 1626 et i635] 277
182. A Louise de Marillac [entre 1634 et i638 277
i83. A Madame Goussault [i634 ou i635] 279
184. A Louise de Marillac [après i63i] 280
i85. A Louise de Marillac [1634 ou i635] 281
186. A Louise de Marillac [vers 1634] 281
187. A Louise de Marillac, 29 octobre 1634 282
188. A François du Coudray, 6 novembre i63j 283
189. A Jean de Fonteneil, 7 décembre 1634 286
190. A M. Belin. 16 décembre i634 287
191. A Louise de Marillac [avant 1640 289
192. Jean de la Salle et Jean Brunet à s. Vincent. 1634. 289
193. A Louise de Marillac [entre i634 et 1639] . ... 290
194. A Charles-Chrétien de Gournay, 19 janvier i635 290
193 A N*** [vers i635" 291
196. A Guy-Fr. de Montholon [i635, après le 28 mars] . 291
197. A Antoine Portail. 1" mai i635 293
198. A Antoine Lucas, 28 juin i635 299
199. A Louise de Marillac [juin ou juillet i635] .... 299
200. A Louise de Marillac [juin ou juillet i635J .... 3oc
201. A Louise de Marillac [i3 juillet i635| 3o2
202. A Antoine Portail, 10 août i635 3o3
203. A Louise de Marillac [i635j 304
204. A Jean de Fonteneil, 29 août i635 3o6
2o5 . A Louise de Marillac 307
2 6. A Louise de Marillac l^entre i632 et i65oj 3o8
207. A Clément de Bonzi [septembre ou octobre i635i • 3o9
208. A Louise de Marillac avant 1640] 3io
209 A Antoine Portail, 16 octobre i635 3ii
210 A Louise de Marillac [entre i634 et i636j 3 12
211. Sainte Chantai à saint Vincent 3i3
212. A Louise de Marillac 3i4
2i3. A Louise de Marillac 314
214. A Louise de Marillac [16 mars i636J 3i5
2i5. A Louise de Marillac [i636j 3i6
216. A Louise de Marillac [i636] 317
217. A Louise de Marillac [i636] 317
218. A Louise de Marillac [peu avant mai i636j .... 3 18
219. A Louise de Marillac [i636] 320
220. A un prêtre de la Mission [i636J 32i
620
221. A Louise de Marillac [i636] 32i
222. A Louise de Marillac [entre i635 et i638] 323
223. A Louise de Marillac [mai i636J 324
224. AJLouise de Marillac, 27 mai i636 327
225. A Lambert aux Couteaux, i3 juin it>36 332
226. Jean-Jacques Olier à saint Vincent. 24 juin i636. . 332
227. A Louise de Marillac ( i636] 334
228. A Louise de Marillac [i636! 335
229. A Louise de Marillac [entre 1034 et 1639] 336
230. A'Louise de Marillac [entre 1634 et 1639] 338
23i. A Louise de Marillac [août i636j 339
23^. A Antoine Portail, i5 août i636 339
233. A M. de Saint Martin, 16 août i636 341
234. A^Louise de Marillac [août i636] 342
235. A Robert de Sergis, i'^ septembre i636 343
236. A un prêtre de la Mission jentre sept, et nov. i636]. 344
237. Louise de Marillac à saint Vincent [avant 1645] . . 344
238. A Louise de Marillac (avant 1645] 246
239. A Antoine Portail, 20 septembre i636 346
240. A^Mme Goussault, 20 septembre i636 347
241. A^Louise de Marillac [i6361 348
242. A Louise de Marillac [septembre i636j 35o
243. A Robert de Sergis, septembre i636 35 1
344. A Robert de Se. -gis, 29 septembre i636 352
245. AfRobert de Sergis, 19 octobre i636 355
246. A Louise de Marillac 357
247. A Louise de Marillac, 21 octobre i636 357
248. A Louise de Marillac, 2 novembre i636 358
249. A Robert de Sergis, novembre i636 36o
250. A Louise de Marillac 36i
25 1. A Louise de Marillac [i636] 362
252. A.Louise de Marillac [i636] 363
253. A Louise de Marillac [i636] 364
254. Aî_Louise de Marillac, i636 366
255. A|Louise de Marillac [i636] 367
256. Louise de Marillac à saint Vincent [décembre i636]. 368
257. Sainte Chantai à saint Vincent [décembre i636] i . . 369
258. A^Louise de Marillac, 3o décembre i636 371
25g. A Jean de Fonteneil, 8 janvier 1637 372
260. A Louise de Marillac [vers 1637] 375
261. A la sœur Marie-Euphrosine Turpin, 23 févr. 1637. 375
262. A Louise de Marillac, 24 février [1637] 38o
263. A Louise de Marillac [entre i636 et 1639] 38i
264. A Louise de Marillac [entre i636 et 1639J 38i
265. A Louise de Marillac [entre i635 et 1639] 382
266. A Louise de Marillac [entre i636 et 1642] 383
267. A Louise de Marillac, 24 mai 1637 385
% -~ 621 —
268. A Louise de Marillac [vers le 24 mai làij 38;
269. A Antoine Colée. 1637 ^ . 38/
270. A Madame Goussault, 25 août ^1637] 388
271. Lascaris à saint Vincent, 7 septembre 1637 .... 389
272. A Charles de Montchal [septembre 1637 ou i638|. . 390
273. A Louise de Marillac [vers novembre 1637] .... 391
274. A Louise de Marillac [vers novembre 1637] .... 392
275. A Louise de Marillac, i*^ novembre '1637].'. . . . 393
276. A Louise de Marillac [vers novembre 1637] .... 294
277. A Louise de Marillac [vers novembre 1637] .... 395
278. A Louise de Marillac [vers novembre 1637] .... 396
279. A Louise de Marillac [vers novembre 1637] .... 399
280. A Louise de Marillac [vers novembre 1637] . . . 400
281 . L'abbé de Saint-Cyran à s. Vincent, 20 nov. 1637 401
282. A M. Belin, 21 novembre 1637 406
283. A Louise de Marillac [vers novembre 16371 • • • • 407
284. A la Mère de la Trinité, 28 novembre 1637 408
285. A Louise de Marillac [fin de 1637] 410
286. A Louise de Marillac [décembre 1637J 411
287. A Bernard Codoing, 27 décembre 1637 412
288. A Louise de Marillac, i" janvier [i638i 417
289. A Louise de Marillac [janvier i638] 419
290 A Louise de Marillac [janvier i658J 421
291. Louise de Marillac à saint Vincent I17 janvier i638]. 420
292. A la Mère de la Trinité, 22 janvier i638 424
293. A Lambert aux Couteaux, 3o janvier i638 426
294. A Antoine Lucas, 3o janvier i638 401
295. A Louise de Marillac [février i638| 433
296. A Louise de Marillac [i638] 435
297. A Louise de Marillac [i638] 406
298. Louise de Marillac à saint Vincent [i638] 437
299. A Robert de Sergis [vers le 21 février i638] .... 43S
300. Louise de Marillac à saint Vincent [février i638] . 440
3oi . A Louise de Marillac [février i638] 441
302. A Louise de Marillac [février i6381 442
303. A Louise de Marillac [février i638) 443
304. A Louise de Marillac [février i638j 444
305. A Louise de Marillac [18 février i638j 445
306. A Lambert aux Couteaux, 20 février i638 446
307. A Antoine Lucas, 21 février i636 449
308. A la Mère de la Trinité, 25 février i638 45 1
309. A Louise de Marillac [i638. vers février! 454
3io. A Louise de Marillac ii638. vers février] 455
3ii. A Lambert aux Couteaux, 3 mars i638 456
3i2. A Louise de Marillac fmars i638] 458
3i3. A Louise de Marillac (mars i638] 459
314. A Louise de Marillac [mars i638| 460
— 622
3i5. A Louise de Marillac [entre nov. iù3j et mars i638]. 461
3i6. A Lambert aux Couteaux, i5 mars i638 463
317. A Jean Bécu [fév-rier ou mars i638j 465
3i8. A Léonard Boucher, 17 mars i638 466
319. A Louise de Marillac [mars i638] 467
320. A Lambert aux Couteaux, 22 mars i638 468
321. Au duc d'Atri [vers mars i638j 470
322. A Antoine Portail, 28 avril i638 475
323. A Jean Bécu [20 ou 21 mai i638] 475
324. A Louise de Marillac [vers mai i638J 477
325. A Louise de Marillac [24 mai i638] 478
326. A Jean Bécu, 2 juin [i638] 479
327. A Louise de Marillac [1038 ou 1639] 481
328. A Nicolas Marceille [10 juin i638] 482
329. A Jean Bécu, 10 juin i638 484
330. A Jean Dehorgny [juin 1638] 486
33i . A Jean de la Salle, 14 juin i638 487
332. A Denis de Cordes [i638j 490
333. Louise de Marillac à saint V^incent, 2 juillet . . . 491
334. A Jean de Fonteneil, 20 juillet i638 491
335. A Louise de Marillac [i638 ou 1639] 493
336. Louise de Marillac à saint Vincent [i638] . . . . 493
337. A Louise de Marillac [i638] 494
338. A Louise de Marillac [i638 ou 1639] . . 495
339. A Robert de Sergis, 14 août i638 496
340. Louise de Marillac à saint Vincent [vers i638|. . . 498
341. A Noël Brulart de Sillery [entre i634 et 1640] . . 498
342. A Jean Bécu, 29 août i638 499
343. A Bernard Codoing, 29 août i638 5oi
344. A Louise de Marillac, 3o août i638 5oi
345. A Louise de Marillac [septembre i638) 5o2
346. A Madame «joussault [entre i636 et 1639] 5o3
347. A Louise de Marillac [septembre i638] 5o4
348. A Louise de Marillac [septembre i638] 5o6
349. A Louise de Marillac [i63S] 5o6
350. A Louise de Marillac [septembre i638] 507
35i. A Louise de Marillac [i" octobre i638] 5o8
552. A Lambert aux Couteaux, i*"^ octobre i638 509
353. A Louise de Marillac [2 octobre i638] 5ii
354. A Louise de Marillac [octobre i638J 5i3
355. Louise de Marillac à s. Vincent [i638, vers oct.l. . 5i5
356. A Louise de Marillac [avant 1640] 317
357. A Louise de Marillac 5i7
358. A Lambert aux Couteaux, r- novembre i638. . . . 519
359. A Louise de Marillac [entre i636et 1639] 519
360. A Louise de Marillac [entre i633 et 1639] 520
36i . A Louise de Marillac 52i
— 623 —
362. A Madame Gousàault [novembre i638j 322
363. A Bernard Codoing, 12 décembre i638. . . 523
364. A Antoine Lucas, i3 décembre i638 324
365. A Robert de Sergis. 17 décembre i638 827
366. A Pierre du Chesne [8 janvier 1639] 53o
367. A Pierre du Chesne. 28 janvier 1639 532
368. A Robert de Sergis, 3 février 1639 533
369. A Pierre du Chesne [vers février 16391 540
370. A Louise de Marillac 342
371. A Louise de Marillac [1639^ 542
372. A Louise de Marillac [entre i636 et 1639^ ^4^
373. A Louise de Marillac [1639] 544
374. A Adrien Bourdoise, 29 avril 1639 545
375. A L.' de Marillac [entre sept. i638 et sept. 16391. . 346
376. A Louis Lebreton. 10 mai 1639 547
377. A Robert de Sergis, i3 mai i63y 553
378. A Louise de Marillac [entre i635 et 1639I ..... 555
379. A Louise de Marillac [entre i636 et 1639] 557
380. A Louise de Marillac [entre i636 et 1639] .... 558
38i. A Louise de Marillac 559
382. A Louise de Marillac, 4 juillet 1639 56o
383. A saiute Chantai, 14 juillet ib3Q 56i
384. A Léonard Boucher. 20 juillet 1639 567
385. A Louise de Marillac, 28 juillet 1639 568
386. A Louise de Marillac [1639' 569
387. A Louise de Marillac [1639] 570
388. A Louise de Marillac [1639] 572
389. Sainte Chantai à saint Vincent :i639l 373
390. A sainte Chantai, i5 août 1659 574
391. A Louise de Marillac [août ou septembre 1639]. . . 576
392. A la Mère de la Trinité, 28 août 1639 577
393. A Louise de Marillac [1639] 58o
394. A Louise de Marillac [entre i636 et 1648] 58i
395. A Louise de Marillac [entre i636 et 1642I 582
396. A Nicolas Sanguin, i3 septembre 1639 582
397. A Louise de Marillac 583
398. A Louise de Marillac 583
399. A Louise de Marillac 584
400. A Louise de Marillac 584
401. A la Mère de la Trinité, 27 septembre 1639 ... 585
402. A Louise de Marillac 586
403. A Louise de Marillac [9 ou 10 octobre 1639 ■ . . . 587
404. A Louis Lebreton, 12 octobre 1639 589
405 . A un prêtre de la Mission [octobre 1639] 595
406. A Louise de Marillac ri3 octobre 1639^ 597
407. A Benoît Bécu, 28 octobre 1639 398
408. A Louis Lebreton, i5 novembre 1639 599
— 6x4 —
409. A Louise de Marillac. 24 novembre lôSg. ..... 601
410. A Louise de Marillac l3o novembre lôJg] ..... 602
411. A Louise de Marillac, 12 [décembre] 1639 6o5
412. A Nicolas Durot, décembre lôSg 607
4i3. A un diacre de la Mission, i5 décembre 1639 . . . 608
414. A Louise de Marillac, 17 décembre 1639 609
4i5. A Louise de Marillac. 3i décembre 1639 6u
416. A Guy Lasnier de Vaux, 3i décembre 1639 6i3
Imprimerie de J. Dumoulin, à Paris. — 49.10.20.
G. H. NEWLANDS
Bookbinder
Caledon East, Ont.
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